La Nature
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- REVUE DES SCIENCES
- ET DE LEURS APPLICATIONS AUX ARTS ET A L’INDUSTRIE
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- ET DE LEURS APPLICATIONS AUX ARTS ET A L'INDUSTRIE
- JOURNAL HEBDOMADAIRE ILLUSTRÉ
- Paris. Un an. . * -« Six mois
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- ET DE LEURS APPLICATIONS AUX ARTS ET A L’INDUSTRIE
- JOURNAL HEBDOMADAIRE ILLUSTRÉ
- HONORÉ PAR M. LE MINISTRE DE L’lNSTRUCTION PUBLIQUE D’UNE SOUSCRIPTION POUR LES BIBLIOTHÈQUES POPULAIRES ET SCOLAIRES
- RÉDACTEUR EN CHEF
- GASTON TISSANDIER
- SEIZIÈME ANNÉE
- 1888
- PREMIER SEMEST RE
- PARIS
- G. MASSON, ÉDITEUR
- LIBRAIRE DE L’ACADÉMIE DE MÉDECINE
- 120, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 120
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- 168 ANNÉE. — N° 75 7.
- 3 DÉCEMBRE 1 887,
- LA NATURE
- REVUE DES SCIENCES
- k(
- J.
- ET DE LEURS APPLICATIONS AUX ARTS ET A L’INDUSTRIE
- LA SACCHARINE
- L’attention des chimistes a été mise en éveil depuis quelques années par la découverte d’un produit nouveau, dérivé du goudron de houille, et qui, ayant une saveur sucrée, a parfois été présentée comme destinée dans l’avenir à remplacer le sucre de canne ou de betterave, ou tout au moins à prendre une place importante parmi les matières alimentaires. Nous avons déjà dit quelques mots de la saccharine1, mais il nous a été donné récemment de recevoir un échantillon de cette curieuse substance, et d’être à même d’en examiner la nature et les propriétés. L’un des fabricants, M. leDr Henri van Heurck, d’Anvers, nous a envoyé d’ailleurs, à ce sujet, une notice technique détaillée qui va nous permettre de renseigner nos lecteurs d’une façon suffisamment complète, sur cette nouvelle industrie.
- La découverte de la saccharine est due à M. le l)r Constant Fahlberg, actuellement professeur de chimie à l’Université Hopkins, de Baltimore, aux Etats-Unis. Quand M. Fahlberg obtint la saccharine pour la première fois, c’est-à-dire en 1879, il était chimiste à New-York.
- La saccharine, ainsi nommée à cause de sa saveur sucrée, a été d’abord désignée sous le nom à'acule anhydro-orthosulfamino-benzoïque, sa formule est la suivante : C6 IP. CO. SO5. NH. Depuis des recherches nouvelles faites en commun par MM. Fahlberg et Ira Remsen, le nom primitif a été changé contre celui de sulfinide benzoïque.
- La saccharine, telle qu’elle est préparée pour le commerce, se présente sous l’aspect d’une poudre blanche, extrêmement fine, qui adhère aux doigts, et qui est aussi mobile que de la poudre d’amidon ; examinée au microscope, elle laisse voir des cristaux tabulaires apparents au milieu de grains plus volumineux. Dissoute à saturation dans l’eau bouillante, elle abandonne par le refroidissement des cristaux en forme d’aiguilles de faible longueur, qui paraissent appartenir au système monoclinique.
- 1 Voy. n° 699, du 23 octobre 1886, p.354.
- 16e année. — tor semestre.
- La saccharine, qui a une réaction légèrement acide, est peu soluble dans l’eau froide, mais elle se dissout dans l’éther et surtout dans l’alcool. La nouvelle substance entre en fusion à 218° centésimaux; chaul-fée sur une lame de platine, elle dégage d’abord des vapeurs ayant l’odeur prononcée de l’essence d’amandes amères, et s’évapore complètement sans laisser aucun résidu.
- La saccharine a une saveur sucrée qui dépasse en intensité celle du sucre, sans avoir à beaucoup près, il faut en convenir, un goût aussi agréable. D’après l’inventeur, une partie de saccharine donne une intensité de saveur égale à celle que donneraient 280 parties de sucre de canne ou de betterave. Cette appréciation nous paraît difficile à établir d’une façon précise, faute de hase de comparaison certaine. Nous devons déclarer cependant que lorsqu’on goûte directement la saccharine, on lui reconnaît une saveur très sucrée, assurément plus forte et beaucoup plus persistante que ne le donnerait une même quantité de sucre; cette saveur, ajoutons-le, a un arrière-goût particulier, que ne donne pas toutelois, au même degré, la saccharine diluée.
- Ce qui caractérise la saccharine, c’est sa parfaite innocuité par rapport à l’organisme : ce n’est ni un aliment, ni un médicament, c’est une substance neutre qui passe inaltérée dans les voies digestives, et qui est entièrement éliminée par les urines. Nous verrons que cette propriété parait donner au nouveau produit un intérêt particulier au point de vue médical.
- La saccharine peut être obtenue à l’aide de sub-. stances diverses, mais la méthode de production la plus économique et la plus avantageuse sous tous les rapports, consiste à la retirer du goudron de houille par voie de transformations successives.
- Nous emprunterons à M. le Dr Yan Heurck la description qu’il a donnée de cette intéressante préparation industrielle :
- On commence par retirer le toluène (C6H5CII3) du goudron et on le transforme en ses monosulfacides correspondants en le traitant, à une température de 100°, par l’acide sulfurique à 60° B. Le toluol, qui d’abord sur-
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- nageait, se dissout dans l’acide sulfurique en excès et donne naissance aux deux monosulfacides isomères du toluène.
- Le liquide est alors transvasé dans d'autres récipients à moitié remplis d’eau froide où on le neutralise par la craie. La combinaison, soumise à l’action d’un tiltre-presse, est en même temps soumise à des lavages par l’eau chaude pour enlever les derniers vestiges des to-luolsulfonales de chaux qui se sont formés.
- 11 faut maintenant, avec les lessives des opérations précédentes, obtenir un sel alcalin ; c’est à quoi l’on parvient en les traitant par une solution saturée de carbonate de soude. Le sel se produit dans, le liquide à l’état de solution et on l’obtient solide en évaporant le liquide, de préférence dans le vide. Le produit, parvenu à consistance convenable, est coulé dans des moules et, après solidification, pulvérisé et séché dans des séchoirs en fer.
- Lorsque le produit a perdu ses dernières traces d'eau, on le mélange, dans des appareils spéciaux, avec du pentachlorure de phosphore parfaitement sec et obtenu par un procédé spécial. On obtient par ce traitement deux sulfochlorures de toluène dont l’un est solide et l’autre liquide, et l’oxychlorure de phosphore, qui est devenu libre, est chassé par la chaleur.
- Le sulfochlorure de toluol liquide, le seul qui donne la saccharine, est séparé du sulfochlorure solide par le repos et par des appareils à force centrifuge.
- Le sulfochlorure solide n’est pas perdu, il servira plus tard à reproduire du toluol et à faire de l’acide chlorhydrique et de l’acide sulfureux. Au reste, dans toutes les opérations de cette merveilleuse synthèse chimique qui a placé d’emblée Fahlberg au rang des chimistes les plus distingués de notre époque, aucun des produits accessoires ou des produits employés ne se perd. Tous sont récupérés et servent indéfiniment; quelques minimes parties se perdent seulement dans les opérations et doivent naturellement être remplacées.
- Le chlorure liquide formé est maintenant parfaitement lavé, refroidi dans la glace, essoré- et transformé en sulfamide de toluène à l’aide du carbonate d’ammoniaque et de la chaleur. L’acide carbonique se dégage et il reste du chlorure de sodium et du sulfamide de toluol. Le résidu, additionné d’eau, est amené à l’état de bouillie épaisse et passé au filtre-presse; le chlorure de sodium est éliminé par des lavages et il ne reste que de l’amide qui est à peu près insoluble et que l’on sèche par des appareils à force centrifuge.
- 11 reste à transformer par oxydation l’amide en sel de saccharine et ce dernier en saccharine pure.
- La première opération se fait par l’action combinée d’un permanganate alcalin et du peroxyde de plomb. On obtient comme produit le sel de saccharine correspondant au permanganate, un alcali libre ou à l’état de carbonate et un peroxyde de manganèse hydraté très divisé.
- Il ne reste plus maintenant qu’à précipiter la saccharine de sa combinaison saline, ce que l’on obtient au moyen de l’acide chlorhydrique ou de l’acide sulfurique, et à faire cristalliser dans l’eau la saccharine que l’on obtient ainsi parfaitement pure.
- Toutefois cette dernière façon de faire étant trop onéreuse, on suit industriellement un procédé plus économique, mais qui serait trop long à décrire ici et qui consiste essentiellement à oxyder l’amide, non par le permanganate, mais par le peroxyde de plomb et la vapeur d’eau ; il se forme de l’oxyde de plomb et un sel plom-bique de saccharine que l’on décompose par l’acide sul-
- fhydrique qui précipite le plomb à l'élat de sulfure et laisse la saccharine pure dans le liquide. On l’en retire par des opérations ultérieures.
- La saccharine de Fahlberg se fabrique aujourd'hui en grand, à Anvers, mais son prix est encore très tdevé : 125 francs le kilogramme.
- Cette curieuse substance peut être employée avec avantage pour neutraliser un goût amer ou acide dans les aliments, vins, bières, liqueurs, jus de fruits, etc., avec le plus petit volume additionnel possible. La saccharine a déjà été employée en médecine pour cacher l’amertume des alcaloïdes, tels que la quinine ou la morphine. Sa valeur est inappréciable pour les diabétiques auxquels l’usage du sucre est interdit; elle offre à ces malades une substance inoffensive leur permettant de donner la saveur sucrée à tous les aliments dont ils avaient l’obligation de se priver.
- Quoi qu’il en soit de l'avenir qui peut être réservé au sulünide benzoïque, ce produit constitue assurément une très intéressante découverte. C’est à dessein que nous n’emplovons pas le mot de « synthèse » dont s’est servi le U1' van Heurck, car il n’y a pas ici préparation d’un produit naturel, mais obtention d’un nouveau produit chimique. Wœhler a fait jadis la synthèse de l’urée, M. Berthclot a fait plus récemment la synthèse de l’alcool : les corps artificiels obtenus par ces chimistes ont la même composition élémentaire que leurs homologues de la nature. M. Fahlberg, au contraire, a constitué un composé qui, tout en ayant une saveur analogue à celle du sucre, n’en a point la constitution moléculaire. Gaston Tissandier.
- LE TREMBLEMENT DE TERRE
- DU 6 AVRIL 1580, EN FRANCE
- Nous avons souvent signalé des tremblements de terre contemporains. Ayant eu l’occasion d’avoir récemment entre les mains un très curieux opuscule du seizième siècle, qui décrit un grand tremblement de terre, survenu le 6 avril 1580, dans toute une partie de la France, il nous a paru intéressant d’en reproduire la substance. Cet opuscule, intitulé : Discours merveilleux et effroyable du grand tremblement de terre, a été imprimé à Paris pour Jean Coquerel, en 1580. Nous donnons textuellement Je récit de l’événement :
- Je n’ay voulu faillir (ô Lecteur bénévole) à te faire part de certaines lettres que j’ay receues de quelques uns mes amis demourans à Rouen, en datte du vie iour de ce présent mois, esquelles est contenu que le jour susdict, le temps estant clair et serain, sans aucuns vens, foudres, nv tonnerres, sur les quatre à cinq heures du soir, il y eut un tel tremblement de terre en ladite ville de Rouen, que plusieurs des Eglises et hastimens de ladite ville, en ont esté grandement endommagez. De quoy tout le peuple estant grandement esmeu, le clergé sur ce assemblé commanda tout sur l’heure, que par toutes les parroisses de ladicte ville, on eust à faire processions et prières pu-
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- bliqucs jusques à minuict et après mainuict que chacun sc retira en sa maison encor tout tremblant d’effrov d’un si subit tremblement. Le Porteur desdittes lettres passant par la ville de Pontoise, ainsi comme il faisoit le conte à son hostes de ce qui s’estoit passé à Rouen, luv fut dit, que pareil tremblement de terre estoit advenu audit lieu de Pontoise, et au mesme jour : et s’estant transporté en l’Eglise Aostre Rame dudit lieu, et il vit comme toutes les verreries de ladite église estoient toutes rompues et cassées et mesmes quelques pierres estoient tombées des voultes en beaucoup d’endroits. Depuis j’av esté adverti qu’à Beauvais, Poissv, Mantes, Saint-Germain en Lave, Dammartin et Calets, il estoit advenu un pareil tremblement de terre, et mesmes que la mer avoit passé ses bornes accoutumées, et avoit grandement endommagé les murailles de ladite ville de Calais, et faict beaucoup d’autres choses dont je te feray part cy après quand j’au-ray receu un plus ample advertissement.
- Plus loin, l’auteur résume les laits recueillis:
- En ces derniers trembleinens de terre, qui sont adve-nuz le vi. jour de ce présent moys d’Avril, mil cinq cens quatre vingts, ès villes de Rouen, Beauvais, Pontoise, et autres lieux de ce Royaume, sur les quatre heures du soir, ou environ, fut ouy un fort horrible tremblement de terre, et effroyable, qui continua par plusieurs foys depuis quatre heures jusques à sept heures du soir, avec telle véhémence et bruit, que tous les habitans pençoient estre au bout du dernier jugement: tellement que tout ledit lieu là où est aduenu tel tremblement en sont grandement esbranlez, et mesmement l’Eglise Cathédrale nos-tre Dame de Pontoise en a esté grandement démolie...
- On voit que, si dans nos régions les tremblements de terre sont rares, ils peuvent se produire cependant, non sans une certaine intensité.
- LES CADRANS SOLAIRES
- 11 nous a été demandé à plusieurs reprises, par quelques-uns de nos lecteurs, de leur donner des indications sur le moyen pratique de construire un cadran solaire. Le sujet est instruclil : il n’a jamais été publié dans La Nature, nous avons pensé que nos lecteurs accueilleraient avec quelque intérêt une notice sur les cadrans solaires. Nous les envisagerons ici au point de vue de l’histoire, de la théorie et de la pratique.
- Historique. — Le besoin de fixer graphiquement la division du temps a dû sc faire sentir dès le commencement du monde.
- H est certain que les Egyptiens en avaient trouvé le moyen dans le mouvement apparent du ciel. Un n’a cependant trouvé aucun cadran solaire dans les autiquités d’Egypte, mais l’on suppose qu’ils,observaient la longueur de l’ombre des obélisques, répandus dans toute l'Egypte, et qu’ils en concluaient l’heure. Ils se servaient aussi de clepsydres; l’eau s’échappait d’un contenant dans un récipient gradué qui tenait lieu de cadran. On a également la certitude que le cadran solaire était connu en Judée, puisque Isaïe affirme (750 ans av. J.-G.) que Dieu lit, rétrograder le cadran d’Achaz. Pourtant, Diogène
- Laerce attribue l’invention des cadrans solaires à Anaximandre, et Pline en lait honneur à Anaximène de Milet (600 ans av. J.-C.) Hérodote dit que les Grecs reçurent cette invention des Babyloniens et Plutarque assure que les Egyptiens mesuraient la hauteur du pôle avec une tablette en forme de tuile, faisant angle aigu avec le plan du niveau, d’où l’on doit conclure que l’invention du cadran équinoxial leur appartient, parce qu’il est une suite naturelle de la connaissance de l’obliquité de l’écliptique.
- Les Romains ne connurent le cadran solaire qu’à l’époque de Cicéron, de César et de Caton. Valérius Messala en avait apporté un de Catane; on le plaça à la tribune aux harangues ; mais il ne pouvait être exact, ayant été construit pour une latitude moindre de 4°,50' de celle de Rome. Les Romains se servaient aussi du gnomon; mais ce style, pas plus que les obélisques, ne pouvait être exact, à cause de la pénombre. De plus, il ne pouvait indiquer l’heure approximativement qu’à midi, moment où l’ombre, étant la plus courte, reste un moment immobile; c’est pourquoi des esclaves étaient préposés pour avertir du moment fixé.
- On attribue à Eratosthène l’invention d’une portion de sphère ou hémisphère creux nommé sca-phé (?) armé d’un style droit au milieu, qui atteignait le centre. Le plan mené par le soleil et le style que l’on tenait vertical, coupait cette concavité suivant un demi-cercle qui, recevant la projection de l’ombre, y marquait la hauteur du soleil. A cette description, et d’après ce qui vient d’être dit sur la mesure de la longueur de l’ombre comme aiguille de cadran solaire, on voit que cette espèce de cadran ne pouvait pas être de grande utilité, et que la propriété de tous ces gnomons se trouve dans le simple procédé que l’on emploie aujourd’hui pour trouver le méridien d’un lieu quelconque, comme nous l’indiquerons par la suite.
- Mal» >ré les efforts de tant d’hommes de génie, dont l’histoire a conservé le nom, pour trouver le moyen de fixer la connaissance du temps, le cadran solaire n’a été inventé que le jour où l’ombre du gnomon a pu se coucher sur la surface ou la paroi portant les heures. Un des plus anciens appareils que l’on eonnaissc en ce genre nous vient de la Phénicie; il est en forme d’ellipsoïde creux, avec un style horizontal, et il a été reconstitué par le savant directeur actuel du Conservatoire des arts et métiers de Paris, où l’on peut le voir.
- Depuis Yitruve (un siècle av. J.-C.), et surtout depuis le seizième siècle de notre ère, l’art de tracer les cadrans solaires s’est enrichi de toutes les données de la géométrie et des mathématiques.
- Aujourd’hui, cette branche de la science, la gno-monique, est établie, en théorie, sur des principes infaillibles. L’on ne s’expliquerait pas le délaissement de cet objet, précieux pour le réglage des horloges, si l’on ne savait que jusqu’ici le plus sérieux obstacle à son emploi a été la difficulté de trouver un système de maniement simple, qui en ren-
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- dit l’usage commode et compréhensible pour tous.
- On a construit dans tous les temps des cadrans solaires plus ou moins ornés. Nous donnons ci-des-sous l’aspect d’un curieux cadran solaire du dix-septième siècle (fig. 1). Nous représentons à côté un cadran solaire de poche fort bien conçu parM. Rim-
- Fig. 1. — Ancien cadran solaire du dix-septième siècle.
- baud (fig. 2). Il suffit d’orienter ce petit appareil avec la boussole dont il est muni pour avoir l’heure par l’ombre du style qui peut, après lecture, être abaissé dans son cadran.
- Les cadrans solaires ci-dessous ne peuvent être consultés utilement qu’à la latitude pour laquelle ils
- Fig. 2. — Petit cadran solaire de poche.
- sion, tirez les rayons Ca,Cb,Cc,Cd, etc., et reportez les distances Ea,Efr,Ec, etc., vers G en EaGE^GEc', etc. Du point À, tirez les lignes ka,kb,kc, etc., ka'kb'kc', etc., qui seront les lignes d’heures, et enfermez toute la figure dans un cercle ou dans un carré. (N.-R. — La ligne de 0 heures est la perpendiculaire élevée en À sur AB; les heures avant 0 heures du matin et après 6 heures du soir sont données par le prolongement au delà de À des lignes de Y1' et de
- JJ °
- VU11). Pour mettre ce ea-dran en place, on le posera sur une surface horizontale, en l’orientant de telle sorte que le point A soit tourné vers le midi. Quant au style, il est donné par le relèvement dans le plan vertical AB du triangle EAS, dont on prolongera l’arête supérieure en AR à la longueur que l’on voudra.
- Si l’on veut avoir les demi-heures, les quarts d’heure, etc., il faudra diviser chacun des arcs de E en F en deux ou quatre parties, ce qui donnera de nouveaux points sur Eli.
- — A suivre. —
- ont été faits, et, comme 1 heure se lit en sens inverse selon que l'on est sur l’un ou l’autre hémisphère, on conçoit que pour connaître exactement l’heure vraie, à l’aide de ces instruments, il faudrait en posséder 180. Il n’en est pas de même du cadran équinoxial, et surtout de l’horloge solaire universelle récemment inventée par M. Rimbaud, et dont nous entretiendrons prochainement nos lecteurs.
- Nous donnerons aussi la tîiéorie du cadran solaire type, YEquinoxicd, dont tous les autres ne sont que des projections sur d’autres surfaces. En attendant, nous faisons connaître ici la méthode pour tracer les cadrans simples muraux et portatifs.
- Méthode pour tracer un cadran horizontal.—
- Tirez la ligne AB (lîg. 5), ce sera la ligne de midi du cadran. En A, faites l’angle BAR = la latitude du lieu, et tirez AR indéfini. D’un point quelconque S pris sur AR, faites SE perpendiculaire à AR, et en E faites GEH perpendiculaire à AB. Prenez sur AR EC = ES, et du point G comme centre décrivez le quart de cercle EF, que vous diviserez en arcs de 15° en partant du point E. Par les points de divi-
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- TRANSPORT DES TORPILLEURS
- I* A R VOIE F E R P, É E
- 11 est de la plus haute importance pour la marine de guerre de pouvoir transporter rapidement d’un point à un autre des navires de combat. De Toulon
- à Cherbourg la route est longue par mer surtout pour de petits navires tels que les torpilleurs qui supportent diflicilcment le gros temps et risqueraient de trouver fermés en temps de guerre les ports dans lesquels ils espéraient se réfugier ou se ravitailler.
- Pour abréger la route, il était naturel que l’on
- Fig. 1. •— Transport d’un torpilleur par voie l'erréc. (D'après une photographie.)
- songeât d’abord à se servir des canaux. L’essai a été lait il y a deux ans et n’a pas donné des résultats complètement satisfaisants. Un avait à démonter des pièces si importantes au torpilleur qu’à son arrivée
- au port de destination le navire devait passer au chantier pour être remis en état. Le grand diamètre à donner à l’hélice des torpilleurs nécessite de loger l’arbre dans la quille même, et, pour protéger cette
- Fig. 2. — Coupe du lruck ayant servi au transport du torpilleur.
- hélice et soutenir le gouvernail, on doit terminer l’étambot par une crosse qui dépasse de beaucoup la quille. Pour que le torpilleur pùt circuler sur les canaux, il fallait couper cette crosse qui remontée ne pouvait être aussi solide que lorsqu’elle formait une seule pièce avec l’étambot. De plus le passage du bateau interrompait en partie le service du canal ; sur certains canaux les écluses n’avaient pas la lon-
- gueur nécessaires; en un mot les complications étaient telles, qu’on a dù momentanément renoncer à employer les canaux.
- On était donc réduit à chercher d’autres moyens de transport. On pensa à la voie ferrée.
- La question fut étudiée par un membre du corps j des ponts et chaussées, sur les propositions et pro-! jets duquel le ministre de la marine décida de faire
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- l’essai et décréta la construction du matériel qui nécessitait l’expérience.
- Le problème de la construction des trucks fort ingénieusement combiné et préparé par l’auteur du projet, avait été mis au point par les ingénieurs de la Compagnie du Creusot ; l’essai réussit complètement.
- Le navire posé comme les grandes pièces de bois sur deux lisoirs placés sur deux trucks se trouvait en porte-à-faux de 15 mètres à l’avant et de 10 mètres à l’arrière. On pouvait craindre la déformation des tôles de 5 millimètres de la coque à la naissance de ces grands porte-k-faux; il n’en fut rien : ces endroits ne portaient aucune trace du transport. Après un parcours de 1565 kilomètres entre Toulon et Cherbourg, le bateau est arrivé à destination en parfait état. L’expérience a prouvé : 1° que des navires plus grands que celui qui servait à faire cette épreuve pouvaient être transportés sans inconvénient par voie ferrée; 2° qu’un torpilleur prêt à prendre la mer à Toulon pouvait partir moins de vingt-quatre heures après par chemin de fer, arriver à Cherbourg en quatre jours et trois nuits et prendre son service vingt-quatre heures ajjrès son arrivée.
- Ce fut le torpilleur 71 qui servit à l’expérience. 11 pesait alors trente-huit tonnes, sans ses provisions d’eau et de charbon, sans son personnel ni les bagages de l’équipage. Sa longueur est de 55 mètres, sa largeur au maître bau de 5m,52 hors tôles, sa hauteur entre le dessous de la quille et le sommet du pont de 2m,65. Les parties qui faisaient saillie avaient été démontées et mises dans les fourgons.
- Le navire fut sorti de l’eau à l’aide d’une grue hydraulique de 160 tonnes et posé sur deux trucks spéciaux munis de supports mobiles tournant autour d’un pivot. Ces trucks ou boggies sont des véhicules à trois essieux distants de 2 mètres, à châssis extérieurs; l’essieu extrême est muni de boîtes Ricour, pour pouvoir s’infléchir dans le sens du rayon et faciliter le passage dans les courbes de 120 mètres de rayon. Le châssis est composé de deux longerons en fer réunis à leurs extrémités par les caissons d’attelage, par des croix de Saint-André et au milieu par le croisillon de la cheville ouvrière.
- Le lisoir est composé d’un châssis en tôlerie relié au châssis du truck par la cheville ouvrière, et repose sur quatre patins sphériques qui s’appuient sur les glissières. Les patins possèdent une course suffisante pour permettre la rotation du lisoir autour de la cheville dans la limite exigée par les courbes du plus petit rayon.
- Les deux trucks sont placés côte à côte séparés par une courte flèche; l’écartement des pivots ne dépasse pas 8 mètres. Le navire ayant une grande longueur et sa quille devant rester parallèle à la corde réunissant les centres des deux trucks, le point du bateau correspondant au milieu de la corde s’écarte nécessairement de l’axe de la voie; il est donc essentiel de réduire cet écart et de rapprocher les trucks pour faciliter le passage des ponts et des souterrains.
- La hauteur des bateaux transportables par voie
- ferrée est limitée par le manque de hauteur des ponts par-dessus. Pour abaisser le plus possible les supports du navire, les deux longerons des trucks sont infléchis entre les roues de façon à présenter des points bas sur lesquels s’appuient les lisoirs.
- La crosse qui prolonge l’étambot et fait saillie sous la quille de 0 m, 95 nécessite la construction d’un wagon spécial, sorte de cadre évidé laissant à la crosse la liberté des mouvements imprimés par le transport et le passage des courbes. Le vide ménagé entre les brancards possède les dimensions nécessaires pour que l’étambot d’un torpilleur de 40 mètres conserve un jeu longitudinal de 0m, 60, déduction faite de la course des tampons et crochets, et puisse se déplacer latéralement à l’axe de la courbe de 120 mètres. Une flèche d’attelage maintient ce wagon à 5n‘, 80 de tampon à tampon du dernier truck.
- Le torpilleur occupait dans le milieu du train un peu plus que l’espace de cinq wagons ordinaires. En avant des trucks spéciaux se trouvaient deux wagons sans bords de la série M 'de la Cie P.-L.-M. Venait ensuite un wagon de première dans le coupé duquel se trouvaient, face au navire, un ingénieur des ponts et chaussées et M. Baëhme, commandant du torpilleur, qui observaient et notaient tout ce qui pouvait survenir d’imprévu pendant le trajet. Devant et derrière le bateau, des wagons et fourgons transportaient l’équipage et les accessoires démontés. Le train marchait, avec une vitesse de 25 kilomètres à l’heure, vitesse que a été poussée comme essai dans certaines parties droites à 40 kilomètres. Des croisements de train ont été faits sans la moindre difficulté en pleine voie entre Toulon, Marseille, Moulins et Le Mans.
- L’ensemble des fournitures faites par le Creusot qui s’était chargé de l’exécution du matériel, s’est élevé au prix de 52 000 francs, soit 15 000 francs pour chaque wagon à lisoir à pivot, 6000 francs pour le wagon spécial. Les compagnies de chemin de fer demandent Ofr. 25 par tonne pour le transport du torpilleur ; le poids étant de 40 tonnes c’est, donc 10 francs par kilomètre, soit 15 650 francs pour le transport de Toulon à Cherbourg. Ce prix élevé est motivé par la nécessité d’un train spécial et le transport d’une masse indivisible considérable ; mais si la dépense paraît grande pour un cas isolé, elle serait beaucoup réduite dans le cas où il s’agirait de transporter dix ou quinze torpilleurs. Rien n’empêcherait de mettre deux et même trois torpilleurs à la suite dans un même train sans que la longueur du convoi dépassât la longueur réglementaire; deux trains pourraient également se suivre à un intervalle de dix minutes.
- Les chemins de fer, qui ont tout intérêt, à rechercher ce nouveau trafic et à profiter des avantages et même de l’économie que la marine y trouverait elle-même, peut faire le transportées torpilleurs qui accompagneraient un premier en vei au tarif des marchandises et même arriver à un prix inférieur.
- En admettant donc (pie la dépense pour les lor-
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- pilleurs suivants soit cotée au prix le plus élevé du tarif général, soit 0 fr. 08, en mettant trois torpilleurs dans le même train, le premier à 0 fr. 25, les les deux autres à 0 fr. 08, chaque transport reviendrait en moyenne par navire à 7402 francs. Les compagnies auront même tout intérêt à baisser ce prix pour que la marine trouve un avantage dans le transport par terre sur le transport par mer et leur en accorde le trafic.
- De même le prix du matériel qui comprend dans la somme de 52 000 francs tous les plans et travaux d’études serait fortement abaissé pour une commande semblable et plus considérable.
- Si l’on voulait prévoir le cas d’une guerre avec l’Angleterre, par exemple, et qu’il fût nécessaire de transporter à la fois dix torpilleurs de Toulon à Cherbourg, la dépense du matériel ne s’élèverait pas à 500 000 francs, et le transport par chemin de fer de toute cette flottille ne dépasserait pas 80000 francs. Ces frais sont loin d’être exagérés, surtout si l’on considère que les frais du matériel ne doivent pas se répartir sur ce seul voyage, et que les avantages à en tirer sont des plus appréciables.
- Il serait à souhaiter que les compagnies, sur la demande du Ministère, établissent les itinéraires les plus favorables aux transports et déterminassent les dimensions maximum des navires qui les suivraient. L’expérienec a pleinement réussi, grâce à l’habileté et a la sage prévoyance des ingénieurs qui en avaient fait l’étude; il n'v a pas de doute que la marine ne cherche à profiter du moyen de transport nouveau qui lui est oflert. U. Binder.
- du niveau de la mer, la Chaux-de-Fonds à 1000 mètres et le point culminant de la conduite à 1120 mètres; il s’agit donc de refouler, en tenant compte de la perte de charge, 5000 litres d’eau à la minute à 500 mètres de hauteur pour que, de ce point, l’eau puisse s’écouler par une pente de 2 pour 100 jusqu’au réservoir situé à 80 mètres au-dessus de la ville. La situation des sources se prêtait très bien à ce pompage, car par la dérivation d’un tiers environ des eaux de l’Areuse à l’étiage amenées par un tunnel A —B on obtint une chute de 55 mètres B — C, d’un volume de 1500 litres à la seconde suffisante pour élever les 5000 litres nécessaires à l’alimentation de la ville. Ce pompage à 500 mètres de hauteur était la partie épineuse de l’affaire, la partie quf^ekm beaucoup de personnes, n’était absolument pas praticable.
- C’est la maison Escher, Wvss et Cie, de Zurich, bien connue par ses nombreux et grands travaux de pompes, turbines et machines à vapeur, qui fut chargée de cette importante partie de l’œuvre. Elle s’en est acquittée avec toute l’habileté désirable et a parfaitement réussi en installant dans le batiment c trois turbines à arbre horizontal, dont chacune actionne directement deux pompes parallèles. Chaque turbine, avec son jeu de pompes, élève
- ülaChaux de Fonds
- Élévation des eaux de ta Chaux-de-Fonds. Coupe de l’installation générale.
- L’ALIMENTATION D’EAU
- DE LA CHAUX-DE-FONDS (SUISSE)
- La ville de la Chaux-de-Fonds, connue au loin par l’importance de sa fabrication d’horlogerie, compte environ 25 000 habitants qui, jusqu’à présent, n’avaient pour toute eau potable que celle de pluie recueillie dans des citernes en ciment et l’eau de puits peu profonds. Dans beaucoup de ces réservoirs des infiltrations rendaient l’eau infecte et malsaine, dans les temps de sécheresse l’eau devenait rare ; aussi les autorités municipales s’occupent-elles, depuis bien des années, à fournir à notre importante localité une eau potable en quantité suffisante.
- Le problème était difficile à résoudre en raison de l’altitude élevée de notre ville (1000 mètres au-dessus du niveau de la mer), et du manque absolu de sources de quelque importance dans les terrains avoisinants et dans les montagnes jurassiques de la contrée dont le niveau est supérieur à celui de la ville.
- L’éminent, ingénieur, M. Guillaume Ritter, à Neuchâtel, offrit à notre municipalité le projet audacieux d’amener depuis les gorges de l’Areuse l’eau de nombreuses sources d’un débit remarquablement régulier. Après une étude approfondie des projets et devis Ritter, on se mit à l’œuvre et aujourd'hui, après dix-huit mois de travaux, ce grand travail est terminé : 5000 litres d’eau de source fraîche et pure, arrivent par minute dans notre réservoir.
- Les sources en question découvertes par M. Ritter {s,s,s, sur le croquis ci-joint) sont à 650 mètres au-dessus
- 1000 litres d’eau par minute. Elles fonctionnent sans aucun choc, sans avoir l’air de souffrir du travail de géant qu’elles accomplissent.
- Nous ne croyons pas qu’il existe au monde entier une seule installation aussi puissante, élevant avec un seul jeu de pompes et sans station intermédiaire 1000 litres d’eau par minute à 500 mètres de hauteur; c’est à ce titre que j’ai pensé intéressant de publier cette notice.
- La conduite ascensionnelle D — E d’un diamètre intérieur de 250 millimètres est en tôle de fer galvanisé* corroyée, soudée par recouvrement avec joints à brides vissées sur le tuyau. Elle a une pente moyenne de 59 pour 100 et est placée en partie dans des tunnels, en partie dans des tranchées. A la cote 1120 mètres (E sur le croquis) l’eau se déverse dans une conduite en ciment de 17 kilomètres de longueur aboutissant au réservoir K de la Chaux-de-Fonds. En deux endroits E—F et II — I on a dû percer des tunnels, un de 680 mètres, l’autre de 1100 mètres de longueur; on dut aussi avoir recours en trois endroits à l’emploi de siphons G. Notre réservoir étant placé à 80 mètres environ au-dessus de la ville, nous obtenons ainsi une pression largement suffisante pour faire marcher des moteurs et pour pouvoir utiliser les hvdrantes dans les quartiers les plus élevés de la ville. Ces travaux ont été admirablement exécutés et font le plus grand honneur à M. Ritter qui en a conçu les plans et à M. Mathvs, notre directeur des travaux publics qui en a dirigé l’exécution. Emile Courvoisier.
- La Chaux-de-Fonds, le 22 novembre 1887.
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- LA NATURE.
- LE MÉCANISME DU VOL DES OISEAUX
- ÉCL.URK PAR LA PlIOTOCHROiXOGRArilIR
- Dans un précédent article1, j’ai montré qu’on pouvait saisir par la photographie les attitudes suc-
- cessives des ailes d’un oiseau à différents instants de son vol ; qu’on obtenait en même temps les positions de l’oiseau dans l’espace à des intervalles de temps égaux entre eux et parfaitement connus, et j’émettais alors l'espérance de résoudre par cette méthode le problème si obscur du mécanisme du vol.
- Fig-, 1. — Goéland. Vol transversal. 10 images par seconde.
- Depuis lors, la méthode s’est perfectionnée et le nombre des espèces d’oiseaux sur lesquelles ont porté mes études s’est multiplié.
- De la comparaison des différentes espèces que j’ai eues a ma disposition, il résulte que, sauf certaines différences de détails, tous les oiseaux exécu-
- Fig. 2. — Petit héron. Vol transversal. 10 images par seconde.
- tent des mouvements de même nature : chez tous, en haut de sa course, elle se déploie brusquement, l’aile se replie au moment de sa remontée; arrivée puis s’abaisse en se portant en avant et mise rappro-
- Fig. 3. — Pigeon. Vol transversal. 10 images par seconde. (Fac-similé des photographies instantanées de l’auteur.)
- chant du corps; à la lin de cet abaissement, les articulations des ailes se replient de nouveau et la montée recommence.
- Les figures 1, 2, T>, 4 et 5 représentent le vol du goéland, du héron, du pigeon et du pélican.
- 1 Année 1885, 2° semestre, p. 55.
- Ces figures révèlent de curieuses attitudes que l’œil n’a pas le temps de saisir et avec lesquelles nous ne sommes point familiarisées par les représentations artistiques des oiseaux. Suivant une juste remarque de M. Muybridge, les peintres européens représentent, à peu près toujours, les oiseaux au vol avec les ailes levées; les Chinois et les Japonais, au
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- LÀ NATURE.
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- contraire, les représentent indifféremment dans l'élévation ou dans l’abaissement des ailes. Le n’est pas à dire pour cela que les artistes de l’extrême Orient
- aient fidèlement reproduit les différentes attitudes des oiseaux : la comparaison de leurs images avec celles «pie donne la photographie instantanée montre
- Fig. 4. — Héron aigrette. Vol transversal. 10 images par seconde.
- Fig. 5. — Pélican. Vol transversa descendant. 10 images par seconde.
- Fig. 6. — Goéland vu d’en haut. 10 images par seconde. (Fac-similé des photographies instantanées de l’auteur.)
- bien que, pas plus en Chine que chez nous, l’œil j Vues sous un seul aspect, les images d un oiseau humain ne peut surprendre des actes qui ne durent ! qui vole ne renseignent pas encore suffisamment qu’un très court instant. | sur la nature des mouvements des ailes; il faut
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- LA NATURE.
- photographier l’oiseau sous plusieurs aspects différents pour bien comprendre ce mécanisme. Nous avons disposé plusieurs appareils à cet effet. L’un, placé a 12 mètres de hauteur, donnait des images de l’oiseau vu d’en haut (fig. 6) d’autres orientés différemment le montraient de côté, ou bien volant dans la direct ion de l’objectif photographique (fig. 7). Ces images prises sous différentes incidences se complètent l’une par l’autre. Ainsi, les oiseaux vus d’en haut montrent une singulière torsion du plan de l’aile dont on ne soupçonnerait pas l'existence d’après les images prises latéralement. Cette torsion se produit à la fin de l’abaissement de l’aile, au moment où les articulations commencent à se plier pour préparer la remontée. 11 en résulte un aspect hélicoïdal de l’aile rappelant la forme que M. Petti-grew considère comme la cause essentielle de la propulsion de l’oiseau. Mais il faut observer que cette forme ne se produit qu’à la fin de l’acte d’abaissement, au point mort de l’action de l’aile, comme on dit en mécanique, et dans un moment où celle-ci, devenue passive, va être remontée par la résistance de l'air. Ces images montrent encore un fait assez imprévu, c’est que les actes du yoI ne sont point symétriques. On avait déjà supposé avec raison que l’oiseau qui veut infléchir latéralement la direction de son vol exécute des mouvements plus étendus du côté qui doit progresser le plus vite; c’est-à-dire qu’il donne plus d’amplitude aux mouvements de l’aile droite s’il veut tourner à gauche et ré«iproque-ment. 11 est à peine nécessaire de dire que la photo-ohronographie condamne entièrement l’hypothèse dans laquelle on supposait qu’une des ailes de l’oiseau pouvait battre plus fréquemment que l’autre; les mouvements des deux ailes sont parfaitement synchrones, sinon égaux en étendue. On voit enfin sur ces images, que le corps de l’oiseau s’incline et se tord de diverses manières, de façon à porter son centre de gravité d’un côté ou de l’autre, suivant les besoins de l’équilibre. L’oiseau dont les attitudes sont représentées (fig. 6) semblait sollicité à porter le poids de son corps à gauche, par suite de la moindre surface de son aile droite où manquent quelques pennes.
- Quant aux images prises de face et un peu obliqueraient comme dans la figure 7, elles renferment aussi d’utiles renseignements. Elles font voir que l’extrémité de l’aile, partie réellement active de l’organe, puisqu’elle frappe l’air avec plus de vitesse, présente, au moment de l’abaissement, des changements de plan que n’offrent pas les rémiges secondaires qui s’étendent du carpe à l’épaule. Il se fait, entre les pennes des différents ordres, une sorte de séparation qui montre que l’articulation du carpe est le siège d’un léger mouvement, de torsion favorable à l’inclinaison du plan des rémiges carpiennes. Sur ecS images on voit encore très bien la courbure et la convergence des ailes à la fin de leur abaissement, l’encoche que présente à ce moment le bord antérieur de l’aile, par l’effet d’un commencement de llexion
- du coude. On conçoit que pour suivre dans tous leurs détails les changements d’attitudes des ailes, il ait fallu multiplier beaucoup les expériences, de manière à obtenir, pendant un seul coup d’aile, dix ou douze attitudes successives de l’oiseau vu sous chacun de ses différents aspects.
- Ces images une fois obtenues, j’étais en possession de tous les éléments nécessaires pour comprendre complètement les mouvements des ailes suivant les trois dimensions de l’espace. Mais, pour les représenter, des ligures en relief devenaient nécessaires; les circonstances me servirent, à souhait.
- A Naples, où je me trouvais alors, l’industrie de la fonte du bronze à cire perdue s’est conservé»' depuis la plus haute antiquité. Je modelai en cire une série de figures représentant les attitudes successives dans une même révolution de l’aile, dix images pour le goéland, onze pour le pigeon; ces maquettes livrées à un habile fondeur furent reproduites en bronze avec une fidélité parfaite.
- La figure 8 représente, disposées en série et suivant leur ordre de succession, à des intervalles de 1/88 de seconde l’une de l’autre, les phases du coup d’aile d’un pigeon.
- Pour les besoins de la photographie on a peint en blanc ces figures de bronze, afin d’v rendre plus sensibles les effets d’ombre et de lumière. Grâce à la multiplicité des attitudes représentées dans cette série, on y suit facilement toutes les phases du mouvement des ailes; on voit comment elles se replient, s’élèvent, se déploient et s’abaissent.
- Pour mieux faire comprendre comment s’enchaînent entre eux les mouvements de l’aile de l’oiseau dont la photochronographie a donné l’analyse, j’ai recouru à l’emploi du zootrope qui les recompose et rend à la vue l’impression que donne un oiseau qui vole.
- Le zootrope représenté ci-après (fig. 9) offre celte particularité, qu’il est formé par des figures en relief. C’est un grand avantage au point de vue de l’impression qu’il donne; en effet, ces figurines d’oiseau, disposées en cercle dans l’appareil, se présentent à l’observateur sous des aspects variés. A l’origine du mouvement, les oiseaux sont vus de dos; puis, dans leur trajet circulaire, ils présentent leur flanc, passent en plein travers, et reviennent enfin sur l’observateur. En outre, les mouvements de l’aile qui, dans la nature, sont extrêmement rapides et par conséquent insaisissables, sont ici beaucoup ralentis, de sorte qu’on en peut suivre aisément les phases et se rendre compte en un instant de ce (pie l’observation la plus attentive du vol des oiseaux ne permettrait pas de saisir. La figure 9 montre la disposition du zootrope ; elle ne peut malheureusement pas donner une idée de l’effet produit par l’appareil en mouvement.
- Mais, dira-t-on, cette méthode cinématique traduit, les mouvements de l’oiseau sans indiquer la force (fui les produit. 11 serait pourtant bien utile de connaître cette force, mieux encore de mesurer
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- le travail mécanique dépensé par l’oiseau pour se soutenir et se transporter dans les airs.
- Voyons ce que nos images photographiques nous révèlent à cet éeard.
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- Quand on connaît la masse d’un corps et la vitesse dont il est animé, on connaît, par cela même, la force qui a mis ce corps en mouvement et le travail dépensé par cette force. Soit un projectile d’un poids connu, nous le lançons devant l’appareil photochro-nographique et nous prenons une série d'images de ce projectile à des intervalles de 1/100 de seconde. La figure 10 montre la trajectoire suivie, et l’écartement qui sépare les images les unes des autres fait connaître l’espace parcouru par le projectile dans chacun des centièmes de seconde qu’a duré son mouvement. De dix en dix, une image plus brillante a été produite par une fenêtre du disque plus large que les autres ; ces repères sont utiles pour faciliter la numération des images. Une échelle métrique fixe, photographiée en même temps que l’objet en mouvement, sert à mesurer les espaces parcourus à chaque instant. Voila donc un problème de balistique dont la solution peut être facile-ment obtenue par les méthodes usuelles de calcul.
- Les images successives de l’oiseau qui vole se prêtent a la même analyse dynamique. La balance, en nous indiquant le poids de l’oiseau, nous en fera connaître la masse. Et pour que la photochronogra-pliie nous donne avec perfection la trajectoire de cette masse, il suffira de multiplier beaucoup les images recueillies; on en prendra cent par seconde au besoin. Mais alors ces images se confondront partiellement entre elles, car l’oiseau, en un centième de seconde, ne parcourt pas un espace égal à la longueur de son corps; il en résultera que la seconde image se superposera en partie à la première, la troisième à la seconde, et ainsi de suite. A peine, dans cette confusion, pourra-t-on distinguer le moment où l’aile s’abaisse de celui où elle s’élève. Qu’importe : nous fixerons sur la tête de l’oiseau un petit point métallique très brillant et l’image de ce point, nettement visible dans la série des figures, révélera la trajectoire de l’oiseau avec sa vitesse et avec les accélérations et les ralentissements que produisent les mouvements des ailes. On peut alors abor-
- der le problème dynamique du vol. On constate d’abord que l’oiseau n’oscille pas sensiblement dans le sens vertical, d’où l’on doit conclure que la résistance de l’air sous ses ailes est précisément égale à son poids. D’autre part, on observe que la translation de l'animal présente des alternatives d’accélérations et de ralentissements exprimant que la force impulsive ou la résistance de l’air prédomine tour à tour. De la valeur de ces accéléi'ations de signes contraires se déduisent la valeur de la composante horizontale du mouvement de l’oiseau et celle de la résistance de l’air.
- Les calculs basés sur ces expériences ont donné, les valeurs suivantes pour les forces qui agissent
- pendant le vol du goéland.
- Composante verticale........... 0\625
- Composante horizontale....... 0k,898
- Total........... 1k,52l
- Ces forces se développent pendant le coup d’abaissement des ailes ; quant à la remontée, elle est passive et due à la pression de l’air sous la face inférieure des ailes qui agissent alors pour soutenir l’oiseau à la façon d’un cerf-volant.
- Comme la résistance de l’air sous les ailes agit en un point assez éloigné de l’articulation de l’épaule, et comme les muscles [pectoraux, abais-seurs des ailes, agissent très près de l’articulation, c’est-à-dire sur un bras de levier plus défavorable, il en résulte que l’effort des muscles est bien plus grand que la résistance de l’air qu’ils surmontent. Pour les pectoraux du goéland l’effort développé serait de 19 kilogrammes.
- On s’est demandé souvent si les muscles des oiseaux n’avaient pas une force spécifique plus grande que ceux des autres animaux, c’est-à-dire si deux faisceaux musculaires de même grosseur appartenant, l’un à un oiseau, l’autre à un mammifère, auraient des forces différentes. Sur le goéland qui a servi à mes expériences, une section transversale des muscles pectoraux, pratiquée perpendiculairement à la direction de leurs fibres, avait environ 11 centimètres carrés de surface, soit environ lk,600 par centimètre carré. D’autres oiseaux m’ont donné autrefois des valeurs à peu près semblables pour leur force spécifique ; ainsi la buse développait
- Fig. 7. — Goéland volant obliquement dans la direction de l'appareil photo-chronographique. (Fac-similé d’une photographie instantanée de Fauteur.)
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- 1200 grammes par centimètre carré de section musculaire, le pigeon 1400 grammes.
- Les adeptes de l’aviation espèrent qu’on réalisera quelque jour une machine capable de transporter l’homme dans les airs, mais beaucoup d’enlre eux sont troublés par un doute : ils se demandent si la force de l’oiseau n’excède pas celle des moteurs connus. Les expériences ci-dessus peuvent déjà les rassurer, car si nous comparons la force musculaire des oiseaux à celle de la vapeur, nous voyons qu’un muscle serait assimilable à une machine à très basse pression. En effet, la vapeur qui développerait lk,600 par centimètre carré n’aurait guère plus d’une atmosphère et demie de pression.
- Mais la véritable comparaison à établir entre les moteurs animés et les machines, consiste à mesurer le travail que chacun de ces moteurs peut fournir, à poids égal, dans l’unité de temps.
- La mesure du travail d’un moteur s’obtient en multipliant l’effort développé, par le chemin que parcourt le point d’application de cet effort. Les photochronogra-phies expriment, à chaque instant, les espaces parcourus par la masse de l’oiseau, et le déplacement du centre de pression de scs ailes, donnant ainsi le facteur chemin dans la mesure du travail. On trouve, d’après cela, que pour les cinq coups d’aile que le goéland donne à chaque seconde, au moment où il s’envole, le travail effectué serait de 5k«m,668. Ce chiffre est
- très élevé: il correspond à celui (pie ferait une machine en élevant son propre poids à plus de 5 mètres de hauteur par seconde.
- Mais ce n’est là qu’un maximum que l’oiseau ne produit qu’au moment de l’essor, lorsqu’il n’a pas
- encore de vitesse. En effet, à mesure que s’accélère la translation de l’oiseau, l’air présente sous ses ailes un point d’appui plus résistant. J’ai démontré autrefois expérimentalement ce fait déjà annoncé par les frères Planaver-gne, de Marseille, et dont la théorie est la suivante.
- Quand l’oiseau n’a pas encore de translation, l’air qui est frappé par ses ailes présente, au premier instant, une résistance due à son inertie, puis entre en mouvement et fuit au-dessous de l’aile sans lui fournir d’appui. Lorsque l’oiseau est en pleine vitesse,
- au contraire, son aile s’appuie à chaque instant sur de nouvelles colonnes d’air dont chacune lui offre la résistance initiale due à son inertie.La somme de ces résistances présente à l’aile un point d’appui beaucoup plus ferme. On pourrait comparer l’oiseau qui s’envoie à un marcheur qui fait de grands efforts pour cheminer sur un sable mouvant et qui, à mesure qu’il avance, rencontre un sol de plus en plus ferme, de sorte qu’il progresse plus vite et avec moins de fatigue. L’accroissement de la résistance de l'air diminue la dépense de travail ; les coups d’aile de l’oiseau deviennent, en effet, moins fréquents et moins étendus. En air calme, un goéland qui a pris sa vitesse, dé-
- Fig. 8. — Figurines de bronze représentant 11 attitudes successives de l’aile d’un pigeon à des instants successifs d’un coup d’aile.
- Fig. 9. — Zootrope dans lequel sont disposées 10 images en reliei d’un goéland dans les attitudes successives du vol.
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- pense à peine le cinquième du travail qu’il devait fournir au début de son vol. L’oiseau qui vole contre le vent se trouve dans des conditions plus favorables encore, puisque des masses d’air qui se renouvellent continuellement apportent sous ses ailes leur résistance d’inertie. C’est donc l’essor qui constitue la phase la plus laborieuse dans le vol. On a remarqué depuis longtemps/que les oiseaux emploient toutes
- sortes d’artifices pour acquérir une vitesse préalable avant de battre des ailes; les uns courent sur le sol avant de s’élancer dans l’air, ou sautent brusquement dans la direction qu’ils veulent suivre en volant; d’autres se laissent tomber d’un lieu élevé les ailes étendues et glissent sur l’air avec une vitesse accélérée avant de battre des ailes; tous s’orientent le bec au vent au moment de l’essor.
- Fig. 10. Trajectoire d’une boule blanche lancée devant un écran noir. L’intervalle entre deux images successives se mesure d’après l’échelle métrique. Le temps employé à parcourir cet intervalle est de 1/100 de seconde. Une flèche indique le sens du mouvement.
- Mes expériences n'ont pu, jusqu’à présent, s’appliquer qu’au vol de dépari ; il faut, pour étudier le plein vol, des conditions difficiles à réaliser. Avec une gracieuseté dont je le remercie, M. Eiffel m’a offert, sur la tour gigantesque qu’il érige, un poste
- d’observation qui ne laissera rien à désirer. De cette énorme hauteur, des oiseaux photographiés pendant un long parcours donneront des images photochro-nographiques beaucoup plus instructives que celles que j’ai pu obtenir jusqu’ici.
- Fig. 11. — Ventres et nœuds formés par une tige vibraute dont l’une des extrémités est iixée. (Fac-similé des photographies instantanées de l’auteur.)
- Sans entrer dans les détails arides des expériences et des calculs effectués1, j’ai voulu montrer que les mouvements de l’oiseau, s’ils échappent à la vue, peuvent être fidèlement traduits par une nouvelle méthode qui s’applique aux problèmes les plus variés de la cinématique et de la mécanique.
- La photochronographie, en effet, donne expéri-
- 1 Voy. les Comptes rendus de L'Académie des sciences, 1886-1887.
- mentalement la solution de problèmes souvent très difficiles à résoudre par le calcul. Qu’on imagine un certain nombre de forces agissant en sens divers sur une masse connue ; la façon compliquée dont ces forces se composent entre elles rend parfois de longs calculs nécessaires pour déterminer les positions que le mobile occupera à des instants successifs; tandis que si le corps lui-même, soumis à ces différentes forces, peut être placé devant l’appareil photochro-
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- LA NATURE.
- nographique, la trajectoire qu’il suivra se traduira d’elle-même sur la plaque sensible.
- Des physiciens distingués discutaient dernièrement sur la forme que doit présenter l’extrémité libre d’une tige vibrante dans laquelle on produit des ventres et des nœuds; la plupart d’entre eux supposaient qu’entre le dernier nœud et son extrémité libre la verge présente une forme courbe. L’expérience a montré qu’il n’en est pas ainsi et que les derniers éléments de la verge vibrante sont parfaitement rectilignes (fig. 11).
- Que de problèmes dont la solution a coûté autre-lois des efforts de génie, pourraient se résoudre par une expérience fort simple! Galilée, de nos jours, n’aurait plus besoin de ralentir la chute des corps pour en observer le mouvement. Il laisserait tomber une boule brillante au devant d’un champ obscur et en recueillerait photographiquement les images successives. Sur la plaque sensible se liraient, le plus simplement du monde, les lois des espaces, des vitesses et des accélérations qu’il a eu la gloire de découvrir.
- Pour revenir à notre sujet, les lois de la résistance de l’air aux mobiles de différentes formes qui s’y meuvent devront être cherchées par la photo-chronographie. Déjà d’intéressants résultats sont acquis; nous avons pu déterminer la trajectoire et les vitesses de petits appareils planeurs qui se meuvent librement dans l’air et que l’œil n’a pas le temps de suivre dans leurs mouvements rapides. Ces études reprises et méthodiquement suivies conduiront sûrement à comprendre le mécanisme encore obscur du vol plané.
- E.-J. Marev, de l’Institut.
- CHRONIQUE
- L’inventeur «lu télégraphe électrique. — C’est un fait bien connu que Galilée connaissait l’importance de l’emploi de deux aimants pour la transmission de la pensée à distance, sans voir cependant comment cela pourrait être réalisé en pratique. Il y a de cela deux cent cinquante ans. On vient de démontrer qu’un Allemand a mis l’idée en pratique du temps de Galilée. Il existe, en effet, un vieux bouquin datant de 1622, dans lequel il est fait allusion à cette expérience. Voici le titre exact de ce livre :
- « L’incredulite et mescreance du sortilège plainement convaincue Par P. de l’Ancre, conseiller du Itov en son conseil d’Estat a Paris. Chez Nicolas Byon, rue Sainct-Jac-ques, a l’enseigne Sainct-Claude et de l’Homme Sauvage mdcxxii. »
- Le passage qui fait mention de cette expérience est ainsi traduit : « Nous pouvons vous dire un grand et admirable secret qu’un certain Allemand a montré au roi Henri, qui, par son habileté et son audace, est capable de parler à ceux qui sont loin de lui, grâce à la vertu de l’aimant. Il frotte d’abord deux aimants ensemble, et les fixe séparément sur deux cadrans sur lesquels sont gravées les vingt-quatre lettres de l’alphabet. Si l’une des personnes veut parler avec l’autre, elle fait tourner l’ai-
- guille de son cadran et l’arrête sur les différentes lettres des mots qu’elle veut exprimer; l’aiguille de l’autre cadran placé à distance exécute les mêmes mouvements. Lorsque le roi a connu ce secret merveilleux, il lui a défendu de le révéler, et s’est effrayé que par ce moyen, il puisse s’établir des communications entre les armées de ses ennemis et les places assiégées. ». Le roi auquel cet extrait fait allusion ne peut être que Henri IV, ce qui fixe l’invention antérieurement à l’année 1610, année dans laquelle Henri IV fut assassiné. L’inventeur doit, pour actionner son télégraphe, avoir fait usage de fils dont il n’est pas fait mention dans l’extrait ci-dessus. Il semble étrange que Galilée et l’Allemand anonyme aient été empêchés, le premier par l’Inquisition, le second par un monarque puissant, de pousser plus loin leur invention, et que l’application de cette invention se soit ainsi trouvée retardée de plus de deux siècles, jusqu’en 1837, époque à laquelle Cooke et Wheatstone construisirent le premier télégraphe électrique pratique.
- Combustion spontanée de particules d’acier. — Un curieux phénomène a été récemment constaté par M. William F. Kellett, fabricant à Chicago. — Depuis quelque temps, on s’était servi d’une éponge pour mouiller une meule en émeri; cette éponge, qui était en contact avec la meule, recevait l’eau par capillarité d’un réservoir supérieur. Un ressort l’appuyait contre la meule. Celle-ci servait à meuler des plaques d’acier très dur, de manière que l’éponge avait fini par se remplir de grains d’acier détachés de la meule. Au bout d’un certain temps, on mit l’éponge de côté* en laissant le ressort en contact avec elle, ainsi qu’un linge de coton, ün la laissa sécher complètement sur deux morceaux de bois de sapin. Huit ou dix jours après on s’aperçut que l’éponge était incandescente et avait mis le feu au bois sur lequel elle reposait. Ce cas de combustion spontanée d’un objet qui n’était pas saturé de graisse ou d’huile a été expliqué de la manière suivante par M. Kellett : Les particules d’acier qui remplissaient l’éponge étaient d’une extrême finesse et s’étaient oxydées rapidement au contact de l’éponge humide. Elles présentaient en outre une grande surface relativement au volume. Dans ces conditions, la réaction chimique qui se traduit par l’oxydation a pu développer assez de chaleur pour déterminer l’incandescence.
- Extraction de l’étain des résidus de fer-blanc.
- — La question de recueillir l’étain des nombreux débris de fer-blanc qu’on jette, a préoccupé toujours un certain nombre d’industriels. La séparation de l’étain du fer d’une manière simple et économique a fourni matière à des brevets multiples, surtout en Allemagne : ce sont ceux de Kuenzal, Wimrner, Kopp et celui des fabriques associées de Manheim. Il faut ajouter à cette série les procédés de Molin et Dolé, de Sély, etc., qui tous se ressemblent. Le procédé des fabriques associées de Manheim repose sur l’attaque des résidus de fer-blane, à 400°, en vase clos, par le gaz acide chlorhydrique. On recueille le chlorure d’étain qui distille dans un condenseur. Nous ferons remarquer que le procédé Sély ne diffère du précédent qu’en ce qu’on agit par ,1e gaz chlore au lieu du gaz acide chlorhydrique; que le procédé Molin et Dolé n’en diffère également que parce qu’au lieu de pousser à la distillation du chlorure d’étain, on recueille le chlorure formé dans l’eau par simple lavage; le chlorure d’étain étant combiné avec du chlorure de fer, ce qui est évité dans le procédé de Manheim, il y a une séparation nécessaire à faire de ce métal.
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- LA NATURE.
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- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 28 novembre 1887. — Présidence de M. Janssf.x.
- L'air contre la phtisie. — Il y a déjà longtemps que M. Brown-Séquard a signalé l’influence funeste de l’air conliné sur le développement de la phtisie pulmonaire. Une nombreuse série de cochons d’Inde ayant reçu sous la peau une inoculation de liquide tuberculeux, fut divisée en deux lots : l’un conservé dans une salle ordinairement fermée, l’autre exposé sous un hangar largement ouvert. Aucun de ces derniers ne devint phtisique, et tous les autres succombèrent à la maladie. Ce résultat frappant confirme les statistiques d’après lesquelles la phtisie cause incomparablement plus de décès dans les agglomérations populeuses que dans la campagne. 11 est d’accord aussi avec des faits cliniques dont M. Brown-Séquard rapporte quelques-uns. Il s’agit d’abord d’un Irlandais qui, ayant constaté de grandes cavernes à la partie supérieure de ses deux poumons, se résolut à coucher à la belle étoile, enveloppé d’ailleurs de flanelle et de caoutchouc : non seulement le mal s’arrêta, mais les lésions se cicatrisèrent. Un autre fait a été observé en Californie où un tuberculeux fut guéri sous l’influence du grand air, alors que des abcès s’étaient ouverts dans les cavernes pulmonaires. Un troisième cas touche l’auteur de plus près : un de ses parents considéré comme perdu par Andral, se guérit radicalement par l’exercice continu de la chasse; il mourut vingt-sept ou vingt-huit ans plus tard d’une tout autre maladie. C’est comme conséquence et application de ces faits que M. Brown-Séquard présente un appareil qu’il a construit en collaboration avec M. d’Arsonval, et qui a pour but de renouveler constamment l’air au-dessus d’une personne saine ou malade étendue sur un lit. C’est une sorte de hotte en rapport avec un tuyau dans lequel un foyer détermine un tirage. M. Brown-Séquard assure avoir passé la nuit sous l’appareil sans aucune gène. 11 le recommande aux personnes saines comme aux malades, rappelant que l’air respiré renferme en abondance des substances toxiques qu’il importe évidemment de ne pas faire rentrer dans les poumons. « Les architectes’ nous tuent, dit-il en terminant, et, phtisiques ou non, nous sommes empoisonnés par l’air stagnant de nos demeures. ))
- Feuilles de sigillaires et feuilles de lépidodendrons. — Mon savant et infatigable collègue, M. B. Renault, signale aujourd’hui les gisements silicitiés de Üracy-Saint-Loup et d’Autun comme permettant d’étudier plus complètement la structure des feuilles de Sigillaires. Ces feuilles sont longues pour la plupart, rigides, sub-triangulaires en coupe transversale, munies d’une gouttière profonde en dessus, d’une arête saillante en dessous. De chaque côté de cette arête inférieure deux sillons creusés dans le parenchyme de la feuille la parcourent dans toute sa longueur; c’est dans ces deux rainures que sont localisés les stomates. La région médiane est traversée par un faisceau vasculaire unique, formé en dessus d’une lame mince bipolaire de bois cryptogamique disposé en forme d’arc, et en dessous d’une assise de bois phanérogamique composé de lames rayonnantes centrifuges; un liber distinct accompagne les deux bois. Les feuilles de Lépido-dendron plus ou moins développées, rigides, présentent en coupe transversale une arête saillante en dessus et en dessous, l’arête inférieure est également accompagnée souvent de deux sillons stomatifères. La région médiane est parcourue par un faisceau vasculaire unique formé
- d’une seule lame de bois bipolaire, le bois plnméroga-inique manque. La structure du bois des feuilles est ainsi parfaitement d’accord avec celle du bois des racines et des tiges, particulière à chacune de ces deux familles.
- Les météorites et l'analyse spectrale. — La dernière livraison des Comptes rendus renferme une note de M. Norman Lockyer qui m’a paru nécessiter quelques remarques présentées en mon nom par M. le secrétaire perpétuel. Malgré sa très haute et très légitime autorité, le savant anglais ne fera, en effet, jamais admettre à un lithologiste ayant étudié de près les roches cosmiques que « les météorites proviennent de la condensation des va peurs produites par des collisions », et que « les particules s’accroissent au moyen de la fusion aussi produites par les Collisions, et continuent à s’accroître jusqu’à ce que les météorites soient assez grandes pour s’écraser par collision quand la chaleur du choc ne suffît pas à produire la volatilisation de toute la masse. » Il n’y a certes pas un mot de ce passage qui s’applique à l’histoire des météorites telles que les échantillons nous les ont fait connaître. Par exemple, la célèbre météorite de Pallas ne peut aucunement résulter de réactions par voie de fusion et sa nature suppose nécessairement l’existence antérieure d’un ensemble volumineux et compliqué dont elle faisait partie. Elle comprend, avec une structure très régulière, des minéraux si inégalement fusibles que l’application de la chaleur la désorganise aussi sûrement qu’elle désorganiserait un animal ou un végétal. D’un autre côté, outre que l’anatomie, si l’on peut dire, de cette météorite, prise ici comme type d’un groupe nombreux, y fait reconnaître jusque dans les détails les plus intimes les particularités de constitution caractéristiques de nos plans concrétion-nés, l’expérience permet de la reproduire par le dispositif même qui s’applique à l’imitation synthétique des gîtes métallifères terrestres. C’est un cas où, comme dans tant d’autres, on se trouve amené par l’éloquence même des faits à la notion de la géologie des météorites.
- Géologie lorraine. — Par l’intermédiaire de M. Hébert, M. G. Bleicher, professeur à l’Ecole de pharmacie et à la Faculté de Nancy, signale l’extension du terrain carbonifère dans la région nord des Vosges. C’est précisément à Raon-sur-Plaine, au point même où un récent attentat a eu tant de retentissement, que les couches dont il s’agit affleurent au jour. En même temps, M. Bleicher adresse pour la bibliothèque de l’Académie un volume intitulé Guide du géologue en Lorraine, et qu’il a bien voulu me faire parvenir directement. Dans une première partie, la constitution du sol des trois départements de Meurthe-et-Moselle, des Vosges et de la Meuse, est exposée de la manière la plus lucide et la plus complète. La seconde partie sera peut-être plus goûtée encore : elle comprend une série de plans d’excursions d’une demi-journée à trois jours, dirigées avec une science profonde dans la belle région qui est décrite.
- A propos des moyennes. — Ayant à sa disposition un grand nombre d’observations du même phénomène, et connaissant l’erreur de chacune d’elles, M. J. Bertrand les groupe au hasard deux par deux. Dans chacun de ces groupes, il choisit l’observation la moins exacte, et il démontre que la moyenne des observations ainsi tirées est à la moyenne générale, comme ^2 est à 1.
- Varia. — En appliquant la méthode de Sénarmont, M. Bourgeois a fait cristalliser la célestine et l’anglésite. — Un fruit brésilien porté par un arbre de la famille des solanées et ressemblant à une grosse poire, a fourni à
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- LA NATURE.
- M. Domingo Freire un alcaloïde nouveau. — Les bronzes d’aluminium occupent M. Faurie. — Une discussion assez animée s’élève entre M. Faye et M. Mascart au sujet des llèclies de vent dans les cyclones. Stanislas Meunier.
- LA SCIENCE PRATIQUE
- APPAREIL FCMIVORE-VENTILATEUR
- On sait qu’une îles propriétés, malheureusement trop commune, de beaucoup de nos cheminées d’appartements est de mal tirer et par suite de fumer. L’inconvénient se présente surtout dans les étages supérieurs où le tuyau de fumée a peu de hauteur. U suffit alors généralement d’un fort rayon de soleil tombant d’aplomb sur l’orifice de sortie, d’un vent soufflant par bourrasques ou d’une pluie violente, pour que le tuyau s’encapuchonne. La fumée rellue souvent à l’intérieur et rend inhabitable le local où l’on se tient et que l’on a la prétention de chauffer. Or, la seule ressource est, dans ce cas, d’ouvrir en grand portes et fenêtres pour créer un courant d’air artificiel rétablissant pour un temps une aspiration convenable. On avouera que ce remède simple et primitif est assez peu recommandable ; il est d’ailleurs la source d’une foule d’inconvénients pires que le mal, dont nous avons tous eu à souffrir.
- Beaucoup de moyens, il faut bien le dire, ont été proposés pour parera ces ennuis. Contre la pluie et le soleil on a les chapeaux fixes; contre le défaut de hauteur des tuyaux ou un manque de tirage quelconque, les aspirateurs à hélice, plus ou moins compliqués; contre les bourrasques, les chapeaux à girouettes mobiles s’orientant suivant le vent. Aucun de ces appareils n’est à lui seul entièrement suffisant, bien qu’ils aient chacun des qualités propres qu’il serait imprudent de méconnaître. C’est ce qu’a fort bien compris M. Becker en imaginant l’appareil que nous allons décrire.
- Cet appareil se compose d’un chapeau mobile à girouette ordinaire, muni sur ,sa face postérieure d’un ajutage conique rentrant, par lequel le vent pénètre sous forme de jet à l’intérieur du chapeau.
- Il en résulte une aspiration dans le tuyau de cheminée, aspiration activant le tirage, et d’autant plus énergique que la vitesse du vent est plus grande. Le tirage est dans tous les cas augmenté au moment même où cela pourrait être nécessaire si quelques tourbillons accidentels tendaient à faire refluer la fumée dans les appartements comme cela peut encore arriver quelquefois avec un chapeau mobile ordinaire.
- Le mode d’action, bien facile à saisir, est exactement analogue à celui d’un Gilfard, dans lequel les liquides seraient remplacés par des gaz en mouvement. Nous ajouterons que le principe de l’aspiration produite ainsi par le vent est appliqué dans un certain nombre d’appareils météorologiques enregistreurs , notamment dans le remarquable anémomètre Bourdon. Il donne toute satisfaction , ce qui nous fait croire que son application est ici parfaitement justifiable et doit donner de bons résultats : ce que vérifient d’ailleurs les essais pratiques en cours depuis quelques mois.
- Il n’y a rien de particulier à signaler dans la construction proprement dite que la figure fait suffisamment comprendre. Le chapeau mobile tourne en pointe sur un pivot vertical, contre lequel il est guidé par trois points d’appui. Les frottements sont ainsi réduits au minimum , ce qui est une bonne condition de fonctionnement.
- Nous ferons tout spécialement remarquer, en terminant celte notice, que l’appareil est très applicable sans modifications à la ventilation des fosses d’aisance ou autres locaux fermés d’où s’échappent des gaz de nature infecte ou dangereuse. 11 n’est susceptible, il est vrai, que de fournir une ventilation intermittente « suivant que souffle le vent », mais cela vaut toujours mieux que de ne pas ventiler du tout.
- Il y a là, nous semble-t-il, un progrès bon à signaler pour l’hygiène de nos habitations, car cet appareil constitue un ventilateur très simple, entièrement automatique et en réalité très économique.
- M. A. C., ingénieur.
- Le propriétaire-gérant : G. Tissàndier.
- Fumivore-venlilateur de II. Becker. Application du principe de l’injecteur Giffard au tirage des cheminées.
- Imprimerie A. Lahure, 9, rue de Fleurus, à Paris.
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- .N» 758. — 1 0 DÉCEMBRE 188 7
- LA NATURE.
- LES PÉTROLES DE GiLICIE
- Il a souvent été question dans La Nature, comme dans un grand nombre d’autres publications scientifiques ou industi'ielles, de l’exploitation des gisements de pétrole de la l'ensylvanie en Amérique, ou des voisinages de la mer Caspienne en Russie. Les gisements de la Galicie en Autriche ne sont pas. à beaucoup près aussi connus,»aussi est-ce avec empressement que nous accueillons les très intéressants documents que nous communique à ce sujet M. Stein-niann, un des ingénieurs chargés de l’exploitation d’un des plus importants gisements à Zagorzany.
- Les Carpathes forment, à partir de la haute Silésie, vers la Yalachie, une immense courbe dont le versant nord-est présente une suite continue de terrains pétrolifères. Ce versant limite la Galicie autrichienne. Le gisement général des huiles minérales qui existent dans ces localités, est formé d’une multitude de petits gisements, tous parallèles à la chaîne des Carpathes. Cet ensemble peut avoir une longueur de 500 kilomètres sur 50 de largeur. De tous les temps, on a connu en Galicie une espèce de matière bitumineuse que les paysans exploitaient; ils s’en servaient pour graisser leurs chariots. Ce n’est que vers 1850 que l’on a commencé à exploiter en Galicie une matière nommée Ropa (qui est l’huile
- Vue générale de l’exploitation des pétroles de Galicie à Wielzrno, en Autriche. (D’après une photographie.)
- brute) dont on laisait de l’asphalte et une huile lampante. Il paraît que la première lampe à pétrole (du monde entier) a brûlé à Cracovie, l’ancienne capitale de la Pologne. C’est a Lemberg qu’un pharmacien a le premier fait valoir la Ropa. Ayant perçu quelque bruit des échos d’Amérique, il a eu beaucoup de peine au début de son entreprise, mais ses efforts furent à la longue couronnés de succès.
- L’exploitation ne s’est faite au commencement, que d’une manière fort incomplète, et à de petites profondeurs. Dans la plupart des cas, on trouvait l’huile dans l’éocène et le miocène des terrains tertiaires. Le premier système de forage, qui est encore employé aujourd’hui (entre autres chez M. Sta-t6° année. — 1er semestre
- viarski à Lipinki, à Woytowa, etc.), se lait de la manière suivante :
- Un puits carré est creusé; on lui donne lm,50 à 2 mètres de côté. On opère le travail à la pioche. Le suintement de pétrole commence quelquefois de suite. Arrivé à une certaine profondeur, on pose un cuve-lage carré en bois. Un ventilateur, tourné à bras, envoie à l’ouvrier qui travaille au fond l’air nécessaire, et produit une ventilation suffisante. On continue le travail et, s’il le faut, on pose un second et troisième cuvelage. Rien des fois on est forcé d’employer la poudre pour s’ouvrir un passage dans les roches trop dures. Ce travail est excessivement dangereux, par suite de la présence des gaz hydrocar-1 bures. Avec cette méthode, on atteint parfois jusqu’à
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- LA NATURE.
- 100 mètres. S’il y a de l’huile eu quantité suffisante, on pompe, soit au treuil, avec un seau, soit avec une pompe foulante. La plupart du temps, on continue le travail au trépan, avec l'instrument à chute libre de Fabian, jusqu’au grès pétrolifère. Tout ce travail se lait à la main; il est donc excessivement lent. On a mis quelquefois cinq ans à forer un puits.
- Le pétrole se trouve dans la Galicie occidentale et orientale dans le grès pétrolifère; ce grès jaunâtre, poreux, est renqdi d’huile brute. Il est doux au toucher, et est très vite reconnu parles sondeurs.
- On trouve ce grès pétrolifère à différentes profondeurs, de 100 à 550 mètres. Les couches les plus profondes contiennent toujours les meilleures huiles, c’est-à-dire renfermant le plus d’huile lampante. On présume qu’il y a trois couches superposées à des intervalles de 50 à 100 mètres. Ces puits ne jaillissent pas et sont appelés puits pompants. La présence d’huile, à prévoir, au point de vue géologique, est très difficile, sinon impossible à réaliser. Les terrains sont trop bouleversés.
- Les terrains tic la Galicie centrale sont surtout à
- poches. Dans ces terrains on a la chance de rencontrer des puits jaillissants, et cela par suite des gaz accumulés; c’est à ces derniers qu’appartient Wielzrno, dont nous publions la photographie. Dans les terrains à puits pompants, nous avons Kryg, Libusza, Polanka, Sloboda, Ringurska, etc., etc.
- Dans les terrains à puits jaillissants, tels que ceux de Wielzrno, Polanka, etc., etc., divers systèmes de sondages sont en exploitation : les sondages à grands diamètres, système Kind, Fabian, etc., et le système mixte de Faugg. Mais celui qui donne le meilleur résultat est le système canadien. Ce système est excessivement simple: tiges en bois, pas d’instrument à chute libre, seulement une forte glissière. On n’emploie que des tubes étirés et vissés, ce qui active énormément le travail. Mais ce qui fait surtout l’avantage de ce système, c’est le treuil à friction. En général, la méthode canadienne d’exploitation du pétrole, importée par MM. Bergheim et Mac-Garwey est certainement la plus favorable, aussi est-elle adoptée partout. Une société anglaise est venue s’installera Polanka, et s’occupe à monter cinquante
- H cù % ® es ^ O MAT IEUES EXTRAITES DU TÉTRODE RRUT DE GALICIE DENSITÉ PRIX par 100 kîlog. au MOIS DK MAI PROPORTION extraits clans 1000 kilog. HUILE BRUTE DROITS PAR 100 KIL. OBSERVATIONS
- f. r.
- 1 Benzine 0.750 24.25 120 13 »
- 2 Pétrole 0.810 25 » 560 15 » 1 Ces produits s’expédient
- 5 Huile bleue 0.870 10 » 80 » » / sur les marchés
- 4 Paraffine Solide. 00 ». 15 )> » 1 de Vienne, Buda-I’est.
- 5 Goudron 0.910 4 » 125 » »
- 6 Coke Solide. 3 » 100 )) )) Vendu à la Raffinerie.
- 7 Résidu )) » » » » 1) »
- appareils de ce système. Le système canadien comprend une locomobile de 10 à 15 chevaux qui fait fonctionner par un mécanisme excessivement simple, jusqu’à trente à quarante puits. Tout le mécanisme travaille par la traction, et les efforts sont disposés de façon à se contre-balancer. Cela fait que la machine n’a qu’a vaincre les frottements. 11 n’y a rien de plus curieux que de voir, sur une grande étendue, une trentaine de balanciers manœuvrer avec un ensemble parfait. Les puits se forent à une distance de 50 à 40 mètres l’un de l’autre. L’huile recueillie est amenée par des tuyaux dans des réservoirs en bois où elle laisse déposer l’eau qui accompagne presque toujours le pétrole brut. Il y a une loi qui défend de laisser entrer les eaux supérieures dans les couches pétrolifères. En effet, l’eau, par la différence de densité (eau, 1000; pétrole brut, 780), repousse l’huile dans les grès, abîme le trou et va souvent détériorer les puits voisins. Pour obvier à cela, et quand on est près d’atteindre la couche pétrolifère, on procède à l’opération qu’on appelle couper Veau. On descend une colonne de tubes étanches avec un bourrage, le joint se fait, ce (pii empêche les niveaux d’eaux supérieures de pénétrer dans les grès pétro-
- lifères. On continue ensuite le forage. Quand le pétrole a déposé pendant quelques heures, on laisse couler les eaux du fond du réservoir. Un tuyau plonge au fond du réservoir, l’eau est forcée, par suite du poids d’huile, de s’écouler. Pour les puits jaillissants, c’est une autre opération; là aussi on coupe l’eau. Quand les huiles et les gaz commencent à arriver abondamment, on dégarnit complètement le trou de forage pour que les hommes ne soient pas asphyxiés, et à l’occasion puissent se sauver. Une fois que la quantité d’huile est trop forte et empêche tout enfoncement, on retire tous les instruments et on capte les sources. Ce travail est très difficile et dangereux. On ferme le tube avec un tampon à robinet, et au moyen d’une conduite, par la manœuvre du robinet, on fait écouler le pétrole dans divers réservoirs. Dans ces réservoirs, le pétrole se débarrasse de ses gaz, et de l’eau, s’il y en a.
- Bien loin, à la ronde, tout feu est défendu, une explosion de ces gaz étant excessivement dangereuse. Malgré toutes les précautions, des pipes et allumettes ont déjà occasionné plusieurs accidents.
- Des réservoirs, le pétrole est amené aux raffine* ries. A Sloboda, etc., diverses pipelines ou canalisa-
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- ions par tuyaux, sont établies. MM.Rergheim etMac-Garwev sont en train d'en construire une de Vielzrno à K rosno-S talion. Ces pipelines constituent évidemment le mode de transport le plus Tacile et le moins coûteux. Presque toujours les puits pompants, comme les puits jaillissants, sont accompagnés de gaz. Ces gaz sont captés et employés à chauffer les chaudières. Avec un peu de bois, et ces gaz dans le foyer, on arrive à un chauffage excellent et très économique. La nuit, les gaz éclairent parfaitement les travaux.
- L’Autriclic-Hongrie consomme par an plus d’un million de barils de pétrole raffiné. En 1880, la Calicie a fourni à peu près la moitié d’huile brute nécessaire à cette consommation. Les droits perçus par le gouvernement austro-hongrois pour toute la consommation de l’année 1886, s’élèvent à 15 millions de francs. L’excédent d’huile importé en Autriche provient de Bakou. De l’Amérique on ne connaît plus que les marques: Water-White, Star-dart, etc.
- Plusieurs raffineries d’excellentes marques sont connues en Calicie, entre autres Ad. de Skrzinski à Libusza, etc. Deux grandes raffineries ont été construites cette année : une, par le comte de Lariscli à Oderberg, l’autre, par MM. Bergheim et Mac-Ganvew à Zagorzany. Chacune de ces raffineries peut produire 1000 barils par jour.
- Le tableau ci-contre (page 18) donne l’analyse d’une huile brute de qualité moyenne de Calicie.
- L’industrie pétrolifère en Calicie, quoique jeune, est déjà très développée et méritait d’appeler l’attention de nos lecteurs.
- LE BALLON « L’ARAGO »
- r E R D r EN MER
- L’opinion publique s’est vivement préoccupée du sort des aéronautes Lhoste et Mangot qui ont tenté de traverser la Manche dans leur ballon YArago, le 15 novembre 1887, après avoir laissé à terre, à Quillebœuf, leur compagnon de voyage M. Archdeacon. Nous avons donné les détails de cette expédition, depuis le départ de l’aérostat de l’usine de la Yillette à Paris, jusqu’à son atterrissage, et son second départ au bord de la mer1.
- Depuis plus de trois semaines on est sans nouvelles des infortunés voyageurs aériens, et leur perte en mer paraît aujourd’hui absolument certaine. Nous allons publier tout ce que l’on sait sur l’histoire de cette ascension funeste, dont le dénouement précis restera sans doute à jamais ignoré et obscur.
- Les renseignements certains recueillis à cette heure sont au nombre de trois.
- Une excellente observation faite par la vigie du cap d’Àntifer nous apprend que YArago a plané le 15 novembre, de 12h,5 à 12h,55 au-dessus de la Manche, dans la direction du N. N. 0.
- Une observation a été faite vers une heure par le capitaine de la Georgelte, à 1 8 milles au large du cap d’Ailly ;
- cet ofiicier de marine a vu le ballon lîler par un vent grand frais, dans la direction du nord-ouest, c’est-à-dire faisant route vers un point du compas plus rapproché de la direction ouest.
- Nous citerons enfin l’observation du capitaine du navire Prince-Léopold, quia vu tomber ce qu’il appelle un grand ballon, dans le voisinage de file de AVight. Malheureusement le télégramme du Lloyd anglais qui donne cette nouvelle, ne fait mention ni de la longitude ni de la latitude du lieu où il a trouvé l'épave. Suivant toute probabilité, cette épave doit être formée d’un des deux ballons satellites, que les aéronautes de YArago auraient sacrifié après l’avoir vidé de gaz. Cette manœuvre aura eu pour résultat de leur permettre de pénétrer dans une zone plus
- Amiens
- Sjerboun
- Rouen
- Beauvais
- PARIS*
- Carte de la roule de voyage du ballon l’.t rago, le 15 novembre 1887, depuis 8 heures du matin jusqu’au courber du soleil. — 1. Usine à gaz de la Villette, à Paris. — 2. Quillelxeuf, point où YArago a mis à terre M. Archdeacon. — 5. Hartleur, point où YArago a été observé.— 1. Saint-Jouiu, autre point où le ballon a été observé. — 5. Cap d’Antifer, point du passase du ballon et de son observation par le sémaphore de la marine. — G. Etretat, point d'où le ballon a élé observé. — 7. Cap d’Ailly. — 8. Point à 18 milles à l’ouest du cap d’Ailly où YArago a été aperçu par le navire la Georgetle. — 9. Point où le navire le Prince-Léopold a trouvé l’épave.
- élevée. Y ont-ils rencontré le vent qu’ils cherchaient pour se rapprocher de l’Angleterre, et l’ayant rencontré, n’ont-ils pas vu, à cause du brouillard et de l’heure avancée, qu’ils passaient au-dessus de l’Angleterre? Cette hypothèse est admissible; mais on peut également supposer qu’ils n’ont point rencontré le vent favorable, et qu’après avoir presque touché au but de leur voyage par des manœuvres habiles, ils en ont été écartés par une fatalité inexorable* La famille Mangot a télégraphié à M. Ladeveze, consul de France à Las Palmas, capitale des Canaries, pour prier ce fonctionnaire de faire une enquête sur la prétendue découverte du ballon qui aurait été faite aux Açores. M. Ladeveze a déjà répondu que cette nouvelle n’avait aucun fondement.
- Pour être fixé d’autre part sur la nature de l’épave trouvée près de l’île de Wiglit, il faut avoir la réponse du capitaine du Prince-Léopold, qui est en mer en ce moment. Une lettre l’attend à Lisbonne,, mais que cette épave soit l’Arago ou un des ballonnets, le résultat sera malheureusement le même quant à la certitude d’une catastrophe.
- Lhoste avait vingt-six ans et Mangot vingt ans. On ne saurait trop déplorer la perte de ces jeunes gens, pleins de passion pour leur art, et qu’animait au plus haut point l’amour de leur patrie.
- 1 Yoy. n° 756, du 26 novembre 1887, p. 402.
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- LA NATURE
- LE CHANT
- E T YD E PHYSIOLOGIQUE TAU M. A.
- DE LA VOIX P 1 L TAN
- II U MAIN E
- Dons un rapport lait dernièrement à l'Institut au sujet des études physiologiques laites sur la voix humaine par M. Pii tan et appliquées par lui à renseignement du chant, notre éminent compositeur, M. Saint-Saëns, s’exprime ainsi : « Les professeurs de chant, en général, ne sont pas physiologistes, et leurs méthodes, quels qu’en soient d’ailleurs les résultats, sont purement empiri -ques. Ils enseignent parfois a leurs élèves que certains sons doi-vent partir du ventre, d’autres du front,
- Fig. 1. — Appareil de M. l’iltan pour l’étude du chant. Tambours et récepteurs à cadran.
- les
- etc. Chose étrange, élèves comprennent parfaitement ces choses incompréhensibles et deviennent souvent ainsi d’excellents chanteurs; mais cette considération ne saurait arrêter la recherche de la vérité.... » Oa voit par là combien le savant académicien approuve les études de M. Pi 11an, comme il a du reste coutume d’encourager tout ce qui repose sur des données vraiment scientifiques.
- M. Pii tan a pris la moyenne de la capacité pulmonaire d’un grand nombre de chanteurs, hommes et femmes. Il fait remarquer que le plus grand nombre de litres d’air introduits dans les poumons ne correspond pas à la meilleure voix et que la pression de cet air est minime chez les bons chanteurs. La pression d’une
- Fig. 2. — Appareil du larynx.
- belle voix ne doit pas atteindre celle d’un orgue, qui correspond à 1 centimètre de mercure : dans le cri, dans l’éternument, on peut faire monter le manomètre jusqu’à 18 centimètres.
- Il fait, en outre, une remarque fort importante : c'est que, loin d’ètre volontaires, les mouvements de la glotte obéissent à des mouvements réflexes, c’est-à-
- dire que les cordes vocales sont soumises aux mouvements respiratoires tout comme la langue et la luette, par exemple, qui se relèvent d’elles-mèmes dans l’inspiration et subissent un mouvement inverse dans l’expiration.
- Afin d’étudier les mouvements du thorax, de l’abdomen et du larynx ; afin de les rendre visibles pour l’élève de façon à ce qu’il puisse cor-délèctueux et voir s’il fait des imaginé une série d’appareils ingénieux qu’il a fait construire par M. Verdin. Ceux destinés à l’étude des mouvements du thorax et du diaphragme se composent d’une ampoule en caoutchouc s’appliquant au moyen d’une ceinture ou d’un corset sur la partie du corps qu’il s’agit d’étudier ; des tubes dé caoutchouc (tig. 3) relient ces ampoules, dissimulées sous les vêtements, à des tambours hermétiquement clos et munis d’une membrane sur laquelle vient appuyer l’extrémité d’un stylet léger monté comme un levier (lîg. 1) et dont les indications ainsi amplifiées peuvent être facilement lues sur un cadran, ou enregistrées automatiquement sur un cylindre tournant enduit de noir de fumée. Pour
- riger ceux qui sont progrès, M. Piltan a
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- les mouvements du larynx, l’appareil récepteur est le même, mais le transmetteur est un peu différent puisqu’il s’agit ici d’un déplacement dans le sens vertical. 11 se compose (fîg. 2) d’un petit levier muni d’un coussin à l’extrémité de son plus grand bras qui vient s’appuyer sur la partie antérieure du cou; l’autre extrémité repose sur la membrane d’un tambour relié au récepteur par un tube en caoutchouc. L’appareil est maintenu au moyen d’une cravate et de deux tiges qui reposent sur les clavicules.
- En examinant les mouvements du thorax et de l’abdomen pendant la respiration, on constate que les chanteurs qui possèdent une belle voix ont toujours et inconsciemment le même mode respiratoire, tandis que ceux qui ont des voix défectueuses ont des types respiratoires absolument différents. Si l’on recherche quel rapport il y a entre le mouvement respiratoire et celui de la glotte, on voit que le plus léger abaissement du diaphragme après l’inspiration suffit pour produire l’occlusion de la glotte dont les mouvements sont, du reste, toujours fort peu étendus. I)e toutes ces remarques M. Piltan tire les conclusions suivantes; la voix est le résultat d’un choc
- Fig. 5. — Installation des appareils de M. Piltan sur le sujet à étudier.
- et d’une lutte entre les muscles inspirateurs et les muscles expirateurs ; le point où s’exercent ce choc et cette lutte détermine la hauteur du son ; le larynx et la glotte au lieu de former le son ne font que le modifier; ce sont les mouvements respiratoires, mouvements dont nous sommes maîtres, qui caractérisent l’organe humain. S’il ne s’agissait, pour avoir de
- la voix, que de pouvoir contracter les cordes vocales, les poitrinaires, les vieillards chez les quels elles sont saines, pourraient avoir de belles voix ; ce qui leur manque, c’est la respiration.
- Si la glotte avait des mouvements à elle propres, étant donné le souille insignifiant (8 à 10 centimètres d’eau) nécessaire à la production des sons les plus intenses, il suffirait, pour donner de la voix a tous les sujets, de leur apprendre à exécuter un petit mouvement de la glotte; mais il n’en est pas ainsi : pour avoir de la voix, il faut savoir respirer.
- L’auteur de ces intéressantes études est parvenu, à l’aide des appareils décrits plus hauts, à formuler une méthode qu’il enseigne à l’institut Rudy.
- En plaçant un appareil au thorax et l’autre au diaphragme (à la hauteur de l’ombilic), on constate
- Fig. 4. — Tracés pris au thorax (1) et à l’abdomen (a). La ligne verticale indique l’inspiration et l’autre ligne l'expiration.
- 1. Pas de son rendu. — 2. Tracés de belle voix. — 3. Chevrotement. — 4. Tracés pris au larynx : b, belle voix, c, voix enrouée.
- que si pendant le mouvement d’inspiration ou d’expiration les deux stylets marquent le même angle au même instant sur le cadran récepteur, on, ce qui revient au même, tracent sur un papier animé d’un mouvement uniforme deux lignes parallèles (lîg. A, n° 1) il n’y a pas de son rendu; si les tracés sont presque parallèles, la voix est sourde, caverneuse,
- enrouée; si, au contraire, ils sont obliques ou de sens contraires (fig. è, n° 2), on a la voix des bons chanteurs. Par conséquent, pour produire de la voix, il faut qu’il y ait effort dans le mouvement respiratoire, c’est-à-dire que les mouvements du thorax et de l'abdomen se produisent en sens contraires.
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- La hauteur du sou émis est proportionnelle à l'effort du diaphragme et l'intensité de ce son est déterminée par la résistance que le diaphragme oppose à l'affaissement rapide du thorax. Pour obtenir un son chante piano il faut retenir ce mouvement d'affaissement.
- Le chevrotement doit être attribué à une faiblesse musculaire venant soit du thorax, soit de 1 abdomen; le tracé donne alors une ligne sinueuse (fîg. 4, n°5). On peut se corriger de ce défaut avec un peu d'exercice.
- Les mouvements du larynx sont volontaires. L'abaissement est nécessaire pour obtenir l’amplitude, la rondeur et l’égalité des sons. 11 est bas avec à, un peu moins avec à et se relève de plus eu [dus avec e, u, i, etc. Le chanteur muni du larvngographe (lig. 2 et 5) peut suivre sur le cadran du récepteur les mouvements de son larynx et les corriger au besoin.
- L’ensemble des appareils donne donc toutes les indications nécessaires, tant au professeur qu’à l’élève, pour rectifier les mouvements défectueux des différents organes qui concourent à la production d une belle voix. Une méthode qui permet de suivre d’aussi près le sujet qu’il s’agit de former ne peut donner que de bons résultats. Nous ne saurions mieux faire pour finir que de citer, sans commentaires, les termes mêmes du rapport de M. Saint-Saëns : « Les résultats de M. Piltan, dit-il, sont du plus haut intérêt. C’est la première fois qu'une méthode vraiment scientifique est appliquée à l’art du chant.... De ces faits nouveaux, M. Piltan a déduit un système rationnel pour l'enseignement du chant qu’il applique avec un réel succès.... Tout en lui laissant l’entière responsabilité de ses conclusions et de sa méthode d’enseignement, il y a lieu d’encourager ses études physiologiques et ses instruments d’investigation. » G. M.
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- VAGUE DE FOND
- OBSERVÉE DANS I.E LAC DE GOPLO (PRUSSE)
- LE 27 MAI 1887 1
- L’un des derniers numéros de l’excellente revue météorologique Dos Wellcr contient la description d’un curieux phénomène, observé le 27 mai 1887 à Goplosee (Prusse), sur le lac Goplo.
- Ce jour-là, vers midi, un orage violent venant de l’est éclata sur le district de Kuyavisch. Le plus fort de l’orage était déjà passé, lorsque subitement le lac de Goplo fut le siège d’un phénomène extraordinaire. Ce lac a une longueur d’environ 28 kilomètres; à son extrémité ouest se trouve Krusehwilz, où il n’a plus qu’une largeur d’environ 750 mètres, et où il est traversé par deux ponts, l’un en fer, sur lequel passe la ligne ferrée de Ruben, et l’autre en bois, à 500 mètres du premier, construit pour le passage des voitures et des piétons. Ce dernier est supporté par deux piles. Lors de l’orage dont nous parlons, les eaux du Goplo s’élevèrent subitement près du pont du
- * Voy- Vague de fond, n° 737, du IG juillet 1887, p. 10.
- chemin de fer et une vague immense, qui embrassait presque la largeur du lac, se précipita vers l’est, en couvrant bien liant les piles du pont en bois, dont elle atteignit presque le tablier; puis elle continua sa course jusqu a environ 1 kilomètre du pont. Les eaux revinrent alors sur elles-mêmes, couvrirent de nouveau les piles du pont en bois, et finalement il se forma entre les deux ponts un tourbillon puissant, dont le diamètre avait environ 50 mètres, et qui, après quelques minutes, disparut également. Chose curieuse, on n’a pas observé, pendant cet étrange événement, une vive agitation de l’atmosphère; on n’a entendu qu’un roulement continu, que l’on prit pour le bruit du tonnerre.
- Comme le fait observer la revue Ciel et Terre qui a reproduit la description de ce fait intéressant, il ne faut voir sans doute dans le phénomène que raconte Daa Wellcr, que l’effet d’un tremblement de terre. Ce qui semble surtout corroborer cette opinion, c’est la mention du roulement continu, qu’on entend presque toujours lors de secousses sismiques.
- PLANTES BULBEUSES
- D ' A P l'A R T E VI E >’ T
- Quiconque s’occupe de plantes, aime à les voir croître et prospérer sous ses yeux. Cependant, chacun sait qu’il est souvent difficile de cultiver les fleurs dans nos demeures, tout près de nous. Le plus ordinairement, il faut borner son ambition à les voir se conserver dans l’appartement et à prolonger leur existence dans le milieu factice dans lequel nous les plaçons.
- C’est que la plupart des éléments nécessaires à leur développement leur font totalement défaut et que d’autres agents viennent, par contre, agir sur eux d’une façon défavorable. Ce qui leur manque surtout, c’est la lumière; ce qui leur nuit le plus, c’est la sécheresse de l'air et l’action de la poussière.
- Il est cependant des plantes qui croissent et prospèrent dans l’appartement: ce sont les plantes bulbeuses. Elles ont l’inappréciable avantage de nous faire assister à leur développement. Elles nous procurent la joie de suivre pas à pas les progrès que chaque jour fait naître.
- 11 peut être intéressant de savoir à quelle cause est due cette façon particulière de se comporter. Les plantes ordinaires que nous possédons dans les appartements ne trouvent pas dans ce milieu les éléments nécessaires à la formation des matériaux qui doivent pourvoir à leur accroissement. Leurs racines et leurs feuilles fonctionnent mal; elles n’élaborent pas suffisamment, si bien que la plante en est réduite à vivre bientôt sur >on propre fonds. 11 se passe là un phénomène d’autophagie qui s’accuse par le jaunissement d’abord, puis parle dépérissement des feuilles de la base, c’est-à-dire de celles qui sont les plus anciennes.
- M. Dehérain a montré que la plupart des plantes, au moment de la maturation de leurs semences, utilisaient par un phénomène de migration, les prin-
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- cipes utiles emmagasinés dans leurs organes. C’est ainsi qu’il a montré que chez le blé, par exemple, les feuilles se vident peu à peu des éléments u tiles qu’elles contiennent pour concourir à la formation du grain. Ce qui se passe dans la plante parvenue à l’état normal, à la fin de son développement, s’opère dans tout végétal qui, placé dans un milieu défavorable ne peut plus fabriquer en quantité suffisante des matériaux nécessaires à son accroissement. 11 puise alors dans les provisions faites par les anciennes feuilles qui, bientôt, jaunissent et tombent. Mais cette provision n’est pas suffisante pour permettre à la plante un accroissement indéfini : elle est bientôt épuisée et la plante meurt.
- Les plantes bulbeuses ont, sur toutes les autres l’avantage de contenir, dans ce bulbe même, une provision d’aliments qui leur permet de pourvoir au développement des feuilles et des fleurs. Ce n’est pas là d’ailleurs une simple hypothèse. Les expériences, d’une part, l’observation directe, de l’autre, donnent complètement raison à cette façon de voir. C’est qu’en effet, si l’on conserve les bulbes qui ont servi à la culture en appartement et qu’on vienne, l'année d’après, à les planter dans un jardin, on constatera, non sans étonnement peut-être, que ces bulbes ne donneront lieu qu’à une végétation à peu près nulle, et que, dans tous les cas, on n’obtiendra pas de floraison. La raison en est dans ce que la plante a, lors de sa culture en appartement, épuisé tous les éléments utiles contenus dans son bulbe, et que ses feuilles et ses racines n’auront pu fonctionner suffisamment pour refaire une nouvelle provision d’aliments.
- Quelle que puisse être d’ailleurs la cause qui permet aux plantes bulbeuses de se développer aisément dans nos demeures, il est intéressant d’en connaître le fait, car ces végétaux se prêtent admirablement à l’ornementation des appartements. Le nombre de ces fleurs, à culture si simple, est assez grand ; toutes cependant ne réussissent pas avec la même facilité.
- Pour certaines d’entre elles il suffit de mettre le bulbe en contact avec l’eau pour le voir bientôt produire des racines qui s’allongeront rapidement et vivront à l’aise dans l’élément liquide. On a imaginé pour cette culture des carafes spéciales, munies à leur partie supérieure d’un large godet dans lequel le bulbe pourra être placé (fig. 1, dessin de gauche).
- De toutes les plantes bulbeuses, les jacinthes, ces fleurs charmantes, aux grappes de clochettes de toutes nuances, si élégantes, au parfum si pénétrant, sont celles qui s’accommodent le mieux de cette culture. La production de leurs bulbes donne lieu, en Hollande, où on les cultive spécialement, à un commerce très important. Toutes les variétés ne se prêtent pas d’ailleurs avec la même facilité à la culture sur carafes. Celles à fleurs simples, à bulbes robustes, donnent les meilleurs résultats; les variétés à fleurs doubles ont l’inconvénient de ne s’épanouir souvent que d’une façon incomplète.
- C’est à l’époque de l’année où nous sommes arrivés que cette culture réussit le mieux. Elle est extrêmement simple. 11 convient de choisir des oignons sains et volumineux, et de les placer sur des carafes que l’on a préalablement remplies d’eau, de façon à ce qu’elle vienne toucher la partie inférieure du bulbe.
- Ces carafes peuvent être, pendant la première période, mises dans une armoire; il importe que le milieu dans lequel on les place, soit moyennement chaud ; une chaleur trop élevée ferait se développer les feuilles avant les racines, et la floraison s’effectuerait mal. Dès que les racines sont abondantes et que les feuilles commencent à poindre, le moment est venu de les placer près du jour. Une table près d’une fenêtre est l’endroit qui leur convient le mieux ; cependant ils peuvent croître même éloignés de la lumière directe. Le plus souvent, il devient utile de munir la hampe florale d’un tuteur qui l’empêchera de se déjeter. Ce sera une mince baguette qui, ap-pointie à l’une de ses extrémités, pourra être piquée dans le bulbe et soutenir, à l’aide d’un léger lien l’inflorescence que le nombre souvent considérable de fleurs rend trop. lourde pour qu’elle puisse conserver sa rigidité.
- Puis bientôt nous verrons les fleurs s’ouvrir une à une, et cette grappe de clochettes élégantes répandra dans tout l’appartement son parfum pénétrant. Nous en jouirons longtemps. Les fleurs s’épanouiront les unes après les autres, et si nous avons le soin, au moment de cette floraison, de placer nos plantes dans un milieu peu chauffe, nous en prolongerons singulièrement la durée.
- On s’amuse quelquefois à obtenir de ces jacinthes une floraison tout à fait anormale. Dans un vase en verre percé à ses deux extrémités de larges ouvertures, on place deux oignons. Le premier est mis dans le fond, la tête en bas, puis on remplit le vase de terre et on place un nouvel oignon à la partie supérieure, dans la position normale. Ce premier vase est mis sur une carafe que l’on remplit d’eau. Au bout de peu de temps les deux oignons se développent. L’un pousse normalement; l’autre produit ses feuilles et plus tard ses fleurs dans la carafe pleine d’eau (fig. 1, dessin de droite). Cette culture n’a qu’un intérêt de pure curiosité.
- La culture des plantes bulbeuses dans les appartements, se prête à des combinaisons très variées. On réussit très bien en plantant simplement les bulbes dans la terre. Il s’est répandu depuis quelques années, dans le commerce parisien, toute une série de modèles de vases en terre cuite, spécialement adaptés à cette culture.. Un de ceux qui se prêtent aux combinaisons les plus heureuses est celui que nous reproduisons (fig. 2). Il consiste en un pot de terre sphérique, percé sur ses côtés de nombreuses ouvertures : en face de chacune d’elles on place un oignon à fleur et on remplit l’intérieur avec de la terre ou simplement de la mousse hachée que l’on tasse pour que les bulbes soient régulièrement soutenus.
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- L’opération est terminée en plantant à la partie | supérieure plusieurs bulbes qui fourniront un abon-
- Fig. 1. — Jacinthes en carafes. Fig. 2. — Crocus en pot.
- dant développement de feuilles et de fleurs.
- Dans les cultures de salons, on remplace avec avantage ces pots de terre cuite, par des faïences de Chine ou du Japon, ou bien par des vases en barbotine (fig. 5).
- Dans cette combinaison, la mousse hachée doit toujours remplacer la terre qui souillerait les vases et pourrait même lesendommager.Onpeul de la sorte obtenir les effets les plus charmants et se ménager à peu de frais une floraison soutenue pendant les longs mois de l’hiver, et précisément au moment où, privés de lu vue de toute végétation, nous apprécions mieux le plaisir d’avoir près de nous quelques belles fleurs fraîches.
- Les jacinthes ne sont d’ailleurs pas les seules plantes bulbeuses dont la culture puisse se faire en appartement. Sur carafe, ce sont elles qui réussissent le mieux, mais les narcisses, les jonquilles et l’amaryllis Saint-Jacques à la corolle rouge écarlate, de forme sibizarre, peuvent se cultiver de la même façon. Dans la mousse hachée,toutes les plantes' bulbeuses donnent une bonne floraison ; les crocus et les tulipes peuvent donc être également employés a cet usage. En combinant ces diverses plantes on peut en obtenir d’excellents effets et une floraison soutenue pendant tout le cours de la mauvaise saison.
- Jean Dybowski.
- Fig. 3. - Jacinthes en panier de barbotine.
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- LÀ NOUVELLE EXPÉDITION DE STANLEY
- Fig. 1 — Décapitation d’un esclave Ba-Yanzi. (D’après Stanley.)
- I)e tous les explorateurs modernes de l’Afrique, Stanley occupe incontestablement le premier rang après Livingstone. Ses procédés diffèrent entièrement de ceux de son illustre devancier, il est vrai, mais ils lui ont permis d’obtenir, en peu de temps, des résultats considérables. L’expédition qu’il tente aujourd’hui nous réserve, sans aucun doute, plus d’une surprise et sera fertile en découvertes géographiques.
- On se rappelle qu’au moment de la révolte du Malîdi, deux Européens, Lupton et Emin-Bey, étaient gouverneurs des provinces équatoriales soumises à l’Egypte. Le premier de ces énergiques fonctionnaires, après avoir résisté un des rebelles, a fini par
- Fig. 2. — Tombe d’un chef Ba-Yanzi. (D’après Stanley.)
- certain temps aux efforts tomber entre leurs mains
- et se trouve, depuis lors, prisonnier dans le Ixor-dofan. Quant à Emin, il fut plus heureux; il réussit à battre les Mah-distes et il est encore aujourd’hui à la tête de la province dont le khédive lui avait confié l’administration. Seu -lement, entouré d’ennemis, sans autres ressources que celles qu’il a pu tirer du pays, dans l’impossibilité de recruter de nouvelles troupes, sans nouvelles d’Europe, il est dans une situation très précaire et qu’on a même supposée, un moment, beaucoup plus grave qu’elle n’est en réalité et presque désespérée.
- Emin-Bey, de son nom le Dr Schnitzler, est un explorateur et un savant distingué dont les communications à l’Europe savante avaient singulièrement modifié les idées qu’on
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- se faisait des pays du haut Nil. Avec lui se trouvaient deux Européens, un Italien, le capitaine Gaé-tano Casati et le Russe Junker.
- C’est ce dernier qui, après des explorations très émouvantes et dangereuses dans le bassin du Oueilé, le fleuve découvert par Selnveinfurth, a réussi à gagner les établissements de la cote orientale et nous a donné, à la fin de l’année dernière, les premières nouvelles authentiques sur la situation d'Emin-Bey.
- Junker et Casati se sont tout particulièrement attachés à la solution de ce problème : qu’est-ce que le Oueilé, ce lleuve qui coule de l’est à l'ouest? Est-ce le Cliari, comme l’avait pensé Selnveinfurth? Est-ce le cours supérieur de l’Oubangi, comme l’a soutenu avec éclat le géographe belge Wauters? Est-ce la tète de l'Arrouhimi, ce cours d’eau que Stanley avait remonté après sa grande descente du Congo?
- Ûn voit que les hypothèses sont nombreuses et chacune de ses solutions a ses partisans également convaincus. C’est à débrouiller l’écheveau emmêlé des affluents de l’Ouellé ou Makoua que s’est acharné le Dr Junker et, depuis son retour en Europe, il a publié sur cette question d’intéressants mémoires qui, s’ils ne sont pas absolument affirmatifs quant à la solution cherchée, nous donnent néanmoins les plus curieux et les plus circonstanciés détails sur le pays qu’arrosent ces nombreux cours d’eau et sur les populations dont Selnveinfurth et, après lui, le Dr Potagos nous avaient décrit les mœurs curieuses, les Mombouttous, ces cannibales acharnés, et les Niams-Niams, ces peuples nains sur lesquels M. de Quatrefages a réuni, dans un ouvrage récent, les plus précises informations et qui sont sans doute les pygmées d’Hérodote.
- Le pays qu’arrosent le Oueilé et le Mbomo est magnifique. Ici l’on dirait un parc anglais, a voir les palmiers, les dattiers, les bananiers et les hauts acacias, tantôt plantés isolément, tantôt par groupes élégants. Là, les bois cèdent la place à des champs où le sorgho, la patate douce, les fèves, les courges sont cultivés par une population aussi dense que laborieuse.
- Les nouvelles qu’avaient apportées Junker avaient ému l’opinion publique; un courant de sympathie et d’admiration s’était aussitôt formé en faveur de cet Emin-Bey qui avait su si vaillamment défendre, sans secours et sans espoir, le drapeau de la civilisation et de la science contre les attaques d’une barbarie fanatique et ignorante. On s’est dit qu’on ne pouvait laisser plus longtemps lutter seul cet, intrépide champion et l’on s’est décidé à envoyer une expédition de secours.
- Ici, deux graves questions se présentaient.
- Quel serait le chef, quelle serait la route?
- Entre Johnstone, Thomson, Stanley, on ne pouvait hésiter longtemps. Bien que tous eussent fait leurs preuves, le dernier était si supérieur aux autres par les services rendus ; il avait donné tant de témoignages de son ingéniosité et de ses ressources qu’on n’hésita pas, en Angleterre, à lui confier le commandement.
- Quant à la route, Thomson préconisait celle qu’il avait suivie lui-même et qui passe à travers le pays de ces terribles Massai qui avaient fait échouer la tentative du Dr Fischer et qui l’avaient obligé de s’y reprendre à deux fois pour atteindre le lac Victoria, ce qu’il n’avait pu faire qu’après neuf mois d’un dangereux voyage.
- Il était impossible de remonter le Nil, car de Khartoum à Lado, tout le pays était aux mains du successeur du Malidi, les vapeurs d’Emin ne pouvant parcourir qu’une très petite partie du Nil supérieur.
- La route de l’Ounyoro, celle que suivaient les caravanes parties de Bagamoyo pour le Victoria était fort longue, mais, de plus, elle aboutissait au royaume de Mouanga, successeur de Mtésa qui avait récemment, par le meurtre de l’évêque Hannington, bien indiqué sa haine et sa crainte des Européens.
- M. Wauters préconisait la route du Congo; plus longue, elle était, du moins, plus rapide et avait cet incontestable avantage d’amener sur le terrain des opérations des troupes fraîches puisqu’elles y parviendraient en bateau, au lieu de soldats épuisés par une marche longue et pénible. Seulement M. Wauters voulait qu’on quittât le Congo pour remonter l’Oubangi, puisque ce lleuve était, selon lui, le Oueilé de Selnveinfurth.
- Stanley était en Amérique lorsqu’il fut informé, par dépêche télégraphique qu’on comptait sur son concours. 11 revint aussitôt en Angleterre, vit le roi des Belges et le 21 janvier 1886 partait, via Calais, pour Brindisi et le Caire où il comptait recevoir de Junker des informations précises sur la situation d’Emin à Wadelaï. Pendant ce temps, l’expédition faisait voile pour l’embouchure du Congo. Au Caire, à Àden, à Zanzibar, Stanley engageait des soldats et des porteurs ; il concluait enfin un traité avec Tippo-Tip, ce négociant arabe dont les plantations considérables dans le Manyéma sont cultivées par des milliers d’esclaves, traité par lequel celui-ci s’engageait a fournir a l’expédition six cents porteurs, de Stanley Falls au lac Albert.
- Le 18 mars, Stanley arrivait a Banane et trouvait à Matadi les officiers .et les approvisionnements de tout genre qui l’avaient précédé. C’est ici que commencèrent les difficultés. Trop peu nombreux sont les steamers que possède l’Etat libre du Congo pour transporter en une seule fois la nombreuse caravane de Stanley; le pays qu’il faut traverser dans la région des rapides est en proie à la famine et l’on ne peut s’y ravitailler, si bien que de Matadi à Léo-poldville on ne perd pas moins d’une soixantaine d’hommes.
- A Léopoldville, Stanley dut laisser en magasins presque tous ses bagages et cent cinquante hommes qui formèrent l’arrière-garde. Enfin, le 1er mai, l’expédition ayant définitivement quitté Léopoldville, gagnait le confluent de l’Arrouhimi, cours d’eau que Stanley connaissait déjà et par lequel il espérait atteindre Wadelaï à travers une contrée complètement inconnue. Il avait dû former, au
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- confluent de l’Arrouhimi, une station de ravitaille- i ment ; c’était en même temps une sorte de place [ forte destinée à assurer ses communications et où l’on pourrait, en cas de désastre, trouver toujours un refuge. Le 18 juin, Stanley était arrivé aux rapides de l’Arrouhimi avec quatre Européens et quatre cent soixante-huit soldats et porteurs ; les dernières nouvelles qui soient parvenues en Europe portent la date du 8 juillet, et, à cette époque, Stanley déclarait que tout allait bien.
- Nous ne voulons pas terminer ce rapide résumé de ce que l’on sait à l’heure actuelle de l’expédition partie au secours d’Emin-Pacha, sans dire quelques mots des populations du Congo et de l’Arrouhimi. Ceux qui paraissent les plus intelligents et les plus industrieux sont les Ba-Yanzi. Ils savent tourner des poteries, sont habiles à travailler le fer et les autres métaux, ils fabriquent notamment des hachettes et des couteaux qu’ils vendent aux Bateké et aux Oua-bouma. Leurs meubles en bois sont décorés avec un certain goût et leurs habitations, notamment à Bo-lobo, sont construites avec soin. Ils sont fous de musique et possèdent des instruments de musique tels qu’une sorte de lyre à cinq cordes et un tympanon dont ils savent tirer des sons relativement mélodieux.
- Par malheur, ce semblant de civilisation est mêlé d'étranges superstitions et de dégoûtantes pratiques. C’est ainsi que l’esclavage est si bien entré dans les mœurs qu’on trouve tout naturel, à la mort d’un chef, de massacrer ses épouses et ses serviteurs les plus fidèles (fig. 1). Leurs crânes sont alors piqués autour du cône d’argile sur lequel ont été tracés quelques dessins fantastiques et qui recouvre les restes du chef. Dans la vue que nous donnons, ces motifs ornementaux sont accompagnés d’un parapluie tout ouvert (fig. 2), objet qui avait peut-être abrité de la pluie quelque pimpante Parisienne et qui est devenu au Congo, comme l’est le parasol dans tout l’extrême Orient, un insigne de la puissance.
- Les Ba-Yansi sont convaincus que tout individu qui quitte ce monde passe immédiatement dans un autre où il mène la même existence, où il est soumis aux mêmes besoins et aux mêmes passions. Aussi, comme il ne serait pas convenable et décent qu’un chef arrivât dans l’autre monde sans un important cortège de femmes, d’amis et d’esclaves, les exécutions sont-elles nombreuses. Les femmes sont généralement pendues à un arbre et leurs dernières convulsions d’agonie sont accueillies par les démonstrations de joie des assistants qui ne pensent pas qu’ils sont exposés, un jour ou Pautre, au même traitement.
- Quant aux hommes, ils sont assis sur une pièce de bois et liés à des pieux solidement enfoncés en terre de manière à ne pouvoir bouger ; leur cou est entouré d’un cercle de roseau avec plusieurs cordelettes qui se relèvent au-dessus de la tête. Une perche de bois flexible est ployée jusqu’à ce que la corde attachée à son extrémité puisse s’adapter par
- un nœud aux cordelettes qui entourent la tête de la victime. En se redressant, le bambou tire sur le cou de la victime et le maintient rigide, si bien qu’après avoir marqué à la craie l’endroit où il va frapper, le bourreau décapite d’un seul coup le malheureux esclave. La tête est alors enlevée à une grande hauteur par le bambou qui se détend et, avant de retomber au loin, envoie sur les assistants une rosée sanglante.
- Le lieutenant van Gèle fut témoin d’une exécution absolument semblable chez les Bakoutis non loin d'Equateur Station, et Stanley, oui raconte la scène, ajoute : « Le massacre accompli, on lit bouillir toutes les têtes, afin de les scalper et de détacher les crânes pour en décorer des pieux plantés autour de la tombe du chef. Quant aux cadavres, on les précipita dans le Congo et la terre, saturée de sang, fut enlevée et employée à ensevelir le chef défunt. »
- 11 faut croire que ces exécutions sont très fréquentes, car tout dernièrement, la rumeur publique ayant accusé le chef de Banda Sécha (Bas Congo) d’avoir sacrifié plusieurs femmes à l’occasion du décès de son père, le gouverneur général du Congo ordonna une enquête afin de taire comprendre aux indigènes que l’Etat ne pouvait tolérer plus longtemps de telles pratiques. Le Mouvement géographique du 11 septembre 1887 raconte que le roi, interrogé sur ces faits, sourit malicieusement et répondit qu’il ne pouvait s’expliquer sur les circonstances qui avaient amené ces sacrifices, « par la raison qu’ils n’ont pas été consommés. Personne, ajouta-t-il, n’a été tué ni sacrifié à l’occasion de la mort de mon père. Nous n’avons pu prouver le contraire, dit l’agent du Congo, malgré l'habileté avec laquelle nous avons tâché de poser nos quêtions. »
- Gaüriel Marcel.
- UTILISATION DE LA SUIE
- La suie de cheminée est à la fois un engrais et un insecticide qu'on ne doit pas laisser perdre. La suie de houille est plus riche en azote, plus pauvre en matières minérales que la suie de bois.
- Dans les environs de Lille, les cultivateurs mettent quelquefois jusqu’à 50 hectolitres de suie à l’hectare. Ils la mélangent avec des cendres non lavées ou de la chaux. Avec les houes provenant des villes, du curage des fossés, la suie forme un excellent compost. Dans les jardins, on met sur les semis, pour préserver les jeunes plantes de la vermine, de la suie à laquelle on a fait absorber du jus de tabac, une décoction de quassia-amara ou autre liqueur acre. On peut aussi faire tremper, pendant quelques heures les graines, à semer dans un mélange de 10 litres d’eau et 1 kilogramme de suie.
- CADRANS D’HORLOGE
- A AIGUILLES ET CHIFFRES D’HEURE LUMINEUX
- Tous les Parisiens ont remarqué, depuis de longues années, le cadran d’horloge installé dans la cour de
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- la gare Saint-Lazare donnant sur la place du Havre. Dans le jour, les aiguilles et les chiffres d’heure de ce cadran se découpent en blanc sur un fond noir ; quand vient la nuit, c’est toujours sur un fond noir que les aiguilles et les chiffres d’heure apparaissent, mais ils sont translucides et lumineux! Une nouvelle horloge de ce genre vient d’être construite dans les nouveaux bâtiments de l’administration des chemins de fer de l’Ouest, dont l’entrée est rue de Vienne, près du pont de l’Europe. Cette horloge est placée au fronton du monument, sur la façade donnant du coté de la voie. Bien souvent, nos lecteurs nous ont demandé de leur faire connaître le mode d’installation de ces cadrans d’horloge lumineux ; nous sommes à même de satisfaire aujourd’hui leur curiosité, grâce à l’obligeance du constructeur, M.Paul Garnier, l’habile horloger de la marine, qui est aussi chargé de l’installation horaire des chemins de fer de l’Ouest.
- Le système d’éclairage des cadrans de la gare de l’Ouest a été imaginé , il y a quarante ans, en 1847, par M. Do-rey, président de la Société d'agriculture pratique de Varrondissement du Havre.
- Ce système, considérablement amélioré dans les détails de construction par M. Paul Garnier, est basé sur la propriété des fonds noirs que M. Chevreul a mis en évidence. Le cadran est en cristal blanc et transparent, les aiguilles et les chiffres d’heure sont en cristal opalin. Le tout est monté devant l’ouverture d’une chambre tendue de drap noir, formant un noir absolu. Pendant le jour, l’aspect extérieur du cadran transparent est noir, puisqu’il est placé devant une chambre noire ; les aiguilles et les chiffres d’heure, formés d’un cristal opalin, se découpent en blanc sur ce cadran. Quand vient la nuit, on allume quatre lampes à gaz situées à la partie inférieure de la chambre noire. Les quatre becs sont armés de réflecteurs paraboliques dirigés de manière à répartir la lumière le plus également possible sur toute la surface du cadran. 1) après cette disposition, il est lacile de comprendre que lorsque les becs sont allumés, les chiffres blancs et translucides vus extérieurement deviennent lumineux, et les aiguilles elles-mêmes qui sont également en cristal opalin et qui reçoivent la lumière à travers la glace prennent le
- même aspect que les chiffres, quelle que soit leur position.
- Afin que l’on ne puisse apercevoir du dehors l’intérieur de l’horloge, la chambre noire est formée d’un rideau noir tendu sur des châssis et affectant la forme d’une hotte, comme l’indique notre gravure. Ainsi, du dehors, et même des maisons voisines, on ne peut apercevoir à travers le cadran transparent que le rideau qui forme le fond noir et que l’on rend encore plus net en adaptant à l’intérieur de la hotte des bandes d’étoffe tombant perpendiculairement et imitant en quelque sorte les ciels et les coulisses d’un théâtre.
- L’axe des aiguilles qui traverse la chambre noire est dissimulé, en l’entourant d’une chenille noire contournée en spirale, afin que la lumière ne puisse frapper l’axe lui-même.
- Pour que l’effet produit soit complet, il faut que
- le cadran transparent soit toujours d’une transparence parfaite, qu’il ne s’y trouve pas de poussières qui le rendraient visible; on le tient constamment dans un parfait état de propreté.
- Tyndall, lors de ses mémorables travaux sur les poussières de l’air, a réalisé quelques expériences qui montrent qu’un rayon lumineux n’est pas visible lorsqu’il ne rencontre pas sur son passage quelque corpuscule solide où il se réfléchit. Le savant physicien anglais opérait avec de petites chambres noires rectangulaires, munies de trois fenêtres de verre, hermétiquement closes. Quand la chambre noire avait été longtemps au repos, qu’aucune poussière ne flottait dans l’air intérieur, on y faisait passer un rayon de lumière à travers les deux fenêtres d’entrée et de sortie. Le rayon lumineux n’était pas visible quand on regardait l’intérieur de la chambre noire par la troisième fenêtre. Si l’air de la chambre noire contenait des poussières en suspension, le rayon lumineux devenait visible. Dans le cadran lumineux que nous décrivons, la matière opaline des aiguilles et des chiffres joue le rôle de poussières où se réfléchit le rayon lumineux.
- Le premier cadran à aiguilles lumineuses a été installé en 1849 par Dorey, en haut de la façade du musée du Havre. G. T.
- Coupe de l’horloge à aiguilles et chiffres d’heure lumineux de la gare Saint-Lazare,
- à Paris.
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- LA CHIMIE DE L’AMATEUR
- Nous avons consacré, depuis plusieurs années, de nombreuses notices à la Physique sam appareils et
- fig-l- — Préparation de l’oxygène avec une lampe à esprit-de-vin faite au moyen d’un encrier.
- les expériences que nous avons lait connaître ont toujours été accueillies avec faveur. Il nous a été possible de passer successivement en revue toutes les branches de la physique.
- Ce que nous avons fait pour la physique, nous
- Fig. 2. — Filtration d’un précipité. — Deux gobelets de verre forment les récipients, le filtre est fait eu papier buvard.
- allons essayer de l’entreprendre pour la chimie, pour l’étude de laquelle il faudra bien parfois recourir à des appareils, mais nous ne décrirons jamais que des appareils simples, faciles à construire et absolument pratiques.
- Nous espérons rendre ainsi des services à nos jeunes lecteurs et même aussi parfois à leurs maîtres, pour faciliter leur enseignement d’une façon très économique. Nous nous rappellerons que, pendant de longues années, la chimie a été notre première profession et nous aurons plaisir, pour notre part, à nous reporter au temps des manipulations du laboratoire.
- Nous n’avons, en aucune façon, la prétention de faire un cours de chimie, mais simplement d’indiquer le moyen de réaliser facilement les expériences classiques avec un matériel élémentaire. Voulons-
- nous, par exemple, montrer les propriétés d'un gaz comburant et enflammer dans l’oxygène une allumette presque éteinte qui ne présente plus qu’un
- petit rouge encore incandescent, il nous suffira de chauffer un mélange de chlorate dépotasse fondu et de bioxyde de manganèse dans un tube de verre (fig. 1). Mais, pour chauffer ce petit tube, il va nous falloir une lampe à esprit-de-vin : nous en ferons une avec la bouteille d’un encrier.
- 11 suffira de fixer un bon bouchon au col de notre encrier, de le percer diamétralement avec une lime ronde dite queue de rat, d’y fixer un tube de cuivre que nous emprunterons à un porte-plume d’un sou, et de faire passer une mèche dans ce tube. L’alcool sera versé dans notre lampe à esprit-de-vin qui pourra désormais fonctionner, et qui nous rendra très fré-
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- ([iiemment ses services. Lu ligure *2 montre la manière d'obtenir un liltre pour séparer un précipité de la liqueur où il s’est formé. Un simple morceau de papier buvard posé sur un gobelet nous servira de filtre, a condition que nous verserons le liquide à filtrer par petites quantités, et avec précaution. Nous pourrons prendre comme exemple d’un précipité, la formation du chromate de plomb. Nous versons dans un verre une dissolution étendue de chromate de potasse, elle est transparente et d’un jaune clair et limpide.
- Nous ajoutons dans ce liquide une petite quantité d’acétate de plomb en dissolution; aussitôt nous obtenons un précipité jaune foncé, grumeleux, très épais, de chromate de plomb insoluble. La filtration nous permet de séparer celui-ci.
- Le chalumeau est un des appareils indispensables au chimiste. 11 a constamment à s’en servir pour augmenter, par l’insufflation de l’air dans une flamme, l’action calorifique de celle-ci.
- La figure 5 nous représente un opérateur qui a transformé une pipe en terre en un excellent chalumeau au moyen duquel il produit un dard de feu avec la flamme d’une bougie. Il projette à l’extrémité aiguë de la flamme, de la limaille de fer qui devient incandescente, brûle et s’oxyde sous l’action de la température élevée. Il y a l'a une jolie expérience à réaliser sur la combustion du fer divisé au sein de l’air.
- - A suivre. — GASTON TlSSANDIER.
- CHRONIQUE
- Collection fie fruits imités en cire. — Le Muséum de Paris, vient de s’enrichir d’une collection nouvel e et sans précédent, consistant en une série de fruits imités des tropiques, et de grandeur naturelle. Chaque espèce est représentée avec la branche portant feuilles et fruits, et ce travail a dù demander à l’artiste qui l’a accompli une patience inouïe et un temps considérable. Cette collection a été formée par un ancien capitaine d’artillerie de marine, feu de Robillard d’Argentelle, qui avait appris, pendant un séjour de plusieurs années en Italie, à manier la cire pour faire des reproductions. Arrivé dans l’Inde, puis à Maurice au commencement de ce siècle, il donna sa démission après l’arrivée des Anglais dans cette île. C’est alors qu’il se livra pendant vingt-cinq ans à son goût favori et qu’il exécuta la belle collection qui prit le nom de Carporama. En 1826, le Carporama arriva en France, et un public choisi a pu l’admirer depuis cette époque dans un local disposé à cet effet. Après la mort de l’artiste, cette collection passa à ses descendants et, aujourd'hui, elle est offerte généreusement à l’Etat par MM. Le-provost d’Yrai et leur parente Mme de Bras de Fer. Espérons que des offrandes de cette .importance engageront l’administration supérieure à doter le Muséum de focaux suffisants, pour mettre sous les yeux du public quantité de richesses scientifiques qui, depuis longtemps, restent en magasin faute de place.
- Les grenades contre le feu. — II n’est pas rare de voir, plus particulièrement dans les établissements publics, des bouteilles renfermant un liquide bleuâtre ou
- incolore, destinées à éteindre instantanément et infailliblement tout commencement d’incendie en jetant une ou plusieurs de ces merveilleuses grenades sur le point où so déclare le feu. Un chimiste allemand, 31. A. Gawalovski, de Brunn, pour satisfaire sa légitime curiosité, a analysé quelques-uns de ces merveilleux ignifuges ou ignivores. L’analyse a malheureusement tourné à la confusion des fabricants de ces produits ; sans indiquer les noms, nous reproduisons les résultats obtenus par M. Gawalovski.
- Voici par exemple, une première grenade qui renferme un liquide incolore de densité 1,1986, neutre au tournesol, et présentant ia composition suivante pour 100 :
- Chlorure de calcium..............18,529
- — de magnésium............ 5,700
- — de sodium............... 1,506
- Bromure de potassium............. 2,179
- Chlorure de baryum............... 0,265
- Eau...........'...............72,211
- Chlorures de fer et d’aluminium. Traces.
- Les bouteilles dont le volume est de 6 décilitres sont remplies à la pression ordinaire et le liquide qu’elles renferment revient à un prix dérisoire, moins de quatre centimes.
- Un. autre système de grenade renferme une solution de sel ordinaire et de chlorhydrate d’ammoniaque; elle revient à 6 centimes. Une autre est une solution dans laquelle il entre une partie de carbonate de soude & 3 parties de sel ordinaire ; le liquide revient à peine à un centime par bouteille. Nous laissons la responsabilité des analyses au Chemisch Technische Zeitung qui non* fournit ces détails ; nous les reproduisons sans commentaires.
- Le brouillard et la consommation du gaz à Londres. — Quels que soient les préjudices apportés par le brouillard à la santé et à la bourse des habitants de Londres, les compagnies du gaz auraient mauvaise grâce à s’en plaindre, car, dans la journée du mercredi 16 novembre, la consommation de la Gas Light ani Coke Company a atteint 105 664 000 pieds cubes, soit 55 000 000 de pieds cubes de plus que le jour correspondant de l’année précédente. Cet excès représente juste fa consommation ordinaire d’une ville de 10 000 à 12 000 habitants pendant toute une année. Les deux autres compagnies du gaz de la métropole, la South Metropolitan et la Commercial ont fourni ensemble 45 000 000 de pieds cubes, ce qui porte la consommation totale de Londres, par une journée de brouillard, à 150 000 000 de pieds cubes, dont la valeur est d’environ 525000 francs, et dont 175 000 à 200 000 francs sont représentés par l’excès de consommation. Ces chiffres représentent la plus 'grande consommation enregistrée jusqu’à ce jour ; notre confrère 1 ’lron, auquel nous empruntons ces chiffres, rappelle les brouillards épais de février 1880, brouillards qui durèrent trois semaines presque sans interruption, et il estime que la consommation journalière à cette époque a été probablement plus grande encore que le 16 novembre dernier. Notre confrère oublie seulement que, depuis 1880, la population de Londres a augmenté, que les applications industrielles du gaz se sont développées, ce qui permet de croire que les chiffres du 16 novembre représentent véritablement la plus grande consommation journalière enregistrée jusqu’à ce jour.
- Les douanes eu Russie. — Nous croyons devoir signaler un curieux exemple des procédés encore un peu primitifs employés en Russie dans l’administration des douanes
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- pour la fixation des droits d’outrée. Le fait s’est passé à Liban. L’administration des travaux du port de cette ville reçut de l’étranger un costume de plongeur complet, et comme les tarifs ne mentionnaient pas cet article, les employés de la douane se trouvaient fort embarrassés. Après informations prises à Saint-Pétersbourg, on reçut la réponse : « Faites payer conformément aux règlements ». Trouvant cette réponse peu précise, la douane de Libau décomposa alors le costume en ses divers éléments et fit payer à chacune de ces parties un droit proportionnel à son poids. Les différentes parties métalliques furent imposées comme métaux travaillés, les parties en caoutchouc comme caoutchouc manufacturé, etc. Mais la perplexité redoubla lorsqu’on arriva aux bottes. Le costume venant de Paris, les bottes furent imposées comme bottes et bottines de Paris sur lesquelles il y a un impôt particulièrement élevé. Les semelles elles-mêmes, en plomb massif, durent payer l'impôt du plomb manufacturé et le droit total s’éleva à la somme assez rondelette de trois cent soixante-quinze francs!
- L’industrie des glaces. — 11 résulte, d’une communication qui vient d’ètre faite par M. Gustave Griend, à la Société scientifique et industrielle de Marseille, que la production générale annuelle de l’industrie des glaces peut être estimée ainsi, en mètres carrés : Angleterre, 700 000; feince, 500 000; Belgique, 400 000; Allemagne, 570 000; Amérique, 100 000; soit un total de plus de 2 millions de mètres carrés. Le prix d’une glace de Saint-Gobain, de 1 mètre carré de superficie, était de 205 francs en 1802, de 127 francs en 1855, de 61 francs en 1856 et enfin de 40 francs en 1887. Une glace de 4 mètres carrés coûtait 5644 francs en 1802; elle ne vaut aujourd’hui que 227 francs. Les manufactures de Saint-Gobain fabriquent des verres blancs spéciaux pour les toitures et les ciels ouverts, dont l’usage est très répandu, surtout en Italie. Elles livrent aussi des tuiles et des pavés en verre de différents modèles. Grâce au perfectionnement actuel de cette intéressante industrie, on pourrait même édifier, sur une charpente métallique, une maison entièrement en verre.
- Conservation des viandes par le sucre. — D’a-près un rapport spécial récemment adressé au Ministre de l’agriculture, le sucre constituerait un excellent agent de conservation de la viande et présenterait des avantages sur le sel marin. En effet, le sel absoi’be une partie des substances nutritives et du bon goût de la viande. Lorsqu’on analyse la solution du sel dissous par l’eau contenue dans la viande, on trouve des corps albuminoïdes, des substances extractives, de la potasse et de l’acide phosphorique. Le sel dépouille d’autant mieux la viande de ces substances, qu’il pénètre plus profondément dans les tissus ou qu’il agit plus longtemps. Il arrive alors que la viande, retirée de la solution saline, a perdu des éléments nutritifs d’une réelle importance. Le sucre en poudre, au contraire, étant moins soluble, produit moins de liquide. Il forme autour de la viande une sorte de croûte solide, qui lui emprunte très peu d’eau et n’en altère point le goût. Ainsi conservée, il suffit de la tremper dans l’eau avant de s’en servir. Et, si ce traitement coûte un peu plus cher que la conservation par le sel, il faut tenir compte du résultat final et de la perte évitée, qui est supérieure à la différence de prix entre les deux agents de conservation.
- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 5 décembre 1887. — Présidence de )I. Janssen.
- Séance très courte, convertie, dès 5 heures trois quarts, en un comité secret où doivent être discutés les titres des candidats à la place vacante dans la section d’économie rurale et où doivent être lus des rapports de prix pour la séance annuelle qui aura lieu à la fin de ce mois.
- Les ancêtres de nos animaux. — Tel est le titre d’un volume que nous n’avons pas encore eu entre les mains, mais que son sujet et que le nom de son auteur surtout nous engagent à annoncer tout de suite. Il est, en effet, de M. le professeur Albert Gaudry qui en dépose un exemplaire sur le bureau de l’Académie. C’est la réunion et la coordination de plusieurs articles relatifs à la paléontologie dont les diverses étapes sont tout d’abord indiquées : 1° la découverte d’une faune éteinte différent de la faune actuelle; 2° la constatation de faunes successives distinctes les unes des autres correspondant respectivement aux différents terrains ; 5° la recherche des liens qui peuvent rattacher entre elles les faunes successives. M. Gaudry termine cet intéressant ouvrage par l’historique de la chaire de paléontologie du Muséum et par la description de l'a nouvelle galerie que nos lecteurs connaissent bien et qu’on doit à l’initiative si éclairée de M. Frémy.
- Météorite monstre. — Si ce n’est pas un canard, il s’agit d’un météorite dont l’analogue, comme dimension, n’a jamais été signalée. D’après M. Delauney, il serait tombé récemment, à 60 kilomètres de Saigon, une pierre mesurant 4, 5 et 20 mètres! L’auteur, qui. est actuellement au Cambodge, annonce qu’il part sur les lieux pour constater la réalité du phénomène : on attendra avec impatience les résultats de son excursion.
- Uencyclopédie Fremy. — On voit sur le bureau deux nouveaux volumes de la monumentale encyclopédie consacrée aux sciences chimiques par l’illustre directeur du Muséum, ce qui porte à 52 le nombre des volumes dès maintenant parus. L’un est relatif à l’exposé des méthodes analytiques appliquées aux substances agricoles et a pour auteur M. Muntz, professeur à l’Institut agronomique ; l’autre, qui est de M. Joly, traite du Niobium, du Tantale et du Tungstène.
- La Société d'études scientifiques d'Angers, dont M. Che-vreul est le président d’honneur, adresse un nouveau volume de son bulletin dan: equel abondent les éléments d’intérêt : on y trouvera des documents pour servir à l’histoire de la botanique dans le département de la Mayenne, par M. Constant Houlbert, des diagnoses d’espèces nouvelles de Sarcoptides plumicoles, par M. le Dp Trouessart; le récit d’excursions scientifiques dans lu Dobroudja, par M. Montaudon; une note sur les explosions dans les mines par M. Jehon ; une notice sur les mœurs des batraciens, par M. Héron-Royer; une révision des violariées de Maine-et-Loire, par M. Préauhert, etc.
- Nouveau gisement de diamants. — Le savant directeur de l’Ecole des mines d’Ouro Preto, au Brésil, M. Gorceix, signale, ’a 50 kilomètres de sa résidence, un gîte où le diamant n’est guère exploitable à cause de ses petites dimensions, mais qui offre cet intérêt considérable de présenter le gemme précieux en association intime avec le rutile, l’anatase, l’oligiste, la tourmaline, c’est-'a-dire avec les espèces minérales les plus caractéristiques des filons stannifères. La théorie de la genèse du diamant J tirera peut-être parti quelque jour de cette découverte.
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- LA NATURE.
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- Varia. — L’aimantation par influence continue à occuper M. Duhem. — Une note de M. de Saint-Martin concerne l’influence du sommeil naturel ou provoqué sur l’activité des combustions respiratoires. M. Amagat poursuit ses études sur la dilatation des liquides comprimés. — Une nouvelle méthode de dosage de l’acide carbonique en dissolution est présentée par M. Debray. — M. Cornu a imaginé un procédé de synchronisation des horloges de haute précision permettant la distribution de l’heure-dont bénéli-cietn déjà l’Ecole polytechnique et l’Observatoire. — Par l’entremise de M. Fouqué, M. Tergnier décrit les phonolilhes de la Haute-Loire qu’il rattache aux roches trachyli ques. — D’après M. Lamolte, les gisements groënlendais de spath calcaire dont les physiciens tirent un si précieux parti sont bien loin encore d’ètre épuisés. — MM. Strauss et Dubreuil annoncent comme conclusion de leurs recherches que l'air aspiré des poumons, dontTyn-dall a déjà signalé la pureté optique, est absolument dépourvu de toute espèce de microbes.
- Stanislas Meunier.
- SCEAU EN MÉTÉORITE
- DU ROI D’ANNAM
- Lu substance des météorites est une matière peu commune qui a rarement été travaillée pour la confection d’objets d’art : nous allons indiquer dans quelles circonstances le cachet que nons représentons ci-dessus a été confectionné.
- Le résultat le plus net de notre intervention au Tonkin a été de faire passer sous notre suzeraineté le royaume d’Annam jusque-là inféodé à la Chine. Un intrépide voyageur que sa profonde érudition avait de longue date préparé à l’étude de l’extrême Orient, M. Pène-Siefert, ayant passe huit mois dans l’intimité de Dong-Khan, reconnut la nécessité pour nous de prendre, vis-à-vis de ce dernier, exactement la situation occupée jusqu’alors par l’Empire chinois.il exposa ses vues à M. Flourens, Ministre des affaires étrangères, qu’il décida à envoyer au roi, suivant la tradition, et comme signe de son investiture, un sceau dont le souverain revêtirait à l’avenir ses communications officielles. Nos lecteurs ont sous les yeux la représentation exactement donnée par la photographie de l’empreinte du sceau. On y voit le chiffre du roi, tel que M. Pène-Siefert a pu le fournir d’après une lettre à lui adressée, et en exergue une formule d’envoi (fig. 2).
- Mais pour que le sceau fût digne à la fois de la
- République française et du royaume d’Annam, il fallait le tailler dans une substance suffisamment précieuse, pour en faire un objet exceptionnel. On voulut bien me demander mon avis à cet égard, et il me parut qu’à un « fils du Ciel », comme s'intitule Dong-Khan, il convenait d’offrir un joyau venant du ciel. C’est donc dans la substance d’un météorite que je proposai de tailler le cachet.
- Il faut savoir que parmi les météorites se rencontrent plusieurs roches susceptibles du plus beau poli, et que les granules météoriques qui y sont disséminés parmi des minéraux cristallins produisent un effet des plus agréables.
- Mon idée, soumise àM. Kacmp-fen, alors directeur des Beaux-Arts, reçut son entière approbation. Ce n’était pas la première lois qu’une masse tombée des espaces extra-terrestres, recevrait une application artistiqne et utilitaire. On sait que le seul objet de fer trouvé, par M. Scldie-mann, dans les ruines de l’antique Troie, est un poignard en métal météorique. Tout le monde connaît l’épée forgée en 1620 dans la substance céleste pour D’Gehan-Guir, empereur du Mo-gol ; et Boussingault racontait comment Bolivar réservait pour les cérémonies une arme analogue, cependant plus diplomatique, suivant lui, que guerrière.
- .le lus chargé de trouver la matière première nécessaire au travail, et la chose présentait plus de difficultés qu’on n’aurait cru tout d’abord. Après de nombreuses tentatives en France et à l’étranger, c’est chez un marchand de minéraux de Vienne en Autriche, que fut enfin rencontré, au prix de 400 francs, un bel échantillon provenant de la chute qui eut lieu le 50 janvier 1868 à Pultusk, en Pologne, n’ayant pas de fissures, et présentant un volume et une forme favorables. On voit par la figure jointe à cet article (fig. 1), l’aspect qu’on lui a donné : à sa partie inférieure la pierre est enchâssée dans un disque ovale en or massif, où la signature royale a été gravée.
- Cette originale application d’un météorite a paru assez intéressante pour être signalée à nos lecteurs.
- Stanislas Meunier.
- Le propriétaire-gérant : G. Tissandier. *
- Fig. 2. — Empreinte du sceau du roi d’Annam.
- Imprimerie A. Laliure, 9, rue de Fleurus, à Paris.
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- N« 75t>. — ] 7 DÉCEMBRE 1 88 7.
- LA NATURE.
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- L'ÉCLAIRAGE ÉLECTRIQUE DES NAVIRES
- ET I.A TRAVERSÉE NOCTURNE DU CANAt, DE SUEZ
- L’éclairage électrique des navires à vapeur est de [dus en plus employé, et l'on peut affirmer qu’il ne I
- se construit (tins aujourd’hui un seul paquebot ou navire de guerre dans lequel l’éclairage électrique ne soit installé dans toutes ses parties.
- Cette application a naturellement exigé un matériel spécialement approprié. Il a fallu tout d’abord réduire la vitesse des machines dynamo-électriques
- Fig. 1. — Un navire Ira versa ut <le nuit le Canal île Suez, avec projecteur de lumière électrique à l’avant.
- de façon à pouvoir les actionner directement par un moteur à vapeur.
- Les premières machines faisaient 400 à 500 tours par minute et étaient commandées par une transmission par cordes, par courroies ou par friction. La vitesse des machines actuelles n’est plus que de 300 et même 200 tours par minute, aussi la commande est-elle directe, ce qui simplifie considérablement l’installation et ménage 1 espace ; considération des plus importantes dans un navire à vapeur où la place est si strictement mesurée. Les machines sont a quatre ou à six pôles et donnent, en général, 65 à 70 volts aux bornes, et une intensité variable avec l’importance du navire et celle de son éclairage. Le choix de ce potentiel utile n’est pas arbitraire : il tient à la possibilité de pouvoir, avec la même machine, alimenter a volonté des lampes à arc ou des lampes à incandescence, et même d’effectuer un éclairage l(ie aunn(t. — 4or semestre.
- mixte. Connue, d’autre part, la machine est placée vers le milieu du navire et que la canalisation ne s’étend guère, au maximum, qu’à une soixantaine de mètres de chaque côté, ce potentiel est suffisant pour assurer une bonne distribution, sans avoir recours à des conducteurs de section exagérée.
- Dans bien des navires, l’installation comporte deux machines dynamoélectriques et deux moteurs, absolument distincts, pour parera toute éventualité, chacune des machines ayant une puissance suffisante pour l’éclairage total du navire. On a profité de cotte double installation sur les navires qui traversent le canal de Suez, pour leur permettre de franchir le canal de nuit, ce qui augmente le trafic et réduit de trente-six à seize ou dix-huit heures la traversée de ce canal.
- Les figures 1 et 2 montrent les dispositions adoptées par la Peninsular and Oriental Company.
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- Fig. 2. — Cage du projecteur électrique.
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- LA NATURE.
- Cette disposition consiste en une cage suspendue à l’avant du navire, à 2m,50 au-dessus du niveau de l’eau, et dans laquelle se trouve une lampe à arc réglée à la main, au centre d’un projecteur Mangin, dont la lumière, pénétrant jusqu’à 1200 mètres en avant, développe une nappe lumineuse sur laquelle se détachent, avec netteté, les feux de direction visés par le pilote. Cette lampe à arc est alimentée par la seconde machine de réserve qui n’est pas employée à l’éclairage intérieur.
- Comme tous les navires ne sont pas encore pourvus d’un éclairage électrique, soit par routine, soit par manque d’espace pour cette transformation, on a créé des installations volantes permettant de faire pro-liter des avantages d’une traversée rapide du canal, tous les bâtiments à vapeur, et à créer un matériel spécialement disposé dans ce but.Voici, à titre d’exemple, celui construit par MM. Sautter et Lemonnier.
- Le système comporte trois colis distincts dont le plus pesant n’atteint pas 2000 kilogrammes, et le volume total 7 mètres cubes. Ces trois colis, machines, cables et cage à projecteur, sont disposés pour se charger et se décharger avec la plus grande facilité à l’un des ports d’accès et d’issue du canal.
- L’un de ces colis comprend toute la partie mécanique. C’est une caisse rectangulaire en fer, à claire voie, qui renferme un moteur Brotherhood directement attelé sur une machine dynamo-électrique.
- La seconde caisse contient, enroulés sur deux tambours, les cables souples qui doivent constituer le circuit extérieur, ainsi que les résistances de compensation nécessaires au fonctionnement des lampes montées en dérivation sur les conducteurs principaux.
- Entin, le troisième colis est une sorte de guérite en bois, solidement construite, destinée à être suspendue au devant de l’étrave du navire. Elle porte le projecteur avec sa lampe et un siège disposé en arrière de celui-ci, pour recevoir le veilleur chargé de régler l’avancement des charbons et de diriger la projection lumineuse. Cette guérite, de 2 mètres de haut sur lur2 de hase, est arrimée à l’avant du navire. La machine dynamo, fournit normalement, à 410 tours par minute, 45 à 48 ampères sous 70 volts. Le fanal de tête de niât est constitué par une lampe Gramme automatique, avec lanterne d’extérieur et suspension à ressorts, capable d’éclairer un champ circulaire de 200 à 500 mètres de diamètre. Le jeu de commutateurs montés sur la caisse de résistances permet d’allumer à volonté, sur les ordres du pilote, soit la lampe d’avant avec 45 ampères, soit cette lampe et le fanal de tête de màt qui, dans ce cas, dépensent chacun 24 ampères, soit enfin ce dernier seul avec son courant normal de 24 ampères.
- Ces installations volantes qui familiarisent le personnel des compagnies maritimes avec la lumière électrique, contribueront sans aucun doute à la transformation de l’éclairage des navires qui n’ont pas encore l’électricité à bord à l’étut permanent,
- LES ASCENSEURS HYDRAULIQUES
- DANS LA MA I S O X
- Les élévateurs rudimentaires que chacun connaît et dont le plus simple est le câble passant sur une poulie portant à l’une de ses extrémités le fardeau à élever et sur l’autre extrémité duquel on agit par moteur animé ou mécanique, sont l’origine lointaine de ce qui, de nos jours, a pris le nom d’ascenseur. A ces élévateurs primitifs on a substitué les monte-charges à cages guidées dont les plus perfectionnés comportent un appareil de sûreté, dit parachute, destiné à retenir la cage si le câble vient à se rompre; c’est là le procédé adopté dans la plupart des mines. Les appareils de sûreté sont nombreux, mais il faut reconnaître qu’ils font quelquefois défaut.
- Les appareils construits sur ces principes n’étaient guère employés, comme leur nom de monte-charges l’indique, que pour élever des fardeaux.
- Ce n’est qu’il y a une vingtaine d’années que l’on a eu l’idée de substituer à la traction par chaînes ou câbles des appareils à action directe dans lesquels le poids est soulevé de bas en haut, de sorte que la cage se trouve toujours soutenue par la colonne qui la supporte.
- C’est à l’Exposition universelle de 1807 que M. Léon Edoux, ingénieur-constructeur, présenta le premier type d’appareil hydraulique (ascenseur), qu’il avait réalisé pour élever les personnes avec sécurité.
- Tout ascenseur se compose : 1° d’une cabine fixée à l’extrémité d’une colonne métallique formant piston ; 2° d’un cylindre en fonte placé dans un puits d’une profondeur un peu supérieure à la hauteur de course de la cabine et dans lequel peut se mouvoir la colonne métallique ou piston et y rentrer entièrement lorsque l’ascenseur est au bas de sa course; 5° de divers appareils de manœuvre et de sécurité permettant de faire agir sur le piston une pression d’eau pour obtenir son ascension et. de supprimer, au contraire, cette pression en laissant évacuer l’eau qui qui a provoqué l’ascension, de manière à obtenir la descente par le propre poids de l’appareil; 4° d’un système d’équilibrage nécessité par les considérations suivantes :
- La section d’un piston est calculée, en raison de la pression dont on dispose, pour surmonter la charge ; mais la pression exercée par l’eau sur le plongeur varie nécessairement à-mesure qu’il monte; d’un autre côté, c’eût été perdre inutilement une grande partie de la puissance de l’appareil que de laisser à la charge de la force hydraulique le poids de la cabine et du piston lui-même; on a donc reconnu nécessaire de contrebalancer ces variations de la pression et d’équilibrer le poids mort.
- Les dispositions d’ensemble du piston plongeur, de sa cabine et du cylindre sont indiquées figures 5 et 4. Dans les puits forés, on descend un cuvelage en fonte qui constitue le cylindre de l’ascenseur.
- Les pistons plongeurs qui, à l’origine, étaient éga^
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- LA NAT U HL.
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- lement en fonte se font maintenant en acier par suite des progrès de l’industrie métallurgique; ils sont quelquefois garnis extérieurement d’un cylindre en cuivre poli. Ils sont composés de tubes d’acier réunis entre eux bout à bout, au moyen de mandions intérieurs. Ces tubes sont fabriqués avec des leuilles de métal de qualité supérieure enroulées et soudées au laminoir suivant une génératrice. La résistance à la compression de telles pièces peut donner la sécurité la plus absolue pour des hauteurs de tige allant jusqu’à 180 fois le diamètre.
- Les appareils de manœuvre et de sécurité sont assez nombreux, nous donnerons quelques exemples :
- Le distributeur permet :
- 1° De mettre la cuve du piston en communication avec la conduite d’eau ;
- 2° D'intercepter toute communication ;
- 5° De mettre la cuve en communication avec le branchement d’évacuation.
- On peut obtenir, grâce à cet organe, la montéede l'appareil, son arrêt en un point quelconque, sadescente.
- La ligure 1 montre la disposition du distributeur Edoux ; il consiste en un tiroir circulaire.
- Le distributeur est manœuvré, dans tous les systèmes, en agissant sur un levier F au moyen d’une tringle G que l’on peut actionner de la cabine par l’intermédiaire d’une corde. Pour les positions limites de l’appareil haut et bas, Je distributeur est mis automatiquement à l’arrêt, parla rencontre de taquets fixés sur la cabine et sur la tringle de manœuvre, de manière à éviter qu’une inattention puisse amener des chocs violents et dangereux aux extrémités de course. On peut encore obtenir un arrêt automatique intermédiaire à un étage en manœuvrant au départ un taquet déterminé qui doit rencontrer, à l’étage pour lequel il est désigné, le taquet de la tringle de manœuvre. Enfin un système de verrous, manœuvré d’une façon automatique, ne permet l’ouverture que de celle des portes donnant accès à l’ascenseur, devant laquelle la cage est arrêtée.
- On a ensuite reconnu la nécessité d’un appareil de réglage ayant pour but de régulariser automatiquement la vitesse île course. En effet, la section du piston étant calculée pour une pression moyenne, et la pression réelle pouvant subir d’assez fortes variations, d’un autre côté le poids des voyageurs devant aussi varier, il pouvait résulter de l’addition de ces deux causes des vitesses très variables de l’appareil, vitesses pouvant même, dans certains cas de variations brusques, devenir dangereuses.
- Le résultat est obtenu dans la disposition indiquée figure 2 au moyen d’une valve D interposée sur la conduite. Cette valve porte un contrepoids E calculé de façon que le levier à l’extrémité duquel il est fixé reste dans la position verticale pour la vitesse convenable de l’eau, soit dans un sens, soit dans l’autre, c’est-à-dire pour l’ascension ou pour la descente. Dès ({ue cette vitesse augmente, la valve vient obstruer l’orifice de passage A ou C et la quantité d’eau distribuée diminuant, la vitesse de l’ascenseur se trouve
- régularisée. Le passage de l’eau est permanent par le conduit B; on a ainsi évité les chocs qui auraient pu résulter de la fermeture brusque et complète de l’orifice par la valve.
- Tout récemment, M. Edoux a eu l’idée d’adjoindre à son système un appareil de sécurité contre les effets de l’air dans les ascenseurs dont il avait reconnu la nécessité dans les circonstances suivantes :
- 11 arrive que, pendant les réparations de toutes sortes aux canalisations d’eau des villes, les conduites se vident; lorsque le travail est terminé on remet en charge, et l’air, qui avait remplacé l’eau, peut être fortement comprimé par l’eau jouant le rôle de piston dans la 'conduite. Si, à ce moment, on ouvre à l’admission le distributeur d’un ascenseur, l’air comprimé peut agir violemment sur le piston et imprimer à l’appareil un mouvement d’ascension dont la valve régulatrice, dont il vient d’être parlé, est impropre à maîtriser l’impétuosité, étant un organe disposé pour agir sous l’action de l’eau. La descente peut présenter les mêmes caractères dans les mêmes conditions. Les conséquences d’une montée ou d’une descente si brusque peuvent surtout devenir fatales si le voyageur, perdant son sang-froid, commet l’imprudence de quitter l’appareil en marche.
- Pour éviter ces effets, on interpose un réservoir métallique fermé, d’une capacité un peu supérieure au volume du piston de l’ascenseur, entre le distributeur et la valve de réglage avec lesquels on le met en communication : le tuyau venant du distributeur s’arrête à la paroi supérieure, celui allant à la valve de réglage descend, au contraire, jusqu’au lond du réservoir. Dans ces conditions, si la conduite est occupée par de l’air et que l’on ouvre le distributeur, l’eau du réservoir agira sans l’action de F air comprimé et le piston montera sans dépasser la vitesse normale, l’admission de l’eau étant modérée par la valve de réglage. A la descente, l’eau contenue dans le cylindre remplira à nouveau Le réservoir et l’air faisant place à cette eau s’échappera librement dans l’atmosphère par le distributeur.
- Pour le mode d’équilibrage, dont nous avons indiqué l’utilité, un grand nombre de systèmes ont été présentés et adoptés par les divers constructeurs; nous ne nous arrêterons qu’aux plus répandus :
- Tout système d’équilibrage rationnel doit se composer de deux parties : l’une fixe, l’autre variable, en raison de ce que le piston varie de poids suivant qu’il plonge dans l’eau ou qu’il en sort. Ce résultat a été mathématiquement obtenu jusqu’à ces derniers temps, d’une façon très simple, dans les appareils de M. Edoux (tig. 4, n° 1), au moyen de chaînes fixées à la cabine passant sur des poulies P à la partie supérieure de l’édifice et portant des contrepoids C; lorsque l’ascenseur monte, ces contrepoids et les chaînes descendent, en général dans les colonnes creuses en fonte placées sur toute la hauteur de course et qui servent en même temps de guides à la cabine.
- Avec des chaînes dont le poids est en rapport avec le volume du plongeur, celui-ci est équilibré.
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- Supposons, en effet, l'ascenseur (fig. 4,n° 1) les deux brins de chaîne H, I balancent, le contrepoids C, pour produire l’équilibre, devra représenter le poids de la cabine a du piston à moitié plongé dans le liquide.
- Si le piston monte d’une certaine quantité, un mètre par exemple, il augmente d’un poids p égal au volume d’eau qui a pris sa place dans le cylindre. Le brin de chaîne du côté du contrepoids est devenu deux mètres plus long que le brin du côté de la cabine ; pour que l’équilibre soit maintenu, il faut que les deux mètres de chaîne équivalent au poids p, le mètre de chaîne doit
- donc peser |j-
- Les conditions d’un équilibre permanent dans toutes les positions sont donc les suivantes :
- 1° Contrepoids égal au poids de la cabine et du pistonà moitiéimmergé;
- 2° Chaîne d’équilibrage pesant au mètre la moitié du poids du volume d’eau correspondant à un déplacement de 1 mètre du piston.
- Cependant l’équilibrage par la partie supérieure n’est pas sans présenter certains inconvénients ; en particulier, l’installation de transmissions à la partie supérieure peut offrir des difficultés.
- Nous n’insisterons pas sur les craintes chimériques de la rupture des chaînes venant écraser dans leur chute les voyageurs dans la cabine, mais il est peut-être utile de rappeler ici un accident qui a fait beaucoup de bruit il y a quelques années : nous voulons parler de la chute de l’ascenseur du Grand-Hôtel, qui est généralement cité comme exemple de l’inconvénient de l’équilibrage par la partie supérieure :
- Pendant une ascension, la cabine s’étant séparée la colonne, fuÇ sous l’action du contrepoids, brusquement enlevée à la partie supérieure delà cage, puis, les chaînes s’étant brisées par suite du choc violent qui en résulta, précipitée en bas.
- Rien que les conséquences de cet accident, unique d’ailleurs, aient été fatales par suite du mode d’équilibrage, la recherche de la cause première a montré que le retour de pareil accident ne devait plus se produire et qu’il eût d'ailleurs été évité si une main malhabile n’avait modifié l’installation telle qu’elle avait été faite par le constructeur. Nous avons vu que, haut et bas, le distributeur était mis automatiquement ;i l’arrêt par la rencontre de taquets ; or, la direction du Grand-Hôtel, voulant laisser à ses agents le soin de faire eux-mêmes toutes les manœuvres, avait supprimé ces taquets ; mais les employés ayant pris l’habitude de ne pas manœuvrer le distributeur pour la
- fin de course à la descente, les boulons d’attache de la cabine sur le piston venaient brusquement frapper sur la couronne du cylindre ; il en résulta au bout de longs mois de ces fausses manœuvres la rupture de l’attache,de là l’accident. On a cherché des dispositions différentes et, pour ne citer que ce qui s’est fait en France, nous signalerons d’abord le système Hcurtebise (fig. 4, nus 2, 5, 4). Ce système est basé sur l’emploi du compensateur formé de deux cylindres A et G superposés dont l’un reçoit la pression de l’eau et dont l’autre est en communication avec la cuve de l’ascenseur; dans ces cylindres se meut un piston commun I) dont le poids compense celui de la cabine
- à mi-course j se contre- 1 de
- Fig. 1. — Distributeur d’ascenseur. A gauche détail de l’appareil de manœuvre hydro-électrique.
- Fig. â. — Appareil de réglage de l’ascenseur.
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- et de sa colonne, l’ensemble constituant une sorte de balance hydrostatique.
- On remarquera que, si les courses du piston de l’ascenseur et du compensateur sont dans le rapport de 1 à 10, ce dernier devra avoir une section et un poids décuple de ceux du piston; aussi l’inconvénient de ce système est la difficulté que l’on éprouve à asseoir et (aire manœuvrer des masses aussi considérables. En outre le compensateur ne fait qu’équilibrer la partie invariable du poids mort. Les dispositifs qui ont été adoptés pour contrebalancer la partie variable de la charge ont encore compliqué l'appareil.
- Les dispositions successives auxquelles on a eu recours sont représentées sur la ligure 4, nos 2, 3 et 4. La première consiste dans l’emploi de chaînes F et de contrepoids G, énormes en raison du rapport des courses ; ce dispositif fonctionne dans les mêmes conditions que l’équilibrage par chaînes à contrepoids décrit plus haut et représenté figure 4, n° 1. On a ensuite cherché a atteindre le but par l’action, sur le compensateur, de contrepoids P fixés aux extrémités de grands leviers T dont les inclinaisons variables liées aux mouvements du compensateur faisaient varier l’action exercée sur lui (fig. n° 5).
- Enfin on est arrivé à
- Fi". 3. — Disposition générale du nouvel ascenseur Edoux.
- l’application des cylindres oscillants (fig. 4, n°4) : Les cylindres lv étant dans la position horizontale lorsque l’ascenseur est au mi-
- lieu de sa course, l’action du piston est nulle, mais s’ils tournent sur leurs axes, dans un sens ou dans l’autre, le compensateur recevra d’eux une poussée verticale dont l’énergie croîtra dans une certaine proportion au fur et à mesure qu’ils s’éloignent de la position horizontale. Toutefois, il faut remarquer que, au détriment de l’effet utile, tandis que la modification du poids du piston est toujours égale par unité de chemin parcouru, il n’en est pas de même de la composante verticale des pistons oscillants. Ces pistons doivent, en outre, être alimentés par des accumulateurs spéciaux M, l’eau ne pouvant être prise aux conduites publiques pour y être refoulée ensuite chargée de graisses et autres impuretés.
- Bien que ces accumulateurs évitent les variations de pression des conduites d’eau et diminuent la surface des pistons, ils n’en sont pas moins une complication de plus de l’appareil .
- Récemment M. Abel Pifre a remplacé tous les appareils équilibrant les poids morts par un flotteur qui reçoit une poussée contrebalançant les poids inutiles. Ce flotteur est placé à l’extrémité inférieure du piston supportant la cabine. C’est, à la vérité, une solution on ne peut plus simple, mais elle ne tient pas compte des variations du poids du piston.
- On voit, d’après ce qui précède, que le système d’équilibrage par chaînes et contrepoids est le plus
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- complet sans complication. A l’origine, alors que l’on faisait les pistons en fonte, il était même le seul applicable; ce n’est que par suite des progrès de l’industrie métallurgique que les systèmes d’équilibrage par la partie inférieure sont devenus possibles.
- M. Edoux, qui avait bien reconnu les difficultés fréquentes résultant de son système primitif, devant les résultats maintenant bien acquis et confirmés par la pratique, donnés par les pistons en acier, a adopté une nouvelle disposition d’équilibrage par la partie inférieure sans pour cela modifier en rien le principe de sa première disposition. Les chaînes et contrepoids jouent exactement le même rôle que précédemment, les organes de transmission étant seulement déplacés.
- Dans cette nouvelle disposition (fig. T) et fig. A, n° 5) le cylindre de l’ascenseur est terminé à la partie supé-
- rieure par un caisson métallique étanche, de faible dimension, dans lequel sont renfermées toutes les poulies de transmission et de renvoi. Une chaîne passant sous le pied du piston va s'enrouler sur ces poulies et porte, suspendu a ses extrémités, un contrepoids annulaire qui voyage dans toute la hauteur du cylindre et au travers duquel passe le piston. Pour la détermination du poids du contrepoids et de la chaîne, on tient évidemment compte de l’influence du milieu liquide dans lequel ils se meuvent, et cette circonstance n’est qu’un avantage; elle entraîne, en effet, une augmentation du poids par mètre de la chaîne, et comme le poids qu’elle a effectivement à supporter reste le même, il en résulte un supplément de garantie. D’ailleurs dans ce système une rupture ne saurait compromettre la sécurité des voyageurs ni même occasionner aucun dégât matériel.
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- Fi". 4. — Différents systèmes d'équilibrage des ascenseurs. — 1. Système primitif Edoux. — 2, 5 et i. Système Ileurtebise.
- o. Dernier système Edoux.
- M. Edoux vient encore d’apporter un dernier perfectionnement à la commande tlu distributeur, dont il obtient la manœuvre au moyen d’un petit appareil hydro-électrique (fig. 1). Ce moteur auxiliaire est un multiplicateur de force.
- Le levier de manœuvre du distributeur est relié à la tige d'un petit piston hydraulique C à double effet qui porte, en son milieu, un robinet distributeur ; quatre tuyaux y aboutissent. L’un amène l’eau sous pression, deux autres conduisent cette eau aux extrémités du cylindre, le quatrième sert à l'échappement.
- Le robinet distributeur du petit cylindre est manœuvré par des leviers qu’entraînent chacun séparément deux contrepoids D. Au repos ces leviers sont relevés et les contrepoids reposent sur deux taquets à ressorts dont le déclenchement s’obtient en faisant passer le courant électrique dans les électro-aimants A. Les leviers sont fous sur la tige du robinet ; ils le
- manœuvrent par l’intermédiaire d'un disque calé sur l’axe et qui porte des ergots. Lorsqu’on fait fonctionner l’un des déclenchements, le contrepoids correspondant tombe, sa tige tourne et, par les ergots, entraîne le disque calé sur l’axe. Le petit robinet s’ouvre, l’eau agit contre l’une des faces du petit piston dont la tige manœuvre le distributeur de l’ascenseur.
- Les contrepoids sont relevés et remis automatiquement en place au moyen d’une règle verticale munie de lames et reliée à la tige du petit piston dont elle suit les mouvements.
- Dans la cabine et a chaque étage se trouvent deux boutons de contact, analogues à ceux des sonnettes électriques, au moyen desquels on fait agir 1 un ou l’autre des électro-aimants; on obtient ainsi en agissant sur l’un de ces boutons la marche descendante on l’arrêt lorsque l’on est en descente, en agissant
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- sur l’autre la marche ascendante ou l'arrêt lorsque l’ascenseur monte.
- La figure ô donne, groupés dans leur ensemble, les derniers perfectionnements apportés aux ascenseurs hydrauliques que nous venons de signaler; ils résument 1 ou tes les conditions de sécurité, de commodité et de simplicité que l’on devait rechercher. 1
- Eumo.no Roca.
- LE MICOCOULIER |
- Le micocoulier (Cellis), genre de la famille des celli-dées, détachée de celle des amentacées, renferme des arbres à feuilles alternes, nerveuses, dentées à scie, à fleurs axillaires, solitaires, pédicellées. On en connaît beaucoup d’espèces, dont le bois est trop tendre pour être employé dans l’industrie; mais l’espèce la plus connue est le Micocoulier de Provence (celtis Australis), dit aussi Bois de Perpignan, Fabreguicr. C’est la seule dont nous nous occuperons. Cet arbre croit dans les contrées méridionales de l’Europe et particulièrement dans le Languedoc et la Provence; d’un très beau port, il s’élève à la hauteur de 12 à 15 mètres. Ses branches étalées et nombreuses, sont flexibles et recouvertes d’une écorce grise pointillée de blanc. L’écorce du tronc est d’un brun foncé. Les feuilles très vertes, alternes, pétiolées, dentées, ovales acuminées et tronquées obliquement il leur base, rudes en dessus, un peu pubescentes en dessous. Les fleurs sont petites, verdâtres. Le fruit est une drupe sphérique, noire, renfermant un noyau osseux dont la maturité ne s’achève qu’après les premières gelées. Sa saveur est sucrée et légèrement styptique. On retire des graines une huile grasse, semblable à l’huile d’amande.
- Le micocoulier est d’une croissance très rapide et est très employé dans le sud de la France et le nord de l’Italie pour les plantations des squares et des promenades publiques. Son bois est noirâtre, dur, compact, d’une grande densité et presque sans aubier. Il plie beaucoup sans se rompre et est excellent pour les travaux de charronnage. Il est susceptible d’un beau poli, et quand il est débité sur mailles, il ressemble beaucoup au bois d’espénille. Aussi est-il souvent très recherché pour l’ébénisterie.
- On en fait des cercles de cuves qui durent très longtemps ; on s’en sert aussi pour fabriquer des instruments à vent et pour les ouvrages de sculpture.
- Une de ses principales applications est la fabrication de fourches à foin pour lesquelles son élasticité le rend particulièrement convenable. On voit dans les environs de Lyon et dans d’autres parties méridionales de la France, surtout dans le département du Gard, d’importantes plantations de ce bois. Et dans ce dernier département, on voit des terrains rocheux, impropres à toute autre végétation, qui en sont couverts. On cite même une plantation de 4 hectares à peine qui produit annuellement environ 5000 douzaines de fourches représentant un revenu d’environ 25 000 francs.
- Quand l’arbre jeune est recepé au collet, il repousse en rejets vigoureux excessivement souples et flexibles dont on fait des manches de fouet, des baguettes de fusils et des cannes. Quand les arbres sont destinés à cet usage, on les plante en masses très serrées, de manière à faire pousser les tiges plutôt en hauteur qu’en grosseur.
- Les habitants de l’Aude cultivent dans ce but le micocoulier dans le meilleur sol, et les rejets produisent un
- article de commerce très étendu, sous le nom de bois de Pei'pignan. Ce département, d’après M. Baudrillard,fournit des manches de fouets à tous les cochers et voituriers de l’Europe.
- La racine, qui n’est pas aussi compacte que le tronc, est plus noire: on en fait des manches pour les couteaux et pour les menus outils. Elle renferme une matière colorante bonne pour teindre en jaune les étoffes de laine.
- L’écorce du tronc et des branches est astringente et s’emploie comme celle du chêne à la préparation des peaux 1.
- BOUÉES TÉLÉPHONIQUES
- La Compagnie générale transatlantique se propose de relier téléphoniquement la rade du Havre avec la ville et par suite avec Paris, puisque le téléphone fonctionne entre ces deux villes. On sait que les grands paquebots ne peuvent entrer qu’au moment de la pleine mer, ce qui les oblige à rester souvent plusieurs heures sur rade en attendant l’heure de la marée.
- D’autre part, lorsqu’ils arrivent avec des temps brumeux ou bien pendant la nuit, on ne peut pas les signaler à l’agence de la Compagnie pour que celle-ci envoie son remorqueur prendre les dépêches et les passagers. On comprend alors qu’une communication rapide entre la terre et le paquebot, offre un grand intérêt. La Compagnie Transatlantique pense résoudre le problème en mouillant, sur rade une bouée téléphonique. Cette bouée, de forme cylindro-conique, serait reliée par un câble à un poste téléphonique à terre. Or, comme tous les grands paquebots de la Compagnie sont pourvus d’un téléphone (pour faire communiquer la passerelle avec les extrémités du navire), il suffirait donc qu’une embarcation partît du bord en remorquant un petit câble téléphonique, soutenu au besoin par des flotteurs, qu’elle irait relier à celui supporté par la bouée. La communication serait ainsi établie entre le bord et les bureaux de l’agence, quoique les paquebots soient mouillés en grande rade, c’est-à-dire à 5 ou 4 milles du port. La bouée téléphonique serait mouillée au large des bouées actuelles qui servent au balisage de la rade. Le câble partirait du cap La Hève; le poste téléphonique serait installé dans l’un des phares ou dans la tour du sémaphore et irait de là rejoindre la bouée. Cette application de la téléphonie maritime pourrait recevoir de nombreuses applications non seulement dans les ports de commerce, mais aussi dans tous les ports de guerre.
- LES CADRANS SOLAIRES
- (Suite et fin. — Voy. p. 5.)
- Théorie des cadrans solaires. — Par la pensée, sectionnons la sphère que nous habitons pour lui prendre une tranche dans le plan de son équateur, et laissons-lui son axe idéal, qui sera notre gnomon.
- Ru pied de cet axe à la circonférence de notre disque terrestre, tirons vingt-quatre rayons égaux entre eux, sur chacun desquels nous inscrirons une des heures du jour.
- 1 D’après Y Écho forestier.
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- LA NATURE.
- Aucun dérangement n’ayant eu lieu dans l'orientation naturelle de cette bande de terre, elle accomplira son double mouvement de rotation et de translation sur l’écliptique. L’observateur qui serait placé en dehors d’elle, aurait devant ses yeux le cadran solaire équinoxial, son principe et sa théorie.
- Pendant six mois, la surface tracée serait seule éclairée; pendant six autres mois, l’heure se lirait, mais en sens inverse, sur la surface opposée.
- Maintenant, par la pensée toujours, rapetissons cet objet, comme on le voit figure 1, et apportons-le sur notre globe qu’un miracle aurait reconstitué.
- Si nous voulons faire un bon usage de ce cadran, donnons-lui la même position qu’il avait de lui-même quand nous l’avons tracé ; c’est-à-dire qu’à chaque endroit de la terre où nous nous trouverons, pla-çons-le de manière que sa ligne de midi soit parallèle au méridien de cet endroit, et son plan parallèle à l’équateur. Dans ces conditions, son style, perpendiculaire à sa surface, se trouvera naturellement parallèle à l’axe du monde, et son extrémité élevée se dirigera vers l’étoile polaire.
- Remarquons, en passant, qu’il ne marquera pasavantG beuresdu matin ni après 6 beuresdu soir, et, qu’aux époques des équinoxes, le soleil étant à l’équateur n'éclairera que son rebord.
- Ce cadran, dont tous les autres ne sont que des projections, peut servir dans tous les pays, sa construction est fort simple, mais son orientation n’est
- Fig. 1. —Cadran solaire universel.
- Fig. 2. — Horloge solaire universelle.
- pas à la portée de tous. Plusieurs systèmes ont été mis dans le commerce en vue d’en rendre l’usage
- commode, un, entre autres (tig. 1 ), dû à M. Rimbaud, dont il nous reste à signaler la nouvelle et intéressante invention.
- Horloge solaire universelle. — Cet instrument (tig. 2) nous parait être la réalisation la plus heureuse de la théorie que nous venons d’exposer.
- En effet, notre planète est elle-même l’horloge qui règle nos usages civils. Supposons-la transparente, laissons-lui son axe et nous verrons l’ombre de celui-ci se porter sur la paroi opposée au soleil, parcourir son équateur en vingt-quatre heures, à raison de 15 degrés chacune.
- Ses légères variations à l’égard de nos instruments d’horlogerie se compensent au terme de sa révolution sur son orbite; d’ailleurs, des tables sont données qui permettent d’établir chaque jour l’équation des minutes d’heure?. C’est donc une image fidèle de la terre que nous représente la figure 2. Orientée, une fois pour toutes, comme notre planète, par un système aussi simple que rationnel, portée par elle dans sa rotation et sa translation, elle reçoit comme elle le rayon central du soleil aux mêmes points relatifs.
- Ses avantages, sur le cadran équinoxial, sont de marquer l’heure aussi longtemps que le soleil est sur l’horizon, même pendant les équinoxes, et de se prêter à la décoration utile d’un jardin.
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- COMBUSTION SPONTANÉE
- U y a quelques semaines, le 14 novembre 1887, on a sabordé à Falmouth le navire City of Newcastle, pour noyer le feu qui s’était, spontanément allumé dans sa cargaison de coton. A Queenstoivn (Irlande), premier port qu’avait touché ce navire en arrivant d’Amérique, on avait, sans succès, tenté d’arrêter cet incendie.
- La Nature, en vulgarisant (par la publication des exemples) les notions relatives aux substances susceptibles de s’enllammer spontanément, rend un service d’une grande utilité pratique qui permet, dans
- certains cas, de prévenir des incendies, particulièrement à bord des navires.
- Le coton en balle, et plus que toute autre matière, le coton gras et les tissus et les chiffons gras, sont susceptibles de prendre feu spontanément. La Nature (29 octobre 1887, p. 540) rapporte au sujet du coton et des incendies en mer que dans l'espace de cinq années, 46 navires chargés de coton pour Liverpool ont brûlé, soit en mer, soit au départ, soit à l’arrivée.
- Ce chiffre est sans doute bien au-dessous de l’exacte réalité, si j’en juge par ce que me disait il y a quelques jours un banquier anglais richissime, en rapport d’affaires avec toutes les parties du monde. Sur
- Combustion spontanée d’un tampon de ouate imbibé de vernis à tableau, au moment où il est jeté.
- la longue liste des navires à bord desquels il avait des marchandises en consignation, coton et graines oléagineuses, neuf brûlaient en ce moment, ou venaient de brûler tout ou partie; il ajoutait qu’il devenait urgent d’aviser aux moyens d’empêcher cette fermentation du coton, qui cette année plus que jamais semble disposédt prendre feu.
- Cette tendance surprenante qu’ont à s’échauffer en s’oxydant les tissus de coton imbibés d’huile, même réunis en quantité peu considérable, mérite de fixer l’attention, et de frapper l’imagination, par les suites terribles que peut avoir une négligence, causée trop souvent par Yignorance du danger et aussi par Y ignorance des précautions à prendre! —
- Dans la marine de l’Etat, par exemple, on veille
- sans cesse aux moyens d’éviter la combustion spontanée; ainsi tous les officiers savent qu’il est prudent, avant de ranger les vêtements huilés, autrement appelés habits cirés, que portent les canotiers par mauvais temps, de s’assurer qu’ils ne sont pas humides. On sait qu’il faut se garder de les [tresser les uns contre les autres en trop grand nombre.
- Les huiles subissent en effet en séchant, pins que les autres corps gras, une résinification qui n’est qu’une combustion lente s’accomplissant à basse température. Si cette action est hâtée par une cause quelconque, elle s’opère à une température plus élevée et peut alors donner lieu à un incendie.
- On peut en effet essayer presque à coup sûr, de produire, avec un peu de précaution, une combustion
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- LA NATURE.
- spontanée dans quelques mètres de toile de coton fraîchement peinte avec de l’huile de lin.
- M. Chevalier1 rapporte un exemple de combustion de ce genre observé dans la voilerie de l’arsenal de Brest où l’on avait rangé l’un sur l’autre, après les avoir fait sécher au soleil pendant deux jours, trois fourreaux (pour voiles) en toile imprégnée de peinture à l’huile. La quantité de tissu huilé était d’environ dix mètres par morceau. Rangées à l’abri, ou laissées en plein air, exposées ou non au soleil, ces pièces de toile, fil ou coton, peuvent donner lieu à des incendies qui, heureusement, dès le début attirent l’attention par une épaisse fumée. Il n’y a pas que dans une pièce fermée, que dans l’air étouffé d’une cale de navire, que des déchets et des étoffes de coton huilés ou gras peuvent prendre feu. J’ai vu le phénomène se produire en plein air. Au mois de juillet 1878, par une chaleur insupportable, le hasard m’a rendu témoin du fait à la gare de l’Ouest. La lampisterie est située en contre-bas de la rue de Rome et du pont de l’Europe. On accumulait là, dans de grands bacs en tôle, des masses de chiffons gras que les lampistes ne peuvent plus employer. Un de ces bacs était si plein qu’un gros paquet de ces chiffons était tombé à terre; je sentis en passant une odeur de chiffons brûlés, et malgré un regard attentif, rien n’attira mon attention. Cinq minutes plus tard en passant de nouveau, je sentis alors une plus forte odeur de brûlé et je vis que cet amas de chiffons tombés commençait à flamber. Je hélai un homme d’équipe, en lui montrant le feu ; il accourut avec un des arrosoirs toujours pleins, et préparés à l’avance, paraît-il, pour cet usage, et il arrêta aussitôt cette combustion spontanée naissante.
- M. Chevalier2 (mémoire sur les incendies) expose les expériences de Golding et Humphries qui déterminaient à volonté l’inflammation d’un morceau de toile imprégnée d’huile de lin (il n’est pas dit de quelle étendue). Ils enfermaient cette toile dans une boîte. Trois heures après, la toile commençait à fumer, et entrait en combustion instantanée, dès qu’on introduisait l’air extérieur.
- M. Renouard de Rouen5 a renouvelé cette année les expériences de Golding en les modifiant; il a mélangé en petite proportion des déchets de coton gras avec du coton sec. Ce mélange opéré, il le soumettait à une puissante compression; le feu ne tardait que quelques heures à se déclarer dans cette masse. Or personne n’ignore que le coton pour être mis en balle est soumis à une pression hydraulique très considérable. Si ce coton est gras ou seulement humide, il fermente, s’échauffe, et prend feu.
- Un fait des plus extraordinaires, et qui pourra semblera quelques personnes tenir du merveilleux, rapporté par Dumas à l’Institut en 1844 et cité par M. Fonssagrives4, est celui d’un flocon de coton avec
- * Annales d'hygiène, lre série, 1. XXV, p. 309.
- - Annales d'hygiène, t. XXVII, p. 211. — t. XXIX, p. 99.
- 3 La Nature, 20 août 1887, p. 182.
- 4 Hygiène navale, 2e édition, p. 25.
- lequel un peintre avait frotté un tableau fraîchement verni : ce morceau d’ouate s’enflamma dans l’air au moment où il fut jeté au loin. Plus tard à l’Académie des sciences (3 février 1879), à propos du fait de combustion du parquet observé par un savant botaniste, M. Cosson, dans son laboratoire, Dumas1 a rappelé des faits nombreux qui prouvent que la condensation de l’air dans les corps très poreux et combustibles, détermine souvent l’inflammation de ceux-ci à une assez basse température ; dans le nombre de ces exemples il a cité de nouveau le fait de cette boule de coton enflammée dans l’air (voy. la gravure). Un savant aussi considérable que Dumas, qui répète le même fait à plus de trente ans de distance, l’érige en fait indiscutable.
- La température de la cale d’un navire s’élevât-elle à plus de 80° et même à 100°, cela ne suffit pas pour donner satisfaction à l’esprit et expliquer la production de la flamme et d’incendie dans des chargements de lin, de chanvre ou des amas de fumier, de foin, de céréales et de grains mouillés, etc. II y a là un changement d’état et des phénomènes dont il faut tenir compte. Cette élévation de température est due à une condensation des gaz, à une oxygénation rapide et puissante. Ainsi le charbon de bois, très poreux, renfermé dans une atmosphère comprimée absorbe une grande proportion de gaz qui s’y condense et développe de la chaleur. — Un fait moins connu encore que je cite pour cette raison, — les déchets de caoutchouc vulcanisés, amassés, entassés et humides prennent feu (cet accident s’est produit à l’usine de MM. Menier, à Grenelle).
- Dumas, de concert avec M. Chevreul, en exposant des faits de combustion spontanée devant l’Institut, a raconté, entre autres exemples, que des colis venant de Chine et contenant des substances végétales fraîches et des matières sèches, ont pris feu sous ses yeux lorsqu’on les a ouverts.
- M. Fonssagrives, au beau traité d’hygiène navale duquel j’ai emprunté cet exemple, rapporte « qu’il a constaté lui-même que des figues de Barbarie emballées dans du son pouvaient, par fermentation, élever la température de celui-ci, au point de le rendre à peine supportable à la main. »
- On est moins surpris de l’augmentation de chaleur que peut subir le charbon de terre amoncelé, soit dans des soutes, soit même au grand .air. (Parfois ces grandes masses de houille, sur les quais et dans les chantiers, prennent feu, sans l’intervention d’une étincelle). La composition très complexe du charbon de terre est une cause*multiple de combustion spontanée— il contient des huiles essentielles, du soufre et plus que toute autre chose, l’hydrogène phosphore, gaz des marais spontanément inflammable à l’air. —La poudre impalpable qu’il fait en se brisant, poudre si souvent cause des explosions de grisou dans les mines, vient encore ajouter au danger d’incendies spontanés.
- Avant de poursuivre cet exposé, le moment me
- 1 La Nature, 8 février 1879, p. 160.
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- parait venu d’indiquer le moyen employé dans les navires à vapeur pour éteindre un incendie qui éclate dans les soutes à charbon. Une injection de vapeur prise directement sur la chaudière et lancée au moyen de tuyaux llexibles dans ces soutes en feu, ne tarde pas à maîtriser le danger. La vapeur, gaz incomburant au moment de son expansion, remplace promptement l’atmosphère des soutes remplies d’air et de gaz qui entretiennent la combustion. Peu d’instants après cette vapeur poussée par une pression de plusieurs atmosphères, en se condensant, fait le vide dans lequel toute combustion est impossible.
- Déjà ce puissant moyen d’extinction avait été proposé à l’Académie des sciences en 1837 par Dujardin de Lille pour éteindre le feu dans les théâtres et rappelé, il y a peu, par M. Goubet, ingénieur1.
- Dans le but de prévenir l’incendie et de savoir si le charbon s’échauffe dans le centre de la masse, mon savant confrère, M. Le Roy de Méricourt, médecin principal de la marine, a eu l’heureuse idée de proposer de faire traverser les soutes à des tiges de fer transversales, faisant saillie au dehors. M. de Parville a conseillé de placer aux deux extrémités de ces tiges des thermomètres indiquant la température intérieure.
- Les phénomènes observés dans une pièce ne sont pas comparables à ceux qui se produisent dans la cale d’un navire, où l’air est comprimé et non renouvelé ; ils donnent encore la mesure du peu de chaleur nécessaire pour engendrer le feu à bord.
- En voici un exemple bien frappant : si l’on prend une quantité de chaux vive, 40 kilogrammes par exemple, et si on y mêle pour l’hydrater, autrement dire pour la mouiller, un peu moins de son volume d’eau, cette chaux, en s’hydratant, développera un calorique tel que le thermomètre atteindra 100° G. Si cette opération a été faite dans un grand tonneau de bois bien sec et recouvert, le bois du baril ne prendra pas feu.
- Si les conditions de milieu sont changées, si de la chaux vive, renfermée dans des barils, est embarquée dans la cale d’un navire, vient à mouiller suffisamment, à s’hydrater en masse, il y a production d’une chaleur suffisante pour faire entrer en combustion le bois de la cale, du vaigrage et du pont et mettre le navire en danger de se perdre, à moins de secours immédiats. On cite bien des exemples d’incendies dus à cette cause.
- Pour que le bois d’un navire puisse prendre feu au contact d’une masse plus ou moins considérable des substances que je viens d’énumérer, et dont la température s’est élevée, ce bois doit être dans un état qui le dispose à s’enflammer. L’action prolongée de la chaleur modifie la structure du bois et abaisse sensiblement son point calorique d’inflammation.
- On sait que la cale des navires, toujours hermétiquement fermée, afin d’éviter l’humidité et l’eau,
- 1 La Nature, 4 juin 1887, Communications diverses, feuilles supplémentaires de la couverture.
- se remplit de gaz qui s’y accumulent et s’y condensent au point de pénétrer le bois et de l’altérer dans sa structure; il est tout à la lois desséché et moisi, ainsi que l’est le bois intérieur de certains arbres creux qui brûlent connue de l’amadou. Ces gaz qui pénètrent ce bois (qu’on dit échauffé) sont en grande partie du carbure d’hydrogène.
- Il faut bien admettre qu’il y ait une raison chimique semblable, pour expliquer que, dans un navire neuf, on puisse impunément (ainsi que je l’ai vu faire à Cowes, dans le chantier de Ratsey, à bord d’un grand yacht de plaisance), couler une masse considérable de plomb fondu (plusieurs tonnes) à même la cale, pour lester le navire sans perdre de place et descendre ainsi son centre de gravité. Le plomb fond à 330° ; pour subir ce coulage, il faut que le métal ait atteint au moins 450°. Cette opération qui développe une température autrement élevée que la chaux vive, que la fermentation des céréales, etc., ne produit pas l’incendie à bord du navire neuf et aéré alors qu’il en faudrait bien moins pour allumer l’incendie dans la cale d’un navire fermé et déjà vieux.
- Afin de suivre la progression usitée dans tout exposé, il est logique de terminer cette série de faits par la citation de l’exemple le plus extraordinaire causé par un phénomène fort peu connu, je crois, de la plupart. La fonte, parait-il, possède la propriété de s'échauffer spontanément. LeI)rQues-neville rappelle, d’après M. de Bæckmann, que la fonte qui a séjourné sous l’eau, acquiert des propriétés pyrophoriqu.es. Ce phénomène est offert quelquefois à un degré remarquable par les boulets et les canons en fonte retirés de la mer, après une submersion séculaire. Ils s'échauffent spontanément et leur température peut s'élever jusqu'à l'incandescence. Cette propriété n’a pas été encore observée dans les objets en fer forgé. Cependant La Nature 1 relate l’exemple surprenant de la combustion spontanée de particules d’acier.
- Souvent les pêcheurs, dans leurs dragues aux huîtres ou dans leurs filets, amènent du fond de la mer, entre autres objets divers, des boulets dont le séjour remonte à plusieurs siècles. Un de mes cousins, l’amiral B..., il y a plusieurs années, a fait repêcher, à Saint-Wast-la-Hougue, de nombreux boulets en fonte; ils étaient, en sortant de l’eau, mous comme de la terre glaise un peu ferme et se coupaient au couteau. Après deux jours de dessiccation, ils redevenaient durs comme est la rouille durcie.
- Si l’on considère comme admis, le lait de la fonte pyrophorique, supposons qu’un boulet doué de cette propriété, ramassé à bord d’un navire soit placé près d’un corps combustible, charbon, copeau, etc., voilà certes une source d’incendie inattendue qu’il m’a paru intéressant de signaler.
- Dr Le Roy d’Etiolles.
- 1 Yoy. n° 757, dn 5 décembre, p. 14.
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- CERFS-VOLANTS CHINOIS
- L’art de la construction des cerfs-volants est très cultivé dans l’extrême Orient, et les Chinois qui ont entre les mains le bambou, le papier de Chine, la soie légère, excellent à confectionner des systèmes très ingénieux de formes variées, et qui sont fort peu connus dans nos pays.
- Nous avons consacré déjà, dans La Nature, quelques notices sur cet i ntéressant sujet, et nous avons parlé des cerfs-volants japonais 1 que l’on trouve aujourd’hui dans le monde entier, chez les marchands de japoneries. Un de nos correspondants de Chine, M. Hucliet, actuellement à Paris, a eu l’obligeance de faire faire à notre intention, par un habile constructeur chinois, une série de modèles qui représentent les différents types de cerfs-volants, usités partout en Chine, dans U An-nam et leTonkin, et qu’il a eu l’extrême obligeance de nous rapporter lui-même : c’est une bonne fortune pour La Nature.
- La figure 1 représente le plus simple des cerfs-volants; sa carcasse est unique-ment formée d’une tigedebam-bou rigide AB et de deux tiges latérales légèrement courbées Cl) et EF. Une feuille de papier est collée sur ce châssis, elle se trouve peu tendue aux extrémités CE et I)F ; sous Faction du vent, elle forme à ces extrémités deux poches qui maintiennent le système arrondi et dans une excellente position d’équilibre. Notre gravure montre le mode d’attache
- 1 Voy. n° 699, du 25 octobre 1886, p. 552.
- des cordelettes qui servent à le fixer. Ces cerfs-volants atteignent généralement 1 mètre environ de largeur.
- La figure 2 donne l’aspect du cerf-volant musical, ainsi nommé parce qu’il est muni d’un résonnateur
- de bambou R percé de trois trous, l’un à l'avant et les deux autres aux deux extrémités. Quand le cerf-volant fonctionne , l’air , en s’engouffrant dans le résonnateur, produit un son plaintif assez intense, qui s’entend à une grande distance : ce cerf-volant musical est construit à peu près comme le précédent, mais les tiges transversales de sa carcasse se réunissent à leurs extrémités et donnent au système l’aspect de deux ailes d’oiseaux accolées contre un axe central. L'appareil atteint quelquefois une grande dimension, jusqu’à 5 mètres de diamètre. Les résonnateurs sont souvent superposés au nombre
- de trois ou quatre au-dessus du cerf-volant et ils produisent alors un son grave très prononcé. M. Hu-chet nous a dit que le cerf-volant musical était très répandu dans la Chine et le Ton-kin. On en compte parfois des centaines qui planent dans l’air aux environs d’Hanoi. Cet appareil est l’objet de certaines croyances superstitieuses et il passe pour conjurer le mauvais esprit. Dans ce but il est souvent attaché, quand il y a du vent, aux toits des maisons où, pendant toute la nuit, il fait entendre son murmure plaintif à la façon des harpes éoliennes.
- La figure 5 nous donne l’aspect du cerf-volant oiseau dont la carcasse est représentée à droite de la figure. Il fonctionne souvent sous cette forme, mais
- Fig. 2. — Autre cerf-volant chinois, musical.
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- souvent aussi les Chinois complètent cet appareil par une tète d’oiseau fixée à l’avant et des papiers légers attachés aux ailes. Ces papiers remuent sous l’action du vent et simulent le battement des ailes. Le cerf-volant oiseau ainsi complété est dessiné à
- gauche de notre ligure 5; il atteint parfois 1 mètre de hauteur.
- Nous avons gardé, pour la lin de cette notice, la description du plus curieux système tics cerfs-volants chinois. 11 s’agit du cerf-volant dragon (tig. 4). Cet
- appareil est constitué par une série de petits disques tendu de papier de Chine. Ces disques sont réunis elliptiques très légers, formés d’un cadre de bambou par deux cordelettes qui les maintiennent équidis-
- Fig. i. — Le cerf-volant chinois à palettes multiples.
- tants. Une ^tige de bambou transversale est fixée dans le grand axe de l’ellipse, elle dépasse légèrement chaque disque, et on y fixe à chacune de ses extrémités la tige d'une graminée qui forme balancier de chaque côté des disques. Le disque d’avant a sa surlace légèrement bombée, une tête fantastique y est tigurée avec deux yeux formés de
- deux petits miroirs. Les disques vont en décroissant légèrement comme le fait voir notre figure, représentant le système quand il fonctionne; les disques se trouvent inclinés environ à 45° dans le lit du vent, et leur ensemble prend une forme ondulatoire, à la façon d’un serpent qui rampe. Le disque d’arrière est muni de deux petites banderolles formant
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- lu queue de ce singulier cerl-volant. Il faut une grande habileté pour lancer cet appareil; les Chinois excellent à le faire, mais les Européens y réussissent difficilement. Gaston Tissandiek.
- CHRONIQUE
- Carnot et Napoléon Ier à l’Institut. — Les divers journaux politiques qui ont parlé de la vie du général Carnot, à propos de l’élévation de son petit-fils à la première magistrature de la République, ont oublié de donner des détails sur son existence académique. Il n’était encore que capitaine du génie lorsque le Directoire exécutif, dont il faisait partie, organisa l’Institut national. Par la nature des fonctions qu’il avait exercées, des travaux qu’il avait exécutés, des mémoires et des publications qu’on lui devait, il était naturellement appelé à faire partie de cette haute assemblée. Dans l’esprit des auteurs de la Constitution de l’an III, elle devait être le conseil scientifique de la République. Carnot entra dans la première classe, et choisit la section de mécanique. Il fit à l'Institut un nombre considérable de communications montrant qu’il prenait les fonctions de membre de l’Institut au moins aussi au sérieux que celles de membre du pouvoir exécutif. C’est dans cette période occupée de son existence qu’il écrivit la Métaphysique du calcul infinitésimal, le plus remarqué de ses ouvrages. Mais, en fructidor, an V, les élections ayant été contraires à la majorité du conseil législatif, Carnot fut compris dans la proscription qui suivit. Sa place à l’Institut fut déclarée vacante, et ses collègues élurent pour être son successeur le vainqueur d’Arcole et de Lodi, qui revenait triomphant à Paris, après la signature du traité de Cainpo-Formio. Le général Bonaparte siégea à l’Institut pendant tout le temps que durèrent les préparatifs de l’expédition d’Egypte.Toutes ses proclamations étaient signées : « Le membre de l’Institut commandant l’armée d’Orient. » Après le 18 Brumaire, Carnot revint à Paris et fut nommé de nouveau membre de la première classe de l’Institut. Il occupa son fauteuil jusqu’à son exil, qui se termina par sa mort à Magde-bourg, lieu de sa sépulture. Il rédigea un grand nombre de mémoires, et à la sollicitation de Napoléon, Y Art de défendre et de prendre les places fortes. Devenu empereur, Napoléon 1er ne renonça pas à son titre de membre de l’Institut, et il le garda avec tous les autres dont la victoire l’avait investi, jusqu’à l’abdication de Fontainebleau. Alors il fut déclaré déchu, et sa place fut occupée par Mollard, directeur du Conservatoire, célèbre pour avoir réussi à redresser des voûtes en employant la force de dilatation des barres qu’on y voit encore. En 1816, l’Institut fut supprimé et remplacé par les quatre Académies : des sciences, française, inscriptions et belles-lettres, beaux-arts. L’Académie des sciences morales et politiques ne fut établie qu’après 1850. Carnot ne fit pas partie de la réorganisation. Son fauteuil, dans la section de mécanique, fut occupé par Cauchy, le célèbre analyste. 11 est bon d’ajouter un détail. Lors de la création de 1705,. le Directoire exécutif nomma, par un arrçté, quarante-huit membres de l’Institut qui se constituèrent immédiatement en Assemblée électorale et nommèrent les quarante-huit autres. Carnot, qui faisait partie du Directoire qui nommait les premiers membres, signa l’arrêté avec ses collègues, mais il ne se nomma pas. 11 fut un des premiers choisis par les électeurs.
- Le ballon captif de l'armée chinoise. — Le
- 50 octobre dernier, a eu lieu l’épreuve du ballon captif construit pour la Chine par M. Gabriel Yon de Paris. Le ballon à été manœuvré par M. Panis, à Tien-Tsin, devant les hauts fonctionnaires chinois et une multitude immense. L’expérience s’est faite avec le plus grand apparat. Le canon tonnait chaque fois que l’aérostat quittait le sol. M. Panis a exécuté seul la première ascension ; le consul de France à Tien-Tsin a été la seconde personne admise dans la nacelle. Ensuite sa femme a montré aux Chinois surpris que les Françaises ne craignent pas de s’élever dans les airs. Cet exemple a déterminé un mandarin dont l’ascension a rompu la glace. En effet, depuis lors, les demandes se sont succédé sans interruption. Les expériences ont eu lieu pendant cinq jours consécutifs sans le moindre accident. Le 6, le ballon a été envoyé avec ses équipages à Fou-tcheou, où l’armée exécutait de grandes manœuvres, M. Panis a été chargé de surveiller les corps d’armée qui simulaient une attaque de l’arsenal, et de communiquer à terre le résultat de ses observations avec un téléphone. Les renseignements étaient d’une exactitude merveilleuse, aussi la joie et la surprise des Chinois étaient-elles indescriptibles. A l’issue de ces expériences, il a été décidé que l’on ferait des ascensions captives avec un grand ballon de 5000 mètres et M. Panis est parti à Pékin poulie chercher. Il est à douter que l’expérience réussisse aussi bien, car le treuil qui sert au rappel a été calculé pour un cube bien moindre.
- Nouveau procédé de nlekelage. — M. Joseph Arène, vice-consul de France à Mons, Belgique, signale dans un récent rapport un nouveau procédé de nickelage employé avec succès dans cette ville. Par ce procédé, on peut déposer une très forte couche de nickel sur un métal quelconque, en très peu de temps, et au moyen d’un courant assez faible. Voici la composition du bain dont il
- est fait usage :
- Sulfate de nickel................... 1 kilogr.
- Tartrate neutre d’ammoniaque. . . . 0,725
- Acide tannique...................... 0,005
- Eau..................................20 litres.
- Le tartrate neutre d’ammoniaque s’obtient en saturant de l’acide tartrique par de l’ammoniaque. Le sulfate de nickel doit être également employé à l’état de neutralité.
- ajoute d’abord 2 ou 5 litres d’eau, et l’on fait bouillir la solution pendant un quart d’heure environ. Le reste de l’eau est ensuite ajouté et le tout filtré ou décanté. Le bain peut servir indéfiniment à condition d’y ajouter de temps en temps les mêmes sels dans les mêmes proportions. Le dépôt de nickel obtenu au moyen de ce procédé est blanc, ductile et homogène. Même lorsqu’on l’obtient en couche épaisse, on n’observe aucune irrégularité sur la surface et aucune tendance à s’écailler. Des dépôts de nickel très épais ont été ainsi obtenus sur de la fonte brute et polie, avec une dépense à peine supérieure à celle exigée pour déposer du cuivre.
- Noms des habitants de quelques villes de France. — La désignation des habitants de certaines villes offre des anomalies singulières qui ne sont pas toujours connues. Il nous a paru intéressant d’en citer quelques exemples : Les habitants de Bourges se nomment les Berruyers ; les habitants de Béziers, les Bitterrois ; ceux de Chàteauroux, les Roussins ou Castelroussins et ceux de Besançon, les Bizontins, nom que Proudhon a rendu célèbre. Qui reconnaîtrait les habitants de Saint*
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- Orner sous le nom d’Audoinarois ; ceux d’Aubagne sous celui d’Aubainiens ; ceux d’Aurav sous celui d’Alréens ; ceux d’Agde sous celui d’Agathais ? On serait moins sur-pris d’apprendre que les gens de .Nuits répondent au nom de Nuitons. Citons encore parmi les singularités dont l'étymologie latine expliquerait la bizarrerie, les Stéphanois (Saint-Etienne), les Monégasques (Monaco), les Ma-louins (Saint-Malo), les Auscitains (Auch). Il y a évidemment une page curieuse et utile à ajouter aux dictionnaires géographiques.
- Origine des mots téléphone et microphone.
- — Il résulte d’une étude historique faite par M. Thomas-1). Lockwood et publiée dans le dernier numéro du The Electrician and Electrical Engineer de New-York, que le mot microphone a été employé pour -la première fois en 1827 et appliqué à un instrument mécanique, imaginé par Wheatstone et décrit par lui dans le Quarterly Journal of Science. Le microphone avait pour but de rendre audibles les sons les plus faibles. Le mot téléphone remonte à 1845. Il était donné à un appareil imaginé par le capitaine John Taylor, « un instrument puissant destiné à transmettre des signaux, pendant le brouillard, à l’aide de sons produits par de l’air comprimé traversant des trompettes >). En 1854, le même nom a été appliqué au système de langage musical imaginé par Sudre. Les découvertes de ces dix dernières années ont considérablement modifié et précisé le sens de ces deux mots, en le réservant aux appareils qui servent à la transmission de la voix à distance.
- Les vipères en France. — 11 va vingt ans, la prime donnée en France par tête de vipère était de 50 centimes ; il se détruisait alors annuellement 17 000 vipères en moyenne. Depuis, la prime est tombée à 25 centimes, ce qui n’empêche pas d’atteindre le chiffre de 11 000 vipères par an.
- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 12 décembre 1887. — Présidence de M. Janssex.
- ElectiondeM. P.-P. Dehérain.—C’està la fois un triomphe pour la science, pour le Muséum et pour La Nature que le choix fait aujourd’hui par l’Académie de M. P.-P. Dehérain, pour remplir dans la section d’économie rurale la place laissée vacante par le décès de M. Boussingault. La„ section avait présenté, dans le dernier comité secret, une liste de candidats comprenant : en première ligne, M. Aimé Girard, et en deuxième ligne, ex œquo et par ordre alphabétique, MM. Chambrelent, Dehérain, Duclaux et Müntz. Les votants étant au nombre de 60, un premier tour de scrutin donne 18 voix à M. Chambrelent, 17 à M. Dehérain, 14 à M. Duclaux, et 11 à M. Girard. Au deuxième tour, M. Dehérain réunit 20 voix, M. Chambrelent, 19; M. Duclaux, 15, et M. Girard, 6. Enfin, le ballottage a procuré 54 voix à M. Dehérain et 25 à M. Chambrelent; l’urne contenait, en outre, un billet blanc. On nous permettra d’exprimer notre profonde satisfaction, de voir notre savant et sympathique collaborateur, recueillir ainsi le fruit si mérité de ses beaux travaux.
- Morphologie des microbes. — Deux observateurs dont le nom nous échappe, adressent, par l’intermédiaire de M. Bouchard, un très remarquable travail sur les modifications du bacille de la pyocyanine consécutives aux variations du milieu de culture. Dans les conditions ordi-
- naires, ce microbe est ovoïde, et sa longueur attein sensiblement le double de sa largeur. Si on ajoute au bouillon une quantité convenable d’acide phénique, le micro-organisme prend la forme caractéristique des bac-térium. Si c’est le naphtol ou le thymol qu'on a ajouté, le bacille s’allonge et se segmente de façon à prendre l’aspect de filaments articulés. Avec le bichromate de potasse, on a des filaments simples de longueur indéfinie, dépassant souvent le champ du microscope, et constituant un véritable feutre par leur enchevêtrement. Est-ce l’acide borique qui modifie le bouillon de culture, le microbe se présente en bâtonnets courbes fort analogues au bacille virgule du choléra. Il peut, dans ce cas, se courber en S comme les vibrions, ou même se contourner eh hélice comme les spirilles. Avec la créosote, la forme adoptée est celle du microcoque, et, dans tous les cas, si l’on revient au bouillon pur, on voit réapparaître la forme initiale. La conséquence de ces faits bien imprévus, en montrant comment les modifications du milieu se répercutent sur la forme des proto-organismes, doit être une extrême prudence quant aux diagnostics qu’on pourrait avoir à tirer des caractères morphologiques des microbes pathogènes.
- Transmission de la tuberculose. — M. Malé étudie la transmissibilité de la tuberculose par les voies respiratoires. Après avoir constaté que l’air expiré par les malades ne contient pas de bacille, il a pulvérisé le produit obtenu en desséchant des crachats de tuberculeux et a suspendu cette poussière, dont la virulence avait précédemment été constatée, dans l’air où respiraient les animaux en expérience. Bien que ce régime leur ait été imposé longtemps, aucun d’eux n’a pris la maladie. Au contraire, si la poussière est suspendue dans de l’eau que l’on pulvérise ensuite dans l’atmosphère, la tuberculose est transmise à coup sûr. Il y a là, suivant la remarque de M. Chauveau, un problème très intéressant à résoudre.
- La photographie et la météorologie. — Durant un séjour d’une semaine, qu’il a fait pendant les dernières vacances à l’Observatoire du Pic du Midi, M. Janssen s’est livré à des essais de photographie météorologique. 11 met aujourd’hui sous les yeux de l’Académie de magnifiques panoramas où l’on voit, à chaque heure du jour, l’allure caractéristique des nuages le long des montagnes. Le matin, la mer de coton, si appréciée des touristes; deux heures plus tard, le résultat de sa dislocation sous l’influence des courants d’air verticaux échauffés par le soleil. L’observation du thermomètre, du baromètre, de l’hygromètre, ne donne que des faits de détail que la photographie synthétise, et l’auteur estime que dans la phase vraiment scientifique où elle commence à entrer, la météorologie n’aura pas d’aide plus efficace que la photographie.
- Varia. — M. Wolf, dans un très savant mémoire, compare les différents systèmes de synchronisation appliqués au réglage des horloges de haute précision. — Les conditions dans lesquelles font explosion par la chaleur, l’acide picrique et les autres corps nifrés occupent M. Ber-thelot. — Chargé d’une mission spéciale par le ministère de l’Instruction publique, M. Sérullas décrit l’état actuel de l’industrie de la gutta-percha dans l’archipel Malais. — La théorie de la figure des planètes occupe M. Calen-dreau. — Une machine à faire des courants aériens pour l’élude des vents, est décrite par J évêque de Damiers, sous le nom d'anèmogène. Stanislas Meunier.
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- MÉGASCOPE ÉLECTRIQUE
- Dans la lanterne magique et les appareils de projections habituellement employés, on doit se servir de tableaux transparents. On conçoit combien il peut être utile de faire des projections de corps opaques, de photographies collées sur bristol, de médailles, d’appareils divers de petite dimension. C’est sous la première République que le physicien Charles introduisit dans les cours sous le nom de méya-scope un appareil au moyen duquel on obtenait la projection des corps opaques. Les objets placés en dehors de la chambre noire, étaient fortement éclairés par le soleil ; une lentille convenablement fixée dans le volet projetait l’image agrandie sur un écran.
- On remplaça bientôt le soleil parla lumière artificielle, et au commenc ement de notre siècle, les effets mégascopiques eurent un succès considérable. On ne se bornait pas a projeter sur un écran des statues, des bas-reliefs et des médailles, mais bien aussi des personnes vivantes que l’on éclairait fortement avec des quinquets. Un grand nombre de mégascopes ont été successivement construits depuis cette époque. Nous allons présenter aujourd’hui à nos lecteurs un charmant petit mégascope électrique, construit par M. Trouvé sous le nom d’anxanoscope.
- Cet appareil, éclairé intérieurement au moven d’une ou deux petites lampes électriques à incandescence, est très utile pour projeter des photographies (fig. 1) des dessins, des médailles, etc. II est constitué par deux tubes cylindriques se
- raccordant sous un angle déterminé. L’un de ces tubes porte à sa partie supérieure le foyer lumineux et le réflecteur parabolique, l’autre contient l’objectif photographique ordinaire(fig.2).
- Au sommet de l’angle formé par les deux cylindres, se place l’objet ou l’image à projeter par ré fl exion sur l’écran: un paysage, un portrait-carte photographique , comme le représentent nos dessins, ou une chromolithographie. Les projections les plus remarquables sont celles de médailles, de pièces de monnaies, et surtout
- celle du mouvement d’une montre en marclie.
- Un autre modèle est construit à double foyer; il ne diffère de celui que nous venons de décrire, que par l’adjonction d’un second cylindre contenant une autre lampe à incandescence placée au foyer d’un second réflecteur parabolique.
- Une pile à bichromate a 4 élé-ments ou une batterie de piles Bunsen, peuvent être employées à alimenter les lampes à incandescence du système.
- Le propriélaire-géranl : G. Tissammek. Imprimerie A. Lahure, 9, rue de Fleurus, à Paris.
- F!p. 1. — Projection d’une photographie opaque (un paysage) à l’aide du mégascope électrique de M. Trouvé.
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- N« 760. — 24 DECEMBRE 1 88 7.
- LA NATURE.
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- LÀ STATUE DE C.-E. DE MER
- A DOR PAT
- La statue de l’éminent naturaliste russe, Ch.-E. de Baer, a été récemment inaugurée à Dorpat en présence du recteur de l’Université de cette ville, du corps des professeurs et de nombreuses délégations. C’était un hommage mérité. En effet Ch.-E. de Baer doit être considéré comme l’un des créateurs des sciences biologiques modernes. Nous allons résumer pour nos lecteurs sa vie et ses travaux.
- Né en 1791, dans l’Esthonie, il commença, encore très jeune, ses études médicales à l’Université de Dorpat. Quoique reçu docteur avec grande distinction, il ne trouva point la médecine pratique de son goût; suivant sa vocation , il s’adonna à l’étude des sciences naturelles et, particulièrement, a celle de l’anatomie comparée et de la zoologie. 11 trouva une belle occasion de s’initier a ces sciences, à Würzbourg, sous les auspices et la direction d’un maître comme Docllinger. C’est ici que commence sa véritable carrière scientifique.
- A l’époque où Baer avait commencé ses études à Wurzbourg, la zoologie, aussi bien que la plupart des sciences biologiques, était en pleine, période d’évolution. Linné et ses disciples ne tenaient, en réalité, compte que des caractères extérieurs. L’anatomie restait séparée de la zoologie. Par suite, la classification était toute systématique. Mais, dès 1795, dans son mémoire sur une nouvelle division des animaux à sang blanc, Cuvier avait montré que la zoologie doit marcher appuyée par l’anatomie. Dans le volume qui parut sous le titre modeste de Tableau élémentaire des animaux (an VI, 1798),
- 1G° aimée. — lor semestre.
- il avait formulé le grand principe de la subordination des caractères et montré tous les éléments d’une méthode naturelle. Puis, aidé par Duméril et Du-vernov, il s’était mis à réunir les matériaux de son Anatomie comparée, dont le premier volume parut en 1800. En tin, en 1810, il avait publié la première édition de son immortel ouvrage, Le règne animal.
- A partir de ce moment, la zoologie reposa sur des
- bases qui n’ont fait que s’étendre et s’affermir.
- Dès ses débuts, Baer se montra disciple zélé de Cuvier. Son travail sur les quatre types principaux que son illustre maître avait reconnus et caractérisés dans le règne animal, fut publié en 1819, et, pour la première fois, attira sur lui l’attention du monde savant.
- Baer a publié un nombre considérable de travaux sur divers groupes zoologiques. Partout il a fait marcher de front l’investigation anatomique et la recherche des rapports qui unissent les êtres. Mais là n’est pas son principal titre de gloire. 11 en vint à penser que la connaissance des animaux, basée seulement sur l’examen des formes déjà arrivées à un parfait développement, ne pouvait pas suffire. Il voulut étudier le mode de développement de ces formes, et fut ainsi conduit à des recherches d’un autre genre, aux recherches embryologiques. Un des premiers, il en comprit toute l’importance et toute la portée. Il joignit donc à l’étude de l’anatomie comparée, son objet primitif, l’étude de l’embryologie et y consacra neuf années de sa vie. Mais les résultats furent grands. Nous ne pouvons entrer ici dans le détail de toutes ces recherches. Nous nous bornerons à signaler la grande découverte qui a immortalisé le nom de Baer.
- On a cru pendant longtemps, et à coup sûr bien des gens croient encore, que l’homme et les autres
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- Statue du naturaliste russe Baer.
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- mammifères se distinguent des Oiseaux, des Reptiles, en ce qu’ils ne produisent pas de véritables œufs. Pourtant, dès la lin du dix-septième siècle, Graal avait cru reconnaître leur existence sur les ovaires de plusieurs animaux. Cette opinion avait été tour à tour soutenue et repoussée par les anatomistes. Mais, en 1827, Raer publia son Epistola de ovi Mammalium ; et, à partir de ce moment, le problème peut être regardé comme résolu. L’auteur démontra que Graal' avait pris pour l’œuf lui-mème la vésicule dans laquelle il se forme; il isola et décrivit l’œuf des Mammifères. Toutefois, entraîné par les lacunes de ses observations, il n’alla pas jusqu’à l'assimiler complètement à celui des Oiseaux. 11 laissa à un Français, à Coste, l’iionneur de démontrer que d’un bout à l'autre du règne animal les mères produisent toujours des œufs et que ces œufs sont au fond identiques.
- La découverte de Baer n’en est pas moins une des plus remarquables du dix-neuvième siècle. Seule, elle eût pu sufiire pour créer un nom à un naturaliste ; elle a conduit Raer à des conclusions importantes sur la continuité de la vie dans le règne animal et sur le problème de la vie en général, ce grand problème vers lequel, selon lui, doivent converger toutes les branches des sciences naturelles. Les résultats de ses longues recherches furent publiés, en 1837, dans un ouvrage intitulé : Histoire du développement des animaux (Ueber Entwickelungsges-chichte der Thiere). Cet ouvrage, traduit, comme la plupart des autres publications de Baer, en cinq langues, lui mérita une véritable gloire. Huxley, dans la préface de la traduction anglaise qu’il en a faite, dit : « Cette œuvre contient la plus saine et la plus profonde philosophie de la zoologie et de la biologie en général qui ait jamais été donnée au inonde. »
- Rentré en Russie, en 1834, Baer fut élu membre de l’Académie impériale des sciences de Saint-Pétersbourg. Ici commence une nouvelle période dans l’activité scientifique de ce savant. A cette époque l’anthropologie n’avait pas encore fait de grands progrès et était bien loin d’avoir l’importance qu’elle a acquise depuis. Baer comprit bientôt le rôle que cette science est destinée à jouer et il se passionna pour l’anthropologie qu’il appelait la plus grande de toutes les sciences.
- C’est à lui qu’on doit la création de la collection craniologique de Saint-Pétersbourg, qui, quoique bien moins considérable et moins complète que celle du Muséum de Paris, est une des plus riches du monde, surtout en ce qui concerne les races si diverses de la Russie. Il sut d’ailleurs utiliser les trésors scientifiques qu’il avait réunis, et publia, en 1859, un mémoire important intitulé Crania se-lecta. Il y faisait connaître une méthode de mensuration du crâne plus complète que celle de ses prédécesseurs. On y trouve même une indication qui aurait pu le conduire à la méthode des indices, devenue si féconde entre les mains de Broca.
- Baer n’épargnait jamais ses forces quand il s'agissait de collectionner pour la science des documents ou de nouveaux faits.
- Ses voyages scientifiques sont très connus. En 1835, par ordre du tsar, il explora le gouvernement d’Arkhangcl, la Laponie méridionale et la Nouvelle-Zemble. En 1855, de retour d’un grand voyage qu’il a fait à travers les différentes contrées de la Russie, il publia ses Iiécits destinés à faire connaître l'Empire russe.
- Ses travaux de biologie et ses voyages scientifiques lui valurent une grande autorité dans sa patrie; la plupart des sociétés savantes se rattachèrent et, dès 1858, il reçut le titre de membre correspondant de l’Académie des sciences de Paris.
- Baer était très laborieux. 11 a publié plus de trois cents études et monographies sur différentes questions de l’histoire naturelle; et chacun de ses travaux, comme l’a très justement remarqué le professeur Rosenberg, porte la marque d'un maître.
- Baer est mort à Page de quatre-vingt-sept ans, à Dorpat. On vient de lui élever une statue aux frais de laquelle ont contribué les savants de l’Europe entière. Nous sommes heureux d’ajouter que les savants français ont pris largement part à une manifestation qui s'adressait à une des gloires de la Russie. Au collège de France, au Muséum, à la Sorbonne, de simples préparateurs ont joint leurs modestes offrandes à celles de leurs maîtres. Ainsi a été élevé le monument que représente notre gravure. Mais celui que Raer s’était fait à lui-même par ses travaux, doit être considéré connue ære pe-rennius.
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- LE CHEMIN DE FER TRANSCASPIEN
- La construction des voies ferrées dans l’Asie centrale est assurément l’un des événements les plus considérables de notre époque nous avons déjà montré l’immense développement que le gouvernement russe avait su donner à ces travaux. La construction du chemin transeaspien en particulier est appelée certainement à prendre place dans l’histoire des voies ferrées ; elle a été réalisée dans des conditions de rapidité laissant loin derrière elle tout ce qui s’est fait jusqu’à présent en Europe, et probablement même aux Etats-Unis où l’on n’en est plus à compter cependant les cas extraordinaires. 11 faut observer eu outre que cette ligne sur laquelle on a pu réaliser un avancement moyen de 4 verstes par jour, soit environ 4300 mètres, a été poursuivie dans des déserts absolument privés de toute communication et ressource, et à travers lesquels les colonnes russes s’étaient trouvées maintes fois arrêtées dans leurs expéditions antérieures. On peut rappeler, par exemple, l’expédition poursuivie en 1879, contre l’oasis d’Akhal-Téké, et (pii échoua devant
- 1 Voy. n° du k25 juillet 1887.
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- LA NATURE.
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- Ghéok-Tépé, les Russes s’étant trouvés obligés, faute d’eau et de munitions, d’opérer une retraite désastreuse. Cependant Gbéok-Tépé qui n’est qu’une petite citadelle en terre argileuse, dépourvue d’artillerie, est située à 580 verstes seulement de la mer Caspienne; elle est maintenant conquise par la voie ferrée dont elle forme aujourd’hui une station. La ligne pénètre d’ailleurs à une profondeur bien plus eonsidérablc dans les déserts turcomans qu’elle va traverser en entier; après l’oasis d’Akhal-Téké, elle a traversé celui de l’Atek baigné par le Ted-eliend, formant le cours supérieur du Ileriroud qui arrose Hérat; puis elle est arrivée à la fertile oasis de Merv arrosée par le Mourgab ; et cette ville célèbre, réputée si longtemps inaccessible, qui était en quelque sorte le symbole de l’indépendance du désert turcoman, se trouve rattachée a son tour par des relations continuelles avec la mer Caspienne et tout l’empire russe. De Merv, située déjà à une distance de la mer de 769 verstes, atteignant ainsi près de 800 kilomètres, la ligne se dirige à travers des déserts de sable presque entièrement privés d’eau jusqu’à Tchardjoui, ville d’environ 50000 habitants, située sur le fleuve Amou-Daria et qui forme la frontière du Boukhara. Cette ville, qui constitue actuellement le point terminus, est située à 1005 verstes de la tête de ligne sur la mer Caspienne; mais elle sera prochainement dépassée et on peut compter qu’avant peu la voie atteindra la ville capitale de Boukhara, à la distance totale de 1107 verstes. Au delà de Boukhara, le tracé est étudié jusqu’à Samarcande, il entre dans le Tur-kestan russe à la ville frontière Kata-Kourgan à 1292 verstes, et atteindra Samarcande à 1550 verstes. Une autre variante avait été étudiée également par les ingénieurs russes de Merv à Samarkande en passant par la ville frontière de Bourdalik, mais elle a été abandonnée pour le tracé actuellement en construction par Tchardjoui. D’Ouzoun-Ada qui forme aujourd’hui le point de départ de la ligne sur la mer Caspienne j u squ’à Samarcande, la voie comprendra 60 stations dont la distance moyenne varie de 20 à 50 verstes. Un grand nombre de ces stations, lorsqu’elles se trouvent situées en dehors des oasis, sont établies d’ailleurs dans des endroits absolument déserts, souvent entièrement dépourvus d’eau; on rencontre, en effet, des parcours continus de 160 kilomètres sans eau, et les ressources n’y sont assurées qu’au moyen des approvisionnements apportés pur les trains.
- La construction de cette voie de 1800 kilomètres dont plus de la moitié est terminée déjà, à travers des déserts desséchés, présente un intérêt spécial, et nous avons cru devoir donner quelques détails à ce sujet en les empruntant, comme tous les éléments de cette note, aux renseignements si curieux recueillis sur place par M. Edgar Bou-langier qui a visité récemment les travaux. La première section de la ligne commencée en 1880, après l’échec de Gbéok-Tépé, va du port de Mi-
- khaïlovsk, sur la Caspienne, jusqu’au village de Kizil-Arvat, devant l’oasis d’Akhal-Téké. Cette section a une longueur totale de 217 verstes.
- La ville de Ghéok-Tépé fut soumise par le général Skobelev, au commencement de l’année 1881, et deux ans plus tard, en 1885, les Turcomans de Merv tirent spontanément leur soumission. Le gouvernement russe décida la prolongation de la ligne en 1885, et il contia la direction des travaux au général Annenkov qui apporta à cette mission une activité extraordinaire. Parti de Saint-Pétersbourg le 28 avril, le général faisait ouvrir les premiers chantiers à Kizil-Arvat le 18 mai, et poser les premiers rails le 2 juillet suivant. Cette activité ne se démentit pas un instant, et, l’année suivante, à pareille date, le 2 juillet 1886, il pouvait expédier à Merv le premier train qui fit son entrée en gare de cette ville. La voie avait été reconnue, construite et mise en exploitation sur une longueur de 527 verstes, ou 544 kilomètres eu une année seulement. Les travaux furent repris au mois d’août, après un repos de six semaines que les troupes avaient bien gagné, sous le soleil ardent des steppes. La gare de Tchardjoui, sur l’Amou-Daria, put être inaugurée le 50 novembre dernier. Le général espère inaugurer prochainement celle de Samarcande, et atteindre même sans doute ultérieurement la ville de Tachkend.
- La tête de ligne du chemin de fer sur la mer Caspienne a été formée jusqu’au mois de juillet 1886 par la station de Mikhaïlovsk, mais le général y renonça à cette époque à cause de la faiblesse du tirant d’eau de son port. Celui-ci n’a, en effet, que 7 pieds de profondeur, il est entouré de fonds sablonneux mouvants qui en rendent l’accès difficile aux bateaux chargés de matériel arrivant par la mer Caspienne. Le général se décida à reporter l’origine du chemin de fer dans l’île d’Ou-zoun-Ada, à 25 verstes de Mikhaïlovsk, dont le port présente un tirant d’eau de 10 à 12 pieds, suffisant pour les plus gros bateaux. La voie ferrée fut donc amenée en ce point où elle peut recevoir directement le chargement des bateaux, et elle franchit sur un viaduc en remblai les bas-fonds sablonneux qui séparent l’île de la terre ferme. On aurait pu aussi relier la ligne transcaspienne au port de Krasnovodsk dont l’accès est particulièrement sûr et qui est en relation avec les services maritimes de Bakou et Astrakhan, mais on se trouvait entraîné alors à construire une longueur de 126 verstes de voie ferrée dans des conditions parfois fort difficiles ; on préféra donc adopter Ouzoun-Ada comme tête de ligne au moins à titre provisoire. La plupart des bâtiments qui devaient constituer la station d’Ouzoun-Ada ont été construits en bois, et les pièces numérotées ont été expédiées directement de Russie par le Volga, de manière à ce que le montage seul restât à faire sur place. On est arrivé ainsi, dans l’espace de trois mois, à constituer un port complètement outillé, avec ses quais et ses appontements
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- capables de décharger une dizaine de navires à la lois.
- Ce port doit servir de point de transit pour le passage des matériaux nécessaires à la construction de la voie, et pour celui des ressources de toute nature nécessaires à l'existence des ouvriers : vivres, eau potable, etc., qui arrivent également de Russie; et c’est vraiment un sujet d’étonnement que, malgré les interruptions inévitables du service maritime, ou ait pu réussir à rassembler en temps utile les approvisionnements nécessaires, et assurer toujours ainsi l'avancement extraordinaire des travaux de construction. 11 faut observer, il est vrai, que la ligne ne renferme pas de travaux d’art importants : elle traverse seulement le Tedchend et le Mourgab
- qui n’ont pour ainsi dire qu'une largeur insignifiante; la traversée la plus importante sera celle de l'Amou-Daria à Tcliardjoui ; mais la présence continuelle des sables et surtout des dunes presque mouvantes, constituaient des obstacles certainement plus difficiles dont les ingénieurs russes sont arrivés heureusement a triompher.
- La ligne est construite et exploitée militairement sons la hante direction du général Annenkov qui commande a tout le personnel civil et militaire. Le personnel civil comprend deux ingénieurs en chef des ponts et chaussées ayant sons leurs ordres des ingénieurs ordinaires et des officiers du génie. Ceux-ci sont répartis sur toute la ligne avec des escouades
- Fig. 1. — Construction du chemin de fer trauscuspicu. Coupe des principaux wagons du train de pose.
- de six a huit conducteurs et piqueurs, et pour les parties en construction ou en étude, ils bivouaquent sur leurs sections. Ils exécutent ainsi, en avant des ouvriers militaires chargés de la pose proprement dite, ce que nous appellerions l’infrastructure de la ligne, c’est-à-dire les terrassements, les ouvrages d’art, etc.’; iis construisent les bâtiments des stations, et, sur les sections déjà terminées, ils sont chargés de l’entretien de la voie. Pour les terrassements qui doivent toujours précéder à distance suffisante les travaux de pose, ils emploient des ouvriers indigènes, et constituent des chantiers qui s’étendent quelquefois, suivant les besoins, sur des longueurs considérables de 50 à 80 kilomètres. Ces travaux sont effectués d’une manière plus ou moins
- parfaite ; suivant le temps dont on dispose, on prépare la plate-forme de la voie, quelquefois on fait aussi les fossés latéraux.
- Après le personnel civil chargé plus spécialement des terrassements, vient le personnel militaire comprenant deux bataillons de chemins de fer de 1000 hommes environ chacun, dont l’iin est chargé de la pose des rails et l’autre de l’exploitation de la ligne et du service télégraphique.
- Les dispositions adoptées pour le chantier de pose sont particulièrement intéressantes à signaler, car ce sont elles surtout qui expliquent la grande rapidité d’avancement réalisée. Le bataillon de pose auquel sont adjoints 500 manœuvres indigènes est installé dans un train spécial, dit train de pose, qui
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- se tient continuellement à l’extrémité de la ligne, et qui avance donc tous les jours d’une quantité égale à la longueur posée la veille; on constitue ainsi, suivant l’expression de M. Boulangier, un véritable camp roulant qui évite aux hommes tout parcours inutile (fig. 1). Lorsque cet officier a visité la ligne, ce train se composait de 54 wagons, dont 4 à deux étages, une salle à manger et une cuisine pour les officiers, 5 wagons cuisines, 20 wagons à deux étages pour le logement de la troupe et des ouvriers (600 soldats et 500 indigènes), et 5 wagons pour services spéciaux, ambulance, télégraphe, forge, vivres, avec une réserve pour recevoir les boulons et accessoires de pose pour une longueur de 2 verstes.
- Lorsque les travaux tout poussés avec la plus grande activité, le personnel du train atteint 1500 hommes.
- Chaque soir un train de matériel de 45 wagons apporte toutes les pièces nécessaires à rétablissement de la longueur de voie qui doit être posée dans la matinée du lendemain, 2 verstes environ, constituant le travail du poste du matin, car les soldats sont partagés en deux brigades qui travaillent chacune six heures seulement, et le poste du soir fait aussi 2 verstes. Ce matériel est déchargé à l’extrémité de la ligne, en arrière du train de pose, les rails d'un coté de la voie, et les traverses de l’autre (lig. 2). Au commencement de la journée de travail, le train de pose recule en arrière pour laisser
- Fig. 2. — Construction du chemin de fer transcaspien. Les rails et les traverses déchargés. Vue d’ensemble des trains de pose.
- la voie libre à partir îles dépôts de matériel. Les ouvriers de la brigade du matin posent sur le côté-gauche une petite voie Deeauville de 0m,50 de largeur sur le bas côté île la grande ligne, et ils y font Circuler des wagonnets chargés de traverses, ils les amènent ainsi en tête et déchargent chaque traverse en la posant à l’emplacement qu’elle doit occuper sur la ligne. La traction est faite au moyen de chevaux. Les rails constitués par des barres de 7 mètres de longueur sont chargés au nombre de 12 à 16 sur de petits wagonnets circulant sur la voie large devant le train de pose ; on les décharge un à un pour les fixer sur les traverses, puis on renverse sur le côté de la voie le wagonnet une fois vide afin de laisser la place au wagonnet
- suivant. À midi, deux verstes sont posées; le train de pose avance de cette longueur, les hommes peuvent manger sans aucun déplacement; un autre train de matériel est arrivé le matin, il est déchargé dans les mêmes conditions, la brigade du soir reprend le travail et pose dans l’après-midi deux nouvelles verstes. La ligure 2 représente la vue de la ligne en face de Mcrv, elle donne exactement l’idée de ce travail qui se comprend pour ainsi dire à la simple inspection.
- Afin d’assurer l’avancement constant même au passage des stations où la ligne est en double voie, la durée de travail de chaque brigade est portée à dix heures dans la traversée de ces points spéciaux.
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- LE NOUVEAU
- FREIN DE L’ARTILLERIE FRANÇAISE
- L’artillerie française a adopté, pour enrayer ses pièces en route et en diminuer le recul pendant le tir, un frein funiculaire du à M. le commandant Lemoine.
- Ce frein, employé également par les omnibus à trois chevaux de Paris, n’est pas nouveau comme principe, et antérieurement on avait essayé d’enrayer les véhicules au moyen d'une corde entourant le moyeu, mais ce qui fait son mérite, c’est, d’une part, le parfait agencement de
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- ses pièces, l’adjonction d’un frein à patin qui lui est solidaire, et aussi, une très heureuse application de l’inertie qui rend son action automatique pendant le tir, et le serre avec d’autant plus d’énergie que le recul est plus violent.
- Le frein se compose d’une corde conique J de 15 mil-
- limètres de diamètre au petit bout et de 55 millimètres au gros bout (fig. 1). Cette corde est enroulée trois fois autour du moyeu. Le gros bout est fixé au coude d’une pièce de fer ABC.
- La branche BC forme tirant et est reliée par un boulon C à deux tiges E et F formant volet, pouvant pivoter autour des points G et 11 et ayant tendance à s’écarter de la jante L, les deux points de pivotement G et H n’étant pas sur une même perpendiculaire. Le volet EF coudé en C supporte le patin D applicable sur la jante L. La branche AB se recourbe de manière à entrer dans une boîte K, où sa position est réglée par deux écrous, serrés de telle sorte que la position du patin D soit fixée à 2 ou 3 centimètres de la bande de la roue.
- Le petit bout I de la corde est relié à un ressort plat R. Ce bout passe dans trois trous percés dans l’extrémité du ressort et le brin libre repassant dans la seconde boucle se trouve fortement serré. Ce mode de liaison assure la rapidité dans l’attache de la corde au ressort et aussi un serrage invariable.
- Une tige o, guidée par une pièce b (fig. 2) fixée sous l’affût, soutient le ressort R et le dirige entre ses deux positions-limites X et Y (fig. 1).
- La tige O fait partie d’un système NPV pouvant pivoter autour des points N Q et P. La tige PY porte à sa partie antérieure des dents en crémaillère et passe dans une boîte U fixé sur l’affût. Cette boîte porte en creux quatre ou cinq dents en acier contre lesquelles viennent s’appuyer celles de la crémaillère par suite de la pression exercée sur la tige PV par un ressort à boudin e (fig. 5). Une poignée Y termine la tige PY.
- Voyons maintenant quel est le fonctionnement de ce frein, en tenant compte de ce principe que, la corde étant enroulée autour du moyeu celui-ci tourne librement dans ses spires, et que le frein n’agit pas; et que, si la
- corde est serrée autour du moyeu, même avec un faible effort, appliqué au petit bout, le moyeu continuant à tourner, entraîne la corde qui agit sur le tirant BC et serre le patin 1) contre la roue.
- Si les dents T de la crémaillère sont en arrière de la boîte, le système OQPV amène le ressort plat R vers l’arrière, en Y; la corde n’est pas serrée sur le moyeu et le frein est désarmé. Si les dents T sont dans la boîte, le ressort plat R vient en X, tire sur le petit bout de la corde et le frein est armé.
- Au moment du tir, le frein étant armé, le mouvement de recul fait tourner la roue et le patin s’applique progressivement contre la bande pour arrêter le mouvement.
- Le desserrage se fait seul au moment où les servants, portant la pièce en avant après le recul, impriment au moyeu une rotation inverse qui déroule la corde.
- Le frein peut ne pas être armé avant le tir et cependant, dans ce cas, le serrage se fait automatiquement. Au moment du tir, en effet, la pièce recule, et la crémaillère, en vertu de son inertie, se porte brusquement en avant ; le ressort à boudin e l’applique contre les dents intérieures de la boîte U et l’empêche de se déclencher; le frein est donc armé.
- Dans le modèle adopté pour les omnibus le contact entre le moyeu et la corde n’est pas direct, mais a lieu par l’intermédiaire de petites pièces de bois dur enfilées sur la corde dont l’usure est ainsi évitée. Il se produit en effet, au serrage, une chaleur assez considérable pour mettre rapidement la corde hors de service quand elle porte directement sur le moyeu.
- Ce frein est extrêmement solide et ne peut être dérangé par les chocs les plus violents. Il est intéressant, tant par ses effets que par une très heureuse et très élégante application de l’inertie. Major Riffle.
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- LA NATURE.
- L'OMBROMANIE
- L’idée de projeter sur une surface plane l'ombre de différents corps, entre autres les mains, est aussi ancienne <|ue le soleil, et il serait téméraire de vouloir assigner une date à la création des animaux et figures classiques, tels que le lapin, le cygne, le nègre, etc., cjui, depuis un temps immémorial, servent à amuser les enfants à la veillée.
- Depuis quelques années, ces figures grossières ont été l’objet de certains perfectionnements, et nous allons montrer comment le jeu des ombres est devenu aujourd’hui, au lieu d’une simple distraction, un art véritable. Le peintre italien Campi fut un des premiers qui songea à ajouter de nouveaux types à la collection des figures pouvant être faites avec l’ombre des mains. 11 créa d’amusantes formes d’animaux qui faisaient, dans les écoles, les délices des enfants sous les yeux desquels il aimait à les reproduire. Son imitateur Frizzo importa l’art naissant en Belgique, et c’est dans ce dernier pays que notre compatriote Trewey en eut connaissance. Trewey, l’adresse faite homme, que plus d’un de nos lecteurs a eu certainement l’occasion d’applaudir à Paris, ne fut pas longtemps a découvrir que l’ombromanie pouvait recevoir de nouvelles améliorations, et, à la suite de patients exercices d’assouplissement des doigts, il parvint à produire des silhouettes nouvelles, qui sont, chacune dans son genre, de petits chefs-d’œuvre.
- Avant d’en donner un aperçu, il nous faut indiquer quels sont les divers exercices de la main et des doigts qu’il est indispensable d’exécuter pour arriver à la reproduction plus ou moins parfaite de ces figures.
- Le premier exercice-d’entraînement consiste, la main étant étendue, à plier le petit doigt autant que possible sans mouvoir les autres. Il est bien entendu que tout ce qui se fait avec la main droite doit être répété avec la main gauche.
- Les deux mains une fois rompues à ce mouvement, on relève le petit doigt et l’on s’efforce de replier le médius et l’annulaire, l’index et le petit doigt restant étendus.
- Le troisième exercice consiste à replier seulement les deux dernières phalanges de l’index et du petit doigt, tandis que l’annulaire et le médius sont complètement repliés dans l’intérieur de la main. Dans cette position, si nos lecteurs rentrent le pouce dans l’intérieur de la main, ils verront que le profil ainsi obtenu déterminera sur le mur l’ombre de la tête d’un chat.
- Le quatrième exercice d’assouplissement consiste à laisser repliées les deux dernières phalanges de l’index et du petit doigt, mais en étendant le médius et l’annulaire. Viennent ensuite les exercices de séparation des doigts les uns des autres, en les ouvrant dans le sens de la largeur de la main. C’est d’abord le petit doigt qui s’isole, J’index, le médius et l’annulaire restant liés les uns aux autres; puis
- c’est la séparation des doigts en deux groupes, le petit doigt accolé à l’annulaire et l’index au médius, ce dernier et l’annulaire formant entre eux un angle le plus grand possible. Puis vient le rassemblement des doigts, les extrémités de chacun se dissimulant derrière le médius, de façon h ce que la main ait le profil d’un fer de lance.
- Enfin, nous avons les exercices dans lesquels chaque doigt est rendu indépendant des autres, l’un étant replié à la première, l’autre à la troisième phalange, celui-ci étendu comme lorsque la main est ouverte, celui-là allongé, à angle droit sur la main.
- C’est par cette série d’exercices des doigts que Trewey a atteint une souplesse de mains qui tient du prodige, et qui lui permet non seulement de créer sur un écran les ombres de figures les plus diverses, mais encore de leur donner le mouvement et la vie.
- Le cygne qui lisse son plumage, l’oiseau qui prend son vol, le chat faisant sa toilette, la danseuse de corde qui, après avoir salué le public, frotte ses pieds de craie avant de s’élancer sur le fil tendu, sont de véritables merveilles, et l’on a peine à croire que ces profils si rigoureusement exacts soient obtenus uniquement à l’aide de l’ombre des mains. L’artiste a imaginé jusqu’ici plus de 500 figures diverses, et son esprit inventif lui en fait composer chaque jour de nouvelles.
- Nous avons cru qu’il valait mieux, au lieu d’en reproduire un grand nombre, nous attacher à en étudier une en particulier, afin d’initier plus entièrement aux tours de main de l’ombromanie ceux de nos lecteurs qui seraient désireux de s’y exercer.
- Prenons, par exemple, la tète de chien représentée à la figure 1 de notre dessin. Les oreilles dressées, le museau tendu en avant, on devine que l’animal vient de flairer un bon morceau (n° 1); en effet, il le happe, et le n° 2 nous montre les efforts qu’il fait pour avaler sa proie, représentée par l’angle de l’index replié qui se déplace dans la gueule. Après de violents efforts, nous voyons, dans le n° 5, la gueule qui se referme, c’est le mouvement de déglutition qui s’opère. Un déplacement progressif de la main nous montre le gonflement du gosier causé par la descente du morceau dans l’œsophage. On se figurerait avoir devant soi l’ombre d’un chien véritable, tant ces mouvements sont admirables de naturel et d’exactitude. A la suite de ce laborieux repas, nous voyons enfin (n° 4) l’animal qui bâille voluptueusement, le médius figurant la langue qui vient se coller au palais, et l’ensemble du profil de la tête exprimant la béatitude la plus complète.
- 11 est bien évident que, pour arriver à ce degré de perfection, l’artiste doit être naturellement doué d’une grande dextérité manuelle, sans laquelle les exercices préparatoires ne pourraient donner aucun résultat. 11 y a des signes auxquels on reconnaît cette dextérité et l’examen attentif de la main de Trewey nous a permis de vérifier les lois posées par M. II. Etienne sur la perfection native des sens. Des recherches de trente-cinq années ont permis à M. Etienne,
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- perpétuellement en contact clans les ateliers avec les apprentis horlogers suisses, les ouvriers expérimentés et même les artistes, de trouver un critérium
- sur pour juger des aptitudes aux différents métiers et à plusieurs professions.
- Un jeune Français qui, après des revers de for-
- Fig. 1. — Ombres d’un chien avalant un morceau de viande. (D’après des photographies.)
- Fig. 2. — Le pêcheur à la ligne.
- Fig. 3. — Combat d’un locataire avec sa concierge.
- tune, désirait abandonner ses études de droit pour apprendre l’horlogerie, se présenta un jour, devant M. Etienne, chez un habile maître d’apprentissage. Celui-ci accueille avec empressement cette figure
- intelligente, mais, tandis qu’il serre la main du futur apprenti, un nuage passe sur la physionomie du placide maître horloger. « Qu’avez-vous donc éprouvé, lui demande M. Etienne, en serrant la main
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- de ce jeune homme qui vient de sortir? — Avec des ( ger, lui fut-il répondu », et la prédiction se réalisa, mains comme les siennes, on ne fait pas un horlo- | C’est à la suite de cette conversation que M. Etienne
- Fig. i. — Disposition «le l’installation de Trewey, sur la scène d’un théâtre.
- chercha et découvrit les règles que voici, ret que nous croyons devoir reproduire sans nous écarter de notre sujet.
- La caractéristique de la dextérité se manifeste d’abord par la courbure du pouce arqué en dehors ; c’est là une condition sine quâ non [tour le maniement du marteau. Depuis le forgeron qui, dans la grande industrie, lance à tour de bras sa masse pesante de frappeur, qu’il jette d’aplomb, sans écartement, à coups répétés tombant sur le même point, jusqu’au tailleur de limes lines, qui frappe à coups si réguliers sur le ciseau qu’aucune nuance n’est visible sur le taillage, tant l’empreinte
- du ciseau est égale partout; tous ces superbes ouvriers, tous les artistes qui façonnent au marteau le
- 1er rougi à blanc, qui cisèlent les métaux précieux, qui sculptent le marbre et la [tierre, doivent la précision si exacte dans l’intensité et la justesse des coups qu’ils portent avec le marteau, à la souplesse de la première phalange de leur pouce ; ils doivent leur fortune à ce don naturel, car, dans les ateliers, la sélection s’impose au prolit des plus habiles, de ceux-là seuls auxquels les travaux les plus difficiles, les plus délicats, peuvent être confiés.
- Une seconde caractéristique de l’habileté est in-
- Fig. b. — Dispositions des mains pour imiter le prédicateur et la chaire à prêcher.
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- diquée par la faculté de renverser à volonté les phalanges d'attache des doigts, de telle sorte qu’en étendant la main elle se relève en berceau ; du plus ou moins de flexibilité de toutes les articulations, soit à la base, soit à l’extrémité des doigts, dépendent la dextérité et l’habileté pour les travaux exécutés à la lime, au rabot ou sur le tour.
- Cette souplesse ne peut être indépendante de celle du pouce, mais elle ne la remplace pas, tandis que le pouce arqué se passera plus facilement de la grande flexibilité des autres doigts ; ces deux caractéristiques sont le plus souvent réunies.
- La main de Trewey, reproduite par le moulage, ligure dans plusieurs musées d’Angleterre ; elle possède au plus haut degré cette faculté de renversement des phalanges, et son pouce, d’une merveilleuse souplesse, lui rend, comme nous allons le voir, les plus grands services pour la figuration de ses petits personnages. Ajoutons que ses doigts, longs et déliés, ont entre eux des différences de longueur très sensibles, le médius, par exemple, dépassant l’annulaire de près de 2 centimètres.
- Outre les divers profils d’hommes et d’animaux composés par l’artiste, celui-ci nous représente, à l’aide de quelques accessoires, des personnages animés, jouant d’amusantes scènes de pantomime. Voici, par exemple, le pêcheur à la ligne (fig. 2). Un carton découpé fixé entre deux doigts repliés figure le chapeau : le bateau est une planchette de bois tenue par l’une des mains de l’artiste; une bague de métal assujettit la ligne a pêcher contre le pouce de l’autre main, et c’est en face de cette main, repliée comme notre dessin l’indique, que nous assistons à toutes les émotions de l’heureux pêcheur, d’abord flegmatique, puis s’animant lorsque le poisson mord, triomphant enfin lorsqu’il le tient au bout de sa ligne. Il faut avoir vu ces petites scènes pour comprendre comment, à l’aide de ses doigts seuls, l’artiste peut soulever les rires et les applaudissements de centaines de spectateurs.
- Voici maintenant une scène à deux personnages, c’est la bataille d’une concierge avec un de ses locataires (fig. 3). Comme on le voit, les accessoires sont encore ici très simples. Nous croyons qu’avec un peu d’habitude, nos lecteurs pourront arriver à reproduire ces petites scènes, et k en créer même de nouvelles.
- Pour l’ensemble de l’installation, voici quelques indications indispensables k la netteté des ombres. La source de lumière sera un foyer unique enfermé dans un appareil de projection k rayons très divergents ; la lentille sera, en conséquence, k foyer très court. La lumière électrique ou le gaz oxyhydrique, nécessaires au théâtre (fig. 4) peuvent être remplacés, chez l’amateur, par une lampe, ou mieux, une bougie, voire même une vulgaire chandelle, qui donne des ombres très nettes. Il faut voiler les glaces de l’appartement où l’on opère, pour empêcher tout reflet, et enlever de la pièce les objets brillants. Avec la lumière oxyhydrique, l’écran est placé k 5 mètres
- du foyer lumineux, et les mains de l’artiste a 1 mètre de la lumière, et par conséquent k 2 mètres de l'écran, mais on comprend qu’il ne peut y avoir lk de règle absolue, tout dépendant de l’échelle des figures. Il suffit de se rappeler que, plus la main se rapproche de la lumière, plus l’ombre grandit et perd de son intensité, tandis que, en rapprochant la main de l’écran, l’ombre devient plus nette, mais de plus en plus petite.
- La figure 5 nous représente Trewey jouant la scène du prédicateur dans sa chaire.
- La chaire est figurée par le bras et les premières phalanges des doigts, repliées k angle droit, qui constituent l’abat-voix, tandis qu’un bloc de bois, attaché au-dessous du poignet, représente le corps de la chaire. Pour que le personnage soit plus petit que la chaire, il doit être forcément plus rapproché de l’écran, c’est ce qui explique, dans notre dessin, l’écartement des bras de l’artiste, l’écran se trouvant situé du côté de son bras droit, qui figure le prédicateur. C’est du reste par tâtonnements qu’on arrive le mieux k déterminer les distances nécessaires.
- Arthur Good.
- SIPHON MJTOMTIQUE INTERMITTENT
- A AIR C O M P R IM K
- On sait que la solution générale du problème de Y Aménagement des eaux, question si vitale pour l’agriculture, est la suivante.
- Réunir toutes les sources, inutilisables k cause de leur trop faible débit, dans un réservoir de dimensions appropriées que l’on vide une ou plusieurs fois en vingt-quatre heures, par une bonde de dimensions telles qu’en un temps relativement très court l’eau recueillie soit entièrement répandue sur la surface k irriguer.
- L’expérience a, en effet, prouvé que si l’eau est profitable, répandue k profusion, elle l’est fort peu quand elle coule en mince filet dans une rigole dont elle n'arrose que les bords. Ces réservoirs portent, suivant les pays, les noms de serves ou pêcheries.
- Au lieu d’avoir une bonde a ouvrir k intervalles déterminés on a, depuis quelque temps, songé k se servir du siphon ordinaire que tout le monde connaît. Il suffit, en effet, que celui-ci puisse s’amorcer automatiquement pour qu’il en résulte une vidange rapide et intermittente du réservoir.
- Mais les conditions nécessaires k cet amorçage automatique sont quelquefois impossibles k réaliser. Il faut que la source soit, en effet, très régulière et d’un débit assez considérable, plus grand que celui du siphon pendant le court espace de temps où celui-ci fonctionnant d’abord en trop-plein, est sur le point de s’amorcer. Si ce point critique est dépassé, l’amorçage se produit et la vidange du réservoir a lieu en raison de la vitesse plus grande que la charge d’eau imprime au liquide dans le siphon.
- Mais si la source est intermittente, irrégulière ou
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- diminue, il pourra arriver que le siphon ne fesse plus fonction que de trop-plein : l’amorçage ne pourra plus se produire et la vidange brusque de la pêcherie n'aura plus lieu.
- Dans certains cas spéciaux on peut encore remédier à cet état de choses en établissant à l’aval une cuvette remplie d’eau dans laquelle plonge la longue branche du siphon : le débit en trop-plein se trouve ainsi ralenti et l’amorçage peut se produire.
- Ce n’est, en réalité, qu’un palliatif de résultat assez peu certain dans tous les cas, pour que l’on préfère la plupart du temps opérer la vidange par l'ouverture a intervalles déterminés d’une simple bonde ou d’une écluse.
- De là une sujétion tort gênante et une fort mauvaise utilisation de l’eau dont on dispose.
- Généralement, en effet, le propriétaire, le fermier ou le métayer tire la bonde matin et soir. Entre
- Trou de bonde
- ces deux intervalles et la nuit, si la pêcherie est remplie, l’eau s’écoule lentement, par le trop-plein par exemple, et n’arrose qu’une faible surface.
- Différents moyens ont été proposés pour obtenir une vidange automatique et prévenir surtout un oubli toujours possible dans la manœuvre de la bonde. Nous avons eu l’occasion d’examiner, au dernier concours agricole de Tulle, un système récemment imaginé et fort simple, dont le grand avantage est l’absence complète d’un mécanisme quelconque toujours sujet à se déranger.
- C’est un siphon, mais il a été disposé de telle sorte par M. Delavallade que le problème se trouve entièrement résolu malgré toutes les difficultés que nous venons d’exposer. Son fonctionnement très régulier est des plus intéressants à étudier de près comme nous avons pu le faire sur un spécimen que le constructeur, M. Mabille, a bien voulu mettre à notre disposition.
- La figure 5 montre l’ensemble de l’appareil et la
- manière dont on le dispose dans le trou de bonde d’une pêcherie. Ainsi placé, soutenu par deux pote-lets en bois, il n’y a plus a s’occuper de rien. Quelles que soient les irrégularités du débit de la source, le siphon ne fonctionnera jamais en trop-plein et s’amorcera seul dès que le niveau d’eau voulu sera atteint dans le réservoir. Celui-ci vidé, le siphon se désamorce pour se réamorcer automatiquement quelques heures plus tard. L’instant du désamorçage et, par conséquent, la hauteur d’eau restant dans la pêcherie est absolument à la disposition du fermier. 11 suffit, en effet, de percer les parois de la courte branche du siphon d’une série de trous (r/) que l’on ferme avec un bouchon de bois, ou que l’on ouvre, suivant que l’on désire que l’eau descende à tel ou tel ni\eau dans le réservoir.
- L’appareil se construit sous deux formes différentes, comme le montrent les deux figures schéma -
- Trou de bonde
- tiques qui nous serviront à donner l’explication de son lonctionnement.
- Le principe des deux dispositions est absolument le même.
- Le siphon-cloche (fig. 1) se compose d’un tube intérieur enfoncé dans le trou de bonde et portant à sa partie supérieure un réservoir d’eau circulaire (A). Une cloche mobile, munie d’un diaphragme circulaire vertical intérieur (B), recouvre le tout et repose sur le tube. Elle est munie de deux petits réservoirs extérieurs (R,R') réunis par un tube (t) : le réservoir inférieur R' communique à l’aide de petits trous avec l’intérieur de la cloche.
- Deux tubes recourbés (T,T') mettent le réservoir R en communication respective avec les deux chambres (a,p) formées dans la cloche par le diaphragme B. Un troisième tube S, en contre-bas des deux autres, part du réservoir R, traverse la cloche et pend verticalement à l’intérieur du tube central fixé dans la bonde.
- Le deuxième schéma (fig. 2) représente la seconde
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- forme de l’appareil. C’est un siphon ordinaire à double révolution : les dispositions d’ensemble sont les memes que celles que nous venons de décrire. Il est à remarquer que la partie A du siphon recourbé restera toujours pleine d’eau comme le réservoir A dans le siphon à cloche.
- Supposons que la pêcherie vienne d’être vidée, le siphon désamorcé est complètement vide d’eau sauf les parties A.
- L’eau monte peu à peu dans le réservoir, par suite dans la courte branche du siphon, dans le réservoir R par l’intermédiaire du réservoir 1U et dans les trois tubes T,T',S. A mesure que l’eau monte, l’air est chassé en avant jusqu’au moment ou le siphon va fonctionner en trop-plein. Il prend ainsi une certaine pression dans la chambre a (tube T) à cause de la présence de l’eau dans le réservoir intérieur A : dans la chambre (3 (tube T'), au contraire, il reste à la pression atmosphérique puisque la longue branche du siphon s’ouvre à l’air libre. C’est à partir de ce moment que l’amorçage automatique d’un siphon ordinaire peut se produire si l’on se trouve dans les conditions voulues de débit, l’air confiné dans les parties hautes se trouvant entraîné par le premier jet du liquide.
- Nous supposons que ces conditions ne sont pas remplies. II reste donc toujours dans le haut du siphon ou de la cloche,et des tubes T,T', de l’air qu’il faudrait faire disparaître ou dont il suffirait de diminuer suffisamment la pression pour produire un brusque mouvement ascendant de la colonne liquide intérieure et par suite l’amorçage.
- Tel est le principe à appliquer et voici comment le but est atteint.
- Par suite de la présence d’un certain volume d’air comprimé dans la chambre intérieure a, la vitesse d’écoulement du siphon en trop-plein est infiniment ; faible et augmente proportionnellement beaucoup moins vite que dans les circonstances ordinaires avec le niveau extérieur du liquide. J1 en résulte que très rapidement, quel que soit le débit de la source, le tube S placé en contre-bas des tubes T et T' sera entièrement noyé. Ce tube n’est, en réalité, qu’un siphon auxiliaire dont le diamètre est assez petit pour que l’amorçage automatique en soit
- toujours certain : il videra alors presque instantanément le réservoir R. Comme d’autre part celui-ci ne peut se remplir que lentement à cause du faible diamètre du tube (t) il y aura, pour remplir le vide produit, appel brusque et mise en équilibre par les tubes T et T' de l’air occupant les chambres intérieures a et [3. A ce moment même le jet d’eau sortant du siphon auxiliaire dans le tube central ou la grande branche du siphon fait aspiration dans la chambre [3 et établit dans l’ensemble (a,*3) une pression sensiblement inférieure à la pression atmosphérique. De cette rupture complète d’équilibre entre les concbes liquides et gazeuses intérieures du siphon, résulte une sorte de petit coup de bélier produisant l’amorçage automatique. Dès les premiers instants l’air restant est entraîné par le liquide et le siphon débite à pleine, section, avec une vitesse considérable dépendant de la hauteur de l’eau dans la pêcherie qui se vide rapidement jusqu’au désamorçage de l’appareil.
- Le système est applicable , avec quelques légères modifications de détail s’il y a lieu :
- 1° Aux chasses d’eau dans les égouts de nos grandes villes. Comme tout est fixe dans l’appareil , on supprime du même coup les réparations et l’entretien auxquels oblige toujours un ensemble de pièces mobiles, si simples soient-elles.
- 2° A l’immersion des prairies et en général à tous les problèmes d’irrigation comme nous venons de l’exposer.
- 5° A la vidange et au renouvellement automatiques de l’eau dans les bassins de nos jardins et les étangs spécialement affectés à la pisciculture, en y laissant toujours et sans surveillance une certaine quantité d’eau rigoureusement la même.
- ¥ Enfin à l’épuisement sans machines des carrières, trous de mines, etc., pourvu que l’on ait un point bas pour l’écoulement.
- A tous ces titres il faut ajouter la façon ingénieuse, quoique un peu compliquée, dont M. Dela-vallade a résolu le problème de l’amorçage automatique, au point de vue purement physique. C’est là surtout ce qui nous a engagé à faire connaître l’appareil et à donner une explication complète de son fonctionnenement. M. A. C..., ingénieur.
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- LA. PHOTOGRAPHIE PRATIQUE1
- ORGANISATION d’un ATELIER
- L’atelier est [tour l’iionmie de métier l’élément indispensable de son industrie, mais il est pour l’amateur un luxe que bien peu peuvent s’offrir. Inutile de dire cependant qu’il est le complément de l’installation photographique, parce qu’on peut y aborder avec succès le portrait, qu’il permet de s’occuper par tous les temps, en toutes saisons, au lieu d’être limité aux seules études à l’extérieur.
- 11 existe pour la construction d’un atelier diverses
- règles qu’il est utile de connaître et que nous allons examiner avec le lecteur.
- La question de l’orientation est primordiale. 11 est reconnu que dans notre hémisphère, l’exposition du nord est beaucoup plus avantageuse. Elle doit donc être adoptée à moins d’impossibilité absolue. Un évitera avec soin les constructions voisines qui peuvent, ou enlever de la lumière, ou produire des réflexions du plus mauvais et'let. C’est {tour cette raison que, dans les grandes villes, on place presque toujours les ateliers aux étages élevés. Tout autre endroit, cour, jardin bien éclairé et dégagé, donnera également d’excellents résultats.
- Atelier de pose d’un amateur de photographie, avec ses différents accessoires.
- L’atelier doit être vitré, mais seulement sur la lace regardant le nord et la toiture. Il n’est môme pas nécessaire que la partie vitrée s’étende sur toute la longueur de l’atelier. Ainsi, dans un atelier de 7 mètres par exemple, on se contentera de 5 mètres de vitrage, les deux extrémités restant pleines.
- La largeur lixée a 5 ou 4 mètres sera déjà très suffisante, mais il n’v a pas d’inconvénient à l’augmenter si l’emplacement le permet. L’inclinaison du toit sera d’environ 40° ; il ne devra pas être trop élevé, car on obtient, assure-t-on, de meilleurs portraits dans ces conditions.
- Le choix du verre est très important, il faut qu’il soit exempt de défauts, pas trop épais et absolument
- 1 (Suite). Yoy. Organisation d'un laboratoire. Tables des matières du précédent volume.
- blanc. Tout verre coloré en jaune ou en vert, si faiblement que ce soit, sera écarté.
- Il y a intérêt à avoir le moins de jointures possible ; de cette manière, on évite les infiltrations en cas de pluie, et on diminue le nombre des traverses. On peut trouver actuellement des verres d'une seule pièce de 4'u,50.C’estla Compagnie de Saint-Gobain qui a entrepris et mené à bonne fin cette nouvelle fabrication très précieuse au point de vue qui nous occupe.
- La lumière éclairant un atelier construit comme nous venons de l’indiquer serait encore trop crue et peu harmonieuse; aussi va-t-il falloir en régler le jeu et les effets au moyen de divers procédés. Tout d’abord on tend parallèlement au grand axe de l’atelier et sous le toit vitré une série de fils de fer es- „ pacés d’environ 60 ou 70 centimètres, et qui servent
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- LA NATURE.
- à recevoir des rideaux de 1 mètre environ de longueur. Ces rideaux peuvent glisser sur les fils au moyen d’anneaux ; aux deux extrémités deux tringles permettent de les manier au moyen d’un long bâton. De cette manière, en ouvrant ou en fermant ces petits rideaux, on arrive à éclairer ou à assombrir d’une manière précise l’endroit voulu.
- Sur la lace nord, on placera également des rideaux verticaux, mais il sera préférable de les manœuvrer au moyen de cordelettes de laçon à les maintenir à la hauteur voulue. Ces divers rideaux pourront être blancs ou légèrement bleutés.
- 11 est nécessaire d’avoir plusieurs écrans en étoffe ou toile peinte destinés à servir de fonds. La perfection serait de prendre un fond approprié au modèle, mais l’amateur ne peut s’offrir ce luxe. Qu’il se contente d’un sujet à son goût peint en grisaille sur le mur du fond de son atelier, puis qu’il ait trois fonds : un rigoureusement noir, un gris plus ou moins foncé, et un blanc. De cette manière il pourra déjà faire beaucoup. Avec le fond noir il obtiendra les dégradés sur fond noir, les photographies doubles dont nous avons déjà parlé1 ; avec le fond gris, il fera les portraits ordinaires soit en pied, soit en buste ; avec le fond blanc, il exécutera les dégradés sur fond blanc. Ces fonds seront à son gré en papier ou en drap. Ces derniers sont préférables, car on peut aisément les enrouler au plafond, ce qui permet de les manier avec facilité, et sans qu’ils soient une cause d’embarras. Il est enfin un dernier fond que nous croyons devoir recommander tout spécialement parce qu’il permet d’obtenir des effets artistiques, c’est le fond circulaire moitié noir moitié blanc. Ce fond peut être obtenu en faisant usage d’un vaste cône devant l’ouverture duquel on place le modèle. La tête se détache ainsi, la partie éclairée sur fond sombre et la partie de l’ombre sur fond clair. La transition du côté sombre au côté clair étant insensible, le résultat est des plus heureux. Ce fond est malheureusement fort encombrant, aussi peut-on le remplacer avec avantage comme le fait M. Henry Duc, de Grenoble, par un écran circulaire portant une toile habilement peinte de façon à rendre l’effet obtenu par le cône. Cet écran peut pivoter sur son cenlre de telle manière qu’on peut l’employer également pour avoir le même effet en hauteur tandis que dans le cas précédemment on l’avait latéralement.
- Divers meubles sont indispensables, l’amateur les choisira dans le style qui lui conviendra. L’appui-tête, quoique moins nécessaire qu’autrefois, devra encore être employé pour maintenir l’immobilité du modèle dans les poses un peu prolongées. Son aspect est connu de tous, inutile de le décrire ; que l’on n’oublie pas seulement qu’il ne doit servir au modèle que de repère pour garder la position don-née et non pas pour s’y appuyer fortement, sous peine d’obtenir trop de raideur,
- Passons maintenant à l’opération de la pose. La chambre à employer de préférence sera la chambre dite d’atelier qui permet l’usage d’objectifs de divers foyers et donne la facilité de faire des glaces de formats très variés.
- Un pied solide et à crémaillère pour pouvoir être facilement élevé ou baissé sera le complément de l'installation. L’obturateur n’est pas indispensable, mais l’usage de cet appareil sera néanmoins très précieux pour agir même à distance au moment précis et régler la pose suivant le plus ou moins d’immobilité du modèle. La combinaison instantanée pourra être employée avec succès pour les enfants.
- L’intérêt du portrait consistera surtout pour l’amateur à bien étudier la lumière, à la modifier au moyen des rideaux et des écrans, à conserver en un mot à son modèle son expression et son attitude naturelles.
- Les difficultés ne lui sont du reste pas ménagées. Jusqu’à présent la plaque photographique n’est pas arrivée à rendre d’une manière parfaite les différentes couleurs en tant que valeurs vraies. C’est ainsi, par exemple, que des cheveux blonds, qui pour notre œil sont une valeur claire, seront rendus en valeur sombre ; il en est de même pour les étoffes, une robe bleue et blanche n’offrira pas d’oppositions, de même si elle est jaune et noire, ou rouge et noire. Il faudra donc étudier tous ces détails avant d’opérer pour éviter les insuccès.
- En ce qui concerne la reproduction de personnes blondes, un éclairage intense habilement ménagé, ou mieux l’usage d’un peu de poudre de riz permettront d’atteindre l’effet voulu.
- Il faudra tenir compte également de la coloration de la peau et régler la pose en conséquence. Ainsi les différences peuvent être telles, dans la reproduction d’un enfant et d’une grande personne, qu’il est malaisé d’arriver à un résultat complet. Un éclairage différent en intensité pour chacune des personnes sera une ressource précieuse qu’il ne faudra pas négliger. Outre le jeu des rideaux, on pourra employer des écrans mobiles destinés à augmenter ou à diminuer la lumière en un point précis. L’un, l’écran de tête se compose d’un disque garni d’étoffe plus ou moins opaque que l’on interpose entre Je modèle et la lumière, on le règle à la hauteur que l’on désire; l’autre est un châssis dans lequel se meuvent des réflecteurs rectangulaires en étoffe. Cet appareil est très utile pour éclairer les parties trop sombres.
- De cette longue description de l’atelier et de son emploi, que devons-nous conclure? C’est que l’art du portrait nécessite un matériel et une installation des plus complètes, des études, des observations faites avec soin et une pratique qui ne s’acquiert pas en un jour. L’amateur ne s’engagera donc dans cette voie que s’il a tout ce qu’il lui faut pour réussir, sinon, il se ménagera trop de déceptions et de déboires. Albert Loxde.
- 1 Voy. n° 740, y>. 151
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- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 19 décembre 1887. — Présidence de M. Janssen.
- Testudo Perpignana. — C’est le nom sous lequel MM. Dolzan et Deperret désignent une magnifique tortue que leur ont fournie les couches du miocène supérieur entaillées récemment auprès de Perpignan pour les fondations d’un fort. L’animal mesure plus de l,n,20 de longueur et dépasse, par conséquent, en dimensions la tortue éléphantine de l’ile Bourbon, et même le Tesludo Grandidieri, espèce subfossile de Madagascar. M. Albert Gaudry, qui annonce cette intéressante découverte, fait admirer une fois de plus son réel talent de dessinateur en représentant au tableau les . diverses parties recueillies du fossile. On y voit toute la carapace, la tète munie de son maxillaire inférieur, les quatre membres et les vertèbres de la queue. Au moment où les paléontologistes furent informés de la présence du testudo dans le sol, les ouvriers venaient de le réduire, à coups de pioche, en plus de 200 morceaux. Un premier travail fut de les retrouver tous et de les rapprocher. La gangue du fossile consiste en une pierre remarquablement dure qu’il fallut enlever au ciseau, non seulement à l’extérieur, mais aussi dans la carapace qui en était remplie. C’est même grâce à cette circonstance que la tète et les membres rentrés par l’animal, au moment de sa mort doivent leur belle conservation; mais on ne les a extraits eux-mêmes (ju’au prix d’une véritable sculpture. A ce moment l’échantillon présentait une extrême fragilité, et les auteurs de la restauration durent se préoccuper de le consolider. Le procédé leur fut inspiré par la vue d’un raccommodeur de porcelaine qui leur donna de véritables leçons, et dont ils imitèrent les attaches en fil de fer. Il leur en fallut plus de mille, ayant chacune 5 centimètres de longueur, et leur installation dans les 2000 trous nécessaires exigea huit mois de travail assidu. Une fois parvenus au but de leurs efforts, ces véritables serviteurs de la science n’eurent rien de plus pressé que d’offrir à M. Gaudry, pour le Muséum, l’incomparable résultat de leurs travaux. M. le l)r P. Fischer fut chargé d’aller prendre livraison du précieux échantillon, et on pourra très prochainement l’admirer et l’étudier dans la nouvelle galerie paléontologique d’histoire naturelle.
- Les produits d’Ebelmen. — Quand la mort est venue si prématurément l’arracher à ses beaux travaux, Ebel-men n’avait pas, à beaucoup près, décrit tous les intéressants produits que lui avait procurés son ingénieuse méthode de reproduction artificielle des minéraux. M. Mallard ayant réuni les échantillons conservés à l’Ecole des mines, au Muséum et à la Manufacture de Sèvres, en a fait une étude complète dont il fait connaître aujourd’hui les résultats. Parmi les plus intéressants résultats d’expérience qu’il ait eus à examiner, il insiste spécialement sur le chromite de glucine qui, malgré sa formule chimique analogue à celle des spinelles, cristallise non pas dans le système cubique, mais dans le système du prisme rhomboïdal droit, c’est-à-dire exactement comme la cymo-phane qui, comme on sait, est un aluminate de glucine. La forme des cristaux et leur groupement reproduisent exactement tous les accidents de la variété originaire de l’Oural, et qu’on connaît sous le nom d’Alexandrite.
- Météorites indo-chinoises.—On remarque sur le bureau un fragment d’une météorite qui, si nous entendons bien, serait tombée au Cambodge sous la forme d’une pierre sphérique de 10 centimètres de diamètre. Elle parait être
- d’un type très commun. En même temps, parvient une nouvelle lettre de M. Delauney sur la soi-disant météorite de 20 mètres de long dont nous parlions déjà précédemment. L’auteur s’étant rendu sur les lieux y a recueilli le rapport fait par le gouverneur local à son supérieur hiérarchique, et qui constate que le 25 octobre 1887, auprès du village de Tan-Duc, un animal inconnu s’en est allé au ciel, et que la. terre s’est écroulée sur 20 mètres de longueur. M. Delauney et deux Français qui l’accompagnaient ont constaté l’existence d’un trou très vaste, et leur opinion est qu’un projectile céleste, arrivant sous un angle très petit, 10° par exemple, et reproduisant ainsi une condition qui fut, dit-on, réalisée par le bolide de Tadjera (0 juin 1807 *) aurait, à l’encontre de celui-ci, qui s’est enfoui, ricoché sur le sol. M. Delauney va même jusqu’à émettre l’avis qu’il paraît d’ailleurs bien difficile de justifier, que la masse minérale n’a dû retomber qu’à 700 kilomètres de distance.
- La parallaxe du soleil. — Au nom de M. Cruls, directeur de l’observatoire de Rio-Janeiro, M. Faye dépose le résultat obtenu par les trois expéditions brésiliennes, envoyées lors du passage de Vénus à Saint-Thomas des Antilles, à Ouata, Brésil, et à Punta-Arenas, dans le détroit de Magellan. Le nombre obtenu est égal à 8"70.
- Profitant de la parole, M. Faye ajoute, à l’appui de ses opinions sur la nature des cyclones, que d’après le témoignage des marins, le vent, durant ces tempêtes, n’est pas continu, mais souffle par rafales.
- Etoiles filantes. — Un des membres les plus actifs de la Société d’astronomie fondée par M. Joseph Vinot, M. Philippe, annonce qu’il a observé le 12 décembre, à Meximieux (Ain), de 4 heures et demie à 5 heures du matin, une pluie remarquable d’étoiles filantes : le ciel, pendant tout ce temps, n’a pas cessé d’en être sillonné. A 5 heures, un météore plus brillant se montra à l’ouest, vers 45° de hauteur, et se dirigea horizontalement vers le nord, en laissant derrière lui une traînée lumineuse.
- Varia. — Les éléments et les éphémérides de la deux cent soixante-dixième petite planète sont adressés par M. "Winner. — MM. Berthelot et André étudient l’état du soufre et du phosphore dans les plantes, dans la terre et dans le terreau. — Une machine à élever l’eau est décrite par M. de Calignv. — M. Decagne expose ses idées sur la formation de l’amidon dans les plantes. — M. Favre a mesuré la chaleur spécifique du tellure.
- Stanislas Meunier.
- LES RÉCRÉATIONS SCIENTIFIQUES
- Par Gaston TISSAîiDIER a
- Lu librairie G. Masson vient de publier la cinquième édition d’un livre auquel les lecteurs ont bien voulu faire un accueil exceptionnel. L’ouvrage, couronné par l’Académie française, a été traduit
- 1 Le sillon, dans ce cas a été d’un kilomètre de longueur (,Comptes rendus de l'Académie des sciences, séance du 16 mars 1868.
- a Les Récréations scientifiques ou l'enseignement par les jeux. La Physique sans appareils, la Chimie sans laboratoire( les Jeux et tes Jouets, par Gaston Tissandicr. Ouvrage couronné par l’Académie française. Cinquième édition, entièrement refondue, avec 254 gravures dans le texte. 1 vol. in-8°. Prix, broché : 7 francs 50. — G. Masson, éditeur.
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- dans les principales langues de l’Europe, et plus de Î20 000 exemplaires de l'édition française n’en ont pas arrêté le succès. Encouragé par un tel empres-
- sement de la part des amis de la science, l’auteur a sans cesse perfectionné son œuvre; la nouvelle édition est entièrement refondue et la Physique sans
- appareils y iorme un ensemble absolument complet. I En grand nombre de gravures nouvelles y ont été ; ajoutées ; nous en reproduisons ici quelques-unes avec le texte qui les explique.
- La ligure 1 montre la manière de faire une ironde avec une canne et une pomme de terre.
- On pique l’extrémité de la canne dans la pomme de terre, de telle façon que celle-ci ait une certaine adhérence et se trouve assez solidement fixée. Cela exécuté, on fait tourner la canne à la façon d’une fronde, et l’arrêtant brusquement au moment d’une rotation rapide, alors que son extrémité est dirigée vers le ciel, on arrive à lancer ainsi la pomme de terre à une très grande hauteur.
- La figure 2 représente le classique tire-pavé des écoliers. On sait que cet objet est formé d’une rondelle de cuir mouillé au milieu de laquelle est atta-
- chée une cordelette. Cette rondelle, appliquée sur un pavé, est pressée sous le pied. Quand on tire la
- cordelette, la rondelle forme ventouse, et on a beaucoup de peine à la séparer du pavé qu’elle peut même soulever s’il n’est pas adhérent au sol.
- La ligure o indique le moyen de réaliser une jolie expérience de dessert. Quand on jette un grain de raisin frais ou Sec au fond d’un verre rempli de champagne, on voit les bulles de gaz s’y attacher; le grain de raisin monte à la surface du liquide où les bulles crèvent ; il retombe alors pour recommencer bientôt son ascension. Le grain de raisin est enlevé par les bulles d’air qui jouent le rôle de ballons minuscules s’élevant au sein du liquide.
- Le propriétaire-gérant : G. Tissakdier.
- Imprimerie A. Lahure, 9, rue de Flcurus, à Paris.
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- N- 701. - 51 DÉCEMBRE 1887
- LA NATURE.
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- APPLICATION
- I) K 1, A
- PHOTOGRAPHIE A LA METEOROLOGIE
- Ayant été amené à séjourner au sommet du pic du Midi, à l'observatoire dirigé par M. Yaussenat, pour y l'aire des observations destinées à servir de contrôle à mes études sur l’absorption élective de l’oxygène et ces études m’ayant mis en rapport avec un babile photographe de Pau, M. Lamazouèrc, qui se trouvait alors au pic, j’ai eu la pensée d’utiliser la présence de ce praticien pour obtenir la photographie des phénomènes atmosphériques dont
- cette station élevée offre des tableaux parfois si saisissants.
- Mon but était d’attirer l’attention des météorologistes et des observateurs sur les applications si importantes, à mon sens, que la Photographie peut recevoir ici. M. Lamazouèrc ayant bien voulu se placer sous ma direction, nous avons fait venir un grand nombre de plaques 50-40 et des produits, et nous avons commencé à prendre des images de tous les phénomènes intéressants dont nous étions les témoins pendant une semaine.
- Parmi les photographies qui ont été le lruit de ce travail, je citerai, tout d’abord, une série de quatre épreuves formant panorama et présentant le dévo-
- iler de nuages observée au sommet du pic du Midi. (D’après une photographie.)
- loppement de toute la chaîne pyrénéenne telle qu’elle est vue du pic. L'instant choisi est celui du lever du soleil (le 4 octobre), alors que les rayons de l’astre n’ont pas produit leur action sur la couche presque continue de nuages qui occupe les vallées et ne laisse saillir que la partie élevée des massifs. Cette couche s’étend ici depuis l’Océan jusqu’à la partie orientale de la chaîne. A mesure que le soleil s’élève et que son action se prononce sur la couche nuageuse en question, on voyait celle-ci s’élever ; souvent des courants d’air plus chaud, perçant la couche, entraînaient la matière nébulaire et l’on voyait des flocons s’élever du sein de la masse, affectant les formes les plus singulières et les plus bizarres. En même temps, et ainsi que je viens de 16° année. — 4er semestre
- le dire, on voyait la couche générale s’élever et la chaîne pyrénéenne présenter alors l’aspect d’une mer tourmentée, de laquelle n’émergent que quelques rares sommets formant autant d’îlots. C’est le phénomène que présente la photographie, que nous reproduisons ci-dessus. De la couche de nuages qui figure comme les vagues d’une mer furieuse on voit émerger, au premier plan, le pic de la Picarde; plus loin, l’Arbizon et, aux limites de l’horizon, les massifs du pic Poset et ceux du Clarabide et du Néthou.
- Quand ce phénomène se produit, il est suivi d’autres phénomènes dont il serait bien intéressant de pénétrer complètement les causes météorologiques. Ou bien les nuages se dissipent sous l’action solaire, ou bien ils s’élèvent et forment une couche beau-
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- coup plus élevée, ou bien encore ils se résolvent en brouillard qui enveloppe toute la chaîne et en cache complètement la vue. Dans ces phénomènes interviennent non seulement les conditions météorologiques de la région qui en est le théâtre, mais encore des éléments étrangers que les vents apportent et qui ont une si grande influence en météorologie. J’ai été témoin de cette action en plusieurs circonstances ; notamment à la station élevée de Simila, dans l’ilima-laya, en 1808. Pendant le mois de décembre, l’atmosphère était tout à fait calme. La sécheresse était externe, la viande ne s’y corrompait jamais et le papier, notamment, y donnait des manifestations électriques au toucher. Or, dans ces conditions, l’action solaire sur l’atmosphère qui m’entourait avait une netteté et une régularité remarquables. Le peu de vapeurs émises par la végétation alpestre des vallées se condensait au coucher du soleil et formait dans les fonds une légère couche nuageuse. Au lever, cette couche s’élevait peu à peu et, pénétrant dans un air très sec, elle se dissipait rapidement. Cependant l’hygromètre décelait sa présence. A mesure que le soleil baissait, ces vapeurs se reformaient et regagnaient le fond des vallées, pour repasser par les memes manifestations le jour suivant.
- Ce régime si régulier cessa en janvier; alors les vents nous amenèrent des iners de l’Inde des torrents de vapeur aqueuse et tous les phénomènes furent bouleversés. Ce fut alors que commencèrent ces grands orages dont l’Europe ne peut donner une idée. Pour analyser le nouvel état atmosphérique, il eût fallu connaître exactement l’importance des facteurs étrangers qui venaient modifier les éléments locaux. Mais il est évident qu’une série de photographies très complète et judicieusement prise eût fourni de précieux éléments de discussion, en la combinant avec l’ensemble des observations météorologiques.
- Les photographies nos 7 et 11 montrent des effets très intéressants de coucher de soleil. Une autre présente une vue du côté est de la chaîne, dans laquelle le soleil a été rendu positif par excès de pose.
- La photographie n° 5 montre les pentes neigeuses du pic du Midi sur lesquelles on voit, si l’on y donne une grande attention, une série de petits points noirs qui se suivent. Ces points, si difficiles à voir, ne sont autre chose que l’image des ascensionnistes de l’Association française pour l’avancement des sciences, qui, le 4 octobre, sont venus nous visiter au sommet du pic. Prévenu de leur visite, j’avais fait disposer les appareils pour obtenir cette photographie instantanée, qui leur sera offerte.
- La station du pic du Midi est admirablement placée pour des études de ce genre. Je ferai ce qui dépendra de moi pour que M. Vaussenat, son directeur, si courageux et si admirablement dévoué, puisse s’y livrer. Il est bien à désirer que le mandat de M. Vaussenat, qui expire cette année, lui soit continué.
- 11 paraît que plusieurs stations météorologiques
- élevées des Etats-Unis vont être abandonnées. Cela parait bien regrettable, et d'autant plus que ce genre de stations se prête à des observations spéciales d’un haut intérêt et notamment à ces études par la photographie qui prêtera, avant peu, à la science météorologique un concours aussi précieux que celui quelle donne déjà aux autres sciences.
- Pour me résumer, je dirai que la photographie apportera à la météorologie envisagée, ainsi qu’on tend, avec si juste raison, à le faire actuellement, comme une science indépendante qui devra être cultivée pour elle-même, qu’elle lui apportera, dis je, des éléments de discussion précieux et variés :
- 1° En donnant des phénomènes des images d’ensemble sur lesquelles ces phénomènes peuvent être discutés, et qui donnent une valeur toute nouvelle aux éléments météorologiques observés;
- 2° En permettant dans des cas particuliers, et par l’emploi de méthodes appropriées, des mesures de distances, de hauteur, de dimensions des nuages, des météores, etc. ;
- o° En ouvrant aux études toute une voie de mesures photométriques de la lumière des astres dans ses rapports avec l’atmosphère ;
- 4° En permettant de léguer à l’avenir un ensemble de documents utilisables, quel que soit le point de vue que les progrès de la science amènent à considérer1. J. Jakssen, de l’Institut.
- LES BIÈRES FRANÇAISES
- UNE VISITE A l’exTOSITION I)E 18S7
- Faisons-nous la bière aussi bien que les Allemands et les Anglais? That is the question; l’Exposition dos bières françaises du Palais de l’Industrie vient de répondre par l’affirmative.
- Aussi la véritable raison de l’infériorité relative des bières que nous buvons en France ne doit-elle pas, croyons-nous, être cherchée dans les conditions mêmes de la fabrication. I)e nombreuses et patientes recherches ont en effet montré que telles ou telles de nos brasseries françaises se trouvaient dans des conditions identiques d’eau et de matières premières que telles autres brasseries de l’Allemagne du Nord, de Bohême ou de Hollande. Et cependant les produits ne sont pas les mêmes! Cela tiendrait-il, suivant M. Velten de Marseille, à la différence d’atmosphère ambiante et des microbes qu’elle contient?
- Peut-être ; mais à coup sûr une des très bonnes raisons que nous avons entendu donner pour expliquer la différence des qualités (et que nous avons pu vérifier par nous-même en quelque sorte) est le mode de consommation qui n’est pas le même. Dégustez, par exemple, une bière à Munich, à Copenhague, à Genève, voire même à Paris à l’Exposition, elle sera excellente ; le même produit perdra immédiatement beaucoup de sa valeur si on le prend dans un café quelconque. Pourquoi?
- 1 D’après une note présentée à l’Académie des sciences.
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- La réponse générale est en elle-même assez simple. On sait en effet qu’en Allemagne, par exemple, personne n’a idée d’entrer dans une brasserie seulement pour y causer en flânant et y boire par occasion comme nous le faisons volontiers a Paris. Tout au contraire, on y entre seulement [unir boire, et Dieu sait si on y boit en fumant un nombre incalculable de pipes! Après quoi, sans avoir prononcé deux paroles la plupart du temps, on s’en va pour laisser place à ceux qui attendent et quelquefois font queue pour faire remplir une cruche qu’ils emportent à domicile. Il en résulte une consommation effrayante : un tonneau est à peine en perce qu’il est vidé sans que la bière ait eu le temps de s’échauffer, et de perdre le moindre atome de son acide carbonique intcrmoléculaire.
- Boire pour boire, là est tout le secret; mais on comprendra qu’à moins de changer du tout au tout nos habitudes françaises celte condition soit irréalisable chez nous. Et cependant comme la bière est un liquide d’une altérabilité absolument excessive, c’est le seul parti à prendre si nous voulons trouver nos produits aussi bons que les Allemands trouvent les leurs, et finir par être là aussi au premier rang; cela en vaut-il bien la peine?
- Quoi qu’il en soit du bien fondé de cette remarque qu’il était en tous cas utile de présenter, nous devons constater que l’Exposition des bières offrait un très réel intérêt.
- D’un coté dans le pavillon de dégustation (ancien pavillon de la ville de Paris) toutes nos bonnes brasseries françaises de Marseille, Maxeville, Tanton-ville, Puteaux, Ghàlons-sur-Marne, Saint-Germain-cn-Laye, etc., débitaient à qui mieux mieux, à robinets grands ouverts, une bière absolument claire, parfumée, fraîche et parfaite au goût.
- D’un autre côté, dans le pavillon sud du Palais de l’Industrie, était aménagée une galerie dite des machines où les visiteurs pouvaient voir les derniers types des appareils employés à la fabrication de la boisson qu’ils avaient dégustée.
- Nous regretterons en passant que peu de maisons aient pensé à montrer et à faire expliquer les détails d’une installation d’ensemble.
- Il n’en faut pas moins reconnaître que quelques-uns des appareils sont nouveaux et disposés sur des bases aussi théoriquement étudiées qu’une bonne production doit l’exiger.
- — a suivre. — M. A. G., mgemeur.
- RIDEAU DE FER DE THEATRE
- Les deux parties qui composent un théâtre : la scène et la salle, sont entièrement séparées l’une de l’autre par un gros mur de fondation; elles forment deux batiments bien distincts. 11 n’y a de communication que par la grande baie indispensable qui permet au spectateur de voir la partie de la scène où se passe l’action.
- Gomme dans la très grande majorité des cas c’est sur la scène qu’éclatent les incendies, si on arrive à pouvoir supprimer cette baie au moment voulu, il y aura beaucoup de chances pour que la salle soit à l’abri du danger, au moins pendant un temps suffisant pour en permettre l’évacuation. C’est là le rôle des rideaux de fer.
- On avait pensé que l’on pouvait utiliser dans ce but la propriété qu’ont les toiles métalliques d’arrêter les flammes, propriété basée sur leur grande conductibilité pour la chaleur, et les rideaux de fer étaient et sont encore, dans bien des théâtres, constitués par un bâti en fer recouvert d’une toile à maillons très larges. On n’a jamais eu l’occasion de reconnaître leur efficacité, attendu que dans les sinistres qui ont eu lieu, ils n’ont pas été baissés. Mais en supposant qu’ils puissent arrêter les flammes, ou tout au moins les refroidir assez pour retarder l'inflammation de la salle, ils ne sauraient fermer le passage aux gaz délétères, produits de la combustion, qui se précipitent dans la salle entraînés par le courant d’air qui se produit de ce côté, et qui font le plus grand nombre de victimes.
- On a donc été amené à chercher une fermeture plus complète, plus hermétique, au moyen d’un rideau en fer plein. Mais on se trouve alors en présence d’un poids de 0 à 7000 kilogrammes. S’il ne s’agissait que de baisser le rideau au moment opportun, en rompant, par un moyen quelconque, les attaches qui le soutiennent en l’air, le problème serait simple; mais il faut pouvoir s’assurer tous les jours de son bon état, de son bon fonctionnement; il faut, par conséquent, pouvoir le relever facilement; car, si la manœuvre est une cause de trop de travail, on l’évite autant que possible, on ne la fait pas et le jour où elle devient urgente, rien ne marche.
- Le problème a été résolu d’une façon fort ingénieuse, par M. Edoux, dans les théâtres de la Comédie-Française, de l’Opéra-Comique, du Châtelet, de la Porte-Saint-Martin, de la Gaîté.
- Le rideau est formé de fortes plaques de tôle rivées sur des châssis en fer; il se compose de deux parties : l’une fixe située en haut, derrière ce qu’on appelle le manteau (VArlequin, et l’autre mobile, constituant le rideau proprement dit, qui peut glisser derrière la première et venir se loger complètement et d’une seule pièce au-dessus d’elle (voyez la figure). C’est cette partie qu’il s’agit de baisser rapidement en cas d’incendie et qu’il faut aussi pouvoir relever tous les jours sans trop de travail.
- A cet effet, M. Edoux la lait reposer par sa partie inférieure sur deux pistons (dont l’un, celui de gauche, est visible sur la figure) et la- manœuvre est identique à celle des ascenseurs hydrauliques du même ingénieur, avec le perfectionnement du déclenchement électrique décrit dans un précédent article1 et sur lequel nous ne reviendrons pas aujourd’hui.
- 1 Voir n° du 17 décembre 1887, tig. L
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- I)c même que pour les ascenseurs deux systèmes d’équilibrage sont en présence; celui que représente notre gravure est à contrepoids supérieurs, et c’est celui qui est installé partout jusqu’à présent, sauf au Théâtre-Français. Il a l’avantage d’être moins coûteux, mais lorsque les contrepoids ne descendent pas dans des cheminées qui, en cas de chute les conduiraient jusqu'à terre, il présente certain danger. C’est ce qui a lieu en particulier au Châtelet où, par suite de la disposition adoptée, les contrepoids sont suspendus au-dessus de la tête (les machinistes et des artistes. Nous savons qu’il y a presque certitude que les chaînes et les poulies qui les supportent ne casseront pas; mais il n’y a jamais certitude absolue et dans ce cas particulier surtout, l’équilibrage inférieur 1 eut été préférable.
- L’eau destinée à soulever les pistons (il en faut environ C à 700 litres) est amenée au distributeur de trois laçons différentes : en premier lieu par la canalisation de la ville ; deuxièmement, pour le cas où celle-ci viendrait à manquer, par un réservoir placé dans les combles et qui contient assez d’eau pour soulever plusieurs fois les pistons; enfin par une pompe de compression placée dans les dessous qui se manœuvre à bras et refoulerait l’eau de vidange qui est, à cet effet, retenue dans un réservoir spécial. Les précautions, duce côté, sont donc bien prises et on n’a pas à craindre de manquer d’eau pour le relèvement.
- Le distributeur se trouve placé dans le premier ou le deuxième dessous; on l’actionne, avons-nous dit, électriquement. l)’un point quelconque et rien qu’en touchant un bouton on peut donc manœuvrer
- 1 Voir u° du 17 décembre 1887, fig. 3.
- le rideau. Au Théâtre-Français on le baisse à chaque acte, il est recouvert d’une toile peinte, et il a, du côté de la salle, l’aspect d’un rideau ordinaire.
- On place, en général, deux boutons de manœuvre sur la scène, un pour abaisser, l’autre [tour lever. Dans les autres parties du théâtre, dans le trou du souf-lleur, dans la loge du concierge et partout où l’on croit la chose utile en cas d’alerte, on place seulement le bouton qui sert à l’abaissement. Nous pensons qu’on aurait dû faire de même sur la scène et
- supprimer d’une façon complète la manœuvre électrique en ce qui concerne le relèvement. Les iîls qui relient le bouton de la scène au distributeur passent forcément à des endroits où le feu peut éclater ou se communiquer rapidement, et il pourrait arriver alors que l’enduit isolant des fils venant à briller, un contact se produise qui ferait relever le rideau au moment où on aurait le plus besoin qu’il restât baissé. Si cependant on tient à ne pas remplacer ce système par un autre purement mécanique, il faut avoir soin de disposer la canalisation électrique de façon à ce que les deux fils conducteurs soient assez éloignés l’un de l’autre sur tout leur parcours pour qu’aucun contact fortuit ne puisse se produire. C’est une précaution facile à prendre et qui ne change rien au principe du système ; mais que nous croyons indispensable pour que la sécurité soit aussi complète que possible.
- Cette réserve faite, il est certain que la manutention hydraulique telle qu’elle a été conçue et exécutée par M. Edoux rend les rideaux de fer très pratiques, et il est probable que toutes nos scènes parisiennes et notamment celle de l’Opéra seront bientôt munies de systèmes analogues. G. Maresciïal.
- Le rideau de fer du théâtre du Châtelet, à Paris.
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- LES TRAMWAYS A AIR COMPRIMÉ DE VINCENNES A YILLE-EYRARD
- Lors des premiers essais des machines à air comprimé de M. Mékarski, La Nature a l'ail connaître les dispositions générales du système A L'installation
- récente de la ligne de tramways de Yincennes à Ville-Evrard nous donne l’occasion de revenir sur ce sujet et nous permettra de signaler les résul-
- Fig. 1. — Usine de la Jlaltoiirnée pour la production de l’air comprimé. Salle des compresseurs.
- tats acquis depuis lors.
- Nous croyons devoir rappeler que le système Mékarski consiste à employer comme lluide moteur non pas de l’air comprimé froid et sec, mais un mélange d’air et de vapeur d’eau. On sait, en effet, que lorsque l’air comprime se détend, il se produit un fort abaissement de température, la vapeur d’eau, en abandonnant sa chaleur, limite cet abaissement de température qui est la cause d’une grande perte de puissance.
- Pratiquement, avec un volume déterminé d’air comprimé a haute pression, on double la puissance qu’il peut produire sur un organisme moteur en le mélangeant, au moment de le faire agir sur les pistons, avec une faible proportion de vapeur d’eau.
- 1 Voy. La Nature, n° 142, du 19 février 1876.
- D’un autre côté, même si des considérations de volume ont amené à comprimer l’air a haute pression, il est avantageux de l’employer à faible pression, c'est ce qui motive l’emploi du régulateur qui complète le procédé Mékarski dans lequel, en résumé, on interpose entre les réservoirs d’air comprimé et la machine motrice : 1° un réchauffeur qui sert à obtenir le fluide moteur ; 2° un régulateur ou détendeur qui a pour but d’envoyer le mélange gazeux aux cylindres moteurs à une pression de régime automatiquement constante, quelle que soit la pression dans les réservoirs, et cependant variable à la main suivant les conditions de résistance ou la vitesse à réaliser. C’est à Nantes, où les machines à air comprimé sont employées exclusivement depuis près de neuf années à la traction des tramways, que les avantages
- Fig. 2. — Avant de voiture automobile avec les portes des caissons ouvertes, et bouche de chargement.
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- du système Mékarski ont été mis nettement en évidence. Il ressort des résultats obtenus et de leur comparaison avec ceux donnés par les autres modes de traction que la traction par l’air comprimé est actuellement le procédé le plus économique. En effet, l’examen des chiffres de plusieurs années montre que, tandis que la traction animale coûte, suivant les villes et les compagnies, de 00 à 40 centimes par kilomètre parcouru, que la traction à vapeur sous toutes ses formes avec machines à foyers ou sans foyer, et, pour ne citer que les compagnies où le système n’a pas été abandonné pour causes d’exagération de dépense, coûte 50 à 40 centimes, la traction par l’air comprimé revient maintenant à Nantes à moins de 29 centimes par kilomètre parcouru. Ce résultat s’explique d’ailleurs, malgré le rendement dont sont frappées les machines à air comprimé, par suite de la perte de puissance résultant de l’interposition du compresseur entre la chaudière et le moteur de la voiture, par ce fait que ce rendement est largement compensé par les conditions tout à fait désavantageuses dans lesquelles la vapeur est produite et employée directement dans les petites locomotives à vapeur.
- Or, le prix de revient de la traction est un des facteurs les plus importants au point de vue de l’exploitation des lignes de tramways, car il représente, à lui seul, plus de la moitié des frais d’exploitation, et l’on comprend, alors, combien les différences sur ce chiffre ont d’influence sur le résultat financier et le succès des entreprises.
- Ce sont ces considérations, jointes aux autres avantages du système que nous aurons occasion de faire ressortir dans le courant de cet article, qui ont engagé la Compagnie des chemins de fer nogen-tais à adopter les machines à air comprimé du système Mékarski pour la traction sur la ligne de Vincennes à Ville-Evrard.
- Dispositions générales. — Cette ligne a 9k,600 de longueur, elle traverse le bois de Vincennes, passant à la Porte-Jaune à proximité de Fontenay-sous-Bois, dessert Nogent-sur-Marne, ses deux gares et le Ferreux; touche à Neuilly-Plaisance, traverse Neuilly-sur-Marne et aboutit enfin à l’asile départemental de Ville-Evrard. Elle est établie partie en rails tramways noyés dans les chaussées, partie en rails saillants sur accotements et comporte des rampes allant jusqu’à près de 50 millimètres par mètre.
- On sait que l’installation de la traction par l’air comprimé se divise en deux parties distinctes : 1° le matériel fixe : ensemble des appareils servant à produire Pair comprimé, à l’emmagasiner et à le distribuer ; 2° Je matériel roulant disposé pour utiliser l’air comprimé emprunté à l’usine de chargement. Les considérations suivantes feront comprendre comment l’on a déterminé l’importance relative des divers éléments de l’installation.
- L’usine de production de l’air comprimé nécessaire au chargement des voitures étant installée à j
- | la Maltournée a 6k,5 de l’extrémité de la ligne 'a Vincennes, les voitures devaient pouvoir effectuer un parcours de 15 kilomètres au moins sans rechargement; or, la dépense d’air des voitures étant de 8 à 10 kilogrammes d’air par kilomètre en raison de la ligne fort accidentée, l’approvisionnement nécessaire était de 10x15 — 150 kilogrammes, soit,, avec une réserve convenable, 170 kilogrammes d’air. Les dimensions de voitures ont permis de loger sous les caisses neuf réservoirs d’une contenance totale de 5100 litres; on a donc été amené à adopter la pression de chargement de 45 kilogrammes par centimèlrc carré.
- D’un autre coté, le nombre des départs par heure devant être de un en semaine, de deux les dimanches et fêtes, les machines fixes devaient être capables de fournir, dans ce temps, y compris le service de la Maltournée à Ville-Evrard, 500 kilogrammes d’air. On a installé provisoirement deux compresseurs produisant ensemble 400 kilogrammes d’air, qui fonctionnent tous deux les dimanches et fêtes et alternativement en semaine; dès que le service prendra plus d’extension, une troisième machine sera nécessaire de, manière à en avoir toujours une de réserve.
- Vsine et matériel fixe. — Partant de là, les dispositions suivantes ont été prises :
- Le dépôt, comprend : deux générateurs de vapeur de 00 mètres de surface de chauffe chacun; deux machines motrices de 55 chevaux actionnant chacune un compresseur d’air; douze accumulateurs capables d’emmagasiner le travail des machines dans l’intervalle des chargements; les appareils servant à charger le matériel roulant; un atelier de réparation ; une salle de chargement et des remisages pour les voitures; un pavillon d’administration avec un logement pour le chef de dépôt et les bureaux de l’exploitation.
- Les compresseurs (fig. 1 ) sont à deux corps de pompes' à simple effet, disposition qui permet de réduire l’élévation de température résultant de la compression et, par suite, le travail moteur à dépenser. L’orifice de la soupape d’aspiration du premier cylindre est muni d’un godet dans lequel coule un filet d’eau ! continu. L’air s’introduit dans le grand cylindre en ! entraînant cette eau qui s’y pulvérise; il est refoulé dans le second cylindre dont les dimensions correspondent au volume d’air du premier cylindre com-| primé à la pression de 6 kilogrammes. Sur la conduite de communication entre les deux cylindres est interposé un petit réservoir qui est en communication continue avec la face non travaillante du petit piston, et qui y maintient une pression de 6 kilogramme^, disposition favorable à l’étanchéité de la garniture dont les conditions se trouvent sensiblement les mêmes que dans le premier cylindre.
- Refoulé à la pression finale de 45 kilogrammes dans le petit cylindre, l’air se rend dans les accumulateurs après avoir traversé un réservoir dit sé-cheur dans lequel il se dépouille de l’eau d’injection.
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- L’ensemble des appareils de chargement se compose : 1° de quatre conduites distinctes amenant : l’air comprimé venant directement des compresseurs, l’air comprimé venant des accumulateurs, la ! vapeur et l’eau chaude; 2° de bouches de chargement ; chaque bouche se compose de deux robinets à deux eaux dont l’un donne passage à l’air venant soit des compresseurs, soit des accumulateurs; l’autre, suivant les besoins, à de l’eau chaude ou à de la vapeur; 5° d’un déverscur que l’air manœuvre automatiquement entre les chargements pour se rendre aux accumulateurs.
- Matériel roulant. — Le matériel roulant de la Compagnie des chemins de fer nogentais se compose : 1° de voitures à air comprimé dites : voitures automobiles, constituées par la réunion sur un même truck des réservoirs d’air, de la machine motrice et de la caisse à voyageurs; 2° de petits remorqueurs indépendants.
- Les premières présentent de grands avantages au point de vue de la circulation dans les rues ; dans le cas spécial qui nous occupe, elles étaient particulièrement indiquées pour gravir les fortes rampes dans des conditions économiques.
- Le truck et la caisse de voiture constituent deux parties distinctes, indépendantes l’une de l’autre.
- Tout le dessus du truck est occupé par la caisse de voiture pouvant contenir 50 voyageurs : 20 à l’intérieur, 6 sur la plate-forme et 24 à l’impériale.
- L’espace utile occupé par les appareils et réservé au conducteur est seulement de 1/8 environ de la longueur totale de la voiture. Le poids de ces véhicules est de 10 tonnes à vide.
- L’approvisionnement d’air est contenu dans neuf réservoirs de 0m,60 de diamètre en tôle d’acier de O111,12 d’épaisseur, placés sous le châssis parallèlement aux essieux et réunis entre eux par des tuyaux de communication en cuivre, de manière à constituer deux récipients distincts : l’un batterie de 2030 litres, l’autre réserve de 1070 litres. Celui-ci a pour but de conserver de l’air à haute pression qui permette de donner, même à la fin du trajet, un effort puissant que la batterie pourrait n’être plus capable de fournir.
- Les cylindres moteurs et les organes de mouvement sont suspendus latéralement â l’extérieur <Jji châssis et abrités par des caissons en tôle fermés par des portes que l’on peut ouvrir de l’extérieur.
- Le réchauffeur renferme 200 litres d’eau chaude à 155°, il est installé verticalement sur la petite plate-forme d’avant et surmonté du régulateur.
- Le mécanicien-conducteur se tient debout devant le réchauffeur. En actionnant le régulateur, par l’intermédiaire d’un petit volant, il règle pression d’admission quelle que soit, d’ailleurs, la pression dans les réservoirs; au moyen d’un robinet de distribution à deux eaux, placé sur la conduite venant du régulateur, il fait agir l’air amené à la pression convenable, soit sur les pistons, soit sur les freins; une simple manœuvre permet donc de passer brus-
- quement de pleine admission à l’arrêt subit. Les appareils de manœuvre sont complétés par un levier qui commande la coulisse de changement de marche et de détente.
- D’ailleurs le mécanicien n’a ni feu a entretenir, * ni chaudière â alimenter, ni pression à surveiller; toute son attention est appliquée à gouverner prudemment sa machine; aussi un seul agent suffit pour la conduite.
- A chaque voyage les voitures sont chargées, c’est-à-dire que l’on remplit les réservoirs d’air à la pression de 45 kilogrammes et qu’en même temps on relève la température de l’eau de la bouillotte par une injection de vapeur. Pour eflectuer ces opérations les voitures sont placées en regard des bouches de chargement (fig. 2) et, au moyen de tuyaux à raccords, on met en communication : pour la vapeur, la bouillotte avec les générateurs; pour l’air, les réservoirs avec les accumulateurs; on obtient ainsi une pression de 50 à 55 kilogrammes par centimètre carré, puis on élève cette pression à 45 kilogrammes en mettant les réservoirs en communication directe avec les pompes. Le régulateur automatique placé sur la conduite amenant l’air des pompes aux bouches de chargement ne permet pas à l’air d’atteindre, dans les réservoirs des voitures, une pression supérieure à 45 kilogrammes ; passé cette limite, l’air est déversé dans les accumulateurs. La durée d’un chargement est d’environ quinze minutes.
- Après les neuf années de fonctionnement à Nantes, les résultats si satisfaisants obtenus sur la ligne des chemins de fer nogentais, qui présente les plus grandes difficultés au point de vue de la traction, semblent indiquer que le système de traction par l’air comprimé est, jusqu’à présent, à la fois le plus économique et le plus élégant, celui répondant le mieux à toutes les conditions nécessaires pour la circulation dans les rues, en un mot, le meilleur des procédés de traction employés sur les tramways.
- Edmond Boca,
- Ingénieur des arts et manufactures.
- UN PETIT CHINOIS
- SANS BRAS
- Je viens de rencontrer dans les rues de Pékin un petit garçon de treize ans, né sans bras, dans la province du Ghan-Toung. Cet enfant m’a paru plus intéressant que les mendiants ordinaires dont les importunes clameurs arrachent quelques sapèques aux passants en leur exhibant le répugnant spectacle d’infirmités vraies ou simulées qui disparaissent en grande partie, le soir, dans leurs nombreuses cours des Miracles, tout comme au Paris d’autrefois.
- J’ai pu examiner de près cet enfant. Le côté gauche est en tout semblable au côté droit; point de bras, même à l’étal rudimentaire; une masse charnue sans aucune trace d’os, déprimée au centre et
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- agrémentée d’une sorte de petit mamelon, indique la place de l’articulation du bras à l’épaule. Les autres membres sont bien conformés. Les jambes servent de bras, les doigts des pieds exécutent presque tous les mouvements des doigts de la main, et la grande souplesse, de l’épine dorsale permet au torse de se courber suivant les circonstances.
- Devant l’objectif nous limes exécuter à cet enfant plusieurs sortes de mouvements. La photographie n° 1 le représente au moment où il vient, avec l’aide de ses bâtonnets saisis et manœuvres par le pied droit, d’avaler une tasse de riz ; maintenant, le talon gauche appuyé sur la cuisse droite, il déguste une tasse de thé (tig. 1), l’orteil et deux doigts saisissent le fond du bol et l’inclinent suivant la quantité du
- Fig. 1. — Jeune Chinois sans bras buvant une tasse de thé.
- (D’après des photographies e
- liquide. Dans la photographie n° 2, il s’est servi de ses pieds pour battre le briquet très adroitement, a allumé une pipe, l’a offerte aussi gracieusement que possible du bout du pied à son grand-père son protecteur, et s’est mis à la fumer bravement (tig. 2). Je lui présentai une cigarette : après la manœuvre du briquet il la porta à sa bouche en prenant la position indiquée précédemment pour la tasse à thé; tout en causant il faisait jouer sa cigarette et gesticulait du pied avec l’élégance d’un fumeur consommé. Eplucher des châtaignes, des arachides, et les porter à sa bouche n’était pour lui qu’un jeu auquel il se prêta de fort bonne grâce. 11 s’habille avec les pieds et les dents, met ses chaussettes, boutonne sa chemise avec le menton et les dents. Pour lui faire
- Fig. 2. — Le même fumant une pipe, ées par l’auteur, à Pékin (Chine).
- prendre patience, nous lui donnâmes quelques sapè-ques qu’il enfila en se servant des deux pieds avec une grande dextérité; il aurait, disait-il, enfilé une aiguille avec la même facilité.
- J’ai cru être agréable aux lecteurs de La Nature en leur parlant de cet enfant dont la difformité in’a intéressé à un autre point de vue. Je parcours depuis vingt-cinq ans, en tous sens, cette partie du nord de la Chine, et Pékin en particulier ; c’est le premier sujet difforme de naissance que je rencontre. Les anomalies de la nature ne sont pas rares, on en voit chez tous les peuples ; pourquoi l’immense population de la Chine ferait-elle exception? J’ai constaté un nombre suffisant d’infanticides accomplis sur des sujets venus au monde parfaitement constitués pour me permettre d’affirmer que tout enfant
- difforme est immédiatement étouffé dès sa naissance.
- Celui-ci doit sa conservation à un concours de circonstances exceptionnelles. Il est fils unique, ses parents possédaient une fortune qui suffisait abondamment à tous leurs besoins ; à l’âge de quatre ans l’enfant perdit sa mère ; bientôt le père se livra au désordre, réalisa son bien et partit, abandonnant le pauvre estropié. Recueilli par son grand-père, il fut obligé, pour venir en aide a la pauvreté de son bienfaiteur, de se montrer sur les voies publiques et à Pékin, où il est venu depuis quelques mois. Inutile d’ajouter que cet enfant phénoménal en Chine excite au plus haut point la curiosité des princes et des grands mandarins qui l’invitent de tous côtés pour le donner en spectacle à leurs familles. X..., à Pékin.
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- LE BÂTEAU A PÉTROLE
- DE M. LEKOIU
- La machine à vapeur était à peine inventée qu’on a songé à l’appliquer à la navigation. Malgré les difficultés de toute nature <pie présentait un tel problème, on est arrivé peu à peu à rendre pratique la navigation à vapeur, et depuis quelque cinquante ans que le problème est résolu on peut dire que l’étude des machines marines a contribué pour une large part au perfectionnement des moteurs à vapeur. La machine à gaz venue bien plus tard, puisque ce n'est que vers 1860 queM. Lenoir le premier réussissait a la taire fonctionner, ne semblait pas dès l’abord pouvoir s’adapter d’une façon commode et pratique aux conditions toutes spéciales de la navigation. En effet tout moteur à gaz suppose une usine à gaz; divers essais avaient bien été faits dans ces dernières années pour arriver à alimenter ces moteurs avec des gaz spéciaux, soit le gaz à l’eau, soit le gaz produit au moyen des essences légères de pétrole; mais jusqu’en 1882 ces diverses tentatives n’avaient eu que peu ou point de succès. Dans cet ordre d'idées, M. Lenoir avait encore été le premier à faire marcher en Seine un bateau actionné par le pétrole. Cet essai n’eut pas de suite, l’appareil ayant disparu pendant la guerre de 1870. M. Lenoir reprit vers 1882 la question des moteurs à gaz après l’avoir abandonnée plus de vingt ans. 11 revint à l’idée de la
- compression préalable de Beau de Rochas et du premier coup créa, en collaboration avec MM. Rouart, un moteur qui économisait 55 pour 100 de gaz sur scs devanciers les plus perfectionnés. Il songea aussitôt à utiliser la vapeur de pétrole et en peu de temps parut le premier moteur à pétrole fonctionnant avec une économie conipa • rable à celle du moteur à gaz.
- Dès lors l’application de cette machine à la navigation ne dépendait plus que d’une adaptation spéciale de ses organes.
- MM. Rouart entreprirent la construction d’une machine de bateau, qui après des essais satisfaisants en Seine fut envoyée à l’Exposition maritime du Havre en avril dernier. Le bateau (fig. 1) actionné par cette machine a 7 mètres de long, lœ,65 de large et 0m,90 de haut. 11 a été mis à l’eau dans le courant de juin et depuis cette époque il a toujours fonctionné plusieurs heures par jour et cela avec une régularité parfaite. Deux fois par semaine au moins il faisait le trajet du Havre à Tanearville par le nouveau canal à son allure normale de 14 kilomètres à l’heure.
- La machine (fig. 2) se compose de deux cylindres à simple effet, superposés et actionnant un arbre moteur vertical. Cette disposition a permis de placer le volant à la partie inférieure de façon k augmenter la stabilité du bateau. Ce résultat fort important a été obtenu, comme on le voit, d’une façon très simple.
- L’hélice est commandée par une série d’engrenages placés sous le volant et permettant au moyen
- Fig. 1. — Vue d’ensemble du bateau à pétrole de M. Lenoir.
- Fig. 2. — Détail de la machine.
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- d’un levier d’obtenir facilement la marche en arrière et au repos.
- Les deux cylindres, quoique couplés sur le meme arbre, peuvent marcher indépendamment l'un de l’autre. De la sorte on obtient à volonté des variations de vitesse considérables suivant les besoins.
- La position du volant à la partie inférieure du bateau a fait naître une difficulté pour la mise en marche. On sait en eJfet que tout moteur à gaz se met en marche en faisant faire à la main quelques tours an volant. Dans le cas actuel le volant étant inabordable, il a fallu avoir recours à un artifice : on a fixé à la partie supérieure île l’arbre une roue a rochet, à laquelle on imprime un mouvement de rotation au moyen d’un levier centré sur l’arbre. Ce mode de mise en marche a donné d’excellents résultats.
- La vapeur de pétrole est produite à froid, et par suite sans aucun danger d’explosion, dans un récipient cylindrique placé sur le côté de la machine et actionné par la machine elle-même.
- Le moteur à pétrole présente dans l’application qui nous occupe certains avantages considérables sur la machine à vapeur. La mise en marche se lait instantanément sans mise en pression préalable d’un générateur de vapeur ; l’arrêt s’obtient de même sans être obligé d’éteindre les feux d’une chaudière.
- Pendant les repos, si courts soient-ils, on ne consomme absolument rien. La fumée, les cendres, escarbilles, etc., sont supprimés; par suite, grande propreté de l’appareil et du bateau. Il n’y a absolument aucun danger d’explosion. Enfin l’avantage le plus saillant relativement à la navigation est la diminution considérable du poids de combustible à transporter; en effet ce moteur ne consomme que 400 grammes environ par cheval et par heure et cela pour un moteur de o chevaux, alors qu’un moteur à vapeur dans les mêmes conditions dépenserait o à 4 kilogrammes de charbon; de plus l’em-magasinement du combustible est facile, un simple bidon de 15 litres de gazoline suffisant à assurer une marche de 10 heures.
- En somme cet appareil constitue une application fort intéressante des moteurs a gaz. Il est d’un emploi tout indiqué, non seulement pour les bateaux de plaisance, mais encore pour les canots de port, les canots d’escadre, peut-être même ceux de sauvetage, en attendant la création de moteurs plus puissants du même genre qui fourniront de nouvelles ressources à la navigation.
- Gaston Tissandier.
- NOUVEAU PROCÉDÉ DE PRÉPARATION
- DE i/âLUMINHIM, DU SILICIUM, DU MAGNÉSIUM, ETC., ET DE LEURS ALLIAGES
- Dans son numéro du 8 octobre, La Nature a décrit les procédés de MM. Cowles et Mabery pour l’extraction de l’aluminium au moyen de l’électricité; M. Faurie a soumis
- dernièrement à l’Académie des sciences * un nouveau procédé. Il consiste à préparer d’abord un minerai artificiel d’aluminium réductible par la chaleur, puis, à réduire ce minerai en présence d’un métal qui a pour but de recueillir l'aluminium naissant.
- M. Faurie prépare le minerai artificiel de la façon suivante : il prend deux parties d’alumine bien pure et finement pulvérisée et les mélange avec une partie de pétrole ou autre hydrocarbure, et une partie d’aciile sulfurique. Il projette la pâte ainsi obtenue dans un creuset chauffé au-dessus de 800° de manière à décomposer le pétrole; puis, après avoir laissé refroidir le produit compact de cette opération, il le réduit en poudre. C’est cette poudre qui constitue le minerai d’aluminium. Ce minerai est mélangé avec I/o de noir de fumée et 1/5 d’un métal en poudre. Le tout est ensuite chauffé au blanc pendant deux heures dans un creuset en plombagine bien fermé. Lorsque le creuset est refroidi et ouvert, on trouve au milieu d’une poudre métallique noire, des grains d’alliage d’aluminium plus ou moins riches. Ces alliages sont repris et enrichis par le même procédé jusqu’à ce que de l'aluminium à 97 ou 98 pour 100 seliquate.
- Cette méthode s'applique également au silicium, au magnésium, au calcium, etc. Elle réussit également bien, quel que soit le métal en poudre qu’on adopte pour recueillir l’aluminium naissant ; mais il vaut mieux employer le cuivre ou l’étain ; les alliages avec ces métaux étant immédiatement utilisables dans l’industrie, on peut, si on désire préparer seulement ces alliages, arrêter le travail avant la liquation de l’aluminium.
- LA CROISSANCE DES GLACIERS
- D’après une forte intéressante communication de M. le professeur Forel, la variation en allongement des glaciers a continué à se produire d’une manière très sensible dans les Alpes occidentales.
- En 1885, 57 glaciers étaient en état de croissance; aux 54 glaciers connus l’année précédente (Annuaire du Club Alpin suisse) sont venus s’ajouter ceux de Fieseh, des Aiguilles-Rouges et du Tour. Par contre, les glaciers des Alpes orientales ont continué a être tous en diminution. En 1886, les glaciers de Grindelwald inférieur et de Goerner ont suspendu leur marche en avant; mais ceux du Gabelhern, du Moming, des Pétoudes, de Renfen et de Weisschien ont montré une crue manifeste, ce qui porte à 40 le nombre des glaciers qui s’allongent actuellement. On peut prévoir en outre, d’après des signes particuliers, la prochaine crue des glaciers de Goerner, du Mont-Miné, de Gauli, de Grindelwall inférieur, de Rosegg et du Rhône. M. G. Lang admet qu’il y a probablement une relation entre les variations périodiques des glaciers et celles de climat (chutes de pluie et chaleur de l’air). Le nombre des variations glaciaires de ce siècle est, suivant M. Forel, de cinq demi-périodes; les périodes de croissance ont été 1800 (?) à 1815, 1850 à 1845 et 1875 à 1880 (?). Les glaciers seraient en croissance dans les périodes pluvieuses et froides, en décroissance dans les périodes sèches et chaudes ; le facteur important semble être la chute de pluie.
- Ces observations sont très dignes d’être enregistrées au point de vue géologique, et méritent d’être continuées dans l’avenir.
- 1 Comptes rendus de l’Académie des sciences, t. CV, p. 494.
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- ANTIPYRINE ET MAL DE MER
- M. Ossian-Bonneta récemment présenté à l’Académie des sciences quelques observations à ce sujet à propos d'une note de M. Eugène Dupuy, antérieurement présentée par M. Brown-Séquard. « L’idée d’un pareil traitement, dit M. Ossian-Bonnet, n’est pas nouvelle : elle s’est présentée à l’esprit de plusieurs médecins, que nous pourrions citer; mais jusqu’ici personne n’en a fait l’objet d’une élude assez approfondie pour qu’il en soit résulté un progrès véritable au point de vue de la patbogénie, de l’étiologie et du mode de traitement. Aussi est-ce dans le but et avec l’espoir d’apporter quelque lumière sur la question, que j’ai entrepris un voyage en mer d’assez longue durée (deux mois et demi environ). Mes efforts me paraissent ne pas avoir été complètement stériles : j’ai obtenu plusieurs résultats qui me semblent offrir, j’espère, quelque intérêt. Après de nombreuses observations (soixante environ), recueillies avec le plus grand soin pendant les deux traversées du Havre à Buenos-Ayres et de Buenos-Ayres au Havre, je crois avoir mis hors de doute les trois faits suivants : 1° Contrairement aux opinions émises par divers auteurs, le mal de mer n’est autre qu’un vertige, qui se produit sous l’influence d’une ou de plusieurs des causes multiples, d’ordre sensoriel ou psychique, qui occasionnent généralement cet état maladif. 2° L’emploi de l'antipvrine arrête toujours les accidents du mal de mer; mais la dose à laquelle il convient de la prendre est variable. Hans la plupart des cas, la dose de 1er,50 est suffisante ; l’effet complet est alors produit en dix minutes environ. Dans d’autres cas, au contraire, il est nécessaire d’ajouter de nouvelles doses. Toutefois, dans mes différentes observations, je n’ai jamais été obligé de dépasser 3 grammes en deux fois pour produire l’arrêt complet des accidents dans l’espace d’une heure environ. 5° Dans certains cas, relativement très rares, où le malade ne peut absorber le médicament par suite de vomissements trop abondants et trop fréquents, une injection sous-cutanée de 1 gramme d’antipyrine a suffi pour arrêter le mal. » —
- MOULAGE DE LA FONTE
- SCR LA DENTELLE, LA IÎUODERIE ET LES FEUILLES
- Extrait d’une communication de M. A. £. Outerbridge à l’Institut Franklin.
- L’art de fabriquer le charbon de bois (si ce procédé est digne du nom d’art) date d’une antiquité lointaine et a été pratiqué depuis des centaines d’années avec peu de changements. Il est vrai que quelques améliorations ont été apportées récemment, mais elles n’ont pour but que de procurer certains produits volatils qui étaient perdus autrefois.
- Tout le monde connaît l’apparence et les caractéristiques du charbon de bois; mais je crois pouvoir montrer que nous avons quelque chose de nouveau à apprendre relativement à ses qualités et à l’usage pratique inespéré auquel il peut être employé.
- Ordinairement nous considérons le charbon de bois comme une substance cassante et promptement combustible, et pourtant il est possible d’avoir des produits dans lesquels ces qualités sont visiblement absentes.
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- Voici un morceau de toile de coton carbonisée qui peut être roulé ou plié sans qu’il se casse; et vous voyez qu’il peut être placé dans la flamme d’un brûleur Bunsen et être ainsi chauffé, dans l’air, jusqu’à la chaleur blanche sans se consumer. Voici encore un morceau de fine dentelle qui a été carbonisé de la même façon et qui possède les mêmes qualités de solidité et d’incombustibilité.
- Ces tissus carbonisés peuvent être impunément soumis à des épreuves encore plus sérieuses, et si je vous dis qu’ils ont été placés dans un bain de fer fondu sans détérioration, vous admettrez qu’ils possèdent certaines qualités que l’on ne rencontre pas ordinairement dans le charbon de bois.
- Lorsqu’ils sont retirés du moule, après le refroidissement de la pièce coulée, on voit qu’aucune de leurs fibres n’a été consumée, et l’on remarque, sur la face du métal qu’ils touchaient, une impression fine et exacte du dessin qu’ils représentent. Cette impression peut être utilisée de diverses façons : pour gaufrer du cuir, estamper du papier, des feuilles de métal, etc., ou pour produire des ornements à la surface des pièces moulées.
- Quelques-uns des tissus carbonisés étalés devant vous sont presque aussi délicats que des toiles d’araignées et l’on suppose naturellement que lorsqu’une grande quantité de métal fondu est versée dans le moule où ils sont placés, ils doivent se détacher en fragments qui flotteront à la surface, en supposant qu’ils ne soient pas consumés immédiatement; et pourtant il n’en est rien.
- En pratique, j’ai trouvé que les tissus les plus délicats peuvent être soumis à ce traitement sans danger de destruction, et qu’aucun soin spécial n’est nécessaire en préparant le moule ou en coulant le métal.
- Dans les expériences, le moule était fait en sable vert à la manière ordinaire, puis le tissu était posé délicatement sur une des faces intérieures et laissé un peu plus large que cette face, de façon qu’il pût être maintenu dans cette position lorsqu’on rapprochait les diverses parties du moule.
- Le métal fondu arrivant dans le moule colle le tissu contre le sable, et lorsque la pièce fondue est retirée, le tissu peut être décollé sans qu’il ait subi aucune détérioration.
- De cette manière, plusieurs moulages ont été faits en employant le même tissu carbonisé. Les dessins, qu’ils viennent sur un métal doux ou sur un métal dur, sont aussi finement reproduits que ceux obtenus par l’électrotypie. Le résultat paraît dû à l’affinité qui existe entre le fer ou l’acier et le carbone : le métal fondu tend à absorber le carbone, et il en résulte que le tissu s’applique étroitement sur le métal.
- C’est quelque chose de comparable à l’effet produit lorsqu’on coule du mercure sur du zinc. Vous savez que si l’on verse du mercure sur cette table, par exemple, il court sous forme de globules et, pour ainsi dire, ne mouille pas la surface, tandis
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- que lorsqu’on le verse sur une lame de zinc blanchie, il coule comme de l’eau, mouille toute la surlace, et, comme l’on dit : s’amalgame avec le zinc.
- Ainsi lorsque le lcr londu est versé dans un moule ordinaire de sable, qui a été garni intérieurement avec un tissu réfractaire carbonisé, il mouille toute la surface en tendant a absorber le carbone, ce qui arriverait s’il restait assez longtemps liquide ; mais, comme le métal se refroidit presque immédiatement, il n’y a pas de détérioration appréciable des fibres.
- D’autres moulages résultent d’une autre très intéressante expérience, four ceux-là, une pièce de dentelle dont les mailles étaient de la largeur de la tête d’une épingle, au lieu d’être placée sur une lace du moule, était maintenue par les bords, de façon à diviser le moule en deux parties égales. Deux trous de coulée, un de chaque côté de la cloison de dentelle, aboutissaient au fond du moule, et le métal fondu, arrivant par les deux trous, remplissait
- Fig. 1. — Moulage én fonte sur dentelle.
- autre couche de poussière de charbon est répandue au-dessus, et la caisse est fermée le mieux possible par un couvercle. La caisse est chauffée graduellement dans un four pour enlever d’abord toute humidité ; la température est élevée lentement jusqu’à ce que l’échappement apparent d’une fumée bleue cesse sous le couvercle; la température est alors augmentée jusqu’à ce que la caisse soit à la chaleur blanche ; on la tient à ce degré pendant au moins deux heures. Ceci fait, on laisse le tout re-lroidir, puis on essaye les objets carbonisés à la flamme du gaz. S’ils ont été suffisamment carbonisés, ils ne doivent pas briller même lorsqu’ils sont portés, dans l’air, à la chaleur blanche.
- Il est certain que cette méthode peut varier avec la nature des objets à préparer, mais il faut toujours :
- 1° L'exclusion partielle de l’air et pour cela substitution d’une atmosphère carburée;
- 2° Un chauffage lent pour éliminer l’humidité et les éléments volatils;
- 5° Une chaleur intense et prolongée des objets à j
- le moule en restant au même niveau des deux côtés.
- Après le refroidissement, le moulage était séparé en deux parties, la dentelle intacte était enlevée et on en retrouvait le dessin reproduit sur les deux parties de métal.
- On se demande naturellement pourquoi le métal fondu ne passe pas à travers les mailles de la dentelle. Il est probable que la minee pellicule d’oxyde de fer, ou la peau qui se forme toujours à la surface du liquide fondu, est retenue dans les mailles étroites et empêche le métal de passer.
- J’ai répété l’expérience un certain nombre de fois et j’ai trouvé que les mailles ne doivent pas avoir plus de 1/50 d’inch (1 demi millimètre) autrement le métal pénétrerait.
- Pour carboniser les tissus, feuilles, herbes, etc., on doit procéder comme il suit :
- Les objets sont placés dans une caisse en fonte dont le fond est couvert d’une couche de poudre de charbon de bois ou autre charbon analogue; une
- Fig. 2. — Moulage en fonte sur broderie.
- carboniser, pour éliminer ce qu’ils contiennent encore dé éléments étrangers, et pour les ramener de l'état combustible du charbon de bois ordinaire à l’état complètement réfractaire.
- Les figures ci-dessus sont des reproductions de photographies de moulages qui n’ont pas été retouchés. La figure 1 représente un moulage en fonte dure sur une dentelle posée sur le sable, la figure 2 un moulage en fonte grise sur une broderie à la mécanique pour légers vêtements d’été.
- Je suis aussi arrivé à faire des moulages de fines serviettes damassées carbonisées et aussi de soie moirée, montrant que l’on peut reproduire les dessins formés par les fils d’étoffes unies.
- Le procédé qui vient d’être exposé devant nous, peut être considéré comme une innovation intéressante dans l’art de la fonderie, et il pourra probablement être amené à une plus grande perfection1.
- 1 Traduit de VIron par M. Salmon. Bulletin technologique de la Société des anciens élèves des Ecoles d’arls et métiers.
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- LES SOURCES THERMALES
- DE K O ü IU I> A N (,IAVâ)
- Nos lecteurs ont sous les yeux la vue d’un pays bien singulier, dont le sol, formé d’une roche blanche, mamelonnée, parfois très compacte et fort dure, est l’œuvre de sources qui sourdent en grand nombre. Elle a été prise dans le domaine de Kou-ripan à Ivapouran près Roghor (Java) par M. Brau de Saint-Bol-Lias. Ce voyageur, en me la remettant, a bien voulu y joindre, pour les étudier, plusieurs échantillons des roches fontigéniques dont les formes extérieures sont si singulières, et plu-
- sieurs bouteilles des eaux minérales incrustantes qui proviennent de trois sources principales.
- Celles-ci, bien visibles sur la photographie, s’appellent, dans le pays, grande source Verte, source Chaude et source de la Haute Plate-Forme.
- Pour ce qui est de la roche, elle es-t constituée par du carbonate de chaux à cet état particulier de constitution moléculaire qui caractérise Varagonite et qui, malgré Puniformité de la composition chimique, diffère du calcaire proprement dit ou calcite, à beaucoup d’égards : densité, solubilité et forme cristalline. Comme pierres à chaux, ces travertins sont activement exploités et les chaufourniers javanais y distinguent trois qualités industrielles.
- La pierre de la première qualité est largement lamellaire, à éclat nacré et très cohérente ; celle de la seconde sorte, encore très solide, est en plaques qui délimitent des 'vacuoles ayant souvent plus d’un centimètre cube, de sorte que cette roche est toute caverneuse; enfin, la troisième qualité est poreuse, composée de feuillets sinueux parallèles entre eux et elle tire de cette structure une apparence qui lui donne, à première vue, de l’analogie avec certains polypiers. On assiste d’ailleurs, sur place, à la formation des feuillets dont il s’agit par l’évaporation de la nappe aqueuse, dont ils reproduisent, pour ainsi dire, les ondulations, par les rides de leur surface.
- J’ai étudié au microscope ces belles roches préalablement taillées en lames assez minces pour être parfaitement transparentes : on y constate alors une structure dendritique des plus remarquables et qu’on ne peut mieux comparer qu’aux arborisations de givre sur les vitres pendant l’hiver.
- Parfaitement limpides et de saveur salée, les eaux de Kouripan se signalent par la très grande quantité de matière solide qu’elles tiennent en dissolution. J’y ai trouvé par litre : dans la grande source Verte, 15sr,87 de sels; dans la source Chaude, 27 gr. et dans la source de la Haute Plate-Forme, 28sr,78 par litre.
- Contrairement à ce que feraient légitimement supposer les masses de carbonate de chaux au milieu
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- desquelles elles surgissent, ees sources ne sont I ]>oint minéralisées par ce sel calcaire, et la quantité d’acide carbonique qu’on en dégage par l'ébullition est presque insignifiante. Elles sont, avant tout, chargées de chlorure de calcium auquel se joignent, en moindre quantité, le chlorure de sodium ou sel marin, le chlorure de potassium et le chlorure de magnésium. On n’y trouve pas de sulfates. La proportion de ces matières constituantes est sensiblement la même dans les trois sources. Une analyse m’a donné en centièmes :
- Chlorure de calcium...............54,205
- Chlorure de magnésium. . . . 40,051
- Chlorure de sodium................ 2,800
- Chlorure de potassium............. 1,104
- Résidu insoluble dans l’eau. . . 1,924
- 100,742
- 11 semble que ces chiffres méritent une attention particulière. Tout d’abord, la proportion du chlorure de calcium fait des eaux de Kouripan un des représentants les plus caractérisés d’un groupe hydrologique où se rangent déjà, avec des salures diverses, les sources de Cauquenès (Chili), si bien étudiées par Lawrence Smith; de Tinguiririea (Pérou); de Savu-Savu (îlesFidji), analysées parM. Li-versidge; de Berg-Giefshubel (Saxe); de Pitkeathly (Ecosse), etc.
- En second lieu, il faut expliquer le résidu insoluble qui figure pourpres de 2 pour 100 dans Pana- „ lyse précédente : j’ai toujours extrait les sels à analyser de portions d’eau parfaitement limpides. Cependant, en reprenant la masse cristalline par l’eau distillée, j’ai toujours constaté la formation d’un trouble très visible. Celui-ci se dissout par l’addition d’une goutte d’acide azotique et le liquide, après s’être éclairci, se remplit subitement de myriades de petites bulles gazeuses. En séparant le résidu, on constate, au microscope, qu’il est entièrement formé de petits rhomboèdres incolores mesurant 1 centième de millimètre environ. Il consiste, pour la plus grande partie, en carbonate de chaux magnésifère.
- Cette observation très imprévue est à rapprocher de la cristallisation abondante de dolomie parfaitement cristallisée qui s’est spontanément développée dans les bouteilles où avait été recueillie au grillon l’eau de la Haute Plate-Forme et qui est sous la forme de rhomboèdres mesurant 7 centièmes de millimètres de dimension moyenne. Ces cristaux, qu’on aperçoit à l’œil nu, sont très actifs sur la lumière polarisée et présentent souvent dans celle-ci des franges très fines parallèles à leurs contours. On y distingue, au microscope, des inclusions nombreuses, les unes sphériques et gazeuses, d’autres ( aciculaires noires et opaques. Avec eux sont des granulations ocreuses à structure singulière qui paraissent avoir pour origine des corps organisés.
- Les eaux de Kouripan sont nécessairement pourvues de propriétés médicinales précieuses; la loca-
- I lité où elles sourdent pourra seule mettre obstacle à l’établissement, autour d'elle, d’une station thermale. Stanislas Meunier.
- NÉCROLOGIE
- L,e vice-amiral Bourgois. — Les obsèques du vice-amiral Bourgois, qui vient de mourir dans sa soixante-douzième année, ont eu lieu mardi dernier à l’église Sainte-Clotilde, à Paris. L’éminent officier de marine, en dehors de sa carrière maritime, dont nous n’avons pas à parler ici, appartenait à la science par ses travaux. En collaboration avec M. Brun, sénateur, ancien ministre de la marine, et directeur des constructions navales en retraite, il avait construit un bateau sous-marin, le Plongeur, qui n’a pas donné tous les résultats attendus, mais qui scientifiquement fut admirablement étudié. Une année après, il partageait avec M. Rupuy de Lôme le prix décerné par l’Académie des sciences à celui qui avait fait accomplir le plus de progrès à la machine à vapeur. En ces derniers temps il a publié, sur la guerre de course, les cuirassés et les torpilleurs, des articles très remarqués. Nous citerons parmi ses ouvrages, Recherches sur les propulseurs hélicoïdes (1845) ; Mémoire sur la résistance de Veau au mouvement des corps et particulièrement des bâtiments denier (1857) ; Réfutation du système des vents de Maury (1865), etc. M. le vice-amiral Bourgois était conseiller d’Etat et grand officier de la Légion d’honneur.
- Rouget de l’Isle. — M. Rouget de l’Isle, ancien industriel, qui vient de mourir à Vincennes, était le neveu de l’illustre auteur de la Marseillaise. Sans avoir eu la renommée de son oncle, il a cependant joui d’une certaine notoriété au point de vue de la science appliquée aux arts et à l’industrie. Un mémoire sur le Blanchissage du linge, qu’il présenta à la Société d’encouragement, lui valut un prix de 1000 francs et une médaille de platine, en 1852. Ce mémoire, imprimé à part, forme 132 pages in-4°, avec des figures gravées en taille-douce. Si les procédés indiqués par l’auteur, et les conseils qu’il donne, étaient suivis par les blanchisseuses parisiennes, les ménagères n’auraient pas tant à gémir sur la durée éphémère de leur linge. Le même sujet, très développé, a fourni la matière de deux volumes de l’Encyclopédie Ro-ret, qui a publié, du même auteur, un manuel de la fabrication des boissons gazeuses. M. Rouget de l’Isle a aussi publié un ouvrage in-4° sur les « Machines et procédés relatifs à la composition des dessins et à la fabrication des tapisseries. » Il a été aussi un des principaux auteurs du Dictionnaire des arts et manufactures, publié sous la direction de M. Laboulave, et a traité d’une manière détaillée, entre autres articles, les mots Lithographie, Encres, Extraits, Couleurs, Dégraisseur, etc.
- CHRONIQUE
- La navigation sous-marine. — Le bateau sous-marin Nordenfelt, que nous avons décrit dans La Nature du 5 avril 1886, vient d’être soumis à des expériences dans la rade de Portsmoulh, le lundi 19 et le mardi 20 décembre 1887. Ces essais dont le résultat a été décrit dans le Times sont considérés comme très satisfaisants par la Commission militaire en présence de laquelle ils ont été exécutés. Dans la première journée, le bateau sous-marin a fonctionné comme un torpilleur ordinaire, et s’est approché du navire à bord duquel se tenaient les
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- membres de la Commission militaire, sans que les vigies aient pu signaler son approche. La partie qui faisait saillie et, sortait de l’eau n'avait pas un volume suffisant pour attirer l’attention des marins chargés de signaler son approche. Les épreuves de la seconde journée ont eu lieu dans l’eau calme des docks. Le navire a plongé et a reparu sur l’eau pour disparaître encore. Ces évolutions ont eu lieu à différentes reprises, au grand étonnement des spectateurs qui les comparaient à celles d’un marsouin. 11 n’est pas superflu de rappeler que le bateau conserve toujours un surcroît de force ascensionnelle.
- Le débit du Rhône et la capacité du lac de Genève. — On s’est souvent demandé combien il faudrait de temps pour remplir entièrement le lac Léman ou lac de Genève, s’il venait à être vidé. Les opinions, à ce sujet, sont des plus variées, mais voici un calcul intéressant établi sur des bases les plus certaines, qui fixe la durée de ce remplissage avec assez d’exactitude et dont le résultat est assez inattendu. La surface du lac de Genève est de 577 860 000 mètres carrés, sa plus grande profondeur de 512 mètres, et sa profondeur moyenne de 150 mètres. D’après ces chiffres, le lac de Genève contient donc 90 milliards de mètres cubes d’eau. Le débit moyen du Rhône étant de 27 mètres cubes par seconde, ou 2552800 mètres cubes par jour, il lui faudrait tout juste cent six ans pour remplir le lac Léman.
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- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance publique annuelle du SC décembre 188?
- Présidence de M. Janssen.
- Discours de M. Janssen. — C’est comme toujours l’éloge des morts de l’année, un remerciement aux donateurs, une mention des grands travaux scientifiques. Les morts sont Paul Bert (dont les obsèques ont eu lieu à Auxerre, le 15 janvier), Gosselin, Boussingault, Yulpian.
- M. Leconte a légué à l’Académie toute sa fortune, qui est considérable, à charge de décerner un prix qui, d’abord triennal, pourra devenir biennal et même annuel, par suite de la capitalisation de la valeur des récompenses non décernées. La valeur de cette récompense sera considérable, elle atteindra environ le décuple de celle des prix donnés habituellement. M. Leconte appelle à concourir toutes les sciences : mathématiques, physiques, naturelles et médicales. Il demande une grande découverte; mais comme les grandes découvertes sont rares, il se contentera, à défaut de celles-ci, d’wne application utile et féconde de ces sciences.
- M. Janssen annonce que l’Académie accorde à M. Bis-choffsheim la médaille Arago, qu’elle décerne pour la première fois. C’est, cela va sans dire, pour la fondation de l’Observatoire de Nice où l’Association géodésique internationale vient de tenir son Congrès.
- Cette année, dit l’éminent président, marquera dans les annales des applications de la photographie. Les résultats obtenus par MM. Henry sont couronnés dans la séance même. « Ils ont enfin appelé l’attention sur l’opportunité d’un travail concerté pour obtenir la carte du ciel. M.le directeur de l’Observatoire de Paris a pris cette initiative, et il a demandé à l’Académie de prendre l’œuvre sous son haut patronage. Le succès a pleinement répondu à notre attente. Au mois d’avril dernier, la plupart des directeurs des observatoires étrangers, acceptant avec empressement l’invitation de l’Académie, se réunissaient à Paris en Congrès. Dans ce Congrès, qui comptait tant d’illustrations, furent arrêtées les bases des méthodes qui
- seront employées dans la confection d’une carte photographique du ciel à notre époque. On a décidé également la confection d'un catalogue... La photographie est appelée désormais à jouer un rôle prépondérant dans les observations. Je ne doute pas, pour ma part, que l’astronomie n’en reçoive une transformation peut-être plus féconde encore que celle que l’invention des lunettes lui a fait éprouver. »
- Enfin, M. Janssen cite la découverte de M. Moissan, qui a isolé le fluor, résultat dont l’importance est singulièrement rehaussée par les difficultés qui ont été surmontées pour l’obtenir, et par les importantes conséquences qu’il promet.
- Eloge de M. Dupug de Lôme. — C’est M. J. Bertrand qui le prononce. Dupuv de Lôme est né en 1810, dans le petit port de Ploemeur, près de Lorient. 11 descendait d’un Dupuv, fermier général sous Louis XY. La fortune de cet aïeul fut partagée entre vingt-cinq enfants. La médiocrité succéda à l’opulence, et dans la génération suivante plus d’un Dupuv connut la pauvreté. Lorsque le grand-père de notre confrère, destinant à la marine son fils âgé de douze ans, le fit monter dans la diligence de Lorient, il ne put, sa place payée, mettre dans sa poche que deux écus de six livres et une lettre pour un oncle, officier de la flotte. Une troupe armée attaqua la diligence. Quelques voyageurs firent résistance; il leur en coûta la vie. Parmi les assaillants Se trouvait un Dupuv, homme de bien peut-être? Il y a 94 ans de cela, et depuis 1795, le sens des mots a pu changer. Ce brigand, comme nous dirions aujourd’hui, était un homme sensible, comme on disait alors. Il se déclara l’oncle de l’enfant qui portait son nom, doubla son petit avoir et le remit en route. A Lorient, nouvelle aventure... Mais il faut arriver au fils de ce héros de roman.
- Elève de l’Ecole polytechnique, officier de la Légion d'honneur à trente ans, Dupuy de Lôme avait, à cet âge, accompli d’importants travaux. Ainsi il avait trouvé moyen d’épuiser les bassins du port de Toulon en cinq ou six heures, au lieu de vingt-quatre ou vingt-six heures. « Dupuy de Lôme, jugeant d’un coup d’œil les difficultés, trouvait les solutions, imaginait les projets, combinait les forces, faisait de tête les calculs, et sans tâtonnements donnait tous les chiffres. Sa parole était lucide dans les ateliers, savante à l’Académie, éloquente quand l’occasion l’y invitait; mais il n’écrivait pas, il dessinait. Les contre-maîtres comprenaient ses idées, les ouvriers se mettaient à l’œuvre. Dupuy travaillait avec eux. L’œuvre devenait un modèle, on la copiait en oubliant l’inventeur.
- M. J. Bertrand cite les grands travaux de Dupuy de Lôme : le Napoléon qui « a été le grand effort et est resté le chef-d’œuvre de la marine de guerre. » M. Guizot, chargé du ministère de la marine, sur le rapport du prince de Joinville, en avait décidé l’exécution. La République de 1848 le fit achever et pour lui faire honneur changea le nom de Napoléon en celui de Vingt-quatre Février, sous lequel l’ont connu quelques vieux ouvriers du port.
- Dupuy de Lôme s’est occupé de la direction des ballons. Retrouvant une idée ingénieuse et complètement oubliée de Meunier, il utilisa dans les ballons l’admirable principe de la vessie natatoire. Son ballon était monté par quatorze personnes, dont neuf formaient l’équipage. « Le vent faisait 60 kilomètres à l’heure. On ne pouvait le vaincre, mais on avait lutté. Une déviation de 12 degrés donnait la mesure de la force ; elle aurait pu, la science en répond, imprimer'' au ballon, dans un air tranquille,
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- la vitesse de nos anciennes diligences. On fait mieux aujourd’hui, on fera mieux encore; mais le nom de Dupuy restera le premier. Le ballon de Vincennes est la galère de la marine aérienne. »
- Prix décernés pour 1887 :
- Géométrie. — Prix F rancœur : M. Emile Barbier; Prix Poncelet : M. Appell.
- Mécanique. — Prix extraordinaire de 6000 francs destiné à récompenser tout progrès de nature à accroître l’efficacité de nos forces navales, partagé entre MM. Hé-rand, Dubois, Bouvier et Moisson ; Prix Montyon : M. I'aul Vieille; Prix Plumey : M. Guyou ; le Prix Four-neyron n’a pas été décerné.
- Astronomie. — Prix Lalande : M. Itunér; Prix Valz : M. l'érigaud; Prix Jansscn : c’est un prix biennal fondé par l’illustre président de l’Académie, et consistant en une médaille d’or qui, cette année, sera déposée sur une tombe : celle du physicien Kirchhoff.
- Physique. — Grand prix des sciences mathématiques : M. H.
- Willotte ; PrixLacaze :
- MM. Paul et Prosper Henry.
- Statistique. — Prix Montyon : M. Victor Turquan.
- Chimie. — Prix Jec-ker : MM. Arnaud et llaller; Prix Lacaze:
- M. Moissan.
- Géologie. — Prix Delesse : M. Gorceix.
- Botanique. — Prix Barbier : MM. Heckel et Schlagdenhauffen ;
- Prix Desmazières:
- MM. Ardissone et Dan-geard ; Prix Montagne :
- M. Boudier.
- Anatomie et zoologie. — Grand prix des sciences physiques :
- M. Raphaël Dubois.
- Médecine et chirurgie. — Prix Montyon : MM. les Drs Leloir et Motais; et MM. Nocard et Mollereau; Prix Bréant : M. Gallier; Prix Godard : M. Azarie Brodeur; Prix Chaussier : M. Jaccoud; Prix Serres : M. Alexandre Ivowalevsky; Prix Lallemand : MM. Pitres, Vaillard et Vanlair.
- Physiologie. — Prix Montyon : M. Quinquaud; Prix L. La Caze : M. le D' Charles Rouget.
- Géographie physique. — Prix Gay : MM. Angot et Zeuker.
- Prix généraux. — Médaille Arago : M. Bischoffsheim ; Prix Trémont : M. Jules Morin ; Prix Gegner : M. Valson ; Prix Petit d'Ormoy (sciences mathématiques) : feu La-guerre ; Prix Petit d'Ormoy : M. Balbiani ; Prix fondé par Mme la marquise de Laplace : M. de Billy.
- Stanislas Meunier.
- BICYCLE VALSEUR
- Les roues de ce bicycle ont, chacune 2 mètres de diamètre et sont montées aux extrémités d’un meme essieu, à la distance voulue pour qu’un homme puisse se mouvoir librement entre elles. Le siège est suspendu au centre de l’essieu, au-dessous et un peu en arrière. lTn arbre à pédales, analogue à celui des tricycles, est situé à l’extrémité intérieure d’un cadre vertical suspendu à l’essieu ; cet arbre porte à ses deux bouts une roue dentée commandant les chaînes de Vaucanson qui Font agir les roues du bicycle. On comprend que si ces deux roues étaient
- directement commandées parles chaînes, le système ne pourrait que marcher en ligne droite, et ne pourrait pas tourner dans les courbes, puisque la rotation exige que l’une des roues aille plus rapidement que l’autre. Aussi l’inventeur a-t-il imaginé une disposition de pignons et d’engrenages mus par un petit arbre coudé tenu à la main, et qui permet, soit d’immobiliser l’une des roues pendant que l’autre décrit son mouvement, soit de ralentir la vitesse de l’une par rapport à l’autre, soit enfin de faire tourner une roue en arrière tandis que l’autre tourne en avant. Dans ce dernier cas, si les deux vitesses sont égales, l’appareil évoluera sur place, le corps du veloeeman tournant sur lui-même comme une toupie, d’où le nom de bicycle valseur donné ii cette machine construite par un amateur, et dont nous avons expérimenté l’unique modèle fabriqué. Les avantages de stabilité et de vitesse sont largement compensés par de graves inconvénients; le principal est la difficulté qu’il y a à empêcher la déformation des roues d’un si grand diamètre ; aussi ne signalons-nous cet appareil qu’à titre de curiosité.
- Nous ajouterons que nous l’avons vu fonctionner et qu’il a été manœuvré devant nous avec beaucoup de facilité. A. G. -
- Le propriétaire-gérant : G. Tissandier.
- Imprimerie A. Lahure, 9, vue de Fleurus, à Paris.
- Bicycle valseur.
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- N° 7 62
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- LES DOMPTEURS DE LIONS
- La vue d’un dompteur entrant dans la cage d’animaux féroces est évidemment un spectacle excitant l’intérêt, la crainte, l’émotion, au plus haut degré, et l’on doit dire que cette crainte est, jusqu’à un certain point, justifiée, car il ne se passe guère de mois sans que les journaux aient à enregistrer quelques accidents plus ou moins graves survenus dans les ménageries.
- Pendant longtemps on a cru que les dompteurs employaient des procédés secrets pour se rendre maîtres de leurs animaux. Un a parlé de préparations
- pharmaceutiques, de drogues stupéfiantes ou narcotiques, données aux animaux féroces, pour les engourdir, avant que le dompteur n’entre dans leur cage. On a dit aussi, et répété à la suite d’un romancier célèbre, Eugène Sue, que les dompteurs pendant des répétitions non publiques terrifiaient leurs animaux en les brûlant avec une baguette de fer rougie au feu. 11 est peu probable que ce procédé ait jamais été employé; en tout cas il ne l’est plus actuellement. Il en est de même du premier ; car, ainsi que le faisait remarquer un dompteur, si on droguait les animaux journellement avant les séances, on finirait par altérer leur santé et on 1 s’exposerait à les perdre. Or un lion vaut plusieurs
- Scène d’hynoptisme dans la cage d’un dompteur de lions.
- milliers de francs : on est intéressé à le conserver bien portant. Les dompteurs modernes n’emploient aucun de ces prétendus secrets et ne font généralement pas mystère de leurs procédés de domptage et de leur manière d’opérer; c’est grâce 'a l’obligeance de plusieurs d’entre eux1 que nous pouvons les exposer ici. A les entendre, pour être dompteur il faut d’abord avoir la passion des animaux féroces, le feu sacré, et une certaine dose de courage; mais ensuite il suffit d’observer quelques règles assez précises , règles concordant naturellement avec les instincts, la manière d’agir, les habitudes héréditaires des animaux féroces. Si l’on observe ces règles,
- 1 Notamment M. Bidel, M. Pezon et un dompteur amateur d’un très grand courage, M. Wcil. fCe aminée. — 1er semestre.
- si l’on prend les quelques précautions indispensables, les risques de blessures diminuent dans une très large proportion et les accidents ne sont plus dus qu’à des conditions anormales imprévues.
- Le secret du dompteur est, en réalité, de conserver toujours son sang-froid, de n’avoir jamais peur, de dominer les animaux par le regard, la décision des mouvements, par l’énergie du geste, la parole ou par le fouet. Si un lion menace le dompteur, se prépare à l’attaquer, celui-ci doit marcher vers lui, le regarder en face, l’intimider par la voix, le louet et à la dernière extrémité par les détonations du revolver. Les vieux dompteurs disent à leurs élèves : si l’animal qui vous menace voit que vous avez peur, que vous hésitez, que par votre attitude générale vous man-
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- LA NATURE.
- quez de décision, c’est alors surtout qu’il vous attaquera. Les chutes dans la cage d’animaux féroces réunis, ou même en présence d’un seul lion, sont extrêmement dangereuses ; c’est une sorte d’inslinct chez ces animaux de se précipiter sur tout être animé qui tombe, qui semble vaincu ou terrassé. Le lion le plus terrifié, aplati dans un coin de sa cage, frémissant de la crainte des coups de fouet, se relève tout a coup et bondit comme un ressort si le dompteur a glissé sur le parquet de la loge, ou si un autre lion en cherchant à fuir l’a fait tomber. Les animaux, nouveaux venus dans une ménagerie, sont toujours dangereux et cela jusqu’à ce qu’ils soient familiarisés avec le dompteur, qu’ils aient cessé d’être dépaysés dans le milieu où ils se trouvent ; inversement un dompteur qui entre dans la cage des lions qu’il ne connaît pas, est toujours très exposé.
- D’après Pline, Ilannon, célèbre Carthaginois, osa le premier dompter un lion et pour ce fait il fut banni de la République; on pensa qu’un homme aussi audacieux était capable de tout accomplir et que la liberté serait mal confiée à qui maîtrisait à ce point la férocité même.
- Sous l’empire de Claude, on donnait dans l’Arène un spectacle de domptage de lions fort émouvant. Un belluaire, n’ayant pour toute arme qu’un léger manteau, maîtrisait un lion furieux qui se précipitait pour le dévorer ; pour cela il lui jetait adroitement ce manteau sur la tête ; le lion, privé de la vue par ce léger obstacle, se laissait enchaîner sans résistance. On racontait que ce procédé pour dompter les lions avait été découvert par un pasteur gétulien qui, attaqué dans la plaine par un lion affamé, avait pu le maîtriser en lui jetant sa cape sur la tête. C’est, paraît-il, en employant ce même moyen que Lysima-que put étrangler le lion avec lequel il avait été enfermé. A Rome, les combats d’hommes contre les animaux féroces, furent fort à la mode.
- Dans le monde des dompteurs modernes, quelques noms sont restés célèbres. Nous citerons le fameux Martin, Charles, Hermann, Batty, Crokett, indépendamment des dompteurs actuels qui ne le cèdent en rien à leurs prédécesseurs, MM. Pezon, Bidel, Mme Nouma-lhnva, MM. Reidembach, etc., etc., etc. Les exercices que font exécuter ces dompteurs à leurs animaux présentent une grande analogie, et consistent à les faire passer d’un côté à l’autre de la cage, à les faire bondir au-dessus d’obstacles ou passer au travers de cercles enflammés, à leur ouvrir la gueule et à y introduire la tète, à s’étendre sur le lion couché, à le tirer à droite ou à gauche, à s’en servir comme de monture comme le fait Pezon de son vieux lion Brutus, et a montrer en un mot qu’ils font de ces animaux ce qu’ils veulent, qu’ils en sont complètement les maîtres.
- On se rappelle qu’il y a quelques mois, une scène de domptage d’animaux féroces a été présentée d’une façon fort .originale et fort émouvante à la fois, au théâtre des Folies-Bergère , et au cirque des Champs-Élysées. Ce spectacle consistait dans
- une scène d'hypnotisme donnée au milieu d’une cage renfermant un dompteur et ses lions. Un magnétiseur, M. de Torcv, endormant préalablement son sujet, le forçait à pénétrer, après lui, dans la cage et alors on avait le singulier contraste d’une jeune fille dans sa robe blanche, prenant des poses extatiques, calme, souriante, indifférente aux lions qui sous les ordres du dompteur rugissaient et bondissaient autour d’elle; on pouvait en quelque sorte se reporter par la pensée aux premiers siècles de l’ère chrétienne et se figurer une jeune martyre dans la fosse aux lions. A un certain moment de l’extase radieuse, la jeune fille était brusquement réveillée en face‘des lions maintenus immobiles par le dompteur; terrifiée, elle poussait un cri d’effroi et tombait en catalepsie; ensuite, étendue sur deux chevalets, elle constituait une barrière vivante franchie par les lions.
- — A suivre. — (îüïOT DaUBÈS.
- LE BALLON L’ « ÀRAGO «
- PERDU EX JlER 1
- On connaît aujourd’hui le triste dénouement du voyage du ballon l’Arago, dont nous avons parlé précédemment. Lhoste et Mangot ont été victimes de leur témérité, et le capitaine Mac-Donald, commandant du Prince-Léopold, a envoyé de Lisbonne le récit de la catastrophe. C’est à 4 heures que les aéronautes, sans doute faute de lest, ont opéré leur descente en pleine mer. Le capitaine Mac-Donald, apercevant un aérostat en détresse à la mer, a immédiatement changé la route de son navire, et fait les préparatifs pour lancer le canot dès qu’il serait à portée pour effectuer le sauvetage.
- Malheureusement la mer était très grosse, le vent très violent et il tombait une pluie abondante. Dans de si désastreuses circonstances, il est impossible de soutenir longtemps les chocs épouvantables provenant d’un traînage à la mer. Successivement, les deux aéronautes, étourdis, assommés par les lames furibondes qui déferlaient avec rage, ont lâché prise. Le capitaine Mac-Donald, qui voyait le ballon bondir sur l’Océan, comprenait bien que le ballon en détresse avait à bord des êtres humains qui luttaient contre la tourmente. Mais, hélas ! quand l’Arago passa sur le travers du Prince-Léopold, la nacelle était vide. Vainement, le Prince-Léopold resta pendant près de dix minutes bord à bord avec le ballon abandonné ; il n’y avait plus trace d’aéronautes, ni sur l’épave ni autour de l’épave. Bientôt, le vent, qui continuait son œuvre, finit d’ouvrir l’aérostat. Les toiles tombèrent sur les Ilots qui les déchirèrent et les engloutirent, pendant que le Prince-Léopold, craignant d’être surpris par la nuit dans une mer démontée, au milieu de parages redoutables, s’éloignait à toute vapeur.
- SUPERFICIE ET POPULATION
- DES CONTRÉES DE LA TERRE
- Aujourd’hui, on sait ce qu’il y a en France de chefs-lieux de canton et de localités au-dessus d’un chiffre déterminé d’habitants. Cela paraît tout naturel, et nous étonnerons bien des gens en leur
- 1 Yoy. n° 7‘8( du 10 décembre 1887, p. 19.
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- disant qu’il y a deux ou trois siècles, on ignorait non seulement ces nombres, mais bien d’autres qui ont rapport à l’étendue du pays, à sa population, à son commerce, etc. En un mot, la statistique est chose toute récente. Les é valuations qui comportent quelque degré de précision, les dénombrements de toute nature sont presque contemporains. L’antiquité avait connu la science que nous appelons statistique : de tout temps, les nations ont voulu savoir ce-qu’elies possédaient et ce que possédaient les nations avec lesquelles elles avaient des relations, en terres, en habitants, en armée, en argent, etc. Mais dans les temps troublés qui suivirent la décadence des empires, tous ces renseignements furent perdus; et d’ailleurs, ils auraient dù être renouvelés, modifiés eu égard aux changements des limites des Etats.
- D’ailleurs, lorsqu’on voit les difficultés que nous éprouvons encore aujourd’hui à obtenir des renseignements précis, non seulement sur le territoire, sur la population, mais même sur toute chose, on comprend que les erreurs les plus grossières aient été commises. Il n’y a pas longtemps encore, dans les évaluations, les moyens matériels manquaient, les procédés d’informations étaient des plus défectueux. En veut-on un exemple? Pour connaître en France jusqu’au ministère de Terray du moins le nombre des enfants, on comptait combien il en naissait dans quelques localités déterminées du pays et on en déduisait, par approximation ce qu’il y en avait dans le pays entier; s’agissait-il d’apprécier la production, on se fondait sur le nombre des charrues, et ainsi du reste.
- Comment lever des troupes, répartir l’impôt, connaître ses ressources sans une appréciation plus sérieuse du territoire, de la population, des richesses naturelles, des capitaux; en un mot, sans une statistique générale.
- Nous ne nous attarderons pas plus longtemps à laire sentir l’utilité de la connaissance précise de l’étendue des diverses parties du monde et du nombre des habitants qui les peuplent. Car aujourd’hui, il ne nous suffit plus de posséder ces renseignements sur la France seule ou même sur l’Europe, c’est le monde entier qu'il nous faut connaître. Or malheureusement si nous pouvons savoir, dans une certaine mesure, les étendues territoriales, nous en sommes réduits à de grossières approximations pour le chiffre de certaines populations des pays non civilisés.
- Heureusement, les évaluations même approchées nous sont utiles, et nous avons pensé à extraire, d’un travail que vient de publier M. Levasseur, quelques nombres que nos lecteurs seront bien aises de connaître. Pour accordera ces nombres toute la créance qu’ils méritent, il est bon de savoir comment ils ont étéobtenus. M. Levasseur, on le sait, étudie avec conscience ; il lui fauttoute la vérité relative sur les choses et il ne recule pas devant les recherches nécessaires pour l’obtenir. En outre il y a des statisticiens, qui se bornent à faire des additions exactes et à aligner des chiffres dont ils ne déduisent aucune consé-
- quence. M. Levasseur, lui, interprète les nombres, et en tire des renseignements nombreux.
- Un des premiers éléments, dit M. Levasseur, pour l’évaluai ion de la superficie, c’est le cadastre. 11 semble même qu’il devrait suffire. Eh bien, non. Le cadastre ne fournit en effet que l’étendue du sol utilisable. C’est ainsi qu’en France, par exemple, les surfaces stériles, montagnes arides, dunes, landes, glaciers, etc., au-dessus d’une certaine étendue, n’ont pas été calculées.
- Les opérations géodésiques nous fournissent de précieux renseignements, mais surtout au point de vue du contrôle de la superficie générale d’un Etat; elles ne donnent pas les moyens d’apprécier l’étendue des circonscriptions administratives. La carte topographique est d’un usage particulièrement commode et précis, et, le plus souvent, le seul pratique. Seulement, tous les Etats, même européens, ne la possèdent pas. L’ensemble de ces cartes publiées jusqu’à ce jour ne couvre pas, à beaucoup près, la moitié de l’Europe.
- Prenons deux documents officiels, émanant de ministères différents, nous renseignant sur la superficie de notre pays; l’un nous donne le nombre de 52 700 680 hectares, l’autre, 52 906 295. Le premier résulte des déclarations faites par chaque commune, le second, d’un travail fait à l’administration centrale, en vue de la répartition de l’impôt foncier. Or, ces nombres dérivent tous deux du cadastre; quel est celui qu’il faut choisir? Voici maintenant une troisième évaluation qui nous est fournie par le travail du général Strelbitsky, d’après les mesures prises sur la carte de l’état-major au 5 200 000e ; elle est de 53 547 900 hectares. Notre incertitude augmente, et nous pourrions citer plusieurs autres évaluations.
- La superficie de l’Europe est en kilomètres carrés, de 10 025 900, soit, en hectares, de 1 002 590 000 hectares, et, d’après les calculs du général Strelbitsky, 9 972 800 kilomètres ou 997 280 000 hectares. En nombre rond, cela fait 10 millions de kilomètres carrés ou 1 milliard d’hectares.
- Il en est de la population comme de la superficie. Nulle part, on ne peut se flatter de connaître avec précision le nombre des habitants. Les dénombrements, même les mieux préparés, ne sont pas exempts d’imperfection. On sait combien les déclarations sont souvent faussées, soit par les craintes chimériques, soit par l’ignorance de ceux qui les font. Ne nous hâtons pas toutefois de dire, comme certains esprits superliciels, que, dans ces conditions, la statistique est inutile ou qu’elle peut nous égarer, (iardons-nous seulement d’en tirer des conséquences qu’elle ne renferme pas à l'état de prémisses.
- Le n’est pas seulement en France que les choses se passent ainsi ; il y a peu d’Etats, et peu de colonies, qui présentent des garanties d’exactitude. Si cela est vrai de l’Europe, on peut croire que cela s’applique [à plus forte raison, soit aux Etats non civilisés, soit même aux Etats civilisés qui n’ont pas fait de recensements, ou qui, comme le Rrésil, n’en
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- ont eu qu’un, il y a plus de dix ans, et encore était-il incomplet.
- « En Afrique, nous dit M. Levasseur, il n’y a pas dans la zone torride d’Etats qui puissent légitimement revendiquer le titre de civilisés. Si l’on ne connaît pas l’étendue de chacune des régions de cette portion du globe, on peut du moins savoir à peu près, par voie géodésique, la surface totale, tandis qu’il n’v a véritablement jusqu’ici aucun moyen de connaître la population. Quelque nombreux et quelque hardis qu’aient été les explorateurs de l’Afrique au dix-neuvième siècle, le réseau de
- leurs itinéraires dans l’intérieur de cette partie du monde forme des mailles très larges et laisse même en plusieurs endroits d’immenses lacunes sur la carte. C’est cependant d’après le témoignage de quelques-uns d’entre eux que les géographes acceptent ou créent eux mêmes le chiffre de la population attribuée à chaque contrée. Pour ne citer qu’un des plus célèbres, pense-t-on que Stanley, descendant le Congo de toute la vitesse de ses pirogues, sans même apercevoir toujours les rives du fleuve, ait pu se faire une idée suffisante de la population de ! son bassin, et ne convient-il pas de placer parmi les
- Densité de la population en Europe (Période 1880-1885), et densité de la population du inonde (1885).
- hypothèses les 29 millions que nous enregistrons pour l’Etat indépendant du Congo? »
- Ces 29 millions sont, en effet, une première indication qu’on revisera au fur et a mesure que le pays sera mieux connu, que les relations seront plus Iréquentes, les renseignements plus précis, mais telle quelle, elle a une valeur, et nous devons nous en contenter en attendant mieux.
- Si la population du Congo n’est pas exactement connue, par contre, celle de la France et de l’Europe sont très près de l’être. La France possède 58218 905 habitants, et, avec ses colonies, 70798 095. L’Europe, 546 700 000.
- Deux cartes teintées, une de l’Europe, une de la Terre, jointes au travail de M. Levasseur, permettent d’apprécier d’un coup d’œil la densité de la population dans les divers pays. Les teintes sont d’autant plus foncées que la population est plus dense. On voit immédiatement que les vallées des grands cours d’eau et les côtes, les bassins houillers, sont parmi les régions les plus peuplées, et, d’une manière générale, les lieux dont le sol est fertile, les pays qui offrent des ressources. Par contre, les landes, les steppes, les montagnes granitiques sont parmi les régions les moins peuplées. Félix Hément.
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- ÉLECTRICITÉ PRATIQUE
- Interrupteur rapide de M. G. Trouvé. — On
- sait que la rupture d’un circuit électrique produit toujours une étincelle plus ou moins grande, qui est fonction de l’intensité du courant, de la force électromotrice de la source, de la nature des appareils intercalés dans le circuit et de la manière dont celte rupture s’effectue.
- Dans le cas particulier ou la force électromotrice de la source est très élevée, si la rupture du circuit n’est pas très brusque, il peut se former un arc d’une certaine longueur qui, persistant pendant un certain temps, oxyde les contacts, les fond et peut même provoquerun commencement d’incendie. Plusieurs dispositions ont été imaginées pour éviter cet inconvénient. Les uns intercalent dans le circuit à rompre des résistances graduellement croissantes, ce qui fractionne l’étincelle et la rend inoffensive; d’autres rendent la vitesse de rupture du circuit indépendante de la vitesse de manœuvre de l’interrupteur en utilisant le mouvement de la manette, non à la rupture directe du circuit, mais bien à la commande d’un mécanisme de déclenchement. Le levier de contact commandé par un ressort tendu, rompt toujours le circuit avec une grande vitesse, suffisante pour empêcher la formation d’un arc dangereux. Les appareils dont nous venons de parler sont compliqués et coûteux : celui imaginé par M. Trouvé résout le problème d’une manière plus simple et non moins élégante.
- Quatre équerres métalliques (fig. 1) sont disposées en regard deux par deux sur un socle en matière isolante : un levier métallique pivotant sur un
- axe fixé entre les deux équerres inférieures s’engage entre les deux équerres supérieures où aboutissent les conducteurs. Dans ces conditions, le circuit se trouve fermé par ce levier.
- Pour rompre le circuit, il suffit d’exercer une forte traction sur la partie inférieure du levier, par l’intermédiaire d’un levier à manche isolant : la rupture se produit sur deux points à la fois, ce qui fractionne l’arc, et comme le déplacement des points de contact du levier sur les équerres supérieures s’effectue avec une grande rapidité, la formation d’un arc permanent est ainsi rendue impossible. En employant une tige de grande longueur , l’interrupteur peut être placé à une grande hauteur en un point où les fils et l’appareil sont inaccessibles, ce qui accroît la sécurité de l’installation.
- (haine de sûreté électrique. — Cet appareil est une chaîne de sûreté ordinaire, de forme bien connue, à laquelle on a adapté un dispositif qui permet de la détacher a distance au moyen de l’électricité. L’origine de cette modification, provient de l’habitude prise dans beaucoup d’intérieurs parisiens de faire coucher les serviteurs au dehors de l’appartement, et de placer une chaîne de sûreté à la porte d’entrée. Le matin, les maîtres sont obligés de se lever pour ouvrir la porte aux serviteurs. Aussi, pour éviter ce dérangement, il suffit, lorsque après signaux convenus ; l’on est assuré que l’on a affaire à un serviteur qui possède une clef pour entrer, de presser un bouton pour produire le déclenchement de la chaîne (fig. 2).
- L’appareil est porté par une platine métallique A qui sert à le fixer à l’endroit où il doit fonctionner. En R est représentée la boîte rectangulaire portant
- Fig. 2. — Chaîne de sûreté électrique.
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- l’entaille longitudinale dans laquelle l'extrémité K de la chaîne glisse après avoir été introduite en R où l’ouverture est circulaire et d’un diamètre beaucoup plus grand. Les bords de la boite R forment saillie à la partie supérieure et servent de guide à un petit chariot G sollicité par un ressort à boudin G, attaché en 11, à venir se placer contre le butoir 0, et retenu en place par l’armature 1).
- Le chariot G présente une ouverture circulaire correspondant à celle de la boîte B, et un petit index J établit un contact électrique avec I lorsque le chariot se trouve en O. L’armature pivote autour du support E et sert à accrocher le chariot G. En L et en M se trouvent les raccords pour les fils N.
- Le chariot G étant au repos, son ouverture circulaire R se trouve au-dessus de celle, de la boîte R. L’extrémité de la chaîne K est engagée comme à l’ordinaire dans l’ouverture R et l’on tire le chariot vers l'électro-aimant jusqu’à ce qu’il s’y soit accroché.
- L’appareil étant armé, la chaîne est prise dans le
- Fig. 5. — Pelil appareil pour utiliser les lampes à incandescence dont les attaches sont coupées.
- chariot et dans la boîte et ne peut plus être ôtée qu’en faisant fonctionner l'appareil.
- Lorsque l’on ferme le circuit, l’armature est attirée et délache le chariot qui, en obéissant à la traction exercée par le ressort à boudin, vient se placer contre le butoir 0 en entraînant avec lui l'extrémité K de la chaîne. Un ressort placé à l’intérieur de la boîte B rejette* la chaîne au dehors lorsque le chariot est à l’extrémité de sa course.
- Au même moment le contact se produit en J et 1 et ferme un circuit dans lequel est compris une sonnerie qui se fait entendre jusqu’à ce que l’on ait remis la chaîne en place ou manœuvré un interrupteur placé dans un endroit accessible à certaines personnes seulement; un intrus serait donc immé-* diatement dénoncé.
- L’appareil présente à l’intérieur les mêmes avantages au point de vue de la sécurité, car on ne peut ôter la chaîne sans faire sonner, à moins que l’on ait un appareil à chaîne libre.
- L’installation de l’appareil ne présente pas plus
- de difficulté que celle d’une sonnerie ordinaire; la commande peut se taire de plusieurs endroits différents, et s’adapte à toute installation déjà existante. Trois éléments Leclanehé ordinaires, ceux qui actionnent la sonnerie de l’appartement, suffisent à son fonctionnement.
- Un petit appareil spécial que l’on peut ajouter à la serrure de la porte permet au maître de la maison, à l'aide de combinaisons faites avec ses clefs et que l’on peut varier à volonté, d’ouvrir du dehors la chaîne de sûreté.
- Les gens timorés peuvent donc, à l’avenir, dormir sur leurs deux oreilles.... et surtout ne pas se lever trop matin pour enlever la chaîne.
- Utilisation des lampes à incandescence dont les attaches sont coupées. — Il arrive quelquefois que, par suite de trépidations, de supports défectueux ou de manipulations trop fréquentes, les crochets d’attache des lampes à incandescence se coupent au ras du verre et mettent la lampe hors d’usage.
- M. Emmanuel Dufresne, de Logelbach, a imaginé et construit un support fort simple qui permet d’utiliser les lampes ainsi mutilées accidentellement (fig.o).
- Deux planchettes carrées de 50 millimètres de côté environ (celles des boîtes à cigares conviennent parfaitement) sont maintenues parallèlement l’une à l’autre par quatre ressorts à boudin fixés aux angles. La première est intérieurement creusée (à l’intersection des diagonales) en cuvette destinée à recevoir la pointe de la lampe. La seconde planchette est traversée par deux fortes épingles en laiton de façon que leurs pointes sortent vis-à-vis de la susdite cuvette sur une longueur de 5 millimètres. Elles seront distantes l’une de l’autre de 2, 5...(î millimètres, suivant le modèle de lampe employé.
- Au-dessous de cette seconde planchette, les épingles sont pliées par leurs têtes à chacune desquelles on attachera un fil (de 5/10 de millimètre environ); la soudure est inutile, la rigidité et l’isolement de ces deux épingles étant assurés par de la gomme-laque. Les deux planchettes étant écartées, on y introduit la lampe, et sans grands tâtonnements, on arrive à faire mordre les pointes des épingles sur chaque section des fils de platine.
- M. E. Dufresne a eu l’obligeance de nous faire parvenir un modèle de ce support que nous avons expérimenté sur quelques-unes de nos lampes mises hors de service par rupture des attaches, ce qui nous permettra de les utiliser à nouveau jusqu’à rupture du filament. La fixation de la lampe malade sur ce support-béquille, est aussi rapide que l’appareil est simple et facile à construire.
- La seule modification que nous nous soyons permis d’apporter à cet appareil consiste, comme le montre la figure 5, à évider les deux planchettes du support, de façon à diminuer le plus possible les ombres portées.
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- PROCÉDÉ POUR ROMPRE LE FER
- Les vieux bouquins sont pleins de recettes éprouvées pour toutes espèces de choses; tout récemment, M. Loré-dan Larchev en a réuni un grand nombre dans un curieux petit almanach intitulé Y Almanach des vieux secrets. En voici un qu’il ne connaissait pas et que je trouve dans Y Ingénieur parfait du chevalier Antoine de Tille, le. plus célèbre des prédécesseurs de Yauban. Il s’agit de rompre les chaînes qui barrent un port. « On peut encor, dit-il, les rompre avec des eaux fortes; mais si l’on se sert des ordinaires, elles ne vaudront rien à cet effect, à cause qu'il faut trop longtemps pour rompre une grosse chaîne, et outre cela il faut souvent changer l’eau, et y a beaucoup de façon à l’appliquer. L’eau forte suivante est merveilleuse pour cet effect et agit fort promptement : on prendra quantité de Tarentes, qui sont animaux comme petits lézards ; ils sont gris et transparents, avec la teste un peu grosse : on les mettra dans un alembic de verre, y meslant les autres ingrédients ordinaires de l’eau forte; on fera distiller le tout à feulent; de l’eau qui en sortira, on s’en servira en mouillant une pièce de linge dans cette eau, duquel on environnera le fer qu’on veut rompre; l’avant laissé dessus quelqu’espace de temps, on le changera; cela étant fait trois ou quatre fois, le fer se rompra comme verre. Les salmandres que nous appelons mourons, qui sont lézards noirs et jaunes, qui viennent principalement aux pluyes d’automne, font le mesme effect que les Tarentes. » J’admets à priori que le chevalier de Ville rapporte le fait sans l’avoir essayé lui-même, et qu’il n’y ait là qu’une tradition populaire nullement probable; on ne voit pas, en effet, ce que pourrait ajouter aux propriétés ordinaires de l’eau-forte, la distillation d’une matière organique. Ce n’en est pas moins un problème intéressant pour les curieux de la nature que de rechercher quelle peut être l’origine de cette tradition, car il faut poser comme un axiome que toutes les formules plus ou moins magiques ont eu pour point de départ un fait réel mal interprété ou défiguré par les ignorants. A. R.
- LE DOCK HYDRAULIQUE
- DE SAN-FRANCIS CO
- Ce nouveau dock a été inauguré le 20 juin 1887 avec le steamer Arago; le temps employé pour le soulever hors de l’eau a été de deux heures cinq minutes, et pour le remettre à flot de une heure cinq minutes, résultat qui a été trouvé très satisfaisant. Ce système de dock diffère des docks hydrostatiques employés à Londres (Victoria Docks) et à Bombay, en ce que, au lieu de soulever un caisson sur lequel est placé le navire, il soulève directement la plate-forme qui le supporte. De cette façon l’effort est proportionnel au poids à soulever, tandis que dans les cales sèches ordinaires, plus le navire est petit, plus il y a d’eau à extraire par suite de son moindre déplacement.
- La longueur de ce dock est de 157m, 15 et sa largeur de 20m,12. Sa plate-forme repose sur 56 traverses en acier de lm,95 de largeur et deOm,254 d’épaisseur; elles sont reliées par des longrines longitudinales et intercostales. Au-dessus des traverses sont placées les ventrières mobiles en bois de laurier destinées à accorer le navire ; on les manœuvre au moyen de crémaillères et elles sont maintenues par des taquets en bronze.
- Les tains destinés à supporter la quille du navire soulevé sont également en bois de laurier et disposés de façon à être exhaussés à la hauteur convenable. La plate-forme, avec tous ses accessoires, est soulevée au moyeu de 56 cylindres hydrauliques, 18 de chaque côté. Les pistons plongeurs ont un mouvement vertical de 4in,.')7 et leur puissance de soulèvement est de 8000 tonnes, ce qui permettra aux plus grands paquebots desservant la côte du Pacifique d’utiliser ce dock hydraulique. Les 56 cylindres sont supportés par 72 piles, formées chacune par des pieux encaissés dans des caissons en acier de 1m,27 de diamètre et de 9™, 14 de hauteur, et recouverts de couvercles en fonte, sur lesquels reposent les traverses qui supportent le fond des cylindres. L’extrémité supérieure de chaque piston plongeur porte un rouet de 1m,90 de diamètre, sur lequel passent 8 câbles en acier, chacun dans une cannelure spéciale.
- Ces câbles ont 0,n,005 de diamètre : l’un des bouts fait dormant sur la base du cylindre et l’autre est fixé sur l’extrémité de la traverse. Celte disposition permet de soulever la plate-forme d’une hauteur double de celle de la course du piston, c’est-à-dire de 9m,14. Le nombre de ces câbles en acier est de 288 et leur longueur respective est de 15m,41. Le mouvement des pistons plongeurs est assuré par un mécanisme différentiel. La soupape d’introduction se manœuvre au moyen d’une vis et celle d’évacuation par le mouvement du piston. Si le piston se meut plus vite que la vis, il ouvre la soupape d’évacuation ; s’il se meut plus doucement, la vis ouvre alors la soupape d’introduction d’une quantité suffisante pour rétablir l’équilibre. La pression de l’eau est maintenue par 2 machines verticales de 0m,504 de diamètre et de 0m,406 de course, marchant à l’allure de J 20 tours. La vapeur fournie est réglée par l’accumulateur, qui ferme en outre automatiquement l’introduction. Ces machines actionnent 4 pompes faisant 20 révolutions par minute. Lorsque la plate-forme est soulevée à la hauteur voulue, 72 coins d’arrêt massifs en acier, actionnés par la force hydraulique, viennent se placer au-dessous comme surcroît de garantie en cas d’accident. Ces coins d’arrêt agissent en même temps que les pistons plongeurs, une pression hv-draulique suffisante étant maintenue constamment sur eux pendant que la plate-forme monte C
- LES RACES MEXICAINES
- On sait que le vaste territoire de la République mexicaine offre d’incomparables richesses au point de vue ethnographique et anthropologique. Les lecteurs de La Nature ont bien voulu à plusieurs reprises accueillir quelques-uns des résultats de nos études. Nous croyons encore les intéresser aujourd’hui, en leur signalant quelques faits originaux au sujet des races aborigènes du Mexique, que nous avons entrepris de classer d’après leurs caractères physiques, extérieurs ou anatomiques.
- Pour bien apprécier les différences des races aborigènes qui habitèrent jadis et habitent eneore aujourd’hui le Mexique, il est très important de connaître la position topographique du pays.
- La configuration du territoire de la République mexicaine est très accidentée, et les altitudes en
- 1 D’après le Moniteur des intérêts matériels.
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- sont variables : le centre est élevé, forme un grand plateau situé à 7500 pieds au-dessus du niveau de la mer; les parties basses qui se trouvent sur les côtes sont très malsaines quoique très lertiles, et remplies de richesses de toute sorte. La faune de ces contrées est à peine connue par les naturalistes : on peut dire qu’elle représente cependant la nature dans
- splendeur.
- Ce pays a été habité et actuellement par un grand nombre de races de divers types physiono-miques qui jusqu’à ce jour ont été inconnus au point de vue anthropologique, archéologique et eth nographique.
- 11 est vrai que les linguistes se sont occupés de la classification de chacune des races en prenant pour base la langue ou dialecte de ces races, mais on trouve souvent que les races parlent une langue qui n’est pas celle de leurs ancêtres.
- Ce n’est qu’à l’aide des caractères anthropologiques que l’on peut arriver à déterminer exactement le type d’une race.
- Il m’a été donné d’apprécier la valeur de cette affirmation pendant le cours d’un voyage que j’ai exécuté récemment dans l’État de Oaxaca. De la ville de Tecoma-baca à Mitla , pendant un parcours de 150 lieues, j’ai remarqué que les Indiens mixtèques parlent le zapotèque et c’est seulement par l’étude anthropo-
- logique des individus, que j'ai eu la certitude qu’ils appartenaient à la race mixtoque et non à la race zapotèque. Après de longs voyages dans le Mexique,
- et afin de pouvoir trouver le type (pii caractérise chacune des races aborigènes, j’ai été conduit à une méthode curieuse que je vais faire connaître à il o s lecteurs. Elle consiste à comparer les types des Indiens actuels avec les sculptures faites par leurs ancêtres. Ainsi, par exemple, la femme et l’homme toltèque, comme on peut s’en convaincre par les photographies ci-jointes (fig.2), ont les plus grands rapports avec les sculptures antiques des races primitives toltèques (fig. 1). La coupe du visage de 1 Indien correspond, en effet, aussi parfaitement que
- possible, avec celle de la figure de l’idole de pierre ; ce qui permet d’établir d’une matière précise le type de la race toltèque. Il en est de même pour la race aztèque (fig. 5 et A).
- Les caractères physiques extérieurs de ces races tels que la taille, les proportions du corps et des membres, la coloration de la peau, la villosité,barbe, cheveux, sont les mêmes chez tous les Indiens de ce pays ; il n’y a que les traits du visage qui caractérisent la race à laquelle ils appartiennent.
- La taille moyenne de l’homme est de ln',60 et celle de la femme varie beaucoup. La couleur de la
- Fig 1. — Sculpture toltèque, près îles Pyramides de Saint-Juan, au Mexique.
- Fig. v2, — Femme et homme toltèque de la vallée de Mexico (Teotihuacanj. (D’après des photographies de Fauteur, i
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- peau est jaunâtre a peine teintée de rouge, la surface de la peau est tantôt sèche, tantôt humide et excessivement fine. Le premier cas est celui des races qui habitent les zones froides, le second celui des races qui habitent les pays chauds comme les Moyas, les La-candous, les To-tonaques , etc.
- Ces deux faits s’expliquent assez aisément par l’action de la température.
- La villosité n’existe pas sur tout le corps de l’Indien, elle y est, peu abondante ; la pratique de l’épilation, commune à un grand nombre de populations colorées, n’existe pas dans ces races. L'Indien a très peu de barbe et les cheveux sont noirs, lisses et très abondants. La face présente des traits tout particuliers qui caractérisent parfaitement le type de leurs ancêtres.
- Les parties molles du visage jouent un grand rôle dans l’importance de la classification du type. Les caractères du nez n’ont pas moins d’importance observé sur le vivant. Cet organe est écrasé ou courbe selon la race à laquelle il appartient. Les yeux sont généralement noirs ;
- La paupière est très développée chez quelques races, par exemple, chez les Zapotèques et chez les Tarasques.
- Les caractères généraux de la bouche de l’Indien sont : les lèvres grosses, la bouche grande, les dents
- blanches et très unies. Les traits du visage de la race toltèque sont caractérisés par les indices suivants : la face large et aplatie , le nez large et
- écrasé, la bouche grande, le front petit et plat.
- La coupe du visage del’Az-tèque est ovale , les pommettes un peu saillantes, le nez long et un peu courbe à son extrémité; la bouche est un peu moins grande que celle du Toltèque. Cette d ern ière race a envahi une grande partie du sol mexicain se divisant en plusieurs groupes ou familles.
- Le type de la race se modifia dans chacun de ces groupes sans perdre sa langue ou dialecte, conservant malgré cela quelques traces physionomiques de l’origine de son histoire. Le climat si varié d’une région à
- l’autre du pays, a produit partout dans les groupes un changement dans les habi-tudes et industries. Ces divers groupes ou familles sont ceux qui habitent actuelle ment l’État de Jaliseo, une grande partie des États de Guer-rero, Chiapas, Oaxaca, Vera-cruz, Puebla, Ta-basco , Cbihua-hua, Sonora, Si-naloa, Tamauli-pas, Coahuila, Nuevo - Leon et JVlichoacan. Chacune de ces familles a donné à ses poteries une forme et un vernis spécial, donnant à leurs sculptures leur type physionomique comme les autres races, comme le témoignent incontestablement les exemples que
- on trouve parfois des yeux bruns.
- Femme et homme aztèque de la vallée de Mexico (Teotihuacan/. (D’après des photographies de l’auteur.)
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- nous en donnons ici. Dans le présent travail nous avons cru devoir nous borner à donner un aperçu général et succinct, et à indiquer une méthode qui, nous l’espérons, sera féconde ; nous ne saurions la développer davantage sans dépasser les limites du cadre de La Nature.
- Leopoi.do Batues,
- Inspecteur el conservateur îles monuments archéologiques île la République mexicaine
- INVENTION DES ALLUMETTES CHIMIQUES
- On a souvent attribué la découverte des allumettes à un Allemand. D’après feu Nicklès, professeur de physique à Nancy, l’inventeur serait Jacques-Frédéric Kanmiercr, né à Ehmingen, dans le Wurtemberg, le 24 mai 1796. Kammerer est mort en 1857, dans l’asile d’aliénés de Ludwigsburg. Il aurait fabriqué les premières allumettes vers 1852 1.
- Nous pouvons affirmer aujourd’hui que l’invention des allumettes chimiques est essentiellement française. L'Académie nationale agricole, manufacturière et commerciale vient, en effet, de décerner à M. Charles Sauria, président de la Société d’agriculture, sciences et arts de Poligny (Jura), médecin -agronome à Saint Lothain, une médaille de deuxième classe pour sa découverte en 1851. C’est donc après cinquante-six ans que M. Sauria, homme modeste autant que dévoué, a reçu la récompense qu’il était en droit d’attendre depuis longtemps.
- Cette constatation faite, que le lecteur nous permette de lui retracer rapidement l’histoire de quelques-uns des procédés de production et de conservation du feu usités avant l’invention des allumettes dites allemandes.
- Pour se procurer du feu, dans l’antiquité, il fallait avoir recours à des moyens très grossiers. Ces moyens ont été décrits dans cette revue avec assez de détails pour que nous ne recommencions pas leur description2.
- L’allumette la plus primitive, la simple bûchette de bois, ne pouvait servir qu'à la condition d’être mise en contact avec un corps déjà enflammé. Un premier progrès fut la confection A'allumettes soufrées (bûchettes trempées par leurs extrémités dans du soufre en fusion) capables de prendre feu au contact de corps simplement en ignition. Toutefois, si ces allumettes étaient très répandues au seizième siècle,on neconnaitpas la date exacte de leur invention. On ignore de même celle de l’apparition de beaucoup de procédés de production et de conservation du feu. Disons quelques mots des plus connus.
- Le briquet à silex était connu et employé dès le septième siècle.
- Le briquet à air ou pneumatique a été inventé en 1806 par le colonel Grobert. Mettant en œuvre l’air comprimé par une pression brusque, pour en-
- 1 Voy. n°315 du 14 juin 1879, p.50.
- a Voy. n° 322 du 2 août 1879, p. 143.
- flammer l’amadou, il n'a jamais servi que dans les laboratoires de physique.
- Le briquet oxygéné, découvert en 1807 par un auteur inconnu, consistait en un tube de verre renfermant de l’acide sulfurique concentré, dans lequel on trempait des allumettes enduites, par une de leurs extrémités, d’une pâte formée de soufre, de chlorate de potasse, de poudre de lycopode, et d’un peu de gomme arabique additionnée d’n ne matière I colorante.
- Le briquet phosphorique, imaginé par Cagnard de la Tour, en 1809, consistait en un petit tube de verre renfermant du phosphore impur dans lequel on plongeait, en l’animant d’un mouvement de rotation sur elle-même, une simple allumette soufrée, en bois blanc et sec.
- Le briquet à gaz hydrogène ou lampe hydro-platinique est dû à Gay-Lussac et date de 1827. II se compose : d’un récipient rempli d’eau, dans lequel on produit de l’hydrogène par la réaction de l’acide sulfurique sur le zinc; d’une cloche renversée sous laquelle on recueille ce gaz; enfin d’un mécanisme simple à l’aide duquel on fait dégager, à volonté, un jet de gaz sur de la mousse de platine qui rougit et enflamme le gaz lui-même ; la flamme à son tour, allume une petite bougie.
- Ces appareils, destinés à produire du feu et surtout de la flamme, étaient d’un usage peu facile et ne se transportaient pas facilement. Et si, à l’aide des allumettes soufrées et chloratées, ils constituaient déjà un progrès réel, ce progrès était loin d’atteindre celui réalisé par les allumettes chimiques.
- L’origine de ces allumettes est restée longtemps incertaine. Les Autrichiens l’ont attribuée d’abord à Kammerer, puis à Etienne Romer et à Preschel. Ce qu’il y a de présumable, comme le dit le professeur Gobin, c’est que l’Autriche la première exploita industriellement la découverte d’un pauvre et heureux inconnu, et répandit en Europe les premières allumettes chimiques, d’où leur vint l’appellation de : allumettes chimiques allemandes, comme nous avons encore, en ce moment, les allumettes suédoises au phosphore amorphe, de chlorate de potasse et à la paraffine.
- Les Anglais l’ont attribuée à un nommé Watt.
- Quant aux Français, ils ne connaissaient pas, l’origine des allumettes, car on lit dans le Dictionnaire classique des origines, inventions et découvertes dans les arts, les sciences et les lettres, de M. Maigne (Larousse et Royer, éditeurs), les lignes suivantes ;
- Les allumettes modernes ou allumettes chimiques doivent leur origine à la découverte du chlorate de potasse par Berthollet, en 1786. Les premières furent, dit-on, imaginées en France, vers 1809 ou 1810, mais on ne sait rien de positif à ce sujet. Les allumettes à friction ou congrèves parurent en 1852. On manque également de renseignements sur leur inventeur. Elles différaient surtout des précédentes en ce qu’il suffisait, pour les enflammer, de tirer leur bout préparé entre deux morceaux
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- de papier de sable. Une année après leur invention, un industriel dont le nom n’a pas été conservé, imagina de les rendre plus facilement inflammables, en introduisant du phosphore dans leur pâte. Cette innovation produisit les allumettes phosphoriques, dites aussi allumettes phos-phoriques allemandes, parce que c’est en Allemagne, à Vienne et à Darmstadt, que leur fabrication fut d’abord exploitée sur une grande échelle...
- II a fallu la revendication de M. Sauria, revendication appuyée d’attestations authentiques, pour détruire le assertions dénuées de preuves des Allemands, des Autrichiens et des Anglais.
- C’est en janvier 1851, alors qu’il était élève au collège de l'Arc, à Dole (Jura), que M. Sauria eut. l’idée de tremper dans du chlorate de potasse préalablement chauffé des allumettes déjà soufrées, et de les frotter sur un corps dur légèrement enduit de phosphore. 11 découvrait ainsi le premier et de prime abord, non seulement l’allumette qui s’enflamme par friction, mais aussi celle qui ne peut s’enflammer que par le frottement sur une surface préparée, celle que l’on a appelée depuis allumette amorphe, hygiénique et de sûreté.
- Avec les preuves testimoniales de personnages autorisés et encore vivants, avec la décision récente de Y Académie nationale, agricole, manufacturière et commerciale, il n’est plus possible d’ignorer la priorité de M. Sauria dans la découverte des allumettes chimiques. A. PiCAun,
- Maître-répétiteur au lycée de Orenolile
- UN PARASITE DU SERPENT PYTHON
- UN IX ODE DU SÉNÉGAI,
- La gravure ci-après (fig. 1) représente à un grossissement de six fois en diamètre, un parasite pris sur le corps d’un Python Seba où il était attaché par son suçoir. Ce parasite recueilli au Sénégal par M. Paul Good, aide-médecin de la marine, a été envoyé à la Société des sciences naturelles de la Charente-Inférieure, qui a eu l’obligeance d’en communiquer une photographie à La Nature, d’après les recommandations du donateur.
- Ce parasite est un Arachnide, de l’ordre des Acariens et du genre Ixodes, genre qui est représenté en France par une douzaine d’espèces, entre autres par YIxodes ricinus, bien connu des chasseurs sous le nom de Tique ou Pou de bois, qui s’attache fréquemment aux chiens et quelquefois à l’homme.
- Les Ixodes ont le corps ovale, presque orbiculaire et très plat quand l’animal est à jeun, mais acquérant, chez la femelle, une grandeur démesurée quand elle est repue : ainsi, l’Ixode ricin de nos pays n’est guère plus grand qu’une puce avant de s’attacher à un chien ou à un chasseur ; mais quand la femelle s’est gonflée de sang, elle a acquis le volume et la forme d’une petite olive ou d’une graine de ricin, d’où vient son nom.
- Les Ixodes ont la démarche très lente et pesante, mais ils ont une grande facilité de s’attacher aux objets qu’ils rencontrent. Ils se tiennent d’habitude sur les végétaux et surtout sur les petits arbrisseaux comme les genêts; ils y sont suspendus dans une position verticale, accrochés par deux de leurs pattes et tenant les autres étendues; un animal quelconque vient-il à passer à leur portée, ils s’y accrochent avec les pattes qui restent libres et quittent le végétal sur lequel ils étaient grimpés.
- Leurs pattes, qui sont au nombre de huit à l’état adulte — les jeunes qui sortent de l’œuf n’en ont que six, — sont terminées par des griffes et une caroncule qu’on ne voit pas distinctement dans la figure photographiée; nous les représentons au trait dans la figure 2 d’autre part : on voit que le dernier article de chaque patte, ou le tarse, est armé, près de sa terminaison, de- deux crochets et se prolonge par un ambulacre pédiculé et mobile composé de deux crochets et d’une caroncule plissée, pouvant s’étaler et faire office de ventouse pour adhérer aux corps polis.
- Les différentes parties de son suçoir ou rostre ne sont pas non plus distinctes dans la figure 1 ; nous en donnons aussi le détail dans les figures 2-2 ci-dessous, montrant ce suçoir ou rostre vu en dessus (fig. 2-2) et en dessous (fig. 2-s). Il se compose d’un dard lancéolé, rigide, résultant de la soudure des maxilles et de la languette (d), plat et lisse en dessus, portant en dessous et vers sa pointe plusieurs rangées de dents à pointes dirigées en arrière. Sur la face supérieure de ce dard (fig. 2-2, d) glisse une paire de mandibules (m,m), à jeu indépendant d’arrière en avant, et terminées par une pointe articulée munie de dents comme un harpon. Le dard et les mandibules constituent, dans leur ensemble, un instrument de chirurgie des plus parfaits qui est renfermé dans une gaine lorsque l’animal ne s’en sert pas : cette gaine est constituée par les deux palpes maxillaires aplatis (fig. 2-2 et 2-3, pm, pm), creusés en gouttière à leur face interne, enveloppant et protégeant parfaitement le rostre par leur rapprochement.
- Lorsque l’Ixode enfonce son rostre dans la peau, il ne fait éprouver aucune sensation et on ne s’aperçoit ordinairement de la présence du parasite que quand, gonflé de sang, il est devenu gênant par son volume. Mais quand on veut s’en débarrasser ou l’enlever à un malheureux chien qui en est couvert, on éprouve de la difficulté et on lui fait éprouver les plus vives douleurs : le dard barbelé de l’Ixode et les crochets des mandibules, enfoncés dans les chairs, n’en peuvent plus sortir, et si on procède avec violence, le rostre du parasite se rompt et reste dans les tissus. Il en sort plus tard par un petit travail de suppuration et en causant parfois de petites ulcérations nécessitant des soins pour arriver à la cicatrisation.
- Pour détacher l’Ixode, il vaut mieux le toucher avec une goutte de benzine ou d’essence de térében-
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- tïiine; il retire alors son rostre de lui-même et tombe à terre mort ou mourant.
- Le male, comme nous l’avons dit plus haut, ne se gonfle pas et paraît toujours beaucoup plus petit que la femelle. 11 s’en distingue encore par un caractère très tranché : la face supérieure de son corps est entièrement couverte d’un écusson coriace, chitincux, rugueux, qui est festonné en arrière, et, suivant les espèces, d’une couleur entièrement noire, ou noir et bordé de jaune clair, ou présentant sur toute sa surface des marbrures rousses sur fond clair formant des dessins symétriques souvent très élégants, comme on peut le voir dans la figure 1.
- C’est qu’en effet le parasite recueilli par M. Paul Good est un mâle. La femelle présente aussi un écusson, mais beaucoup plus petit que celui du mâle et ne recouvrant qu’une petite portion de la face supérieure et antérieure de l’animal; le reste du corps est enveloppé par des téguments très résistants, mais mous et très extensibles.
- L’espèce à laquelle appartient cet Ixode mâle est certainement nouvelle, ainsi que nous l’ont prouvé les recherches bibliographiques auxquelles nous nous sommes livré à ce sujet ; mais pour la décrire complètement il serait nécessaire de posséder la femelle et même les différents âges, c’est-à-dire les larves et les nymphes. Mais nous prévenons M. Paul Good qu’il ne trouvera pas les femelles, ni même les jeunes sujets sur le même animal qui lui a fourni le mâle.
- D’abord nous avons constaté depuis longtemps que les Ixodes ne s’attachent pas à des espèces animales déterminées, bien qu’ils fassent un certain choix qui est plutôt pour eux une question de taille qu’une question d’espèce : ainsi dans les chasses nombreuses que nous avons faites de ces parasites, nous avons généralement trouvé les femelles sur de grands mammifères, les mâles sur de gros reptiles ou des chéloniens, et les larves et les nymphes, sur de petits mammifères et en particulier des rongeurs et sur des lézards et des orvets. C’est ainsi que pour le plus
- grand Ixode que nous connaissions jusqu’à présent, Y Ixode égyptien, dont la femelle repue atteint le volume du pouce, nous avons trouvé celle-ci en abondance sur les bœufs d’Afrique, son mâle sur la tortue franche et sa larve hexapode sur le lézard vert. C’est donc sur les bœufs ou les buffles du Sér négal qu’il faut chercher la femelle du mâle que M. Paul Good a trouvé sur le Python Seba et dont l’espèce peut être nommée provisoirement Ixodes Goodii C 11 y a une raison qui explique pourquoi les
- femelles d’îxodes recherchent les grands animaux à sang chaud : ce n’est pas pour elles seules qu’elles ont besoin d’absorber une grande quantité de sang, c’est surtout pour le dé-veloppement de leur nombreuse progéniture , car elles sont fécondées quand elles s’attachent aux animaux ; quand elles s’en séparent, c’est pour se retirer dans un coin où elles pondent des myriades d’œufs, et après cette ponte elles sont redevenues plus plates que des punaises et meurent ; nous avons compté 12 000 œufs dans la ponte d’une seule femelle de l’Idoxe égyptien. De ces œufs sortent de jeunes Ixodes hexapodes qui ont dans l’abdomen une provision de nourriture leur permettant de vivre de longs mois et même de subir plusieurs mues sans avoir besoin d’aliments nouveaux : voilà à quoi sert la grande quantité de sang qu’a absorbée la mère. On comprend ainsi pourquoi les mâles ou les jeunes non sexués ne se gonflent pas et s’attachent à des animaux qui ne peuvent leur fournir beaucoup de matières alimentaires, comme les reptiles, les chéloniens, les petits mammifères qui sont plutôt pour eux des véhicules que des garde-manger.
- P. Méginin.
- 1 Cette espèce serait voisine de YIxodes marmoratus, de Risso, et surtout d’une espèce de Java que nous devons à la libéralité de M. Reiche, qui est encore inédite et que nous avons étiquetée, dans nos collections, sous le nom A’ixodes pictas.
- Fig. 1. — Parasite du serpent Python, grossi 6 fois. (D’après une photographie.)
- Fig. 2. — Détails des pattes et du suçoir du Parasite. (Très grossis.
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- IA PHOTOGRAPHIE AU THEATRE
- Nous avons parlé souvent des photographies instantanées, et nos lecteurs ont eu sous les yeux des spécimens de ce qu’on peut obtenir dans ce genre par les procédés actuels; mais, jusqu’à présent on s’est borné à faire des épreuves en plein air et au soleil. Nous avons voulu nous rendre compte du résultat qu’on pouvait obtenir à la lumière artificielle et pour cela nous-nous sommes adressés à M. Bala-gny, l’inventeur des plaques souples et des papiers pelliculaires inextensibles fabriqués par MM. Lu-
- mière. Nous avions déjà eu l’occasion, dans des expériences précédentes1, d’apprécier la sensibilité de ces produits et nous avions confiance dans le résultat. Nous ne nous étions pas trompé. L’expérience s’est faite au théâtre du Châtelet, qui est éclairé à la lumière électrique, pendant les représentations de la Chatte Blanche; le directeur, M. Floury, avait bien voulu mettre à cet effet une loge à notre disposition et nous sommes heureux de pouvoir l’en remercier ici. M. Balagny est parvenu à faire six clichés (dimensions : 18 sur 24) sur papier pellicu-laire, représentant les principaux tableaux de cette féerie. Il ne fallait pas penser au traditionnel a ne
- Uu ballet de la Chatte Blanche, féerie du Théâtre du Châtelet à Paris. — Fac-similé d'uue photographie exécutée par M. Balagny,
- pendant une représentation.
- bougeons plus » et, par conséquent, la pose devait être très courte; elle a varié de un quart de seconde à deux secondes. Le clicbé que reproduit la gravure en lac-similé qui accompagne cet article a été obtenu en moins d'une seconde. Disons un mot des procédés employés :
- Les plaques souples sont formées d’une feuille de gélatine transparente qui sert de support à la couche de gélatino-bromure; elles se traitent comme les glaces sur lesquelles elles ont l’avantage de ne pas casser et de peser infiniment moins.
- Quant au papier pelliculaire, qui présente les mêmes avantages, il se traite de la même manière; mais, lorsque Je cliché est terminé, le papier s’enlève avec la plus grande facilité, et il ne reste plus que
- la pellicule avec laquelle on tire directement les épreuves.
- La difficulté pour que ces procédés soient pratiques, consistait à rendre la gélatine inextensible, de manière à ne pas avoir de déformation du cliché pendant les différentes opérations du développement et du fixage; cette difficulté a été vaincue par M. Balagny, et c’est le secret de fabrication. Le papier paraît être plus sensible encore que la plaque souple et l’inventeur attribue ce résultat à l’opacité du support; dans tous les cas cette opacité empêche l’auréole de se produire autour des points très lumineux, comme cela arrive avec les glaces par suite de la
- 1 Yoy. n° 755, du 19 novembre 1887, p. 597.
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- réflexion des rayons sur le support, et, dans le cas partieulier des photographies au théâtre, c’est un résultat important à noter.
- MM. Lumière se bornaient jusqu’il présent à fabriquer les plaques souples et les papiers Balagny en feuilles des dimensions courantes; mais ils font maintenant des feuilles de 5 ou 4 mètres de long qui permettront d’employer les châssis à rouleaux si commodes dans les appareils portatifs.
- Les résultats obtenus au Châtelet présentent de l’intérêt, non seulement au point de vue photographique, mais encore au point de vue du théâtre; ils permettent en effet de conserver dans les archives de la Direction la reproduction fidèle des ensembles des principaux tableaux d’une pièce. 11 est même facile d’obtenir des détails de costumes ou de groupes. Notre ami, M. Jacques Ducom, le préparateur de M. Balagny, a fait dans les coulisses, pendant la représentation et sans causer aucun dérangement, plus de vingt clichés de personnages isolés ou groupés. Ce sont des documents qui, à un moment donné, peuvent avoir leur importance. G. Mareschal.
- NÉCROLOGIE
- Eugène Yung. — Le sympathique fondateur de la Revue bleue, M. Eugène Yung, est mort presque subitement le mois dernier, en pleine possession de son esprit. 11 avait cinquante-neuf ans. M. Yung était un normalien de la promotion qui compta parmi les siens, About, Taine, Weiss et Sarcev; homme d’une haute érudition, d’un tact parfait, très lettré, il fut longtemps professeur d’histoire, et il fonda enfin la Revue politique et littéraire, désignée depuis sous le nom de Revue bleue. Cette fondation se fit en même temps que celle de la Revue scientifique, actuellement dirigée par notre savant confrère et ami, M. Charles Richet. Ce fut là l’œuvre principale de Yung, œuvre de tous les jours, à laquelle il consacra tout son talent, toute sa volonté, tous ses efforts. La Revue bleue survivra à son créateur, et les collaborateurs d’Eugène Yung, actuellement réunis sous la direction de M. Henry Ferrari, ont pris l’engagement de servir sa mémoire en continuant son œuvre.
- Charles Culture. — Nous avons récemment rendu les derniers devoirs à l’éminent imprimeur français, Charles Lahure, le fondateur de la grande Imprimerie générale de la rue de Fleuras, à Paris. Charles Lahure est né à Paris, le 26 février 1809.11 entra à l’Ecole de Saint-Cyr, et après avoir été officier de cavalerie, il quitta la carrière militaire pour entrer dans l’industrie. Associé avec Crapelet, il devint le chef de la maison qui porte son nom. L’imprimerie Lahure prit en quelques années un développement considérable, et son fondateur en lit un des plus importants établissements de Paris. Imprimeur du Sénat, de la Cour de cassation, de la Société de l'histoire de France, etc., M. Lahure imprima dix-huit journaux dont plusieurs étaient sa propriété. Nous citerons parmi ceux-ci le Journal pour tous, magasin de lecture illustré dont le tirage atteignit cent mille exemplaires. En 1860, on calcula que les feuilles imprimées chaque jour dans les ateliers de la rue de Fleurus formeraient une bande de 400 kilomètres de longueur. Charles Lahure a
- été décoré de la Légion d'honneur, dans ses ateliers mêmes, en 1861. Depuis 1870, il vécut dans la retraite, au milieu de sa nombreuse famille ; ses tils et son gendre ont continué à faire prospérer la grande imprimerie qu’il a fondée.
- CHRONIQUE
- Le débit du Rhône et la capacité du lac de Genève. — 31. le professeur Forel, de Jlorges (Suisse), nous adresse une intéressante communication au sujet de la notice que nous avons précédemment publiée sous ce titre (p. 79). Nous avons indiqué que le débit moyen du Rhône était de 27 mètres cubes par seconde. D’après ce chiffre, obtenu en 1858 par 3131. Dufour et Burnier, il faudrait cent six ans pour que le Rhône remplît le lac Léman. Mais ce chiffre de 3131. Dufour et Burnier est une valeur minima obtenue à la suite d’une grande sécheresse et non une valeur moyenne de l’année. « Les observations faites à Genève en 1874, par les soins du bureau vaudois des ponts et chaussées, m’ont fourni, dit M. Forel, les éléments d’un calcul précis. Dans cette année 1874, le débit total des affluents du lac. a été de 7036 millions de mètres cubes, soit de 223 mètres cubes à la seconde. Si l’on déduit de ce chiffre l’eau entrée directement dans le lac, soit par les affluents autres que le Rhône, soit par la pluie, on voit que le débit moyen.du Rhône a dû être de quelque peu inférieur à 200 mètres cubes à la seconde. L’année 1874 à été, au point de vue de la pluie et de l’humidité atmosphérique, une année normale, plutôt un peu au-dessous de la moyenne. Différents autres calculs me permettent d’établir que le débit moyen du Rhône du Valais doit être probablement entre 180 et 200 mètres cubes à la seconde. Suivant que nous adopterons l’un ou l’autre chiffre, nous trouverons que le volume total du lac serait rempli par le Rhône en seize ou quatorze années. »
- En homard extraordinaire. — A la vitrine d’une poissonnerie de la rue de Sèvres, s’étalait, il y a quelques jours, sur un lit de fucus, un homard aux dimensions peu communes. Il mesurait près de 50 centimètres, et ses énormes pinces n’avaient pas moins de 50 centimètres de longueur et étaient larges en proportion. Cet individu rare a été ramené par une nasse aux environs de Roscoff; il était encore vivant, mais paraissait d’une extrême vieillesse, témoin les nombreux poils qui garnissaient ses antennes et ses pattes. Sa brune carapace, constellée de concrétions grises, disparaissait par endroits sous leur nombre. Mais le plus curieux, c’était la présence d’une colonie de moules qui ont pris possession de sa face, au point de l’aveugler complètement ; cette infirmité singulière, jointe aux autres particularités, rendait ce crustacé digne de remarque et lui assignait une place à part dans le cabinet d’un naturaliste.
- Noms des habitants de quelques villes de France. — Grâce à l’obligeance de l’un de nos lecteurs, 31. Ch. 31enet, nous continuons aujourd’hui l’énumération des noms peu connus des habitants de nos villes de France (Yoy. précédemment p. 46). Voici les noms de plusieurs villes avec ceux de leurs habitants : Brioude, Brivadois ; Cahors, Cadurcieus; Charleville, Carolopolitains; Chàteau-dun, Dunois; Cîteaux, Cisterciens; Coulonnniers, Colom-bins; Créteil, Cristoliens; Epernay, Sparnaciens; Epinal, Spinaliens ; Evreux, Ebroïciens; la Flèche (collège de), Brutions; Gévaudan, Gabalitains; Joigny* Joviniens; Lisieux, Lexoviens; Lons-le-Saunier, Lédoniens (du latin
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- ledo, dérivé du celtique lcd, flux de mer, dépôt) ; Meaux, Meldois ; Montélimar, Montiiieus ; Montpellier, Monspessu-lans; Pau, Palois; I'ézénas, Discénois; Pont-à-Mousson, Mussipontins; Pont-l’Evèque, Pontépiscopiens ; Rebais, Resbaciens ; Rive-de-Gier, Ripagériens; Rodez, Rutlié-nois; Saint-Yrieix, Arédiens; Séez, Sagiens; Yelay, Yelau-niens ; Yimoutiers, Yimonastériens.
- lue représentation frappante de la consommation journalière du pain à Paris. — En supposant à Paris une population de 2 400 000 aines, chiffre qui n’est pas loin de la réalité, et une consommation moyenne de 500 grammes par tête, Paris absorbe 1 200 000 kilogrammes de pain par jour. Ce chiffre énorme ne dit rien à l’esprit, mais on peut le présenter sous une forme plus saisissante, que nous devons aune heureuse idée d'un de nos ingénieurs les plus distingués. Si l’on suppose tout le pain consommé à Paris dans une journée y arrivant sous forme d’un boudin de grande longueur pénétrant dans la ville avec une vitesse constante, et qu’on donne à ce boudin la grosseur moyenne du pain de première qualité dont le poids est d’environ
- I kilogramme par mètre, un calcul des plus simples montre que ce cylindre devrait pénétrer dans Paris, sans interruption ni arrêt d’aucune sorte, avec une vitesse de 50 kilomètres à l’heure, équivalente à celle de nos trains express.
- Orangers historiques. — 11 y a encore actuellement dans l’Orangerie du Palais de Versailles un oranger qui aurait plus de quatre cent cinquante ans ; ce serait même le premier introduit en France. Il est connu sous le nom de Grand Connétable, son histoire est assez curieuse pour que nous croyions intéressant de la rapporter.
- II aurait été semé à Pampelune vers 1416 par Eléonore
- de Castille, femme de Charles III, roi de Navarre ; plus tard il fut apporté à Chantilly, puis à Fontainebleau et finalement à l’Orangerie de Versailles en 1684, où il ligure au milieu de ses congénères; en plus des orangers de Versailles, des Tuileries, du Luxembourg, le palais de Compiègne a encore une cinquantaine de forts sujets introduits sous Napoléon 1er. D’où venaient-ils? C’est ce que nous ne savons pas. Il existe aussi, dans différents jardins publics ou privés, de très beaux orangers qui datent de plusieurs siècles; citons entre autres ceux du Parc de la Tète-d’Or, à Lyon, du duc de Mortemart, à Lachassagne, de M. de Dresse, à Samtrie ; n’oublions pas non plus ceux du domaine de Ferrières qui sont magnifiques. Ernest Bergman.
- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 2 janvier 1888. — Présidence de M. Janssen.
- Eclipse solaire. — On sait qu’une éclipse solaire totale pour l’est de l’Europe a eu lieu le 19 août dernier, mais que le mauvais temps l’a rendue stérile pour la science. Par une exception unique, la station de Peitroff, au nord de Moscou, a pu jouir du phénomène pendant trente secondes environ, et, par bonheur, en ce lieu se trouvait un astronome préparé pour son passage à l’Observatoire de Meudon sous la haute direction de M. Janssen. Cet observateur, M. Stanoïewitch, fait connaître aujourd’hui ses résultats : il a porté son attention, suivant le conseil de M. Janssen, sur l’intensité lumineuse de la couronne qu’il a étudiée par la méthode photographique. Plusieurs remarques importantes ont été faites et spécialement sur le rôle des nuagesplacés à l’horizon, en dehors du cône
- d’ombre : au moment de la totalité on pouvait encore lire un journal et le thermomètre ne baissa pas, à beaucoup près, autant que dans les cas ordinaires.
- Le Journal du Ciel. — M. le secrétaire perpétuel signale le Journal du Ciel de M. Joseph Yinot dont on voit plusieurs livraisons sur le bureau. Cette utile publication parvenue maintenant à sa vingt-quatrième année a augmenté très considérablement son format : c’est maintenant un journal grand in-quarto sur deux colonnes contenant de belles gravures qui expriment l’état du ciel à des époques déterminées. On sait que le Journal du Ciel est l’organe de la Société cVastronomie qui compte maintenant plus de 10 000 membres.
- Minéraux d'Auvergne. —D’après M. Gonnard, le phosphate et l’arséniate de plomb qu’on recueille dans les mines de Pontgibaud (Puy-de-Dôme), résultent avant tout de la réaction de l’acide carbonique sur l’apatile en présence de la galène. C’est la conséquence d'une note transmise au nom de l’auteur par M. Fouqué.
- Anatomie végétale. — Selon M. Sauvageot, l’écorce de la racine de I'Hqdrocharis renferme des canaux aériens diaphragmés tout à fait semblables aux conduits déjà connus dans la tige et remplissant évidemment les mêmes fonctions.
- Un nouveau prix à décerner. — En vertu de la loi du 10 décembre 1887, le Ministère du commerce et de l’industrie aura à décerner un prix de 50 000 francs au procédé propre à déterminer et à doser, dans les boissons alcooliques, les substances autres que l’alcool chimiquement pur. Le Ministre demande à l’Académie de fixer toutes les conditions du concours.
- L’Académie de Bologne. — Fondée aux ides de juin 1088, l’Université de Bologne s’apprête à célébrer son huitième centenaire et convie à la fête préparée à cette occasion les Académiciens français qui voudront bien s’y rendre.
- Mesure de la vitesse des courants. — Un savant russe, dont le nom nous échappe, mesure la vitesse des courants d’eau avec un appareil dans lequel des ailettes déterminent, en tournant, la chute souvent répétée [d’une petite masse lourde, au fond d’un tube : le nombre des chocs, dans un temps donné, permet de conclure la rapidité de l’eau. Le déplacement de l’air se prête à des expériences du même genre et, par exemple, on sait, avec l’instrument, la vitesse qui, à chaque instant, emporte une locomotive.
- Varia. — M. d’Abbadie, qui est récemment retourné en Orient, a rencontré parfois des difficultés dans l’exécution de ses recherches magnétiques : en Arabie, un gouverneur se méprenant sur le but de ses instruments, lui fit interdire ses études en se fondant sur ce que la photographie est contraire aux lois de l’Islam. — On a observé à Nice, le 25, 26 et 27 décembre, la comète de Olbers. — L’action de l’acide oxalique sur la cinchonine en présence de l’acide sulfurique occupe M. Girard. — Des notes sur la navigation aérienne sont adressées par M. Leroy et par M. Rey. — L’activité des combustions respiratoires fournit à M. de Saint-Martin le sujet d’une communication. — M. Cornu et M. Wolf discutent les conditions de la synchronisation des horloges. — Des alliages d’aluminium avec le silicium et avec le titane sont étudiés par M. Lévy. Stanislas Meunier.
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- LA NATURE.
- PHYSIQUE SANS APPAREILS
- La densité des liquides. — Prenez deux verres a pied de même grandeur; remplissez de vin le premier verre (fig. 1, n° 1 ) et remplissez d’eau le second verre, n° 2. Recouvrez ce deuxième verre d’üne feuille de papier. Il vous sera possible de le retourner sur le premier comme l’indique le nu o. Retirez doucement la feuille de papier en la tirant bien horizontalement d’une main, tandis que l’autre main tient accolés les deux verres. Dès que le papier aura été éloigné de 2 ou 5 centimètres des bords, le papier se gondolera légèrement en forme d’un S couché, formant une rigole descendante et une montante, par lesquelles les liquides s’échapperont : l’eau descendra et le vin plus léger montera (n° 4) ; les deux liquides ne se mélangeront pas, et cela pendant quelques minutes, jusqu’à ce que tout le contenu du verre intérieur ait pris la place du contenu du verre supérieur 1.
- Un curieux tourniquet. — L’expérience que représente notre figure 2 est très simple à réaliser.
- Un bouchon de liège dans lequel on plante-une aiguille la pointe en l’air, un bout de papier, et c’est tout. On prendra du papier à lettre ordinaire, on en coupera une bande de 6 ou 7 centimètres de long et de 1 centim. de large; après l’avoir pliée en quatre pour déterminer son centre on la dépliera et on relèvera légèrement deux coins opposés sur l’une des diagonales du carré; puis on la mettra ainsi préparée en équilibre sur la pointe de l’aiguille.
- 1 Communiqué par M. Albert Bergeret, à Nancy.
- ! Lorsqu’elle aura acquis une immobilité complète on approchera doucement la main ou mieux on l’entourera avec les deux mains en ayant soin de ne pas la toucher : aussitôt le système se mettra à tourner, et la vitesse de rotation sera quelquefois très
- considérable. Certaines personnes ne manquent pas d’attribuer ce fait au magnétisme animal ; mais l’explication est très simple physiquement : c'est tout simplement l’air qui s’échauffe au contact des mains et qui par suite s’élève et fait tourner le bout de papier en agissant sur les coins relevés qui se présentent obliquement à sa direction.
- La forme que nous venons d’indiquer pour le tourniquet est la plus simple, mais on peut, bien entendu, la varier de différentes façons. C’est ainsi qu’on peut découper un disque léger sur lequel on dessine et peint de différentes couleurs des courbes allant du centre à la circonférence. En donnant ensuite un coup de ciseau suivant les extrémités de deux diamètres perpendiculaires et en
- inclinant légèrement les secteurs ainsi obtenus, on forme une hélice qui -se met très facilement en mouvement. Les courbes peintes produisent alors de jolis effets.
- Certaines personnes ont sur le tourniquet, plus d’action que d’autres, c’est qu’elles ont les mains plus chaudes.
- On peut, avec cet instrument, deviner les caractères aussi bien que le charlatan de nos fêtes foraines prétend le faire avec ses bouillants de Franklin. Il ne s’agit que de trouver des gens assez crédules, peu observateurs, et ne lisant pas La Nature. Dr Z...
- Le propriétaire-gérant : G. Tissahdier. Imprimerie A. Laliure, 9, rue de Fieurus, à Paris.
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- .V 7liô. — li JANVIER 1888.
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- LE TRAIN DE BOIS FLOTTANT
- DE LA AOUVELLE-KCOSSK
- Tout le monde connaît les trains de bois flottants que charrient nos fleuves pour le transport écono-
- mique des troncs d’arbres de nos forêts. Une correspondance que nous avons reçue de New-York nous rend compte d’une entreprise extraordinaire qui a été laite par les marchands de bois de cette ville, et notamment par M. James 1). Leary. Ayant à faire venir du bois de la Nouvelle-Ecosse, M. Leary et
- Le train de Lois gigantesque construit à l.i INouvollo-Ecosse. l’iépaialirs du lancement à la mer.
- ses confrères songèrent h construire un immense radeau et à le transporter par mer, dans le voisinage des côtes en le faisant flotter à la remorque d’un steamer.
- Le train de bois construit fut exécuté dans des dimensions colossales : on lui donna la forme d’un gigantesque cigare, et il fut établi sur des étais afin t(ic année. — 1er semestre.
- de pouvoir le lancer à la mer comme un navire. Ce train de bois fut formé de 27 000 troncs d’arbres reliés entre eux par des séries de chaînes attachant ceux qui formaient le pourtour à une forte chaîne centrale s’étendant d’un bout à l’autre du radeau, et suivant son axe. L’ensemble de la construction avait J 170 mètres de long, 20 mètres de diamètre au fort,
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- et son poids était de H 000 tonnes. 11 n’a pas fallu j moins de six mois de travail pour terminer ee mo- ! nument d’un nouveau genre. Le prix de revient du j train de bois, y compris le bois, la construction et le transport, a été de 150000 francs. Le transport, par les moyens ordinaires du bois qui en formait l’ensemble, eut nécessité l’affrètement de six grandes goélettes à trois et quatre mats.
- Le train de bois que nous venons de décrire fut lancé à la mer vers le 10 décembre 1887 et il navigua d’abord sans encombres a la remorque du vapeur Miranda. Mais on avait compté sans les gros temps qui vinrent apporter a l’entreprise des incidents funestes, et qui auraient pu avoir les plus graves conséquences.
- La Miranda, steamer de 1500 tonneaux, fut assailli, à 45 milles de l’île Nantucket, par une forte tempête qui en détermina la perte complète. Le gouvernement des Etats-Unis envoya un autre steamer, l'Entreprise, à la recherche du train de bois qui devait flotter à la dérive au milieu de l’Océan, formant une redoutable épave pour la navigation. On reconnut que le train de bois avait été disloqué pendant la tempête; ses débris flottant çà et l'a se répandirent partout à la surface de la mer, et on en vit des vestiges a 550 milles de Sandy ltook, c’est-à-dire à 155 milles du lieu du naufrage.
- On voit que l'entreprise des trains de bois de haute mer a été aussi malheureuse que hardie. Les marchands de bois de New-York recommenceront-ils un nouvel essai? Nous ne le croyons pas. Quoi qu’il en soit, le fait méritait d’être enregistré à titre de curiosité industrielle.
- PLATS D’INSECTES
- C’est un fait bien connu que les habitants de l’Afrique centrale font la chasse aux fourmis blanches et autres insectes pour en faire des plats qui figurent jusque sur les tables royales. Plusieurs auteurs,en mentionnant le fait, assurent que ce mets n’est aucunement fade comme on pourrait le supposer; certains naturels ont une façon de le préparer qui lui donne entièrement le goût du boudin blanc. Cette coutume, observée jusqu’alors seulement dans le centre de l’Afrique, existe aussi dans d’autres régions tropicales. Un voyageur, qui a exploré tout récemment l’archipel indien, écrit que les indigènes sont très friands des fourmis blanches. Ces insectes, à l’état parfait, sont ailés. On les voit, le soir, voltiger en masse autour des lumières. Pour les récolter, on place sous une lampe allumée un vase rempli d’eau ; la lumière en s’y reflétant les attire et les fait prendre. Après leur avoir arraché les ailes, on les rôtit, ou bien on les mélange avec de la farine pour en faire une espèce de gâteau. Ainsi préparés, ils rappellent assez le. goût de l’amande. Les abeilles et autres insectes ne sont pas plus épargnés; quelques indigènes, grands amateurs d’une espèce de petite abeille, la font rôtir entourée d’une feuille dans laquelle on ajoute quelquefois un peu de miel. Celui-ci est très recherché, surtout pour la pâtisserie. Les gros insectes sont simplement rôtis et on les sert avec le riz.
- LES PRODUITS DU T0NKIN
- La nouvelle colonie du Tonkin est, pour le naturaliste, un champ d’exploration d’une vaste étendue et un territoire plein de promesses, aussi bien pour l’ingénieur que pour l’agriculteur. Les renseignements que nous avons par nos correspondants, et les voyageurs courageux qui ont parcouru ce beau pays, depuis la conquête, font présumer qu’avec de la persistance et une pratique intelligente, le Tonkin sera une source de richesse pour l’agriculture tropicale et pour l’industrie.
- L'importance de cette colonie consiste aussi dans sa nombreuse population, qui se trouve agglomérée près des rizières, c’est-à-dire dans tout le bas Delta proprement dit. Un naturaliste de nos amis, M. Ba-lansa, auquel nous sommes redevable de précieux détails, et qui a beaucoup voyagé, écrivait qu’il n’avait jamais vu autant d’habitants par kilomètre carré, et il comparait le Delta à une fourmilière. La population est estimée de fl à 10 millions d’individus pour un territoire égal au tiers de la France.
- La docilité des Tonkinois, habitués dès longtemps à supporter le joug, les adapte facilement au caractère de leurs nouveaux conquérants ; ils sont adroits, ingénieux en général, surtout dans le Delta; mais les Chinois seront toujours un intermédiaire utile pour le négoce entre Européens et Tonkinois. La lenteur des décisions à prendre, la coutume de marchander patiemment, pendant des heures, avant de conclure un marché, sont choses peu compatibles avec nos habitudes, auxquelles, cependant, ils se i'eront probablement à la longue. Ce que le Tonkinois apprécie déjà, c’est l’application de lois tutélaires, et la protection contre les pirates qui infestaient le pays. Que de villages abandonnés naguère, et maintenant réintégrés par leurs habitants !
- La sobriété de ce peuple l’attache là où sont les rizières, le riz formant presque exclusivement sa nourriture ; aussi sa plus grande préoccupation est-elle la culture de cette graminée, dont les produits sont presque entièrement consommés surplace. Indépendamment des Chinois, qui commencent à revenir et qui tiennent, de même que les Juifs dans maints pays d’Europe, les principales maisons de commerce, ou bien d’autres qui se font artisans, la population dominante est annamite. Dans les montagnes sont les Muongs, peuple indépendant, cultivateur et guerrier, qu’on suppose être les anciens Annamites refoulés par les conquêtes successives de la plaine-vers les régions montagneuses. Ils échappent facilement aux injonctions du fisc, ils ne se mélangent jamais aux autres peuples et ils sont hospitaliers, industrieux et ordonnés, « ne connaissant ni le fanatisme politique, ni le fanatisme religieux. C’est dans la région qu’ils habitent que se trouve le champ le plus propre à la future colonisation, non pas la colonisation par les races européennes, mais celle plus rationnelle plus féconde, par les gens du
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- pays ». M. Balansa lie tarit pas d’éloges sur les Muongs <pii lui semblent être le peuple de l'avenir et delà prospérité du Tonkin.
- Les minerais sont abondants dans cette région : le 1er, le cuivre, le plomb, le zinc, le mercure, l’argent et l’or y ont été constatés; enfin lenitre et le soufre et plusieurs gisements de bouille. C’est principalement dans la région montagneuse, entourant le Delta, que les mines sont situées; la plupart d’entre elles, et les meilleures, étaient exploitées par les Chinois qui y employaient les ouvriers annamites, mais plusieurs ont été abandonnées depuis la conquête ; d’ailleurs les moyens primitifs d’extraction ne pouvaient en garantir la durée. Il faut ajouter que le découragement devait venir promptement chez un peuple qui avait à subir .des impôts aussi écrasants qu’odieux. Enfin disons aussi que malheureusement un certain nombre de ces mines sont en dehors du cercle d’occupation actuel.
- En se reportant aux notes communiquées par M. le professeur Bureau, à l’Académie des sciences, on peut se rendre compte que la flore du Tonkin présente une grande variété, et que les accidents de terrain permettront de se livrer à la culture des plantes utiles réclamant des conditions différentes de sol ou d’altitude; d’ailleurs, les premières tentatives ont été faites depuis peu et tout fait espérer qu’elles seront couronnées de succès.
- Déjà, dans une lettre (^ui nous était adressée au commencement de l’année 1885, par un officier du corps de santé, M. Brousmiche donnait sur le Tonkin des aperçus fort encourageants.
- La flore du Delta, disait-il, dans les régions que j’ai explorées, est monotone et uniforme. Sur le bord des fleuves et dss arroyos1, de même qu’au tour des villages, il y a des buissons épais de Bambous, dont j’ai déjà distingué plusieurs espèces, présentant des variétés, suivant le milieu; de grands Gynérium et des Arunilo autour desquels se trouvent quelques plantes introduites, Agératum, Matricaire, etc. ; puis quelques Labiées souvent enlacées par des Cassytas; enfin les graminées fourragères pour les bœufs et les buffles qui, ces derniers surtout, sont employés pour le labourage des rizières.
- Le pays est entièrement cultivé et le riz occupe 90 pour 100 de la surface du bas Delta, c’est-à-dire d’IIaï-Phong et d’Ilaï-Dzuong à Nam-Dinb. En remontant, la végétation change; les Aréquiers3 gigantesques, dans les terrains où l’eau saumâtre s’infiltre, deviennent moins grands; les arbres de haute taille apparaissent. Les arbres à Ouate, les Grenadiers, les Arbres à pain, etc., se montrent; au milieu des cultures de riz, qui s’étendent à perte de vue, on rencontre des champs de Mûriers et de Ricins; sur
- 1 Sortes de canaux, quelquefois navigables, établis pour l'irrigation des rizières.
- 2 Laurinée sans feuilles, à végétation spéciale, et vivant en parasite sur les plantes voisines à la façon des Cuscutes qui détruisent nos cultures.
- 5 Palmiers dont on mange le volumineux bourgeon, ou qui produisent la noix d’Arec.
- les monticules poussent quelques Pins parasols. Mais à partir du canal des Rapides, vers Bac-Ninh, puis du côté de Phusang-Thuong, ou à partir de Sontay, tout change, et les bois prennent un aspect magnifique; toutes les forêts sont d'une richesse inouïe en essences de premier ordre et en plantes médicinales que les Annamites connaissent très bien et exploitent pour leur usage, ou l’exportation en Chine.
- Ce qui vient corroborer ces assertions, c’est l’opinion émise par M. Balansa qui, plus heureux que M. Brousmiche, a pu rester depuis deux ans ail Tonkin et l’explorer en toute liberté et après la pacification complète. J’ai vu, dit-il, en Nouvelle-Calédonie, en Amérique du Sud, des paysages forestiers bien beaux et une végétation luxuriante, mais rien de comparable aux forêts qui couvrent les montagnes formant une sorte de ceinture au Delta.
- Depuis l’occupation on a pu dresser une liste d’au moins trente sortes d’essences de bois qui se vendent couramment sur les marchés et quelques-uns à un prix très élevée ; mais l’exploitation de ces bois se fait sans méthode et sans économie. D’autre part leur transport ne se fait que péniblement faute de chemins praticables, la viabilité étant à peu près inconnue; ce n’est qu’à proximité des cours d’eau que les bûcherons pouvaient agir jusqu’alors, et lorsque ceux-là se prêtaient au flottage des arbres abattus. Nous ne connaissons pas encore suffisamment les noms scientifiques de ces essences de bois, mais ils portent des noms annamites et chacun d’eux a des usages assez bien déterminés : les uns pour la charpente ou la construction des bateaux, ou bien pour la menuiserie et l’ébénisterie, enfin d’autres employés à la confection des cercueils1.
- La culture du riz étant la question importante au Tonkin est, par cela même, très soignée. Les rivières et canaux sans nombre qui, comme les mailles d’un filet, divisent le sol du Delta, amènent lors des crues périodiques du Taï-Binh, mais surtout duSong-Koï ou Fleuve-Rouge, qui prend sa source dans le Yun-nan et qui reçoit la rivière Claire et la rivière Noire avant sa traversée du Delta, renouvellent le limon, c’est-à-dire l’engrais des rizières. Les buffles au pied large sont de préférence employés pour le labourage de leur sol fangeux. On fait deux récoltes de riz par an ; la première moins importante que la seconde. Les variétés sont nombreuses, une d’elles, appelée riz gluant, est employée pour faire le choum-choum ou alcool de riz très prisé des Annamites.
- La température élevée du Tonkin, dans la plaine notamment, de mai à septembre2, qui est la saison des pluies, et où le thermomètre varie entre -(-22° et 5()°, permet à toutes les plantes utiles des tropiques d’y croître, mais on n’y trouve point de races améliorées comme dans l'Inde, les îles Mascareignes, etc.
- 1 La coutume au Tonkin tient cet article en grande estime. Un fils respectueux ne peut faire un présent plus délicat à ses parents qu’en leur offrant un cercueil de son choix.
- 2 La saison froide et réconfortante commence en novembre et finit en mars.
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- Ainsi la Canne à sucre, qui y vient à l'état sauvage, est de qualité médiocre, elle est mal cultivée et le suc en est extrait par des procédés tout à fait primitifs.
- Dans les régions élevées1 on trouve près des habitations des arbres fruitiers d’Europe, mais dont les produits sont inlérieurs aux nôtres. C’est donc aux végétaux du pays qu’il laut d’abord s’adresser, et en introduire de nouveaux, susceptibles île prospérer. Dans ce dernier butjleprotectorat a chargé M. Ba-1 a n s a de faire des plantations de Café, de Quinquinas, de Gutta-perclia, etc., là où il le jugerait convenable. Ainsi , les coteaux favorablement situés du montBavi sont, à l’heure présente , garnis de jeunes plantes prises à Java et ailleurs, et bientôt l’on saura si l’on doit continuer l’extension de ces cultures.
- Parmi les végétaux précieux du Tonkin se trouvent la Badiane, les plantes textiles ou servant à faire le papier, et sur lesquels nous reviendrons dans un prochain article. Aujourd’hui nous appellerons l’attention plus particulièrement sur les végétaux oléagineux de cette colonie.
- La matière grasse trouve toujours un écoulement facile dans le commerce, il s’agit de la produire à bon marché. La main-d’œuvre étant, jusqu’alors, à très bas prix au Tonkin, il sera facile, en exploitant les plantes sauvages ou en les mettant en culture, d’avoir sous la main une source inépuisable d’un produit rémunérateur.
- 1 Les sommets montagneux ne dépassent pas 1000 à 1400 mètres, saut le mont Bavi, au voisinage de Son-Tay, qui atteint 1800 mètres.
- Arhrc à suif de la Chine (Stiliingia sebifera).
- Les Chinois et les Japonais utilisent un végétal qui se trouve partout chez eux, un arbre de routes ayant le port d’un cerisier, aux feuilles ressemblant à celles du peuplier: c’est l’Arbre à suil. 11 est répandu dans toute l’Indo-Chine, et a môme été introduit eu Amérique. Ses noms vulgaires sont : Dkieu-Mu et N’gan-Sbù. Slillingia sebifera des botanistes. C’est une Euphorbiacée dont les Heurs
- mâles et femelles sont sur le môme i n d i v i d u. L e s trois carpelles, dont le fruit est composé , s’ouvrent à maturité et laissent voir trois graines d’un blanc de neige et de la taille d’un gros pois ; ces graines restent suspendues à l’arbre longtemps et môme après la tombée des feuilles, ce qui facilite la récolte. Chaque arbre est d’un grand rapport comme quantité et la cueillette se fait aisément.
- Le siège de la matière grasse dans les plantes est très variable, mais ici le cas est exceptionnel. C’est la surface externe du tégument de la graine qui forme une couche de 2 ou 5 millimètres d’épaisseur d’une graisse blanche et solide, dont on fait des chandelles. Les graines
- sont jetées dans l’eau bouillante et l’on recueille la matière qui surnage après refroidissement. Il reste l’amande, protégée par une enveloppe dure, appartenant au tégument interne, et qui, à son tour, est gorgée d’huile. On pile alors ces graines ébouillantées et l’huile extraite par pression est employée à des usages variés, mais principalement à l’éclairage.
- A suivre.
- J. Poisson.
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- THERMOMÈTRE ROTATIF
- L’appareil que représente la gravure ci-contre (fig. 1) a été imaginé par M. Rabinovitch. C’est un nouveau système de thermomètre d’une grande sensibilité, qui se met en mouvement autour de son axe par suite des variations de position ([ue subit son centre de gravité. Des dispositions spéciales permettent de connaître les degrés maximum et minimum qui ont été marqués par Tinstrument pendant une période déterminée, et d’être averti par une sonnerie en cas d’incendie.
- Le thermomètre de M. Rabinovitch se compose d'un cylindre de verre a (fig. 2) rempli d'un liquide suffisamment dilatable tel que l'alcool, ou d’un gaz; ce cylindre se prolonge (‘il un tube circulaire b b' qui contient un certain volume de mercure. Le cylindre a monté sur un axe c, oscille autour de cet, axe quand le centre de gravité du système change de position, par suite du déplacement du liquide et du mercure dans le tube b, provoqué par une variation quelconque de température. L’axe porte deux aiguilles de t e montées à frottement doux. L’extrémité b' du tube circulaire porte une armature métallique g terminée par une pointe h servant d’index, et qui se meut sur un cadran gradué ii. Cet index marque à tout moment le degré de température du milieu ambiant. L'index h entraîne dans son mouvement l’aiguille d quand il tourne de droite à gauche, ou J’aiguille e quand il tourne de gauche à droite. 11 ne peut ramener ces aiguilles à leurs positions initiales; elles marqueront donc respectivement soit le maximum, soit le minimum de température, pendant une période d’observation.
- Sur le cadran i, se place à tout point voulu un
- contact électrique k destiné à actionner une sonnerie l quand la pointe fi vient fermer le circuit. En plaçant le contact k à 50 degrés, par exemple, sur le cadran, la pointe h arrivant à cette division, fermera le circuit et actionnera la sonnerie.
- En ajoutant encore un contact à droite du cadran ii, M. Rabinovitch a obtenu un avertisseur de la température, à maxima et à minima. En plaçant un contact à 25° et l’autre à 15°, l’appareil avertit toujours par la sonnerie quand la température atteint une de ces limites; cette application peut être très utile au point de vue hygiénique ou industriel.
- Il nous reste à faire remarquer que le tube bb' est muni a sa partie inférieure d’une armature m qui porte un crayon n. Ce crayon qui suit évidemment les mouvements du tube, se dé pl ace de van tune feuille de papier divisée p, animée de haut en bas de tout mouvement d’horlogerie jugé convenable. Dans ces conditions les abeisses marquant les températures
- et les ordonnées les temps, on aura le diagramme des variations de température pendant une période déterminée.
- Aucun instrument n’a peut-être attiré l’attention des physiciens autant que le thermomètre dont les usages sont si nombreux. Après avoir signalé un nouveau progrès dans la construction de ce précieux instrument, il est intéressai! t de résumer les précédentes étapes de l’histoire de son invention. Drebbel, au commencement du dix-septième siècle, imagina le thermomètre à air qui était soumis aux variations de la pression barométrique. Cinquante ans après, l’Académie del Cimento construisit un thermomètre à alcool comme les nôtres, mais il n’avait pas de points fixes. Encore un demi-siècle, et Amontons reconnaît que l’eau bout à une température fixe qu’il applique à son thermomètre à air comprimé construit en 1702. Le thermomètre
- Fig. 1. — Thermomètre rotatif de M. Rahmoviteh.
- Fig. 2. — Diagramme explicatif de Fappareil.
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- lut abandonné à cause de son grand volume et du peu de concordance d'indication des divers instruments entre eux. Itelisle construisit un thermomètre à mercure, avec deux points lixes, l’un la température de l’eau bouillante, l’autre, celle des caves de l'Observatoire. C’est à Newton (pie l'on doit l’idée de prendre comme points extrêmes des températures indiquées par le thermomètre l’eau bouillante et la glace fondante.
- On voit que la mesure des températures a préoccupé les plus grands esprits.
- LE CYCLONOME YËLOCIPÉDIQUE
- La fatigue ou la prudence oblige souvent le meilleur tricvcliste à mettre pied à terre devant une forte côte ou sur un pavé inégal: la main gauche sur le bord postérieur de sa selle, le corps penché en avant et le bras droit allongé pour atteindre la poignée correspondante du gou-
- vernail, la respiration coupée par une position aussi incommode, se heurtant les genoux contre le porte-bagages, glissant à chaque pas sur le sol pierreux ou humide, le malheureux pousse péniblement sa monture sous l’œil dédaigneux du public qui ne pardonne à une innovation que s’il assiste à son triomphe.
- Le petit appareil que nous venons d’imaginer nous paraît propre à remédier à ces petites misères et destiné à rendre quelques services à nos confrères de la roue. Lue tige de fer cylindrique AB, de 0m,009 d’épaisseur et d’environ 0m,25 de longueur, est fixée parallèlement à l’arbre de direction MN du tricycle et en arrière de cet arbre, au moyen d’une douille C qui la reçoit à frottement doux et dans laquelle elle est serrée par un écrou à main, dit vis à violon. Son extrémité supérieure est surmontée d’une forte charnière I), supportant une longue douille à vis de pression E, destinée à recevoir la tige de direction dont il sera question tout à l’heure. La douille C est brasée sur la partie postérieure d’une virole à écrou II que l’on peut introduire sur l’arbre de direction après avoir enlevé le gouvernail et qui se trouve toute faite chez les fabricants de vélocipèdes.
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- B— •
- Fixée par sa partie supérieure à l’arbre de direction au moyen de la douille C, la tige AB est reliée en haut au gouvernail de la manière suivante :
- Au-dessous de la charnière D, elle traverse une longue douille I avec laquelle elle est solidarisée par un ou deux rivets. De cette douille part une sorte de double griffe, constituée par deux lames de fer ou de tôle d’acier de 2 millimètres d’épaisseur, JJ, qui, après un trajet horizontal, se redressent verticalement et embrassent étroitement en JM' les branches du gouvernail sur lesquelles elles se recourbent sans cependant s’y appliquer d’une manière assez intime pour qu’on ne puisse, en desserrant l’écrou à main de la douille G, enlever facilement tout l’appareil que nous venons de décrire. La tige de direction FG s’engage dans la douille E et y est maintenue par un écrou à main. Son épaisseur est aussi de 0m,009 et sa longueur d’environ 0m,40. Elle se termine, d’un côté, par un petit anneau K et, de l’autre, par une sorte de croissant à bord épais L servant de poignée de direction *.
- 1 Ce croissant serait avantageusement recouvert d’une lame de buis ou de corne destinée à protéger la main contre le froid.
- L'a manœuvre du cyclonome vèlocipédique est des plus simples. Placé derrière sa machine, le véloceman pousse de ses deux mains le bord postérieur de la selle et maintient la direction par une série de déviations latérales à peine sensibles qu’il imprime à la tige directrice, ajustée à la longueur convenable, dont il tient l’extrémité en forme de croissant appuyée contre la paume de la main droite. La même tige lui permet également, à l’aide de déviations naturellement beaucoup plus étendues, de changer de direction et même de revenir sur ses pas en décrivant un cercle d’un faible rayon, sans toucher au gouvernail.
- Le mauvais pas franchi, il suffit, pour ranger l’appareil, de desserrer l’écrou à main de la douille E, de repousser la tige directrice jusqu’au niveau du bec de la selle, de la rabattre parallèlement à la tige AB, de la faire glisser dans sa douille jusqu’à la fin de sa course et de la fixer dans cette position, indiquée par un pointillé sur la figure, en l’engageant dans la pince à ressort M vissée à la partie postérieure de la douille C.
- Nous avons essayé notre Cyclonome avec un plein succès, malgré le mauvais temps, sur des pavés détestables et des côtes atteignant 0m,050 par mètre. Grâce à lui, le
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- tricycliste, le corps droit, la respiration libre, pousse sa machine des deux mains, rapidement et sans fatigue. Applicable à tout tricycle du genre Gripper, quelques secondes suffisent pour le placer, le retirer, le mettre en état de fonctionner et le ranger contre l’arbre de direction; dans cette dernière position, il n’occupe aucune place utile, ne gène nullement le cavalier et n'empêche même pas de fixer en arrière du gouvernail, ainsi que nous avons l’habitude de le faire, un sac à accessoires supplémentaire. Son poids, enfin, est minime et deviendrait encore plus faible s’il était construit avec des tubes d’acier.
- Notre Cyclonome vélocipédique ne se trouve pas encore dans le commerce; mais il est assez simple pour que tout ouvrier intelligent puisse le construire rapidement et à peu de frais : celui dont nous nous servons a été obligeamment exécuté pour nous par M. (îruz, chef de l’atelier de serrurerie de l’asile d’aliénés auquel nous sommes attaché. Nous ne sachons pas, d’ailleurs, que l’ingéniosité des amateurs et des fabricants se soit encore tournée de ce coté et nous ne trouvons aucune trace d’appareils de ce genre dans les ouvrages spéciaux et les catalogues que nous avons entre les mains.
- I)r E.Chambard.
- Révélateur à l'hyilroquiiion. — L’iiydroquinon est un produit tiré du quinquina. En distillant l’acide quinique avec 4 parties de peroxyde de manganèse et 1 d’acide sulfurique, on obtient des cristaux jaunes de quinon. Sous l’influence des acides iodhydrique, tellurhydrique et sulfureux, celui-ci se transforme en hydroquinon incolore dont la formule est C24111208. C’est la fabrication de laboratoire que nous donnons là. Industriellement l’hydroquinon se retire, comme tant d’autres choses, de la bouille, et se trouve chez les marchands de produits chimiques et photographiques l. Maintenant que nous savons ce que c’est, passons à la manière de s’en servir.
- 11 avait déjà été essayé dans les bains révélateurs il y a quelques années par plusieurs personnes, mais sans succès. C’est seulement depuis environ deux mois que MM. Balagny et Ducom sont parvenus ;i l’employer dans les conditions les plus satisfaisantes, et ils ont communiqué les résultats de leurs recherches dans la dernière séance de la Société française de photographie. Les opérateurs estiment que ce révélateur remplace avantageusement ceux au fer et à l’acide pyrogallique, car il donne aux clichés la beauté du premier et l’énergie du second.
- Le bain de développement employé par MM. Balagny et Ducom se compose de :
- 600e“ d’une solution de carbonate de soude à 25 pour 100. 500oc — sulfite de soude à 25 pour 100.
- 10 grammes d’hydroquinon.
- Ce bain doit être incolore. 11 peut servir immédiatement ou être conservé tout préparé. Le même bain peut être employé pour douze ou quinze clichés ;
- 1 L’hydroquinon coûte 25 centimes le gramme environ.
- mais il perd nécessairement de son énergie à mesure qu’il sert. 11 est donc utile d'avoir deux ou trois flacons où l’on mettra les bains ayant déjà été utilisés. On ne se servira alors du bain neuf que pour les instantanés et pour revivifier les autres dans le cas où cela deviendrait nécessaire pendant le développement d’un cliché posé. Le liquide deviendra jaune après avoir servi, mais il ne doit pas dépasser la teinte du cognac. S’il noircissait, c’est qu’il se serait trouvé mélangé dans les cuvettes à des substances étrangères; l’acide pyrogallique notamment, même à faible dose, lui fait prendre une coloration très foncée. Dans le cas où l’on voudrait avoir plus d’élasticité dans le développement, c’est-à-dire faire varier à son gré et peu à peu la quantité d’hydroquinon, on emploiera la solution suivante ;
- 100°“ de sulfite de soude à 25 pour 100.
- 200'° de carbonate de soude à 25 pour 100.
- dans laquelle on ajoutera au fur et à mesure des besoins de 10 à 30cc d’une solution à 10 pour 100 d’hydroquinon dans l’alcool à 40°.
- Quel que soit le bain employé, le bromure de potassium n’est pas nécessaire, les blancs restent purs et il n’y a pas de voile.
- La suite des opérations ; le lavage à l’alun, le fixage, restent les mêmes qu’avec les autres procédés de développement.
- M. Fabre, l’auteur de Y Aide-mémoire photographique, a eu l’idée d’ajouter du chlorhydrate d’hydro-xylamine au bain ci-dessus pour en augmenter l’énergie dans le cas des instantanés, très rapides ou peu éclairés.
- Appareil photographique de poche. — L une
- des choses qui a peut-être le plus exercé l’ingéniosité des constructeurs et des inventeurs, c’est la chambre de poche.
- Avoir toujours sur soi, sans en être encombré, de quoi photographier ce qu’on rencontre d’intéressant sur son chemin, voilà, certes, de quoi satisfaire les plus exigeants. Mais le problème n’est pas facile à résoudre d’une façon complète. L’appareil, tout en étant facile à mettre dans sa poche, doit être toujours prêt à fonctionner immédiatement ; il faut qu’on puisse faire un assez grand nombre de clichés de dimensions suffisantes pour qu’à la rigueur on puisse se dispenser d’agrandir, il faut enfin remplir encore bien d’autres conditions aussi difficiles à réaliser que faciles à indiquer.
- La Nature, qui compte parmi ses abonnés un nombre considérable d’amateurs de photographie, s’efforce de les tenir au courant de tout ce qui se fait dans ce genre et sans parti pris.
- L’appareil qui nous a été présenté dernièrement et que représente notre gravure (fig. 1), remplitàcoup sûr la première condition. C’est, à proprement parler, un châssis dans lequel on place une glace sensible à la façon ordinaire; mais, au lieu de faire une seule grande épreuve sur cette glace, on en fait quatre petites, une dans chaque angle. A cet effet, le chàs-
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- sis (qui peut être simple ou double) se monte à glissière sur un cadre en métal, comme sur l'arrière d’une chambre ordinaire. Le devant de ce cadre est constitué par un disque mobile autour de son centre et sur lequel est placé l’objectif, qui peut ainsi occuper différentes positions. Un verrou solidaire du disque mobile permet
- LE CHLAMYDOSADRE DE KLNG
- de le lixer dans quatre de ces positions a 1)0 degrés l'ime de l’auLre, celles qui correspondent aux quatre angles de la glace. Derrière ce disque et tournant contre lui, se trouve un volet commandé par un ressort; c’est l’obturateur instantané, qu’on manoeuvre au moyen du bouton placé au centre de l’appareil; un autre bouton plus petit placé sur le côté permet de déclencher au moment voulu.
- L’objectif est aplané-lique double etse trouve au point pour les objets placés au delà de 2 mètres. 11 est monté à baïonnette sur le disque tournant et s’enlève par conséquent avec la plus grande facilité pour se
- mettre dans la poche. 11 a 5 centimètres de long et H de diamètre. Le cadre qui reste a o centimètres de côté et 2 d’épaisseur, lorsqu’il est chargé d’un châssis double. II peut se mettre facilement dans une poche.
- Si on a, avec cela, deux autres châssis doubles dans une autre poche, on se trouve en possession du matériel nécessaire pour prendre vingt-quatre vues ayant 4 centimètres de diamètre. Nous en donnons un spécimen (fig. 2.).
- En général, on peut développer les glaces entières avec les quatre clichés ; ce n’est que dans le cas où l’on craindrait que l’un ou l’autre ne vînt trop vite qu’on découperait la glace en quatre pour pouvoir arrêter le développement au moment voulu pour
- En résumé, l’appareil remplit une partie des principales conditions que nous indiquions plus haut ; il tient peu de place et permet de faire un grand nombre de clichés; dans bien des cas il peut rendre de réels services. G. M.
- La ménagerie des reptiles du Muséum a récemment fait l'acquisition d’un lézard d'Australie d’aspect singulier, qui ne lui était pas encore-parvenu
- vivant, et remarquable par la présence, sur les côtés du cou, d’une large saillie membraneuse dentelée sur son bord supérieur, repliée sur elle-même à la manière d’un éventail et appliquée, à l’état de repos, le long du cou, autour duquel elle forme une sorte de collerette. Ce curieux lézard est le Cldamydosaure de King (Chlamydosaurus Kin-gii, Gray). Les deux moitiés de cette collerette sont en continuité sous la gorge, mais séparées du côté dorsal, où elles chevauchent légèrement l’une sur l’autre. Chacune d’elles consiste en un repli de la peau recouvert de grandes écailles caré-
- Fig. 1. — Appareil photographique de poche.
- Fig 2. — Spécimen d’une photographie obtenue avec l’appareil ci-dessus.
- chaque cliché.
- nées, et soutenu de chaque côté par un épaississement sous-cutané ayant l’apparence du cartilage, ainsi que par une tige osseuse dépendant de l’os hyoïde, et qui est comprise entre les deux lames du repli. Des muscles particuliers déterminent les mouvements de cet appareil que l’animal peut ainsi étaler ou reployer sur lui-même. Nous ne pensons pas cependant qu’il puisse le déployer dans sa plénitude, le nombre des rayons qui le_ soutiennent étant trop restreint, et les observations faites à la Ménagerie nous confirment dans cette manière de voir. Notre lézard, en effet, a parfois redressé sa collerette lorsqu’on cherchait ale saisir, mais toujours très incomplètement.
- Nous manquons de renseignements positifs sur le rôle que jouent ces replis cutanés; mais comme ils sont de même nature que ceux qu’on observe sur les côtés du corps chez d’autres Laurtiens, tels que les Dragons, par exemple, ou chez certains Mammifères, comme les Chauves-souris, les Phalangers volants, etc., on peut présumer qu’ils servent à des usages analogues
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- Le Chlamvdosaure, <1 apres l'individu de la ménagerie des reptiles au Muséum d’hisloire naturelle, à Paris.
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- LA. NATURE.
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- et qu’ils constituent un appareil accessoire de locomotion en rapport avec les mœurs et le régime du Chlamydosaurc. Effectivement, ce lézard est essentiellement arboricole ; l’individu que nous avons pu observer était constamment perebé, et il est probable qu’au moment où il s’élance d’une branche à l’autre, il déploie sa collerette, qui lui sert en quelque sorte de parachute et qui s’étale en partie d’elle-même, comme le fait une ombrelle à demi ouverte que l’on abaisse vivement en la tenant par le manche. D’un autre côté, il se nourrit principalement d’insectes, et peut-être les saisit-il au vol en s’élançant sur eux et se servant de sa collerette pour accroître et régler l’amplitude de ses bonds.
- Notablement plus fort, et surtout beaucoup plus élancé que le lézard oullé du midi de la France, le Chlamydosaure peut atteindre une longueur totale de 80 centimètres, depuis le museau à l’extrémité de la queue, qui est très longue. Ses membres sont robustes et ses griffes recourbées et acérées, comme il convient à un animal grimpeur. Ses mouvements sont agiles et empreints d’une certaine brusquerie. Au repos, il s’appuie ordinairement sur son train de derrière, et se dressant sur ses pattes antérieures en relevant fortement la tête, qu’il tient immobile, il semble en observation.
- Il paraît absolument inoffensif, et jamais il n’a essayé de mordre lorsqu’on cherchait à le saisir.
- Pendant trois semaines que notre spécimen est resté à la Ménagerie, il a obstinément refusé toute espèce de nourriture, bien que les gardiens se soient ingéniés à lui offrir tout ce qu’ils supposaient devoir exciter son appétit, et au bout de ce temps, il succomba.
- Sa coloration est terne, d’un brun pâle en dessus, plus clair sous le ventre, avec des taches irrégulières plus foncées sur le dos et les membres, et des anneaux presque noirs autour de la queue. Les dents de sa collerette sont blanches à leur extrémité et, à distance, semblent deux rangées de perles.
- Au point de vue des affinités zoologiques, le Chlamydosaure est assez éloigné de nos lézards de France et appartient à la famille des Agamiens, qui possède à peine quelques représentants en Europe et aucun en Amérique. La seule espèce connue du genre est celle dont nous venons de parler, le Chlamydosaure de King, que l’on n’a rencontré jusqu’ici qu’en Australie et dans quelques îles au nord de ce continent. F. Mocquard.
- LE REFOULEMENT DES EAUX POTABLES
- DE LA CHAUX - DE - FOADS EN SUISSE1
- Il était hardi de songer à faire dépendre toute l’alimentation en eau potable d’une ville de 25 000 habitants, d’un refoulement à 500 mètres, c’est-à-dire, de l’établissement d’une conduite devant résister à une pression constante de 50" atmosphères dans sa partie inférieure,
- 1 Yoy. n° 753, du 3 décembre 1887, p. 7.
- et de pompes devant travailler sans interruption avec cette même pression dans leurs cylindres.
- La Nature décrivait, dans son numéro du 4 septembre 1886, l’installation du Mont-Chauve, où il s’agit d’une élévation de moins de 54 litres par minute, à 515 mètres de hauteur, tandis que celle que nous signalons aujourd’hui effectue le refoulement de 2000 litres par minute à 497 mètres. D’ailleurs ce chiffre de 2000 litres peut être porté déjà aujourd’hui à 5000 et le sera dans la suite à 6000 litres.
- 11 est néanmoins intéressant de faire un rapprochement entre ces deux installations. Il fait voir, en effet, que le problème du refoulement à grande hauteur, qui a eu ses détracteurs, même parmi les techniciens, est susceptible d’être résolu avec de grandes variations dans les moyens à appliquer.
- Les appareils que nous allons décrire sortent des ateliers de la maison Escher, YYyss et Cic de Zurich, sauf
- Fig. 1. — Figure théorique d’un des doubles-corps de pompe montrant comment le mouvement est communiqué aux deux pistons. — AB, corps do pompe. — PP, piston. — TT, Tringles de communication du mouvement. — EE, presses-étoupes. — D, bielle directement articulée sur l’axe de la turbine.
- la conduite de refoulement, qui a été forgée par l’usine Thyssen et Cie à Mülheim-sur-la-Ruhr.
- Les turbines sont du système Schwambrug à grande vitesse. Elles ont 5 mètres de diamètre et font 58 tours par minute. Leurs axes sont horizontaux, et elles reçoivent l’eau motrice (à 5 atmosphères de pression) par le bas, à l’intérieur même de la jante à palettes. Chacune d'elles actionne quatre pompes à simple effet, mais réunies par groupes de deux sur le même bâti de fonte. L’un des pistons communique son mouve- j q 'Z'Nrl~
- ment à l’autre, à l’aide {
- de deux fortes tringles „• a n , , , <
- , . ° Fig. z. — Croquis montrant Informe
- parallèles extérieure- des pistons plongeurs,
- ment à l’axe du cylindre
- (fig. 1). Les bielles des deux corps de pompes sont directement articulées sur l’arbre de la turbine, de telle manière que les quatre phases de refoulement se succèdent régulièrement, en empiétant les unes sur les autres. 11 y a donc toujours la même quantité d’eau refoulée dans un élément de temps. Les pistons ont reçu une forme particulière : la coupe axillaire de leur partie terminale est ogivale (fig. 2). Leur action sur le liquide des cylindres est ainsi rendue plus douce.
- A chaque coup de piston, les soupapes livrent passage à 4 1/2 litres d’eau; cependant elles n’ont qu’un jeu de 5 millimètres et fonctionnent silencieusement. Une turbine chasse donc 18 litres par tour de roue ; comme elle fait 58 tours par minute, il y a 1000 litres d’eau élevés dans cet espace de temps.
- On comprend la nécessité qu’il y avait d’éliminer toutes les causes de coups de bélier. La commission des ingénieurs experts a longtemps discuté sur les moyens à employer, pour rendre uniforme le mouvement de l’eau dans la conduite ascensionnelle. On proposait une sorte de réservoir d’air différentiel, construit sur les mêmes principes que l’appareil dont M. Desgoffes s’est servi, pour mesurer approximativement de très hautes pressions;
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- mais il eût. fallu employer des cuirs emboutis occasion- j liant des frottements considérables et demandant des pressions additionnelles de 2 ou peut-être même 5 atmosphères, pour laisser les pistons céder à la poussée. La commission des experts a donc renoncé à cet appareil et s’est décidée à utiliser le simple réservoir à air. Il était cependant dangereux d’emmagasiner en permanence un gaz comprimé à 50 atmosphères. On a résolu la difficulté en donnant aux réservoirs une résistance énormément supérieure à l’effort qu’ils doivent supporter. Ils sont en acier forgé de G centimètres d’épaisseur; leur capacité est d’environ 200 litres.
- 11 fallait craindre aussi de voir l’air se dissoudre rapidement dans l’eau à cette pression, et l’on ne pouvait songer à l’établissement de pompes d’alimentation re- I foulant de l’air à 50 atmosphères. Voici l'ingénieuse disposition qui supplée à ces dernières : La conduite de refoulement est prolongée par un tube métallique qui vient s’ouvrir à la partie inférieure d’une espèce de bouteille d’acier forgé, d’une contenance de 650 litres renfermant de l’air, qui se comprime par la pression de l’eau de la conduite. Comme la bouteille est placée à environ 5 mètres en contre-bas des réservoirs, la pression y est de presque une demi-atmosphère plus forte que dans ces derniers. Des tubes métalliques mettent en
- communication la bouteille avec les ré-servoirs. Il suffit alors d’une simple manœuvre de robinets pour provoquer un écoulement d’air de la première dans ces derniers.
- On a d’ailleurs donné aux réservoirs une disposition intérieure spéciale ayant pour but de maintenir autant que possible la même eau en contact avec l’air. Cette eau se sature une fois pour toutes, et la disparition du gaz ne dépend plus alors que du renouvellement du liquide. On est arrivé ainsi à maintenir plus longtemps qu’on ne le pensait la constance du volume d’air. On surveille les réservoirs à l’aide de tubes de niveau identiques à ceux des chaudières à vapeur.
- La conduite de refoulement est en tôle de fer corroyée. Les joints sont formés par des brides vissées à chaud sur le tuyau. Ces brides sont percées de 12 trous dans lesquels passent les tiges d’autant de boulons (fig. 5). L’étanchement est obtenu par l’interposition entre les deux brides d’un anneau de caoutchouc que le serrage des boulons comprime dans une rainure ad hoc. La conduite a 1390 mètres de longueur et 25 centimètres de diamètre intérieur. Dans sa partie inférieure la tôle a 12 millimètres d’épaisseur, puis viennent des tronçons qui n’ont que 10, 8 et 7 millimètres d’épaisseur.
- On a tenu compte des variations de longueur que pouvait subir la conduite, par suite des changements de température, en établissant 4 points de dilatation. Ce sont des raccordements par emboîtement rendus étanches, à l’aide de simples presse-étoupes.
- Aujourd’hui trois turbines avec leurs jeux de pompes sont installées et cheminent régulièrement. Deux d’entre elles travaillent jour et nuit, la troisième est de réserve. Les fondations de la « halle aux turbines » sont déjà ter-
- minées pour l’établissement de quatre autres de ces machines, qui se poseront au fur et à mesure des besoins.
- Telle qu’elle est décrite ici sommairement, toute cette installation mécanique fonctionne admirablement depuis le 8 novembre 1887. L’avenir nous apprendra quels peuvent en être les points faibles et si les supputations des constructeurs sur la durée des divers organes ne sont pas entachées d’optimisme. Auguste Dubois,
- Licencié ès sciences.
- LE CANAL D’ÀNYERS AU RHIN
- On sait que le Rhin a été l’objet de travaux considérables qui ont augmenté notablement la sécurité et l’importance de sa navigation.
- De vastes poi ls établis aux confluents du Neckar, du Mein, de la Ruhr, lui assurent un trafic très important, et notamment celui des charbons de la ’Westphalie à destination de l’intérieur et de la Hollande. Le canal maritime qui doit mettre en communication les ports de la mer du Nord avec ceux de la Baltique est appelé à accroître les débouchés du Rhin. De nouveaux projets proposés par diverses chambres de commerce doivent attirer notre attention, car ils tendent à faciliter singulièrement la concurrence acharnée que nous font les produits allemands sur les places étrangères et même sur nos marchés intérieurs. L’Allemagne a fait de grands sacrifices pour atteindre par le Saint-Gothard le port de Gênes et accroire son commerce dans la Méditerranée. On lui demande aujourd’hui de relier le port d’Anvers au Rhin par un canal qui lui apporterait économiquement les produits des régions allemandes les plus industrielles. La chambre de commerce de Francfort, dans un rapport très étudié et adressé au ministre du commerce de Prusse, expose l’utilité qu’il y aurait à relier Anvers au Rhin par une bonne voie navigable, et insiste pour que les travaux nécessaires à la réalisation de ce projet soient exécutés. La partie belge de cette voie est construite depuis longtemps : c’est le canal de la Campine. Son prolongement dans le Limbourg hollandais est à peu près achevé et rejoint le canal de Maastricht à Bois-le-Duc. La chambre de commerce de Francfort demande que le canal soit poursuivi par Yenlo jusqu’à la frontière prussienne (pour ce qui concerne la Hollande) et au delà par les soins du gouvernement allemand sur son territoire. Des arrangements ont déjà été pris entre ces deux puissances, autorisant la Prusse à construire à ses frais le tronçon qui , manque dans le Limbourg hollandais. On voit par ce sacrifice combien les Allemands attachent de prix à une ligne qui les mettrait en relation directe avec le port d’Anvers. Les instances nouvelles du commerce de Francfort hâteront sans doute la réalisation du projet. Ce nouveau canal réunira directement le Rhin aux canaux belges, hollandais et français, et facilitera l’arrivée des charbons allemands jusqu’à Paris. La distance du transport, qui est actuellement de 327 kilomètres, sera raccourcie de 137 kilomètres; elle ne sera donc plus que de 190 kilomètres. Une autre voie navigable, réclamée par la chambre de commerce de Mulheim, devrait réunir le Rhin et la Meuse. Ce projet rapprocherait également tout le district industriel de la Prusse occidentale des ports hollandais, belges et français. Les avantages de ces projets, au-point de vue allemand, sont tels que leur adoption dans un temps plus ou moins éloigné ne paraît pas faire doute1.
- 1 D’après le Journal des chemins de fer.
- Fig. 5. — Coupe axillaire d’un joint de la conduite de refoulement.— B, brides vissées à chaud sur le tuyau.— e, anneau de caoutchouc.
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- LA NATURE
- LA MECANIQUE DES JOUETS
- LES XOUVEA1TÉS DU JOUR DE l’an 188 8
- Ne laissons pas passer le jour de l’An sans jeter un coup d’œil rapide sur les productions de l’industrie parisienne qu’il vient de faire éclore, sur ces bibelots ven-dus quelques sous, et destinés à apporter la joie, dans le monde des cillants, en meme temps qu’un bien être momentané dans une classe intéressante de notre population ouvrière. llàtons-nous, car seul attrait ne résidant, que dans leur nouveauté, la vogue en est souvent é p h é-mère, et le joujou préféré d'aujourd'hui sera demain peut-être com p 1 ètemen t d é I a i ssé.
- Voici la toupie locomotive (fig. 1) tournant au-
- tour d’un disque circulaire horizontal: ce disque est fixe, et la toupie, reliée à un plateau mobile superposé à ce dernier, entraîne ce plateau mobile dans son mouvement circulaire, par suite du roulement de sa tige contre le bord du disque inférieur; le mouvement est le même que si la toupie portait un
- pignon denté et que le disque fixe fût également muni de dents d’engrenage. Ce mouvement nous rappelle celui de la locomotive routière, avec cette différence que le volant de la locomotive tournait autour d’un axe, horizontal. Afin de donner à la toupie un poids suffisant, on a garni son intérieur d'un anneau de plomb ; elle porte de plus des trous destinés au passage de l’air qui, lorsqu’elle tourne, produit un bruit analogue a celui du sifflement d’une locomotive, la* plateau tournant porte les voilures d’un train de 'chemin de
- leur
- Fig. 1. — Toupie locomotive.
- L’oiseau mécanique. (Echappement à boules,
- fer, qu’il entraîne avec lui dans le rapide mouvement de rotation communiqué par la toupie.
- Le petit oiseau que vous voyez sautiller sur son perchoir (fig. 2) emprunte son mouvement à des fils de caoutchouc tordus, puis abandonnés à eux-mê-
- Kig. 3. — Tortue mécanique sur tambour rotatil.
- mes. Ce genre de moteur est aujourd’hui très usité dans les jouets mécaniques à bon marché. La traverse portant l’oiseau est solidaire d’un axe vertical pouvant tourner dans le pied de l’appareil, par suite de la torsion du caoutchouc; le haut de cet axe
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- LA NATURE.
- formant tourillon, est maintenu par un cercle métallique vertical. Le caoutchouc, en se détordant, donnerait à l'axe, et par suite à l'oiseau, un mouvement de rotation continu et non plus le mouvement saccadé de sautillement que l’on se propose
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- d’obtenir. Mais ici intervient l'application d’un ingénieux échappement d’horlogerie, déjà décrit dans La Nature, à propos d’une pendule'.
- Une tige horizontale, un peu plus courte que le rayon du cercle métallique, est fixée sur l’axe ver-
- Fig. 4. — Les jouets acoustiques. Nos 1 et 2. — Le cri du Bulgare. N°* 5 et 4. Le cri-cri.
- tical, à l'opposé de l’oiseau; un fil assez court, attaché a son extrémité, porte une petite boule pe-
- Fig. 6. — Le cercueil à aiguille.
- tourne, le fil devenu horizontal rencontre un des côtés du cercle, et s’y enroule par suite de la vitesse acquise; la boule une fois au repos, son poids la fait descendre, et le fil qui, attachait momentanément la traverse au cercle, venant à se dérouler, l’axe vertical entraîne avec lui l’ensemble de l’oiseau, de
- Fig. 5. — L'Évadé de Clermont. Bonhomme de papier glissant au moyen d'une bille.
- santé (un grelot, dans le cas qui nous occupe). La force centrifuge chassant la boule lorsque l’axe
- Fig. 7. — Le crayon à pointes.
- la tige et de la boule, et exécute une autre demi-rotation. Le mouvement continue jusqu’à ce que le caoutchouc n’ait plus la torsion suffisante.
- La tortue (fig. 3) a un mouvement encore plus
- 1 Vuv. n" 008. dit 10 janvier 1885, p. 85.
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- LA NATURE.
- simple. Un tient à la main une licelle qui semble la tenir attachée, et qui, pénétrant par un trou pratiqué dans la carapace, est enroulée sur un tambour cylindrique évidé, supporté par deux lils de caoutchouc et roulant sur le sol. Eu tirant sur la licelle, on la déroule de dessus le tambour, le caoutchouc se trouve tordu, et son mouvement de détente permet à la tortue de marcher, ou mieux de rouler en avant dès que la licelle est abandonnée, ce qui permet à cette licelle de s’enrouler sur le tambour.
- Un mot seulement du bruyant cri du Bulgare (lig. 4, uÜS 1 et 2), qu’il serait difficile de passer sous silence. On se rappelle les petits téléphones à licelle, vendus sur les boulevards, et composés chacun d’un cylindre métallique fermé par une membrane; un fil tendu reliant ces deux membranes servait à transmettre la parole. Ce jouet n’ayant pas réussi, pour une cause qui nous échappe, on a coupé la licelle dont la longueur a été réduite, et, en frottant contre elle la main enduite de résine, on a tiré de cet instrument les sons barbares et discordants que nous avons encore présents à l’oreille.
- Le cri-cri (lig. 4, nos 3 et 4), qui a valu à son inventeur une fortune, était, lui aussi, un bizarre échantillon des jouets bruyants, dont on ne peut expliquer le succès ; le craquement qu’il faisait entendre s’obtenait en appuyant sur une petite lame d’acier bombée par un coup de pointeau, et ramenée indéfiniment, par son élasticité, à sa forme primitive. Mais, puisqu’il semble dormir maintenant dans l’oubli, gardons-nous de le réveiller.
- Passons sur la machine à coudre, petit chef-d’œuvre de bon marché, vendue 30 centimes, ainsi que sur la trompette en bois, imitant la voix d'enfant qui pleure, et destinée aux voyageurs désireux de rester seuls en chemin de fer; disons un mot, pour terminer, d’une amusante application du crapaud a billes métalliques, employé dans l’industrie pour le déplacement des engins pesants.
- Tous les petits garçons vous diront que, au cours du jour, ils achètent seize billes pour un sou. Comment s’y prenait donc l’industriel dont la boutique était assiégée ces jours-ci par le public, et qui vendait une seule bille trois sous, accompagnée d’un petit bonhomme en papier découpé, vu de dos (fig. 5, n° 1) dont on pourrait en avoir cinquante pour cinq centimes? Notre dessin indique suffisamment la disposition de l'évadé de Clermont, pour nous dispenser d’une explication détaillée. Remarquez seulement que le chapeau du personnage (fig. 5, n° 2) est un peu moins haut que le diamètre de la bille ; celle-ci tourne librement dans le chapeau, dans lequel elle est maintenue par une rondelle de papier, mais cette rondelle, évidée à son intérieur, permet à la bille de rouler sur une surface plane, telle qu’une feuille de carton, par exemple, sur laquelle on pose la petite figure (fig. 5, n° 3).
- En donnant au carton une inclinaison imperceptible, la bille se met en mouvement dans tous les sens, suivie par le petit bonhomme dont les allées
- et venues intriguent fort les personnes non initiées à ce truc ingénieux.
- Faites sortir de son cercueil.... (ici le nom d’une actrice à la mode ou d'un homme politique) ; vous prenez le petit cercueil métallique des mains du marchand, et, apercevant un bouton saillant à son extrémité, vous vous empressez de le pousser; à ce moment, vous ressentez au doigt une piqûre d’aiguille (lig. 0) ; celle-ci est fixe et sa pointe vient affleurer le bouton à ressort, qui est creux ; cette plaisanterie assez vulgaire vient pourtant, il nous faut bien l’avouer, d’être accueillie avec enthousiasme ; c’est par milliers que se sont vendus les petits cercueils, dont le succès, consacré par le public parisien, ami des enfantillages, va maintenant se répercuter en province et a l’étranger.
- Et pourtant, cette farce de l’aiguille n’était pas nouvelle. Dans notre enfance, à l’école, nous logions deux aiguilles dans un bout de crayon veuf de sa mine (lig. 7) ; deux fils attachés aux tètes des aiguilles venaient déboucher au dehors en traversant un trou pratiqué sur le côté du crayon. On priait un camarade naïf de tenir les deux extrémités du crayon entre le pouce et l’index, en le priant de serrer très fort, et, tirant sur les fils, on faisait sortir au dehors les pointes des deux aiguilles, qui le forçaient à là-cher promptement l’appareil. Vous voyez que, bien que présentée d’une façon moins industrielle, notre plaisanterie était tout aussi.:, piquante.-
- Arthur Good.
- CHRONIQUE
- Les grands travaux de Buenos-Ayres. — La
- capitale de la République Argentine est sur le point de se transformer. Il s’agit de la démolition d’une partie de la ville et de la construction de 7 boulevards diagonaux, raccourcissant beaucoup les distances du centre de la ville à ses extrémités. Ce projet a été agréé par le Conseil délibérant et le Pouvoir exécutif. On n’attend plus que le vote du Congrès. On parle de deux Compagnies, l’une française et l’autre anglaise, qui seraient disposées à prendre ces travaux à leur compte, quand l’emprunt municipal de 20 000 000 de piastres sera voté ainsi que la loi d’expropriation. Une Compagnie française est aussi en pourparlers pour la construction d’un Métropolitain qui aurait des proportions grandioses et rendrait de grands services aux habitants.
- En effet, il résulte des travaux de recensement qui viennent d’avoir lieu, que la' population ouvrière habite des logements si restreints et si insalubres, que l’hygiène et la salubrité publiques en sont affectées. D’autre part les travaux publics afférents aux voies ferrées vont prendre une extension énorme, si toutes les concessions accordées sont menées à bien. Les travaux du port à créer devant Buenos-Ayres n’en sont encore qu’aux préliminaires. La question des égouts collecteurs va entrer en ligne, la loi récemment votée venant d’être promulguée.
- Fleurs s’épanouissant la nuit. — Certaines Heurs, on le sait, ne s’épanouissent que la nuit et se ferment au jour; toutefois ce n’est que parmi les arbustes ou les plantes herbacées que ces faits avaient été observés jus-
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- LA NATURE.
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- qu’à ce jour; on vient de découvrir près de Bombay, dans ] l’ile de Goa, un arbre présentant les mêmes phénomènes.
- Ce n’est que lorsque le soleil est eouelié que les Heurs s’épanouissent en répandant un parfum des plus agréables ; dès l’aurore certaines tleurs se fanent et tombent, d’autres se ferment.
- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 9 janvier 1888. — Présidence de M. Janssen.
- Le poison pulmonaire. — Revenant sur un sujet qui l’a déjà occupé plus d’une fois, M. Brown-Séquard décrit aujourd’hui des expériences qui lui ont démontré la présence dans l’air expiré d’une substance extrêmement toxique. Il a recueilli le liquide produit par la condensation des vapeurs sortant des poumons à la suite de leur passage dans un serpentin convenablement refroidi, puis il a administré ce liquide à des lapins tantôt en injection intraveineuse, tantôt en injection hypodermique. Les résultats ont été extrêmement concluants, surtout si l’on se rappelle que M. Boucheron a démontré qu’un lapin supporte sans trouble aucun l’injection de l’eau pure dans son sang jusqu’à l’énorme quantité de 90 grammes par kilogramme de son poids. Il a suffi, au contraire, de 10 grammes par kilogramme du liquide de condensation pulmonaire pour amener rapidement la mort à la suite d’accidents très caractérisés, tels que l’hémorrhagie pulmonaire identique à celle qui est consécutive aux lésions du pont de Varde, tels que l’emphysème du poumon distendu d’une manière extraordinaire, etc. À dose beaucoup moindre, les désordres sont déjà très graves. L’injection sous-cutanée est remarquablement funeste : administrés de cette façon, 20 centigrammes seulement du liquide toxique ont amené, en sept heures, la mort d'un" lapin de 1800 grammes.
- Nouvelle station humaine de Page de la pierre aux environs de Paris.—Notre actif confrère, M. le l)r Emile Rivière, signale une grande accumulation de silex à peu de distance de la station humaine qu’il a découverte lui-même l’an dernier dans les bois de la commune de Cha-ville (Seine-et-üise). Elle est située à 1 kilomètre environ de la précédente, mais sur la commune de Ville-d’Avray, dans les bois de Fausses-Reposes, dont elle occupe un espace assez restreint à peu de distance du Chemin de la Justice. Ici, d’ailleurs, le site n’est plus le même; il ne s’agit.plus d’un plateau, mais de pentes peu prononcées conduisant à cette partie du bois d’où l’on domine les étangs de Ville-d’Avray. C’est en plein bois, ainsi que dans les sentiers qui entourent, au nord et à l’est, cette nouvelle station que l’auteur a trouvé à la surface du sol et dans les mêmes conditions qu’à Chaville, de nombreux silex taillés ou éclatés par la main de l’homme préhistorique. Ces silex y étaient même tellement abondants que certain jour, dans une seule après-midi, il n’a pas recueilli moins de cent trois pièces, bonnes ou mauvaises, éclats ou instruments entiers ou brisés. Il est vrai de dire que ce jour-là la pluie tombait avec une certaine intensité et que, par suite, l’eau dont les silex étaient recouverts leur donnait un aspect brillant qui facilitait grandement les recherches, en permettant de les distinguer aisément sur la terre détrempée. Depuis cette époque, M. Rivière est retourné à maintes reprises dans cette même partie du bois et il a pu y recueillir ainsi plusieurs centaines de silex parmi lesquels de petites lames, toutes brisées à l’époque où elles ont été abandonnées sur le sol, sans
- retouche sur leurs bords, mais ayant, pour la plupart, leur bulbe de percussion. Dans cette station de Fausses-Reposes, de même que dans celle de Chaville, il n’y a pas eu de fouilles à faire, tous les silex reposant sur le sol ou en émergeant par une de leurs extrémités. Plusieurs tranchées, ouvertes l’été dernier par l’administration des forêts au même endroit ou dans le voisinage, ont permis de constater que lorsque, par hasard, les silex étaient engagés dans le sol, ils ne dépassaient jamais une profondeur de 4 à 5 centimètres. Aucun ossement d’hommes ou d’animaux n’accompagnait ces silex.
- Nature microbienne de l'anthrax. — 11 résulte, des observations cliniques et des expériences de M. le docteur Verneuil, que les accidents consécutifs au furoncle et à l’anthrax et qui peuvent aller jusqu'à la mort, résultent de l’empoisonnement du malade par le microbe caractéristique de ces affections locales, le Slaphylococcus aurais, pénétrant dans le torrent circulatoire. Déjà, en 1880, M. Pasteur, retrouvant ce même microbe dans l’ostéomyélite infectieuse qui fait tant de ravages parmi les adolescents, avait exprimé ce fait imprévu en qualifiant cette terrible maladie d'anthrax des os; aujourd’hui, M. Verneuil reconnaît dans certains abcès profonds une nature toute semblable, et les exemples qu’il cite montrent, qu'après la guérison de l’anthrax, on persiste pendant plus ou moins longtemps dans la condition qu’il a qualifiée lui-même de microbisme latent postmorbide.
- Conditions géologiques du gisement phosphaté de Beauval (Somme).— L’étude détaillée du gisement de Reauval, rapprochée de celle de plusieurs autres localités, me permet d’éclairer l’origine et le mode de concentration du précieux minéral dans les roches dont la craie est excavée. Qu’on prenne de la craie de Beauval; il sera facile, par l’eau très faiblement acidulée, d’en séparer des grains identiques à ceux que recherchent les exploitants. Des expériences directes m’ont également montré que la forme des excavations qu’on peut creuser verticalement dans le calcaire par un fdet d’eau acidulée, varie essentiellement suivant qu’on opère de haut en bas ou dans le sens opposé. La forme en cône renversé, qui est celle des poches de Beauval, suppose une érosion émanant de la surface et non de la profondeur: c’est la même que M. Boursault a tout récemment constatée encore dans la craie magnésienne entre Laon et Ouvres (Aisne). Quant à l’origine du phosphate dans la craie, on la découvre par l’examen microscopique de lames minces. Elles montrent que le phosphate constitue pour la plus grande partie des grains arrondis dont les uns sont phosphatés jusqu’au centre, tandis que les autres sont formés d’une robe de phosphate autour de fragments crayeux. Dans les deux cas, il est manifeste qu’ils sont postérieurs au dépôt de la craie qui les empâte et qu’ils résultent d’une concrétion déterminée par l’affinité capillaire d’une substance répartie tout d’abord d’une manière uniforme au sein de la masse sédimentaire. 11 n’est aucunement légitime de faire, à l’égard du phosphate, une hypothèse générale autre que pour la silice des silex.
- Le canal de Panama. — En offrant à l’Académie cent soixante-dix-sept grandes photographies qui représentent une série de points sur le parcours du canal, M. de Les-seps annonce qu’il ira de nouveau visiter les travaux au mois de mars prochain. On va faire autour du sommet axial de l’isthme un bassin éclusé, alimenté par les eaux du Chagres, qui servira jusqu’au moment où le canal rectiligne définitif sera terminé.
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- LA NAT URL.
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- Varia. — Le dosage de l’oxyhémoglobine et ses variations dans le sang occupent M. Hénoque.— M. Relong étudie les composés oxygénés de ruthénium. — D’après M. Baubigny, l’hydrogène sulfuré ne peut aucunement, comme on l’a dit quelquefois, servir à séparer le cobalt du nickel. — Des combinaisons cristallisées de l’acide phosphorique avec le peroxyde de fer sont décrites par .MM. Hautefeuille et Margottet. — M. le capitaine Deffor-ges décrit une méthode qui permet de mesurer l’intensité de la pesanteur par le pendule, en évitant toutes les causes d’erreurs signalées jusqu’ici. Stanislas Meunier.
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- TOUPIE 1)’INI)UCT10N
- DE M. G.-CH. MANET
- Les courants induits développés dans les masses métalliques en mouvement dans des champs magnétiques sont magnifiquement mis en évidence par l’expérience classique du disque de Foucault : ils ont été appliqués à l’amortisse-ment des appareils de mesure et à quelques autres expériences scientifiques.
- Mais le disque de Foucault est assez coûteux et compliqué, aussi croyons - nous utile de signaler à nos lecteurs un appareil incom -parablementplus simple, représenté ci-contre. Cet appareil met très élégamment en évidence l’existence de ces courants d’induction, qui se manifestent par des répulsions mécaniques, paradoxales au premier abord, mais d'une explication relativement facile.
- Ce petit système construit par M. G.-Ch. Manet, fabricant d’appareils électriques de démonstration, est constitué par un disque en tôle de fer monté sur un axe et mis en rotation rapide à l’aide d’une ficelle, comme la classique toupie ronflante. Au repos, le disque de fer est attiré par un aimant en fer-à-chc-val que l’on présente en un point quelconque de sa surface; mais lorsque le disque tourne rapidement, si l’on vient à présenter un pôle quelconque de l’aimant ou les deux ensemble à sa surface, il se produit aussitôt une répulsion, et la toupie prend à l’instant une position inclinée qu’elle conserve tant que sa vitesse est suffisante. Lorsque la vitesse est au-dessous d’une certaine valeur dépendant de l’é-
- paisseur du disque, de l’aimant, de sa distance, de sa position, etc., la répulsion cesse, le disque est alors attiré et vient se coller contre l’aimant., reprenant ainsi les propriétés magnétiques du fer doux. L’explication de ce phénomène est des plus simples. Lorsque l’on approche l’aimant du disque en mouvement, ce disque tournant à grande vitesse dans le champ magnétique produit par l’aimant est le siège de courants induits d’autant, plus intenses que la vitesse de rotation est plus grande. 11 s’exerce donc une action mécanique entre le disque, siège des courants induits par la rotation, et l’aimant, origine du champ magnétique. L’équilibre du disque ne peut avoir lieu à chaque instant que si l'attraction magnétique est précisément égale à la répulsion produite par l’aimant sur les courants induits dans le disque. Comme cette répulsion est prépondérante tant que le disque a une vitesse suffisante, rien de
- plus naturel que ce fait, paradoxal en apparence, d’un disque de fer doux repoussé par un aimant. Lorsque la vitesse devient insuffisante, l’attraction redevient prépond érail te, et le disque se trouve de nouveau attiré. Si l’on présente l’aimant, non plus sur l’une des faces du disque, mais par la tranche et d ans le p1a n même du disque, les actions de répulsion ne se produisent pas, et l’on observe alors une attraction, comme si le disque était au repos. Cette expérience confirme l’explication précédente, car dans ce cas, les courants d’induction ne peuvent pas se produire, le disque se mouvant dans le plan même des lignes de force du champ produit par l’aimant.
- On peut affirmer à priori que la répulsion serait encore plus énergique en substituant un ‘disque de cuivre au disque de fer, mais l’expérience serait alors moins curieuse, car le paradoxe apparent cesserait d’exister.
- Quoi qu’il en soit, la toupie d’induction de M. Manet constitue un petit appareil de démonstration simple et élégant, qui a sa place marquée dans toutes les collections d’enseignement élémentaire.
- E. II.
- Le propriétaire-gérant : G. Tissandier. Imprimerie A. Lahure, 9, rue de Fleurus, à Paris.
- Toupie d'induction de M. ED. Manet. — Action répulsive exercée par un aimant sur un disque, de fer eu rotation.
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- N° 704.
- 21 JANVIER 1888.
- LA NATURE.
- Uô
- LA NEIGE ET LE RÈGNE ANIMAL
- Les froids de l’hiver et la présence de la neige | sur le sol exercent les plus grands ravages parmi les
- Fig. 1. — Perdreau rendu captif par la neige, dévoré par les corbeaux.
- animaux qui n’ont point d’abri. Le monde des oiseaux est particulièrement atteint par les grands froids, mais on ne saurait imaginer une cause de destruction plus extraordinaire que celle dont un de nos lecteurs, M. le comte d’Espiennes, nous envoie la description. Le fait a été observé dans les environs du château de Sey, près Ciney, en Belgique. Voici ce que nous écrit notre correspondant :
- Dernièrement mon garde-chasse me rapporta une boule de neige dans laquelle étaient prises six plumes de la queue d’un perdreau. Il me dit que cela n’était pas rare dans ce temps de grandes neiges; que les perdreaux allant dans les prairies inondées, pour tâcher 16e année. — 40r semestre
- de se réchauffer les pattes, au contact de l’eau, se mouillaient les plumes de la queue; et qu'ensuite en courant sur la neige gelée, à l’état pulvérulent, ils ramassaient cette neige, qui, en s’agglomérant, formait des boules quelquefois très grosses; qu’il avait vu nombre de perdreaux ornés de cet appendice caudal. Quand le poids de cette boule n’était pas absolument trop lourd, le perdreau pouvait s’envoler en la traînant après lui ; sinon la pauvre bête, dans l’élan du départ, y laissait sa queue, comme vous pouvez le voir par la photographie que j’ai faite à votre intention ( fig. 2 ). Le poids de la boule de neige représentée et que j’ai scrupuleusement pesée, était de 270 grammes.
- Tout récemment encore, le même garde voit, à 200 mètres de lui, un perdreau tombant de fatigue sous le poids
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- Fig. 2. — Queue de perdreau abandonnée dans une boule de neige. (D’après une photographie.)
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- LA NATURE.
- du boulet de neige qu’il traînait à la queue ; il voit des corbeaux qui se précipitent à l’endroit où la bête était tombée dans la neige, il court, mais entre temps le perdreau était dévoré, il n’en restait que la carcasse.
- Au-dessus de la reproduction de la photographie de M. d’Espiennes, nous avons cru devoir reconstituer la scène du perdreau rendu captil' et dévoré par les corbeaux (fig. 1). Il y a là un tableau émouvant des implacables lois du combat pour la vie.
- Nous ne saurions dire si les ornithologistes connaissent l’action singulière de la neige au point de vue que nous a révélé notre correspondant ; mais le fait est assurément aussi intéressant pour le naturaliste que pour le philosophe. S’il n’est pas connu, comme nous le croyons, iî montre encore une lois que la nature offre un champ d’observation et, de méditation absolument inépuisable.
- Gaston Tissandier.
- TISSUS DE TOILES D'ARAIGNÉES
- L’idée de faire des tissus avec la toile des araignées remonte aux premières années du dix-huitième siècle.
- En 1709, M. Bon, premier président de la Chambre des comptes de Montpellier, et associé honoraire de la Société royale des sciences de la même ville, envoya à l’Académie des sciences des mitaines et des bas faits de soie d’araignée. Après avoir ramassé un bon nombre de coques d'araignées, c’est-à-dire les petites boules de soie dans lesquelles les araignées enveloppent leurs œufs, il les fit battre pour en expulser toute la poussière, il les lava parfaitement dans l’eau tiède et les mit tremper dans un pot contenant de l’eau, du savon, du salpêtre et un peu de gomme arabique et fit bouillir le tout pendant trois heures. Les coques furent levées, lavées dans l’eau tiède, puis séchées. Il fit carder avec des cardes plus fines que celles habituellement employées pour la soie ordinaire, et il obtint par ce moyen un fil d’une couleur grise agréable avec lequel il fabriqua les objets qui excitèrent beaucoup d’intérêt : l’opuscule qu’il publia sur ce sujet fut traduit dans toutes les langues.
- L’Académie chargea Réaumur et un autre de ses membres de suivre de près les découvertes de M. Bon.
- Réaumur trouva que les toiles d’araignées ne pouvaient nullement servir à confectionner n’importe quel objet parce que les fils en étaient trop délicats. Il faut 90 fils d’araignée pour faire un fil de force é^ale à la soie et 18 000 pour faire un fil à coudre aussi fort que celui du Bombyx. Le savant entomologiste démontra, en outre, qu’il n’y avait que les fils des araignées des jardins qui pussent être de quelque usage ; il reconnut, enfin, qu’il fallait douze fois plus d’araignées que de vers pour fournir une même quantité de soie, de sorte que pour une seule livre (489 grammes) de soie d’araignée, il aurait fallu plus de 28 000 coques. Pour se procurer une telle quantité de coques on aurait été conduit à nourrir un nombre bien plus considérable d’araignées, puisqu’il n’y a que les femelles seules qui filent les coques pour envelopper leurs œufs. Réaumur trouva de plus que la soie d’araignée avait moins de lustre que la soie du vers et il en attribua la raison à ce que les fils qui composent la soie d’araignée sont plus délicats et plus crépés. Enfin il
- conclut qu’avec les araignées de France ce produit ne pouvait avoir aucune importance, mais qu’il serait intéressant d’étudier au même point de vue certaines espèces exotiques, notamment des araignées d’Amérique dont la taille est beaucoup plus grande et la soie plus abondante.
- Cinquante ans plus tard, en 1762, l’abbé Ramond de Termeyer fit des essais en Amérique, puis en Espagne et en Toscane, sur la soie provenant du dévidage des cocons. Ramond opérait sur les araignées vivantes et d parvint à dévider le lil en l’enroulant sur une bobine à mesure que l’insecte le sécrétait. Avec tous ses soins et sa persévérance il n’arriva à recueillir que 675 grammes de soie ainsi dévidée en trente-quatre ans (1762-1796).
- A une époque plus rapprochée, un Anglais nommé Rolt, fit de la toile de fil d’araignée obtenue de la même manière que Ramond. Vers 1845, M. Mallat a fait parvenir au Muséum d’histoire naturelle des échantillons de soie brute dévidée d’une grosse araignée de Java. Enfin, en 1867, M. Basseul, attaché à l’administration coloniale du Sénégal, a présenté à la Société centrale d’agriculture des échantillons analogues à ceux provenant des araignées de cette partie de l’Afrique.
- Nous citerons pour mémoire un négociant parisien qui, pendant vingt ans, de 1825 à 1845, a eu la patience de fabriquer des carrés hémostatiques contre les coupures.
- La question vient d’être reprise, mais cette fois plus sérieusement, par un industriel anglais, M. Stettlbers, du comté de Westmoreland, qui fabrique de la toile de fils d’araignées pour les besoins de la médecine, c’est-à-dire pour fabriquer des hémostatiques.
- Le fait est assez curieux pour être rapporté en détails ici ; je puis le faire d’autant plus savamment que j’ai contribué, pour une certaine part, dans le succès de l’entreprise, comme on le verra plus loin.
- Les araignées employées sont des araignées d’Afrique et d’Amérique de grosse race ; elles sont placées dans des cases spéciales, octogonales, où on leur sert chaque jour des insectes divers. Dans la chambre où se trouvent ces cases et où on entretient une température de 15° C., on évapore lentement un liquide composé de chloroforme, d’éther et d’alcool amylique. Je ne sais trop à quoi peut bien servir ces vapeurs enivrantes et anesthésiques. Dans une chambre de 40 mètres de long, sur 20 de large et 5 de hauteur il se trouve 5000 cases.
- Les femelles pondent des œufs diversement colorés et enveloppés d’un cocon de soie.
- Les cocons sont ramassés puis dévidés à la manière de ceux de soie ordinaire. On met dans une bassine en fonte émaillée remplie d’eau et chauffée par uu simple fourneau, une poignée de cocons. Après avoir laissé tremper ces cocons pendant une ou deux minutes dans l’eau bouillante pour les bien gonfler, on ajoute dans l’eau : 1 pour 100 de sulfophénate de zinc, 2 pour 100 de sul-foricinolate d’ammoniaque et I pour 100 d’acide sulfo-glvcérique.
- On maintient l’eau à 90 degrés. Au moyen d’un petit balai en chiendent, on frotte sur les cocons en tous les sens pour en enlever la bourre. On dévide alors le cocon sur le tour à dévider et les opérations se suivent comme à l’ordinaire.
- Un cocon donne 120 à 150 mètres de lil. Il faut 25 000 coques pour faire 1 kilogramme de soie. Un kilogramme de fil de cette soie mesure donc en longueur 5 250 000 mètres.
- Le moyen de tisser est tenu absolument secret et je n’en connais nullement le moindre détail.
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- La toile une fois finie ressemble assez à la soie ordinaire, elle est male et bourrue et gris sale. D’ailleurs, sa couleur n’est pas uniforme. Il faut la blanchir.
- Voici la méthode que j’ai fait employer à ce sujet :
- La toile est mise dans un bain composé d’eau additionnée de 1 pour 100 de bioxyde de baryum et de 1 pour 100 de silicate de soude.
- L’eau oxygénée se forme lentement comme l’a indiqué M. Jacobsenet le tissu se décolore très bien. Après deux jours l’action est terminée. Ce traitement a rendu le tissu rugueux. Pour l'assouplir, on le fait passer dans des bains de sulforicinolate d’ammoniaque. La soie d’araignée est ensuite tannée pour lui donner de la force, ce qui se fait en la faisant tremper à la température de 40° C. dans un bain composé de tanins et astringents minéraux.
- La soie prend une belle teinte jaune, se gonfle un peu, devient plus lisse et plus brillante et au moins cinq fois plus résistante. Ce tannage dure cinq jours.
- On rince à l’eau tiède puis dans une eau au ricinolate d’ammoniaque pour assouplir.
- C’est ainsi qu’est fabriqué Yhemostalic Stitllbers.
- La chose est assez curieuse pour être rapportée; je doute des bénéfices de l’exploitation, cette soie revenant au moins à ‘2000 francs le kilogramme. Villon,
- Ingénieur chimiste.
- LES TRAVAUX DU CANAL DE PANAMA
- Une modification importante vient de se produire dans le mode d’exécution du canal de Panama, et la Compagnie annonce que pour arriver plus sûrement a son but qui est la construction d’un canal à niveau tel qu’il a été défini et voté par le Congrès international de 1879, elle se dispose à employer comme moyen provisoire des biefs éclusés qui lui permettront d’ouvrir plus rapidement un passage aux navires, et d’opérer l’achèvement des déblais par voie de dragage pendant l’exploitation elle-même.
- Les ingénieurs et surtout le public se demandent volontiers les raisons de cette décision et sont curieux de savoir comment le nouveau projet adopté fournira la solution de cette question dont l’intérêt matériel est considérable, dont l’importance humanitaire passionne,- et à laquelle le grand nom de Ferdinand de Lesseps conquiert un respect et une attention sympathiques.
- Nous allons tenter de le faire comprendre en dehors de toute considération financière proprement dite. Nous laissons volontiers de côté, d’ailleurs, ces considérations. L’œuvre est française et le nombre est grand de ceux qui, à défaut de science ou d’existence généreusement dépensée, ont apporté à ce grand travail un concours pécuniaire large ou modeste, mais convaincu et sans arrière-pensée. Ceux-là souhaitent seulement que cette large besogne soit accomplie et ne veulent pas que les grosses machines de l’isthme mises en mouvement par des mains françaises restent immobilisées, semblables à de formidables canons encloués devant la barrière de terre et de rocs qui sépare les deux Amériques. Ils ont raison. Et M. Eiffel, a augmenté leur espoir en jetant
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- son expérience et son énergie personnelle dans la balance hésitante.
- C’est là la grande œuvre dont M. Eiffel s’est chargé et pour la réussite de laquelle il présente toutes garanties, soit aux yeux de la Compagnie, soit à ceux du public. Mais il fallait que quelqu’un eût assez d’autorité pour répondre de l’exécution, en temps voulu, de ces écluses qui franchiront les 115 mètres dehauteur de la fameuse grande tranchée de l’isthme, à Emperador et à la Culebra. M. Eiffel seul pouvait entreprendre un pareil travail: il l’a entrepris. Son résultat sera l’établissement d’une communication provisoire effective entre les deux océans ; il permettra de pourvoir à un commencement d’exploitation au cours duquel le projet primitif de canal à niveau sera poursuivi et achevé.
- Nous reviendrons plus loin sur la question de l’achèvement des travaux de terrassements et celle de l’aménagement des eaux qui reste en dehors de la tâche qui lui est dévolue, mais, dès à présent, ce qui intéresse surtout est de savoir ; 1° que la Compagnie de Panama n’a pas renoncé à la solution large et grandiose du canal à niveau ; 2° que tous les travaux déjà exécutés entrent dans le nouveau projet comme partie intégrante; o° que la modification importante consiste uniquement dans une étape provisoire marquée par l’emploi des écluses ou travaux d’art.
- On va pratiquer une brèche dans la muraille naturelle si solidement établie; puis on l’élargira à loisir. La solution est logique et rationnelle.
- Examinons sommairement ce qui a été fait, ce qui reste à faire et ce que l’on va faire tout d’abord. Ces grandes lignes posées, il sera aisé et intéressant de revenir sur les détails d’exécution de la plus gigantesque entreprise que les hommes aient jamais pu concevoir et réaliser.
- Projet primitif: exposé sommaire. — Nous n’avons qu’à nous reporter aux pages si intéressantes écrites pour les lecteurs de La Nature par M. Maxime Hélène dans ses notices sur le Percement de Panama, et par M. Albert Tissandier, dans Six mois aux Etats-Unis. Nous y voyons clairement exposés les débuts de l’entreprise. Le canal à niveau conçu tout d’abord, en y comprenant le chenal à draguer dans le Pacifique jusqu’à Plie de Naos, avait un parcours total de 74 kilomètres et une largeur de 22 mètres au plafond donnant 40 mètres au plan d’eau et une profondeur de 8m,50 à 9 mètresi.
- Il fut divisé en cinq sections ayant une longueur proportionnée aux difficultés du terrain, soit en partant de l’Atlantique environ : 26, 18, 9, 4,17 kilomètres. Les deux premières divisions comportant les chantiers de Colon, Gatum, B° Soldado, Taver-nilla, San Pahlo, Gorgona et Matachin, sont établies sur le versant de l’Atlantique dans les parties basses de la vallée du Chagres.
- La troisième et la quatrième division sont établies
- 1 Voy. La Nature, 1882, 2° semestre, table des matières; Voy. aussi les Nouvelles routes du globe (G. Masson, éditeur),
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- LA NATURE.
- sur le massif central des Cordillères, à la ligne de partage des eaux entre les deux océans : là se trouvent les chantiers d’Obispo, d’Emperador et la Cu-lebra, le fameux chantier de la grande tranchée avec ses monstrueux obstacles variant de la cote -h 60 à la cote -f- 115 mètres. Tout ce que l'art de l'ingénieur et l’expérience de l’entrepreneur ont conquis dans leur tâche civilisatrice a été mis en jeu dans la grande bataille livrée sur ce point.
- La cinquième division établie sur le versant du Pacifique descend jusqu’à la mer par la vallée du Kio-Grande et comprend trois sections : Paraizo, Corozal et la Boca.
- Ces cinq divisions ont été attaquées d’ensemble avec une remarquable vigueur. Il s’agissait d’enlever un cube total maximum pouvant s’élever à 155 millions de mètres cubes. 50 millions de mètres cubes ont déjà disparu et il est juste de remarquer, ce que .ne font naturellement pas les adversaires systématiques de l’entreprise, que dans ce chiffre important figurent 8 millions de mètres cubes arrachés aux difficiles tranchées d’Emperador et de la Cule-
- bra, c’est-à-dire du granit, des roches éruptives et cristallisées contre lesquelles a du s’exercer la puissance des explosifs modernes les plus énergiques. Entre ces murailles de rochers existent des niasses d’alluvions argileuses, des couches schisLeusesà bancs horizontaux glissant les uns sur les autres.
- C’est principalement l’excavateur qui aura raison de cette nature de terrains, grâce à une sorte de stratégie dont nos ingénieurs et nos entrepreneurs auront approfondi le secret sur les chantiers de Panama. Ces énormes dragues terrestres dont les godets, soit isolés à l’extrémité d’un bras de levier, soit disposés en chaîne comme dans les dragues marines, enlèvent à chaque morsure presque le contenu d’un tombereau ordinaire, équivalent à une armée de travailleurs. Mais c’est une armée île travailleurs infatigables, insensibles aux intempéries, condition précieuse sous une latitude où les forces humaines s’énervent, où l’activité des ouvriers les plus énergiques subit une atténuation forcée en restant cependant suffisante pour diriger et régulariser le travail de ces puissants outils.
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- Terrains tendres f I Terrains demi-durs Roches dures
- Fig. 1. — Profil eu loug du canal de Panama.
- Il existe dans l’isthme de bons modèles d’excavateurs américains, mais les modèles français employés surtout et qui le seront exclusivement à l’avenir, ainsi que s’y est engagée la Compagnie, d’accord avec M. Eiffel, sont excellents. Le principe de l’excavateur nous appartient aussi et les premiers usages en grand en ont été faits par M. Couvreux au canal de Suez. Ce sont ces belles machines perfectionnées par MM. Wevher et Richemond, Lebrun, Pille et Daydé, de. Creil, Bourdon, de Paris (Société franco-belge), Gabert, de Lyon, Hermann-Lachapelle, de Paris, qui auront raison de la résistance de l’isthme de Panama. Elles constituent la grosse artillerie de siège du chantier dont les wagonnets Decauville sont l’artillerie de campagne; nos entrepreneurs savent les disposer en batterie d’attaque avec tant de précision et de science que des montagnes s’effondrent, se déplanent, disparaissent devant leur effort. Rien n’est*plus curieux et plus imposant que cette lutte pacifique et victorieuse.
- Si nous voulons donner un aperçu approximatif du matériel considérable et du personnel qui a accompli la première partie du travail, partie la plus coûteuse à installer et la plus pénible, il nous suffira de dire
- que 24 dragues ont été mises en fonctions avec 75 excavateurs et 60 grues de chargement. Il faut ajouter environ 5000 wagons et wagonnets à ce matériel. Les ouvriers sont au nombre de 10 000 en chiffre rond.
- C’est donc une véritable armée de travailleurs munis d’un matériel d’une puissance inusitée, qui livre à la Cordillère ce grand combat. Certes, une lutte pareille a ses blessés et ses morts ; nous en comptons de glorieux dans les rangs de nos ingénieurs de toute catégorie et le martyrologe est déjà grand ; nous y avons inscrit parmi les noms de héros plus humbles celui de notre ami, Léon Boyer, ingénieur des ponts et chaussées, qui, mort à trente-cinq ans, avait construit, entre autres grands ouvrages, avec le concours de M. Eiffel, le viaduc de Garabit. Mais combien on se trouve heureux de penser que ce sang sacré et précieux a été versé pour le triomphe d’une telle cause humanitaire.
- Les écluses. — La solution provisoire d’un canal à écluse exécuté avec le concours de M. Eiffel, en attendant le canal à niveau définitif, permettra, nous l’avons dit, le commencement d’exploitation de la voie nouvelle dans les délais fixés, c’est-à-dire, en
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- 1890. Voici sur quels chiffres repose cette prévision souhaitable; au lieu de 105000000 de mètres cubes qui eussent du être enlevés encore, il n'en reste
- plus que 40 millions; c’est donc 05 millions de mètres cubes de diminution immédiate. M. Eilïel, avec une autorité que personne au monde n’a le droit de
- Fig. 2. — Les travaux du canal de Panama. — Dragues Dingler et Apletou, en amont de Galun. (D’après une photographie.)
- discuter, répond de l’exécution des écluses en temps voulu : pour ce qui concerne les terrassements, l’hypothèse suppose donc, d’ici à 1890, un chiffre
- de 1200000 mètres cubes par mois. Or, ce chiffre est, d’après les attachements actuels, précisément celui réalisé dans les cinq divisions des chantiers;
- rien ne lait supposer sa diminution et l’on peut, au contraire, penser qu'il sera augmenté grâce au perfectionnement de l’outillage et à l’expérience ac-
- quise. La grosse objection qui était l’abattage de la grande tranchée s’atténue et rentre dans des conditions de possibilité certaines. En dehors du concours
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- assuré de M. Eiffel, il appartient aux entreprises et aux projets accessoires, notamment à l’aménagement et à la distribution des eaux douces, de pourvoir à la mise en activité du canal écluse. Les tâches sont donc définies et délimitées et le programme resserré au grand bénéfice de son achèvement.
- Le canal à écluses a pour principe l’établissement dans le massif central de la grande tranchée d'un bief supérieur qui permettra de pratiquer le transit, et de continuer les travaux du canal à niveau en appliquant au creusement les procédés de dragage. Le tracé à biefs surélevés ne diffère du tracé primitif que par quelques déplacements d'axe destinés à mieux utiliser les déblais déjà effectués. Depuis son origine dans la baie de Limon, sur le versant de l’Atlantique jusqu’au kilomètre 22,7, le canal reste au niveau moyen de la mer à Colon ; là sera la première écluse de 8 mètres de chute; une autre, également de 8 mètres de chute, au kilomètre 57,2; puis, successivement deux écluses de 11 mètres de chute aux kilomètres 42,8 et 46,5.
- Quatre écluses rachèteront ainsi la pente naturelle du sol jusqu’au bief de partage des eaux dont le plan est à l’altitude de 58 mètres.
- Du côté du Pacifique, le canal redescend par trois écluses de 11 mètres de chute, aux kilomètres 57,2, 57,8 et 61,8 et une écluse de 8 mètres de chute au kilomètre 59,1. On rachètera ainsi les 41 mètres d’altitude séparant le bief supérieur à la cote -f- 58 mètres, de la cote — 5 mètres des basses mers de vives eaux à Panama. Signalons cependant la possibilité, envisagée par la Compagnie pour gagner encore du temps, de surélever de 11 mètres le bief supérieur et de porter son plan d’eau à l’altitude de 49 mètres. Cette combinaison entraînerait la construction d’une cinquième écluse sur chacun des versants de la Cordillère.
- Dans chaque bief d’écluse le profil normal adopté pour le canal à niveau est maintenu : la largeur des portes sera de 18 mètres, la longueur utile des écluses de 180 mètres : à l’entrée, du côté Colon, le plafond du canal aura 180 mètres de largeur sur 5 kilomètres et à la sortie, côté de Panama, 50 mètres de largeur sur 6 kilomètres. De la Roca, versant du Pacifique, jusqu’à Naos, le chenal en mer aura 50 mètres de largeur. Nous reviendrons, avec quelques détails, sur le magnifique système d’écluses adopté par M. Eiffel. 11 mérite une mention toute spéciale. Grâce à sa perfection, il ne demande que le concours de quelques hommes pour écluser aisément les plus grands navires transatlantiques.
- II y a loin de ces projets pratiques et sanctionnés par une expérience antérieure à toutes les conceptions fantaisistes qui ont été émises pour la traversée de l’isthme, et parmi lesquelles brille l’ingénieux mais inemployable chemin de fer pour navires de feu le colonel et ingénieur Eads.
- La puissance maritime du canal maritime à écluses peut être évaluée à 10 navires par vingt-quatre heures, soit à raison de 2000 tonnes utiles par navire,
- environ 20 000 tonnes par jour. On admet, en effet, qu’un navire marchant à une vitesse très modérée fera 10 kilomètres à l’heure dans les grands biefs et 5 kilom., 600 dans les biefs courts; on admet de plus qu’il faudra une heure environ à un navire pour franchir un sas, y compris toutes les manœuvres de remplissage et de vidage du sas, ouverture et fermeture des portes, etc... Avec le canal écluséun navire isolé passera donc d’un océan à l’autre en dix-sept heures vingt-huit minutes, et un navire en convoi en vinst-huit heures vingt-cinq minutes. On ne peut se figurer sans une réelle émotion ce voyage presque aérien d’un énorme vaisseau franchissant des montagnes réputées si longtemps inaccessibles et narguant, grâce au talent de nos ingénieurs, les fureurs du cap Ilorn, dont les marins de l’avenir ne connaîtront plus les désastres et les terreurs.
- La quantité d’eau nécessaire pour alimenter le canal dans les conditions que nous venons d’indiquer est d’environ 40000 mètres cubes par éclusée et de 80000 mètres cubes par navire transitant d’une mer à l’autre. Le Chagres, auquel cette eau sera empruntée sur le versant de l’Atlantique, aura donc à fournir un débit normal utilisé d’environ 10 mètres cubes, y compris les pertes par évaporation et par infiltrations. Son bassin a une superficie de 180 000 hectares suffisant pour cette collecte d’eau et plus que suffisant dans la saison des pluies, où les crues de ce cours d’eau torrentueux et de ses affluents sont formidables. Le bassin de l’Obispo, de 18 000 hectares de superficie, et celui du Rio-Grande, supérieur de 2000 hectares, fourniront d’ailleurs leur contingent en temps ordinaire.
- A la coté de 58 mètres, l’alimentation du bief pourra être obtenue en remontant le niveau du Ghagres et en utilisant son grand barrage à Gamboa. Au-dessus de ce niveau, il faudra recourir pour l’alimentation à des machines à vapeur élévatoires développant une puissance totale de 5600 chevaux, chiffre qui n’a rien d'improbable ni même d’exceptionnel. On nous a promis de faire figurer à l’Exposition de 1889 une machine à vapeur développant 12000 chevaux de force à elle seule; c’est tout dire.
- Nous bornerons ici ce rapide coup d’œil jeté sur les travaux du canal de Panama et sur l’important élément d’exécution que vient de leur apporter la collaboration de M. Eiffel. Les questions de probabilité du transit et d’appel des courants commerciaux dans la grande voie ouverte ne sont pas du cadre de cette brève étude. Mais nous pensons que personne ne peut trouver sans intérêt un travail de cette grandeur à l’issue duquel la grande entreprise de Suez crée un précédent devant lequel les prévisions des plus sceptiques sont forcées tout au moins à l’exspectative.
- M. Ferdinand de Lesseps poursuit énergiquement sa tâche d’intérêt universel. Il faut souhaiter qu’il y aboutisse pour l’honneur de la France et de la civilisation. Max de Nansouty.
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- LES CHRYSANTHÈMES
- Chaque saison a ses fleurs. Même sous notre climat marqué d’une si grande irrégularité, il est peu d’instants dans l’année où nous n’ayons quelque belle floraison à admirer. Les explorations, puis les importations faites de tous les points du globe, ont doté notre flore d’une telle quantité de plantes qu’il n’y a, pour ainsi dire, qu’à choisir parmi elles pour ne prendre que les plus belles.
- Il est peu de fleurs qui ne portent avec elles un charme infini, et peu nombreux sont ceux que laissent insensibles leur forme élégante et leurs fraîches couleurs ; quelques-unes d’entre elles, cependant, réunissent une telle somme de qualités, que ces fleurs doivent être mises hors de pair et occuper chez nous une place d’honneur. Parmi celles-ci toutes celles à floraison tardive offrent pour nous un intérêt tout spécial. Jamais, en effet, nous n’apprécions mieux tout le plaisir qu’il peut y avoir à orner nos demeures de plantes nombreuses, que pendant la mauvaise saison. Quand, au dehors, tout est détruit, que les arbres dénudés se présentent comme de grands squelettes, on est heureux de voir près de soi quelques belles fleurs que nos soins ont ravies aux rigueurs de la saison.
- Parmi ces plantes à floraison tardive, il en est une des plus intéressantes et à laquelle le public accorde bien légitimement, d’ailleurs, toutes ses faveurs : ce sont les chrysanthèmes. Il est peu de fleurs chez lesquelles on trouve réunies tant de qualités : abondance de floraison, richesse de coloris, élégance de forme, longue durée, telles sont ses principales qualités.
- C’est une plante très anciennement connue et les origines de sa culture remontent chez nous à quelques centaines d’années ; mais pendant longtemps sa culture fut négligée et l’on n’en connaissait que quelques variétés dont les fleurs petites, assez mal formées, ne semblaient pas indiquer tout le parti que l’on en pourrait tirer dès que l’on s’en serait occupé d’une façon spéciale. Aujourd’hui, c’est par centaines que l’on compte les variétés. Quelques-unes sont d’importation directe de la Chine et surtout du Japon, mais la plupart ont été obtenues chez nous et en Angleterre. Les semis intelligemment conduits, une sélection soigneusement appliquée ont donné des résultats inattendus. On compte, en effet, actuellement, divers types bien distincts par la forme et la disposition des ligules qui con- ' stituent les capitules.
- Ces fleurs, à l’état primitif, ont une disposition analogue à celle de nos marguerites des champs. C’est par la culture que nous sommes arrivés à les faire doubles, c’est-à-dire à donner à toutes les petites fleurettes du centre de grandes corolles semblables à celles qui constituent, dans les marguerites, l’élégante collerette blanche qui les borde. Puis la forme de ces corolles a varié à son tour et..'
- l’on a constitué différents types bien distincts. Tantôt ces pétales se recourbent tous régulièrement et constituent un gros capitule bien régulier : c’est là la forme dite indienne. D’autres se recourbent en dehors et donnent à l’ensemble une forme plus ouverte : ce sont les chrysanthèmes chinois. D’autres fois encore, toutes ces corolles se déjettent dans tous les sens et constituent alors un type bizarre, irrégulier, marqué d’un cachet particulier d’élégance artistique : ce sont les chrysanthèmes japonais.
- Les chrysanthèmes étaient surtout considérés comme des plantes de jardin ; ce sont actuellement des fleurs d’appartement ; il en est peu qui conviennent aussi bien à l’ornementation de nos demeures, et cela, soit qu’on en coupe la fleur, soit qu’on les garde en pot. Gomme fleurs à bouquet, il n’est peut-être que l’orchidée qui puisse rivaliser de durée avec les chrysanthèmes. Récoltées en pleine floraison et mises dans l’eau, elles s’y conservent deux ou trois semaines, mais il faut, pour arriver à ce résultat, renouveler l’eau fréquemment et lui ajouter quelques fragments de charbon de bois qui, en absorbant les gaz de la décomposition, enlèveront à l’eau toute mauvaise odeur.
- Il est aisé d’en constituer des bouquets empreints d’une grande élégance. Il faut, pour cela, couper les tiges les plus longues possible, et, après les avoir effeuillées dans le bas, les placer une à une dans un vase à large ouverture. Le bouquet prend alors l’aspect d’une grande gerbe dans laquelle chaque fleur apparaît dans toute sa beauté et fait valoir ses voisines par le contraste de son coloris et de sa forme (fig. 1).
- On s’attache à produire dé ces fleurs spécialement pour les bouquets. Dans cette culture sur chaque branche, on supprime toutes les fleurs, moins celle qui est terminale; il résulte de cette taille spéciale que la fleur conservée acquiert une grande dimension. En Angleterre, on fait plus encore. Sur un pied de chrysanthème, on supprime toutes les branches, sauf une, et celle-ci ne portera qu’une seule fleur. Les plantes ainsi traitées sont cultivées en serre et très abondamment fumées afin de leur donner une grande vigueur. La fleur unique que porte le pied prend alors des dimensions exagérées; il en est qui ne mesurent pas moins de 20 et quelques centimètres de diamètre (fig. 2). Les horticulteurs cultivent ces plantes avec des soins tout particuliers ; c’est ainsi que les pétales sont façonnés à la main. A l’aide de petites pinces à mors en ivoire, on leur donne une courbe voulue et on les place dans des positions déterminées. Chaque fleur se vend alors de 2 à 4 schellings.
- 11 est certain qu’au point de vue artistique on fait absolument fausse route en s’appliquant a donner ainsi à ces fleurs une dimension trop grande qui diminue leur grâce, et une forme trop régulière dépourvue de toute élégance. Nous ne sommes pas habitués à aller chercher en Angleterre nos modèles de l’art et ce n’est certes pas cette production de
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- fleurs monstres qui pourra nous donner une haute idée du bon goût de nos voisins. Toutes les ibis que l’on donne aux fleurs une trop grande régularité, on diminue considérablement leur charme; car on leur enlève leur principal attrait : l’imprévu de la forme et ce cachet particulier d’originalité qui donne à chacune d’elles comme une expression particulière. Si nous les façonnons au point de les rendre toutes pareilles, il vaut autant alors les faire de toute pièce, en papier; tant pis pour celui qui ne comprend toute la différence qu’il y a entre la plus belle fleur artificielle et la simple fleur de la nature; ces choses-l'a ne s’expliquent pas plus qu’elles ne s’imposent.
- Chaque année, la Société nationale d'horticulture
- Fig. 1. — Bouquet de Chrysanthèmes.
- pas de peuple possédant un véritable sentiment artistique qui n’ait pour elles plus que de l’affection, presque un culte; ainsi les Japonais aiment les fleurs par-dessus tout. Chez eux, parmi les fleurs, le chrysanthème a une place d’honneur. La plus haute décoration nationale est celle du Chrysanthème d’or.
- Chez ce peuple naïf et poétique, chez lequel l’amabilité est une règle dont il ne se départ jamais, on donne volontiers aux femmes des noms de fleurs et celui du chrysanthème lui est souvent attribué. Ki-koa san (madame Chrysanthème) est un nom fréquemment usité.
- Mais les Japonais sont véritablement artistes et il ne leur est pas venu à l’idée de faire des fleurs de chrysanthèmes grosses comme des choux et d’en torturer les pétales avec des pinces d’ivoire.
- ouvre en novembre une exposition spécialement consacrée aux chrysanthèmes. L’importance de ce concours va sans cesse en augmentant; cette année c’est par milliers que l’on comptait les superbes chrysanthèmes qui s’v trouvaient réunis. On aura une idée du nombre de variétés existant actuellement, quand on saura que le lot appartenant à la maison Levêque, qui a obtenu le premier prix, ne comptait pas moins de six cents variétés distinctes. Le public parisien accorde la plus grande faveur à cette exposition, si spéciale cependant; c’est une preuve de plus de son bon goût.
- D’ailleurs, ce serait une erreur de croire que nous avons seuls le privilège de comprendre tout le charme que porte avec elle la moindre fleur; il n’est
- Fig. 2. — Chrysanthème monstrueux (réduit).
- Il est chez eux une coutume qui montre bien jusqu’à quel point le goût des fleurs est répandu même parmi les gens du peuple. A la saison des chrysanthèmes, des batteurs d’estrade habillent des mannequins d’une couche d’argile qu’ils recouvrent de fleurs de chrysanthèmes, arrangées par couleur, de façon à simuler les dessins des étoffes de leur vêtement. Ces mannequins sont tantôt des hommes, acteurs d’une scène mouvementée (fig. 5), ou bien ce sont des femmes préparant le thé ou offrant à boire (fig. 4). Ces poupées, de grandeur naturelle, sont disposées dans des baraques où les gens du peuple viennent les voir, moyennant quelques menues pièces de monnaie.
- Chez nous, tous les chrysanthèmes ne peuvent être cultivés à l’air libre. Il est beaucoup de variétés,
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- Fig, 3, — Les chrysanthèmes au Japon. — Mannequins recouverts de terre glaise et habillés de Heurs de chrysanthèmes
- (D’après une photographie,)
- Fig. i. — Los chrysanthèmes au Japon
- Autre spécimen des mannequins de chrysanthèmes. j(l)’aprèsjine photographie.).
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- LA NATURE.
- et des plus belles, qui se ressentent de leur origine orientale et qui ne peuvent supporter victorieusement la rigueur de nos automnes. On est obligé de les abriter en serre; mais on est très largement dédommagé de ce supplément de soins. Les plantes restent plus vertes et les fleurs plus fraîches et à couleurs plus brillantes.
- On a imaginé d’appliquer à ces chrysanthèmes de serre une culture spéciale. On les fait pousser à tiges et, par une taille méthodique appliquée aux branches, on donne à la tête une forme à peu près régulière. Cette culture est encore assez peu répandue en France; il est peu d’horticulteurs qui s’y livrent, car elle exige des soins spéciaux et une attention de tous les instants. La maison Baltet de Troyes s’est adonnée à cette production.
- On le voit, les chrysanthèmes sont des plantes qui joignent au rare mérite de fleurir en automne et jusqu’à l’hiver, celui de se prêter à des cultures variables et de se présenter sous une grande diversité d’aspect. Il n’est pas douteux que sa culture, qui jouit déjà chez nous d’une grande faveur, n’aille en s’accentuant sans cesse ; cette fleur restera certainement au rang des plus estimées et elle le mérite de tous points. Jean Dybovvsiu.
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- ASTRONOMIE
- Catalogue de l’Ohservatoire de Paris. — Le
- catalogue de Lalande, comprenant les positions de 47 590 étoiles observées sous la direction de cet habile et infatigable astronome à son observatoire de l’Ecole militaire, de 1791 à 1800, a été, à juste titre, considéré jusqu’ici comme un des documents fondamentaux les plus utiles de l’astronomie moderne. Mais les changements survenus avec le temps dans la position de beaucoup d’étoiles et les nécessités croissantes de la science exigeant une précision de plus en plus grande dans les observations diminuaient sensiblement chaque jour l’utilité de ce grand travail, et, en 1854, Le Verrier se décida à en entreprendre la révision. C’était un énorme travail de 500 000 observations méridiennes qu’il imposait à l’Observatoire de Paris.
- Mais, afin de ne pas trop retarder la publication des résultats de cette longue révision, M. l’amiral Mouchez, qui a donné à ce travail la plus grande impulsion, n’a pas voulu attendre la fin complète de la réobservation du catalogue de Lalande et a pu entreprendre l’impression du premier catalogue de l’Observatoire de Paris.
- Ce premier catalogue doit seulement contenir les étoiles observées aux instruments méridiens de l’Observatoire jusqu’en 1881, en y faisant figurer celles de la direction d’Arago, de 1857 à 1855 ; le reste paraîtra dans un second catalogue aussitôt que le premier sera terminé.
- Comme l’intervalle considéré, . 1857 à 1881, est beaucoup trop étendu pour qu’il ait été possible de ramener toutes les positions observées à un seul équinoxe moyen, on a divisé cet intervalle en trois périodes, les observations faites dans chacune d’elles étant respectivement rapportées aux équinoxes moyens de 1845,1860 et 1875.
- Toutes les étoiles, quelle .que soit leur distance au pôle nord, sont rangées dans l’ordre de leur ascension droite moyenne en 1875.
- La publication complète comprend deux parties tout à fait distinctes : l’une, essentielle et la seule indispensable pour la majorité des astronomes, est le Catalogue de VObservatoire de Paris; l’autre, utile seulement à ceux qui s’adonnent à certaines recherches spéciales, donne, sous le titre Positions observées des étoiles, les résultats des observations qui ont concouru à la détermination des positions moyennes inscrites dans le catalogue.
- Chaque partie comprendra quatre volumes qui, se correspondant rigoureusement, seront publiés simultanément deux à deux. Les premiers, tome Ier du Catalogue et tome Ier des Positions observées (0h à 6h d’ascension droite), viennent de paraître : ils contiennent les positions de 7245 étoiles dont il a été fait au total plus de 80 000 observations d’ascension droite ou de distance au pôle nord. On travaille activement à la préparation des volumes suivants et elle sera poursuivie sans interruption jusqu’à complet achèvement de l’œuvre.
- Depuis 1854, les observations méridiennes d’étoiles avant eu presque exclusivement pour but la révision du catalogue de Lalande, on retrouve dans celui-ci la plupart des étoiles inscrites dans le catalogue de l’Observatoire de Paris ; la comparaison entre les positions fournies par ces deux catalogues s’imposait naturellement. Cette comparaison a été faite avec le plus grand soin ; les résultats en sont inscrits en regard de chaque étoile et mettent en lumière la précision des observations de Lalande.
- Le nouveau catalogue de l’Observatoire de Paris fait le plus grand honneur au personnel de cet établissement et sera hautement apprécié par tous les astronomes.
- Carte photographique du Ciel. — Les préparatifs d’exécution de la carte du Ciel et des diverses prescriptions votées par le Congrès d’avril 1887 se poursuivent partout activement.
- Les études et les expériences préliminaires se font par les savants qui ont bien voulu s’e'n charger, et onze lunettes photographiques conformes au modèle de celle de Paris, adopté par le Congrès, sont actuellement en construction; elles seront toutes terminées à la fin de cette, année ou, au plus tard, au commencement de 1889.
- Voici la liste des observatoires auxquels ces lunettes sont destinées :
- F rance..............
- Espagne .............
- Brésil...............
- République argentine.
- Chili................
- Mexique..............
- Australie............
- Angleterre . . . .
- (Observatoire de Toulouse,
- — de Bordeaux, v — d’Alger. Observatoire de San Fernando. Observatoire de Rio de Janeiro. Observatoire de la Plata. Observatoire de Santiago. Observatoire de Tacubaya. f Observatoire de Sydney,
- ) — de Melbourne.
- Observatoire d’Oxford.
- Les sept premières sont construites à Paris par MM. Henry pour l’optique et Gautier pour la mécanique, les quatre dernières sont construites par M. Grubb, à Dublin.
- On peut compter certainement encore sur le concours d’un ou deux observatoires de l’Angleterre et sur la création, au moins temporaire, d’un observatoire photographique à la Nouvelle-Zélande, selon le vœu exprimé par le Congrès. On peut compter égalemènt sur l’observatoire du Cap de Bonne-Espérance, dont l’éminent directeur, le Dr Gill, a tant contribué au progrès de la photographie du Ciel.
- En Russie, l’observatoire de Poulkova dont le concours
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- LA INATURE.
- serait grandement nécessaire, en raison de sa latitude si boréale, voudra bien prendre part à cette œuvre importante.
- On n'a reçu encore aucune nouvelle de l’Italie ni de l’Autriche, ni de l’Allemagne.
- Aux Etats-Unis, plusieurs observatoires semblent désirer prendre part au travail; mais, il nYst encore arrivé aucun avis de la commande ct’un instrument spécial. L’observatoire de Washington en sera sans doute pourvu.
- En résumé, on est aujourd’hui parfaitement certain de pouvoir commencer le levé de la carte du Ciel en 1889 avec un nombre d’observatoires déjà suffisant pour entreprendre et terminer dans les limites de temps prévues l’œuvre d’une si haute importance votée par le Congrès astronomique réuni à Paris en 1887.
- LE NOUVEAU PHONOGRAPHE D’EDISON
- On se souvient encore du succès énorme de curiosité qu’obtint le phonographe d’Edison, lors de sa jiremière apparition, à la veille de l’ouverture de l’Exposition de 1878.
- En dépit des mérites de cette découverte, des espérances qu’elle faisait naître, et des nombreuses expériences auxquelles on s’était, livré de toutes parts pour le rendre susceptible d’applications, le phonographe était resté jusqu’à ce jour un curieux et intéressant jouet scientifique, mais rien de plus.
- Aussi notre curiosité fut-elle vivement excitée, lorsque les journaux américains annoncèrent, il y a quelques mois1, que l’inventeur avait trouvé un papier si homogène et si peu élastique qu’il conservait les impressions de la pointe de cet admirable instrument avec une fidélité merveilleuse; on n’aurait qu’à placer la feuille sur un phonographe identique, pour reproduire le discours. Un premier lot de 500 appareils devait être mis en vente au mois de janvier 1888, avec des feuilles suffisantes pour reproduire des discours de 800 à 4000 mots.
- Le Scientific American du ol décembre donne pour étrennes à ses lecteurs la description du nouveau phonographe qui faisait l’admiration du New-York Herald, et cette surprise nous a causé une déception que bon nombre de nos lecteurs partageront lorsqu’ils auront lu la description que nous allons en faire d’après notre confrère américain.
- On se rappelle que, dans l’appareil original, les paroles étaient enregistrées sur une feuille de papier d’étain fixée sur un cylindre animé d’un mouvement uniforme de rotation et d’avancement, à l’aide d’une manivelle manœuvrée à la main ou d’un mouvement d’horlogerie. La même plaque et la même pointe servaient à la fois à l’inscription et à la reproduction phonographiques des discours. Dans les premiers appareils, on sacrifiait la perfection de l’articulation à l’intensité des sons, l’appareil devant surtout être entendu d’un auditoire nombreux.
- Le nouvel appareil que représente la figure ci-après (fig. 1) ne diffère pas, en principe, de l’ap-
- 1 Vov. Il” 752, du 29 octobre 1887, p. 351.
- pareil original. Il a les dimensions d’une machine à coudre ordinaire, et ressemble, par certains côtés, à uii petit tour parallèle. L’axe principal tourne entre deux coussinets, sans mouvement de translation et se termine par un cylindre en porte-à-faux recevant le cylindre de cire durcie (hardened wax) sur laquelle est tracée l’impression phonographique.
- Derrière l’arbre et le cylindre, se trouve un chariot glissant ; à gauche est un liras portant une partie filetée qui vient reposer sur l’arbre, ce qui provoque l’avancement du chariot de gauche à droite, lorsque le cylindre tourne dans le sens voulu. L’extrémité de droite du chariot porte un support dans lequel peuvent s’engager successivement deux diaphragmes, l’un destiné à l’inscription des paroles, l’autre à leur reproduction.
- Le système enregistreur (fig. 2) est composé d’une aiguille fixée au centre du diaphragme et reliée par un pivot à un ressort fixé sur le support.
- Le système de reproduction (fig. 5) est constitué par un diaphragme délicat, une peau telle que celle employée par les batteurs d’or, au centre de laquelle est une goupille contre laquelle appuie un léger ressort d’acier recourbé dont un bout est fixé sur le support et dont l'autre repose sur le cylindre. Un moteur électrique — de forme assez surannée, — alimenté par un ou deux éléments de pile, imprime un mouvement de rotation régulier au cylindre par l’intermédiaire de deux roues de friction coniques. Un régulateur très sensible assure au moteur une vitesse très régulière. Le support des diaphragmes est aussi muni d’un outil de tour destiné à polir la surface du cylindre de cire avant l’inscription.
- La première opération consiste à faire une passe avec l’outil pour lisser la surface de la cire et la préparer. On ramène alors le chariot au point de départ et on remet le système en mouvement pendant que l’on parle devant le diaphragme — et même à une certaine distance; — les vibrations de ce diaphragme modèlent la surface de cire1 comme elles modelaient la feuille d’étain du phonographe primitif (fig. 4).
- Lorsque l’impression est terminée, le chariot est de nouveau ramené à son point de départ, le diaphragme de répétition est substitué au diaphragme d’inscription, et lorsque le cylindre est mis en mouvement, les paroles sont reproduites par une action bien connue aujourd’hui, et sur laquelle nous croyons inutile d’insister.
- Dans des expériences faites dans le laboratoire d’Edison, près de Llewellyn Park, Orange, N. J., expériences auxquelles le correspondant du Scientific American a assisté, un passage d’un journal du matin lu devant l’appareil en l’absence de ce correspondant fut reproduit phonographiquement, chaque mot étant distinctement compris, bien que les noms propres, ceux des localités et les faits 1 La cire a été employée en 1879 par M. Lambrigot pour fabriquer les originaux de ses lames parlantes. (Vov. n° 509, du 3 mai 1879, p. 349.
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- mentionnés dans l’article fussent absolument inconnus de l’auteur. Une autre preuve de la perfection de la machine fut fournie par la reproduction de sifflements , de chucliotemen ts, toutes les imper-lections de tons, de demi-tons et de modulations étant reproduites avec une rigoureuse exactitude.
- Cette perfection est attribuée à la régularité de la vitesse de rotation, a la sensibilité de la matière impressionnée, la cire, et à la délicatesse du diaphragme de réception.
- On n’a pas cherché à obtenir des sons intenses, mais, au contraire, une articulation distincte et une intonation parfaite.
- Les cylindres de cire sur lesquels les paroles s’inscrivent ont 10 centimètres de diamètre, et une longueur variable, à raison d’un pouce (25 millimètres) pour deux cents mots. Ils sont très légers et on a fait des boîtes qui permettront de les expédier aussi facilement que des lettres. Le destinataire d’un phonogramme — tel est le nom qui s’impose tout naturellement pour ces nouveaux messages — n’aura qu’à le placer sur son propre phonographe et à écouter : il aura ainsi, non seulement les mots eux-mêmes, mais aussi leur expression qui, on le sait, a une importance si grande pour préciser le sens qu’il convient de leur donner. .
- Parmi les nombreuses applications prévues pour le nouveau phonographe, notre confrère cite : les ordres et instructions dictées, les dépositions en justice, les reproductions de discours et musique vocale, l’enseignement des langues, la correspon-
- dance, la lecture aux aveugles dans les hôpitaux, etc. Pour cette dernière application, on disposerait au-
- dessus de l'embouchure un certain nombre de tubes acoustiques permettant de distribuer la parole pliono-grammiqueà plusieurs auditeurs à la fois.
- Une application populaire et intéressante du phonographesera la diffusion de musique vocale chantée une fois pour toutes par de grands chanteurs, les paroles d’hommes et de femmes célèbres. Il n’est pas jusqu’à la police qui ne trouve en lui un témoin impeccable et incorruptible ayant une version et une
- seule version à faire entendre.
- De grands préparatifs ont été faits pour la fabrication industrielle de cet appareil, et il est probable qu’avant peu le phonographe, nouvelle manière, deviendra aussi indispensable que la machine à coudre ou la machine à écrire.
- Nous avons reproduit presque sans changement l’article enthousiaste de notre confrère. Les applications qu’il entrevoit dans un avenir prochain sont exactement celles qu’on signalait déjà il y a dix ans, et que nous attendons encore. Sans dire que le phonographe ne puisse jamais recevoir d’applications pratiques, nous estimons cependant que la forme actuelle, incomparablement plus compliquée que la forme primitive, n est pas celle qui contribuera à répandre et à populariser encore la si ingénieuse et si originale invention d’Edison. E. 11.
- Fig. 2. — Inscription. Fig. 5. — Reproduction.
- Fig. i. — Tracés du phonographe à une grande échelle. A, vue de face. — B, coupe transversale. — C, vue en plan.
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- TRICYCLE À VAPEUR
- Depuis quelques aimées le problème de la locomotion a vapeur sur routes semble être entré dans une phase nouvelle. Aux lourdes et encombrantes machines de traction dites routières, qui n’avaient aucune vitesse et dont le rôle consistait surtout à remorquer des marchandises, on a cherché à substituer des véhicules automobiles de petites dimensions, plus légers et en môme temps plus rapides pouvant servir au transport des voyageurs et à la locomotion d’agrément. C’est à cette dernière catégorie qu’appartient la première voiture a vapeur de MM. de Dion, Bouton et Trépardoux, qui fut décrite dans La Nature1.
- Grâce à l’emploi d’une chaudière à circulation de
- Tricycle à vapeur de MM. de Dion, Bouton et Tj
- leur invention, MM. de Dion, Bouton et Trépardoux obtinrent avec celte machine une vitesse considérable (40 kilomètres à l’heure), tout en donnant à leur appareil des dimensions et un poids très restreints. Cette première voiture n’avait été construite qu’à titre d’expérience. Depuis cette époque ses inventeurs l’ont fait entrer dans le domaine de la pratique en la perfectionnant et en la modifiant suivant sa destination. C’est ainsi qu’ils établirent plusieurs modèles tels que : phaéton, cart, fourgon à marchandises, et plus récemment, des tricycles à une et à deux places.
- Celui que nous allons décrire est à une place avec remorque comme le représente la gravure ci-jointe. Il se compose d’un châssis monté sur trois roues en fil de fer garnies de caoutchouc; les deux roues d’avant sont directrices, elles ont 0in,80 de dia-
- rdoux.(D’après une photographie de l’auteur.]
- mètre. La roue d’arrière est seule motrice; elle a 0m,60 de diamètre. Sur le châssis et entre les roues directrices sont placés : une petite chaudière à circulation contenant six litres d’eau et, en avant de la chaudière, le réservoir d’alimentation d’eau d’une capacité de quarante litres. A l’arrière, de chaque côté de la roue motrice, se trouve un récipient cylindrique contenant la provision de combustible. Ainsi que l’indique la figure, le voyageur est assis sur une sellette à ressorts, au-dessus de la roue motrice; il a sous la main gauche la prise de vapeur et tient, de la droite, la direction. Les appareils dont la manœuvre est nécessaire pendant la marche sont également U portée de la main. Un frein au pied, d’une grande puissance, permet de serrer à
- 1 Voy. n° 584, du 9 août 4884, p. 145.—Voy. aussi n°649, du 7' novembre 1885, p. 557.
- bloc la roue motrice et d’obtenir rapidement l’arrêt. Le cylindre moteur et son tiroir sont suspendus au châssis au-dessous de la plate-forme où reposent les pieds du conducteur. La tige du piston commande une double bielle qui actionne directement la roue motrice sans le secours de chaînes ni d’engrenages. La chaudière qui est en tôle d’acier, soudée sans rivures, a été éprouvée à 20 kilogrammes ; elle est timbrée à 12 kilogrammes. Elle peut vaporiser trente-cinq litres d’eau à l’heure et développer dans ces conditions la force d’un cheval-vapeur. Elle est munie d’un souffleur et des appareils réglementaires. Une pompe actionnée par le prolongement de la tige du piston assure l’alimentation. L’échappement du cylindre se fait dans la cheminée qui est renversée en sorte que le tirage n’a lieu que pendant la marche, ce qui permet d’abandonner la machine dès
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- qu’elle est arretée sans que la pression puisse dépasser sa limite normale. Le chauffage est au coke et ne donne pas de fumée. Après l’allumage qui se fait au bois, on introduit le combustible dans le foyer par un tube central, émergeant à la partie supérieure de la chaudière, et que l’on emplit jusqu’en haut. A mesure que la combustion s’opère, le coke descend peu à peu dans le foyer qui se charge, ainsi, automatiquement. Cette disposition, qui rappelle celle du poêle Choubersky, procure l’avantage de pouvoir marcher pendant trois quarts d’heure environ sans avoir besoin d’entretenir le feu.
- Le tricycle de MM. de Dion, Bouton et Trépar-doux est d’une conduite facile; il n’exige pas un homme spécial pour la mise en pression et l’entretien de la machine. II suffit d’un court apprentissage pour arriver à s’en servir sans aucun danger. Une précaution à prendre est de ne pas se lancer à de trop grandes vitesses avant d’être bien sûr de la direction. Un amateur exercé peut, sur une bonne route, dépasser facilement la vitesse de 50 kilomètres à l’heure.
- Cette curieuse petite machine remonte très bien les côtes. Elle peut gravir des rampes de 6 centimètres par mètre à la vitesse de 10 kilomètres à l’heure avec sa remorque portant un poids de 80 kilogrammes, et sans la remorque elle franchit des rampes de 10 pour 100.
- J’ai fait construire pour mon propre usage un tricycle du type ci-dessus décrit. Je m’en sers depuis six mois et j’ai parcouru, avec, quelques centaines de kilomètres, à mon entière satisfaction. C’est une distraction des plus agréables que de diriger cette minuscule locomotive qui obéit, avec la plus grande précision, à la volonté de son conducteur. Si l’on craint la solitude, on peut emmener sur le siège-fauteuil de la remorque, un compagnon, voire même une compagne de route à qui l’on procure ainsi l’occasion de faire une promenade des plus originales.
- En résumé, le nouveau tricycle de MM. de Dion, Bouton et Trépadoux est, parmi les petits moteurs routiers jusqu’ici réalisés, l’un des mieux réussis et des plus pratiques.
- Vicomte de la Tour-dü-Pin-Verclause.
- NÉCROLOGIE
- F.-J. Raynaud. — Un des hauts fonctionnaires de l’Administration des télégraphes, M. F.-J. Raynaud, directeur de l’Ecole supérieure de télégraphie, est mort, lâchement assassiné dans une des rues de Paris, par un ancien employé des postes et télégraphes, Victor Mimault, qui lui a tiré à l’improviste deux coups de revolver. La mort de M. Raynaud, homme de grand savoir et de grand cœur, a causé une profonde et légitime émotion. Ses obsèques, qui ont eu lieu le jeudi 12 janvier, ont pris le caractère d’une solennité et d’un deuil public.
- François-Jules Raynaud, né en 1843, était entré à l’Ecole polytechnique à l’àge de seize ans, limite inférieure d’âge ; il en sortit dans les premiers rangs, et
- devint élève ingénieur des télégraphes. Après quelques mois passés à Paris, il fut nommé chef de station des télégraphes à Calais, puis attaché au service des câbles, à Toulon, où il passa plusieurs années de sa laborieuse carrière, s’occupant de la pose et du relèvement des câbles français et italiens dans la Méditerranée.
- Non content de se livrer aux travaux multiples de sa profession, Raynaud poursuivit ses études ; il passa successivement sa licence ès sciences physiques et ès sciences mathématiques; puis il soutint brillamment, devant la Faculté d’Aix, une thèse très importante sur l’électricité, et il obtint le diplôme de docteur ès sciences. Les circonstances à la suite desquelles M. Raynaud a été nommé chevalier de la Légion d’honneur, en 1870, donnent la valeur morale de l’homme. Le câble électrique qui reliait Paris à Rouen fut rompu un jour par l’éboulement d’un pont de la Seine. Sous le feu ennemi, l’ingénieur alla relier les deux extrémités du câble et réparer le dommage.
- On doit à Raynaud, outre de nombreuses études publiées dans les Annales télégraphiques, un remarquable Rapport sur les conducteurs à l’Exposition d’électricité en 1881, et une traduction du Traité d’électricité de Gordon.
- Raynaud était un homme d’une grande affabilité, aimé de tous ceux qui l’ont connu; d’un caractère absolument droit et intègre, il était incapable de commettre la moindre injustice ou le moindre passe-droit. On ne saurait trop protester contre la regrettable tendance de certains écrivains qui ont cru devoir atténuer l’acte infâme de l’assassin, en alléguant des raisons d’infortune d’un inventeur malheureux et persécuté. La persécution n’est plus de nos jours pour les vrais ouvriers de la science et de la pensée. Le travailleur persévérant et honnête, à quelque classe de la société qu’il appartienne, arrive, tôt ou tard, quelles que puissent avoir été les difficultés de la première heure, à recueillir le fruit de la moisson qu’il a semée. G. T.
- CHRONIQUE
- Réception à la Société de géographie. — Il
- faudrait remonter assez loin en arrière pour trouver une réception aussi brillante, aussi enthousiaste que celle qui a été faite le jeudi, 12 janvier, par la Société de géographie à MM. Bonvalot, Capus et Pépin, les vaillants explorateurs de l’Asie centrale. La salle et les tribunes du grand amphithéâtre de la Sorbonne étaient littéralement bondées. La séance était présidée par M. Ferdinand de Lesseps, entouré des principaux membres des Sociétés de géographie et de géographie commerciale. L’arrivée de M. Ferdinand de Lesseps et des explorateurs a été saluée par de longs applaudissements. M. de Lesseps a pris presque aussitôt la parole et a prononcé l’allocution suivante : « Plusieurs fois déjà, cette salle a retenti des applaudissements par lesquels la Société de géographie de Paris accueille les grands explorateurs, à quelque nationalité qu’ils appartiennent. Dernièrement, nous applaudissions aux efforts tenaces qui ont conduit M. Chaffanjon jusqu’aux sources de l’Orénoque, vierges, avant lui, de toute exploration. Aujourd’hui, nous fêtons le retour de trois voyageurs, Français aussi, qui reviennent de contrées dont l’exploration semblait jusqu’ici réservée aux Russes et aux Anglais, directement intéressés à les étudier. MM. Bonvalot, Capus et Pépin que nous sommes si heureux de voir parmi nous, n’en sont pas à leurs débuts dans l’Asie centrale où naguère déjà ils accomplissaient
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- une mission pour le Ministère de l’instruction publique. MM. Bonvalot et Capus, accompagnés cette fois d’un artiste de talent, M. Pépin, viennent d’en accomplir une seconde, plus fructueuse, plus brillante encore que la précédente. A travers les vallées de la Perse, les sables ardents du Ivarakoum, la Boukharie, le Ferganah, ils ont gagné les montagnes glacées du Pamir qu’ils ont traversées en plein hiver. I)e cet immense voyage, si audacieux dans sa dernière partie, ils nous rapportent une moisson inestimable d’informations nouvelles sur des régions dont la géographie est aussi intéressante que l’histoire ». M. Bonvalot a donné le récit de son émouvant et périlleux voyage, et l’assistance a fait, après sa conférence, le plus chaleureux accueil aux trois explorateurs.
- Ilcvue de l’Aéronautique. — M. Henri Hervé, qui s’est à plusieurs reprises signalé par des travaux aéronautiques de grande valeur, et par quelques belles ascensions scientifiques, a fondé une nouvelle publication : Revue de l'Aéronautique théorique et appliquée. La première livraison qui vient de paraître à la librairie G. Masson est fort bien éditée ; elle comprend 06 pages in-4°, avec deux planches hors texte. Cette Revue, dirigée par M. Henri Hervé, comprend un comité de rédaction composé de MM. Janssen, Hervé Mangon, Dr Marey, E. Mascart, amiral Mouchez, général Perrier, membres de l’Institut; capitaine Krebs, Y. latin et Gaston Tissandier. Elle paraîtra tous les trois mois. La première livraison comprend des notices de MM. H. Hervé, le commandant Renard, G. Tissandier et des articles de chronique. Nous annonçons avec plaisir l’apparition de la Revue de l’Aéronautique qui est certainement appelée à rendre des services à la navigation aérienne.
- Banquet offert à M. P.-P. Dehérain. — A l’occasion de sa nomination à l’Académie des sciences, les élèves et les amis de M. Dehérain lui ont offert un banquet sous la présidence de M. Janssen, président de l’Académie des sciences. La réunion a eu lieu le mardi 17, dans la salle des fêtes à l’Hôtel Continental. Plus de cent convives avaient tenu à prendre part à cette sympathique manifestation. Dans une allocution chaleureuse, M. Janssen a parlé au nom de l’amitié qui l’unit depuis de longues années à son nouveau confrère de l’Institut. M. Philippar, directeur de l’Ecole de Grignon, a résumé les travaux agricoles du successeur de Boussingault, et M. Gaston Tissandier, un des plus anciens élèves de M. Dehérain au Conservatoire des arts et métiers, a félicité son maître, au nom de tous, d’avoir trouvé la place qui lui était due sous le dôme de l’Institut de France. Après plusieurs autres toasts de M. Dupont, de MM. les docteurs Brouardel, Gariel, Ulysse Trélat, de MM. Emile Trélat et Chauveau, M. Dehérain a d’abord remercié tous les assistants et en particulier les organisateurs de la fête. Le savant académicien a ensuite éloquemment parlé des intérêts de l’agriculture française dont il est aujourd’hui l’un des représentants les plus autorisés.
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- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 16 janvier 1888. — Présidence de M. Janssen.
- Le poison de l'air expiré. — Gomme suite aux recherches dont nous avons déjà parlé et auxquelles M. d’Ar-sonval collabore avec lui, M. Brown-Séquard annonce aujourd’hui que le poison fabriqué par les poumons détermine des accidents aussi graves en injections sous-cutanées que par son introduction dans les vaisseaux. La
- mort est, dans tous les cas, consécutive à l’arrêt des échanges entre les tissus et le sang et elle survient sans aucune convulsion. A l’autopsie, on trouve le cœur et les gros vaisseaux gorgés d’un sang rougeâtre.
- La question étant de savoir si la toxicité de l’air expiré est due à quelque microbe, les auteurs ont étudié les effets de l’ébullition sur le liquide virulent. Ils ont constaté que l’énergie de la substance nocive est plutôt augmentée qu’atténuée par cette opération, et leurs expériences leur ont montré dans lé corps étudié le présence d’un alcaloïde volatil comparable à plusieurs égards aux Ieucomaïnes et aux plomaïnes.
- Il est assez désagréable de savoir dans l’air expiré, dans l’haleine, l’existence de ce poison; mais il semble qu’il n’agisse pas s’il ne peut pénétrer dans la circulation de sorte qu’il ne contribuerait pas, au moins directement, aux mauvaises qualités de l’air confiné.
- Non-existence du tétanos spontané. — Déjà M. Yer-neuil a exprimé son opinion, conclue des faits, que le tétanos résulte toujours de la pénétration dans l’organisme d’un microbe auquel une porte a été ouverte par une lésion plus ou moins facile à retrouver. Le savant chirurgien est ramené sur le même sujet par l’histoire d’une observation d’abord en apparence défavorable à sa doctrine dont elle a constitué finalement une intéressante confirmation ; C’est dans le département du Nord que le fait s’est produit : un négociant venant de décharger une voiture fut pris tout à coup d’un très grand malaise ; c’est d’ailleurs un homme d’une excellente santé, ayant cependant fréquemment de forts accès de mal de gorge. M. le Dr Bouisson appelé après trois semaines, constate un engourdissement de la moitié de la ligure et diagnostique la paralysie du nerf facial. Revenu cinq jours plus tard, il juge avoir affaire à un abcès profond de la gorge et, introduisant une cuiller dans la bouche il provoque une manifestation tétanique si forte que les dents du malade s’impriment dans le métal. Dès lors, l’auteur de l’observation, qui avait réuni en consultation les chirurgiens en chef des hôpitaux de Douai et de Cambrai, admet un cas de tétanos spontané, c’est-à-dire sans lésion visible antérieure ; et le fait lui paraît si évident qu’il le signale à M. Yerneuil comme venant à l’encontre des doctrines de celui-ci.
- C’est dans ces conditions que, par hasard, on remarqua un peu de sang dans les crachats du malade; des injections d’acide borique pratiquées dans le pharynx revinrent toutes rosées et, comme le sujet était sourd d’un côté, on acquit la certitude d’un abcès profond du pharynx. C’est par cette plaie, dont l’existence aurait si aisément pu passer inaperçue, que, suivant M. Yerneuil et suivant M. Bouisson, qui déclare se rendre à ses raisons, le microbe du tétanos a pénétré dans l’organisme du malade.
- Le rouge de la morue. — C’est le nom d’une altération que subit fréquemment la morue salée et qui en déprécie considérablement la valeur, quand même elle ne la fait pas rejeter tout à fait comme insalubre. M. Heckel, professeur à la Faculté des sciences de Marseille, ayant reconnu que le benzoate de soude empêche la propagation du rouge, a fait ajouter cette année, à Terre-Neuve même et sur une très grande échelle, le sel préservatif aux salaisons de morues. Les résultats ont, paraît-il, été des plus satisfaisants, et l’auteur les décrit dans une note déposée en son nom par M. Chatin.
- Fermentation du sucre. — Heuninger ayant analysé
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- avec soin un bon échantillon de vin de Bordeaux, y constata la présence de quantités sensibles d’alcool isobuty-lénique. Il voulait rechercher si la fermentation du sucre détermine normalement la production de ce glvcol, quand la mort est venue le ravir à ses travaux. Son collaborateur, M. Samson, a continué seul l’expérience commencée en commun, et M. Friedel annonce aujourd’hui en son nom qu’elle a donné le résultat espéré. Il se produit 5 grammes de l’alcool susnommé par kilogramme de sucre qui fermente.
- Varia. — M. le secrétaire perpétuel signale, d’une manière très particulière les publications qu’il vient de recevoir de l’Académie du Japon et de l’Université de To-kio. Ces volumes écrits surtout en français, en anglais et en allemand, renferment une foule de mémoires intéressants sur la physique mathématique, la chimie et l’astronomie, où sont employées les méthodes les plus perfectionnées de la science moderne. — Pour préparer le silicium, M. Faurie soumet à l’électrolyse du sulfate de cuivre où est plongée une électrode en siliciure de cuivre.
- — Le troisième volume des Annales de l’Observatoire de Rio Janeiro est déposéparM. Faye: il est entièrement consacré au passage de Vénus. —
- M. de Lesseps donne de nouveaux détails sur le canal provisoire éclusé qui permettra d’inaugurer le percement de Panama à la date annoncée.
- — Le cinquante-
- naire scientifique de M. Kokscharovv a été consacré en Russie par une médaille commémorative dont M. Des-cloizeaux dépose un exemplaire sur le bureau. — M. le Dr George annonce qu’il fera le dimanche 22 janvier, à 2 heures et 1 /2 précises au Conservatoire des arts et métiers, une conférence publique sur l’hygiène de la peau. Stanislas Meunier.
- LA. SCIENCE PRATIQUE
- BRULEUR A GAZ A ALLUMAGE AUTOMATIQUE
- Le système que nous allons laire connaître, est très simple, mais d’un emploi très pratique, puisqu’il permet d’allumer automatiquement un bec de gaz, en tournant le robinet de ce bec. Ce résultat est obtenu au moyen d’une petite flamme constamment allumée et brûlant en veilleuse. Cette Ranime est si petite, que la quantité de gaz consommé est inappréciable; on l’évalue environ à 1 centime 1/2 par vingt-quatre heures.
- Pour se servir de l’appareil on ouvre le robinet
- comme d’ordinaire pour avoir le gaz. Le robinet spécial de la veilleuse ayant deux crans d’arrêt, en le tournant même brusquement et à fond, soit à gauche, soit à droite, il donne la veilleuse ou la grande flamme; l’une brûle toujours pendant que l’autre est éteinte, le petit robinet les mettant alternativement en communication avec l’arrivée du gaz. Si l’on veut tout éteindre, il suffît de fermer le robinet resté sur le branchement.
- La petite flamme est entourée d’une lanterne en mica qui la tient à l’abri du vent, et en outre elle demeure visible et sert de veilleuse.
- Une petite vis se trouvant au-dessous de la vis principale du robinet, sert à régler la flamme de la veilleuse qui peut ainsi briller plus ou moins, suivant les besoins. Pour les becs placés hors delà portée de la main, le bouton du robinet est remplacé par un levier avec cordon ou chaînette. On comprend facilement l’usage de cette veilleuse dans les dortoirs, chambres de malades, où l’on a souvent besoin d’éteindre et d’allumer le gaz ; on s’épargne ainsi l’ennui d’allumer à chaque fois des allumettes ; on évite les incendies en même temps que les fuites de gaz occasionnées par la maladresse ou l’inexpérience de personnes qui ferment imparfaitement les becs ordinaires.
- Le petit brûleur à gaz est utile aussi dans les antichambres, caves, écuries et même dans les chambres noires de photographe, en un mot, dans tous les endroits obscurs où l’on a plus ou moins besoin de lumière d’une façon intermittente ; l’appareil est très coquet, nickelé et peu volumineux.
- Un modèle spécial est construit pour les applications de l'industrie, avec la simple modification que la grande flamme est horizontale ; on peut ainsi s’en servir pour le cachetage des paquets, il convient aux pharmaciens, confiseurs, fabricants de fleurs, etc.
- Ajoutons que le bec à veilleuse de gaz se substitue facilement à tous les becs ordinaires. L’origine de ce système est américaine, mais le constructeur français, M. Mallié, y a apporté des dispositions nouvelles et de réels perfectionnements.
- Le propriétaire-gérant : G. Tissàndier.
- Brûleur à gaz pour l’allumage automatique d’un bec. — A gauclie, brûleur allumé eu veilleuse. — A droite, coupe du système avec le bec allumé.
- Imprimerie A. Lahure, 9, rue de Fleurus, à Paris.
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- N° 7 G à. — !>8 JANVIER 1888.
- LA NATURE.
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- LE DOG-CART ÉLECTRIQUE
- n K Jl. MAC K US VO i, K
- En dépit de nombreuses expériences faites depuis quelques années pour réaliser un petit véhicule sur routes à moteur mécanique, véritablement pratiqué, rien n’a été construit jusqu’à ce jour qui permette de considérer comme réalisé ce rêve si longtemps caressé.
- La multiplicité des solutions partielles expérimentées et décrites ici même au fur et à mesure de leur apparition, prouve combien la question est difficile. 11 semble en tout cas déjà acquis que les
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- Dog-cart électrique à accumulateurs.
- moteurs thermiques (à charbon ou à pétrole), et les moteurs électriques, sont les seuls qui présentent quelques chances de succès. Les ressorts constituent un réservoir d’énergie incomparablement trop lourd et limité aux petits jouets mécaniques pour lesquels ils sont admirablement disposés; l’air comprimé est une réserve légère per se, mais le réservoir dans lequel il faut l’emmagasiner lui fait perdre tous les avantages à ce point de vue. L’acide carbonique n’a pas encore fait suftisamment ses preuves pour qu’on songe à l'employer. Il ne reste donc plus que la vapeur et l’électricité. Celte dernière, lorsqu’on tient compte des progrès réalisés pendant ces dernières années par les accumulateurs et les moteurs
- au poinl de vue de la légèreté, de la puissance et du rendement, semble devoir l’emporter sur la vapeur à divers points de vue. Les accumulateurs chargés représentent une certaine somme d’énergie disponible à volonté, par la simple manœuvre d’un commutateur, sans aucune préparation ni entretien. Le moteur électrique présente, d’autre part, la précieuse propriété de produire, entre certaines limites, une puissance d’autant plus grande qu’il tourne moins vite, ce qui lui permet de franchir les rampes sans trop diminuer de vitesse, et de descendre les pentes sans s'emballer dangereusement.
- Dans ces conditions, il est tout naturel que la question soit étudiée de différents côtés, et qu’il surgisse de temps en temps un nouveau véhicule t(ie aminée. — 1er semestre.
- électrique moins imparfait que ceux qui l’ont précédé, et se rapprochant de plus en plus de l’idéal. Ainsi se trouvent justifiées les nouvelles expériences laites récemment par M. Magnus Yolk, directeur du Brighton Electric Railivay, sur un dog-cart spécialement aménagé pour cette application, en mettant à prolit l’expérience acquise dans son exploitation.
- Le dog-cart construit par MM. Park de Brighton, et dont nous reproduisons ci-dessus le dessin d’après notre excellent confrère The Elecirician, de Londres, est actionné par un moteur Immisch, type de 0,5 cheval-vapeur. Il est alimenté par une batterie de seize accumulateurs de l’Electrical Power Sto-rage C°, disposés sous le siège et ayant une capacité suffisante pour assurer une marche de six heu-
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- rcs à débit normal. La transmission de mouvement du moteur à grande vitesse à la roue motrice, roue de droite du véhicule, se fait à l’aide de deux chaînes en acier et d’un arbre intermédiaire. Ce mode de transmission est d’une grande simplicité.
- Le moteur actuellement employé 11e pèse que 40 livres (18 kilogrammes), aussi est-il à peine suffisant pour le service qu’on lui demande. Les expériences faites ont donné des résultats fort intéressants relativement à la puissance absorbée pour effectuer la traction du véhicule sur des routes de spécifications très différentes. Elles ont montré, par exemple, que sur l’asphalte, l’effort de traction est moins grand que sur un rail à rainure, tels que ceux employés pour les tramways, et l’on a pu obtenir une vitesse de près de 17 kilomètres par heure, tandis que sur du macadam, cette vitesse était réduite à 7k,5 par heure. En portant deux personnes, le dog-cart électrique pouvait franchir des rampes de 5lra,5 par mètre. Le véhicule attire vivement l’attention des habitants de Brighton, ville des plus fashionables de l’Angleterre ; les résultats satisfaisants et fort encourageants déjà obtenus permettent d’espérer qu’avant peu un nouveau sport, le sport électro-vélocipédique, fera son apparition sur nos champs de course. Déjà, des amateurs enragés ont baptisé les nouveaux véhicules. Ebonite, Bichromate et Tout-en-plomb sont grands favoris. Bonne chance aux électro-velocemen. La confiance dans l’avenir fait la moitié du succès.... E. 11.
- UNE CROISADE CONTRE LES PIGEONS
- La guerre est déclarée aux pigeons qui infestent les monuments publics de Vienne (Autriche). Tel est, du moins, le désir de M. Trichy, architecte en chef de la ville, qui affirme que ces oiseaux sont devenus, par suite de l’indifférence que les Viennois semblent attacher à leurs monuments publics, non moins nuisibles que les chiens à Constantinople, et il regrette que le proverbial laisser-faire des habitants ait permis à un tel état de choses d’avoir lieu.
- De coûteux monuments sont, non seulement défigurés, mais détruits par le guano qui s’accumule en couches épaisses sur les statues et les grandes lignes architecturales des édifices. Dans certains cas isolés on a obtenu une certaine protection par l’emploi de treillages en fil, mais cela n’a pas chassé les pigeons qui continuent à déposer leur guano aux endroits où ce dépôt était le moins désirable. L’architecte propose un remède qui ne manque pas d’originalité pour arriver à l’extermination de ces oiseaux. Il veut, non les empoisonner, mais bien les griser, en mettant à leur portée des pois trempés dans l’alcool, ce qui rendrait leur capture et leur destruction aisées, sans faire perdre à ces volatiles leur utilité alimentaire. M. Trichy a certainement à cœur de préserver les monuments dont il a l’entretien, mais il reste à savoir s’il réussira dans sa croisade ; il est certain, en lous cas, de ne point échapper aux sarcasmes de ses concitoyens.
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- LA PROTHÈSE CHIRURGICALE
- La chirurgie a réalisé, depuis un demi-siècle, de merveilleux progrès. Aidé de l’anesthésie, l’opérateur a pu, sans crainte de la douleur et du choc nerveux produit par des souffrances intolérables, entreprendre avec plus d’audace et plus de sécurité des opérations délicates, longues et minutieuses. Plus tard, le pansement antiseptique, avec ses modifications si variées, mais ses principes absolus, a permis d'aborder sans crainte des opérations impossibles autrefois, telles que l’ovariotomie, 1 hystérectomie, et de renverser, d'une façon complète, au profit des malades, les données tristement malheureuses des statistiques du passé.
- Mais la chirurgie reste et restera toujours impuissante devant certains traumatismes, certaines mutilations produites par les armes de guerre, par les mille accidents du champ de bataille industriel. En présence de délabrements effroyables, le médecin est obligé, pour conserver l'existence, de réclamer le sacrifice d'un membre, bras, jambe. Certaines tumeurs malignes peuvent être enrayées, mais c’est au prix de l’ablation du segment de membre sur lequel elles se sont greffées. Autrefois les amputations donnaient, dans les conditions du milieu hospitalier, un pourcentage de mort véritablement effrayant; aujourd’hui, grâce aux méthodes de pansement modernes, les chiffres sont tombés au minimum, 2, 0, 4 pour 100. Le malade guérit de ces grandes opérations, mais il guérit au prix d’une infirmité qui l’empêche de gagner son pain, qui le réduit, ouvrier laborieux et homme plein de vigueur et d’entrain, à un degré d’incapacité notable pour la lutte de l’existence.
- Dans d’autres cas, des mutilations d’un autre ordre, produites par des plaies de guerre, ou des affections ulcéreuses, entraînent des difformités épouvantables. Le malheureux, victime de ces accidents, n’a rien perdu qui l’empêche de subvenir aux luttes de la vie, de remplir une tâche quotidienne, mais la difformité est si hideuse qu’il est devenu un objet d’horreur pour ceux qui l’entourent ou le voient ; il est dans un état plus lamentable que le premier, si l’on se place à un point de vue social. Je veux parler ici de ces désordres graves de la face, entraînant la perte complète du nez, d’une partie de la bouche, de la face.
- Fort heureusement, l’esprit humain, si fécond en merveilleuses inventions mécaniques, a su s’ingénier à remédier, par d’admirables appareils, à ces mutilations, à ces difformités. Quand le chirurgien a coupé un bras, une jambe, le fabricant donne les moyens de suppléer, dans une certaine mesure, à la perte du membre par un appareil approprié. Le blessé a-t-il une lésion de la face telle que les autoplasties ue puissent restaurer les dégâts, l’arsenal chirurgical possède encore les moyens de lui refaire un nez, un palais artificiels. C’est là ce qui constitue la prothèse
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- chirurgicale : suppléer par un appareil aux inconvénients qui résultent île l'infirmité et masquer dans la mesure du possible la mutilation.
- La perfection des résultats obtenus depuis quelques années par nos habiles fabricants d'instruments de chirurgie, les curieuses applications qui en ont été laites, m’ont suggéré l’idée de résumer rapidement cette question pour les lecteurs de La Nature. Les appareils sont extrêmement nombreux, les document* sur ce sujet, sont considérables, et je n’ai pas la prétention d'écrire l'histoire de la prothèse. 11 me suffira de faire connaître les particularités les plus intéressantes.
- Prenons d'abord le membre inferieur. C’est à propos des amputations ou des difformités congénitales de la jambe ou de la cuisse que l’on trouve, en effet, les documents les plus anciens. Les accidents et les plaies, pour être moins fréquents qu’aujourd’hui où tant d’engins, de machines admirables, mais dangereuses, sont employés dans l’industrie, ont été de, toutes les époques, de tou> les temps. Le premier homme qui a été victime d’une mutilation grave a dû, vraisemblablement, songer à y remédier au moyen d’une canne, d’une béquille quelconque, laite avec une branche d’arbre fourchue. Je laisse aux anthropologistes le soin de fouiller ce point d’histoire rétrospective. J’abandonne également aux historiens le soin de rechercher quelle part de priorité dans l’invention des membres artificiels doit revenir à Jupiter. On raconte en effet dans l’histoire mythologique que le roi Tantale servit aux dieux, dans un festin, les membres de son fils Pélops; un bras fut mangé par Gérés; mais Jupiter ranima l’enfant et lui mit un bras d’ivoire.
- Un des plus anciens documents probants est un passage du livre de Calliope d’Hérodote qui rapporte qu’Ilégésistrate, fait prisonnier par les troupes de Xerxès, eut le courage de couper la partie de son pied maintenue dans les fers. 11 se sauva par un trou pratiqué dans la muraille et se fît faire plus tard un pied de bois.
- Percv raconte avoir vu sur des marbres antiques des figures de soldats revenant de la guerre et, parmi eux, quelques-uns avec des jambes de bois. 11 cite également comme un fait véritable l’histoire du jeune Lacédémonien qui, en combattant, perdit une jambe et la fit remplacer par une jambe de bois. C’est à lui que sa mère disait : « Console-toi, mon fils ; tu ne pourras désormais faire un pas sans te souvenir de ce que tu as fait pour ton pays. »
- Les pères de la médecine, Hippocrate, Galien, Üribase, ne l'ont mention, dans aucun de leurs ouvrages, d’appareils de ce genre, et il faut arriver presque jusqu’à Ambroise Paré pour voir la prothèse étudiée comme elle le mérite.
- U y a quelques aimées, cependant, M. E. Rivière a communiqué au congrès de Y Association française, à la Rochelle, des gravures et moulages de fragments de vase de l’époque gallo-romaine où l’on trouve la représentation du pilon de bois classique.
- Sur un vase peint, conservé au Louvre, et qui parait appartenir à la fin du quatrième siècle avant Père chrétienne, on voit une sorte de mime ou bateleur, dont la jambe droite est entière et repliée, le genou reposant dans l’échancrure d’un pilon.
- Pans la mosaïque de la cathédrale de Lescar, dans ies Passes-Pyrénées, de l’époque gallo-romaine, d’après M. A. de Longpérier, on voit un chasseur nègre, dont la jambe droite, privée de pied, est repliée et s’appuie sur la fourche d’une jambe de bois.
- Enfin la troisième pièce, recueillie par M. Rivière, est le moulage d’un fragment de poterie ancienne, analogue, par sa finesse, et par sa couleur rouge, à ces belles poteries auxquelles on est convenu de donner le nom de poteries samiennes et qui a été trouvé à Paris dans des travaux de terrassement. L’ornementation en relief représente, avec une chasse, un homme nu dont une jambe, mutilée, repose sur un véritable pilon.
- C’est dans l’ouvrage des Plaies par arquebu-sades, d’A, Paré, qu’on trouve les premières indications précises des appareils et le type de la jambe artificielle, dite pilon, dont la construction moderne [dus élégante ne diffère en rien, comme on le verra par les figures, du pilon de cette époque (fig. 1). A. Paré, dont la clientèle comprenait nobles et vilains, seigneurs et soldats, donne le modèle des jambes de pauvre ef des jambes de riche: l’une, simple, usuelle, la plus pratique, pourrait-on dire; l’autre, avec articulations, revêtue d’une sorte de cuirasse pour dissimuler le mécanisme et donner plus d’illusion.
- « Les figures et pourtraiets des bras et iambes qui s’ensuiuent représentent les mouvements volontaires de tant près qu’il soit possible à l’art en suiure nature. Car flexions et extensions se peuuent faire par bras et iambes artificiellement faictes sur ces pour-traicts. Lesquels j’av par grand prière recouuert d’un nommé le petit Lorrain, serrurier, demourant à Paris, homme de bon esprit, avec les noms et explication de eliascune partie ilesdicts pourtraiets faic-te en propres termes et mots de l’artisan : à fin que chascun, serrurier ou horologeur, les puisse entendre et faire bras ou iambes artificielles et semblables : qui servent non seulement à l’action des parties amputées mais aussi à la beaulté et aorne-ment d’icelles : corne on peult cognoistre et veoir par les figures suivantes » (fig. 1, 2, o).
- 11 est vraisemblable qu’avec la jambe artificielle d’A. Paré, nue ou revêtue, le blessé ne devait dissimuler que d'une façon bien imparfaite la perte du membre, mais enfin d pouvait marcher.
- Depuis cette époque, la mécanique a fait de jolis progrès et l’art du fabricant d’appareils a été poussé à ses dernières limites. Aussi les appareils actuels réunissent-ils à la solidité nécessaire une élégance qui permet, après un certain temps d’accoutumance, de ne plus laisser voir qu’une boiterie fort légère ou mieux une sorte de retard dans l’avancement du pied artificiel. 11 faut tenir compte du reste de la
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- longueur du segment de membre enlevé. L'amputation de jambe dite au lieu d élection, au tiers supérieur du tibia, laisse le libre fonctionnement des
- Fig. 1. — Jambes artificielles du temps d’Ambroise Paré. (D’après une ancienne gravure.)
- muscles de la cuisse et permet l’avancement du membre sans, pour ainsi dire, grand artifice. Il n’en est pas ainsi quand, pour une raison ou pour une
- Main artificielle du temps d’Ambroise Paré, (D’après une ancienne gravure.)
- autre, la section a dù porter sur la cuisse. Ces conditions donnent lieu à la nécessité d’appareils distincts qu’il nous est impossible de reproduire tous ici.
- Pour les uns, c’est une simple bottine remplaçant tout ou partie du pied ; pour les autres, c’est une jambe; pour d’autres enfin, c’est tout le membre inférieur qu’il a fallu suppléer par un appareil qui prend son point d’appui sur le bassin. Le plus généralement formé d’une sorte de moule de cuir, l’appareil est renforcé par des tiges d'acier articulés au niveau du genou, du cou-de-pied. Ces articulations, faciles à fixer au moyen d’un cran d’arrêt, permettent à l’invalide de plier la jambe dans la station assise.
- Les modèles sont nombreux; il suffit de voir les divers appareils de Gayraud, Martin, Bigy, Charrière,
- pour suivre les progrès obtenus par les inventeurs et fabricants. Robert et Collin sont parvenus à diminuer le poids de l’appareil en évidant toutes les pièces d’acier qui entrent dans sa composition et ils ont pu obtenir ce résultat sans nuire a la solidité.
- Dans ces appareils à articulation , à genou flexible, les blessés éprouvent en général une certaine gêne dans la marche, pour projeter rapidement la jambe artificielle et ne pas marquer le temps d’arrêt inévitable. Une modification ingénieuse a remédié à ce petit inconvénient qui se trahit au maximum dans le port du pilon. An moyen d’une bande élastique,
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- Fig. 3. — Bras artificiel du temps d’Ambroise Paré. (D’après une ancienne gravure.)
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- toujours tendue, lu partie inférieure de l’appareil, la jambe, est attirée en avant, dès que le poids du corps ne pèse plus sur l’appareil.
- Tous ces appareils sont chers et d’un entretien coûteux; ils se détériorent assez facilement et nécessitent un remplacement relativement frequent ou des réparations délicates. Aussi ne conviennent-ils qu’à la classe riche. L’appareil vulgaire, la jambe de pauvre, comme l'appelait A. Paré, est le pilon, solide, bien agencé; il permet à l’ouvrier des marches fatigantes, de se livrer a tous les travaux de son métier, et je sais plus d’un infirme fortuné qui préfère cette vulgaire jambe de bois à l’appareil prothétique le plus perfectionné.
- Le pilon, dans son expression la plus simple, est constitué par un manchon de bois de tilleul, échan-cré en avant et en arrière pour loger la cuisse et le genou, les deux parties latérales formant attelles. Une ceinture maintient la plus longue lixée au bassin, l’autre est retenue par une courroie contournant la cuisse. C’est à ce manchon que vient se fixer, par une douille métallique, la tige de bois, le pilon.
- Tel quel, il a bien ses inconvénients, le point d'appui est fort étroit et les glissades sont fréquentes; la saillie qu’il forme et sa rigidité ne permettent pas le relèvement assez directement; le blessé est obligé de faucher en marchant ; mais, je le répète, ce sont des inconvénients auxquels l’habitude
- Fig. i. — Appareils modernes destinés aux amputés.
- 1. Jambe artificielle avec ceinture. — 2. Appareil pour désarticulés de la cuisse. — 3 et A. Bras artificiel inventé et construit par M. L. Matthieu pour l'eu Roger, de l’Opéra. — 5. Avant-bras artificiel, avec main, pouce et index articulés.
- pallie en grande partie. Même avec une double amputation, le pilon est encore un appareil pratique. Il est nécessaire à l’amputé d’avoir, dans ce cas, un troisième point d’appui, une canne ou une béquille; mais la marche s’exécute assez bien, avec un balancement alternatif du corps, un fauchage prononcé. Tous les Parisiens connaissent l’infirme du boulevard des Capucines et le nègre joueur d’accordéon, qui, chaque semaine, s’installe à l’avenue de l’Opéra, tout près de la demeure de notre rédacteur en chef.
- Le gros point pour la bonne tolérance de ces appareils, c’est une bonne confection du moignon, le choix judicieux d’un procédé, suivant l’état, l’éten-
- due de la plaie et la cicatrisation, menée à bonne tin. C’est la l’œuvre du chirurgien; je n’ai pas à m’y arrêter.
- Les appareils prothétiques destinés à remédier aux mutilations du membre supérieur sont d’invention moins ancienne que ceux de la jambe ; tout au moins ne retrouve-t-on dans les écrits anciens aucune indication relative à ce sujet.
- La partie la plus essentielle de ces appareils est la main ; que la mutilation porte sur l’extrémité ou la totalité du membre, ce sont les divers mouvements de. préhension dévolus h la main qu’il s’agit de rétablir au mieux, l/appareil le plus ancien que
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- l’on connaisse est la main de fer du chevalier Goetz de Berliehingen. Blessé au siège de Landslmt d’un coup de leu qui lui fracassa le poignet, il dut se faire amputer U avant-bras. Se rappelant qu'un autre chevalier, qui avait également perdu la main droite, itait parvenu à la remplacer par une main artificielle, il se lit construire par un habile armurier de Nuremberg une main de fer qui lui permit de manier de nouveau l’épée et de reprendre son service pendant encore soixante ans. Les descendants du chevalier, dit Bérard, ont conservé cette main dans le château de leur aïeul à Jaxthausen et l’empereur Joseph II en fit faire une copie pour l'Instrumenta-rium de Vienne.
- Le modèle, imaginé par le petit Lorrain, pour un amputé d’A. l'are, est plus ingénieux que celui de Berlichingen. Le mécanisme en est, facile à saisir (tig. 2). Des ressorts d’acier maintiennent les doigts étendus ou les ramènent à l’extension quand ils ont été fléchis. Cette flexion s’obtenait à l’aide de l’autre main, par l’intermédiaire de roues dentées; une fois pliés au degré voulu, les doigts étaient fixés en place par un écrou qu’on sortait à volonté.
- Ces appareils, de véritables chefs-d’œuvre de mécanique pour l’époque, furent peu à peu abandonnés, et ce n’est que de nos jours qu’on a vu surgir des modèles arrivés progressivement à un haut degré de perfection. Qu’on juge de la différence en comparant le bras d’A. Rare et le bras artificiel de nos fabricants modernes. Ce bras de l’arc se manœuvrait avec la main conservée au moyen d’une roue dentée avec gâchette; le ressort, une fois le cran abaissé, permettait au bras de reprendre spontanément la position d’extension. C’est probablement d’un bras de ce genre que se servait François de la Noue, capitaine huguenot du seizième siècle. Au siège de Fontenoy, raconte M. Buchon dans le Panthéon littéraire, il eut le bras gauche fracassé d’un coup d’arquebuse. Il se refusa d’abord à l’amputation, déclarant qu’il aimait mieux mourir que de se mettre hors d’état de combattre. Ses amis le persuadèrent enfin dt la reine de Navarre eut la force de caractère de lui tenir le bras pendant l’opération. Un bras de fer le mit en état de tenir la bride de son cheval et il vola aux combats avec une ardeur nouvelle.
- Ces appareils, si merveilleux qu’ils fussent pour l’époque, n’eurent qu’un succès éphémère ; leur prix était trop élevé pour être accessible à beaucoup de blessés ou d’infirmes, et, d’autre part, la nécessité d’exécuter les mouvements de cette machine à l’aide de l’autre main en rendait l’usage fort précaire : c’était un objet de luxe et on l’abandonna.
- Ce n’est guère qu’à notre époque, en ne nous arrêtant pas à une série de tentatives inutiles à décrire, que la question fit un grand pas, en fabriquant des appareils prothétiques de travail et en donnant au bras mécanique une action pour ainsi dire directe, en dehors de tout secours de la main restée. C’est au mécanicien Van Petersen que l’instrumentation chirurgicale est redevable de cette belle
- invention perfectionnée depuis par différents constructeurs, par de Bcaufort, Charrière, Collin. Galante et Mathieu. Van Petersen eut l’idée ingénieuse de prendre pour force motrice le mouvement des épaules et du tronc. La traction était transmise au bras artificiel dans ses diverses parties au moyen de cordes glissant sur des poulies de renvoi qui, suivant l’élévation plus ou moins prononcée de l’épaule, son avancement ou son effacement, en arrière, déterminait la flexion des doigts, de l'avant-bras et pouvait porter la main en dedans ou en dehors.
- Le liras de Petersen, dont le mécanisme intime demanderait une description trop longue, était déjà un appareil fort remarquable. Cependant, les mouvements y étaient tous solidaires les uns des autres et au point de vue de l’esthétique, comme de la manœuvre pratique des divers mouvements, il était nécessaire de les avoir indépendants les uns des autres. L’accident de chasse qui nécessita, chez le grand artiste Roger, l’amputation du bras fournit aux fabricants l’occasion d’exercer leur sagacité. Le bras imaginé par Charrière était un grand progrès; celui que réalisa Mathieu et qui fut adopté par Roger avait tous les mouvements indépendants. C’est un appareil parfait qui donnait complètement, l’illusion d’un bras réel, tant les mouvements étaient accomplis avec aisance et facilité. Le bras proprement dit est en cuir moulé et c’est le mécanisme qui en fait tout l’intérêt. La prise de jeu des cordes de flexion tics divers segments a été combinée si heureusement, qu’un effort très minime de l’épaule donne le mouvement voulu. Il est douteux qu’on puisse jamais arriver à quelque chose de plus parlait (fig. 4, nus û et 4).
- Ce sont là, ai-je dit, des appareils de luxe, délicats, coûteux et qui ne répondraient, pas aux besoins du plus grand nombre des amputés. Il faut, pour l’ouvrier, un appareil solide, permettant de saisir avec vigueur un instrument de travail. Pour ces cas particuliers, l’appareil est moins compliqué : il se compose en général d’un manchon solide, articulé avec des tuteurs d’acier, solidement fixé au moignon et terminé, au lieu d'une main, par une armature métallique à laquelle peuvent se visser diverses pièces, telles qu’un crochet, une fourchette, un anneau, un marteau, etc., suivant les besoins professionnels ou passagers de l’amputé.
- L’appareil, imaginé par le docteur Gripouilleau, est un des plus parfaits dans ce genre ; véritable instrument de travail, il est construit et articulé de Jàçon à se prêter à tous les divers travaux des champs. J’en dirai autant du bras avec pince de Charrière. Le bras artificiel de M. de Beaufort est fort ingénieusement imaginé ; on Fa cependant fort critiqué et on a voulu le regarder plutôt comme un bras de luxe, non pas au point de vue du prix, mais au point, de vue des services qu’il peut rendre.
- Yoici comment le professeur Lefort, bon juge en cette matière, classe ces appareils prothétiques :
- « A l’ouvrier de l’industrie, amputé de l’avant-bras,
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- l’appareil dans lequel la main est remplacée par le marteau, la pince...; au laboureur, à l’ouvrier des champs, la main, l’avant-bras de (iripouilleau ; à l'employé, au soldat retraité et oisif,' la main de M. de Rcaufort ; aux riches, le bras de Van IV-lersen. Aux amputés du bras, s’ils sont ouvriers, le bras de Gripouilleau ; aux gens riches, le bras de Van Petersen amélioré par Gharrière et Mathieu. »
- Il est difficile d’avoir une idée bien exacte du nombre des malheureux qui ont besoin d’appareils de ce genre. Comme le lait remarquer Debout, quand les individus n’ont perdu qu’un bras, il est rare, du moins, si ce sont des hommes, qu’ils lassent un long usage d’un membre artificiel ; ils s’en font fabriquer un aussitôt que leur amputation est guérie, mais ils ne tardent pas à l’abandonner. L’habileté qu'ils acquièrent pour exécuter, à l’aide de la main qui leur reste, un bon nombre des actes qui exigeaient autrefois le concours des deux mains et les mauvais modèles de membres artificiels qui leur sont livrés souvent en sont les causes principales.
- Les femmes se montrent moins exigeantes, et il suffit que les appareils cachent leur difformité pour qu’elles soient satisfaites.
- Le nombre des amputés de bras ou de jambe est cependant élevé : sans parler des guerres où la proportion devient formidable (guerre de Sécession : 400 mille blessés; plus de 15 mille amputations diverses. —Guerre de 1870, armée française, statistique de Chenu, plus de 10 mille amputations ou désarticulations), on peut compter qu’à Paris il se pratique annuellement, près de 200 amputations. La statistique des hôpitaux pour 1884 donne 1 75 amputations; si on y ajoute les opérations faites en ville, le chiffre de près de 200 n’est pas exagéré.
- On voit quel chiffre considérable de malheureux est obligé de recourir à ces appareils pour pallier à leurs mutilations.
- — A suivre.— Dr A. LaRTAZ,
- LE "CENTENAIRE DE L’AUSTRALIE
- La Nouvelle-halles du Sud se prépare à célébrer, par des fêtes qui auront lieu à Sydney le 26 janvier, le centième anniversaire du jour où le capitaine Philipps, premier gouverneur de la colonie, a pris possession du continent australien au nom de son maître Georges III, roi d’Angleterre.
- Cette solennité sera accompagnée d’une Exposition industrielle et scientifique universelle qui aura lieu à Melbourne, chef-lieu de la colonie de Victoria. La Nouvelle-Galles du Sud voulait attacher le souvenir de son centenaire à un grand événement scientifique et envoyer une exploration au pôle austral. Malheureusement le Times du 14 janvier nous apprend que, contrairement à l’avis de la Société Royale de Londres et de la Société de géographie, la Trésorerie a refusé de faire la dépense de 125 OOü francs demandés par la colonie comme part contributive de la mère patrie. La nouvelle de ce refus, expédiée par le télégraphe, est arrivée à la métropole australienne à la veille de l’ouverture des fêtes.
- Le 26 janvier 1786 arrivait, dans la baie Botanique, deux frégates portant le pavillon fleurdelisé de la France. Elles étaient commandées par l’immortel La Pérouse, chargé de faire dans les mers Australes un voyage d’exploration scientifique. C’est de la baie Botanique que sont datées les dernières dépêches envoyées par cet illustre martyr des sciences géographiques au gouvernement français. Ces dépêches décrivent l’installation de la nouvelle colonie, et expriment les vœux les plus sincères pour sa prospérité.
- Les souhaits de l’illustre marin ont porté bonheur à la jeune nation qui pousse aux antipodes avec une rapidité fantastique, surtout depuis 1851, car, à cette époque, la population d’origine européenne atteignait a peine, dans tout le continent australien, 300 000 individus. Aujourd’hui elle est de 5 000 000 ; elle a décuplé en moins de quarante années. A cette époque, la ville de Melbourne n’avait encore que 6000 habitants. La Nouvelle-Zélande, qui possède actuellement 400 000 habitants, était entre les mains des Maoris.
- Nous trouvons dans les plus récents numéros de YAustralian Times et Anglo New-Zelander quelques chiffres qu’il est important de donner. En 1887, l’Australie et la Nouvelle-Zélande ont envoyé en Angleterre 844 000 carcasses de mouton conservées fraîches à l’aide des procédés de réfrigération et pesant net 17 millions de kilogrammes. L’Ormuzd a fait le voyage de Plymoutli à King’s George’s Sound (Australie) en vingt-cinq jours six heures avec une vitesse moyenne de 15 nœuds (27 kilomètres) par heure. Depuis la découverte des mines d’or, les colonies australiennes ont envoyé en Angleterre 81 millions d’onces, soit 2 500 000 kilogrammes d’or, valant 317 millions de livres sterling, soit 7 milliards 825 millions de francs. Dans la seule année 1886, les colonies australiennes ont produit 200 millions de kilogrammes d’une valeur de 400 millions de francs. Les budgets réunis des colonies australiennes s’élèvent à 500 millions de francs.
- INFLUENCE DES ROUTEILLES SUR LE AIN
- On a remarqué qu’une pièce de vin vieux et de bonne qualité ayant été mise dans des bouteilles de diverses provenances, le vin mis dans de vieilles bouteilles dites de Rouen s’est amélioré, tandis que, dans les autres bouteilles, il a pris un petit goût de verdeur qui le ferait prendre pour un vin nouveau. Le fait tient à la différence de nature entre les verres qui entrent dans la fabrication des bouteilles. L’influence de la nature du verre est telle que M. Peligot lui attribue les modifications que le vin subit, quand on le conserve longtemps en bouteille. Aujourd’hui, la composition du verre à bouteille est très variable; les fondants ordinaires (soude et potasse) sont souvent remplacés par des fondants d’un prix moins élevé (chaux, magnésie, oxyde de fer), sur lesquels les acides du vin ont plus d’action. C’est la substitution de la chaux à une partie de la potasse et de la soude qui paraît la cause principale de la mauvaise qualité des bouteilles ; dans celles où le vin s’améliore, la proportion de chaux ne dépasse pas 18 à 20 pour 100. Malheureusement on ne peut connaître les différences que par l’analyse chimique; dans l’usage quotidien il ne faut donc pas se laisser guider par le bas prix de certaines bouteilles quand il s’agit d’y mcltre du bon vin.
- (Progrès industriel.)
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- UN PIED DE YIGNE EN CVLIF0KN1E
- Nous avons déjà eu l’occasion de traiter ici l'importante question de la culture de la vigne en Californie. Nous publions ci-contre la reproduction de deux vues photographiques que M. Cli. Joly, vice-président de la Société nationale d’horticulture de France, a bien voulu nous communiquer. Ces deux photographies représentent, à la partie inférieure (fig. I), et à la partie supérieure (fig. 2), un pied de vigne existant actuellement en Californie, à !
- Montecito, dans le comté de Los Angeles, et appartenant à M. Albert Magee. U est Agé de trente ans seulement et couvre déjà une superficie de 900 pieds carrés. Sa production actuelle est de cinq tonnes de raisin et sa circonférence, à un pied du sol, est de 40 pouces. Il existe près de là, à Carpentaria, un autre pied à peu près semblable : tous deux deviendront avec le temps de véritables curiosités végétales.
- En 1887, dit M. Ch. Joly, d’après hs renseignement recueillis par M. Wetmore, la récolte du vin en Californie a été de seize millions de gallons seulement (I gallon 4,54 litres). L’année der-
- Fig. 1. — Pied de vigne de Montecito, en Californie, à sa partie inférieure. (I)’après une photographie.)
- nière, elle était de dix-lmit millions de gallons, mais elle aurait dû s’élever, en 1887, à trente millions, sans les gelées et la coulure qui ont anéanti la moitié de la récolte1.
- Malgré cela, malgré toutes les maladies anciennes et nouvelles qui assiègent la vigne, elle reste tou-
- 1 Si la récolte des vins a élé médiocre en 1887, celle des fruits aurait été très abondante. La Californie qui, il y a trente ans. tirait ses légumes de la Nouvelle-Zélande et ses farines du Chili, a exporté en 1886 :
- En fruits frais............... 22 758080 livres.
- — secs..................... 6115070 —
- En conserves, en boîtes....... 50656710 —
- Sans compter 12970800 livres de raisins secs.
- jours la culture la plus rémunératrice, et dans la Californie, l’Algérie et l’Australie, comme en France, en Espagne et en Italie, chacun s’efforce d’étendre son vignoble. Faire croître de la vigne est chose relativement facile, quand le climat s’y prête; ce qui est bien plus délicat, c’est la vinification, c’est la science œnologique que nos compatriotes ont acquise après bien des années d’observations, c’est le choix des cépages suivant les sols et les climats. Il y a là bien à apprendre et à observer.
- Dans une note publiée en 1884, sur la dix-neuvième session de la Société pomologique américaine, M. Ch. Joly avait déjà donné le dessin d’un ancien
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- pied de vigne existant à Montecito, près de Santa-B.trbara, en Californie. Cette vigne, qui couvrait un espace de dix mille pieds carrés et qui produisait 40 à 12 001) livres de raisin annuellement, avait été coupée pour être montrée à l’Exposition universelle de 1876, à Philadelphie. C’était une variété dite de « la Mission », parce qu’elle avait été importée par les premiers missionnaires espagnols qui ont colonisé les cèles de l'océan Pacifique bien longtemps avant l’arrivée des Américains du Nord. Le raisin de la Mission est abandonné presque partout aujourd’hui et remplacé par des variétés nouvelles bien su-
- périeures en qualité et qui s’élèvent déjà au nombre de plus de deux cents, là où l’on ne connaissait guère que le « Catawba » et 1’ « ïsabella ». Qui sait si les Etats-Unis, après avoir importé de la France et de la Belgique les meilleurs plants de leurs vergers et après nous avoir envoyé leurs vignes résistantes au phylloxéra, puis leurs pèches précoces, comme l'Amsden et l’Alexander, ne nous enverront pas à leur tour, dans l’avenir, d'autres variétés de fruits et de raisins qui enrichiront nos collections actuelles?
- En Angleterre où l’on cultive beaucoup le raisin sous verre, on peut citer, à côté de l’exemple que
- Fig. 2. — Pied de vigne de Montecito, en Californie, à sa partie supérieure. (D’après une photographie.)
- nous venons de présenter aux Etats-Unis, des pieds de vigne remarquables. Nous mentionnerons particulièrement celui de Hampton-Court, qui a donné l’année dernière quinze cents grappes, et celui de Cumberland lodgeh Frogmore, qui a une richesse à peu près égale. Quelques variétés produisent des grappes monstrueuses pesant de 20 à 25 livres. D’après le Gardener Chronicle, la plus remarquable a été exposée en septembre 1875 à Edimbourg ; elle pesait 20 livres et 4 onces.
- Nous ajouterons, après avoir mentionné ces merveilles de l’étranger, que pour celui qu’intéresse la culture perfectionnée de la vigne et surtout la con-
- servation du raisin, Thomery, près de Fontainebleau, est toujours le point le plus intéressant à visiter, surtout si l’on peut y voir les intelligentes installations de M. E. Salomon, l’un des plus habiles viticulteurs qui existent. Là, le chasselas est cultivé sur près de 125 hectares entourés de murs de 5 mètres de hauteur; ces clôtures ont près de 200 kilomètres de longueur et donnent au village un aspect tout spécial, comme celui de Montreuil, près Paris, pour la culture des pêches. Un espalier bien cultivé produit en moyenne 1 kilogramme de chasselas par mètre superficiel : un hectare coûte 1500 francs environ, pour frais de culture; mais son produit est
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- de 7 à 8000 francs, suivant le prix des raisins qui varie de 2 à 8 et 10 francs le kilogramme, suivant qu’il est vendu en octobre ou en mars et avril.
- LE DESSÈCHEMENT DU ZUIDERZÉE1
- La Hollande, comme on le sait, ne se contente pas de défendre son sol contre les envahissements de la mer, elle travaille activement à reconquérir ce que son éternelle ennemie lui a enlevé au cours des siècles, notamment dans cette terrible nuit de la Sainte-Elisabeth, où soixante-douze villages disparurent avec leur territoire. On estime que l’on a repris possession déjà de 590 000 hectares, et, grâce aux travaux continuels, la surface de la Hollande s’accroît, en moyenne, d’après Slaring, de 5 hectares par jour. Dans ces terrains reconquis, la surface de la mer de Haarlem, reprise aux eaux par l’ingénieur Leeghwater, au milieu de ce siècle (1840-1852), représente 140 kilomètres carrés.
- Encouragée par ce succès, la Hollande prépare aujourd’hui une œuvre plus gigantesque encore; dès 1849, de hardis ingénieurs proposaient le dessèchement du Zui-derzée, cet immense golfe produit par un envahissement de l’Océan, il y a plus de six siècles (en 1282).
- L’opinion publique, favorable à une («livre qui donnerait une nouvelle province au royaume, pousse à son exécution, et des comités se sont formés pour supporter les frais des études préliminaires. Les premiers projets reculant devant la fermeture complète du golfe, se proposaient de barrer toute sa partie sud par une digue allant de la pointe de Enkhuizen à l’ouest, au sud de l’embouchure de l’Issel à l’est, s’appuyant en son centre sur les hauts fonds de l’Urk, et laissant ainsi libre toute la partie nord pour l’écoulement des eaux.
- Aujourd’hui, le projet a pris une tout autre extension; un ingénieur patronné par une société qui, sous le nom de Y Union du Zuiderzée, semble résolue à mener la question à une fin pratique, présente un nouveau plan qui consiste à barrer l’entrée même du golfe en réunissant la côte sud de la Frise à la Hollande septentrionale par une double digue. Ce travail accompli, l’espace circonscrit serait asséché au moyen de machines; il y faudrait plusieurs années, en supposant que les engins employés puissent débiter un volume d’eau six fois plus considérable que celui de la Seine à Paris à l’étiage.
- LES BIÈRES FRANÇAISES
- UNE VISITE A L’EXPOSITION DE 1887 (Suite et lin. — Voy. p. 60.)
- On sait que la fabrication de la bière se divise en deux parties principales ; la malterie et la brasserie.
- 1° La malterie consiste à faire germer l’orge, préalablement mouillée, pour que la diastase fournie par l’embryon transforme en sucre l’amidon qu’elle contient, puis à dessécher le grain en tourailles pour arrêter la germination au moment voulu. Après avoir séparé les radicelles du grain, il ne reste plus qu’à concasser l’orge ainsi préparée ou malt pour
- 1 Yoy. 1er semestre 1875. Travaux publics en Hollande.
- l’approprier aux opérations de brasserie proprement dite.
- La germination n’est pas absolument indépendante des saisons. Le mois de mars est l’époque la plus favorable pour cette opération et semble donner les meilleurs produits (bières de mars). On sait qu’elle s’opère en étendant et manipulant le grain sous des épaisseurs déterminées, dans des greniers ad hoc, ventilés avec le plus grand soin pour éviter une trop grande élévation de température et surtout pour enlever l’acide carbonique formé aux dépens de l’oxygène de l’air et des éléments de la graine qui perd de ce fait environ 2 pour 100 de son poids. Nous avons trouvé à l’Exposition plusieurs ventilateurs, ceux de M. Fareot, entre autres, etcelui que construit M. Pedrazzetti. Ce dernier appareil (fig.l) est établi sur le principe fort ancien (les souffleries catalanes, où l’air est entraîné par un jet d’eau. 11 peut opérer soit par aspiration, soit par refoulement, et présente l’avantage d’agir très économiquement et sans l'intermédiaire d’aucun mécanisme. Son emploi peut être très généralisé.
- Les tourailles ont été peu perfectionnés. Nous signalerons toutefois que M. E. D. Fareot et M. d’An-thonay proposent d’y adapter un ventilateur aspirant ou soufflant(fîg. 2) de manière à supprimer les sortes de coups de feu que l’on était parfois obligé de donner, au grand détriment des produits, pour obtenir par certains temps un tirage régulier. On a essayé aussi d’appliquer les fours Perret à l’opération du maltage.
- En passant, nous signalerons les tissus Rode pour planchers. Ces tissus composés d’un treillis particulier en lils de fer trapézoïdaux permettent une bonne circulation d’air dans les tourailles, sans présenter la moindre saillie pouvant empêcher le pelletage.
- 2° La brasserie proprement dite consiste à (raiter par l’eau, à 72° environ, le malt concassé pour obtenir un moût sucré, que l’on aromatise avec du houblon et qu’il ne reste plus qu’à faire fermenter dans des conditions particulières suivant que l’on veut produire de la bière haute ou delà bière basse.
- Les cuves-matières, servant au traitement du malt, sont représentées par plusieurs modèles sans grands perfectionnements. M. H. Carpentier construit cependant un type en tôle garnie, à quatre caissons avec ou sans brise-lames (fig. 5), dans lequel le vagueur (ou agitateur intérieur) est à ailettes mobiles capables d’inclinaisons variables et à changement de marche. Les deux mouvements sont automatiquement solidaires et permettent d’obtenir un brassage des plus faciles.
- A signaler aussi un perfectionnement récent qui consiste à mouiller légèrement le malt concassé pour éviter la production de folle farine au début du traitement à la cuve-matière. L’hydrateur Briggs, composé d’un cylindre horizontal à palettes intérieures mobiles, représentait ce genre d’appareils au Palais de l’Industrie.
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- m
- Les chaudières à bouillir servant an traitement du moût par le houblon ne présentent aucune disposition nouvelle.
- Les réfrigérants sur lesquels le moût houblonné vient ensuite se refroidir rapidement sont assez généralement construits sur le principe de la circulation méthodique en lames minces. Le type en est, sans contredit, le réfrigérateur Lawrence de Lille (lig. 4), trop connu pour que nous nous y arrêtions
- davantage et dont la fi g u r e fait d’ailleurs suffisamment comprendre le principe. R i e n d c particulier à signaler comme cuves à fermentation vers lesquelles le liquide est ensuite dirigé pour subir sa transfor m ation alcoolique sous l’inlluence de la levure de bière
- que l’on y ajoute. Cette fermentation peut être haute, c’est-à-dire produite vers H-18° (comme pour nos bières du Nord), ou basse, c’est-à -dire produite vers -+- 5° (comme pour toutes les bières de garde allemandes ou autres et la plupart de nos bières françaises).
- Crains d’orge germes
- Fig. 2. — Touraillc à veut forcé <le M. E.-D. Farcot,
- Dans ce dernier cas surtout, le complément naturel de cette partie du travail est la machine à glace. L’Exposition nous offre un nombre considérable de ces appareils : citons les machines Mignon-Rouart, Fixary, Imbert, fonctionnant à l’ammoniaque, Cres-pin fonctionnant au chlorure de méthyle. Ces engins sont assez généralement connus pour qu’il n’y ait qu’à constater en passant les grands progrès dus à la généralisation de leur emploi. Us servent, d’ailleurs, soit à la production de la glace utilisée directement comme dans l’ancien système des nageurs
- de cuve, soit à la préparation de mélanges incon-I gelables que l’on fait circuler dans de longs ser-j pentins (ayant parfois 50 kilomètres de longueur)
- | placés dans les caves oii il faut refroidir l’air ; ou bien encore, car ce dernier système présente quelques inconvénients, à actionner un lrigorifère spé-' cial (système Fixary, fig.5) que traverse l’air, aspiré | d’un côté dans les chambres à cuves et refoulé en-! suite dans les caves de garde ; ces deux espaces ' communiquent, d’autre part, par des trappes garnies de coton pour filtrer l’air, si bien que la circulation d’air froid forme un cycle fermé.
- La bière ainsi préparée n’a plus qu’à être filtrée
- ïarUfofi dot ailes <fa vcujtwir au e&nnienixmait delbpei'atioii.
- JLsUion. des odes fa xxigimir à lu fui <fa l ’ofie/'atiou..
- Fig. o. — Cuves de matières avec brise-lames de M. Carpentier.
- et clarifiée, non plus à l’aide de copeaux de hêtre, mais par le filtre Stockheim (à cellulose spéciale) le plus généralement employé aujourd’hui, pour avoir la limpidité brillante qui est la marque d’une bonne opération.
- 11 ne reste plus qu’à détailler au consommateur
- Fier. i. — Réfrigérateur Lawrence.
- la bière livrée en fûts par le brasseur. Nous savons tous que cette opération se fait dans tous les cafés à l’aide d’une pompe à bière. Cet appareil n’est, en principe, qu’une espèce de réservoir d’air (ou mieux d’acide carbonique) comprimé dont la pression est utilisée pour faire monter le liquide de la cave au grenier en quelque sorte.
- L’air, comme l’a si bien montré M. Pasteur dans sa communication du 17 septembre 1873 à l’Académie des sciences, est dans toute cette série d’opérations l’agent d’altération le plus énergique pour la bière. Aussi, à moins de précautions toutes spéciales, doit-on éviter le plus possible son contact, nécessaire cependant au début de la fermentation par exemple. Dans la pompe à bière tout particu-
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- — A. Conduite d’aspiration. — Iî. Frigorifère. 1). Ventilateur aspirant de type quelconque.
- lièrement, on Lui a substitué avec grand avantage l’acide carbonique qui, lui au contraire, ne peut que contribuer à la conservation et à la bonification du précieux liquide.
- On a cherché a produire automatiquement et au lur et, à mesure des besoins le gaz sous pression nécessaire. Tel est le but poursuivi et atteint par les appareils de MM. Guéret et Durafort.
- L’acide carbonique est protluit (fig. 6) a l’intérieur d’un vase en cuivre capable de résister à une pression de plusieurs atmosphères, par la réaction d’une dissolution d’acide sulfurique sur du bicarbonate de soude. Les deux dissolutions sont contenues dans des vases séparés et sont automatiquement amenées en présence au moment voulu et pendant le temps nécessaire pour maintenir dans le récipient une pression constante. Le gaz naissant est lavé bulle à bulle avant de servir au débit de la bière.
- 11 ne nous reste, en terminant, qu’à constater que l'on avait exposé de beaux spécimens de tonnellerie, d’appareils de laboratoire et des matières premières employées par nos brasseurs.
- La partie purement mécanique était représentée par quelques machines fixes ou demi-fixes alimentées par les derniers modèles de générateurs multitubulaires inexplosibles et économiques. Nous y avons surtout remarqué la chaudière de
- MM. Lagosse et Bouché. L’utilisation des gaz chauds qui sont refroidis utilement jusqu’à 100° (au lieu de 500° comme dans les types analogues) est très complète et leur eirculationAest absolument métho-
- Ctivcs de fermentation (étage supérieur) et cave de garde (étage inférieur).
- CC, Conduite de refoulement. —
- Fig. 6. — Appareil Guéret pour la production d’acide carbonique sous pression. — A. Vase contenant la dissolution de bicarbonate de soude. — B. Distribution automatique de la dissolution d’acide sulfurique sous l’action de la pression. — M. Manomètre. — 0. Agitateur. — V. Robinet de vidange. — L. Laveur.
- dique. Les incrustations sont supprimées dans les œuvres vives, par suite de l’alimentation rationnelle et tic la rapide circulation du liquide. La production
- tl e vapeur est très considérable; malgré cela, les soubresauts au niveau d’eau sont insignifiants en raison de la grande surface d’eau au réservoir d’alimentation et des dégagements très larges , fractionnés par faisceaux de tubes, offerts à la vapeur produite.
- Ces divers avantages, et d’autres encore sur lesquels il serait trop long et trop spécial de s’étendre dans un rapide compte rendu, nous ont engagé à signaler cette chaudière, bien qu’en réalité elle ne fasse, qu’à titre accessoire, partie intégrante de l’industrie des bières.
- Comme on peut s’en rendre compte, une visite à l’Exposition des bières françaises était intéressante et instructive.
- Nous n’aurons pu qu’en donner un court aperçu, mais, au point de vue du résultat général, nous savons que les hommes les plus compétents se sont déclarés satisfaits des progrès réalisés par nos brasseurs , progrès auxquels a si puissamment contribué un savant français, M. Pasteur, progrès qui leur permettent de livrer des produits pouvant sans crainte supporter toute comparaison étrangère. Ils n’en auront pas moins toujours contre eux, il faut bien le dire, notre pauvre talent de buveurs de bière et notre prédilection souvent irrationnelle pour les produits exotiques. M. A. C..., ingénieur.
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- CAUSERIE PHOTOGRAPHIQUE
- Les photographies instantanées. — Les amateurs et les praticiens obtiennent chaque jour des ré-
- Fig. 1. — Cheval et son cavalier sautant une barrière. (Fac-similé (l’une photographie instantanée.)
- sultats de plus en plus intéressants à mesure que la sensibilité des émulsions au gélatino-bromure d’argent augmente et que la rapidité des obturateurs s’accroît. Nous recevons souvent des spécimens curieux de photographies instantanées, et nous en avons
- Fig. 2. — Autre position du cheval et son cavalier sautaut une barrière. — (Fac-similé d’une photographie instantanée.)
- déjà donné la reproduction à plu-sieurs reprises.
- Nous ne pouvons résister au plaisir de publier encore aujourd’hui deux photographies fort bien réussies, obtenues par un habile praticien de Bruxelles, M.
- Alexandre. Elles représentent un cheval et son cavalier sautant une barrière improvisée. Très nettes au point de vue de l’exécution, ces photographies sont dignes d’ètre examinées avec soin, au point de vue artistique. L’une d’elles (tig. 1) est d’un effet délicieux au point de vue du dessin : le cheval, les jambes ramassées, est plein de mouvement, et le geste du cavalier, levant sa cravache, est
- absolument heureux; un peintre pourrait s’inspirer de ce tableau. La deuxième pho • tographie (fig. 2) nous donne, au contraire, une de ces attitudes pro-duites par les mouvements que notre œil ne perçoit pas et qui nous semble manquer de naturel . La queue du cheval, d’une raideur complète, est projetée verticalement en l’air; les deux jambes de devant sont absolument tendues et d’un effet qui ne paraîtrait pas naturel, si l’on ne savait que l’on a sous les yeux la reproduction de la nature elle-même. La photographie instantanée est toujours bien curieuse à étudier ainsi
- Fig. 5. — Appareil photographique muni du chercheur de M. Sauderval.
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- à ce point de vue de J'esthétique. Nos lecteurs en ont assurément déjà l'ait la remarque.
- Chercheur photographique. — La figure 5 (p. 141) représente un appareil photographique 1) au-dessus duquel est un chercheur CB d’un nouveau système. Ce chercheur est constitué par une petite chambre noire munie d’un objectif et portant à l’intérieur un miroir incliné à 45° qui renvoie, sur une glace dépolie horizontale, l’image transmise par l’objectif. Ce tout petit appareil, représenté fermé en A et ouvert en CB, a pour but de permettre de trouver l’objet que l'on veut photographier et d’en mettre l’image au point tandis que la plaque sensible est en place; il est inutile, si l’on fait de la photographie artistique ou posée, mais il est nécessaire pour le voyageur qui cherche à prendre un simple croquis et surtout à surprendre des mouvements naturels non posés. Par exemple : dès qu’un nègre aperçoit un objectif braqué sur lui, il s’enfuit ou bien il demeure ébahi, il pose, tout mouvement naturel disparaît; avec le petit appareil ci-joint, l’opérateur met au point en paraissant presque tourner le dos au sujet qu’il photographie, ou tout au moins en baissant la tête sans regarder son sujet. Tous les explorateurs reconnaîtront les avantages île ce chercheur, imaginé par l’un de nos collaborateurs, M. de Sanderval.
- La douane et les plaques sensibles. — Les
- voyageurs savent que les douaniers ne manquent pas d’examiner avec un soin scrupuleux les colis et les paquets qui passent entre leurs mains. Quand ces colis contiennent des plaques photographiques sensibles ou des clichés impressionnés et non développés, qui ne peuvent, sans être perdus, recevoir la lumière, on conçoit que cet examen a des conséquences déplorables pour l’amateur. En voici un exemple récent. Un voyageur, M. Delbruck, a dans ces derniers temps parcouru l’Australie avec un appareil photographique et une série de plaques pellicu-laires. Après une exploration d’un grand intérêt, l’opérateur était arrivé aux îles Auckland avec cent clichés impressionnés. 11 envoie ce précieux colis, bien emballé, enveloppé dans des papiers noirs opaques, à M. Balagnv, en confiant à cet habile praticien le soin de développer. Ce paquet expédié via San Francisco était enfermé en outre des papiers, dans une triple feuille de fer-blanc, portant une étiquette explicative, recommandant de ne pas ouvrir à la lumière. Hélas! tout a été ouvert par la douane, et les clichés sont perdus.
- Un de nos lecteurs d’Orœsk, en Sibérie, M. Boul-lengé, a été victime d’une pareille aventure; il s’agissait cette fois de plaques neuves envoyées de France et non impressionnées. Les paquets ont été ouverts par la douane ; mais, dans ce cas, le fait est moins grave pour l’amateur, puisqu’il n’a pas perdu le fruit de son travail, et en outre, les plaques peuvent être reviviliées. Nous donnons ici un procédé pour rendre aux glaces au gélatino-bromure leur sensibilité après un voile ou même une exposition. Ce
- procédé est dù à un praticien célèbre, Ellerbeek.
- On plonge les plaques dans une solution de bichromate (le potasse à 4 pour 100 pendant douze heures à l’abri de la lumière. On opère ensuite un lavage prolongé pendant douze heures dans l’eau courante. Il se peut que la durée du séjour dans le bichromate puisse être diminuée.
- Nous ne terminerons pas sans émettre un vœu qui trouvera un écho parmi tous les touristes photographes. Les douaniers font assurément leur devoir, en examinant et en ouvrant les colis; mais quand il s’agit de paquets de plaques sensibles, l’examen ne pourrait-il pas être fait dans un cabinet noir, avec la petite lanterne rouge du photographe? 11 n’y aurait là qu’un bien petit matériel à joindre à l’outillage du douanier, et la photographie en voyage se trouverait considérablement facilitée.
- Gaston Tissandier.
- ——
- CHRONIQUE
- Le coup de soleil électrique. — D’après une note de M. le l)r Defontaine, médecin en chef au Creusot, communiquée par M. Terrier à l’une des séances de la Société de chirurgie, les foyers électriques pourraient, lorsque leur intensité lumineuse est considérable, produire une action analogue à celle qui est connue sous le nom de coup de soleil. Cette action ne peut s’observer avec les foyers à arc ordinaires dont le pouvoir éclairant n’est pas assez fort; mais au Creusot, où l’on emploie l’arc électrique pour la fonte de certaines pièces, on arrive à des intensités lumineuses de plus de 100 000 bougies, condensées sur une surface de quelques centimètres carrés seulement : on comprend que, dans ces conditions, on puisse obtenir des effets tout à fait nouveaux. M. Defontaine a constaté à plusieurs reprises que, au bout d’une ou deux heures, les personnes présentes aux expériences ressentent une cuisson plus ou moins douloureuse au cou, à la figure et au front, et la peau prend une teinte rouge bronzé. De plus, malgré la précaution que l’on prend de se protéger les yeux avec des verres noirs comme ceux dont on se sert pour examiner le soleil, la rétine est impressionnée à un tel point qu’en plein jour la vision reste abolie pendant plusieurs minutes et que, pendant près d’une heure, on ne voit plus les objets que colorés en jaune safran foncé. Les conjonctives sont irritées et cette congestion persiste pendant quarante-huit heures au moins, s’accompagnant d’une sensation très pénible de corps étrangers introduits sous la paupière. La sécrétion des larmes est exagérée; elles coulent abondamment pendant plus de vingt-quatre heures. En même temps il existe de la céphalalgie et de l’insomnie due à la douleur et à l’hypersécrétion des larmes, et peut-être aussi à la lièvre. Enfin, les jours suivants, on observe sur toute la face une desquamation par larges lamelles qui se termine vers le cinquième jour. La peau pèle par larges lambeaux et la figure est d’un joli rouge ponceau. Dans le coup de soleil ordinaire, la chaleur peut avoir une certaine influence :
- 11 n’en est rien ici, car on ne ressent aucune sensation de température élevée ; toute la chaleur reste concentrée dans le foyer. Les personnes présentes étant frappées même à
- 12 mètres de distance, on ne peut que faire intervenir la lumière; c’est elle seule qui produit ces ravages.
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- LA NATURE.
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- Un nouveau fusil à ressort. — D’après notre confrère Cosmos, YExercito portuguez annonce que « M. Adelino de Fari Guiinaraes, de Porto, vient d’inventer un nouveau fusil auquel il a donné le nom d'Archimè-des. Cette arme fonctionne sans poudre ni air comprimé. Au moyen de ressorts d’acier d’une extrême force, le projectile est lancé à de grandes distances. Le système des platines est très ingénieux et entièrement nouveau. »
- Un calcul fort simple montrera que le nouveau fusil à ressort fera bien difficilement concurrence aux armes à feu actuelles. Une balle de 20 grammes lancée à une vitesse initiale de 500 mètres par seconde — certaines armes atteignent môme 550 mètres par seconde — représente une puissance vive de :
- 1 , 0,02 x 5002
- -m v2 =------------
- = 2500 kilogrammètres.
- Un ressort d’acier peut emmagasiner et restituer au maximum 30 kilogrammètres par kilogramme, il faudrait donc, en supposant un rendement égala 1, disposer dans la crosse du fusil un ressort pesant au moins :
- 2500
- - = 84 kilogrammes ôü
- pour obtenir une vitesse initiale du projectile équivalente à celle qu’on obtient avec les bonnes armes modernes. Une fois le coup parti, il faudrait environ trois minutes de travail fatigant pour remonter le ressort du fusil et le rendre apte à lancer un nouveau projectile. Jusqu’à plus ample informé, nous conservons une sérieuse dose de scepticisme relativement au fusil à ressort.
- Ti grès au nord de l’Asie. — On a récemment constaté l’apparition de tigres en deux points très éloignés des possessions asiatiques de l’Empire russe, l'un à Wladivostock, sur la mer du Japon, l’autre au nord de la mer Caspienne. La présence d’un tigre dans la région du Caucase est un fait nouveau digne de remarque ; quant à celui rencontré à Wladivostock, la chose est moins étonnante, puisque le tigre habite depuis longtemps les forêts delà Mandchourie.
- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du ‘25 janvier 1888. — Présidence de M. Janssen.
- Anesthésie prolongée par le protoxyde d'azote. — Nos lecteurs se rappellent les importantes recherches de Paul Bert sur les propriétés anesthésiques des mélanges de protoxyde d’azote et d’oxygène : le célèbre physiologiste écartait, avec ce dernier gaz, tous les dangers d’asphyxie et il obtenait l’anesthésie grâce à une compression suffisante de l’atmosphère artificielle. Jusqu’ici, cependant, on n’avait pas la preuve que l’état d’insensibilité pût être maintenu, sans inconvénient, pendant un temps suffisant pour les grandes opérations chirurgicales. M. Claude Martin, dans une note déposée par M. Bouchard, comble cette lacune et fait même voir que la durée possible dépasse de beaucoup celle qu’on aurait pu prévoir. Un chien, en effet, a pu être maintenu pendant soixante-douze heures dans l’état d’un sommeil anesthésique complet. Au bout de ce temps, remis à l’air, il reprit bientôt ses sens et en une demi-journée rentra absolument dans son état normal. Le mélange gazeux, constamment renouvelé, dans lequel séjourna l’animal, renfermait 85 parties de protoxyde d’azote et 15 d’oxygène; sa pression variait de 110 à 120 centimètres de mercure.
- Nouvelle bactérie. — Les flaques d’eau de mer où, sur le littoral de Wiinereux (Pas-de-Calais), macéraient
- des laminaires, ont fourni à M. Billet le premier exemple d’une bactérie marine. Il l’appelle Bacterium laminaris et indique les singulières métamorphoses qui signalent les diverses époques de son évolution. Malgré la constance du milieu dans lequel vit ce microphyte, on le voit passer successivement par les formes de bactérie, de bacille, souvent contourné en virgules, de vibrions et de spirilles, et il arrive qu’un même individu est bacille par un bout et spirille par l’autre.
- Contribution à l’histoire des organismes problématiques des anciennes mers. — C’est le titre d’un mémoire que je lis devant l’Académie et à l’appui duquel je dépose sur le bureau de belles photographies obtenues par M. Bour-sault avec son habileté ordinaire. Mon travail est relatif à de très curieux vestiges qui paraissent devoir être pris en considération dans la discussion passionnée dont sont l’objet les bilobiles et autres vestiges fossiles problématiques de sédiments plus ou moins anciens. Au cours de récentes excursions sur les belles plages de sable micacé qui avoisinent Saint-Lunaire (Ille-et-Vilaine), je fus frappé de la production, par le simple ruissellement des eaux, rappelées à la mer par le reflux, de ravinements ayant, à s’y méprendre, les formes les plus caractéristiques de fossiles végétaux. Ce sont, en apparence, des branchages, des racines, des feuilles et des fruits. Loin de se présenter exceptionnellement, il leur arrive, au contraire, de se reproduire en nombre considérable sur de grandes longueurs (parfois des centaines de mètres). De telle sorte que, supposés fossilisés, ces pseudophytes pourraient trouver dans leur multitude même et -dans la répétition de leurs caractères, des preuves de leur prétendue authenticité; c’est évidemment un argument que les paléontologistes prudents devront avoir en grande considération. 11 faut ajouter que ces vestiges sont immédiatement effacés par le retour de la mer montante, même en temps tout à fait calme, et ne laissent aucune trace. Pour que la fossilisation s’empare, comme elle le fait pourtant si fréquemment, de pistes d’animaux, de sillons de traînage d’algues ou d’autres corps inertes, de gouttes de pluie, de rides de vent ou de craquellements d’argile desséchée, il faut des circonstances qu’on peut, sans exagération, qualifier d’exceptionnelles. Aussi, tout en reconnaissant avec empressement l’intérêt des expériences de M. Nathorst et de ses partisans; tout en insistant avec eux sur la prudence avec laquelle les vestiges anciens doivent être diagnostiqués, je pense que le fait d’une reproduction fréquente dans une même roche, d’accidents bilobitiques, surtout quand elle a lieu à des niveaux superposés très rapprochés les uns des autres, comme on le voit, par exemple, pour le grès à Crossochorda, d’Equi-hen (Pas-de-Calais) doit conduire à faire admettre, conformément aux vues de M. de Saporta, qu’il s’agit de la fossilisation de corps ayant une existence réelle.
- Ammoniaques dans les alcools. — Il résulte des analyses de M. Lindet que les alcools du commerce 'renferment constamment des bases ammoniacales. Du cognac de bonne qualité en donne lmgr,29 par litre. Dans l’eau-de-vie de cidre, la proportion est de 1,35; dans le rhum, de 3,07, et dans les phlegmes de mélasse, de 16,23.
- Structure des fibres musculaires des mollusques. — Quelques anatomistes ont cru voir dans les muscles des mollusques des fibres situées transversalement, comme dans la chair rouge des vertèbres. M. Hermann Fol, par l’intermédiaire de M. de Lacaze-Duthiers, expose des faits d’où il résulte que ces savants ont été victimes d’une simple illusion. Suivant lui, la fibre musculaire vraie est
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- LA NATURE.
- lisse, fusiforme et renferme en son centre une cellule protoplasmique. Par sa contraction, et celle-ci est ordinairement très intense chez les animaux morts, la fibre se contourne en hélice, et il est facile de confondre leur forme avec celle des stries transversales, des muscles rouges ; mais la lumière polarisée fournit à l’instant un précieux moyen de distinction.
- L'électricité calculatrice. — M. Jordan présente de la part de M. Félix Lucas, ingénieur en chef des ponts et chaussées, un mémoire dont la conclusion, bien imprévue sans doute de la plupart de nos lecteurs, est que l’électricité peut être employée pour résoudre les équations algébriques de tous les degrés. La puissance de l’électricité ainsi transformée en machine à calcul est d’ailleurs illimitée.
- Varia. — On voit sur le bureau le premier numéro d’un journal anglais destiné sans doute au meilleur accueil: son titre est simplement baby : c’est un magazine illustré, à l’usage des mères de famille et de toutes les personnes qui ont à prendre soin des enfants. On y rencontre côte à côte les recettes utiles à la santé et à l’entretien de ces petits êtres, et des poésies, des historiettes et des chansons destinées à les amuser ou à les endormir. Des autorités médicales font partie de la rédaction. — L’état des eaux d’alimentation de la ville de Lyon fournit la substance d’un long mémoire à M. Aristide Dumont. — Deux nouveaux genres d’épicarines originaires de la Malaisie sont décrits par MM. Giard et Bonnier. — M. Lainey étudie les phases de Jupiter.
- — La fermentation alcoolique du galactose a fourni des résultats nouveaux à M. Bourquelot, et M. Ma-quenne, par l’intermédiaire de M. Dehérain, fait connaître l’action sur le même corps de l’acide cyanhydrique et la production du nouvel acide galaetocarbonique. — Mon savant collègue au Muséum, M. le I)r Gréhant, continue ses études sur l’empoisonnement par l’oxyde de carbone. — D’après M. le capitaine Croné, on a quelquefois confondu, dans la mesure de la vitesse du son par les armes à feu, le bruit produit par le projectile avec l’explosion de la pièce. Il en est résulté des erreurs parfois très considérables. — Une nouvelle maladie des porcs, consécutive à l’alimentation par les résidus de la distillation du maïs, est étudiée par M. le Dr Jobert (de Dijon). — M. Hovelacque a fait l’anatomie des tiges souterraines de VUtricularia montana.
- Stanislas Meunier.
- UN BIJOU A.NIMÉ
- ÉPINGLE I)E CRAVATE CHANTANTE
- Un habile constructeur a récemment soumis a notre examen un bijou animé qui est une petite merveille d’ingéniosité. C’est une épingle de cravate à tète d’oiseau ; vous priez quelqu’un de regarder votre épingle, au même moment, la tète d’oiseau ouvre le bec et fait entendre un petit gazouillement très expressif. Notre gravure représente ce petit objet avec le mécanisme qui l’actionne. L’épingle (n° 1)
- est enfilée dans la cravate longue que l'on doit porter; à la partie inférieure de sa pointe qui est formée d’un tube creux, on adapte un petit tuyau de caoutchouc qui est dissimulé derrière le gilet. Ce tuyau de caoutchouc, d’une longueur de 60 centimètres environ, se termine a sa partie inférieure par une poire de caoutchouc que l’on tient cachée dans la poche du pantalon. En pressant la poire de caoutchouc avec la main, on chasse l’air dans le tube, et on actionne le petit mécanisme contenu dans la tète de l’oiseau. Les coupes que nous donnons (n° 2 et n° 5) montrent la disposition de ce mécanisme, formé d’un tube en U. L’air, en passant dans l’une des branches du tube, circule à travers un petit si filet, et dans l’autre branche, il soulève un petit piston muni d’un contrepoids, qui fait ouvrir le bec de l’oiseau. Le constructeur de ce charmant petit appareil désigne son système sous le nom d’épingle autopneumatique chantante. Nous avions déjà les charmants bijoux électriques de M. Trouvé, mais ils nécessitaient l’action d’une pile et étaient d’un prix assez élevé. L’épingle chantante fonctionne sous la simple pression de la main, et ne coûte que 20 francs. Quand on veut s’en servir comme d’un bijou ordinaire, le tube de caoutchouc est enlevé ; on le met en place pour faire fonctionner l’appareil.
- Le propriétaire-gérant : G. Tissandier.
- Épingle de cravate formée d'une tête d’oiseau ouvrant le bec et chantant.
- Imprimerie A. Lahure, 9, rue de Fleurus, à Paris.
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- N° 701». — 4 FÉVRIER 188 8.
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- LES VIEILLES CITADELLES JAPONAISES
- Lt1 dessin que nous avons la bonne fortune d’offrir à nos lecteurs est la reproduction du plan en relief d’une ancienne citadelle japonaise, ou siro.
- Ce relief est lui-même un bronze d’art très curieux et d’origine incontestable, faisant partie de la collection du capitaine Kreitmann; il fixe nettement les idées japonaises en matière de fortification, aune époque reculée qui constitue, pour ainsi dire, le moyen âge du Japon.
- 11 est lacilc de vérifier la parfaite exactitude de cette représentation ; car il existe encore des citadelles analogues dans les principales villes de cet empire, et notamment a Tokio, a Osaka, Odonga-\va, etc.; mais tandis que les constructions récentes, les habitat ions et les transformations masquent en partie les dispositions militaires de ces places fortes, le relief dont nous donnons l’image est l’expression synthétique du système, débarrassé de tous ses accessoires.
- La citadelle est assise sur un mamelon dont elle épouse de très près les formes.
- Elle comprend, au point le plus élevé, le siro proprement dit, semblable au donjon de nos châteaux, dominant deux ou trois cours basses ou soto-siros, analogues à nos anciennes bailles et qu’entourent des enceintes redoublées.
- Le tracé de ces diverses enceintes ne semble pas soumis â d’autres règles que de bien battre les accès et les routes qui, d’étage en étage, de terrasse en terrasse, conduisent jusqu’au réduit central.
- La disposition générale de ces routes, en spirale à flanc de coteau, n’est pas sans rappeler les hantes tours assyriennes formées d’une rampe hélicoidale s’élevant peu 'a peu et uniformément jusqu’à la plateforme capitale. Du pied de la citadelle japonaise, l’assaillant trouvait ainsi devant lui un chemin tout tracé; mais l’ingéniosité du défenseur s’était appliquée à le semer d’embûches et de chicanes.
- 16° aaoce. — 1er semestre.
- Loin de réduire outre mesure les débouchés et les issues, comme dans l'architecture militaire de notre époque féodale, l’ingénieur japonais, se pliant du reste aux nécessités du vaste développement de sa fortification, les a multipliés; mais chaque porte, chaque débouché est battu par plusieurs étages de crêtes, pris en flanc par quelque bout de parapet. Cette multiplicité même des débouchés ne laissait pas d’être favorable aux défenseurs, en leur permettant des retours offensifs sur les derrières de l’assaillant.
- A la base de la colline, les deux entrées principales sont placées aux angles rentrants d’une sorte de demi-lune de plain-pied avec le solo-siro inférieur, auquel accède du reste la longue rampe tracée le long du v—r-j coteau fortifié.
- Si l’on en juge d’après les siros existants et leurs vastes proportions, le relief <pie nous avons sous les yeux est à échelle fort réduite. Chacune des terrasses est un large terre -plein, grand comme un quartier de ville ; et trtndis que le siro supérieur r enferme le palais seigneurial et les bâtiments les plus importants, chaque soto-siro est couvert d’habitations et de jardins.
- Aux angles saillants, il faut aussi se représenter des guérites d’observation, des tours à étages redoublés avec les arêtes recourbées de leurs toitures pittoresques, semblables aux miradors indo-chinois.
- Dans cet état, ce n’est plus une citadelle, c’est une ville fortifiée.
- Les murs épais sont construits en blocs magnifiques rappelant les enceintes cyclopéennes des acropoles grecques, soit qu’ils se composent de blocs irréguliers posés à joints incertains, comme à Tokio, soit que l’appareil ne comporte que des assises horizontales; on en trouve un superbe exemple à Osaka, où certaines pierres voisines de l’entrée principale n’ont pas moins de 10 mètres de long. Ces murs ne dépassent les terre-pleins que par un parapet assez peu élevé pour permettre aux archers japonais de se
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- l’ian en relief d'une ancienne citadelle japonaise. (D’après la photographie d’un vieux bronze.)
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- servir librement de l’arc gigantesque dont ils étaient armés.
- A l’heure oii l’armée japonaise, après avoir étudié les institutions et les arts militaires de notre vieille Europe, traite son artillerie et ses fortifications à la moderne, les siros que nous venons de décrire ne sont plus que d’archaïques souvenirs. Ils n’en offrent pas moins un très vif intérêt par l’originalité des moyens qu’ils mettent en œuvre, et aussi par ce je ne sais quoi de vénérable qui se dégage des vestiges des temps passés, et qui pique toujours la curiosité de l’archéologue. (i. Esimtallier.
- LE L\C SOUTERRAIN DES DOUZES
- ( I. O Z È lï E )
- Une nouvelle curiosité vient encore d’ètre découverte dans cette extraordinaire région des Causses (Lozère et Aveyron) qui, si peu connue quoique en pleine France, semble un champ inépuisable de bizarreries naturelles et de surprises géologiques1. Cette fois, c’est un lac souterrain que l’on a trouvé dans les entrailles du Causse Méjean : la caverne qui le renferme n’a été jusqu’ici l’objet que d’un préliminaire, pour ainsi dire, d’exploration, mais les résultats obtenus sont assez intéressants pour que nous les soumettions dès maintenant à nos lecteurs. M. Fabié, notaire à Peyreleau (Aveyron), a le mérite de cette trouvaille et nous communique les renseignements suivants :
- Un sait qu’entre le Causse Méjean et le Causse Noir la rivière de la Joule court de l'est à l’ouest de Meyrueis (Lozère) à Peyreleau (Aveyron), pendant 21 kilomètres, au fond d’une vallée étroite, profonde de 400 à 500 mètres, creusée en canon au pied de deux murailles de dolomies rutilantes et a laquelle elle a donné son nom. Sur un parcours d’environ 2 lieues, la Joute se perd sous la terre et ne reparaît au jour qu’au petit village des Douzes, à 9 kilomètres de Peyreleau.
- À 500 mètres environ en amont du village des Douzes, nous écrit M. Fabié, la Jonte reprend ses fonctions de rivière, grâce aux nombreuses fontaines très rapprochées qui sourdent sur sa rive droite et lui donnent un volume d’eau plus considérable même que dans ‘les environs de Meyrueis. Il existe en cet endroit une galerie taillée dans le rocher qui plonge horizontalement dans les flancs du Causse Méjean et que l’on peut suivre à pied sec pendant une partie de l’été. Au bout de cette galerie et à 40 mètres environ de son orifice on rencontre une nappe d’eau, assez profonde, et dont nul jusqu’à présent ne connaissait l’importance. A la suite des grandes pluies d’orage, l’eau débouche par ce long couloir en flots énormes colorés de rouge, de gris ou de jaune par le lœss qu’ils entraînent dans leur parcours souterrain à 5 ou 600 mètres en dessous du niveau du Causse. En temps ordinaire
- 1 Yoy. n° 597, du 8 novembre 1884, p. 559 ; n° 008, du 21 janvier 1885, p. 125 ; n° 659, du 29 août 1885, p. 200 ; n° 454, du 25 juin 1887, p. 55.
- les sources dont j’ai parlé plus haut suffisent à débiter les eaux qui viennent très probablement d’un réservoir commun.
- C’est ce petit lac souterrain que M. Fabié a traversé sur une barque amenée là à grand’peine : la nappe d'eau n’a guère que 40 mètres de longueur, mais au bout et à 5 mètres au-dessus du niveau du lac se trouve béante une excavation à laquelle on accéda par une échelle.
- l)e cette excavation partaient plusieurs galeries à sec recouvertes d’un sable de rivière très fin... L’une d’elles nous conduisit dans une vaste salle très élevée et toute tapissée de fantastiques stalactites et stalagmites... D’autres galeries s’arrêtaient brusquement, obstruées par le sable que les easx y avaient charrié.
- Au bout du dernier corridor que l’on explora, l’un des compagnons de M. Fabié lit une chute de 5 mètres dans un courant d’eau profond paraissant venir de fort loin et coulant sans bruit dans une galerie très élevée, large de lm,20 seulement : il réussit à en sortir sain et sauf, mais cet incident arrêta les recherches, car le ruisseau barrait la route. Quelques jours après, les pluies d’automne interdirent, pour de longs mois, l’accès de la caverne des Douzes elle-même transformée en source abondante.
- L’exploration, on Je voit, n’est donc qu’esquissée; le plus pénible sans doute reste à accomplir; cependant, le premier pas est fait : M. Fabié a ouvert la voie, souhaitonsdui de la parcourir jusqu’au bout. Il vient de donner la formule qui permettra de résoudre le problème du régime hydrographique des Causses ; la communication directe entre les avens des hauts plateaux et les puissantes sources riveraines du Tarn, de la Jonte, de la Dourbie, de la Vis, n’était encore qu’une hypothèse basée sur les dispositions bizarres de Bramabiau et des Cénolés de la Sévanne. La caverne des Douzes confirme la théorie et conduira peut-être aux réservoirs internes où s’emmagasinent et se filtrent les eaux supérieures absorbées par l’écumoire du Méjean; un jour, n’en doutons pas, quelque intrépide curieux de la nature s'enfonçant dans la masse inférieure d’un causse au niveau d’une rivière, par le bas d’un canon, à travers la grotte d’une ancienne source ou d’une fontaine intermittente momentanément à sec, ressortira à la surface même du haut plateau par quelque aven ou gouffre réputé jusque-là insondable. Périlleuse et féerique ascension souterraine de 400 à 600 mètres de hauteur, surpassant les grottes merveilleuses d’Adelsberg, de Ganges et Mammouth, voyage surnaturel dans le royaume mystérieux du calcaire cristallisé. E.-A. Martel.
- LE CENTENAIRE DE LA PÉROUSE
- Le 7 février 1788, la Pérouse écrivait de Botany-Bay la dernière lettre qui soit parvenue en France; c’est dire que depuis cent ans, on n’est pas encore absolument fixé sur les catastrophes successives qui
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- ont amené la mort de ce navigateur et de ses compagnons. La France, qui a célébré avec honneur le centenaire de Cook, un des explorateurs les plus habiles et les plus heureux qu’on ait jamais vus, ne pouvait laisser passer l’anniversaire d’un de ses en-iants les plus glorieux dont la fin mystérieuse est du domaine de la légende.
- Jean-François de Galaup de la Pérouse était né à Àlhi le 25 août 1741; entré au service à quinze ans, il avait passé par tous les grades et s’était signalé aussi bien sur les côtes de France que dans l’Inde et en Amérique, lorsqu’il fut nommé capitaine de vaisseau en 1780.
- Presque aussitôt, il avait été chargé de détruire les établissement anglais de la haie d’Hudson et dans cette expédition, où il avait pour seconds MM. de l’Angle et de la Jaille, il s’était signalé comme intrépide manœuvrier autant que comme philanthrope, car il avait su réduire, au milieu des glaces polaires, les forts du Prince-de-Galles et d’York, et ayant appris qu’un certain nombre d’Anglais s’étaient réfugiés dans les bois, il avait laissé pour eux des vivres et des armes sur le rivage. C’est à la suite de cette pénible campagne que Louis XVI, dont on connaît le goût pour la géographie — il était, comme ses frères, élève deBuache — lui avait confié le commandement d’une expédition autour du monde. Le savant Fleurieu, tour à tour capitaine de vaisseau et ministre de la marine, avait, lui-même, tracé le plan de l’exploration et rédigé des instructions qui font le plus grand honneur à sa connaissance des anciens voyages et à sa science nautique.
- Deux flûtes, Y Astrolabe et la Boussole, avaient été armées à Brest, et les officiers les plus distingués d’un corps qui en comptait un si grand nombre avaient été choisis pour accompagner la Pérouse et son second M. de l’Angle. Le moment était d’ailleurs bien choisi; si le voyage de Bougainville, exécuté en 1767-1768, avait donné lieu à des découvertes importantes; si Surville, Kerguelen, Marion-Dufresne et du Clesmeur, avec des moyens restreints, avaient conquis un rang honorable parmi les navigateurs, ils étaient tous dépassés par l’immortel Cook qui venait, en deux voyages successifs, de se placer au premier rang et qui allait périr dans un troisième voyage non moins fécond en découvertes que ceux qui l’avaient précédé. Appartenait-il à la France de se retirer de cette lutte scientifique? Ce sera l’éternel honneur de ceux qui conseillèrent le roi de ne l’avoir pas pensé.
- Pour assurer le succès complet de l’expédition, un nombreux état-major scientifique y avait été adjoint. On y comptait des savants de premier ordre : Lepaute-Dagelet, de l’Académie des sciences, le physicien de Lamanon, le capitaine du génie Monneron, l’ingénieur Bernizet, l’illustre Monge, que l’état de sa santé devait forcer a débarquer à Ténériffe et le vice-consul de Lésseps dont le nom est cher à tous les Français.
- Aussi, lorsque le l('r septembre 1787, les deux bâtiments avaient débarqué de la rade de Brest, avaient-ils été accompagnés des vœux de tous les patriotes, de tous les amis de la science.
- Les premiers mois du voyage avaient été favorisés par un temps exceptionnel. Madère, Ténériffe, File Sainte-Catherine furent successivement touchées sans qu'on s’y arrêtât bien longtemps, assez cependant pour que le chef de l’expédition y recueillît des renseignements qui concordent entièrement avec ceux qu’on devait à Bougainville.
- Après avoir cherché vainement l’îlc du Français La Boche, la Pérouse avait embouqué le détroit de Lemaire, gagné le Pacifique et s’était arrêté à la Goncepcion où il avait été si chaleureusement reçu par les autorités espagnoles qu’il avait dû, a son tour, convier à un festin et a un bal toute la société de la ville qu’il n’avait laissé partir qu’après avoir assisté au départ d’un ballon, spectacle tout nouveau pour des Européens et dont les Chiliens n’avaient pas encore été témoins.
- De sa relâche à File de Pâques, la Pérouse partit convaincu que les prodigieuses statues que Cook avait été le premier à révéler a l’Europe savante n’étaient pas si merveilleuses qu’on l’avait dit et que, taillées dans la stéatite, leur érection n’avait pas exigé des moyens extraordinaires. L’humanité de la Pérouse avait trouvé le moyen de s’exercer, car il n’avait pas voulu qu’on réprimât les vols éhontés dont tous les hommes de l’équipage et lui-même avaient été victimes de la part des naturels de Waihou.
- Le 10 août 1786, les deux frégates firent voile pour l’archipel des Sandwich où Cook avait trouvé la mort. Les informations qu’il recueillit pendant un très rapide séjour n’ont pas l’intérêt des renseignements que Cook avait rassemblés pendant plusieurs mois de station, et l’on ne peut en faire un reproche à notre compatriote; cependant les topographes et les hydrographes de l’expédition avaient réuni des documents tout nouveaux sur File Mowce.
- La Pérouse aurait voulu résoudre cet irritant problème, alors si discuté d’un détroit qui, partant d’un point assez vague de la côte occidentale d’Amérique, aurait, suivant l’amiral de Fonte, rejoint la baie d’Hudson à travers le continent, mais il avait trop peu de temps à consacrer à une exploration qui aurait nécessité plusieurs campagnes. Il gagna donc les parages vus par Cook dans les environs du mont Saint-Elie et s’arrêta dans une baie dont l’entrée élait assez difficile, mais où il pouvait faire l’eau et le bois qui lui étaient nécessaires. C’est le Port-des-Français. Le navigateur y recueillit de très précieux détails sur les Indiens de cette partie de l’Amérique qui déployèrent, pour voler nos compatriotes, une subtilité et une agilité qui lirent l’admiration des équipages.
- Au moment où la Boussole et F Astrolabe allaient quitter ce port, une dernière reconnaissance hydrographique fut marquée par une épouvantable cata*
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- strophe. Deux embarcations furent entraînées sur la barre de l’entrée et vingt-un ofliciers et matelots trouvèrent la mort dans les Ilots. Avec M. d'Kscures, lieutenant de vaisseau, périrent les deux frères La-borde, fils du fameux financier et M. de Flassan. On ne peut peindre la douleur des deux commandants de 1 expédition qui n’avaient cependant rien à se reprocher, car leurs instructions avaient été violées. Le malheur fut dù à l'imprudence de M. d’Escurcs qui s’approcha trop près de la barre et à la générosité de MM. de Laborde qui, s’élançant au secours des victimes, périrent avec elles.
- Profondément attristé par ce terrible accident, la Pérouse reprit bientôt la mer et descendit la côte
- occidentale d’Amérique. Forcé par la brume et le mauvais temps de se tenir a une certaine distance de la terre, il n’en devina pas moins, tant était grande sa perspicacité, que, de Lross Sound au cap Hector, entre les îles qu’il voyait et le continent, devait exister un large canal parsemé d’iles et d’une navigation difficile, enfin que ce canal devait être celui de Juan de Fuca.
- Après une relâche à Monterey, mise à profit par nos officiers pour examiner les missions et se rendre compte de l’état misérable dans lequel les moines tenaient les pauvres Indiens, la Pérouse traversa le Pacifique dans sa plus grande largeur sans y faire d’autres découvertes que File Necker et une (lange-
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- Itinéraire de La Pérouse en 1786 et 1787
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- Fig. 1 — Tracé du voyage de la Pérouse, de 1786 à 1787. — Fac-similé d’une carte du temps.
- reuse vigie dont il releva le gisement avec soin ; il traversa les Mariannes, reconnut les Bashces et s’arrêta â Macao pour envoyer ses dépêches en France. Il fit ensuite voile pour Cavité où il fit un assez long séjour qui lui permit d’apprécier le peu de profit ([lie les Espagnols avaient su tirer de leur merveilleuse colonie des Philippines.
- Largement ravitaillé, il prit la route de la mer de Chine en passant au large de Formose, vit l’îlc Quelpaert, découvrit l’île Dagelet, pénétra dans la mer du Japon et la Manche de Tartarie et reconnut, au milieu de brumes persistantes, certains points intéressants de la côte de Tartarie et de File Sagha-lien. Grâce aux informations qu’il sut tirer des Tar-tares, il apprit que Saghalien est bien une île en réalité, mais qu’elle n’est séparée du continent que
- par un étroit chenal où ses bâtiments n’auraient pu passer. Après avoir fait cette précieuse découverte, la Pérouse redescendit jusqu’au détroit qui porte son nom et qui sépare Saghalien de Yesso, découverte non moins importante que la précédente et qui avait échappé aux Hollandais, seul peuple (pii eût fréquenté ces parages avant lui.
- Après cette rude campagne, les deux frégates lignèrent la baie d’Avatscba au Kamtscbatka oii la Pérouse reçut son brevet de.chef d’escadre. Puis, pour mettre à exécution la seconde partie du programme qui lui avait été imposé, notre compatriote chercha l’archipel des Navigateurs, plus connu sous le nom d’iles Samoa. A Maouna, les embarcations ayant atteint le rivage pour faire de l’eau, les équipages furent assaillis à coups de pierre. MM. de
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- l’Angle et de Lamanon, ainsi que dix-neuf matelots, périrent sans qu’il fût possible do tirer vengeance, sur ses véritables auteurs, de cet abominable guet-apens.
- Le cœur navré, ulcéré, la Pérouse sentit ses intentions bienveillantes se modifier et il avoue lui-mème qu’à dater de ce moment les plus petits vols lurent sévère m en t ré | >r i m és.
- Le janvier 1788, on aperçut les cèles de la Nouvelle-Hollande et, au moment d’entrer dans la baie Botanique, on croisa les navires du commodore I’billip qui allait jeter les fondements de la colonie de Port-Jackson.
- C’est aux officiers de cette escadre que la Pérouse remit ses lettres, rapports et journaux dans lesquels il donnait quelque idée du plan ultérieur de son voyage. Il annonçait notamment qu’il serait en novembre à Pile de France pour arriver à Brest en juin 1780.
- A ces deux rendez-vous, la Pérouse ne fut pas exact. Qu’était-il donc arrivé? On n’avait reçu aucune nouvelle de l'expédition! I n silence de mort s’était fait tout à coup sur les actes de ces hardis navigateurs ! Malgré la passion politique qui embrasait alors toutes les tètes, on s’émut de cette absence de nouvelles. Le,fermier gé-
- Fig. 2. — Jean-François Galaup de la Pérouse. (D’après une gravure du temps.)
- P) O* -
- néral Laborde, dont les deux fils avaient péri au Port-des-Français, et A. Du-petit-Thouars, qui devait périr à Aboukir, essayèrent d’organiser, par souscriptions, des expéditions de recherches. Les membres de la Société d’histoire naturelle furent les premiers à déposer une motion à la barre de l’Assemblée nationale et, par un décret du 9 février 1791, le Roi fut invité à armer une expédition pour aller à la recherche de la Pérouse.
- Le commandement en fut confié à d’Entrecasteaux, mais, bien que cet officier visitât plusieurs localités
- où s’étaient arrêtées les frégates de la Pérouse, il ne put recueillir aucune trace de son passage. Aux îles des Amis, rien; à la Nouvelle-Calédonie, rien non plus. 11 aperçut même à côté des îles Edge-cumbe et Ourry de Carteret une île à laquelle il donna le nom de la Recherche et qu’il ne visita pas.
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- encore trouvé quelques compagnons de la Pérouse. C’était Yanikoro.
- Après cet infructueux voyage, le silence continua. interrompu cependant, à intervalles éloignés, par des bruits que rien ne venait confirmer.
- En 1826, un capitaine marchand, nommé Dillon, au cours d’une relâche dans l’île de Tuco-pia, acheta une poignée d’épée en argent. I .trigué par la présence de cet objet entre les mains des indigènes, il les interrogea et apprit que sur une île voisine avaient fait naufrage, une quarantaine d’années auparavant, deux navires européens et qu’il y avait encore une grande quantité de fer provenant des bâtiments et des objets de toute nature. De retour à
- Calcutta, Dillon s’empressa de divulguer sa découverte et fut mis par le gouvernement de l’Inde à la tête d’une expédition qui rapporta une quantité considérable d’objets, canons, chaînes, cuillers, tasses, assiettes, etc., qui ne laissaient pas le moindre doute sur la nationalité et, par conséquent, sur l’identité des navires naufragés. Quant aux circonstances qui avaient marqué cette catastrophe, il fut assez difficile à Dillon de les fixer, car il ne put arracher qu’avec la plus extrême difficulté aux indigènes les
- PV de PAstro! abe
- Fig. 5. — Carte de l’ile Yanikoro, où dut périr la Pérouse.
- moindres renseignements.
- Par une nuit obscure, un des navires avait fait naufrage sur la barrière de récifs qui entoure Vani-koro et avait sombré immédiatement. La plupart
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- des hommes de l’équipage qui avaient gagne la terre avaient été massacrés. L’autre bâtiment avait échoué sur un banc de sable et les matelots avaient pu débarquer en bon ordre et construire avec les matériaux pris de leur navire une embarcation sur laquelle presque tous s’étaient embarqués. Quelques-uns cependant étaient demeurés et s’étaient dispersés auprès de différents chefs. De l’embarcation on n’avait jamais entendu parler.
- Dumont d’Urvillc, qui faisait a cette époque un voyage autour du monde, apprit, à Port-Jackson, les résultats du premier voyage de Dillon et fit aussitôt voile pour Yanikoro où il recueillit des renseignements analogues à ceux que nous venons de reproduire et, après avoir fait élever un monument commémoratif, fit repêcher sur le lieu môme du naufrage un certain nombre d’objets qui sont aujourd’hui, avec ceux rapportés par Dillon, au musée du Louvre.
- Ajoutons qu’aux îles des Amis il avait appris, avec la dernière certitude, que la Pérouse y avait débarqué et y avait acheté des vivres.
- Depuis cette époque, des traces du passage de la Pérouse à la côte orientale de la Nouvelle-Calédonie ont été découvertes; enfin une tradition recueillie par l’amiral Garnault aux Carolines donne à penser que, jetés par fortune de mer sur Pile Pounipet, les derniers survivants de l’expédition y ont été massacrés par les naturels. Un pierrier marqué d’une fleur de lis a longtemps été conservé dans cette île et venait d’être emporté par un navire anglais lorsque M. de Uosamel y arriva avec la Danaïde en 1840. Ajoutons qu’en 1885, le Père Vidal apprit que MM. de l’Angle, de Lamanon et leurs compagnons n’avaient pas été mangés à Samoa, comme on le pensait, mais enterrés ensemble. 11 se fit montrer l’endroit, pratiqua des fouilles, retrouva les ossements et fit élever une pierre tombale au milieu d’un grand concours de population. Tels sont les renseignements qu’on a pu rassembler sur le sort des membres de l’expédition de la Pérouse. Il importe de ne pas laisser passer cet anniversaire sans donner quelques pensées de regret à tant de braves marins, de savants dévoués, morts obscurément pour la science et pour la patrie. Gabriel Marcel.
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- CÀUSERIE PHOTOGRAPHIQUE
- La douane et les plaques sensibles. — Nous recevons, au sujet de la notice que nous avons précédemment publiée sous ce titre1 une intéressante communication adressée par notre sympathique confrère, M. Léon Vidal, l'honorable président de la chambre syndicale de la photographie. Nous la reproduisons in extenso :
- Dans votre intéressant article intitulé la Douane, et les plaques sensibles, paru dans le numéro du 28 janvier
- ' Voy. n° 7G5, du 28 janvier 1888, j). 142.
- de La Nature, vous exprimez le vœu que « l'examen des plaques sensibles puisse être fait dans un cabinet noir avec la lanterne rouge du photographe. »
- Veuillez me permettre de vous informer que la Chambre syndicale de la photographie s’est déjà occupée de celte question, en faisant des démarches auprès de M. le directeur général des douanes pour demander la prescription de mesures propres à éviter les graves inconvénients d'une visite en pleine lumière.
- M. le directeur des douanes voulut bien répondre à M. le président de notre Chambre syndicale « que l’on pourrait procéder à la reconnaissance de la marchandise en présence du destinataire (naturellement avec la précaution d’agir dans un cabinet éclairé seulement par une lanterne rouge). Une décision dans ce sens avait été prise le 12 mars 1879 en faveur de M. Bernard, photographe, qui l’avait sollicitée. Rien ne s’opposerait, si la Chambre syndicale en manifestait le désir, à ce qu’elle fût étendue à tous les envois de l’espèce. »
- Des ordres dans ce sens ont dû être donnés à tous les bureaux d’entrée dans Paris. Il convient de le rappeler aux intéressés pour qu’ils accompagnent leurs envois de la mention : Plaques sensibles. Prière de ne pas ouvrir sans la présence du destinataire.
- Au cas où il serait passé outre à celte requête, les intéressés voudront bien en informer la Chambre syndicale de la photographie qui s’empressera de faire auprès de la direction générale de la douane de nouvelles démarches dans le but d’éviter le retour de pareils contretemps.
- Léon Vidal.
- Notre confrère nous fait observer en outre qu’il resterait à généraliser cette mesure en en faisant l’objet d’une convention douanière internationale. C’est ce que va tenter d’obtenir la Chambre syndicale. Nous faisons des vœux pour que ses efforts soient couronnés de succès.
- Nous recevons d’autre part la lettre suivante de notre correspondant de Nancy, M. Bergeret :
- Il y a, dans le Code des formalités en douane, une note n° 555 (Objets en verre non dénommés. — Plaques photographiques sensibilisées au gélatino-bromure, etc.), dont voici la teneur :
- (( Les plaques photographiques s’altérant au contact de la lumière, les boîtes qui les renferment ne peuvent être ouvertes au jour sans leur faire perdre tout ou partie de leurs propriétés chimiques. L’agent préposé à la vérification, s’il a des doutes sur le contenu et s’il n’a pas à son bureau de cabinet noir, devra désigner au hasard une de ces boîtes qu’il enverra au laboratoire municipal, ou faire accompagner le colis chez le destinataire où il sera procédé à l’ouverture des enveloppes avec toutes les précautions nécessaires. »
- Deux fois en six mois, grâce à cette note, j’ai pu refuser d’ouvrir des boîtes qui m’arrivaient de l’étranger ou que je rapportais d’excursions d’Alsace-Lorraine; l’agent qui l’ignorait me menaça de verbaliser, et mieux, de me saisir le tout, mais je' luttai et eus gain de cause, moyennant la formalité de rigueur à la chambre noire. 11 y a quinze jours à peine, la maison Brünner de Winterhnr (Suisse) m’expédiait une boite de 15/18 pelliculaires à grain, pour autotypie; malgré la note du Code des douanes, malgré la déclaration imprimée sur la boîte, insistant pour que la vérification ne soit faite qu’en Chambre obscure, le colis fut ouvert en plein jour. Aussi ai-je refusé
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- LA NATURE.
- i;>i
- le colis, qui me sera remboursé intégralement. Puisse cette communication être utile aux amateurs !
- A. Hergeret.
- Révélateur à riiydrof|uiuon. — Notre collaborateur, M. G. Mareschal, a l'ait connaître cet intéressant révélateur ilù à MM. Balagny et Jacques I)u-com1. Plusieurs de nos lecteurs nous ont écrit qu'ils l’avaient essayé avec un succès complet. On avait oublié de mentionner un des avantages de ce révélateur : il ne tache pas les doigts de l’opérateur.
- Nous compléterons la notice précédente en donnant la formule de M. Fabre pour augmenter l’énergie du révélateur dans le cas des instantanés. Voici cette formule : bydroquinon dans l'eau pure à 1 pour 100, ajouter goutte a goutte 5Û‘C de solution alcoolique de chlorhydrate d’hydroxylamine à b pour 100, plus 50cc d’une solution aqueuse de soude à 10 pour 100. Le mélange ne se conserve pas, et doit être fait au moment de son emploi. G. T.
- LES CHEMINS DE FER DE L’INDE
- Pendant l’exercice 1880-1887 le réseau des chemins de fer de l’Inde s’est accru de 1632 kilomèlres, ce qui porte sa longueur totale à 21 545 kilomètres. Le capital engagé dans la construction des lignes construites ou à construire se montait, au 51 décembre 1886, à 4 milliards 459 millions de francs. Les recettes brutes de l’exploitation se sont élevées à 467 600 000 francs et le produit net à 244 500 000 francs. Les recettes brutes ont accusé une augmentation de 17 875 000 francs par rapport à l’exercice précédent; pour le produit net, la différence en plus s’élevait à 16 175 000 francs. Le matériel roulant du réseau comprend 978 locomotives, 5288 voitures à voyageurs et 17 897 wagons à marchandises.
- GROS BLOC DRESSÉ SUR LA MORAINE
- DU GLACIER DE GÔRNER (VALAIS)
- Dans les Alpes, les parois escarpées que les intempéries des saisons, le gel et le dégel surtout font éclater de mille formes diverses, tombent en frner-ments plus ou moins gros, dans les hautes vallées neigeuses, pour former plus bas ces immenses collines rocheuses appelées moraines et qui s’alignent à perte de vue sur les lianes et sur les parties médianes des grands glaciers. Les moraines latérales, poussées a droite et à gauche de ces fleuves solidifiés agissant comme de puissants socs de charrues, forment des digues énormes, élevées souvent à 150 à 200 mètres sur les flancs des montagnes riveraines. Les blocs qui les composent, entassés dans un désordre peu stable, sont sans cesse en mouvement, s’éboulent à chaque instant en faisant retentir les échos des vallées de roulements sourds, semblables à ceux du tonnerre. Une pression d’une force incalculable finit par broyer ces pierres entre les flancs du glacier et les parois rocheuses qui l’enserrent. Les débris, finement pulvérisés, se trans-
- 1 Voy. n° 765, (lu 14 janvier 1888, p. 105.
- forment en sable et en limon que les torrents s’échappant à l’extrémité inférieure du champ de glace entraînent bientôt dans leurs eaux laiteuses.
- Lorsque deux glaciers supérieurs se réunissent, se soudent pour donner naissance, plus bas, à un glacier de premier ordre, au point de jonction des (leux rameaux secondaires, deux de leurs moraines latérales s’accolent sans se confondre, pour former sur le milieu du glacier principal une de ces moraines médianes décrivant les lignes sombres qui strient dans le sens de leur longueur les grands glaciers alpins.
- Les nombreux touristes qui, chaque été, se rendent dans la vallée de Zermatt afin de faire la facile ascension du Gôrnergrat, voient, avec étonnement, sur l’immense glacier de Corner, cinq bandes noires dessinant les moraines médianes dues aux ébou-lements des parois rocheuses situées a la base des hautes cimes du magnifique cirque que décrit le massif du mont Rose.
- La principale de ces moraines médianes est celle qui provient directement des deux contreforts du mont Rose proprement dit, appelés Ob dem See et Blattje, formés tous deux par un gneiss très dur renfermant de gros cristaux de feldspath.
- Vue du sommet du Gôrnergrat, c’est-à-dire d’une hauteur de 500 mètres au-dessus du glacier, ou môme du col de Rothkumme, situé à la base du Riffelhorn, cette moraine paraît être une traînée de sable semblable à celles que certaines fourmis élèvent dans les allées des jardins. Mais, si l’on descend à la surface du glacier, on voit quelle domine celui-ci de 40 à 50 mètres au moins et quelle est constituée par un bizarre amoncellement de blocs énormes entassés les uns sur les autres.
- Le glacier, large ici de plusieurs kilomètres, transporte ces taupinières géantes, lentement, mais avec une force irrésistible vers l’escarpement terminal où ces masses de granit, réduites en poudre impalpable, seront précipitées dans la Viège dont les eaux tumultueuses les feront bientôt parvenir dans le lit du Rhône.
- C’est en face du col de Rothkumme, à 2 kilomètres et demi environ des rochers appelés Ob dem See, que j’ai rencontré et mesuré, au mois de septembre dernier, le superbe fragment de gneiss du mont Rose que représente ma photographie. Ce bloc, qui ressemble a un immense menhir, se dresse au sommet d’un monticule haut de 40 mètres environ, formé par un boursouflement de la glace, qui porte ici une moraine très épaisse et très large. La partie visible de cette pierre a 15 mètres de hauteur, 11 mètres de largeur et une épaisseur de 5 mètres. Elle doit donc cuber, à peu près 420 mètres. Mais, en examinant les choses de plus près, on peut constater facilement que la plus grande partie de ce singulier monolithe est encore enclavée dans une glace dure et bleue que recouvre la moraine. C’est ce qui lui permet de résister victorieusement, depuis deux années, aux mouvements
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- LA NATURE.
- du placier et aux tourmentes terribles qui l’assaillent durant l'hiver.
- Ce bloc, par suite de l’inlïuenee du froid probablement, s’est partagé dans le sens du clivage de la roche, en deux parties presque égales. Celle qui s’est détachée et qui a glissé sur les lianes de la moraine présente à très peu [très la meme forme et les mêmes dimensions que celle qui est restée debout.
- Lorsque l’humanité était probablement à son aurore, à ces époques reculées pendant lesquelles les glaciers déployèrent dans nos contrées une activité et une puissance incomparablement supérieures à celles qu’ils présentent de nos jours, des blocs gigan-
- tesques furent transportés à d’immenses distances par ces lleuves glacés qui descendaient majestueusement de nos Alpes encore jeunes.
- Mais actuellement, nos glaciers ne sont plus que les germes atrophiés de ceux qui labouraient l’Europe à l’époque glaciaire. Nos Alpes vieillies et déjà à moitié nivelées par des érosions séculaires, ne s’éboulent plus qu’avec une sage lenteur ; aussi est-il assez rare de rencontrer, aujourd’hui, sur nos glaciers, des blocs offrant les dimensions de celui que l’on peut admirer sur le glacier de Corner.
- Si ma mémoire est lidèle, je ne jiuis le comparer qu’à celui que je vis, en 1845, sur le glacier inférieur de l’Aar. Ce bloc, connu et visité par tous les
- iiioc de pierre dressé sur la moraine du glacier de Gürner (Valais). (D’après une photographie.)
- naturalistes de l’époque, s’était incliné comme un toit sur un des flancs d’une large moraine. Il était soutenu par de puissants acolytes entre lesquels on avait élevé de grossiers murs en pierres sèches afin de former ainsi un abri plus que primitif dont le sol était recouvert de foin et de peaux de moutons. Cette demeure, digne des hommes de l'âge du Renne, était connue sous le nom d’Hôtel des Neu-châtelois1. C’est là que je vis, pour la première lois, Àgassiz, Desor, Karl Yogt et plusieurs autres savants formant cette illustre pléiade de naturalistes, jeunes alors, qui, dans cette grotte factice, passaient des semaines entières à étudier la vie des
- 1 Vov. n° 3 b du 10 janvier 1874, p. 01.
- glaciers et les lois encore mal connues qui régissent leur mystérieuse existence.
- En 1850, je visitai de nouveau Y Hôtel des Neu-châtelois. Le temps et les forces toutes puissantes de la nature avaient accompli leur œuvre. Le bloc était brisé en nombreux fragments sur lesquels on pouvait déchiffrer avec peine quelques noms des observateurs dont j’ai parlé plus haut. Ces débris avaient été charriés à plusieurs centaines de mètres du point où se trouvait VHôtel en 1845, et déjà on pouvait prévoir le moment où ces pierres broyées par les puissantes mâchoires du glacier, seraient transformées en sable argentin pour être entraînées au loin par les eaux rapides de l’Aar. Dr Lortet.
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- LA NATURE.
- LES DOMPTEURS DE LIONS
- (Suite et fin. — Voy. p. 81.)
- Les lions exhibés dans les ménageries ont rarement été capturés adultes; dans ce cas, en effet, leur caractère sauvage ne permet pas aux dompteurs de les faire travailler. Les lions des ménageries ont été soit capturés très jeunes en Afrique et n’ont jamais, pour ainsi dire, connu la vie sauvage, ou bien ils sont nés et ont été élevés dans des ménageries.
- L’élevage des animaux féroces est, en quelque sorte, devenu une industrie. Cet élevage se fait généralement de la façon suivante :
- lb 5
- Sitôt qu’une lionne a eu des petits, ils lui sont enlevés et donnés à une chienne en état de lactation et les uns et les autres confiés aux soins d’une femme, le plus souvent la directrice de la ménagerie. A leur naissance les petits lions ressemblent à de jeunes chats et ne sont guère plus gros que le poing, et la chienne mère-nourrice qu’on leur donne est généralement de taille moyenne, de la taille des barbets, par exemple, ou des chiens de chasse. La famille des petits lions est installée dans un coin de la voiture ambulante ou dans un coin de chambre. Les petits lions sont ainsi soignés dans leur enfance connue pourraient l'être de petits animaux domestiques, de jeunes chiens ou de jeunes chats, par
- Le roi Théodoros et ses lions. (D’après la description des ambassadeurs anglais, en Abyssinie.)
- exemple. Quand ils peuvent marcher, ils circulent, jouent au milieu des personnes, reçoivent avec plaisir des caresses, des friandises et admettent l’autorité de la chienne, leur nourrice, même lorsqu’ils atteignent la grosseur, la taille de celle-ci. Leur croissance est, en effet, très rapide et au bout de quatre ou cinq mois ils ont la taille d’un chien de chasse adulte ; ils ne manifestent jusqu’alors aucun instinct féroce ou sauvage, bien que leurs dents soient déjà fort apparentes et que leur force soit relativement déjà considérable.
- Si un peu plus tard on les enferme dans des cages c’est que par leur dimension et par leurs ébats, par les bonds qu’ils font en jouant, ils sont fort encombrants et exigeraient beaucoup de place. Mais, même
- en cage, ils sont l’objet de soins continus, ils sont brossés, peignés, caressés par leurs gardiens, par le personnel de la ménagerie ; ils voient des personnes et continuent à être avides de caresses et de marques d’amitié. Insensiblement les lions grandissent, deviennent adolescents, puis adultes sans jamais subir de domptage effectif; parfois il se manifeste chez certains quelques instincts d’indépendance, mais ces actes sont d’autant moins fréquents que l’animal a eu un plus grand nombre d’ancêtres nés et élevés dans les ménageries.
- On comprend facilement en effet qu’après plusieurs générations soumises à ce genre d’élevage les lions deviennent presque des animaux domestiques.
- D’un autre côté, le dompteur circule tout le jour
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- LA NATURE.
- pour ainsi dire dans sa ménagerie, il parle à ses animaux, les Hat te, les gronde, les caresse parfois à travers les' barreaux, est là quand on leur distribue la nourriture; ses lions, en somme, le connaissent parfaitement. Ils le craignent ou recherchent ses caresses et cela se traduit par une plus grande obéissance dans les exercices qu’il leur fait exécuter. Le domptage, dans ce cas, est un véritable apprivoisement. Rappelons, à ce sujet, qu’il y a un très grand nombre d’exemples de lions apprivoisés d’une façon extraordinaire. Nous nous bornerons à mentionner quelques-uns des plus célèbres d’entre eux. On sait qu’Antoine, après la bataille de Rharsale, parutdans un cortège triomphal sur un char traîné par des lions. Avoir des lions apprivoisés a été pour beaucoup de souverains un luxe, un emblème en quelque sorte de leur puissance.
- En 1866, les ambassadeurs anglais en Abyssinie furent reçus par le roi Théodoros, au milieu de sa cour, ayant à coté de lui quatre magnifiques lions avec lesquels il jouait tout en tenant audience. Nous reconstituons par la gravure (p. 155), cette scène curieuse, d’après les documents de l’époque.
- En 1-454, les ambassadeurs de France à la cour de don Juan, roi de Castille, virent ce souverain assis sur un trône magnifique et ayant à ses pieds un gros lion apprivoisé.
- Pendant la dernière croisade de saint Louis, un chevalier français avait apprivoisé un lion au point que cet animal ne pouvait se passer de lui. Il l’accompagnait partout et combattait à ses côtés. Le chevalier, au moment de retourner en Europe, ne pouvant embarquer son lion avec lui, le laissa sur le rivage, mais, raconte la légende, le fidèle animal se précipita dans la mer, suivit le navire à la nage autant que ses forces le lui permirent et disparut enfin dans les Ilots, victime de son attachement et de l’ingratitude de son maître.
- Les dompteurs d’animaux féroces ont en général leur profession en haute estime, ils éprouvent non seulement ce sentiment d’amour-propre commun à tous les hommes qui s’exhibent devant des spectateurs, mais en outre le dompteur est fier des émotions qu’il provoque, des sentiments de peur pour lui qui se manifestent dans la foule et il sent une sorte d’orgueil à persuader au public qu’il est plus fort, plus courageux, plus audacieux que le commun des hommes.
- Indépendamment de ce sentiment les dompteurs éprouvent, paraît-il, une étrange satisfaction à faire obéir des animaux possédant une force incomparablement supérieure à la leur et des moyens d’attaque et de défense terrible, à les dominer, à les faire obéir et à les dompter dans leur colère.
- Le domptage des animaux est, pour quelques natures, une sorte de passion. C’est le cas de parodier un mot célèbre : « On peut devenir directeur d’une ménagerie, niais on naît dompteur d’animaux léroces. » Guyot-Daubès.
- CONFÉRENCE « SCIENTIA »
- Le onzième dîner de Scienüa a eu lieu le jeudi 2(> janvier. Ce dîner offert à M. Georges Berger, directeur de l’Exposition universelle de 1889, était présidé par M. C.-M. Gariel, membre de l'Académie de médecine. Voici la liste des convives: MM. Abadie, Alpli. Aubry, Bar-llioldi, II. Beau, II. Beraldi, l)r B. Berger, Prince Bibesco, B' B. Blanchard, A. Boulé, I)r Carlaz, Chabrier, Désiré Charnav, Clémandot, E. Collin, P.-P. Dehérain, Eiffel, Elard, Evrard, Albert et Henri Gauthier-Yillars, Hallopeau, Janssen, Hugues Krafft, A. balance, Ch. Lallemand, E. Landrin, l)r G. Le Bon, Eug. Lecomte, I»' Le Dentu, Liébaut, Lisbonne, l)1' Malterre, Lucien Marc, E. Marion, Maunoir, Marquis de Nadaillac, Max de Nansouty, Napoli, L. Olivier, Frédéric Passv, G. Petit, A. Poirrier, Poyet, Dr Banque, Félix Régamey, Ch. Richet, G. Bichon, Rivière, L. Rousselet, I)r Ruault, I)1 de Seynes, Gustave Simon, Ch. Talansier, Alfred, Albert et Gaston Tissandier, l)r Topinard, Dr U. Trélat, Yenukoff, I)r Verneuil, L. Vidal. A la lin du banquet, M. Gariel a félicité M. Georges Berger de l’œuvre qu’il avait entreprise en consacrant, comme il le fait, toute son intelligence, toute son activité, toute son énergie au succès de l’Exposition de 1889, et il a affirmé que l’on pouvait dès à présent être certain que le succès couronnerait de si louables efforts. M. Georges Berger, dans une allocution fort écoutée, a montré l’influence matérielle et sociale du travail scientifique et industriel, et il a fait entendre que les directeurs généraux de l’Exposition de 1889 sauraient rester à la hauteur de leur tâche. M. Janssen a eu la pensée de parler en termes aussi éloquents que chaleureux de l'œuvre étonnante qu’accomplit actuellement M. Eiffel en construisant la Tour de 500 mètres. Par sa haute situation, l’honorable président de l’Académie des sciences est un des plus éminents représentants de la science française; il a été fort heureusement inspiré en faisant l’éloge d’un travail si injustement calomnié et méconnu à ses débuts. En portant un toast à M. Eiffel : « au grand ingénieur qui poursuit tant de remarquables travaux, parmi lesquels il convient de citer spécialement la coupole de Nice, les écluses de Panama, la Tour du Champ de Mars, » M. Janssen a parlé tout à la fois en savant et en patriote ; son allocution a trouvé des échos dans toute l’assistance. M. Eiffel a répondu avec beaucoup d’à-propos, que des louanges aussi autorisées que celles qu’il venait d’entendre compensaient, et bien au delà, les déboires des critiques banales et des dénigrements systématiques.
- LA DYNAMITE
- SA FABRICATION INDUSTRIELLE
- L’apparition, dans le champ des explosils puissants, de corps récemment découverts, tels que la mélinite et la roburite, les résultats vraiment merveilleux qu’ils ont donnés dans les essais répétés auxquels ils ont été soumis, le secret dont on entoure leur fabrication, et, s’il faut le dire, l’espoir patriotique qui s’attache à leur puissance de destruction et qui fixe sur eux tous les regards, semblent avoir eu pour premier corollaire de rejeter un peu dans l’ombre le corps qui, jusqu’à ce jour, avait joui de la réputation d’explosif par excellence, la
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- LA NATURE.
- dynamite, ou plutôt la nitroglycérine, base de tous les composés qui sc livrent au commerce, au génie militaire et à lîi marine, sou» le nom commun de dynamites. Il n’existe cependant aucune relation entre les applications de l’une et de l’autre de ces substances. La mélinite, ainsi que la roburite, sont des explosifs purement militaires; la dynamite est l'explosif industriel auquel aucune matière n’a fait encore une concurrence réellement sérieuse. Si la mélinite fait voler en éclats les ouvrages de défense de l’ennemi, à la dynamite restera toujours réservé le rôle plus pacifique, mais également glorieux, du plus puissant auxiliaire de l’homme dans tous les travaux souterrains, la véritable « charrue du mineur », a dit son premier et plus ardent propagateur, M. Barbe, hier encore ministre de l’agriculture. C’est à la dynamite que nous devons de traverser en voie ferrée les massifs alpins ; c’est à elle exclusivement que nous devons le Gothard, l’Arlberg, cent autres tunnels, et que nous devrons un jour la voie nouvelle du Simplon.
- Voici près de vingt années que la dynamite se fabrique industriellement ; il n’existe guère de pays qui ne compte une ou plusieurs fabriques de dynamite. La France possède deux fabriques : à Panlilles, près Port-Yendres ; a Saint-Sauveur, près Ronfleur ; une troisième est en construction à Cugny, près Fontainebleau. L’Angleterre possède, entre autres, la colossale fabrique d’Aberdeen, qui livre à elle seule à l’industrie plusieurs millions de kilogrammes ; l’Allemagne a sept ou huit fabriques, dont les principales, Hambourg et Oppladen,comptent également plusieurs millions de kilogrammes de fabrication annuelle; l’Autriche, l’Espagne, la Belgique, ont leurs fabriques. L’Italie a ses usines d’Avigliana et de Cengio. Seule, la Russie ne fabrique point, le gouvernement russe n’ayant point jusqu’à ce jour autorisé cette industrie, bien que, pour l’exploitation de ses mines du Donetz et de Sibérie, elle reçoive des quantités considérables de dynamite allemande.
- La consommation des Amériques s’alimente pour le Nord aux nombreuses fabriques installées aux Etats-Unis; l’Amérique du Sud, le Brésil, l’Argentine, le Chili, reçoivent le produit tout fabriqué des usines allemandes et anglaises. Il serait difficile de fixer un chiffre, même approximatif, de la consommation totale de dynamite dans l’ancien et le nouveau monde, les sociétés qui exploitent ce produit ne se souciant guère, on le comprend, de mettre au jour leurs opérations commerciales; cette consommation varie du reste sensiblement d’un pays à l’autre, et varie également dans un même pays, suivant le développement des travaux publics et des mines. L’Angleterre, l’Allemagne, par exemple, fournissent annuellement à leurs puissantes exploitations minières des millions de kilogrammes de dynamite ; la consommation de l’Espagne dépasse le million; La France et l’Italie ont des consommations plus restreintes, bien que respectables encore.
- Les nombreuses applications de la dynamite ont
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- rendu cette matière tellement populaire, qu’il nous semble inutile, avant de décrire sa fabrication, de revenir en détail sur sa composition, non plus que sur celui de son principe actif, la nitroglycérine. Bisons seulement que toute dynamite, quelle que soit sa formule, tire sa plus grande puissance de la nitroglycérine, que cette dernière y soit incorporée à l’état liquide ou à l’état gélatiné. Dans l’un ou dans l’autre cas, c’est par la teneur en nitroglycérine que doit être calculée la puissance d’une dynamite. Les matières associées mécaniquement à la nitroglycérine ne jouent qu’un rôle secondaire, et pratiquement peuvent même être négligées dans l’évaluation de la puissance explosive d’une dynamite. On conçoit ainsi, étant donné ce rôle prépondérant de la nitroglycérine, que la préparation de cette substance attire la première l’attention dans une fabrique de dynamite.
- Différents procédés sont suivis pour la préparation de la nitroglycérine ; ils diffèrent les uns des autres, en premier lieu, par la quantité de nitroglycérine produite avec des proportions données do glycérine et d’acides sulfurique et nitrique, soit le rendement en nitroglycérine de l’appareil adopté, en second lieu, par la durée et la sécurité de l’opération. Dans une opération bien conduite, le rendement en nitroglycérine doit tourner autour de 200 pour 100 de la glycérine employée. C’est le rendement moyen obtenu avec l’appareil installé a l’usine italienne de Cengio, appareil ne différant que par des détails de celui que décrit M. Chalon dans son récent et remarquable traité des Explosifs modernes. Le corps même de l’appareil est formé par une cuve cylindrique en douves de chêne ou de tout autre bois résistant, soigneusement assemblées, revêtue d’une double chemise intérieure en plomb. L’espace laissé vide entre ces deux chemises est rempli par un matelas d’eau courante destinée à refroidir le mélange qu’elles renferment ; au cours de la réaction, le refroidissement est encore accéléré par un serpentin en plomb alimenté d’eau constamment renouvelée. Un couvercle en plomb clôt hermétiquement l’appareil. En supposant que chacun des appareils doive produire, en une seule opération, 100 kilogrammes de nitroglycérine, les dimensions de la cuve sont de 1 mètre environ de hauteur sur 0m,80 de diamètre, donnant par conséquent un volume intérieur de 500 litres.
- L’opération elle-même est des plus simples. On commence par verser dans la cuve la quantité nécessaire du mélange des acides sulfurique 66° et nitrique 48°, soit environ 150 kilogrammes acide nitrique pour 500 kilogrammes acide sulfurique. Les 50 kilogrammes de glycérine correspondant sont déversés goutte à goutte dans le mélange acide. Deux thermomètres témoins indiquent à tout instant la température de la réaction, qui s’élève progressivement à partir de la température initiale, et que l’on ne doit guère laisser monter au-dessus de 50° à 52°. L’ouvrier qui dirige l’opération fait du reste
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- LA NATURE.
- varier à son gré cette température en agissant sur le robinet d’arrivée de la glycérine, réduisant le débit île cette dernière en cas d'élévation trop rapide du thermomètre. Un jet d’air comprimé active le brassage du mélange. L’opération est terminée en même temps que l’introduction de la proportion de glycérine adoptée, soit dans notre cas, environ 50 kilogrammes de glycérine, propre a l’obtention de 100 kilogrammes de nitroglycérine. Si on adopte la proportion de 75 kilogrammes de nitroglycérine pour 100 kilogrammes de dynamite ordinaire à 75 pour 100, on voit que 15 opérations semblables à celle que nous venons de décrire rapidement, suffiront pour la confection quotidienne de 2000 kilogrammes de dynamite. La durée d’une opération, variable suivant la température de l’eau de refroidissement ou, plus vulgairement, suivant la saison de l’année, peut être é v a1u é e à 20 ou 25 minutes.
- Au sortir de l’appareil de préparation ou convertisseur, la nitroglycérine, mélangée à l’excès du mélange sulfurique et nitrique, va se séparer de cet excès d’acides dans une série de cylindres en p 1 o m b ; la seule différence de densité la fait surnager à la partie supérieure de ces cylindres; les acides en
- excès se recueillent à la partie inférieure pour être transportés à l’atelier de regagnage, que nous mentionnerons plus loin. Des cylindres séparateurs, la nitroglycérine, séparée mais encore acide, se rend dans des cuves de lavage en bois, où un fort barbotage à l’air comprimé dans un excès d’eau courante, et ensuite dans une solution de carbonate de soude, la neutralise complètement. Un essai au tournesol montre à ce moment si elle est propre à la confection de la dynamite. Elle est alors dirigée vers l’atelier de pétrissage, où elle est incorporée à la silice ou aux différents absorbants ou mélanges adoptés dans la fabrication.
- La série de ces opérations s’eflectue dans les ateliers 2, o, 4 et 5 de notre schéma topographique (fig. o). Préparée en 2 dans les convertisseurs, elle est
- Fik. 1.
- séparée en 5 de son excès d’acides, lavée et neutralisée en 4 et finalement incorporée aux absorbants en 5. Après son passage an pétrissage, la dynamite en poudre, ou plutôt en pâte granuleuse, onctueuse et plastique, colorée en rouge brun par une légère addition d’ocre, est propre à être mise en cartouches, soit à recevoir la forme adoptée des cartouches cylindriques d’environ 8 centimètres de longueur sur 25 millimètres de diamètre, d’un poi ls de 70 à 80 grammes. Le pétrissage de la dvnamite, soit l’incorporation de la nitroglycérine avec les absorbants, silice ou autres, s’effectue sur des tables revêtues de plomb, absolument comme on pétrit le pain. Avant de la livrer aux machines qui la détaillent en cartouches cylindriques, la pâte de dynamite
- est passée au tamis sur des toiles en laiton.
- Au sortir de l’atelier de pétrissage, la dynamite en pâte granuleuse, ressemblant assez exactement , autant par la disposition des grains de la pâte que par la couleur , au cacao en poudre, est livrée aux machines à cartouches. Ces machines se composent essentiellement d’un entonnoir en bronze sur le fond duquel peuvent s’adapter des moules cylindriques, éga-lementen bronze, d’un diamètre intérieur égal à
- celui de la cartouche à exécuter ; un piston vertical mû par une manivelle à ressort manœuvrée à la main, refouledans le moule la dynamite qui en sort en forme de boudins que l’on taille à mesure aux longueurs voulues (fig.1). Les cartouches qui, comme nous 1 avons indiqué plus haut, mesurent 8 centimètres sur 25 millimètres et pèsent 70à 80 grammes, sont ensuite enveloppées dans du papier paraffiné, mises en boîte de 2k,500, et finalement en caisses de 25 kilogrammes pour être portées aux dépôts et livrées au commerce.
- La fabrication de la dynamite s’effectue tout entière, on le voit, dans le quadrilatère indiqué sur notre schéma. Ce quadrilatère, divisé en forme de damier, renferme dans chacune de ses cases un atelier en planches légères, entouré de bastions pro-
- Confeclion des cartouches de dynamite à la fabrique italienne de Cengio.
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- LA NATURE.
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- lecteurs en terre végétale. Le plan et la coupe longitudinale (fig. 4) ([ue nous en avons donnés suffisent amplement à se faire une idée précise de la disposition de l’ensemble de la lubrique. En 1 s’opère le mé-
- lange des acides sulfurique et nitrique nécessaires pour le chargement des appareils préparateurs; — en 2 l’atelier de préparation de la nitroglycérine; — en o l’atelier de séparation; — en 4 celui de
- lavageet neutralisation; — en 5 le pétrissage ; —
- G a 10 servent à la mise en cartouches et à Y emballage ; — llalo sont les dépôts de dynamite prête à être expédiée. Ce quadrilatère, que l’on désigne sous le nom de fabrique explosive, présente une surlace totale d’environ 1 hectare 1/2.
- Par mesure de securité, pour éviter les dégâts en cas d’explosion partielle, il est installé a 200 mètres des autres bâtiments. — En dehors de la fabrique explosive même, une exploitation de dynamite comporte des installations importantes dont le détail peut être encore suivi sur notre plan. En premier lieu en I la fabrication de l’acide nitrique servant à la pré-
- paration même de la nitroglycérine. En 1Y un séchoir pour les divers absorbants, silice et autres, qui seront incorporés à la nitroglycérine à l’atelier de pétrissage, En II un moteur activant la pompe d’alimentation des appareils a nitroglycérine et le compresseur d’air servant à la préparation et au lavage de cette dernière. Notons en outre, en 111, une installation servant au rega-gnage des acides en excès, retirés, comme nous l’avons noté plus haut, des appareils séparateurs de nitroglycérine.
- Telle est, dans ses lignes principales, la fabrication de la dynamite. Il nous a été, bien entendu, impossible d’entrer dans tous les détails d’opérations
- Terrains ‘t:ves
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- en mètres.
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- Fig. 3. — Plan de la fabrique de dynamite de Cengio.
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- Fig. 4. — Coupe des ateliers séparés par des bastions en terre.
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- LA NATURE.
- J 58
- aussi délicates que celles de la préparation de la nitroglycérine, qui, si simple qu’elle puisse paraître, entraîne avec elle toute une série de manœuvres accessoires assurant la sécurité du travail, condition première d’une exploitation industrielle. Les nombreux accidents qui sont signalés à maintes reprises dans des usines installées cependant avec toutes les précautions requises, montrent assez que la fabrication, pour être exempte de péril, doit être conduite avec tous les soins et surtout toutes les précautions qu’une longue pratique peut seule enseigner. En dehors de la méthode industrielle elle-même, et nous n’avons pu exposer que ce côté de la question, la fabrication de la dynamite repose, comme la plupart des industries, sur des tours de mains qu’il serait difficile d’enseigner et même de signaler, autrement que sur les appareils eux-mêmes. Cette observation une fois faite, nous croyons dans le cadre qui nous est tracé, avoir décrit d’une manière assez complète pour être comprise dans son ensemble la fabrication d’une matière qui a toujours excité une certaine curiosité, autant par les multiples et parfois étranges applications qu’elle a reçues, que par l’éclatante carrière industrielle qu’elle a parcourue depuis sa découverte.
- Maxime Hélène.
- CHRONIQUE
- Une exposition Samoycde. —M. Charles Yarat, a exposé, dans une des salles du musée ethnographique du Trocadéro, l’intéressante collection samovède qu’il a rapportée de sa mission scientifique en Russie septentrionale effectuée en 1886. Cette exposition a été ouverte mardi dernier, 51 janvier. A l’aide des objets qu’il a rapportés, M. Yarat a figuré un panorama samovède de l’effet le plus original. Au premier plan, à gauche, se dresse une tente de toile, sous laquelle une femme samovède berce un enfant suspendu dans une sorte de corbeille faite avec des fourrures. En même temps elle attise le feu. Au-dessus de l’ouverture de la tente sont accrochées une couverture de tente de bouleau et une couverture de peau de rennes, employées tour à tour, suivant la saison. A droite, un renne, au cou duquel sont suspendues des pendeloques de cuivre, est attelé à un traîneau par un seul trait passant entre les jambes. Sur le siège, un jeune Samovède tient à la main une longue tige dont l’extrémité est munie d’une rondelle en corne de renne. Près du traîneau, le chef de la famille glisse sur des patins longs> de 1 m. 25 environ. Ces Samoyèdes reviennent de la pèche. Us ont capturé un phoque qui est placé sur les brancards du traîneau. Au départ, quatre rennes étaient attelés au traîneau; mais au moment d’arriver au campement, le Sa-moyède a dételé trois de ces animaux qui sont allés au pâturage, et il porte les traits enroulés autour de son bras. A droite et à gauche, s’élèvent des sapins et des bouleaux couverts de neige et de glaçons. Entre les arbres on aperçoit de longues perches entrelacées et se terminant par des bois de rennes sauvages. Ces bois sont beaucoup plus développés que ceux des rennes apprivoisés qui conduisent les traîneaux. Près de la tente, à une autre tige, est suspendu un quartier de renne conservé par le froid. Le
- fond du tableau représente la campagne lisse et ondulée, à travers laquelle se profile l’empreinte du traîneau. Tout ce paysage est recouvert de neige et de glace, et il s’en dégage une lumière très vive. L’exposition de M. Yarat comporte également deux femmes samoyèdes en costume de fête, l’une d’été et l’autre d’hiver. Ces costumes sont composés de fourrures foncées recouvertes de bandelettes • plus claires formant des dessins. 11 est à remarquer que, dans leur ensemble, ces costumes rappellent ceux des femmes grecques. L’exposition se complète par des collections de peaux d’ours blanc, d’ours noir, de renard blanc, de loup blanc et de « glouton ». M. Yarat a également rapporté des collections de vues photographiques prises notamment dans le gouvernement d’Arkhangel, de cartes géographiques et d’ex-voto.
- Poissons parasites. — Ces êtres extrêmement petits, à la forme d’anguille, ne sont connus que depuis fort peu de temps. On en distingue dix espèces répandues dans la mer Méditerranée, l’océan Atlantique et l’océan Pacifique indien. Ces parasites se fixent généralement dans quelque partie creuse du corps des animaux marins ; ils pénètrent de préférence dans les cavités respiratoires des étoiles de mer. Quelquefois ils s’attaquent à des espèces qui leur offrent moins de facilité d’existence; ainsi, on en a trouvé dans l’intérieur de l’huître perlière ensevelis sous une couche de vase. La présence de ces parasites n’offre aucun danger pour les animaux sur lesquels ils se tixent : ils se nourrissent des petits animaux que l’eau amène dans les cavités qu'ils habitent ; c’est ce que Yan Beneden appellerait un commensal.
- Les grottes d'Autriche. — On connaît peu les grottes qui existent aux environs de Yienne, en Autriche. Un habitant de Baden, Gustave Calliano, demeurant dans le voisinage de ces cavernes, en a fait l’objet de ses études. Ces recherches sont d’autant plus méritoires que le plus grand nombre de ces grottes sont condamnées à disparaître dans la suite des temps; d’autres déjà sont sacrifiées aux besoins de l’industrie. Toutes sont formées de cette dolomite qui fournit la pierre connue sous le nom de grès de Baden et qui se rencontre dans les environs du Calvaire. M. G. Calliano a fait l’histoire d’une quarantaine de ces cavernes ; il démontre qu’un grand nombre ont servi de demeure à des hommes préhistoriques. Beaucoup possédaient de belles stalactites et stalagmites, tandis que d’autres renferment encore les sauterelles des cavernes (Locusla cavicola) et les araignées des cavernes (Meta Menardi). (Le Naturaliste).
- Le lait en Suisse. — La production annuelle du lait en Suisse est, d’après M. Merz, de 16 500000 hectolitres, représentant une valeur de 182500000 francs; cette quantité serait le produit de 662336 vaches et de 277 277 chèvres (on compte 415 916 chèvres en tout). 39,6 pour 100 de cette quantité est travaillé en fromage et en lait condensé; 42,6 sert directement à l’alimentation humaine et 17,9 à l’élevage et à l’engraissement du petit bétail. Il y aurait 2900 fromageries dans les régions alpestres, et 2600 dans les vallées. Le canton de Berne a la plus forte production de lait, puis viennent par ordre les cantons de Saint-Gall, de Zurich, de Lucerne.
- Phosphorescence des poissons marins. — Le
- docteur Ilermes a récemment publié le résultat de recherches sur la phosphorescence des poissons marins dans le | but de s’assurer que cette lumière est produite par les mêmes bacilles que celles décrites par le docteur Fischer.
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- Les poissons marins peuvent être rendus phosphorescents lorsqu’ils sont mouillés d’eau de mer. En prenant un fragment de Gadus cnlluricis, il a pu le rendre fortement phosphorescent par ce procédé, et le bacille peut encore être isolé après quelques jours, transporté sur un poisson stérile qui, après quarante-huit heures, répand une lumière verte intense ; l’eau de mer est aussi rendue phosphorescente. La grande différence qui existe entre le bacille découvert par le docteur Ilermes et celui signalé par ; le docteur Fischer, c’est que ce dernier peut se développer à une haute température de 20 à 22°, tandis que celte nouvelle espèce se multiplie à une température moindre; il a été nommé Bacillus phosphorescens.
- La forme des cordes vibrantes. — M. J. Puluj, de Vienne, a imaginé une méthode aussi simple qu’ingénieuse et pratique pour rendre visible la forme d’une corde tendue mise en vibration, et entretenue dans cet état en fixant l’une de ses extrémités à l’une des branches d’un diapason électrique. La corde vibrante est éclairée par un tube de Geissler alimenté par une bobine de Ruhmkorff dont on peut varier à volonté le nombre de contacts par seconde. Lorsque le nombre de vibrations du treinbleur est égal à celui de la corde ou à un sous-înultiple entier de ce nombre de vibrations, la corde vibrante se trouve éclairée toujours au même moment de sa vibration, lorsqu’elle occupe une position bien définie et, par suite de la persistance des impressions sur la rétine, elle semble immobile dans l’espace. Grâce à ce procédé, la forme de la corde et les positions des nœuds et des ventres sont rendues clairement visibles.
- Une curieuse expérience sur les résines électrisées. — M. C. V. Boys a décrit une expérience des plus curieuses faite à l’aide de gommes ou de résines électrisées. Si l’on fond de la cire à cacheter ou tout autre produit analogue dans une capsule placée sur un conducteur d’une machine électrique, il en sort aussitôt de longs filaments qui se brisent en morceaux et forment de petites perles. La coupe contenant la gomme ou la résine doit être inclinée et dans une direction telle que les filaments ainsi produits ne puissent pas être dirigés sur la machine ou sur un observateur voisin qui, sans cette précaution, se trouverait rapidement enveloppé d’une toile d’araignée invisible et collante de la substance en expérience. C’est le baume de Canada qui produit les plus curieux résultats. Lorsqu’on approche la flamme d’une bougie de la capsule, les filaments se précipitent sur la flamme et recouvrent quelquefois la bougie tout entière; d’autres fois, les filaments viennent se décharger sur la flamme et retournent dans la capsule. En peu de temps on peut produire une très grande quantité de filaments, et comme ils se brisent facilement, M. Boys fait observer que ce procédé pourrait être utilisé pour pulvériser des substances qui se prêtent peu à cette opération par un autre procédé.
- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 30 janvier 1888. — Présidence de M. Janssex.
- L’éclipse de lune. — On sait qu’à Paris le ciel était, samedi dernier, tout à fait défavorable à l’observation de l’éclipse totale de lune. C’est seulement vers la fin du phénomène que des éclaircies ont permis de faire entre les nuages des observations décousues. L’illustre directeur de l’Observatoire d’astronomie physique de Meudon,
- M. Janssen, n’en a pas moins trouvé l’occasion d’instituer de magnifiques expériences qui éviteront en tout cas, lors de la prochaine éclipse, tout tâtonnement pour arriver au succès. 11 résulte de ces essais que la photographie de la lune éclipsée devra être tentée avec des appareils très puissants, tels que celui dont jouira très prochainement l’Observatoire de Meudon. M. Janssen se proposait de comparer, par la méthode photographique, l'intensité lumineuse de la lune pendant la totalité à celle de la pleine lune avant et après le phénomène : le résultat sera certainement d’un puissant intérêt. Une dernière série d’expériences dont l’idée est des plus heureuses, concernera l’étude des bandes de l’oxygène qu’on ne peut voir dans l’atmosphère terrestre qu’au coucher et au lever du soleil, et qui devront être bien plus puissantes dans le spectre fourni par la lune pendant l’éclipse, puisque le prisme décomposera des rayons ayant traversé deux fois toute l’épaisseur de notre océan aérien. A Marseille, le ciel a été absolument pur et M. Coggia a fait une longue série d’observations dont il adresse le résultat.
- Expériences dans les gaz à haute pression. — Un des maîtres de la chimie moderne, qui a indissolublement lié son nom aux plus grandes découvertes dont la constitution des gaz a été l’occasion, M. Cailletet, met sous les yeux de l’Académie un appareil qui ne peut manquer d’ouvrir des voies nouvelles aux chimistes et aux géologues expérimentateurs. L’ingénieux auteur est, en effet, parvenu à résoudre le difficile problème de faire agir concurremment les températures les plus élevées et les pressions les plus fortes. Dans un réservoir extrêmement solide, percé seulement d’un tout petit hublot, muni d'une glace très épaisse, un petit creuset est compris dans le circuit d’un courant fourni par des accumulateurs. A ce réservoir est relié, par un tube très fin, une bouteille d’acier où l’on a préalablement comprimé un gaz à 50 ou 40 atmosphères. Un manomètre tient l’opérateur au courant des pressions. Comme premier résultat obtenu, M. Cailletet met sous les yeux de la Compagnie de la craie qui, comme dans l’expérience célèbre de James Hall, a subi la température rouge dans l’acide carbonique comprimé ; seulement il ne s’est pas fait de marbre, mais un minéral jaunâtre, peu effervescent par les acides où la silice doit entrer comme élément constituant. Comme contraste, et conformément aux faits publiés naguère par M. Debray, le spath d’Islande ne s’est pas dissocié et n’a même pas perdu sa transparence. M. Cailletet a bien voulu me faire l’honneur de m’admettre au spectacle de ses expériences et j’en suis sorti véritablement émerveillé. Quand on songe à la simplicité des manipulations et aux ressources indéfinies qu’elles nous offrent, on peut prédire aux minéralogistes et aux géologues qu’ils feront sortir tout un monde de cette élégante petite machine. Par exemple, toute l’histoire des hydratations de silicates, c’est-à-dire la kaolinisation, la serpentination, passera du domaine de l’hypothèse à celui de l’expérience; M. Cailletet veut aussi étudier les états divers du carbone ; et ce ne sont là que quelques-uns de ses projets. Nous tiendrons nos lecteurs au courant de ses résultats.
- La Société d’histoire naturelle d’Autun. — M. Albert Gaudrv dépose sur le bureau un beau volume de près de 400 pages et comprenant 14 planches qui constituent la première publication d’une société fondée récemment à Autun par M. Bernard Renault. Le savant professeur du Muséum analyse les principaux mémoires réunis dans le volume en tête duquel figurent ses recherches person*
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- nelles sur les fossiles permiens de Saône-et-Loire. 11 mentionne les très importants travaux de M. Renault sur les sigillaires, la découverte, par M. Fischer, du plus ancien mollusque pulmonné terrestre connu en France, et ma propre notice sur les foraminifères du calcaire de Cussv en Morvan. On lira aussi une note de M. Brocchi sur un crustacé fossile, le catalogue des oiseaux d’Autun, par M. Mangeard, un article sur les blés, par M. Tac-net, etc.
- Le terrain houillcr de Commentry. — Sous ce titre : Etudes sur le terrain liouiller de Commentry, par MM. Ch. Brongniart, 11. Fayol, de Launay, Stanislas Meunier, Renault, Sauvage et Zeiller, la Société de l’industrie minérale a entrepris la publication d’une monumentale monographie dont la première partie est déposée aujourd'hui sur le bureau de l’Académie. C’est un beau volume de plus de 500 pages accompagné d’un atlas de 25 planches, dans lequel le savant directeur des houillères de Commentry,
- M. II. Fayol, décrit la lithologie et la stratigraphie du bassin. On y trouvera les détails des innombrables observations et des ingénieuses expériences d’où l’auteur a tiré la séduisante théorie de formation de la houille dont nos lecteurs ont eu l’analyse et qui recrute chaque jour de nouveaux partisans.
- Les phosphates d'Algérie. — M. Ph. Thomas, qui fut attaché à l’expédition scientifique de Tunisie, avait découvert, dans ce pays, de vastes amas de phosphate de chaux.
- Dans une note déposée aujourd’hui en son nom par M. Gaudry, Fauteur constate que ces vastes dépôts se poursuivent dans nos trois départements algériens. L’antique fécondité de l’Afrique du Nord qui en faisait le grenier de Rome, comparée à sa stérilité actuelle, peut faire croire qu’on restituerait à ce pays toute sa valeur agricole en réintroduisant dans son sol le phosphate de chaux qu’une culture inconsidérée en a extrait pendant si longtemps.
- Varia. — La distribution de la vapeur dans les machines à quatre tiroirs occupe M. Léauté. — M. Debray continue ses importantes études sur l’acide hyperruthé-nique dont il présente de magnifiques échantillons. — Un nouveau genre d’Echinide de l’Algérie est décrit par M. Pomel. — La statistique solaire pour 1887 est adressée par M. Wolff (de Zurich). — Pour M. Folv, directeur de l’Observatoire de Bruxelles, la croûte terrestre et le noyau qu’elle entoure ne tournent pas également vite : il voudrait que l’Observatoire de Paris l’aidât à démontrer la nutation diurne par l’observation de la polarissime, petite étoile infiniment plus rapprochée du pôle que la po-
- laire. — M. Galtier constate la virulence de la cervelle d’un chien mort de rage depuis dix-sept jours et enterré depuis quinze : l'inoculation a développé les phénomènes rabiques chez de nombreux animaux. — On se rappelle que M. Bouchart a démontré la valeur antiseptique du naphtol (B ; d’après M. Maximowich, le naphlol « est plus efficace encore. Stanislas Meunier.
- RÉCRÉATIONS SCIENTIFIQUES
- LES MOUVEMENTS CONTRAIRES
- Un de nos lecteurs nous a communiqué récemment une amusante récréation qui a obtenu le plus grand succès pendant les loisirs d’une longue traversée. Voici en quoi elle consiste : asseyez-
- vous devant un bureau, la plume à la main, levez la jambe droite et du bout du pied droit, décrivez un cercle dans l’espace. Essayez, pendant que votre pied décrit ce cercle, d’écrire la lettre cl en majuscule. Cela vous sera impossible. Cherchant à analyser cette amusante expérience, nous avons reconnu que la main ne pouvait tracer un cercle dans un sens pendant que le pied décrivait un cercle dans le sens inverse. Notre figure montre la manière la plus simple de faire l’expérience. En supposant que la main droite décrit un cercle dans le sens du mouvement des aiguilles d’une montre, le pied droit ne saurait en même temps tracer un cercle dans le sens inverse. Pourquoi ? Il y a là sans doute manque d’exercice, défaut d’habitude. Peut-être aussi le cerveau ne saurait-il commander à la lois à deux organes d’agir de deux façons différentes. Le physiologiste et le psychologue peuvent également s’intéresser à ce fait curieux.
- 11 va sans dire que le mode de procéder peut être varié à l’infini. Essayez de frotter votre main gauche sur votre poitrine par un mouvement de va-et-vient de bas en haut et de haut en bas : cela vous sera facile. Mais que votre main droite, pendant ce temps, cherche à accomplir un mouvement analogue dans le sens horizontal, vous aurez grand’peine à réussir. A nos lecteurs de s’exercer.
- Le propriétaire-gérant : G. Tissandier. Imprimerie A. Lahure, 9, rue de Fleurus, à Paris.
- Les mouvements contraires.
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- v 71)7. — 11 FÉVRIER 1888. LA NATURE. UH
- APPAREIL POUR EXPÉRIENCES A HAUTE TEMPÉRATURE
- AU SEIN D ’ U N GAZ SOUS PRESSION ÉLEVÉE
- On sait combien il est difficile dans les laboratoires de chauffer un corps à une température élevée au milieu d’un gaz comprimé.
- L'appareil que j’ai construit, il y a plusieurs années déjà, permet de porter les corps à des températures voisines de la fusion du platine, tout eu les maintenant dans une atmosphère gazeuse, dont on peut faire varier à volonté la nature et la pression.
- Cet appareil (fig. 2) se compose d’une masse d’acier À dans laquelle on a creusé un vide cylindrique d’environ un quart de litre de capacité ; cette sorte d’éprouvette peut être fermée au moyen d’un obturateur métallique B muni de vis. Deux tiges de cuivre sont fixées a cette pièce mobile : l’une C est isolée, tandis que l’autre D fait corps avec le métal.
- C’est aux extrémités de ces deux tiges qu’on fixe, suivant les besoins des expériences, soit une lame de platine emboutie en forme de creuset, soit un fil de platine roulé en hélice, sorte de moufle qui reçoit les corps en expérience et que I on porte à la température voulue par le passage d’un courant électrique. Deux ou trois accumulateurs suffisent pour ces expériences. Un fragment d’or, placé dans la spirale, y fond en quelques instants. Lorsqu’on veut mainte-16e année. — t‘,r semestre
- | nir fa température pendant une longuedurée, on remplace les accumulateurs épuisés par d’autres en charge, et cela par le simple déplacement d’un commutateur. On peut aussi mettre à profit la haute température développée par l’arc électrique ; dans ce cas, on dispose deux tiges de charbon, dont l’une, mobile, est fixée a l’extrémité d’une vis D qu'on fait mouvoir de l’extérieur, de façon a la mettre en communication avec l’autre charbon E isolé et taillé en forme de creuset.
- Le bloc d’acier est percé d’un orifice F relié par un tube métallique capillaire au réservoir qui contient le gaz comprimé.
- Une fenêtre munie d’une glace épaisse G permet de suivre les phases de l’expérience en regardant dans un miroir incliné, de.façon à se mettre à l’abri de toutdangerpouvant résulter de la rupture de la glace.
- Enfin, on peut recueillir, au moyen d’un robinet à vis 11, les gaz contenus dans l’appareil, dans le cas où il est utile de les analyser.
- Le gaz qui doit servir aux expériences est comprimé d’avance dans un récipient au moyen de la pompe à piston de mercure que j’ai déjà fait connaître1; il est facile aussi d’employer l’acide c-arbo-1 Vov. n° 570, On 5 mai 1884, p. 355.
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- Fig. 1. — Appareil de M. Cailletet.
- À. Masse d'acier à vide cylindrique avec son obturateur R. (Voy. le détail fig. 2). — P. Miroir permettant de voir la réaction.— M. Manomètre. — L. Ampèremètre.
- Fig. 2. — Coupe de l'appareil. — Figure explicative.
- 1. Disposition pour obtenir l’arc électrique. Le charbon isolé est taillé en forme de creuset. — 2. Disposition avec fil de platine roulé en spirale.
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- nique et l’acide sulfureux que fournit le commerce.
- Un manomètre métallique fixé à l’appareil permet de constater que la pression des gaz exerce un refroidissement énergique sur les corps que l'on chauffe au moyen du courant électrique.
- Ainsi le courant qui amène la fusion du fil ou de la lame de platine ne produit plus qu’une température rouge sombre lorsque la pression est suffisamment élevée. J’ai pu atténuer cette cause de refroidissement en enveloppant le corps en expérience avec une petite éprouvette de verre qui s’oppose au mouvement des gaz, et qui n’est pas représentée sur la ligure. J'ai répété, avec cet appareil, l’expérience classique de Hall sur Je carbonate pie chaux. Un fragment de craie chauffé dans l’hélice de platine diminue sensiblement de volume en se transformant en un corps dur jaune-brun, qui se dissout lentement dans les acides en dégageant de l’acide carbonique. Ainsi que notre confrère, M. Debray, l’a démontré depuis longtemps déjà, le spath d’Islande peut être porté à une haute température dans l’acide carbonique sans être altéré et sans perdre sa transparence. J’ai reconnu aussi qu’un cristal de spath transformé en chaux à la surface par l’action de la chaleur à la pression ordinaire reprend l’acide carbonique perdu, mais non sa transparence primitive ; je n’ai pu obtenir la fusion du spath dans les conditions de mes expériences.
- En résumé, l’appareil que j’ai l’honneur de faire connaître et qui m’a servi, il y a plusieurs années déjà, à des expériences sur la lumière électrique sous pression, recherches que j’ai entreprises avec M. Violle dans son laboratoire à l'Ecole normale, pourra rendre, je l’espère, de nombreux services aux chimistes ainsi qu’aux minéralogistes.
- L. Cailletet, de l’Institut.
- Nous venons de reproduire la communication faite à l’Académie des sciences par M. Cailletet, dont nos lecteurs connaissent déjà les beaux travaux sur la liquéfaction des gaz. Le nouvel appareil de M. Cailletet offrira une importance considérable, et rendra assurément des services signalés à la science. Jusqu’ici, quand le chimiste voulait soumettre un corps à l’action d’une température élevée dans un gaz déterminé, il plaçait ce corps dans un tube de porcelaine ou de métal qu’il soumettait à faction de la chaleur, et à travers lequel il faisait passer le courant gazeux. 11 arrivait souvent que ces tubes se cassaient ou se détérioraient, et il n’était pas possible, en raison de leur amollissement à des températures très élevées, de les soumettre à l’action d’une pression intérieure. On a vu dans quelle mesure M. Cailletet vient de changer ce mode opératoire; il l’a transformé du tout au tout avec son nouvel appareil qui a été construit par M. Ducretet. Comme la déjà fort bien fait entendre notre collaborateur et ami M. Stanislas Meunier, cet appareil va certainement ouvrir un vaste champ de découvertes au chimiste, au géologue et au minéralogiste. Les réactions encore si peu connues qui ont lieu dans les profondeurs du sol s’effectuent sous l’action de très hautes températures et de très fortes pressions : on va pouvoir imiter ce que fait la nature dans ses laboratoires souterrains, reproduire peut-être par la synthèse des substances natu-
- relles qui avaient défié jusqu’ici la science du chimiste. EtM. Cailletet aura encore contribué à de nouveaux progrès scientifiques. C’est ce que l’honorable académicien a trop modestement indiqué dans sa note descriptive, et c’est ce que nous prenons la liberté de dire plus affirmativement dans ce paragraphe complémentaire. G. T.
- GONG UKS
- POUR L’ÉTUDE DE LA TUBERCULOSE
- De toutes les maladies qui déciment l’espèce humaine, et l’on pourrait ajouter l’espèce animale, il n'en est pas de plus meurtrière et malheureusement de plus répandue que la phtisie ou tuberculose pulmonaire. Les redoutables invasions du choléra, de la peste, font en quelques jours, en quelques semaines, de véritables hécatombes. Mais la tuberculose frappe sans relâche et l’on peut dire qu’il n’est aucun point du globe qui soif exempt de ce fléau. A Paris, sur un total de 50 à 55 mille décès par an, on compte 10 mille phtisiques, soit le cinquième, et cette proportion est, à peu de chose près, la même dans toutes les grandes villes. Jusqu’ici, on n’a rien ou presque rien fait, au point de vue prophylactique, contre cette maladie effroyable qui frappe les plus jeunes, l’espoir d’un pays-.
- Il y a quelques mois, un éminent chirurgien, le professeur Yerneuil, ému de cette espèce d'indifférence, provoquait une souscription publique pour aider à l’étude de cette question humanitaire, les moyens de combattre la tuberculose et d’enrayer son développement. A l’aide des premiers fonds, on a subventionné de zélés travailleurs qui étudient la question sous toutes ses faces.
- M. Yerneuil a voulu presser, dans la mesure du possible, la solution du problème, et c’est dans ce but que s’est créé, à son instigation, le Congrès pour l’étude de la tuberculose humaine et animale. Médecins et vétérinaires sont invités à venir étudier ensemble les moyens les plus propres à enrayer les progrès de la phtisie. Les noms des promoteurs de ce Congrès, MM. Chauveau, président; Yillemin, Yerneuil, Leblanc, Nocard, Corail, etc., qui ont déjà tant fait pour élucider cette question si com plexe de la contagiosité du tubercule, ces noms sont un sur garant du succès de cette réunion scientifique.
- Il nous suffira de mentionner les principales questions proposées à l’examen des savants qui se réuniront à Paris, le 25 juillet prochain :
- 1° Des dangers auxquels expose l’usage de la viande et du lait des animaux tuberculeux ; moyens de les prévenir.
- 2° Des races humaines, des espèces animales et des milieux organiques envisagés au point de vue de leur aptitude à la tuberculose.
- 5° Yoies d’introduction et de propagation du virus tuberculeux dans l’économie; mesures prophylactiques.
- 4” Diagnostic précoce de la tuberculose.
- Que les organisateurs me permettent de leur soumettre une proposition : c’est d’admettre des membres adhérents, n’appartenant ni au corps des médecins, ni au corps des vétérinaires, et qui dès lors ne prendraient pas part aux débats, mais qui recevraient le volume des comptes rendus en échange de leur souscription, laquelle serait un témoignage de sympathie à l’œuvre poursuivie par nos confrères et un appoint à la caisse des éludes pour la tuberculose1. Dr A. C.
- 1 Un souscrit chez M. G. Masson, 120, boulevard Saint-Germain. La cotisation des membres du Congrès est de 10 francs. Elle donne droit au volume des Comptes rendus du Congrès.
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- LA RÉCOLTE DES VINS
- EN ITALIE ET EN ESPAGNE
- Depuis quelques années la récolte des vins est fort médiocre en France ; elle est inférieure, comme quantité, à la récolte italienne. Celle-ci a atteint, en 1887, le chiffre de 51 425 500 hectolitres. Cette quantité si importante est cependant de beaucoup inférieure aux résultats de l’année précédente, l'our la campagne de 1880, les vignes italiennes avaient atteint le rendement de 55 504 900 hectolitres. Toutefois, ces produits ne représentent pas en numéraire la valeur qu’on pourrait être tenté de leur attribuer. Sauf quelques crus spéciaux qui, tant par leur faible production relative que par leurs prix élevés, n’entrent pas, à proprement parler, dans la consommation courante, les vins italiens sont, en général, de médiocre qualité. Ils possèdent une assez grande richesse alcoolique, dans leurs bonnes années, ce qui permet de les employer à des coupages, pour remonter des vins faibles en alcool, mais leur goût particulier est peu agréable, au moins pour les palais français.
- L’Espagne a également bénéficié d’une bonne récolte. La moyenne des dix dernières années ne constatait guère pour la viticulture espagnole qu’une production de 22 millions d’hectolitres, c’est-à-dire inférieure à notre récolte de 1887, très basse relativement au produit moyen calculé depuis dix ans. Mais, pour 1887, la proportion a été complètement renversée. C’est l’Espagne qui prend le premier rang. Elle a récolté 27 545 000 hectolitres. La superficie totale du vignoble espagnol est de 1800000 hectares environ, soit 200000 de moins que celle du vignoble français.
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- SOIE ARTIFICIELLE
- M. de Chardonnet a réussi à obtenir, par des procédés chimiques, une matière ayant toutes les apparences de la soie.
- La cellulose nitrée, celle qui forme la base du fulmi-coton, et que l’on emploie pour faire le celluloïd, étant soluble dans l’éther et l’alcool, M. de Chardonnet ajoute à la solution éthérée de cellulose une solution éthérée de perchlorure de fer sec dans l’alcool ou de protochlorure d’étain.
- On additionne ensuite ce mélange d’un peu d’une solution d’acide tannique dans l’alcool. Yoici les proportions : 5 grammes de cellulose nitrée dans 100 centimètres cubes d'un mélange à parties égales d’alcool et d’éther ; plus 2 centimètres cubes et demi d’une solution filtrée au dixième de perchlorure de fer dans l’alcool, puis 1 centimètre cube et demi d’une solution d’acide tannique dans l’alcool.
- Le tout est filtré à l’abri de l’évaporation et la liqueur ainsi obtenue est versée dans un réservoir vertical portant à sa base, en guise de robinet, un bec de chalum-eau horizontal, en verre étiré ou en platine, formant un cône aigu dont l’ouverture a un dixième ou un vingtième de millimètre. Ce chalumeau débouche dans une cuve pleine d'eau acidulée avec un demi pour 100 d’acide nitrique monohydraté. Le niveau étant dans le réservoir plus haut que dans la cuve, l’écoulement est facile. La veine fluide prend immédiatement de la consistance dans l’eau acidulée et peut être tirée dehors par un mouvement uni-fornte. Le fil aussitôt formé doit être séché rapidement, durant son trajet, à travers un espace où circule un cou-
- rant d’aii1 sec (non chauffé) et peut être enroulé dès qu’il est sec. Le fil ainsi obtenu est gris ou noir. On peut introduire un grand nombre de substances colorantes solubles dans la solution éthérée, et obtenir des fils de toute couleur. D’après le Bulletin des soies et des soieries auquel nous laissons la responsabilité de ses assertions, le nouveau fil est souple, transparent, cylindrique ou aplati; l’aspect et le toucher sont soyeux; la charge de rupture est de 25 kilogrammes par millimètre carré; le fil brûle sans que le feu se propage; chauffé en vase clos, il se décompose lentement et il est inattaquable par les acides et les alcalis de moyenne concentration, par l’eau froide ou chaude, l’alcool et l’éther; mais il se dissout dans l’alcool éthéré et l’éther acétique.
- M. de Chardonnet va plus loin, il assure qu’en rapprochant plusieurs filières, on peut obtenir un fil multiple; des trames et des organsins immédiatement utilisables. Mais nous ferons remarquer que la trame de l’organsin n’est pas formée seulement par la juxtaposition, mais par la torsion des fils. Quoi qu’il en soit, le Bulletin des soies croit qu’il y a dans celte invention les germes d’une industrie nouvelle.
- Le filage du verre, qui est déjà ancien, n'est pas plus extraordinaire que le filage de la cellulose, mais ce dernier aurait beaucoup plus d’applications industrielles que le premier.
- On avait déjà essayé, mais sans succès, de tirer parti de la cellulose nitrée pour obtenir des filaments soyeux, mais on n’avait pas réussi à cause de sa solubilité dans l’alcool et l’éther. M. de Chardonnet a, paraît-il, tourné la difficulté comme nous venons de l’expliquer, et le Bulletin des soies espère que la soie artificielle ainsi obtenue va devenir une nouvelle source de profit pour notre industrie nationale.
- Sans partager encore l’optimisme de notre confrère, nous avons voulu enregistrer ce fait, assurément intéressant au point de vue des recherches scientifiques.
- CHEMINS DE FER A CRÉMAILLÈRE
- LA LIGNE DU GUTSCH, DUES LUCERNE LA LIGNE DE LANG R ES
- Tous nos lecteurs connaissent les lignes à crémaillère au moyen desquelles la voie ferrée arrive à franchir les fortes rampes qui resteraient inaccessibles pour des lignes 'a simple adhérence. M. Rig-genbach, l’éminent constructeur suisse, a attaché son nom à ce type nouveau de voies ferrées, et on peut dire qu'il poursuit, en quelque sorte, la conquête des montagnes. On retrouve actuellement en effet ses crémaillères installées dans presque toutes les parties du monde, soit seules, soit combinées même avec une voie à simple adhérence à laquelle elle permet ainsi de franchir directement l’obstacle à traverser sans avoir à le contourner par un détour allongé et dispendieux. Nous avons décrit déjà dans La Nature un grand nombre de ces installations dont la ligne du Righi a formé le point de départ1 ; elles sont établies en général dans des pays pittoresques et fort recherchés des touristes, ce qui leur
- 1 Yoy. u° 1, du 7 juin 1875, p. 7,
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- donne un intérêt particulier qui en assure le succès. Nous représentons dans les gravures ci-contre deux autres installations récentes de lignes à crémaillère. L’une est un chemin funiculaire établi en Suisse, dans les environs de la ville de Lucerne (fig. 1); le chemin de 1er s’élève sur la colline de Gutsch, derrière Brunnen qui forme un lieu de promenade des plus fréquentés et qui jouit d’un panorama splendide sur le lac des Quatre-Cantons.
- L’autre ligne (fig. 2) est établie en France est desservie par une locomotive spéciale (fig. 5) ; elle relie la gare de Langres avec la ville de ce nom, et nous avons tenu à la mentionner, car elle est la première de ce type établie en France.
- Le chemin de fer funiculaire duGutsch est établi sur le même type que ceux du Giessbach, de Terri te t Glion dont nous avons déjà parlé précédemment ; aussi n’aurons-nous pas à y insister. C’est une ligne à double voie dont chacune est desservie par un wagon unique formant le train. Ces deux wagons Sont rattachés par un câble enroulé sur une poulie fixée au sommet de la voie, ils sont disposés de manière à se faire continuellement équilibre, et conservent toujours des mouvements de sens inverses, le wagon descendant entraînant le wagon montant. L’excédent de poids nécessaire pour déterminer le mouvement est fourni par un volume d’eau convenable qu’on introduit avant le départ dans le wagon descendant, en la versant dans une caisse vide ménagée à cet effet au-dessous du plancher du wagon. L’eau est évacuée en arrivant en bas, et comme les chutes d’eau de la montagne en fournissent toujours un volume suffisant, on voit que cette disposition ingénieuse permet de supprimer tout moteur. 11 suffît
- seulement, avant le départ, de prendre une quantité d’eau convenable d’après l’importance du poids à soulever.
- La poulie motrice est munie d’ailleurs d'un frein qui permet au mécanicien placé au sommet de régler à volonté la rapidité de la descente. La voiture est munie aussi de son côté d'un système de frein avec un crochet d'arrêt qui l'immobiliserait en prenant appui sur la crémaillère en cas de rupture du câble. C'est une disposition analogue à celle du chemin de Giessbach.
- La voie, d’un mètre de largeur, est continuellement en ligne droite, comme l’indique la figure ; la longueur totale est de 105 mètres rachetant une différence de hauteur de 80 mètres avec une pente presque uniforme de 52 pour 100, l’une des plus fortes que présentent les lignes à crémaillère. La dépense totale d’installation n’a pas dépassé 52 000 francs et l’exploitation donne des résultats Financiers particulièrement remarquables.
- La ligne, récemment inaugurée à Langres et dont nous donnons une vue dans la figure 2, est plus importante que celle du Gutsch ; elle part de la gare de ce nom pour s’élever jusque dans la ville proprement dite située sur un plateau de 156 mètres de hauteur étayé sur des falaises à pic dominant la vallée de la Marne; elle a une longueur de 1475 mètres et rachète une différence de niveau de 152 mètres. La pente était trop forte à la traversée des falaises pour les machines à simple adhérence, et on décida donc d’adopter un type de voie mixte comprenant la plus grande partie en voie lisse avec deux sections en crémaillère rattachées à la voie lisse sans solution de continuité.
- Fig. 1. — Nouveau chemin de 1er funiculaire du Gutsch, près Lucerne.
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- Le moteur est formé par la locomotive représentée sur la ligure 5, qui fonctionne à la fois par simple adhérence et par engrènement. Grâce à la disposition spéciale de la voie, dans les points de
- raccordement, elle peut passer de la partie lisse pour engrener directement sur la crémaillère sans avoir besoin de s’arrêter; la section en crémaillère est terminée, en effet, par une sorte de mâchoire
- Fig-a-- Chemin de fer funiculaire de Lungres.
- articulée reposant sur des ressorts qui lui permettent de céder doucement sous l’impulsion de la roue dentée, et elle engrène peu à peu sans secousse.
- C’est, en un mot, la disposition appliquée déjà sur la ligne mixte allant de Rors-ehach à Ilerden près du lac de Constance et que nous avons décrite en détail h La machine a sa chaudière légèrement inclinée sur l’horizon de manière à retrouver une position horizontale dans les montées ; elle reste toujo urs du côté de la vallée par rapport aux wagons qu’elle remorque; elle les pousse à la montée et les soutient à la descente.
- Outre les freins ordinaires, cette machine est munie d’un frein à air comprimé d’un type analogue à
- celui que nous avons décrit précédemment et d’un frein à contre-vapeur. L’un quelconque des trois 1 reins est en état d’assurer seul l’arrêt complet de la machine en cas de besoin, ce qui donne ainsi, comme on voit, une sécurité complète, d’autant plus que le trein de la roue dentée peut être manœuvré également de la plate-lorme des wagons.
- Ceux-ci sont au nombre de deux par train, la vitesse de marche est de 10 kilomètres à l’heure, et le parcours entier s opère ainsi en neuf à dix minutes.
- Fig. 5, — Locomotive du chemin de fer funiculaire de Lungres.
- 1 Yoy. n° 420, du 20 aoiil 1881, p. 170.
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- LE MODE DE PROPAGATION DU SON
- DES DÉTONATIONS DES ARMES A FEE
- M. le capitaine Journée, attaché à l'Ecole normale de tir, a exécuté récemment au camp de Chàlons des expériences fort intéressantes dont les résultats viennent d’ètre présentés à la Société française de physique par M. le colonel Sébert, dans une communication dont le savant physicien a ainsi résumé les points principaux :
- Ces expériences fournissent des données nouvelles sur le mode de propagation du son des détonations d’armes à feu et semblent de nature à modifier quelques-unes des idées reçues au sujet du mode de production du bruit qui accompagne ces explosions, et des conditions qui influent sur la mesure de la vitesse de transmission du son dans l’air.
- M. le capitaine Journée, au cours des expériences faites pour l’étude du nouveau fusil qui tire des balles animées de grandes vitesses, a constaté que, si l’on se place près de la cible, de façon a pouvoir entendre le bruit produit par l’arrivée de la balle sur celte cible, ce bruit coïncide avec celui de la détonation, tant que la distance de la cible à l’arme est inférieure à une limite qui va en augmentant avec la vitesse initiale de la balle.
- A partir d’une certaine distance, les deux bruits arrivent l’un après l’autre à l’oreille, et l’intervalle qui les sépai’e va en augmentant au fur et à mesure que la distance de la cible augmente.
- En recherchant à quel moment cesse la simultanéité de perception des deux bruits, il put constater que la séparation ne se produisait qu’à partir du moment où la vitesse de la balle, dans son parcours, se trouvait assez diminuée, par la résistance de l’air, pour devenir inférieure à la vitesse de propagation du son dans l’air. Il fut ainsi conduit à penser que le bruit de la détonation qui accompagne le départ de la balle voyage avec celte dernière tant que la vitesse de celle-ci est supérieure à la vitesse normale du son, puis que le son se transmet en avant d’elle avec celte vitesse uniforme, lorsque la balle ne possède plus qu’une vitesse inférieure à cette dernière. Cela revient à dire que la balle, dans son parcours, émet un son continu analogue à une détonation tant qu’elle n’a pas atteint le point limite où sa vitesse devient inférieure à la vitesse normale du son dans l’air.
- M. le capitaine Journée a vérifié cette hypothèse par de nombreuses séries d’expériences et par d’ingénieuses observations. 11 a vérifié que la durée observée du trajet du son des détonations d’armes à feu tirées dans des conditions fort différentes reste toujours égale à celle que fournit le calcul quand on cherche la durée la plus courte que doit mettre le son pour parvenir à l’observateur en suivant d’abord la balle au début de son parcours, puis s’en détachant en un point, qu’un calcul approché permet aisément de déterminer, pour aller de là en ligne droite à l’observateur.
- Il a constaté, en outre, dans ces expériences, que, si l’on déduisait la vitesse apparente du son de la durée observée, en supposant qu’elle corresponde au parcours du son partant de l’arme en ligne droite, on trouverait des valeurs extrêmement variables. Si le tir a lieu sans balle, ou avec balle animée d’une vitesse inférieure à la vitesse normale du son dans l’air, ce calcul donne cette vitesse du son elle-même. Si le tir a lieu avec des balles animées de grandes vitesses, la vitesse apparente du son calculée s’élève, au contraire, souvent de beaucoup au-dessus de
- la valeur normale. Elle croît avec la vitesse de la balle et avec le rapprochement de l’observateur par rapport à la direction du tir. Elle s’est élevée, dans ces expériences, jusqu’à 600 mètres par seconde, et au delà. Si l’arme est dirigée de telle sorte que la balle rencontre, près de sa sortie, un obstacle comme une butte de terre, on voit immédiatement la durée de trajet du son augmenter, et la vitesse apparente calculée d’après la distance à l’arme donne alors la vitesse normale du son. Le son de la détonation prend dans ce cas un tout autre caractère : il devient beaucoup plus faible et semble donné par une ex -plosion brève, tandis que dans le tir à balles animées de grandes vitesses il est plus fort, se prolonge avec une intensité décroissante et se termine par un renforcement qui doit être attribué à l’arrivée finale du son de l’explosion de la charge. Pour un observateur placé loin de l’arme et latéralement, le son semble venir originairement, non pas du fusil, mais du point de la trajectoire le plus rapproché.
- Toutes ces observations semblent bien justifier l’hypothèse que la balle émet un son continu, analogue à une détonation, jusqu’au point limite où elle ne conserve plus qu’une vitesse égale ou inférieure à celle du son. Au delà de ce point, la balle, en passant près de l’observateur, ne produit plus que le sifflement habituel. Le phénomène est mis encore plus en évidence, si l’on se place de façon à entendre l’écho du son produit par la balle dans son parcours.
- Si l’on tire, en effet, avec une balle animée d’une grande vitesse parallèlement à un bois placé à 200 mètres environ sur le côté, un observateur placé à distance convenable entend une série d’échos successifs formant un roulement prolongé comme celui du tonnerre. Il n’entend qu’un seul écho avec une cartouche à poudre. Dans le premier cas, les échos paraissent provenir de points de plus en plus éloignés lorsqu’on se place près du fusil.
- M. le capitaine Journée a fait quelques expériences pour rechercher si le son ainsi produit par la balle était dù à la présence de la gaine d’air comprimé qui se forme en avant des projectiles animés d’une grande vitesse et qui resterait en vibration prolongée. On sait que la présence de cet air comprimé a été signalée par Melsens et qu’elle a été également démontrée par M. Mach, qui a réussi à obtenir des photographies des balles en marche, il. Journée a réussi aussi à apercevoir ce même phénomène avec une lunette, en profitant de tirs faits avec des poudres sans fumée. 11 a conclu de ses expériences que le son produit par la balle doit être dù au choc, sans cesse renouvelé, de cette balle contre l’air.
- Il faudrait attribuer alors ce résultat à ce que l’air se comporte comme un corps solide, quand on veut lui imprimer un déplacement plus rapide que la vitesse de propagation d’un ébranlement dans sa substance.
- C’est, en effet, l’explication qui paraît le plus plausible, et elle confirme les vues exprimées par Régnault à propos notamment des phénomènes qui accompagnent la chute des aérolithes.
- Il résulte de ces observations deux faits importants, au point de vue militaire : c’est, d’une part, qu’on ne peut espérer faire disparaître le bruit produit par les armes à feu ou même à vent, si l’on veut obtenir de grandes vitesses pour les projectiles ; et, d’autre part, que l’on ne peut plus aujourd’hui calculer la distance à laquelle se trouve une arme à feu, dont on aperçoit la flamme ou la fumée, en mesurant le temps que le son de la détonation inet à nous parvenir.
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- Au point de vue des théories physiques, les observations de M. Journée me paraissent avoir également une grande in portance.
- Elles donnent, je crois, l’explication d’un grand nombre de faits restés obscurs. Elles expliqueraient notamment le mode de production du bruit d’explosion qui accompagne certains phénomènes. C’est ainsi que la poudre enflammée, qui tantôt fuse sans bruit d’explosion et tantôt détone violemment, ne produirait ce dernier effet pour l’oreille que quand ses particules gazeuses sont lancées avec une vitesse supérieure à la vitesse normale du son dans l’air, ce qui a lieu dans le tir du canon et dans les cas où la poudre est confinée de telle sorte que la pression produite se développe avec une rapidité suffisante.
- On peut expliquer de la même façon, par la vitesse de déplacement de l’air, le bruit produit par l’étincelle électrique et par la foudre, et peut-être même le claquement du fouet.
- On peut enfin trouver dans les observations de M. Journée l’explication des discordances constatées dans les résultats trouvés par certains observateurs étrangers dans des expériences faites pour la mesure de la vitesse du son dans l’air. On expliquerait ainsi les valeurs trop élevées trouvées par le capitaine Parry qui a fait ses observations à l'aide de canons tirés à boulets.
- PONT SUR LA MANCHE
- PROJET DE M.' H. HERSENT
- L’idée de relier l’Angleterre au continent a depuis longtemps occupé bien des esprits distingués. Deux projets principaux ont été étudiés dans ces derniers temps : l’un, dont nous avons déjà parlé ici1, consiste en un tunnel sous-marin dont l’exécution ne paraît pas devoir rencontrer de difficultés insurmontables; l’autre en un pont métallique de 55 kilomètres jetc en travers du détroit. Ce dernier projet, qui date de près d’un siècle, fut autrefois regardé à juste titre comme irréalisable; mais aujourd’hui, après les progrès faits en métallurgie, avec l’expérience acquise dans l’exécution de travaux presque aussi importants, on peut le considérer comme parfaitement possible, et les études relativement récentes de M. Thomé de Gamond ont contribué à vulgariser cette idée.
- De nouvelles études viennent d’être reprises, et les noms seuls de ceux qui sont à la tête de l’entreprise suffisent à inspirer la plus grande confiance. Ce sont M. l’amiral Cloué, M. Hersent, l’entrepreneur des travaux du canal de Suez, du port d’Anvers, etc., pour la partie française, et les ingénieurs anglais Fowler et Baker dont le mérite et la compétence sont indiscutables.
- Le pont offrirait sur le tunnel l’avantage d’une exploitation facile, il permettrait aux voyageurs de jouir pendant la traversée d’une vue splendide sur la mer sans en avoir les inconvénients ordinaires. On objectera que le pont, à cause de ses nombreuses
- 1 Voy. Tables des matières des dix premières années.
- piles, pourra être une gêne pour la navigation, mais on verra plus loin que les ouvertures seront assez grandes pour permettre aux plus grands navires de les franchir sans embarras comme sans danger. On aura, au contraire, des passes larges et profondes bien déterminées, éclairées pendant la nuit et les brumes, la marche des bâtiments se trouvera précisée et tracée en dehors de la ligne des deux grands récifs du Warne et du Colhart qui barrent le détroit.
- Le tracé suivi pour la construction du pont ne suivrait pas la ligne la plus courte, mais celle où l’eau a le moins de profondeur. On obtient ainsi une ligne deux fois brisée vers le nord. Le point de départ du côté français serait le cap Griz-Nez. La profondeur, à partir de ce point va en croissant de 10 à 40 mètres pendant les 0 premiers kilomètres, elle est d’environ 50 mètres pendant les 9 suivants; puis on rencontre le haut-fond du Colhart où la sonde donne tout au plus 6 mètres ; on retombe ensuite à une profondeur moyenne de 25 à 50 mètres pendant 4 kilomètres, pour arriver sur le haut-fond du Warne où il n’y a que 5à 6 mètres d’eau. A partir de là jusqu’à la côte anglaise (15 kilomètres) la profondeur est à peu près uniformément de 25 mètres. (Yoy. les plan et profil en long).
- L’élément principal de la construction serait le fer. C’est lui qui a permis de construire, en Amérique, les ponts du Niagara, de Saint-Louis et plus récemment celui de Brooklyn, dont le tablier a une portée de près de 500 mètres. On construit actuellement au nord de l’Angleterre un pont de chemin de fer sur le Forth, dont les travées, de 500 mètres d'ouverture, laissent sur une longueur de 100 mètres, en leur milieu une hauteur de 50 mètres. Le pont sur la Manche ne serait en réalité que la répétition sur une plus grande échelle de travaux déjà existants. *
- Dans les endroits peu profonds, la distance des pile» serait de 70 à 80 mètres; plus loin, la portée des tabliers pourrait être de 500 mètres et même de 500 dans les grands fonds. Chaque appui serait formé de deux piliers fondés sur le sol et réunis entre eux au moyen d’un poutrage métallique qu’on peut facilement établir au milieu de la mer; puis la construction métallique du pylône primitif serait allongée en porte-à-faux, également de chaque côté jusqu’à 200 ou 250 mètres de longueur. Les difficultés ne viendraient pas de cette partie du travail, et la dépense pourrait en être évaluée assez exactement. On trouverait certainement en France et en Angleterre des constructeurs tout disposés à l’entreprendre.
- C’est plutôt du côté des fondations qu’on rencontrerait un certain aléa, à cause des difficultés inhérentes aux constructions de ce genre dans une mer souvent agitée et à des profondeurs qui atteignent 50 mètres. Il paraît cependant possible d’exécuter la construction des piles sans trop sortir des choses actuellement connues et partiellement expérimentées.
- On peut considérer que leur présence ne modifie-
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- rait pas le régime des courants du détroit, car elles occuperaient à peine 1/10 de sa section.
- D’après les études de M. Tliomé de Gamond et celles plus récentes de M. Lavalley, en vue du percement du tunnel, le sol paraît être suffisamment résistant pour supporter les fondations. Si sur certains points il est nécessaire d’enlever du sable ou des déblais quelconques pour reposer la construction, ce travail peut se faire à l’air comprimé, ainsi que cela a déjà été lait jusqu’à 50 et 55 mètres de profondeur sans qu’on ait rencontré trop de difficultés ; il est probable qu’on pourrait aller jusqu’à 50 mètres et plus en prenant les précautions dictées par les expériences antérieures.
- Les piliers auraient une forme elliptique dont le grand axe serait dans le sens des courants elle calcul a démontré que malgré la très grande hauteur de l’ouvrage et l’action considérable du vent et des courants, la stabilité serait parfaite.
- Le tablier aurait 50 mètres de large, il porterait quatre voies de chemin de fer et une route pour l’inspection et les piétons. De distance en distance
- il y aurait des postes de surveillance et des voies de garage.
- Il est assez difficile de fixer exactement le chiffre de dépenses que nécessiteront les fondations d’un pareil ouvrage. En le déduisant du volume probable des maçonneries, M. Hersent l’évalue à 560 millions; d’autre part, la construction métallique est évaluée à 525 millions. Mais il faut encore ajouter à ces chiffres les dépenses nécessaires pour le raccorde-ment aux voies de chemins de fer des deux pays, dépenses évaluées à 57 millions, ce qui porte l’ensemble des dépenses à près d’un milliard.
- C’est un projet gigantesque et que ses initiateurs seraient assurément capables de mener à bonne fin. Sera-t-il réalisé. Est-ce le tunnel, sera-ce le pont qui supprimera le détroit du Pas-de-Calais? Nous ne saurions le dire, mais nous espérons que l’on verra s’exécuter l’une ou l’autre de ces conceptions, pour couronner dignement notre siècle qui restera dans l’histoire celui des grandes inventions et des grands travaux.
- Profil en long et plan du pont sur la Manche entre la France et l'Angleterre. (Projet Hersent.)
- L’OURS NOIR D’AMÉRIQUE '
- Chacun a pu remarquer que beaucoup de dictons ayant trait aux animaux sauvages ou domestiques sont radicalement faux. Il faut singulièrement en rabattre au sujet de la magnanimité du Lion; il est temps de reconnaître que le Lièvre n’est ni plus timide ni plus lâche qu’un autre quadrupède parce qu’il prend la fuite devant une meute altérée de sang, devant des chasseurs pourvus d’armes perfectionnées. Loin d’être bête, l’Oie surpasse en intelligence nombre de volatiles, et maître Aliboron, que l’on a pris pour symbole de l’ignorance et de la stupidité, possède une astuce infernale, une mémoire excellente, des sens d’une finesse exquise et un esprit assez ouvert pour acquérir une certaine éducation. Toutefois, nous sommes bien obligés de l’avouer, l’Ours mérite, jusqu’à un certain point, sa réputation de grossièreté. Dans son jeune âge il se montre, il est vrai, très gai, très sociable, très attaché à ses semblables; mais, en grandissant, il devient maussade et grognon. En dépit des relations
- incessantes qu’il entretient avec le public dans nos jardins zoologiques, il ne s’humanise guère ; il n’obéit, qu’en maugréant à son gardien et il accueille fort mal l’imprudent qui pénètre brusquement dans sa fosse ou qui a la maladresse de s’y laisser choir. Brehm et d’autres auteurs citent une foule d’exemples d’Ours pris jeunes, élevés en captivité, entouré de soins, choyés, en un mot, comme des enfants de la maison, qui, un beau jour, ont brusquement trahi la confiance de leurs maîtres et se sont livrés à des actes de violence contre ceux-là mêmes qui les nourrissaient. Mais soyons juste, les Lions et les Panthères de nos ménageries ne se comportent-ils pas exactement comme les Ours? Les Félins soi-disant apprivoisés ne conservent-ils pas le naturel farouche de leur race? Ne se vengent-ils pas cruellement, à l’occasion, de la contrainte qui leur a été imposée, et n’a-t-on pas vu les Eléphants et les Chameaux eux-mêmes, ces animaux vantés comme des modèles de docilité, entrer brusquement en fureur, fouler aux pieds leurs cornacs ou déchirer leurs gardiens? Les Ours ne sont donc ni plus grossiers, ni* plus fé-
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- Ours américains, — Une mère faisant baigner ses petils.
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- LA N AT U HE.
- roces que beaucoup d’autres mammifères : pendant l’hiver, quand la faim les presse, ils deviennent très dangereux, et s’attaquent à l’homme aussi bien qu’aux animaux domestiques; mais durant la belle saison ils se contentent, pour la plupart, d’aliments végétaux, de miel et de fourmis et laissent tranquillement passer tous ceux qui ne leur cherchent point noise.
- Dans leurs retraites, au fond des bois, les Ours passent des heures entières à se lécher les pattes, et, dans les cages de nos jardins zoologiques, ils conservent la même habitude : on ne s’explique donc guère, au premier abord, d’où vient l’expression d’Ours mal léché que l’on emploie vulgairement pour désigner un être grossier et mal élevé. C’est, qu’en effet, cette expression a une autre origine que nous allons signaler.
- On croyait jadis que les oursons naissaient dans un état d’imperfection et qu’ils n’acquéraient que peu à peu les formes caractéristiques de leur espèce, grâce aux efforts et aux soins de leurs parents qui pétrissaient, pour ainsi dire, ces jeunes êtres d’une nature éminemment plastique. Déjà, dans l’antiquité, Pline ne s’était pas contenté de reproduire la description d’Aristote qui avait dépeint l’Ours nouveau-né comme un être aveugle et dépourvu de poils, n’ayant que des membres à peine ébauchés et tenant le milieu, sous le rapport de la taille, entre un Rat et une Belette. Le naturaliste latin avait ajouté que c’était la mère qui, en léchant cette masse de chair blanche, parvenait à lui donner une forme, et le poète Ovide ne s’était pas exprimé à cet égard d’une façon moins affirmative. Cet étrange préjugé se perpétua à travers tout le moyen âge et c’est seulement au quinzième et au seizième siècle qu’Aldrovande et Mathiole en reconnurent la fausseté. Enfin Buffon établit nettement que les Ours, au moment de leur naissance, ne se trouvent point dans un état d’infériorité relativement aux petits des autres mammifères et qu’ils offrent seulement, comme ceux-ci, un certain défaut d’équilibre dans les diverses parties du corps.
- Sans être beaux, les jeunes Oursons charment ceux qui les observent par leur gaieté, leur grâce et leur gentillesse. Ils aiment beaucoup à folâtrer et dans leurs jeux ils montrent la gaucherie ravissante des petits enfants. Ils se poursuivent, se provoquent, se saisissent à bras le corps, roulent pêle-mêle dans la poussière, se relèvent lourdement, essayent de grimper sur un arbre, en un mot, sont sans cesse en mouvement et exécutent les tours les plus divertissants. La mère préside à leurs ébats et cherche 'a développer leur adresse; elle ne les quitte pas des yeux et, au besoin, les défend avec un courage indomptable. Dans sa sollicitude elle oublie souvent le boire et le manger; mais sa bonté ne dégénère jamais en faiblesse et, tout en prodiguant à scs nourrissons les plus tendres caresses, elle ne leur ménage point les corrections nécessaires. D’un léger coup de dent ou d’un soufflet bien appliqué, elle
- réprime tout acte de désobéissance et maintient son autorité sur ceux-là mêmes qui, par leur âge, semblent devoir y; échapper. Les Busses prétendent, en effet, que, dans certains cas, la mère conserve auprès d’elle un fils né l’année précédente ou même deux ans auparavant et qu’elle» lui confie la surveillance de la jeune famille, en se réservant de le punir sévèrement pour la moindre négligence dans l’exercice de ses fonctions. Mais toutes les Ourses ne se donnent pas le luxe d’avoir un précepteur ou Paes-toun pour leurs jeunes enfants et la plupart d’entre elles s’occupent elles-mêmes de l’éducation de leurs petits. Ce sont elles qui les nourrissent, qui guident leurs premiers pas, qui les réchauffent dans leur giron en les serrant dans leurs bras et en les abritant sous leur tête; ce sont elles qui, lorsque le temps est beau, les conduisent à la source voisine pour leur faire prendre un bain.
- Notre gravure (p. 169), composée par un habile artiste, représente une mère procédant ainsi à la toilette de ses babys et tenant dans sa gueule un Ourson tout ruisselant d’eau et en apparence fort marri de ce bain forcé. Les acteurs de celte scène, prise sur le vif, ne sont pas des Ours de notre pays; ce sont des Ours américains, appartenant à une espèce qui diffère de l’Ours brun par ses proportions et par les couleurs de son pelage. En effet, si dans cette espèce, qui est appelée vulgairement Ours noir ou Baribal et qui porte, dans les catalogues scientifiques, le nom d’Ursus americanus, la longueur totale du corps est à peu près la même que chez l’Ours brun d’Europe (Ursus arctos) et peut être évaluée à 2 mètres environ, la tête parait plus étroite et ressemble davantage à une tète de chien; les oreilles sont plus écartées, le front est plus régulièrement convexe, la ligne de profil plus régulière, sans dépression marquée au-dessus des yeux, le museau plus pointu, le corps moins massif, reposant sur des membres un peu plus grêles et terminé en arrière par une queue plus distincte, moins enfoncée dans la fourrure. Celle-ci, au lieu d’offrir une texture laineuse et un aspect hirsute, comme chez nos Ours européens, est généralement formée, chez l’adulte, de poils soyeux et couchés, d’un noir profond, le museau seul étant couvert de poils courts et lisses, d’un brun tirant plus ou moins au fauve, principalement sur les côtés et dans le voisinage de l’œil. Enfin les pieds, relativement moins allongés que chez l’Ours brun, sont armés d’ongles recourbés, très aigus, mais en partie dissimulés sous la fourrure. Ces caractères, il est vrai, ne sont pas aussi accusés chez les oursons dont le pelage est moins fourni et moins brillant que celui des adultes et présente, jusqu’à l’âge de deux ans, une coloration grisâtre ; mais on observe, en revanche, chez ces jeunes individus, un croissant jaunâtre sur le haut de la poitrine, croissant qui se retrouve chez certains Ours asiatiques, mais qui manque chez les Ours européens.
- — A suivre. — E. OlJSTALET.
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- PHOTO-POUDRE
- ÉPREUVES PHOTOGRAPHIQUES INSTANTANÉES EA NUIT
- Nous parlions dernièrement des photographies au théâtre, et certes, en nous lisant, bien des amateurs ont regretté de ne pas avoir chez eux cette lumière électrique qui leur permettrait de prendre instantanément des scènes d’intérieur: le jeu des enfants, la table de famille et tant d'autres sujets intéressants. On a, il est vrai, le magnésium qui donne une lumière très photogénique, mais qui exige encore une pose de 20 à 50 secondes au moins, dans tous les cas, trop longue pour des instantanés. 11 y avait là une lacune dans les accessoires photographiques; l’éclairage intense, facile à employer, manquait à l’amateur. Nous croyons cette lacune comblée aujourd’hui : un chimiste de nos amis nous a remis une composition à laquelle il a donné le nom de photo-poudre et avec laquelle nous avons obtenu de très bons clichés instantanés. C’est une poudre noire contenant du magnésium à l’état très divisé et qui, en brûlant, donne une très vive clarté; un demi-gramme suffit pour faire un cliché1. On dispose son sujet, et si on n’a pas gradué sa chambre auparavant, on met au poiijt sur une bougie allumée qu’on place auprès de lui. On verse la poudre sur une soucoupe qu’on place à environ 1 mètre du modèle, de manière à ce que la lumière qui sera projetée sur lui l’éclaire bien ; dans certains cas, il est même bon d’en mettre deux, une de chaque côté pour éviter l’ombre portée. On éteint ensuite toutes les lumières (sauf une bougie qu’on peut garder allumée derrière l’appareil), on ouvre l’objectif et on allume la poudre avec une allumette ou une mèche fixée au bout d’un bâton. Tout le paquet brûle à la fois et si rapidement qu’on a à peine le temps de le voir ; mais la lueur a été tellement vive que la plaque est impressionnée. Nous recommandons de détourner les yeux du foyer au moment où on l’allume, ou de mettre un lorgnon à verres foncés, sans quoi on risquerait de s’abîmer la vue; il serait bon, quand c’est possible, de faire l’allumage au moyen d’un fil de platine disposé à l’avance sous le tas de poudre et porté au rouge au moment voulu par l’électricité; une petite pile au bichromate, ou bien trois éléments genre Leclanché, suffiraient. Nous laissons, du reste, au lecteur le soin d’imaginer lui-même le mode d’allumage, la façon de disposer le ou les tas de poudre, etc., toutes choses qui varient suivant le lieu où l’on opère et l’objet’à photographier. fi. Mareschai..
- PIERRE BELON
- V PROPOS DE i/ÉRECTION DE SA STATUE DANS I,A VILLE DU MANS
- L’inauguration de la statue de Pierre Belon, né en 1517 dans le hameau de la Soulletière (Sarthe) a eu lieu au Mans, le 9 octobre dernier. Pierre Belon est un des grands savants du seizième siècle ; comme son contemporain Bernard Palissy, il aimait mieux étudier les faits dans le « livre de la nature » que dans ceux des hommes : observateur consciencieux, épris de la vérité, on peut le considérer comme un des initiateurs de l’histoire naturelle moderne. Un
- 1 La photo-poudre coûte 20 centimes le gramme.
- résumé de la vie et des œuvres du naturaliste doit donc trouver place dans notre recueil à l’occasion de la cérémonie qui a récemment appelé l’attention sur sa mémoire1.
- Pierre Belon montra dès sa première jeunesse un goût prononcé [tour les sciences naturelles. Son intelligence ouverte lui attira la protection de l’évèque du Mans, René du Bellay, grand amateur d’horticulture, et il lui fut possible d’aller étudier la médecine a Paris. Le jeune étudiant se lia avec Ronsard dont il devint l’ami, et après avoir pris son grade de docteur, il visita l’Allemagne en compagnie du botaniste Yalerius Cordus. L’époque était alors fort troublée, Luther venait de lancer ses thèses qui devaient engendrer les trop fameuses guerres de religion ; Belon, au retour de son voyage, fut arrêté sous les murs de Thionville, alors occupée par les Espagnols.
- Fig. 1. — Portrait de Pierre Belon. (D’après une gravure du temps
- sous l’accusation d’être partisan des doctrines nouvelles. Il ne put sortir du cachot que grâce à la protection d’un admirateur de Ronsard qui paya généreusement le prix de sa rançon.
- Belon revint à Paris où son mérite et son charme attirèrent sur sa personne l’attention d’un éminent protecteur des sciences, le cardinal de Tournon. Celui-ci devint le Mécène du jeune docteur ; il lui donna un logement dans l’abbave de Saint-Germain, et il consentit bientôt sur sa demande à subvenir aux frais d’un grand voyage que le naturaliste méditait
- 1 La cérémonie a été présidée par M. Cordelet, maire du Mans. M. le Dr Louis Crié, professeur de la Faculté des sciences de Rennes, qui a pris l’initiative de l’exécution de cette statue, en a fait la remise à la ville du Mans: « J’apporte, a-t-il dit, le salut d’un enfant du Maine à la mémoire d’un glorieux ancêtre. » Si nous avons un peu tardé à parler ici de cet événement, c’est qu’il nous a fallu quelque temps pour recueillir les éléments de la notice que l’on va lire.
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- de faire en Orient. Pierre Belon avait, le projet de a parvenir a l’intelligence des choses concernant la matière des médicaments et des plantes », laquelle, ajoute-t-il dans une épîtrc au cardinal de Tournon,
- « je ne pouvaye bonnement acquérir sinon par une loingtaine pérégrination. Il vous pleut me commander les aller voir ès régions loingtaines et les chercher j usq n’a u x lieux de leurs naissances. »
- Ce voyage en Orient devint une véritable expédition scientifique: à cette époque, il constituait une entreprise périlleuse et hardie qui fut considérée par Ronsard comme digne d'être immortalisée dans ses vers1.
- Belon quitta Paris en 1546 ; il resta près de quatre années absent, et après avoir visité la Grèce, 1 île de Crète, Constantinople, Pile de Lemnos, le mont, Athos, la Thrace, la Palestine, l’Asie, Mineure, les îles deChiOjdeSa-mos, de Rhodes, il s ’e m b a r q u a pour Alexandrie, séjourna au Caire, parcourut la basse Egypte, traversa l’isthme de Suez, alla a Jérusalem, au mont Liban, à Damas et à Antioche. 11 revint en France, par Constantinople et par Rome, où il rencontra deux zoologistes célèbres: Rondelet et Salviani, ainsi que son généreux protecteur, le cardinal de Tournon.
- Pierre Belon écrivit l’histoire de ses voyages dans un livre absolument remarquable, intitulé : Les observations de plusieurs singularités et choses mémorables trouvées en Grèce, Asie, Judée, Egypte, Arabie, etc., et autres pays estranges. Paris, 1555. Dans cet ouvrage, réédité en 1555,
- l’auteur tient beaucoup plus qu’il n’a promis : non seulement il enrichit son texte d’observations absolument nouvelles relatives à l’histoire naturelle, mais il fait connaître la géographie des pays qu’il a visités, il en décrit les monuments ou les ruines, il raconte les mœurs et les coutumes des peuples chez lesquels il a vécu. Nous avons la bonne lortune de
- posséder dans notre bibliothèque, un exemplaire de ce livre aujourd’hui fort rare; nous reproduisons ici quelques spécimens des naïves et charmantes gravures sur bois dont le texte est abondamment rempli. Voici d’abord le portrait de l’auteur avec son chapeau de docteur ( fi g. 1 ). Nous donnons ensuite le vray porlraict de la ville d'Alexandrie en Egypte (fig. 2) où Belon a glané un grand nombre de faits curieux. Plus loin le voyageur s’étend en
- longs détails sur le Caire et sur les mœurs de ses habitants : « Nous allâmes au Caire, dit-il, où il n’est licite à un étranger d’y entrer à cheval s’il n’est grand seigneur ou en la compagnie d’un qui le soit... Les femmes vont sur ânes bâtés ayant un tapis par dessus... avons cy fait représenter un bourgeois du Caire à cheval avec sa femme allant a l’esbat, étant montée sur un âne selon la manière du pays » (fig. 5). Le naturaliste, dans son beau livre, décrit et figure les plantes, les animaux et toutes les curiosités qu’il observe. Voici, par exemple, la girafe (fig. 4) « quand elle court, les deux pieds de devant vont ensemble. Elle se couche le ventre contre terre, et a une dureté à la poictrine et aux cuisses comme un chameau. Elle ne saurait paître en terre, étant debout, sans élar-
- VRAY PORTRAICT DE LA VILLE D'ALE XANDRIE EK EGYPTE
- ror£sœ.PAî.MKBS
- LA' MER MEDITERRANEE
- La ville d’Alexandrie, en Egypte. (D’après Pierre Belon
- Gentilshommes du Caire. (D’après Pierre Belon.)
- 1 Voy. Œuvres de Ronsard.
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- Fig. i. — Portrait do la girafe. (D’après Pierre Beloti.)
- gir grandement ses jambes de devant, encore est-ce | à Paris (1555) avec grande difficulté. Pourquoi il est aisé à croire qu’elle ne vit aux champs, sinon des branches des arbres, ayant le eol ainsi long, tellement quelle pourrait arriver de la tète à la hauteur d’une dcmie-picque. Et l’ayant fait retirer au naturel, en avons bien voulu ici mettre le portrait. »
- Pierre Belon ne rapporte d’ailleurs les choses étranges qu’avec la plus grande réserve, il est peu crédule, et sa manière, absolument scientifique, consiste à n'écrire que ce qu’il a vu.
- Peu de temps après son retour à Paris, Pierre Belon reçut une pension du roi, il fut logé dans le château de Madrid, splendide édifice que François Pr avait l'ait construire dans le bois de Boulogne. Il vécut là plusieurs années, écrivant ses livres, encore aujourd’hui célèbres, et étudiant avec passion les sciences naturelles. En avril 156-4, alors qu’il se disposait à traverser le bois de Boulogne pour aller rendre visite à son ami Jacques du Breuil, il fut assassiné par une main restée inconnue. On suppose que s’étant attardé à herboriser, il fut tué par des voleurs dont le bois était alors infesté.
- Pierre Belon écrivit un grand nombre de livres d’un intérêt considérable. Nous citerons spécialement : Histoire naturelle des estranges poissons marins; nous mentionnerons encore son ouvrage De equatilibus duquel nous extrayons la curieuse gravure de P Hippopotame du Nil dévorant un Crocodile (fig. 5) ;
- De arboribus coniferis resi-niferis, etc. Nous donnerons enfin une mention à part à son Histoire de la nature des oiseaux avec leurs descriptions et naïfs portraicts
- 5. — Hippopotame du Nil. (D’après Pierre Belon.)
- admirable livre rempli de gravures sur bois fort bien dessinées dont le petit roitelet ci-dessous donnera un heureux spécimen (fig. 6). Le dernier ouvrage que l’on doit à Pierre Belon est intitulé : Les remonstrances sur le défailli du labour et culture des plantes et de la connaissance d'icelles, etc. ; ce livre contient la liste des arbres exotiques qu’il serait utile d’introduire en France, et l’auteur invite ses concitoyens à fonder un établissement pour l’acclimatation des plantes étrangères.
- Pierre Belon rendit, par ses éludes des plantes médicinales, les plus grands services à la pharmacie. Il eut la notion de l’anatomie comparée, et dans son Histoire des oiseaux, il donne la figure du squelette d’un homme et celle du squelette d’un oiseau : il en fait ressortir les analogies, il II apporte un grand nombre de laits nouveaux à l’ichtyologie, à la botanique, à la plupart des branches des sciences naturelles; par ses descriptions et son mode d’étudier les êtres vivants, il peut être considéré comme un des fondateurs de la méthode scienti-
- Fig. 6. — Le roitelet. (D’après Pierre Belon.
- lique. Comme l’a fort bien dit M. le l)r Louis Crié auquel on doit une excellente élude sur Pierre Belon, le naturaliste étudiait la géographie, auss bien que la zoologie et la botanique, partout où il se trouvait. « Bien avant Jussieu, il apporta en France le cèdre du Liban; il créa les jardins botaniques de René et Jean du Bellay en 1540, c’est-à-dire plus de cent ans avant la fondation du Jardin des Plantes. Il n’eut qu’un tort, celui d’envoyer vers 1560 des graines de tabac à Nicot... et de n’y plus penser. Nicot donna son nom à la
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- nouvelle plante, et on sait ce qu’il en advint. »
- On ne saurait lire les vieux livres qui sont dus à Reion sans un grand intérêt et sans un grand respect pour son érudition et son amour de la science. 11 était un maître en l’art d’observer, de bien voir et de bien dire.
- Nul mieux que Pierre Reion ne méritait l’hommage tardif d’une statue élevée près du lieu de sa naissance. Gaston Tissmsdieu.
- NÉCROLOGIE
- Emile Rousseau. — Nous avons le regret d’annoncer à nos lecteurs la mort d’un chimiste de mérite et d’un homme de bien, M. K mile Rousseau, enlevé à sa famille et à ses travaux à l’àge de soixante-treize ans. Emile Rousseau était né à Clamecv (Nièvre). Après avoir fait ses études au collège de Nevers, il vint à Paris à l’àge de vingt-trois ans, où il fut successivement préparateur d’Orfila, doyen de la Faculté de médecine, et de J.-B. Dumas, professeur à la même Faculté. Il remplissait en même temps les fonctions de répétiteur à l’Ecole centrale et de professeur à l’Ecole municipale Turgot. En 1845, il quitta l’enseignement pour fonder sa maison de produits chimiques, 9, rue de l’Ecole-de-Médecine, alimentée par sa fabrique, avenue de la Santé; c’est dans ce dernier établissement que quelques années plus tard MM. Henri Sainte-Claire-Deville et Debray réalisèrent la fabrication industrielle de l’aluminium, avec le concours de Rousseau. On doit également à Emile Rousseau le premier travail qui fut fait sur l’application des pyrites à la fabrication de l’acide sulfurique en 1839 ; l’invention du charbon de Paris en 1846; le procédé de fabrication du sucre au moyen de la chaux et de l’acide carboniciue, connu sous le nom de procédé Rousseau, en 1850. 11 était chevalier de la Légion d’honneur à trente-trois ans. Il fut nommé officier d’académie en 1878, Emile Rousseau est mort le 4 février 1888. Pendant la durée de sa longue carrière, il a été en relation avec un grand nombre de savants qui ont toujours apprécié ses mérites et son extrême serviabilité.
- CHRONIQUE
- Action «le l'eau «le mer sur la fonte. — Les résultats d’une immersion prolongée de la fonte dans l’eau de mer sont bien connus, et l’on peut en trouver des exemples dans la plupart des livres spéciaux. L’exemple le plus fréquemment cité est peut-être celui dont Berzé-lius a donné la description, de boulets de canon extraiis, à Calserons, d’un navire sombré depuis cinquante ans, et qui avaient été convertis, jusqu’au tiers de leur masse, en « une substance graphitique poreuse, qui devint brûlante lorsqu’elle eut été exposée à l’air pendant un quart d’heure. » Le changement chimique éprouvé par la fonte dans ces circonstances, consiste, ainsi qu’on l’a reconnu généralement, en une éliinitation de la plus grande partie du fer, et abandon comme résidu de graphite et d’une substance graphitique FeC'\ Le Moniteur scientifique nous apprend que M. C. Napier-Draper a été mis récemment, grâce à l’obligeance de M. John-P. Griffith, C. E. du port de Dublin et du Bureau des Docks, en possession d'un échantillon de fonte grise résultant de la brisure d’un vieux rail provenant d’une cale de radoub, dans le port
- de Dublin, et qu’on croit avoir été établie en 1833. Le rail était à peu près au niveau de la moitié de la marée, et on peut, en conséquence, le considérer comme ayant été plongé dans l’eau de mer depuis cinquante-cinq ans et, pendant une période semblable, exposé à l’action de l’atmosphère. Le fragment de fonte pesait 557,51 grammes et mesurait 85 sur 52 millimètres, avec une épaisseur de 20 millimètres. Sur ses faces latérales, il était un peu encroûté de sesquioxyde. La surface supérieure, à une profondeur de 7 millimètres, avait été convertie en une subtance graphitoïdale, brun-grisàlre, qui pouvait aisément être détachée avec un canif, laissant la surface du fer brillante et débarrassée de toute croûte adhérente. Pendant l’opération de séparer la couche facile à pulvériser, la masse de fer devint chaude, non pas au point d'empêcher la manœuvre de grattage, mais assez cependant pour se faire sentir très nettement au toucher, après une demi-heure écoulée. La quantité de fonte altérée, éliminée de cette manière, pesait 67,59 grammes, et son examen a donné les résultats suivants : elle était entièrement attirable à l’aimant ; traitée par l’acide hydro-chlorique étendu, elle dégageait de l’bvdrogène et donnait une solution vert pâle de chlorure ferreux, avec un résidu de graphite.
- Ee fusil ù ressort et les unités mécaniques dans le système métri«|«ie. — Nous rectifions ici une erreur de calcul qui s’est glissée dans la chronique du n° 766 de La Nature (p. 145) à propos du fusil à ressort. Ce n’est pas 84 kilogrammes d’acier, mais 9,81 fois moins, c’est-à-dire 8, 5 kilogrammes qu’il faudrait théoriquement, pour communiquer une vitesse initiale de 500 mètres par seconde à une balle de 20 grammes. Cette correction n’infirme d’ailleurs en rien nos conclusions relativement à la praticabilité du fusil à ressort qui demanderait, en réalité, au moins 20 kilogrammes d’acier pour communiquer au projectile la vitesse indiquée, et constitue, par suite, une curiosité mécanique plutôt qu’une véritable arme de guerre. Nous profitons de l’occasion qui nous est ainsi offerte pour montrer que des erreurs semblables peuvent être fréquemment commises par le mélange des unités mécaniques exprimées à la fois dans le système métrique et dans le système C. G. S. Autant ce dernier est simple, logique et admirablement déduit, autant le système métrique prête, au contraire, à confusion.
- Nous en citerons un exemple typique. L’énergie mécanique ou travail est susceptible de plusieurs expressions équivalentes, soit qu’on le considère comme le produit F L d’un force F par une longueur L, soit qu’on le considère comme de l’énergie de mouvement ou puissance vive1 et que sa valeur soit exprimée par le demi-produit { M u2 d’une masse M par le carré de la vitesse v dont elle est animée.
- Dans le système C.G. S., les deux formules FL et {Mu2 expriment l’une et l’autre le travail en ergs, si l’on a soin d’exprimer la niasse en grammes-masse, la force en dynes et les vitesses en centimètres par seconde.
- Il n’en est plus de même dans le système métrique, et la confusion établie par le langage courant — et même classique — entre les poids et les masses contribue dans uue large mesure à rendre fréquentes les erreurs de calcul dans ce système. On est habitué, en effet, à consi-
- ’ L’expression puissance vive a été introduite par Bellan-ger pour désigner le produit 1/2 M v- et le distinguer de la f'ovce vive qui a pour expression Mu2. 11 serait plus logique de désigner la grandeur physique de 1/2 Mu2 par énergie de mouvement ou énergie cinétique.
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- ilérer le poids d’un corps, ou force F exercée par la pe- I santeur sur ce corps comme une quantité constante, et à en déduire la masse de la relation :
- g étant l’accélération due à la pesanteur. Mais comme F est déterminé en pratique par la balance qui ne compare pas le poids des corps, mais bien leurs masses, et que, par suite, le poids ainsi déterminé est constant pour un corps donné, alors que g varie avec la latitude, il se produit cette anomalie étrange que la masse d’un corps est définie par les rapport d’une quantité constante F à un facteur variable g, et ligure, par suite, comme quantité variable dans l’expression de la puissance vive.
- La masse du kilogramme conservée aux Archives ne correspond donc pas à l’unité de masse dans le système métrique, et la formule de la puissance vive n’est applicable qu’en introduisant le facteur g qui permet d’exprimer la puissance vive en kilogrammètres, unité de travail adopté dans le système métrique.
- L’unité de travail du système métrique est donc une quantité variable avec g et ne peut pas servir de base à un système de mesure qui demande, comme principe essentiel, Vinvariabilité des unités fondamentales.
- Le système C. G. S., basé sur le centimètre, la masse du gramme et la seconde échappe à ces critiques, et présente, en tout cas, l’avantage d’établir une distinction absolue entre la masse d’un corps et la force exercée par la pesanteur sur ce corps, entre le gramme-masse, unité de masse, et le gramme-force, unité de force l.
- L’erreur de calcul dont nous faisons notre mêa culpû eût été évitée si nous avions effectué nos calculs dans le système C. G. S. au lieu d’employer les unités mécaniques métriques. L’est la une infidélité que nous regrettons, mais qui nous confirme une fois de plus dans l’opinion que le système mécanique métrique a fait son temps et devra, à mesure que l’on exigera plus de rigueur et de précision dans le langage et le calcul, céder la place à son cadet, le système C. G. S. E. il.
- Lu lumière électrique eu Allemagne. — Les
- statistiques officielles sur l’emploi de l’éclairage électrique en Allemagne donnent les chiffres suivants : Il y a actuellement dans ce pays 15000 lampes à arc, 1 /0000 lampes a incandescence et 4000 dynamos en service. Ces appareils exigent, comme force motrice, environ 50 000 chevaux-vapeur indiqués. Une maison de Berlin fabrique à elle seule près de 2000 lampes à incandescence par jour et est sur le point de s’agrandir afin d’arriver à une fabrication quotidienne de 5000 lampes.
- La chasse en Hongrie. — M. Paul de Bart nous apprend dans VÉleveur que F Autriche-Hongrie reste aujourd’hui le vrai paradis des chasseurs ; il s’y fait de grands massacres de gibier. Le prince de Saxe-Cobourg-Gotha vient d’organiser de grandes battues dans son domaine de Valsee. 1400 faisans ou lapins ont été tués en trois jours. Le grand-duc s’est ensuite rendu en déplacement à Stiffingen pour chasser le sanglier. En six heures, 158 de ces animaux, dont 27 solitaires ont été abattus. Le grand-duc en a tué 60 pour sa part. C’est, du reste, un des meilleurs fusils de l’Autriche, et ses chasses sont très renommées.
- 1 Le gramme (force) vaut, à Paris, 981 dynes ou unités G. G. S. de force.
- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du G février 1888. — Présidence de M. Janssen.
- VActinodon. — Le chef incontesté de la paléontologie française, M. le professeur Albert Gaudry, dépose sur le bureau un magnifique mémoire in-4° accompagné de trois planches, dont une triple, que viennent de publier les Nouvelles Archives du Muséum. C’est la description complète du plus) ancien reptile fossile qu’ait fourni le sol de notre pays. Il y a dix-huit ans que M. Gaudry en a, pour la première fois, signalé l’existence ; mais aux débris très incomplets qu’il possédait alors sont venues s’ajouter des pièces magnifiques dont plusieurs squelettes entiers trouvés, grâce aux persévérantes recherches de MIL Roche, directeur des mines d’Igornay, et Bayle, directeur de la Société lyonnaise des schistes bitumineux d’Aulun. L'Actinodon, qui dépasse 80 centimètres de longueur, provient des roches permiennes, longtemps exploitées autour d’Autun pour l’huile minérale qu’en retire la distillation. Il offre une foule de particularités ostéologiques dont le trait commun est une infériorité évidente par rapport aux reptiles d’aujourd’hui, et ce qui ajoute à la (signification que M. Gaudry voit dans ces circonstances, c’est qu’elles se reproduisent pour toute une série d’autres reptiles du même âge géologique. L'Euchi-rosaurus d’Aulun; VArchegosaurus de Lébach; le Che-lydosaurus de Bohême; le Zygosaurus de Saxe; le Pla-hjops des hords de la Kitjak, en Russie; le Gonduano-saurus de l’Inde; le Rachilomus et le Trimerorhachis de l’Amérique sont, suivant l’expression de l’auteur, au même stade d’évolution : « les uns et les autres ont eu leurs corps de vertèbres imparfaitement ossifiés, séparés en trois éléments : un hypocentrum et deux pleurocen-trum. Leur tête, par ses os très développés et fortement unis, contraste avec la colonne vertébrale et montre une fois de plus que les anciens quadrupèdes s’éloignaient beaucoup de l’être idéal imaginé par de célèbres naturalistes sous le nom d’archétype vertébral... Cet ensemble de particularités fait opposition avec celles des dinosau-riens secondaires dont les formes annoncent des êtres aussi bien disposés pour marcher que les labyrintho-dontes permiens l’ont été pour ramper. »
- Mécanisme de l'immunité. — A propos d’un récent travail de MM. Roux et Chamberland, M. Chauveau revient sur les expériences d’où il a conclu que l’immunité consécutive aux vaccinations anticharbonneuses est due à des principes solubles qui résultent de la vie microbienne. Il insiste à cet égard sur les facultés réfractaires dont jouissent les agneaux nés de brebis qu’on a vaccinées pendant la dernière période de la gestation. Or, d’innombrables expériences ont montré que les bacilles charbonneux ne passent pas de l’organisme maternel dans le sang fœtal. Aux objections faites à cette assertion, l’auteur répond par des résultats concordants d’expériences continuées durant sept années sur des troupeaux berrichons et algériens.
- La fossilisation des empreintes physiques. — Comme suite à mes études sur îa fossilisation, je décris des observations dont la conclusion est que les traces physiques conservées dans les anciennes roches, comme pistes d’animaux, gouttes de pluie, rides de vent, cra-quellements d’argile par le soleil, résultent avant tout d’un moulage opéré par du sable dont le véhicule a nécessairement été le vent et non pas l’eau. Outre que tous ces vestiges sans exception proviennent d’objets ou d’êtres
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- étrangers au bassin même de la mer, il faut noter que sur les rivages où se développe le phénomène des dunes, des accidents comparables se produisent tous les jours. Les côtes bretonnes offrent plusieurs localités très instructives à cet égard.
- Nalitre des protubérances solaires. — Nous sommes revenus trop de fois sur la théorie cyclonique par laquelle M. Faye explique la nature et la liaison réciproque des taches solaires et des protubérances, pour qu’il soit nécessaire de l’exposera nouveau. Lors d’une récente éclipse de soleil, M. Ganklikoff, qui observait du sommet d'une montagne de l’Oural, a considéré les protubérances qu’il a notées comme contraires à la théorie, à cause de l’absence presque complète de taches au même moment. Aux yeux de M. Faye cependant, cette objection n’est pas va-able. H faut distinguer, en effet, entre les protubérances éruptives qui sont au propre le contrecoup des taches, et les protubérances nuageuses ou quiescentes qui correspondent aux émissions gazeuses émanant des pores : les premières sont en relation d i r ecte avec les taches et doivent disparaître lors des minima de celles-ci ; les autres sont de tous les moments, comme les pores eux-mêmes.
- L'éclipse de lune. — Les observations relatives au phénomène du 28 janvier continuent à arriver. Le secrétaire perpétuel signale les observations de M.
- Trépied, à Alger; celles de Rayet, à Bordeaux ; et le président, celles que lui transmet M. Joseph Vinot, de la part de MM Eckhorst, de Nice, et Thibault, de Meung-sur-Loire.
- Varia. — La distribution j de l’électricité à la surface des corps conducteurs occupe M. Robin. — D’après M. Tanret, les bases qu’on trouve dans les liquides ayant subi la fermentation alcoolique proviennent de réactions développées entre des sels ammoniacaux et le sucre. — M. le général Menabrea annonce la prochaine publication des œuvres de Galilée aux frais du gouvernement italien. — L’observation des anneaux de Saturne conduit M. Per-rottin à reconnaître dans la substance de ceux-ci des fluctuations remarquables. — M. René Nicklès, le digne fils du très regretté professeur de la Faculté des sciences de Nancy, étudie le terrain sénonien et le terrain danien aux environs de Valence, en Espagne. — Dans une note déposée par M. Fouqué, M. Barrois décrit des phénomènes d’endomorphisme qu’il a observés en Bretagne. — De nouveaux dosages du fer dans les eaux minérales de Spa occupent le savant géologue belge, M. G. Dewalque.
- Stanislas Meunier.
- PRESSE-PAPIER ÉLECTRIQUE
- DE M. G. TROUVÉ
- Nous avons décrit autrefois1 les bijoux électriques de M. Trouvé, chefs-d’œuvre d’ingéniosité et d'habileté manuelle, que l’auteur a dû abandonner pour se consacrer à la construction d’appareils d’ordre plus pratique et plus utile, étant donnée la presque impossibilité de trouver des ouvriers capables de construire des objets aussi petits, aussi délicats et aussi minutieux, avec le som et la précision qu’il v apportait lui-même autrefois.
- Le presse-papier électrique que nous présentons aujourd’hui à nos lecteurs est une reproduction, sous une forme industrielle et plus facilement réalisable, des bijoux d’il y a dix ans. Il est constitué (n° 1) par
- un moteur électrique de forme simple donnant la vie à des oiseaux, insectes , papillons, etc., artificiels, placés sous une lentille plan-convexe, le tout reposant sur un socle (n° 2) qui renferme le gé- ' nérateur électrique.
- Ce générateur est formé d’une pile au chlorhydrate d’ammoniaque ou d’une pile humide au sulfate de cuivre. Le tout est contenu dans un récipient d’ébo-nitc hermétiquement clos. Dans la position 5, le presse-papier est dans son rôle ordinaire, et le papillon au repos. Vient-on le placer sur son socle (n° 2), il s’établit aussitôt une communication entre le presse-papier et le socle renfermant la pile, par l’intermédiaire de plaques métalliques légèrement saillantes ménagées sur le socle de la pile et sous le presse-papier. Le papillon bat des ailes et produit un bruissement particulier qui donne, dans une certaine mesure, l’illusion de la vie. En retirant le presse-papier, le papillon revient aussitôt au repos. Une dame d’un naturel sensible, et ayant l’émotion facile, accusait même M. Trouvé de cruauté, pensant qu’il avait enfermé le papillon vivant pour le laisser mourir de faim. Si non e vero...
- 1 Voy. n° 528, du 13 septembre 1879, p. ‘229.
- Le propriétaire-gérant : G. Tissandier.
- Imprimerie A. Lahure, 9, rue de Fleurus, à Paris.
- Presse-papier électrique de M. G. Trouvé.
- 1. Papillon artificiel en mouvement. — 2. Socle renfermant la pile. 3. Boîte renfermant le papillon et le mécanisme moteur.
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- N* 768. — 18 FEVRIER 1888.
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- LA LOCOMOTION TERRESTRE
- LES ANCIENNES VOITURES DE VOYAGE
- Il y a quelque temps, il m’est passé entre les mains un livre datant de plus d’un siècle, intitulé :
- Almanach royal, année 1785, publié et imprimé par D’Houry. Mon attention se trouva, par hasard, attirée sur un chapitre intitulé : Service des diligences et messageries de France, rue Notre-Dame des Victoires. Je lus les lignes suivantes au p graphe Bordeaux :
- Les anciennes voitures de voyage. — Le coche de voyage du dix-septième siècle. — Le coche de voyage du dix-huitième siècle.
- La diligence avant les chemins de fer.
- « Quatre diligences qui partent de Paris les dimanche, lundi, mardi et mercredi, à 11 heures du soir, repartent les mercredi, jeudi, vendredi et samedi, et arrivent dans le même délai à 7 heures du soir à Paris, sont cinq jours et demi en route. »
- 11 fallait ainsi à nos grands-pères cent trente-deux 46e animée. — 4er semestre.
- heures pour aller en voiture de Paris à Bordeaux. Nous faisons aujourd’hui le même trajet, dans un train de fuxe, en quinze fois moins de temps1.
- Cette comparaison m'a conduit à faire une étude
- 1 Départ de Paris, 6 h. 45 soir; arrivée à Bordeaux, 6 h. 21 du matin.
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- LA NATURE.
- sur l'histoire des voitures de voyage et j’ai pensé que les lecteurs de La Nature en accueilleraient le résumé avec quelque intérêt.
- Pendant toute la durée du moyen âge, les voyages ne s’accomplissaient guère qu’a cheval, et sous le règne de François 1er il n’y avait encore qu’un très petit nombre de carrosses en France. C’étaient des voitures grossières qui ne pouvaient guère servir à des transports de longue durée.
- Vers la Fin du seizième siècle, l’usage des voilures devint de plus en plus répandu. Mais ces voitures consistaient en espèces de chars non suspendus, où l’on devait être horriblement secoué. Le train de devant de la voiture était fixe, immobile; l’ensemble était couvert d’une impériale entourée de rideaux.
- Sous Henri IV les grands seigneurs commencèrent à se servir des voitures qui jusque-là n’avaient guère été réservées qu’aux dames de la cour. Henri IV, comme l’on sait, fut assassiné le 14 mai 1610, dans un carrosse qui était son unique voiture; une lettre de lui, écrite à un favori, le prouve incontestablement : « Je ne sçaurais vous aller voir aujourd’hui, dit le roi, parce que ma femme se sert de ma coche1. »
- C’est sous Louis XIII que la construction des voitures prit une assez grande extension ; elles devinrent suspendues, et elles prirent dans le public le nom de coches. Les coches qui succédèrent aux carrosses n’étaient fermés que jusqu’à la hauteur des accotoirs : le reste était fermé par des rideaux de différentes étoffes et quelquefois de cuir.
- En 1647, il y avait à Paris des coches de voyage pour quarante-trois villes de France. Ces coches étaient attelés de quatre ou six chevaux vigoureux, ils étaient conduits par un ou deux cochers montés en postillons, et contenaient six ou huit voyageurs. Le coche partait tous les jours pour Fontainebleau quand le roi y séjournait. Pour grand nombre de localités plus lointaines, il partait « quand il pouvait », c’est-à-dire lorsqu’il était au complet.
- Le coche se perfectionna dans la suite, et notre dessinateur, M. Gilbert a figuré au milieu de notre gravure un coche à six chevaux du dix-huitième siècle ; les bagages étaient attachés à l’arrière de la voiture et sur le toit.
- Nous ne parlons ici que des voitures de voyage, car les voitures de luxe avaient été considérablement améliorées sous le règne de Louis XIV, où les carrosses suspendus étaient richement construits, avec portières ornées et étoffes de luxe. Mais les voitures de voyage restèrent encore fort incommodes pendant tout le siècle dernier2. En 1761, on sait, d’après un curieux Guide des voyageurs de l’époque, qu’un
- 1 Variétés historiques, physiques et littéraires. — Paris, 1752.
- - Voici un fait qui montrera combien les voyages étaient peu aisés sous Louis XIV. En 1663, La Fontaine étant parti pour le Limousin, écrivait à sa femme, deux jours après son départ de Paris : « J’ai tout à fait bonne opinion de notre voyage; nous avons déjà fait trois lieues sans mauvais accident, sinon que l’épée de M. Jeaunart s’est rompue. I’résen-
- carrosse partait pour Strasbourg, rue de la Verrerie, à l’hôtel Pomponne, le samedi à 6 heures du matin; il arrivait le septième jour à Bar, le huitième à Nancy et le douzième à Strasbourg.
- La voiture de Lille était suspendue, son bureau était rue Saint-Denis. Elle restait deux jours en route. Les places étaient fixées à 55 livres et on avait droit à la nourriture.
- Les carrosses pour Rouen partaient les lundi, mercredi et vendredi, à 4 heures précises du matin, et arrivaient les mardi, jeudi, samedi à midi. Les places étaient de 12 livres. Le bureau était installé dans l’hôtel Saint-François, rue Pavée, près les grands Augustins.
- Il y avait aussi des voilures spéciales pour les environs de Paris. Les carrosses qui conduisaient à Versailles, Marly, Meudon, où la cour habitait, partaient tous les jours du quai d’Orsay et du Pont-Royal.
- En 1785, les voitures publiques de voyage s’appelèrent des turgotines ; elles précédèrent les diligences. Il y avait toujours aussi des carrosses de voyage pour les riches, et des fourgons pour les pauvres. Le fourgon mettait six jours pour aller de Paris à Bayonne.
- Le 12 septembre 1791, l’Assemblée Nationale législative ordonna l’établissement d’un service en poste sur toutes les routes. Ce décret nécessita la construction de 120 nouvelles voitures qui ne tardèrent pas a être connues sous le nom de paniers à salade. Ou’on se représente un énorme panier d’osier d’une assez grande hauteur peint en noir ou en vert foncé surmonté de plusieurs cerceaux de bois et recouvert d’une hache grasse en cuir. Ce panier contenait deux ou trois banquettes suspendues sur des courroies. A ces grossiers véhicules succédèrent, en 1819, les lourdes malles-poste avec coupés jaunes à trois places dans l’intérieur.
- Le mauvais état des grandes routes se joignait à l’incommodité des voitures pour retarder les voyages et les rendre fatigants et pénibles; aussi ce n’était guère sans de graves motifs que l’on ' se mettait en route pour parcourir une grande distance.
- L’Empire s’occupa de restaurer les routes fort délaissées pendant la Révolution : il en établit un grand nombre de nouvelles. Ce mouvement se con-
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- tinua sous la Restauration qui multiplia encore considérablement les moyens de communication entre Paris et la province. En 1818 parurent les grandes diligences jaunes de la rue Notre-Dame des Victoires. Elles rayonnèrent sur toute la superficie de la France et correspondaient même aux diflérentes lignes de voitures de l’étranger1.
- La diligence prit ainsi une extension de plus en plus considérable jusqu’au jour où le chemin de fer
- tement nous sommes à Clamart, au-dessous de cette fameuse colline où est situé Meudon ; là, nous devons nous rafraîchir deux ou trois joui s, »
- 1 Histoire des chars, carrosses et voitures de tous genres, par R. Ramée. — Paris, 1856.
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- LA NATUHE.
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- apparut pour transformer le mode de locomotion terrestre, et changer, on peut le dire, la face du monde civilisé. l)r Z...
- UN petit problème de hécaniode
- Prenez une bobine, vide de fil ; en un point du noyau fixez, par un de ses bouts, un fd que vous enroulez autour du noyau. Posez la bobine couchée sur une table et tirez horizontalement sur le brin libre du fil, placé de façon à se trouver dans le bas, c’est-à-dire tangent au point le plus bas de la section circulaire du noyau (fig. 1).
- Dans quel sens marchera la bobine? d’une part elle est attirée vers la main par la traction du fil, mais d’autre part le fil tend à se dérouler de la bobine et à le faire j rouler en sens contraire.
- Voilà comme le Railroad Gazette avait posé le pelit problème.
- Réponse : le fil s'enroule et la bobine avance vers la main.
- En effet, la traction P (fig. 2) du fil provoque une réaction P' de la table sur les bords de la bobine ; quand
- Fis- 1. Fig. 2.
- le mouvement est uniforme P = P', puisque la projection horizontale de toutes les forces extérieures doit donner une résultante nulle, P et P' forment un couple qui fait tourner la bobine dans le sens de la flèche.
- On peut varier l’expérience en plaçant dans le trou
- d’axe de la bobine un crayon ou un porte-plume, et en faisant reposer ce crayon sur deux règles, comme le montre la figure 3.
- En tirant sur le fil. placé comme tout à l’heure, le mouvement se produit en sens inverse. La réaction P' des règles sur le crayon se trouve ici placée au-dessus de la force P qui agit sur le fil, et, par suite, le couple agit en sens contraire (fig. a).
- Plus simplement on peut dire que, dans le premier cas, la force qui agit sur le fil est au-dessus du centre instantané de rotation, et qu’elle est au-dessous dans le second cas.
- L’ËCLIPSE TOTALE DE LA LUNE
- DU 28 JANVIER 1888
- A Alger. — Observations de M. Trépied, directeur de l'Observatoire. — A 9 h, 42 m. Temps moyen d’Alger, l’ombre se voit nettement sur le
- bord du disque. — 9 h. 50 m. L’ombre est grisâtre dans ses parties intérieures, plus brune à son bord. Le bord de la lune couvert par l’ombre est beaucoup plus brillant que les autres parties éloignées du disque. — 10 b. 21 m. Le bord éclipsé a pris une teinte rouge qui a son maximum d’intensité dans l’angle-pôle 45°. — 10 b. 43 m. 58 s. Commencement de la totalité. A l’œil nu, la teinte rouge cuivre est très belle; dans le télescope de 0m,50 d’ouverture, le disque parait jaune. —13 b. 23 m. 20 s. Sortie de l’ombre.
- Au point de vue physique, le fait caractéristique de cette éclipse a paru être la teinte rouge cuivre du disque. 11 convient de remarquer que cette teinte n’a pas été observée dans toutes les éclipses antérieures. Ainsi, pour ne citer qu’un exemple, pendant l’éclipse totale du 4 octobre 1884, la teinte du disque avait paru nettement bleue. Dans cette circonstance, d’ailleurs, les apparences signalées par les différents observateurs ont présenté des divergences considérables. Il sera intéressant de comparer entre elles les observations faites sous ce rapport dans la présente éclipse.
- M. Thomas, professeur de physique à l’Ecole des sciences d’Alger, chargé de l’examen spectroscopique de la partie éclipsée du disque, a fait les constatations suivantes : immédiatement au bord de l’ombre, le violet du spectre est très affaibli, l’affaiblissement relatif du rouge est beaucoup moindre. Un peu plus avant dans l’ombre, la teinte vue à l’œil nu est bleue verdâtre; le spectre se réduit à une bande commençant au voisinage de D, finissant près de F et au delà, avec un maximum très marqué, vers la raie E. C’est un fait qui ne semble pas avoir été signalé dans les observations d’éclipses antérieures. D’ailleurs aucune absorption élective n’a paru digne d’être notée.
- A l’Observatoire de Paris. — Le ciel était couvert au commencement du phénomène. La durée entière de la totalité a été employée à l’observation d’occultations d’étoiles dans le but de déterminer le diamètre et la parallaxe de notre satellite.
- Durant la totalité de l’éclipse, la lune a paru beaucoup plus lumineuse que dans la généralité des éclipses antérieures : son éclat était supérieur a celui de Sirius, tandis que lors de l’éclipse totale du 27 février 1877 leclat de notre satellite était inférieur à celui de Procyon.
- a Nice. — M. Perrotin, directeur de l’Observatoire, a observé l’éclipse par un très beau temps. La Lune n’a cessé d’être visible pendant toute la durée du phénomène; au moment de la totalité, on voyait nettement le bord et les principaux cratères. Le bord était coloré en jaune clair, le centre était de couleur rougeâtre.
- A Nancy. — M. P. Dumont, ancien chef du laboratoire de physique de la Faculté de médecine, a eu l’idée d’enregistrer, par la photographie, la marche du phénomène en suivant une méthode ingénieuse, employée déjà par divers observateurs et
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- LA NA T U LE.
- dont la description intéressera certainement les amateurs de photographie. Le procédé consiste à laisser à la lune le soin de fixer elle seule sur la plaque photographique, exposée pendant toute la durée de l’éclipse, la trace de sa course, représentée par une bande lumineuse se détachant sur le fond du ciel noir avec une largeur proportionnelle à ses diamètres apparents, décroissants pendant qu’elle se plonge dans le cône d’ombre, réduits à néant pendant la durée de l’éclipse totale, pour reparaître et s’accroître après la sortie de l’ombre.
- D’autre part, pour rendre évidentes les différentes phases de l’éclipse, à des intervalles déterminés, l’exposition a été arrêtée, puis reprise pendant quelques instants et ainsi de suite, de façon a donner une série d’images isolées du disque lunaire plus ou moins échancré (voy. fig.).. C’est avec le concours de M. A. Bergeret qu’il a pu réussir l’intéressant
- cliché que ce dernier nous a offert pour La Nature.
- Peu importe le genre d’objectif ou la chambre : trois appareils étaient dirigés sur la lune dès 8 heures du soir, alors que le phénomène devait commencer à 8 h. 58 m. du méridien de Paris. Le temps était couvert au début de l’éclipse. Ce n’est qu’à 9 heures que les opérateurs ont ouvert l’objectif pour la première fois en profitant d’une éclaircie. Dans la première partie du phénomène, de 9 heures à 11 h. 29 m. pour les premières épreuves, les poses étaient alternativement de quatre secondes volet ouvert, cinq minutes volet fermé, réouvert quatre secondes, fermé à nouveau cinq minutes, puis ouvert vingt minutes sans interruption, ce qui a donné :
- 8 h. 58 m. ouvert quatre secondes, fermé jusqu’à 9 h. 5 m.
- 9 h. 5 m. ouvert quatre secondes, fermé jusqu’à 9 h. 8 m.
- L’éclipse de Lune du 28 janvier 1888 Ueproduction d’une photographie intermittente, exécutée à iNancy par MM. P. Dumont et A. Bergeret.
- 9 h. 8 m. ouvert jusqu’à 9 h. 50 m. puis fermé cinq minutes.
- 9 h. 55 m. ouvert nuatre secondes, fermé jusqu’à 9 h. 40 m.
- 9 h. 40 m. ouvert jusqu’à 10 heures.
- 10 heures fermé cinq minutes.
- 10 h. 5 m. ouvert quatre secondes, fermé jusqu’à 10 h. 10 m., ouvert jusqu’à 10 h. 50 m. et ainsi de suite jusqu’à 11 h. 29 m.
- Les appareils étaient braqués à 57°d’inclinaison par rapport à la verticale et dans la direction sud-sud-est.
- A Bordeaux. — L’éclipse totale de lune a été observée par M. G. Bayet, directeur de l’Observatoire de Bordeaux par un temps relativement favorable. L’absence de nuages a été complète, mais le ciel est resté légèrement brumeux, et, avant comme après l’éclipse, on pouvait voir autour de notre satellite un léger halo.
- La coloration rouge cuivre, bien connue de la Lune, a été très sensible. L’astre n’a d’ailleurs jamais complètement disparu, soit à l’œil, soit dans les lunettes, et les bords est et ouest de la Lune sont toujours restés inégalement éclairés.
- En grand nombre d’occultations d’étoiles a été observé pendant la totalité de l’éclipse.
- A Muges, par Damazan (Lot-et-Garonne). — M. Henry Courtois nous écrit que la lumière rouge, pendant la totalité, a été très intense et la Lune vue à l’œil nu présentait l’aspect d’un boulet chaulfé au rouge au milieu des brillantes constellations d’hiver. Au télescope l’observateur pouvait distinguer les principaux détails de la surface lunaire; la Lune située dans le Cancer était dans une région très riche en étoiles, de belles occultations ont eu lieu pendant la totalité.
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- LES PRODUITS DU TONKIN
- (Suite. — Voy. p. SI8).
- Les végétaux fournissant des produits oléagineux, autres que l’Arbre 'a suif, ne manquent pas dans ces régions de l'extrême Orient. Le Ricin est cultivé en grand; on en signale deux variétés dont l’une, dit-on , donne une huile comestible ; mais au Tonkin il est certain que c’est à l’éclairage que cette ltuile est employée.
- .L’huile de Sésame (Sesamum orientale), à graine blanche et à graine noire, est beaucoup appréciée, en Chine surtout.
- Le Sésame est là dans sa patrie, sa culture n’a donc pas besoin d’être recommandée au Tonkin. Ce n’est que depuis peu de temps que l’usage de cette huile s’est répandue en Europe dans l’alimentation. Jusqu’alors e Sésame, qui arrivait en quantité énorme à Marseille, des côtes d’Afrique et de l’Inde, était exclusivement destiné à la fabrication des savons, mais on a compris tardivement que l’huile de Sésame pouvait parfaitement se substituer à celle d’œillette, dont la production diminuait sensiblement. Combien de lecteurs, sans s'en douter, sous les noms d’huile blanche ou d’huile sans goût, font usage d’huile de Sésame !
- L’Arachide (Avachis hypogæa) est cette légumi-neuse singulière de la taille de nos haricots nains, dont la fleur aussitôt épanouie voit son pédicelle s’incurver vers la terre où le fruit qu’il porte, fina-
- lement, semble vouloir se dissimuler pour mûrir. Cette plante vient merveilleusement bien au Tonkin ; là, cependant, elle n’est pas cultivée pour l’extraction de l’huile, mais pour les graines qui sont mangées, étant torréfiées, comme noisettes. On sait qu’il arrive des côtes d’Afrique des quantités considérables d’A-rachide à Marseille.
- On a reçu, depuis une trentaine d’années, par la
- voie du commerce, une cire végétale très blanche venant du Japon, qui bientôt disparaissait pour reparaître quelque temps après, mais qui n’a jamais été acceptée franchement par les négociants français. Sort de tous les produits nouveaux chez nous, lesquels ne sont jamais accueillis d’emblée sans une sérieuse épreuve faite par nos voisins. Cette cire est fournie par les fruits d’un arbre dè quelques mètres, commun au Japon et en Chine et dont on a trouvé plusieurs variétés dans diverses régions du nord de l’Inde. Les noms variés que cet arbre porte dans l’ex-trême Orient prouve qu’il est très répandu ; la plupart des ouvrages japonais et chinois en parlent, ce qui indique que le produit qu’on en tire est estimé. Il porte le nom botanique de Rhns succe-danea1. Les relations qu’on possède du Tonkin n’en font pas mention, cependant il a été rencontré par
- 1 Le genre Rlius ou Sumac, de la famille desTérébinthacées, est connu dans le commerce européen par les deux produits principaux qu’il donne sous les noms de bois de Fustet, pour la teinture en jaune orangé, et de Sumac des corroyeurs dont les feuilles broyées servent au tannage des peaux de luxe.
- Arbre à cire de la Chine et du Japon (Rhus succedanea).
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- M. Balansa à Tankein où peut-être il a été importé. Quoi qu’il en soit, il y croît parfaitement bien, et il serait facile d’établir des cultures de l’Arbre à cire a peu de frais. Le rendement serait important, car l’arbre se charge de grappes nombreuses de fruits qu’on récolte l’hiver, après la chute des feuilles. Au Japon, où cette culture est très soignée, le llajé ou Hazé commence à produire à cinq ou six ans; il donne, à quinze ans, 40 kilogrammes de fruits; à trente ans, 115 kilogrammes et 180 à cinquante ansl.
- Différemment de l’Arbre a suif, l’Arbre à cire porte la matière grasse non sur la graine, mais entre la pellicule externe et le noyau du fruit. C’est également par ébullition dans l’eau, puis refroidissement, qu’on obtient la cire après le battage, le vannage, etc., des fruits qui peuvent se conserver très longtemps sans altération. Ici l’on a affaire à une vraie cire végétale, ayant de la consistance et qui, exposée à l’air, acquiert une blancheur parfaite. Son point de fusion est relativement élevé, 55° environ. (La cire d’abeille fond à 65°). Elle ne graisse pas la main qui la touche et sa densité est remarquable; elle passe pour la plus lourde de ces sortes de matières, 0,97. Les Chinois l’utilisent souvent pour consolider les chandelles faites de suif de Stillingia en les trempant dans un bain de cire fondue du Japon, ce qui leur donne de la fermeté et de la blancheur, ou pour faire les chandelles elles-mêmes de qualité supérieure. D’ailleurs les chandelles dont se servent les bourgeois de ces régions sont souvent teintes en rose, en vert, etc , comme parfois nos bougies de paraffine. 100 kilogrammes de fruit donnent en moyenne 20 kilogrammes de cire. Une seule province du Japon en a exporté, en une année, 150 000 kilogrammes, et du port d’Osaka il en a été envoyé à Londres, en 1870, 878 000 kilogrammes valant alors I fr. 50 c. le kilogramme2.
- Une espèce voisine, le li. ver nie i fera, Ourouchi des Japonais, donne également de la cire, mais elle est plus recherchée pour la gomme résine qu'on obtient par incision de son tronc, et qui sert à faire les laques si estimées de la Chine et du Japon. Quand on l’exploite pour un de ces usages, c’est toujours à l’exclusion de l’autre, l’arbre ne pouvant fournir avantageusement les deux produits à la fois.
- L’utilisation de la cire du Japon est plus répandue qu’on ne le suppose en Europe. On l’incorpore souvent en mélange à d’autres cires, et ppur des usages dont le commerce et l’industrie ont le secret. En France on l’utilise moins à cause peut-être des droits assez forts dont on frappe cette marchandise, mais elle mériterait cependant de n’être pas négligée.
- Comme culture de plantes oléagineuses à faire au Tonkin, nous aurions encore d’autres espèces à préconiser, ayant des propriétés très recherchées dans l’industrie et bien capables, dans les mains d’hom-
- 1 Voy. Dupont, Les Essences forestières du Japon.
- a Loc. cil.
- mes habiles, d’assurer à ceux-ci la fortune. Nous en parlerons prochainement après réception des renseignements attendus et qui ont leur importance.
- — A suivre. — J. Poisso.v.
- TÉLÉGRAPHE OPTIQUE A CADRAN
- Le petit appareil que représente la figure ci-jointe a été imaginé et construit par M. F. Drouin. 11 a pour but de montrer la possibilité de construire des télégraphes optiques à cadran, ne nécessitant pas l’emploi de l’alphabet Morse. C’est une application élémentaire des phénomènes de polarisation. Voici la description que nous a donnée l’inventeur.
- « Le manipulateur, composé d’une lampe et d’un polariseur, envoie un faisceau de lumière, polarisée dans un certain azimut. Si l’on tourne le polariseur d’un angle a -< 180°. on pourra constater, au récepteur, cette rotation au moyen d’un analyseur
- Télégraphe optique à cadran de M. K. Drouin.
- préalablement mis à l’extinction. En effet, en tournant du même angle a cet analyseur qui constitue la partie essentielle du récepteur, l'extinction se reproduira.
- « L’appareil d’essai que montre la figure a une portée évidemment très courte, puisqu’il ne contient aucun système projecteur; mais nous voulions simplement vérifier que le principe était susceptible d’une application pratique. Le même appareil nous a servi à la fois de manipulateur et de récepteur. Il était formé d’un ni col N dont la monture I) était munie d’un index se déplaçant sur un cadran divisé E, portant, sur une demi-circonférence, les vingt-cinq lettres de l’alphabet. Une lampe L munie d’un réflecteur, était placée derrière le nicol dans une boite mobile B, percée de plusieurs ouvertures, dont l’une O servait, pendant la manipulation, à éclairer le cadran, par l’intermédiaire d’une lame diffusante f, peinte en blanc. Chacune de ces ouvertures est fermée par une lame de verre, pour mettre la lampe a l’abri des courants d’air.
- « Les deux postes, que nous appellerons 1 et 2, étant placés à une certaine distance et munis chacun
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- d’un appareil semblable, commencent par les placer dans la direction convenable en visant, à travers l’ouverture o et le nicol, la lampe de l’autre poste placée hors de l’appareil. Supposons que le poste 1 doive parler le premier. Après avoir mis sa lampe en place, il tournera le disque D qui entraîne le nicol jusqu’à ce que l’index qu’il porte soit sur le signe -+- ; le poste 2 enlèvera sa boîte B, et mettant également l’index sur le signe -h, tournera le cadran E (qui est mobile de quelques degrés au moyen du pignon P) jusqu’à ce qu’il obtienne l’extinction parfaite en regardant le poste 1 à travers son nicol. Après ce réglage préalable, tout est près pour la correspondance, et chaque lettre indiquée par le poste 1 sera lue par le poste 2 en ramenant l’extinction par la rotation du nicol, au moyen de la manette M. Pendant la réception, la lampe du poste 2 reste au voisinage de l’appareil ; par l’ouverture latérale de la hoîte, elle éclaire le cadran pour la lecture, et son feu reste visible du poste 1.
- « Pour augmenter la portée, on pourrait songer à placer le polariseur à la place de l’obturateur d’un télégraphe optique ordinaire, et munir d’un analyseur l’oculaire de la lunette réceptrice; mais il est probable que la présence des lentilles nuira à la précision des lectures. Il est vrai qu’on peut répartir la lettre sur une et même plusieurs circonférences, en convenant de tourner toujours dans le même sens; mais nous trouvons ce moyen peu pratique.
- « Il est possible qu’avec de gros polariseurs on puisse atteindre des distances assez grandes, mais, à puissance lumineuse égale, la portée de ces appareils sera nécessairement plus courte que celle des télégraphes ordinaires, puisque la polarisation diminue de moitié l’intensité de la lumière émise.
- « Il serait intéressant de savoir si, aux distances énormes où l’art militaire a su porter la transmission des signaux optiques, un rayon de lumière polarisée continue à vibrer dans un même plan, et s’il est encore possible, après la traversée de cette épaisse couche atmosphérique, de déterminer d’une façon exacte la position de ce plan. »
- L’EXTINCTION DU BISON
- On vient de capturer, ou plutôt de massacrer dans l’Arizona, un troupeau de bisons (Bos américcinus), qui peut être considéré comme ayant renfermé les derniers représentants de cette espèce de mammifères autrefois si nombreux. Les quelques individus qui ont échappé au carnage, seront expédiés dans les diverses ménageries, où ils finiront leur carrière en captivité. Les peaux et les squelettes des individus égorgés ont été recueillis avec soin, et seront également destinés aux Muséums. Leur valeur est en quelque s‘orte incalculable, puisque la race peut être considérée comme étant pratiquement éteinte. Le Bos américamis n’est pas la seule forme zoologique du nouveau-monde dont nous voyons l’extinction se produire.
- LÀ TOUR EIFFEL
- Depuis notre précédent article sur cet immense édifice l, les travaux ont continué avec une régularité, une promptitude et une précision remarquables. Suivant les prévisions de M. Eiffel, la partie résistante du premier étage a été terminée au commencement de cette année, et pas un accident n’est venu troubler l’exécution de cette entreprise unique dans l’histoire des constructions métallurgiques. Cette précision a sa raison d’être, et ce n’est point le fait d’un heureux hasard. Tout réussit à souhait, parce que tout a été étudié, prévu, calculé.
- M. Eiffel nous a récemment fait l’honneur de nous montrer lui-même ses ateliers d’étude de la Tour de 500 mètres et son usine métallurgique à Levallois-Perret. Nous allons essayer de rapporter à nos lecteurs le résumé de ce que nous avons appris, vu et admiré pendant le cours de cette intéressante visite.
- La forme géométrique de la Tour de 500 mètres n’a pas été seulement déterminée, comme on le croit communément, par des considérations d’aspect, mais surtout par des considérations mathématiques qui dépendent des conditions de l’intensité du vent.
- La Tour a une forme telle que si l’on étudie l’action des différents courants aériens qui peuvent y exercer leur action, depuis les vents faibles et moyens jusqu’aux ouragans dont la pression est de 400 kilogrammes par mètre carré, la résultante des pressions exercées en chaque point, passe par le centre de gravité de chacune des sections. La forme de la Tour est en quelque sorte moulée par le vent lui-même.
- On ne saurait se figurer quels travaux ont nécessités les épures de construction. L’ensemble de l’édifice ayant été bien déterminé et divisé en 27 panneaux, chaque panneau a donné lieu à une épure séparée. Chacune de ces épures forme la base de toute une série de dessins géométriques calculés à l’aide des tables de logarithmes.
- Il ne nous est pas possible d’entrer dans les détails techniques de ce travail immense. Contentons-nous de dire que le nombre des pièces métalliques différentes qui entrent dans la construction de la Tour est de 12 000 et que chaque pièce nécessite un dessin spécial, où l’on détermine mathématiquement les plus minutieux détails, notamment la grandeur et la position des trous des rivets.
- Les épures de la Tour Eiffel comprennent 500 dessins d’ingénieur pour l’étude des 27 panneaux, et 2500 feuilles de dessin d’atelier. Chaque feuille a 1 mètre de largeur sur 0m,80 de hauteur. Ces dessins ont nécessité le concours de quarante dessinateurs et calculateurs qui auront travaillé sans interruption pendant deux années ; ce personnel est installé à Levallois-Perret dans un grand nombre de
- 1 Yoy. n° 754, du 12 novembre 1887, p. 575.
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- LA NATURE
- salles successives qui prennent l’importance d’une grande administration.
- Les pièces assemblées de la Tour de 500 mètres ne comprennent pas moins de 7 000 000 de trous
- qui ont été perforés dans la tôle de fer par un outillage spécial, l^a moyenne d'épaisseur étant de 0m,010, les trous placés bout à bout formeraient un tube de 70 kilomètres de longueur. Les rivets em-
- Fig. t. — Manœuvre du vérin ou presse hydraulique destiné à soulever un des montants de la Tour Eiffel pour y poser des cales.
- ployés dans la construction seront au nombre de 2 500 000.
- Chaque pièce qui entre dans la construction de la Tour est ainsi tracée, coupée, percée à l’usine de Levallois-Per-ret, et quand elle arrive au Ch amp-de-Mars, elle trouve sa place et est fixée à la construction par les rivets.
- Après ces détails préliminaires, nous ferons connaître à nos lecteurs un organe mécanique des plus curieux, un vérin qui permet de soulever les pieds de la Tour. Avant de le décrire, quelques explications sont nécessaires. Nous allons les donner aussi succinctement que possible :
- La Tour repose sur le sol au moyen de 4 pieds
- Fig. 2. — Détail du vérin.
- ou montants de section carrée. Chacun d’eux est constitué, à son tour, par quatre arbalétriers qui forment les arêtes du montant et qui sont reliés
- entre eux par des barres de treillis et des entretoises entièrement ajourées. Quant à ces arbalétriers, ce sont des caissons très robustes offrant une section carrée de 0m,80 de côté et dont les parois en tôle pleine et épaisse sont raidies par des cornières d’angle et des membrures. C’est par l’intermédiaire des arbalétriers que le poids de la construction est réparti sur les fondations.
- Comme il y a, en tout, 16 arbalétriers, 4 par pied, et que la Tour, quand elle sera terminée, pèsera environ 8 millions de kilogrammes, on voit
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- que le poids supporté, par chaque arbalétrier, sera de 500 000 kilogrammes, mais à la condition expresse que la pression se répartisse également sur chacun d’eux; car, s'il en était autrement, un arbalétrier arriverait à porter beaucoup plus que les autres, ce qui pourrait devenir dangereux.
- Pour que cette égale répartition soit obtenue, il est essentiel que tous les arbalétriers soient exactement montés et qu’ils portent de la même manière sur leurs fondations; il faut, pour nous servir d’une comparaison familière, que la Tour soit comme une
- table dont les quatre pieds seraient bien calés.
- A cet effet, elle est construite de manière a permettre un réglage parfait de ses arbalétriers. Ceux-ci portent, a leur extrémité inférieure, une pièce d’acier en forme de chapeau qui pénètre dans l’intérieur du sabot de fondation et s’appuie, par ses bords, sur le contour de ce sabot (fig. 1). C’est entre les bords du chapeau et le sabot que l’on vient interposer les cales en fer destinées à régler la position exacte de l’arbalétrier.
- Pour faire cette opération, on introduit dans l’in-
- Fig. 5. — Etat des travaux de la Tour Eiffel en janvier 1888. Aspect d'un montant de la Tour à sa partie supérieure. (D’après une photographie de M. Durandelle.)
- térieur du sabot, par l’ouverture carrée ménagée dans l’une de ses parois, un vérin ou presse hydraulique d’une grande puissance dont le piston, en s’élevant, vient pousser le fond du chapeau en acier et, par cela même, soulever l’arbalétrier, ce qui permet d’augmenter ou de diminuer le nombre des cales de réglage.
- Le vérin se compose d’un piston de 0“*,450 de diamètre qui se meut dans un cylindre de 95 millimètres d’épaisseur correspondant à un diamètre extérieur de 0,n,620 (fig. 2). Piston et cylindre sont en acier forgé. L’eau pénètre dans le fond du cy-
- lindre par un tuyau de 6 millimètres de diamètre. Cette eau est comprimée par une pompe foulante que des hommes actionnent au moyen d’un levier. Le poids normal qu’un vérin est capable de soulever est de 800 000 kilogrammes. Chaque vérin a été essayé avant de sortir des ateliers des constructeurs : MM. Vollot, Badois et Cu, à une pression de 600 atmosphères, qui correspond à un poids de 900 000 kilogrammes environ.
- Nous terminerons cette notice en reproduisant une photographie donnant l’aspect actuel d’un des montants de la Tour vu de la partie supérieure du
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- monlant opposé (fig. 5). On le voit entouré de la forêt de charpente qui, ayant, servi à poser les pièces du premier étage, ne va pas tarder à disparaître.
- Aujourd’hui le plus difficile est fait, et l’œuvre de M. Eiffel va suivre son cours.
- Gaston Tissaniueu.
- LES AÉROSTATS
- DE EA MISSION FRANÇAISE EN CHINE
- La Nature a publié, il y a environ un an, quelques détails sur des aérostats destinés à la Chine *. Ces aérostats ont été commandés par le vice-roi du Petclnli, Li-Hong-Chang, à la Mission industrielle française, constituée en Chine sous la direction du Comptoir (l'Escompte de Paris et dirigée sur place par M. Thévenet, ingénieur en chef des ponts et chaussées. Ils consistent en un ballon militaire captif de 550 mètres cubes, avec son chariot, son treuil à vapeur et son générateur à hydrogène, et en un grand ballon de 5000 mètres cubes, capable d’enlever 10 hommes. Ce matériel a été exécuté pour le compte de la Mission française par M. G. Aon, constructeur de l’équipage militaire, en ce qui concerne les ballons eux-mêmes, et par la Société lyonnaise de constructions mécaniques, en ce qui concerne les appareils auxiliaires.
- La Mission française, qui s’est installée à Tien-Tsindansle printemps de 1886, n’a pas tardé, grâce à l’activité et à l’intelligence de son chef, à conquérir un grand crédit auprès des autorités chinoises qui lui ont confié, outre la commande des ballons, celle de ponts métalliques à Tien-Tsin, l’entreprise de tous les travaux du grand port militaire de Port-Arthur (Lu-Shung-Kaô), sur la côte septentrionale du golfe du Petchili, qui sont aujourd’hui en cours d’exécution, et plus récemment la construction de grandes dragues à succion pour la correction du Fleuve Jaune. Si l’industrie française parvient, en dépit des difficultés causées par la dernière guerre, a se créer en Chine une position florissante a côté de ses rivales, elle en sera surtout redevable à M. Denfert-Rochereau, directeur du Comptoir d’Escompte de Paris, qui a préparé et organisé la Mission, et au chef de celle-ci, M. Thévenet.
- Yoici, au sujet des essais des aérostats en Chine, quelques détails que nous communique M. Pillas-Panis, aéronaute désigné par M. Yon pour les accompagner en Chine et les y expérimenter.
- J’ai l’honneur de vous faire parvenir divers renseignements sur les expériences d’aérostation militaire qui ont été exécutées à Tien-Tsin (Chine).
- Le matériel qui a servi à ces diverses expériences a été, comme vous le savez, construit par M. Gabriel Yon ; il a été exécuté dans ses ateliers de la rue de la Fédération et sous sa surveillance.
- L’expédition du parc aérostatique a eu lieu le 8 fé-
- 1 Voy, n° 713 du 29 janvier 1887, p. 141.
- vrier 1887 et il n’est, arrivé à destination (Tien-Tsin) que le 8 avril suivant.
- Le matériel est arrivé en parfait état : il est vrai que M. G. Yon avait employé, pour l’emballage des deux ballons, un système que l’on ne saurait trop recommander, surtout si un matériel déballons est appelé à faire un long voyage.
- Les caisses d’emballage étaient à claire-voie avec séparation intérieure formant sommier ce qui permettait la ventilation des ballons sans avoir à les toucher; de plus, M. Yon avait fait donner plusieurs couches de poudre de savon sur l’étoffe des aérostats afin d’éviter l’adhérence du vernis aux divers endroits ou l’étoffe se trouvait repliée. Grâce à ces précautions, les ballons sont arrivés en parfait état.
- Le matériel fut transporté à l’Ecole militaire de Tien-Tsin et c’est là que se firent les expériences.
- Du mois d'avril au mois de septembre, mon temps fut employé à l’instruction des soldats chinois qui m’avaient été désignés.
- Les cours étaient les suivants :
- 1° Historique des aérostats depuis leur invention jusqu’à nos jours.
- 2° Application des aérostats à l’art militaire.
- 5° Connaissance technique des organes composant un parc d’aérostation.
- 4° Des manœuvres en général, etc., etc.
- Dans ces cours suivis par les officiers et soldats chinois, j’ai été secondé par M. Lien-Fang, mandarin parlant parfaitement le français, interprète de S. E. le vice-roi du Petchili.
- Le dimanche, 2 octobre 1887, le premier ballon qui s’éleva sous le ciel chinois était français et il était monté par des Français.
- A 8 heures du matin, je commençai le gonflement du ballon militaire; à 11 heures, tout était prêt. Le ballon était magnifiquement pavoisé aux couleurs françaises et chinoises. A 2 heures, la première ascension eut lieu au milieu d’une population que l’on peut évaluer à plus de 200 000 personnes.
- La première ascension fut exécutée par moi seul.
- La deuxième fut faite par M. Thévenet, ingénieur en chef des ponts et chaussées, chef de la Mission de l’industrie française en Chine. Cette Mission est sous la direction du Comptoir d’Escompte de Paris.
- La troisième ascension fut faite par Mm6 Dausque, femme d’un ingénieur français attaché à la Mission. Je puis citer encore M. et Mme Bons d’Auty, chancelier du Consulat de France, et Mme Bons d’Auty, MM. les officiers de la canonnière française la Vipère, M. le comte de Chevigné ainsi que M. le baron de Sénevart.
- L’enthousiasme des Chinois fut grand après ces premières expériences, ainsi que vous le prouvent les cinquante-cinq ascensions qui eurent lieu et pendant lesquelles quatre-vingt-sept mandarins de haut rang prirent place dans la nacelle. Parmi ces hauts dignitaires se trouvent S. Exc. le taotaï Tchou, gouverneur de Port-Arthur; S. Exc. Yang, directeur de l’Ecole militaire de Tien-Tsin; S. Exc. Lien-Fang, Chinois de race, mais Français de cœur; le général Shu, commandant les troupes du Petchili, etc., etc.
- Les expériences ont duré huit jours et le ballon est resté gonflé pendant dix jours, les Chinois ne voulant à aucun prix dégonfler ce premier ballon.
- Le succès a été complet.
- Les Chinois étaient en admiration pour tout ce qu’ils
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- ont vu; ils se sont fort intéressés au fonctionnement des appareils et à la production du gaz.
- Les hommes qui m’ont été confiés pour les instruire ont parfaitement manœuvré.
- Aussi le 27 novembre, dernier jour des expériences avec le gros aérostat de 5000 mètres cubes, les Chinois ont manœuvré seuls et plus de deux cents Chinois se sont élevés dans les airs sous la conduite d’un mandarin spécialement désigné pour me remplacer.
- Nous ajouterons en terminant que l’un de nos correspondants de Chine, M. Collin de Plancy, consul de France, a eu l’obligeance de nous remettre un exemplaire d’un journal illustré chinois, où se trouvent naïvement représentées les premières expériences d’aérostation à Tien-l'sin. G. T.
- TURBINE A V AI* EU U
- ET MACHINE DYNAMO-ÉLECTRIQUE
- de m. c. a, parsoms
- Les machines dynamo-électriques sont, par nature, des appareils à grande vitesse, alors que les moteurs à vapeur étaient au contraire, au moins jusqu’à ces dernières années, des moteurs à vitesse relativement faible. Les dynamos s’accommodent facilement de vitesses atteignant, dépassant même 2000 tours par minute; les moteurs à vapeur dépassaient rarement 150 tours par minute pour les moteurs ordinaires et 300 tours par minute pour les moteurs dits à grande vitesse.
- La commande des dynamos pour les moteurs s’est donc, au début, effectuée à l’aide de transmissions par courroie, souvent même en interposant entre les deux organes un arbre intermédiaire ayant une vitesse moyenne entre celles des deux appareils à relier mécaniquement.
- Pour simplifier l’installation et arriver à commander directement la dynamo par le moteur, on a eu tout d’abord recours à un système de concessions mutuelles consistant, d’une part, à augmenter le plus possible la vitesse de rotation des moteurs et, d’autre part, à réduire la vitesse des dynamos, et arriver ainsi sur le terrain neutre des vitesses moyennes. Les moteurs à vapeur dits à grande vitesse et les dynamos multipolaires sont les résultats de ces concessions réciproques.
- Mécaniciens et électriciens travaillaient à qui mieux mieux dans cet ordre d’idées lorsque parut pour la première fois, à l’Exposition des inventions de Londres, en 1885, un système présenté par MM. Clarke, Chapman, Parsons et C°, de Gastehead-on-Tyne, et qui fut considéré alors plutôt comme une curiosité mécanique que comme un appareil industriel. Il s’agissait d’une turbine à vapeur actionnant directement une machine dynamo-électrique — ensemble baptisé par l’inventeur, l’Hon. C. A. Parsons, du nom de turbo-eleclric-generator — a la vitesse normale de dix mille tours par minute.
- En moins de trois années, la curiosité mécanique
- est devenue un appareil d’industrie courante, déjà très employé pour l’éclairage des ateliers, des manufactures et surtout des navires; aussi croyons-nous intéressant d’en donner une description générale, eh mettant à profit les renseignements communiqués par l’inventeur à la Nouth-East Coast Institution of engineers and shipbuilders relativement aux derniers types, et nos observations personnelles sur un appareil actuellement en fonction à Paris chez MM. Smith et Coventry.
- Le principe appliqué par l’Hon. C. A. Parsons pour réaliser ces grandes vitesses est absolument identique au principe appliqué dans les turbines hydrauliques, la vapeur sous pression remplaçant l’eau sous pression. Un sait que les conditions essentielles d’un bon rendement des turbines hydrauliques sont que l’eau y pénètre sans choc et en sorte sans vitesse. Cette dernière condition aurait été impossible à réaliser avec la vapeur en employant une seule turbine, aussi en a-t-on disposé un certain nombre les unes à la suite des autres, en cascade, dans lesquelles la vapeur se détend successivement d’ur.e certaine quantité en augmentant graduellement de volume jusqu’à ce que sa pression soit à peine supérieure à celle de l’atmosphère dans laquelle elle s’échappe après avoir agi sur toutes les turbines.
- La figure 1 montre l’ensemble du moteur-turbine et de la dynamo de M. Parsons; la figure 2 est une vue intérieure du moteur-turbine, qui permet de se rendre compte de ces dispositions. La turbine proprement dite est un cylindre en bronze, sur lequel on a découpé plusieurs séries de petites au bes formant chacune une petite turbine élémentaire. Dans le modèle représenté, il y a cinquante de ces petites turbines, dont vingt-cinq à gauche et vingt-cinq à droite du milieu, par où arrive la vapeur sous pression, comme l’indiquent les flèches (fig. 2).
- Les modèles plus puissants renferment jusqu’à quatre-vingt-dix petites turbines disposées par moitié de chaque côté de l’arrivée de vapeur. Chaque turbine porte soixante à soixante-quatre ailettes et la couronne circulaire entre deux turbines successives est occupée par d’autres ailettes en nombre égal, mais celles-ci fixes, ménagées dans le corps du moteur et constituant les directrices. Ces directrices sont inclinées en sens contraire des aubes, comme dans les turbines hydrauliques. La vapeur arrivant par le milieu, et devant s’échapper par les deux extrémités ne peut .le faire qu’en traversant les vingt-cinq turbines et les vingt-cinq séries de directrices. Les inclinaisons relatives des différentes aubes et directrices sont calculées pour que la détente se produise régulièrement d’une turbine à l’autre, sans variation de vitesse, et que le travail de la vapeur soit usilisé aussi complètement que possible. On obtient ainsi une machine à détente complète sans aucun appareil de distribution autre que la rotation des turbines, ce qui donne au système une simplicité qu’il semble difficile, pour ne pas dire impossible, de dépasser.
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- La vapeur arrive par le milieu et s’échappe par les extrémités dans le but d’équilibrer les poussées longitudinales que la vapeur exerce sur les ailettes ; ces poussées étant égales et s’exerçant en sens inverses sur les deux séries de turbines, s’équilibrenf à chaque instant, ce qui diminue considérablement les frottements, réduits à ceux dus au poids des turbines, puisqu’il n’v a aucune poussée latérale contre les coussinets. La vapeur sortant par les extrémités est ramenée vers le milieu par deux canaux recourbés venus de fonte dans le bâti, et s’échappe ensuite dans l’atmosphère. La lubrification des coussinets est assurée par une circulation continue d’huile. Nous décrirons le réglage de vitesse après la dynamo.
- La dynamo, de très petites dimensions relatives, à cause de sa grande vitesse angulaire, est du système
- à tambour de Siemens. Le noyau de l’induit est constitué par une série de disques de fer superposés et séparés par des feuilles de papier calque.' Ces disques de fer forment un cylindre continu dans lequel sont ménagées des rainures servant à loger le fil de la bobine formé d’un petit nombre de spires, 15 seulement pour les machines de 60 à 80 volts. Pour éviter les effets de la force centrifuge, les fils de l’enroulement sont maintenus dans les cavités ménagées dans le cylindre par un frettage formé par un fd d’acier de piano dont la résistance mécanique est très grande. Les inducteurs, en fonte douce, ont la forme d’un U et sont excités en dérivation.
- Le réglage de la machine et du moteur est des plus ingénieux et mérite une mention spéciale.
- La machine devant fournir une différence de po-
- Fig- 1. — Turbine à vapeur et machine dynamo-électrique de Parsons. — Vue d’ensemble.
- tentiel constante aux bornes, étant excitée en dérivation et présentant une résistance intérieure très faible, doit tourner à une vitesse sensiblement constante, quelle que soit la charge, c’est-à-dire quel que soit le nombre de lampes allumées à chaque instant. Il faut donc, pour maintenir cette vitesse constante, faire varier l’admission de vapeur avec la charge. Ce résultat est obtenu de la manière suivante :
- Au-dessus des inducteurs se trouve un pont en fer qu’un ressort antagoniste réglable à volonté tend à maintenir dans une direction parallèle à l’axe de la machine. Lorsque la machine est excitée, les inducteurs agissent sur cette pièce de fer pour la placer dans une direction perpendiculaire à la première. Sous ces deux actions, elle prend une position oblique intermédiaire, avec tendance à un mouvement d’un côté ou de l’autre suivant que l’action
- du ressort ou celle des inducteurs est prédominante. Cette pièce en équilibre obture plus ou moins l'orifice d’un tuyau en communication avec un ventilateur à force centrifuge que l’on aperçoit sur la gauche de la figure 2, et en communication avec une chambre d’air dont l’une des parois est constituée par un diaphragme flexible. Suivant que l’orifice du tuyau est plus ou moins ouvert, le vide exercé par le ventilateur est plus ou moins grand, et l’effort exercé par la pression extérieure sur la membrane flexible augmente ou diminue avec le degré de vide. Il en résulte un déplacement de cette membrane, déplacement que l’on utilise pour ouvrir ou fermer plus ou moins l’admission de vapeur. Ce régulateur, complexe en apparence, est très sensible et très rapide dans son action. Il permet de faire varier à volonté le nombre de lampes alimentées à la fois sans que la différence de potentiel aux bornes de la
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- machine varie de plus de 1 pour 100 de sa valeur ! normale.
- Voici maintenant quelques chiffres relatifs au rendement de cet ensemble original et nouveau.
- Dans les premiers essais faits en 1885, la consommation de vapeur était de 65 livres (29,5 kilogrammes) par. cheval-heure électrique utile, résultat relativement satisfaisant, eu égard à la grande simplicité du système et comparativement à la dépense de 43 livres (19,5 kilogrammes) par cheval-heure électrique des machines dynamos actionnées par courroies.
- Une théorie — théorie que nous ne saurions reproduire ici sans sortir de notre cadre — a permis à M. Parsons d’établir qu’un moteur-turbine fonc-
- tionnant avec de la vapeur a 90 livres par pouce carré (6,3 kilogrammes par centimètre carré) ne consommerait théoriquement que 20,5 livres (9,5 kilogrammes) de vapeur par cheval-heure, et, en estimant le rendement du moteur à 70 pour 100 29,5 livres (13,2 kilogrammes) pour la même quantité de travail.
- Les résultats obtenus jusqu’ici industriellement correspondent a une consommation de 52 livres (24 kilogrammes) par cheval-heure électrique avec une pression effective de 90 livres par pouce carré (6,5 kilogrammes par centimètre carré).
- Des perfectionnements en voie d’étude permettront de se rapprocher davantage des chiffres indiqués par la théorie. En fait, le rendement est d’autant
- Fig. 2. — Turbine à vapeur. Moitié supérieure de l’appareil enlevée pour montrer le système de distribution de vapeur,
- les aubes et les directrices.
- plus élevé que les dimensions et les puissances des machines sont plus grandes, car on peut, dans les grands modèles, réduire les espaces nuisibles et faciliter la distribution de la vapeur.
- Une consommation très réduite de vapeur n’est pas, d'ailleurs, le facteur le plus important d’une machine actionnant une dynamo, et l’on en rencontre souvent de plus essentiels, tels que la fixité du courant produit, la garantie contre tout accident, la simplicité, le prix d’achat et d’entretien peu élevés, le peu de surveillance exigée, la légèreté et le peu d’encombrement à puissance égale, etc.
- Pour confirmer par des chiffres les avantages présentés par la turbine à vapeur et la machine dynamoélectrique que nous venons de décrire, M. Parsons, dans la communication faite devant la North-East
- Coast Institution of engineers and shipbuilders, cite, à titre d’exemple, une installation d’éclairage établie dans les Phoenix Mills, à Newcastle-on-Tyne, installation qui a fonctionné avec ses machines pendant deux ans onze heures par jour en moyenne. Sur les 159 lampes Edison-Swan installées à l’origine, il en existait encore 65 qui, après avoir fourni 6500 heures d'éclairage, donnaient encore sensiblement leur puissance lumineuse normale. Si la durée moyenne des lampes n’avait été que de 1000 heures, le prix de leur renouvellement représenterait à lui seul le double de la consommation annuelle de charbon.
- On peut juger de la simplicité et de la facilité d’installation du système par ce fait qu’un moteur de 30 chevaux ne renferme pas une seule pièce qui ne
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- LA NATURE.
- puisse être facilement manœuvrée par trois hommes, et que toutes les parties sont facilement accessibles.
- Sur les 1500 chevaux électriques actuellement produits par ce système, deux tiers sont établis à bord des navires où l’on apprécie tout spe'cialement le faible poids et le faible encombrement du moteur-turbine, et un tiers dans des installations à terre, pour l’éclairage des usines et des ateliers.
- On voit par ces chiffres, obtenus en moins de trois ans d’une exploitation industrielle absolument nouvelle, que l’idée hardie de réaliser une machine tournant à 10 000 tours par minute, était aussi une idée heureuse, sanctionnée par la pratique et couronnée par le succès. E. 11.
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- CHRONIQUE
- Monument élevé à la mémoire de Béelard.
- — Jeudi 9 février 1888, a eu lieu au Père-Lachaise, à Paris, l’inauguration du monument élevé à la mémoire de Jules Béelard. Le caveau de la famille Béelard est situé dans la huitième division, avenue Casimir-Perier. Déjà s’élevait sur la tombe un pilastre fort simple, surmonté d’un buste en bronze représentant le père du docteur Béelard. A côté de ce pilastre on en a dressé un autre absolument semblable, surmonté du buste en bronze de l’ancien secrétaire perpétuel de l’Académie de médecine. Ce buste est l’œuvre du sculpteur Crauk. Les deux pilastres sont réunis à leur sommet par une couronne d’immortelles en bronze. Un grand nombre de professeurs et d’élèves de la Faculté de médecine, ainsi que des amis personnels de la famille du défunt, assistaient à la cérémonie. M. Laborde, professeur à la Faculté de médecine, et président du comité de souscription du monument, a pris le premier la parole. Il a remercié, en son nom et au nom de la famille de M. Béelard, tous les généreux donateurs qui ont contribué à l’érection du monument. D’autres discours ont été prononcés par MM. Hébert, doyen de la Faculté des sciences, Brouardel, doyen de la Faculté de médecine, et Bergeron, secrétaire perpétuel de l’Académie de médecine. Une dernière allocution a été prononcée par le président de la Société d’anthropologie.
- Les étoiles de mer utilisées comme engrais. —
- 11 y a longtemps, parait-il, que dans certaines localités on se sert des étoiles de mer comme engrais. Cette application n’est donc pas nouvelle, mais elle est peu connue. Sur beaucoup de points de la côte, en Hollande, cet engrais réussit parfaitement, surtout pour la culture des choux-fleurs ; trois ou quatre astéries par mètre carré suffisent; dans le Boulonais on l’a appliqué également avec succès à la culture des pommes de terre.
- Grosses pépites d’argent natif. — On a récemment découvert au Mexique, dans l’état de Michoacan, une soixantaine de pépites d’argent natif, dont quelques-unes présentaient des dimensions exceptionnelles. La plus grosse pesait 606 1/2 onces troy (18k%656) et les autres de 1 à 55 livres troy (0‘s,575 à 15ks). Ces pépites ont été trouvées dans une formation calcaire mélangée de liino-nite (sesquioxyde de fer hydraté).
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- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 15 février 1888. — Présidence de M. Janssejî.
- Mode de formation du nalron. — On sait que parmi les carbonates de soude, le natron se signale par sa composition qui admet quatre équivalents d’acide carbonique pour trois de soude. C’est lui qui se rencontre en efflorescences autour de certains lacs dont plusieurs sont fameux dans l’histoire. Berthollet pensait que ce sel naturel devait résulter d’une double décomposition entre le carbonate de chaux et le chlorure de sodium ou sel marin, et il n’est pas exagéré de dire qu’avant l’invention de Leblanc, des milliers de chimistes tentèrent en vain une synthèse dont le résultat eût été si profitable. Or, un de nos expérimentateurs les plus ingénieux, M. Paul de Montdésir, annonce aujourd’hui, par l’intermédiaire de M. Schlœsing, que Berthollet avait raisonné juste, omettant seulement de faire intervenir dans la réaction un troisième facteur qui est, d’ailleurs, aussi efficace qu’indispensable : le pouvoir absorbant de la terre végétale, à l’égard de certaines substances déposées dans le sol. L’auteur prend 1 kilogramme de terre végétale riche en humus, et l’agite avec 4 litres d’eau distillée renfermant 1 pour 100 de sel marin. Grâce au pouvoir absorbant, les 16/100 du chlorure de sodium cèdent leur soude à la terre, et il se fait du chlorure de calcium. On décante, on lave la terre, puis on la suspend dans 4 litres d’eau distillée où l’on fait passer un courant d’acide carbonique : il se fait du bicarbonate de chaux, et la soude se dissout. En évaporant, on détermine la cristallisation de 5 à 6 grammes de natron. M. Schlœsing met sur le bureau 100 grammes de sel qui résultent de vingt traitements successifs du même kilogramme de terre. Si le chlorure de potassium remplace le chlorure de sodium, c’est du bicarbonate de potasse que donne l’expérience; en opérant avec le sulfate de chaux au lieu de calcaire, on produit du sulfate de soude.
- Uannuaire géologique. — Au nom de M. le Dr Dagin-court, M. Hébert dépose sur le bureau le troisième volume de VAnnuaire géologique universel, relatif à l’année 1886. Fidèle aux promesses qu’il avait faites l’an dernier, l’auteur a tellement perfectionné son œuvre qu’on peut dire que dès maintenant l’Annuaire est l’expression exacte du mouvement géologique dans le monde entier, et le complément obligé de toute bibliothèque scientifique. Après une bibliographie complète, scrupuleusement exacte où les ouvrages sont classés d’après les pays qu’ils concernent, on trouvera une savante revue de géologie et de paléontologie, sous la double direction de MM. Carez et Douvillé. En parcourant les 1100 pages de cet ouvrage, on renoncera à se plaindre qu’il arrive quelque peu en retard : l’éditeur nous promet, dans le courant de la présente année, l’annuaire pour 1887.
- Nouveaux mammifères éocènes. — Un de nos plus infatigables paléontologistes, M. le Dr Lemoine, professeur à l’Ecole de médecine de Reims, signale l’existence de cinq nouveaux types de mammifères carnassiers qu’il a recueillis dans l’éocène inférieur des environs de Reims.
- Deux d’entre eux sont de taille assez considérable, car ils égalent presque sous ce rapport l’Arctocyon. Ils se rapprochent de certaines formes américaines décrites par M. Gope. L’intérêt de leur étude paraît surtout consister dans le commencement de dédoublement de la pointe antérieure des dents molaires, car on peut y saisir peut-être les premières traces du travail évolutif qui a mul-
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- LÀ NATURE.
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- tiplié les denticules sur les dents des inammit'ères carnassiers d’un âge plus récent.
- Le troisième type rémois se rapprocherait, mais toutefois avec des caractères différentiels, du genre Provi-versa. Quant aux deux dernières formes pour lesquelles M. Lemoine propose les noms de Tricuspiodon et de Pro-cynictis, elles présentent des affinités avec certains types étudiés par M. Owen dans le calcaire du Purbeck d’Angleterre. Ce serait donc là un nouvel anneau à ajouter dans l’enchaînement du monde animal, durant les diverses époques géologiques, anneau présentant cet intérêt tout spécial de relier les mammifères secondaires longtemps si discutés, par suite de leur étrangeté, aux mammifères tertiaires beaucoup plus faciles à comparer à nos types modernes. En même temps, l’auteur adresse un très intéressant discours d’ouverture qu’il a prononcé à la séance annuelle de l’Académie nationale de Reims, sous ce titre : Les êtres infiniment petits et infiniment anciens.
- Le robinet Bonnefond. — C’est d’une manière particulièrement bienveillante que M. le secrétaire perpétuel signale un appareil aussi simple qu’ingénieux imaginé par M. Bonnefond, pharmacien. C’est une cannelle qui permet de tirer les liquides des tonneaux sans ôter la bonde ou sans faire un trou de foret. Le conduit, en effet, qui doit permettre à Pair de prendre la place du liquide extrait et à la pression atmosphérique de s’exercer dans le tonneau, est percé dans la cannelle elle-même, parallèlement au gros canal d’écoulement. En tournant le robinet, on ouvre simultanément l’un et l’autre. Les applications de ce petit outil sont innombrables, car outre la commodité qu’il procure pour tirer des boissons en vidange, il donne toute sécurité dans le transvasement des liquides volatils ou inflammables : on peut lui prédire un grand succès.
- L’Année scientifique et industrielle.— M. Bouquet de la tïrye fait hommage au nom de l’auteur du trente et unième volume de l’Année scientifique et indîtstrielle de M. Louis Figuier. L’éloge de cette monumentale publication n’est plus à faire. C’est l’exposé impartial et complet de l’état des sciences pures et appliquées et le bilan de tous les événements scientifiques. La classification rationnelle des matières en fait un guide de consultation des plus faciles, et le charme du style, un livre de lecture courante.
- Histoire de la science. — M. Alfred Arago a trouvé dans ses cartons une série de papiers provenant de son père, et qui appartiennent à l’Académie des sciences. Plusieurs ont un intérêt historique considérable. Tels sont : un rapport autographe de Poisson, sur le mémoire de Coriolis concernant les mouvements relatifs ; un mémoire autographe de llaüy sur la double réfraction du spath calcaire ; et des notes laissées dans sa prison par le président Bochard de Saron au moment d’aller à l’échafaud; ce sont des calculs pour déterminer l’orbite d’une comète. On sait que Bochard de Saron fit les frais d’impression du premier ouvrage de Laplace sur le mouvement elliptique des planètes.
- Varia. — La théorie de l’élasticité des corps solides occupe M. Ainagat qui donne des vérifications expérimentales des formules de Lamé sur la diminution de volume et la compression des sphères creuses. — Un parasite du cow-pox est, suivant M. Pourquet (de Montpellier), la cause de la dégénérescence vaccinale constatée dans plusieurs circonstances. — D’après M. Gibier, le virus de la fièvre jaune décrit par MM. Domingos Freire et Rebourgeon n’aurait pas une existence réelle. — M. Berthelot a re-
- trouvé dans d’anciens écrits alchimiques des recettes pour rendre phosphorescents des pierres précieuses, des statuettes et d’autres objets. — La théorie atomique occupe Mme Clémence Royer. — M. J. Bertrand étudie la détermination de la précision d’un système de mesure. — Un gisement quaternaire a été découvert à Yitrv en Artois par M. Labruyère. — Le mode de multiplication de la Pinguicule, ou grassette, est décrit par M. Hovelacque.
- Stanislas Meunier.
- RÉCRÉATIONS SCIENTIFIQUES
- PERSONNAGES EN RACINES DE MANDRAGORE ET EN CEPS DE VIGNE
- L’imagination populaire s’est de tout temps exercée à créer des rapprochements entre des formes humaines et certaines espèces végétales, et si, par un temps d’orage, quelques personnes ne s’approchent qu’en tremblant des vieux arbres de nos forêts, ce n est pas seulement à cause des plaintes qu’ils exhalent lorsqu’ils sont frappés par le vent, mais surtout a cause de leur ressemblance plus ou moins grande avec des hommes gigantesques agitant convulsivement leurs membres sous le eboe de la tempête. Les poètes et les artistes ont contribué à vulgariser ces analogies, et les dessins fantastiques de Gustave Doré et de Granville, pour ne citer que des contemporains, nous montrent des arbres possédant des figures humaines d’une expression frappante. Les rugosités de l’écorce, les nœuds et autres irrégularités représentent le masque du visage, le feuillage et la mousse constituent la luxuriante chevelure et la barbe touffue; les jambes sont représentées par les racines sortant du sol, et les bras anguleux sont figurés par deux branches. Dans certains pays, c’est au moyen de la culture et de la taille savamment combinées que l’on obtient des arbres affectant des formes d’animaux. Tels sont les arbres verts des jardins japonais et chinois, taillés en forme d’oiseaux, d’éléphants, de chiens, etc., etc., d’un goût plus ou moins douteux. Nous avons tous vu des objets usuels, tels que des têtes de pipes en bois, des cannes, etc., avant la forme d’animaux ou de têtes humaines naturellement façonnées par certaines bizarreries de croissance du végétal d’où ils ont été extraits. Dans les pays chauds, les branches d’arbres entourées de lianes fournissent ainsi des cannes fort curieuses, autour desquelles la liane forme un serpent entourant le bâton de ses replis tortueux. Quelques entailles au couteau suffisent pour façonner la tête du reptile, et des brûlures au 1er rouge, habilement disposées, viennent en ligurer les écailles.
- Mais parmi les spécimens de ces ressemblances d’aspect entre des animaux et des végétaux, l’un des plus curieux est la mandragore (Atropa mandra-gora), surnommée l’arbre à face d'homme et dont les racines velues, parfois bifurquées, l’ont fait comparer dès les temps les plus anciens à un corps humain. D’après le Magasin pittoresque auquel nous emprunterons ici quelques documents qu’il a publiés
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- jadis à ce sujet, Pythagore l’appelait anthropomor-phon (à forme humaine), et Columelle le surnommait semi-homo (demi-homme). Cette plante, narcotique des plus dangereux, entrait dans la composition des philtres des sorciers, et était l’ohjet au moyen âge des superstitions les plus absurdes. « Le petit homme planté » poussait, quand on l’arrachait, d'horrihles gémissements. Boaisteau, dans son curieux ouvrage publié en 1571 , nous parle aussi de cette plante curieuse : Je vey dernièrement à la foire de Saint-Germain en ceste ville de Paris une racine de Mandragore, qu'un sophis t iqueur avait contrefaite par art, qui avoit certaines racines, si bien entassées l'une dedans l'autre quelle représentait proprement la forme d'un homme, et asseu-roit ce donneur de bons jours que c'etoit la vraie Mandragore, et demandoit 20 écus de celte racine1 » (hg. 1).
- Sans aller chercher la mandragore dans les contrées où elle croît à l’abri des rayons du soleil, nous avons sous la main un végétal dont les formes tourmentées nous permettront d’y reconnaître des personnages humains; ce végétal n’est autre que la vigne.
- Nous avons eu occasion de rencontrer a Plombières l’artiste qui se livrait à la fabrication de personnages en ceps de vigne; à l’aide de procédés de taille et de culture dont il ne nous a pas donné le secret, il dirigeait la croissance de la vigne au gré
- 1 Histoires prodigieuses de Boaisteau, surnommé Launay, natif de Bretaigne. Paris, 1571.
- Fig. 1. — La mandragore. — IV 1. ltaciue de la plante. — N°2. Bonhomme confectionné avec une racine de mandragore.
- Fig. 2. — Bonshommes en ceps de vigne.
- de ses désirs, et, dans les ceps qui nous sembleraient bons à être jetés au feu, il entrevoyait tout un petit monde d’artisans, de bourgeois, etc., qu’il mettait au jour à l’aide de quelques légères modifications
- laites au couteau et portant spécialement sur la figure et les mains. Le corps était constitué par un rameau très épais; les bras et les jambes par des sarments habilement dirigés pendant leur croissance, et c’est la tète en bas que nos lecteurs doivent se figurer les petits personnages avant qu’ils n’aient été détachés du pied de vigne sur lequel ils poussent. Nous avons eu la bonne fortune de retrouver à Paris une partie de cette intéressante collection, entre les mains d’un abonné de La Nature, M. Bourgeon Ridiez, qui a bien voulu autoriser ce journal à en reproduire quelques spécimens. Le trio que nous reproduisons (lîg.2) fera apprécier le degré d’observation avec lequel les petits bonshommes ont été composés. Le violoniste, levant vers le ciel un front inspiré, les joueurs de flûte et de clarinette, d’attitude plus humble, nous donnent un curieux échantillon de la fabrication des personnages en cepsdevigne.il serait intéressant de connaître plus a fond les procédés employés pour les obtenir, et nous serions reconnaissant à ceux de nos lecteurs, mieux renseignés que nous à ce sujet, qui voudraient bien nous les communiquer. Arthur Good.
- Le propriétaire-gérant : G. Tissandier. Imprimerie A. Lahure, 9, rue de Fleurus, à Paris.
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- chelieu. Depuis l’année dernière le département des Manuscrits a pu enfin prendre possession de la grande et belle salle du premier étage sur cette même cour; nous reproduisons ci-dessous une vue d’ensemble de cette galerie, qui a formé pendant des siècles la salle de travail des Imprimés, et qui était occupée encore, en 1881, par la Salle publique de lecture provisoirement établie rue Colbert.
- Pour leurs collections, les Manuscrits ne disposent encore que de locaux tout à fait insuffisants; une très petite partie a été placée dans la Salle même de travail, le reste dans les immenses combles en fer qui la surmontent et dans une partie des combles
- LE DÉPARTEMENT DES MANUSCRITS
- A I.A BIBLIOTHÈQUE NATIONALE
- Malgré l'insuffisance des ressources mises à la disposition de la Bibliothèque nationale pour l’extension de ses services et l’installation définitive de ses riches collections, l’administration de notre erand établissement scientifique arrive peu à peu à y réaliser de notables améliorations.
- Dans quelques semaines le département des Imprimés pourra profiter de l’entrée monumentale ouverte sur la grande cour d’honneur de la rue Ri-
- JNoirvelle salle du département des Manuscrits à la Bibliothèque nationale, à Paris.
- situés au-dessus de la Salle publique de la rue Colbert. Il faut des monte-charges pour monter et descendre les volumes qui sont dans les combles.
- Les collections du département comprennent de Do 000 a 100 000 volumes, répartis en fonds.
- Ces fonds ou sections comportent en général les manuscrits écrits dans une même langue, comme on va le voir par l’énumération de ces divisions.
- Voici, par exemple, les fonds orientaux, comptant plus de 19 000 volumes. Ils sont fort nombreux. On y trouve le fonds hébreu, le fonds samaritain, les fonds syriaque, sabéen, éthiopien, copte, arménien, géorgien, arabe, persan, turc, hindostani, berbère, sanscrit, indien, tamoul, telinga, canara, pâli, cambodgien, siamois, birman, singhalais, tibétain, malais 16e année. — 1er semestre.
- et javanais, madécasse, chinois, batta, enfin les papyrus égyptiens.
- Viennent ensuite les mélanges, comprenant d’abord les papiers de divers orientalistes : Anquetil du Perron, Ariel, Burnouf, Champollion et autres égyptologues, Fourmont, Silvestre de Sacy.
- Le tout occupe environ 800 mètres de rayons.
- Puis viennent des traductions de divers ouvrages orientaux, des livres imprimés en Orient, enfin les archives d’une commune de Corée, collection curieuse, rapportée il y a environ vingt-cinq ans par l’amiral Rose.
- Le fonds grec, 4700 volumes, est divisé en ancien fonds, fonds Coislin et Supplément.
- Le fonds latin, v compris les nouvelles acquisi-
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- lions, compte de ‘20 000 k ‘22 000 volumes, le l'omis français, avec scs nouvelles acquisitions, se compose d’environ oO 000 volumes.
- Les fonds en diverses langues modernes, soit k pou près 7) 000 volumes, sont : fonds italien, espagnol, portugais, allemand, néerlandais, anglais, Scandinave, celte et basque, slave, valaque, albanais, fonds de divers dialectes alrieains, américains, mexicains, polynésiens.
- D'importantes collections spéciales renfermant des manuscrits en différentes langues, par exemple les collections sur l’histoire de diverses provinces, a 000 volumes à peu près : Bourgogne, Champagne, Flandre ; Languedoc, Doat, Lorraine, Périgord : Picardie ; Touraine, Maine et Anjou : papiers de D. llousseau et autres; Yexin : recueil formé par le président Lévrier; Franche-Comté.
- D’autres collections diverses (formant plus de
- 10 000 volumes) sont bien connues des érudits sous les noms suivants: Baluze, Bréquigny, Brienne, Clairambault, Colbert, De Camps, Duchesne, Dupuy, Fontanieu, Joly de Fleury, Lancelot, Moreau, Parlement, Picot, Renaudot, Sérilly, Yisconti.
- Le Cabinet des titres, contenant de précieux documents généalogiques, fréquemment consultés par les familles, est classé dans un millier de cartons; on y ajoute plusieurs séries composées de recueils généalogiques de pièces originales, des carrés de d’ilozier, des papiers de Chérin, etc.
- En tout, les collections du département des Manuscrits occupent près de 5 ‘200 mètres de ravons, et sont disséminées en des locaux souvent assez éloignés de la salle de travail, ce qui rend parfois difficile le service de la communication aux hommes d’étude. Ceux-ci ont à leur disposition, dans la salle de travail, 75 places.
- Les tables, dont chacune coûte, dit-on, 1700 francs, sont en acajou noirci pour la tablette, merveilleusement sculptées dans le style des délicieuses consoles et des splendides panneaux de chêne entourant la salle. Les consoles soutiennent un balcon en fer forgé à hauteur d’étage, auquel on accède par deux élégants escaliers en chêne sculpté, dessinés par M. Pascal, et disposés dans les angles, en diagonale, à chaque extrémité de la salle.
- Tous les détails de cette restauration délieate, car
- 11 a fallu reprendre en sous-œuvre toute la galerie, ont été soignés avec un art minutieux qui fait le plus grand honneur, aux yeux des connaisseurs, au talent et au goût de Déminent architecte. Les ferrures, la serrurerie, les tambours de menuiserie et glaces qui ferment les deux bouts de la galerie, la porte d’entrée sur le vestibule du premier étage, avec sa grille d’un dessin solide et sévère, représentant les flambeaux de l'érudition, tout indique la valeur de l’œuvre que saurait édifier M. Pascal, le jour où l’on se déciderait à exécuter les constructions en projet sur les terrains expropriés depuis sept ou huit ans, rue Yivienne.
- La salle des Manuscrits est éclairée par onze
- grandes fenêtres sur la grande cour, par où entre un beau jour Iranc et net; le soleil n’y donne d’une façon un peu gênante que l’été, dans l’après-midi ; on le combat à l’aide de stores, bien entendu. Entre les fenêtres ont été disposées une demi-douzaine de toiles de Natoire, provenant de l’ancien cabinet des Médailles, jadis rue Colbert, et représentant les Muses. 11 en manque encore quelques-unes qui ne tarderont pas à être mises en place.
- Les tables sont rangées perpendiculairement aur fenêtres, pour que la lumière vienne de coté, et reçoivent deux rangées de lecteurs, se faisant lace, installés dans de confortables fauteuils. A chaque place, un encrier inversable. Il faudrait y mettre vraiment de la méchanceté pour renouveler l’accident de Paul-Louis Courier, lorsqu’il macula si malheureusement le manuscrit de Longus, Dapfinis et Chloé.
- De novembre k mai, le département reçoit plus de cent lecteurs par jour, ce qui correspond k une communication quotidienne de 160 k 200 manuscrits. C’est en juillet que le nombre des travailleurs est le plus faible. En août arrivent les professeurs de province qui profitent des vacances pour poursuivre k la bibliothèque, qui ne ferme jamais, leurs recherches d’érudition.
- Les hommes d’étude rencontrent là, il faut le dire, toutes les ressources et toutes les commodités désirables. D’abord, un personnel choisi et savant, sous la direction du conservateur, M. Deprez, dont l’iné- * puisable obligeance et la science sûre sont largement mises a contribution par les habitués. Puis, tout autour de la salle, sur des rayons jusqu’à la hauteur de 2 mètres, tous les instruments de recherches, tout l’outillage de l’érudition en livres imprimés et manuscrits, catalogues, bibliographies, répertoires, dictionnaires, mis a la libre disposition de tous.
- Le règlement y est aussi libéral que le comporte la nécessité de veiller à la conservation de matériaux scientifiques tels que les manuscrits, souvent uniques et impossibles k remplacer.
- La salle du travail du département des Manuscrits est ouverte tous les jours, excepté les dimanches et fêtes, depuis 10 heures jusqu’à 4 heures. Les dernières communications doivent être demandées avant 5 heures.
- Les travailleurs doivent naturellement se conformer aux règles prescrites, tant pour l’ordre et la police du département où ils sont admis, que pour la bonne conservation des objets qui leur sont confiés. Ils ne doivent ni se promener, ni causer, ni rien faire qui puisse troubler l’ordre.
- Les bibliographies et les catalogues devant constamment rester k la disposition de tous, il est interdit aux travailleurs de les emporter k leur place.
- Les travailleurs ne doivent pas placer le papier sur lequel ils écrivent ou dessinent sur les manuscrits, le livre ou le portefeuille qui leur est communiqué. Le calque des miniatures est interdit.
- A moins d’autorisation spéciale du conservateur,
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- LÀ NATURE.
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- le nombre des volumes communiqués pendant une séance ne peut dépasser dix ; on avouera que c’est encore une belle marge. Il n’en peut être demandé plus de trois a la ibis, a moins qu’il ne s’agisse de volumes consécutifs d’une même collection.
- Les manuscrits de la Réserve, c’est-à-dire ceux qui sont exceptionnellement précieux, ne peuvent être communiqués qu'après l’autorisation de l’administrateur général. Pour les manuscrits dont la conservation demande des précautions spéciales et dont la liste a été arrêtée par décision ministérielle, l’autorisation ne peut être accordée qu’après avis du comité consultatif.
- Tel est, dans une revue rapide, ce département des Manuscrits, un des plus riches du monde, une des gloires de notre pays. Souhaitons-lui d’être mis un jour en possession des galeries qui lui manquent encore pour l’installation pratique de ses services, et qui doivent lui être réservées dans les bâtiments à élever sur les terrains depuis si longtemps disponibles le long de la rue Yivienne.
- Chaules Letort.
- LE FAC-SIMILÉ
- D’UN TREMBLEMENT DE TERRE
- Le professeur Sekiya, de l’université de Tokio, vient de donner au monde savant un objet nouveau permettant de se faire une idée exacte de toutes les phases des tremblements de terre.
- On sait que le professeur Ewing a imaginé un sismographe fort ingénieux dont nous avons donné une description complète et qui permet de tracer individuellement les trois composantes de la trajectoire de chaque molécule de terre. A l’aide de ces projections, on peut reconstruire points par points la courbe de l’espace, et réaliser cette construction à une échelle quelconque.
- Le modèle, que nous représentons en vraie grandeur, est en fil de cuivre, il donne la trajectoire du tremblement de terre observé au Japon le 15 janvier 1887. On obtient, comme on le voit, un enroulement de la forme la plus bizarre, le fil qui reproduit le mouvement d’un point du sol, pendant le tremblement de terre est replié un nombre considérable de fois sur lui-même. Afin de suivre le phénomène qui n’a pas duré moins de soixante-douze secondes, M. Sekiya a collé de petites étiquettes allant depuis 1 jusqu’à 72 et indiquant la progression de la vague ondulatrice.
- Des modèles analogues à celui que nous représentons, sont mis en vente par MM. Seringha et G0, à Tokio. Ces constructeurs ont publié une annonce spéciale dans les journaux du Japon. Il faut espérer que nous verrons figurer les spécimens de leur art nouveau, à l’Exposition universelle de 1889, où ils sont certainement appelés à attirer l’attention publique.
- Nous ferons remarquer encore une fois, comme nous l’avons fait lorsque nous avons décrit tes ingé-
- nieux appareils du professeur Ewing, que l’amplitude absolue des mouvements imprimés aux molécules du sol, par des commotions considérées comme très violentes, est presque toujours très faible; rien n’est donc plus facile de se rendre compte du succès que les Japonais ont obtenu en adoptant, dans les districts fréquemment perturbés, des constructions légères, se prêtant à des ondulations du sol, et surtout orientées d’une façon convenable. C’est avec des précautions de cette nature que l’on arrivera à atténuer, dans une proportion considérable, le dan-
- Modèle d’un tremblement de terre. Enroulement d'un iil de cuivre figurant le mouvement, amplifié 50 fois, d’un point du sol pendant le tremblement de terre du 15 janvier 1887 au Japon.
- ger dans les régions où des centres de convulsions viendraient à se manifester.
- Notre confrère anglais Nature, auquel nous empruntons les intéressants documents que l’on vient de lire, félicite le professeur Sekiya de sa patience et de son habileté. Ces félicitations sont assurément justifiées par l’intérêt du travail que l’on doit au savant japonais. Les modèles de ce géologue, montrent l’extraordinaire complexité des mouvements sismiques et ils font voir en outre avec quelle précision on sait enregistrer aujourd’hui le phénomène des tremblements de terre.
- LA PHOTOGRAPHIE PRATIQUE
- LE DALANCE-CUVETTE DE DÉ VELORl’EJIEXT
- Dans un article précédent1, nous avons parlé de l’organisation du laboratoire et décrit un meuble à développer, appareil qui peut être utile aux personnes qui veulent faire de la photographie et ne peuvent disposer d’une pièce spéciale pour une installation permanente. Un des avantages de ce meuble est de permettre le balancement des cuvettes pendant l’opération du développement. L’utilité de ce balancement n’est pas à discuter, croyons-nous : en effet, s’il y a sur la surface de la glace quelque grain de poussière, quelque bulle d’air2, l’agitation du liquide enlève l’un et l’autre et évite la production de taches; il est, de plus, admis que le développement s’opère mieux si la glace n’est pas
- 1 Voy. n° 745, du 10 septembre 1887, p. 228.
- 2 Ce phénomène se produit lorsqu'on ne prend pas la précaution, dans les premiers instants de l'immersion do la glace, de remuer suffisamment le liquide. Les bulles restent adhérentes après la couche et empêchent tout contact avec le liquide révélateur. On aura donc à cet endroit une tache transparente for-
- , niant en quelque sorte un véritable trou dans le cliché.
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- toujours en contact avec la même couche du liquide révélateur, ce qui arrive naturellement si la cuvette est immobile.
- Le balance-cuvette tend donc à s’imposer dans la pratique journalière et l’on en connaît déjà de nombreux modèles. Dans les uns, l’oscillation de la planchette qui supporte la cuvette est obtenue soit pur l’eau, soit par l’électricité, soit encore par un mouvement d’horlogerie ; dans les autres, c’est l’opérateur qui se charge de ce soin.
- Les premiers appareils, d’un prix élevé et surtout d’un entretien coûteux (exception cependant est faite pour le mouvement d'horlogerie), sont peu répandus; les seconds le sont plus aujourd’hui. Lorsqu’il s’agit, en effet, de développer un cliché avec les révélateurs actuels,l’opération ne dure que quelques minutes, l’opérateur ne quitte pas des yeux son cliché et dans ces conditions rien ne lui est plus facile que d’entretenir le mouvement de son appareil.
- Mais il est d’autres révélateurs dont l’action est beaucoup moins rapide ; dans ce cas, l’amateur aura avantage indubitablement à employer un des appareils dont nous avons parlé plus haut et qui ne nécessiteront pas sa présence.
- Les révélateurs auxquels nous faisons allusion sont encore à l’étude, ils prendront très probablement une place importante en photographie, mais la sanction du temps leur manque.
- Aussi jusqu’à nouvel ordre considérons-nous le balance-cuvette à main comme le plus simple et le plus pratique.
- Un des mieux compris est dù à M. Ch. Dessou-deix et, grâce à sa simplicité, tout amateur un peu industrieux pourra le faire lui-même. Il se compose de deux tubes de cuivre soudés en croix. Cet assemblage est destiné à porter les cuvettes et remplace, avec avantage, comme nous allons le voir, la planchette des appareils similaires. Le plus grand tube est monté sur deux couteaux analogues à ceux des balances, et porte à une de ses extrémités une tige de métal à l’extrémité de laquelle est fixé un fort contrepoids. La figure montre le balance-cuvette en question placé sur une cuve en plomb. La tige qui porte le contrepoids est recourbée de façon à ne pas gêner l’opérateur. Pour mettre l’appareil en
- mouvement, il suffit de lui donner une légère impulsion avec la main ; lorsque les oscillations deviennent trop lentes, un nouvel élan entretient le mouvement. Il est bon de recouvrir les tubes de cuivre d’une enveloppe de caoutchouc (les tubes à gaz sont très commodes) de manière à ce que la cuvette ne puisse glisser.
- L’idée de remplacer la planchette par une croix est très ingénieuse, car elle permet d’éviter, d'une manière complète, ces fameuses taches qui effrayent tant de personnes et les empêchent de se livrer aux plaisirs de la photographie. Il est certain, en effet, qu’avec la manière de l'aire aujourd’hui employée, ces taches sont presque inévitables.
- Si l’on développe dans une cuvette opaque, soit en porcelaine , soit en carton durci, il faut, pour examiner le cliché, le prendre avec les doigts : ici, nul moyen d’éviter l’accident. Avec des cuvettes transparentes en verre, il sera possible de ne plus toucher le cliché, car il suffira de verser le liquide révélateur dans un verre à expériences et de soulever la cuvette de façon à la mettre vis-à-vis de la lumière; la glace tenant suffisamment par adhérence, il sera alors possible de juger de la venue de l’image. Mais on n’évite pas encore de cette manière la possibilité des taches ; en versant le liquide par un des angles soit pour faire l’examen dont nous venons de parler, soit pour ajouter un produit quelconque, acide pyrogallique, bromure de potassium ou carbonate de soude, opération que l’on doit toujours faire dans le verre et non dans la cuvette, une certaine quantité du bain glisse le long des parois. Si la cuvette repose soit sur une table, soit sur une planchette de balance-cuvette, l’une ou l’autre s’imbiberont de liquide, et chaque fois que l’on voudra la prendre, on risquera de se tacher.
- Avec l’appareil de M. Dessoudeix, la cuvette ne reposant que sur quatre parties très étroites et cylindriques, le liquide ne peut y séjourner. Les angles de la cuvette sont donc toujours à sec, sauf celui par lequel on verse le liquide. Ce perfectionnement nous paraît devoir être signalé et nous sommes persuadés que les amateurs sauront l’apprécier.
- — A suivre. — ALBERT LoNDE.
- Balance-cuvette pour le développement des clichés.
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- LE GRAND PONT DE FORTH
- EN ÉCOSSE
- Dans un numéro précédent1, nous avons donné quelques détails sur les procédés d’exécution du grand pont du lirth de Fortli et l’état d’avancement des travaux.
- Le pont de Forth et la Tour Eiffel au Champ-dc-Mars forment actuellement, comme le remarque M. de Nansouty dans le Génie civil, les deux plus grands chantiers de construction métallique du monde, et ils attirent juste-ment l’attention
- des ingénieurs et
- meme, on peut Fig. 1.
- le dire, des hommes de toutes les professions dans le monde entier, car il est intéressant d’y voir le génie civil, l’art de l’ingénieur, aux prises avec des difficultés et des tours de force qui auraient paru absolument irréalisables, il y a peu d’années encore. U y a donc un certain intérêt à y revenir pour suivre l’exécution des travaux, et faire ressortir, dans les deux modes d’exécution des travaux suivis dans les chantiers, certaines différences caractéristiques.
- La figure 1 donne la vue d’ensemble et montre l’état actuel d’avancement des
- travaux; on y voit s’élever les trois grandes tours qui doivent supporter les deux travées du pont de chacune 521 mètres de long. Ces tours s’élèvent sans échafaudage proprement dit, la partie déjà construite
- 1 Voy. n° 759, ciu 50 juillet 1887, p. 155.
- servant toujours de plate-forme pour monter plus haut ainsi que nous l’avons expliqué précédemment, et les travées elles-mêmes seront aussi bâties sans aucun échafaudage, la profondeur de la mer ne permettant pas, d’ailleurs, d’en installer dans 1 in-' tervalle des piliers; elles seront lancées a partir de
- chaque tour comme point d’appui, en ayant soin de les maintenir toujours en équilibre de chaque côté de la tour jusqu’au moment de la rencontre au milieu de l’immense travée.
- La figure 2 est un diagramme des plus intéressants montrant comment sera réalisé l’équilibre statique du pont, c’est l’image sensible de la comparaison faite par Baker et dont nous avons parlé également. Chacune des grandes travées constitue un balancier équi-
- État des travaux du grand pont de Forth, à la fin de 1887.
- M.
- libré et les deux tours
- qui
- Diagramme expliquant l’équilibre statique dupont.
- a supportent, traversées ' parle tablier vers le milieu de leur hauteur, soutiennent celui-ci par des arcs de compression à la partie inférieure et par des tirants travai liant par traction qui sont rattachés au sommet. Ces tours se trouvent figurées dans le diagramme par les deux hommes assis qui, en étendant les bras et s’appuyant sur deux cannes inclinées supportent le siège horizontal d’un troi-Les réactions des
- sième figurant ainsi le tablier, travées voisines sont figurées par les poids suspendus qui mettent tout l’ensemble en tension.
- Nous avons mentionné dans l’article précédent l’emploi des presses hydrauliques qui assurent l’élévation continue à mesure de l’avancement des Ira-
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- LA NATUKE.
- vaux des plates-formes sur lesquelles se tiennent les ouvriers, les mêmes presses hydrauliques servent aussi à actionner les machines à percer, et toutes les riveuses qui servent à fixer les éléments de ce gigantesque ensemble. Le travail se poursuit ainsi pour ainsi dire en silence, sans aucune de ces manœuvres ou de ces opérations bravantes qui ont paru jusqu’à présent caractéristiques des construc- , lions métalliques, et ce n’est pas là un des traits les moins curieux des transformations réalisées par l'application des machines hydrauliques à l’exécution des grands travaux, et à l’assemblage des pièces métalliques.
- En ce qui concerne le montage proprement dit, les méthodes suivies sur le grand chantier anglais, imitées elles-mêmes, sans doute, des allures audacieuses des constructeurs du nouveau monde, présentent, avec les procédés adoptés à la Tour du Champ-de-Mars, des différences caractéristiques qu’il est intéressant de signaler, car elles tiennent en quelque sorte au génie des deux races.
- Au Champ-de-Mars, les pièces arrivent toutes numérotées, absolument finies et percées, n’ayant plus aucune retouche à subir, prêtes à être posées en un mot; le chef monteur qui dirige le travail n’a qu’à les river à leur position définitive; tous les trous d’assemblage doivent se correspondre, et s’il ne parvient pas à établir la coïncidence, il doit retourner les pièces à l’atelier sans chercher à les corriger. C’est que tout le travail d’étude qu’exige l’assemblage de masses nombreuses aussi considérables et de formes aussi variées, a été fait, comme nous l’avons dit précédemmenti, dans les bureaux en dehors des chantiers ; chaque pièce a fait l’objet d’une épure précise fixant les dimensions à lui donner, l’emplacement des trous à percer, etc., et l’atelier de montage n’a plus qu’à constater la bonne exécution des pièces par rapport aux dessins; l’assemblage doit réussir à moins d’une erreur dans les épures et les calculs. Ajoutons, en effet, que toutes les dimensions et les cotes sont calculées par logarithmes avec la plus grande précision possible, ces cotes sont poursuivies jusqu’au 1/10 de millimètre, et comme elles se contrôlent mutuellement, on comprend qu’une erreur serait découverte avant la mise à exécution.
- Tout autre est la méthode suivie au pont de Forth. Le travail d’adaptation définitive des pièces est fait en quelque sorte sur place au moment du montage, les cotes sont déterminées sans calcul et quelquefois même sans chiffre précis et seulement par la longueur des traits de l’épure; le chantier reçoit les pièces incomplètement finies qu’il est obligé de présenter sur place, et souvent même de percer, d’ajuster à nouveau pour assurer l’assemblage. Les monteurs sont donc obligés de vérifier continuellement les dimensions, de reprendre et rectifier les cotes, de manier continuellement les
- 1 Yov. n° 7C8. ilu 18 lévrier 1888. p. 187».
- épures, d’interpréter dessins pour ainsi dire et d’exécuter ainsi un travail d’études qui leur est enlevé systématiquement au chantier du Champ de Mars.
- Il est difficile de porter un jugement absolu sur ces deux méthodes qui ont chacune leurs avantages; cependant, on ne peut s’empêcher de remarquer que la méthode française, plus dispendieuse peut-être, a le grand mérite de ne rien laisser à l’imprévu, d’assurer le fini et la perfection du travail dans des conditions bien plus satisfaisantes, et peut-être même aussi dans une certaine mesure, pourrait-on dire, la sécurité de l’ouvrage, car il est bien difficile de s’assurer que tous ces assemblages improvisés sur place sont exécutés avec toutes les conditions de garantie désirables ; et en tous cas, des dessins incomplets qui laissent une si large part à l’improvisation, ne permettent jamais de discuter plus tard les conditions d’exécution d’une manière suffisamment éclairée.
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- LA. STATISTIQUE DU JAPON
- M. Maurice Block a donné, dans une des dernières séances de l’Académie des sciences morales et politiques, une analyse de la statistique de l’empire Japonais, que vient de publier M. Ishibashi, chef de bureau de ce service au cabinet impérial.
- C’est le premier ouvrage de ce genre qui ait paru au Japon ; il renferme les renseignements les plus complets sur un grand nombre d’objets différents ; il est rédigé dans la langue du Japon et accompagné d’une traduction française. C’est une nouvelle preuve de l’esprit de progrès dont le Japon est animé.
- Nous empruntons quelques curieux renseignements au travail de M. S. Mvibashi, Le Japon a une population de 58 millions d’habitants. Il est divisé en 85 provinces, compte 12000 villes et 59000 villages. 5 villes ont plus de 100000 habitants; Tokio, la capitale, en renferme 903000, et Osaka, la seconde ville de l’empire, 554000. On compte au Japon 142 banques publiques ou d’émission, avec 127 succursales, ayant ensemble un capital de 260 millions et mettant en circulation pour 155 millions de billets. Il y a plus de 214 banques privées avec un capital d’environ 100 millions de francs,, et 741 autres sociétés de crédit avec 76 millions de capital. Ajoutons enfin 1523 sociétés industrielles et commerciales, au capital de plus de 200 millions de francs. Le Japon a en outre des caisses d’épargne, des sociétés d’assurances, des hôpitaux, des télégraphes, des chemins de fer, etc. L’agriculture est dans un état florissant. L’instruction publique est fort développée ; on compte plus de 100000 maîtres d’école et 2 328418 élèves, dont la moitié sont des jeunes filles. En 1885, il a été publié plus de 1100 livres de différents genres; il y avait 109 journaux, avec une circulation de 54466410 numéros, et 53 revues, avec une circulation de 5544027.
- On sait que les fabrications industrielles de toutes sortes prennent un grand développement au Japon, et qu’elles suivent le progrès scientifique dans ce beau pays. Parmi les services récents organisés au Japon, nous citerons le service météorologique qui ne le cède en rien à ceux des nations européennes.
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- LA NATIJÜE.
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- LA TORTUE MONSTRE
- DE PERPIGNAN
- 11 faut multiplier par 12 les dimensions du beau dessin que nous offrons à nos lecteurs (p. 200) pour se figurer la monstrueuse grosseur de la tortue qui vient d'enrichir les collections paléontologiques du Muséum d’histoire naturelle. M. le professeur Albert Gaudry a bien voulu me présenter lui-meme à ce vénérable représentant des reptiles disparus et je ne saurais dire combien, sous de pareils auspices, j’ai été heureux de faire une semblable connaissance. A vrai dire, la tortue de Perpignan n’est pas actuellement aussi satisfaisante à voir que le dessin de M. Formant, cependant si exact comme tous ceux du même artiste, pourrait le foire croire; car ses diverses parties sont disséminées sur les tables du Laboratoire où M. Stahl, avec son habileté devenue proverbiale, achève de les débarrasser de leur gangue naturelle pour les fixer ensuite dans leurs rapports anatomiques mutuels. Mais dans peu de temps, la galerie de paléontologie recevra le squelette tout monté et sauf la situation, peut-être verticale et non horizontale, le dessin en reproduira l’aspect d’une manière complète.
- Des travaux récemment entrepris par le génie militaire ont donné lieu a la découverte du fossile qui nous occupe : il fut trouvé lors de l’établissement des fondations du fort du Serrât à Perpignan et son extraction ne fut pas chose aisée malgré les facilités accordées a cet égard par les officiers du génie.
- Les ossements étaient engagés dans une roche argilo-ealcaire très cohérente et très dure ; la tête, les membres et la queue, rentrés dans la boîte osseuse au moment de la mort de l’animal, étaient emballés dans la pierre; il a fallu, pour parvenir à les mettre à nu, se livrer à un travail de véritable sculpture. M. Stahl me montrait, avec un bien légitime orgueil, les os du bassin qu’il venait d’extraire ainsi au fond de la carapace et qui sont en parfait état de conservation.
- C’est au zèle infatigable de M.le I)r Albert Donnezan, président de la Société des sciences des Pyrénées-Orientales, que l’on est redevable de la conservation du colossal fossile; et l’on peut dire que ce distingué praticien, se révélant comme paléontologiste habile, a accompli des prodiges pour arriver a ce but. Le travail d’extraction dont nous avons parlé avait dù fatalement réduire la tortue en un nombre considérable de fragments ; avec quelle colle les ressouder? M. Donnezan s’inspira des procédés en usage chez les raccommodeurs de porcelaine et il ne craignit pas de se mettre à l’école d’un de ces industriels. Bientôt, dépassant son maître dont les plus grandes restaurations n’avaient eu vraisemblablement que des dimensions bien plus modestes, il fit foire pour le raccommodage homérique qu’il avait en vue, un millier d’agrafes de fer de dix cen-
- timètres de longueur et procéda, avec le poinçon, au percement des deux mille trous nécessaires pour les recevoir! Du reste, n’ayant aucun moment à lui dans la journée, puisque ses fonctions à la Société médicale donnaient barre sur lui à tous les habitants de Perpignan et lieux voisins, le docteur dut prendre sur ses nuits pour mener à bien ce gigantesque travail supplémentaire : huit mois y passèrent tout entiers. Aux agrales furent ajoutés quelques cercles de fer et l’auteur jugea enfin que son œuvre était bon, ce qui, dans la générosité de ses sentiments, signifiait surtout qu’elle était digne d’être olferte au Muséum.
- Tout naturellement le devoir et l’honneur d’aller recevoir le précieux cadeau et d’en assurer l’arrivée à Paris revenaient à mon très distingué collègue M. le I)r P. Fischer. 11 s’adjoignit M. Stahl, l’emballage devant être affaire d’artiste en même temps que de savant, et il ramena la tortue à bon port, c’est-à-dire au Laboratoire de la rue de Bnflon : résultat dont on doit lui avoir un gré infini.
- Pendant qu’il rattachait ensemble les débris épars de l’animal fossile, M. le Dr Donnezan se préoccupait de faire une étude scientifique de sa précieuse trouvaille. Il eut dans ce but la bonne pensée de réclamer la collaboration de l’un de nos plus savants géologues du Midi, qui a déjà fait de grands travaux sur la géologie du Houssillon, M. Depéret, professeur à la Faculté des sciences de Marseille, et M. Albert Gaudry a tout récemment présenté en leur double nom à l’Académie une notice pleine du plus vif intérêt, bien qu’elle ne soit qu’un commencement de description.
- Le premier fait qui ressort de ce travail, c’est qu’avec sa longueur de lm,50 et son pourtour de 5m,85, la tortue de Perpignan, ou, pour lui donner son nom scientifique, le Testudo perpiniana, est le plus grand chélonien qu’on ait encore recueilli : on ne peut lui comparer que le Testudo Grandidieri, espèce subfossile rapportée par M. Grandidier de ses célèbres et fructueuses explorations à Madagascar et qui figure actuellement dans la galerie du Muséum.
- Si c’est la plus grosse tortue recueillie, ce n’est pas pour cela la plus grosse tortue qu’on ait vue, car M. Gaudry lui-même, au cours des fouilles si profitables à la science, qu’il a faites il y a une vingtaine d’années dans le mont Leberon, en Vaucluse, se trouva un jour en présence d’une carapace tout aussi énorme. Elle était suspendue aux flancs d’un ravin très profond et de grands travaux avaient été faits pour l’extraire du sol, la dégager de sa gangue et la recueillir. Un mouvement malheureux précipita dans l’abîme la précieuse relique et on n’en put sauver que des débris insuffisants pour une détermination scientifique.
- En lisant le mémoire de MM. Depéret et Donnezan, on voit aussi que par ses caractères ostéologiques, le Testudo perpiniana trahit des ressemblances intimes avec les tortues récemment éteintes des îles Mascareignes. La forme surbaissée de sa carapace,
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- qui contraste avec le dos courbé en demi-sphère de la tortue éléphantine, peut faire supposer que le reptile fossile avait des habitudes moins exclusivement terrestres que l’animal actuel. La forme générale du profil de son crâne, la gracilité de ses membres et d'autres particularités sur lesquelles il est impossible de nous arrêter ici, sont encore des traits d’analogie avec les espèces tropicales.
- Il faut d’ailleurs noter que le Testudo perpiniana fait partie d’une faune nombreuse où abondent d’autres animaux de pays chauds : Mcistodon arver-nensis, Rhinocéros leptorhinus, un singe (Macacus prisais), etc., et en outre qu’elle paraît n’y avoir pas été rare. Depuis une dizaine d’années, en effet, trois carapaces plus ou moins entières ont été trouvées dans les briqueteries situées à peu de distance des
- portes Canet et Saint-Martin, à Perpignan; l’une d’elles, incomplète en avant, est conservée au Musée de cette ville; sa longueur est de 75 centimètres. En 1885, M. E. Pépratx trouvait au mas Belrieh, non loin d’Elne, des fragments de carapace et des os des membres d’un sujet de très grande taille.
- Ajoutons en terminant une dernière remarque. -Le fait d’un climat aussi chaud dans le midi de la France, à l'époque où vivait le Testudo perpiniana, c’est-à-dire lors de la période que les géologues appellent pliocène moyen, est d’autant plus remarquable que peu après, c’est-à-dire durant le quaternaire, des glaciers gigantesques et comparables pour l’étendue à ceux de nos contrées polaires, s’étendirent sur les Pyrénées comme sur beaucoup de parties de la France. Stanislas Meunier.
- La tortue fossile de Perpignan au Muséum d'histoire naturelle de Paris (1/12 de grandeur naturelle].
- LE
- LABORATOIRE CENTRAL D’ÉLECTRICITÉ
- A la suite de l’Exposition internationale d’électricité de 1881, les bénéfices acquis et une partie des intérêts généreusement abandonnés par les souscripteurs du capital de garantie ont été laissés à la disposition de l’Etat pour la création d’un Laboratoire central d'électricité, institué par décret présidentiel du 24 février 1882.
- La somme disponible s’élevait à 551 000 francs, le Laboratoire (levait fonctionner sous la haute direction du Ministre des postes et des télégraphes, et un arrêté ministériel devait régler l’organisation et les conditions de fonctionnement de ce Laboratoire.
- A la suite des démarches faites par M. Georges Berger, président de la Société internationale des électriciens auprès de M. le Ministre des postes et
- des télégraphes, cette société fut autorisée à soumettre un projet d’organisation et nomma, à cet effet, une Commission chargée de l’élaborer.
- Malheureusement, l’exécution de ce projet, en supposant même que les prévisions n’eussent pas été dépassées et que le terrain fut donné gratuitement par l’État ou par la Ville, aurait entraîné à des dépenses bien supérieures aux ressources dont on disposait (475 000 francs de constructions et matériel de première installation, terrains non compris, et 80 000 francs de frais annuels d’entretien). Aussi n’a-t-on jamais sérieusement caressé l’espoir de lui donner le moindre semblant de réalisation.
- S’il n’a pas été possible de donner suite à ce projet, les démarches entreprises par M. Georges Berger et continuées par son successeur à la Présidence de la Société internationale des électriciens, M. Maurice Lœwv, ont eu du moins pour effet de décider
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- Le nouveau Laboratoire central d’électricité. (Les cloisons ont été enlevées dans le dessin pour montrer rensemlde de l’installation). — 1. Cour d’entrée. —2. Hangar de la machine demi-fixe Weyher et Ricliemond. — 5. Vestibule. — 4. 5. 6. 7. Couloirs de service. — 8. Salle des machines. — 9. Salle de photométrie. — 10. Laboratoire de chimie et d’électrolyse. — 11. Salle des étalonnements. — 12. Salle des mesures industrielles. — 13. Salle d’attçnte et collection. — 11. Grande salle disponible pour des expériences diverses. — 15. Bureau du directeur servant de salle du conseil du Comité de la Société internationale des électriciens.
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- M. le Ministre des postes et des télégraphes à placer le Laboratoire central sous la direction effective de la Société des Electriciens, de lui permettre de prendre une forme réelle, une existence matérielle, et d’effectuer son inauguration officielle le 10 février 1888, presque six ans, jour pour jour, après le décret d’institution.
- Dans l’état actuel, le mérite de l’organisation revient à l’initiative privée, au crédit de la Société internationale des électriciens et à la générosité des donateurs.
- L’Etat s’est contenté de concéder les 551 000 francs à la Société des électriciens, en ne lui donnant que 50 000 francs pour la mise en état et l'appropriation des locaux, et en convertissant les 501 000 francs en un titre de rente qui assurait à la Société un revenu de près de 1 1 000 francs.
- En dépit de cette situation de fortune modeste et de ses débuts difficiles, le Laboratoire central d’électricité se trouve néanmoins en état de fonctionner et de rendre dès à présent de nombreux et utiles services.
- Bien que la place Saint-Charles, à Grenelle, paraisse un lieu peu approprié à l’installation d’un laboratoire central d’électricité, ce choix se trouve justifié en partie par la nature des travaux auxquels on se livrera dans ce Laboratoire et surtout par le fait qu’on a trouvé là un vaste local disponible, tout construit, d’un aménagement très facile, et que MM. Ménier ont bien voulu mettre gratuitement à la disposition des organisateurs. MM. Weylier etRiche-mond ont loué 1 franc par an une machine demi-fixe de 25 chevaux, MM. Mignon et Rouart ont prêté, dans des conditions des plus satisfaisantes, un moteur à gaz de 12 chevaux; les transmissions ont été établies à prix coûtant par MM. Sautter, Lemonnier et Cie, qui ont aussi donné une machine Gramme de 200 ampères ; la Société Edison a donné une machine de 75 ampères, et la Société l’Eclairage électrique une machine Gramme à courants alternatifs pouvant alimenter 4 bougies Jablochkoff.
- Le Laboratoire central a rencontré partout la même généreuse libéralité dans les différentes parties de son installation : éclairage, expériences, appareils de mesures industriels et scientifiques, etc. MM. Carpentier, Breguet, Cance, Ducretet, Planté, Gaulard, Mouchel, Trouvé, Mildé, — que les oubliés nous pardonnent, — ont largement contribué à l’organisation et à l’installation première du Laboratoire central d'électricité, et nous leur devons une reconnaissance toute particulière d’avoir aidé ainsi à doter notre pays d’une institution qui trouve des correspondants analogues ou équivalents dans un certain nombre de pays.
- Après avoir payé un juste tribut de reconnaissance aux véritables initiateurs et fondateurs du Laboratoire central d'électricité, il nous reste à dire un mot de son but et des services qu’il doit rendre.
- Son programme comporte trois parties essentiellement distinctes, et if est d’ores et déjà à même de remplir les deux premières :
- 1° Servir de bureau officiel ou officieux d’étalonnement des appareils de haute précision ou de l’élude des appareils industriels de l’industrie courante : voltmètres, ampèremètres, dynamos, moteurs, lampes à arc et à incandescence, accumulateurs, etc.
- La salle J1 (Voir la gravure ci-contre) consacrée aux mesures de précision et ta salle 12 réservée aux mesures industrielles, possèdent toutes deux une collection d’appareils des plus complètes et pouvant soutenir la comparaison avec celle des laboratoires les plus importants et les mieux outillés.
- 2° Former des élèves à la manipulation pratique des appareils de précision. Quatre jeunes gens sont actuellement admis dans ces conditions.
- 5° Etre utile aux inventeurs ou innovateurs apportant de nouvelles méthodes ou de nouvelles inventions, susceptibles de perfectionnement et qui trouveront dans le laboratoire central d'électricité un terrain propre à leur maturation.
- Bien que cette dernière partie du programme nous paraisse d’une réalisation plus difficile que la première, nous estimons cependant que sous la haute direction de M. Mascart, le président actuel de la Société internationale des électriciens, et la direction effective de M. de Nerville, ingénieur des télégraphes, bien connu déjà par ses travaux en collaboration avec MM. Mascart et Benoît pour la détermination de l’ohm, les deux parties du programme rencontreront la même facilité d’exécution. 11 est permis de croire que la France se trouve enfin dotée d’une institution utile, capable de soutenir la comparaison avec ce qui se fait à l’étranger en faveur de la science électrique et de ses applications industrielles. E. 11.
- LES HOMMES SANS BRAS
- Nous avons récemment décrit un petit Chinois sans bras qui buvait une tasse de thé, fumait, enfilait des aiguilles, etc., avec son pied1. Nous avions précédemment fait connaître VHomme-tronc qui, n’ayant ni bras ni jambes, exécutait avec ses moignons une infinité d’exercices absolument étonnants d’habileté2. Un de nos lecteurs, M. S. Aude, d’Ajaccio, nous écrit qu’un fait analogue a été cité par Montaigne dans ses Essais. Voici comment s’exprime le grand écrivain ;
- Je viens de voir chez moy un petit homme natif de Nantes, né sans bras, qui a si bien façonné ses pieds au service que luy devoyent les mains j qu’ils en ont à la vérité a deiny oublié leur office naturel. Au demourant,* il les nomme ses mains, il trenche, il charge un pistolet et le lâche, il enfile son éguille, il coud, il escrit, il tire le bonnet, il se peigne, il joue aux cartes et aux dez, et les remue avec autant de dextérité que sçaurait faire quelqu’autre ; l’argent que je lui ay donné (car il gaigne sa vie à se faire voir), il l’a emporté en son pied comme
- * Vov. n° 761, du 51 décembre 1887, p. 72.
- - Vov. n0 660. du 23 janvier 1886. p. 115.
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- nous faisons en nostre main. J’en vy un autre, estant enfant, qui manioit un’espée à deux mains, et un’halle-barde, du pli du col à faute de mains, les jetoit en l’air et les reprenoit, lançoit une dague, et faisoit craqueter un foët aussi bien que charretier de France.
- A notre tour, nous rappellerons qu’Ambroise Paré, dans son célèbre ouvrage intitulé Deux livres de chirurgie, Paris, 1575, donne la ligure, fort naïvement représentée, d’un bommc sans bras. Cette ligure est accompagnée du texte suivant :
- On a vu naguères à Paris un homme sans bras âgé de quarante ans ou environ, fort et robuste, lequel faisait presque toutes les actions qu’un autre pouvait faire de ses mains, à savoir avec son moignon d’épaule, et la tète, ruait une coignée contre une pièce de bois, aussi ferme qu’un autre homme eut su faire avec ses bras : pareillement faisait cliqueter un fouet de charretier et faisait plusieurs autres actions, et avec ses pieds mangeait et buvait et jouait aux cartes et aux dés; à la fin fut larron, voleur et meurtrier, et exécuté en Gueldre, à savoir pendu, puis mis sous la roue.
- On voit que les faits de ce genre ont été observés dans tous les temps. Ils sont toujours dignes d’être enregistrés et étudiés.
- CONSEILS
- AUX AMATEURS D’HISTOIRE NATURELLE
- LA CHASSE AUX PAPILLONS
- Avant toutes choses, recommandons au collectionneur, rpii va entrer en chasse, de ne pas s’embarrasser de tout un fourniment inutile et encombrant.
- Le chasseur de papillons doit avoir bon pied, bon œil; légèrement équipé, libre en ses mouvements, le meilleur bagage est pour lui le plus léger; ses armes sont peu nombreuses, peu lourdes et peu dispendieuses.
- D’abord le filet à papillons, puis la pelote garnie de ses longues épingles, ensuite une boîte légère portée en bandoulière, et voilà l’attirail complet. Joignez à cela un flacon pour la récolte des petits papillons, un fort couteau ou écorçoir (fig. 1) pour soulever incidemment les écorces et y découvrir des chrysalides, et jamais Nemrod ne partit mieux armé contre les botes des bois.
- Le filet à papillons (fig. 2) est un engin qui doit réunir deux qualités indispensables : légèreté et solidité; tout vice contraire est rédhibitoire. Il se compose, en sa grande simplicité, d’une poche en tulle ou en gaze tenue ouverte par un cercle de fort fil de fer ou d’acier, fixée à l’extrémité d’une longue canne (fig. 2). Les meilleures dimensions, encore qu’elles n’aient en soi rien de rigoureux, nous paraissent un pied de diamètre pour le cercle (lig. 5), un mètre soixante de longueur de canne ; cette dernière gagne à être formée d’un bambou creux.
- Le cercle peut posséder une ou plusieurs brisures, ce qui permet de le plier et de le mettre en poche dans l’intérieur de la ville (fig. 4).
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- Ce cercle se visse à la douille de cuivre surmontant la canne au moyen d’un écrou (fig. 5). La poche se fait d’ordinaire en gaze, d’aucuns la fabriquent en tulle; pour nous, nous préconisons le crêpe comme plus solide et s’altérant moins à la pluie. Une profondeur de soixante centimètres est d’une bonne moyenne. Un conseil : ne pas terminer la poche en pointe; mais bien en un cul de sac rond, le papillon frottera moins ses ailes délicates contre l’étoffe. I n papillon frotté est vite gâté. La poche se monte sur un large ruban de fil solide plié en double dans lequel passe le fil de fer du cercle.
- Décrire la pelote nous paraît superflu; il y en a de toutes sortes; le mieux est de s’en construire une avec deux disques de carton, entre lesquels se trouve inclus du son, reliés entre eux par un ruban dans lequel on enfonce les épingles (fig. 6). Le chasseur trouvera avantage à porter cette pelote pendue à sa boutonnière, de manière à avoir toujours sous la main l’épingle nécessaire pour piquer sa capture.
- Les épingles sont d’une taille, d’une longueur, d’une fabrication spéciales, el en laiton étamé (fig. 7 ). Les n° 5, 4, 5, 6, et 7 du commerce sont les plus usités, et la longueur préférable nous paraît être 5G millimètres. Certaines épingles sont passées au vernis noir, ce qui leur donne l’avantage de ne pas s’oxyder, qualité précieuse pour les papillons à chenilles xylophages. Les épingles ordinaires traversant ces papillons ne tardent pas à se couvrir au niveau du corps de l’insecte, de houppes de vert-de-gris faisant surtout en dessus, sur le corselet des Cossus ou des Sésies, l’effet le plus déplorable, et d’autant plus désastreux que l’épingle finit par se briser.
- La boîte de chasse, que l’entomologiste porte en bandoulière, est destinée à renfermer les papillons piqués ; voire même des chrysalides et des chenilles vivantes; aussi doit-elle être divisée en quelques compartiments. Les meilleures boîtes sont en bois; celles de fer-blanc doivent être proscrites : pour quelques avantages qu’on en retire, on en amille inconvénients. Et le plus petit n’est certes pas celui de voir, par les fortes chaleurs, les insectes inclus cuire littéralement dans cette petite chaudière et devenir cassants.
- Une bonne boîte de chasse doit avoir 0m,55 environ de long sur 18 centimètres de large, et 8 centimètres de profondeur (fig. 15). Divisée en trois compartiments inégaux, elle permet de rapporter avec les cadavres des papillons empalés, les chenilles vivantes avec un peu de nourriture et des chrysalides soigneusement | calées avec de la mousse. Le plus grand compartiment ; aura son fond garni d’une épaisse feuille de liège, ou i mieux de moelle d'agave, matière que l’on trouve j maintenant chez tous les marchands naturalistes.
- ! Cette substance est plus molle que le liège, et le épingles fines s’y enfoncent aisément, sans que la main soit obligée de faire effort. C’est dans ce compartiment qu’on piquera les papillons au fur et à mesure de leur capture. Les deux autres compartiments pourront se subdiviser en quelques petites
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- loges, afin de pouvoir interner séparément certaines chenilles, pensionnaires dangereuses par leurs habitudes carnassières. L’habitude apprendra vite à reconnaître ces carnivores, dont nous parlerons lors de l’éducation des chenilles.
- Le bacon destiné à récolter tous ces petits papil-
- lons (microlëpidoptères) aux couleurs brillantes et aux mouvements rapides, mérite de nous arrêter quelques instants; c’est un engin commode et important qui demande à être construit avec soin.
- On se procurera un flacon en verre blanc, à large goulot, de dimensions moyennes, pouvant tenir aisé-
- Fig. 1 à 5. — Outillage do, la chasse aux papillons. — 1. Écorçoir. — 2. Filet à papillons. —3. Cercle du l'ilet à papillons. — 4. Cerle
- pliant à brisures. — y. Mode d'attache avec vis et écrou.
- ment dans la poche (fig. 8). On dispose au fond un morceau de cyanure de potassium gros comme uni1 noix. Ce sel demande à être manié avec précaution, car c’est un violent poison, et son contact avec une écorchure aux doigts suffit pour amener de graves
- accidents; aussi doit-on le manier avec des pinces. Préalablement enveloppé d’amadou et roulé, dans de la ouate, ce morceau de cyanure est déposé au fond du tlacon. On découpe ensuite un disque de papier de la dimension intérieure du bocal, on en relève les
- Fig. ft à 9. — Outillage pour la chasse aux papillons. — 6. Pelote à épingles. — 7. Épingles. — 8. Flacon pour les petits papillons.
- 9. Instrument pour piquer les papillons de nuit.
- bords dentelés a coups de ciseaux et enduits de gomme, puis on l’introduit dans le bocal et avec une pince, on dispose ce diaphragme et on le colle aux parois. Lorsque la colle est sèctie, on peut fermer le goulot avec un bouchon de liège ; on a ainsi isolé le cyanure au fond du bacon, le plancher de papier
- percé de nombreux trous d’épingles laissera passer les vapeurs d’acide prussique qui foudroieront sans les endommager les papillons prisonniers.
- Il est un dispositif plus simple qui consiste à dissoudre le cyanure de potassium dans de l’eau avec laquelle on gâche du plâtre. (In laisse ce plâtre dur-
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- cir (>ii séchant au fond d'un bocal, et cet engin présente tous les avantages du précédent, sans avoir besoin d’être renouvelé souvent comme le demande le diaphragme de papier.
- Ces quelques préliminaires établis, entrons en chasse.
- Lorsque l’on voit un papillon posé, la première condition est de s’en approcher doucement, le filet
- prêt et néanmoins tenu de manière à ce que l’insecte ne puisse pas apercevoir son ombre. Si le papillon est posé sur une plante, le long d’un tronc d’arbre, d’une barrière, etc., il huit le prendre d’un rapide coup de filet en remontant, et on se hâte de retourner brusquement le filet, pour que la poche se ferme, par un mouvement sec du poignet, analogue à celui qui est nécessaire en escrime pour prendre un contre
- Fig. 10 à 12. — Conseils aux amateurs d’histoire naturelle. — Manière de prendre le papillon capturé. — 11. Papillons piqués. 12. Mode de piquage de plusieurs papillons avec une même épingle.
- de sicte. Si l’insecte est posé 'a terre, on le couvre avec le filet, puis on lève le fond tle la poche tic manière à ce qu’il monte dedans. De toutes manières, quand le papillon est capturé, il faut le cerner dans le fond du filet vivement et néanmoins avec précaution. Puis on le saisit par les côtés du corselet, et on le presse délicatement entre le pouce et l’index d’une façon modérée (fig. 10). On laisse ensuite tomber la victime immobilisée dans la main gauche, et on la pique sur le dos avec une épingle proportionnée à sa taille, et dont la pointe ressorte en dessous entre les deux dernières paires de pattes, perpendiculaire à l’axe longitudinal du corps (fig. il). Le but que l’on se propose, en comprimant les côtés du corps du papillon, est de l’immobiliser en froissant les muscles moteurs des ailes, de telle sorte qu’il ne puisse, en se débattant, ni les déchirer ni les défraîchir.
- Le papillon est ainsi piqué sur le fond liégé de la boîte que le chasseur habile ne tarde pas à remplir de ses captures; il arrive souvent, que manquant de
- place, il se voit obligé de piquer plusieurs papillons â la même épingle (fig. 12). 11 faut avoir soin, dans ce dernier cas, de bien immobiliser les papillons par une pression exercée à propos, et de les embrocher par les côtés du corselet. Les papillons de nuit
- se rencontrent -fréquemment posés le long des surfaces verticales, murs, troncs d’arbres, sur lesquelles on aurait quelque peine à les prendre avec le filet. Le meilleur moyen de s’en emparer consiste à les piquer sur place avec un petit instrument composé de trois aiguilles emmanchées après un petit manche du volume d’un crayon ( fig. 9 ) ; une seule aiguille pourrait glisser sur le corselet rond et écailleux de beaucoup d’espèces, les trois aiguilles manquent rarement leur coup. 11 est encore plus commode de recouvrir rapidement le bombyeien ou la noctuelle avec le llacon à cyanure au fond duquel la bestiole ne tarde pas à se laisser tomber étourdie; lorsqu’elle est asphyxiée, ce qui demande peu de temps, elle est retirée et piquée dans la boîte.
- Fig. 15 et 14. — Outillage pour la chasse aux papillons. — 13. Boite de chasse. 14. Boîte pour les petits papillons.
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- LA NATURE.
- Ces brillants petits papillons. Teignes, Tordenses, connus sous le nom de Microlépidoplères, doivent être pris encore avec de plus grands soins, car un rien suffit pour détériorer ces admirables et fragiles petits êtres : à peine sont-ils morts dans le flacon qu'on doit les mettre dans une petite boîte à pilules (fig. 14), garnie de fine ouate, dans laquelle ils attendront leur préparation1.
- — A suivre. — MaURICH MaLNDUON.
- CHRONIQUE
- Un poisson-lune. — On fit dans le Journal de Caen : Le laboratoire de zoologie de fa Faculté des sciences vient de recevoir un animal fort curieux, un Môle ou Poisson-Lune (Orlhagonicus mola). Ce poisson de haute iner est d’une grande rareté sur nos côtes. On le trouve quelquefois à l’entrée de la Manche et dans l’Atlantique nord. La taille et le poids extraordinaires de cet individu harponné à quelques milles en mer, à la hauteur de Ouis-treham, appelle tout à fait l’attention. Le corps est à peu près discoïde et mesure lm,15, suivant son plus grand diamètre. Il pesait au moment de sa capture plus de 75 kilogrammes. La bouche est armée d’une mâchoire osseuse très puissante, et deux nageoires latérales triangulaires contribuent à donner à cet animal une allure tout à fait étrange. Le corps est tout pailleté d’écailles d’un beau blanc d’argent. Ce Môle a été gracieusement offert à la Faculté des sciences par M. Maillard, propriétaire à Riva-Bella, qui l’a harponné en janvier dernier, pendant une promenade en mer, à bord de son yacht à vapeur le Farfadet.
- Un hygromètre végétal. — Il n’est personne, dit un correspondant du Cosmos, qui ne connaisse le gynérium que l’on cultive pour la décoration des jardins ; partout on peut voir ses longs panaches argentés. Sait-on aussi bien que ses feuilles desséchées sont extrêmement sensibles à l’humidité? Que le temps soit sec, elles s’enroulent fortement sur elles-mêmes; au moindre souffle humide, elles commencent à se dérouler, et, quand il pleut, elles se déploient dans toute leur longueur. Ces feuilles constituent, telles quelles, d’excellents hygroscopes. Donc en fixant l’une d’elles par un de ses bouts au-dessus d’un cadre quelconque, on peut suivre son développement, tracer la ligne décrite par son extrémité libre et enfin graduer cette ligne par comparaison avec un autre hygromètre. Cette graduation faite, on aurait un hygromètre plus simple et probablement tout aussi bon que le classique appareil de Saussure.
- Inintelligence des chiens. — Un de nos lecteurs du Havre, M. Emile Sorel, nous adresse la curieuse observation suivante : « Un jour, devant ma fenêtre, des enfants s’amusaient avec un gros chien; ils le firent monter sur un grand tas de terre, puis lui crièrent : « Voilà le bonhomme ! » Immédiatement, le chien fit un saut, et s’enfuit à toutes jambes. J’eus la curiosité de rechercher la cause de cet effroi subit du chien, quand
- 1 Certains amateurs, et des plus autorisés, conseillent pour récolter ces délicates créatures de les inclure encore vivantes dans de petites boîtes à pilules, un papillon seul dans chacune. Les microlépidoptères restent immobiles dans la boîte sans se frotter ni se défraîchir, et l’on peut, rendu à domicile, les tuer facilement pour les préparer immédiatement après.
- on lui criait : « Voilà le bonhomme! » et voici ce que je découvris : Aon loin de chez moi se trouve un square; là, en l’absence du gardien, les enfants aiment à jouer, tout en causant plus ou moins de dégâts; de même les chiens ont grand plaisir à prendre leurs ébats sur le gazon vert et fleuri. Tout à coup, au bout d’une allée, apparaît le gardien : « Voilà le bonhomme! » crient les enfants ; puis ils s’enfuient, craignant les corrections, justement méritées. Les malheureux chiens, dans les commencements, ne comprenaient point le péril ; ils continuaient à se divertir, et le gardien ne manquait point d’oetrover force bons coups de canne aux représentants cle la race canine. À la fin, les chiens devinrent rusés; ils usèrent de la malice des enfants, et maintenant, quand l’un de ceux-ci crie : « Voilà le bonhomme! » les gamins se sauvent et les chiens détalent. Les gamins, à leur tour, n’ont point tardé à remarquer la chose, et voilà pourquoi ils effrayent tant les chiens en leur criant : « Voilà le bonhomme ! »
- Falsification de l’huile de foie de morne. —
- Le professeur Poel (de Saint-Pétersbourg), signale dans le Wratch la sophistication de l’huile de foie de morue au moyen du pétrole. Ce produit frelaté, acheté chez un droguiste, contenait 50 pour 100 d’huile minérale, et cependant son aspect extérieur, son goût et son odeur ne présentaient rien de suspect. Le malade qui s’en est servi avait des renvois sentant le pétrole. Cela lui fît supposer la fraude. D’après le professeur Poel, la sophistication de l’huile d’olive par l’huile minérale est aussi très fréquente en Russie.
- I»u café coloré. — Un chimiste, M. K. Sykora, s’est procuré, d’après le Journal of the Chemical Society, quatre échantillons de matières servant à colorer des cafés inférieurs et même ceux qui sont détériorés. L’examen chimique démontra la composition suivante : 1° Un mélange d’indigo, de charbon, de chromate de plomb et d’argile; 2° (approximativement) : 5 pour 100 d’indigo, 10 pour 100 de charbon, 4 1/2 pour 100 de chromate de plomb, 65 1/2 pour 100 d’argile, 15 pour 100 d’outremer; 5° (approximativement): 5 pour 100 d’indigo avec une matière colorante organique (gomme-gutte?) 5 pour 100 de charbon, 8 pour 100 de chromate de plomb, 82 pour 100 d’argile, 2 pour 100 d’outre-mer; 4° (approximativement) : 12 pour 100 d’indigo et une matière colorante organique, 5 1/2 pour 100 de charbon, 4 1/2 pour 100 de chromate de plomb, 6,6 pour 100 d’argile et 12 pour 100 d’outre-mer. Pour la recherche des matières colorantes, se trouvant dans le café, M. Sykora lave les fèves au moyen d’un pinceau dans de l’eau distillée; par cette manipulation, généralement les fèves se tachent. Une partie de l’eau trouble est évaporée dans un verre de montre et soumise ensuite à un examen microscopique ; de cette manière, l’on découvre des particules de la matière colorante et des fragments de cristaux. Ce qui reste du liquide est évaporé dans une capsule de platine, chauffée au rouge, et de nouveau examiné. L’examen d’un échantillon de café par M. Sykora a démontré que les fèves étaient colorées par de l’ocre jaune.
- Animaux sourds-miiefs. — L existence de sourds-muets parmi les animaux est clairement prouvée par le fait suivant. Un cultivateur avait élevé jusqu’à douze ans une vache ; il l’avait achetée alors qu’elle était un veau de quelques semaines. Elle ne répondait à aucun appel et n’était nullement attentive au bruit que l’on pouvait faire autoui d’elle. Lorsqu’elle se trouvait seule à l’étable et
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- quand arrivait l’heure du repas, où les bœufs réclament en beuglant leur nourriture, cette vache faisait les gestes d’un bœuf qui mugit; la tète et le cou tendus, elle ouvrait la bouche, mais il n’en sortait aucun cri distinct; c’esl à peine si l’on percevait un léger son guttural de courte durée. La vue, par contre, semblait très développée. Rien d’anormal n’a pu être découvert dans les oreilles ni dans le larynx. Il eût été intéressant de vérifier si ce cas présente quelque chance d'hérédité, mais malheureusement les huit veaux qu’elle mit bas furent tous conduits très jeunes à la boucherie. (Le Naturaliste.)
- Découverte d’une Ile inconnue. — L’Amirauté anglaise a reçu du capitaine du Samarang un rapport relatif à la découverte d’une île basse et boisée, ne figurant encore sur aucune carte marine. Celle île est située à l’ouest des îles Salam et Timor, par 8° 15" lat. Sud et 150° 39" Est, méridien de Greenwich. Elle a environ il milles de long, dans la direction N.-N.-E. et 2/5 de mille de large dans la direction S.-S.-O.
- Les tunnels sur les chemins de fer anglais.
- — Le Railivay Engincer donne la liste de tous les tunnels anglais dont la longueur dépasse 1000 yards (914 mètres). Cette liste comprend 57 tunnels. Le plus long est celui de la Severn, qui a 7664 yards (7005 mètres). Le plus court est celui de Rotherfield qui a 1020 yards (932 mètres).
- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 20 février 1888. — Présidence de M. Janssen.
- Le général Perrier. — La séance, réduite au dépouillement très rapide de la correspondance, a été levée en signe du grand deuil qui frappe la science et le pays. L’un des membres les plus jeunes, les plus sympathiques de l’Académie, M. le général Perrier, est mort ce matin. C’est en termes très émus que M. le président annonce cette funèbre nouvelle et qu’il retrace avec l’élégance qu’on lui connaît les traits principaux de la vie de son très regretté confrère. La Nature consacrera, au savant et au patriote qui nous quitte, une étude en rapport avec la grandeur des services qu’il a rendus à la géodésie et à la patrie. Qu’il me soit permis cependant d’exprimer les vifs regrets personnels que m’inspire cette grande perte. Je n’oublierai jamais l’affabilité et la cordiale bienveillance de M. le général Perrier.
- La pêche de la sardine. — En ce moment, à son laboratoire maritime de Concarneau, M. le professeur Georges Pouchet continue ses études sur le régime de la sardine et fait connaître les résultats des pêches de 1887. Conformément aux prévisions qu’il avait légitimement conclues de longues séries d’observations, l’auteur constate que l’abandon des côtes de France par la sardine a cessé l’an dernier : il fait valoir les raisons qui permettent d’espérer des conditions presque aussi favorables pour l’année actuelle. Le mémoire du savant zoologiste se termine par des détails sur les caractères des sardines pêchées, d’où il résulte que ces poissons ne viennent guère frayer sur notre littoral.
- La station quaternaire de la Quitta (Charente), — Un de nos anthropologistes les plus infatigables, M. Emile Rivière, signale la découverte qu’il vient de faire auprès de Gardes (Charente) d'une très intéressante station re-
- montant à l’époque dite moustérienne. Les dépôts quaternaires avec restes d’animaux et produits de l’industrie humaine constituent, en cette localité, un talus dont l’épaisseur atteint de 2m,50 à 5 mètres et que l’auteur a suivi sur une cinquantaine de mètres. Les échantillons qu’il en a recueillis sont remarquables par leur nombre et leur bel état de conservation. En ce qui concerne la faune, nous mentionnerons la présence de l’Ours (peut-être l’Ours des cavernes), le Blaireau, le Renard, le Chacal, le Chat sauvage, le Cheval, le Cerf, le Chevreuil, la Chèvre, le Bœuf et le Renne. C’est par centaines que l’auteur compte les dents de rennes qu’il a trouvées à la Quina, les unes entières, les autres brisées. Cependant il n’a rencontré qu’une seule mâchoire à peu près bien conservée quoique incomplète. Quant aux ossements, ils sont surtout représentés par des métacarpiens et des métatarsiens qui tous sont brisés dans le voisinage de leur extrémité inférieure. Les bois sont extrêmement rares. M. Rivière n’a rencontré aucune coquille dans le gisement. A l’égard des vestiges d'industrie humaine, la liste renfermée dans le mémoire est longue. Les silex taillés en occupent la tête par leur abondance : ce sont des racloirs retaillés le plus souvent sur un seul bord et parfois sur les deux et toujours pourvus de leur bulbe de percussion ; ce sont quelques lames entières ou brisées généralement minces et bien faites, retouchées ou non sur leurs bords; ce sont de très belles pointes très bien retaillées sur les côtés et parfois même à la hase; ce sont enfin des grattoirs, mais en nombre remarquablement faible. L’auteur mentionne ensuite un petit andouiller qui semble avoir été aminci et usé par le frottement; mais il n’a trouvé aucun instrument en os ou en bois de Renne. La même absence concerne les débris humains : aucune dent, aucun ossement n’a été fourni par l’intéressant gisement de la Quina.
- Varia. — Un très important travail de M. Qsmond, ingénieur des arts et manufactures, concerne les transformations du fer et du carbone dans les fers, les aciers et les fontes blanches ; il est extrait du Memorial de l'artillerie de la marine et comprend un atlas de sept grandes planches. — C’est avec une très vive satisfaction qu’on apprendra le retour, en excellente santé, du célèbre directeur du Musée d’histoire naturelle de Bruxelles, M. Ed. Dupont, qui vient de consacrer plusieurs mois à une exploration scientifique du Congo. — Les procédés pho-tochronoscopiques occupent M. Gustave Uermite. — Le maire de Neuilly annonce que le 11 mars aura lieu, dans cette commune, l’érection d’une statue en bronze de Parmentier. — Les résultats des observations récemment faites à l’Observatoire de Marseille sont transmis par M. Mouchez au nom de M. Borellv. — En réponse à une récente note de M. Gibier, M. Domingos Freire affirme de nouveau l’existence du microbe de la fièvre jaune et cite plusieurs savants qui l’ont vu avec lui et ont réussi à le cultiver. — Dans un nouveau mémoire, M. Joseph Bertrand continue ses études sur la probabilité du tir à la cible. Stanislas Meunier.
- LA MÉCANIQUE DES JOUETS
- LE «OUISTITI PARISIEN ))
- L'article de Paris est, dans son infinie variété, une chose unique que l’étranger parvient à contre-
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- LA NATURE.
- faire, quelquefois même à imiter, mais ne sait pas concevoir ni réaliser avec autant de goût et de fantaisie que nos bimbelotiers parisiens, les plus artistes des artisans.
- S’il en fallait une preuve nouvelle, elle nous serait fournie par le charmant jouet représenté ci-contre, dont la simplicité n’a d’égale que l’élégance et l’ingéniosité des procédés cinématiques qui donnent au Ouistiti parisien la souplesse et l’agilité du clown le plus habile.
- Si, pour le philosophe, l’homme est un roseau pensant, il n’est, pour le géomètre et le mécanicien, qu’un polygone articulé, définition qui s’applique d’ailleurs à tous les animaux, et avec d’autant plus d’exactitude qu’ils s’approchent davantage de la perfection... géométrique.
- C’est dans les exercices de tapis qu’excelle notre quadrumane articulé (fig. 1), et c’est une bien faible quantité de ses poses si diverses que représente la figure 2, poses dont le naturel comique fait le succès et l’originalité du nouveau jouet.
- Le singe lui-même est en dix pièces dont la principale'est le tronc sur lequel viennent s’adapter une tête, deux bras et deux jambes ; les bras et les jambes sont aussi en deux pièces, articulées respectivement aux coudes et aux genoux. Mais — et c’est la le point particulier et essentiel — ces articulations ne sont pas entièrement libres, et leurs mouvements sont limités à ceux qu’une grande souplesse et des exercices répétés permettent d’effectuer sans violer outrageusement les lois anatomiques. Aussi les exercices variés auxquels se livre notre petit acrobate ne ressemblent-ils en rien à
- ceux des pantins et polichinelles classiques de notre jeunesse, sans prétendre cependant à la correction académique des jeux athlétiques de l’antiquité.
- Il nous reste a indiquer comment ces mouvements sont obtenus. Deux leviers constitués par deux tiges minces de fer sont respectivement reliés aux milieux des bras et aux attaches des jambes du ouistiti ; ces tiges se terminent par deux boutons faisant saillie sur les côtés de la boîte qui sert de support au tapis sur lequel le quadrumane évolue : chacune de ces tiges est assimilable à une bielle dont l’une des extrémités est astreinte à décrire un mouvement vertical de haut en bas et de bas en haut tout en pivotant autour du centre mobile constitué par le bouton de manoeuvre.
- En agissant simultanément sur les deux bielles à l’aide des deux boutons (fig. 1) et en combinant convenablement les mouvements ascendants et rotatifs qu’elles peuvent effectuer, on réalise un polygone à déformations multiples, des poses comiques dont la figure 2 montre quelques exemples, et des tours acrobatiques dont le nombre et la variété n’ont d’autre limite que l’habileté du perfor-mer. Le constructeur de ce jouet nous a fait manœuvrer son acrobate mécanique, avec une grâce charmante. Il parvenait à le faire tenir en équilibre sur une petite chaise qu’il ajoutait au mécanisme.
- Le dicton célèbre est dépassé, car le Ouistiti parisien est à la fois la joie et la tranquillité des parents et des enfants.
- Le propriétaire-gérant : G. Tissandier. imprimerie A. Lahure, 9, rue de Fleurus, à Paris.
- Fig. 1. — Vue d’ensemble du nouveau jeu le Ouistiti parisien.
- Fig. 2. — Quelques-unes des poses que peut prendre le Ouistiti mécanique.
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- N° 770. — 5 MARS 1888.
- LA NATURE.
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- LE GÉNÉRAL F. PERRIER
- Si l'humanité présente parfois des sujets d’amertume et de tristesse, il est des hommes qui, par une heureuse compensation, semblent avoir pris à tâche de n’oflrir pendant la durée de leur vie que le spectacle d’actions honorables, que des exemples de loyauté, de droiture, d’ardeur au travail et au bien. Le général Perrier fut de ceux-là.
- Né à Yalleraugue (Gard) le 18 avril 1855, François Perrier descendait d’une honorable famille de protestants des Cévennes. Après avoir fait ses études au lycée de Nîmes et au collège Sainte-Barbe, il fut reçu à l’Ecole Polytechnique en 1855 et en sortit en 1857 comme officier d’état - major. Doué de persévérance et de volonté, il dut tous ses grades et tous ses succès à sa belle conduite et à ses importants travaux.
- Lieutenant en 1857, capitaine en 1860, chef d’escadron en 1874,lieutenant-colonel en 1879, il recevait, un an avant sa mort, les étoiles de général de brigade. 11 était commandeur de la Légion d’honneur et président du Conseil général de son département.
- Le général Perrier s’était depuis longtemps fait un nom dans la science. Après des publications remarquables sur la jonction trigono-métrique de la France et de l'Angleterre (1861) sur la triangulation et le nivellement de la
- Corse (1865), il fut mis à la tête du service géodé-sique de l’armée en 1879. En juin 1880, le savant géodésien fut délégué à la Conférence de Berlin pour la délimitation des nouvelles frontières gréco-turques. Le 5 janvier de celte même année, il avait été élu à l’Académie des sciences en remplacement deM. de Tessan : il était membre du Bureau des longitudes depuis 1875.
- Perrier se prépara bientôt, après cette époque, à accomplir la mission qui lui lut confiée pour aller observer en Floride le passage de Vénus en 1882. Grâce à son activité et à son habileté, ses observations eurent un succès complet. Désormais sa célébrité alla toujours en grandissant jusqu’à ses dernières opérations de triangulation en Algérie.
- « Ne vous rappelez-vous pas, a dit récemment tfc aaoée. — ter semestre.
- Le général Perrier, né à Valleraugue (Gard), le 18 avril 1853, mort à Montpellier, le 19 février 1888.
- M. Janssen à l’Académie des sciences, l’émotion de satisfaction que le pays tout entier a ressentie, quand il apprit la réussite complète de cette opération géo-désique grandiose qui unissait l’Espagne à notre Algérie par-dessus la Méditerranée, et faisait passer par la France un arc de méridien s’étendant du nord de l’Angleterre jusqu’au Sahara, c’est-à-dire un are dépassant en étendue les plus grands arcs mesurés jusqu’alors. Ce beau résultat frappa tous les esprits et rendit le nom de Perrier populaire. Mais combien ce succès avait été préparé par de longs et consciencieux travaux qui ne lui cèdent point en importance : la triangulation et le nivellement de la Corse et son rattachement au continent; les belles opérations exécutées en Algérie, qui ont demandé quinze années de travail et ont conduit à la mesure d’un arc de parallèles de près de 10° d’étendue, arc qui offre un intérêt tout particulier pour l’étude de la ligure de la Terre; et encore cette révision de la méridienne de France, pour laquelle on a su utiliser tous les progrès réalisés depuis le commencement du siècle dans la construction des instruments et dans les méthodes d’observation et de calcul ! Et il faut ajouter que le général Perrier avait su taire école, qu’il avait formé de savants et dévoués officiers qui furent ses collaborateurs et sur lesquels nous comptons maintenant pour continuer son œuvre. »
- Les mérites du géné-
- ral Perrier lui valurent l’honneur d’être placé à la tête d’un service d’une haute importance, le service géographique de l’armée, à l’organisation duquel il se consacra tout entier1.
- L’homme chez le général Perrier, ne le cédait en rien au travailleur et au savant. Bon, affable, généreux, il joignait la gaieté et la bonne humeur au courage et à l’énergie. Sans cesse préoccupé de la prospérité et de la grandeur de son pays, il savait que le vrai patriotisme ne consiste point à faire entendre des déclamations vaines, mais à s’efforcer d’accomplir des œuvres utiles et fécondes.
- Gaston Tissandier.
- 1 Yoy. la notice publiée sous le titre : Le service géographique de l’Armée, n° 720, du 50 avril 1887, p. 359.
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- LA NATURE.
- PHOTOGRAPHIES DES PROJECTILES
- PENDANT LE TIU
- MM. les capitaines Macli et Salelier ont récemment publié à Vienne une brochure qui a l'ait grand bruit et dans laquelle il a été donné la reproduction de photographies de balles de fusil en mouvement. Voici comment les expériences auraient été laites et a quel résultat elles auraient conduit :
- Comme il fallait pouvoir éclairer vivement et instantanément le projectile, on ne pouvait songer qu’à l’emploi de l’électricité. Dans ce but, M. Mach s’est ingénieusement servi d’une batterie de bouteilles de Levde, avec deux points d’interruption dont l’un consistait en fils enfermés dans des tubes de verre. Le projectile, dans sa marche, brisait les tubes et déterminait ainsi la décharge des deux points d’interruption. L’étincelle jaillissant au second point d’interruption éclairait le projectile dont il avait pris instantanément une image au moyen d’un appareil photographique placé tout auprès. C’est à une distance de 7 millimètres seulement de l’étincelle que l’éclairage s’est trouvé le plus favorable *.
- Les premiers essais n’ont point réussi, parce que la vitesse du projectile était moindre que celle du son. Mais avec un fusil Werndl dont la vitesse initiale est de 458 mètres par seconde, ainsi qu’avec un fusil Guedesqui possède une vitesse initiale de 550 mètres, on a obtenu une belle et nette image de la zone de compression de l’air. Cette couche apparaît sur la photographie, sous la forme d’une hyperbole entourant le projectile, dont le sommet est à la tête et l’axe dans la trajectoire. Des bandes de démarcation partent, de même, du bord postérieur du projectile et se dirigent, en s’écartant, en arrière. L’air refoulé et condensé ne peut se détendre avec une vitesse supérieure à celle du son. La photographie a confirmé l’hypothèse d’une forme hyperbolique de l’air comprimé, que le professeur Mach avait déjà établie théoriquement. Avec une balle animée d’une très grande vitesse, il se manifeste encore ce phénomène remarquable que, dans la partie privée d’air qui suit le projectile, il se produit de petits nuages qui forment une trainée en arrière. Ün peut y reconnaître clairement des mouvements giratoires. La photographie d’un projectile rend sensible un mouvement de l’air ayant de la ressemblance avec le mouvement de l’eau autour d’un bateau qui s’avance avec une grande vitesse'1 2.
- 11 nous paraît utile de présenter au sujet de ce travail quelques observations.
- Une balle de fusil qui a une vitesse de 500 mètres à la seconde, se déplace de 5 millimètres dans un temps de 1/100000 de seconde. Or, nous ne croyons pas qu’il soit possible de produire une étincelle un peu forte dans un temps aussi court. En admettant même cette durée comme réalisée, l image serait sans beaucoup de netteté puisque les traits seraient étalés sur 5 millimètres.
- En examinant avec soin les figures fort bien faites jointes au mémoire de MM. Macli et Salelier, il sem-
- 1 Le texte n’indique pas si c’est l'objectif ou la balle qui était à 7 millimètres.
- 2 Extrait d un article de la Weserseitwtg.
- ide évident que ces ligures sont des lithographies dessinées à la main et probablement réduites par la photogravure, mais non des photogravures de photographies directement obtenues.
- Nous ne nions pas que MM. Mach et Salelier aient obtenu des photographies de projectiles en mouvement, mais il nous semble que ces opérateurs ont reproduit sur leurs dessins ce qu’ils ont cru voir sur les photographies plus ou moins confuses qu’ils ont obtenues.
- Les phénomènes constatés par ces officiers sont en somme d’accord avec ceux qui ont été constatés depuis longtemps a l’Ecole normale de tir par l’observation directe, et voici de quelle façon :
- Le fusil (fîg. 1) est placé sur alfùt. En arrière et dans le plan de tir on place une forte lunette. Cette lunette peut être placée très près du prolongement de l’axe du canon si on tire avec la nouvelle
- O
- Fig. 1.— Lunette disposée pour observer une balle pendant le tir.
- poudre sans fumée; elle doit être placée à 50 centimètres au-dessus de cet axe si on tire avec la poudre noire, et encore dans ce cas ne peut-on observer que s’il y a un fort vent de côté qui enlève la fumée.
- En opérant ainsi, on peut très bien suivre les balles sur un parcours de 200 mètres, entre 100 et 500 mètres par exemple, même quand ces balles partent à une vitesse supérieure à 000 mètres. La durée pendant laquelle on les voit est supérieureà unedemi-seconde, et quand on est bien organisé, on peut répéter cette observation aussi souvent qu’on le veut. Des milliers de projectiles ont été ainsi observés au camp de Chàlons, à l’Ecole normale de tir.
- Lorsque la vitesse est forte, l’aspect que l’on observe est représenté ci-dessus (fig. 2.) La balle semble être au sommet d’un cône d’air dont les bords sont relativement opaques. On observe en somme ce qu’on voit quand on fait mouvoir rapidement un corps dans l’eau; quant à le définir exactement, cela ne nous parait pas plus possible qu’on ne saurait le faire de vagues ou de tourbillons dans l’eau.
- 11 a longtemps que beaucoup de militaires ont observé à l’œil nu les petits nuages lloconneux qui indiquent la traînée de la balle et qui ont été également signalés par M. Mach. Ces flocons qui paraissent dus à une condensation de la vapeur d’eau se produisent dans des circonstances que l’on ne saurait définir. Ils apparaissent parfois quand le temps est sec, et parfois aussi lorsqu’il est humide. Lé
- Fi", g. — Aspect d’une balle en mouvement avec son cône d’air.
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- LA NATURE.
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- plus souvent on n'en aperçoit pas île traces sensibles, même à la lunette et dans les conditions les plus favorables d’observation.
- APPAREIL FILTREUR
- i*oun l’épuiia.tio.n des huiles de guaissage
- Le bon fonctionnement des moteurs à gaz et à pétrole exige une dépense journalière relativement importante pour avoir une lubrification convenable du tiroir et du cylindre, organes qui fonctionnent à une température élevée. Généralement la marche de ces moteurs, et c’est là un de leurs avantages, est assurée sans exiger une surveillance suivie; pour cette raison, le graissage doit être continu, automatique et assez abondant.
- Après la circulation dans les organes du moteur, l'huile qui s’en écoule est recueillie dans des réservoirs de décharge et mise de côté. Celte huile ne peut servir de nou-
- Filtre de il. Ducrelet pour l’utilisaüon des Imites de graissage des moteurs à gaz.
- veau pour les moteurs, à cause des impuretés qu’elle contient; on est obligé de s’en défaire à bas prix. Pour éviter la perte assez importante provenant de ce déchet, M. E. Ducretet a imaginé d’appliquer sur le moteur même des appareils filtreurs spéciaux fonctionnant à une température assez élevée et utilisant la chaleur perdue par le moteur. Cette disposition est fort intéressante puisqu’elle permet d’épurer à tout instant, au fur et à mesure, et gratuitement, celte huile de rebut, et cela jusqu’à son usure complète si elle est de bonne qualité. Une économie importante est réalisée et on évite: l’encoinbrejnent inhérent aux matières de rebut.
- La chaleur perdue par les moteurs à gaz et à pétrole provient des gaz qui s’échappent à l’extérieur après avoir effectué leur travail dans le cylindre et de l’eau qui circule autour du cylindre pour son refroidissement.
- L’appareil filtreur est adapté au tuyau d’échappement des gaz. La figure ci-contre montre la disposition em-
- ployée. M est le cylindre d’un moteur; G le tuyau d’expulsion des gaz chauds. C’est la chaleur élevée de ce tuyau qui est utilisée. Il est enveloppé par le tuyau récupérateur T qui plonge dans un réservoir F recouvert de feutre pour éviter toute perte de calorique par le rayonnement.
- La chaleur se communique à l’appareil filtreur par un bain d’huile au milieu duquel passe le tuyau T. Le filtre proprement dit comprend essentiellement un piston 1, en matières filtrantes, maintenu très comprimé par le couvercle P serré par des boulons. Au-dessus de ce piston se trouve l’huile à épurer, qui, lorsque la température est arrivée au degré convenable, traverse les matières filtrantes et s’écoule à la partie inférieure de l’appareil, où elle est reçue dans une burette. Elle est alors prête à servir de nouveau et indéfiniment.
- Après plusieurs essais comparatifs et suivis, en vue de choisir l’huile la plus convenable au graissage des organes du moteur, M. E. Ducretet a démontré que l’huile minérale de graissage, pure, sans aucun mélange, réalisait les meilleures conditions. Ces huiles sont économiques, elles n’oxydent pas le métal, ne se décomposent pas au moment de l’explosion des gaz dans le cylindre et ne laissent pas de cambouis. On peut les filtrer et les utiliser jusqu’à usure complète. G. M.
- LE PALMIER BIFURQUÉ DE CAYENNE
- Dans la marine, il n’est pas un officier du corps de santé, médecin ou pharmacien, qui n’ait entendu parler, dans les cours des Ecoles de médecine navale, du fameux Palmier bifide de Cayenne. Le professeur d’histoire naturelle n’aurait jamais omis de citer, comme exemple de tératologie végétale, ce cas si curieux de monstruosité.
- On cherche en vain la ville de Cayenne, quand, après vingt-cinq jours de traversée, l’on met le pied sur cette vieille terre française. Une colline, appelée mont Cépérou, sépare en effet complètement la rade de la ville et en masque les rues droites et perpendiculairement entrecroisées. Mais à peine a-t-on parcouru quelques centaines de mètres, que le regard s’arrête sur une vaste place, de 500 mètres de long sur 150 de large, plantée d’une quadruple rangée de Palmiers, qui balancent lourdement leur beau panache vert, au sommet d’un tronc s’élançant verticalement. Si, placé a une extrémité de la place, on enfonce le regard dans une allée quelconque, la perspective devient majestueuse ; on se croirait transporté sous la voûte d’une immense cathédrale.
- L’aspect général de cette place, où l’herbe croit haute et drue, est étrange; il devient funèbre, quand la Lune, frappant de ses pâles rayons ces longues tiges de Palmiers, couche leur ombre sur le sol.
- En 1856, cette place était plantée de Tamariniers : à cette époque, on voulut en niveler le terrain, assez inégal; mais, le Tamarinier ayant des racines divergentes et s’enfonçant relativement peu dans le sol, on fut obligé, pour maintenir ces arbres, de réserver autour de leur pied des blocs de terre assez considérables ; malgré cette précaution,
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- LA NATUUE
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- un coup de vent pouvait, en déracinant ces Tamariniers, occasionner de graves accidents : on résolut donc leur perte, et on les remplaça par de jeunes plants de Palmiers, obtenus de graines au jardin de lladuel, situé dans les environs de Cayenne1 2 * *.
- Ces Palmiers, originaires d’Amérique, mais non de la Guyane, appartiennent au genre Areca et à l’espèce Oleracca. Au nombre de 420, ils possèdent actuellement une hauteur de 50 mètres et une circonférence de 2m,50 à 2'",50.
- Le Palmier bifurqué, situé à l’angle nord-nord-est de la place, en lace de l’hôpital militaire, n’a d’abord rien montré d’extraordinaire dans sa croissance. Arrivé à environ 10 mètres du sol. il se bifurqua subitement et il continua à s’élever dans la position où le représente la photographie (voy. la ligure). Je n’ai pu découvrir, même en m’adressant aux plus anciens habitants de Cayenne, à quelle époque s’était présentée la bifurcation ; celle-ci a cependant dù être remarquée.
- La séparation a lieu au tiers inférieur de la hauteur; le tronc principal ne diffère nullement à l’extérieur de celui des Palmiers voisins, et l’on ne remarque à sa surface aucune trace de sillon longitudinal, indiquant qu’une soudure ait pu se former de bonne heure entre deux jeunes plants5. 11 a dù se produire, à un moment donné, un avortement du bourgeon terminal, qui fut remplacé par deux bour-
- La Place des Palmistes, à Cayenne. — Le palmier bifurque. (D’après une photographie de l’auteur.)
- geons latéraux dont l’évolution continua régulièrement.
- Les deux tiges latérales sont exactement de la même hauteur et du même diamètre; elles lleuris-sent et elles fructifient comme si les deux Palmiers étaient isolés : elles donnent attache et nourrissent de belles orchidées à grappes rouges.
- Cependant, cette bifurcation si étrange est destinée, dans un avenir peut - être peu éloigné, à disparaître. Des crevasses se forment déjà à la jonction avec le tronc principal, et il est à craindre qu’un coup de vent n’achève l’œuvre de destruction déjà commencée.
- 11 serait vraiment regrettable que ce curieux phénomène végétal fût définitivement perdu pour la science, et l’on ne doit chercher son salut que dans sa mort prochaine. Il serait facile de l’abattre après en avoir coupé les longues et lourdes feuilles C Le tronc, relativement peu pesant, comme celui de tous les Palmiers, serait facilement embarqué sur un transport de l’Etat et le Muséum d’histoire naturelle de Paris posséderait ainsi un des spécimens les plus rares et les plus curieux de tératologie végétale.
- Je ne doute pas que la ville de Cayenne ne consente à faire ce sacrifice au profit de la science, et c’est sûrement le plus beau cadeau quelle pourra envoyer à l’Exposition universelle de 1889. J. Philaire.
- 1 Cette plantation fut dirigée par M. Alfred de Saint-Quentin, capitaine du génie.
- 2 Le sillon que semble montrer la photographie, résulte de
- ce que la moitié du tronc principal est recouverte dans toute
- la longueur de plaques de lickcns gris-jaunâtre, l’autre moi-
- tié montre à nu une écorce gris foncé.
- 1 Une feuille desséchée, pesée avec sa gaine au moment où elle se détache naturellement de la cime, donne un poids variant de 10 à 12 kilogrammes. Sa longueur est de 0 mètres; un palmier en possède en moyenne 18 à 20 en plein développement.
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- LA NATURE.
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- Voici quelles étaient ses dimensions principales :
- LE PREMIER VAISSEAU FRANÇAIS
- COMTARÉ A UN NAVIRE CUIRASSÉ MODERNE
- Nous trouvons dans de vieilles annales sur notre littoral des notes aussi curieuses que précises sur le premier vaisseau de ligne construit en France.
- 11 est assez intéressant de comparer les chiffres fournis par ces documents avec les dépenses occasionnées par nos armements actuels. Comme la monnaie n’est qu’un signe re-présentati fdes valeurs, on pourra voir aisément les analogies et les différences qui ressortent de cette confrontation entre deux époques si éloignées.
- Le premier vaisseau de ligne français a été exécuté par un simple constructeur de Dieppe nommé Morin. Cet immense travail fut accepté .par contrat et l’entrepreneur s’en tira, dit la chronique, à la satisfaction du roi. C’est sur la rive gauche de la Vilaine, un peu au-dessous de la Hoche - Bernard, que ce batiment fut mis en chantier, dans le courant de 1657.
- 11 se nommait la Couronne.
- 11 devait armer, en batterie,
- 76 canons en bronze.
- Les dimensions que le constructeur assigna à cette énorme machine de guerre, un des chefs-d’œuvre de l’esprit humain, se rapprochent tellement de celles d’un vaisseau de 74 de notre ancienne marine, qu’on est étonné de la justesse des proportions et des calculs d’après lesquels les plans furent établis.
- Longueur de quille (120 pieds). . . 50 mètres
- Longueur de tète en tète (155 pieds). 45,88 —
- Largeur au.maître (46 pieds). . . . 14,95 —
- Creux sur quille (50 pieds).......16,25 —
- Nous n’avons point le déplacement delà Couronne.
- Mais en admettant, à cause des formes adoptées pour les anciens voiliers, que le volume de carène immergé devait être les deux tiers environ du parallélépipède rectangle circonscrit, on trouve, pour ce déplacement, le chiffre de 2000 tonnes. C’est un chiffre énorme pour cette époque. Nous sommes au temps de Richelieu. Les armées navales sont composées de pataches, de brûlots, de flûtes, de galions et de galères qui ne sont que des embarcations. Quant aux frégates, elles ne déplaçaient pas 500 tonnes. Seuls les vaisseaux montés par les amiraux atteignaient 800 a 900 tonnes. L’amiral de Sourdis, qui commandait alors nos flottes de guerre, cite comme une merveille le vaisseau « d’au moins mille tonneaux » qui portait le pavillon de son adversaire don Lo-pez.
- Le grand mat de la Couronne avait H 7 pieds, c’est-à-dire 58 mètres. Le jeu de ses voiles contenait, en toile petite laize, 56 000 pieds ou 11700 mètres. Le gros cable avait 24 pouces de circonférence (0m,65), 600 pieds de long (195 mètres, c’est-à-dire une encablure) et pesait 14 000 livres (6855 kilogrammes). La grande ancre pesait 5000 livres (2447 kilogrammes).
- L’état-major de ce bâtiment comprenait un eapi-
- Fig. 1.
- La Couronne, premier vaisseau de guerre français (1637). (D’après une ancienne gravure.)
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- LA NATURE
- taine de vaisseau, commandant, un lieutenant de vaisseau et un enseigne.
- Le commandant recevait 500 francs par mois ; le second, 100 Irancs; et l’enseigne de vaisseau, 50 Irancs. A son premier armement la Couronne fut commandée par de Launay Rosilly. Le second se sommait Coquet et l’enseigne Prévost (d’Orléans). Ce ne sont pas là des noms bien aristocratiques pour une époque où, dit-on, le favoritisme régnait sans contrôle.
- Ces trois officiers étaient nommés par le roi, et le commandant choisissait le complément de l'équipage qu’il nourrissait moyennant une somme qu’il recevait de l’Etat. Ce n’était, donc pas pour une simple affaire de discipline que les matelots pouvaient préférer un commandant à un autre. La question de la soupe venait aussi influencer les choix. Mais le marin a toujours été un bon et brave enfant, pas difficile, amoureux de la gloire. 11 eliansonnait son « chef de gamelle » s’il était trop économe, et acclamait son commandant s’il le conduisait à la victoire — ce qui arrivait souvent à l’époque de la Couronne.
- Nous avons dit que le cardinal de Richelieu dirigeait alors les affaires de France. Monseigneur de Sourdis, archevêque de Rordeaux, était « conseiller d’Etat pour la marine ». L’aumônier général de la marine était saint Vincent de Paul.
- L’équipage de la Couronne était ainsi composé : un aumônier, un prévôt, 5 capitaines d’armes, 2 sergents, 6 caporaux, 6 anspessades (soldats avec une haute paye ou premiers soldats), un maître d’équipage, 4 contremaîtres (seconds-maîtres) 16 quartiers-maîtres, un maître charpentier, 14 charpentiers-calfats, 2 tonneliers, 8 maîtres-valets, 3 mai très-coqs, 88 canonniers, il houte-feux, 5 armuriers, 500 matelots ayant tous certificat de long cours. Total, 675 hommes.
- Ce bâtiment coûta 500 000 francs en monnaie de l’époque.
- La poudre à canon se payait alors 14 sols la livre, c’est-à-dire à raison de 1 franc 40 le kilogramme.
- Le plomb coûtait 2 sols la livre, soit 19 francs 70 les 100 kilogrammes; le filin, 4 sols 6 deniers, soit 45 centimes le kilogramme ; la toile de Rretagne, 14 sols Faune, soit 60 centimes le mètre; le biscuit, 5 liards la livre, soit 12 francs 50 les 100 kilogrammes ; le lard salé, 2 sols 6 deniers, soit 24 francs 70 les 100 kilogrammes; la morue, 1 sol 9 deniers, soit 17 francs 50 les 100 kilogrammes; les pois, 1 sol, soit 7 francs 60 l’hectolitre; le beurre, 4 sols, soit 40 centimes le kilogramme.
- La principale différence qui existe entre la Couronne et les 74 de la dernière marine à voiles se trouve dans le chiffre numérique de l’équipage. Sous la Restauration, un vaisseau de 74 portait au moins 900 hommes.
- Voici maintenant les chiffres qui se rapportent à Y Amiral-Baudin, le plus puissant des cuirassés à flot de notre marine.
- Ce bâtiment a été lancé à Brest, le 5 juin 1885. 11
- est construit en fer et acier, sur les plans de M. l’ingénieur Godron. Ses dimensions principales sont les suivantes :
- Longueur extrême. . . (321 pieds) ou 404™,40.
- Largeur.............. (66 — ) ou 21m,54.
- Creux du trait inférieur
- de ràblure......... (24 — ) ou 7m,85.
- Tirant d’eau moyen . . (24 — ) ou 7ra,86.
- Déplacement en charge. 41,356 tonnes.
- VAmiral-Baudin n’a point de mâture proprement dite. Un mât porte la lmne des hotchkiss et sert pour les signaux.
- Il possède deux machines et deux hélices. Les machines développent ensemble 8520 chevaux.
- La ceinture cuirassée a 55 centimètres dans la maîtresse partie. Son épaisseur va en diminuant graduellement jusqu’aux extrémités où elle n’est plus que de 46 centimètres à l’avant et de 55 centimètres à l’arrière. Le poids de cette armure est de 1980 tonnes. Les ponts et les hiloires de panneaux et de cheminée sont blindés à 8 centimètres; à 10 centimètres au-dessus des machines. Ce blindage pèse 1058 tonnes. Les plaques des tourelles qui ont 45 centimètres d’épaisseur et les tubes des passages (0m,40) pèsent 911 tonnes, ce qui donne, pour toute la cuirasse, 5949 tonnes, à peu près le double du poids de la Couronne.
- L’artillerie comprend trois pièces de 57 centimètres (75 tonnes) dans les tourelles, douze canons de 14 centimètres en batterie et douze hotchkiss dont deux placés dans la hune.
- L’état-major de ce bâtiment comporte :
- 4 capitaine de vaisseau, commandant, recevant....................817fr,90 par mois.
- 4 capitaine de frégate, second. . 742fr,41 —
- 5 lieutenants de vaisseau, chefs de
- quart, recevant chacun. . . . 547f,',36 —
- 5 enseignes de vaisseau............ 252,r,63 —
- 4 2 aspirants de marine...............151fr,58 —
- 1 mécanicien principal........... 547tl',56 —
- 1 sous-commissaire................. 547fr,56 —
- 1 médecin de 4re classe............ 347fr,56 —
- 1 médecin de 2e classe........... 252fr,65 —
- 4 aide-médecin......................185fr,46 —
- 4 aide-pharmacien.................. 485fr,46 —
- A cc personnel s’ajoutent les membres de l’état-major général quand le bâtiment porte le pavillon du commandant en chef.
- Le reste de l’équipage comprend en mécaniciens, chauffeurs, forgerons, canonniers, torpilleurs, fusiliers, gabiers, armuriers, charpentiers, calfats, magasiniers, agents des subsistances et matelots, 672 hommes. Soit en tout 706 hommes.
- La valeur de la coque de Y Amiral-Baudin, matières et main-d’œuvre, est de 11400 000 francs; celle des machines et chaudières, de 1 560000 francs. Le bâtiment, barre en main, revient à près de 20 millions.
- L'armement de ce cuirassé comporte, entre autres choses, 4 ancres de 5100 kilogrammes chacune,
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- munies respectivement de 10 maillons (le maillon est de 50 mètres) de chaînes n° 1, pesant 75 kilogrammes au mètre courant. L’ensemble du système destiné à l’amarrage de VAmiral-Baudin pèse donc 108 tonnes.
- La résistance des chaînes de la marine est éprouvée à raison de 17 à 20 kilogrammes par millimètre carré de la double section du 1èr.
- Les échantillons employés pour ïAmiral-Baudin ont 58 millimètres de diamètre et peuvent résister ainsi à des efforts de 90 à 110 000 kilogrammes. D’autre part, en admettant la formule de Colomb et Duhamel, on voit que les eâble's de la Couronne avaient une résistance au moins aussi grande. Seulement, tandis que les chaînes peuvent se lover sur elles-mêmes, la raideur des grelins en chanvre ne permet pas une aussi complète utilisation de l’espace.
- On loge les chaînes de Y Amiral-Baudin dans un puits qui n’a pas 50 mètres cubes, tandis qu’il faudrait une soute de plus de 170 mètres cubes pour recevoir les 1200 mètres de grelin que comporterait son devis d’armement.
- Les conditions économiques de cet armement ont aussi singulièrement changé. Les commandants sont toujours « chefs de gamelle » à l’égard des officiers supérieurs qui s’assoient à leurs tables, mais ils ne prennent plus à forfait l’entretien de leurs équipages. Depuis Colbert, l’Etat y pourvoit directement par l’entremise d’agents spéciaux. Ceux-ci furent naturellement voués à l’exécration des hommes et, il faut le reconnaître, avec raison. Un commis aux vivres, même au commencement du siècle, se retirait avec fortune faite après deux campagnes sur une frégate.
- Il faut voir ce qui composait l’ordinaire des matelots pour comprendre ce qu’un pareil résultat devait entraîner d’odieux rabiau sur les rations. Aujourd’hui le contrôle efficace du commissariat de la marine a fait disparaître ces tristes abus et le marin embarqué consomme à peu près exactement tout ce que l’Etat lui alloue pour sa nourriture quotidienne.
- Nous avons sous les yeux les derniers prix des adjudications de vivres :
- Le lard salé est payé à raison de 145 francs les 100 kilogrammes; la morue, 44 francs; les pois coûtent 50 francs l’hectolitre; le beurre, 2 fr. 70 le kilogramme, en Bretagne.
- En rapprochant ces chiffres de ceux que nous avons donnés pour l’épeque de la Couronne, on voit que l’existence coûte, aujourd’hui, à peu près cinq fois plus qu’alors. Mais, pour comparer de la même manière les situations des officiers, il faut tenir compte, pour ceux de nos jours, des allocations journalières qu’ils reçoivent à titre de traitement de table.
- Le capitaine de vaisseau commandant reçoit 29 lr. 10 c. par jour pour lui et son second, le lieutenant de vaisseau et l’enseigne, 5 francs.
- Le traitement complet du premier est donc ramené à 1200 francs environ, celui du lieutenant de vaisseau a 457 et celui de l’enseigne à 547.
- L’enseigne est seul à avoir bénéficié du changement et le capitaine de vaisseau a été moins favorisé que le lieutenant de vaisseau. Si on considérait les autres degrés de l’échelle, on trouverait encore cette tendance égalitaire très marquée.
- Quant à nos braves marins, ils sont aujourd’hui presque heureux. Leur service est devenu de moins en moins pénible et leur solde s’est accrue dans des proportions appréciables. Leur ordinaire aussi s’est amélioré. Ils n'y ont pas souvent de beurre, mais ils ont conservé de bonnes relations de camaraderie avec le lard salé, le biscuit, les pois et une invention soissonnaise, le fayol, de troublante mémoire...
- Six ET Y ue Sigoyer.
- BIGUE DE 4i>0 TONNES
- DD PORT DE MARSEILLE
- Depuis un quart de siècle, les nations maritimes se préoccupent incessamment d’améliorer l’outillage de leurs grands ports; l’emploi des voies ferrées amenant le plus près possible du point d’embarquement les marchandises à charger sur les navires, la substitution des môles obliques aux môles perpendiculaires dans les grands docks, la création de la manutention hydraulique par grues mobiles, laquelle cédera peut-être, dans un temps prochain, la place à la manutention électrique, constituent les moyens les plus usités pour accélérer les transbordements, et en réduire les dépenses au minimum. Mais en même temps qu’on augmentait les facilités de tout genre pour la manutention des colis, il fallait également accroître, dans des proportions considérables, la puissance des engins qui leur sont appliqués. La construction des grands paquebots exige aujourd’hui la mise en place de chaudières de poids considérables, et l’adoption des pièces énormes qui composent l’artillerie des cuirassés nécessite également des efforts inconnus jusqu’à ces derniers temps.
- On ne saurait donc plus se contenter actuellement du levage et du déplacement horizontal effectués à bras d’hommes agissant sur des treuils ou des cabestans.
- 11 est devenu nécessaire d’appliquer à ces opérations des moteurs à vapeur ou hydrauliques. Ces derniers sont les plus usités à cause de leur fonctionnement facile et se prêtant aux efforts les plus considérables avec une proportionnalité très satisfaisante de la dépense de force motrice.
- L’un des plus remarquables parmi ces engins est celui que la Compagnie de Fives-Lille a établi récemment sur l’un des môles du Bassin national à Marseille pour le service de la Chambre de commerce, et il mérite d’autant mieux une description (ju’il réalise d’importants perfectionnements sur les
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- appareils analogues existant actuellement dans les autres ports.
- D'après les conditions du programme on devait réaliser à volonté des puissances de 25, 75 et 120 tonnes avec une dépense d’eau proportionnelle, le levage de la chargea 7 mètres au-dessus du quai, et son transport horizontal de 0 mètres en dehors de l’arête jusqu’à 5 mètres en arrière, de manière à pouvoir prendre la charge à bord d’un navire et la déposer sur un chariot, et réciproquement.
- La bigue devait donc être susceptible de deux opérations : 1° le levage de la charge; 2° son transport horizontal. Pour la facilité de la description, nous indiquerons tout d'abord les dispositions qui assurent la seconde.
- L’appareil est du type dit à trépied oscillant; le trépied est constitué par deux pièces ou Ligues latérales en tôlerie A,A (fig. 1) reposant sur le mur de quai, et par une bielle B articulée à sa partie supérieure sur ces deux pièces, et attelée à sa partie inférieure sur la tête du piston d’une presse hydraulique. Cette presse repose sur un chevalet en tôlerie F solidement boulonné sur la maçonnerie. Le piston rappelle à lui la bielle B lorsqu’il descend, et entraîne dans le même mouvement les bigues latérales A, ainsi que la charge suspendue à leur point d’articulation, et celle-ci est ainsi amenée à une distance de 5 mètres de l’arête du quai pour opérer le chargement sur chariot. Inversement, si le piston monte, il pousse devant lui l’ensemble de la charpente ainsi que l’appareil de levage dont le crochet arrive à 9 mètres au delà du bord.
- L’appareil de levage consiste également en une presse hydraulique suspendue au sommet du trépied. Mais, pour éviter de faire travailler les joints du cylindre sous Faction de la charge qui tendrait à les ouvrir et à occasionner des fuites, la presse n’est pas suspendue à l’axe même de réunion des bigues. Le cylindre repose directement sur un énorme étrier de 14 mètres de hauteur dont les tirants seuls sont articulés sur cet axe par un joint à la cardan. Dans ces conditions, l'effort de la charge portée par la tige du piston s’exerce uniquement sur les tirants de l’étrier, et les parois du cylindre ne travaillent que sous la pression de l’eau motrice. Celle-ci est introduite à la hase inférieure de la presse par une soupape qu’un ouvrier spécial, placé sur une plate-forme supportée par la base de l’étrier, manœuvre à volonté.
- On voit que le principe général appliqué pour
- l’utilisation de la puissance motrice est celui de l’action directe. 11 avait déjà été employé dans quelques appareils analogues construits par sir William Armstrong, notamment ceux de l’arsenal de la Spez-zia et de la fonderie de canons d’Elswick, mais uniquement pour la presse de levage, et c’est la première fois qu’il en a été fait usage pour produire le mouvement d’oscillation correspondant au déplacement horizontal de la charge.
- Auparavant la commande de ce dernier s’effectuait par l’intermédiaire d’un mécanisme qui présentait l’inconvénient, outre sa complication et son prix plus élevé, d’absorber une quantité considérable de force en frottements. En outre, la commande par action directe permet d’imprimer aux manœuvres une célérité bien plus grande en disposant de la réserve d’eau sous pression contenue dans les accumulateurs.
- Un autre perfectionnement très important et également du à la Compagnie de Fives-Lille consiste dans l’adjonction de cliquets de sûreté qui s’engagent à volonté dans des crémaillères parallèles à la tige du piston de chacune des presses, et mobiles avec lui. Les cliquets, au contraire, sont articulés sur des axes fixés sur les fonds des cylindres. Ce dispositif présente les avantages suivants. Pour la presse de levage, s’il vient à se produire une fuite aux joints ou dans la conduite d’alimentation, la descente de la charge peut être arrêtée instantanément, ce qui prévient les graves avaries que causerait aux navires et à la Ligue elle-même la descente, quelque lente qu’elle fût, d’une charge de 120 tonnes. Pour la presse d’oscillation, ce dispositif permet de fixer le pied de la bielle en un point quelconque de sa course, si l’on veut démonter le piston; il permet encore de maintenir automatiquement la Ligue dans une position invariable, en cas d’avaries subites survenues dans la tuyauterie.
- Pour produire les trois puissances de 25, 75 et 120 tonnes imposées par le programme, en ne dépensant, pour chaque cas, qu’une quantité d’eau sous pression correspondante, il faut nécessairement faire varier la pression de l’eau motrice dans le même rapport que l’effort à exercer. Ce résultat est atteint en déterminant le diamètre des cylindres de levage et d’oscillation, de manière à obtenir la puissance moyenne de 75 tonnes, en faisant agir directement l’eau de la conduite générale sous la pression normale de 50 atmosphères.
- Pour les puissances de 25 et 120 tonnes, on
- Mur de quai
- Mur de quai
- Fig. 1. — Bigue de 120 tonnes du port de Marseille. Figure schématique,
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- Vue d'ensemble de lu higue de 120 tonnes du port de Marseille, (D'après une photographie)
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- fait usage d’un multiplicateur automoteur qui se compose de deux, cylindres disposés bout à bout dans lesquels se meuvent des pistons A et B de diamètres différents (fig. 5). Quand il s’agit de soulever la charge de 120 tonnes, l’eau à 50 atmosphères actionne le piston A, et l’autre refoule dans le cylindre de levage l’eau motrice a une pression beaucoup plus grande. Si la charge à élever n’est que de 25 tonnes, l’eau à 50 atmosphères actionne le piston B, et le piston A refoule l’eau motrice dans le meme cylindre à une pression beaucoup plus faible. Les memes opérations s’effectuent dans le cylindre d’oscillation, lorsqu’on a à déplacer les charges extrêmes de 25 et 120 tonnes.
- La bigue est également munie d’un cylindre hydraulique E (fig. 1) placé sur le dos de la bielle et servant, par une transmission luniculaire, à soulever les chaînes d’élingagc, à ramener le piston du grand cylindre au haut de sa course, ainsi qu’aux travaux accessoires.
- Enfin l’ensemble des appareils est complété par un accumulateur contenant en réserve une grande partie de l’eau nécessaire à une opération et analogue à celui qui a été décrit dans l’article que La Nature a publié précédemment sur l’installation hydraulique des Messageries de la gare Saint-Lazare h
- Fig. 5. — Multiplicateur automoteur.
- La bigue de Marseille peut, en résumé, élever une charge maximum de 120 tonnes de 7 mètres au-dessous du quai à 7 mètres au-dessus, soit une hauteur verticale de 14 mètres, et faire subir un déplacement de 9 mètres en dehors de l’arête du quai et de 5 mètres en dedans, soit un total de 14 mètres également. Les cylindres des presses tle levage et d’oscillation ont 0m,535 de diamètre et 120 millimètres d’épaisseur, la course du second est de 6m,92. La longueur des bigues latérales est de 35™,700 et celle de la bielle de 33m,500. L’appareil a été essayé dans des conditions satisfaisantes sous une charge de 140 tonnes.
- Les études de ce puissant engin ont été faites par M. Bassères, ingénieur, chef du service de mécanique générale de Fives-Lille, d’après un programme tracé par M. Guérard, ingénieur en chef des ponts et chaussés et du service maritime à Marseille, à qui l'on doit les importants travaux d’installation que la Chambre de Commerce de ce port vient de faire exécuter pour les quais du Bassin National et de la Gare maritime. G. Richou,
- Ingénieur des arts et manufactures.
- 1 Voy. n° 750, du 15 octobre 1887, p. 510.
- L’OURS NOIR D’AMÉRIQUE
- (Suite. Voy. p. 1(><S.)
- L’Ours noir habitait naguère encore la plus grande partie de l’Amérique septentrionale, depuis les bords de la mer Polaire jusqu'à l’isthme de Panama, mais par suite du progrès des défrichements et de la guerre incessante qui lui a été faite, il a déjà presque entièrement disparu de tous les Etats du Sud et de l’Est de la Confédération américaine, et il ne se trouve plus que dans le Far West, dans le voisinage des Montagnes-Rocheuses, sur certains points de la Californie et dans les grandes forêts du Canada. Par ses mœurs et par son régime il se rapproche beaucoup de l’Ours brun, mais il se montre plus franchement végétarien et, par suite, d’humeur plus douce, a Comme les daims, les cerfs et les chevreuils, dit Audubon1, l'Ours noir change de canton suivant les saisons, pour se procurer ainsi qu’eux une abondante nourriture, ou se retirer dans les endroits les plus inaccessibles, et qui lui offrent un asile sur, loin des poursuites de l’homme, le plus dangereux de tous ses ennemis. Durant les mois du printemps, on le voit d’ordinaire, soit dans les bas et riches terrains d’alluvion qui s’étendent au long des rivières, soit au bord de ces lacs de l’intérieur qu’à cause de leur peu d’étendue on appelle des étangs. Là il trouve quantité de succulentes racines et des tiges de plantes tendues et gonflées de sève, qui lont à ce moment sa principale ressource. Avec les chaleurs de l’été, il s’enfonce dans les sombres marécages et passe la plus grande partie de son temps à se vautrer dans la vase, comme le porc, se contentant alors d’écrevisses, d’orties, de racines, et par-ci par-là, quand la faim le presse, se jetant sur un jeune cochon, sur-une truie et quelquefois même sur un veau. Aussitôt que les différentes sortes de baies qui viennent sur les montagnes commencent à mûrir, les Ours suivis de leurs oursons gagnent les hauteurs. Dans les parties retirées du pays où il n’y a pas de terrains montagneux, ils rendent visite aux champs de maïs, et s’amusent quelques jours à y faire le dégât ; après cela ils donnent leur attention aux différentes espèces de noix, de faînes, de fruits en grappes, et autres productions des forêts. C’est à ce moment qu’on rencontre l’Ours errant solitaire à travers les bois, pour faire sa récolte, n’oubliant pas de piller, sur son chemin, chaque essaim d’abeilles sauvages qu’il peut trouver, car c’est, comme on sait, un animal très expert dans ce genre d’opération. »
- Suivant quelques auteurs, le Baribal serait très friand de poissons et notamment de harengs qu’il pêcherait avec beaucoup d’adresse à l’époque du frai, dans les criques et les baies peu profondes, et, d’après Samuel Hearne, l’auteur d’un Voyage à l'Océan du Nord, ce même carnassier rechercherait également les petits crustacés d’eau douce qu’il
- 1 Scènes de la nature dans les États-Unis, traduites des œuvres de J.-J. Audubon, par Eug. Bazin, Paris.
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- capturerait en grand nombre en nageant la gueule | ouverte, dans les lacs et les étangs. Cependant Au-dubon ne fait aucune allusion a cette particularité de régime, tandis qu’il confirme, par ses observa- , tions personnelles, ce que ses prédécesseurs ont écrit relativement au séjour plus ou moins prolongé que l’Ours noir tait, à certaines époques, soit dans des cavernes, soit dans des troncs d’arbres creux. Il y a longtemps déjà, Alexandre Henry, l’un des pre- j niiers explorateurs du pays des fourrures, avait j trouvé un Raribal dans de semblables conditions, j « Au mois de janvier, dit-il, j’eus le bonheur de j rencontrer un pin dont l’écorce portait les traces des griffes d’un ours. En l’examinant de plus près, ' je remarquai, à la partie supérieure du tronc, un grand trou donnant accès dans l’intérieur qui était ! évidé, et j’en conclus qu’un Ours devait avoir établi j là sa résidence d’hiver. Je fis part de mes observations aux Indiens, mes hôtes, et ceux-ci résolurent aussitôt d’abattre l’arbre qui n’avait pas moins de trois brasses de circonférence. Dès le lendemain matin ils se mirent à l’œuvre et vers le soir ils avaient déjà accompli la moitié de leur besogne. Ils recommencèrent le lendemain et vers midi l’arbre j s'abattit. Quelques minutes après on vit apparaître à l’ouverture un Ours de taille peu commune que j'abattis d’un coup de feu avant qu’il eût pu faire quelques pas. » La mort de cet Ours donna lieu à une cérémonie bizarre. Les Indiens s’approchèrent de l’animal abattu, prirent sa tète dans leurs mains et la baisèrent pieusement en demandant pardon à la victime de l’attentat dont elle venait d’être l’objet et dont, d’ailleurs, ils étaient innocents, disaient-ils, un Anglais ayant seul pu commettre ce crime abominable; mais bientôt, changeant d’allures, ils se mirent prestement à dépouiller l’animal qu’ils venaient d’adorer, et emportèrent triomphalement la peau, la chair et la graisse dans leur demeure. Une fois arrivés, ils placèrent sur un échafaudage la tète de l’Ours qu’ils décorèrent avec des bandelettes d’argent et des joyaux de toutes sortes et devant laquelle ils placèrent un tas de tabac.
- Le lendemain matin, après avoir soigneusement balayé la butte, ils déposèrent la tête de la bête sur une pièce d’étoffe neuve, puis les pipes furent allumées et le chef souffla un peu de fumée de tabac dans les narines de l’Ours, afin d’apaiser sa colère, et c’est seulement lorsque les vertus du délunt eurent été suffisamment célébrées, dans un éloge funèbre, que les Indiens se décidèrent à faire honneur au gibier qu’ils devaient à l’adresse du chasseur anglais.
- Ces coutumes bizarres n’étaient d’ailleurs point spéciales aux Peaux-Rouges et nous savons par les écrits de Pcnnant qu’au siècle dernier les Finlandais adressaient également des prières à l’Ours tué à la chasse et le suppliaient de veiller à la sécurité de leurs demeures et d’assurer la prospérité de leurs familles.
- Dans la guerre acharnée qu’ils font depuis de
- longues années aux Raribals, les Indiens et les trappeurs blancs se servent tantôt de pièges, tantôt d’armes à feu ; mais, quel que soit le moyen employé, cette chasse n’en présente pas moins de sérieux dangers, car l’Ours noir, lorsqu’il n’est que légèrement blessé, se défend avec un grand courage.
- — A suivre. — E. OoSTACET.
- LES INCENDIES DE COTONS
- Cinquante sinistres récents, et notamment dans notre port du Havre, celui du Tancarville, qui brûle encore au moment où j’écris, ont attiré l’attention publique sur les incendies dans les chargements de coton.
- Rien des gens compétents, et notamment M. Dupré, chimiste à Liverpool, prétendent que le coton ne peut s enflammer spontanément.
- M. Dupré, chargé de rechercher les causes de l’incendie du paquebot City of Montreal, ayant entre les mains les échantillons des cotons chargés sur ledit steamer, a fait sam succès toutes les expériences imaginables pour arriver à provoquer une inflammation spontanée des cotons soumis à examen.
- Voici d’ailleurs l’analyse de deux sortes de cotons :
- Coton américain. Coton indien.
- Humidité................7,28 p. 100 7,24 p. 100
- Matières grasses. . . . 0,70 — 1,70 —
- Substances blanches. . . 1.56 — 1,90 —
- Cendres................. 1,46 — 5,70 —
- Le reste est du coton pur ou des graines de colon.
- D'après sa composition, et surtout d’après sa plus grande teneur en matières grasses, le coton de l’Inde serait certainement le plus sujet à la combustion spontanée, cependant il ne s'enflamme jamais, et les cotons d’Amérique ou d’Egypte ont seuls ce triste privilège.
- M. Luders, de Brème, qui fait un grand commerce de cotons avariés, — il peut aussi faire maintenant un grand commerce de cotons brûlés, — dit que le coton même humide, même chargé d'huile, même exposé au soleil, ne peut s’enflammer et ne s’est jamais enflammé spontanément chez lui.
- Dans les incendies de coton, on doit donc exclure complètement la combustion spontanée ; il y a pourtant une cause à peu près certaine des incendies multiples signalés, et cette cause, la voici :
- Le coton est. aussi inflammable (pie de la poudre à canon. Une étincelle du foyer d’une ehandiére, d’une grue à vapeur, du cigare d’un imprudent, ou provenant du choc d’un silex, vient-elle à tomber sur le coton, il est en feu. Une balle de coton, c’est, une balle d’amadou.
- La balle, dis-je, est en feu ; mais je ne veux pas prétendre que ce feu, progressant vite, amènera immédiatement le jaillissement des flammes ; non ; cette balle embrasée peut être chargée sur le navire, portée d’Amérique en Europe, sans qu’on s’aperçoive de rien; le feu ronge la halle intérieurement, lente-
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- ment, sans qu’aucune odeur ou fumée ne vienne trahir le dangereux élément ; le sinistre éclatera en mer, ou plus tard, sur le quai de déchargement, voire môme à destination, dans la manufacture, et ces circonstances mystérieuses feront croire à une soi-disant combustion spontanée.
- C’est une particularité du coton de brûler parfois lentement, de couver le feu, et c'en est une autre de sa part, d’arrêter fumée et odeur; avec du coton dans la bouche et le nez, on pourrait faire des sauvetages dans les incendies et pénétrer dans les milieux remplis d'épaisse fumée, que le coton intercepterait; la chose est bonne à noter.
- Un exemple donnera une idée d’un feu de coton : Deux mois après son départ d’Amérique, une balle est débarquée au Havre, saine apparemment ; on remarque, heureusement, une légère tache noire sur l’un des cotés de la balle; en cet endroit quelque étincelle était probablement tombée, le feu s’était propagé intérieurement à plusieurs décimètres de profondeur ; il rongeait encore la masse, il ne demandait qu’un peu d’air, que l’échantillonnage pouvait lui procurer, pour faire irruption au dehors.
- Le remède évidemment consiste à envelopper soigneusement les cotons avec une matière incombustible, ou peu combustible. Ce résultat est parfaitement atteint, pour les cotons de l’Inde, en les enveloppant d’une toile spéciale, d’un tissu serré, que l’on fabrique à Dundee, en Écosse. Voilà pourquoi les balles de l’Inde ne s’enflamment jamais, alors que celles d’autres pays, enveloppées d’un tissu lâche, laissant de tous côtés déborder le colon, offrent ainsi toutes chances d’aliment à l’incendie. De plus, comme celles de l’Inde, les balles devraient être rendues plus légères, pour pouvoir être manœuvrées sans l’aide de crocs qui déchirent l’enveloppe.
- Enfin, l’on doit observer une grande vigilance, défendre de fumer, etc., dans le voisinage des cotons. Dans les ports où plusieurs incendies viennent d’éclater, l’attention s’éveille, on observe les règlements et les incendies cessent; quand la discipline se relâche, les sinistres se renouvellent. Dans les entrepôts du Havre, où des centaines de mille de balles sont toujours emmagasinées, mais où la consigne est sévère, la combustion spontanée est inconnue et l’on n’a jamais d’incendies à déplorer. Emile Sorei. fils.
- BAROMÈTRE ANÉROÏDE A CIEL MOBILE
- Dans le baromètre anéroïde ordinaire, on voit une aiguille qui se meut autour de son axe et qui indique la pression barométrique en passant devant les divisions d’un cadran. Un habile horloger de Paris, M. Ledret, a donné au baromètre anéroïde un aspect nouveau qui nous a paru attrayant et digne d’être signalé. Un très léger disque de mica est relié au mécanisme du baromètre ordinaire et c’est ce disque qui pivote autour de son centre. La partie supérieure de ce disque est peinte de manière à imiter les différents aspects du ciel. Quand la pression barométrique est élevée et que les probabilités du temps sont au beau, c’est un ciel bleu qui apparaît; si la pression est très basse et que le temps soit orageux, on voit, au contraire, un ciel sombre chargé de nimbus. Le temps variable se signale par des cumulus.
- Le ciel mobile dont nous venons de parler se meut au-dessous d’un verre peint, figurant un paysage, un viaduc, par exemple, laissant passer le train de chemin de fer classique des tableaux de ce genre. Ce verre est échancré à sa partie supérieure comme l’indique notre gravure, et c’est dans cette échancrure que le ciel apparaît avec ses divers aspects.
- Au milieu de l’ouverture laissant voir le ciel mobile, une petite flèche est gravée en noir, et elle indique la pression barométrique en millimètres de mercure, comme dans les anéroïdes ordinaires.
- Le baromètre à ciel mobile fonctionne donc comme les instruments habituels, mais il offre, en outre, une indication attrayante de l’état du ciel, et il peut être recommandé dans les écoles et dans les familles comme un petit appareil ingénieux, offrant l’occasion d’attirer l’attention sur les comparaisons à faire entre la pression barométrique, l’aspect des nuages et la formation des météores.
- Ce baromètre de M. Ledret rendra des services s’il contribue à attirer l’attention des météorologistes amateurs sur l’étude des nuages et de l’état du ciel. Cette étude est difficile à entreprendre dans les grandes villes où la vue est si malheureusement bornée pour l'observateur, mais elle est facile à réaliser dans les campagnes, où elle peut offrir un vaste champ à explorer.
- Baromètre à ciel mobile de M. Ledret.
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- LES FOURMIS COMESTIBLES
- AU B H K S J L
- Nous avons signalé précédemment les plats de lourmis1 dont se régalent certaines peuplades de
- l'Afrique centrale et de l’archipel Indien. Un de nos lecteurs, M. A. Labarre, nous adresse à ce sujet une très intéressante communication sur des préparations analogues qui sont usitées au Brésil dans des conditions toutes particulières.
- M. Labarre, qui a longtemps habité le Brésil, nous
- Fig. 1. — Fourmis habillées de San-Paulo, au Brésil, vendues par les marchands de fourmis comestibles. (D’après les échantillons communiqués par M. A. Labarre. Grandenr naturelle.
- dit que, dans la Province de San-Paulo, de grosses lourmis appelées Formigas Tanajuras sont préparées dans une certaine saison par des femmes qui les vendent rissolées à sec comme des marrons. Elles s’en vont criant par les rues va ira, ce qui veut dire pour manger, et le peuple achète ce nouveau comestible. Les marchandes vendent aussi ces fourmis habillées comme de petites poupées pour attirer la curiosité des passants.
- Nous reproduisons ci-dessus (lig. 1) l’aspect de ces fourmis habillées d’après les échantillons que nous a communiqués M. Labarre.
- 1 Yoy. Plats, d'insectes, n° 705, du 14 janvier 1888, p. 08.
- Elles sont enfermées dans des boites de carton munies de l’étiquette suivante : Formigas tanajtiras
- veslidas. Unico disposito em San-Paulo (Brazil).
- Les fourmis exercent parfois au Brésil de grands ravages sur la végétation. Souvent dans une nuit ces hyménoptères dépouillent de leurs feuilles une quantité considérable de pieds de caféier, ce qui constitue une perte totale de récolte.
- Les nids de ces fourmis que l’on rencontre souvent tous les 50 mètres sont des monticules de 1 mètre à 1“*,20 de base et de i 60 centimètres du sommet à la base ; ils sont de la 1 couleur du terrain où ils ont été élevés.
- ! M. Labarre en a vu d’autres plus au sud qui
- Fig. 2. — Fourmi comestible du Brésil (Alla cephalotes). — Grande ouvrière, mâle et femelle ; au bas, à gauche, petite ouvrière. (Grandeur naturelle.)
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- LA NA TL LL.
- avaient un diamètre de lln,T>0 sur 1 mètre à l,n.î)0 I
- 7 ^ | de hauteur. Il a rencontré aussi ces mêmes nids le
- long du l'arahvba du coté de San-Lidelis.
- Les fourmis comestibles du lîrésil dont nous venons de parler constituent une espèce spéciale, ['Alla cephaloles des naturalistes, qui comprend les plus grosses lourmis connues (fig. 2).
- Comme chez nos espèces indigènes, le mâle et la femelle sont ailés, mais ce qui esl très remarquable c’est qu’il existe dans celte espèce des neutres de formes et surtout de volume très diflérents.
- L'Atta cephalotes a reçu à cause de ses mœurs les noms de : fourmi de visite, fourmi coupeuse de feuilles, fourmi à parasol. Elle ne sort guère que la nuit et pendant la chaleur du jour les entrées des fourmilières sont soigneusement fermées au moyen de brindilles et de cailloux, qui sont enlevés le soir et déposés auprès des ouvertures, ces divers matériaux devant être de nouveau utilisés lors de la rentrée des lourmis pour clore toutes les portes.
- Les noms de coupeuse de feuilles, fourmi à parasol, ont été donnés aux Atta à cause de l’habitude qu’elles ont de découper dans les feuilles de certains arbres, surtout le caféier et l’oranger, des rondelles qu’elles transportent ensuite dans leur fourmilière en les portant verticalement, formant ainsi de longues processions qui, au dire des voyageurs, présentent le plus singulier aspect.
- Des opinions diverses ont été émises sur l’emploi qu’elles peuvent faire de ces fragments de feuilles. D’après Mac-Cook, ils subiraient dans la fourmilière une préparation qui les transforme en une matière papyraeée grise ou brunâtre employée par les fourmis h la construction de cellules hexagonales rappelant celles des abeilles et des guêpes, mais moins régulières. M. Belt pense, lui, que ces feuilles se transforment simplement en une sorte de terreau sur lequel poussent des champignons servant de nourriture aux fourmis.
- Le nom de fourmi de visite leur a été donné à cause des Iréquentes visites nocturnes qu’elles pratiquent dans les maisons, pillant sur leur passage les provisions de toute espèce, mais surtout le Manioc, ce qui leur a aussi valu le nom de fourmi du Manioc; on n’est pas non plus parfaitement fixé sur l’usage qu’elles font de cette substance.
- Au point de vue alimentaire, il paraît que les Indiens recherchent surtout l’abdomen des grosses femelles remplies d’œufs.
- CHRONIQUE
- Photo-poudre ou éclair magnétique. — Un
- grand nombre de nos lecteurs ont essayé ce nouveau produit depuis l’article qui a été publié à ce sujet dans nos colonnes (p. 171). Plusieurs opérateurs nous ont envoyé les résultats qu’ils ont obtenus. Parmi ceux-ci nous mentionnerons une très bonne épreuve de M. Alexandre, de Bruxelles, et, tout particulièrement, une épreuve absolument parfaite de MM. Bluin frères, dé Valence. La 1
- I photographie de ces derniers praticiens représente un ; groupe obtenu la nuit dans une chambre, à l’aide de la photo-poudre ou éclair magnésique. Tous les détails sont excellents. L’image a été obtenue avec un objectif apla-uétique n° 7>, de français, diaphragme de 20 millimètres. La plaque employée était une plaque Lumière, marque bleue. Voici le mélange dont se servent MM. Blain : magnésium en poudre, 5 grammes; chlorate de potasse, o grammes; coton-poudre, 1 gramme. « Le mélange de magnésium et de chlorate étant fait d’une manière complète, nous en soupoudrons le coton azotique, disent les opérateurs, et nous plaçons le tout sur une assiette ou un réflecteur en fer-blanc. Un conflagrateur en fil de platine et un seul élément de laboratoire au bichromate nous servent pour mettre le feu au mélange. » Ce mélange sert pour les épreuves instantanées.
- lia chimie dans l’antiquité. — M. Berthelot a récemment donné à l’Académie des sciences quelques intéressantes explications sur une curieuse étude qu’il vient de publier avec le concours d’un helléniste exercé, M. Ch.-Em. Ruelle (Collection des anciens alchimistes grecs, Georges Steinheil, éditeur). On y trouve le texte et le commentaire des fragments qui nous sont parvenus d’un auteur de l’antiquité appelé le Pseudo-Démocrite. C’est probablement dans ses écrits qu’il avait puisé plusieurs des renseignements qu’il nous a transmis sur les procédés employés par les anciens, principalement en Egypte, pour obtenir la vitrification artificielle, les émaux, la coloration des pierres artificielles. La phosphorescence, que nous obtenons aujourd’hui à l’aide de matières minérales, ils la connaissaient aussi et l’obtenaient en fabriquant pour les statues et les bijoux des enduits particuliers. Ces enduits étaient faits avec des os et des écailles de poisson longuement triturés. La phosphorescence qui en résultait ne pouvait être que fugitive, mais on pouvait aussi répéter l’opération et arriver ainsi aux effets voulus. Les mollusques marins, les crustacés, les seiches et les méduses ont leurs tissus chargés de phosphates qui, en se décomposant, et sous l’action d’une chaude température, donnent naissance à des phosphures lumineux dons l’obscurité de la nuit. La phosphorescence de la mer, qu’on a attribuée à des myriades d’animalcules, jouissant de la propriété du ver luisant, pourrait bien résulter des débris en décomposition des mollusques et des crustacés marins. Le soir, les petits points lumineux qu’on observe sur la grève viennent souvent d’un crabe en décomposition. Nous avons fait souvent l’expérience suivante : nous extrayons l’os de deux seiches vivantes; au pourtour de l’un d’eux, nous laissons subsister des restes du tissu fibreux servant à l’inserture des muscles; sur le pourtour de l’autre, nous raclons soigneusement ce tissu. Les deux os sont enfouis à 50 centimètres de profondeur dans le sable. Si la température est suffisamment élevée pendant la journée, quarante-huit heures après on voit, dans l’obscurité, autour du premier os, se dessiner un cercle lumineux, landis que le second os ne présente aucune phosphorescence.
- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 27 février 1888. — Présidence de M. Janssex.
- Rubis artificiels. — Il y a déjà près de douze ans que l’illustre directeur du Muséum, M. Fremy, commença, en collaboration avec feu M. Feil, des recherches sur la 1 cristallisation de l’alumine. Ses premiers résultats firent
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- LA NATURE
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- sensation : par la fusion d'un mélange d’alumine et d’oxyde de plomb, du corindon s’isolait en grandes lamelles coloi'ées en rose par des traces de chrome et possédant la composition, l’éclat et la dureté du minéral naturel. Toutefois si le succès était grand, il n’était pas absolument complet, puisque dans la nature les rubis ne se présentent pas seulement en lamelles, mais en cristaux Unis, terminés de toutes parts. Grâce à de nouvelles recherches, M. Fremy, qui s’élait adjoint la collaboration dévouée et savante de M. A’erneuil, arriva, il y a près d’un an déjà, à produire des cristaux dans de bien merveilleuses conditions et la solution cherchée eût été définitive, si au lieu d’une gangue vitreuse, dure et résistante, les grains de rubis se fussent trouvés engagés dans une matière facilement désagrégeable. Or, c’est ce nouveau et dernier pas que les auteurs viennent de franchir, ce dont ils donnent la preuve en mettant sous les yeux de l’Académie des quantités de rubis parfaitement isolés, d’une cristallisation parfaite, d’une couleur, d’un éclat, d’une limpidité et d’un volume qui en font dès maintenant des pierres précieuses dans toute l’acception du mot. Le secret delà réussite consiste à chauffer l’alumine en présence du fluorure de baryum, à une certaine température qui ne doit pas être trop forte, et pendant un nombre d’heures qui ne doit pas être trop grand. Dans ces conditions, les cristaux roses sont disséminés dans une gangue spongieuse parfaitement blanche, qu’on sépare au moyen d’une simple agitation dans l’eau.
- M. des Cloizeaux a fait de ces cristaux une étude gonio-inétrique qui a montré dans leurs formes beaucoup plus de diversité qu’on n’aurait pu croire h priori. Certains d’entre eux, au premier coup d’œil, semblent des cubes ou des octaèdres ; ce sont réellement des rhomboèdres et des formes dérivées. Parfois les angles sont modifiés par des facettes, et au nombre des résultats ainsi produits il en est que le savant minéralogiste signale comme identiques à certaines variétés d’oligiste, mais tout à fait inconnues jusqu'ici pour le corindon. Ces observations donnent un nouvel et très vif intérêt à la synthèse de MM. Fremy et Yerneuil.
- L’époque néolithique à Champigmj. — M. Emile Rivière met sous les yeux de l’Académie une admirable suite d’instruments, d’outils, de poteries antéhistoriques découverts dans ces vingt dernières années à Champigny, soit par lui-même, soit par M. Le Roy des Closages, le sympathique ingénieur qui exploite le travertin et le transforme en chaux, soit par feu Carbonnier, le célèbre piscificateur du quai de l’Ecole. Nous nous bornerons d’ailleurs à cette annonce, La Nature devant publier très prochainement, avec dessins à l’appui, le travail même de M. Rivière. Celui-ci, à propos de son travail d’il y a huit jours, me prie de constater que la découverte du gisement de la Quina, dont il nous a donné une si intéressante description, appartient à M. G. Chauvet (de Ruffec) et Vergnaud (de la Valette) qui ont exploré pour la première fois la localité en 1872. C’est bien involontairement que j’avais omis le nom de ces messieurs, et voici le mal réparé.
- Propriétés thérapeutiques de l’acide carbonique. — On sera peut-être surpris d’apprendre que, d’après M. Bel (de Lyon), l’acide cai-bonique, qui est si propre à déterminer l’asphyxie, est d’un usage des plus favorables pour les personnes dont la respiration est gênée. Au sentiment de M. Brown-Séquard, le fait s’explique cependant fort J bien : l’acide carbonique dans le sang ralentit les corn- ' bustions, et d’un tout autre côté, par l’anesthésie qu’il ! provoque des muscles du larynx, il élimine la plupart des !
- causes de toux. 11 y a bien longtemps, d’ailleurs, que les bons effets thérapeutiques de l’acide carbonique ont frappé les praticiens et c’est peut-être le cas de rappeler la cure réalisée en 1772 à l’aide de lavements d’acide carbonique par ce médecin qui raconte son succès dans une lettre adressée à Priestley (Différentes espèces d’air, t. I, p. 579, 1777). R y a peut-être là une direction à reprendre au point de vue des idées nouvelles.
- Maladie des pins. — Une nouvelle maladie, dite rouge des pins, est étudiée par MM. Bartet et Villemain qui en donnent en même temps le remède. Elle est due au développement d’un champignon particulier qui a été suivi à toutes les époques de sa vie : la bouillie bordelaise, mélange d’eau de chaux et de sulfate de cuivre, en vient à bout fort aisément.
- Maladie des porcs. — Déjà nous avons signalé les recherches de MM. Cornil et Chantemesse sur l’entérite infectieuse des porcs. M. Chauveau présente au nom de ces auteurs une suite à leurs intéressantes observations.
- I Le microbe dont il s’agit est tué en un quart d’heure par | une chaleur de 58°. La dessiccation ne le tue pas ; et la I congélation pas davantage. Une culture- mêlée de son ’ volume d’une eau renfermant 4 pour 100 d’un mélange I par parties égales d’acide phénique et d’acide chlorhy-j drique, est complètement tuée. On obtient l’atténuation du I virus en le maintenant quatre-vingt-dix jours à la température de 45° et alors il communique l’immunité vis-à-vis du virus fort, aux animaux auxquels on l’a injecté. Les expériences, il est vrai, n’ont encore été faites que sur des cobayes, mais elles sont des plus nettes et les auteurs i se préoccupent de les répéter sur le porc lui-même.
- Varia. — M. Jourdain décrit l’anatomie du Bachijlis maritima. — La vidange des eaux ménagères occupe M. Latappie (de Lourdes). — D’après M. Léotard on a eu, ces jours-ci, de Notre-Dame-de-la Garde (à Marseille), la vue des Pyrénées : cette visibilité extraordinaire est un phénomène qui se présente de temps en temps. — La disposition des vaisseaux sanguins qui se rendent aux ganglions sympathiques du lapin est décrite par M. Ran-vier. — Les éléments de la 272° petite planète récemment découverte à Nice sont adressés par M. Charlois. — Des précautions viennent d’être prises par MM. Faye et Lévy, au nom de l’Académie, pour assurer la conservation de la pyramide géodésique de Villejuif. — Un volume posthume de M. Barrande, sur la paléontologie de la Bohême, est déposé par M. Gaudry, au nom de la Direction du musée de Pi’ague. — Un nouveau phosphate provenant du guano est étudié cristallograpliiquement par M. Lacroix. —La respiration de la levure de bière a fourni des faits intéressants à MM. Gréhant et Quinquand. — R paraît que les grandes tortues marines appelées caret sont envahies par un crustacé amphipode qui y vit en parasite : d’après MM. Chevreux et de Guerne, ce crustacé est nouveau pour la science. — M. Jordan présente, de la part de M. Félix Lucas, une seconde note sur l’emploi de l’électricité pour l’élude des fonctions et la résolution des équations algébriques,
- Stanislas Meunier.
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- LA SCIENCE PRATIQUE
- SPHïGMOGRAPHES ÉCONOMIQUES
- Pour rendre sensibles à nos yeux les battements du pouls ou du cœur, on se sert d’appareils nommés
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- LA NATURE
- sphygmographes, dont quelques-uns tels que celui de M. le Dr Marcy sont enregistreurs; ce sont des appareils délicats dont les prix sont généralement élevés. Nous avons remarqué depuis quelque temps dans différentes expositions un petit appareil d’un prix excessivement modique (0f,25)ctqui donne des indications très suffisantes dans la plus grande partie des cas. Il est constitué par un mince fil de laiton replié sur lui-même et contourné en spirale sur une partie de sa longueur; l’autre partie restant rectiligne porte à son extrémité un petit drapeau.La dernière spire est soudée a un petit godet en métal (fig. 1).
- Pour se servir de l’appareil, il suffit de l’appuyer comme l’indique notre gravure sur l’artère dont on veut rendre les battements visibles ; la tige qui porte le petit drapeau se met aussitôt à osciller d’une façon très sensible. L’amplitude et la fréquence des oscillations varient nécessairement avec les personnes soumises à l’expérience.
- S’il s’agissait de faire, voir les pulsations à un nombreux auditoire, il faudrait, pour les amplifier assez, avoir une tige oscillante longue et légère, conditions qui sont difficiles à concilier dans la pratique. Notre collaborateur, M. Arthur Good, nous indique une solution fort ingénieuse qui consiste à substituer à une tige matérielle’ un rayon lumineux venant tracer sur le mur ou le plafond d’une chambre obscure les mouvements du pouls (fig. 2). Ce rayon lumineux passant par un 1 trou des volets, ou provenant d’une source artifl- j
- cielle disposée ad hoc, vient frapper une j>etite glace fixée au poignet par un bracelet de caoutchouc et suivant les lois de la réflexion va former une imacc sur le plafond. Par suite des mouvements imperceptibles que le pouls imprime au miroir, on peut suivre les oscillations du rayon réfléchi comme celles d’une tige rigide et on voit l’image du plafond se déplacer avec p1us ou moins de rapidité selon la fréquence du pouls de la personne qui se prête à l’expérience. Dans les hôpitaux on emploie quelquefois un moyen analogue pour rendre les pulsations visibles ; on colle une petile bandelette de papier sur l’artère à étudier. Avec le petit appareil que représente la fig. 1 et qui est entièrement métallique, il est facile de rendre les mouvements de l’artère sensibles à l’oreille d’une ou plusieurs personnes. 11 suffit pour cela de souder ou d’attacher un lil de cuivre au godet qui supporte la spirale, puis de relier ce fil à l’un des pôles d’un élément Leclan-ché ; l’autre pôle de cet élément est réuni par un deuxième fil à une petite tige de laiton lixée par un bracelet sur le bras du patient, dans ne position déterminée, de façon à ce que à chaque oscillation, la tige qui porte le petit drapeau vienne buter contre elle. En intercalant un téléphone dans le circuit ainsi formé, on entend un coup sec dans l’instrument à chaque pulsation.
- Le propriétaire-gérant : G. Tissandier. Imprimerie A. Luhure, 9, rue de Fleurus, à Paris.
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- N» 771. — 10 MARS 1888.
- LA NATURE
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- LES RUBIS ARTIFICIELS
- EXl'ÉP.fENCES DE MM. F R EM Y ET VEllSETIL
- Parmi les problèmes que les chimistes peinent se proposer de résoudre, il en est peu qui offrent autant d’intérêt que celui de la production artificielle des pierres précieuses. Outre l’attrait de la fabrication d’un objet rare, il est nécessaire, pour réussir, d’imiter les réactions qui s’accomplissent au sein de la terre dans les phénomènes de la production des minéraux, et l’on conçoit que de telles questions, offrant une importance aussi considérable au point de vue pratique que théorique, aient excité l’esprit d’investigation des chercheurs.
- Fig. 1 — Rubis artificiels dans leur gangue. (Grossissement :
- 20 diamètres.)
- D’après les échantillons communiqués à
- nouveaux qui apportaient de grands progrès aux méthodes précédemment employées pour la cristallisation de l’alumine.
- Le 27 février dernier, MM. Fremy et Verneuil, après de nouvelles expériences, ont présenté à l’Académie des sciences des cristaux rhomboédriques de rubis, obtenus d’une façon régulière par l’action des fluorures sur l’alumine. Nous ne pouvons mieux faire que de publier la majeure partie de l’importante note de MM. Fremy et Verneuil :
- Cette méthode consiste à faire réagir au rouge des fluorures et particulièrement le fluorure de baryum sur de l’alumine contenant des traces de bichromate de potasse*. La régularité de cristallisation que nous constatons
- 1 Yoy. Comptes rendus des séances de VAcadémie des 16e animée. — 1er semestre.
- Lerubis, le corindon des minéralogistes, est au point de vue chimique de l’alumine cristallisée. Pour faire du rubis, il s’agit donc d’obtenir la cristallisation de l’alumine. Le problème, très facile à énoncer, est des plus difficiles à résoudre. Des chimistes éminents tels queM. A. Gaudin, Ebelmen, 11.Deville, Caron,Debray et quelques autres, ont obtenu du corindon, mais à l’état de poussière fine, et ce résultat n’apportait qu’une solution lointaine au problème de la reproduction artificielle du rubis1.
- En 1877, M. Fremy avait réussi à produire de petits cristaux de rubis en collaboration avec M. Feil. L’éminent directeur du Muséum continua ses recherches en 1887 avec le concours d’un jeune chimiste, M. Verneuil, et il fut bientôt conduit à des résultats
- Fig. 2. — Formes cristallines des rubis artiiieiels. (Grossissement : 5ü diamètres.)
- La Sature par MM. Fremy et Verneuil.)
- actuellement, après des essais bien nombreux, est due surtout à la conduite du feu qui détermine la réaction chimique et qui la fait varier suivant la température.
- Les cristaux de rubis que nous produisons aujourd’hui sont bien différents de ceux que nous avons obtenus dans nos recherches précédentes. Les premiers, surtout ceux que nous avons montrés en 1877, étaient souvent lamel-leux et friables : ils avaient peu d’épaisseur et prenaient naissance dans une gangue vitreuse qui retenait les cristaux et rendait leur purification presque impossible. Aussi ces rubis ne présentaient pas à l’analyse une composition constante. Aujourd’hui ce n’est plus dans une masse vitreuse que se forment nos cristaux : c’est dans une gan-
- sciences, t. CIV. Séance du il mars 1887. Action des fluorures sur l’alumine, par MM. Fremy cl Verneuil.
- 1 Vov. Encyclopédie chimique, publiée sous la direction de M. Fremy. Tome 1er, Corindon. — Jlunod, éditeur.
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- LA NATUHE.
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- gue poreuse et friable qu’ils s’engendrent; nous les trou- i vons à l'état de pureté dans des géodes qui sont remplies de rubis. Il est curieux, comme le prouvent les échantillons que nous montrons à l’Académie, de voir des rubis sortir, avec leur belle couleur rose et leur cristallisation parfaite, d’une gangue blanche qui les a formés.
- M. Des Cloizeaux, qui a bien voulu examiner, dans notre laboratoire, la production de nos rubis, nous disait, avec une bienveillance parfaite, que les produits qui sortent de nos creusets lui rappelaient complètement la formation naturelle des minéraux.
- La séparation de nos rubis cristallisés d’avec leur gangue poreuse et friable ne présente aucune difficulté; il suffit, comme nous allons le faire devant l’Académie, de jeter le produit de la calcination dans un flacon rempli d’eau et d’agiter vivement; la gangue, qui est légère, reste en suspension dans l’eau, tandis que les rubis, en raison de leur poids, tombent immédiatement au fond du vase. Nous opérons ainsi la séparation des rubis par un simple lavage, qui n’est pas sans analogie avec celui qui est employé pour les diamants. Cette séparation par l’eau est souvent suffisante pour obtenir des rubis d’une pureté absolue et rend inutile leur purification par les acides. Les rubis, étant une fois produits dans les conditions que nous avons indiquées, sont toujours rhomboédriques et complètement comparables aux rubis naturels. En les soumettant à l’analyse, nous avons constaté d’abord qu’ils ne retenaient pas de traces de baryte et qu’ils étaient formés par de l’alumine pure colorée par des traces de chrome. Leur forme cristalline est régulière; leur éclat est réellement adamantin ; ils présentent la belle couleur du rubis ; leur transparence est absolue’ ils ont la dureté du rubis naturel et rayent facilement la topaze : semblables aux rubis naturels, ils deviennent noirs quand on les chauffe et reprennent leur couleur rose par le refroidissement.
- Pour donner à nos recherches un contrôle décisif et bien précieux pour nous, nous avons prié M. Des Cloizeaux de soumettre nos cristaux de rubis à un examen cristallographique complet. Le travail si intéressant de notre éminent minéralogiste vient confirmer nos recherches et montre tout l’intérêt scientifique que présentent nos rubis, au point de vue de la cristallographie.
- Après avoir produit synthétiquement des cristaux de rubis rhomboédriques qui ont toutes les propriétés physiques et la composition chimique des plus beaux rubis naturels, en les formant dans un milieu rempli de géodes qui peut être comparé à celui qui engendre les minéraux, nous croyons avoir réalisé les conditions les plus rigoureuses que l’on est en droit de demander à la synthèse minéralogique. La question scientifique qui se rapporte à la reproduction artificielle des rubis nous paraît donc absolument résolue.
- L’Académie nous permettra de lui rappeler que les rubis mis sous ses yeux ont été produits en petit dans notre laboratoire du Muséum, en opérant presque toujours sur 50 grammes de mélange qui n’était chauffé que pendant quelques heures. Les ressources qu’un laboratoire peut fournir ne nous permettaient pas d’aller plus loin.
- Après ces magnifiques résultats, MM. Fremy ctVer-neuil se proposent d’opérer prochainement dans de grands appareils pouvant donner une température constante, facile à régler et prolongée à volonté pendant un temps assez long. Les cristaux provenant de masses considérables, traitées dans des conditions
- j plus favorables, seront probablement plus volumineux. Nous espérons être à même d’annoncer prochainement de nouveaux progrès dans une voie déjà si brillamment parcourue. C. T.
- mm TORPILLEUR ÉLECTRIQUE
- S 0 U S - M A R I N
- Un nouveau bateau sous-marin a été construit, près de Liverpool, par M. J.-F. Waddington, ingénieur; ce bateau a déjà fait plusieurs essais de navigation sous-marine en présence de représentants du gouvernement anglais et de plusieurs gouvernements étrangers. 11 mesure 11"',‘27 de long et son diamètre au milieu est de lm.85. U est fusiforme et se manœuvre au moyen de deux gouvernails, l’un horizontal et l’autre vertical, et de deux plaques horizontales à charnières placées sur les côtés dans le milieu. Ces dernières servent à le faire immerger plus ou moins, selon qu’on les abaisse ou qu’on les relève, mais à la condition que le bateau soit animé d’une certaine vitesse. Quand il s’agit de le faire immerger sur place, on se sert des hélices horizontales placées dans des tubes verticaux qui traversent la coque du bateau. Ces hélices sont actionnées par l’électricité comme l’hélice propulsive du bateau. L’électricité emmagasinée dans les accumulateurs permet au bateau de parcourir une distance de 80 milles à toute vitesse, de HO milles à demi-vitesse, er de 150 milles à petite vitesse. Le bateau est divisé eh trois compartiments étanches : celui du milieu contient les accumulateurs, le moteur, les leviers de transmission et les deux hommes d’équipage.
- Les deux autres sont remplis d’air comprimé. Les gouvernails horizontaux et verticaux sont doubles, c’est-à-dire composés de deux safrans fixés sur la même mèche, un de chaque côté de l’extrémité conique de l’arrière du bateau et*en avant de l’hélice. Pour faciliter la remonte à la surface dans le cas où il surviendrait quelque avarie, une voie d’eau subite par exemple, on pourrait détacher de l’intérieur un poids lourd qui est maintenu sous le bateau dans ce but. Il y a des caisses pour contenir du lest d’eau : on les remplit au moment où l’on veut faire immerger le bateau.
- De chaque bord se trouve une torpille-locomotive maintenue par des griffes qui peuvent s’ouvrir de l’intérieur et sont disposées de façon à mettre en mouvement le mécanisme du moteur de la torpille au moment même où on la laisse échapper. Une auü’e torpille de mine est placée sur le dessus du bateau pour pouvoir la lâcher en passant sous un cuirassé à l’ancre lorsqu’il est entouré de ses filets protecteurs. On la fait alors exploser au moyen d’un fil électrique que l’on a eu soin de laisser filer jusqu’à ce que l’on soit à la distance convenable.
- Telles sont les principales particularités de ce bateau-torpilleur électrique sous-inarin, telles que nous les extrayons d’une description qui a paru dans le journal anglais Industries.
- SIFFLETS CHIMIQUES
- Le picrate de potasse, dont le nom rappelle l’effroyable explosion de la place de la Sorbonne par la poudre Fontaine (formée comme on sait, de parties égales de picrate et de chlorate de potasse), a trouvé depuis quelque temps
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- LA NAT U UE.
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- un emploi, inoffensif celle fois, dans la confection des sifflets pyrotechniques.
- Dès l’apparition de ce curieux artifice, quelques amateurs ayant pensé qu’il s’agissait tout simplement de sifflets ordinaires exposés à l’air violemment déplacé par la rotation des pièces ou l’ascension des fusées, ont vainement essayé de les faire fonctionner.
- Un entonnoir placé à l’embouchure des sifflets n’aboutissait qu’à ralentir la force ascensionnelle ou rotative, et les sifflets en bois ou en fer-blanc soumis à l’action des
- gaz enflammés étaient brûlés ou fondus instantanément.
- D’ailleurs les sifflets qu’on pourrait obtenir par simple circulation d'air ou de gaz, ne sauraient produire, croyons-nous, un effet comparable au strident sifflet chimique qui seul se rapproche un peu de celui en usage sur les locomotives.
- Le chimiste qui, le premier, a eu l’idée de préparer du picrate, en mélangeant la po-tasse caustique à une dissolution d’acide picrique, pouvait espérer la production d’un corps détonant, mais non prévoir un sel possédant l’étonnante propriété de siffler en brûlant.
- Le picrate de potasse comprimé dans un tube, siffle très clairement, et il a été possible d'en augmenter la sonorité par l’addition de diverses substances.
- Dans une récente publication de M. Denisse, Feux d'artifice sifflants i, nous remarquons plusieurs formules donnant de curieux résultats.
- Voici la première composition de la série, produisant un sifflet sonore.
- K
- i_a
- Fig. 1 et 2. — Fusée volaille à sifflet. — 1. Composition sifflante. — 2. Vue d’ensemble de la fusée.
- Dierate de potasse............15 parties
- Bitume de Judée (Vrai). ... 1 »
- Triturer le mélange, ce qui se fait facilement, sans présenter plus de danger que toute autre préparation employée en artifice.
- La composition sifflante A (fîg. 1) se charge dans un tube en carton ayant un diamètre intérieur de 9 millimètres et une longueur de 0 centimètres.
- Le tube est fermé d’un bout au moyen d’argile pulvérisée fortement tassée. La composition est introduite par petites charges également comprimées avec une baguette en cuivre en s’aidant d’un maillet, en continuant ainsi jusqu’à 12 ou 15 millimètres de l’orifice, afin de laisser un vide nécessaire à l’effet.
- Ce sifflet (fig. 1) s’adapte sur la cartouche de la fusée volante (fig. 2) au moyen du même fil de fer qui relie la baguette à la fusée.
- Le sifflet est pourvu d’un bonnet dans lequel pénètre une étoupille recourbée sur la composition pieratée. Cette même étoupille, recouverte d’un conduit, entre dans la gorge de la fusée (fig. 2) afin que les deux artifices, ainsi réunis, s’allument ensemble.
- 1 Les feux iVartifices sifflants, par M. Àmédée Dcuissc, brochure in-8°, chez MM, Poulenc frères, à Paris.
- Le son des sifflets, d’abord aigu, passe au grave à mesure que le tube se vide.
- Ces sifflets, mêlés à la garniture habituelle des feux d’air, produisent des effets particuliers qui ont motivé les noms de bombes sorcières, bombes fanfares, etc.
- Rappelons, en terminant, que l’invention des fusées sifflantes a donné lieu à d’assez plaisants quiproquos dans plusieurs localités, notamment au Havre, où un journal de cette ville dit, dans un compte rendu de la Fête nationale, que des spectateurs agacés du bruit strident qui accompagnait les plus belles pièces, et croyant à une mauvaise plaisanterie de gamins, ont perdu patience et se sont mis à crier : « Enlevez les siftleurs! A l’eau les siflleurs! » Mais lorsqu’on a vu que les sifflets continuaient et que c’étaient les pièces qui se sifflaient elles-mêmes, on a ri de la méprise.
- LES LAMPES A INCANDESCENCE
- DE Gif A KDE PUISSANCE LUMINEUSE
- Si les opinions sont laites sur le choix des loyers électriques à grande intensité, pour lesquels il faut avoir recours a l’arc voltaïque, et sur ceux de faible intensité réservés à l'incandescence en vase clos, il est loin d’en être de même au sujet des foyers de puissance moyenne employés par bon nombre d’industries et d’applications diverses. L’hésitation est en effet permise lorsqu’il s’agit de donner satisfaction 'a ces besoins spéciaux, et tandis que les uns cherchent la solution dans des lampes à arc de faible intensité, ne prenant que 6, 5, 4 et même o ampères, d’autres la voient, au contraire, dans l’emploi de lampes 'a incandescence puissantes produisant 100, 200, 500 et jusqu’à 1000 bougies.
- A dire le vrai, il nous semble que les partisans de l’arc et ceux de l’incandescence cherchent à accroître outre mesure le domaine de leurs applications respectives, et à empiéter de part et d’autre d’une ligne de démarcation peut-être difficile à définir exactement, mais ces empiétements présentent au moins un avantage incontestable, celui de nous placer souvent dans l’embarras le plus agréable : l’embarras du choix.
- Les petits arcs et les grosses lampes à incandescence possèdent des propriétés en quelque sorte complémentaires. Les arcs, même de petites dimensions, ont, à dépense égale, une puissance lumineuse plus élevée que les lampes à incandescence, mais on est porté à s’exagérer outre mesure leur supériorité à ce point de vue, et rien n’est plus difficile en réalité qu’une appréciation exacte. Les imperfections des appareils et des étalons photométriques, la différence de coloration des lumières, leur inégale distribution, etc., tout contribue à rendre les comparaisons inexactes et fantaisistes1.
- Les lampes à arc donnent aussi une lumière plus
- 1 Nous pourrions citer telle lampe dite de 2000 candles nominales (cet adjectif est le correctif oblige de semblables affirmations) dont 1’iulensité lumineuse moyenne sphérique ne dépasse certainement pas 500 bougies.
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- LA NATURE.
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- blanche que les lampes à incandescence, mais c’est là une qualité très inégalement appréciée, suivant la nature des applications. Ajoutons enfin que, dans bien des cas, la fixité de la lumière dans les lampes à arc n’est obtenue qu’en intercalant dans leur circuit une résistance absorbant une quantité d’énergie égale à 2b ou 30 pour 100 de celle dépensée par la lampe, ce qui abaisse d’autant le rendement lumineux de la lampe à arc. Si l’on joint à cet inconvénient ceux qui résultent de l’emploi d’un mécanisme plus ou moins compliqué , de la nécessité du renouvellement périodique des charbons et de leur coût, on conçoit que les lampes à incandescence de grande intensité lumineuse aient trouvé des partisans pour les détendre en théorie, et des chercheurs entreprenants pour les taire réussir en pratique, d’autant mieux que ces lampes échappent, en Angleterre tout au moins, à la revendication principale d’Edison, l’emploi d’un filament, le mot filament désignant ici un conducteur en charbon de faible section, de grande longueur et de grande résistance.
- Jusqu’à présent, les lampes construites dans cet ordre d’idées étaient restées comme des objets de curiosité, trop coûteux de fabrication et de durée trop éphémère pour trouver leur emploi en pratique ; mais, grâce aux progrès réalisés dans la labrica-tion du charbon, dans l’obtention du vide, dans les mille et un détails qui constituent l’industrie si nouvelle et déjà si importante des lampes à incandescence, le succès est venu couronner les efforts, et les lampes à incandescence de grande puissance vont devenir, avant peu, d’un emploi aussi général que celui des autres systèmes d'éclairage.
- Nous signalerons aujourd’hui, à litre d’exemple, les lampes construites par MM. Clarke, Chapmann, Parsons et Cic de Gastehead-on-Tyne, dont nous avons récemment décrit la curieuse machine dynamo-électrique.
- Ces lampes auxquelles MM. Clarke, Chapmann, Parsons et Cie donnent le nom de The sunbeam lamp (rayon de soleil) sont établies pour des puissances lumineuses variant entre 200 et 1000 bougies, et une consommation d’environ 2 watts par bougie, conditions de fonctionnement pour lesquelles les construc-
- teurs garantissent une durée moyenne de 800 heures, correspondant à la durée moyenne des lampes ordinaires de 10, 10 et 20 bougies.
- Les lampes de 1000 bougies prennent 100 volts et 20 ampères, celles de 800 bougies 100 volts et 10 ampères. Les types de 000 bougies sont établis pour 80 et 100 volts et prennent respectivement lb et 12 ampères. Il en est de même des lampes île bOO, 400 et 300 bougies établies sur les trois potentiels types de 0b, 80 et 100 volts.
- Les lampes de 800 bougies et au-dessous sont à un seul lilament, les lampes de 1000 bougies en ont deux (n° 4) montés en dérivation, maintenus séparés par un étrier en verre soudé sur le fond de l’ampoule. Pour donner une idée des grandeurs relatives de ces
- lampes, on a représenté en 2, à la même échelle, une lampe Swan de 100 volts, type ordinaire, et en 1 une petite lampe à incandescence employée dans certains bijoux électriques : la plus petite lampe à incandescence construite jusqu’ici et dont le diamètre ne dépasse pas b à 0 millimètres n’a pas pu être dessinée, car elle serait, à l'échelle choisie, grosse comme un point (.).
- Les chiffres que nous avons indiqués pour les lampes de grande intensité — 2 watts par bougie — correspondant à des durées moyennes de 800 heures, il va sans dire qu’on peut augmenter considérablement le rendement lumineux et atteindre des rendements équivalents et même supérieurs à ceux de petits arcs en poussant les lampes, à la condition de sacrifier proportionnellement leur durée. Ces lampes conviennent spécialement à l’éclairage des grands espaces : expositions, théâtres, hôtels, travaux publics, etc. En dehors d’un grand nombre d'éclairages intérieurs d’usines et d’ateliers, ces lampes viennent d’être installées pour l’éclairage des travaux du Forth-Bridge, où elles remplacent la lampe Lucigène dont on fait tant de bruit depuis quelque temps. C’est là une application des plus intéressantes et qui permettra de se faire avant peu une opinion sérieuse et véritablement éclairée — sans jeu de mots — sur la valeur industrielle de ces nouveaux foyers électriques.
- E. 11.
- Lampes à incandescence. — 1. Lampe bijou. — 2. Lampe Swan, modèle ordinaire. — 5. Lampe de 800 bougies. — 4. Lampe de 1000 bougies.
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- LA NATURE.
- EMPREINTES FOSSILES DE PAS HUMAINS
- DÉCOUVERTES DANS UE NICARAGUA
- J’ai décrit, il y a trois ans1, les empreintes de pas humains qui venaient d’ètre découvertes dans une couche de calcaire à Carson (Nevada) et qui remontent à un nombre d’années qu’aucun chronomètre connu ne permet de mesurer. Des découvertes du même genre viennent d’avoir lieu dans le Nicaragua; leur importance au point de vue des origines de notre race m’engage à faire connaître aux lecteurs de La Nature les détails qui me sont parvenus2 3 *.
- Toute la région du Nicaragua témoigne d’une activité volcanique intense. Partout des dislocations , des déchirements , des cratères éteints , partout d’immenses coulées de lave attestent la persistance des volcans; de sourds grondements souterrains, de fréquents tremblements de terre montrent que cette activité est loin d’ètre épuisée.
- Le volcan deMomotambo était en pleine ignition en 1852, celui de Ma-saya en 1858, puis en 1872, et lors de cette dernière éruption, le fleuve de lave qui coulait sur les flancs de la montagne ne mesurait pas moins de deux milles de largeur5.
- Ces éruptions qui se renouvelaient sans cesse, les désastres qu’elles entraînaient n’arrêtaient pas les hommes ; de tout temps, le pays a été habité et les rochers qui dominent les lacs de Managua et de Nicaragua sont couverts, a des hauteurs presque vertigineuses, de curieuses pictographies. Dès la conquête, il y a bientôt quatre siècles, ces pictographies avaient frappé les Espagnols; mais déjà toute tradition à leur égard était effacée ; les Indiens étaient incapables de les comprendre, encore moins de les imiter, et rien ne permettait de présumer leur signification ou l'époque 'a laquelle elles pouvaient remonter.
- 1 Yoy. n° 654, du 12 décembre 1885, p. 18.
- 2 D‘ Daniel Brinton, On an ancient human foot print from Nicaragua.
- 3 Momofambo est à 6121 pieds (1860 mètres) au-dessus du
- niveau de la mer, Masaya à 2972 pieds (903 mètres).
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- Parmi les volcans aujourd’hui éteints figure celui de Tizcapa, ses éruptions étaient irrégulières et séparées par des intervalles de calme assez prolongés pour permettre à une luxuriante végétation de pousser sur des dépôts de lave et de tuf lentement décomposés. Les débris végétaux qui ont été retirés de plusieurs des couches successivement déposées en sont une preuve irrécusable. A l’arrivée des Conquistadores, le calme durait depuis de longs siècles à en juger par les forèls presque impénétrables qui d’après leurs récits couvraient toutes les rives du lac.
- Les empreintes de pas humains ont été découvertes dans un des dépôts dont nous venons de parler1, non
- loin de la ville de Managua, à 500 j»ieds environ du lac et à une profondeur de 21 pieds. La stratification a été relevée avec soin; au-deS-sous de la couche d’humus formée des détritus successifs de la forêt, on constate quatre couches d’un tuf compact séparées par de minces lits de sable. La dernière de ces couches était devenue un véritable calcaire dont les habitants se servent encore aujourd’hui pour édifier leurs demeures ; elle reposait sur un lit de cendres formant un conglomérat de 14 pouces de puissance. Ces cendres avaient été projetées au loin, car récemment, en creusant un puits à Jenc-tepe, à 20 milles du cratère le plus rapproché, on traversait cette même couche ayant plus de 15 pouces d’épaisseur. Elle correspond à une grande période d’activité volcanique qui paraît avoir profondément modifié le relief du sol. C’est à cette époque, croit-on, que le lac de Nicaragua fut définitivement séparé de l’océan où il formait jusque-là une large baie.
- L’éruption, quia laissé des traces si importantes, avait été précédée d’une période plus tranquille, pendant laquelle les eaux déposèrent une couche d’argile compacte. Au point où les fouilles ont été tentées, sa puissance ne dépasse guère un pied; mais c’est une exception et, sur d’autres points très rapprochés, elle atteint une puissance bien supérieure (10 à
- 1 Qualrc de ces empreintes ont été enlevées et sont aujourd’hui déposées au Pcabody Muséum, à Cambridge, si riche déjà en objets préhistoriques.
- Empreinte fossile d’un pied humain. (D'après uue photographie )
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- LA NATURE.
- 12 pieds). Cette couche est caractérisée par de nombreux fossiles végétaux et par des ossements de mastodonte, le seul mammifère dont on signale la présence. Sous ce lit d’argile, on traverse de nouveaux lits successifs d’agglomérats de pierres ponces, de terre, de sable, de roches d’origine volcanique. C’est dans la tranche supérieure du dernier de ces dépôts formé d’un tuf compact d’une puissance de 47 pouces, que les empreintes humaines ont été relevées. Au-dessous du tuf est une couche de sable jaune dont la profondeur n’a pas été déterminée et qui renferme de nombreuses petites coquilles (Pijrnla nicaraguemis) que les conchyliologistes américains sont disposés à dater de l’époque quaternaire.
- Les empreintes de pas humains sont très nombreuses et se croisent en tout sens. Les hommes qui avaient établi leur demeure auprès du lac, s’y rendaient fréquemment, sans doute pour puiser l’eau nécessaire à leurs besoins. Parmi elles, les unes sont superficielles, les autres au contraire ont été fortement imprimées alors que le terrain conservait encore sa plasticité. Quelques fragments de feuilles fossilisées gisent çà et là ; elles n’ont point été encore exactement déterminées, mais on a déjà reconnu qu’elles appartiennent à une flore complètement différente de celle reconnue dans la couche d’argile.
- L’empreinte la plus longue mesure 10 pouces; celle que nous reproduisons appartient au pied gauche et n’atteint guère que 9 pouces et demi ; sa largeur est de 5 pouces et de 4 pouces et demi entre les doigts. A en juger par ces mesures, la longueur du pied ne devait pas dépasser 8 pouces ; il convient en effet de tenir compte de ce fait, que la terre à l’état plastique avait du s’écarter sous le poids du corps. Le pouce est large et proéminent ; il dépasse sensiblement comme longueur le second doigt1. La profondeur de l'empreinte enfin est plus marquée dans la partie antérieure du pied; c’est l’indication habituelle d’un vigoureux marcheur.
- Le I)r Flint a reconnu d’autres empreintes humaines sur divers points du Nicaragua. Les unes et les autres témoignent de l’habitation du pays à des époques probablement très éloignées, mais qu’il est impossible de préciser; les cataclysmes, les bouleversements qu’ils entraînent sont, dans les régions volcaniques, à la fois très fréquents et très irréguliers comme durée et comme intensité, et dans le Nicaragua, répétons-le, une puissante végétation tropicale vient avec une inconcevable rapidité détruire leurs traces. Le mastodonte, le seul animal, je l’ai dit, dont on a recueilli les ossements, n’est nullement caractéristique d’une époque; nous savons qu’il a vécu en Amérique jusque dans les temps historiques. Récemment encore, on découvrait auprès de Concordia (Colombie), un squelette complet dans une piscine d’eau
- 1 Nous relevons ce fait, parce que, dans un travail récent, un anthropologiste anglais, M. Park-Harrison, regarde un second doigt du pied très long comme un signe d’infériorité de race. Journal Anlhropolof/ical Instilule of Great Brilain, 1886.
- salée, pavée en larges dalles; le gigantesque pachyderme avait sans doute été surpris par unéboule-ment subit qui avait comblé la piscine. On a vu que les coquilles recueillies dans le lit de sable subja-cent à la couche qui renferme les empreintes étaient considérées comme quaternaires. Ce serait donc à l’époque quaternaire, avant les grandes éruptions volcaniques, que les hommes dont les traces reviennent si inopinément à la lumière, auraient vécu sur les rives du lac Managua. Ces conclusions assez vagues sont les seules actuellement possibles. Il faut laisser à de nouvelles découvertes le soin de les compléter. Marquis de Nadaii.eac.
- LA. RÉFORME DU CALENDRIER
- Un concours a été récemment organisé à ce sujet par la Société astronomique de France. La Commission d’examen se composait de MM. Camille Flammarion, P.-P. Henry, de l’Observatoire de Paris, Trouvelot, de l’Observatoire de Meudon, général Parmentier, etc., etc. Plus de cinquante mémoires ont été envoyés de toutes les parties du monde. La société a décerné le premier prix au projet le plus simple dù à M. Armelin (Gaston).
- L’année se compose de cinquante-deux semaines plus un jour, deux jours les années bissextiles. Lorsque l’on considère la division du temps telle qu’elle exister on s’aperçoit que les quantièmes de mois ne correspondent pas deux années de suite aux mêmes jours de la semaine ; on ne peut savoir d’avance, sans avoir un calendrier imprimé, quelle date sera, par exemple, le troisième jeudi du mois suivant, ou quel jour sera le 20 du mois d’après ; il y a là un point assez important, car pour le banquier, le commerçant, l’employé même, il est souvent très nécessaire d’être fixé rapidement. On s’aperçoit aussi que les anniversaires d’événements historiques ou intimes ne reviennent pas aux mêmes jours. La brièveté du mois de février est encore une anomalie singulière.
- Le projet de M. Armelin régularise en quelque sorte l’année et les rend toutes similaires entre elles.
- L’année commencerait le 1" janvier : on diviserait l’année en quatre trimestres de qualre-vingt-onze jours chacun ou treize semaines, ce qui ferait trois cent soixante-quatre jours : le trois cent soixante-cinquième serait le jour de l'an, ce serait un jour complémentaire en dehors du mois et de la semaine.
- Le premier mois de chaque trimestre aurait trente et un jours et commencerait, par exemple, un lundi. Le second mois de trente jours commencerait alors un jeudi. Le troisième mois, également de trente jours, commencerait un samedi. Et ainsi de suite, toutes les années ne seraient que la continuelle succession de trimestres semblables ; les commencements des mois alternant indéfiniment dans le même ordre : lundi, jeudi, samedi.
- De cette façon, les mois de trente et un et de trente jours alterneraient dans un ordre régulier et constant ; le mois de vingt-huit jours serait supprimé, la semaine serait conservée, le nombre de quatre-vingt-onze jours dont se compose le trimestre étant exactement divisible par sept.
- Cette parfaite régularité permet de savoir, sans consulter l’almanach, quel jour de la semaine tombe tel ou tel quantième, et cela pour n'importe quelle année.
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- Quant aux fêtes mobiles réglées par le calendrier grégorien et fixées par l’église catholique, elles dépendent toutes de Pâques. Or, actuellement, la date de Pâques est mobile sur trente-cinq jours, ce qui est une grande gène pour les affaires, les vacances parlementaires et universitaires, etc.
- Tel est le système de M. Armelin qui nous parait assurément avoir apporté un progrès sur le système actuel.
- Paul Chevallier.
- LES LIVRES EN FRANCE
- Voici, d’après un relevé daté de 1818, l’état des bibliothèques publiques de France à cette époque.
- Le nombre des volumes qui y étaient conservés est évalué à quatre millions, ainsi répartis : Paris, fi ou 700 000 ; Aix, 72000 ; Angoulème, 10000 ; Ajaccio, 15000 ; Angers, 22200; Amiens, 40 000; Albi, 10000; Agen, 10000; Arras, 55000; Avignon, 26000; Besançon, 55000; Pdois, 17000; Boulogne, 16000; Bordeaux. 100000; Chartres, 24000; Cahors, 10000; Chaumont, 24 000; Carpenfras, 18000; Dijon, 56 000; Grenoble, 42 000; La Rochelle, 16000; Laon, 12000; Lyon, 106000; Marseille, 50000; Moulins, 18000; Mézières, 21 000; Metz, 51000; Meaux, 11000; xNantes, 22000; Nancy, 22000 ; Niort, 15000; Orléans, 25000 ; Périgueux, 10000 ; Pau, 14000 ; Perpignan, 12000 ; Poitiers, 15000 ; Rennes, 14000; Reims, 24000; Rouen, 25000; Saintes, 24000; Soissons, 17000; Saint-Brieuc, 25000; Strasbourg, 50000; Troyes, 60000; Tours, 50000. Aujourd’hui, à Paris, le nombre des volumes dépasse le chiffre de 2200000, et on a calculé que les longueurs réunies des tablettes sur lesquelles sont rangés les livres forment un développement de 54 kilomètres. A Londres, le nombre des volumes n’atteint pas encore le chiffre de deux millions, et, par suite de meilleures dispositions architecturales, les distances à parcourir pour la recherche des ouvrages demandés par les lecteurs, se trouvent être beaucoup moins grandes.
- LES INDUSTRIES PARISIENNES
- UNE FABRIQUE DE POUPEES
- Nos lecteurs savent que nous cherchons les curiosités de la science dans quelque domaine qu’elles se trouvent et que les jouets d’enfants nous ont souvent offert l’occasion d’étudier des mécanismes ingénieux. Les joujoux n’olfrent pas moins d’intérêt au point de vue industriel qu’au point de vue scientifique, comme on va le voir par la présente notice. Avant la visite que nous avons eu l’occasion de faire à la célèbre fabrique de poupées de Montreuil, près Paris, nous ne doutions pas de l’importance que pouvait atteindre ce genre d’industrie tout spécial. Le directeur et le fondateur de cette usine, M. Jumeau, dont le nom est universellement connu, a bien voulu nous faire les honneurs de son établissement avec la plus gracieuse obligeance et nous lui adressons ici tous nos remerciements. Nous allons essayer de faire partager à nos lecteurs notre étonnement et nous dirons même notre admiration à la vue d’une fabrication si bien organisée.
- j La fabrique de poupées de Montreuil ne confectionne que des poupées de luxe, avec têtes en porcelaine et corps en carton : c’est la plus importante j fabrique de poupées du monde entier. Il en est d’autres qui font îles poupées h bon marché, des poupées articulées en bois: nous ne nous en occuperons pas ici.
- La tête des poupées est en biscuit de porcelaine, et la fabrication de ces têtes prend l’importance d’une usine de céramique. Nous parcourons d’abord un vaste hangar, contenant un grand nombre de cuves remplies du kaolin destiné à mouler des mil-j liers de têtes de bébés. La pâte retirée des cuves est pétrie, passée au rouleau, et façonnée à l’épaisseur voulue, suivant la grosseur de la tête à fabriquer (il y a des poupées dont la taille dépasse celle d’un enfant de quatre ans), puis cette pâte est coupée en carrés et appliquée dans un moule en forme de masque. Ce travail du moulage est exécuté très rapidement par des femmes. Quand les têtes ont suffisamment séjourné dans les moules, on les en retire et on les fait sécher sur des planches dans une salle spéciale (fig.l).
- C’est dans cette salle que des ouvrières procèdent à la taille des yeux : elles posent un moule sur la tête de poupée, et elles découpent l’ouverture où seront plus tard fixés les yeux de verre.
- Une fois les têtes de porcelaine ainsi façonnées, elles doivent être soumises à la cuisson comme cela a lieu pour toute pièce de porcelaine. On pose les têtes les unes à côté des autres sur le tamis de terre appeté gazette, et on empile les gazettes dans un vaste four, où les têtes sont soumises à la cuisson, pendant vingt-sept heures.
- Cela fait, on laisse refroidir, et on passe chaque tête au papier de verre afin de lui donner une surlace absolument lisse et polie.
- Voilà la première partie de la fabrication : celle de la porcelaine, mais la tête n’est pas finie. Nous pénétrons dans une seconde partie de l’usine de Montreuil qui ne' comprend pas moins de trois cent cinquante ouvriers et ouvrières. Voici l’atelier de décor ou de peinture sur porcelaine (fig. 2). Chaque ouvrière, assise devant un petit établi, a devant elle une série de têtes de poupées, des couleurs et des pinceaux ; elle s’occupe à peindre les sourcils de la poupée ; dans un autre atelier on peint les lèvres et les pommettes des joues. Il faut plusieurs couches pour chaque nuance.
- Quand la peinture est terminée, on place les têtes dans un four d’une température moins élevée que celle que nécessitait la cuisson du kaolin. Elles cuisent pendant sept heures. Les têtes de poupées sont alors terminées.
- Après la tête, signalons l’atelier de fabrication des yeux, eù vingt jeunes filles s’occupent à faire fondre au chalumeau des baguettes de verre, et s’acquittent de leur tâche avec une admirable habileté. Il est des yeux, grands et petits, suivant les dimensions des têtes, et la couleur des cheveux, car il y a des pou-
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- pécs blondes et des poupées brunes. Les yeux pas- lent, avec de la cire, à l'endroit découpé à cet sent dans un autre atelier où des ouvriers les col- effet dans les tètes en porcelaine. 11 y a là aussi
- Fig- 1. — Fabrique de poupées de Montreuil, près Paris. — Salle du séchage des lûtes de poupées avant la cuisson, et du découpage des yeux. (D’après une photographie.)
- une fabrication complémentaire, celle du mécanisme j poupées de luxe d’ouvrir et de lermer les yeux, qui s’adapte à des paupières mobiles, permettant aux | La fabrication du corps de la poupée n’est pas
- moins intéressante que celle de la tête; elle consiste en un cartonnage tout particulier. Chaque partie du corps de la poupée, buste, jambes, bras, mains, est
- façonnée dans un moule de fonte, où des ouvrières superposent des morceaux de papier enduits de colle (lig. 5). Le papier est appliqué dans les moules,
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- Fig. i. — Fabrique de poupées de Montreuil, près Paris. — Pose de la tète de porcelaine des'poupées.
- (D’après une photographie.)
- Fig. 5.
- Salle des expéditions de la fabrique de poupées de Montreuil. (D’après une photographie.)
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- avec de petits outils de bois spéciaux, et quand il en sort il est transformé en un membre quelconque ou un tronçon de corps.
- Quand les différentes parties du corps sont moulées, on les met sécber sur des claies, puis on procède ail collage des membres. Ensuite on passe a la pose des cuvettes. On appelle cuvettes, dans la fabrication des poupées, de petits ronds de métal, carton ou bois, auxquels sont ajustés des caoutchoucs qui aideront au mouvement des bras et des jambes.
- Quand les différentes parties du corps sont col -lées, ou les envoie à la peinture. Une épaisse couche de blanc de zinc est d’abord passée sur le cartonnage, et rien n’est plus amusant que de voir la salle où s’exécute cette opération, chaque ouvrière tenant à la main un grand pinceau à l’aide duquel elle badigeonne des membres de bébés grands et petits. Quand les jambes et le corps sont blanchis, ils sont mis à sécher, puis ils passent dans d’autres ateliers, où on les peint en rose couleur chair. Cinq couches de peinture sont passées successivement, puis une couche de vernis est donnée, et le séchage a lieu comme à l’atelier précédent.
- Nous arrivons à présent à l’ajustage qui consiste à réunir les membres épars et à les fixer au moyen des cuvettes et de fortes boucles de caoutchouc qui permettent l’articulation des membres. L’élastique de la jambe est passé dans la cuisse et va rejoindre celui-là au milieu du corps où il est fixé à un crochet de fer qui tient toute la poitrine ; ainsi de même pour l’avant-bras.
- Le bébé est au complet, sauf la tète. Un crochet est adapté aux épaules, où il est fixé avec l’aide d’un appareil formé d’une solide charpente de bois (fig. 4). Ce crochet passe dans le cou qui est vissé, de sorte que la poupée peut tourner la tête.
- Il ne reste plus que la coiffure. Le fond de la tête de porcelaine est garni d’un morceau de liège sur lequel on fixe la chevelure blonde ou brune. Les perruques ont aussi des ateliers de fabrication qui ne sont pas les moins curieux de l’usine de Montreuil.
- Mais il faut nous borner, afin de ne point lasser l’attention de nos lecteurs; nous ne dirons rien de quelques autres ateliers, celui notamment où se làbriquent les organes des poupées parlantes qui disent papa et maman. Il y a là des secrets de fabrication que nous ne voulons pas avoir l’indiscrétion de révéler.
- Est-ce tout? Non. Voici encore la grande salle d’expédition des poupées (fig. 5) ; on met une petite chemisette élégante à chaque bébé et on l’enferme dans une boîte de carton, d’où elle ne sortira qu’aux cris de joie de la petite maman qui se chargera de l’Iuibiller.
- L’usine de poupées de Montreuil a été créée de toutes pièces par M. Jumeau qui l’a complètement organisée dans tous ses détails, et qui a substitué à la fabrique des anciennes poupées de peau créée par son père, une industrie toute nouvelle. Cette
- industrie, fort importante, tient tête à la concurrence allemande, elle donne dans tous les pays du monde de charmants échantillons du bon goût de la fabrication parisienne, et mérite les plus grands éloges. Gaston Tissandier.
- EMPLOI DE TUBES DE GEISSLER
- roua i,'observation des mouvements vibratoires
- Il est bien connu que si l’on illumine un tube de Geiss-ler et qu’à la faveur de cet éclairage intermittent on observe le trembleur de la bobine qui actionne le tube, ce trembleur paraît absolument immobile, l’illumination du tube ne se produisant chaque fois qu’au moment précis où le trembleur abandonne la barre de contact de l’interrupteur.
- C’est ce fait que M. Izarn 1 a pris pour point de départ d’une méthode d’étude des corps vibrant dans des conditions particulières, par exemple l’étude des vibrations excitées à la surface des liquides, du mercure en particulier, par le procédé de M. Léchât, pourvu que ce soit le trembleur de la bobine qui serve de marteau excitateur des vibrations. En observant alors dans cette surface l’image réfléchie d’un large tube de Geissler actionné par cette bobine, on voit les ondes absolument immobiles, et c’est là une des plus belles expériences à répéter.
- Voici encore un phénomène particulièrement intéressant et dans lequel l’emploi de la méthode préconisée par SI. Izarn paraît de nature à fournir de précieux renseignements sur la question, encore mal résolue, de la façon dont se produit la discontinuité de la veine liquide. Une foule de procédés ont été indiqués pour l’étude de ce phénomène, mais celui-ci n’a pas encore été signalé ni aucune photographie donnée de la veine considérée à un instant déterminé de son régime. Lorsqu’on observe la veine liquide à l’éclairage d’un tube de Geissler, surtout si le trembleur de la bobine jouit d’une assez grande latitude dans sa vitesse d’oscillation, on voit assez bien la structure par gouttes qui est figurée dans tous les traités de physique, mais la stabilité fait absolument défaut. Si, au contraire, on ale soin d’attacher solidement la bobine au tuyau et au robinet d’écoulement, la vibration du trembleur se communique énergiquement à la veine qui devient parfaitement régulière et à peu près insensible aux légers bruits ambiants, de telle sorte que, en projetant le jet sur le fond brillant fourni par le tube lumineux, on pourra observer le phénomène tout à loisir et le photographier de même. C’est ce qu’on pourrait appeler la photographie de l’instantané avec longue pose; à une distance un peu grande de la portion limpide, les gouttes et surtout les gouttelettes ont des mouvements propres qui empêchent d’en obtenir une image nette, mais c’est précisément l’observation des régions supérieures qui présente le plus d’intérêt et qui permettra peut-être de saisir très exactement le mécanisme de la transformation en gouttes de cette partie limpide. Quant à l’aspect d'un tube central indiqué par Savart et qu’il attribue au passage rapide des goidtelettes devant l’œil, il semble évident, par la seule inspection de la photographie, qu’il est du à la région brillante que produit la réfraction sur la colonne liquide, quelle soit discontinue ou non.
- 1 Note présentée à l’Académie des sciences, par M. E. Mas-cart, le 20 février 1888.
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- LA TOUR DE BABEL
- PAR KIRCHEI!
- Parmi tous les savants du dix-septième siècle, celui dont l’imagination s’est, appliquée au plus grand nombre d’objets est peut-être le Père Kircher. Au premier rang des travaux singuliers auxquels il s’est livré, ligure la reconstitution de la tour de Babel. Le grand monument dont M. Eiffel a été chargé, pour la commémoration du centenaire de 1889, donne un certain caractère d’actualité à ces conceptions du savant jésuite ; nous allons en présenter un résumé succinct.
- Kircher, dans le livre qu’il a écrit au sujet de la tour de Babel, livre in-folio, rempli de magnifiques gravures1, commence a se préoccuper du nombre d’ouvriers que Nemrod devait avoir à sa disposition lorsqu’il conçut la pensée d’élever ce signe durable de l’unité de la race humaine.
- Notre auteur imagine que ce prince pouvait avoir à sa disposition 4 millions et demi de travailleurs. Il énumère ensuite les professions peu nombreuses dans lesquelles ces ouvriers devaient être répartis, et la nature des matériaux dont ils avaient dû s’approvisionner avant de songer à les entasser. Les principaux sont des briques durcies au soleil, que les architectes de Mésopotamie emploient encore pour leurs humbles constructions utilitaires, et du bitume dont ils se servent de nos jours comme de ciment.
- Parmi les ruines que le temps n’a pas complètement rendues méconnaissables, on en compte une que les Arabes connaissent sous le nom de Bisr Nemrod. Quoiqu’elle ne puisse être identique avec la tour de Babel, puisqu’elle est très éloignée des restes de Babylone, elle montre très bien comment ces peuples anciens s’y prenaient pour donner une grande hauteur à leurs monuments, et elle justifie, par conséquent, la forme que Kircher a donnée à l’édifice dont il nous a laissé une description.
- D’après les voyageurs qui ont parcouru ces régions, la base du Bisr Nemrod était une plate-forme parfaitement carrée ayant81m,6 de côté et qui se trouvait élevée à une hauteur de 7m,8. Les mêmes observateurs nous apprennent que l’édifice se composait d’une série de plates-formes semblables à la première, mais dont le côté diminuait à chaque fois de 10m,8; de sorte à simuler dans son ensemble un escalier gigantesque dont les marches avaient 5m,4 de largeur. Bien entendu, ces diverses plates-formes communiquaient par des plans inclinés ou des escaliers dont le temps a effacé les vestiges.
- En employant cette architecture, il ne pouvait y avoir que sept étages, ce qui portait la hauteur
- 1 Turris Babel. Amstelodami, 1679. 1 vol. in-folio. Cet ouvrage outre un magnifique frontispice, ne comprend pas moins de 9 grandes planches hors texte dont quelques-unes de grand format se pliant dans les pages du livre. On peut le consulter à la Bibliothèque nationale.
- totale à 47m,6, en supposant que l’intervalle des plates-formes restât le même jusqu’en haut. D’après ces mêmes voyageurs, la hauteur des quatre derniers étages était sensiblement moindre que celle des trois premiers, de sorte qu’ils réduisent la hauteur du monument à moins de 41 mètres, même en le surmontant d’un tabernacle haut de 4 à 5 mètres, et consacré à l’adoration du Dieu en l’honneur duquel il avait été élevé.
- D’après ces hvpothèses. le sommet du Bisr Nemrod serait donc élevé à une hauteur à peu près moitié de celle du Panthéon (79m) et le quart de l’obélisque de Washington (169m); avec le même système il faudrait, pour parvenir à la hauteur de la tour Eiffel, partir d’une hase ayant de 5 à 600 mètres de côté, et couvrant, par conséquent, plus du quart de la surface du Champ de Mars.
- La Tour de Babel, que nous présente Kircher (fig. 2), est construite d’après un procédé moins rudimentaire; elle offre des dispositions plus artistiques, mais que les architectes d’une époque primitive auraient encore eu plus de mal à réaliser. Cependant, si l’on en juge par la dimension que cet auteur donne aux hommes et aux animaux, la tour qu’il représente aurait bien eu une hauteur de près de 500 mètres, quoique 1« base ne couvrît pas plus d’un hectare. Il est vrai que pour arriver à un semblable résultat il n’hésite pas à donner aux premiers plans inclinés une pente qui n’est pas pratique puisqu’elle est d’au moins 1 sur 2. Plus haut, il réunit les étages par des plans inclinés en spirale dont il réduit la pente à environ 1 sur 4, mais le long desquels les transports auraient été d’une difficulté telle que les entrepreneurs de Nemrod auraient certainement dû plusieurs fois se ruiner avant d’arriver à l’exécution de leurs contrats.
- Il est bon de noter qu’à une hauteur que l’on peut évaluer à 500 mètres, le Père Kircher a figuré des nuages analogues à ceux qui s’attachent au flanc des montagnes. Le paysage représente une vue à vol d’oiseau d’une portion de la ville de Babylone, où une multitude de monuments construits de la même manière, mais sur des bases beaucoup moindres, ont été représentés. Sur le premier plan et à une grande distance de la Tour, on voit le roi -Nemrod entouré de ses architectes qui lui montrent les plans de l’édifice tel qu’il eût été disposé, si la catastrophe biblique n’avait empêché de l’achever.
- Dans une autre partie de son travail, Kircher cherche à reconstituer d’après Hérodote l’observatoire de Babylone, qui fut construit par Ninus et Sémi-ramis, non pas dans le but d’atteindre le ciel, mais seulement avec l’espérance fort raisonnable de mieux admirer ses merveilles. Sa hauteur aurait été de près de 200 mètres, et précisément égale au développement de sa circonférence de base. Il aurait été formé de huit tours superposées formées chacune de trois étages, diminuant de diamètre et terminées par un temple de Bélus où les astronomes faisaient leurs observations. Malgré l’intérêt qui s’attache à cette
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- LA NATURE.
- tentative, nous n'avons pas cru nécessaire de reproduire ici la planche qu'il est arrivé à combiner. Car la partie la plus originale du travail de Kir-cher, et dans laquelle il donne le plus carrière à sa fantaisie, est celle oh il s’attache sérieusement à montrer par un diagramme que l’idée de porter jusqu’au ciel le sommet de la Tour était une absurdité. En ellet, il fait de longs et minutieux calculs pour établir qu’il aurait été impossible non seulement de le faire parvenir jusqu’au ciel des étoiles fixes, mais encore de le mener jusqu’au ciel de la Lune, qui était la [ilus rapprochée de tous suivant la cosmologie des anciens. On n’aurait pu juger du caractère de l’œuvre de Kir cher si nous n’avions pas reproduit la planche dans laquelle les résultats de ces évaluations bizarres sont résumés et systématisés (fig. 1).
- Dans les banderoles qui occupent le haut de la planche, se trouve la légende biblique relative à la convocation des ouvriers pour la construction de la Tour de Babel. Elle est ainsi conçue : « Venez à nous et nous construirons une villeetune tour dont le sommet atteindra le ciel. » Cette devise est écrite en latin, en grec, en syriaque, en hébreu, en arabe et en chaldécn.
- A droite et à gauche, au-dessous des devises, on voit deux cadres carrés renfermant deux inscriptions latines. Dans le cadre de gauche l’auteur explique qu’il a divisé la Tour idéale qui surmonte la terre en longueurs proportionnelles à la longueur qu’il a choisie pour représenter le rayon de la terre. C’est à ce genre de numération que servent les chiffres placés à droite du diagramme de la Tour. Celle-ci est supposée s’approcher du ciel de la Lune à une distance d’un diamètre terrestre; encore ce ciel est-il réduit à la distance périgée. Ces préeau-
- I tiens sont prises pour que la Lune n’accroche pas la j Terre dans son mouvement de révolution men-| suelle.
- J Dans l’autre cadre de droite se trouve une légende résumant d’une façon très succincte les principales absurdités résultant de l’hypothèse que 1rs hommes arrivent à élever une semblable colonne. La première est que toute la nature serait bouleversée, parce ' que le centre de gravité de la Terre serait déplacé
- par une construction de ce genre.
- La figure placée au-dessous des deux cadres est destinée a développer cette thèse comme l'indique une légende, dont voici la traduction: «En admettant cette hypothèse, combien le globe terrestre serait éloigné de son centre. » Le globe à la droite du dessin est représenté dans sa situation normale; un autre globe y est suspendu par une chaîne au point indiquant la nouvelle situation. Le globe inférieur montre la Terre augmentée de rayons, afin d’éviter que la base de la Tour malgré l’extrême allongement que lui a donné l’auteur, n’absorbe le globe tout entier. Il est bon de noter que Kircher indique dans d’autres gravures de son livre un continent austral, qui occupe dans ses dessins une grande partie de l’espace où l’on sait maintenant que se trouve l’océan Pacifique. La croyance à une sorte d’antichtone (antiterre) faisant pendant à l’ancien continent, était très répandue à cette époque.
- Pour établir ses calculs fantaisistes, Kircher part d’une hypothèse inadmissible. En elfet, il trouve que sa colonne doit avoir une hauteur de 17 867 milles italiques de 1478 mètres chacun, soit 26 400 kilomètres. Cependant il réduit le côté de la base à 8 milles italiques, soit 12 kilomètres, un peu plus de la largeur de Paris. L’allongement qui
- Fig. i. — Schéma publié par le Père Kircher pour démontrer qu’une tour construite sur la Terre ne saurait s’élever jusqu’à la Lune. (Gravure extraite de Turris Babel, du dix-septième siècle.)
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- en résulte sentit de plus de deux mille lois. Jamais bâton n’a été si aigu, l’aiguille la plus line a une conicité moins grande. Si l’on reprenait ces calculs à propos de la Tour Eiffel, et si l’on supposait qu’elle dût atteindre la hauteur de la tour de Nemrod, il ne serait pas difficile de démontrer que le diamètre d’un hémisphère terrestre ne suffirait point à lui
- servir de base. Nous ne saurions insister sur de semblables détails sans tomber dans le défaut qu’on a reproché non seulement à Kireher, mais encore a beaucoup d’auteurs contemporains qui poussent leurs calculs jusqu’au delà des limites véritablement raisonnables, et qui, en les étendant si loin du point de départ, les dépouillent de toute espèce de sens.
- Fig. 2. — La tour de Babel, d’après le Père Kireher. (G
- Il n’est pas superflu d’ajouter que l'ouvrage Tarris Babel tut imprimé à Amsterdam en 1679 chez Janssen Waesberg et dédié à Léopold 1er, empereur d’Allemagne. Le permis d’imprimer avait été délivré à Rome par le Père Üliva, de la Société de Jésus, et contresigné par le Père Hyacinthe, censeur du Palais apostolique. Le volume, composé de 252 pages in-folio, est précédé d’une préface dans laquelle l’auteur rapproche les orages du temps dans lequel il
- ? b 1
- ravure réduite de Turris Babel, dix-septième siècle )
- vit, des dissensions qui ont suivi la confusion des langues et la destruction de la Tour de Babel. Ce qui se passait dans le monde profane n’était pas de nature à protéger Kireher contre les idées mélancoliques qui assiégeaient le vieux physicien, arrivé près du terme de sa carrière, et presque à l’àge de 80 ans. En effet, c’était l'époque critique de l’histoire d’Allemagne où les magnats hongrois cherchaient à s’appuyer sur le grand seigneur pour
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- LA NATURE.
- résister à leur souverain légitime. Quoique depuis longtemps établi a Rome, où il professait les mathématiques au Collège romain et on il était comblé d’honneurs, le célèbre auteur ressentait douloureusement au milieu de sa gloire le contre-coup des malheurs de sa patrie.
- CHRONIQUE
- Les aérostats captifs «le l'année portugaise.
- — Le gouvernement portugais vient de suivre l’exemple de la plupart des armées européennes et de faire la commande, à Caris, d’un équipage de ballons militaires pour les ascensions captives d’observation. Le matériel a été confectionné par M. Lacbambre dans son usine aéronautique de Yaugirard. M. Lacbambre a imaginé un modèle d’appareil transportable pour la fabrication du gaz hydrogène, qui a donné de fort bons résultats dans de récents essais. Quatre générateurs à fabrication continue, sont montés sur un chariot, l’eau s’y décompose par la réaction ordinaire sous l’action du fer et de l’acide sulfurique. Le débit par heure pour l’appareil a été de 150 mètres cubes. Le poids de cet appareil à gaz, chariot compris, ne dépasse pas 2400 kilogrammes, charge facile à transporter par deux chevaux.
- Les pertes dues au phylloxéra. — L’Economiste français donne l’évaluation suivante des pertes provoquées par le phylloxéra, d’après des documents officiels empruntés au rapport présenté par le directeur de l’agriculture à la Commission du phylloxéra. La perte réelle peut être évaluée à 1 200 000 hectares, soit la moitié du vignoble français, perte représentée à peu près par 7 milliards 200 millions de francs. À cette perte du capital sont venues s’ajouter les pertes de revenus et de salaires occasionnées par la destruction des vignobles ; de plus, en calculant la valeur des vins et des raisins importés en France pour être transformés en vins, on arrive à une somme de plus de 10 milliards de francs comme représentant la perte totale éprouvée par notre pays. 11 paraît juste d’y voir le facteur le plus important du malaise économique qui se fait sentir chez nous depuis plusieurs années.
- Culture «le la ramie en France. — Une Commission spéciale, instituée près du Ministère de l’agriculture, est chargée de s’occuper de l’utilisation industrielle de la ramie. Dans une de ses dernières séances, cette Commission s’est occupée des mesures à prendre pour mettre à la disposition des exposants de machines ou de procédés pour la décortication de la ramie, qui prendront part aux concours de 1888 et de 1889, la matière première dont ils auront besoin pour les expériences. La Commission a pensé que le meilleur moyen de se procurer les quantités nécessaires de tiges de ramie, à l’état vert, était de cultiver cette plante à proximité de Paris, et, dans cet ordre d’idées, elle a l'ecommandé au choix de l’administration les terrains deGennevilliers, dont la fertilité est une garantie de succès pour une semblable culture. Cette culture va se faire prochainement, et elle sera surveillée par M. Durand-Claye, ingénieur des ponts et chaussées, et M. M. Cornu, professeur de culture au Muséum d’histoire naturelle. Enfin, il résulterait des informations communiquées a la Commission, que l’administration des colonies s’est efforcée, dans ces dernières années, d’encourager et de propager la culture de la ramie dans nos possessions d’outre-mer.
- La holographie d’un discours parlementaire.
- — Le discours récent prononcé au Parlement allemand par le prince de Bismark contenait 10997 mots. Ce discours a été envoyé aux journaux de l’Allemagne et de l’Europe entière au moyen de 1218 télégrammes formant un ensemble de 194 296 mots. La transmission s’est faite de Berlin à 526 localités différentes. Il a fallu pour cette transmission le concours de 255 employés et de 222 appareils dont 60 du type Hughes, 155 Morse et 7 Estienne. Le plus long télégramme expédié aux journaux étrangers à l’Allemagne aurait été celui du Times, journal auquel nous empruntons ces renseignements.
- Abondance des poissons marins. — Dans une conférence faite à Londres, le professeur Huxley estime qu’en janvier et février 1886, les morues étaient si abondantes sur les côtes de Aorwège qu’elles auraient formé une hauteur de 120 à 160 pieds consistant en 120 millions de poissons par mille carré. En calculant que chacun d’eux mangeât un seul hareng par jour, ils en consommeraient à eux tous, 840 millions par semaine. Tous les pêcheurs de la Nonvège réunis ne sont jamais parvenus à en prendre 400 millions. La totalité des pêcheurs du inonde entier ne prennent pas encore 5 pour 100 des poissons auxquels ils font la chasse : morues, maquereaux, harengs, sardines, etc., etc. En d’autres mots, la richeses en poisson dans l’Océan est inépuisable.
- Changements de niveau de la côte sud de l’Angleterre. — Le journal Ciel et terre donne d’intéressants renseignements sur les mouvements de la côte d’Angleterre. Depuis longtemps déjà, dit-il, l’attention s’est portée sur les dénivellations qu’éprouve la côte méridionale de la Grande-Bretagne; malheureusement, les mouvements sont si compliqués que l’étude n’en est pas plus avancée aujourd’hui qu’au premier jour, et qu’on ne réussit pas à les expliquer par une variation du niveau de la mer. M. Gardner, dans un des derniers numéros du Geological Magazine, exprime l’opinion que toute la côte est en mouvement. En beaucoup d’endroits, l’on trouve des restes de forêts enfoncées jusqu’à 20 mètres sous le niveau des eaux; à Pentnan, on a recueilli des ossements humains à 12 mètres sous la limite des hautes marées; à Carnon, encore plus bas, à environ 20 mètres ; l’île de Wight n’est séparée du sol anglais que depuis le commencement de l’ère chrétienne. Mais c’est surtout dans le Cornouailles que la mer a empiété sur la terre ferme. En d’autres endroits, à Poole, par exemple, la ville se trouve bâtie sur un emplacement où, il y a soixante-dix ans, l’eau était très profonde; les dunes voisines de Poole ont, au contraire, en quarante-quatre ans,’ de 1785 à 1829, été envahies par la mer sur une largeur de 900 mètres. Le comté de Kent semble se relever, celui de Sussex s’élève d’un côté et s’abaisse de l’autre, tandis que les comtés plus à l’ouest s’enfoncent.
- In temple romain dans la Sarthe. — On a récemment découvert les restes d’un temple à Rouez-en-Champagne (Sarthe). Les fouilles ont également mis à jour un centre antique, couvrant une superficie d’environ 8 hectares. Le temple, qui seul a été fouillé jusqu’ici, était composé d’un pronaos, d’une cella et d’un opistho-dôme. Le pronaos, flanqué de ses deux antes et de quatre colonnes, avait 5 mètres de largeur ; la cella, formée de trois nefs avec colonnes, mesurait 19“,52 en longueur; Vopisthodomc occupait le reste de la partie postérieure de l’édifice. Le soubassement de la statue du dieu, près duquel on a trouvé une assez grande quantité de mon-
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- naies à l’efligie de Néron, d’Anlonin, de Fausline, etc., a été mis à découvert dans la nef centrale de la Cella. Ces importantes découvertes ont été faites par 31. F. Ligcr, ancien inspecteur divisionnaire de la voirie de Paris, qui exécute les fouilles à ses frais.
- Le glacier de Ilallett (Etat de Colorado). —
- VAppalachia (organe semestriel de VAppalachia Mountain Club de Boston) renferme un article capital de M. Chapin. Cet article révèle l’existence et décrit les particularités du seul véritable glacier que l’on ait découvert jusqu’ici dans les Montagnes Rocheuses de l’Etat de Colorado, où abondent cependant les pics supérieurs 'a 4000 mètres (Long’s Peak 4549, Holv Cross 4520, mont Harvard 4585, Pike’s Peak 4558, Blanca Peak 4409, mont Wilson 4555, etc.). On n’y connaissait encore que des champs de neige ou de petits névés. En 1883, sur les indications d’un chasseur indigène, M. W. L. Ilallett, montagnard américain distingué, découvrit ce glacier (auquel on a donné son nom) dans la chaîne de la Momie, entre Longs’ Peak au sud et la station de Cheyenne au nord-est. Le Hague’s Peak (13 852 pieds, King, 4216 mètres) domine le glacier de Ilallett, qui a environ 800 mètres de large et 500 mètres de hauteur verticale (la longueur n’en est pas donnée) ; ce glacier est peu incliné; tout un système de moraines l’entoure; deux jolies photogravures jointes à l’article donnent une idée avantageuse de ce pittoresque champ de glace et de ses ^crevasses. Le 2 août 1887, MM. Ilallett, Chapin et Thacher ont fait la première ascension, assez ardue, du Hague’s Peak. « Il y a toujours, disent-ils, une voie aisée pour atteindre les hautes cimes des Montagnes Rocheuses, mais on peut trouver de rudes escalades, si on les cherche. »
- Emploi tin gaz naturel comme combustible dans les locomotives. — Nous avons plusieurs fois parlé des différentes applications du gaz naturel, si abondant dans certaines parties des Etats-Unis. Dans beaucoup d’endroits, la pression avec laquelle le gaz sort delà terre est assez grande pour qu’on puisse, sans avoir besoin de le comprimer, l’emmagasiner dans des récipients en tôle ou en acier, de manière à pouvoir le transporter au loin et augmenter considérablement les applications dont il est susceptible. Ainsi, en ce moment, on fait des expériences pour arriver à remplaçer le combustible solide par le gaz naturel, dans les locomotives. On place, à l’arrière du tender, un des récipients en question et on le met en communication par un tuyau avec la boite à feu, l’échappement du gaz étant réglé à l’aide d’un appareil spécial.
- La sécurité en chemin de fer. — M. le comte de Gontaut-Biron, qui étudie avec beaucoup de soin cette question si intéressante pour tous ceux qui voyagent, nous a communiqué un intéressant mémoire où il démontre les graves inconvénients de l’emprisonnement des voyageurs dans les compartiments de chemins de fer. En cas d’attaque d’un malfaiteur, ou d’une crise subite de maladie grave, le voyageur isolé ne saurait assurément atteindre le bouton d’alarme placé au plafond d’un wagon, ni casser la glace qui protège la sonnette d’appel des grands compartiments du Nord. M. de Gontaud-Biron propose un système de bouton à tige qui se tirerait facilement par un voyageur, dans quelque position qu’il occupât, et qui sous la traction, ferait tomber un panneau de séparation mobile entre deux compartiments. Les voyageurs de cet autre compartiment pourraient ainsi venir au secours de la victime, en attendant l’arrivée des agents. Dans le
- système préconisé, le vide laissé par le panneau peut livrer passage à une personne. < Cette condition est essentielle., en effet, dit l’auteur, car tout le monde n’ose pas s’aventurer sur les marchepieds d’un train, cette manœuvre demandant une certaine habitude. J’ajouterai en terminant, que la mise en place du panneau mobile ne pourrait s’effectuer qu’au moyen d’une clef spéciale, semblable à celles qui servent à fermer les portières des compartiments, ce qui simplifierait encore le perfectionnement du système. »
- La langue la plus usitée. — M. le professeur Kirchoff, de Halle, vient de publier un travail de statistique sur les langues les plus répandues à la surface du globe. Il résulte de ces recherches que 400 millions de bouches parlent le chinois. Après le chinois, les idiomes les plus répandus sont l’hindoustani et l’anglais, chacun 100 millions ; le russe, 70 millions; l’allemand, plus de 57 millions, et l’espagnol plus de 47 millions. La langue française ne vient après qu’en septième ligne.
- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 5 mars 1888. — Présidence de M. Janssen.
- Pneumo-entérie des porcs. — Déjà nous avons entretenu nos lecteurs des ravages dont sont victimes les porcs de la région des Bouches-du-Rhône et on sait les résultats intéressants obtenus par MM. Cornil et Chantemesse dans l’étude de cette nouvelle épizootie. Aujourd'hui, par l’intermédiaire de M. Chauveau, M. Fuchs (de Marseille) fait l’historique de l’invasion infectieuse. Il produit des pièces d’où il résulte que la maladie a été apportée en France par des porcs originaires du département d’Oran; de là elle s’est étendue jusqu’en Espagne. Un fait curieux signalé par l’auteur, concerne la résistance opposée à la contagion par certains porcs gascons dont on se préoccupe de plus en plus de multiplier le nombre dans toute la région envahie par le fléau.
- Le cerveau du Phylloxéra. — L’étude du cerveau des insectes, a pris, dans ces dernières années, une importance toute spéciale à cause du degré de complication qu’on y a reconnu et qui ne le cède guère à celui du même organe chez les animaux vertébrés. Il y a, déplus, un réel intérêt à comparer sous ce rapport les insectes les mieux doués, comme les Hyménoptères, aux insectes relativement inférieurs, comme le Phylloxéra. M. le docteur Lemoine, professeur à l’Ecole de médecine de Reims, a pu étudier le cerveau de ce dernier insecte grâce à la méthode des coupes en série qui lui a permis d’obtenir dans le corps du Phylloxéra ailé jusqu’à 50 coupes longitudinales et 80 coupes transversales. Il lui a été ainsi possible de reconnaître et de décrire, outre les lobes cérébraux proprement dits, un corps central, des corps pédonculés plus ou moins assimilables aux circonvolutions du cerveau des animaux vertébrés, des centres nerveux spéciaux animant les ocelles, les yeux composés, les antennes. Ces divers organes des sens ont pu être minutieusement étudiés ainsi que les petits ganglions d’origine des nerfs qui animent les appareils de la digestion, de la circulation et de la respiration.
- Tourbillons de poussière. — M. Vidal, capitaine de frégate, adresse à M. Paye le résultat de ses études sur les tourbillons de poussière si fréquents aux environs d’Athènes et qu’on doit considérer comme reproduisan
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- LA NATURE.
- toute l’économie des cyclones malgré leurs dimensions relativement microscopiques. Ces petits météores laissent sur le sol, comme trace de leur passage, des amas de poussière et de sable qui décrivent des circonférences très sensiblement régulières. L’étude des courbes dont il s’agit et des conditions dans lesquelles elles se forment malgré le vent horizontal qui souffle d’ordinaire amène l’auteur, conformément aux vues bien connues de M. Faye, à nier absolument tout courant d’air ascendant et même à affirmer l’allure essentiellement descendante des tourbillons.
- Hérédité pathologique.
- — Dans un mémoire dont M. Brown-Séquard n’a donné qu’un très rapide résumé, M. Combemaille décrit les accidents qui attendent fatalement les descendants d’animaux qu’on a soumis au régime alcoolique et spécialement à l’abus de l’absinthe.
- Varia. — Un gros ouvrage sur l’étain de Banca est déposé au nom deM. de Groot. — Parmi les pièces imprimées de la correspondance, on signale le dernier numéro du journal du Ciel, de M. Yinot, maintenant parvenu à sa vingt-quatrième année et qui contient jour par jour l’annonce de tous les phénomènes célestes, des.cartes du ciel représentant de huit en huit jours l’aspect du ciel visible à 9 heures du soir et, en feuilleton, un dictionnaire d’astronomie. — Par sa méthode photochrono-scopique, M. Hermite mesure le nombre de vibrations d’une bobine de Ituhmkorff. —M. de Les-seps dépose son rapport annuel sur les travaux de Panama et annonce qu’on peut voir au Champ-de-Mars dans les bureaux de M. Eiffel, un modèle des écluses provisoires dont l’emploi a été récemment décidé pour rapprocher l’époque de l’ouverture du canal. — L’étude microscopique des roches calcaires renfermant des foraminifères, occupe M. Le Mesle.
- Stanislas Meunier.
- LA SCIENCE PRATIQUE
- Mousqueton de sûreté. — Toutes les personnes qui portent une chaîne de montre savent comme il arrive souvent qu’on accroche en passant, soit une ciel de bureau, soit un bras de fauteuil, etc... La
- montre est alors vivement projetée hors de la poche, le verre casse la moitié du temps et le mouvement peut se détraquer par suite du choc. Pour les Parisiens, il y a un inconvénient de plus, car les filous ne manquent pas sur les boulevards et dans tous les endroits fréquentés ; en tirant légèrement sur la chaîne au moment où il vous bouscule, comme par
- mégarde, le voleur a bientôt fait prendre à votre montre le chemin de sa poche. C’est pour remédier à ces inconvénients que M. 11. Martin a imaginé le petit mousqueton que représente notre gravure (lig. 1).
- On en comprend facilement le mécanisme. Sur la droite de la ligure, l'appareil est représenté à l’état de repos, tel qu’il se trouve dans la poche en temps ordinaire. Si on tire sur la chaîne, on fait sortir deux ergots acérés qui se piquent dans la doublure de la poche et empêchent absolument la montre de sortir. Lorsqu’on veut voir l’heure, on doit prendre la montre, non pas par sa chaîne, mais par son anneau, pour
- éviter de faire sortir les griffes du mousqueton.
- Appareil pour lixer les T sur les planches à dessin. —Les architectes et les ingénieurs, quand ils se servent de grandes planches à dessin, savent que le T qui leur sert à tracer des lignes parallèles oscille et tend à se déplacer d’autant plus que sa longueur est plus considérable. La ligure 2 représente un petit appareil imaginé par M. Morin pour éviter cet inconvénient. C’est une mâchoire métallique dans laquelle on peut serrer avec une vis et un ressort l’extrémité de la règle plate du T. Un autre ressort, fixé sur le côté du petit appareil., lui permet d’être solidement fixé contre le rebord de la planche a dessin. A la partie inférieure de notre figure 2, nous avons figuré un T muni de cet appareil.
- Le propriétaire-gérant : G. Tissandier.
- .ppnreil pour fixer les T sur les planches à dessin,
- Fig. 2,
- Imprimerie A. Lahure, 9, rue de Fleurus, à Paris.
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- N° 7 7 2.
- 17 MARS 188 8.
- LA N ATI) HL.
- GASTROSTOMIE
- USE RE M ARQU A B L E OPÉRATION C H I R ü R G IC A L E
- suivie d’alimentation stomacale
- dant plusieurs années. Les accidents du côté de l’œsophage paraissent remonter au mois de septembre (8 septembre) 1887. Il eut alors une régurgitation douloureuse d’une certaine quantité de viande déglutie un peu rapidement.
- On sait combien la chirurgie a accompli de progrès depuis quelques années; nous allons, à ce sujet, signaler à nos lecteurs une opé-ralionrécemmcnt exécutée par un de nos plus habiles praticiens,
- M. lelLTerrillon, dans des conditions spéciales et dans lesquelles la réussite est assez rare. 11 s’agit d’un homme dont l’œ-sopliage était obstrué, qui ne pouvait plus avaler aucun aliment, ni boire la plus petite quan: tité de liquides; la mort était imminente. M. Le l)r Terri lion pratiqua une ouverture dans l’estomac et, au moyen d’un tube, le malade a pu se nourrir, reprendre des forces ; son alimentation est désormais assurée par ce procédé factice. Nous emprunterons à la note, présentée dans une des dernières séances de l’Académie de médecine par M. le ILTerrillon, quelques détails de cette opération1.
- M. X..., âgé de cinquante-trois ans, est un homme vigoureux, de tempérament arthritique. Il a souffert depuis plusieurs années de gastralgies violentes et d'une dyspepsie tenace, pour laquelle il a usé de morphine pen-
- Depuis cette époque, le passage des aliments solides est ou pénible, ou difficile et souvent suivi de régurgitation.
- Ils semblent s’arrêter au niveau du creux de l’estomac. Aussi il renonce aux aliments solides pour ne prendre que des liquides ou demi-liquides qui passent facilement, jusqu’au 20 décembre 1887.
- A cette époque, il remarqué que les liquides sont avalés difficilement, surtout à certains moments ; ils séjournent derrière le sternum et descendent ensuite lentement ou sont régurgités; cet état s'accentue surtout vers les premiers jours de janvier. On le sonde plusieurs fois avec succès, mais bientôt la sonde ne peut passer. Les docteurs Affre et Bazenet de Beaune, Rengagent à venir à Paris où il arrive le o février 1888.
- Depuis dix jours le malade n’a pu avaler que par petites doses environ un litre de lait ou de bouillon ; aussitôt qu’il a dégluti du liquide, il éprouve de la douleur au-dessus du creux épigastrique, et surviennent des régurgitations pénibles et douloureuses. Pendant trois jours, toutes les tentatives faites par M. Terrillon, pour franchir l’obstacle qui existe manifestement au niveau du cardia, échouent complètement. Plusieurs fois, après ces tentatives, on ramène un peu de sang, mais il n’y a jamais eu d’hémorragie. Le malade souffre ; il maigrit, s’impatiente et ne peut intro-
- Fig. 1. — Alimentation de M. X... au moyen d’un tube stomacal, après l’opération de la gastrostomie nécessitée par l’obstruction de l’œsophage.
- Fig. 2. — Détail du tube stomacal. — C. Conduit de caoutchouc permettant de verser les aliments dans l’estomac E. — B B’. Ballons de caoutchouc, en forme de bouton de chemise. Ces ballons, gonflés d’air au moyen du tube T et de la poire de caoutchouc P, déterminent une fermeture hermétique. — À. Bouchon pour le conduit C. — 11. Robinet de fermeture du tube à air.
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- 1 Ces détails sont extraits du Bulletin médical. 16° année. — 1er semestre.
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- (luire dans son estomac que quelques grammes d’eau de temps en temps. Comme il n’est pas cachectique et qu’on ne constate aucun ganglion apparent, sa respiration thoracique étant irréprochable, il semble indiqué de faire une ouverture à l’estomac. Le malade accepte aussitôt.
- L’opération eut lieu le 9 février 1888, à 11 heures, avec le concours de M. le I)r Routier. Le malade est chloroformé...
- Lorsque les sutures sont bien disposées et qu’il est certain que les surfaces péritonéales étaient bien affrontées, une petite ouverture est pratiquée dans la paroi de l’estomac et on introduit aussitôt dans la direction du cardia et de la grosse tubérosité une sonde en caoutchouc rouge. Celle-ci donna issue à du liquide gastrique jaunâtre. Elle fut fixée à la paroi abdominale par un fil d’argent. L'opération avait duré trois quarts d’heure. Le malade n’était pas trop affaibli et se réveilla peu de temps après. Il n’eut pas de nausées, mais seulement une soif assez viver
- Les suites de l’opération furent aussi simples que possible, il n’y eut pas de réaction péritonéale ni de fièvre.
- Trois heures après, on injecta du bouillon et du lait qui furent facilement digérés....
- Passant sous silence les détails techniques qui n’intéresseraient pas la majorité de nos lecteurs, nous nous contenterons de dire que M. X..., grâce à cette alimentation, a retrouvé ses forces, et qu’il prend chaque jour sa nourriture, comme le représente notre gravure (fig. 1). L’ouverture pratiquée dans l’estomac permet l’introduction de l’appareil de caoutchouc dont nous donnons la disposition (11g. 2). Cet appareil a pour fonction d’empêcher la sortie des liquides de l’estomac qui irriteraient la paroi abdominale et en même temps d’introduire les aliments. Un entonnoir est adapté au tube, et les aliments liquides ou demi-liquides sont directement versés dans l’estomac. La digestion s’effectue avec une régularité parfaite et M. X..., qui s’est présenté lui-même à l’Académie de médecine, et que nous avons vu récemment, a repris santé et bonne humeur.
- Nous avons cru devoir citer a nos lecteurs cette intéressante opération chirurgicale qui fait grand honneur à la science, et au talent deM. le Dr Terrillon.
- G' T'
- LES VOLCANS DU JAPON
- côté gravi par l’explorateur, était de 40 a 50°; avant d’atteindre le sommet, on entendit des explosions à l’intérieur; arrivé au sommet, on constata que ces éruptions se succédaient à deux secondes d’intervalle avec des pauses occasionnelles, et qu’elles étaient produites par des expansions de vapeur qui lançaient au dehors des pierres et des cendres jusqu’à environ 500 mètres de hauteur. Ces débris retombaient verticalement, ou à peu près, à moins que le vent ne les fit dévier. Les parois du cratère étaient verticales et d’environ 90 mètres de hauteur. On dit que le volcan l’Asamayana, qui a 2040 mètres de haut, fait éruption lorsqu’il est rempli de dépôts de soufre; mais il doit exister une source intérieure d’activité pour que ses éruptions périodiques soient expliquées.
- Le nombre des volcans que leurs cônes font reconnaître comme tels est de 129; de ceux-ci, 51 sont encore en activité : 16 se trouvent dans les Kurdes, lia Yézo et 24 dans les régions centrale et méridionale. M. Milne, dans un travailpublié récemment par la Société sismologique du Japon, signale 255 éruptions, dont quelques-unes précédant l’ère chrétienne; 52 d’entre elles ont eu lieu dans la région du nord, 65 dans le centre et 158 dans la partie méridionale. Parmi les volcans dont les cratères sont connus (155), 80 ont fait éruption en hiver, 75 en été, et la majeure partie en février et avril. « Les érup-lions, dit M. Milne, suivent, par conséquent, la loi des tremblements de terre. » Pendant les mois d’hiver, le gradient barométrique est en moyenne plus rapide qu’en été; ceci, joint à l’entassement de la neige, produit un effort continu, et il en résulte que les lignes de moindre résistance de la croûte terrestre sont plus disposées à céder en hiver qu’en été.
- Les laves consistent généralement en augitc-andesile, mais celles de Fujizan, d’Oshima et d’Hakone ressemblent à du basalte, et renferment de 49 à 52 pour 100 de silicate et 10 pour 100 d’oxyde de fer. Les rocs sont fortement magnétiques et on a remarqué que certains de leurs fragments étaient polarisés. Le Dr Nauinann a signalé dans le Journal de la Société sismologique du Japon que. près du Ganju-San la déclinaison magnétique a diminué de 19° depuis 80 ans ; pendant cette période, elle a varié de 14°30°E. à 5° 0., et la différence est moindre lorsqu’on s’éloigne de la montagne. La cause en est inconnue. « Un tel fait, ajoute M. Milne, rendrait très utiles des observations sur les grands volcans sous-marins qui jalonnent la route des vaisseaux. »
- M. Milne, dans le travail précité, examine aussi la forme des volcans, sujet dont s’était occupé avant lui M. Becker. L’idée explicative qui a surtout attiré l’attention de ces savants se rapporte à la résistance à l’écrasement, produisant la forme que prend une masse sous l’action de son propre poids1.
- Le plus haut cône volcanique du Japon est celui de Fujizan, près de Yokohama; son altitude est de 5720 à 5740 mètres. On croit généralement qu’il est éteint ; mais dans une ascension faite en 1880, M. Milne a vu de la fumée sortir du sommet du cratère. Parmi les autres pics volcaniques, l’un, le Norikuravama, a 5155 mètres de haut; Mitaka a 5000 mètres; trois autres ont entre 2700 et 5000 mètres; deux autres, entre 2400 et 2700 mètres; et quinze, entre 1500 et 2400 mètres. En mai 1877, M. Milne est monté sur l’Oshima, élevé de 750 mètres, dans l’ile du même nom, après une éruption qui avait commencé en janvier. Les traits intéressants du phénomène furent les suivants ; l’éruption débuta par une très légère vibration ou tremblement de terre; la pente, du
- LES MINES D’ARGENT D’AUSTRALIE
- A S1LVERTON (NOUVELLE-GALLES DU SUD)
- Les chercheurs de métaux précieux réussissent encore à faire d’heureuses trouvailles : nous en trouvons le témoignagne dans l’histoire des intéressantes mines d’argent de Broken Hill à Silverton. Un ingénieur, M. Desbief, a récemment communiqué
- 1 D’après une notice du Bulletin sismologique du Japon, résumée par Ciel et Terre.
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- LA NATL1IE.
- a ce sujet à la Société de l'industrie minérale de Saint-Etienne quelques intéressants documents qu’il avait reçus d’Adélaïde (Australie méridionale) et que nous reproduisons :
- Silverton est situé à 550 milles, à peu près 110 lieues, d’Adélaïde et quoique sur le territoire de la Nouvelle-Galles du Sud, il est plus rapproché d’Adélaïde que de Sydney; il est en outre relié à Adélaïde par une ligne de chemin de fer, taudis qu’une large étendue de pays, où les communications sont raies, le sépare de Sydney.
- Depuis de longues années, la chaîne de montagnes où la mine est située avait été dépeinte par les bouviers qui conduisaient leur bétail au marché d’Adélaïde, comme riche en minerais, mais tant de capitaux ont été enterrés dans la plupart des spéculations en mines, qu’on accordait peu de créance à leurs récits.
- Enfin, il y a à peu près quatre ans, un individu du nom de Rasp loua au gouvernement le droit d’exploiter une certaine étendue de terrain ou bloch. Les blocks ou portions de terrain sont numérotés sur les plans du gouvernement. M. Rasp choisit un block n° 12 dans le district appelé depuis Silverton (ville d’argent), où les apparences extérieures étaient les plus favorables et, peu après, six autres blocks n” 10, 11, 15, 14, 15, 16, s’étendant sur près d’une lieue sur l’affleurement de la veine, furent pris par six autres individus qui se réunirent avec M. Rasp et, en août 1885, formèrent une Compagnie sous le nom des Propriétaires du Broken Bill. Ils émirent 16 000 actions à 500 francs; ces actions valent aujourd’hui 5000 francs chacune. Depuis mai 1886, date de la mise en marche du fourneau pour le traitement du minerai, on a produit 2 500 000 onces d’argent, indépendamment d’énormes quantités de plomb. On a payé en dividendes aux actionnaires 4 700 000 francs et de larges sommes ont été dépensées pour le développement de la mine, l’établissement de fourneaux et de machines, et tout cela seulement sur deux des blocks que la Compagnie possède, les n08 12 et 13. Le n° 14 a été vendu à une Compagnie, et chaque action primitive du Broken Hill a droit à six actions de cette Compagnie, lesquelles valent 1200 francs chacune. Les blocks n08 15 et 16 qjit été placés sur le marché de Londres et les actionnaires recevront encore à peu près 1550 francs par action, et il leur restera, en outre, à vendre, indépendamment des blocks qu’ils exploitent, lesn08 10 et 11.
- Le nombre des ouvriers employés sur la mine est de 664. Il résulte du rapport publié pour les six derniers mois que, pendant cet intervalle, il a été payé 1 million de francs en salaires et appointements; 18 410 tonnes de minerais ont été traitées et ont produit 835 526 onces d’argent et 2856 tonnes de plomb.
- La Compagnie, craignant de ne pouvoir extraire toute la valeur de sa concession pendant le temps de son bail et avant qu’elle retourne dans les mains du gouvernement, pousse les travaux autant qu’elle peut et, à cet effet, a recours aux ingénieurs les plus expérimentés. Elle a dernièrement engagé, en Californie, un ingénieur, M. Patton, aux appointements de 100 000 francs. M. l'at-ton estime la quantité de minerai en vue à 700000 tonnes, représentant en plomb et argent une valeur de 157 millions de francs. Il est impossible d’évaluer la quantité de minerai qui existe au-dessous de ce qui a été reconnu; le puits le plus profond a seulement 516 pieds.
- De tels résultats ont donné un nouvel essor à la recherche des minerais, et, de tous côtés, dans des endroits à peine explorés, des concessions ont été prises.
- pour l'étain, l’argent, l’or même et les pierres précieuses, et de nombreuses Compagnies ont été formées. H est à craindre que peu d’elles survivent et que beaucoup de capitaux ne soient dépensés sans résultat.
- La chasse aux métaux précieux est, en effet, chose aventureuse, et à côté de quelques pionniers qui s’enrichissent, il en est beaucoup qui se ruinent.
- LE CANAL MARITIME DE MANCHESTER
- Depuis longtemps on songeait à établir, entre Manchester et la mer d’Irlande, une voie permettant à la navigation maritime de parvenir directement jusqu’à la grande ville manufacturière. Parmi les nombreux projets qui s’étaient fait jour pour satisfaire à ce desideratum, quelques-uns consistaient a donner plus de profondeur au lit de la Mersey, pour y introduire la marée, semblables en cela au projet de M. Bouquet de la Grye pour Paris port de mer; mais tous ces projets avaient successivement échoué, échec qui s’était encore renouvelé pour un autre, en 1885. Cependant le Conseil d’administration de la Compagnie formée à cette époque ne s’est pas découragé; il a fait une telle propagande pour son œuvre, il a tant multiplié les meetings, que les capitaux ont été réunis et qu’on vient d’inaugurer les travaux.
- Le canal a été conçu tout à fait indépendant, des voies navigables existantes; il communiquera seulement avec elles. Nous n’insistons pas sur sa situation par rapport à ces diverses voies ; nous renvoyons le lecteur au diagramme ci-après1. L’embouchure doit être à Eastham, sur la rive gauche de la Mersey; pendant 2lkm,7G0, il suivra cette rive; il devra même être séparé parfois du lit du fleuve par un mur de soutènement. Arrivé à lluncorn, il quittera le voisinage de la Mersey, pour gagner directement Salford, puis Manchester.
- Les divers travaux sont nombreux, jetées, digues, écluses, docks, quais ; il faudra traverser, sans y arrêter la circulation, beaucoup de voies ferrées, le canal de Bridgewater ; mais du moins les ouvrages d’art à construire ne seront point compliqués, et l’on ne rencontrera pas de difficultés techniques. La longueur totale doit être à peu près de 56km,400; le volume des terrassements s’élève environ a 35 500 000 mètres cubes, dont 5 500 000 de roches et 28 000 000 de terres; d’ailleurs on s’arrangera de façon à en déposer la plus grande partie le long du canal dans des terrains bas à combler. Yers l’embouchure, dans l’estuaire, on créera des portes de décharge pour évacuer l’eau amenée en trop grande quantité par la marée montante.
- La différence de niveau entre la mer haute à Eastham et le plan d’eau des docks de Manchester,
- 1 Emprunté à notre excellent confrère de VEngineering. L’importance des agglomérations est indiquée par un cercle proportionnel à la population.
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- qui est (le 18 mètres, sera compensée par quatre écluses, de 4m,50 chacune. Le plan d’eau à Manchester sera le même que celui de la rivière. La largeur au plafond sera au moins de 56 mètres, mais elle atteindra 51 mètres sur une longueur de 5km,600 entre Barton et Manchester, où se construiront des quais de plus de 5 kilomètres. Pour la profondeur, elle sera partout de 7“,50, sauf dans les docks, qui auront 8m,40. La largeur au plan d’eau variera suivant la pente des berges, pente qui sera relativement faible, grâce à un perreyage.
- Les sondages ont donné les meilleurs résultats : les terrains seront faciles à excaver. L’entreprise, soumissionnée par un seul entrepreneur et divisée en trente sections, doit être terminée en quatre ans.
- Ou doit évidemment se demander si le transit de la région pourra être assez considérable [tour fournir des péages suffisant à servir les intérêts des capitaux employés. Les précédents et la situation commerciale du pays autorisent à le penser.
- Si l’on veut présager le trafic futur du canal, on peut être assuré que le coton brut à l’entrée, les produits manufacturés en coton à la sortie, en constitueront une partie importante. C’est depuis le dix-huitième siècle que Manchester1 est la métropole du coton, et ses citoyens les Cotton- Lords.
- En outre, il faut noter que les négociants prennent l’habitude d’importer directement le coton brut à Manchester; le canal ne pourra qu’aider au développement de cette coutume, en même temps qu’il permettra de charger définitivement à la porte de la fabrique et pour les lieux de (Consommation, les produits fabriqués. Mais le coton, n’étant importé que pendant une partie de l’année, ne suffirait pas à l’alimentation de la nouvelle voie.
- Il faut compter sur le passage de beaucoup de steamers apportant des chargements assortis pour la consommation de la grande ville industrielle et de ces districts populeux ; ces navires, moyennant une faible augmentation du fret, remonteront jusqu’en tête du canal, d’autant qu’ils seront sûrs d’un chargement de retour avantageux; et les chemins de fer ne pourront abaisser suffisamment leurs tarifs de Liverpool à Manchester pour amener les négociants a débarquer leurs marchandises dans le port de l’estuaire de la Merscy, d’où il faudrait ensuite les expédier à l’intérieur par voie ferrée. Enfin, et c’est là surtout qu’est l’avenir du canal, Manchester est le centre du district compris entre Rreston, Lceds
- 1 Valeur totale du commerce de Manchester ; eu 4878, Ô175 millions; en 1887, 7950 millions.
- et Sheffield, district manufacturier et industriel contenant 5 500 000 habitants; et à ce centre concourt tout un système de canaux drainant les produits des villes environnantes : rails en acier, feuilles de tôle, coutellerie et plaques de blindage de Sheffield, articles en laine, flanelles, couvertures, draps fins. Manchester est un point de groupement ; le canal en profitera, recevant les apports de toutes les villes de la région, Leeds, Stoke, Nottingham, Birmingham, Norlhampton et bien d’autres. Ajoutons que le canal servira de débouché aux charbons des villes du bassin houiiler du Yorkshire, du Der-byshire et de Nottingham, d’autant que, comme la Tyne, il permettra aux navires d’aborder tout près des fosses d’extraction; il donnera la vie aux six cents fosses des comtés de Lancastrc et de Cbester, auxquelles manquent actuellement les moyens de transport. D’ailleurs le rayonnement se fera également en sens inverse, et la voie nouvelle Tancera dans les divers canaux les minerais d’Irlande ou d’Espagne, les fontes d’Ecosse.
- On se demande si une navigation poussée aussi loin dans l’intérieur des terres sera pratique. Le doute n’est pas permis en présence des exemples analogues existant déjà.
- On doit tout d’abord songer à Suez, où la navigation a parfaitement réussi. Le canal de Manchester a sur celui-ci le double avantage d’avoir des berges presque perpendiculaires etperreyées, et une largeur minima de 36 mètres1 permettant partout la navigation en double voie.
- Le canal d’Amsterdam a encore plus d’analogie avec le canal anglais : comme lui, c’est (en fait du moins) une véritable impasse; comme lui il présente des écluses ne servant, il est vrai, qu’à permettre l’entrée à toute heure de marée. Et, bien qu’il n’ait que 26 mètres de largeur, 5942 navires l’ont traversé en 1886, et, depuis dix ans, il ne s’y est produit que cinq accidents.
- Nous pourrions citer encore le canal de Gand, qui, large de 17 mètres, a mis cependant la ville de Gand en mesure de lutter contre Anvers. Enfin nous aurions le droit d’invoquer la navigation de la basse Seine jusqu’à Rouen.
- Mais point n’est besoin de tout cela : l’inauguration des travaux s’est faite le 12 novembre 1887, la pioche va commencer son œuvre, et le succès nous semble assuré. Daniel Bellet.
- 1 Suez n’a que 22 mètres au plafond.
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- Canal maritime de Manchester.
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- LA NATURE.
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- LA PHOTOGRAPHIE PRATIQUE
- DE LA RETOUCHE ( Suite, — Yov. ]). 1115. )
- L’amateur entend souvent parler de clichés retouchés ou non retouchés. Peut-être se demandera-t-il pourquoi l’on retouche les uns et pas les autres? Il est facile de satisfaire cette curiosité bien légitime.
- Il est bon, en principe, de se persuader que la retouche n’est qu’un artifice destiné a masquer certains défauts, certains accidents du cliché, qu’elle n’est pas nécessaire en principe, quoique en pratique du moins pour quelques travaux, il soit difficile de la supprimer.
- Un cliché peut avoir besoin d’être retouché pour différentes causes; nous allons les examiner avec le lecteur.
- Tout d’abord le modèle peut présenter des défauts qu’il n’appartient pas à la photographie de faire disparaître et qu’elle peut même accentuer dans une certaine mesure. C’est ainsi que les taches de rousseur, souvent à peine visibles à l’œil, se traduisent sur le cliché en véritables trous et transforment la figure en une sorte d’écumoire. L’inactinisme de ces taches, leur couleur antiphotogénique expliquent ce résultat. Nous avons, du reste, insisté sur ce fait dans un article précédent 1 et nous avons vu que la plaque photographique est plus sensible que notre œil pour certaines cou-
- 1 Voy. n° 743, du 27 auûl 1887, p. 195.
- leurs tandis qu’elle lui est inférieure dans d’autres hypothèses. C’est ainsi que l’on éprouvera de véritables difficultés pour rendre les yeux bleus, les cheveux blonds ou les barbes blondes. Dans l’un et l'autre cas la retouche sera donc indispensable d’un côté, pour effacer les taches exagérées par la photographie, et de l’autre pour donner des valeurs, des
- tons insuffisamment rendus.
- Après le modèle d’ailleurs ir-responsahle du mauvais résultat, ce peut être l’opérateur qui n’aura pas su manier son éclairage avec l’habileté voulue et qui aura laissé à tort dans l’ombre certaines parties. Il sera obligé, bien entendu, de rectifier ses fautes sur le cliché, mais ne serait-il pas plus logique de ne pas les commettre? 11 vaudrait mieux ne pas escompter les ressources possibles de la retouche et chercher à obtenir immédiatement l’effet voulu au moyen d’un éclairage savamment conduit.
- Personne n’osera soutenir, nous l’espérons, que la photographie ne puisse rendre toutes les valeurs, toutes les nuances, quelque délicates qu’elles soient ; si donc le modèle est éclairé de la manière la plus convenable, nul doute que le résultat ne soit très satisfaisant. 11 s’agit, dans l’espèce, cela va sans dire, d’un modèle n’offrant aucun des défauts signalés plus haut et qui lui sont personnels.
- Reste une dernière cause qui pourra motiver sur le cliché un travail subséquent ; nous voulôns parler des défauts de la couche sensible, taches, poussières, éraillures, etc., qui, malheureusement, se
- Fi". 1 — Pupitre à retouches.
- Fig. 2. — Teinteur pour épreuves positives.
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- LA N ATI) U E.
- rencontrent encore fréquemment dans les préparations actuelles. Si l'on nu pas éliminé par un examen préalable les glaces présentant ces accidents, la retouche sera le seul remède possible.
- En résumé, comme nous venons de le voir, si la retouche ne doit pas être absolument proscrite du domaine photographique, nous croyons qu’il ne faut en user que le moins souvent possible. Nous ne sommes pas encore loin du temps où le crayon et le pinceau du retoucheur massacraient impitoyablement tous les ciels des paysages, où l’on préférait la teinte uniformément blanche du papier, aux nuages, aux demi-tein t'es-.si délicates de l’atmosphère qui s’harmonisent avec le cliché et lui donnent de l’air et de la perspective.
- En y réfléchissant bien, on se demande par suite de quel manque absolu de goût et de sens artistique on a pu accepter pendant longtemps des épreuves dans lesquelles une main profane prétendait corriger l’action de la lumière. Si encore l’operation avait été laite par un artiste ayant devant les yeux le modèle, nous trouverions moins à redire, mais en était-il ainsi? Non, ce travail se faisait à prix fixe ou à l’heure. Cette manière d’opérer se passe de commentaires.
- L’amateur, dans sa sphère, pourra réagir contre celte tendance, et, s’il se décide à faire ses retouches lui-même, il obtiendra certainement de bons résultats. Au lieu de retouches systématiques et toujours identiques, il pourra conserver à ses modèles leur caractère, leur expression par un travail fait en connaissance de cause : en un mot il pourra véritablement faire œuvre d’artiste.
- Le matériel dont il aura besoin n’est pas compliqué, un pupitre spécial, des crayons, quelques couleurs en petite quantité et des pinceaux.
- Nous voudrions entrer dans la technique de la question, mais ce sujet serait trop particulier. Ce qni est important n’est pas tant de savoir retoucher ce qui, au point de vue matériel, n’exige qu’une certaine habileté manuelle et un peu de pratique, mais plutôt d’user de ce savoir d’une manière intelligente et rationnelle. Nous nous contenterons d’indiquer un dispositif de pupitre à retouche qui nous paraît de beaucoup supérieur à ceux que l’on trouve ordinairement. Nous l’avons vu chez M. Henry Duc, habile opérateur de Grenoble.
- En substance, le pupitre à retouche se compose d’une boîte rectangulaire qui contient un miroir destiné à renvoyer la lumière sur le cliché que l’on place sur un cadre muni d’une glace dépolie et incliné environ à 45°. De cette manière, on le voit en transparence et le travail se fait avec commodité; néanmoins, s’il faut retourner le cliché dans divers sens pour travailler à sa main, on peut éprouver certaines difficultés que supprime heureusement le dispositif de M. Duc (fig. *4). Le cadre qui est muni de la glace dépolie est recouvert d’une planchette percée d’une grande ouverture circulaire. Dans cette ouverture est placée, au moyen d’une
- rainure intérieure, un disque de bois qui porte une ouverture rectangulaire. C’est dans celle-ci que se place le cliché. On comprend facilement que ce disque pourra tourner et par conséquent prendre toutes les positions de manière à présenter le cliché dans le sens voulu. Une série d’intermédiaires permet de placer des clichés de tailles différentes. Ce dispositif peut s’adapter à tous les pupitres existants.
- Teinteur pour épreuves positives. — Il existe plusieurs procédés de tirages des épreuves photographiques, pouvant donner des résultats différents suivant les goûts de chacun. Un de ces procédés consiste à faire usage de caches qui réservent certaines parties du cliché. Les caches sont des feuilles de papier noir découpées de façon à présenter des ouvertures variées, rondes, ovales ou rectangulaires de différentes dimensions. On garde avec soin les parties détachées qui correspondent exactement aux diverses ouvertures. Veut-on faire une épreuve ovale, par exemple? On prend une cache de la grandeur convenable et on la place sur le cliché de façon a bien encadrer le modèle, puis on la fixe avec quelques petites étiquettes. On fait le tirage comme d’habitude; la cache faisant réserve, le papier ne sera pas impressionné, il restera donc blanc. Pour teinter cette image de façon à faire ressortir le sujet, on prend l’ovale correspondant à la cache employée, on le superpose exactement à l’épreuve et l’on expose quelques instants à la lumière diffuse jusqu’à ce que l’on ait obtenu le ton désiré. Pour maintenir la cache pendant cette opération, on met sur elle un petit poids, ou mieux encore, on la colle sur une glace bien propre. De cette manière l'épreuve reste bien à plat pendant toute l’opération.
- Cette manière de faire est très bonne pour une seule épreuve, mais si l’on désire en teinter une série d’une manière parfaitement semblable, on éprouvera quelques difficultés; c’est là que le teinteur de M. Duc rendra de vrais services tant par ses qualités que par sa simplicité. On fixe sur une lame de verre un certain nombre de caches, six par exemple (fig. 2), puis on construit un cadre en bois destiné à recevoir cette lame au moyen de rainures faites sur trois des côtés seulement. L’intervalle existant entre le fond du cadre et la lame de verre est de l’épaisseur de la feuille de papier sensible.
- On y fait glisser les épreuves à teinter et on les place très ex ctement avec un doigt au moyen d’ouvertures percées dans la planchette en lace de chaque cache. De celte façon, on pourra teinter d’une manière uniforme six épreuves ou plus si l’appareil est de dimensions plus grandes.
- Dans la figure 2 nous avons fait représenter d’une part l’appareil démonté (en haut), puis le même en train de fonctionner; la première épreuve à gauche est teintée, on la retire; la deuxième et la troisième se teintent également ; la quatrième montre l’aspect du positif lorsqu’on l’entre dans l’appareil avant le teintage. Albert Loxde.
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- LES TEMPLES SOUTERRAINS DE L’INDE
- F.LEPHANTA, ELLORA, AJUSTA, NASSIK
- Il y a deux ans, en 1886, nous avons publié, sous le titre de Lettres d'Amérique, une série d'articles écrits par M. Albert Tissandier, à la suite d’un double séjour aux Etats-Unis et à Panama. L’année dernière, en 1887, M. Albert Tissandier a exécuté un voyage dans les Indes, visitant Ceylan, Bombay, Pondichéry, Delhi, Bénarès, Agra, parcourant la vallée de Kaschmir. Il a rapporté des documents du plus haut intérêt qu’il se réserve de publier d’une façon complète. La Nature aura la primeur de quelques notices originales sur les sujets qui entrent le mieux dans son cadre habituel. Ces notices, accompagnées de dessins exécutés d’après nature par le vovageur, seront accueillies, nous en avons la persuasion, avec autant de faveur que les Lettres d'Amérique. G. T.
- Bombay a subi depuis une quinzaine d’années une transformation complète, et les Anglais en font actuellement une des plus jolies villes qu’il soit possible de voir. Les environs se sont également améliorés et grâce aux chemins de fer et aux bungaloivs (auberges), bien des excursions sont devenues faciles aujourd’hui. C’est ainsi que les touristes peuvent aller visiter les merveilles de l’Inde, telles que les temples souterrains d’Ajunta, Elephanta, Nassik, Ellora, etc., sans les difficultés d’autrefois. Les excavations d’Elephanta sont très près de Bombay; c’est une promenade qui consiste en une délicieuse partie de bateau dans la baie, pour se rendre dans l’île où elles se trouvent. L état déplorable dans lequel ces temples sont actuellement, leurs colonnes et les statues brisées, ôtent beaucoup de leur intérêt. Les temples d’Ajunta, les plus intéressants de tous peut-être, sont d’un accès plus difficile. Ils sont situés à 250 milles de Bombay et loin de la station de chemin de fer, Pachora, où il faut descendre. On doit alors se procurer une voiture traînée par des bœufs. 50 milles sont à faire par des chemins presque impraticables. Les bœufs mettent quinze heures pour arriver au bungalow de Furdapore, le dernier village avant les temples, et il faut aussi se procurer des provisions. Dans ces lieux sauvages et des plus pittoresques, les Hindous ne peuvent vous donner un dîner, même le plus primitif.
- On pensait autrefois que les temples souterrains de l’Inde étaient d’une antiquité extraordinaire. Les Hindous disent encore volontiers aujourd’hui que les dieux ont construit ces ouvrages, mais l’histoire nationale du pays est perdue totalement pour la plupart d’entre eux et ils ne savent pas pour ainsi dire se rendre compte de la valeur d’un siècle.
- Les recherches qui ont été faites de 1850 à 1840 par M. James Prinsep ont éclairé le monde savant sur l’antiquité des monuments de l’Inde.
- M. James Prinsep a su déchiffrer les inscriptions bouddhistes qui existent dans tout le nord de l’Inde au delà de l’indus jusqu’aux rives du Bengale. Ces découvertes ont ouvert la voie aux travaux que M. Turnour a pu faire sur la littérature bouddhiste
- de Ceylan et c’est ainsi que la date de la naissance de Sakya Muni, le fondateur de la religion bouddhiste, a pu être déterminée. Né vers l’an 625 avant Jésus-Christ, sa mort eut lieu 80 ans plus tard en 545. II est aussi certain que le bouddhisme n’est devenu une véritable religion que 500 ans après ces événements, sous le règne d’Asoka. Les premiers temples souterrains ne peuvent donc être d’une antiquité plus reculée. Les recherches faites plus récemment ont toujours confirmé ces différents résultats et aujourd’hui on ne peut plus douter que ces temples ont été creusés dans une période de quatorze siècles.
- Dasaratha, petit-fils d’Asoka, creusait d’abord les temples connus sous le nom de Milkmaid dans le Behar (Bengale), 200 ans avant Jésus-Christ, et l’achèvement du dernier monument d’Ellora, voué à Indra Subhaparlndradyumna, a eu lieu pendant le douzième siècle de notre ère1.
- Nous parlerons d’abord des temples de Pandu Lena situés aux environs de Nassik près Bombay. Ils sont moins fréquentés des voyageurs, c’est pourquoi j’ai désiré en faire le croquis (fig. 1). L’église de Pandu Lena est fort ancienne. On a trouvé sur sa façade et à l’intérieur, sur l’un des piliers, des inscriptions qui nous apprennent qu’elle a été creusée par un habitant de Nassik sous le règne du roi Krishna en l’honneur du roi Badrakaraka, le cinquième de la dynastie de Sunga, qui monta sur le trône 129 années avant Jésus-Christ2.
- La façade de cette église toute sculptée dans le roc est surtout remarquable par la perfection de ces ornements. On y remarque que l’artiste s’est appliqué à imiter sur la roche une construction faite en bois et partout on peut en observer les différents arrangements. II en est ainsi dans presque tous les temples souterrains et il est présumable que les architectes d’alors composaient d’après les réminiscences de monuments antiques construits en bois, qui existaient encore de leur temps dans l’Inde, mais qui sont depuis longtemps à jamais détruits. La grande baie placée au-dessus de la petite porte d’entrée donne un jour mystérieux dans la nef de l’église, elle envoie les rayons de lumière directement sur le maître-autel ou Dagoba, laissant les colonnes et portiques latéraux dans une demi-obscurité bien calculée pour inspirer le recueillement et la prière.
- Les temples et monastères d’Ajunta sont aussi du plus haut intérêt. Ils se composent de 27 grottes dont 4 seulement sont des églises ou chaityas. Les 25 autres excavations composent les monastères ou viharas. Commencés 100 ans avant Jésus-Christ, ils sont restés depuis le dixième siècle de notre ère, comme nous les voyons actuellement. Les monastères souterrains sont grandioses d’aspect; soutenus par des colonnes superbes aux chapiteaux curieusement sculptés ils sont ornés encore de fresques admirables qui nous font revivre de la vie hindoue antique.
- 1 Rock eut temples of India, par James Fcrgusson.
- 2 Histor’tj of Indian and Eastern architecture. J. Fcr-
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- LA NATURE.
- Les peintures sont malheureusement en mauvais état, | quelquefois même en ruine presque complète, mais
- Fig. 1. — Façade du temple de Pandu Lena, près Nassik (Indes). (Paprès nature, par M. Albert Tissandier).
- elles sont cependant pour le touriste une source inépuisable d ’ o b s c r v a -tions intéressantes.
- Creusées à la suite les unes des autres dans la muraille de roches volcaniques (amygdaloules) de la montagne, les excavations forment comme elle une sorte de demi-cercle. Eglises et monastères ont des façades d’une richesse d’ornementation sans égale. La profusion des sculptures, des frises ornées avec le goût le plus artistique, vous frappe d’autant plus d’admiration, qu’elles offrent en ces lieux un ensemble parfait et varié du véritable type de la religion bouddhique pendant cette longue période de siècles. Le paysage pittoresque qui entoure ces étonnantes sculptures vient encore ajouter à la | douce, de sorte qu’afin
- beauté de ces tableaux divers.
- Les temples d’Ellora ne sont pas moins étonnants, mais ils n’olfrent pas le même ensemble artistique. Les excavations peuvent être divisées en trois séries: dix d’entre elles appartiennent au culte de Bouddha, quatorze a celui de Brahma et les six autres a la secte Dravidienne qui se rapproche de celle des Jains dont on a encore de nombreux spécimens dans les Indes. Creusés dans la même roche amygda-loïdc, les temples et monastères diffèrent d’aspect de ceux' d’Ajunta à cause de la forme même de la montagne. Àjunta est une muraille presque verticale ; à Eliora, la roche forme une pente plus d’avoir la hauteur voulue
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- Fig. 3. — Temple souterrain dans les Indes. — Soubassement de Kylas a Ellora. (D’après nature, par M. Albert Tissandier.)
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- LA NATURE.
- pour creuser les immenses salles des viharas ou les nefs des chai ty as il a fallu tailler des sortes d’avant-cour, des parvis, devant chaque excavation.
- Quelques-unes des églises ont ainsi leur entrée ornée de portiques, et les monastères immenses, qui ont quelquefois jusqu’à trois étages, des entrées et façades latérales. On a creusé encore la montagne en d’ailtrcs endroits, de manière à former une entrée relativement étroite qui donne accès à la cour intérieure d’un de ces monastères. 11 devient alors presque invisible pour celui qui côtoie le chemin taillé sur la pente de la montagne. La plus grande curiosité des monuments d’Ellora est le groupe de temples connus sous le nom de Kylas (fig. 2) L Les religieux ont creusé la pente des rochers sur trois laces de façon à isoler, complètement au centre, un immense bloc dans lequel ils ont su tailler un temple admirable (voy. en T sur le plan) avec ses chapelles annexes. Ces temples sont ainsi à ciel ouvert, sculptés extérieurement en forme de pagodes. Littéralement couverts de sculptures composées avec un art infini, ils forment un ensemble tout a lait inouï. Ces temples semblent posés sur un soubassement fantastique où tous les dieux de la mythologie hindoue, avec des monstres symboliques et des rangées d’éléphants, sont sculptés dans le roc en haut relief. Ce sont autant de cariatides, d’allure étrange et mystérieuse destinées certainement à frapper l’imagination de l’antique population indienne (fig. 5).
- Deux perrons placés en S et S (fig. 2) près de la première entrée de Kylas mènent au-dessus jle ce soubassement sans pareil sur le sol même des temples.
- L’intérieur de la pagode centrale ornée de seize magnifiques colonnes revêtues autrefois de peintures ainsi que les murs latéraux, le sanctuaire du milieu qui contient la grande idole, sont composés avec une entente parfaite des proportions architecturales. L’imagination reste saisie d’un ensemble si majestueux. On sort de ce temple par deux portes taillées sur ses bas côtés. Elles donnent accès sur une plate-forme où se trouvent cinq pagodes de moindre importance qui accompagnent le temple central par le luxe de leurs sculptures et l’élégance de leurs proportions.
- Autour de ces temples isolés, des excavations grandioses ont été faites dans les flancs latéraux de la montagne. On voit en A (fig. 2) à rez-de-chaussée, un grand cloître orné de toute une série de bas-reliefs représentant les principaux dieux du paradis hindou. Les murailles latérales renferment de grandes salles de deux étages entièrement ornées également de sculptures superbes de divinités diverses. Des colonnes aux proportions trapues en supportent les plafonds. Un petit escalier X (fig. 2) mène à l’une de ces salles. On communiquait autrefois à celle qui lui fait pendant, par un pont de pierre aujourd’hui rompu. Il en existe encore deux actuellement (voy. P sur le plan), ils mènent du sol du temple central au premier étage du pavillon détaché D ou mantapa et à
- 1 Le plan ci-contre (fig. 2) a été exécuté d’après Danicll (Vues de rilindoustan).
- celui du pavillon d’entrée € ou gopura. En G nous voyons encore deux sortes d’obélisques ornés d’arabesques destinés à portée des leux durant les fêtes religieuses ; en E on admire deux éléphants colossaux taillés également dans le roc. Ces constructions, faites sur un plan d’un ensemble remarquable, sont véritablement sans pareilles dans le monde entier.
- On voit, ainsi combien les artistes de ces époques lointaines avaient le sentiment de leur art, et on admire le goût extrême qui présidait à toutes ces merveilleuses constructions souterraines.
- Aliîkiit Tissandter.
- L’OURS NOIR D’AMÉRIQUE
- (Suite et fin. —Voy. p. 1(58 et 218.)
- Audubon prit part un jour à une chasse qui faillit se terminer d’une façon tragique. Un planteur, dont les moissons étaient ravagées par une bande d’Ours noirs, avait résolu de se débarrasser de ces visiteurs incommodes et, dans ce but, il avait organisé une grande battue avec le concours de ses amis et de leurs serviteurs. Les chasseurs, montés sur de bons chevaux et accompagnés d’une meute nombreuse, étaient parvenus à cerner, pendant la nuit, les Ours au milieu d’un champ. Effrayés par les clameurs des esclaves, par les aboiements des chiens et par l’éclat des feux que l’on venait d’allumer, les carnassiers s’étaient réfugiés sur quelques arbres morts et déjà deux d’entre eux, des oursons de petite taille, avaient été descendus et abandonnés à la meute avide de carnage. Mais parmi les survivants, il restait une femelle, la mère sans doute, qui paraissait disposée à vendre chèrement sa vie quoique l’arbre sur lequel elle s’était réfugiée eût été abattu a coups de hache et qu’elle fût attaquée de tous côtés par les chiens. « L’un des assaillants, plus rude que les autres, avait, dit Audubon, sauté au nez de l’Ourse et y restait bravement pendu; tandis qu’une douzaine de ses camarades faisaient rage à son derrière. L’animal, rendu furieux, roulait autour de lui des regards altérés de vengeance ; et nous, de peur d’accident, nous songions à en finir lorsque, tout à coup et avant que nous pussions tirer, d’un seul bond il se débarrasse de tous les chiens et charge contre l’un des nègres qui était monté sur un cheval pie. L’Ourse saisit le cheval entre ses dents et ses griffes, et se colle contre son poitrail ; le cheval épouvanté se met à renifler bruyamment et s’abat. Le nègre, jeune homme d’une lorce athlétique et excellent cavalier, avait gardé la selle qui ne consistait pourtant qu’en une simple peau. de mouton, mais heureusement bien sanglée et il priait son maître de ne pas faire feu. Nonobstant tout son sang-froid et son courage, nous frémissions pour lui, et notre anxiété redoubla quand nous vîmes homme et cheval rouler ensemble sur la poussière. Mais ce ne fut que l’affaire d’un instant; Sci-pion s’y était pris en maître avec son redoutable
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- LÀ NATURE.
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- adversaire : d'un seul coup de sa hache, bien assené, il lui avait fendu le crâne! »
- A l’époque où le baron de Lahontan écrivait ses lettres sur lé Canada1, c’est-à-dire en 1685, les Ours noirs étaient encore très communs dans cette vaste région et leur peau valait environ 7 livres pièce. Un siècle plus tard, en 1785, on n’expédia pas, en Angleterre, moins de 10 500 peaux de ces carnassiers tués dans diverses contrées de l’Amérique du Nord. Jusqu’en 1805, le chiffre des exportations alla en augmentant et chaque peau conserva une valeur moyenne de 40 schellings, soit 50 francs; mais, à partir de ce moment, les dépouilles devinrent plus rares, sans acquérir néanmoins une valeur beaucoup plus considérable, la mode leur faisant préférer des fourrures plus fines. Aujourd’hui, d’après Lômer2, il n’en arrive guère plus de 1700 par an sur les marchés d’Allemagne où leur prix oscille entre 24 et 120 marcs, c’est-à-dire entre 5.0 et 150 francs, et où les négociants ont coutume de les ranger en trois catégories.
- Les bêtes à poil grossier, ou plutôt leurs dépouilles, qui servent à faire les bonnets de grenadiers, sont, pour ce motif, appelées Armeebàren ; les fourrures un peu plus fines Pelzbâren et les fourrures de première qualité Kubbâren. Le chiffre des peaux d’Ours noirs importées en Europe ne représente pas, d’ailleurs, à beaucoup près, le nombre total de ces grands animaux qui est abattu chaque année, car beaucoup de dépouilles sont utilisées sur place par les habitants de l’Amérique boréale qui s’en servent pour se préserver contre les rigueurs de l’hiver. La langue et les pieds du Baribal sont encore très estimées, les jambons passent pour aussi savoureux que les jambons de Westphalie, et les filets peuvent être mangés frais ou boucanés ; mais la graisse n’a pas bon goût et ne peut guère être employée que pour l’éclairage.
- On voit assez souvent des Baribals dans les jardins zoologiques et dans les ménageries particulières, où ils se montrent généralement d’humeur plus douce et plus enjouée que les Ours bruns. En captivité ils éprouvent parfois de curieux changements de coloration, leur pelage passant du noir au brun feuille morte. C’est ce qu’on a remarqué, par exemple, il y a une quinzaine d’années, sur un Baribal vivant au Jardin zoologique de New-York. Mais presque toujours la teinte primitive reparaît au bout d’un certain temps, par un changement de poils. Il faut remarquer d’ailleurs que, même à l’état sauvage, l’Ours commun d’Amérique peut varier sous le rapport du mode de coloration et présenter des teintes assez claires pour ne plus mériter en aucune façon son nom vulgaire d'Ours noir. Suivant M. Baird, ces Ours à livrée d’un jaune rougeâtre, qui se trouveraient particulièrement dans la région minière du
- 1 Ces lettres ont été publiées à La Haye, en 1703, sous le titre de Voyages du baron de Lahontan ou La Uontan.
- - Cité par Ph. L. Martin dans son Illustrirte Nalurgeschichte der Thiere, t. I, part. I, p. ‘259.
- Nouveau-Mexique, auraient, en général, le crâne plus large que l’Ours noir ordinaire et mériteraient, par conséquent, de constituer, sous le nom d'Ursus cinnamomeus, une espèce ou tout au moins une variété distincte de V Ursus americanus. Pas plus que ce dernier, du reste, ils ne pourraient être confondus avec le célèbre Grizzli, appelé aussi Ours gris (Ursus cinerem) ou Ours féroce (Ursus ferox ou U. horribilh) qui habite la Californie et les Montagnes Rocheuses et qui représente, dans cette région, notre Ours brun, avec des dimensions encore plus fortes. Chez cet Ours gris, dont il est si souvent question dans les récits des voyageurs, mais dont nous n’avons pas à traiter ici, le front est très large, les oreilles sont courtes, les pattes antérieures sont armées d’énormes griffes, la queue est à peine apparente et le corps est revêtu d’une fourrure très longue, très abondante, plus ou moins hirsute et d’un brun foncé tiqueté de gris, parfois même d’un gris brunâtre assez clair. E. Olstai.et.
- LES PYRÉNÉES YUES DE MARSEILLE
- L’étendue géométrique de la vision, c’est-à-dire le demi-diamètre du cercle contenant, pour un lieu donné, la partie visible de la surface terrestre, mesure 5570 mètres, à la hauteur de 1 mètre au-dessus du niveau de la mer. A l’altitude de 10 mètres, la portée de la vue atteint 11 kilomètres; à celle de 100 mètres, 55 kilomètres; à celle de 1000 mètres, 115 kilomètres, etc.
- Du haut de la tour de 500 mètres de l’Exposition de 1889, la vue s’étendra à 60 kilomètres. Pour le sommet du mont Blanc (4810 mètres d’altitude), la limite de l’horizon se trouve à 250 kilomètres.
- Mais cette étendue géométrique de l’horizon qui se développe autour de nous est rarement celle de la vue distincte. La visibilité à d’aussi grandes distances est exceptionnelle et ne se produit qu’avec une atmosphère très pure.
- Par un ciel bien clair, on a constaté plusieurs cas intéressants de visibilité à grande distance, dont La Nature a entretenu ses lecteurs. L’un des plus remarquables est celui des Pyrénées vues de Marseille, qui offre un intérêt tout particulier, à cause des singulières conditions dans lesquelles il se produit.
- Chaque année, vers le 10 février et vers le 51 octobre, le mont Canigou, situé dans les Pyrénées-Orientales et élevé de 2785 mètres au-dessus du niveau de la mer, peut être distingué de Notre-Dame de la Garde, projeté sur le disque du soleil, au moment du coucher de cet astre.
- Le pic des Treize-Vents, dont l’altitude atteint 2765 mètres, est également visible, quoique plus éloigné, à gauche du mont Canigou.
- Du sommet de Marseille-Vgyre, à 8 kilomètres au sud de Marseille, ces mêmes observations peuvent être faites vers le 15 février et vers le 28 octobre.
- Une ligne droite unissant Notre-Dame de la Garde
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- LA NATURE.
- à la cime du Canigou mesure 255 kilomètres etpass« à 120 mètres environ au-dessous de la surface de la Méditerranée; mais la réfraction atmosphérique, par suite de laquelle la lumière se propage dans les couches aériennes avec une légère courbure, permet néanmoins d’apercevoir les Pyrénées.
- Le baron de Zach détermina le premier les principales conditions dans lesquelles se produit cet intéressant phénomène de visibilité à grande distance. Le 8 février 1808, des hauteurs de Notre-Dame de la Garde, dont l’altitude égale 101 mètres, il put voir, pendant quelques minutes, à l’aide d’une lunette, le Canigou se projeter en noir sur le fond clair du ciel, dès que le soleil eut disparu sous l’horizon.
- M. L. Fabry, ancien élève astronome à l’Observa-
- toire de Paris et actuellement aide-astronome à l’Observatoire de Nice, entreprit, il y a quelques années déjà, les calculs nécessaires à la connaissance précise du phénomène, reconnut l’exactitude de l’observation faite par le baron de Zach, et indiqua les époques auxquelles les deux pics pyrénéens peuvent être vus sur le disque même du soleil couchant.
- M. Fabry a observé le passage du Canigou devant le disque solaire, le 51 octobre 1882 de Notre-Dame de la Garde et, le 27 octobre 1886, du sommet de Marseille-Yeyre, élevé de 440 mètres.
- Un de mes collègues de la Société scientifique, M. Marius Godde, a également constaté la visibilité du Canigou sur le soleil, le 50 octobre 1886, de Notre-Dame de la Garde.
- Fig. 1 à 1. — Le mont Canigou et le pic des Treize-Vents vus de Marseille. (D’après nature par M. Thieux.)
- Cette année, les observations auxquelles je me suis livré, en compagnie de plusieurs de mes collègues, ont été plus complètes et d’un grand intérêt.
- Le 10 février, nous avons pu voir, malgré une lointaine bande nuageuse qui s’étendait parallèlement à l’horizon, le mont Canigou et le pic des Treize-Vents traverser le disque du soleil couchant (fig. 1).
- Le lendemain, 11 février, un temps très clair a favorisé l’observation, qui a présenté un attrait tout spécial. Dès 5 heures 20 minutes, avant que le soleil eût atteint la mer, nous avonsvu,à la lunette et à la jumelle, les deux pics dresser leur masse noire, au-dessous de l’astre dujotjr, sur le fond brillant du ciel occidental (fig. 2).
- Ils se sont projetés, pendant près de deux minutes (vers 5 heures 25 minutes), sur le disque solaire,
- lorsque celui-ci est descendu sous l’horizon (fig. 5). Ils sont ensuite demeurés très nettement visibles (fig. 4), à la lunette et à la jumelle, jusqu’à 5 heures 45 minutes, soit 25 minutes après le commencement de l’observation. Des personnes douées d’une vue puissante ont même pu distinguer le Canigou à l’œil nu.
- Les jours suivants, le temps n’a pas permis de continuer les observations.
- Il y a tout lieu de croire que, par un ciel clair, cet intéressant phénomène de visibilité à grande distance doit pouvoir être constaté durant plusieurs jours avant et après la date du 10 février et celle du 50 octobre. Jacques Léotaiïd,
- Secrétaire de la Société scientifique de Marseille. ——
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- LA NAT U HE.
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- FUMIVORITÉ DES CHAUDIÈRES A VAPEUR
- PERFECTIOXNF.MEXTS AITORTÉS AU FUMIVORE ORV1S
- Au moment où l’on travaille à installer un peu partout, à Paris môme, des stations centrales pour l’éclairage électrique de nos édi-
- fices publics et de nos habitations particulières, il n’est peut-être pas sans intérêt de revenir sur la question de la fumivorité des chaudières à vapeur.
- On sait que la solution générale du problème est la suivante :
- Envoyer dans le foyer, à une température convenable, l’oxygène nécessaire pour brûler entièrement les gaz provenant de la distillation du combustible et dont la combustion imparfaite pour des causes diverses produit une fumée plus ou moins épaisse et noire.
- , On sait aussi que l’appareil spécial généralement employé pour rendre une chaudière fumi-vore est l’appareil Orvis.
- Nous rappellerons, pour mémoire seulement, qu’il se compose (fig. 1) d’une sphère métallique creuse au centre de laquelle se trouve une tuyère placée dans l’axe d’un tuyau E débouchant dans le foyer. Un second tube I) communique librement avec l’atmosphère et une conduite B amène la vapeur nécessaire au fonctionnement de l’appareil.
- Celte vapeur, s’échappant du côned’injection, aspire énergiquement comme dans une sorte de Giffard, l’air extérieur, et l’entraîne dans le foyer. On obtient ainsi à la fois, une accélération dans le tirage, un brassage énergique des gaz dans le foyer et une alimentation d’oxygène à température convenable pour obtenir la combustion presque théorique, c’est-'a-dire sans fumée, des produits distillés par le combustible. L’introduction de vapeur se règle aujourd’hui d’une façon moins grossière et plus exacte que dans les premiers appareils, à l’aide d’une aiguille filetée mobile a
- Fig. 2. — Installation dos fimiivores FF sur un générateur à vapeur.
- l’intérieur du cône d’injection. Un volant à main sert a la manœuvre et un index 1 permet au chauffeur de modifier l’action du fumivore selon la variété du combustible qu’il emploie.
- Les souffleurs Orvis se disposent généralement comme le montre la figure 2, symétriquement par rapport à la porte de foyer. Leur position et leur nombre sont d’ailleurs variables selon la forme et les dimensions de la grille de la chaudière. L’effet en est surtout sensible après une charge de charbon frais, au moment où l’air entrant mal dans le foyer à travers les barreaux a demi obstrués, il s’y produit une sorte de distillation en vase sensiblement clos. Des torrents de fumée noire s’échappent alors par la cheminée qui doit être assez haute pour donner toujours en cet instant un tirage suffisamment énergique pour éviter les procès pour fumée entre voisins.
- Très souvent ces conditions de bon tirage sont mal remplies et d’ailleurs nous ne savons que trop combien elles peuvent varier avec l’état de l’atmosphère. Aussi un des avantages les plus sérieux du fumivore est-il de rendre la marche du foyer presque indépendante du tirage naturel, puisque, à la rigueur, le chauffeur peut à tout instant injecter de l’air à une certaine température et en proportions convenables.
- En pratique courante toutefois il suffit généralement de laisser agir les appareils pendant 2, 3 ou 4 minutes au plus, après chaque charge, suivant la nature plus ou moins grasse du combustible.
- La mise en marche des fumivores s’opérait autrefois par la simple ouverture d’une prise de vapeur d’ailleurs quelconque, mais M. G. Diétrich vient d’imaginer un robinet a fermeture automatique intéressant à signaler. On évite par son emploi toutes distractions possibles de la part du chauffeur, et l’on
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- LA N ATI] HL.
- obtient par conséquent la dépense minima en vapeur et combustible brûlé. Ce robinet se place sur la partie supérieure du générateur et se manœuvre à l’aide d’une tringle de tirage. La figure 5, qui n’est qu’un schéma de la dernière disposition adoptée, montre que l’appareil se compose essentiellement d’un robinet de vapeur R et d’un ircin à huile F. Aussitôt après avoir chargé sa grille, le chauffeur tire à fond la tringle T-
- 11 soulève ainsi le piston P du frein à huile et par suite le contrepoids V calé sur la meme tige et appuyant à l’ordinaire sur l’extrémité d’un levier à coulisse L.
- immédiatement celui-ci n’étant plus chargé, la soupape S qu’il retenait sur son siège se soulève sous l’action de la vapeur qui, traversant alors le robinet, arrive aux souffleurs et les fait fonctionner.
- Si l’on abandonne alors la poignée de tirage, les choses se remettent seules en l’état primitif, mais
- Vapeur
- grâce au frein à huile le mouvement de fermeture s’opère lentement.
- L’huile du frein peut bien en effet traverser librement le piston de bas en haut au travers de clapets appropriés ; mais, à la descente, ceux-ci se ferment et l’huile ne peut plus retraverser le piston que lentement par un orifice de fuite de faible diamètre, réglable à volonté.
- Au bout de 5 à 4 minutes, par exemple, l’huile est entièrement passée de la partie inférieure à la partie supérieure du cylindre, le piston est à fond de couche et le contrepoids vient appuyer sur le levier L.
- Aussitôt le robinet de vapeur se ferme et les souf-. fleurs cessent d’agir.
- La rapidité de fermeture est très facilement réglable puisqu’elle dépend à la fois du poids donné à la masse V et de l’ouverture plus ou moins grande de l’orifice de fuite.
- La fermeture est donc automatique. C’est le but principal à atteindre, mais l’ouverture elle-même pourrait se faire en dehors de toute action du chauffeur, en reliant d’une façon convenable le mouvement de la tringle T, à celui des portes du foyer : l’appareil fonctionnerait ainsi absolument sans surveillance, ce qui peut offrir quelques avantages.
- Depuis que des lumivorcs Orvis sont en service, un grand nombre d’expériences comparatives ont été faites au double point de vue de l’économie de combustible et de la suppression de la fumée. Les unes ont été faites dans les usines du service municipal des eaux de la ville de Paris, les autres par M. Wal-ther, meunier ingénieur en chef de l’Association alsacienne des propriétaires de chaudières a vapeur, a la grande filature de MM. Ilartman et fils.
- Elles ont montré que l’économie de combustible variait entre 10 et 5 pour 100 au minimum, que le tirage naturel se trouvait presque triplé pendant le fonctionnement des fumivores et qu’enfm le panache de fumée se produisant à chaque charge disparaissait presque totalement. Comme là surtout est le point intéressant, nous ne saurions nous dispenser de détacher du travail très intéressant et très complet deM. Walther Meunier les quelques chiffres suivants :
- APPARENCE SANS AVEC
- DE LA FUMÉE FUMIVORES FUMIVORES
- Coloration brune. Panache pendant 4'55" Pendant l'IO"
- — claire. — — 7'00" — 2'50"
- Ce tableau montre combien la combustion est meilleure quand on emploie les fumivores : résultat confirmé d’ailleurs encore par une longue série d’analyses directes des gaz de sortie, analyses mettant en évidence la grande augmentation d’acide carbonique par rapport à l’oxyde de carbone.
- Ces résultats d’expériences nous ont paru intéressants à résumer brièvement, car ils permettent de penser que l’appareil Orvis, modifié et complété comme nous venons de le décrire, est apte à procurer surtout dans des cas spéciaux (locomobiles, chaudières marines, etc.),'une fumivorité pratiquement très suffisante. M. A. C..., ingénieur.
- CHRONIQUE
- In tour de force en télégraphie. — Dans la soirée du 22 janvier 1888, M. Stead, le propriétaire de la •Pall Mail Gazette, s’est entretenu par télégraphe avec un de ses rédacteurs qui se trouvait sur la côte ouest de l’Amérique anglaise du nord. M. Stead était dans le bureau de la Commercial Câble C°, à Londres, et M. Norman, son correspondant, était à New-Wesiminster de Vancouver, à une distance d’environ 7000 milles (11 200 kilomètres). La ligne se composait de 140 milles de fil terrestre, de Londres à Weston super Mare, de 529 milles de câble, de Weston à Waterville en Irlande, de 2750 milles de câble atlantique, de Waterville à Canso (Nouvelle-Ecoste), et de 4400 milles de fil terrestre, de Canso (via le chemin de fer Canadian-Pacific) jusqu’à New-Westminster (Vancouver). Les réponses aux questions de M. Stead arrivaient au bout de quatre minutes et la différence de temps était d’environ huit heures entre les deux stations; il était 1 heure de l’après-midi à New-Wetminster et 9 heures du soir à Londres. A New-Westminster on se
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- LA NATURE.
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- servait d’appareils Morse en duplex, sur le câble on avait un recorder à siphon, et à Londres, un parleur. Il y avait sept relais sur la ligne terrestre au Canada, un pour chaque 600 milles de fd. La conversation a duré environ 3 heures, mais elle a été interrompue par un orage dans les régions entre Winipeg et les montagnes Rocheuses. Les dégâts ont cependant été vite réparés, et la conversation fut reprise. (Journal des postes et télégraphes.)
- Nouvelle comète. — Cette comète a été trouvée par M. Sawerthal le 18 février 1888, au Cap de Bonne-Espérance. Elle se montrait le jour de la découverte avec une petite queue de 1 degré et un noyau dont l’éclat a été estimé de la septième grandeur: on pouvait la distinguer à l’œil nu. Cet astre monte rapidement vers le nord et va
- Dauphin
- Poissons
- Antinous
- SAWERTHAL
- llMars
- Poisson Austral
- Positions de la comète Sawerthal du 11 mars au 1" avril 1888, d’après l’éphéméride de M. Finlay.
- devenir visible, le matin, pour nos latitudes. Nous donnons, pour nos lecteurs qui désireraient rechercher cette comète, une petite carte donnant ses positions de cinq en cinq jours. Jusqu’au 29 mars, l’éclat de la comète sera un peu supérieur à celui qui a été constaté au moment de la découverte.
- Déchets «le palmier. — M. Reynaud, fabricant à Oran, a récemment fait à la Société d'encouragement une communication sur l’utilisation des déchets du palmier nain pour la fabrication de la pâte à papier. Dans la fabrication du crin végétal, on emploie 300 kilogrammes de palmier pour produire 100 kilogrammes de crin : il reste donc 200 kilogrammes de déchets. Ces résidus n'ont été utilisés jusqu’à ce jour que pour chauffer les fours à chaux et les fabricants en sont très souvent si encombrés qu’ils sont forcés de payer pour s’en débarrasser. M. Reynaud a trouvé le moyen de les utiliser et d’en faire de la pâte à papier excellente. En comparant les frais nécessités par la fabrication de la pâte à papier d’alfa avec ceux que demande la fabrication de cette même pâte avec les déchets de palmier, il affirme que la pâte d’alfa revient à
- 40 francs 43 centimes les 100 kilogrammes, tandis que celle de palmier ne coûte que 22 francs 02 centimes. L’Angleterre tire en ce moment de la province plus de 70000 tonnes d’alfa qu’elle nous retourne manufacturé sous forme de pâte à papier, avec un bénéfice considérable. L’Espagne en prend 50000 tonnes qu’elle nous retourne également. Celte fabrication étrangère enlève plus de 8000000 à l’Algérie, M. Reynaud espère que la France ne se laissera pas enlever les bénélices que l’on doit obtenir, suivant son système, avec la fabrication de la pâte à papier avec les déchets du palmier nain, bénéfices qui, suivant lui, seraient doubles de ceux qu’on obtient avec l’alfa.
- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 12 mars 1888. — Présidence de M. Jansse.x.
- Les astéries magellaniques. — Par l’intermédiaire de M. Milne-Edwards, M. Edmond Perrier adresse le résultat de ses longues et importantes études sur les étoiles de mer rapportées du cap Ilorn par les membres de la Commission du passage de Vénus. Les 550 spécimens recueillis par les zélés missionnaires se répartissent entre 38 espèces dont 25 sont nouvelles pour la science. Elles ont fourni à l’auteur beaucoup de faits intéressants dont l’un des plus imprévus, sans doute, concerne l’existence d’espèces véritablement marsupialcs, c’est-à-dire possédant au pourtour de l’ouverture buccale une sorte de sac où les petits sont comme couvés jusqu’à ce qu’ils soient assez forts pour subsister par eux-mêmes.
- Anatomie des prosobranches. —Le frère du précédent auteur, M. Remy Perrier, fait connaître en même temps des particularités jusqu’ici ignorées, de l’anatomie des mollusques prosobranches. Des injections lui ont montré qu’une notable partie de la circulation dans les reins a lieu dans des lacunes et non dans des capillaires : nouvel exemple du fait découvert naguère par M. Milne-Edwards pour la circulation hépatique des mollusques et dont l’annonce lit alors une si grande sensation parmi les zoologistes. D’après M. R. Perrier, les cellules rénales crèvent par distension, laissent ainsi écouler leur excrétion, puis se cicatrisent pour reformer une nouvelle quantité de liquide et ainsi de suite. D’ailleurs le rein, loin d’étre homogène, comprend réellement deux organes bien distincts.
- Foraminifère nouveau. — La vase des bassins d’Ar-cachon a fourni à M. Kuntzler, professeur à la Faculté des sciences de Bordeaux, un foraminifère remarquable par sa taille de 2 à 5 millimètres et dont l’étude, par conséquent, est relativement très facile. Cet animalcule, en traversant les diverses phases de son développement, revêt successivement des formes très diverses les unes des autres. Celles-ci se rapprochent si nettement de types considérés comme appartenant à des catégories distinctes de foraminifères que l’auteur regarde comme probable qu’on arrivera à reconnaître dans de prétendues conferves spécifiques ou même génériques, la série des States présentés par certains êtres en voie pure et simple de développement.
- L'électricité machine à calcul. — Au nom de M. Félix Lucas, ingénieur en chef des ponts et chaussées, M. Ca-
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- LA NATURE.
- mille Jordan dépose une communication très intéressante, indiquant comment l’emploi de l’électricité permet de résoudre immédiatement, par un seid graphique et sans calculs, une équation algébrique d’un degré quelconque dont les coefficients réels sont donnés numériquement. Quelque élevé que puisse être le degré d’une équation algébrique, un tracé graphique instantané, que l’électricité elle-même se charge de faire, suffit pour obtenir toutes les racines réelles ou imaginaires. La puissance de l’électricité comme calculatrice est illimitée.
- La respiration végétale. — Dans les échanges gazeux qui s’établissent entre les plantes et l’atmosphère, une part revient aux stomates et une autre à l’épiderme. Avant déjà étudié antérieurement le rôle des stomates, M. Mangin aborde aujourd’hui le dernier chapitre de la question et constate que chez les plantes submergées, la perméabilité de l’épiderme pour les gaz est infiniment plus grande que chez les plantes aériennes ; pour ces dernières, on a la preuve que la perméabilité est beaucoup plus accentuée à la face supérieure des feuilles qu’à la face inférieure.
- Varia. — M"° Bornicker adresse des théorèmes de géométrie que M. le secrétaire perpétuel qualifie de « fort élégants ». —
- On sait que 3a +4a = 52.
- M. Léopold Hugo se demande comment les Chinois ont découvert ce fait qui serait l’origine du célèbre Pont aux ânes, ou carré de l’hypoténuse, et il se livre à cet égard sur la série des nombres à une série de calculs dont on ne voit pas suffisamment la raison et que M. Bertrand paraît disposé à laisser de côté. — La formation du glycérinate de soude occupe M. de Forcrand. —
- La théorie des moyennes fournit à M. Bertrand une suite à ses importantes recherches de calcul des probabilités. — En son nom et au nom de M. Lœwy, M. Puiseux expose la théorie du nouvel équatorial coudé de l’Observatoire. — Une note de MM. Lacroix et Lévy concerne la mesure des réfringences et des biréfringences des minéraux. — Suivant M. Joubin, l’aimantation d’un corps diamagnétique placé dans un champ magnétique, dépend de la manière dont a varié ce champ pour parvenir à l’état actuel. M. Duhem donne la démonstration mathématique des faits expérimentaux dont il s’agit. — Un éolypile à pétrole est présenté par M. l’aquelin. — M. Dollo propose une classification des reptiles appartenant au groupe des iguanodontes. — Une nouvelle note de M. Etard concerne la solubilité décroissante des sulfates. Stanislas Meunier.
- ABAT-JOUR A ROSACE TOURNANTE
- Les appareils de chauffage ou d’éclairage déterminent un courant d’air vertical dirigé de bas en haut, l’air échauffé tendant constamment à occuper la partie supérieure de l’appartement. Ce mouvement, peut être utilisé pour faire mouvoir de petits appareils légers suspendus à un fil ou reposant sur la pointe d’une aiguille. Nous avons souvent vu des échantillons de ces petits systèmes disposés près du cor du fourneau par les employés des bureaux d’omnibus de Paris.Quelques-unsdeees systèmes étaient même assez ingénieusement combinés et faisaient mouvoir les bras et les jambes de bonshommes grotesques en papier.
- Tout le inonde connaît aussi la petite hélice de mica q’u’pn vend pour être placée au-dessus des verres de lampes. 11 était plus difficile d’utiliser le courant d’air qui circule contre le verre d’une lampe, Réchauffement étant assez faible en cet endroit et le courant par conséquent moins violent. Un habile fabricant d’abat - jour, M. Délàuelieux, est cependant parvenu à en tirer parti d’une façon très ingénieuse. Il se sert pour cela de l’abat-jour (tig. 1) sur lequel il monte une petite roue à aubes d’une construction très légère et très délicate; l’air emprisonné par l’abat-jour qui est à cet effet fermé par une pièce spéciale ne peut s’échapper qu’en passant par les aubes de la roue; celle-ci se met donc en mouvement avec une vitesse plus ou moins grande suivant la nature de la lampe employée. Sur la partie extérieure de la roue est collée une feuille de papier transparent portant, dans le sens des rayons, des bandes peintes de différentes couleurs. Des disques en carton découpés à jour suivant des dessins différents se placent à tour de rôle sur de petits crochets disposés au-dessus de la roue, et les bandes radiales colorées dont nous venons de parler produisent alors des rosaces animées, rentrantes ou sortantes d’un charmant effet. L’abat-jour se trouve ainsi transformé en jouet instructif et amusant.
- Le propriétaire-gérant : G. Tissandieu.
- Abat-jour à rosace tournante.— 1. Iiosace en rotation.— 2. Rosace immobile. — 3. Détail de l’hélice faisant tourner la rosace sous l’influence du courant d’air chaud. — 1. Disques découpés pouvant être posés sur la rosace tournante. — 5 et 6. Rondelles de cuivre pour activer le mouvement de l’air chaud.
- Imprimerie A. Lahure, 9, rue de Fleurus, à Paris.
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- N° 7 7 3,
- 21 MARS 1888
- LA NATURE.
- LES FOUILLES DE S4INTES
- Ou s’occupe en Allemagne des fouilles de Saintes, | et le savant Mommsen, dans le Hernies de Leipsigdu
- Fig. 1. — Inscription et fragments de rinceaux recueillis dans les fouilles de Saintes. (D’après une photographie.)
- mois d’aot'it dernier, a commenté une des inscriptions qu’on y a trouvées. 11 est juste qu’on en parle un peu en France. A dire vrai, ces fouilles ont une réelle importance.
- Figurez-vous un mur de soutènement de 100 mètres de long, 7 a 8 de haut, épais de A à 5 mètres, entièrement formé de débris gallo-romains. Ces fragments de toute espèce sont rangés là presque symétriquement , sans mortier, sans ciment, sans c-rampons. Ces blocs, souvent énormes, se tiennent par leur propre poids. Le mur éven-tré laisse voir des fûts de colonnes, des chapiteaux , des entablements.
- En examinant ces assises irrégulières, on peut se rendre compte de la façon dont elles ont été posées et de l’époque exacte où le rempart a été construit.
- La ville de Saintes, fort riante cité, très impor-46° année. — 1er semestre.
- tante à lcpoque gauloise, capitale des Santons sous la domination romaine, s’étage sur le coteau qui domine la Charente et sur les bords du fleuve.
- Au sommet de la ville actuelle, qui n’est, pas la ville romaine, s’élève une acropole où a existé un très vaste château fort au moyen âge, puis des églises, un ou deux monastères, au dix-septième siècle une fonderie de canons, l'hôp)ital qui est dans une situation ravissante. Au quatrième siècle, peut-être au commencement du cinquième, il fallut se défendre contre les barbares qui s’avançaient. On fortifia non pas peut-être toute la ville, mais une partie de la ville, celle qui se dressait sur un mamelon abrupte de trois côtés. On restreignit le périmètre de la cité, pour la protéger plus efficacement; et on éleva à l’est une forte muraille qui, soutenant les terres du mamelon
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- LA NATURE.
- n’a pas eu le sort du reste des remparts et est demeurée debout. Le temps pressait, on prit ce qu’on avait sous la main; temples, palais, théâtres, monuments funéraires fournirent d’excellents matériaux tout prêts. On commença par le haut des édifices; et à mesure qu’on les démolissait on en transportait les pierres au rempart. Ainsi s’explique ce lait bizarre qu’il y a seize fort beaux chapiteaux et seulement deux ou trois bases; les bases ont été placées les dernières, au sommet du mur par conséquent; et le mur écrèté îl’en a gardé que fort peu.
- Des escouades d’ouvriers travaillèrent en même temps sur divers points; aussi trouve-t-on sur un espace restreint les pièces d’un même édifice.
- On mettait à l’extérieur la partie lisse de la pierre, de telle sorte que rien ne révèle les richesses du dedans. Puis on a entassé les pierres : or quelquefois il fallait, pour les faire entrer à la place indiquée, les marteler un peu; aussi les chapiteaux composites ont-ils presque tous perdu leurs volutes; et beaucoup de fines ciselures dans les bas-reliefs ont été horriblement gâtées. Mais qu’il reste encore d’admirables choses!
- Une vue de la muraille explique mieux qu’une description la position des blocs. Ils y sont placés les uns sur les autres; on dirait des livres rangés dans une bibliothèque, les in—12 à côté des in-folio; le désordre dans la régularité.
- Il y a bien longtemps que les remparts de Saintes fournissent des objets d’art. Au seizième siècle déjà un antiquaire Saintongeais avait relevé un certain nombre d’inscriptions qu’on y avait découvertes en réparant les fortifications de la ville. Et depuis 1815, à diverses époques, on a eu soin de réunir dans une salle, d’entasser plutôt, les pierres sculptées qu’on y rencontrait au hasard des travaux : ce sont jusqu’à présent les pièces les plus importantes du musée archéologique de la ville.
- Voici des fragments de rinceaux avec deux pierres portant des inscriptions (fig. 1 ).
- Voici une frise circulaire ornée de branches de feuillages d’un fort bon style; une des pierres porte en outre un masque tragique : plus de doute, il y a là un théâtre.
- Voici des métopes avec bucranes, patères; l’un représente la louve allaitant Ilomulus et Ilémus; des fûts de colonnes cylindriques et des chapiteaux doriques : c’est un temple dont il serait facile de reconstituer une partie.
- Voici deux pierres avec inscriptions en l’honneur de Claude et de Néron, monument votif certainement, peut-être portant une statue équestre : car auprès d’elles on a trouvé un pied de cheval en bronze. Le dédicant, fait à noter, porte le nom d’un des héros de l’indépendance, un des deux instigateurs de la révolte de Genabum contre César.
- Voici deux bas-reliefs : deux hommes nus, admirablement dessinés, l’un surtout que nous représentons (fig. 2) ; de la main gauche il dépose son dernier vêtement ; de la droite il soutient une urne sur
- son épaule ; l’autre essuie avec la strigile ses cheveux : c’est un balnéaire qu’ils nous indiquent.
- Au point de vue de l’histoire, ces fouilles ne sont pas moins précieuses. Les textes épigraphiques étudiés ont déjà fourni des clartés nouvelles pour l’histoire des milices au début de l’empire, sur la situation des Gaulois ralliés au conquérant, et sur la facilité avec laquelle les vaincus aceptèrent le joug et les lois, les arts des vainqueurs. Les descendants des chefs qui luttèrent vaillamment contre l’envahisseur se romanisent avec une étonnante docilité et prennent les noms de l’ennemi triomphant. Ils servent dans les armées romaines, acceptent honneurs, dignités et se font gloire d’être distingués par ceux qui les ont battus. Un vieux Santon après trente-deux ans de service, se rengage avec prime, a les insignes de centurion, obtient des récompenses militaires, anneaux d’or, bouclier d’honneur, épée, etc. Un autre après avoir été chef des ouvriers (ingénieur), tribun des soldats, reçoit la suprême dignité, le sacerdoce de Rome et d’Auguste à l’autel de Lyon. Celui-ci, prêtre d’Auguste, et curateur des citoyens romains, conserve encore le nom de vergobret, souvenir de la plus haute magistrature chez les Gaulois. Celui-là...
- Les gravures ci-jointes ont été faites d’après des photographies de M. Planté, inspecteur aux chemins de fer de l’Etat. D’autres objets ne sont pas moins intéressants. Nous citerons notamment deux chapiteaux doriques avec une fort belle inscription, du temps d’Auguste très probablement; on y lit distinctement celte dédicace, que nous reproduisons en la complétant :
- C[aii] IVLlfi] RI. OVERIYG1 F[ilxo] YOL[tima tribv]
- MARl.NO
- [avuvsJTALI PRIMO C[vratoki] C[ivivai] |{[ümanorvm] OVAEST0R1 VERGfoBBKTo] MARIN A FJ LIA
- Ce qui signifie :
- A... MARINUS, FILS DE CAIUS JULIUS RIC0VER1UGUS, DE LA TlilRU VOLTIMA, PREMIER PRÊTRE D’AUGUSTE, CURATEUR DES CITOYENS ROMAINS, QUESTEUR, YERGORRET, MARINA SA FILLE [A FAIT ÉLEVER CE MONUMENT].
- Au-dessus de cette inscription dont l’interprétation nous mènerait trop loin, régnent des fragments d'une frise circulaire. A gauche, on aperçoit un débris d’inscription funéraire, et aussi les premières lettres de la dédicace, par Caius Julius Cogidubnus, fils de Conconnétodubnus, à Néron, non encore empereur, mais déjà adopté par Claude (Neroni Claudio Druso Germa n ico Coesari).
- Nous en avons dit assez pour montrer toute l’importance de nos fouilles au point de vue de l’art et au point de vue de l’histoire. Louis Audiat.
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- LES PLUIES DE SANG
- On sait que la crédulité populaire a souvent ajouté foi au récit des prétendues pluies de sang qui seraient parfois tombées des nuages à la surface du sol. Ces légendes ont “été inspirées à la suite de certaines pluies colorées en rouge par des corpuscules organiques ou minéraux, de provenance terrestre, et soulevés dans l’air par des tourbillons.
- Dans une des dernières séances de l’Académie des sciences, M. Daubrée a communiqué une note de M. Delauney, sur un fait de ce genre observé en Cochincbine le 13 décembre 1887. Voici le récit qu’a publié, du phénomène, M. Thoraude, Phû de l’arrondissement de Tay-Ninh :
- Le 15 décembre dernier, je revenais à Tay-Ninh dans ma famille, sur la voiture publique où avaient pris place quatre voyageurs et deux enfants, aussi du pays, lorsque vers 4 heures, à 8 kilomètres environ de Tay-Ninh, le jeune conducteur malabare, en se tournant vers moi, me demanda avec colère pourquoi j’avais répandu sur ses vêtements du sang provenant de la coupure de mes doigts. Furieux de ce reproche qui n’était pas fondé, je jetai un coup d’œil sur moi-même et, à mon grand étonnement, je trouvai mes doigts pleins de sang. A cette vue, je crus qu’ils avaient été en effet coupés sans que je m’en fusse aperçu, par quelque chose de tranchant; mais, en les essuyant avec mon mouchoir, je vis qu’il n’en était rien.
- Je demandai alors aux autres voyageurs s’ils savaient comment du sang était arrivé sur mes doigts; ils me dirent qu’ils n’en savaient pas plus que moi.
- En continuant à visiter mes vêtements et à regarder autour de moi, je trouvai, à ma grande surprise, un nombre considérable de petites gouttes qui, sur ma robe noire, paraissaient noires ; mais, en les touchant, je vis, avec les autres voyageurs, qu’elles avaient l’apparence d’un sang un peu coagulé.
- Quelques minutes après, l’une des voyageuses, la nommée Pham-thi-Lê, vit le visage de son enfant parsemé de gouttes de sang ; il en était de même de la robe blanche de mon petit garçon, ainsi que de mon parapluie placé derrière les Malabares conducteurs. L’un d’eux constata à son tour, et devant nous, une infinité de gouttes de sang sur sa jupe blanche. Le lendemain de cet événement, quand je voulus recueillir les taches de sang pour les montrer à l’autorité, les vêtements étaient déjà lavés.
- Quant aux arbres de la partie de la route où le fait a été observé, il y en a trois dits vên vèn, deux câij-da (banians) et un cây-dâl. Pendant qu’il tombait de ces gouttes de sang, le ciel était complètement couvert ; les voyageurs n’ont pas vu pleuvoir, et ils ont cependant constaté que le sol de la route était humide.
- Une seconde note, du notable Lânh, annonce aussi une pluie de sang, tombée à la même heure, non loin de la, à Hiêp-Ninh.
- M. Delauney, en communiquant ces notes, ajoute qu’il reviendra très prochainement en France, où il apportera le parapluie du Pim de Tay-Ninh, afin qu’on examine la nature des, gouttes dont il est taché. On ne se rappelle pas, dans le pays, avoir vu un fait semblable.
- M. Blanchard, à l’occasion de cette communica-
- tion. a présenté à l’Académie les observations suivantes :
- De tout temps on a parlé, avec une terreur superstitieuse, de pluies sanglantes, ou d’eau changée en sang. En effet, certaines eaux présentent une coloration d’un rouge vif, qui préoccupa beaucoup d’observateurs il y a environ un demi-siècle. Sur les côtes méditerranéennes, des marais salants se montrent entièrement rouges. En 1856, Payen attribuait celte coloration à la présence d’un petit crustacé branchiopode, YArtcmia salina. Bientôt Dunal, de la Faculté des sciences de Montpellier, constatait que cette cause est due à un organisme végétal du genre Protococcus, appelé quelquefois aussi Hæmato-coccus. En 1840, N. Joly, de la Faculté des sciences de Toulouse, dans un mémoire sur YArlemia, confirmait les observations de Dunal et donnait la preuve que YArtemiû n’est rouge que parce qu’elle mange le Protococcus. Ainsi on comprend sans peine que, par des coups de vent ou l’ouragan, les eaux ainsi rougies viennent asperger le sol et les passants.
- Les gouttes d’eau de pluie, chargées de parcelles fuies de sables rouges, ont aussi produit des effets analogues.
- Il est intéressant de constater encore une fois, d’après la communication de M. Delauney, que les préjugés dans l’extrême Orient sont souvent, à notre époque, ce qu’ils étaient dans nos pays au Moyen Age. Les Chinois croient encore aujourd’hui à l’immobilité de la Terre, comme nous y croyions avant Galilée. On vient de voir que des hommes distingués, en Cochinchine, semblent ajouter foi a l’existence réelle des pluies de sang, que décrivaient au seizième siècle des auteurs tels que Lycosthènes d’après Obséqucns. Ce dernier écrivain, dans son livre Des prodiges, réédité en 1555, parle à plusieurs reprises des pluies de sang dont il a recueilli l’histoire chez les Anciens. « A Saturnie, dit-il, il plut sang dans la ville par l’espace de trois jours... il plut aussi du sang lors du meurtre de Tatius... » Des faits analogues de prétendues pluies de sang se retrouvent mentionnés par un grand nombre d’auteurs jusqu’au dix-septième siècle.
- En 1815, le professeur Sementini communiqua à l’Académie des sciences de Naples le résultat de ses observations sur une pluie colorée en rouge qui était tombée à Géraee, le 14 mars de cette année. 11 reconnut qu’elle contenait une poussière ferrugineuse rouge, d’origine terrestre, et qui avait dû être enlevée du sol par le vent. En 1800, MM. Campini et Gabrielli ont d’autre part trouvé des organismes analogues a ceux mentionnés par M. Blanchard, dans une pluie rouge tombée à Sienne, du 28 au 51 décembre. il ne se trouvait dans cette pluie que des matières organiques d’origine terrestre.
- Un grand nombre d’études analogues ont été faites par les météurologistes, et le phénomène des pluies de sang est aujourd’hui très nettement expliqué. Il n’en constitue pas moins un phénomène assez rare, fort curieux, et qui mérite toujours d’être étudié.
- Gaston Tissandiejî.
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- LES TRAVAUX DU CANAL DE PANAMA
- I.ES ÉCLUSES DE M. EIFFEL
- Nous avons montré, dans un article général récemment publié ici même1, sur les travaux du canal de Panama, comment l’ouverture projetée du canal à la grande navigation, en 1890, reposait sur rétablissement d’un bief supérieur dans la Cordillère et l’emploi de grandes écluses de 8 et 11 mètres de chute proposées par M. Eiffel. Ces ouvrages d’art auront une longueur utile de 180 mètres et 18 mètres de largeur.
- On s’est demandé sur quel principe mécanique et hydraulique pouvaient se construire des portes d’écluses d’aussi fortes dimensions en largeur, et avec d’aussi grandes hauteurs de chute? C’est ce que nous nous proposons d’expliquer brièvement.
- On ne pouvait songer, avec de pareilles pressions et pour des écluses qui doivent constamment s’ouvrir et se ler-mer, a employer la disposition usuelle des portes à deux vantaux due au génie de Léonard de Vinci. La pression d’eau a laquelle les Ingénieurs se sont enhardis à soumettre ce genre de portes s’élève bien a 10 mètres et même à 15m,40 comme à celles de Cliannel-Pocks à Li-verpool, par exemple.
- Mais il s’agit là de portes fermant des bassins à Ilot et ne s’ouvrant que rarement. S’il s’agissait d’organes mécaniques devant s’ouvrir et se fermer dix ou vingt fois par jour comme au canal de Panama, ils ne sauraient résister.
- Aussi M. Eiffel a-t-il proposé des écluses à une seule porte du système dit à portes roulantes.
- Description des écluses à portes roulantes. — Les fermetures d’écluses par portes glissantes ou roulantes ont été l’objet d’assez nombreux brevets en France et à l’étranger. Les passer en revue sortirait entièrement du cadre de cette note ; nous citerons seulement, comme étant entré dans la pratique, le brevet anglais lvinipple, à caisson mobile et pont-pliant, appliqué, depuis 1874, aux docks de radoub de New-Gravel à Greenock, de Cerro, à Montevideo,
- 1 Voy. n° 773, du 21 janvier 1888, p. 113.
- et d’Esquimalt (Colombie-anglaise). En 1879, MM. Pouchet et G. Sautereau, Ingénieurs, avec le concours de M. Eiffel, comme constructeur, proposaient un système analogue pour trois énormes écluses destinées à un projet de canal de Nicaragua.
- Le système actuellement étudié pour le (‘anal de Panama par M. Eiffel, avec le concours de M. Ph. Bunau-Yarilla, ingénieur des ponts et chaussées, est analogue. Au lieu d’être fermé par une porte à deux vantaux ouvrant et tournant sur des gonds comme des portes ordinaires, le canal est fermé par une porte roulante d'un seul morceau, qui se déplace perpendiculairement à l’axe du canal.
- Cette porte est en fer, à section rectangulaire : elle constitue un grand caisson creux, roulant au
- moyen de galets, sur une voie ferrée que supporte un pont tournant placé au-dessus de la porte lorsque celle-ci barre le canal. Lorsque la porte a dégagé l’ouverture du canal en rentrant dans une chambre de remisage latérale pratiquée dans la rive pour la recevoir, le pont tournant s’efface en pivotant.
- Ce système est, de l’avis des Ingénieurs les plus compétents, celui qui s’applique le mieux à de grandes chutes telles que celles de 11 mètres. La porte est en effet formée tout entière de compartiments étanches nombreux et indépendants les uns des autres : on peut y introduire à volonté de l’eau pour équilibrer exactement la flottaison ou de l’air comprimé pour visiter et réparer les compartiments en cas d’accident.
- Un double système de galets de roulement disposés, comme nous l’avons dit, à bipartie supérieure et hors de l’eau, permet à la porte, non seulement de prendre aisément son mouvement perpendiculaire à l’axe du canal, mais encore de prendre un léger mouvement de déplacement latéral. Elle ne peut donc rester collée contre scs appuis, accident qui se produit fréquemment dans les systèmes analogues et même dans les systèmes de portes à deux vantaux. I)e plus, comme la porte roulante constitue un flotteur, elle ne pèse en quelque sorte pas sur les galets de roulement qui la supportent et ne leur impose aucune fatigue. Un développement de force très faible suffit avec ce système pour ouvrir ou 1er-
- Fig. 1. — Détail de construction d’une des portes d’écluses projetée pour le canal de Panama. — Coupe transversale.
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- mer la section du canal, et cela, dans un temps très court.
- Mouvement de l'eau dans les écluses. — La manœuvre des portes roulantes ne se l'ail, cela va sans dire, ([ne lorsque le niveau de l'eau dans le canal est le môme de part et d’autre de la porte. 11 faut donc pouvoir faire passer très rapidement, en quinze minutes au maximum, l’énorme quantité d’eau de 40 00!) mètres cubes, d’un coté à l’autre, et cela, sans raviner les sas, sans produire, pendant le remplissage ou la vidange, des remous et des mouvements tumultueux de l’eau qui pourraient pousser les navires sur les bajoyers ou les faire s’entrechoquer. Alin de réaliser ce programme difficile,
- M. Eiffel a fait adopter un système dont il est l’inventeur et qui consiste à faire écouler l’eau sur toute la longueur du sas par des jets verticaux, au lieu de la faire écouler latéralement par de grandes ouvertures peu nombreuses percées dans les ba-jovers, ainsi que cela se pratique pour les écluses à deux vantaux ordinaires.
- A cet effet, sur toute la longueur du sas, latéralement, dans des caniveaux pratiqués au-dessous du fond du canal, sont places deux gros tuyaux en fonte de 2"',80 de diamètre percés de 2 en 2 mètres de trous de 0m,40 de diamètre. Ces tuyaux viennent passer, en se recourbant, sous le seuil des portes d’écluses et vont se terminer à 12 mètres au delà de
- Fig. 2. —jVue d’ensemble d'une écluse à porte roulante, projetée pour le canal de Panama.
- la porte par 'une partie droite (pie surmonte une vanne logée dans le parement ou bajoyer de l’écluse. 11 y a donc deux vannes de ce genre par bief. Ce sont, en somme, de grosses vannes ou robinets cylindriques, sans pression latérale, ce qui permet de les ouvrir et de les fermer en déployant très peu de force au moyen d’une forte vis et d’un écrou. Elles n’ont point été combinées pour les besoins de la cause : leur invention est due à M. Fontaine, ingénieur des ponts et chaussées, qui les a employées avec beaucoup de succès au canal du Centre et les a décrites dans les Annales des ponts et chaussées en 18861.
- Annales des ponts et chaussées 1880, 11e série, p. 248.
- Grâce à ces aqueducs en fonte de grand diamètre par lesquels s’écoule en quelques minutes un véritable fleuve, le mouvement de l’eau, au lieu de se faire en grandes masses se répartit sur tous les points du sas sans produire aucun effet perturbateur. Cette disposition est nouvelle et constitue une des particularités importantes du projet présenté par M. Eiffel.
- Alimentation en eau du canal. — Mouvement des navires isolés ou en convoi. — L’alimentation en eau du canal se fera par le bief supérieur à la cote 49 où elle sera élevée au moyen de machines. Nous indiquerons dans un prochain article comment s’effectuera cette alimentation et quelles sont les ressources mécaniques et hydrauliques dont on dispose dans ce but. II nous suffira de dire, pour le moment, que le
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- bief supérieur constituant une sorte de cuvette ou de réservoir intermittent, l’eau qu’il contient passera, en en sortant, d’écluse en écluse et de bief en bief sur chacun des versants de la Cordillère. On pourra ainsi, à volonté, comme dans un canal ordinaire aune seule pente, établir à droite et à gauche dans les biefs et écluses successifs, tel niveau que l’on voudra et par conséquent faire monter ou descendre les navires de part et d’autre à volonté.
- Cependant, de même (pie dans une ligne de chemin de fer à une seule voie, les navires ou convois de navires ne pourront se croiser en route. Tantôt ils monteront, tantôt ils descendront. C’est sur ce principe que repose la théorie dite de fréquentation du canal qui présente aussi énormément d'intérêt et se règle par des formules d’une exactitude toute mathématique.
- Machinerie. — On n’a pas adopté pour ce cas spécial l’emploi de l’eau sous pression qui comporte des appareils tort délicats. Il a paru préférable d’employer des organes mécaniques très simples mus par des turbines hydrauliques qui utiliseront la pression provenant de la chute du bief. Par un surcroît de précautions que justifie l’usage de ces appareils jusque dans la grande tranchée des Cordillères, toutes les dispositions ont été prises pour que, en cas de réparations des mécanismes, toutes les manœuvres puissent être exécutées à bras d’hommes.
- Conclusion. — Telle est la description brève du système d’écluses métalliques, à portes roulantes, que l’on se propose d’appliquer aux travaux du canal de Panama. Leur construction et celle de leurs annexes mettront en œuvre 15000 tonnes de fer environ et 20000 tonnes de fonte. On sait que le contrat intervenu, à ce sujet, entre la Compagnie du Canal interocéanique etM. Eiffel prescrit que toutes les matières premières employées seront d’origine française : la question est donc bien intéressante pour notre métallurgie.
- Ces ouvrages d’art, établis suivant un modèle uniforme, étudiés avec un soin scrupuleux, d’une résistance considérable en raison de leur construction métallique, d’un fonctionnement facile, nous paraissent lournir, comme le pensent leurs promoteurs, une solution simple et pratique de l’important problème qui vient d’être soumis à nos ingénieurs.
- Max de Nansouty.
- SUR LA DESTRUCTION DES LAPINS
- EN AUSTRALIE ET DANS I.A NOUVELLE-ZÉLANDE
- M. Pasteur a adressé à MM. les agents généraux des possessions de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande la communication que voici :
- Paris, le 5 janvier 1888.
- La Revue des Deux Mondes a publié, dans son numéro du 15 août 1887, un article de M. C. de Varigny, dont j’extrais les passages suivants :
- Enrichis subitement par la guerre de Sécession aux Etats-Unis, qui fit hausser le prix des laines, en arrêtant la production américaine, les colons de l’Australie se trouvèrent tout à coup disposer de revenus considérables....
- Imitateurs zélés des coutumes anglaises, ils se prirent de passion pour la chasse, et fondèrent en Australie et à la Nouvelle-Zélande des sociétés d'acclimatation pour importer d’Europe des lièvres et des lapins. Ce fut une véritable rage, un vent de folie qui souffla sur la colonie.... Tout grand propriétaire n’eut plus qu’une idée : se créer une chasse réservée. Le sol et le climat convenaient si merveilleusement aux lapins qui, en Angleterre, ont de quatre à six portées par an, de trois à quatre petits, qu’en Australie ils eurent jusqu’à dix portées par an, de huit à dix petits chacune....
- Vainement on tenta d’enclore les terrains de treillis, ils creusaient par-dessous et gagnaient le large, au grand désespoir des propriétaires qui redoublaient d’efforts et de soins pour en accroître le nombre. Ils ont si bien réussi que, aujourd’hui, cette peste désole la Nouvelle-Zélande et l’Australie. Les jardins maraîchers sont dévastés; les terrains qui produisaient, il y a quelques années, 150 boisseaux d’orge et de 75 à 80 de blé à l’hectare, durent être abandonnés, toute culture, dans certains districts, étant devenue impossible.
- M. Crawford cite l’exemple d’un grand propriétaire qui, après avoir dépensé 40 000 livres sterling (1 million de francs) pour se débarrasser de ce fléau d’un nouveau genre, fut obligé d’y renoncer. Sflr certaines fermes, on évalue leur nombre à des centaines de mille, et, chaque année, leur taille augmente avec leur nombre. D’une voracité extraordinaire, ils mangent l’herbe jusqu’à la racine et convertissent d’immenses pâturages, qui nourrissaient vingt-cinq à trente moutons à l’hectare, en terrains dénudés et poussiéreux. Les vignobles ont été ruinés, et, jusqu’ici, les moyens employés pour détruire ces animaux n’ont abouti à aucun résultat appréciable. On les chasse, on les tue, on les empoisonne, et ils fourmillent.
- M. Williamson dépose que, dans une excursion qu’il fit avec un délégué du gouvernement, ils reconnurent que dans tout le district l’herbe avait disparu. Des bandes d’énormes lapins parcouraient le pays, s’écartant à peine pour faire place à leur voiture.
- Le sol, raviné de terriers, ne permettait d’avancer qu’avec précaution :
- « Partout des lapins, dit-il, sur la route et dans la plaine; ils gambadent en troupes, se poursuivent dans les sables; on les voit assis par centaines à l’entrée de leurs terriers.... Traqués sur un point, ils se réfugient sur uu autre, et ils se multiplient avec une rapidité telle qu’un cataclysme de la nature pourra seul en avoir raison. »
- La publication suivante vint donner récemment une confirmation aux récits qui précèdent.
- Le 9 novembre et le 2 décembre 1887, le journal le Temps, de Paris, publiait l’avis officiel suivant, émané du gouvernement de la Nouvelle-Galles du Sud :
- Direction des Mines. Sydney, le 51 août 1887.
- Il est donné avis, par la présente, que le gouvernement de la Nouvelle-Galles du Sud payera la somme de 625 000 francs (£ 25 000) à quiconque fera connaître et démontrera, à ses frais, une méthode ou un procédé
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- encore inconnu dans la colonie, pour exterminer d’une j manière efficace les lapins, procédé assujetti aux conditions suivantes : I
- 1° Que cette méthode ou ce procédé recevra, après un ' essai d’une année, l’approbation d’une Commission nom- j mée à cet effet par le gouvernement, avec l’avis du Con- j seil exécutif. I
- 2° Que cette méthode ou ce procédé sera, d’après l’opinion de ladite Commission, inoffensif pour les chevaux, moutons, chameaux, chèvres, porcs et chiens, et ne présentera pas l’emploi de matières ou substances qui pourraient leur nuire.
- 3a La Commission sera tenue de ne pas divulguer les détails de ces méthodes ou de ces procédés, à moins que cette Commission ne décide d’expérimenter ladite méthode ou ledit procédé.
- Toutes les communications relatives à ce qui précède doivent être adressées à the Ilonourable F. Abigail, Secre-tary for Mines Abigail. Sydney.
- Très peu de jours avant que celte nouvelle fût publiée par le journal le Temps, j’avais reçu d’un habitant de la Nouvelle-Zélande le récit des désastres que les lapins occasionnent également dans cette île.
- Le 27 novembre 1887, j’écrivis au journal le Temps la lettre suivante, qui lut insérée le 29 novembre :
- A Monsieur le Directeur du Temps.
- Votre journal annonçait, il y a peu de jours, que le gouvernement de la Nouvelle-Galles du Sud était tellement impuissant à lutter contre un fléau d’un genre particulier — la pullulation des lapins — qu’il proposait un prix de 025 000 francs pour la découverte d’un procédé destiné à leur extermination. Des portions considérables de la Nouvelle-Zélande, non moins ravagées que l’Australie, sont abandonnées par les fermiers, qui renoncent à l’élevage des moutons par l’impossibilité de les nourrir. Chaque hiver on tue les lapins par millions, sans que ce carnage paraisse en diminuer le nombre. Voulez-vous me permettre de faire parvenir dans ces lointains pays, par l’organe du Temps, certaines idées dont l’application pourrait peut-être avoir quelque succès?
- On a employé jusqu’à présent, pour la destruction de ce fléau, des substances minérales, notamment des combinaisons phosphorées. En s’adressant à de tels moyens, n’a-t-on pas fait fausse route? Pour détruire des êtres qui se propagent selon les lois d’une progression de vie effrayante, que peuvent de tels poisons minéraux? Ceux-ci tuent sur place, là où on les dépose; mais, en vérité, pour atteindre des êtres vivants, ne faut-il pas plutôt, si j’ose le dire, un poison comme eux doué de vie, et, comme eux, pouvant se multiplier avec une surprenante fécondité?
- Je voudrais donc que l’on cherchât à porter la mort dans les terriers de la Nouvelle-Galles du Sud et de la Nouvelle-Zélande, en essayant de communiquer aux lapins une maladie pouvant devenir épidémique.
- Il en existe une que l’on désigne sous le nom de choléra des poules et qui a fait l’objet d’études très suivies dans mon laboratoire. Cette maladie est également propre aux lapins. Or, parmi les expériences que j’avais instituées, se trouve celle-ci : je rassemblais dans un espace limité un certain nombre de poules, et, en leur donnant une nourriture souillée par le microbe qui est la cause
- du choléra des poules, elles ne tardaient pas à périr. Les basses-cours sont quelquefois ravagées par de véritables épidémies de ce mal, dont la propagation est due, sans nul doute, aux déjections des premières poules malades qui souillent le sol et les aliments.
- J’imagine que la même chose arriverait pour les lapins, et que, rentrant dans Idurs terriers pour y mourir, ils communiqueraient la maladie à d’autres qui pourraient la propager à leur tour. Mais comment faire pour que les premiers lapins ingèrent dans leur corps le mal destructeur? Rien n’est plus facile.
- Autour d’un terrier, je placerais une barrière volante entourant un certain espace où les lapins viendraient chercher leur nourriture. Des expériences nous ont appris qu’il est facile de cultiver, en état de pureté parfaite et sur une échelle aussi grande qu’on peut le désirer, le microbe du choléra des poides, dans des bouillons de viandes quelconques. De ces liquides pleins de microbes, on arroserait la nourriture, des lapins qui, bientôt, iraient périr ici et là et répandre le mal partout.
- J’ajoute que le parasite de la maladie dont je viens de parler est inoffensif pour les animaux des fermes, excepté, bien entendu, pour les poules, mais celles-ci n’ont pas besoin de vivre en pleine campagne.
- Je ne doute pas qu’il n’y ait, dans les pays infestés, des personnes toutes prêtes à appliquer le moyen que je propose, moyen très simple, qui, en tous cas, vaut la peine d’être tenté.
- Veuillez, etc....
- Aussitôt après l’envoi de cette lettre, j’eus la curiosité de faire des expériences directes sur les lapins. Je me rappelais que le choléra des poules se communique facilement aux lapins; mais je n’avais pas fait d’étude suivie sur ces rongeurs; souvent j’avais vu mourir des lapins qui avaient été placés dans des cages non désinfectées où des poules avaient succombé du choléra. C’est une question de savoir, question résolue affirmativement par plusieurs, si le choléra des poules n’est pas simplement la septicémie des lapins, étudiée autrefois par le Dr Da-vaine.
- Je fus bientôt assuré de la facilité avec laquelle le moindre repas donné aux lapins, après avoir souillé la nourriture par une culture du microbe du choléra des poules, entraîne rapidement la mort de ces rongeurs.
- Voici quelques-unes des expériences que j’ai fait faire à M. Loir, étudiant en médecine attaché à mon laboratoire.
- Le 27 novembre, on place dans une caisse cinq lapins; ils y restent jusqu’à 6 heures du soir sans prendre de nourriture; à 6 heures, on met dans une petite cuvette 100 centimètres cubes d’une culture virulente du choléra des poules, où l’on trempe les feuilles d’un chou. On laisse égoutter ces feuilles, puis on les donne à manger aux cinq lapins qui, après quelques minutes, ont achevé leur repas. On place avec eux, à minuit, trois lapins neufs non contaminés.
- Le 28 novembre, à 8 heures du matin, les cinq lapins contagionnés paraissent malades. Ail heures, deux sont morts, dix-sept heures après le début
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- du repas. Les trois autres meurent à 5 heures de l’après-midi, vingt heures après leur repas.
- Le 28 novembre, à 7 heures du soir, on trouve mort un des lapins mis la veille, à minuit, avec
- Fi". 1. — Microbe du choléra des poules. Culture dans le bouillon. Préparation faite au Laboratoire de M. Pasteur.
- ceux qui ont mangé le repas infectieux. Les doux autres lapins ne sont pas devenus malades.
- Le samedi o décembre, à 5 heures du soir, on donne à manger à quatre1 lapins des feuilles de chou
- Fi". 2. — Globules du s;mg d'un pigeon atteint du choléra des poules. Préparation faite au Laboratoire de M. PaUeur.
- sur lesquelles ont été répandus 10 centimètres cubes de culture virulente de choléra des poules, étendus de 100 centimètres cubes d’eau stérilisée. A minuit, tout le repas a disparu depuis plusieurs heures : on place avec eux quatre lapins neufs.
- Le 4 décembre, à 8 heures du matin, deux lapins semblent tristes.
- A 11 heures, il y a un mort; à 2 heures, deux autres morts ; à 4 heu -res meurt le dernier de ceux qui ont mangé.
- On laisse les cadavres avec les lapins neufs mis la veille, à minuit, dans la caisse.
- Le 5 décembre, on trouve un de ces lapins mort; le 6 décembre, un autre; le 7, un troisième ; enfin le quatrième meurt le 9 décembre.
- Les lapins précédents étaient des lapins domestiques.
- Le 17 décembre, on donne à un lapin de garenne 10 centimètres cubes de culture de choléra des poules, également sur une feuille de chou.
- Le 18 décembre, il meurt.
- Dans tous les cas précédents, on a vérifié que la mort était bien due au microbe du choléra des poules. Le o décembre et jours d’après, on fait des expériences sur les animaux suivants : porcs, chiens, chèvres, moutons, rats, chevaux, ânes, tou jours par contamination des repas. Aucun de ces animaux n'a été malade.
- 11 y a plus : l’action sur les lapins est si rapide, il est si peu besoin de multiplier les repas que je suis persuadé, en me reportant à mes anciennes expériences sur les poules, que celles-ci mêmes ne mourraient pas si on les laissait sur le sol que les repas des lapins auraient pu souiller en partie; elles ont, pour la maladie, beaucoup moins de réceptivité. que les lapins.
- Au contact de l’air, le microbe du choléra des poules meurt assez promptement. Il perd sa virulence à 51° C., température quelquefois atteinte, dit-on, en Australie pendant l’été, mais il ne serait jamais nécessaire de s’occuper des lapins, au milieu du jour, en pleine chaleur.
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- Fi". i. — Les lapins en Australie. — Voiture île M. Williamson [tassant au milieu d'une Lande de lapins.
- Fi". ;i. — Cadavres de lapins tués par le microbe du choléra des poules. — Expérience de M”* veuve l'ommery, en Champagne. (D’aprrs une photographie de M. Trompette, photographe à Reims et les renseignements communiqués pai M. L. l’ommery.)
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- La conservation du microbe du choléra des poules est facile, au contraire, à l’abri de l’air et pendant plusieurs années : on pourra donc toujours se procurer de la semonce très virulente. Mes expériences d’autrefois communiquées à l’Académie des sciences en sont la preuve.
- Les cultures du choléra des poules peuvent être faites dans les bouillons les plus divers d’animaux quelconques. Un des plus économiques serait celui qu’on pourra préparer avec la chair des lapins.
- Il résulte des expériences qui précèdent que, non seulement les lapins qui ont ingéré une nourriture souillée par le microbe meurent très rapidement, en moins de vingt-quatre heures, mais que les lapins associés à ces derniers, qui n’ont point eu d’aliments contaminés, meurent également en grand nombre. Je réserve la question du mode de contagion. C’est un point que j’examinerai plus tard.
- Est-il vrai que les lapins d’un terrier ne se mêlent pas à ceux des terriers voisins?
- On peut envisager, sans appréhension pour la réussite du procédé, le cas où les lapins d’un terrier ne frayeraient pas avec ceux des terriers voisins et n’y porteraient pas la contagion après qu’ils auraient été contaminés.
- La maladie se communique si facilement par les repas que, alors même que la contagion n’existerait pas des lapins infectés aux autres non infectés, la destruction de ces animaux n’en serait pas moins facile.
- Je parle, dans ma lettre au journal le Temps, de barrières volantes placées autour des terriers. Cette complication serait inutile.
- Je me représente l’épreuve en grand de la manière suivante : autour d’un ou plusieurs terriers, je ferais faucher une certaine quantité d’herbe qui serait ramenée ensuite avec des râteaux à la portée des lapins, avant leur sortie du soir. Cette herbe, souillée de la culture du microbe, serait mangée par les lapins dès qu’ils la rencontreraient sur leur passage. Une barrière serait inutile pour les arrêter et les forcer à manger. On aurait ainsi, en quelque sorte, la répétition de l’expérience de Reims, dont je vais parler.
- Il était bien désirable qu’une expérience pût avoir lieu sur une grande échelle.
- Le hasard vint bientôt me l’offrir dans les conditions les plus favorables.
- Mrae veuve Pommery, de Reims, propriétaire de la grande maison de vins de Champagne qui porte son nom, m’adressa la lettre suivante, après avoir lu ma note insérée dans le Temps :
- Reims, le 3 décembre 1887.
- Monsieur,
- Je possède à Reims, au-dessus de mes caves, un clos de 8 hectares, totalement entouré de murs. J’ai eu la lâcheuse idée d’y mettre des lapins pour procurer une chasse, en ville, à mes petits-enfants.
- Ces bêtes ont tellement pullulé et minent le sol à un tel point que je désire les détruire. Les furets sont im-
- puissants à les faire sortir de tas énormes de craie où ils se réfugient.
- S’il pouvait vous être agréable d’expérimenter le procédé que vous préconisez pour la destruction de ces animaux, en Australie, j’offre de vous en faciliter le moyen.
- Signé : Veuve Pommery.
- Bientôt après, j’appris de mon intelligente correspondante que, dans la crainte de voir les lapins de son clos, poussés par la faim, prolonger outre mesure leurs galeries souterraines et compromettre la solidité des voûtes des caves, on avait eu depuis longtemps l’idée de les retenir dans leurs terriers, non loin de la surface du sol, en leur servant, chaque jour, un repas de luzerne ou de foin distribué autour des terriers. On comprend dès lors aisément combien il était lâcile de tenter la destruction des lapins du clos de Mme Pommery.
- Le vendredi, 25 décembre, j’envoyai à Reims M. Loir arroser le repas du jour d’une culture récente du microbe du choléra des poules.
- Comme à l’ordinaire, la nourriture fut consommée dans l’intervalle de quelques minutes. Le résultat en fut pour ainsi dire surprenant.
- Mm“ Pommery m’écrivit, le 26 décembre :
- Samedi matin (par conséquent dès le lendemain du repas mortel), on compta dix-neuf morts en dehors des terriers.
- Le dimanche, le clos ne fut pas visité.
- Le lundi matin, on compta encore treize morts, et depuis samedi on n’a pas vu un seul lapin vivant courir sur le sol. En outre, comme il était, tombé un peu de neige pendant la nuit, on ne vit nulle trace de pattes de lapins autour des tas de craie.
- En général, les lapins meurent dans leurs terriers. Les trente-deux cadavres trouvés sur le sol du clos devaient donc représenter une faible minorité parmi les morts, ainsi qu’on le verra tout à l’heure.
- Dans une autre lettre du mardi 27, MmR Pommery m’écrit :
- La luzerne (luzerne déposée autour des terriers le lundi soir) n’a pas été touchée et de nouveau on n’a vu nulle trace de pattes imprimées sur la neige. Tout est
- mort....
- Et Mme Pommery, faisant allusion à des journaux anglais qui avaient beaucoup critiqué le procédé que j’avais proposé, journaux qu’elle avait eu l’obligeance de m’adresser, ajoute :
- Que deviennent les attaques anglaises en présence d’un tel résultat? Un clos de 8 hectares fourmillant de lapins, devenu un champ de mort.
- M. Pasteur empoisonne un repas ordinaire de ces lapins, et les jours suivants rien ne remue; tout est fini, tout est mort.
- Combien de lapins sont morts dans les terriers? Il est difficile de le savoir exactement. Cependant Mme Pommery m’a informé, par une lettre que j’ai reçue le 5 janvier, « que les ouvriers estiment à beaucoup plus d'un mille le nombre des lapins qui
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- venaient manger chaque jour les huit grosses bottes de foin qu’on distribuait autour de leurs terriers ».
- D’autre part, ajoute Mme Pommery, partout où l’on découvre un peu les monceaux de craie, demeure habituelle des lapins, on voit des tas de cadavres de deux, trois, quatre et cinq lapins.
- L. Pasteur (de l’Institut).
- Nous ajoutons à la remarquable notice que l’on vient de lire, et qui est empruntée aux Annales de l’Insli-tut Pasteur, quelques gravures inédites. La figure 1 donne l’aspect des microbes du choléra des poules à un grossissement considérable, puisque la dimension réelle de ces microbes est de 1/2 millième de millimètre. La figure 2 donne, à un grossissement semblable, le sang d’un pigeon atteint du choléra des poules; les globules du sang et les microbes qu’il contient ont été colorés pour l’inspection microscopique. 11 est remarquable de voir que le bacille à une forme très différente dans la culture (fig. 1) et dans le sang (tig 2). Les deux préparations qui ont servi à l’exécution de ces figures ont été faites au laboratoire de M. Pasteur; nous les devons à l’obligeance de M. le docteur Roux auquel nous adressons nos sincères remerciements.
- M. Mégnin a proposé d’inoculer aux lapins une maladie qui leur est propre, la phtisie du foie ou coccidienne; notre figure 3 montre à un fort grossissement, l’aspect de la coccidie du lapin à ses différents développements l.
- Nous publions enfin deux compositions artistiques, dont l’une (fig. 4) donne une juste idée de l’abondance des lapins en Australie, et dont l’autre (fig. 5) représente le résultat de l’expérience de Mme veuve Pommery. L’aspect de notre dessin est tout à fait exact. Il a été fait d’après une photographie que M. L. Pommery a bien voulu nous adresser avec les renseignements nécessaires. Nous adressons aussi à M. Pommery l’expression de notre gratitude.
- La méthode préconisée par M. Pasteur va être bientôt expérimentée en Australie, où elle donnera certainement les résultats prévus par notre illustre compatriote. G. T.
- LA. HOUILLE EN FRANCE
- La question de l’exploitation des mines de houille, en France, a souvent donné lieu dans ces derniers temps a des controverses et à des débats dont on ne saurait se désintéresser, puisque cette question touche à l’une de nos richesses nationales, et à la condition d’existence de milliers de mineurs, qui méritent au plus haut point notre sollicitude.
- Les difficultés que rencontrent d’autre part les compagnies houillères dans leur exploitation, la ruine de quelques-unes d’entre elles, ont fait dire quelquefois que la France s’appauvrissait en houille. Abordant ce seul point de vue de la question, nous allons montrer qu’il n’en est rien. D’après les ingénieurs les plus compétents, la France a encore pour plus de
- 1 Dans cette figure 3, a et b représentent ta coccidie du lapin (coccidium oviforme) telle qu’on la trouve dans les tumeurs tuberculeuses du foie du lapin ; c et d deux phases de la formation des spores observées dans les cultures; e spores isolées ; f spore en voie de germination ; g jeune coccidie isolée.
- deux mille ans, ou vingt siècles de charbon à extraire ; ou, si l’on veut, elle pourrait fournir le monde entier pendant cent années.
- L’Europe produit environ 190 millions de tonnes, et tout le monde sait que la seule richesse de l’Angleterre, c’est la houille ; ainsi à elle seule elle en produit plus de la moitié, car elle compte 118 millions de tonnes. La France ne se spécialisant pas dans ses richesses, les ayant toutes, n’arrive que troisième, car la Prusse produit 52 millions 500 et la France 16 millions, comme l’indique le tableau ci-après (fig. 1).
- La Suède, la Norvège, la Russie, l’Italie, la Grèce ne figurent pas, comme étant très pauvres.
- L’Espagne ne figure pas non plus, quoique le nord soit très riche en dépôts, mais l’argent manque pour l’exploitation. La France, suivant sa constitution géologique, a ses dépôts houillers concentrés autour du plateau central qui englobe le Morvan, le Bourbonnais, l’Auvergne et le Limousin, comme j’ai pu le constater dans mes nombreux voyages en France.
- À l’est d’Avallon en se dirigeant sur Semur se trouve une bande de terrain Fouiller ; plus loin ce sont les usines de Decize, les dépôts des environs d’Autun et d’Epinac où j’ai eu, grâce à l’amabilité de M. Blan-chet, directeur, le plaisir de descendre dans un puits de 750 mètres et remonter par un autre puits, dit tube atmosphérique *.
- En longeant le canal du Centre, nous voyons les mines du Creusot, deMontcenis, Blanzy, Saint-Bérain, Bert, Montcambron,etc., vers Lapalisse. Au nord-est de Roanne se trouvent les dépôts de la Chapelle-sous-Dun;à l’ouest de Lyon, ceux de Sainte-Foy, de l’Ar-bresle, de Sainte-Paule, puis Saint-Étienne et Rive-de-Gier. Si nous descendons le Rhône, nous avons les dépôts d’Aubenas, d’Alais; en quittant vers l’ouest, nous rencontrons ceux du Vigan et des Vans, près de Lodève, au sud Durban et Ségure; si nous remontons près de Rodez, nous trouvons les mines de Carmeaux, a 15 kilomètres d’Alby. Les environs de Brives, d’Aubin, sont assez riches. Enfin nous voyons que nous contournons le plateau, qui lui-même a quelques dépôts, et nous trouvons les mines de Mauriac, Montagu, Commentry, Noyont, Fins, etc., et comme je l’ai dit tout le plateau central. En quittant ce plateau, nous avons des dépôts disséminés sur les limites de la France : c’est ainsi que nous voyons les dépôts de la Belgique qui se prolongent en France à Valenciennes et jusqu’au nord de Boulogne, aux mines de Hardringen ; dans le département de la Manche près de Saint-Lô ; dans la Mayenne près de Laval ; en Bretagne près de Quimper; puis dans le Poitou à Vou-van et Chantonnay se trouvent quelques dépôts ; de même que dans le Yar dans les montagnes des Maures, entre Toulon et Fréjus, et au nord de Fréjus, et enfin dans les Vosges au sud de Colmar.
- 1 Ce puits a été précédemment décrit. (Yoy. n° 221, du 25 août 1877, p. 197).
- 2 Les graphiques que nous publions sont exécutés d’après les Annalès des mines, notice sur les accidents du grisou en France, par M. Lallemand, ingénieur au corps des mines.
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- Les très riches dépôts de Belgique se prolongent en France, comme je viens de le dire ; ce qui fait que le bassin houiller français du Nord produit près de la moitié de la production en France, comme on
- peut le voir par ce tableau qui groupe les bassins houillers français (fig. 2). On voit donc que le bassin du Nord produit près de 40 pour 100 de la production totale de la France.
- Millions do tonnes
- EUROPE
- FTWtCE BtLGKWUÏÏÏlCHÎ SAXE
- E.Jfdl^IEU Ce
- Millions de tor.r.c3
- Creuse
- Loire Gard
- térault Ouest L et.
- Groupe des Bassins de France.
- Rapport%
- 5o%-|i5orrv^ Accidents
- Tués
- 15 ans 46 ans
- 't___ Durée moyenne du séjour ---£
- Agkinoyen dans la mine Age moyen
- Fig. 1 à i. — Tableau* statistiques de l’exploitation houillère. — Fig. 1. Production de la houille en Europe.— Fig. 2. Production de la houille en France. — Fig. 5. Age des mineurs par groupes de cinq années et pour 100. — Fig. 4. Tableau des accidents.
- D’après le tableau suivant qui indique l’age par groupe de cinq années et pour 100 ouvriers (fig. 3) on voit, à première vue, que la vie la plus active est de seize à vingt ans donnant 15 ouvriers pour 100; de vingt et un à vingt-cinq, le service militaire se fait sentiret enfin reprend de vingt-six à trente pour aller progressivement en décroissant pour des causes naturelles mais souvent malheureusement accidentelles. D’après la loi delà protection de l’enfance, on remarque que l’àge ne commence qu’à douze ans et encore sont-ils rarement employés au fond; enfin,
- 1 Ces tableaux sont assez compréhensibles pour donner plus de détails, qui nous mèneraient trop loin et que le cadre de ce journal ne nous permettrait pas.
- pour terminer, je ferai remarquer que le séjour moyen dans la mine est de trente et un ans, malgré la respiration d’un air chargé de poussière de charbon, insoluble dans l’organisme. Le séjour est donc encore relativement long, mais il y a les accidents, qui comme l’indique notre tableau (fig. 4)1 sont assez importants ; ils dimi-nueront, nous l’espérons tous, par les progrès de la science et assureront à ces malheureux travailleurs du fond une sécurité de travail aussi complète que possible. Y. Dagnan.
- 1 Ce tableau indique que pour 150 accidents, il y a 18 tués, un par accident dans le Nord, 58 dans la Loire, 32 dans le Gard et 42 divers, puis par groupe de 2, de 5, 4, etc., on fera la même opération.
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- Fig. 5. — Carte des houillères en Franco,
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- CONSEILS
- AUX AMATEURS D’HISTOIRE NATURELLE
- (Suite. — Voy. p. 203).
- I> i! K i'A NATION DES PAPILLONS
- Revenu de son excursion, U entomologiste fera bien, s’il en a le temps, et si la fatigue ne l’en empêche
- pas, de préparer immédiatement ses captures avant que la rigidité de la mort ne les saisisse. 11 fera bien de ne pas remettre cette opération, surtout si la température est très élevée, et d’étaler les papillons encore frais; il faut aussi tuer les survivants qui sô débattent piqués dans la boîte et qui finiraient par se ! détériorer dans leurs mouvements désordonnés.
- [ Je laisse de côté maints procédés barbares consis-
- tant à enfoncer dans le corps des malheureux insectes une longue aiguille rougie au feu (fîg. 1 ) ou enduite de jus de tabac, et recommande le seul moyen pratique sans être répugnant. U consiste à employer un large bocal ou un seau en verre bouché d’un large disque de liège, garni en son fond de cyanure de potassium ; on pique les insectes à la face inférieure du bouchon
- et ceux-ci ne tardent pas à périr asphyxiés; il sera bon de ne pas laisser les papillons séjourner trop longtemps dans cet appareil, les vapeurs de cyanure les rendraient cassants et corroderaient les épingles.
- Vétalage est une opération qui a pour but de donner aux papillons l’attitude définitive qu’ils doivent garder dans la collection, attitude rappelant un peu
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- LA NATURE.
- celle du vol où les ailes sont étendues horizontalement et permettant de voir les quatre ailes en leur entier (fig. 2).
- L’étaloir est un petit meuble, ou pour mieux dire un appareil, de bois tendre et léger, composé essentiellement d’une planchette épaisse, dans le milieu de laquelle est tracé un coulisseau peu profond. Cette rainure, plus ou moins large suivant les cas, profonde de 2 centimètres, garnie çn son fond d’une bande de liège, d’agave ou de moelle de sureau, est destinée a recevoir le corps du papillon. De chaque côté du coulisseau, la planchette se relève en pente douce presque insensible. Le bois doit être soigneusement poncé, uni et même poli avec de la pierre de Briançon, afin que les ailes délicates du papillon ne subissent aucune érallure (fig. 3). Pour étaler un papillon, on le pique au milieu du coulisseau de l’étaloir, en ayant grand soin de le piquer bien droit et perpendiculairement, puis: « on attachera par son extrémité antérieure, à l’aide d’aiguilles à tête d’émail, une bande de papier, de façon qu’elle n’em-pèclie pas l’aile supérieure de monter aussi haut qu’il est nécessaire; on fait mouvoir cette aile en la pressant légèrement au-dessous de la principale nervure, avec la pointe d’une aiguille emmanchée d’un petit bâton (fig. 4) ; et pour que cette aile ne se dérange pas, on appuie la bande dessus avec l’index de la main gauche; on place ensuite l’aile inférieure et on la retient en position, en pesant de la même manière sur l’extrémité postérieure de la bande que l’on arrête sur une seconde aiguille. On fait la même chose pour les deux ailes du côté opposé. » — (Godart.)
- Cette opération est fort délicate à mener et ne laisse pas que de demander quelque habitude. 11 arrive souvent aussi que les papillons ne sont plus assez souples pour pouvoir la subir, leur rigidité ne lait dans ce cas qu’augmenter. Pour leur rendre leur première souplesse, il est nécessaire de leur faire subir une préparation spéciale; le ramollissage, qui permet de rendre aussi frais et aussi souples que de leur vivant, les insectes même desséchés depuis longtemps.
- Cette opération n’a en soi rien de complexe ; simple également est l’appareil. Un plat creux rempli de grès mouillé et recouvert d’une cloche de verre s’appliquant d’une manière hermétique sur scs bords (fig. 5), à son défaut une marmite fermant bien (fig. 6) ou quelque autre récipient large et peu profond, tel est l’appareil. Si l’on veut ramollir des papillons, on les pique sur le grès en ayant soin d’éviter que leur corps n’y touche, et on les abandonne dans cette chambre humide. Il ne faut pas omettre de répandre de temps à autre un peu d’acide phé-nique sur le grès, précaution bonne pour empêcher la formation de moisissures. Un jour ou deux suffisent pour rendre leur souplesse aux espèces de moyenne taille ; un laps de temps plus long est nécessaire aux gros papillons surtout s’ils sont secs depuis des années.
- Un lépidoptérologiste distingué, feu Berce, s’étant
- aperçu que certains papillons bleu tendre ou vert gai perdaient leurs fraîches couleurs dans les vapeurs humides du ramollissoir, donnait il y a quelques années un moyen déjà connu et employé en Angleterre, de ramollir ces insectes sans crainte de les voir se décolorer :
- « ... Il consiste à préparer un vase de verre (fig. 7) ou de faïence auquel on ajuste un bouchon de liège fermant hermétiquement; au fond de ce vase on met des feuilles de laurier-cerise (Cerasus laurocerasiis) que l’on aura hachées menues, sur une épaisseur de deux à trois centimètres ; on pique alors sur le bouchon les papillons que l’on veut ramollir, ou conserver frais, et on le remet sur le vase. On peut de cette manière conserver et ramollir toutes les espèces de papillons, et pendant un laps de temps qui peut durer, suivant notre expérience, de quinze à vingt jours. Les seules précautions à prendre sontcelles-ci : choisir les feuilles de laurier-cerise bien mûres, et non les jeunes pousses, les essuyer si elles sont mouillées; tenir le vase au frais et dans l’obscurité, le visiter souvent, et si l’on aperçoit quelque trace d’humidité, le déboucher et l’essuyer ; changer les feuilles lorsqu’on s’aperçoit qu’elles jaunissent ou qu’elles ont quelque trace de moisissure. Ce procédé est excellent et n’altère en rien les couleurs les plus tendres ; nous le recommandons spécialement toutes les fois que l’on pourra le mettre en pratique. »
- Une fois bien secs, les papillons sont retirés de l’étaloir. Un conseil à ce sujet: il faut laisser les insectes sécher longtemps dans un endroit abrité, à l’ombre, et à l’abri de l’humidité ; les laisser en plein air n’est pas prudent, il ne manque jamais d’insectes dévastateurs des collections pour venir pondre sur les sujets ainsi exposés ; le meilleur est de garder les étaloirs dans une armoire ou dans des tiroirs bien clos et de les visiter fréquemment.
- — A suivie. — Maurice Maixdron.
- CHRONIQUE
- Alexandrie dans l’antiquité. — Nous recevons de notre éminent collaborateur, M. le contre-amiral Serre, une intéressante lettre au sujet du portraict de la ville d’Alexandrie, extrait des œuvres de M. Pierre Be-lon, que nous avons reproduit précédemment (n°767, du il février 1888, p. 172). Nous la publions in extenso : « Dans le n° 614 de La Nature, en date du 7 mars 188b, p. 218, j’ai mis en regard deux plans d’Alexandrie: l'un, montrant l’état actuel de la ville et de ses ports ; l’autre, un état des mêmes lieux déduit du passage des commentaires relatif au siège entrepris par Jules César après sa descente en Egypte. Le trait principal de ma restitution est l’existence de deux digues, dont l’une parlant de la porte de la Marine unissait la terre ferme à l’ile du Phare, dont l’autre enracinée au plateau rocheux de la Quarantaine abritait le nouveau port contre les vents du large. Le musoir de cette seconde jetée était peu distant de la tour du phare, et le chenal d’entrée dans le nouveau port ainsi constitué était battu par les machines montées sur les deux rives. Pour expliquer les changements survenus dans l’état des lieux, j’admettais que des ensablements successifs causés
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- dès l’origine par la construction de la première digue avaient créé l’isthme qui réunit aujourd’hui le continent à l’île du Phare, et que la seconde digue formée de pieux et de plates-formes en bois avait disparu. Je trouve dans un article de La Nature du 11 février de cette année une confirmation bien inattendue de mes déductions. Le vrai portraict de la ville d'Alexandrie en Egypte que vous avez extrait du livre de P. Belon publié en 1555 offre au lecteur un état transitoire entre l’Alexandrie des Ptolémées et l’Alexandrie moderne. On y voit dans leur position relative la porte du Nil, la porte de la Marine, le port vieux ou le grand port avec les bas-fonds qui le couvrent, la digue du Nord aboutissant au Casteleto en face et à petite distance de la tour du phare; quant à la digue de l’Ouest, elle est déjà remplacée par un isthme ; seulement la ville ne s’est pas encore étendue sur ce terrain à peine émergé. A quelle date précise peut-on rapporter l’image conservée par P. Belon; trois siècles ont-ils suffi pour changer complètement l’aspect et les limites du port neuf; un mouillage si sûr et si précieux aurait-il été délaissé à l'époque où l'industrie renaissante permettait d’aborder les grands travaux ? Je ne suis pas à même de répondre à ces questions; mais je tiens à constater que, dans l’ouvrage si remarquable dont vous venez de nous donner un aperçu, on trouve un argument solide à l’appui de la restitution que j’ai proposée. »
- Un village de castors. — Les villages de castors deviennent trop rares en Europe pour qu’il ne soit pas utile de signaler celui d’Amlid, situé à quelque distance de Christiansand (Norwège). On y voit à la fois jusqu’à une douzaine de ces animaux prenant leurs ébats dans l’eau. Leurs huttes (j’allais dire leurs palafittes, écrit le rédacteur de la Revue d'anthropologie auquel nous empruntons ces renseignements) sont construites tout près du rivage et ont deux étages, l’un au-dessus de l’eau et l’autre sous l’eau. Les murs sont faits de gros bois et les toits de baguettes et de glaise. Les castors ont abattu tous les trembles dans le voisinage et commencent à s’attaquer aux bouleaux ; ils coupent des arbres de plus de 18 pouces (42 centimètres) transversalement à la base. Les branches sont traînées jusqu’au bord de l’eau dans de véritables chemins, ou coulées, qui ont été débarrassés des racines qui les croisent. Des sentinelles sont postées pour donner l’alarme en cas de danger lorsque les castors quittent leur demeure et vont à l’eau.
- Récolte de la mousse en Louisiane. — Une
- industrie peu connue en Europe, et qui s’exerce dans la Louisiane, est celle de la mousse végétale. On la recueille sur les cyprès des forets vierges, on l’enfouit sous terre, où elle fermente et sèche, et on la livre ensuite au commerce, qui s’en sert à l’égal du crin végétal, mais y trouve une énorme économie. Les prix sont de 1 cent (centième partie du dollar) à 1 cent 1/2 la livre pour la mousse inférieure ; 1 cent 3/4 à 2 cents pour la mousse mêlée; 2 cents 1/2 à 5 cents pour la mousse noire ou supérieure. 24557 ballots, évalués à près de 250 000 dollars, ont été expédiés cette année.
- Traitement des schistes houillers. — M. de
- Schlieben, de Berlin, a imaginé un procédé purement mécanique, permettant d’effectuer la séparation des éléments principaux, houille et argile, qui constituent le schiste houiller. Ce procédé consiste à broyer la matière en poudre fine et à soumettre le poussier ainsi obtenu à un lavage, au moyen d’un appareil semblable à ceux en
- usage pour les lavages d’or, de diamants, etc. En vertu , de son poids spécifique, le charbon se dépose tout d’abord ! dans les rigoles, tandis que l’eau s’écoule dans de grands J bassins et y laisse déposer les particules d’argile qu’elle tient en suspension. Le charbon obtenu sert ensuite à la j fabrication des briquettes.
- j Le gaïae artificiel. — Nous avions le bois durci qui ! prenait un si beau poli et avec lequel on a fait de nombreux articles, notamment des encriers artistiques et des médaillons qui ont eu une très grande vogue. On vient d’inventer le gaïae artificiel. M. Stockhardt, de Leipzig, vient en effet de prendre un brevet pour un procédé qui permet de donner aux bois ordinaires les propriétés du vrai gaiac, dont la valeur augmente d’année en année. La façon de traiter les bois est extrêmement simple, elle consiste à leur faire subir les deux opérations suivantes : les imprégner d’huile, puis les soumettre à l’action d’une presse d’une très grande force qui comprime le bois et augmente considérablement sa densité.
- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 19 mars 1888. — Présidence de M. Janssen.
- Non-absorption de l'azote atmosphérique par la terre végétale. — On sait que l’une des questions les plus controversées de la chimie agronomique, est de savoir si l’azote de l’atmosphère est directement absorbé par la terre végétale, non pas seulement d’une manière purement physique, mais de façon à déterminer des combinaisons proprement dites. Déjà Boussingault, dans une expérience classique, renferma de la terre végétale dans de grands ballons contenant assez d’air pour qu’après la combustion du carbone il y restât un excès d’oxygène. Après onze années, les dosages les plus attentifs démontrèrent qu’il n’v avait eu aucune trace d’azote fixé. En même temps, l’auteur reconnut que les deux tiers de l’azote contenu dans les substances organiques étaient passés à l’état d’acide azotique. Malgré la netteté des résultats de Boussingault, la question de la fixation de l’azote est revenue à l’ordre du jour, un savant chimiste ayant montré que dans de certaines circonstances la condensation dont il s’agit, a réellement lieu. Comme on ne voit pas bien tout d’abord comment ces expériences diverses ont pu donner des résultats aussi contradictoires, le savant professeur de l’Institut agronomique, M. Schlœsing, a cherché à établir la vérité. Pour lui, la tache était d’autant plus nécessaire et revêtait presque les caractères d’un devoir à remplir, à cause de la nécessité où il se trouve d’enseigner à des élèves une doctrine à cet égard. Jusqu’ici on a abordé le problème en dosant l’azote dans la terre avant et après l’exposition à l’air pour comparer les deux résultats : si on trouve une différence en moins, c’est que le sol a perdu de l’azote; si la différence est en plus, c’est que l’air en a fourni. M. Schlœsing préfère opérer directement, c’est-à-dire mettre la terre en présence d’une atmosphère dont la quantité d’azote est d’abord connue ; d’y renouveler l’oxygène au fur et à mesure des combustions et d’y condenser en même temps l’acide carbonique à l’aide de chaux hydratée. En opérant ainsi, on remplace des mesures chimiques par des opérations purement physiques qui sont toujours beaucoup plus précises. L’auteur a répété ces dosages sur des variétés de terre fort différentes les unes des autres et bien que les contacts aient été continués pendant dix-huit
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- mois, il n’a jamais pu trouver la moindre différence entre l’azote initial et l’azote final. 11 remet d’ailleurs l’exposé détaillé de ces résultats à une communication ultérieure qui sera impatiemment attendue.
- Photomètre automatique. — C’est en vue de régler le temps de pose nécessaire en photographie que M. Louis Olivier a transformé le radiomèlre en photomètre inscrip-teur et régulateur. D’après l’énergie de son mouvement, cet instrument développe ou supprime des courants électriques qui ouvrent ou qui masquent l’objectif.
- Mathématiques. — Un Mémoire de géométrie cinématique est adressé par M. Mannheim. Il concerne le conoïde de Plucker, qui a été déjà l’objet de nombreuses recherches. L’auteur en indique un mode très élégant de génération par le déplacement continu d’une ellipse invariable.
- — M. Joseph Bertrand, continuant ses travaux de calcul des probabilités, traite aujourd’hui des erreurs d’observation. Il pense qu’une fois la moyenne obtenue à l’aide de nombreuses mesures d’une même quantité, on a le droit d’éliminer, comme évidemment mauvais, les chiffres qui s’en écartent notablement. Suivant lui, la meilleure observation est plus voisine de la vérité que la moyenne.
- Mécanique cé -leste. — M. Tisserand reprend l'examen du théorème célèbre sur l’invariabilité des grands axes dans le mouvement des corps célestes. U s’agit d’un des points les plus importants de la mécanique céleste, et qui a été l’objet de longues et savantes discussions.
- L’auteur élucide la question en ce qui concerne la lune.
- Y aria. — La théorie de l’équatorial coudé occupe de nouveau M. Lœwy. — Une série de mesures actinomé-triques faites sur le soleil en 1887 est envoyée de Montpellier par M. Crauvat. — M. Turlet veut modifier le calendrier grégorien : l’année n’aura plus que 564 jours qui font un nombre exact de semaines; et les mêmes noms de jour correspondront par conséquent aux mêmes quantièmes. Dans les années ordinaires on devra introduire un jour supplémentaire, et deux dans les années bissextiles. — M. Bioche s’occupe de la théorie des courbes à double courbure. — La formation des anthérozoïdes chez les hépatiques occupe M. Leclerc du Sablon.
- — Un hydrate d’hydrogène sulfuré est décrit par M. de Forcrand. — M. Eseher de Koninck étudie les ptomaïnes.
- — Un nouvel acide oxygéné du soufre est signalé par
- M. Villiers. — M. André étudie l’action des oxydes sur les chlorures de zinc et de manganèse dissous. — Une station météorologique vient d’étre établie à Rio-de-Ja-neiro. Stanislas Meunier.
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- RÉCRÉATIONS SCIENTIFIQUES
- I.A KOS K MAGIQUE
- Tous nos lecteurs connaissent l'expérience familière aux tireurs à la carabine ou au pistolet : celle de la coquille d’œuf restant en équilibre à la partie supérieure d’un jet d’eau. Une balle de liège fort légère ou même une boulette de mie de pain peuvent de même rester en équilibre dans un jet d’air: nous avons précédemment donné le moyen de réussir cette expérience à l’aide d’un simple porte-plume percé d'un trou1. Un de nos lecteurs, M. Borel-Martinaud, constructeur électricien, nous adresse, sous le nom de Rose magique, un charmant petit appareil basé sur le même principe. Cet appareil n’est pas nouveau, mais il n'en esL pas moins intéressant et n’est pas très connu. La rose artificielle,
- en papier,est traversée par un tube métallique qui en ligure la tige. Ce tube dépasse légèrement, d’une part, les pétales de la lleur, et d'autre part, il se prolonge de telle manière que l’on puisse le tenir dans la bouche, la lleur se trouvant a une distance de 0m,20 environ des yeux. Si vous souillez; régulièrement dans ce tube, et que vous placiez au-dessus de la lleur une petite balle de sureau à laquelle sont fixés, par l’intermédiaire de fils métalliques minces, deux petits papillons artificiels aux ailes en paillettes et formant balancier, cette balle de sureau, bien mise au milieu du jet d’air, y restera suspendue à quelques centimètres de la lleur. Comme le jet d’air est invisible, l’effet produit est tout a fait surprenant, et les papillons, sans cesse en mouvement, paraissent butiner autour de la lleur, à la façon des papillons vivants. 11 arrive aussi parfois que la petite balle de sureau dans le jet d’air tourne sur elle-même en entraînant les deux papillons qui décrivent ainsi une circonférence autour d’un axe. Il va sans dire que pour bien réussir il faut souiller avec une grande régularité.
- 1 Yoy. n° 720, (tu 19 mars 1887, p. 25(5.
- Le propriétaire-gérant : G. Tissandier.
- Imprimerie A. Lahure, 9, rue de Fleurus, à Paris.
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- N» 7 74. — 31 MARS 1888.
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- LE NOUVEAU PORT DU HAVRE
- HISTORIQUE
- Parmi les grands travaux publics qui ont été exécutés en France dans ces dernières années, il convient de citer l’agrandissement du port du Havre et la création du canal de Tancarville. Nous donnerons un aperçu complet de cette belle et utile entreprise. Avant de parler des résultats qui ont été obtenus,
- nous nous contenterons aujourd’hui de jeter un coup d’œil d’ensemble sur l’histoire du port du Havre, d’après la notice publiée par M. le baron Quinette de Rochemont, ingénieur en chef des ponts et chaussées, sous la direction duquel les travaux récents ont été réalisés.
- Le Havre, fondé en 1510 par François Ier, n’eut d’abord qu’un port d’échouage. En 1628, le cardinal de Richelieu lit creuser et entourer de quais le bassin du Roi, lequel fut amélioré et transformé en bassin à flot en 1667.
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- Fig. 1. — Le nouveau port du Havre. — État du port actuel et tracé des travaux à exécuter. — Avant-port et digues.
- Les jetées furent prolongées à diverses reprises afin de prévenir l’envahissement du chenal par le galet. Dans le même but, divers épis furent établis sur la plage ouest et trois écluses de chasse successivement construites.
- En 1787, l’agrandissement du port fut décidé et le plan de Lamandé adopté ; il consistait dans la création des deux bassins de la Rarre et du Commerce, le prolongement de l’avant-port, l’établissement d’une écluse et d’une retenue de chasse au sud du port.
- L’exécution complète de ce programme ne fut terminée qu’en 1834. A cette époque le Havre comprenait un
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- avant-port, trois bassins à flot et trois écluses de chasse. L’avant-port avait 10 hectares et demi de superficie avec 650 mètres de quai et 8000 mètres carrés de terre-pleins; les bassins à flot, d’une surface totale de 12 hectares, étaient entourés de 2800 mètres de quai et de 42100 mètres carrés de terre-pleins.
- Les lois des 9 août 1839 et 5 août 1844 autorisèrent la création des bassins Vauban et de l’Eure, l’établissement dans la retenue de la Floride d’un bassin provisoire pour les bateaux à vapeur, la construction d’une forme de radoub, le creusement et l’amélioration de l’avant-port.
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- LA N ATI 15 K.
- De nouveaux travaux dans l’avant-port et la création du bassin-dock firent l’objet de la loi du 22 juin 1854. La ville du Havre concourut à la dépense pour une somme de 8 millions.
- En janvier 1804, l’écluse des Transatlantiques fut livrée à la navigation et la grande forme de radoub reçut un navire pour la première fois. Antérieurement, les seuls moyens de carénage consistaient en un gril, en pontons d’abatage et en un dock flottant établi en 1844 par l’industrie privée.
- Le Havre possédait dès lors toutes les installations qui conviennent à un grand port. L’avanl-port conservait une superficie de 41 hectares, mais la surface des bassins avait atteint 47 hectares 10 ares; la longueur des quais était de 7400 mètres dont 6205 accostables pour les navires, et la surface des terre-pleins était de 4 4 0200 mètres carrés.
- Le développement de la navigation ne tarda pas à rendre nécessaires de nouveaux agrandissements.
- Dès 4804, la Chambre de commerce pensa qu’il était utile de créer un bassin à Ilot spécialement destiné aux caboteurs à vapeur : elle présenta au gouvernement un plan indiquant les principales dispositions à adopter pour aménager <lans ce but les terrains provenant de l’ancienne citadelle.
- Cette combinaison fut agréée et, par la loi du 44 juillet 4865, la Chambre de commerce fut autorisée à concourir aux dépenses jusqu’à concurrence de la somme de 4 800 000 francs.
- L’inauguration du nouveau bassin, du sas et des trois formes de radoub eut lieu le 5 décembre 4871. Quelque temps auparavant, un décret du 48 juillet 4 870 avait déclaré d’utilité publique l’agrandissement de l’avant-port, l’achèvement des bassins de l’Eure et Yauban et la construction de la digue Saint-Jean. Tous ces travaux sont terminés à l’exception de l’achèvement du bassin Yauban.
- l'our l’exécution de ces ouvrages, la Chambre de commerce a fourni une subvention de 7 millions et avancé à l’État une autre somme de G millions.
- En même temps la largeur de l’entrée du port était portée de 75 à 400 mètres par la reconstruction plus au sud de la jetée du sud, travail qui a fait l’objet du décret du 44 novembre 4875.
- Après les tiavaux faits en vertu des décrets des 48 juillet 4870 et 44 novembre 4875, la superficie de l’avant-port se trouvait portée à 21 hectares 85 ares.
- La loi du 4 août 1870 a déclaré d’utilité publique la construction d’un neuvième bassin à flot et de deux formes de radoub. La première partie de ce bassin a été livrée à la navigation le 4 décembre 4885, la seconde
- dans laquelle l’eau a été récemment introduite était entièrement à la disposition du commerce vers la lin de l’année 1887. Les deux formes de radoub sont en voie d’exécution, mais elles ne seront achevées que dans le courant de 4889. Tæ département de la Seine-Inférieure et la Chambre de commerce ont concouru à la dépense jusqu’à concurrence d’une somme de 5 500000 francs; la Chambre de commerce a de plus consenti à une avance de 5 500 000 francs remboursable en six annuités.
- En dehors de ces agrandissements, quelques améliorations ont été récemment introduites dans les installations du port. Telles sont : la transformation des anciens ponts en ponts tournants à deux voies et la reconstruction des portes de la plupart des écluses, autorisées par les décrets des 41 décembre 4874 et 18 juillet 4881; l’installation d’appareils hydrauliques pour la manœuvre des ponts, portes et vannes des écluses, débouchant dans l’avant-port ainsi qu’au lialage des navires à ces écluses, faisant l’objet du décret du 27 novembre 4882.
- Enfin, la création du canal du Havre à Tancarville, déclaré d’utilité publique par la loi du 10 juillet 4880, a
- pour but de mettre le Havre en relations directes avec 1 e r é s e a u des voies navigables de France. Ce canal, à l’exécution duquel le département de la Seine-Inférieure et la Chambre de commerce concourent pour une somme de 6052000 francs, a été terminé à la fin de l’année 1887.
- Notre figure 1 donne l’aspect du nouveau port du Havre, tel qu’il sera lorsque les travaux actuels auront été terminés. Outre le grand bassin Bellot actuellement achevé, le port comprendra un avant-port sud et un avant-port nord, réunis par de vastes digues, (fig. I). Nous donnons à titre de curiosité historique, l’aspect du port du Havre en 1550, d’après une carte du temps (fig. 2). Dans notre prochaine notice nous parlerons des travaux du bassin Bellot.
- Nous dirons, dès à présent, que c’est par une loi du 4 août 1879 qu’a été décidé la construction au port du Havre d’un neuvième bassin à flot, destiné à la grande navigation ; ce bassin a reçu le nom de bassin Bellot, en souvenir de notre vaillant explorateur des régions polaires. Les premiers travaux, adjugés en 1880, ont été commencés quelques mois après l’adjudication : une première moitié du bassin a *té livrée au commerce en 1885 : la totalité est achevée depuis l’année dernière. _ a suivre —
- Fig. 2. — Le Havre en 1550. (D apres une carte du temps.) —• A. La grosse tour. — B. Saillie pour la chaîne de Barrage du port.— C. Eglise Notre-Dame (en construction). — D. Place Cannibale. — E. Moulins. — F. Eglise Saint-François. — G. Granges. — II. Porte du Perrey. — I. Porto d'ingouville. — J. Porte de l’Eure. — K. Bastion de Sainte-Adresse. — L. Bastion de Saint-Michel. — M. Bastion de Saint-François. — N. Bastion de l’Eure. — 0. Chapelle de l’Eure. — P. Dépendances de la Léproserie de Saint-Boch. — Q. Maison de la ville. — U. Porte de Barres. — S. Première enceinte de la ville. — T. Enceinte de la citadelle de Charles IX.
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- IA FAUNE DES TOMBEAUX
- l'All I>. MÉGNIN
- Tout le monde connaît cette expression littéraire : les vers du tombeau, 'employée si fréquemment par lt^s écrivains et les poètes, qu’il suffit presque d’ouvrir le premier journal, le premier livre venu pour la rencontrer. Ainsi, dans ces derniers temps, à l’occasion de l’enterrement de M. Caro, de l’Académie française, nous avons lu, à la lin d’un des discours prononcés sur sa tombe, la phrase suivante : « Nous ne pouvons admettre que le dernier mot de cet amour (l’amour de Dieu) qui est la vie, appartienne aux vers du tombeau. » Et le même jour, à l'occasion de la mort d’un modèle féminin : « Et un beau matin, ces jours-ci, on enferma entre les quatre planches d’un cercueil son jeune corps aux formes si admirées par les peintres et déjà mûres pour les vers du tombeau. »
- On croit donc généralement que les cadavres inhumés sont dévorés par des vers, comme les cadavres à l’air libre, et cette idée vient de ce que le vulgaire regarde encore le développement de ces vers comme spontané : dans cette hypothèse il ne voit pas de différence entre leur développement sur la terre ou sous la terre. On sait cependant que ces prétendus vers sont des larves d’insectes qui proviennent d’œufs déposés sur les cadavres.
- Ces Insectes sont : des Diptères, des Coléoptères et même des Lépidoptères et des Acariens, et nous avons montré que le dépôt de leurs œufs, par ces Insectes, ne se fait pas au même moment pour tous, qu’ils choisissent chacun un certain degré de décomposition qui leur est indiqué par un odorat d’une subtilité dont nous n’avons aucune idée et que ce moment varie depuis quelques minutes jusqu’à deux et trois ans après la mort; mais il est tellement constant pour chaque espèce, et la succession de leur apparition est tellement régulière, que l’on peut, par l’examen des débris qu’ils laissent, comme par l’étude des stratifications géologiques, apprécier l’àge du cadavre, c’est-à-dire remonter assez exactement à l’époque de la mort, ce qui a souvent une importance capitale en médecine légale.
- Connaissant le mode de développement des vers de cadavres, nous étions convaincu — et tous les naturalistes avec nous — que l’expression poétique : les vers du tombeau était l’expression d’un préjugé, et que tout cadavre enfermé dans un cercueil et enterré à 2 mètres de profondeur — mesure réglementaire — se décomposait et se réduisait en poudre, selon l’expression biblique, sous l’influence des seuls agents physiques et chimiques.
- Eh bien, nous nous trompions, c’est le vulgaire qui a raison, non pas de croire à la génération spontanée des vers des cadavres, mais de croire que les cadavres inhumés sont dévorés par des vers, tout comme ceux qui sont abandonnés à l’air libre.
- Nous devons, d’avoir pu faire la constatation de
- ce lait, à M. le professeur Brouardel qui, comme président de la Commission municipale d'assainissement des cimetières et faisant faire des exhumations l’hiver dernier au cimetière d’Ivry, pour se rendre compte de l’état de décomposition des cadavres inhumés dans certaines conditions, m’avait procuré l’occasion d’assister à ces exhumations.
- Les cadavres en question avaient été enterrés à des époques connues, variant de deux à trois ans, et, sur chacun d’eux, nous avons pu faire une ample récolte de larves ou de coques de nymphes et même d’individus adultes de diverses espèces d’insectes. Après leur détermination nous avons reconnu que, si le nombre des larves qui dévorent les cadavres inhumés sont très nombreuses en individus, par contre, le nombre des espèces est beaucoup plus limité que sur les cadavres à l’air libre; plusieurs sont les mêmes dans les deux cas, mais il y en a de spéciales aux tombeaux.
- Les espèces d’insectes que nous avons recueillies dans les bières exhumées, soit à l’état parfait, soit à 1 état de larves, soit à l’état de chrysalides pleines ou vides, sont les suivantes :
- Quatre espèces de Diptères : la Calliphora vomi-loria, la Curtonevra stabulans (lig. 1), une An-thomyia indéterminée (fig. 2) et la Phora aterrima (fig. o).Une espèce de Coléoptère : le Rhizophagus parallelocollis (fig. 4). Deux Thysanoures : YAcho-rutes armatus et la Templatonia nitida et une jeune Iule indéterminée.
- Les larves du Coléoptère et celles des Diptères ont un rôle très actif dans la décomposition des cadavres inhumés, mais, comme sur les cadavres à 1 air libre, elles n’apparaissent que successivement. Sur des cadavres inhumés depuis deux ans le rôle des larves de Calliphores et de Curtonèvres était terminée depuis longtemps, car leur activité s'était exercée dès la mise en bière; les Anthomyies leur avaient succédé, mais les larves de Phoras venaient seulement d’accomplir leur travail, car leur métamorphose nymphéale était toute récente et leur éclosion s est faite dans les tubes où nous les avions renfermées, ce qui nous a permis de récolter un grand nombre de ces Insectes à l’état parfait. Les Phoras sont de petits moucherons presque microscopiques; ce sont certainement ces petits Diptères qui constituaient les nuages de poussière animée dont Orlila parle dans ses ouvrages et qu’il a vus quelquefois s’échapper des tombeaux lors de certaines exhumations auxquelles il a assisté. Signalons en passant que c’est par myriades que les nymphes de Phoras existaient sur les cadavres de deux ans, ils en étaient absolument couverts. Quant au rôle des larves de Rliizophages, elles étaient encore en pleine activité, et nous avons récolté des larves vivantes et des individus à l’état parfait.
- Comment ces 'divers Insectes arrivent-ils sur des cadavres inhumés à 2 mètres de profondeur et enfermés dans des caisses en bois assez bien jointes?
- Nous devons dire de suite, relativement aux
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- cercueils, que l’humidité et lu poussée des terres provoquent très vite un voi-lcment des planches et que de larges voies de pénétration se produisent. Un fait curieux nous a lait découvrir de quelle manière les larves de Calliphorcset surtout de Curtonèvres, qui sont bien plus nombreuses que les précédentes, arrivent sur les cadavres.
- Les cadavres inhumés pendant l’été seuls en présentaient les restes tandis que ceux inhumés pendant l’hiver en étaient totalement dépourvus, bien qu’ils présentassent en abondance îles chrysalides d’Athom-yies et surtout de Phoras et de nombreuses larves de Khizopbages.
- Ce fait prouve que les ceuls de ces Diptères ont été déposés sur les cadavres avant leur ensevelissement et que les larves se sont développées ensuite; on sait, en effet, combien ces mouches sont communes dans les chambres de malades et dans les salles des hôpitaux pendant l’été, où on n’en voit plus pendant l'hiver.
- Quant aux Phoras et aux Khizopbages trouvés en pleine vie sur des cadavres inhumés depuis deux ans, il faut forcément admettre que leurs larves proviennent d’œufs pondus à la surface d u sol par ces insectes attirés par des émanations particulières perceptibles à leurs sens; qu’elles ont traversé toute la couche de terre qui les séparait du cadavre, dirigées par leur odorat, et qu’elles sont ainsi arrivées à sa surface.
- Un fait de mœurs très curieux nous a aussi été révélé par nos recherches : c’est que les Phoras s’adressent de préférence aux cadavres maigres, tandis que les Rhizophagus pnrallelocollis ne se trouvent que sur les cadavres gras ; en effet, la larve de ce dernier insecte ne vit que de graisse.
- Cette dernière larve était jusqu’il présent tout à fait inconnue des entomologistes — aussi bien que celle de la Phora, du reste — et on ignorait où se passait la première phase de la vie de ces Insectes. Le Rhizophagus pa-rallelocollis est un petit Coléoptère très rare dans les collections et on l’avait rencontré exclusivement dans l’herbe des cimetières ; nos recherches montrent maintenant pourquoi : c’est qu’il était là pour y pondre, ou bien il venait d’accomplir son voyage souterrain à la suite de sa métamorphose et était revenu à l’air libre pour s’accoupler.
- Comme on voit, notre étude nous a fait connaître des laits extrêmement intéressants au point de vue de la biologie de certains insectes; elle est venue d’un autre côté augmenter nos matériaux pour l’application de l’Entomologie à la médecine légale en nous fournissant de nouvelles données certaines sur l’époque du développement de nouvelles espèces d’insectes sur les cadavres inhumés. P. Mégnin.
- Fig. 1. — 1 A, Curtoncvra stabulans ; 1 B, sou antenne; IC, son aile; 1 D, sa larve; 1E, sa nymphe ou chrysalide.
- Fig. 2. — 2 4, aile ù’Antomyia des cadavres; 215, son antenne; 2C, sa larve; 20, sa chrysalide.
- Fig. 5. — 5A, Phora aterrima; 3B, sou antenne; 3C, son aile; 3D, sa larve; 5E, sa chrysalide.
- Fig. 4. — i.A, larve de Rhizophagus parallelocolüs;
- 4 B, cet insecte à l’état parfait.
- Figures grossies; à côté des figures, un trait indique la dimension exacte.
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- LES STATIONS ZOOLOGIQUES - L'AQUARIUM DES SABLES-D’OLONNE
- Depuis longtemps, les caractères extérieurs îles animaux ont été, de la part des zoologistes, l’objet de nombreuses études : les formes animales sont aujourd’hui presque toutes connues et décrites. L’anatomie a fait elle - même de grands pas, mais la physiologie est restée quelque peu en retard. Pour étudier le fonctionnement des organes, il faut avoir l’ètre vivant et ce n’est pas toujours chose facile, surtout lorsqu’il s’agit d’animaux marins.
- Dans le but de parer à ces difficultés, un certain nombre de stations zoologiques ont été créées sur les bords mêmes de la mer. On a pu, dans ces établissements, conserver en captivité des espèces qu’on n’avait jamais observées auparavant. Aussi peut-on affirmer que les stations de Yillefranche, de Marseille et de Banyuls-sur-Mer, sur le littoral de la Méditerranée; celles d’Arcachon, de Concarneau, de Roscoff, du Havre et de AVimereux, sur les rives du golfe de Gascogne et de la Manche, ont rendu à la science d’importants services. Leur nombre, déjà respectable, est loin cependant de correspondre aux faunes diverses de nos côtes; il est à souhaiter qu’elles se multiplient de plus en plus.
- C’est ce qu’a compris M. Amédée Odin qui, de sa propre initiative, a pu, en moins d’un an, en s’imposant des sacrifices personnels, fonder aux Sables-d’Olonne une nouvelle station zoologique. Il était difficile de choisir un emplacement plus propice que cet important port de pêche de la Vendée, qui possède, comme l’on sait,
- Fig. 1. — One galerie de l’aquarium des Sables-d’Olonnc.
- Fig. 2. — Plan général de l’aquariuni.
- une des plus belles plages de France. Aussi adressons-nous nos sincères félicitations au créateur de cet établissement et croyons-nous utile de le signaler, non seulement aux savants, mais encore aux touristes.
- Le programme de M. Amédée Odin comprenait la fondation d’une société scientifique, d’un laboratoire de recherches, d’une bibliothèque, de collections et d’un aquarium ; nous ne parlerons que de ce dernier.
- Il est situé au sud de la ville, à l’extrémité de la belle promenade du Remblai, sur le bord même de la mer, à l’endroit où elle laisse à découvert les premiers rochers. Ses murs extérieurs , complètement nus, sans autre ouverture qu’un portique situé à l’un des angles, donnent difficilement une idée de l’intérieur. Le seuil une fois franchi, on aperçoit l’entrée des galeries bordées de monolithes qui se dressent comme des menhirs. L’aquarium proprement dit apparaît ensuite, éclairé par un jour qui n’arrive qu’à travers l’eau des bacs. Avec ses piliers de pierres abruptes, ses dépressions de terrain, ses voûtes irrégulières où pendent des stalactites, des fossiles du terrain jurassique et des plantes de la flore des dunes, il offre l’aspect le plus imposant, line galerie principale de lm,50 de large en fait le tour; des galeries secondaires, plus étroites, ayant au premier abord l’apparence de grottes, augmentent le parcours intérieur qui est de 57 mètres. Le sol est dallé avec des micaschistes tabulaires, des galets de quartz, des blocs de
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- feldspath orlhose, au milieu desquels serpente une j allée en béton de ciment. |
- Les bacs, au nombre de 19, ont. une longueur ! comprise entre 0m,90 et lm,60 et une largeur uni- * forme de 75 centimètres ; leur capacité varie entre ( 500 et 500 litres. Us sont formés de plaques d'ar- ! doise des carrières de l’Anjou, lisses sur la face exposée à l’eau. Les glaces, d’une épaisseur de 12 à j 15 millimètres, polies des deux côtés, sont du môme verre que, celles des aquariums de l’Etat.
- Les bacs étant à ciel ouvert, l’air y circule largement et, aux jours les plus chauds de l’été, entretient une évaporation favorable au bien-être des animaux (pii y vivent. Ceux-ci sont protégés encore contre les rayons trop directs du soleil par des châssis-écrans en bois, montés sur galets roulant sur rails; un grand vélum de toile blanche s’étend sur les galeries elles-mêmes et le tout se manoeuvre au moyen de poulies et de cordages comme à bord d’un navire. Dans ces conditions on obtient, avec une abondance d’air frais, une lumière diffuse qui, après avoir été tamisée par l'eau, produit dans les galeries un jour bleu-verdàtrc. Pas un réservoir n'a le même aspect, tous sont garnis de rocailles ou de galets, de sable ou de graviers, suivant les espèces qui les habitent. Des enrochements irréguliers of-lrent à ces dernières des retraites contre la lumière encore trop vive ou les poursuites des individus plus robustes. Les Ulves, les Entéromorphes, la Mousse Chondrile, prises à la mer, continuent à vivre dans cet autre milieu et servent en même temps d'ornement à l’œil et de nourriture pour les poissons.
- Nous ne décrirons ni la manière dont l’eau, puisée directement a la mer, arrive dans un réservoir élevé, ni la façon dont elle se distribue de là aux bacs après avoir traversé un filtre en charbon, ni le chemin qu’elle suit pour regagner le château d’eau. Disons seulement que chaque bac reçoit, en même temps que le liquide, un courant d’air qui vient déboucher à la partie inférieure, à travers une trompe.
- Chaque matin, certains bacs comme ceux des Astéries, des Mollusques, des Actinies, restent complètement vides pendant quelques heures, de manière à imiter l’effet des hautes et des basses mers.
- (Test grâce à ces soins réunis que l’on est arrivé à conserver vivantes certaines espèces telles que Seiches, Oursins, Annélides tubicoles et même pendant quelque temps des Sardines. Parmi les autres animaux marins, je citerai des crustacés (Homards, Langoustes, Crabes, Araignées de mer, Palémons porte-scie, Crangons, Eupagures, etc.) — le Muge céphale, le Centropome Loup, le Mulie surmulet, la Vieille, le Murène Congre, plusieurs Lophobranches (Syngnathes, Hippocampes), des Plagiostomes (Soles, Plies, Turbots) — des Mollusques, des Radiaires Echinodermes et une collection très variée <1’A eûmes.
- Pour la pêche au large, le directeur de cet établissement possède un sloop ponté et solidement
- construit, Y Euler, commandé par un pêcheur côtier, et mis obligeamment à la disposition de quiconque le désire. Ce marin est chargé en même temps de la garde et de l’entretien des filets, fau-berts et autres instruments de dragages, des sondes, seaux et baquets en tôle et en bois, bidons et viviers flottants.
- De l’embouchure de la Loire au pertuis Breton, les côtes de la Vendée avec leurs plages, leurs criques, leur variété de terrains, abritent des espèces nombreuses d’animaux marins. A partir de l’anse du Perray, limite septentrionale du jurassique dans cette région, la côte est formée de roches granitiques et porphyriques, bordée de hautes falaises, comme à Saint-Jean-d’Orbestiers, et comprenant diverses zones de profondeurs nettement délimitées et caractérisées par leurs richesses zoologiques spéciales. Le port compte environ 600 embarcations faisant la pêche au chalut ou celle de la sardine et approvisionnant de ses produits une région très étendue. Dans ses loisirs, ou lorsque la mer est mauvaise, le pêcheur sablais pratique la pêche à pied et a déjà contracté l’habitude de venir offrir à l’aquarium tout ce qu’il croit intéressant. C’est surtout dans les écluses, sortes de barrages naturels ou consolidés par des perrés en pierres sèches, où la mer en se retirant abandonne de nombreuses espèces de poissons et d’animaux marins, (pie la pêche est la plus fructueuse.
- Désormais, les laboratoires scientifiques qui existent en Erance, sur les bords de la mer, correspondent à des faunes marines distinctes : la lacune qui existait entre Arcachon et Concarneau est aujourd’hui comblée. Nous sommes convaincu que rétablissement créé aux Sables-d’ülonne est appelé à devenir un nouveau centre d’étude des plus utiles; nous ne saurions trop appeler sur cette station l’attention de tous ceux qui s’intéressent aux recherches zoo logiques.
- En terminant, un mot aux nombreux touristes qui, chaque année, visitent cette belle plage. Bien que fondé dans un but scientifique, l’aquarium des Sables-d’ülonne peut rendre service à tous. Non seulement il deviendra un but obligé de promenade, mais un moyen d’instruction pour tous ceux qui ne cultivent pas d’une façon spéciale les sciences naturelles. Chaque bac porte des indications sommaires sur les espèces qu’il renferme, ce qui permet au visiteur de s’instruire sans efforts. Beaucoup de promeneurs nous sauront assurément gré de leur avoir signalé ce bel établissement. Dr Verneau.
- L’ESSENCE DE ROSE
- EN BULGARIE
- La production de l’essence de rose constitue une des principales branches de l’industrie nationale bulgare. La vallée de Kezanlyk, surnommée à si juste titre la vallée des Roses, est le centre de cette production, qui s’étend
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- quoique pou à Carlovo et aux villages des alentours, abrités contre les vents du nord par l’immense chaîne des Grands-Balkans.
- En 1885, la fabrication de l’essence de rose a donné, pour ces localités prises ensemble, 1650 kilogrammes, représentant une valeur commerciale de 1100000 francs.
- Aussi la population du rayon dont il s’agit, est-elle en général dans une situation prospère. On compte en outre à Kezanlyk plusieurs grands négociants qui s’occupent presque exclusivement de ce commerce d’essence parfumée, et qui sont en relations directes avec les premières usines de parfumerie et de savonnerie d’Europe. Une forte maison allemande de Constantinople a depuis longtemps établi à Kezanlyk une agence permanente qui, toute l’année, ne s’occupe que de récolte, de distillation, d’achats partiels, d’avances aux petits cultivateurs, etc. Une autre maison de Stamboul entretient aussi depuis de longues années un représentant spécial : c’est un chimiste fort compétent dans l’industrie de l’essence de rose, industrie qui n’est pas sans présenter des difficultés sérieuses. D’abord, l’article distillé avec le plus de soin est rarement pur; ensuite, maints producteurs de second ordre ont le tort de frelater leur marchandise en vue d’en augmenter la quantité par le mélange d’huile de géranium, d’alcool ou d’autres substances étrangères. Il s’agit de savoir analyser et établir le degré de sophistication et, partant, la valeur commerciale.
- Dans ces dernières années, les paysans de la vallée de la Stréma et de celle de la Toundja, au pied des monts lîhodopes, se sont mis à cultiver également le rosier. Us v ont été conduits par la prospérité relative des villageois du district de Kezanlyk. Mais on ignore encore si l’essence extraite des roses venues dans ces deux contrées est d’aussi bonne qualité que celle que donnent les arbustes élevés dans l’immense bassin méridional des Balkans.
- M. Stamboulof, ministre de l’inférieur, n’a pas perdu de vue ce problème si intéressant pour l’accroissement de la richesse du pays. Sur son initiative personnelle, un décret princier autorise, à défaut de prévision budgétaire ad hoc, l’ouverture d’un modeste crédit, destiné à l’achat d’une certaine quantité d’essence de rose provenant, de la culture faite dans les deux vallées susmentionnées. Sur l’avis conforme du conseil médical de Sophia, qui est en rapport constant avec le personnel de l’Université de Moscou, cette quantité d’essence de rose sera expédiée au laboratoire de l’Université russe, afin d’y être analysée. Le résultat de l’analyse sera publié dans les principaux journaux de Russie et d’Occident.
- LE PREMIER YOYÀGE AÉRIEN
- RACONTÉ PAR BENJAMIN FRANKLIN
- [ DOCUMENT INÉDIT)
- 11 nous a été donné récemment d’enrichir notre collection aérostatique d’une lettre inédite de Benjamin Franklin. Cette lettre a été écrite en 1785 à Joseph Banks, président de la Société royale de Londres, au sujet de la première ascension par ballon monté libre, exécutée au jardin de la Muette, par Pilâtre de Rosier et le marquis d’Arlandes, le 21 novembre 1785 U Franklin,
- 1 Cette pièce historique provient des Archives de J. Banks, dont las papiers ont été vendus à Londres au mois de janvier 1886. Nous en avons fait l’acquisition par l’intermédiaire de M. Eugène Charavay fils, expert en autographes.
- qui habitait alors à Passy, a pu suivre toutes les phases de cette mémorable expérience: la lettre que l’on va lire est un document précieux au point de vue historique. Elle est écrite en anglais, nous en publions la traduction. On va voir qu’elle est remarquable tant au point de vue des appréciations scientifiques, que delà forme humoristique dont le philosophe américain avait le secret. Nous accompagnons cette lettre de quelques notes qui donneront au lecteur les explications nécessaires pour la bien apprécier ; nous y joignons enfin, deux gravures de notre collection : l’aspect de la première montgolfière montée (fig. 1) et un beau portrait de Franklin (fig. 2). Ce portrait montre le savant au moment où il considère le carillon électrique. Le paratonnerre, dont la découverte eût suffi à immortaliser son nom, est figuré au fond du dessin. G. T.
- Monsieur le baron Joseph Banks,
- Président de la Société royale, Londres
- Passy, 21 novembre 1785.
- Cher monsieur,
- J’ai reçu votre amicale lettre du 7 mars, et suis heureux de voir que mes récits touchant l’expérience aérostatique, aient paru vous intéresser1. Mais comme on a déjà publié et que l’on va encore publier, avant votre mémoire, un rapport plus complet sur la construction et le maniement de cette machine, comme les extraits pourraient en être faits d’une manière plus précise, par conséquent plus satisfaisante, je pense qu’il est préférable de ne pas imprimer mes lettres. Je dis cela en réponse à votre question : car je ne les ai certainement pas écrites en vue qu’elles fussent publiées.
- M. Faujas de Saint-Fond m’a appris hier qu’un livre sur ce sujet, attendu depuis longtemps, va paraître dans quelques jours ; je vous en enverrai un exemplaire 2.
- Ci-incluse une copie du procès-verbal de l’expérience faite hier dans le jardin de la Reine, au palais de la Muette, résidence actuelle du Dauphin et à laquelle j’étais présent, car ma demeure se trouve tout à côté5. Cette pièce ayant été dressée à la hâte, pourrait vous paraître obscure en plusieurs endroits, c’est pourquoi je vais y ajouter quelques observations explicatives. Le ballon expérimenté à la Muette était plus grand que celui qui s’est enlevé de Versailles avec un mouton, etc.4; son appendice était
- 1 Dans les lettres antérieures, B. Franklin parle assurément d’une des premières expériences aérostatiques faites à Paris ou à Versailles, au moyen de ballons libres. Ces expériences avaient excité la curiosité de l’Europe entière; on ne savait pas quel était le secret de l’aéronautique naissante, et on était avide de détails et de renseignements à ce sujet.
- 2 U s’agit de l’ouvrage intitulé Description des expériences de la machine aérostatique de MM de Montgolfier.
- 3 Ce procès-verbal très succinct a été publié : il a été dressé an château de la Muette après le départ exécuté par Pilâtre de Rosier et le marquis d’Arlandes dans une montgolfière ou ballon gonflé d’air chaud. Il est signé : duc de Poli— gnac, duc de Ruines, comte de Polastron, comte deVaudreuil, d’Uunaud, Benjamin Franklin, Faujas de Saint-Fond, Belisle, Leroy, de l’Académie des sciences.
- 4 Le ballon à air chaud enlevé à Versailles la 19 septem-
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- LA NATURE.
- ouvert et au milieu de cet appendice on avait fixé une espèce de panier en grillage dans lequel on alluma de petits fagots et des hottes de paille. L’air, raréfié en passant ainsi au travers de cette flamme, gonfla le ballon et le remplit.
- Les personnes qui prirent place dans la galerie faite d’osier1 et attachée en dehors, près de l’appendice, avaient chacune devant elle une ouverture qui leur permettait de jeter des bouchons de paille dans le foyer pour entretenir la flamme et conserver le ballon plein. Quand il est passé au-dessus de nos tètes, nous pouvions voir le feu qui était très considérable. A mesure que la flamme diminue, l’air raréfié se refroidit et se condense, le volume du ballon diminue et il commence à descendre. Si les personnes dans la galerie s’aperçoivent qu’elles vont tomber dans un endroit défavorable, elles peuvent, en jetant de la paille, ranimer la flamme, s’élever de nouveau et le vent les porte plus loin.
- La machine poussée par le vent s'est dirigée sur une des allées du jardin^, c’est-à-dire contre les arbres d’une des avenues. La galerie s’accrocha dans les branches supérieures de ces arbres qui venaient d’être coupées et étaient très dures, tandis que le corps du ballon se penchait au delà et semblait devoir se renverser. J’étais alors très inquiet sur le sort des voyageurs, craignant de les voir tomber par-dessus ou brûlés, car le ballon n’étant plus
- bre 1785, élait muni d’une cage dans laquelle on avait enfermé un mouton, un canard et un coq. Voy. Histoire des battons, par Gaston Tissandier. (Launetleet Cic, éditeurs).
- 1 Le marquis d'Arlandes et Pilàtre de Rosier.
- a Les passages soulignés dans la lettre de Franklin, et imprimés en italique dans notre traduction, reproduisent exactement le texte du procès-verbal.
- droit, la flamme pouvait embraser intérieurement l’étoffe (jui se trouvait juste penchée dessus. Mais, au moyen de cordes qui s’y trouvaient encore fixées, on put bientôt redresser l’aérostat, le faire descendre et le remettre en place : il était toutefois très endommagé.
- Planant sur l'horizon. Quand ils se furent élevés à la hauteur qu’ils voulaient, les voyageurs firent moins de flamme et laissèrent la machine marcher horizontalement avec le vent, qu’ils ne sentaient . que très peu, comme ils allaient avec lui et aussi
- vite. Ils disent qu’ils ont eu une vue magnifique de Paris et de ses environs, le cours du fleuve, etc. Mais à un moment ils se trouvèrent perdus, ne sachant plus au-dessus de quel point ils se trouvaient ; c’est en apercevant le dôme des Invalides qu’ils purent se reconnaître. Probablement que pendant qu’ils étaient occupés à entretenir le feu, la machine avait tourné, et, comme disent les Français, ils étaient désorientés.
- Il y avait une grande affluence de gens de condition dans le jardin de la Muette. Tout le monde était enchanté que tout se fût passé si gaiement et applaudissait en battant des mains, mais il y avait en môme temps une grande inquiétude pour la sécurité des voyageurs.
- Une foule nombreuse dans Paris a vu le ballon passer, mais personne ne savait qu’il y avait des hommes dedans, car il était monté si haut qu’on n’aurait pas pu les apercevoir.
- Développant du gaz. Ce qui en bon anglais signifie brûlant plus de paille; car bien qu’on semble vouloir faire un mystère au sujet de cette espèce d’air dont le ballon est gonflé, je suppose que c’est
- Fig. 1. — Vue de la terrasse de M. Franklin, à Passy. — Premier voyage aérien exécuté par Pilàtre de Rosier et le marquis d’Arlandes, le 21 novembre 1783, du jardin de la Muette à la r>utte-aux-Cailles. (D’après une gravure du temps.)
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- simplement de la fumée chaude ou de l’air raréfié ordinaire, quoique toutefois ie puisse me tromper l.
- Ayant encore dans leur galerie les deux tiers
- de leur approvisionnement ; c’est-à-dire leur provision de paille dont ils avaient emporté une grande quantité. 11 est heureux que dans la précipitation d’une expérience si hasardeuse, et par suite d’une
- Fig. 2. — l'orlrail de Benjamin Franklin, d’après une ancienne gravure.)
- fausse manœuvre, le feu ne se soit pas mis à la
- 1 Franklin ne se trompait pas dans son appréciation. Les l'rcres Monlgollier n’avaient pas, à l'origine, expliqué le principe tic l’ascension des ballons à air chaud.
- paille, bien que chacun se fût précautionné d’un seau d’eau en cas d’accident.
- Un de ces courageux savants, le marquis d’Ar-landcs, me fit l’honneur de venir me voir le soir
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- même après l’expérience, avec M. de Montgollîer l’habile inventeur. J’étais heureux de le voir sain et sauf. Il me dit qu’ils avaient atterri doucement sans choc et que le ballon avait été très peu avarié.
- Cette méthode employée pour goniler un ballon avec de l’air chaud est expéditive et peu coûteuse, et suffit pour bien des usages, comme par exemple : enlever un officier pour lui permettre d’observer une armée ou des travaux ennemis, se mettre en communication avec une ville assiégée, faire des signaux avec des endroits éloignés, etc.
- L’autre méthode qui consiste à gonfler un ballon avec du gaz hydrogène et le fermer, est une opération longue et très coûteuse. Nous allons cependant voir une ascension de ce genre dans quelques jours s. C’est un globe de 26 pieds de diamètre, les côtes dont il est formé sont en soie rouge et blanc du plus bel effet. On y suspendra un char triomphal très élégant dans lequel prendront place MM. les deux frères Robert, hommes de grand mérite, qui l’ont construit de concert avec M. Charles5. Il y a place dans ce char pour une petite table, qu’ils fixeront entre eux et où ils pourront tenir leur journal, prendre note de toutes leurs observations, et de l’état de leur thermomètre, baromètre, hygromètre, etc., ce qu’ils pourront faire bien plus facilement que les autres, n’ayant pas defeu à entretenir. Ils disent aussi qu’ils ont un système qui leur permettra de descendre à volonté, mais je ne sais pas ce que c’est4. On dit que le prix de cette machine, gonflement compris, dépassera 10 000 livres.
- Ce ballon qui n’a que 26 pieds de diamètre, étant gonflé avec de l’air dix fois plus léger que l’air ordinaire, peut enlever un poids bien plus considérable que l’autre, qui, bien qu’énormément plus grand, était gonflé avec un air qui ne pouvait pas être plus de deux fois plus léger à peine. En somme, le grand volume de l’une de ces machines pour une expérience d’une durée si courte, et la grande dépense du gonflement de l’autre, entraveront beaucoup l’emploi de ces inventions, tant que la chimie n’aura pas trouvé le moyen de produire un air léger à moins de frais.
- Mais la rivalité entre les deux partis est si grande, que le perfectionnement dans la construction et le maniement des ballons a déjà fait un progrès rapide; personne ne peut dire jusqu’où il peut aller. Il y a quelques mois seulement, on aurait trouvé aussi impossible que ridicule, l’idée de voir des sorcières montant dans les airs sur un manche à balai, que des savants sur un sac de fumée. Ces machines sont toujours soumises au courant des airs. Peut-être la mécanique trouvera-t-elle le moyen de leur per-
- 1 Étienne de Montgolfier, qui seul était à Paris.
- 2 II s’agit de l’ascension que préparait le physicien Charles avec le concours des frères Robert. Cette ascension, dans le premier ballon à gaz hydrogène, eut lieu le 1er décembre 1783.
- 5 II n’y eut de place dans la nacelle que pour Charles et un seul des frères Robert.
- 4 Emploi de la soupape et du lest.
- mettre de se mouvoir progressivement en temps calme et de tenir un peu tête au vent.
- Je suis fâché que ces expériences soient totalement négligées en Angleterre où le génie de la mécanique est si puissant, et je voudrais voir entre les deux nations la même émulation que celle qui existe ici entre les deux partis. Vos savants paraissent trop timides. Dans ce pays nous ne craignons pas qu’on se rie de nous. Si nous faisons une chose folle, nous sommes les premiers à en plaisanter, et nous sommes aussi contents d’un bon mot ou d’une bonne chanson qui ridiculise bien l’insuccès d’un projet, que nous pourrions l’être de sa réussite.
- Il ne me semble pas que ce soit un bon raisonnement que de se refuser à poursuivre une nouvelle expérience propre à augmenter la puissance de l’homme sur la matière, tant que nous n’avons pas pu nous rendre compte de l’usage auquel cette puissance aura pu s’appliquer. Quand nous aurons appris à nous en servir, nous devons espérer en trouver l’emploi un jour ou l’autre, comme des hommes l’ont fait pour le magnétisme et l’électricité qui, dans le début, n’étaient que matière à amusement.
- Cette expérience de la Muette n’est certes pas insignifiante. Elle peut avoir des conséquences dont nul ne saurait prévoir l’importance. Nous ne devrions pas souffrir que l’orgueil puisse arrêter nos progrès.
- Des êtres de condition bien supérieure à la nôtre n’ont pas dédaigné de faire et de lancer des ballons, autrement nous n’aurions jamais joui de la lumière de ces glorieux corps qui règlent nos jours et nos nuits, et nous n’aurions pas eu le plaisir non plus de tourner nous-mêmes autour du Soleil sur le ballon que nous habitons aujourd’hui.
- Veuillez me croire, cher monsieur, avec mes sentiments de grande et sincère estime, votre très obéissant et très humble serviteur1.
- B. Franklin.
- LES TRAITS ÉLASTIQUES
- DANS L’ATTELAGE DES CHEVAUX
- Les traits des chevaux attelés à des véhicules sont habituellement formés par des cordes de chanvre, des lanières de cuir, des chaînes de fer, tous liens d’une faible élasticité. Les expériences faites par M. Marey en 1868 et communiquées au Congrès de VAssociation française pour Vavancement des sciences tenu à Lille en 1868 confirment les faits signalés par M. Celler, ingénieur en chef des ponts et chaussées, ingénieur en chef de la construction des chemins de fer de l’Etat, dans une note
- 1 Cette lettre est accompagnée du post-scriptum suivant : Le procès-verbal dont vous entretient cette lettre, est parti par le dernier courrier. J’ai maintenant le livre dont je vous parlais, mais comme il est trop gros pour envoyer par la poste, j’essaierai de vous le faire parvenir par le courrier du duc de Manchester qui s’en va habituellement les jeudis. Je vous remets ci-incluse une des gravures qui représente parfaitement le dernier grand ballon et vous pourrez la remettre à sa place quand vous aurez reçu le livre. Signé : R. L.
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- publiée par les Annales des ponts et chaussées, et qui présente, à noire avis, le plus grand intérêt.
- M. Celler se demande — en répondant affirmativement — s’il n’y aurait pas quelque avantage à rendre les traits plus élastiques, en introduisant au besoin un ressort dans le harnachement des chevaux de trait. Cette élasticité ne pourrait-elle adoucir la secousse que subissent les animaux, et même diminuer les efforts violents qu’ils ont à exercer lorsqu’il s’agit de mettre en mouvement, de faire démarrer de lourds fardiers, des omnibus, des voitures de tramway ou des wagons de manœuvre dans les gares de chemins de fer?
- Ces avantages ont été reconnus par une expérience de six années faite sur les chemins de fer de l’Est. Depuis six ans, un ressort à boudin a été adapté aux chaînes sur lesquelles tirent les chevaux employés à la manœuvre des wagons dans la gare de l’Est, et les résultats ont paru, dès le début, si satisfaisants que la mesure a été généralisée et appliquée à toutes les gares du réseau, dès que l’on a été fixé, par quelques essais préalables, au sujet de la force et des dispositions du ressort.
- Par sa durée, l’expérience a donc été très concluante. On a observé notamment une grande diminution dans le nombre des ruptures de chaînes sous l’effort des chevaux, ce qui démontre qu’avec des traits élastiques, cet effort est plus mesuré, moins saccadé, et que les chevaux sont ainsi à l’abri des secousses violentes auxquelles les exposent la brutalité des charretiers et leur propre instinct quand ils ont a vaincre un obstacle dont ils ne peuvent mesurer la résistance.
- M. Celler expose ainsi dans toute sa simplicité la solution d’une question si importante pour les industriels, commerçants qui utilisent la plus noble conquête de l’homme sur la nature, et ont tout intérêt à la ménager et à l’utiliser le mieux possible, aussi sommes-nous heureux de répondre au vœu formulé par M. Celler à la fin de sa note, en contribuant, dans la mesure de nos moyens, à propager et à vulgariser l’application d’un procédé aussi simple qu’utile et efficace. E. H.
- CAUSERIE PHOTOGRAPHIQUE
- Le révélateur à la pyrocatéclilne. — A?OÎCl encore un nouveau produit qui donne, paraît-il, de bons résultats comme révélateur, et que M. Benoist, professeur de physique et de chimie au lycée de Toulouse, a récemment signalé a M. Léon Vidai.
- L’emploi de l’hydroquinone, comme révélateur, m'a suggéré l’idée d’essayer dans les mêmes conditions son isomère la pyrocatéchine. Je lui ai trouvé un pouvoir révélateur du même ordre, mais avec quelques avantages de plus. La pureté et l’harmonie des clichés sont plus grandes qu’avec l’hydroquinone. Mais le fait important, c’est que le liquide révélateur à base de pyrocatéchine (même composition que pour l’hydroquinone, avec un peu de sulfite de soude) peut se conserver très longtemps à l’air libre sans coloration, ni précipité, ni diminution sensible du pouvoir révélateur; en flacons bouchés, la conservation est indéfinie comme pour l’hydroquinone. Mais cette dernière, exposée à l’air libre, noircit complètement en moins d’une journée, et perd son pouvoir révélateur. Cet avantage de la pyrocatéchine a bien son importance. Son inconvénient actuel est son prix assez élevé (1 fr. 50 le gramme). Mais comme sa préparation
- n’offre aucune difficulté particulière (par transformation du phénol, par exemple) il est certain que son prix tomberait très bas dès qu’elle trouverait en photographie un important débouché. D’un autre côté, certains procédés de préparation de l’hydroquinone ou de la pyrocatéchine les donnent mélangées : on pourrait donc utiliser ce mélange, dont le prix serait évidemment inférieur à celui des deux substances isolées.
- Dangers des préparations de plioto-poudre.
- — Un emploie beaucoup les nouvelles poudres, éclair magnétique, photo-poudre, etc., qui servent à faire les photographies de nuit1. La préparation de ces mélanges est parfois dangereuse, comme le montre un terrible accident dont VAmateur photographe parle dans les termes suivants :
- Nous avions grandement raison de mettre nos lecteurs en garde contre les dangers qui les attendent s’ils veulent préparer eux-mêmes le mélange éclairant de Godicke et Miethe qui renferme, comme on sait, du chlorate de potasse, corps éminemment détonant. Les journaux américains nous annoncent la mort de M. Richardson qui, en préparant un mélange contenant du magnésium, de l’acide picrique et du chlorate de potasse, a provoqué une explosion qui a déterminé des brûlures de la face, des mains, la perte de l’œil gauche. Le blessé a succombé peu de jours après. Il faut avouer, du reste, qu’il avait réuni deux des substances les plus dangereuses à manier et il était impossible que, lors de la trituration, même faite avec les plus grandes précautions, il ne se produisît pas une explosion. Du reste, M. W. Bishop, à la Société photographique de Londres-Nord, a indiqué le procédé suivant, qui consiste à projeter du magnésium pur en poudre, sans aucun mélange, sur la flamme de deux lampes à alcool placées l’une près de l’autre. Pour cela, un flacon renfermant la poudre de magnésium est placé près d’une des flammes. Il est obturé hermétiquement par un bouchon dans lequel passent deux tubes de verre, l’un plongeant dans la poudre, l’autre affleurant l’extrémité inférieure du bouchon et recourbé à angle droit, communiquant avec un tube et une poire en caoutchouc. En opérant sur cette dernière une pression énergique, la poudre passe dans le tube plongeur qui, par un coude, la pousse sur la flamme. On obtient ainsi sans danger la lumière instantanée et éclairante. La seconde flamme assure la combustion parfaite du magnésium.
- On peut aussi employer les mélanges de chlorate de potasse et de magnésium, mais il faut les préparer avec précaution, et sans soumettre la matière à un frottement brusque ou a un choc.
- Manière de se photographier soi-même. —
- Un amateur habile nous adresse à ce sujet l’intéressante notice qui suit :
- Au point de vue d’une surprise à faire, mais surtout dans un but artistique tel que le mouvement à choisir pour un personnage dans un tableau ou une étude de vie, il peut être amusant, utile même pour l’artiste, de se photographier soi-même, sans le secours d’aucun aide. On étudie ainsi bien plus tranquillement le sujet à adopter dans tel ou tel projet de tableau.
- Voici comment je mets en pratique cette méthode.
- J’adapte à mon objectif une planchette percée qui l’étreint à frottement doux ; elle est munie d’un volet A
- 1 Voy. n° 770, du 3 mars 1888, p. 222.
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- LA N A TU II K.
- fig. 1) formé par une simple carcasse de fil de fer, le tout est garni de velours noir et se ferme exactement sous l’action d’un caoutchouc C fixé par un bout au levier B qui est dans le plan du volet, et par l’autre bout à un piston D fiché dans les planchettes support de l’objectif. En ouvrant le volet de «10° à 120° il retombe en claquant dès qu’on l’abandonne. Pour manœuvrer ce volet tout en posant devant l’appareil, je me sers d’une ficelle qui part de ma main, cachée autant que possible, passe sous la plante de mon pied, rampe à terre, passe dans un piton fixé au bout inférieur du trépied d’appareil, remonte le long de ce trépied, passe dans un piton large E fixé à la planchette porte-objectif et se termine par une boucle. Le volet du côté opposé au caoutchouc de fermeture porte en prolongement de sa carcasse un bras G prolongeant le plan du volet F. La boucle de la ficelle se passe sur le bout de ce bras dont la longueur est telle que la ficelle échappe quand le volet est par trop ouvert ; aussitôt la boucle échappée, il se referme.
- Si ma pose me permet de regarder l’objectif, la manœuvre est faite, je vois bien quand, en tirant sournoisement la ficelle, la lentille est découverte, je m’arrête là, et quand la pose est finie, je tire encore sans remuer le bras ; la boucle échappe alors.
- Mais si je veux poser de dos comme dans la photographie reproduite ci-contre (fig. 5), je dois recourir à un avertisseur bruyant, une petite sonnette qui tintera quand l’objectif sera découvert par suite de la traction de la môme ficelle. Voici alors ce que j’ajoute au dispositif précédent. Un fort fil de fer coudé en palette, en M (fig. 2), en face du bout du levier de manœuvre G, oscille entre deux plaquettes percées, fixées, elles aussi, sur la planchette porte-objectif, de façon à pouvoir toujours abaisser ou élever celui-ci, si le sujet l’exige. Ce fil de fer axe HH' est terminé par un levier I portant à son extrémité une petite sonnette bien adhérente et non pendue. A l’autre bout il est recourbé en K sur lui-même, de façon à empêcher un mouvement trop
- relevé de la palette. Un caoutchouc L fixé d’un bout à la chambre noire, de l’autre, à 5 centimètres du point de rotation II', est disposé de telle sorte qu’il soit dans le prolongement de la partie N quand la palette est dans la position moyenne, soit à environ 45° de la verticale; au delà et en deçà de ce point, ce caoutchouc agit soit pour relever la palette , soit pour la faire frapper contre la chambre, choc qui détermine le tintement de la sonnette. En ajustant ces diverses pièces suivant la dimension de la chambre, la position de l’objectif, etc., on arrive assez facilement par tâtonnement, ou la malléabilité des fils de fer, à obtenir que la palette soit projetée sur la chambre quand l’objectif vient de se découvrir. Aussitôt le tintement entendu, il faut arrêter la traction, car les inégalités du terrain, l’élasticité de la ficelle, sont cause que le volet sera un peu plus relevé
- qu’on ne le croit réellement et il reste peu de traction à faire pour amener le déclenchement de la boucle de la ficelle. On pourrait donc être victime d’une fermeture anticipée.
- Si maintenant on veut opérer avec pose instantanée, le système devra être d’un autre genre, car ce que nous indiquons là entraîne forcément une pose de quelques secondes puisque l’objectif est découvert pendant un temps indéterminé avant l’action de la sonnerie, et qu’il faut un autre temps indéterminé pour se refermer. Mais nous savons que l’excès de pose est un bien dont on peut tirer un excellent parti en développant le cliché petit à petit.
- On voit par le spécimen que nous publions (fig.3) queM. B.deC... a parfaitement réussi à se photographier lui-même dans la position d’un chasseur à l’affût. Son appareil était derrière lui; il avait fait.au préalable,la mise au point avec un objet quelconque dont il a pu prendre la place. Il y a là un nouveau sujet d’intérêt et d’amusement pour les amateurs. G. T.
- Fig 1 et 2. — Dispositif employé par M. B. de C... pour ouvrir et fermer un objectif à distance.
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- LA SCIENCE PRATIQUE
- Bobine pour rouler les bandes. — Ce petit appareil (fig. 1) constitue assurément une bien modeste invention, mais on nous demande de le faire connaître, parce qu’il a déjà rendu des services à quelques dames de VAssociation des dames françaises, association qui constitue, comme on le sait, une admirable société de secours aux militaires blessés ou malades en cas de guerre. Nos lectrices qui s’occupent d’œuvres de secours reconnaîtront immédiatement qu’il est plus vite et mieux fait, et moins fatigant, de rouler des bandes avec cette petite bobine qu’avec les doigts. L’aiguille enfilée sur les deux supports de bois que montre notre figure, est de section carrée afin que le premier tour de la bande tienne mieux, et elle va en dégrossissant du manebe à la pointe afin que la bande roulée serrée puisse être retirée facilement. Cette aiguille se termine à angle droit ; elle est munie d’une poignée qui sert de manivelle. Ce petit appareil a été construit par notre collaborateur, M. de San-derval, qui l’avait imaginé pour des dames de l’Association alors qu’elles envoyaient au Tonkin des monceaux de bandes de pansement. Nous sommes heureux de le signaler puisqu’il nous aura donné l’occasion de parler des Dames françaises.
- Comme l’a dit M. Jules Simon à l’une des dernières réunions de l’Association : « On peut dire qu’en même temps qu’on travaille à l’art de blesser et de tuer, on travaille aussi à l’art de guérir... » Quand la guerre viendra, l’honorable orateur a montré qu’il ne fallait guère compter sur les hommes pour soigner les blessés... « Les hommes, il n’y en aura pas. Tous seront occupés à tuer; il faudra donc que la femme s’occupe à panser. » On a dù songer à aller chercher les dames, ou du moins
- elles se sont offertes elles-mêmes et Y Association des dames françaises a été créée1.
- JLampe à pétrole, sans -verre. — Cette lampe (fig. 2) est fort peu connue en France, quoiqu’elle se construise depuis plusieurs années en
- Amérique et qu’elle se trouve assez répandue aux colonies. C’est du Tonkin, où elle est très employée, que nous arrive celle que nous possédons, et nous croyons bon de la signaler à nos lecteurs, car elle a de réelles qualités, dont les principales sont de ne pas employer de verre et de dégager peu de chaleur. Afin d’avoir un tirage suffisant qui active la combustion, maigre l’absence de toute cheminée, on a employé un artifice ingénieux qui consiste à placer dans le pied de la lampe un mouvement d’horlogerie dont le dernier mobile, ou volant, animé d’une très grande vitesse, a la forme d’une petite hélice. La lampe est munie d’une double enveloppe; l’air mis en mouvement par l’hélice circule dans l’espace vide et vient s’échapper par le bec (semblable à celui des autres lampes à pétrole) en entourant complètement la mèche. Lorsqu’on allume la lampe sans mettre le mouvement d’horlogerie en action, on a la lumière rougeâtre et fumeuse de toutes les lampes sans cheminée d’appel; mais aussitôt qu'on met l’hélice en mouvement on voit la flamme s’étaler en un large papillon et devenir d’un blanc éclatant. Le mouvement d’horlogerie marche pendant dix heures; on n’a donc jamais à s’en occuper pendant que la lampe est allumée. Un globe en verre dépoli peut se placer autour de la flamme pour diffuser la lumière quand on veut s’en servir comme lampe de travail. Ce système pourrait être utilisé avantageusement, croyons-nous, pour les lanternes à projection et pour la télégraphie optique, surtout si l’on
- 1 L'Association des Dames françaises a son siège, boulevard des Capucines, 24, à Paris.
- Fie. 1. — Petit appareil pour enrouler les bandes de pansement.
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- remplaçait le courant d’air par un courant d’oxygène pur. La mèche, dans ce cas, devrait être faite d’une substance incombustible telle que l’amiante. Cette lampe aurait certainement du succès si on pouvait se la procurer plus facilement. Celle qui nous a été envoyée du Tonkin par le docteur Mareschal est actuellement entre les mains de M. Mercadier qui voudra bien la soumettre à des mesures photométriques. G. M.
- CHRONIQUE
- Eclairage électrique «les trains sous les tunnels. — 11 a été fait, sur le chemin de fer métropolitain de Glasgow, une application intéressante de l’électricité pour l’éclairage des voitures sous les tunnels. A cet effet, le courant d’une machine dynamo-électrique placée à demeure est amené aux véhicules du train au moyen d’un rail central qui règne seulement sur la longueur des tunnels. Ce rail formé par un T posé sur des supports isolateurs est tixé sur les traverses mêmes de la voie, ce qui le maintient à la même hauteur au-dessus des rails ordinaires. Deux poulies de contact sont fixées au châssis de chaque voiture et viennent affleurer le niveau du rail central. Elles sont en acier fondu et montées de manière à pouvoir prendre un léger déplacement dans le sens vertical. Le passage du courant du rail central à la voiture est ainsi assuré dans de bonnes conditions. Les rails ordinaires servent de fil de retour.
- Hécouverte du platine dans l’atmosphère solaire. — Les professeurs Hutchins et Holden, de l’Université Harvard (Etats-Unis), viennent de reprendre, par de nouvelles méthodes et avec de nouveaux instruments, l’étude de l’atmosphère solaire, afin, surtout, de déterminer exactement la nature des éléments simples qui existent dans cette atmosphère. Le résultat de ces travaux, dit le journal Ciel et Terre, montre que cette détermination ne peut se fonder sur la coïncidence de deux ou trois raies communes avec celles du spectre d’un élément donné. Ils sont donc arrivés à rayer de la liste quelques-uns des corps simples considérés comme faisant partie de l’atmosphère solaire. En revanche, ils y ont découvert un nouvel élément, le platine, qui en avait été considéré jusqu’aujourd’hui comme absent.
- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 26 mar.y 1888. — Présidence de M. Janssex.
- La nébuleuse des Pléiades.—Déjà nos lecteurs saven t que la photographie du ciel a révélé à MM. Henry l’existence, dans la constellation des Pléiades, d’une nébuleuse qu’on n’avait pas encore soupçonnée. Dans une note présentée par M. l’amiral Mouchez, les auteurs-reviennent sur cet intéressant sujet et donnent de nombreux détails sur l’allure de cet amas cosmique. La nébuleuse en question constitue plusieurs masses dont la plus volumineuse enveloppe les plus grosses étoiles de la constellation. Il en part un très mince filet lumineux presque rectiligne, de quarante minutes d’arc de longueur et de trois secondes seulement de largeur, comprenant sept étoiles qui ont l’air d’être enfilées comme des grains de chapelet. Un autre filet brillant se voit dans l’intérieur de la masse nébuleuse et enfile de même trois étoiles. Ces faits sont si nouveaux et si étranges qu’on pourrait craindre des
- illusions, si la photographie qui exige, pour le dire en passant, quatre heures de pose, n’avait été faite quatre fois, toujours avec le même succès.
- Moteur électrique. — M. le capitaine Krebs vient de réaliser, en vue d’un bateau sous-marin, un moteur électrique qui, d’après la description de M. Mascart, possède des propriétés très remarquables. Il est actionné par 564 accumulateurs pesant ensemble un peu moins de 10 000 kilogrammes, et il peut développer 52 chevaux-vapeur pendant plus de quatre heures et demie. Cela correspond sensiblement à 10 ampères-heures par kilogramme total et le rendement effectif s’élève à 65 pour 100. La machine dont l’Académie a sous les yeux une photographie est à douze pôles et quatre balais disposés de telle sorte que, par une simple manette, on peut faire entrer en fonction l’une ou l’autre paire relative à la marche en avant ou à la marche en arrière.
- Nouveau bain de mercure. — On sait que dans un certain nombre de cas et spécialement pour faire des observations nadirales, les astronomes observent des images réfléchies à la surface d'un bain de mercure. M. Pe-rigaud vient de perfectionner beaucoup cet appareil. Comme il le construit maintenant, c’est une cuvette portant sur la circonférence de son fond plat une rigole annulaire. On y fait arriver du mercure à l’aide de l’encrier-poinpe de M. Villarceau et on s’arrange de façon à en laisser la moindre quantité possible. Dans ce cas les images sont admirables de netteté et les vibrations telles que celles qui résultent du passage des voitures ne les troublent pas. D’après les remarques de M. Wolf, ces faits démontrent que le mercure est capable d’une certaine viscosité comparable, à l’échelle près, à celle de l’eau de savon. De même que celle-ci se met en lame dans un anneau qu’elle peut mouiller, de même le mercure s’étend dans l’anneau que constitue le mercure lui-même contenu dans la rigole annulaire de la cuvette.
- Oursins primaires. — Les terrains primaires de la Belgique ont fourni ’a MM. Dollo et Puisserave les plus anciens oursins connus jusqu’ici. Ils en font le genre Koninckocularis. Comme certains échinides recueillis récemment dans les sondages en mers profondes, ils présentent des plaques imbriquées les unes sur les autres, dont la disposition devait leur donner une certaine mobilité relative. Le nombre des plaques est remarquablement élevéles : aires ambulacraires en renferment sept rangées.
- s L'azote et la terre végétale. — D’après MM. Gauthier et Lemoine, la terre végétale fixe l’azote de Pair quand elle renferme des matières organiques. La végétation des graines augmente considérablement la proportion du gaz fixé qui peut atteindre 200 kilogrammes à l’hectare.
- La faune des Açores. — II ressort des études de M. de Guerne que la faune des Açores, qu’il vient de porter à 160 espèces au lieu de 60 que l’on connaissait jusqu’ici, a des rapports évidents avec celles des pays les moins éloignés et ne constitue pas du tout, comme on l’avait supposé, un ensemble indépendant. L’auteur a recherché les procédés par lesquels les migrations animales ont pu parvenir jusqu’à l’archipel et il pense attribuer un rôle prépondérant à cet égard aux oiseaux. Ceux-ci, en eflet, dans la terre retenue à leurs pattes ou dans les poussières qui chargent leurs plumes, peuvent, en peu de temps, apporter de très loin des œufs ou même des animaux tout développés.
- Pouvoir calorique des houilles. — En contrôlant les mesures calorimétriques faites couramment dans l’industrie
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- avec le calorimètre de Thompson, M. Scheurer Kestner j reconnaît qu’en apportant à tous les résultats une correction de 15 pour 100 on leur fait exprimer les qualités ' réelles des houilles. D’après M. Friedel, cette conclusion I est fort importante au point de vue pratique.
- Reproduction des céphalopodes. — De très nombreuses anatomies, M. Sabatier conclut que certains céphalopodes possèdent simultanément deux formes distinctes de spermatozoïdes, les uns à tète en vrille, les autres à tète en filaments, et qui sont originaires de piarties différentes des cellules génératrices. L’auteur se propose de rechercher si ces deux formes ne remplissent pas des fonctions distinctes.
- Surdité. — M. le Dr Boucheron signale un genre spécial de surdité qui dissocie réellement les sons fondamentaux de leurs harmoniques : tantôt les malades, insensibles aux bruits, n’entendent de la voix que le chuchotement et en comprennent le sens ; tantôt, au contraire, le bruit les impressionne, mais il ne présente aucune signification. On pourrait comparer ces faits à ceux que M. Ilelmholtz observait en proférant successivement les voyelles sur une même note, devant un piano ouvert. Si les étouffoirs sont écartés, chaque lettre trouve une corde qui lui répond, mais si les étouffoirs sont rapprochés, le son fondamental seul a de l’écho.
- Géologie du Sahara. — Revenant sur un sujet qui déjà l’a occupé plusieurs fois, M. G. Rolland décrit des coupes qui montrent que dans l’Oued-Ilir, le sol est constitué par des atterrissements pliocènes. Surleur épaisseur, de plus de 100 mètres, ils se répartissent même en deux niveaux superposés et en divers points ils ont été fortement disloqués et redressés. L’auteur les compare aux couches de l’Atlas et à celles du Sahara de Constantine.
- Varia. — M. Lanvy continue l’étude de l’équatorial coudé. — Une déformation j^'ofessionnelle de la main chez les ouvriers verriers occupe M. Poncet (de Lyon). — (Juelques détails sur la comète, en ce moment facilement visible, sont repris par M. Mouchez. — La triangulation de la Corse occupe M. Hait. — M. Berlhelot adresse un Mémoire sur l’absorption des matières salines par les végétaux. Stanislas Meunier.
- LÀ IËCÀNIQUE DES JOUETS
- LES FAMEUX DUELLISTES. -- LE LIVREUR
- Le principe du pendule a déjà reçu un grand nombre d’applications, mais aucune d’elles n’est certainement aussi amusante que celle réalisée par les fameux duellistes, le dernier jouet automatique de l’année... dernière, car l’année présente en a déjà produit un nouveau, plus curieux encore.
- Nous représentons ci-après le jouet des fameux duellistes (fig. 1). Chacun des petits bonshommes est constitué par un véritable pendule, dont l’axe d’oscillation horizontal repose sur la plate-forme en lèr-blanc qui leur sert de plancher de combat. Les mouvements de ces deux pendules sont solidarisés par une manivelle à axe vertical reliée à deux séries de bielles qui les font se fendre et rompre en môme temps. À cet effet, la jambe gauche de chaque adversaire est fixée au corps d’une façon rigide et se
- termine sous le socle par une masse de plomb qui constitue la lentille de ce pendule oscillant. L’impulsion est donnée à l’escrimeur de gauche par l’intermédiaire d’une roue à dix dents mise en rotation par un ressort de caouchouc que l’on remonte à l’aide d’une petite manivelle représentée sur l’extrémité de droite de la boîte dissimulant le mécanisme.
- Le ressort étant remonté de dix à quinze tours, c’est donc 120 à 150 fendez vous que les escrimeurs peuvent produire avant de retrouver des forces nouvelles dans *lc remontage du ressort en caoutchouc. La bielle à axe vertical qui solidarise les mouvements des deux pendules sert aussi à produire l’avancement simultané de la jambe droite et à compléter l’illusion.
- Les deux bras et le sabre de chaque escrimeur constituent eux-mêmes un pendule libre dont l’axe d’oscillation est fixé sur le corps ; leurs mouvements sont produits par le déplacement de l’axe d’oscillation, et l’indépendance de ces mouvements donne ainsi une certaine variété aux coups terribles que se portent les deux adversaires, dont on voit d’ailleurs s’accentuer la lassitude à mesure que le caoutchouc moteur se détend davantage et produit naturellement la fin de chaque reprise.
- 11 arrive même qu’au début de la reprise, emporté par la fureur de l’action, et aussi par l’impulsion trop énergique du ressort, les bras de l’un des adversaires décrivent un moulinet de l’effet le plus comique.
- Si les fameux duellistes méritent des éloges à leur habile et ingénieux fabricant, M. Fernand Martin, que décerner alors à sa dernière création, le livreur, que représente la figure 2? Nous l’avouons sans honte, c’est presque de l’admiration que nous inspire ce petit jouet automatique, et certainement la combinaison cinématique si simple qui résout le problème de faire marcher un automate recevra son application à de nouveaux jouets plus curieux encore que l’avenir tient en réserve.
- Le livreur constitue dans son ensemble (fig. 2, n°l) un jouet automobile présentant l’aspect d’une petite voiture de livraison que l’on rencontre si fréquemment dans les grandes villes, traînée par un homme de peine ou livreur qui effectue tous les mouvements de la marche naturelle et semble traîner la voiture à laquelle il est attelé.
- En réalité, la voiture est poussée, par les roues, comme dans la locomotive routière1 et un certain nombre de jouets automatiques, entraînées elles-mêmes par un volant dissimulé dans le corps de la voiture (n° 2), volant auquel on communique une grande vitesse de rotation à l’aide d’une ficelle enroulée sur une poulie fixée sur l’axe du volant, et que l’on aperçoit (n° 1) au-dessus de la roue de la petite voiture. C’est donc un moteur à puissance vive. La nouveauté et l’originalité résident dans la eonstitu-
- 4 Yoy. n° 552, du 20 décembre 1885, p. 80.
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- LA NATURE.
- tion du bonhomme qui, ainsi poussé par la voiture, 1 marche comme une personne naturelle. Si l’on ana- j lyse la marche, on constate que les mouvements qui | elles se trouvent en regard la constituent
- sont assez complexes : réduite à ses éléments essentiels, et supposant, ce qui est le cas de notre livreur, que l’articulation du genou soit ankylosée, la marche exige que les hanches produisent à la lois le mouvement al ter-natif des jambes d’arrière en avant et d’avant en arrière, tout en raccourcissant la jambe quiseporte en avant, celle qui semble aller en arrière servant à ce moment de point d’appui.
- 11 faut donc obtenir à la fois le mouvement alternatif des jambes et leur raccourcissement par déhanchement. Les numéros o et 4 de la figure 2 montrent comment ce double mouvement est obtenu. A cet effet, le corps du bonhomme invariablement fixé a la voiture supporte deux axes (n° 5), l’un doublement coudé et formant deux manivelles dans le prolongement l’une de l’autre, l’autre tout droit et fixé invariablement au corps du livreur. Les deux jambes sont articulées sur les deux coudes de l’arbre qui leur servent d’axe, et chacune des jambes porte une rainure inclinée, engagée dans le second arbre
- non coudé, et forme ainsi une glissière mobile sur un arbre fixe. Dans ces conditions, tout mouvement d’une jambe dans un sens, est accompagné d’un mouvement de l'autre jambe en sens contraire, ainsi que de son raccourcissement, ce qui permet à une
- Fi<r. 1. — Les fameux duelliste»
- jambe de passer devant l’autre, sans que toutes les deux touchent le sol simultanément au moment où
- Au bout de la course, la jambe qui est en avant s’allonge de nouveau, tandis que la jambe placée en arrière se raccourcit, le pied qui est en avant vient alors toucher le sol tandis que le pied en arrière est soulevé. Le pied en avant devient ainsi le nouveau point d'appui, tandis que l’autre jambe est de nouveau portée en avant en se raccourcissant jusqu’à ce qu’elle se trouve avancée
- Fig. 2. — Le jouet du Livreur. — 1. Ensemble du jouet. — 2. Détail du mécanisme moteur. — ô. Montage des axes qui commandent les mouvements des jambes. — 4. Détail du mouvement des jambes.
- d’une certaine quantité, et ainsi de suite. Ün obtient ainsi la progression du bonhomme, et l’illusion est parfaite.
- Le sol sur lequel le livreur marche ne doit pas être trop lisse. Une table vernie ou cirée ne convient pas. Il faut, en effet, que le pied puisse prendre un point d’appui à la surlace sans glisser, et c’est dans le but de faciliter la prise de ce point d’appui que les talons de ses souliers ont une forme pointue.
- Rien de plus amusant que de voir le livreur traînant sa voiture à pas précipités, au début, et ralentissant son allure à mesure que l’énergie emmagasinée dans le volant diminue avec sa vitesse de rotation. On ne saurait mieux faire que de confier aux enfants de semblables jouets, pour leur inculquer la curiosité et le goût des choses de la mécanique.
- Le propriétaire-gérant : G. Tissandieh. Imprimerie A. Lahure, 9, rue de Fleurus, à Paris.
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- N° 775.
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- LA NATURE.
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- LE PORTRAIT COMPOSITE
- PORTRAIT DE FAMILLE. - PORTRAIT DE RACE
- Quand on parle de ressemblance entre les membres d’une même famille, cela s’entend généralement de celle des visages. Parfois, on l’étend aux mains, puis aux mouvements, aux gestes, aux attitudes, à la manière de parler, etc. C’est le visage qui nous frappe d’abord, et là se borne le plus souvent la comparaison, parce que les autres parties du corps sont cachées par les vêtements. Qui donc s’aviserait de juger de la même façon de la ressemblance entre deux animaux? On compare dans ce
- cas toutes les parties du corps_cl7acune à chacune. C’est ainsi qu’il faudrait procéder avec les personnes pour juger nettement et complètement de leur ressemblance.
- Nous croyons que la ressemblance déjà manifeste dans les visages, tant pour ce qui est des traits fixes qui en limitent les contours qu’en ce qui touche à cet élément essentiellement mobile qu’on nomme la physionomie, et qui est le vrai miroir de l’âme, que cette ressemblance, disons-nous, s’étend à toutes les parties du corps extérieures ou intérieures ; qu’elle doit exister entre les organes semblables tels que les poumons, les estomacs, etc., non seulement pour la forme générale, l’ensemble, l’aspect, mais encore
- Spécimen d’un portrait composite. — Eu haut, sept natives du pied de la montagne Noire dans les Pyrénées. — En bas six individus issus de la race du pays. — Au centre, portrait-type, obtenu avec tous les sujets. (D’après les photographies de M. Arthur Batut.)
- pour les détails, la texture, la constitution anatomique et même les organes élémentaires, cellules, fibres ou vaisseaux. Deux personnes qui se ressemblent sont, pour ainsi parler, des édifices construits sur le même plan et avec les mêmes matériaux, ou, si l’on préfère, des objets coulés dans un même moule qui reproduirait fidèlement toutes les parties de l’objet tant internes qu’externes.
- La ressemblance entre les organes entraîne celle de leurs fonctions, et, par suite, l’hérédité de certaines affections maladives, des idiosyncrasies de goûts, etc. Nous pourrions citer un grand nombre de cas de difformités étranges, de goûts bizarres, d’aptitudes curieuses, transmis, sinon de père en fils, au moins d’ascendants aux descendants. Qu’il 16e innée. — im semestre.
- me soit permis de faire observer, en passant, que Moïse, en menaçant de punir l’iniquité des pères sur les enfants jusqu’à la troisième et quatrième génération ou en faisant miséricorde en mille générations aux Hébreux vertueux, loin d’édicter une loi terrible, n’a fait que constater un fait, même si l’on s’en tient à l’heureuse influence que la pratique du bien exerce sur le corps ou aux funestes conséquences pour le corps d’une existence déréglée.
- Le cerveau n’est pas excepté, et la ressemblance des cerveaux entraîne celle des mouvements, des gestes, des attitudes, des façons de parler et d’agir, des aptitudes, etc. On peut dire que rien ne se manifeste à l’extérieur de l’homme qui ne soit préparé par les éléments anatomiques.
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- La ressemblance n’a pas lieu nécessairement entre les pères ou les mères et leurs enfants, nous devons la comprendre dans un sens plus général. Dans la série des êtres humains qui forment une lignée, un rameau de l’arbre humain, si l’on peut parler ainsi, il existe un type qui se reproduit plus ou moins complètement à des intervalles de temps variables. L’homme, en effet, n’est pas un être isolé; il hérite des qualités et des défauts de ses ancêtres et les transmet à ses descendants, ou plutôt il hérite et transmet des prédispositions, des germes, etc. Parfois les qualités se trouvent réunies dans un individu de la série qui en est l'homme supérieur ; dans d’autres cas, ce sont les défauts qui accablent l’un d’eux, et alors la tin de la série est proche; la branche a été séchée.
- MM. Herbert Spencer et Francis Laiton, de la Société royale de Londres, eurent la pensée de réaliser une moyenne des physionomies d’un groupe humain, et par suite les types des diverses races, ils tirent des sortes d’alliages de visages ayant entre eux une certaine ressemblance, au moyen d’une superposition ingénieuse, traits pour traits, de ces visages, comme on superpose deux figures géométriques dont il s’agit d’établir l’égalité.
- Dans ce but, ils choisirent un certain nombre de personnes se ressemblant. Puis, ayant fait le portrait de chacune d’elles de même grandeur, et dans les mêmes conditions de pose, de tenue et d’aspect, on tira des épreuves sur un papier très transparent. Les portraits furent ensuite empilés comme un paquet de cartes de visite, et de manière que la superposition des visages lut rigoureuse. Le paquet placé entre l’oeil et une lumière vive, on distingue un portrait fusionné ou une moyenne de ces portraits.
- Ou mieux encore, on tire tous les portraits sur la même plaque de verre. Les diverses images se su perposent sans s’altérer mutuellement. On peut alors obtenir une épreuve définitive sur papier qui sera le portrait moyen du groupe.
- Appliquons le procédé a la représentation du type d’une famille; pour cela, nous prenons les portraits des frères et des sœurs qui se ressemblent; on peut même prendre ceux des cousins et des cousines, ou des grands parents, et on réalisera ainsi un véritable portrait de famille. N’allez pas croire qu’un semblable portrait est estompé, que les contours en sont vagues et confus. Non; si l’on n’est pas prévenu, on ne le trouve pas différent d’un autre, et si l’on est prévenu et qu’on regarde de près, on aperçoit bien quelques irrégularités, mais, comme il s’en trouve dans beaucoup de portraits ordinaires.
- Faites des combinaisons diverses, prenez les portraits deux à deux, ou trois à trois, etc., vous ne pouvez vous figurer les surprises qui vous attendent : tous les ancêtres apparaissent, tantôt paternels, tantôt maternels. Si vous avez perdu le portrait d’une parente qui vous est chère ou si vous avez oublié de e faire faire en son temps, vous avez de grandes chances de le retrouver par ces combinaisons, ces
- alliages humains. Vous faites revivre ainsi toute une généalogie d’aïeux.
- Un fait curieux signalé par M. Laiton mérite d’attirer l’attention des philosophes, des physiognomo-nistes et des criminalistes : Le savant ayant fait choix d’un certain nombre de portraits criminels, il en fait le portrait résultant. Or, pris séparément, chacun de ce s portraits avait quelque chose de repoussant; le mélange opéré, le portrait résultant s’est trouvé être un portrait ordinaire, banal, humain, ne présentant aucun caractère saillant, et dans lequel on aurait vainement cherché le trait qui troublait la sérénité de chaque visage.
- D’où l’on peut conclure qu’à travers les modifications les plus variées, le type humain se conserve et se trouve un instant caché sous le masque du vice ou illuminé par les reflets de l’intelligence, de la bonté ou de la vertu. Ainsi la figure humaine est bien moins ondoyante et diverse qu’on est porté à le croire au premier abord, et plus particulièrement pour les individus d’une même race. On peut dire du corps ce qu’on a déjà appliqué à l’esprit, c’est que le plus grand nombre des hommes appartiennent à la moyenne. — Le génie est une aptitude très rare et qui n’est pas le moins du monde l’expression de la valeur humaine, laquelle est plus exactement représentée par la somme de raison fortifiée, de savoir acquis et de progrès moral accompli.
- 11 existe dans chaque groupe d’êtres, espèce, race, tribu, famille, un type virtuel qui se perpétue plus ou moins complètement dans les divers individus du groupe, mais qu’on peut réaliser artificiellement, comme il a été dit, à un moment donné. Les différences matérielles, insaisissables, qui existent entre les individus, différences qu’on ne saisit que par leurs effets physiognomoniques, montrent qu’il suffit de modifications insensibles dans la forme pour déterminer des changements notables dans l’aspect. La plus légère variation apportée dans les éléments qui concourent à la ressemblance suffit pour différencier les êtres sans altérer la ressemblance. De même, le plus léger trouble apporté dans les directions relatives, ou les couleurs, ou les dimensions, ou les rapports des parties d’un dessin, peuvent contribuer à en troubler la symétrie ou la beauté.
- La saine culture de l’esprit, en favorisant le développement des bons germes et en paralysant celui des mauvais, donne au visage humain son véritable caractère et sa physionomie propre. Lame se montre à travers le corps comme les formes se dessinent sous une draperie légère. C’est ainsi qu’une belle àme donne de l’attrait même à la laideur et qu’une âme vile altère la beauté au point de la rendre antipathique. Mais ces modifications sont peu profondes et peu durables et varient avec l’état de santé iporale. M. Arthur Batut est parvenu de son côté à réaliser le portrait type de la manière suivante1 :
- 1 La Photographie appliquée à la production du type d'une famille, d’une tribu ou d’une race, par Arthur Batut, chez Gauthier-Vilhus, éditeur.
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- Supposons que le temps de pose nécessaire pour obtenir une image soit de soixante secondes et que nous ayons réuni six personnes d’une môme famille. Nous allons faire poser ces six personnes successivement, et dans les memes conditions de grandeur et de situation, mais seulement chacune pendant dix secondes. — On obtient ce nombre dix, en divisant 00 par 6. Ce nombre variera donc avec le temps de pose nécessaire et le nombre des personnes.— Puisqu’il faut soixante secondes de pose, en dix secondes on n’obtiendra pas d’image distincte. Mais s’il existe un trait commun aux six personnes, les six reproductions de ce trait se superposeront, et pour ce trait, le temps de pose sera de six fois dix secondes, c’est-à-dire la durée nécessaire pour obtenir une image. Si quatre seulement des personnes ont un trait commun, le trait en question aura posé quatre fois dix ou quarante secondes, enfin, les traits non communs ne donneront aucun résultat sensible. L’épreuve ainsi obtenue reproduira donc les traits généraux et ne donnera aucun des traits individuels. C’est le type idéal, car le vrai moyen d’idéaliser c’est d’effacer le particulier et de mettre en relief le général.
- M. Batut, dont on lira le petit livre avec beaucoup d'intérêt, entre dans les détails nécessaires au point de vue technique, de manière à mettre tout photographe capable en mesure d’obtenir le portrait type de famille, de tribu et de race.
- Nous n’insisterons pas sur les avantages que peuvent retirer l’histoire naturelle, l’ethnographie, la peinture et la sculpture de cette application de la photographie. Félix Héjient.
- L’ASSOCIATION FRANÇAISE
- POUR L’AVANCEMENT DES SCIENCES
- Congrès d’Oran. —28 MARS-5 AVRIL 1888.
- Il y a juste sept ans, l’Association française allait à Alger tenir sa session annuelle. A ce moment un Comité oranais se mit en devoir d’accueillir les membres du Congrès ; la réception qui fut faite aux membres qui allèrent visiter cette province fut des plus cordiales et des plus sympathiques. De part et d’autre on se faisait la promesse de se revoir; aujourd’hui la promesse est tenue. Répondant à l’invitation de la municipalité d’Oran, l'Association décidait, au Congrès de Nancy, que la session de 1888 se tiendrait en Algérie.
- Dans un livre fort remarquable que le Comité local d’Oran offre aux membres du Congrès, un des auteurs de cette notice collective dit que, lorsqu’on a vu l’Algérie, on veut la revoir, et que, lorsqu'on l’a revue, on veut l’habiter. Dois-je appliquer cette pensée aux membres de l’Association? Peut-être; car parmi les voyageurs déjà débarqués, parmi ceux qui arriveront dans quelques jours, il en est bon nombre qui sont déjà venus en 1881.
- Depuis sept ans la ville d’Oran est métamorphosée; un quartier neuf et superbe s’élève sur le ravin d’El-Rouina et sur les pentes qui mènent à Karguentah.
- Le Comité local a organisé la partie matérielle du Con-
- grès, logements, excursions, avec un soin parfait, et l’on sait que ce n’est pas une mince besogne. Tout marchera à souhait à tous les points de vue.
- Jeudi ‘28, à 5 heures, a eu lieu la séance d’inauguration sous la présidence du colonel Laussedat, directeur du Conservatoire des arts et métiers. Dans son discours, le colonel étudie la part qui revient aux sciences appliquées aux arts et à l’industrie dans le mouvement de transformation commencé au siècle dernier.
- Des excursions doivent avoir lieu, à l’issue du Congrès, à Tlemcen, Sidi-Bel-Abbès, dans le Sud oranais, jusqu’aux postes avancés d’Ain-Sefra ; une dernière doit conduire quelques-uns des membres du Congrès visiter Touggourt et les plantations de l’Oued-Ilir. Nous donnerons plus tard, s'il y a lieu, quelques détails sur ces voyages intéressants. Dr C. .
- Oran, 29 mars 1888.
- UN PAQUEBOT DE 10Ü00 TONNES
- Le paquebot City of New-York, le premier des sept paquebots à deux hélices actuellement en cours de construction, a été lancé le 15 mars à Clydebank (Ecosse) pour le compte de la Compagnie Inman et internationale.
- Ce navire est le plus grand qui existe, le Great-Eastern étant en démolition. Sa longueur totale est de 170m,69, sa longueur à la flottaison de 161 mètres, sa largeur de 19m,20, son creux de 15m,10, la proportion de la longueur à la largeur de 8,89, et celle du creux à la longueur de 15,02. Si l’on compare ces dimensions avec celles du premier paquebot transatlantique, construit il y a cinquante ans environ, et qui mesurait 64m,72 de longueur sur 10m,76 de largeur, on se fait une idée des immenses progrès réalisés dans l’industrie des constructions navales.
- L’appareil moteur se composera de deux machines indépendantes, à triple expansion, actionnant chacune une hélice à trois ailes, et devant imprimer au navire une vitesse de 19 nœuds à l’heure. Il y aura dix appareils de hissage et douze mâts de charge hydrauliques, ce qui supprimera le bruit des treuils à vapeur, des monte-escarbilles, etc. Un appareil hydraulique composé de deux béliers d’une puissance de 80 tonnes chacun servira à faire manœuvrer le gouvernail. Celui-ci est d’une construction toute particulière, et dans le genre du système adopté pour le croiseur espagnol à grande vitesse le Reina Regente. Il est compensé dans sa partie inférieure, et son safran a une superficie de 25 mètres carrés. Le navire a un double fond cellulaire qui contiendra son lest d’eau et empêchera l’introduction de l’eau dans les cales dans le cas où les petits fonds viendraient à être crevés dans un échouage. La coque est divisée en seize compartiments par quinze cloisons étanches s’élevant jusqu’au pont supérieur sans qu’il y ait la moindre ouverture, les portes de ces cloisons se trouvant toutes au-dessus du pont supérieur. Chaque compartiment n’ayant pas plus de 10ra,66 de longueur et ne pouvant pas contenir plus de 1250 Ion-
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- LA N A Tll HE.
- lies d’eau jusqu’à la hauteur de la flottaison, ou 2250 jusqu’au pont supérieur, il en résulte que l'envahissement par l’eau de deux et même trois compartiments ne ferait pas sombrer le navire. Les machines et chaufferies seront en outre séparées par une cloison étanche longitudinale, de sorte qu’en cas d’abordage par le travers d’une machine, l’autre pourra continuer à fonctionner et à faire avancer le navire en lui conservant environ les 2/5 de sa vitesse ordinaire. La hauteur du double fond intérieur est de lm,22, et il peut contenir 1000 tonnes de lest d’eau. Une caisse à roulis, partiellement remplie d’eau et de forme semi-circulaire, diminuera les amplitudes du roulis d’environ 50 pour 100. De nombreuses expériences faites antérieurement, permettent de compter sur une diminution de 06 pour 100 dans les bonnes circonstances.
- Tout le navire est éclairé à la lumière électrique au moyen de 1000 lampes à incandescence. Ce paquebot portera des plates-formes pour canons, de façon à pouvoir être rapidement transformé en croiseur de guerre. Il aura trois nuits à pible, dont un seul portera des voiles carrées, et trois énormes cheminées s’élevant de 18m,50 au-dessus du pont de promenade.
- Les vingt-deux embarcations seront suffisantes pour sauver tous les passagers et l’équipage. Avec son complément de passagers de troisième classe et son équipage, il n’y aura pas moins de 2000 personnes à bord.
- Un autre paquebot semblable, le City of Paris, sera lancé le mois prochain par les mêmes constructeurs, MM. J. et G. Thomson.
- Les deux autres navires qui sont en construction à Belfast devront être lancés avant la fin de l’année.
- A ces quatre paquebots à deux hélices, il faut ajouter les deux qui se construisent, l’un à Bir-kenhead (sur la Merscy) et l’autre à Stettin (Prusse) pour le compte de la Compagnie hambourgeoise américaine, et enfin la Touraine, paquebot également à deux hélices que la Compagnie générale transatlantique doit mettre en ligne pour l’ouverture de l’Exposition de 1889, sur sa ligne du Havre à New-York.
- COLLIER DE SAUVETAGE
- On a expérimenté l’année dernière, à Royan, un appareil de sauvetage fort ingénieux, au sujet duquel nous avons reçu des renseignements de l’un de nos lecteurs de Bordeaux, M. A. Lemaire.
- « Ayant eu l’appareil entre les mains, nous dit notre correspondant, j’en ai vérifié la capacité et le poids. C’est un véritable collier de sauvetage en caoutchouc, que l’on place autour de son cou, et que l’on gonfle en y insufflant de l’air. Entièrement gonflé, ce réservoir, du poids total de 80 grammes, contient 4 litres 800 d’air; ce qui donne une différence de poids plus que suffisante pour maintenir
- un homme en suspension dans l’eau.
- « En effet, en prenant le poids moyen de 60 kilogrammes, en tenant compte de la densité moyenne du corps humain de 1,050, un homme déplace 56 litres d’eau. Pour se maintenir à la surface il lui faut donc une différence de poids de 4 kilogrammes en eau douce. Le collier de caoutchouc déplaçant 41U.800, laisse donc disponible une force ascensionnelle de 800 grammes.
- « S’il s’agit d’eau de mer, la différence est bien plus grande. La densité de cette eau étant en moyenne de 1,026, les 56 litres d’eau déplacée pèsent 57ks,500. H ne manque donc qu’une différence de poids de 2ks,500 pour l’équilibre. Or, le collier équivaut à 4ks,800, ce qui laisse disponible une force de 2k*,500.
- « J’ajoute que pour vider l’appareil, il suffit d’appuyer légèrement sur la petite soupape fermant l’extrémité du tube d’admission d’air. Cet objet, de fabrication anglaise ou américaine, une fois vide de l’air que l’on y avait insufflé, s’introduit dans une gaine, et le tout n’occupe guère plus de*volume que celui d’un porte-monnaie. »
- Ce système nous paraît digne d’être recommandé tout aussi bien comme engin de sauvetage que comme appareil de natation. Il nous paraît pouvoir remplacer, avec avantage, les ceintures de sauvetage plus volumineuses et plus encombrantes.
- Collier de sauvetage en caoutchouc gonllé d'air.
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- SMITHSONIAN INSTITUTION
- DE WASHINGTON (ÉTATS-UNIS)
- Tous nos lecteurs connaissent assurément de nom la grande Institution Smithsonienne des Etats-Unis.
- En est-il beaucoup qui sachent l’histoire de sa fondation, et qui soient au courant de l’importance de ses collections? Nous ne le croyons pas. Aussi profiterons-nous de l’occasion qui nous est offerte de décrire cet établissement scientifique de premier ordre.
- L’un de nos collaborateurs, l’antiquaire bien
- Fig. 1. — Aspect général de la Smithsonian Institution, à Washington. (D'après une gravure américaine.)
- connu, M. E. Ro-ban, revient de Washington où il a été reçu par les directeurs et administrateurs de la Smithsonian Institution, M. le professeur Powel, géologue du plus grand mérite,
- M.W.-H. Holmes, archéologue et voyageur, M. James Pilling, ethnographe et bibliographe, etc.
- Ces messieurs lui ont montré leurs richesses, et nous allons extraire des notes que nous a communiquées M. Rohan quelques détails intéressants.
- La Smithsonian Institution, comme la plupart
- d e s f o n d a t i o n s américaines, est le fruit de l’initiative privée. Elle a été fondée par un généreux donateur, James Smithson, né en Angleterre vers 1754, mort à Gênes (Italie) en 1829. Le total du legs se montait à 705 000 dollars1; cetle somme placée à 6 pour 100, le revenu annuel est donc de 42180 dollars, non compris les dons qui continuent à être nombreux, et le produit des échanges. Les ressources de cet établissement sont par consé-1 Le dollar américain vaut 5 francs de notre monnaie.
- Fig.2.— Armes préhistoriques américaines provenant du musee national (Smithsonian Institution). (D’après les dessins de M. le Dr Capitan.) — Réduction 1/2.
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- LA NATURE.
- quent considérables. Pour donner une idée de l'importance des collections que possède la Smithsonian Institution de Washington, il suffît d’en énumérer les différentes sections. Elles comprennent le nombre d’échantillons suivants :
- Antiquités et objets d'ethnographie, 260000 échantillons ; mammifères, 10000 ; oiseaux et œufs, 100 000; reptiles, 27000; poissons, 70000; mollusques, 400000; insectes, 150 000; minerais et métaux, 20 000; pierres pour la construction, 20000; minéraux, 57000; invertébrés (marins), 200 000; invertébrés (fossiles et plantes), 200000; objets d'art et d'industrie, 15 000. Ce qui fait un total de 1 529000 objets.
- Le Muséum possède en ville un immense bâtiment oh se trouvent réunis plusieurs bureaux de géologie, d’ethnographie, etc., etc. Il règne là une activité, des plus remarquables : on se croirait dans un des plus grands ministères de nos pays d’Europe.
- Voici quelques renseignements sur les plus importantes sections de la Smithsonian Institution.
- Tout ce qui concerne les temps préhistoriques se trouve exposé dans une immense salle dite Musée d’anthropologie. La place d’honneur, le centre, est occupé par une grande collection préhistorique de France; toutes les périodes y sont bien représentées.
- Les collections américaines viennent se grouper autour et renferment d’innombrables objets tous fort bien choisis et d’un grand intérêt. Parmi les objets en pierre appelée Le Chert, genre de silex de l’Amérique, on retrouve des pièces similaires à nos haches chelléennes, et en grandes quantités. Chose singulière, elles sont toujours accompagnées de la notice suivante: objects of ston rude on unfinished imple-ments.
- Le type Moustérien est moins commun ; on y trouve cependant des pointes qui ont de l’analogie avec les nôtres. Pour le Solutréen, il y a des pierres taillées connues sous le nom de digging tools, ou outils pour creuser la terre; elles ont la forme de lances, et rappellent les fameuses lames de Yolgu, mais elles sont plus épaisses, plus fortes et devaient s’emmancher comme une sorte de boue. On remarque beaucoup de pointes de lance et poignards rappelant ceux du Danemark; des polissoirs de haches en roches quartzeuses de l’Ohio, des pierres à cupules; une pierre à rainure servant à la fabrication des baguettes de flèches; des séries de disques percés comme ceux du cap de Bonne-Espérance. Pour les grattoirs, nous retrouvons ici tous les types paléolithiques et néolithiques, jusqu’à celui employé de nos jours par les Esquimaux.
- Nous donnons dans la figure 2 une idée des haches en silex américaines1.
- Le n° 1 représente une hache en silex trouvée à Licking-County (Ohio). Cette pièce est identique au
- 1 Ces silex, que nous figurons, ont été offerts à M. Boban, par le professeur Spencer V. Bain! et choisis dans la collection du Musée par l’éminent archéologue M. Thomas Wilson, de Washington.
- type quaternaire chellécn de la classification de M. Gabriel de Mortiîlet.
- Le n° 2 figure une pointe retaillée sur une seule face; ce silex a été trouvé dans la même localité. U rappelle absolument le type dit du Mousticr de France.
- Le n° o est une pointe de lance finement, retaillée, sur les deux faces, provenant d’indiana; elle est semblable au type dit de Solutré.
- Le n° 4 est une pointe de flèche provenant de West Virginia, qui rappelle les similaires de l’époque néolithique (dolmens et stations lacustres).
- La section ethnographique est placée sous la direction de M. Otis Tufton Mason (curator). Les collections que comprend cette section sont classées avec beaucoup de méthode et d’une manière fort intelligente et pratique. On trouve là les outils usités chez tous les peuples anciens et modernes, les instruments de musique depuis les plus rudimentaires, depuis les omoplates humaines et des fémurs striés de rainures que l’on frottait avec un corps dur qui rappelle le bruit de la crécelle,, les flûtes en bambou et en os humain du continent américain, les Mbita ni tangi ou flûte à nez en usage parmi les naturels des îles Fidji, jusqu’aux flûtes à clefs d’argent de nos luthiers modernes.
- Les xylophones, depuis la sansa à touches de fer des Cafres du Zambèze, les marimba ou balaso africains et ceux de l’Amérique en usage au Guatémala dont les touches en bois sont placées sur des calebasses allongées en forme de bouteilles; enfin les cithares, les luths, harpes, etc., de toutes les époques, provenances, jusqu’aux pianos derniers modèles.
- Les gongs sont aussi richement représentés, un beau spécimen de Kyce-Wain, de Burmah (Siam), se compose d’une série de gongs de différentes grandeurs, notamment un gong en bronze ayant la forme d’un tambour, très semblable à celui du Musée de la marine au Louvre, à Paris, qui a été offert par l’amiral Rigault du Genouilty, mais un peu plus petit avec les mêmes ornements concentriques. Cette curieuse pièce a été donnée par le roi de Siam au président de la République américaine en 1857 L
- La section des Pêcheries est aussi des plus intéressantes. Les salles oh se trouvent exposés les instruments de la pêche, costume, engins, bateaux, etc., est remplie de curiosités fort instructives; le visi-
- 1 Une section fort intéressante et dont le classement a été fait par le lieutenant de vaisseau de la marine américaine, M. T. Dix Bollcs, comprend de nombreuses collections d’instruments anciens et modernes. M. Bolles a exploré la partie sud-est de l’Alaska pendant plusieurs années, et, a étudié les mœurs des indigènes. Il existe une grande similitude entre ces objets et ceux que l’on rencontre chez nous à l’époque préhistorique, entre autres des cornes de cervidés avec des trous qui servent encore aux indigènes pour façonner et redresser les baguettes pour faire les flèches. Ces mêmes instruments en cornes de rennes ont été trouvés chez nous dans les cavernes de l’époque magdalénienne, et sont connus sous le nom de bâtons de commandement. Il est à souhaiter que l’intelligent directeur de la Smithsonian Institution si richement dotée, autorise le lieutenant Dix Bollcs à faire un catalogue illustré qui rendrait un immense service non seulement à l’ethnographie, mais aussi à l’archéologie préhistorique.
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- tcur admire surtout une remarquable série de bateaux de tous les âges et de toutes les provenances. Lette collection est comparable à celle que M. l’amiral Paris a formée avec tant de science et tant de dévouement au Musée de la marine, au Louvre.
- On ne sort qu’à regret de ces salles de pêcheries tant il y a de belles choses à voir; du reste, le directeur du Muséum, feu le savant professeur Spencer F. Baird, qui était un naturaliste distingué, a beaucoup travaillé au développement de ces séries.
- La céramique américaine, ancienne et moderne, se compte par milliers d’exemplaires au Musée Smithsonian : les vases de Moki (Arizona), ceux du Nouveau-Mexique, les vases Zunis à dessins bruns sur fond blanchâtre, les poteries de Chiriqui, province de Panama, Etat de Colombie, ces poteries bizarres perchées sur trois pieds en forme de poissons (requins et autres), etc., etc.
- . Une visite au Musée de la Smithsonian Institution est assurément l’une des plus instructives et des plus curieuses que l’on puisse faire dans le monde entier.
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- L’ASCENSEUR HYDRAULIQUE
- A PISTON DÉVELOPPABLE
- Nous avons examiné précédemment1 deux des principaux types d’ascenseurs hydrauliques actuellement en usage : nous poursuivons cette description en y ajoutant celle de l’ascenseur hydraulique à piston développable de M. Samain, qui se recommande par une disposition particulière des plus originales.
- Cet ascenseur est constitué en principe par une sorte de balance hydraulique dont les deux plateaux sont figurés, l’un par la cabine de l’appareil, sa tige et son piston, et l’autre par un piston-contrepoids équilibrant continuellement ceux-ci, de manière que l’effort moteur à développer pour assurer la montée n'ait à soulever que la charge utile, et soit ainsi rendu indépendant du poids mort. Les deux pistons sont rattachés par un tube plein d’eau figurant le fléau de la balance; le piston porte-cabine est creux, l’eau venant de ce tube y pénètre en exerçant un effort sous le plancher de Ja cage de l’ascenseur, et elle s’élève aussi avec elle, pendant que le contrepoids qui se meut dans un tube vertical de plus grand diamètre s’abaisse en refoulant devant lui un volume d’eau égal à celui qui pénètre dans le piston de l’ascenseur. À la descente, on supprime l’effort de la pression d’eau qui agissait à la montée sur la face supérieure du contrepoids, et la cage dont le poids est légèrement prédominant, descend d’elle-même en obligeant le contrepoids à remonter. Gomme la pression hydraulique exercée sur la cage mobile pour déterminer la montée va nécessairement en diminuant à mesure que celle-ci s’élève au-dessus du sol, M. Samain a réussi à compenser
- 1 Voy. n» 750, du 17 décembre 1887, p. 54.
- cette réduction par une augmentation continuelle d’effort dû au contrepoids à mesure de la montée. Le piston de ce contrepoids est suspendu à cet effet par une chaîne de longueur égale à sa course, et celle-ci est repliée sur une poulie à la partie supérieure du tube où il se meut. Cette chaîne est rattachée à un piston de rappel qui se trouve ainsi invariablement relié au contrepoids, et qui voyage lui-même dans un second tube vertical. L’espace libre de volume constant, compris entre les deux pistons, est continuellement rempli d’eau ; la pression hydraulique motrice s’exerce sur le piston de rappel et se transmet ainsi, par l’intermédiaire de la masse d’eau qui les sépare, au piston contrepoids.
- Le piston de rappel se trouve soulevé sous l’effort de cette pression, et il oblige ainsi le contrepoids à descendre en remontant la cage. Dans ce mouvement, la chaîne qui réunit les deux pistons descend elle-même avec le contrepoids ; elle pèse ainsi de son poids pour augmenter l’effort développé par lui, et cela d’une quantité d’autant plus importante que le bout ainsi ramené est lui-même plus long. Il y a donc là un effort continuellement croissant qui est susceptible d’équilibrer dans une certaine mesure la réduction nécessaire de la pression appliquée sur la cage par suite du soulèvement de celle-ci. Quant à la pression motrice exercée sur le piston de rappel, elle ne subit qu’une réduction très faible pendant la montée, en raison de la petitesse de la course. Ce genre d’équilibrage est comme on le voit, simple et ingénieux, la chaîne ne supportant aucun effort, et jouant un rôle absolument passif.
- Ces diverses dispositions conservent les caractères essentiels d’installation des ascenseurs ordinaires ; c’est-à-dire que la cage est toujours supportée par une tige de soulèvement de longueur constante, formant une sorte de plongeur très allongé mis en mouvement par une pression motrice exercée à la base lorsque la tige est pleine, ou tout au moins fermée extérieurement, comme dans le cas général, ou à l'intérieur de la tige lorsque celle-ci est creuse, comme nous venons de le décrire. Elles exigent toujours un puits de profondeur égale à la course de l’ascenseur, où la tige vient s’enfoncer lorsque la cage est au bas de sa course.
- L’établissement de ce puits, qui avait été considéré jusqu’à présent comme l’inconvénient inévitable d’une installation d’ascenseur, impose toujours une dépense élevée, et présente, en outre, des difficultés d’exécution évidentes qui peuvent acquérir une gravité exceptionnelle, ou devenir même presque insurmontables dans certains cas particuliers, suivant la nature des terrains, la nécessité où l’on peut se trouver d’éviter les conduites souterraines dans les grandes villes, de ne pas s’exposer à des venues d’eau qui pourraient compromettre la solidité du sol, ébranler les fondations dans les maisons de grande hauteur, etc...; il y a donc un intérêt considérable à pouvoir supprimer, en cas de besoin, I le puits de l’ascenseur.
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- LA NATURE.
- Pour y parvenir, l’ingénieux constructeur s’est décidé à recourir à une disposition des plus hardies qui pourrait passer pour singulièrement osée si l’expérience n’était venue justifier sa confiance et l’exactitude de ses prévisions. Il coupe la tige de la cage qui, au lieu de former une pièce continue, est constituée par une série d’éléments creux de diamètres légèrement différents, s’emboîtant les uns dans les autres comme dans l’assemblage télescopique B; c’est la disposition d’ascenseur à tige développable qui forme le trait caractéristique de ce type d’appareils, et il suffit alors, comme on voit, de ramener la profondeur du puits à la longueur d’un élément unique pour y loger la tige entière lorsque la cage est à fond de course.
- Pendant la montée, les éléments se développent successivement et la colonne d’eau s’élève avec la cage, en formant ainsi une sorte de piston liquide qui la tient en équilibre. On se rend compte immédiatement combien cette disposition est audacieuse puisque les parois de cette colonne liquide ne font guère que prévenir l’écoulement de l’eau et présenteraient, par suite, une résistance affaiblie à un effort transversal un peu élevé ; mais elle donne toutefois des résultats satisfaisants pourvu que le guidage EE de la cage A soit assuré en deux points différents de sa hauteur. Il est à remarquer en effet que la cabine entraine dans son ascension une tige formée exclusivement d’éléments mobiles, et que ces éléments constituent un véritable fil à plomb conservant à la colonne liquide une direction rigoureusement verticale. Dans ces conditions qui se trouvent réalisées dans toutes les installations, la tige se développe verticalement et se replie de même, sans que le fonctionnement soit troublé : la pratique confirme ainsi le succès d’une disposition un peu hardie en apparence.
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- Ascenseur télescopique ou à [liston développable A. Cage. — E. Guidage. — G. Distributeur.
- II. Régulateur.
- UN TATOU NAIN
- LE C1ILAMYOOPHORE TRONQUÉ
- Dans l’Amérique du Sud, dans les régions rocailleuses des environs de Mendoza et de San Luis, vit un étrange petit tatou découvert en 1824 par llarlan. Les colons ont donné à ce singulier animal divers sobriquels : ici on le nomme Juan Cal ado (Jean le Pointu), a cause de sa tète a museau pointu ; ailleurs c’est le Pichi-ciego (le Petit Aveugle), car on se figure, dans un égal préjugé, que semblable à la taupe dont il a la taille, la forme et les mœurs, le Chlamydophore doit être aveugle. Les savants de l’endroit l’appellent Taupecui-rassée, Taupe du Chili. Les naturalistes l’ont baptisé Chla-mgdophore, mot qui veut dire porteur d’un manteau, et à ce nom générique ils ont adjoint l'épithète de tronqué, car, en effet, notre bête paraît avoir perdu l’extrémité postérieure de son corps.
- 11 y a des tatous de toute taille, depuis le priodonte géant du Paraguay dont la longueur excède un mètre et demi, jusqu’à l’encoubert qui ne dépasse pas un pied ; mais il n'en est pas de plus petit que le Chlamydophore tronqué. Les plus grands exemplaires n’excèdent pas douze ou treize centimètres de long ; l’individu représenté sur notre figure est de grandeur naturelle.
- Parmi tous les membres de cette famille d’animaux cuirassés , il en est certes de mieux armés : beaucoup ont une carapace plus complète rappelant ces armures de plaques imbriquées à recouvrement, dont on se servit jadis dans les champs clos, pour combattre à pied, et aussi pour aller à la tranchée. Toutes les formes d’écrevisses, de hallecrets, de pansières et de dossières articulées se trouvent avantageusement adaptées à l’enveloppe protectrice des tatous.
- Le Chlamydophore tronqué, lui, est armé à la
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- Un tatou nain. — Le Chlamydophore tronqué. (Grandeur naturelle.)
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- LA NATURE.
- légère : sa tête courte, fortement bombée en arrière, se termine en avant comme un cône aigu, recouverte en dessus par l’avance de la carapace.
- Tout le dos est ainsi recouvert; puis brusquement le corps se termine, se tronque à angle droit et s’abrite sous un garde-rein, une boguine, plaque osseuse solide, à divisions polygonales, en forme de bouclier arrondi présentant au milieu de son bord postérieur une échancrure par où sort une queue courte à extrémité élargie. Le reste du corps est recouvert d’une fourrure jaunâtre, longue, molle et fine, à l’exception de la queue, de la plante des pieds, du menton et du museau qui restent nus.
- Les membres courts, robustes et trapus, sont remarquablement conformés pour fouir, surtout les antérieurs dont les griffes énormes, fortement recourbées et arquées, arment les cinq doigts. Plus faibles, les membres postérieurs ont également cinq doigts, mais les griffes sont moins fortes, obtuses, droites et aplaties, tandis que celles des pieds de devant, en forme de lame de faux, tranchantes sur leur bord externe, vont en s’élargissant du second doigt au doigt externe, celui-ci portant l’ongle le plus large aplati comme le fer d’une bêche (Fitzinger).
- La dentition est bien celle d’un tatou : huit à dix paires de dents à chaque mâchoire, ni incisives, ni canines; les molaires, entourées d’une couche d’émail, n’ont pas de racines et sont creuses dans leur moitié inférieure; celle du milieu de chaque rangée est la plus grande, les autres vont en diminuant de force jusqu’aux deux extrêmes. La bouche, très petite, s’ouvre sous le museau pointu, cartilagineux, rappelant en miniature le grouin d’un porc ; elle n’atteint même pas le dessous de l’œil et se délimite par des lèvres saillantes, presque coriaces. La langue est longue, charnue et papilleuse.
- À la considérer plus attentivement, la carapace du Chlamydophore tronqué est de consistance cornée, de couleur blanchâtre ou jaune sale, assez épaisse et partant peu flexible ; mais les mouvements de flexion du corps sont favorisés par le mode d’articulation de ces bandes entre elles. En effet, chaque bande est unie à ses voisines par une membrane permettant ainsi une certaine extension, de telle sorte que cette cuirasse formée de segments imbriqués, à l’instar de l’armure chitineuse des cloportes, n’empêche pas le tatou de se rouler en boule. La carapace dorsale est formée de vingt-quatre bandes transversales composées chacune de sept ou huit écailles, puis de quinze à dix-sept, dix-huit à vingt-quatre, à mesure que l’on approche de la région postérieure, le corps allant en s’élargissant progressivement des épaules au bassin. Ces écailles sont irrégulières et tuberculeuses dans la région antérieure, régulières et rectangulaires dans la région postérieure.
- L’écusson qui revêt la partie postérieure formant angle droit avec le reste du corps est complètement inflexible, elle se compose de cinq ou six rangées concentriques de pièces disposées en demi-cercle, chacun de ces petits écussons étant carré ou en losange.
- La rangée supérieure, la plus grande, comporte vingt écailles; la dernière, la plus petite, n’en comporte que six. En ce point la queue sort par une échancrure et se rattache au bouclier de la croupe par une membrane. Ce garde-rein est uni au bassin, solidement soudé à ses apophyses; mais la dossière n’adhère pas aussi fortement au dos de l’animal, elle y repose assez librement reliée, et seulement en son milieu, aux apophyses épineuses de la colonne vertébrale, par une membrane. La région frontale de la carapace est fortement soudée au crâne, et plus en arrière les plaques sont fixées par deux écailles aux éminences verruqueuses et saillantes existant au dessus des yeux. « La partie immobile de la carapaoe céphalique est formée de deux rangées transversales de quatre plaques chacune et de trois autres de cinq plaques » (Fitzinger).
- Les yeux du Chlamydophore tronqué sont fort petits, recouverts en partie par les poils de la face; les oreilles font défaut; le conduit auditif s’ouvre en un orifice étroit entouré par un repli cutané.
- Quelles sont les mœurs des Chlamydophores? on ne le sait pas encore d’une façon certaine. Sans doute à l’instar d’autres Tatous vivent-ils d’insectes et de vers, peut-être aussi de racines tendres et de bulbes qu’ils découvrent au cours de leurs excursions souterraines. Ce sont des êtres nocturnes, recherchant les lieux déserts et incultes.
- D’après Gœring, les traces que ce singulier animal laisse sur le sol sont caractéristiques : « Comme en marchant il traîne ses pattes au lieu de les soulever, il trace sur le sable deux sillons continus qui se reconnaissent facilement. L’entrée du terrier a de même une conformation spéciale ; en en sortant, l’animal rejette à droite et à gauche la terre qui le gêne et la balaye probablement avec ses pattes qu’il renverse en dehors. Cette terre forme de chaque côté deux petits monticules entre lesquels se trouve une coulée; aucun autre mammifère de l’Amérique du Sud n’a cette habitude. »
- Au reste le Chlamydophore tronqué est loin d’être bien connu; il ne paraît être commun nulle part et les indigènes n’ayant a tirer aucun profit de sa dépouille ne lui font pas la chasse.
- Le squelette du Chlamydophore présente des particularités remarquables. Le caractère général est une vigueur peu commune : le bassin est fortement constitué; les membres solidement construits, à fémurs et à humérus aplatis, témoignent par la force des apophyses d’insertion, de la puissance des muscles qui les font agir. Par un grand nombre de points ce genre ^remarquable s’éloigne des Tatous. « Le Chlamydnphorus, dit Oscar Schmidt dans une publication récente1, le Chlamydophorus qui habite les régions voisines de la Plata diffère tellement du Tatou proprement dit ou Dasypus, malgré la plus grande apparence de parenté, que, entre ces deux
- 1 0. Schmidt, Les Mammifères dans leurs rapports avec leurs ancêtres géologiques. Bibliothèque scientifique internationale. — Paris, 1887.
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- genres, il doit y avoir toute une série de formes de passages dont l’évolution n’a pas nécessité moins de plusieurs périodes géologiques. »
- Et pour le savant allemand, chaud partisan des doctrines de Darwin, il faut remonter jusqu’à la période tertiaire pour déduire l’un de l’autre le Tatou et le Cldamydophore.
- Cari Yogt fait remarquer que par la vigoureuse conformation de ses membres et d’autres particularités de son squelette, le petit Cldamydophore, ce a nain », se rapproche plus qu’aucun autre édenté vivant des gigantesques animaux éteints du groupe des mégatliéridés, mégathériums et formes affines.
- Maurice Maindron.
- LA NAVIGATION ÉLECTRIQUE
- SODS-MARINE
- Nous avons signalé il y a quelques mois1 le projet de bateau sous-marin du. regretté Dupuy de Lomé, repris par son ami et collaborateur M. Zédé avec le concours de M. le capitaine Krebs. La construction de ce navire a été décidée par le Ministre de la marine, et il est aujourd’hui presque achevé. Le moteur électrique et les accumulateurs qui doivent lui fournir la force motrice ont été expérimentés récemment au Havre avec succès et ont fait l’objet d’une Note de M. Krebs, note présentée à l’Académie des sciences le 26 mars dernier par M, Mascart.
- Nous croyons intéressant de présenter les principaux points de cette Note à nos lecteurs, qui y trouveront quelques chiffres fixant l’état actuel des progrès réalisés pendant ces dernières aimées dans la construction des moteurs électriques et des accumulateurs.
- Le moteur électrique qui doit actionner l’hélice du bateau sous-marin absorbe 52 chevaux électriques (200 ampères et 192 volts utiles aux bornes) à la vitesse angulaire de 280 tours par minute. Pour obtenir une aussi faible vitesse angulaire, M. Krebs a constitué l’induit de son moteur par un anneau de 1 mètre de diamètre au milieu d’une couronne de 16 inducteurs : le collecteur reçoit quatre balais, deux pour la marche en avant et deux pour la marche en arrière. Le poids total du moteur est de 2000 kilogrammes, soit 40 kilogrammes environ par cheval électrique.
- L’énergie électrique est fournie à ce moteur par 564 accumulateurs Commelin, Desmazures et Baillehache, à zinc, oxyde de cuivre et solution de soude caustique : chacun de ces accumulateurs, récipient et liquide compris, pèse 17,5 kilogrammes, le poids de la batterie complète est donc un peu inférieur 'a 10 tonnes (9840 kilogrammes) .
- Un commutateur spécial permet de coupler les 564 accumulateurs de quatre manières différentes, correspondant respectivement à la petite vitesse, à la vitesse moyenne, à la vitesse de route et à la grande vitesse, conformément au tableau suivant.
- Nombre Nombre
- d’accumulateurs de séries
- 1° Petite vitesse . . en série en quantité
- . . 47 12
- 2“ Moyenne vitesse , , . . 94 6
- 5° Vitesse de route . . . . 141 4
- 4° Grande vitesse. , , . . 282 2
- 1 Yoy. ir 750, du 15 octobre 1887, p. ">IJ9.
- Les expériences faites au Havre Je 16 mars dernier dans les ateliers de la Société des forges et chantiers de la Méditerranée, par la Commission nommée par le Ministre de la marine pour procéder à la réception des appareils, moteurs et accumulateurs, l’ont été en fixant le moteur sur le sol et en remplaçant l’hélice par une turbine à eau, munie de diaphragmes pour opposer une résistance convenable au mouvement de rotation. Il est regrettable qu’on n’ait pas employé un frein d’absorption de Prony qui aurait permis de déterminer la puissance mécanique du moteur et fixé ainsi son rendement industriel, ce qui demandera de nouvelles expériences, expériences attendues avec d’autant plus d’impatience, par les spécialistes que c’est la première fois, croyons-nous, qu’il a été construit un moteur à anneau à 16 pôles aussi puissant et ayant une aussi faible vitesse angulaire.
- Les accumulateurs ont été chargés en adoptant le groupement n° 3 du tableau (141 en tension, 4 en quantité) pendant vingt-trois heures consécutives avec un courant de 100 ampères, soit 25 ampères par série. La différence de potentiel aux bornes pendant la charge a varié de 135 volts au début à 1 il volts à la fin. ce qui représente une charge de 575 ampères-heure par série, pour une capacité de 520 ampères-heure, et une surcharge d’environ 50 ampères-heure.
- Pendant la décharge, effectuée avec le quatrième groupement, les accumulateurs ont fourni 58 chevaux électriques pendant les trois premières heures (206 ampères et 208 volts), 54 chevaux pendant la quatrième (200 ampères et 200 volts). Après quatre heures et demie, une partie des accumulateurs s’étant déchargés sur eux-mêmes par suite d’un isolement insuffisant, la puissance utile fournie par les accumulateurs était tombée à 47 chevaux. Pendant toute la durée des essais, les accumulateurs étaient restés dans leurs caisses d’emballage, dont plusieurs cloisons en bois étaient devenues conductrices par suite de l’humidité.
- Malgré les conditions défavorables de l’essai, le rendement en quantité a été de 0,865 et le rendement en énergie de 0,65.
- Le lendemain, sans avoir été rechargés, les accumulateurs ont encore pu travailler plusieurs heures à différentes allures, pour les essais de changement de marche du moteur et de plusieurs appareils accessoires.
- Les résultats des essais indiquent que les accumulateurs Commelin-Desmazures-Baillehache peuvent produire 1 cheval-heure (270000 kilogrammètres) sous un poids brut total de 57 kilogrammes et la puissance de 1 cheval (736 watts) sous un poids de 180 à 490 kilogrammes.
- Espérons que ces résultats très satisfaisants seront confirmés lors des essais du moteur au frein, et des accumulateurs en service dans le bateau sous-marin. Nous aurons ainsi l’occasion de revenir plus d’une fois sur ces intéressantes études. E. H.
- BAIN PORTATIF
- SYSTÈME DE M. GASTON BOZÉRIAN
- Les bains dont l’usage remonte à la plus haute antiquité, et qui étaient si répandus à Rome où, sous le règne de Néron, on ne comptait pas moins de huit cents établissements de bains publics, sont tombés en désuétude à la suite des abus que leur luxe effréné avait occasionnés ; le christianisme les abolit. 11 a fallu plusieurs siècles pour qu’on y re-
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- LA NATURE.
- vînt, niais il n’y a pas bien longtemps que l’usage des bains a pris le prodigieux développement que l’on peut constater. 11 suffit, en effet, de rappeler qu’en 1780, tous les établissements de bains publics existant dans Paris ne contenaient ensemble que 250 baignoires, et qu’en 1815 ce nombre ne s’élevait encore qu’à 500 '. Aujourd’hui le bain est considéré comme un objet, non plus de luxe, mais de propreté et de salubrité. Or, comme on ne peut se baigner confortablement qu’à la condition de le faire chez soi, les installations de salles de bains ont du forcément se répandre beaucoup, mais elles sont bien moins nombreuses en France qu’en Angleterre et surtout aux Etats-Unis. 11 convient de remarquer à cet égard que, dans la plupart des cas, on se trouve réellement dans l’impossibilité de faire ces installations, soit parce que la disposition des lieux ne permet pas de pratiquer une ouverture dans la muraille pour l’évacuation des produits de la combustion, soit parce qu’on ne peut pas établir une tuyauterie spéciale tant pour l’arrivée des eaux que pour leur écoulement; beaucoup de personnes enfin sont quelque peu effrayées par les dépenses qui en résultent, dépenses souvent supérieures à celles que l’on avait prévues et qui sont complètement perdues lorsqu’on change d’habitation.
- Telles sont les considérations qui ont déterminé M. Gaston Bozérian, l’inventeur de la lessiveuse1 2 3 et du panka* qui portent son nom, ainsi que de plusieurs autres appareils dont La Nature a donné la description, à combiner un système permettant de se baigner chez soi, sans aucune installation fixe, avec une dépense de 15 à 20 centimes par bain.
- Le bain portatif de M. Gaston Bozérian se compose d’une baignoire quelconque et d’un réservoir servant à remplir et à vider cette baignoire ainsi qu’à chauffer l’eau. Ce réservoir, d’une contenance de 100 litres (fig. ci-dessus), repose sur trois larges galets en cuivre dont l’un, qui est mobile, reçoit l’action d’une poignée permettant, même à une femme, de rouler l’appareil tdans toutes les directions, aussi bien sur un parqueta que sur un tapis. Un foyer,
- 1 Diclionnaire de l'industrie et des arts industriels.
- * Yoy. n° 517, du “28 avril 1885, p. 347.
- 3 Yoy. n° G8G, du 31 juillet 188G, p. 141.
- une boîte à linge et un robinet muni d’un caoutchouc formant siphon complètent le système; le siphon s’amorce tout seul lorsque le réservoir est plein ; un godet empêche qu’il ne se désamorce chaque fois que l’on s’en sert.
- Pour prendre un bain, on remplit une première fois le réservoir en se servant du robinet qui se trouve au-dessus des éviers de presque toutes les cuisines, puis on roule le réservoir auprès de la baignoire dans laquelle toute l’eau se vide par le siphon.' On refait une seconde fois la même opération, mais, avant de vider l’eau dans la baignoire, on la chauffe jusqu’à environ 60 à 70° suivant la température extérieure. Pour le chauffage on se sert d’un peu de charbon de bois et de coke, les produits de la
- combustion se dégageant dans la cuisine sous le manteau du fourneau ou par une fenêtre entr’ouverte. La quantité d’eau , pour prendre un bain , étant généralement de 180 litres , deux voyages de la cuisine à la pièce dans laquelle se trouve la baignoire sont suffisants ; aux 100 litres d’eau froide provenant du premier voyage, on ajoute 80 litres d’eau très chaude et il reste une vingtaine de litres pour réchauffer le bain.
- Le même réservoir sert à vider la baignoire en employant un seau quelconque et une éponge, ce qui ne demande pas plus de quatre à cinq minutes; le siphon permet de vider l’appareil dans les cabinets d’aisances ou de toute autre manière.
- Il n’est point douteux que les salles de bains, telles qu’elles sont installées dans la plupart des maisons neuves, sont beaucoup plus commodes; mais lorsqu’on n’en a pas et qu’on ne peut pas en avoir, lorsque, par suite des exigences de sa profession, on est obligé de changer fréquemment de résidence et d’habiter quelquefois dans des localités où les établissements publics sont mal tenus, ou bien encore lorsqu’on répugne à l’idée de se baigner dans des baignoires qui ont pu servir a des personnes atteintes de maladies contagieuses, le bain portatif de M. Gaston Bozérian peut rendre de réels services, car il répond à de véritables besoins. C est à ce titre que nous avons cru devoir le signaler.
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- Foyer et réservoir d’eau pour le système de bain portatif de M. Gaston Bozérian.
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- ILLUSIONS D’OPTIQUE
- LES CERCLES S TRA BO SCOP IQUES
- Il y a dix ans, un savant physicien anglais, M. Silvanus P. Thompson, professeur de physique a
- Fig. 1.
- cercles concentriques, et que si l’on imprime un mouvement circulaire au dessin obtenu, les cercles
- Fig. 5.
- Illusions d’optique. — Nouveaux cercles si
- University College (Bristol), a fait connaître, sous le nom de cercles straboscopiques, des dessins particuliers au moyen desquels on obtient un genre d’illusion d’optique qui n’avait pas été observé jusque-là. Nous avons analysé les travaux de M. Thompson *. 11 nous suffira de rappeler que si l’on dessine des
- Fig. 2.
- paraissent tourner. Notre figure \, surtout quand elle est dessinée à une échelle convenable, quatre
- i. — Réduction à 1/4 des disques expérimentés
- lois plus grande, permet d’apprécier très nettement le phénomène. Il suffit de poser le dessin à plat sur la main à laquelle on fait décrire assez rapidement un mouvement circulaire. Les cercles paraissent aussitôt tourner.
- Un de nos lecteurs a repris récemment ces inté-
- ressantes expériences et il les a complétées par quelques effets des plus curieux. La figure 2 représente des rosaces qui paraissent également tourner quand on imprime au dessin un mouvement de rotation.
- 1 Voy. n° 517, du 28 juin 1879, p. b5.
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- LA NATURE.
- Cette figure 2, où les blancs et les noirs sont plus appréciables que dans la ligure 1. permet de mettre le phénomène en évidence à l’échelle où elle est dessinée. Les figures 5 et 4 donnent les modèles de disques qui doivent être montés sur un axe à leur point central. Quand on les fait tourner autour de leur axe à la façon d’une roue, elles se transforment d’une façon très curieuse. Les cercles rayonnés de la figureS disparaissent : on aperçoit un cercle dont la circonférence est limitée par les centres des cercles réels ; en dehors de cette circonférence on voit des demi-cercles multiples. La figure 4 se transforme complètement par la rotation autour de son axe: au lieu de lignes parallèles, elle donne l’aspect des cercles concentriques.
- Ces dessins ont été réduits au quart ; nos lecteurs que ces expériences intéressent pourraient donc les dessiner à une échelle quatre fois plus grande. Chaque figure pourrait être montée sur un disque de carton et être coloriée à sa partie centrale, alternativement en rouge et en vert. Pour la rotation des disques 5 et 4, il suffit de les piquer à leur centre sur la pointe d’un crayon et de les faire tourner à la main.
- BIBLIOTHÈQUE DE « LA NATURE »
- Mœurs et Monuments des peuples préhistoriques Par JI. le marauis de Nadaillac. 1
- Notre savant collaborateur, M. le marquis de Nadaillac, dont nos lecteurs ont assurément apprécié la compétence dans les questions de la préhistoire, et le talent d’écrivain, vient d’enrichir la Bibliothèque de « La Nature » d’un
- Fig. i. — ISur-Àghe à Santa Barbara (île de Sardaigne).
- excellent et remarquable ouvrage, dont le titre, Mœurs et Monuments des peuples préhistoriques, indique suffisamment l’objet. Déjà M. de Nadaillac avait antérieurement publié à la librairie G. Masson, sous le titre les Premiers Hommes, un grand ouvrage en deux volumes, actuellement épuisés; le savant écrivain, après avoir fait paraître son Amérique préhistorique, complète aujourd’hui son œuvre par le volume dont nous annonçons l’apparition.
- L’àge de pierre, à travers le temps et à travers l’espace,
- 1 1 vol. in-8°, avec 115 figures dans le texte. — Paris, G. Masson, éditeur. 1888.
- forme le premier chapitre du livre; l’auteur examine ensuite, dans les chapitres suivants, la nourriture des peuples primitifs, les armes, les outils, le mode de navigation dont se servaient nos premiers ancêtres. L’origine du feu, les premiers essais artistiques, l’histoire des cavernes et des stations lacustres, conduisent successivement le lecteur aux monuments mégalithiques et aux dolmens dont la description est donnée d’une façon très complète et très attachante. Voici maintenant le tableau de l’industrie, du commerce et de l’organisation sociale des premiers hommes ; voici leurs camps, leurs fortifications et leurs guerres ; voici enfin leurs sépultures et leurs tombeaux.
- Ecrit d’une plume correcte et élégante, le livre de M. de Nadaillac est savamment exposé et divisé avec une
- Fig. 2. — Sépulture mégalithique, à Acora (Pérou'.
- grande méthode. La lecture en est éminemment instructive et attachante; rien n’est abandonné à l’imagination, tout est basé sur l’étude des faits et des découvertes scientifiques dont on trouve les derniers résultats acquis.
- Les gravures abondent et accompagnent sans cesse le texte en l’éclaircissant : nous reproduisons ci-contre l’aspect d’un des Nur-Aghes de Sardaigne (fig. 1) monuments singuliers que l’on a si justement appelés une page d’histoire écrite sur toute la surface de l’île par un peuple inconnu; nous donnons aussi la vue d’une remarquable sépulture mégalithique du Pérou (fig. 2); elle nous montre que les constructeurs des dolmens ont jadis couvert les pays les plus lointains; nous ajoutons à ces dessins celui de curieux objets en bronze trouvés auprès de l’Iénisséi, au cœur de la Sibérie, où les ateliers préhistoriques abondent comme sur presque tous les points du globe.
- Nos civilisations modernes sont assurément le fruit de ces travaux antérieurs des longues générations d’hommes qui nous ont précédés et que le marquis de Nadaillac fait si bien revivre à nos veux. G. T.
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- LA N AT U K E.
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- ACADEMIE DES SCIENCES
- Séance du 5 avril 1888. — Présidence de M. Janssen.
- Composition du fumier de ferme. — En possession d’une série de faits nouveaux, M. Dehérain en fait l’objet d’un exposé aussi attrayant par la forme qu’important par le fond : ce n’est qu’un professeur bien babile, on en conviendra, qui peut véritablement charmer son auditoire en l’entretenant d’un sujet qui ne fournit par lui-même qu’un charme bien restreint : la composition du fumier de ferme. L’auteur constate d'abord qu’un tas de fumier est bien loin d’être semblable à lui-même dans toutes ses parties : en haut sa température va jusqu’à 65°, tandis qu’elle ne dépasse pas 50 ou 55° vers le bas ; en haut le gaz qu’on obtient avec la trompe à mercure consiste en azote mélangé de 50 pour 100 d’acide carbonique, en bas il n’y a plus que de 5 à 4 pour 100 d’azote, et l’acide carbonique est mêlé d’un très grand excès de formène ou hydrogène protocarboné. Le liquide dont le fumier est gorgé et qui suinte autour du tas, le purin, comme on dit, est coloré par une substance que Paul Thénard a déjà étudiée, mais dont M. Dehérain a reconnu enfin la vraie nature. Ses expériences lui montrent en effet que cette substance noire est due à la distribution, dans les carbonates alcalins qui proviennent des urines : 1° de la vas-culose attaquable de la paille et qui diffère un peu par ses propriétés de la vaseulose extraite du bois par M. Frémy; 2° de matières azotées provenant de la paille elle-même, des excréments solides des animaux et de la transformation de l’ammoniaque en matière azotée, métamorphose due à l’activité vitale des ferments. Ces faits, si importants au point de vue purement chimique, se traduisent immédiatement par le célèbre agronome qui les découvre en conseils pratiques dont les cultivateurs tireront grand parti. Il faut :
- 1° N’ajouter au fumier aucune substance capable de décomposer les carbonates alcalins, par conséquent proscrire absolument l’emploi des sulfates de fer et de chaux, et surtout des acides, emploi conseillé parfois pour éviter les pertes d’ammoniaque ;
- 2° Procéder à des arrosages fréquents à l’aide du purin qui retient l’ammoniaque, et dissout l’acide carbonique abondant dans l’atmosphère confinée du fumier; la diminution de pression extérieure produite par cette dissolution fait pénétrer dans la masse de l’air qui active les fermentations et par suite la transformation de l’ammoniaque en matière azotée, transformation qui paraît être l’opération qu’on cherche à réaliser dans la préparation du fumier.
- Influence des engrais sur la composition de la graine du soja. — On me permettra d’exprimer ici ma très vive reconnaissance à M. Schlœsing, pour les termes dans lesquels il a bien voulu déposer sur le bureau un travail posthume de mon beau-frère, M. Albert Levallois, "qui vient de mourir à trente-deux ans, directeur de la station agronomique de Nice. Cette note, que j’ai trouvée dans les papiers du défunt, signale un fait des plus remarquables concernant le mauvais effet des engrais sur la composition des graines d’un légumineux récemment introduit en France, le soja. En vue de la production d’une certaine quantité de graines nécessaires pour des essais de culture, on avait semé du soja dans une terre pauvre en azote et en acide phosphorique et dont la profondeur n’a pas été déterminée. Peu de jours après les
- semailles dans le champ qui n’est pas arrosable, on versa en abondance, sur la moitié de la parcelle ensemencée, un engrais chimique complet; l’autre moitié resta sans engrais. Comme on devait s’y attendre, la récolte des plantes dans la parcelle qui avait reçu l’engrais complet fut plus considérable que dans l’autre ; mais dans le cas particulier, celui de la production de beaux échantillons de graines, les résultats furent tout au désavantage de la parcelle qui a reçu l’engrais. En rapportant les résultats à l’hectare, Levallois trouva :
- 1. Parcelle avec engrais complet :
- Plante sèche (feuilles tombées). . 2957 kil.
- Graines............................. 749k,5
- 2. Parcelle sans engrais :
- Plante sèche (feuilles tombées). . 512 kil.
- Graines............................ 274 —
- Le rapport du poids de la plante récoltée au poids de la graine est de 5,9 pour la première parcelle et seulement de 1,9 pour la deuxième. Pour un même poids de plantes, la récolte des graines, dans la parcelle sans engrais, a donc été double de la récolte dans la parcelle avec engrais. On voit donc une fois de plus, par cet exemple si net, que l’agriculteur ne doit pas se préoccuper seulement de mettre de l’engrais dans sa terre, mais qu’il lui faut aussi choisir précieusement les éléments qui composeront son engrais et tenir compte des proportions dans lesquelles ils seront mélangés.
- Falsification des huiles d’olive. — On sait combien est fréquente la fraude qui consiste à mélanger des huiles de graines à l’huile d’olive. M. R. Brullé, préparateur à la station agronomique de Nice, parvient à la déceler par une manipulation très simple. Elle consiste à chauffer, dans un tube de verre, une dizaine de centimètres cubes de l’huile à essayer avec un décigramme environ d’albumine en poudre et 2 centimètres cubes d’acide nitrique ordinaire. Si on a affaire à de l’huile d’olive pure, le mélange prend une couleur jaune légèrement verdâtre ; si l’huile contient 5 pour 100 d’huile de graine, la teinte est franchement jaune d’ambre. A mesure que la proportion d’huile étrangère augmente, la teinte se fonce de plus en plus jusqu’à la couleur orange qui se produit pour le mélange à 50 pour 100. Pour la recherche, dans une huile d’olive, d’une quantité d’huile de graine inférieure à 5 pour 100, l’auteur renvoie au procédé imaginé par Levallois et qui consiste à traiter les huiles saponifiées par une solution de brome.
- Le poison des Çomalis. — M. Chevreul dépose sur le bureau un intéressant travail de son savant collègue au Muséum, M. Arnaud. Des explications complémentaires, données par M. Frémy à la suite des considérations générales de l’illustre doyen de la section de chimie, il résulte que M. Arnaud a retiré du bois d’Ouabaïo la matière cristallisée active du poison dont les Çomalis enduisent la pointe de leurs flèches. Ce principe immédiat parfaitement défini est un glucoside ; Fauteur l’appelle ouabaine. Il amène la mort très rapidement par arrêt du cœur, quand on l’injecte soit sous la peau, soit dans les veines. Dans ces conditions, il suffit de 2 milligrammes pour tuer un chien de 12 kilogrammes. Au contraire, il ne détermine aucun effet funeste par absorption stomacale. Les analyses de M. Arnaud conduisent à lui attribuer la composition exprimée par la formule C30 II46 O12.
- Le blizzard du 12 mars. — Les journaux ont raconté les catastrophes déterminées le 11 et le 12 mars dernier flans plusieurs villes des Etals-Enis par un phénomène
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- LA NATURE.
- météorologique extraordinaire. Un brusque refroidissement de l'air a provoqué la chute d’une si énorme masse de neige que Washington, Philadelphie, Baltimore, Boston, New-York ont été pendant quelques heures absolument paralysés. Le météore s’est propagé du sud-ouest au nord et avec une vitesse de 8 à 10 lieues à l’heure; sur les côtes de très nombreux navires ont naufragé ; sur l’un d’eux on a retrouvé tout l'équipage absolument congelé. Selon M. Paye, 1 e blizzard dont il s’agit n’est autre chose qu’un épiphénomène du cyclone qui au même moment traversait le lac Erié en écharpe et s’engageait dans la vallée du Saint-Laurent.
- Les stations d'eaux minérales du centre de la France. — C’est le titre d’un élégant volume que M. Janssen met sous les yeux de l’Académie au nom de MM. de Pietra Santa et Joltrain. Il s’agit du compte rendu de l’intéressante caravane hydrologique que la Société française d’hygiène a organisée au mois de septembre dernier. L’on- ! vrage se divise en trois chapitres : le premier comprend 1 la partie scientifique et les considérations générales sur la valeur thérapeutique des eaux et la climatologie; le second contient le récit de l’excursion ; dans le troisième figurent les conférences faites dans chaque station par les médecins inspecteurs et consultants. Ce livre, écrit avec impartialité, sera consulté avec profit par tous les médecins et lu avec intérêt par les malades et par les touristes.
- Réformes du calendrier. — M. Joseph Yinot rappelle qu’en 1872, il a donné, dans son Journal du Ciel, un moyen bien simple d’unification des calendriers. Les Orientaux n’auraient qu’à ne pas faire d’années bissextiles treize fois de suite et les dates concorderaient à partir de là. 11 ajoute qu’il faudrait encore, d’un commun accord, ne pas faire deux années bissextiles ensuite, pour se mettre d’accord avec l’année tropique à cause des années 200 et 300 de notre ère qui ont été mal à propos bissextiles et non corrigées en 1582.
- Paléontologie. — M. Gaudry, en déposant un travail sur YElasmolherium, insiste sur les analogies de ce type quaternaire avec les rhinocéros. Suivant lui, les différences entre ces deux bêtes sont en rapport avec les milieux où chacune d’elles a vécu, le rhinocéros étant des climats chauds et Yelasmotherium appartenant à la faune glaciaire. Les rapprochements qu’a faits le savant professeur du Muséum lui ont montré, pour les mêmes temps géologiques, des modifications analogues et parallèles pour les proboscidiens et pour les ruminants.
- Stanislas Meunier.
- RÉCRÉATIONS SCIENTIFIQUES
- DESSIN TRACÉ PAR I,E FEU
- Voici en quoi consiste cette amusante expérience que nous allons d’abord décrire, nous réservant de donner ensuite le moyen de la préparer.
- On prend une allumette ou un bout de bois que l’on enflamme et que l’on souffle de manière 'a ce qu’il présente un point incandescent, comme une petite braise en ignition. On touclie avec cette braise rouge un point du papier préparé. Aussitôt le papier s’embrase à son tour, le feu se propage en un trait qui suit un chemin déterminé, et qui découpe un dessin dans le papier, où rien n’était d’abord apparent. Il est fort curieux de voir le sillon de feu s’étendre à la surface du papier et produire, soit un personnage, soit un animal, tel qu’un chien ou un
- é lé pliant, soit même un nom ou une inscription quelconque. Les traits de feu se divisent souvent en deux; ils s’éloignent l’un de l’autre sur le papier, pour se rejoindre et s’éteindre lorsque le dessin est découpé tout entier.
- L’expérience est très simple a réaliser. 11 suffit de faire dissoudre du salpêtre (nitrate de potasse) dans de l’eau. On en fait une dissolution saturée à froid. On prend alors une feuille de papier mince : le papier qui sert aux affiches convient parfaitement. On y trace avec une tige de bois, une plume d’oie ou un pinceau trempés dans la solution de salpêtre, le dessin qu’on y veut figurer et dont le trait doit être très épais. On laisse sécher. Le phénomène est prêt à se produire.
- Quand on touche, avec une braise, un des points du tracé de salpêtre, la combustion du papier s’opère, et ne se continue que suivant le tracé du sel comburant, c’est-à-dire suivant le dessin. Comme le sel ne laisse sur le papier qu’un dépôt à peine visible, on peut marquer avec un crayon un point de repère, afin d’indiquer l’endroit où il faut appliquer la pointe du morceau de bois incandescent.
- Le propriétaire-gérant : G. Tissandier.
- Le dessin tracé par le feu.
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- Imprimerie A. Lahure, 9, rue de Fleurus, à Paris.
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- Fig. 1. — La tempête de neige des 12 et 15 mars 1888, à New-York. — 1. Vue de la 14” rue. — 2. Entrée du tunnel de la 90” rue. —
- 5. Vue de la 5” avenue. — Après la tempête.
- Fig. 2. — Un train de deux wagons et de cinq locomotives déblayant la voie d’un chemin de fer aux environs de Jersey-City.
- Une tempête de neige, d’une intensité exceptionnelle et dont l’histoire de la météorologie n’a peut-être jamais offert l’exemple, a désolé l’Amérique du Nord. Le phénomène a commencé à se manifester 16e année — 1er semestre.
- le 11 mars 1888. Les rafales de neige ont été particulièrement abondantes les deux jours suivants, 12 et 13, et en certains endroits elles ont régné dans l’atmosphère pendant trente-six heures
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- consécutives dans la direction du nord-ouest au sud-est. Cette tempête extraordinaire que les Américains désignent sous le nom de blizzard avait été précédée de pluies ; elle a couvert le sol en maints endroits d’une hauteur de neige énorme, causant la mort d’un certain nombre d’habitants dans plusieurs localités. L’ouragan a exercé ses ravages sur une surface considérable, qui comprend le vaste territoire situé dans les Etats-Unis du Nord, entre Albany et Washington, du nord au sud, et plus de la moitié de l’Etat de New-York de l’est à l’ouest.
- M. A. V ernier a publié dans le journal le Temps une execellente notice à ce sujet; nous lui emprunterons quelques détails sur le blizzard, dont le nom est nouveau dans le domaine de la science L
- Le blizzard américain a tous les caractères d’une tempête atmosphérique; il arrive avec une rapidité incroyable. A Philadelphie, les 9 et 10 mars, le ciel était clair, Pair tiède et on saluait l’arrivée du printemps. Le 11, le vent du sud-ouest se mit à souffler. Il amena une pluie chaude; le thermomètre était à 16 degrés centigrades; le soir, la pluie devint un vrai déluge; le département météorologique qui fournit ses indications aux journaux avait annoncé un vent du sud-ouest amenant de la pluie, mais rien de plus.
- Pendant la nuit du dimanche, le temps changea complètement. On savait, par les observations du service météorologique, qu’il y avait eu, la semaine précédente, un grand froid et une grande chute de neige dans les Etats du nord-ouest. Dans la nuit du samedi au dimanche, le baromètre tomba subitement à Philadelphie, la dépression se fit sur un immense espace, depuis le lac Michigan jusqu’à l’Etat de l’Alabama; cette dépression se mouvait lentement dans la direction de l’est. Le changement de temps qui s’était produit dimanche était dû à cette dépression; celle-ci se divisa bientôt : au lieu d’un centre il y en eut deux, l’un au-dessus du lac Erié, l’autre au-dessus de la Géorgie.
- Le centre de la dépression méridionale se mit à se mouvoir rapidement le long de la côte de l’Atlantique ; celui de la dépression du nord descendit la vallée du Saint-Laurent, traversa ensuite les Etats du centre jusqu’à la mer.
- Le changement subit de température se produisit à Washington le 14 mars, à 5 heures du soir; à Philadelphie, à II heures du soir; à New-York, il ne fut ressenti que le 12, à 4 heures du matin. A Philadelphie, les effets en furent extraordinaires. La pluie, qui tombait à torrents, se changea, dans l’espace de dix minutes, en grésil, puis en un mélange de neige et de grêle. Le vent, qui avait passé au nord-ouest, commença à souffler en tempête après minuit, atteignant bientôt une vitesse de 90 kilomètres à l’heure. La neige mouillée se changea en glace sur les fils télégraphiques et téléphoniques. Le fardeau porté par ces fils devint bientôt si lourd que tous se brisèrent. La tempête abattit, à Philadelphie, des milliers d'arbres.
- Le froid devint bientôt intense; le thermomètre tomba bien au-dessous de zéro; la neige, poussée par le vent
- 1 Le mot de blizzard d'après M. Paye de l'Institut, a été mentionné dans les écrits du professeur G. Hinrichs, directeur du service météorologique de l'Etat de lova. L’expression blizzard est un terme populaire aux Etats-Unis pour désigner les bourrasques de neige.
- furieux, s’accumulait en grosses vagues que la gelée rendait bientôt solides. Tout mouvement des voitures dans les rues devint impossible. Chaque ville située sur le trajet de la tempête eut le même sort; le blizzard suivit toute la côte ; en une nuit il brisa les fils télégraphiques et isola New-York, Philadelphie, Baltimore et Washington. Des trois cents fils qui unissent New-York à Philadelphie, il n’y en eut pas un seul qui pût servir le 12 mars.
- À Philadelphie l’ouragan parut se modérer dans la journée du 12 ; mais à minuit la bourrasque reprit sa violence. La neige se convertissait en glaçons au fur et à mesure de sa chute, et formait des amas aussi durs que la pierre : la température descendit jusqu’à près du 0 Karenheit. Le lendemain, la ville entière paraissait comme morte; ce n’est que dans l’après-midi du 15 que la tempête se calma. Il ne fallut pas moins de 4000 travailleurs pour débarrasser la voie du chemin de fer entre Philadelphie et ïlarrisburg.
- Le Scientific American nous a apporté un grand nombre de documents sur l’ouragan de neige à New-York. D’après ce journal la ville de New-York s’est en quelque sorte trouvée au centre de la tempête de neige, mais les grandes cités que baigne l’Hudson au nord ont encore été plus éprouvées. Troy et Albany ont failli être en quelque sorte englouties et le nombre des victimes y a été considérable.
- La ville de New-York, pendant plusieurs jours, s’est trouvée dans un désarroi complet, les lignes de chemin de fer ont été interceptées, les navires retenus au port, les lignes télégraphiques, brisées pour la plupart, rendaient toute correspondance impossible. Tout travail, dans cette cité si laborieuse et si active, a été absolument suspendu et cet effet s’est prolongé pendant presque toute une semaine. Les provisions furent difficiles à se procurer et on dut recourir aux conserves alimentaires. Dans les environs, les ouvriers de la ville étaient obligés de rester dans leurs demeures sans en pouvoir sortir, et des milliers de personnes furent contraintes de rester prisonnières dans les trains de chemin de fer à moitié enfouis dans la neige. La ligne du chemin de fer de New-Jersey fut particulièrement encombrée, et ses trains absolument arrêtés pendant quarante-huit heures. On dut apporter, tant bien que mal, des vivres aux voyageurs.
- Le matériel des chasse-neige se trouvait absolument insuffisant, car la tempête avait atteint des proportions inconnues même aux Etats-Unis où elle ne semble pas avoir eu de précédents.
- Les gravures que nous publions donnent une juste idée de l’abondance des neiges amassées à la surface du sol. La figure 1 nous montre le tunnel de la quatre-vingt-dixième rue à New-York, presque obstrué par la neige dont les terrassiers ont formé un talus. A droite et à gauche du dessin central, on voit les chemins bordés de murs de neige qui ont rendu praticables les rues de New-York, le lendemain de la tourmente. La figure 2 donne, d’après
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- une photographie, l’aspect des cinq locomotives d’un chemin de fer se frayant la voie à travers la neige dans le voisinage de Jersey-City. Les figures o et 4 représentent l’aspect de deux rues importantes de New-York à la fin de l’ouragan.
- La tempête de neige a été caractérisée par l’intensité des rafales et par l’abaissement de température qui ont causé de véritables désastres.
- Dans plusieurs endroits, des personnes ont élé aveuglées et comme étouffées par le vent furieux charriant des cristaux de neige; des malheureux ont été renversés par l’ouragan et ensevelis sous la neige. Vingt et une personnes au moins, à New-York, ont été victimes du blizzard ; on a compté vingt-quatre morts à New-Jersey, sept a Newhaven et vingt-six à Fairhaven dans le Connecticut. Dansquel-ques villes, la neige ayant recouvert les cimetières, les morts étaient accumulés dans certains points des campagnes et descendus dans la terre, sans avoir pu recevoir les derniers honneurs.
- L’ouragan de neige ne fut pas moins terrible en mer que sur terre ; un grand nombre de naufrages ont été signalés et on cite un navire échoué sur la côte du Maryland, dont tout l’équipage a été trouvé congelé. Trente vaisseaux ont été perdus dans la haie de Chesapeake, vingt-deux navires ont été engloutis dans la baie de Delaware, et soixante autres navires ont été jetés à la côte.
- Tels sont les détails qu’il nous a été donné de recueillir jusqu’ici sur la tempête de neige américaine. On voit que cet ouragan a pris des proportions inouïes, et il ne serait pas impossible que l’état atmosphérique de nos climats, où la neige est si abondamment et si tardivement tombée de toutes parts, lut la conséquence de cette grande perturbation. Gaston Tissandier.
- BALEINES FRANCHES
- DANS LES EAUX d’aLCER
- Le 20 janvier 1888, deux baleines franches se montrèrent dans les eaux d’Alger. L’une d’elles s’était prise dans des filets à thons, entre Castiglione et Tipaza, et poussant devant elle une masse énorme de ces filets (plusieurs tonnes) s’était échouée sur le sable. Les pêcheurs, non sans courir quelques risques, l’avaienl tuée et remorquée à Alger où ils obtinrent l’autorisation de l’exposer sur un chaland.
- Grâce au service d’informations qu’a bien voulu organiser le Ministre de la marine à la demande de feu M. le professeur Gervais et de son successeur dans la chaire d’anatomie, le Muséum avait été prévenu; mais un retard survenu dans la transmission de la dépêche a failli tout compromettre. En effet, la police d’Alger, par mesure sanitaire, avait ordonné que l’animal fût immédiatement dépecé et les débris jetés à la mer.
- G’est la seconde fois seulement qu’on constate, d’une manière positive, la présence de baleines franches dans la Méditerranée (la première fois en 1877, à Tarente, Gapellini). La perte était donc irréparable, sans le zèle de M. Pénissat, commissaire de l’inscription maritime
- d’Alger. Avec un dévouement tout patriotique et l’intelligence des intérêts scientiiiques dont l’Administration de la marine est coutumière, M. Pénissat a fait rechercher ou repêcher sur les grèves environnantes les débris que la mer avait dispersés et réunir ceux que les pêcheurs s’étaient partagés. Le succès le plus complet répondit à ses efforts, et nous possédons aujourd’hui le squelette à peu près complet de l’animal. Cette baleine, qui mesurait environ 11 mètres de long et 6'",GO de circonférence, n’est autre que la baleine des Basques (B. biscayensis), ou Sarde, ou Nordkaper, devenue aujourd’hui très rare. Les documents que nous avons sur l’animal frais, les rugosités du sommet de la tète, la forme des fanons, la comparaison des os pétro-tympaniques ne laissent aucun doute sur la détermination. On remarquera, de plus, que l’époque où se sont montrées les deux baleines d’Alger coïncide d’une manière absolue avec l’époque assignée ordinairement aux apparitions de cet animal (février).
- Cette capture a d’autant plus d’intérêt pour nous, qu’elle vient combler une des rares lacunes de la magnifique collection de grands Cétacés du Cabinet d’anatomie, collection aujourd’hui unique pour le nombre des espèces représentées1. Poucuet et Beauregard.
- LA GROTTE DE TREBICIANO
- Il existe en Istrie une grotte peu connue du public et dont la disposition générale, fort singulière, est celle d’un puits vertical, profond de plus de 500 mètres, et tombant dans un lac souterrain sans issue apparente. Cette bizarrerie naturelle mérite bien d’être signalée2.
- La grotte de Trebiciano ou de Trebie s’ouvre a une demi-heure du village de ce nom, sur le plateau calcaire du Karst istriote, à 5 kilomètres est de Trieste.
- On sait qu’au sud-ouest d’Adelsberg, non loin de la station de chemin de fer de Divacca, une rivière, appelée Rjeka ou Recca, se perd dans les cavernes admirables de Saint-Canzian (rivales de celles d’Adelsberg) où il devient impossible de suivre son cours. On croit d’autre part que le Timavo, puissant ruisseau qui sort du rocher entre Nabresina et Mon-falcone (à San-Giovanni-di-Duino, au nord-ouest de Trieste) et qui se jette dans l’Adriatique avec un bref parcours de 2 kilomètres 1/2, est tout simplement la Recca ressuscitée après .un enfouissement de 35 kilomètres a vol d’oiseau. Or, la grotte de Tre-biciano serait un regard placé entre ces deux points; la nappe d’eau courante qui en forme le fond serait un tronçon de la Recca souterraine. Voici comment on a émis cette hypothèse et découvert la grotte.
- En 1840, un sieur Lindner, étudiant les moyens de fournir à Trieste l’eau potable qui lui manquait, eut l’idée d’explorer toutes les fovee (foibes) ou fosses qui, entre cette ville et Saint-Canzian, percent la surface du Karst istriote comme les avens dans
- 1 Note présentée à l’Académie des sciences par M. A. Milne-Edwacds.
- 2 Les détails que nous publions sont extraits ht résumés du tome 11 (1887) des Atli c memorie de la Socictà alpina ddlv Ginlic (do Trieste).
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- les causses irançais : il espérait rencontrer au fond de l’une d’elles la mystérieuse Recca et, par un aqueduc-tunnel foré à grands frais, en dériver les flots purs vers Trieste. La première partie de ce plan fut seule couronnée de succès. Le Oavril 1841, après onze mois d’un travail opiniâtre et périlleux, M. Lind-ner avait la joie de trouver la rivière cherchée dans lafoibe (aujourd’hui grotte) de Trebiciano, à 529'11,91 au-dessous du sol, à 90 mètres au nord-ouest de la bouche du puits immense, et à 15m, 17 au-dessus de la mer.
- L’oscillation constante du niveau de l’eau résultant de l’alternance des pluies et des sécheresses lut le principal obstacle opposé au projet de dérivation de M. Lind-ner. En 1842, des mesures plus exactes donnèrent pour l’altitude de l’entrée de la caverne 541 m,095, et pour le niveau de l’eau au-dessus de la mer, 18m,96 (soit 522™,lo5 pour la hauteur du puits).
- En octobre 1870, des pluies abondantes soulevèrent le lac souterrain j us-qu’à 158 mètres d’altitude, soit à 205 mètres seulement en contrebas de l’orifice de la caverne .
- Ce n’est pas par une succession de galeries et de salles en pente douce, comme à la Baouma deï Doumizellas de Ranges (Hérault), que l’on parvient au fond du gouffre de Trebiciano : c’est par un vrai puits presque vertical, un tube rocheux où l’on se laisse couler au moyen de 76 échelles placées sur 52 étroits paliers. En réalité, il y a 12 puits superposés, ayant de 1 à 7 mètres de diamètre et séparés par deux petites chambres et plusieurs courts plans inclinés. Après une descente fatigante de 258m,80 on débouche (ayant dévié de la verticale de 96 mètres seulement vers le nord-ouest) sur une colline calcaire couverte de sable, au pied de laquelle l’eau fuit lentement avec un bruit sensible : de là on embrasse toute la caverne proprement dite, de forme rhomboï-dale, longue de 200 mètres (de l’est à l’ouest), large de 80 mètres, haute de 75 à 80 mètres et oc-
- cupée par un véritable lac. Le sommet de la colline» qui est le point où finit le puits de descente, domine de 62m,50 le niveau moyen (19 mètres d’altitude) de la nappe d’eau. Un léger esquif, construit sur place, a permis une intéressante navigation : on a reconnu que la rivière pénètre dans l’immense salle par une fissure placée sous l’eau et s’échappe de meme par une fente invisible; le sens du courant a été constaté, mais voilà tout : nul n’a pu encore remonter ni descendre l’impénétrable Recca en deçà ni au delà de la poche rocheuse où elle se trahit comme à regret.
- Ainsi, un dôme énorme traversé par un cours d’eau
- qui y forme lac, et surmonté d’une cheminée d’aérage de 259 mètres de hauteur, voilà toute la grotte de Trebiciano, certes l’une des plus curieuses qui existent.
- Une faune assez abondante de petits animaux aveugles s’y rencontre comme dans les autres cavernes du Karst.
- I)c grands travaux d’aménagement exécutés de 1884 à 1886 ont rendu moins difficile l’accès de cette attraction sise aux portes de Trieste.
- Quand l’eau monte après les pluies , il s’établit parfois jusque dans la partie supérieure du puits un courant d’air ascendant assez violent pour
- éteindre toute lumière.
- Faute de pouvoir explorer la rivière en aval, et afin de savoir si ses flots étaient bien ceux du Ti-mavo, ou y a jeté de nombreux objets disposés de manière à flotter entre deux eaux : aucun, môme des plus petits, n’a reparu à San-Giovanni-di-Duino. Si donc le Timavo est la fin de la Recca, la rivière souterraine doit passer par des canaux bien ténus et divisés. On a renoncé, quant à présent, à chercher la solution du problème par l’issue impraticable de la remarquable grotte de Trebiciano.
- E.-A. Martel,
- de la Société des Alpes Juliennes. —=•<><—
- WNJveSu Wfterràm à/entrée de fa. caverne.
- (auteur atteinte par] eau
- zféa Niveau approximatifde l’eau / /eï*r Octobre)868. ~~/T
- La grotte de Trebiciano, en Istrie. — Coupe géologique.
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- ÉOLIPYLE Â ESSENCE MINÉRALE
- DE M. PAQUELIN
- M. le docteur Paquelin a conquis depuis longtemps un rang distingué parmi les savants qui se sont donné le problème de tirer parti des merveilleuses propriétés combustibles du pétrole pour obtenir des effets utiles à la science et a l’industrie.
- Après plusieurs années de recherches, l’auteur vient de créer un nouvel éolipyle à essence minérale, destiné à remplacer rapidement P éolipyle à esprit de bois, qui a déjà rendu tant de services dans les ateliers. En effet, l’appareil combiné par M. Paquelin est beaucoup plus rapide à mettre en action, il produit une flamme d’une intensité incomparable-
- ment plus grande, il marche plus longtemps, s’éteint très aisément, coûte beaucoup moins cher de combustible, et enfin possède la propriété précieuse de fonctionner dans une position quelconque. Il a été présenté à la Société de physique, à l’Académie des sciences, et a figuré dans les soirées de la Société de physique, à l’bôtcl de la Société d’encouragement, pendant la semaine de Pâques.
- L’essence minérale destinée à l’alimentation de l’éolipyle Paquelin se place dans un réservoir traversé par le tube servant à l’alimentation d’air. Il est séparé en deux chambres distinctes par une couche de matière poreuse très serrée à travers laquelle doit passer la vapeur de pétrole. C’est à la présence de cette couche poreuse, empêchant le liquide de passer en bloc d’une chambre dans l’autre, que
- l’appareil doit la propriété de marcher dans toutes les positions. On peut même, sans l’éteindre et sans modifier en rien son activité, le tourner en fronde comme un charbon ardent, et assez rapidement pour produire la sensation d’un sillon lumineux.
- Voici quel est le mode de fonctionnement de l’appareil. L’essence minérale contenue dans le réservoir R (voy. la coupe ci-dessus) doit être mise en vapeur et sous pression. À cet effet, on verse environ 2 centimètres cubes d’essence dans la gouttière supérieure G. La lampe étant alors coiffée de son casque A, on allume cette essence a travers les orifices ménagés à la partie inférieure de cet organe.
- Les vapeurs de l’essence minérale intérieure ne tardent pas à se former sous pression par suite de l’élévation de la température. Elles circulent à travers une ouverture pratiquée dans la pièce métallique P et sortent par un petit orifice O de très faible
- diamètre. Ces vapeurs sortant sous pression, l’appareil fonctionne à la façon d’un Giffard; l’air extérieur est entraîné par la canalisation centrale, ainsi que par les orifices latéraux de la cheminée. Il se fait ainsi un mélange de combustible et de comburant en proportion parfaite, de telle sorte que le carbone et l’hydrogène de l’essence minérale sont brûlés avec leur maximum d’effet. Le mélange produit, s’enflamme de suite, et la flamme, d’abord blanche, prend bientôt la couleur bleu-violet qui caractérise celle du bec Bunsen. 11 y a combustion complète, d’où chaleur intense immédiatement développée dans la cheminée T. Cette cheminée de cuivre rougit immédiatement. À partir de ce moment, on peut renverser la lampe et s’en servir dans toutes les positions. Dans la position renversée l’essence minérale intérieure ne peut arriver dans la chambre d’ajutage que goutte à goutte en filtrant en quelque
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- sorte lentement à travers la mèche M, et là, rencontrant des surfaces très chaudes, elle se vaporise aussitôt. L’allumage de la masse d’air mélangée de vapeurs produit une aspiration tellement énergique dans le tube d’alimentation, que M. Paquelin a été obligé de le garnir à sa partie inférieure d’une pièce à laquelle il a donné le nom de brise-vent, et qui sert à modérer l’impétuosité du courant produit.
- On éteint très facilement le jet soit en soufflant transversalement, soit en bouchant vivement la gueule de la cheminée avec un tampon de papier ou d’autre matière.
- Tout le temps qu’il fonctionne, l’appareil fait entendre un bruit caractéristique fort intense produit par l'énergique appel d’air déterminé par la combustion de la llamme. Son action dure environ quarante minutes et il consomme à peu près 100 grammes d’essence par heure. La mise en marche est d’environ une minute. La quantité de chaleur développée est si grande que l’on peut fondre aisément à air libre, l’argent de nos monnaies (pièces d’un franc) le cuivre rouge (lil de quatre millimètres) et l’or. Le nouvel éolipvle a des usages multiples : c’est l’outil de tous ceux qui ont à faire des soudures. Il sera fort précieux dans les ateliers, dans les cabinets de physique, dans les laboratoires, et deviendra l’appareil indispensable de tous les corps d’état qui se servent de la llamme et de la chaleur.
- W. DE FoNVIELLE.
- RÉSOLUTION ÉLECTRIQUE
- DES ÉQUATIOXS ALGÉDIUQUES
- C’est sous ce titre que M. Jordan a présenté à l’Académie des sciences, le 25 janvier 1888, au nom de M. Félix Lucas, une Note qui nous a déjà valu de la part de nos lecteurs bien des questions auxquelles nous allons essayer de donner satisfaction.
- La Note de M. Lucas avait été d’ailleurs précédée d’une autre Note relative à la Détermination électrique des racines réelles et imaginaires de la dérivée d'un polynôme quelconque. (Séance du IG janvier 1888.)
- Ces deux Notes ont un caractère essentiellement abstrait, et il est impossible d’y découvrir un moyen véritablement pratique d’arriver au but indiqué par le titre. 11 est question, dans ces notes, de cassinoïdcs, de stel-loïdes, de lignes isodynamiques, équipotentielles, équi-modulaires et halysiques, de points-racines et points no-daux, etc. C’est assez dire que, par sa nature même, le travail de M. Félix Lucas ne pourrait être que très difficilement présenté aux lecteurs de notre publication.
- En voici néanmoins un aperçu général.
- Par une série d’analogies et d’assimilations entre les propriétés algébriques des polynômes et les courbes équipotentielles électriques, M. Félix Lucas a été conduit à penser qu’il serait possible de confier à l’électricité le soin de tracer les courbes équipotentielles en recourant à l’ingénieuse méthode électrolytique de M. le Dr A. Guébhard, et d’utiliser les courbes équipotentielles ainsi tracées pour déterminer électriquement les points-racines d’un polynôme dérivé, étant donnés les points-racines
- j du polynôme. Pour obtenir ces courbes, une plaque mince, en métal poli, circulaire et de grand rayon, étant isolée et immergée dans une solution saline convenablement choisie, on prendra pour électrode positive une surface cylindrique dont le bord circulaire libre viendra presque affleurer le contour de la plaque, et pour électrode positive un faisceau de fils métalliques dont les pointes arriveront tout près des points-racines du polv-nôine (points supposés connus). Les anneaux colorés, bientôt obtenus par suite du dépôt électrolytique, fourniront un diagramme de lignes équipotentielles et indiqueront les positions cherchées des points-racines du polynôme dérivé.
- Certaines figures obtenues autrefois par M. Adrien Guébhard, et reproduites dans la dernière édition du Cours de physique de l'Ecole polytechnique, de Jamin, correspondent précisément à celles qu’il aurait fallu produire pour déterminer, d’une part, le point-racine de la dérivée binôme du second degré et, d’autre part, les trois points-racines de la dérivée d’un trinôme du quatrième degré. M. Félix Lucas propose aussi, pour résoudre le même problème, de tracer les lignes équipotentielles par la méthode d’exploration galvanométrique de Kirchhoff.
- En étendant l’application des lignes équipotentielles, j M. Félix Lucas démontre, dans sa seconde Note, com-j ment l’emploi de l’électricité permet de ramener la réso-i lution des équations d’un degré quelconque p dont les coefficients réels ou imaginaires sont donnés numériquement, à celle d’équations de degrés inférieurs à p: il donne deux méthodes différentes conduisant au même résultat : la première détermine les points-racines cherchés par le croisement orthogonal de deux lignes équipotentielles, sans introduire de points étrangers ou parasites; la seconde méthode repose sur les intersections de lignes équipotentielles ne se coupant pas orthogonalement, elle adjoint des points parasites et oblige à faire un triage.
- L’une et l’autre méthode exigent d’ailleurs un certain nombre d’applications successives de la solution électrique pour résoudre une équation du degré p, en prenant pour bases de départ des équations du second « degré que l’on résout analytiquement. Ce nombre est j beaucoup plus considérable avec la seconde méthode | qu’avec la première.
- Pour résoudre une équation du septième degré, il faudrait, d’après M. Félix Lucas, appliquer six fois la première méthode, tandis que la seconde pourrait exiger trente et une applications !
- Le titre choisi par M. Lucas est certainement prématuré, car jamais aucune équation d’un degré quelconque n’a encore été résolue à l’aide de la méthode électrique indiquée par l’auteur. La complexité des méthodes, le nombre des manipulations délicates que nécessiterait leur emploi, les erreurs auxquelles elles pourraient donner lieu, le manque de toute indication sur la manière de réaliser pratiquement les idées par trop abstraites de l’auteur, nous paraissent devoir justifier cette apprécia-ciation. E. II.
- ESSENCE DE BOIS DE ROSE
- A côté de l’essence de rose proprement dite, on trouve, dans le commerce, sous le nom à'Essence de bois de rose femelle, une huile essentielle originaire de la Guyane. Cette essence est le produit de la distillation, en présence de l’eau, du bois de Licari Kanali (Licari guianensis), qu’on
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- devrait, d’après le. chimiste lî. Morin, spécifier sous le nom à'Acrodiclidium, famille des Lauracées.
- La production industrielle de l’essence de bois de rose n’a réellement été prospère, à Cayenne, où elle se pratiquait, que l’espace de quatre à cinq années, jusqu’en 1884. A cette époque les difficultés d’exploitation et la surélévation des prix des matières premières devinrent telles, que la fabrication fut presque abandonnée. Aussi, tout en augmentant considérablement de valeur, cette essence est-elle devenue très rare. Confondue primitivement avec l'Essence de Linaloès, qui s’exploite au Mexique, et provient du bois de citron, l’essence de Licaii a été ensuite parfaitement étudiée et caractérisée par le savant chimiste que nous venons de citer. Limpide, peu colorée, moins dense que l’eau, elle brûle avec une flamme fuligineuse et ne se solidifie pas à — 20°. Sa composition chimique est analogue à celle du camphre. Le résultat de la distillation de son chlorhydrate est un hydrocarbure, le licarène, liquide incolore, très mobile, sans action sur la lumière polarisée, d’une densité de 0,835 à la température de + 18°, et dont la formule est C20II16 ; c’est, par conséquent, un isomère du térébenthène. L’odeur aromatique de l’essence de bois de rose est agréable; on v retrouve les parfums de la rose, du réséda, de l’oranger. Mais pure et très concentrée, elle pourrait occasionner de la céphalalgie à la suite d’une inspiration trop prolongée. Elle devient beaucoup plus pénétrante et plus délicate par l’addition d’un tiers environ d’alcool absolu, ou même d’aleool hydraté. .1. S.
- TORPILLEUR ÉLECTRIQUE SOUS-MARIN
- DE M. WADDIN'GTON
- Nous avons signalé déjà les types si curieux de torpilleurs sous-marins imaginés parM. Nordenfeldt \ et nous avons montré que si la navigation sous-marint n’était pas encore entrée définitivement dans la pratique, on ne saurait nier cependant que les essais de cet ingénieux inventeur ne permettent d’entrevoir la réalisation de cette idée pour un avenir peu éloigné peut-être.
- À côté de M. Nordenfeldt, d’autres ingénieurs poursuivent la solution du même problème en employant des moteurs différents, comme l’électricité ou l’air comprimé, qui semblent d’ailleurs mieux appropriés que la vapeur à cette application spéciale2. Une récente communication faite à l’Académie des sciences a rendu publics quelques-uns des résultats les plus intéressants déjà obtenus parM. le capitaine Krebs3.
- Nous allons faire connaître aujourd’hui le nouveau torpilleur sous-marin de M. J.-F. Waddington, ingénieur constructeur à Sevicombe, près de Liverpool.
- Le torpilleur sous-marin de M. Waddington conserve la forme en fuseau imitée de celle des poissons, qui caractérise en quelque sorte nécessairement ces en-
- 1 Voy. n° 645, du 10 octobre 1885, p. 289; n° 670, du 3 avril 1886, p. 275; et n° 681, du 19 juin 1886, p. 38.
- 2 Voy. n° 710, du 8 janvier 1887, p. 81. Bateau sous-marin américain.
- Voy. n° 775, du 7 avril 1888, p. 299.
- gins ; c’est un bateau de petites dimensions pouvant contenir une et au plus deux personnes, ayant llm,27 de longueur totale pour un diamètre de lm,85.
- 11 est partagé en trois compartiments isolés par deux cloisons verticales ; les chambres extrêmes sont remplies d’air comprimé qui peut être utilisé au besoin pour la respiration ou même pour fournir une force motric e. La chambre centrale où se tient le conducteur contient d’ailleurs assez d’air pour que deux hommes puissent y séjourner pendant six heures consécutives. L’air vicié est expulsé par des soupapes spéciales s’ouvrant automatiquement dès que la pression intérieure devient supérieure à la pression extérieure. On pourrait sans doute d’ailleurs absorber l’acide carbonique dégagé par des réactifs chimiques, afin de ne pas souiller l’air. La chambre centrale porte à la partie supérieure un petit kiosque muni de larges hublots et qui peut se fermer hermétiquement par un petit panneau servant en même temps à donner accès dans l’intérieur du bateau. Des garde-corps mobiles peuvent être mis en place autour du kiosque lorsque le bateau nage à la surface sans s’immerger.
- L’électricité qui donne la force motrice est fournie par des accumulateurs de chacun 600 ampères-heure, et dont les caisses, au nombre de 45, sont rangées dans le bas de la chambre centrale. Ces accumulateurs sont assemblés en séries et rattachés à la machine électrique qui actionne directement le propulseur marchant à 750 tours par minute.
- D’après les renseignements publiés dans le Yacht et le journal anglais bidustries, une puissance de 7,96 chevaux électriques, correspondant à un courant de 66 ampères et 90 volts peut assurer un parcours de 80 milles à pleine vitesse, soit pendant dix heures à raison de 8 milles à l’heure, sans qu’on ait besoin de recharger les accumulateurs. En diminuant la vitesse, on pourrait atteindre 110 et même 150 milles. Il est intéressant de rapprocher ces chiffres des résultats obtenus par M. le capitaine Krebs et dont nous avons parlé dans notre précédente livraison (p. 299).
- En dehors du moteur électrique, le bateau sous-marin de M. Waddington comprend une installation bien disposée d’organes connexes, hélices d’enfoncement, contrepoids pour le lest, etc.
- L’enfoncement est obtenu et surtout réglé au moyen de deux hélices verticales contenues dans des tubes appuyés sur les cloisons des chambres à air. Chacune d’elles est commandée par un moteur spécial et peut ainsi être actionnée séparément. Le bateau porte en outre deux plaques avec contrepoids mobiles autour d’un axe horizontal, ménagées à l’extérieur, et qui peuvent être commandées de l’intérieur pour déterminer l’immersion pendant la marche. Il a, de plus, quatre gouvernails d’immersion dont deux horizontaux et deux verticaux qui sont destinés a assurer l’invariabilité de la position horizontale; ces gouvernails agissent même d’une manière auto-
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- matique sous l’impulsion d’un électromoteur spécial commandé par une sorte de pendule et qui entre en jeu aussitôt que le bateau prend la plus petite inclinaison. On s’est préoccupé enfin d’assurer l’émersion immédiate du bateau en cas de danger pressant, et le bateau porte à cet effet sous le fond un poids considérable qui peut se détacher immé-
- diatement. Deux grandes caisses latérales ménagées dans la chambre centrale peuvent être remplies d’eau quand le bateau est à la surface et qu’on veut préparer l’enfoncement. En raison de sa destination spéciale, le bateau comporte trois torpilles attachées extérieurement, mais maintenues seulement par des griffes qu’on peut ouvrir de l’intérieur. Deux d’entre
- Fig. 1. — Le nouveau torpilleur électrique sous-marin de M. Waddington. — CC. Cloisons séparant le bateau en trois parties. — AA. Accumulateurs électriques. — M. Machine dynamo. — Rlt. Réservoirs. — GG. Gouvernails verticaux. — IIH. Gouvernails horizontaux. — I*. Poids qui peut se séparer du navire. — EEE. Tubes verticaux contenant les arbres des hélices pour le mouvement vertical.
- elles sont des torpilles locomotives dont le propulseur entre automatiquement en marche lorsqu’elles se détachent du bateau par le jeu des griffes. La troisième est une torpille de mine fixée sur le haut à l’arrière du panneau d’entrée ; elle sert à attaquer les navires à l’ancre munis de leurs filets protecteurs; le bateau sous-marin doit la lâcher sous le navire ennemi, il s’éloigne ensuite en restant en communication avec sa torpille par des fils électriques qui lui permettent de déterminer l’explosion au moment convenable.
- Ajoutons enfin, comme l’indique la figure 1, que tous les leviers de manœuvre sont groupés dans la chambre centrale à la portée du conducteur qui peut déterminer sans effort tous les mouvements nécessaires. En remplissant d’eau les caisses latérales du bateau à la surface, on diminue la flotta-
- bilité; on assure l’immersion du bateau en marche en agissant de préférence sur les plaques latérales pour les incliner. La vitesse atteint alors 5 nœuds à
- l’heure. Un peut recourir aussi aux hélices verticales qui servent d’ailleurs à régler la profondeur d’immersion par leur vitesse de marche, mais on les emploie surtout pour assurer l’immersion sur place.
- On voit par cette description que tous les détails d’installation de ce bateau sous-marin ont été soigneusement étudiés, et il y a lieu de penser que sans être encore définitif, ce nouveau type est appelé à donner des résultats importants dans la pratique. Les journaux anglais nous apprennent d’ailleurs qu’on aurait pratiqué à Liver-pool des essais tout à fait encourageants devant les délégués de diverses puissances navales.
- Fig. 2. — Vue extérieure du torpilleur sous-marin de M. Waddington. TT. Torpilles latérales.
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- HOSPICES D’ANIMAUX ET REFUGES D’OISEAUX, DANS LES INDES
- Les Hindous sont encore aujourd’hui très fidèles | à toutes les règles de leur antique religion qui eom-
- Fig. 1. — Le l’injrâpoül ou hospice des animaux, à Bombay. (D’après uature, par 31. Albert Tissamlier.)
- porte une mythologie plus considérable que celle des anciens Romains. Cette pluralité extraordinaire de divinités les conduit à des superstitions extrêmes.
- La métempsycose, entre autres, est une de celles qui sont les plus répandues. Un Hindou pensera volontiers que les âmes de ses anciens parents viennent résider dans le corps du bœuf qui l’aide aux travaux de ses champs ou dans celui de la jolie perruche verte qui fait son nid sur son toit pour mieux le protéger. *
- C’est la secte religieuse hindoue des Jains qui pratique le plus cette croyance. Elle a pour tous les animaux en général un respect qui ^passerait à nos yeux pour une grande exagération. Le Jain ne saurait tuer aucun animal, et il poussera l’attention si loin, qu’avant de s’asseoir sur la terre, il essuiera avec soin la
- place, afin de ne pouvoir écraser aucun insecte. J’ai vu souvent sur les routes indiennes, des mères de famille faisant sous les ombrages des platanes la toilette de la tête de leurs enfants. Elles retirent les puces ou les autres insectes avec délicatesse et rejettent à distance le vilain parasite, mais elles n’oseraient jamais le détruire. On dit même que, poussant plus loin cette superstition bizarre, un Jain vraiment dévot a toujours soin de voiler sa bouche dans la crainte qu’une mouche imprudente ne puisse y entrer. Il pourrait alors l’avaler et ce serait péché mortel.
- La secte des Jains, toujours fidèle à cette croyance, a fondé à Rombay un hospice ou refuge pour les animaux de toutes les espèces. Cet asile est des plus curieux et il occupe dans le quartier indi-
- Fig. 2. — Un Parabara ou refuge d'oiseaux, à Ahmedabad. (D’après nature, par M. Albert Tissandier.)
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- gène de la ville un espace assez considérable. C’est le Pinjràpool. Une administration complète est organisée pour garder les animaux qui y sont admis.
- On entre tout d’abord dans une très vaste cour entourée de hangars; un grand jardin avec des quinconces d’arbres occupent la partie centrale.
- Plus de 500 vaches, bœufs et veaux, en compagnie de buffles occupent les hangars. Ils reçoivent de la part des employés hindous les soins les plus attentifs. La plupart d’entre ces animaux sont estropiés ou accablés de vieillesse, les moins invalides se promènent en rêvant à leur manière dans le jardin central à l’ombre d’un immense Fiais indica plusieurs fois centenaire (fig. 1).
- Dans une autre partie du jardin se trouvent les volières qui sont habitées par plus de 500 poules et canards. Des grues et des hérons en liberté, apprivoisés par suite de leur long séjour dans l’hospice, s’approchent de vous à l’aide de leurs jambes de bois pour vous saluer, puis sur les toits des hangars et des volières on voit voltiger une quantité de pigeons. Ceux-l'a vivent à l’aise et sont respectés, la maladie ne les atteint guère. Plus loin enfin, sous les arbres, on remarque des cages séparées où j’ai vu 40 perroquets et des oiseaux divers. — Les singes, les porcs-épics ont aussi dans ces lieux leur maison de retraite. Les animaux atteints de maladies sérieuses trouvent dans des hangars fermés par des nattes une infirmerie parfaitement aménagée. Des rebouteurs et des vétérinaires sont attachés à l’établissement pour les soins à donner ou pour les opérations chirurgicales à faire.
- Dans d’autres cours plus petites on visite les chenils qui contiennent presque toujours environ 250 à 500 chiens malades ou recueillis dans les rues de la ville comme chiens errants, puis des abris pour les chevaux, les moutons, les chèvres, etc. — Lorsqu’on sort de ce curieux établissement, semblable à une arche de Noé d’un genre exceptionnel, on ne peut se défendre d’une certaine admiration, et on pense malgré soi aux faibles résultats de nos sociétés protectrices des animaux.
- Dans presque toutes les villes de l’Inde cette secte pense aux oiseaux, et dans les rues, les riches propriétaires font installer de charmants refuges à leur intention. Ahmedabad surtout est la ville privilégiée pour ces charmants petits êtres.
- Ce refuge, qu’on nomme dans le pays un para-bara, est simple comme construction, mais il est souvent d’une grande ornementation (fig. 2). Lepa-rabara représenté sur le croquis est un joli pavillon hexagonal en bois sculpté sur toutes ses faces, soutenu par des consoles ornées de statuettes gracieuses et posé sur un màt garni d’échelons.
- Un homme est chargé de remplir toujours d’eau la petite coupe suspendue, et de graines, le plateau.
- Les moineaux et perruches d’Ahmedabad, les corneilles et même les écureuils qui viennent des jardins voisins se donnent rendez-vous dans ces pavillons ; c’est leur asile sacré.
- 11 est souvent placé cependant dans une rue des plus passantes de la ville, mais personne, les enfants même ne songeraient à en inquiéter les habitants.
- Dans d’autres villes des Indes, comme Jeypore, la capitale du Rajpoutana, la protection des animaux est poussée encore plus loin. Il existe aux portes de la ville un vaste étang dans lequel sont entretenus près de 500 crocodiles. Ils sont sacrés, et malgré les protestations fréquentes du gouvernement anglais le radjah tient à les conserver. Il a bien voulu cependant enlever les plus gros d’entre eux à cause de récents accidents. Plusieurs enfants avaient été dévorés.
- Les Hindous se baignent quelquefois imprudemment dans l’étang des crocodiles, et une jambe est bientôt happée par les sauriens. Les crocodiles coupables ne sont pas tués cependant, on se contente de les chasser dans la rivière voisine où, sans doute ils feront d’autres victimes.
- A Bénarès, si on respecte moins les bêtes féroces, on protège d’autres animaux. IL y a un temple charmant entouré d’arbres séculaires et situé près d’un bel étang, c’est le séjour des singes sacrés; dans toute la ville les perruches vertes sont respectées comme nos pigeons ou nos moineaux dans le jardin des Tuileries. Albert Tissandier.
- SIGNAUX DE CHEMINS DE FER
- APPAREILS RE COMMANDE AUTOMATIQUE
- Les sections un peu chargées de lignes de chemins de fer sont exploitées actuellement à l’aide de la méthode connue sous le nom de block System consistant à assurer toujours entre les trains successifs un espacement déterminé d’une certaine longueur, au lieu du simple espacement de temps dont on se contentait autrefois et qui était évidemment insuffisant pour empêcher sûrement les collisions de trains. Des signaux sémaphoriques répartis sur toute la longueur de la ligne maintiennent cet espacement en empêchant les trains qui se présentent de pénétrer dans une section déjà occupée par un train précédent tant que celui-ci n’en est pas effectivement sorti, et pour empêcher que le signal d’entrée ne puisse être mis indûment à la voie libre, le mécanisme de commande est généralement muni d’un enclenchement tel qu’il ne puisse être effacé sans l’autorisation du poste-avant qui transmet par un courant électrique l’avis de la sortie du train. Quelquefois même, comme c’est le cas par exemple dans les sémaphores Lartigue dont nous avons précédemment donné la description1, c’est le courant ainsi transmis qui détermine lui-même l’effacement du signal sans l’intervention de l’agent qui l’a mis à l’arrêt, et celui-ci n’a pas la possibilité de l’effacer.
- On conçoit que, du moment où la transmission
- 1 Voy. n° 442, du 19 novembre 1881. p. 390.
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- d’un oourant électrique suffit, pour effacer un signal à distance, il peut être possible également d’utiliser ce courant pour mettre le signal à l’arrêt en temps utile, et on peut dès lors pousser l’automaticité encore plus loin et supprimer complètement en quelque sorte l’intervention réfléchie des gardes sur la voie, en faisant produire ces courants par le passage du train lui-même en certains points déterminés, à l’entrée et à la sortie des sections à protéger.
- On rencontre déjà d’ailleurs, sur nos lignes françaises, des exemples de transmission de courant venant de la voie pour actionner un organe de la machine. Le contact électrique du chemin de fer du Nord posé longitudinalement sur la voie en avant de certains disques d’arrêt vient actionner un sifflet spécial sur la machine pour éveiller l’attention du mécanicien qui ne remarquerait pas le disque fermé, et il met même automatiquement à l’arrêt le frein continu dont les trains sont munis, en agissant sur la prise de vapeur du frein.
- M. Clémandot a proposé de son côté une disposition ingénieuse d’avertisseur électro-automatique que nous comptons décrire prochainement, et dans laquelle il utilise la différence de résistance électrique que rencontre un courant pour se transmettre entre les deux files parallèles de rails d’une même voie, selon qu’elles sont réunies par le passage d’un train assurant la continuité métallique d’une file à l’autre, ou que la voie est libre, les files de rails étant isolées par le sol.
- Il est évidemment possible de combiner ces dispositions pour constituer un block System complètement automatique, dans lequel le train se couvrirait lui-même en fermant le disque d’arrêt de la section oh il vient d’entrer et l’effaçant ensuite automatiquement au moment oh il en sort. Cette idée, ingénieuse en théorie, n’a cependant jamais été appliquée chez nous, car les compagnies ont estimé avec juste raison que l’intervention d’un agent intelligent reste toujours nécessaire pour corriger les défaillances possibles d’un système automatique si perfectionné qu’on le suppose. Quoi qu’il en soit, cet essai proposé par M.Cerradini avait été tenté sur la ligne de Gênes à La Spezza avec les contacts Lartigue; mais nous ne croyons pas qu’il ait eu d’autre suite.
- D’après les renseignements que nous trouvons dans la Revue générale des chemins de fer et la Railroad Gazette, certaines compagnies américaines se sont préoccupées aussi de réaliser le block syslem automatique, et, comme les systèmes essayés sont peu connus chez nous, nous croyons intéressant de les signaler.
- Dans une disposition adoptée par Y Union Switch and Signal C°, la transmission des courants s’opère par les rails eux-mêmes servant, l’un pour l’aller, et l’autre pour le retour du courant. L’idée, si simple en théorie, paraît cependant bien audacieuse en pratique, car il sera certainement fort difficile de réaliser, et surtout de maintenir en tout temps l’isole-
- ment complet du courant. A cet effet les rails sont isolés par des supports intermédiaires en caoutchouc interposés entre le patin, les éclisses et les traverses. Les rails successifs sont réunis au moyen de fils conducteurs fixés à des rivets posés à l’extrémité du patin, et on constitue ainsi un conducteur métallique régnant sur toute la longueur de chaque section et soigneusement privé de toute communication avec les sections voisines.
- À l’extrémité en avant de la section, est disposée une source d’éleetircité formée par des piles dont les pôles sont en communication respective avec les deux files de rails parallèles, et à l’extrémité arrière est installé un électro-aimant dont les fils reçoivent le courant transmis par les rails. Le courant est maintenu constamment fermé, et l’attraction développée dans l’électro-aimant assure la continuité du contact avec l’armature oscillante. Dans cette position l'armature maintient ouvert un deuxième circuit électrique, entièrement local, comprenant un électro-aimant susceptible de déclencher le signal du poste.
- L’arrivée d’un train dans la section établit une communication électrique entre les deux files de rails isolés par l’intermédiaire des roues et des essieux métalliques des wagons de ce train, ce qui détourne ainsi le courant qui passait antérieurement dans l’électro-aimant extrême. Celui-ci laisse échapper son armature qui, en s’écartant, détermine la rupture du circuit local, et le signal, n’étant plus retenu par son électro-aimant spécial, se met automatiquement à l’arrêt. Au contraire, lorsque le train a quitté la section, le courant est rétabli sur la voie dans les conditions primitives, et le circuit local étant fermé, le signal se trouve rappelé par l’électro-aimant correspondant et s’efface de lui-même.
- Le succès pratique de pareilles dispositions semble nécessairement douteux, mais il faut observer toutefois que, d’après les renseignements recueillis par le jury de l’Exposition de Philadelphie, les 24 appareils installés sur la ligne de Boston à Alhany auraient eu un fonctionnement satisfaisant, montrant qu’on peut accorder une certaine confiance aux systèmes automatiques. Pendant une période de douze mois, ils ont été actionnés 251576 fois, et ils ont produit 5306 arrêts de trains dont 4290 causés effectivement par la présence d’un train dans la section ainsi protégée ; 60 arrêts seraient dus à la négligence des agents, et 50 seulement aux défauts de la voie ; le nombre total des arrêts non motivés serait de 966.
- Dans le système Hall qui était exposé à Philadelphie concurremment avec celui que nous venons dedécrire, l’action du train en marche s’exerce sur une pédale installée sur la voie ; celle-ci provoque en se déplaçant la rupture d’un courant circulant en permanence sur la ligne, et elle amène ainsi la mise à l’arrêt du signal qui tombe automatiquement sous l’action de la pesanteur. Tout incident qui arrête le courant produit le même résultat. Lorsque le courant est rétabli, le signal se relève, et se remet à voie libre. Cette disposition présente un intérêt particulier, en ce
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- que les mouvements automatiques du signal sont obtenus sans le secours d’aucun mécanisme moteur nécessitant un remontage, mais seulement par la seule inversion des sens des courants.
- La pédale électro-mécanique de Hall est représentée figure 1, elle se compose d’un levier horizontal a, installé perpendiculairement au rail; l’extrémité voisine du rail est maintenue soulevée par le ressort m, mais l’oscillation qu’elle éprouve au moment où elle est abaissée par le passage d’un train sur le rail soulève l’extrémité opposée n, et détermine ainsi la rupture du circuit. Le piston de rappel p oscillant dans le cylindre à air b, rattaché invariablement à la tige n se soulève avec lui, et l'appel d’air déterminé dans le cylindre forme frein pour retarder le mouvement de descente, de sorte que la pédale ne peut revenir à sa position initiale qu’au bout d’un certain temps, et elle vient alors reposer sur le tampon en caoutchouc q après le passage du train qui l’a mise en action.La figure 2 représente l’installation du signal d’arrêt dont la manœuvre est commandée par l'interruption du courant. C’est un voyant circulaire rouge C installé à l’intérieur d’un disque fixe A, et qui peut recevoir autour de l’axe horizontal X un mouvement oscillant, le cachant derrière la paroi du disque ou le faisant apparaître par une ouverture centrale pour commander l’arrêt. Ce mouvement est commandé par la tige e solidaire de l’électro-aimant a qui peut osciller lui-même autour de l’axe b devant
- son armature fixe k. Lorsque le courant est établi, l’électro-aimant s’applique contre son armature et tient le voyant soulevé dans sa position cachée ; mais lorsque le courant est interrompu, le poids du voyant l’emporte, il tombe en devenant apparent et repousse l’électro-aimant de son armature.
- Nous mention-nerons enfin la disposition de la R ail iv a y Cab Electric Signal C° qui rappelle à certains égards celle des appareils Lartigue, car elle agit exclusivement sur la machine pour produire un signal acoustique. Le courant est fourni par une petite machine dynamo installée sur la locomotive et actionnée par un moteur spécial. Les fils conducteurs communiquent l’un avec le tender, et l’autre avec le corps de la chaudière; la machine et le tender sont isolés sur la barre de traction, et le
- circuit est complété par l’inter-médiaire des deux files de rails et des roues de la machine et du tender. 11 est maintenu norma-lement fermé, mais dès qu’il se trouve interrompu par suite d’un obstacle placé sur la voie, le courant cesse d’actionner un électro-aimant posé sur la machine. L’armature qui reste au contact en temps normal s’échappe aussitôt, et produit un signal en ouvrant et en faisant fonctionner le sifflet d’alarme.
- Sur la voie, les rails sont maintenus isolés entre eux, mais ils sont rattachés seulement au point de vue de la communication électrique par des fils qu’il suffit de séparer quand on veut produire le signal.
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- Fig. 2. — Disque électrique de Ilall.
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- LE CYCLONE DE T 4 MT ÂNE
- A MADAGASCAR, LE 22 FÉVRIER 1888
- Le mercredi 22 février, Tamatave et ses environs ont éprouvé les effets d’un violent cyclone. Le coup de vent, car c’était un véritable coup de vent, n’a duré fort heureusement que quelques heures, c’est-à-dire de 11 heures du matin à 5 heures de l’après-midi, après quoi le ciel s’est calmé. Mais, dans ce court espace de temps, les dégâts ont été considérables, surtout sur mer.
- La rade de Tamatave a souffert beaucoup plus que la ville. Un grand nombre de navires ont disparu et plusieurs se sont perdus corps et biens.
- Le navire de l’Etat le Dayot n’a pas échappé à l’ouragan, et, malgré les grands efforts tentés par le commandant Daniel, secondé par son état-major et tout l’équipage, nous avons vu le navire sombrer. Heureusement, il n’y a eu qu’un seul homme de perdu qui, affolé, se jeta à la mer. Tout l’équipage a pu être mis à terre où, par les soins du commandant Daniel et de M. Le Savoureux, résident de France, il a été installé le moins mal possible pour attendre son rapatriement. La perte du Dayot peut ctre considérée comme nulle pour notre matériel naval ; ce croiseur avait reçu l’ordre de rentrer en France ; il ne filait plus que 5 nœuds à toute vapeur, tant ses chaudières étaient fatiguées.
- D’autre part, la goélette anglaise Belette, le trois-mâts américain Glide et quatre chasse-marée sont totalement perdus; trois autres chasse-marée ont, en outre, coulé dans le port. Tous les hommes des équipages ont été sauvés; on espère même sauver une partie des chargements. Comme nous le disions
- plus haut, les dégâts à Tamatave et aux environs ont été nombreux. La ligne télégraphique entre Tamatave et Tanana-rive a été détruite en plusieurs endroits. De nombreuses cases malgaches ont été enlevées ou culbutées par l’ouragan. Parmi les maisonsdelaville qui ont subi les plus rudes atteintes de cette tempête, il faut citer le consulat d’Angleterre sur lequel le coup de vent faisait rage, commeonpeuten juger par la photographie dont nous donnons une reproduction (fig. 1).
- Les scieurs de long, bûcherons, entrepreneurs et constructeurs de Tamatave vont avoir fort à faire à réédifier tout cela, mais on peut compter sur l’activité de plus en plus grande qui règne dans ce port, depuis l’établissement de notre protectorat à Madagascar, pour affirmer que bientôt on n’aura plus que le souvenir du terrible cyclone du 22 février.
- Vers la même époque ont dû débarquer à Tamatave deux maisons démontables en fer et en bois qui ne pouvaient arriver plus à propos. Ces maisons, construites par MM. Moreau frères, ingénieurs, à Paris, sont véritablement le type des maisons colo-
- Fig. 1. — Elfets du cyclone du 22 février 1888, à Madagascar. — Le consulat anglais après le coup de vent. (D’après une photographie.)
- Fig. 2. — Naufrage du navire français le Dayot et de la goélette anglaise la Belette dans la rade de Tamatave. (D’après une photographie.)
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- males et méritent d’ètre adoptées généralement. M. Maurice Jjontemps, ingénieur-architecte de Tama-tave, s’est chargé de les installer à Madagascar ; il destinait ces deux premiers types à notre colonie de Diégo-Suarèz, où M. le commandant Froger, qui ne néglige rien de ce qui peut être utile à nos compatriotes sur ce point si important de la grande île, les attendait avec impatience.
- Nous joignons aux documents qui précèdent, des photographies qui donnent une idée des dégâts causés par le cyclone. Notre photographie (fig. 2) donne l’aspect du üayot et de la Belette tels qu’on pouvait les voir après la tempête.
- X... à Tamatave (Madagascar).
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- LE PASSAGE EN HIAER
- DES DÉTROITS DE LA MER BALTIQUE
- Des pécheurs de Faarbàk, village voisin de Copenhague, sont allés à pied, sur la glace, porter secours au vapeur Axelhuus, pris dans les glaces, à un mille et demi des côtes danoises ; ils y ont rencontré une autre équipe de secours, venue à pied de Landscrona, en Suède. Un pouvait donc, en mars 1888 — et le fait est très rare — aller du Danemark en Suède, à pied, sur la glace, en trayersant le détroit du Sund.
- Il en était presque de même dans le détroit du Grand-Belt ; à ce sujet, nous pouvons rappeler comment les communications, et spécialement les communications postales, s’opèrent en hiver, entre le Danemark, la Suède et la Nonvège. Quand les détroits sont gelés, ou du moins encombrés parles glaces, les magnifiques vapeurs, qui, dans l’été, entretiennent le service, font place au modeste, mais utile eisboot, ou bateau-glace.
- Le bateau-glace est un solide canot, monté sur des patins. On quitte le rivage sur la glace, les marins traînant le bateau, en chantant les chansons de leur pays; dans le canot, on n'admet que la poste, les femmes et les enfants; les voyageurs masculins suivent à pied, derrière. Souvent on rencontre des crevasses dans la glace, ou des passes non gelées ; tout le monde embarque alors, et bien vite, on met le bateau à l’eau ; on navigue ensuite à la rame, le plus longtemps qu’on peut, en suivant les méandres des passes ; enfin, pour arriver à destination, on remonte le bateau sur la glace, et l’on continue de le haler sur ses patins, en faisant maint zigzag pour suivre les endroits les plus solides. Dans le cours d’un voyage, on peut se trouver obligé de renouveler plusieurs fois la manœuvre de mise à l’eau et de remontage du bateau sur la glace.
- Les équipages de ces bateaux sont vêtus comme des Esquimaux, et bien rémunérés, car la neige, les brouillards, les tempêtes, les débâcles, rendent leur métier excessivement pénible et dangereux. Ce qui peut leur arriver de pire, c’est de rencontrer des champs glacés et disloqués, couverts d’accumulations, rendant la marche impossible. On laisse alors le bateau à la garde de quelques hommes, et les autres, les plus solides, avancent comme ils peuvent, quelquefois à quatre pattes, ou comme ils disent, sur les pieds et sur les poings. C’est notamment dans ces conditions difficiles que l’on a secouru récemment les vapeurs Juana Nancy, Mêla et autres, pris dans les glaces. Emile Sorel fils.
- CHRONIQUE
- lu cours de sismologie terrestre ù la Sorbonne. — L’enseignement systématique de la sismologie existe en Suisse, en Italie et au Japon, et de plus, dans ces contrées, des observateurs exercés guettent les moindres mouvements qui se manifestent sur l’écorce minérale instable de notre planète. Des observatoires sismologiques sont installés sur divers points de la Suisse, du Japon; et en Italie, depuis Turin jusqu’à Païenne, des appareils analyseurs et avertisseurs sont en fonctionnement permanent sous la direction d’habiles observateurs. En France, dans ces derniers temps, on a fait quelques timides essais d’installations sismiques, et l’on peut voir sur deux ou trois points des sismographes comme accessoires de certains observatoires météorologiques ou astronomiques. Mais jusqu’ici, nulle part ne se donnait un enseignement scientifique permanent de la sismologie. M. Fouqué, de l’Institut, dans ses remarquables leçons de géologie au collège de France, a traité, en savant maître qu’il est, la question des tremblements de terre; M. Yélain, à la Sorbonne, a bien consacré quelques brillantes leçons aux volcans et aux mouvements du sol; au Muséum, M. Daubrée s’est occupé des eaux souterraines ; mais dans aucun de ces cours, qui ont d’ailleurs leur destination spéciale, la sismologie n’a une place en permanence et en continuité; elle ne peut y être qu’un accident, une partie d’un programme général de géologie ou d’orographie. Pas plus au Muséum qu’à la Faculté des sciences et au collège de France, l’enseignement de la sismologie n’existe donc pas. La lacune vient d’ètre comblée : un cours spécial de Sismologie aura lieu à la Sorbonne. M. A.-F. Noguès, un des plus anciens collaborateurs de La Nature, géologue qui s’est spécialement occupé des oscillations du sol, depuis celles des temps géologiques jusqu’aux récents tremblements de terre, va faire, tous les mardis, à partir du 10 avril, un cours de Sismologie terrestre. Voici le programme de ce cours : De la nature des mouvements sismiques. — Théories sismiques. — Influence de la structure géologique, de l'orographie, des fractures et des failles sur les mouvements du sol. — Alimentation des sources endodynami-ques. — Tremblements de terre : phénomènes qui les précèdent et les accompagnent. — Relations des volcans avec les tremblements de terre. — Oscillations lentes du sol. — Instabilité des continents. — Détermination de l'épicentre, de l'aire sismique. — De la direction du mouvement. — De la vitesse des ondes. — Instruments d'observation. — Prévision des tremblements de terre. — Préceptes architectoniques.
- Affaissement des Andes. — La Gazette géogra1-phique signale un affaissement des Andes. Ainsi, l’altitude de Quito aurait diminué de 25 mètres en 122 ans (de 1745 à 1867). Le Pichincha se serait affaissé de 66 mètres pendant la même période, et son cratère, de 129 mètres dans les 25 dernières années. A Àntisana, affaissement de 50 mètres.
- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 9 avril. 1888. — Présidence de M. Janssen.
- La terre végétale et l'azote atmosphérique. — L’azote de l’atmosphère est-il, oui ou non, fixé par la terre végétale? M. Schlœsing, d’accord avec Boussingault, dit : non. M. Berthelot dit : oui, dans certaines conditions. Les
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- deux adversaires apportent, à l’appui de leur opinion, des expériences délicates et l’on n’attend pas de nous que nous prenions dès maintenant parti dans un débat entre deux maîtres incomparables. Durant l’échange, trop court à notre gré, d’arguments et de résultats auquel ils se sont livrés, la séance a pris la physionomie des grands jours, et qu'elle devrait avoir plus souvent : les auditeurs en ont emporté l’excitation vivifiante que produit toujours le spectacle de chercheurs, armés de toutes les ressources de la science moderne, accumulant les tentatives pour dévoiler la vérité et pour éviter les chances d’erreurs. On se rappelle que M. Schlœsing perfectionnant la célèbre expérience faite par Boussingault sur la terre de son potager de Liebfrauenberg, a conclu que le sol ne fixe pas d’azote pris à l’atmosphère. M. Berthelot, rappelant ses anciens résultats, conteste le résultat négatif. Suivant lui, certaines terres, qu’on reconnaît à ce que, spontanément, elles se recouvrent de végétations inférieures, contiennent un microbe spécial dont l’activité vitale se traduit par une fixation directe d’azote. Il faut, du reste, suivant l’auteur, pour que cette fixation ait lieu, que la terre, loin d’être compacte, soit ameublie avec le plus grand soin, qu’elle ne renferme pas plus de 12 à 15 pour 100 d’eau et que sa température ne dépasse pas 40 degrés : quand l’azote fixé atteint 1er, 72 par kilogramme de terre, le phénomène s’arrête de lui-même Pour expliquer que M. Schlœsing soit en désaccord avec lui, M. Berthelot insiste sur les conditions nécessaires à la réussite et il pense qu’elles n’ont pas été remplies par son contradicteur. Pourtant ce dernier montre qu’il est loin d’avoir noyé sa terre, et qu’il ne l’a jamais chauffée au-dessus de 50 degrés. Pour lui, qui s’y connaît, ayant découvert le microbe nitrificateur, il pense que le microbe fixateur d’azote est à l’heure actuelle au moins une simple hypothèse : il en proclamera volontiers l’existence quand on le lui aura montré ; jusque-là il se refuse à l’admettre. Du reste, il lui semble difficile de croire que dans la terre, et comme M. Berthelot l’a annoncé, le problématique microorganisme puisse fixer jusqu’à 1200 kilogrammes d’azote à l’hectare. « Je ne sais pas pourquoi, alors, s’écrie-t-il, les agriculteurs achètent à si grands frais du nitrate de soude, du sulfate d’ammoniaque ou du fumier, heureux quand ils parviennent ainsi à avoir 40 à 00 kilogrammes d’azote par hectare. )> De son côté, M. Berthelot ne se déclare pas battu par ces objections et tout le monde attendra avec impatience la suite de cet intéressant débat.
- Nouveau thermomètre à gaz. — On sait que la mesure des températures au moyen du thermomètre à gaz nécessite des manipulations longues et des calculs dans lesquels entre la mesure de la pression atmosphérique prise au commencement et à la fin de l’expérience. Malgré des perfectionnements successifs tels que ceux dont on doit la réalisation à M. Berthelot et à M. Craft, le problème présentait encore de grandes difficultés. L’un des physiciens les plus ingénieux et les plus féconds de l’Académie, M. L. Cailletet, l’a complètement résolu à l’aide d’un élégant appareil qu'il met sur le bureau et qui lui a servi depuis longtemps, en particulier, dans des recherches sur la mesure des résistances électriques à basses températures. Un réservoir en verre de 25 centimètres cubes, rempli d’hydrogène, est réuni par un tube très capillaire à un tube de plus grand diamètre. Un tube manométrique qui fait corps avec l’appareil est relié par un tube de caoutchouc à une ampoule également en verre, mobile dans une rainure verticale. Lorsqu’on veut faire une
- observation, le réservoir étant placé dans le milieu dont on doit mesurer la température, on fait mouvoir l’ampoule de façon à amener le niveau du mercure en contact avec un fil de platine qui pénètre par soudure dans le gros tube et se trouve sur la même ligne horizontale que le zéro du manomètre. Au moment où le mercure touche la pointe du fil de platine, un courant électrique est fermé et une sonnerie se fait entendre : on immobilise alors à l’aide d’un robinet la colonne manométrique dont on note la hauteur. De cette hauteur résulte la notion de la température. On sait, en effet, que, d’après la définition même adoptée depuis Régnault, dans le cas d’une masse gazeuse qu’on observe à volume constant, la détermination de la température se déduit de la variation de la pression. Par conséquent, une température donnée correspondrait toujours, dans ce cas, à une même colonne manométrique de mercure, mise en relation avec le gaz enfermé dans le thermomètre à la condition que la pression atmosphérique ne changeât pas. Or, pour éviter la correction qui résulte des variations atmosphériques, M. Cailletet a eu, comme on vient de voir, la très ingénieuse idée de faire le vide au-dessus de la colonne de mercure du tube manométrique. L’auteur a construit d’avance une table en calculant à quelle hauteur doit s’élever la colonne manométrique pour une température donnée de la masse gazeuse. Le nouvel appareil ne sera pas un des moindres services rendus par M. Cailletet à la physique, qui lui doit déjà de si considérables progrès.
- Vitesse de propagation des ébranlements souterrains. — En possession d’une compétence sismologique exceptionnelle, M. Noguès qui, si longtemps, a habité les régions les plus secouées de l’Espagne, communique aujourd’hui le résultat d’expériences poursuivies dans des mines sur la vitesse avec laquelle se propagent les ébranlements consécutifs aux coups de poudre et de dynamite, dans différentes roches. Dans les trachytes porphyroïdes du cap de Gâtés (province d’Alméria) en direction des filons métallifères, la vitesse est de 1500 mètres par seconde; normalement à la direction elle est de 1400 à 1500 mètres. Dans les granits de la Sierra de Santa Elena et de Linarès (province de Jaen) suivant la direction des plans de galène, la vitesse est de 1480 à 1500 et perpendiculairement de 1400 à 1450. Dans les calcaires compacts de la sierra Alhomilla et de Gador, elle est de 1400 mètres en direction des filons et parallèlement aux strates, tandis qu’elle n’est que de 1200 dans le sens perpendiculaire. Enfin, dans les schistes anciens de la sierra Alhomilla et de Santa Elena, la vitesse est de 800 mètres par seconde en direction des filons et de 700 à 750 mètres perpendiculairement aux strates. M. Noguès tire deux conclusions de ses résultats : 1° la vitesse de transmission d’ébranlements souterrains varie non seulement avec la nature de la roche, mais elle dépend de plusieurs facteurs dont quelques-uns sont difficiles à déterminer; 2“ on ne saurait appliquer les nombres trouvés par l’expérience sur des roches données au calcul de la vitesse des ondes sismiques dans les tremblements de terre, quand ceux-ci se présentent en dehors des régions où les expériences ont été faites.
- Passivité du nickel. — Il résulte d’une note de M. Ernest Saint-Edme que le nickel présente au même degré que le fer les phénomènes de la passivité. Il y a longtemps que nous avons constaté des faits du même genre chez des alliages de fer et de nickel semblables à ceux qui existent dans la constitution minéralogique des fers météoriques.
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- LA NATURE.
- Varia. — M. Laitier obtient le sesquichlorure de rhodium en faisant passer à 440° un courant de chlore sur l’alliage du métal étudié avec l’étain. — Une suite à son travail sur la chaleur de combustion de la houille est adressée par M. Scheurer Kestner. — M. Gorgeu signale la transformation pseudomorphique artificielle de l’acer-dèse en pyrolusite. — Les propriétés phosphorescentes de la blende hexagonale occupent M. Verneuil.
- Le général Du Tillot adresse, de Saint-Pétersbourg, un mémoire sur les déplacements des grands centres d’action dans l’atmosphère. — M. Bigourdan propose, pour augmenter la puissance des lunettes méridiennes, une disposition inspirée par celle de l’héliostat de Foucault et par celle adoptée, antérieurement encore, par M. le colonel Laussedat. — M. Levaud étudie les mouvements
- de la planète télescopique Vesla, connue, comme on sait, depuis 1807. — La formation des matières organiques azotées dans diverses parties de la betterave occupe M. Le Play.
- Stanislas Meunier.
- DESTRUCTION DES LAPINS
- EN CALIFORNIE
- Le lapin, on le sait, est très prolifique ; nous avons eu occasion de le montrer récemment par l’exemple des lapins en Australie où leur développement est devenu une véritable plaie d’Egypte1. En attendant que nous puissions connaître les résul-
- Chasse aux lapins en Californie. (D'après une gravure américaine.)
- tais qui seront obtenus par le mode de destruction proposé par M. Pasteur, il est intéressant de signaler la méthode employée en Californie pour se défaire du même ennemi. Elle nous est signalée par M. Joly, le savant président de la Société d’horticulture.
- « En Californie, dit M. Joly, où la production de la laine s’est élevée de 175000 livres, en 1874, à 40 millions delivres en 1886, les pâturages se trouvent également menacés par la multiplication des lapins et leurs ravages commencent à préoccuper vivement les agriculteurs. Ils ont recours, dans les plaines du San-Joachim, à des battues, comme l’indique la figure ci-jointe reproduite d’après un journal de San-Francisco. On ferme avec des treillages
- portatifs 5 a 6 kilomètres de terrain, en donnant a l’enclos la forme d’un triangle dont la base est occupée par des rabatteurs armés de bâtons : tous les habitants, à un jour donné, se réunissent et chassent les lapins vers le sommet du triangle qui aboutit à un carrai où viennent s’accumuler tous les animaux, qu’on tue alors à loisir. On a proposé pour en tirer parti de créer de vastes établissements pour faire des conserves à bas prix, mais jusqu’à présent la vente des peaux suffit largement pour payer les frais de la chasse. »
- 4 Yoy. n° 775, du 24 mars 1888, p 262.
- Le propriétaire-gérant : G. Tissandiea.
- Imprimerie A. Lahure, 9, rue de Fleurus, à Paris.
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- N° 7 7 7. — 21 AVRIL 1888.
- LA NATURE.
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- LES OMBRES FRANÇAISES
- DE M. CARAN d’aCHE
- Un jeune artiste, d’un talent fantaisiste charmant, M. Caran d’Ache, vient d’organiser à Paris au Théâtre d’Application, rue Saint-Lazare, une représentation
- spéciale des ombres chinoises qu’il a imaginées, et qui sont tellement supérieures à tout ce qui avait été fait antérieurement dans le genre, qu’il a pu leur donner le nom d'ombres françaises pour les distinguer des créations similaires.
- Les délicieuses silhouettes de M. Caran d’AcRe. ont été déjà présentées au public, mais ici pour lat
- Fig. 1. — Les ombres françaises de M. Caran d’Ache. — Disposition intérieure de la scène.
- première fois, l’œuvre est au complet, on peut la juger et l’apprécier dans son ensemble; nous y avons trouvé pour notre part un si grand plaisir, que
- nous voulons aujourd’hui la signaler, avec quelques détails, à nos lecteurs.
- M. Caran d’Ache se plaît à représenter les scènes
- Fig. 2 et 3. — Fac-similé de deux silhouettes du Retour du bois (très réduit).
- militaires de la première République et du premier Empire; les silhouettes de ses pièces de Waltignies et de l'Epopée sont tour à tour désopilantes de comique, et remarquables par le fini et l’exactitude de l’exécution. L'artiste a su produire des effets qui n’avaient jamais été obtenus avant lui dans les ombres chinoises. En un seul découpage il projette 16* aminée. — 1er semestre.
- toute une armée avec sa foule et ses lointains ; on y aperçoit l’Empereur qui passe au milieu du camp, et qui circule avec son état-major à des distances différentes au milieu des rangs. Les défilés de troupe sont étonnants et l’on croirait assister à une vraie revue.Une Vision dans la steppe, est une autre série de tableaux qui figurent l’apparition de l’armée russe.
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- LA NAT URL.
- C’est encore d’un effet très curieux avec les chœurs russes qui l’accompagnent.
- Dans un autre ordre d’idées, les omhres intitulées Le retour du bois constituent dans leur ensemble un petit chef-d’œuvre, et les découpures sont si habilement exécutées que l’on reconnaît les célébrités du jour qui passent dans l’avenue des Acacias. Un jugera du dessin par deux amusants spécimens de cette partie de la représentation (fig. 2 et 5). Ces reproductions sont très réduites, la hauteur réelle des découpages étant environ de 0ra,50.
- Nous n’avons pas voulu nous contenter d’assister dans la salle du théâtre à la représentation des ombres françaises. Nous avons demandé à M. Caran d’Aclie de nous ouvrir ses coulisses à l’intention de nos lecteurs, et de nous initier aux procédés de mise en action de ses personnages; car il y a l'a, en dehors du côté artistique, une application fort intéressante de la physique.
- Les silhouettes des omhres françaises, après avoir été composées et dessinées, sont découpées dans des feuilles de zinc qui leur donnent beaucoup de rigidité. Ce découpage est très délicat et nécessite une grande précision. Quelques personnages, tels que les cavaliers, hussards, dragons de la Grande armée, sont ajourés en certaines parties, et sur les ouvertures ainsi pratiquées, on a collé des papiers transparents et coloriés. On peut ainsi avoir des omhres noires qui se profilent sur l’écran avec des parties en couleur, telles que les plumets des casques ou la selle des chevaux.
- Un grand nombre de silhouettes de zinc sont mécanisées. Lors d’une grande revue, au cri de « Portez armes », on voit tous les fusils se lever en même temps. Le découpage de zinc porte une série de petits fusils convenablement disposés et montés sur une tige, qui se soulève ou s’abaisse par l’action d’un bras de levier.
- Notre figure 1 représente le derrière du théâtre de M. Caran d’Aclie. Un écran est vivement éclairé au moyen d’une lampe oxhydrique; la lumière, dans la salle des spectateurs, étant baissée, les silhouettes, en passant devant l’écran, y projettent une ombre très vigoureuse que les spectateurs de la salle aperçoivent et qui n’est pas visible des coulisses. Chaque silhouette est prise dans une grande boite de bois par un homme qui la promène dans une rainure à la partie inférieure de l’écran. Quatre ou cinq opérateurs suffisent pour que les ombres se succèdent sans interruption.
- Pendant l'Epopée on assiste à de grands combats, à la prise de redoutes, à des canonnades terribles. Rien n’est plus amusant que la manière de produire les effets de ces luttes épiques. Les canons découpés sont munis de petites fusées qu’un opérateur enflamme; au même moment la grosse caisse de l’orchestre imite le bruit de la canonnade et une crécelle de grande dimension simule le crépitement des fusillades. Quant à la fumée que les spectateurs aperçoivent sur le tableau de projection, elle est
- produite par la cigarette d’un des opérateurs qui la lance à l’endroit voulu. Les lueurs des obus sont obtenues au moyen d'un tampon de coton-poudre enflammé et convenablement projeté.
- Depuis le Pont cassé et les ombres chinoises du théâtre de Séraphin, inoubliables souvenirs de notre enfance, nous n’avons rien vu, dans ce genre, de comparable aux ombres françaises de M. Caran d’Aclie. Au point de vue artistique du dessin et des effets de perspective, les ombres françaises laissent bien loin en arrière tout ce qui avait été fait jusqu’ici. Gaston Tissandier.
- LES PARANEIGES EN DANEMARK
- POUR LA PROTECTION DES VOIES FERRÉES
- Le service des chemins de fer se trouve souvent entravé, en temps d’hiver, par l’accumulation des neiges, surtout dans les parties de voie en tranchée, lorsque la chute en est accompagnée de vent. Les flocons se trouvent balayés alors, en effet, à travers les plaines, et viennent s’accumuler dans les parties basses principalement devant les obstacles comme ceux des parois des tranchées qui peuvent ainsi se trouver complètement comblées. Cet effet est surtout sensible dans les tranchées de profondeur moyenne, atteignant environ o à 4 mètres, car au-dessus de ce chiffre les talus prennent un développement suffisant pour que la neige se trouve arrêtée sans recouvrir la voie sur la même épaisseur. Les observations pratiquées sur les lignes danoises ont montré, en effet, d’après une note des plus intéressantes publiée à ce sujet dans la Revue générale des chemins de fer, qu’une tranchée de 2 mètres de profondeur se trouvait intégralement remplie lorsque la couche de neige en plaine était seulement de 1 mètre, et même cette couche atteignait une hauteur encore plus élevée sur le talus opposé au vent.
- Les chasse-neige dont les locomotives sont munies à l’avant permettent bien aux trains de traverser une couche de neige d’épaisseur assez faible pour permettre le refoulement latéral sur les bas côtés de la voie; mais dans les tranchées, ces appareils deviennent insuffisants, car la neige retenue entre les talus ne peut pas céder à cet effort, et on a dù se préoccuper de trouver le moyen d’éviter la formation de ces amas qui deviennent un obstacle des plus sérieux.
- Dans les contrées où la direction du vent est à peu près constante, on dispose à cet effet des sortes de palissades formant paraneiges qui font face au vent dans sa direction habituelle devant la tranchée à protéger. On en rencontre de nombreux exemples sur les lignes danoises, où ces palissades sont appliquées depuis l’année 1880, notamment sur les voies orientées vers le sud dans une direction perpendiculaire aux vents d’est qui soufflent habituellement en hiver, comme c’est le cas pour la ligne de Roskild à Mosnedo.
- Un de nos ingénieurs de chemins de fer les plus distingués, M. Buron, qui a visité récemment les lignes danoises, donne la description de ces paraneiges.
- Le type principal de paraneige est représenté dans les ligures 1 et 2 ; il est constitué par une série de planches de sapin jointives horizontales de 25 millimètres d’épaisseur. Ces planches sont fixées sur des poteaux verticaux de section carrée ayant environ 100 millimètres de côté
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- qui sont plantés à une distance de om,14 environ d’axe en axe; chaque poteau est soutenu par un étai incliné parallèlement au laïus qui vient s’enfoncer dans le bas côté de la voie. L’aulre extrémité de l’étai dépasse le poteau vertical, et elle permet ainsi de continuer,en l’inclinant jusqu’à la hauteur de 2m,50, la paroi de planches de sapin en avant du poteau. Ce type parait le meilleur de tous, il arrête efficacement la neige, il a été essayé comparativement en 1881 pendant les bourrasques qui durèrent du 28 février au 1er mars, et du 2 au 6 mars, et on a constaté que la couche de neige déposée sur la voie ainsi protégée ne dépassait pas 0m,20, lorsque, en
- Fig. 1. — Type principal des paraneiges des lignes danoises.
- rase campagne, elle atteignait souvent l mètre. L’inconvénient de ce type est de ne pouvoir s'appliquer aussi facilement sur les tranchées profondes à cause de la longueur des étais, et on y substitue alors un type différent dans lequel la palissade, de 2 mètres à 2m,50 de hauteur,
- Fig. 2. — Rrofil en travers d’un comble de neige dans une tranchée protégée par te type de paraneige de la figure 1.
- est formée par une rangée de traverses verticales plantées en terre et maintenues dans le haut par une simple lon-grine appuyée elle-même sur des étais inclinés arrêtés au bord supérieur des talus. Des arbustes sont plantés derrière la palissade pour la consolider Ce type est plus
- Fig. 5. — Profil en travers d’un comble de neige obtenu après deux chutes de neiges successives.
- économique que le premier, car il permet d’utiliser de vieilles traverses et n’exige pas de planches neuves; mais il n’arrête pas la neige aussi complètement, il a laissé former, en effet, un comble qui recouvrait le talus sur une épaisseur variant de 2 mètres à 0m,65.
- On a essayé aussi de conserver complètement la disposition du type n° 1 même sur les tranchées de grande profondeur, en arrêtant seulement l’extrémité de l’étai à une semelle inclinée fixée sur le talus; cette disposition est représentée dans la figure 5 qui donne en même temps l’aspect curieux de la silhouette du comble obtenu derrière cet écran. La première bourrasque du 28 février avait fourni une première couche régulière de 0m,65 de profondeur sur lequel la seconde bourrasque a déposé,
- comme l’indique la figure, un amas isolé de forme singulière dont la hauteur atteignait 4 mètres. La dépense d’installation de ces divers types varie de 4 à (i francs le mètre suivant les cas.
- D’autres dispositions ont été également essayées, mais en conservant toujours les caractères essentiels des types que nous venons de décrire qui sont les plus efficaces. Il y a donc là une expérience acquise dont on pourra profiter dans les autres régions.
- L’HEURE EN PROVINCE
- A la dernière réunion annuelle des météorologistes de France, qui s’est tenue le 4 avril au Ministère de l’instruction publique, sous la présidence de M. l’amiral Cloué, l’assemblée, sur la proposition de M. Robin, directeur de l’Orphelinat de Cernpuis (Oise), a émis le vœu que les horloges dont sont munis les bureaux télégraphiques soient placées de façon que le public puisse les consulter facilement. Bien que la connaissance de l’heure soit nécessaire dans un grand nombre de circonstances, chacun sait combien il est difficile, sauf dans les grandes villes, de se procurer cette utile indication avec quelque exactitude, par exemple, à une minute près. Le moyen proposé est extrêmement simple et facile à mettre en pratique. En effet, tous les bureaux télégraphiques de France reçoivent régulièrement, chaque matin, l’heure de Paris; il suffit donc simplement que les horloges -des bureaux soient visibles de la salle dont le public ale libre accès. Gomme cette disposition n’entraîne aucune dépense, ni aucun surcroît de service pour les agents, on peut espérer que l’Administration des postes et des télégraphes accueillera favorablement ce vœu d’intérêt général, et prescrira prochainement les mesures nécessaires pour qu’il y soit donné satisfaction. La correction, constante en chaque point, à appliquer pour convertir l’heure de Paris en temps local, pourrait, en outre, être affichée en caractères apparents, auprès de la pendule.
- CARTE DU RELIEF
- DE L’ALGÉRIE ET DE LA TUNISIE
- DRESSÉE PAR 51. E. GUILLEAIEV
- Prenons dans un de nos bons atlas la carte géographique d’une contrée dont les terrains affectent des formes variées et dont l'orographie soit figurée, comme il est d’usage, à l’aide de hachures, lignes de plus grande pente. Effaçons ensuite par la pensée sur cette carte toute autre indication que celles re-r latives a l’orographie et à l’hydrographie. Voici la remarque que nous pourrons faire de suite. Sur l’espace blanc occupé par les terres, apparaîtront en nombre plus ou moins grand des îles de toutes formes en correspondance avec le dessin de l’orographie. Or, il est facile de s’en rendre compte, l’effet optique sera celui-ci : toutes ces îles paraîtront émerger d’un plan unique, c’est-à-dire que tous ces espaces blancs paraîtront de même niveau. Sans aucun doute, en analysant la carte, en établissant des comparaisons, on comprendra bien que Besançon et Avignon, par exemple, ne sont pas à la même altitude, mais une recherche sera nécessaire à cet
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- LA NATURE.
- effet. A première vue, rien ne le dira. La situation relative au point de vue de l’altitude des différents points de cette surface blanche n’apparaîtra nullement sur cette carte, quelle que soit la perfection apportée dans son exécution. La configuration des terrains est donc incomplètement déterminée et l’importance de leur masse échappe à l’appréciation.
- On s’est préoccupé de remédier à cette imperfection, et, par l’emploi de cartes hypsométriques construites à l’aide de courbes de niveau, on y a réussi en grande partie. Ce moyen, en effet, permet une représentation aussi véridique que possible des massifs à représenter, au moins en raison de la valeur des documents qui ont servi à les établir. Le résultat
- a été rendu plus satisfaisant encore par l’emploi de teintes graduées suivant l’altitude. On a pu obtenir par ce moyen des cartes expressives, ce qui n’était guère possible en employant les courbes seules. Cette méthode rationnelle tend à se répandre de plus en plus et son emploi se généralisera davantage lorsqu’on comprendra qu’elle est applicable en toute circonstance et même pour les contrées où des levés topographiques n’ont pu avoir lieu. Son adoption demande, il est vrai, chez le constructeur de cartes un peu plus de calculs, car il y a certainement lieu de se préoccuper davantage de la coordination des différents points de la carte entre elles, que lorsque aucune antre condition que l’habileté de main ou le
- Carte du relief de l’Algérie et de la Tunisie, dressée par AI. E. Guillemin. — Réduction par l’héliogravure.
- sentiment de l’artiste n’entre en usage dans le dessin du relief d’une contrée.
- La carte du relief de l’Algérie et de la Tunisie, de M. E. Guillemin1, dont notre format ne nous permet de donner qu’une portion, vient à l’appui de notre opinion, comme le lecteur pourra s’en convaincre. M. Guillemin avait déjà dans cet ordre d’idées construit deux cartes de France, l’une manuelle et l’autre murale et dont nous avons parlé dans La Nature. Pour cette nouvelle carte, les courbes de niveau n’étaient encore publiées nulle part, pour ainsi dire. Le Dépôt de la guerre avait publié un vingtième des cartes de l’Algérie et de la Tunisie, un
- 1 Cette carte vient d’être admise à figurer dans le portefeuille des élèves de l’Ecole polytechnique.
- croquis seulement indiquant le sens des courbes. L’auteur a dù les établir lui-même à l’aide de cotes de nivellements qu’il a pu recueillir sur les cartes du Dépôt de la guerre et sur les divers documents qu’il a pu avoir à sa disposition. Sans doute tous ces documents sont bien incomplets et pendant longtemps encore il existera une insuffisance a cet égard. Malgré cela, M. Guillemin a pensé qu’il était possible, à l’aide de ce qu’on possède, d’établir physionomie d’une contrée qui nous intéresse a tant de titres, et nous croyons qu’il a eu raison. Nous espérons que nos lecteurs verront avec plaisir le résultat obtenu, qu’ils seront à même d’apprécier par le spécimen que nous publions.
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- LE TERTRE DU SERPENT AUX ÉTATS-UNIS
- (( THE SERPENT MOUND ))
- Fig. 1. — I.c tertre du serpent (Serpent Mound), aux États-Unis. (D’après une photographie.)
- L’Amérique du Nord conserve, comme souvenirs d’un passé inconnu, des monuments que l’on ne saurait comparer à rien de ce qui existe sur l’ancien continent. Ce sont des terrassements immenses, s’étendant souvent sur des régions entières et certainement destinés à leur défense ou bien encore des monticules à forme conique, carrée, triangulaire, polygonale, presque toujours construits avec une régularité mathématique. Ces derniers sont tantôt des lieux d'adoration ; alors ils sont terminés par une plate-forme à laquelle on accède par une rampe habilement ménagée ; tantôt des sépultures dont témoignent les amoncellements d’ossements humains qu’ils recèlent. D’autres fois, commeà Chilicothe (Missouri), ils recouvrent des autels en terre cuite, sur lesquels sont entassés des milliers d’objets
- en pierre, en os, en cuivre, ayant tous été soumis à un feu violent pour obéir sans doute h un rite religieux.
- Ces mounds, tel est le nom qu’ils portent, s’élèvent en nombre incalculable dans les vallées du Mississipi, de l’Ohio, du Missouri et de leurs affluents. On les rencontre du lac Ontario et du Saint-Laurent au nord,jusqu’à la Géorgie au sud, du New-Jersey jusqu’au Kentucky et au Missouri à l’ouest. La Louisiane, les vallées de l’Arkansas et de la Rivière Rouge ont été peuplées par les Mound-Ruilders, et tout récemment on a découvert auprès de Carthage (Alabama) un remarquable groupe de mounds en forme de cônes tronqués entourés de remblais élevés que la charrue tend malheureusement chaque jour à faire disparaître.
- Fig. 2. —Squelette découvert dans dus fouilles voisines du Serpent Mound. (D’après une photographie.)
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- Quelques-uns de ces mounds atteignent des dimensions considérables. Ainsi Lahokia mound est placé au milieu de soixante autres variant de 50 à 60 pieds de hauteur et couvrant, selon M. Putnam, 12 acres en superficie. Le grand mound domine tous ses voisins, il s’élèvç par quatre terrasses successives à une hauteur de 91 pieds, sa hase mesure 500 pieds sur 720, la plate-forme terminale 146 pieds sur 510, et on a calculé qu’il n’était pas entré dans sa construction moins de 25 millions de pieds cubes de terre. Le mound de Seltzertown n’est guère moins imposant, et selon le colonel Whittlesey dont la science déplore la perte récente, le mound situé sur la rivière Estowah (Géorgie) était couvert d’arbres gigantesques qui en remplaçaient eux-mêmes d’autres dont les troncs à demi consumés par la pourriture attestent encore aujourd’hui l’existence.
- Il serait facile de citer bien d’autres mounds présentant tous un intérêt exceptionnel. Les plus curieux, sans contredit, sont ceux qui représentent des animaux. On les rencontre en général dans les Etats du Far-West, et plus particulièrement dans certaines parties de l’Ohio et du Wisconsin où on les compte par milliers. Ce sont des mammifères qui atteignent jusqu’à 60 mètres de longueur, des oiseaux dont les ailes ont 50 mètres d’envergure, des reptiles, des tortues, des lézards gigantesques; et l’autre jour on annonçait dans le Minnesota la découverte d’une araignée dont le tronc et les pattes ne couvraient pas moins d’un acre de terrain.
- Parmi les mounds justement célèbres de l’autre côté de l’Atlantique, nous citerons celui qui représente une figure humaine facile assurément à reconnaître. Une vieille tradition toujours conservée veut que ce tertre, de faible hauteur au-dessus du sol, ait été érigé en l’honneur d’un chef tué dans un combat; le petit tertre placé entre les jambes de l’homme aurait été consacré à la mémoire de son fils tué en même temps que lui. Nous pouvons encore mentionner le lézard du comté de Liking, un mound figurant un aigle auprès de Newark (Ohio) ; ce dernier est situé au milieu d’un enclos entouré de terrassements connus sous le nom d’Old Fort; la tête de l’oiseau a été malheureusement détruite par les besoins de la culture. L’alligator1 de Granville (Ohio) est placé sur un tertre ; chacune de ses pattes mesure 20 pieds de longueur, le corps, 255 pieds sur 80 pieds de largeur, la queue, 100 pieds, tous les membres ressortent nettement sur une hauteur qui peut varier de 5 à 5 pieds2. Un singe découvert dans le Wisconsin peut avoir 160 pieds de longueur. Un mound, érigé à une petite distance de la jonction du Wisconsin et du Mississipi, imite si fidèlement les formes et les proportions du mastodonte, qu’il est
- 1 On conçoit que ces gigantesques figures en terre ne peuvent imiter parfaitement l’animal. M. llensnavve (Animal car-vings from the Mississij>i valley) ne croit pas que le mound dont nous parlons représente un alligator; il s’appuie sur le l'ait que la queue est recourbée, tandis que la queue de l’animal est toujours droite.
- 2 American Antiquarian. Novembre 1885.
- impossible que ces hommes ne l’aient pas connu tout au moins par une tradition récente. 11 faut cependant remarquer que les défenses manquent; elles étaient sans doute trop difficiles à imiter1.
- Le grand serpent, dont nous voulons surtout entretenir les lecteurs de La Nature, a été érigé sur une colline qui domine le Brush Greek (Àdam’s County, Ohio) au milieu d’un parc récemment acquis pour le Peabody Muséum2, grâce à une généreuse souscription à la tête de laquelle s’étaient mises les dames de Boston. Nous le reproduisons d’après une des photographies qui nous ont été envoyées par le professeur Putnam (fig. I)3. Mais on conçoit que des photographies ne peuvent rendre que partiellement un reptile dont les replis s’étendent sur une longueur de 1599 pieds ; la tête mesure 76 pieds de largeur; la gueule entr’ouverte, sur une largeur de 50 à 40 pieds, cherche à saisir un tertre dont le grand axe n’est pas moindre de 160 pieds. On a cru voir dans ce tertre un œuf et on a prétendu le rattacher au mythe égyptien du dieu Üncph. Sans discuter cette hypothèse fort contestable, je me contenterai d’ajouter que la hauteur au-dessus du sol des différentes parties du corps du reptile est très variable; il est évident que le temps a fait son œuvre; à la naissance du cou elle est encore de 5 pieds.
- Le serpent joue un grand rôle dans la mythologie américaine. Il est constamment gravé sur les poteries et sur les ornements conservés au Peabody Muséum.
- Le musée national de Washington possède une pipe très ancienne qui représente un homme portant un serpent roulé autour de son cou, et celui de Mexico un vase remarquable par l’élégance de ses proportions dont des serpents forment les anses.
- Il est facile de multiplier ces exemples; des mounds figurant des serpents viennent d’être découverts dans le Minnesota. La jupe de Miquiztli, la hideuse déesse de la Mort, était formée de serpents à sonnettes entrelacés.
- À Mexico, au-dessus d’une des portes du couvent des Dominicains, est un bas-relief d’une grande antiquité, où l’on distingue un serpent broyant dans ses replis une victime humaine.
- A Chichen-Itza, des serpents colossaux sont peints ou sculptés sur les murs du palais; à Jalapa, dans la province de Mexico, on voit un serpent de 15 pieds de longueur buriné sur un rocher ; le même serpent se retrouve sur les bas-reliefs du temple de Huitzi-lopochtli qui remonte au temps de la grandeur des
- 1 De nombreux débris du mastodonte ont été trouvés dans les terrains quaternaires et même dans les dépôts plus récents, depuis le Canada jusqu’au Mexique.
- 2 Ce musée, dù à l’initiative de M. Peabody, dont il porte le nom, dépend de l’Université de Harvard, à Cambridge, auprès de Boston (Massachusetts).
- 3 Putnam, Report to the Trustées of Harvard college, 1885, p. 348. Proceedings American Association for the Advan-ccment of science. August 1887. Brinton, Numismatic and Antiquarian Society. Philadelphia, 1884.
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- Aztccs comme sur les murs de Cuzeo témoins de celle des Péruviens. Le serpent avait certainement, chez les différentes populations de l’Amérique, un sens mythique qui nous échappe. Ce sens était-il le même chez des populations si diverses par leur origine et par leur mode de vie ? Cela n’est guère présumable, bien que nous ne puissions rien affirmer de précis à cet égard.
- Ce qui est certain, c’est que le voisinage du serpent mound était recherché comme lieu de sépulture, et les fouilles entreprises par M. Putnam ont mis au jour un certain nombre de squelettes (fig. 2) datant d’époques bien différentes. Quelques-uns de ces squelettes gisaient sur des lits de charbons mêlés de gros troncs d’arbres entièrement carbonisés ; auprès des autres, on recueillait de nombreux fragments de poterie et des éclats de silex. Les explorateurs ne paraissent pas avoir trouvé aucun de ces ornements en cuivre, si nombreux en général sous les mounds destinés aux sépultures.
- A quelle époque remontent le serpent mound et les autres tertres représentant soit des hommes, soit des animaux? A quelle race pouvons-nous les attribuer? La réponse est difficile et les controverses qu’elle suscite ne sont pas près de finir. Selon les uns, ils seraient très anciens et dateraient d’une race disparue ou émigrée vers d’autres climats; selon les autres, au contraire, leur origine serait relativement moderne et ils seraient dus aux ancêtres des Indiens actuels. Ceux qui soutiennent la première hypothèse pourraient être bien embarrassés de nous expliquer comment une race peut disparaître emportant avec elle tous les rudiments d’une civilisation comparativement avancée. Les autres ne le seraient pas moins pour montrer comment les tribus indiennes que nous connaissons ont pu dégénérer au point de sédentaires devenir nomades. Ce serait un fait sans exemple dans l’histoire. Pour ma part, je préfère confesser mon ignorance et attendre de l’avenir une solution que ne comportent pas nos connaissances actuelles. Marquis de Nadaillac.
- LE NOUVEAU PORT DU HAVRE'
- LE BASSIN BELLOT
- Le bassin Bellot, qui porte le numéro 9 dans la série des bassins du Havre, est construit dans l’anse de l’Eure, sur des terrains conquis à la mer au sud du canal de Tancarville1 2. Nous en empruntons la description à une notice publiée récemment par M. H. Desprez, ingénieur des ponts et chaussées.
- Le bassin est limité du coté du sud par une digue en maçonnerie de 1000 mètres de long, et une esta-
- 1 (Suite.) — Yoy. n° 774, du 51 mars 1888, p. 275.
- 2 Le bassin porte le nom de l’ingénieur Bellot, mort pendant les travaux du port du Havre : c’est par erreur que nous avions précédemment parlé (p. 274) de l’explorateur des régions polaires qui porte le même nom.
- cade en charpente de 540 mètres de développement. Sa longueur totale est de 1150 mètres en y comprenant la longueur de l’écluse d’entrée; une traverse de 100 mètres de largeur le sépare du bassin de l’Eure, et une seconde traverse de même largeur le divise en deux darses, dites darses ouest et est, d’inégale longueur, mais de largeur uniforme égale à 220 mètres. La superficie du bassin est de 21 hectares 21 ares.
- L’écluse d’entrée dont l’axe est dans le prolongement de celui de l’écluse des Transatlantiques a 50 mètres de largeur; elle est munie de portes debe qui permettent d’isoler le bassin Bellot du bassin de l’Eure.
- Les vantaux de ces portes, qui sont en fer laminé, ont 16m,515 de largeur et 10m,96 de hauteur. Le système de construction adopté comporte des aiguilles verticales supportant le bordé extérieur et venant reposer sur deux entretoises horizontales placées, l’une à la partie supérieure, l’autre 'a la partie inférieure du vantail. Celui-ci comprend une série de chambres inférieures à air et à eau, surmontées de chambres à eau. Leurs volumes respectifs permettent de réduire de 155 à 25 tonnes le poids de chaque vantail sur ses attaches.
- Le pertuis de communication entre les deux darses a également une largeur de 50 mètres. Deux ponts tournants à une seule volée et à double voie charretière franchissent l’écluse d’entrée et le pertuis central. Le développement des murs de quai est de 2655 mètres dont 2580 utilisables pour la navigation. Les terre-pleins ont 89 mètres de largeur au nord et 116 mètres au sud, en y comprenant l’espace réservé aux chaussées de service et aux voies ferrées; leur superficie totale dépasse 250 000 mètres.
- Une prise d’eau fermée par un double jeu de vannes métalliques du poids de 5500 kilogrammes chacune est ménagée dans le quai sud pour faire le plein du bassin à la marée montante, et diminuer les courants de remplissage entre les jetées et dans les écluses.
- La digue du large est prolongée vers l’est par l’estacade en charpente dont nous avons parlé et qui doit permettre de créer en arrière du bassin un vaste terre-plein de 10 hectares environ qui servira d’emplacement à une grande gare maritime reliée aux voies du chemin de fer de l’Ouest.
- Les travaux de construction du bassin Bellot ont présenté des difficultés considérables par suite de leur exécution sur une plage sans abri et exposée a de violentes tempêtes. Les ouvrages ont été faits partie à la marée, partie à l’aide d’épuisements exécutés en arrière d’un batardeau insubmersible, enfin partie à l’air comprimé.
- Parmi les premiers figure la digue du large qui a été fondée sur béton coulé dans une fouille ouverte au milieu de la plage de l’anse de l’Eure, à lm,50 en contre-bas du niveau du sol, cette fouille étant mise à sec par épuisement à chaque marée. On se rendra compte des sujétions de ce travail en sachant
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- qu’après diverses tentatives infructueuses pour opérer les épuisements à l’aide de pompes centrifuges établies sur le terre-plein voisin, on a dû se résoudre à descendre les machines sur la plage à chaque marée basse, puis à les remonter et à les amener à l’abri sur le terre-plein pendant le flux, ce qui laissait à peine une durée de travail effectif égale à deux heures par marée.
- Une autre opération non moins délicate eu égard à la situation du chantier, a été le fonçage des blocs de fondation des quais de la darse ouest. Les blocs employés pour l’infrastructure des murs de quai avaient 10 mètres de longueur sur 6ni,70 de largeur et présentaient un vide central destiné à permettre
- l’excavation des déblais et à déterminer ainsi l’enfoncement du bloc lui-même. Les maçonneries étaient exécutées pour chacun d’eux avec 4m,50 de hauteur sur une simple plate-forme en madriers posée sur le sol de la plage. Après trente jours de prise, le terrain était excavé à l’intérieur de façon à enfoncer le bloc dans le sol de toute sa hauteur. Puis, on surélevait les maçonneries de 3m,50 et après un nouveau repos de vingt jours, le fonçage était repris et mené à sa cote définitive. Le puits central était ensuite rempli de béton.
- Le fonçage des blocs a nécessité des épuisements qui ont été installés et exécutés par l’entreprenéur, M. Adrien Rallier. Us ont été tout d’abord faits par
- Fig. 1. — Les travaux du port du Havre. — Fonçage des blocs de fondation des quais de la darse ouest.
- des pompes Letestu mues à bras d’hommes. Mais, pour la seconde période du fonçage, il a fallu recourir à une installation spéciale permettant de déplacer la pompe et son moteur de manière à suivre la progression de l’enfoncement. On employait à cet effet de petites pompes centrifuges à axe vertical commandées par des machines Brotherhood à trois cylindres. La pompe et le moteur étaient établis sur un bâti en charpente à l’intérieur des puits, et y demeuraient en permanence pendant toute l’opération. Un chaland, mouillé entre deux blocs en fonçage et porteur d’une chaudière, fournissait à la fois la vapeur à deux machines (fig. 1). Avec ce mode de travail on obtenait une très grande rapidité dans les épuisements de chaque bloc, trois
- quarts d’heure environ, condition capitale puisque, comme nous l’avons dit, le chantier ouvert à la marée ne permettait qu’un travail intermittent. Les déblais exécutés à bras d’hommes étaient montés au moyen de treuils à la partie supérieure du bloc, puis déversés en gabarre et portés au remblai.
- On a foncé par ces procédés quatre-vingt-sept blocs représentant un cube de maçonnerie de 45 000 mètres, à raison de cent six jours par bloc y compris les arrêts pour la prise des maçonneries. Le travail a été régulier, et les blocs ont été maintenus dans un alignement satisfaisant; les plus fortes saillies ou retraites sur la ligne d’implantation n’ont pas dépassé 0m,80, différences qu’on a facilement rachetées par des retouches.
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- En même temps que la construction de la digue du larcrc et le fonçage des blocs à la marée, c’est-à-
- dire dès le début des travaux, l’écluse Bellot, ses murs de fuite et le mur ouest de la darse ouest ont
- Fig. 2. — Le nouveau port du Havre. — Pont tournant du pertuis entre les darses du bassin Bellot.
- Fig. ô. — \ppareil hydraulique pour la manœuvre des ponts tournants et des écluses du bassin Bellot.
- été entrepris au moyen d’épuisements dans une Les terrassements de la darse ouest et une partie fouille ouverte au milieu du terre-plein adjacent au des murs ont été exécutés à sec après que l’achève-bassin de l’Eure. ment d’une portion de la digue du large et la con-
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- struction d’un batardeau séparant les doux darses eurent permis d’isoler le chantier de la mer. La darse est tout entière a été faite à sec par épuisement après l’achèvement de la digue du large. Enfin les musoirs de raccordement de l’écluse Bellot et du bassin de l’Eure, et la démolition du mur de quai du bassin de l’Eure situé au droit de cette écluse ont été exécutés à l’aide d’un caisson à air comprimé placé au-dessus du mur sur un échafaudage en charpente, et descendu par des vérins suivant les besoins du travail.
- Les ponts, portes, vannes et cabestans des écluses et pertuis sont tous manoeuvres par force hydraulique. Nous allons donner quelques détails sur l’appareil spécial employé h la manoeuvre des ponts tournants de l’écluse et du pertuis. L’un de ces ponts, représenté dans la figure 2, a 55"',25 de longueur dont 50 mètres pour la volée et 17m,25 pour la culasse et 7 mètres de largeur en œuvre. Il est à deux voies charretières et constitué par des poutres en treillis de fers à U de 2m,10 de hauteur aux extrémités, et de 4 mètres au droit du pivot. Il est calculé de façon à permettre le passage sur la voie ferrée des plus lourdes locomotives de la Compagnie de l’Ouest.
- Les deux poutres maîtresses reposent sur un che-vêtre (tîg. 5), qui est lui-même placé sur un pivot de rotation contenu dans un cylindre crapaudine dont la base s’appuie sur un coin métallique. Ce coin actionné directement par une presse hydraulique permet de donner un mouvement vertical ail cylindre et par suite de soulever le pont tout entier en décalant la volée.
- La rotation s’exerce par l’action de deux appareils funiculaires conjugués. Pour faciliter ce mouvement et éviter un grand frottement entre les surfaces métalliques en contact, le cylindre crapaudine porte à sa partie supérieure un presse-étoupe formant joint étanche entre le pivot et le cylindre; l’introduction d’eau comprimée dans de légères rainures pratiquées sur les surfaces en contact permet alors de soulager le pont sans le soulever, et d’effectuer la rotation sur l’eau elle-même.
- Lors de sa fermeture, le pont repose sur des appuis situés sur chacune des rives des bajoyers, et à l’extrémité de la culasse. Pendant le mouvement de soulèvement, il bascule autour d’un demi-cylindre fixé au-dessous du sommier, et engagé dans une cavité circulaire ménagée à la partie supérieure du pivot; durant la rotation, le pont repose sur son pivot et sur les galets de culasse qui sont au nombre de deux de chaque côté.
- Le diamètre du pivot qui supporte un poids de 570 tonnes est de 0'",92; la presse qui actionne le coin exerce un effort de 180 tonnes pour le pousser, et de 145 tonnes pour le retirer. Le soulèvement de chacun des ponts exige une dépense d’eau de 462 litres ; la descente, de 578 litres; la rotation de 150 litres, lorsqu’on utilise le simple pouvoir ; de 292 lorsqu’on utilise la force maxima. La dépense
- totale est donc de 1140 ou 1540 litres; la manœuvre d’ouverture se fait en deux minutes.
- La construction du bassin Bellot, commencée à lu lin de 1880, a été achevée dans les premiers jours de 1888. Elle a coûté 20600000 francs, y compris les ouvrages métalliques et les appareils hydrauliques dont nous venons de parler. Mais il faut ajouter à cette somme les dépenses provenant de l’outillage nécessaire à l’exploitation du bassin. Cet outillage comprend les hangars, les engins de manutention et le réseau des voies ferrées relié à celles de l’Ouest. Les deux premiers confiés à la Chambre de commerce du Havre sont dès maintenant exécutés pour la majeure partie. Les hangars sont du type séparé et construits de manière à diminuer, dans la plus large mesure compatible avec une construction économique, le nombre des supports. Le type créé à cet effet par M. Delachanal, ingénieur de la Chambre de commerce, est des plus satisfaisants, tant au point de vue de la disposition qu’à celui de l’utilisation rationnelle des matériaux.
- Les engins de manutention doivent comprendre 28 grues hydrauliques mobiles et 16 treuils qui permettront de manutentionner près de 1 200000 tonnes de marchandises par an. Les grues sont à double pouvoir et leur bâti est établi de façon à permettre le passage des wagons et des locomotives.
- Le bassin Bellot est desservi par des groupes de voies installés parallèlement à l’arête des quais nord et sud des deux darses, et un faisceau destiné au triage des wagons et à la formation des trains est prévu sur la zone réservée à la Compagnie de l’Ouest. Mais il y a lieu de prévoir que le développement ultérieur du trafic nécessitera l’établissement d’une gare maritime spéciale reliée directement à la gare de triage de Graville, et permettant aux trains de n’avoir aucun pont tournant à traverser et de ne parcourir que des courbes de grand rayon.
- Telles sont les dispositions adoptées pour le bassin Bellot qui, spécialement affecté à la grande navigation, est destiné à devenir à bref délai le centre principal du trafic du port du Havre. Elles permettent de desservir également le trafic de transit auquel la position du Havre au débouché de la vallée de la Seine, et les habitudes commerciales nouvelles promettent une importance qui ne pourra que s’accroître, et le trafic du marché propre du Havre qui est un des premiers parmi les grands marchés commerciaux de l’Europe occidentale.
- Les projets du bassin Bellot ont été dressés par MM. Bellot et Renaud, et les travaux exécutés successivement sous la direction de MM. Bellot, Qui-nette de Rochemont, Edouard AVidmer et Desprez, du corps des ponts et chaussées. Les hangars et l’outillage hydraulique ont été exécutés sous la direction de M. Delachanal, ingénieur des arts et manufactures, ingénieur de la Chambre de commerce, et les voies ferrées par la Compagnie de l’Ouest.
- — A suivre. —
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- MOUVEMENTS SPONTANÉS
- DE CERTAINS CORPS A LA SURFACE DE QUELQUES LIQUIDES
- Le camphre, diverses substances solides odorantes, les corps poreux imbibés de liquides volatils, offrent à la surface de l’eau des mouvements singuliers de rotation et de translation, qui ont beaucoup préoccupé le monde savant dans la première moitié du siècle. On a voulu les attribuer tantôt à l’électricité, et tantôt à de simples phénomènes mécaniques de recul produits par le dégagement des vapeurs ou de parties tluides émanées du corps et venant frapper l’air ou l’eau; mais aucune solution définitive, aucune explication claire et satisfaisante n’a été donnée pour ces phénomènes.
- Dutrochet, l’illustre auteur de la découverte de l’endosmose, après des études malheureusement entachées de graves erreurs à leur début (1841), mais aussi appuyées à la fin (1845) sur des expériences d’une haute valeur, ne trouva rien d’autre, pour expliquer les mouvements qui nous occupent, que l’existence hypothétique d’une force inconnue, apparaissant à la surface de séparation de deux liquides quelconques et qu’il nomma force épipolique (s'ictTro'Xyj, surface). Cette notion d’une nouvelle force introduite dans la science ne fut pas acceptée; et, d’autre part, rien ne fut indiqué pour la remplacer. On en revint, pour expliquer les mouvements du camphre, à supposer un effet de recul analogue à celui d’une fusée; et pourtant il y avait vraiment mieux à trouver, car chacun devine une disproportion bien grande entre cette cause de mouvement et ce mouvement lui-même.
- Dutrochet avait deviné juste quand il pensa qu’une force spéciale devait résider à la surface des liquides ; aujourd’hui en effet, il est partout reconnu que cette surface est le siège d’une force à laquelle on a donné le nom de tension superficielle ; comme nous avons besoin de la connaître pour comprendre ce qui va suivre, je vais essayer d’en donner une notion claire et simple à la fois.
- Considérons une bulle de savon abandonnée au bout du tube qui a servi à la gonfler; nous voyons son volume diminuer rapidement, et s’annuler tout à fait : à l’ouverture l’air est chassé comme par une pression intérieure, et produit un souffle très appréciable. On démontre en physique que la force qui produit cette pression sur l’air réside uniquement sur les faces libres de la bulle, qu’elles soient internes ou externes. Ces faces agissent chacune comme une membrane élastique tendue qui maintiendrait l’air sous pression.
- Mais il n’est pas nécessaire d’avoir une lame mince liquide avec deux faces libres; une goutte d’eau est, en effet, au point de vue qui nous occupe, très semblable à une bulle de savon; seulement il n’y a qu’une seule face libre, correspondant à la face externe de notre bulle. Enfin nous pourrions démontrer que la surface libre et plane d’un liquide
- quelconque est aussi le siège d’une force qui agit exactement comme si la masse liquide se terminait par une membrane très mince, élastique et tendue. On a reconnu que c’est à cette force que sont dus les phénomènes de la capillarité et peut-être bien d’autres moins connus; disons même, pour terminer ces notions succinctes, que cette tension superficielle des liquides n’est très probablement qu’un cas particulier de l’attraction qui s’exerce entre tous les corps.
- Nous savons donc qu’il existe constamment à la surface de tous les liquides une force parfois puis-* santé dans ses effets. Mais il est très remarquable que l’intensité de cette force change avec la nature du liquide considéré ; on le reconnaît en plongeant un même tube capillaire dans divers liquides : on voit ceux-ci monter à des niveaux très différents. Il suffit même de répandre une petite quantité d’un liquide quelconque sur l’eau pour changer sa tension superficielle; presque toujours ce changement est une diminution, à cause de la très grande tension de l’eau à sa surface, supérieure à celle de presque tous les autres liquides.
- C’est guidé par ces notions théoriques que j’ai tenté de construire le petit jouet scientifique représenté sur la figure (fig. 1). C’est un bateau taillé avec des ciseaux dans une mince feuille d’étain, et échancré en arrière; jeté sur l’eau, il flotte facilement; avec une pipette, je plaçai une goutte d’alcool sur l’arrière, à toucher l’eau, et je vis aussitôt le bateau filer brusquement. 11 semble vraiment au premier abord qu’une répulsion subite et puissante se produit lors du «contact de l’alcool avec l’eau. Mais considérons les faits au point de vue des tensions, des tractions que subit le bateau entouré de toutes parts d’une surface liquide. En avant, sur les côtés, cette surface est d’eau pure et par suite elle est le siège d’une forte tension; en arrière elle est recouverte d’alcool, et cette couche même très mince y rend la tension notablement moindre. Dès lors, sollicité par deux effets contraires et inégaux, le bateau cède au plus puissant et se trouve entraîné sans cesse vers la surface libre de l’eau.
- Il n’est donc pas besoin d’invoquer l’existence d’une force répulsive de nature inconnue, car nous savons qu’il existe une force attractive dont l’existence est certaine et qui ne peut rester sans effet: la différence entre une attraction forte, celle de l’eau, et une attraction faible, celle de l’alcool. Ce fait est absolument général. En effet, l’éther, le chloroforme, les essences, les huiles, produisent un mouvement plus ou moins rapide du bateau : la plupart des liquides pourraient théoriquement servir, a cause de la forte tension siégeant à la surface de l’eau.
- Mais sans doute on doit penser que ces effets ne se produisent qu’avec une couche assez notable du liquide sur l’eau ; il est facile de démontrer qu’au contraire il suffit d’une couche d’une minceur extrême pour produire des effets considérables ; dos
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- vapeurs mêmes le montrent, et il suffit d’aspirer dans divers flacons l’air chargé de ces vapeurs dans un tube capillaire que l’on plonge ensuite dans l’eau, pour y voir le niveau de celle-ci complètement changé, abaissé d’une manière considérable (fig. 2). Notons ici que l’effet se produit parfaitement avec des vapeurs de camphre, de sorte que nous devons prévoir que ce corps devra mettre le bateau en mouvement comme les liquides précédents. C’est du moins ce que j’avais pensé, et vraiment l’expérience a dépassé mes prévisions ; car non seulement le bateau se met en mouvement, mais encore il garde une allure régulière et rapide pendant fort longtemps, des heures entières. Je la recommande aux expérimentateurs, elle est des plus faciles a réaliser.
- On la rend très visible pour tout un auditoire, en fixant un mât (verre ou paille) au centre du bateau à l’aide de cire à cacheter, avec une petite banderole à son sommet (fig. 1).
- A la suite de ces expériences, l’explication des mouvements du camphre et autres corps à la surface de l’eau s’explique sans aucune difficulté : c’est toujours une différence de tensions superficielles inégales qui produit le mouvement. La chose est également vraie pour le mercure sur lequel on sait que le camphre peut aussi se mouvoir comme sur l’eau. A propos de ce sujet d’expérience, je crois devoir dire ici qu’il n’est pas nécessaire, comme le recommandent MM. Joly et Boisgiraud1, de redistiller et purifier extrêmement le mercure dont on veut se servir; j’ai réussi constamment l’expérience en aspirant simplement du mercure ordinaire au moyen d’une pipette, de manière à éviter les impuretés de
- 1 Voy. n" 519, du 12 mai 1883, p. 379, et n° 520, du 19 mai 1883, p. 598 (Mercure).
- la surface, et en décantant dans un godet placé au milieu d’une assiette. Au besoin je passe une ou deux fois une lame de verre bien propre sur le mercure en rasant les bords du godet, de manière à
- écrémer en quelque sorte la surface. En saupou-drant ensuite quelques granules de camphre, et en formant une buée avec l’haleine, on observe une multitude de têtards à longue queue, d’une agilité extrême, courant à la surface du mercure ; chacun est formé par une tache, la trace des vapeurs au milieu de la buée, qui laisse voir le mercure à nu. Cette expérience est des plus curieuses, et, je le répète, des plus faciles à réaliser (fig. 3).
- On pourrait démontrer, pour le mercure comme pour l’eau, que le mouvement est bien dû à une différence de tensions superficielles. J’ai, du reste, une expérience démonstrative à cet effet : il suffit de souffler de côté, doucement, d’une manière continue, sur la surface du mercure, pour voir les têtards se diriger en foule contre le souffle et le remonter jusqu’à venir se rassembler au bord convexe du mercure le plus rapproché de l’observateur ; leurs mouvements sont en même temps plus vifs, surtout lorsqu’on a eu la précaution de chauffer légèrement le mercure ; la même chose s’observe avec la naphtaline.
- J’ai réussi la même expérience sur l’eau, bien que le succès ne soit pas aussi certain à cause d’influences secondaires que nous ne pouvons détailler; cette fois c’est au moyen d’une motte de fleur de soufre enflammée, flottante sur l’eau ; elle présente alors quelques mouvements capricieux, analogues à ceux du camphre ; lorsqu’on souffle au contraire, la flamme s’active, et j’ai vu souvent le fragment remonter un violent courant d'air jusqu’à
- Fig. 1. — Bateau d’étain circulant sur l’eau à l’aide d’un fragment de camphre.
- Fig. 2. — Niveaux successifs auxquels l’eau monte dans un tube capillaire rempli d’air A, de vapeurs d’éther E ou de vapeurs de camphre C.
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- venir s'appliquer au bord de l’assiette. L’observation est ici particulièrement saisissante, car le vent produit emporte vivement toutes les autres particules bottantes.
- Dans ces deux expériences il n’est guère possible d’invoquer une réaction produite sur l’air, à moins d’assimiler gratuitement chaque fragment à l’une de ces fusées volantes qui remontent toujours contre le vent. Au contraire, avec la notion des tensions superficielles, nous voyons que le souffle a justement pour effet d’orienter les vapeurs émises de manière à forcer le fragment à remonter le courant d’air : il rend libre la surface en avant, il l’encombre en arrière.
- Nous connaissons maintenant la cause des mouvements du camphre, mais nous ne savons rien encore sur le mécanisme de leur arrêt. Il résulte cependant des recherches de MM. Joly et Bois-giraud, que cet arrêt a lieu toutes les fois qu’une pellicule graisseuse, même très mince, existe à la surface de l’eau1.
- Il semble très naturel alors d’attribuer l’arrêt à une diminution de la tension superficielle. Une expérience analogue à une autre déjà faite pour une lame mince savonneuse est démonstrative à cet égard ; posez sur une eau à surface bien pure un anneau formé d’un fil flexible, ciré; il est irrégulier dans son contour, mais il suffit d’une goutte d’huile posée à son intérieur pour le voir se tendre brusquement en un cercle plus ou moins parfait
- 1 A ceux mêmes qui voudront répéter ces diverses expériences, nous recommandons de poser sur l’eau (même propre en apparence) une large feuille de papier Joseph, qu’on retire après imbibition ; c’est le meilleur moyen de nettoyer la surface.
- sans que l’huile dépasse le cercle. Déposée à l’extérieur, la goutte d’huile produit l’effet inverse, contractant l’anneau en replis aussi serrés que la flexibilité du fil le permet. Ces deux effets s’expliquent en considérant que le fil se trouve dans les
- deux cas attiré vers la surface qui est libre, qui a gardé toute sa force; ce qui nous démontre, par conséquent, que l’huile abaisse la tension à la surface de l’eau.
- Mais un autre facteur est à considérer; c’est la viscosité. Elle est tellement grande ici qu’on voit le voile huileux se mouvoir tout d’une pièce avec les enclaves qu’il contient. Pour séparer ces deux causes d’arrêt, viscosité et abaissement de la tension superficielle, j’ai imaginé de relier par un pont rigide deux bateaux identiques , l’un placé sur une couche huileuse, l’autre sur une surface pure. Un anneau flottant en fil de laiton ciré est posé d’abord sur de l’eau bien pure et le système
- des deux bateaux est à cheval sur l’anneau. Un fragment de camphre étant placé à l’arrière du bateau extérieur met l’ensemble en mouvement; je pose alors une goutte d’huile dans le cercle intérieur, et j’observe que le mouvement con fin mc, est à peine ralenti. Cependant on observe qu’à partir de ce moment l’anneau est manifestement entraîné. Ainsi la viscosité de l’huile ne suffit pas pour expliquer l’arrêt des mouvements du camphre : c’est donc le changement de tension superficielle qui est le seul facteur important.
- Déjà on voit que la théorie d’une réaction (produite cette fois sur le liquide ou sur l’air) va se trouver bien pauvre d’argument; mais il y a plus:
- Fig. 3. — Mouvements du camphre eu fins granules à la surface du mercure.
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- je place sur cette eau, huilée ou uon, un large flotteur en forme de verre de montre, et je pose le bateau voisin sur son bord : le mouvement continue, quoique nécessairement ralenti. Sur le flotteur je place un flacon, un objet quelconque, le poids total entraîné s’élève a 50, à 100 grammes, à 1 kilogramme enfin, et le mouvement subsiste toujours ! On a beau l’arrêter, il reprend rapidement (fig. 4).
- Si l’on songe aux frottements vaincus et à la masse entraînée, chacun devra reconnaître que le souffle produit par l’émission de moins d’un cinquantième de millimètre cube de vapeurs en une minute est incapable de tels effets; car il serait nécessaire d’attribuer à ces particules une vitesse subite d’environ 70 kilomètres par seconde !
- Concluons. De l’ensemble de ces expériences et de plusieurs autres que j’ai dù passer sous silence faute d’espace, je crois pouvoir affirmer que la cause des mystérieux mouvements du camphre sur l’eau et sur le mercure est définitivement reconnue et rentre très naturellement dans les effets d’une force connue et mesurable l.
- Dans une communication qui, l’an dernier, a produit une profonde sensation à l’Académie des sciences et dans le monde scientifique et commercial, M. l’amiral Cloué a soulevé une question bien voisine de celle qui nous occupe, celle de l'action de l’huile sur les vagues de la mer2. L’étude que nous venons de faire nous permettra peut-être d’aborder ce problème par un côté négligé jusqu’ici; et certes je crois que si quelques expériences de laboratoire pouvaient apporter de la lumière dans la solution d’une question dont peuvent dépendre tant de vies humaines, ceux qui demandent sans cesse à la science des applications pratiques auraient lieu de se déclarer satisfaits. U. Devaux.
- CHRONIQUE
- Polices d’assurances maritimes au seizième siècle. — Voici, d’après le f)r V. Rippen, de Brême, l’intéressante histoire d’une très ancienne police d’assurances maritimes. Elle nous est rapportée par M. Emile Sorel, du Havre : Il y a trois cent cinquante-sept ans, en Tannée 1551, M. Gotschalk Remlingrode, étant négociant à Revel, fit assurer le corps et le fret de son navire Der Dantziger Schwan (Le Cygne de Dantzick), pour le voyage de Lubeck à Arnemuiden, en Hollande. La police fut signée à Anvers et à Bruges, par une Société d’assureurs italiens, espagnols et portugais, auxquels se joignit un
- 1 Ce travail était livré à l'impression lorsque jai trouvé,
- dans les bulletins de l’Académie des sciences de Bruxelles, qu’un mémoire étendu avait été publié dès 1870 sur le sujet précédent, par M. Yan der Mensbrugghe. La véritable théorie des mouvements du camphre et autres corps analogues s’y trouve établie avec précision. Mes recherches peuvent toutefois être considérées comme une démonstration nouvelle de la justesse de cette théorie, car la plupart des expériences que j’indique sont absolument personnelles; en outre j’ai pu reconnaître qu'en France au moins, ces travaux sont fort peu connus, même des physiciens: à ce titre seul la question méritait d être reprise. jj j)
- 2 Yoy. Comptes rendus*, Académie des sciences, 6 juin 1887.
- représentant d’une certaine maison Welfer. Le navire Le Cygne de Dantzick se perdit dans un ouragan, sur les côtes de Norwège, et M. Gotschalk s’empressa de réclamer le montant de la perte à ses assureurs. Ces derniers cherchèrent tous les moyens possibles pour s’exonérer de payer, et finalement offrirent à leur client de ne lui rembourser que la moitié de la somme due. M. Gotschalk, se croyant en bon droit, ne l’entendit point ainsi, et, après mille démarches infructueuses, n’ayant pu se faire payer, il publia un pamphlet, lequel mettait en relief la mauvaise foi de ses assureurs, et se terminait par une déclaration de guerre! Oui, une déclaration de guerre véritable, et, qui mieux est, la menace fut mise à exécution. M. Gotschalk arma des navires dans un port du Mecklembourg, se fit pirate, puis, en 1558, opéra la prise de plusieurs navires anglais, singulier moyen de se faire payer dans ce bon temps-là. Les villes hanséatiques s’en plaignirent fort, mais s’occupèrent aussi peu de réprimer cette nouvelle piraterie, qu’elles s’étaient occupées de faire rendre justice au négociant de Revel.
- Sur une cause peu connue de surdité. — Parmi les femmes de la Haute-Loire, beaucoup portent encore une coiffure dans laquelle le pavillon de l’oreille est serré et appliqué contre la tête par un large ruban. Dans un certain nombre d’ordres religieux, la coiffure comporte aussi cette ligature des oreilles contre la tête. Or, les conséquences de cette pratique sont souvent très nuisibles à la fonction auditive. A la longue, il se produit une déformation complète du pavillon dont le squelette cartilagineux, aplati, sans saillies ni creux, a perdu toute rigidité et se moule sur l’apophyse mastoïde. Il ne peut plus remplir ses fonctions d’orientation, de recherche de la direction du son et de collection des ondes sonores, particulièrement de .celles qui viennent devant l’individu (Mathias Duval). Comme autre effet fâcheux de cette ligature des oreilles contre la tête, à signaler encore l’eczéma qui apparaît très souvent derrière le pavillon, entre les deux surfaces cutanées en contact. Pour remédier à cela, il faut d’abord exiger des malades qu’elles renoncent à se coiffer ainsi et qu’elles laissent leurs oreilles libres, en les engageant même à souvent les rabattre en avant pour les détacher de la tête. Il faut ensuite dilater l’orifice du conduit et lui rendre sa forme naturelle. Ce qui a réussi le mieux jusqu’à présent, ce sont de petits bouchons de coton bien serrés et trempés dans de la glycérine, introduits de force dans l’orifice du conduit et qu’on change toutes les vingt-quatre heures.
- Effets «lu courant électrique sur les vins. — M. F. Mengarini a continué les expériences de Blaserna et Carpine, qui ont démontré que le courant électrique pouvait vieillir les vins. M. Mengarini décrit les expériences faites avec un courant de 5,99 ampères par heure traversant pendant un certain temps un échantillon de vin italien ; des analyses de ce vin ont été faites avant et après le passage du courant et ont donné des résultats comparatifs. Les électrodes de platine ont été trouvées recouvertes de substances albumineuses et noircies par l’oxydation. La proportion d’alcool avait diminué en partie par une légère formation d’acide acétique, en partie par l’évaporation et enfin aussi par la destruction occasionnée par l’oxydation. L’électrisation avait donné au vin un parfum particulier de vieillesse, qui augmentait par la prolongation du courant. Le courant paraissait aussi avoir facilité sa conservation ; la matière colorante a été légèrement affectée. L’auteur n’a pas tiré, quant à présent, de conclusions de ses expériences.
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- LA NATURE.
- Sarcophages â Carthage. — On a découvert récemment, dans les fouilles de Carthage, divers débris (semblant appartenir à des tombes chrétiennes de marbre ornées de bas-reliefs. Deux de ces débris montrent le « Bon Pasteur rapportant la brebis égarée » ; un autre
- une Femme en prière t ; un quatrième et un cinquième (Ç la Multiplication des pains » et probablement « la Guérison du lépreux ». Les sarcophages sculptés sont, en Afrique, d’une .extrême rareté.
- Le* laboratoire d’électricité de Vienne. — On
- va bientôt construire à Vienne un laboratoire d’électricité dans le but de procéder à des opérations de mesures pour le public, telles que les essais de force et de rendement des dynamos, le pouvoir éclairant et la valeur des lampes à arc et à incandescence, les mesures électro-chimiques, la calibration des instruments de mesure, le fonctionnement des piles primaires et secondaires, etc. Voici le tarif adopté pour ces différentes opérations : essai d’une dynamo, de 30 francs à 100 francs suivant les dimensions de la machine; essai d’une lampe à arc, de 30 francs à 40 francs; essai d’une lampe à incandescence, de 20 francs à 50 francs; calibration des appareils de mesures, de G fr. 25 à 40 francs. Les revenus du laboratoire seront partagés entre le Musée technologique et le personnel du laboratoire.
- Vitesse «le propagation des tremblements de terre. —- L’un des derniers numéros de YAmcrican Journal of science contient un intéressant article du professeur Newcomb et de M. Dutton sur la vitesse de propagation du fameux tremblement de terre de Charleston (Caroline), survenu en 1886. Les auteurs ont pris comme éléments de leur détermination les heures marquées par les pendules qui se sont arrêtées sous l’effet de la secousse. Le résultat obtenu est : 5184 mètres à la seconde, avec une erreur en plus ou en moins de 80 mètres.
- Ancienneté de l’anesthésie en Chine. — On a
- dit souvent que toutes nos découvertes, même les plus merveilleuses, ont vu le jour en Chine bien longtemps avant d’éclore en France. L’anesthésie, entre autres, était connue en Chine bien avant les travaux des médecins américains. Des preuves de ce fait ont été maintes fois données; en voici une nouvelle. D’après le Dental Luminary, en examinant les livres chinois, à la librairie nationale de Pékin, on trouve la preuve formelle que les chirurgiens chinois se servent, depuis bien longtemps, des anesthésiques pour pratiquer des opérations. C’est à un médecin célèbre vivant au troisième siècle de notre ère qu’est due l’initiative de l’administration des anesthésiques. On se servait d’une préparation de chanvre qui, au bout de quelques moments, rendait le patient aussi insensible qu’un homme ivre mort ou passé à l’état cadavérique.
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- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du IG avril 1888. — Présidence de M. Janssen.
- Bandes d'absorption de l'oxygène. — Dans le cours des belles recherches spectroscopiques que nos lecteurs connaissent bien, M. Janssen est parvenu â reconnaître que l’oxygène présente un double système d’absorption : 1° des lignes très fines parmi lesquelles on peut citer celles qui, dans le spectre solaire, sont désignées par les lettres B, A et a; 2° des bandes sombres, estompées, qui paraissent très difficilement résolubles en lignes 'dis-
- tinctes. A l’inverse du premier, ce second système n’obéit pas à la loi de l'épaisseur multipliée par la densité, mais à la loi de l’épaisseur multipliée par le carré de la densité. L’illustre auteur a usé d’abord, à l’égard de cette importante découverte, d’une prudence extrême, répétant les expériences, les unes sur de l’oxygène comprimé dans des tubes à des pressions comprises entre six et plusieurs centaines d’atmosphères, les autres sur des épaisseurs connues et très diverses de l’atmosphère terrestre. C’est pour cette partie des recherches que M. Janssen est allé s’établir, aux vacances dernières, sur le pic du Midi d’où il a rapporté les belles photographies de nuages que nos lecteurs ont eues sous les yeux. La preuve du fait annoncé était donc bien faite ; cependant voici une nouvelle confirmation de la loi que M. Janssen signale d’une manière toute particulière et qui frappera tout le monde par son élégance. M. Olzewski en continuant ses études sur l’oxygène liquide, a reconnu que sous 7 millimètres d’épaisseur ce corps donne nettement les bandes estompées; or, M. Janssen trouve, par le calcul, qu’avec une densité sensiblement égale à celle de l’eau, c’est vers 4 millimètres d’épaisseur que l’oxygène liquéfié doit commencer à produire le phénomène : il y a l’a, comme on voit, une concordance bien remarquable et tout le monde sera avec M. Fremy émettant le vœu que M. Cailletet mette de l’oxygène liquide à la disposition du directeur de l’Observatoire d’astronomie physique. Il est probable que la mécanique moléculaire ne tardera pas à tirer le plus grand parti de la belle loi découverte par M. Janssen : elle nous procure le premier exemple de documents fournis à la mécanique rationnelle par la spectroscopie.
- L'azote et la terre végétale. — Gomme il l’avait promis, M. Schlœsing dépose sa réponse aux critiques de M. Berthelot. Malheureusement, il ne nous donne pas le détail de son travail et se borne à relever les appréciations de son contradicteur, quant à la valeur des expériences de Boussingault. Il rappelle que ce dernier, dès .1859, a formulé de la manière la plus nette l’opinion que la terre végétale est loin d’être seulement pour les plantes un support inerte des substances alimentaires; qu’elle est vivante, au contraire, par les microorganismes qui y sont contenus et qui jouent le rôle le plus actif dans la physiologie agricole. En terminant, M. Schlœsing répète qu’il n’a aucunement l’intention de nier l’existence du ferment fixateur d’azote ; mais, suivant lui, les analyses de M. Berthelot sont tout à fait insuffisantes pour permettre d’en affirmer l’existence.
- La rage des herbivores. — On sait, d’après les expériences de M. Galtier, qu’on détermine à coup sur les accidents rabiques chez les herbivores par l’injection du liquide virulent dans le tissu conjonctif sous-cutané. Au contraire, l’inoculation intraveineuse n’amène pas la maladie. L’auteur, dans un mémoire présenté par M. Chauveau, annonce aujourd’hui que l’inoculation dont il s’agit met les animaux en état de résistance complète a l’égard de l’infection du microbe pathogène dans les conditions où d’abord il était fatal. Il montre ensuite qu’un animal d’abord empoisonné par du bulbe virulent est guéri par l’infection consécutive du même bulbe dans les veines. Ce fait aurait, au point de vue pratique, les plus grandes conséquences. Il arrive fréquemment qu’un chien enragé morde tout un troupeau de bœufs ou de moutons ; presque tous ceux-ci prennent la rage. Mais il suffirait, d’après M. Galtier, pour les sauver, de tuer le chien, de broyer son bulbe pour le convertir en liquide d’inoculation et
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- LA NATURE.
- de l’injecter dans les veines des animaux mordus; tous seraient sauvés et cela rappellerait ce vieux préjugé en vigueur encore dans beaucoup de campagnes, qu’on guérit de la rage en mangeant le foie du chien même qui vous a mordu. 11 faut ajouter que l’application de la méthode proposée suppose avant tout une modification de la législation qui, à l’heure actuelle, exige que tout herbivore mordu par un chien enragé soit immédiatement abattu.
- Structure de l'œil. — Contrairement à une opinion généralement adoptée, M. Cherling annonce que l’œil est loin d’être centré. Suivant lui, les centres de courbures du cristallin ne sont pas sur la même ligne que le centre de courbure de la cornée, et cette ligne ne coïncide pas du tout avec la ligne visuelle de l’œil. Le cristallin est réellement incliné de façon que son bord externe est en arrière de son bord interne, l’angle avec la ligne visuelle variant de 5 à 7 degrés suivant les individus. De plus, le cristallin est incliné en avant de 0 à 5 degrés. Il résulte de cette situation un astigmatisme qui est compensé par une courbure spéciale et irrégulière de la cornée.
- Etude des fontes. — Un chimiste des plus distingués, qui a publié récemment un travail capital sur le fer et l’acier, M. Osmond, adresse, par l’intermédiaire de M. Troost, une étude analogue au sujet de la fonte. Il réchauffe et refroidit progressivement ce métal et note la marche du thermomètre en fonction du temps.
- De celte manière il constate une série d’arrêts qui paraissent correspondre à la fusion ou à la consolidation d’alliages spéciaux parfaitement définis avec le carbone, e phosphore ou d’autres corps.
- Electricité atmosphérique. — C’est avec des éloges exceptionnels et bien justifiés que M. Becquerel signale un nouveau volume de M. Gaston Planté. Ce physicien, qui a impérissablement attaché son nom à plusieurs des plus grandes découvertes dont l’électricité a été l’objet, réunit sous le titre de Phénomènes électriques de l’atmosphère toute une série de ses travaux. Il débute par des expériences relatives à la foudre globulaire dont plusieurs ont ourm ues reproductions exactes de cette; orme jusqu’ici si mystérieuse du tonnerre. La grêle est ensuite reproduite de la manière la plus complète et presque dans des détails très intimes. Des trombes et des cyclones artificiels, des aurores poiaires produites à volonté, des transports par la foudre sont ensuite décrits dans autant de chapitres distincts. Aussi agréable par la forme que puissant par le fond, le nouveau livre de M. Gaston Planté est assuré d’avance du plus grand succès.
- Varia. — D’après les recherches exécutées au Ministère de la guerre, la superficie vraie de la France repré-
- sente 536 408 kilomètres carrés, soient 812 kilomètres carrés de plus que n’en indique VAnnuaire du bureau des longitudes. — La formation des acides organiques et de l’azotate de potasse dans la betterave occupe M. Le Play. — M. Luvini indique quelques résultats nouveaux des expériences connues de nos lecteurs où l’on produit des tores de fumée, ou anneaux des fumeurs. — On signale un Manuel de métallothérapie et de mélalloscopic, par M. le Dr Moricourl, le collaborateur et continuateur de Victor Burq. Stanislas Meunier.
- --.xÇx—
- PHYSIQUE SANS APPAREILS
- LA VIBRATION DES VERGES
- Un de nos lecteurs, M. L’Esprit, nous communique l’intéressante expérience d’acoustique que nous allons faire connaître au sujet de la vibration des verges. Un simple couteau à papier suffit pour
- la réaliser. Notre correspondant a l’obligeance d’ac-compagner sa description du couteau a papier japonais qu’il a préparé, et que nous reproduisons exactement dans notre figure. Voici ce que nous écrit M. L’Esprit. « Au moyen d’un coupe-papier que l’on frappe sur un meuble creux (sur l’angle d’un bureau,parexem-pie) on peut produire les sons de la gamme. Avec un peu de tâtonnements, on arrive à indiquer l’endroit où il faut frapper pour obtenir le son voulu, et l’on joue facilement des airs avec cet instrument primitif. Ci-joint un coupe-papier de deux sous sur lequel j’ai marqué les notes qu’il produit à la frappe. Comme il faut que la verge vibrante ait toujours la meme longueur, j’ai marqué par des traits de plume, au-dessus du trou, l’endroit où l’on doit tenir le couteau pour obtenir les sons indiqués sur la tranche. » L’expérimenteur réalisera cette expérience avec d’autant plus de facilité qu’il aura l’oreille plus musicale. Après avoir déterminé par tâtonnements le point de chaque note, et l’avoir fixé par un trait, il faut s’exercer à frapper juste à l’endroit voulu. Un musicien habile arrive à tirer quelque parti de cet instrument élémentaire.
- Le propriétaire-gérant : G. Tissandier. Imprimerie A. Lahure, 9, rue de Fleurus, à Paris.
- Le couteau à papier musica...
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- N” 7 78.
- 28 AVRIL 1888.
- LA NATURE.
- TOURELLE HYDROSTATIQUE A ÉCLIPSE
- Nos lecteurs se rappellent sans doute que nous nous sommes attaché, plusieurs fois déjà, à faire ressortir à leurs yeux l’importance des tourelles cuirassées dans les opérations de la défense des places fortes1. Or cette importance, dûment constatée, a pris des proportions considérables depuis la mise en service des premières torpilles balistiques3; depuis qu’on sait qu'il n’est plus de terrassements ni de maçonneries invulnérables. Il n’y a plus, dit-on , que la tourelle qui puisse résister à l’action d’un tir de projectiles creux à charge brisante, et cet appareil métallique s’impose à titre d’élément indispensable de toute organisation défensive.
- Cela est vrai, au moins provisoirement, nous voulons dire jusqu’à ce que l’invulnérabilité relative de la tourelle cuirassée soit un fait déli-nitivement acquis à l’expérience.
- La tourelle de type primitif consiste, avons-nous dit, en un grand cylindre métallique reposant sur de solides sub-structions en maçonnerie, par l’intermédiaire d’une couronne de galets analogue à celle d’une plaque tournante de chemin de fer. Moyennant le jeu de ce dispositif, le cylindre peut prendre, autour de son axe, un mouvement de rotation qu’on règle à volonté. Coiffé d’une calotte aplatie, il n’émerge que suivant une faible partie de sa hauteur au-dessus des
- 1 Yoy. n09 547, du 24 novembre 1883, p. 406, et 683, du 3 juillet 1886, p. 70.
- 3 Voy. n° 706, du 11 décembre 1886, p. 23.
- 46e nuée. — ior semestre
- massifs de terres et de maçonneries qui le protègent. Cette portion supérieure du cylindre est percée de sabords livrant passage à la bouche des pièces en batterie à l’intérieur. Un mécanisme fort simple, installé dans une chambre de manœuvres, permet de faire tourner l’appareil préalablement soulagé.
- Le jeu de cette tourelle tournante est facile à comprendre. Etabli dans un observatoire voisin, le pointeur interroge le terrain des attaques ; il peut, à
- volonté, ralentir, accélérer ou arrêter le mouvement de rotation ; il peut en renverser le sens. Au moment opportun, il fait feu... et, le coup parti, la tourelle, qui a rapidement tourné, vient présenter à l’ennemi le plein de sa carapace, c’est-à-dire la portion de cylindre qui n’est point ouvragée de sabords, de telle sorte que ceux-ci échappent incontinent au danger de la riposte, aux coups dits d'embrasure.
- Fort bien. Le malheur est que, si bien établie qu’on la suppose, la portion émergeante du cylindre métallique est loin d’être, ainsi qu’on pouvait le croire, invulnérable. Les obus à mélinite ont vite fait de la perforer.
- Cela étant, les ingénieurs militaires ont cru devoir renoncer au dispositif impliquant l’émersion permanente de la partie supérieure de la tourelle et recourir à l’adoption du principe de l'éclipse. Dans ce système, le cylindre peut prendre non seulement un mouvement de rotation autour de son axe, mais encore un mouvement de translation suivant la verticale. Il peut s’élever ou s’abaisser à la volonté de l’opérateur, de sorte que les émersions ne sont plus que momentanées et que la durée de chacune ne dépasse point la limite du temps nécessaire au tir.
- 22
- Tourelle hydrostatique du colouel Souriau.
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- LA N AT U HL.
- A peine les pièces ont-elles fait feu que le cylindre descend tout entier au-dessous du terrain dans lequel est solidement encastrée son enveloppe et qu’il échappe ainsi aux coups de l’adversaire.
- On distingue déjà plusieurs types de tourelles établis suivant le principe de l’éclipse. Nous n’analyserons aujourd’hui que l’appareil proposé dans cet ordre d’idées par leeolonel Souriau, et qui vient d’ètre étudié en tous détails d’exécution par MM. Schneider et Cie (Usines du Creusot).
- I/auteur avait observé que, pour mettre en mouvement une masse aussi considérable que celle d’une tourelle cuirassée, il faut avoir recours à un emploi de puissants moteurs mécaniques : hydrauliques, à vapeur ou électriques; que les poids à mouvoir doivent nécessairement être soulagés à l’aide de contrepoids ou d’engins hydrauliques ; que, en tous cas, les moteurs dont on fait usage — appareils à vapeur ou hydrauliques — ne peuvent être conduits que par des mécaniciens expérimentés; que le recrutement de ces hommes spéciaux peut présenter, en temps de guerre, certaines difficultés ; que, en ce qui concerne le mécanisme du jeu de la tourelle, tous les organes doivent en être constamment entretenus en état ; qu’il est indispensable de procéder à de fréquentes vérifications de ce parfait état d’entretien; qu’on doit admettre, en conséquence, la nécessité d’une série continue de branle-bas ; enfin, que chacune de ces expériences périodiques comporte un prix de revient relativement considérable.
- Cela étant, le colonel Souriau s’est imposé l’obligation de ne faire usage que de mécanismes extrêmement simples, pouvant être facilement actionnés à bras d’homme, et voici comment, dans ces conditions, cet officier supérieur a résolu le problème :
- La construction de l’appareil qu’il préconise est basée sur le principe de l’équilibre indifférent des corps plongés dans un liquide.
- La figure (p. 537) représente une tourelle hydrostatique TT reposant, par l’intermédiaire d’un cylindre C, sur un plongeur P, lequel consiste en un cylindre creux (en tôle) immergé dans une cuve emplie d’eau. Le cylindre C, qui émerge, sert de support à la partie TT et fait corps avec elle. Le plongeur est, d’ailleurs, de dimensions telles qu’il fait équilibre au poids de toute la partie hors d’eau. D’où il suit qu’un effort peu considérable suffit à produire un déplacement vertical du système et que ledit effort peut être celui de quelques bras agissant sur les manivelles d’un mécanisme simple. Le fonctionnement du modèle étudié par les ingénieurs du Creusot ne demande que quatre Hommes ; cette équipe réduite obtient, en quinze secondes, une mise en batterie et exécute ensuite l’éclipse dans le même espace de temps, soit au total une demi-minute pour l’ascension et la descente.
- Quelques détails d’organisation ne seront pas ici hors de propos.
- Toute la partie émersible LE est cuirassée en plaques Schneider; il en est de même de la calotte di-
- visée en segments. La chambre aux bouches à feu — ou tourelle proprement dite — est enfermée sous une avant-cuirasse AA servant de doublure à la maçonnerie MM. L’ensemble de la tourelle T, du cylindre émergent C et du plongeur P forme un système rigide, bien guidé : en bas, par le pivot 11; dans le haut, par une couronne en acier attenant à l’avant-cuirasse. Dans ces conditions, l’appareil se trouve parfaitement en état de résister au choc des projectiles de l'ennemi.
- Les organes des mouvements de rotation et d’éclipse, tous deux accessibles du parquet p (qui est fixe), sont desservis par un seul et même personnel.
- Le mouvement de rotation s’obtient moyennant le jeu d’un treuil à deux vitesses t t fixé à la partie inférieure de l’avant-cuirasse et faisant corps avec un pignon vertical r. Par ce pignon, ledit treuil commande une couronne dentée d attenant à l’ossature de la tourelle et dont les dents demeurent en prise durant le mouvement vertical.
- Pour obtenir l’éclipse, on se sert de deux coulisseaux articulés sur des leviers /11, situés dans un plan diamétral et qui se meuvent librement dans une gorge tournée, appartenant au cylindre C. Ce mécanisme n’apparaît pas au complet dans notre figure, mais la représentation des leviers en rend le fonctionnement suffisamment intelligible. Observons qu’il est combiné de telle sorte que la vitesse d’ascension ou de descente aille croissant du point de départ au milieu de la course, et décroissant de ce milieu jusqu’au point d’arrivée.
- La tourelle hydrostatique ne saurait être paralysée du fait de la congélation du liquide dans lequel est immergé le plongeur, car—outre que la gelée n’est guère à craindre à la profondeur où se trouve la cuve — il est toujours facile de composer un mélange dont le point de congélation se trouve au-dessous de la température la plus basse qui puisse se produire sous le climat de la région considérée.
- Quant à l’armement, il se compose de deux pièces de 155 montées sur affûts à frein hydraulique et retour automatique en batterie. Le système de chaque canon et de son affût est équilibré par un plongeur établi dans les mêmes conditions que celui de la tourelle. Un seul servant suffit à la manœuvre.
- Lieutenant-colonel IIennebekt.
- LES CHIENS MILITAIRES
- Le 55e régiment de ligne, qui tient garnison à Montpellier, vient de recevoir un certain nombre de chiens affectés au service des avant-postes. Ces animaux, dit M. de Hart, dans Y Éleveur, sont munis d’une ceinture sous le ventre et reliant deux poches en cuir, destinées à recevoir les plis et les communications diverses concernant le service en campagne : mots d’ordre, mouvements partiels, reconnaissances, régions à surveiller, etc. Pour dresser ces chiens à leur nouveau service, un soldat est affecté à chacun d’eux ; à certains moments dans les exercices et marches militaires, leur conducteur s’écarte
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- LA N AT 13 HE.
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- de la route suivie, et à une distance de plus en plus éloignée, il lâche le chien pour l’accoutumer à rejoindre le corps de troupe.
- Jusqu’ici ces essais ont, paraît-il, très bien réussi.
- L’ASSOCIATION DES ÉLECTEURS
- PAR I.E SORT
- La question politique — que nous nous garderons d’ailleurs d’aborder — donne un grand intérêt d’actualité à une communication faite par M. Joseph Bertrand, il y a quelques mois, à l’Académie des sciences au sujet de l’Association des électeurs par le sort. Les calculs de M. Bertrand tendent à confirmer et à expliquer mathématiquement la remarque souvent faite qu’en partageant un pays en collèges électoraux dans lesquels le sort associerait un nombre désigné d’électeurs, le résultat serait très loin de représenter la proportion des opinions qui partagent le pays. L’opinion dominante serait favorisée dans une proportion qui dépasse toute prévision, ce qui, à notre avis, doit mettre en garde contre ce qu’un parti triomphant appelle l’éloquence des chiffres et n’en constitue souvent que leur brutalité.
- M. Bertrand rend son raisonnement mathématique concret et intelligible par un exemple que nous reproduisons ici d’après sa communication.
- Supposons 10 000 000 d’électeurs, parmi lesquels 4 500 000 d’une opinion, nous les nommerons les blancs, et 5 500 000 de l’opinion opposée, ce seront les noirs.
- Si l’on charge le hasard de former 1 000 000 de groupes de 10, de réunir ensuite ces groupes 10 par 10 pour former 100 000 groupes de 100, puis les groupes de 100 10 par 10, pour former 10 000 groupes de 1000, et les groupes de 1000, enfin, 10 par 10, pour former mille groupes de 10 000, voici les nombres les plus probables des groupes dans lesquels les blancs sont en majorité :
- 261 540 groupes de 10, soit 0,261 du nombre total.
- 15 766 — 100, — 0,157 —
- 8 — 1000, — 0,0008 —
- 0 _ 10 000, — 0,000000 —
- La probabilité pour que, sur 500 députés élus en suivant cette méthode, la minorité, qui compte dans le pays les 0,45 des électeurs, obtienne un seul représentant, est plus petite que celle de gagner 2 quines de suite à la loterie.
- La nomination d’un représentant de la minorité pourrait être considérée comme absolument impossible.
- L’expérience contredit en apparence cette assertion ; mais l’association des électeurs d’un même département ou d’un même arrondissement n’est pas équivalente à un tirage au sort entre tous les habitants du pays. Les intérêts communs et des influences semblables corrigent dans une proportion inaccessible au calcul les lois du hasard sans cela très certaines.
- Ces conclusions renferment une moralité électorale que nous laissons à nos lecteurs le soin de déduire eux-mêmes : ils y trouveront également l’indication des moyens à adopter pour corriger les lois
- inéluctables du hasard, et assurer dans toute élection une équitable représentation des minorités.
- Il est grand temps d’arrêter ces considérations, car clics nous amèneraient insensiblement sur le terrain glissant de la politique.... et nous ne voulons pas nous y aventurer.
- TRAITEMENT DES SABLES AURIFÈRES
- PAR AMALGAMATION, CHEZ LES ANCIENS
- M. Berthelot a récemment présenté à l’Académie des sciences la seconde livraison de l’ouvrage considérable qu’il publie de la Collection des alchimistes grecs, avec la collaboration de M. Ch. Km. Ruelle1. Nous avons déjà parlé de ce magnifique travail qui apporte un grand nombre de faits nouveaux à l’histoire de la chimie. La nouvelle livraison renferme les oeuvres de Zosime, auteur du troisième siècle de notre ère, jusqu’ici inédites, texte et traduction. Nous empruntons à cet ouvrage, en le résumant, un article fort curieux sur l’extraction de l’or au moyen de ses minerais naturels, traités par le mercure, procédé de traitement de ces minerais qui n’avait pas été signalé jusqu’ici comme connu des anciens2.
- « Prends de la terre des bords du fleuve d’Egypte qui roule de l’or, pétris-la avec un peu de son...; après avoir fait une pâte..., formes-en de petits pains...; fais-les sécher au soleil..., mets-les dans une marmite neuve... et fais du feu au-dessous... ; remue avec un instrument de fer, jusqu’à ce que tu voies que tout est cuit et semblable à une cendre noire... Ayant pris une poignée de cette matière, jette-la dans un vase de terre cuite, ajoute du mercure, agite méthodiquement la main...; ajoute une mesure d’eau et... lave avec précaution, jusqu’à ce qu’on soit parvenu au mercure. Mets dans un linge, presse avec soin jusqu’à épuisement. En déliant le linge, tu trouveras la partie solide... Mets-en une boulette sur un plat neuf... dans une fossette pratiquée au milieu...; recouvre de nouveau la marmite, en la faisant adhérer au plat (avec un lut)... ; fais chauffer sur un feu clair, avec du bois sec ou de la bouse de vache (desséchée), jusqu’à ce que le fond du plat devienne bridant. Aie de l’eau auprès de toi, pour arroser la préparation avec une éponge, en veillant à ce que l’eau ne tombe pas sur le plat. Après la chauffe, retire le plat du feu; en découvrant, tu trouveras ce que tu cherches», c’est-à-dire l’or dans le fond ; quant au mercure, il a drt se condenser dans le couvercle refroidi.
- Ce traitement des minerais aurifères par le mercure d’après M. Berthelot, paraît s’être substitué à un traitement plus anciennement usité, dans lequel le minerai était fondu avec du plomb, du sel, un peu d’étain et du son d’orge, et soumis à une véritable coupellation.
- 1 Steinheilj éditeur à Paris.
- 2 Vitruve a indiqué seulement l’emploi du mercure pour extraire l’or des étoffes tissues avec ce métal. Liv. VIL 8.
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- LA NATURE.
- A côté de recettes positives, telles que la précédente, les œuvres de Zosime renferment la description des instruments de digestion, dont le savant auteur a reproduit les figures, avec commentaires, dans son Introduction. On y trouve en même temps divers commentaires théoriques, les uns purement philosophiques, les autres chimériques, sur la transmutation, des discussions curieuses entre Zosime et les praticiens contemporains, et des morceaux gnostiques, qui offriront assurément beaucoup d’importance pour tous ceux qui s’intéressent a l’histoire de l’esprit humain.
- LÀ COMÈTE SAWERTHAL1
- Le 18 février 1888, M. Sawerthal, astronome au cap de Bonne-Espérance, découvrait dans la constellation du Paon, au-dessous de celle du Sagittaire, par 56° de déclinaison australe, une belle comète de 7e grandeur, munie d’une queue d’un degré de longueur et perceptible à l’œil nu, qui s’élevait rapidement vers le nord, c’est-à-dire vers le ciel de notre hémisphère.
- L’apparition de cet astre sous nos latitudes fut épiée en Europe avec une grande attention, dans le voisinage et avant le lever du Soleil. M. Ricco, de l'Observatoire de Païenne, put distinguer la comète à l’aurore des 14 et 15 mars, vers 5 heures’du matin, près de l’étoile 28 de la constellation du Capricorne, par 21° de déclinaison australe. Sa queue était visible sur une longueur de 1' seulement.
- Le 17 mars, elle se trouvait à son périhélie, c’est-à-dire à sa plus petite distance du Soleil, à 102 millions de kilomètres de celui-ci, distance un peu moindre que celle de la planète Vénus au Soleil.
- Les 14, 10 et 21 mars, vers 5 heures du matin, M. Charlois, à l’Observatoire de Nice, observait également la comète. Le noyau paraissait double et atteignait la 0e grandeur, la queue ne se montrait que dans les environs du noyau.
- Le 25 mars, l’astre chevelu était aperçu à l’Observatoire de Paris, vers 4 heures et demie du matin,
- par M. Bigourdan. II se trouvait à la limite de visibilité à l’œil nu et sa queue mesurait 20' de longueur.
- Le surlendemain, la comète franchissait l’équateur; elle atteignait, le 1er avril, 10° de déclinaison boréale, près de la brillante étoile s Pégase, puis redescendait vers le sud.
- Enfin, le 6 avril, elle était vue pour la première fois à Marseille, dans d’excellentes conditions, par un ciel très pur, et à une assez grande hauteur au-dessus de l’horizon du levant. M. Borrelly l’examina à l’Observatoire de la ville, et je pus l’étudier moi-même, avec une lunette de 108 millimètres d’objectif, de o h. 40 m. à 5 heures.
- La comète était nettement visible à l’œil nu, à 10° environ au sud-est de s Pégase et à 5° environ à l’est de a Verseau, dans le voisinage de quelques petites étoiles, par environ 1° de déclinaison australe et vingt-deux heures 18 minutes d’ascension droite.
- Son noyau paraissait supérieur en éclat à la 6e grandeur ; il était net avec le grossissement de 30 fois, mais avec celui de 100 fois ses bords se montraient diffus et entourés d’une légère chevelure. Une magnifique queue de 50' de longueur, à bords rectilignes, s’épanouissait à la suite du noyau, dans la direction opposée à celle du Soleil. Une assez large bande d’un blanc brillant s’étendait à travers la queue, derrière le noyau (voir la figure ci-dessus).
- Dès 4 heures et demie, l’aurore blanchissait l’horizon et la lueur cométaire s’affaiblissait peu à peu.
- Depuis lors, cet astre s’éloigne avec rapidité dans les sombres profondeurs du ciel.
- On sait que les comètes sont des amas gazeux, qui décrivent autour du soleil, en des périodes parfois séculaires, des courbes généralement paraboliques.
- Notre système solaire compte plusieurs millions de ces astres bizarres et chaque année quelques-uns d’entre eux viennent passer assez près du soleil pour être distingués de la terre. En 1887, par exemple, les astronomes ont observé sept comètes.
- Mais il en est peu qui soient visibles à l’œil nu et on en connaît seulement une douzaine qui aient leur retour périodique bien constaté.
- Jacques Léotard.
- La comète Sawerthal, le 6 avril 1888, à 4 heures du matin, d’après le croquis de M. Jacques Léotard.
- 1 Yov. n° 772 du 17 mars 1888, p. 255.
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- LA NATUKK.
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- TÉLÉGRAPHE DE POCHE
- DE M. LUCIEN I.LROY
- L’invention du téléphone a considérablement modifié les idées et les appareils de la télégraphie volante, et la tendance générale est de substituer presque partout, et dans la télégraphie militaire en particulier, les appareils téléphoniques aux appareils télégraphiques.
- Il n’est cependant pas encore certain que les appareils téléphoniques répondent à tous les besoins d’une armée en campagne, et comme les télégraphes à signaux Morse demandent, d’autre part, une instruction spéciale de la part des personnes chargées de les employer, il semble qu’il y ait lieu de créer
- un appareil intermédiaire entre le téléphone et le télégraphe à signaux conventionnels, appareil simple, portatif et peu sujet aux dérangements.
- C’est par ces considérations que M. Lucien Leroy, un jeune horloger très adroit, a été conduit à imaginer et à construire le petit télégraphe de poche à cadran que nous présentons aujourd’hui à nos lecteurs.
- Le transmetteur représenté en vraie grandeur à gauche de la figure se compose d’un manipulateur à cadran analogue au télégraphe Breguet. Le déplacement de l’aiguille s’obtient à l’aide d’un poussoir analogue aux poussoirs des chronographes et qui a pour effet de faire avancer l’aiguille sur le cadran.
- Les lettres de rang pair sont envoyées par émission du courant et celles de rang impair par cessation du courant. Un tour du cadran correspond à
- Télégraphe de poche de M. Lucien Leroy. — Transmetteur et récepteur, vus intérieurement. (Grandeur d’exécution.)
- 28 signaux distincts, et s’obtient par l’émission de 14 courants. Lorsque l’appareil n’est pas en service, un verrou enclenche le poussoir et assure la fixité du point de départ, en maintenant l’aiguille du manipulateur en face de la croix.
- Le récepteur représenté en vraie grandeur sur la droite de la figure comprend essentiellement, comme disposition nouvelle, une pièce mobile parfaitement équilibrée qui permet à l’appareil de fonctionner dans toutes les positions et de subir des chocs sans que ceux-ci nuisent à son fonctionnement.
- Le mode d’emploi et le fonctionnement du récepteur ne diffèrent pas essentiellement de ceux du télégraphe alphabétique de Breguet. Le mouvement de l’aiguille indicative se produit par le courant lui-même sans aucun ressort exigeant un remontage périodique, ce qui donne une grande sécurité de fonctionnement.
- L’ensemble de chaque poste, transmetteur et récepteur, constitue un appareil portatif très élégant, peu encombrant et fort habilement construit par l’inventeur.
- La communication entre les appareils, les piles et les lignes, s’établissent à l’aide de broches métalliques fixées aux extrémités des fils et qui viennent s’introduire dans des trous ménagés sur les boîtiers. Il va sans dire que les appareils peuvent être montés dos à dos, ce qui réduit la combinaison à un seul appareil par poste.
- Les piles elles-mêmes peuvent être contenues dans un étui porté en bandoulière et dont les dimensions n’excèdent pas celles d’une jumelle de campagne. La sonnerie d’appel est fixée soit sur la bobine qui supporte le fil, soit sur l’étui a pile de chaque poste.
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- LA NA TU U L.
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- DES VARIATIONS DU CLIMAT
- ET DE LEURS CAUSES
- La persistance du froid et l’abondance des neiges donnent à l’hiver que nous venons de traverser, qui nous quitte à peine, une physionomie caractéristique. Ce n’est pas, d’ailleurs, une région particulière de l’Europe ou même quelques parties de l’hémisphère boréal, mais, semble-t-il, tout cet hémisphère qui s’est trouvé envahi de la sorte par une succession de tourmentes neigeuses, qu’on n’avait pas observée depuis longtemps.
- N’est-ce l'a qu’une perturbation accidentelle, ou bien serait-ce le signe d’un changement qui tondrait à devenir permanent dans notre régime météorologique? Une année seule ne peut évidemment suffire à indiquer une telle modification; mais est-il permis de tirer une telle conséquence d’une série d’années présentant le même caractère? En tous cas, il serait prématuré de chercher à porter un jugement sur l’hiver de 1887-1888, puisque les documents précis, les observations de toutes les contrées des deux continents n’ont pu encore être rassemblés et, à plus forte raison, discutés.
- Mais peut-être serait-ce le moment de revenir sur une question plus générale qui a été, à diverses reprises, abordée, agitée, sans être définitivement résolue, ou plutôt qui n’a donné lieu jusqu’ici qu’à des solutions contradictoires. Nous voulons parler de la question de savoir si, depuis les temps historiques, les climats de notre hémisphère et plus spécialement de la zone tempérée boréale, ont changé.
- Les climats? C’est là une expression bien vague ou plutôt bien complexe, puisqu’elle peut et doit s’entendre d’un ensemble d’éléments météorologiques qui, le plus souvent, réagissent les uns sur les autres ; mais on peut restreindre le problème en ne comprenant par là que la température et ses variations, diurnes, annuelles et séculaires.
- Ainsi que notre ami et savant collaborateur, F. Zurcher, l’a dit dans un précédent numéro de La Nature*, le problème ainsi posé a été l’objet de l’examen de François Arago, puis de Jean Reynaud et de Sir J. Ilerschel. Deux notices du premier de ces savants ont paru sur ce sujet dans l’Annuaire du Bureau des longitudes, la première en 1825, la seconde en 1854.
- En 1858, Jean Reynaud reprit la question, dans une notice intitulée : De la variation séculaire des saisons. Aussi bien au point de vue théorique qu’au point de vue des faits d’observation, les conclusions de l’éminent philosophe ne furent point celles du secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences ; mais, en revanche, elles eurent l’adhésion d’un autre illustre astronome et météorologiste, de sir John Ilerschel. Qu’on nous permette, sur ces divers points, d’entrer dans quelques détails.
- La notice d’Arago insérée dans Y Annuaire de
- 1 Voy. n° 740, (tu 0 août 1887, p. li>4.
- 1825, est intitulée : Sur l'état thermométrique du globe terrestre, et elle débute en ces termes :
- « La recherche des modifications de diverses natures qu’a éprouvées la Terre dans la suite des siècles, est une des questions les plus curieuses de la philosophie naturelle. Nous donnerons, dans une autre circonstance, l’analyse des travaux récents qu’ont publiés les géomètres sur celles de ces modifications qui concernent la température du globe terrestre considéré en masse. Je me bornerai, dans cet article, à examiner si l’opinion, assez généralement admise, que, sous chaque latitude, le climat, à la surface, s’est détérioré, repose sur quelque fondement solide.
- « L’invention des thermomètres ne remonte guère qu’à l’année 1590; on doit même ajouter qu’avant 1700, ces instruments n'étaient ni exacts, ni comparables. 11 est donc impossible de déterminer avec précision, pour aucun lieu de la terre, quelle était sa température à des époques très reculées. Mais quand on voudra se borner à des limites, rechercher seulement, par exemple, si maintenant les hivers sont plus ou moins rigoureux que par le passé, on pourra suppléer aux observations directes, en prenant dans divers auteurs les passages relatifs à plusieurs phénomènes naturels, tels que la congélation des rivières, des fleuves, des mers, etc. »
- Suit une série de citations, au nombre de quarante et une, d’observations réparties sur un espace de dix-huit cents ans environ, depuis le premier siècle avant notre ère jusqu’au milieu du dix-huitième siècle, en 1740. Transcrivons ici quelques-unes des plus remarquables :
- « Premier siècle avant notre ère. À l’embouchure du Palus-Méotide, les gelées sont si fortes qu’en hiver un des généraux de Mithridate y défit la cavalerie des barbares, précisément à l’endroit où, en été, ils furent vaincus dans un combat naval.
- « 462 après Jésus-Christ. La mer Noire gela entièrement. Le Rhône fut pris dans toute sa largeur (ce dernier phénomène est l’indice d’une température de 18° C., au moins, au-dessous de 0).
- « 822. Des charrettes, pesamment chargées, traversèrent sur la glace le Danube, l’Elbe et la Seine durant plus d’un mois. Le Rhône, le Pô, l’Adriatique et plusieurs ports de la Méditerranée gelèrent (— 20° au moins à Venise).
- « 1254. Le Pô et le Rhône gèlent; des voitures chargées traversent l’Adriatique sur la glace, en face de Venise.
- « 1256. Le Danube reste gelé dans toute sa profondeur pendant un temps considérable.
- « 1505. Le Rhône et toutes les rivières de France gèlent.
- « 1454. La gelée commença à Paris le dernier de décembre 1455 et continua pendant trois mois moins neuf jours ; elle recommença vers la fin de mars et dura jusqu’au 17 avril. Cette même année il neigea en Hollande pendant quarante jours de suite.
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- « 1570-157J. De la fin de novembre 1570 à la lin de février 1571, hiver si rude que toutes les rivières, meme celles du Languedoc et de la Provence, étaient gelées de manière à porter les charrettes chargées.
- « 1657-1658. Gelée non interrompue a Paris depuis le 24 décembre 1657 jusqu’au 8 février 1658. Entre le 24 décembre et le 20 janvier, la gelée fut modérée; mais ensuite le froid acquit une intensité extrême. La Seine était entièrement prise. Le dégel du 8 février ne dura pas ; le froid reprit le 11 et dura jusqu’au 18.
- « C'est en 1658 que Charles X, roi de Suède, traversa le petit Belt sur la glace, avec toute son armée, son artillerie, ses caissons, ses bagages, etc.
- « 1709. L’Adriatique et la Méditerranée, à Gênes, à Marseille, à Cette, etc., sont gelées (—18° C.). »
- Voilà des faits qui semblent établir que depuis dix-huit siècles au moins, les hivers rigoureux, les froids prolongés, les neiges abondantes, ont plus ou moins fréquemment sévi dans les diverses régions de la zone tempérée d’Europe. Rien n’indique un changement permanent de climat au moins en ce qui concerne les minium de température. 11 est bien probable que les 20 degrés au-dessous de zéro (fui marquent le point où la mer est congelée à Venise ont été dépassés aux époques où le phénomène a été constaté par les chroniqueurs.
- Des successions parfois assez longues, soit d’hivers relativement doux, soit de froids intenses, ne suffisent pas non plus à indiquer une modification d’un climat. C’est ainsi que, de 1749 à 1781, c’est-à-dire pendant une période de trente-trois ans, le thermomètre n’ayant jamais marqué de température inférieure à 9° au-dessous de 0, n’ayant jamais offert en Provence ces froids de 18 à 20° observés antérieurement, on commençait à croire que le climat était en voie de s’améliorer. L’année 1789 vint détruire cette illusion, et le mercure descendit à Marseille à 17° au-dessous de 0. De même, pendant les vingt années qui s’écoulèrent de 1800 à 1819, le thermomètre ne descendit pas au-dessous de 9° dans le département des Bouches-du-Rhône; mais en 1820, il s’abaissa à — 17°,5. «Ainsi, conclut Arago, soit que l’on considère l’intensité du froid, soit qu’on examine après quels intervalles les froids extraordinaires se reproduisent, on ne voit aucune raison d’admettre que, dans une période de 1400 ans (du quatrième ^lu dix-huitième siècle), le climat de la Provence ait notablement varié. »
- En décembre 1676 et en janvier 1677, la Seine fut prise à Paris pendant trente-cinq jours consécutifs, d’où l’on peut conclure que la température moyenne dans cet intervalle dut être de plusieurs degrés au-dessous de 0; or maintenant, dit Arago, cette température est presque constamment positive; celle du mois de janvier n’est pas, depuis vingt ans, au-dessous de — 1°, tandis qu’il résulte d’observations rapportées par Félibien et de celles de Bouilland qu’elle fut de plusieurs degrés centigrades au-des-
- sous de 0, en 1455, 1656, 1658 et 1662. « Si ces observations, ajoute-t-il, ne paraissent pas assez nombreuses pour qu’on puisse en déduire la conséquence que les hivers, à Paris, étaient anciennement plus rudes qu’aujourd’hui, on accordera du moins qu’elles prouvent, contre une opinion fort répandue, que le climat de la capitale ne s’est point détérioré. »
- L’opinion que combattait ainsi l’illustre secrétaire perpétuel par de simples arguments de fait, en rapprochant des observations contemporaines celles que la tradition avait conservées, subsiste toujours. À chaque période de températures extrêmes, à chaque perturbation un peu accentuée dans le caractère ou l’ordre des saisons, on ne manque pas de faire la même hypothèse d’une modification permanente des climats. 11 s’y joint d’ailleurs ce préjugé si généralement répandu dans les gens d’un certain âge et qui s’applique à toute sorte de faits ou d’idées, à savoir qu'autrefois les choses étaient bien mieux réglées qu’aujourd’hui. On s’est fait un idéal des saisons que dément presque toujours la réalité : au printemps le retour du soleil, de la verdure et des ileurs; à l’été les chaleurs, les orages; à l’hiver les gelées, la neige, les froids rigoureux. Mais combien de fois les choses se passent tout autrement que ne le supposent les définitions classiques des saisons, c’est ce qu’on ne remarque guère lorsqu’on est jeune, c’est ce que l’on est forcé de constater quand l’âge a rendu plus sensible aux variations du temps.
- Quoiqu’il en soit, Arago comprit bien qu’il n’avait fait qu’effleurer la question, et il y revint neuf ans plus tard, en apportant en faveur de sa thèse, qui n’était sans doute pas une thèse préconçue, des observations d’un autre ordre, dont nous allons maintenant dire un mot.
- — A suivre. — AilÉDÉE CuiLLEMIN.
- LES MONTAGNES RUSSES
- A PARIS
- Les montagnes russes qui ont jadis fait les délices de nos pères, au Jardin Beaujon, au Jardin du Delta, et dans un grand nombre d’établissements publics à Paris, ont disparu à la suite de quelques accidents graves qui survinrent par défaut de construction du matériel. Après un long oubli, les montagnes russes ont fait leur apparition depuis quelques années en Amérique, où elles obtiennent grand succès; en Angleterre, où elles ont figuré en 1886 à l’Exposition de Liverpool ; elles ont aussi été exploitées en France dans les fêtes publiques, et les voici qui reviennent au cœur même de Paris, dans un établissement qui vient de se fonder boulevard des Capucines, et qui est actuellement l’objet d’une assez grande vogue.
- Dans un précédent article, nous avons, résumé l’histoire des montagnes russes à Paris1 ; nous
- 1 Voy. n° G95, du 11 septembre 188G, p. 226.
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- LÀ NATURE.
- avons décrit la grande installation du Jardin Beaujon qui obtint un étonnant succès à partir de 1817 et pendant de longues années. Depuis la publication de cette notice, il nous a été donné de nous procurer
- quelques nouvelles et intéressantes gravures du temps qui donnent une idée plus complète de ces anciennes installations. Nous les reproduisons ici. La figure 1 montre la vue d’ensemble des montagnes russes du
- Fig. 1. — Les montagnes russes du Jardin Deaujon, à Faris, en 1821. (D'après une gravure du temps.)
- Fig. 2. — Le Saut du Siagara au Jardin Ruggieri, rue Saint-Lazare, à Paris, vers 1824. (D’après une gravure du temps.)
- Jardin Beaujon. Le chemin incliné du milieu servait à faire monter les voyageurs au pavillon dé départ supérieur. Les chariots gravissaient cette pente au moyen de traction par cable. Les câbles étaient actionnés par un manège. Une fois arrivés au pavillon supérieur, les voyageurs glissaient sur les pentes
- ondulées de droite et de gauche, ces pentes avaient environ 400 mètres de développement1.
- Les montagnes russes du Jardin Beaujon furent imitées ailleurs : il y eut bientôt les montagnes
- 1 Voy. n° 093, du 11 septembre 1886, p. 225.
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- Fig. o. — Les montagnes russes, en Russie, d’après un ancien dessin original de Sauerweid.
- ^Fig. i. — Les montagnes russes du boulevard des Capucines, à Paris, eu 1888. (D'après une photographie.)
- une pente douce, et on s’embarquait dans un petit traîneau oit l’on ne pouvait tenir que deux personnes. Ce traîneau glissait sur un plan incliné for-
- mant une pente de bois fort raide, et parcourait environ 50 mètres en six secondes.
- Il n’est pas inutile de dire à* présent quelques
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- mots de l’origine de ces jeux qui ont toujours eu le privilège de divertir le public.
- Les montagnes russes sont fort anciennes, comme leur nom l’indique, elles ont été pour la première fois mises en pratique en Russie. Les documents historiques précis paraissent être rares et peu connus. Nous reproduisons (lîg. 5) une vieille lithographie peinte ; c’est la seule pièce que nous avons pu nous procurer. Cette lithographie a été exécutée d’après le dessin original de Sauenveid. Elle est accompagnée du texte suivant qui explique parfaitement l’organisation et le fonctionnement des montagnes russes sur la Né va : j
- On construit sur la surface glacée de la Neva deux ' charpentes de 40 à 50 pieds de hauteur perpendiculaire, ; distantes entre elles de 800 à 900 pieds, inclinées l’une j vers l’autre par une pente roide de 55°, mais pas exactement en face, afin que les traîneaux qui descendent ne ! se rencontrent pas. Chaque descente est bientôt trans- , formée en montagne de glace par les torrents d’eau que S l’on y verse ou les portions de glace que l’on y ajoute I l’une à la suite de l’autre dans toute la longueur. Le traî- ; neau descend avec une effrayante rapidité et parcourt j avec la même vitesse l’espace qui se trouve de niveau , entre les deux théâtres. Cet exercice est le principal amusement des Russes pendant l’hiver.
- On voit que ces montagnes russes, de Russie, étaient ! formées d’un simple plan incliné couvert de glace : j de petits traîneaux contenant un seul voyageur y , glissaient, la vitesse acquise se ralentissait naturellement sur la surface horizontale du fleuve glacé. Les montagnes russes du Jardin Beaujon étaient formées d’une voie ondulée, où les montées succédaient aux descentes rapides. Le saut du Niagara ressemblait davantage aux véritables montagnes russes, de Russie. Contrairement aux petits traineaux des vraies montagnes russes, les chariots dans les montagnes russes parisiennes étaient montés sur des roulettes tournant dans des rails creux. Tels sont les caractères qui distinguent les différents systèmes de montagnes russes antérieurement construits.
- Arrivons à présent à la nouvelle installation du boulevard des Capucines, qui nous a permis de réveiller ces vieux souvenirs du passé. L’organisateur de ces montagnes russes a renoncé aux grands espaces dont disposaient nos pères dans des jardins spacieux qui existaient encore au centre de Paris ; il a dû recourir à une cour laissée vide entre deux I maisons. Un toit de 90 mètres de longueur abrite l’installation qui, le soir, est très brillamment éclairée à la lumière électrique. Les wagons des montagnes russes du boulevard des Capucines comprennent cinq banquettes à deux personnes. Le wagon complet contient donc 10 voyageurs. 11 glisse au moyen de roues sur des rails métalliques, où des contre-rails de bois rendent impossible le déraillement. On roule avec grande vitesse sur la pente ondulée, montant et descendant successivement, comme on le voit sur notre figure. L’espace parcouru est de 80 mètres environ. Arrivés à l’extré- |
- mité de la voie d’aller, les voyageurs incitent pied à terre : des hommes d’équipe conduisent le wagon sur une plaque tournante et l’amènent sur la voie de retour. Les voyageurs reprennent leur place et reviennent au point de départ par cette deuxième voie disposée comme la précédente. Le voyage d’un bout à l’autre de la voie ne dure pas plus de 12 secondes, comme on le constate avec un chronomètre.
- Ce système de montagnes russes, diffère de ceux qui avaient été exploités antérieurement ; il est dû à un constructeur anglais, M. Thompson, qui en a installé de nombreux spécimens dans différents pays.
- Gaston Tissandier.
- TUBES EN CUIVRE ÉLECTROLYTIQUE
- UEngineering nous apprend que par les procédés de M. Elmore, on fabrique des tubes en cuivre pour chaudières à vapeur sans brasure, ni soudure, ni joints, offrant une résistance de 50 à 100 pour 100 supérieure à celle des tubes ordinaires soudés ou étirés. Il n’y a rien de nouveau dans le dépôt du cuivre électrolytique sous forme de tuyaux ; mais jusqu’à ce jour le métal se présentait dans des conditions de ténacité fort insuffisantes à cause de sa nature cassante ; pour des plaques de gravure, pour des rouleaux d’impression d’indiennes, le cuivre électrolytique est employé abondamment aujourd’hui, depuis qu’on sait le déposer lentement. En fondant et comprimant les cristaux de cuivre métallique immédiatement après leur formation et en les obligeant à prendre la texture fibreuse pour s’entre-croiser et s’enlacer, M. Elmore arrive au résultat indiqué.
- Dans ce but, le mandrin cylindrique en fer, qui doit recevoir le dépôt métallique, est soumis à une rotation constante dans le bain et un brunissoir en agate se meut en avant et en arrière le long du cylindre très doucement en parcourant un chemin analogue à ce qu’il ferait pour couper un til hélicoïdal. Les vitesses sont calculées du telle sorte que le brunissoir a achevé sa course à chaque dépôt de 1/7000 de pouce d’épaisseur, soit 5628 millièmes de millimètre. Lorsque l’épaisseur voulue est acquise, le mandrin est sorti du bain et placé dans un bassin alimenté avec de la vapeur surchauffée. En peu d’instants, la dilatation du cuivre fait séparer les deux métaux et l’envelopue tubulaire peut être retirée de son moule ou axe. Des morceaux de tube ont été soumis à des épreuves de fracture dans les usines de MM. Kirkaldy et Cie, par les professeurs MM. Unwin et Kennedy : la cassure s’est faite sous des efforts variant de 27 à 41 tonnes par pouce carré, soit 4589 à 6665 kilogrammes par centimètre carré, avec un allongement de 5 à 7 1/2 pour 100, sur une longueur totale de 25 centimètres de tuyau. Le métal peut être forgé sous le marteau facilement, tiré à la fdière, ployé et comprimé, sans réchauffage : il ne manifeste aucune tendance de fendillement. Des spécimens ayant subi le polissage et soumis au microscope ont démontré que le cuivre électrolytique, déposé dans les conditions ci-dessus indiquées, possède une structure compacte et homogène, tandis que le cuivre étiré présente l’aspect de cellules se touchant par points seulement. Les tubes de cuivre manufacturés par ce procédé paraissent appelés à des applications importantes comme tubes de bouilleurs.
- (Bulletin de la Société d’Encouragement.)
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- UNE STATION PRÉHISTORIQUE
- A C II A M r 1 G K y
- En 1875, un pisciculteur bien connu, décédé il y a cinq ans, Carbonnier, celui-là même qui a créé le grand aquarium du Trocadéro, publiait, dans le Bulletin de la Société académique de Brest, une notice sur la découverte qu’il avait laite quelques années auparavant, en 1867, d’une station préhistorique à Champigny (Seine), et sur les résultats des recherches qu’il y avait pratiquées depuis cette époque. Moi-même, à plusieurs reprises et notamment en 1874, je fis au même endroit, d’accord avec Carbonnier, des fouilles qui m’ont permis de trouver quelques objets intéressants. Enfin, depuis la mort de Carbonnier, l’exploration des mêmes lieux a été poursuivie avec le plus grand succès par un ingénieur civil, ancien élève de l’Ecole centrale, M. Le ftoy des Closages.
- C’est donc de l’ensemble de ces recherches, poursuivies ainsi pendant vingt ans, que je voudrais dire ici quelques mots.
- La station préhistorique de Champigny — un véritable village de huttes ou cabanes appartenant à l’époque de la pierre polie ou époque néolithique — est située, si nous en jugeons par les restes que l’on y retrouve chaque jour, sur un plateau qui commence à 500 mètres environ au nord du village actuel proprement dit, près des fours à chaux, et arrive presque en face de la station du chemin de 1er de l’Est, à Yilliers-sur-Marne. Mais c’est surtout autour des fours à chaux et plutôt même à l’est, là où l’on extrait de la pierre, que se trouve le gisement en question, en un point nommé le Buisson-Pouilleux, tout proche du Pré-de-l’Etang.
- D’ailleurs, comme l’a très bien dit Carbonnier, les peuplades primitives ne pouvaient choisir de site plus convenable. Ce lieu, presque dénudé alors sur •1 kilomètre carré de surface et qui domine les environs dans une grande étendue, était à l’abri de toute surprise. Il permettait aux habitants de découvrir au loin les animaux dont ils faisaient leur nourriture. Une source d’eau vive, abondante, située à 150 mètres de leur campement, au lieu dit le.Pré-de-l’Etang; des parties boisées tout autour, la rivière de la Marne à moins d’un kilomètre de distance, tout concourait à rendre ce séjour agréable et l’existence facile. L’homme de ces temps pouvait s’y livrer à la chasse et à la pêche avec succès, sans un grand déplacement. Enfin si l’on considère, en outre, que la matière la plus précieuse pour les peuples d’alors, le silex, émerge sur les lieux mêmes à la surface du sol, on peut en conclure que les êtres humains qui, aux temps néolithiques, traversèrent ce lieu, devaient être tentés de s’y fixer, tout au moins pour un certain temps.
- C’est donc là et sur une surface assez étendue que Carbonnier, que M. Le Roy des Closages et moi-même nous avons trouvé les nombreux objets, der-
- niers vestiges de l’habitation des hommes des temps néolithiques, qu’il me reste maintenant à décrire.
- Mais tout d’abord je dois dire que les découvertes de M. Le Roy des Closages n’ont pas été faites et ne se continuent pas dans les mêmes conditions que celles de Carbonnier. En effet, tandis que ce dernier raconte dans sa notice que ses trouvailles avaient lieu dans la terre végétale au fur et à mesure qu’on l’enlevait pour arriver à extraire la pierre servant h la fabrication de la chaux, — et ceci ne diminue en rien l’importance de ses découvertes — M. Le Roy des Closages m’a déclaré que presque tous les objets qu’il possédait : silex, poteries, ossements, etc., avaient été trouvés par ses ouvriers carriers dans des sortes de cuvettes, d’excavations plus ou moins régulières, les unes naturelles, les autres faites de main d’homme.
- Toutes ces excavations étaient creusées, au-dessous de la terre végétale (dont l’épaisseur varie entre 10 et 50 centimètres), dans la couche calcaire immédiatement sous jacente dont la puissance est de 2m,20 à 2m,40. Celte couche repose elle-même sur un banc de calcaire d’eau douce renfermant quelques Lymnées et d'une hauteur de 5 à 5 mètres, qui surmonte à son tour un banc de silex d’une épaisseur de 70 centimètres à lm,50 et au-dessous duquel on rencontre l’argile.
- La dimension des excavations est très variable, depuis 1 mètre jusqu’à 2m,50 de diamètre à la partie supérieure; leur profondeur varie aussi de 0m,40 à lm,50. Leur forme est ronde, circulaire ou elliptique. Chacune d’elles, plus ou moins riche au point de vue archéologique, renferme des débris de matières charbonneuses, de la cendre, — Carbonnier en a également trouvé en certains endroits — quelques rares ossements1, des silex taillés ou à l’état d’éclats, etc., voire même des morceaux de poteries. Le milieu dans lequel on rencontre ces diverses pièces est généralement un sable fin, jaunâtre, que recouvre la terre végétale, tandis qu’au fond de la cuvette on trouve une sorte d’alluvion siliceuse.
- Quant aux objets eux-mêmes, dont les principaux sont représentés ici par la gravure, voici en quoi ils consistent :
- A. Fause. — La faune est représentée par un très petit nombre de dents et d’ossements de cheval, de cochon, de cerf, de bœuf et par quelques bois de cerf et de chevreuil.
- B. Industrie. — L’industrie comprend des silex, divers objets en pierre et des poteries.
- Les silex taillés sont fort nombreux : Carbonnier évalue à plus de douze cents les armes, outils et instruments en silex qu’il a recueillis personnellement au même endroit; M. Le Roy des Closages en a également trouvé un grand nombre; enfin les fouilles que j’ai faites, principalement en 1874, m’ont donné aussi des silex taillés (lames, pointes, éclats retouchés, etc.), ainsi qu’une dent de sanglier.
- Bref, parmi tous ces silex je citerai :
- * On peut même dire que ceux-ci sont exceptionnels.
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- 1° Des lames dont quelques-unes sont réellement remarquables par leurs dimensions et leur belle conservation. Je signalerai surtout six d’entre elles, en silex blanc bleuâtre, légèrement incurvées, mesurant de 18 à 25 centimètres de longueur sur 24 à 25 millimètres de largeur, et toutes provenant du même nucléus. Les trois, qui sont ici reproduites par la gravure au tiers de leur grandeur naturelle (ûg. 1, nos 1, 2, 5 ) se juxtaposent complètement, comme le montre la figure A, ne présentant d’écartement entre elles qu’au niveau du point où elles ont été successivement détachées les unes des autres, par suite de la légère perte de substance que la percussion a déterminée sur ce point1.
- La découverte de plusieurs lames en silex se recouvrant ainsi, sans être absolument exceptionnelle, est un l'ait rare.
- J’ai moi-même trouvé, en 1872-1875, dans les grottes de Menton , deux très belles lames en silex pyromaque de 145 et de 155 millimètres de longueur, provenant du même nucléus et se juxtaposant complètement. Ces pièces, en raison de leur grande rareté, devaient être considérées comme des objets précieux, et c’est très probablement à ce titre que l’une d’elles faisait partie du mobilier funéraire de l’un de mes hommes fossiles des grottes de Menton
- 1 Une quatrième lame fait partie du même groupe, mais s’imbriquant au-dessous des trois autres, elle n’a pu être figurée ici.
- sur l’épaule droite duquel elle était comme accolée.
- 2° Une superbe lance (fig. 5, n° 5) en silex blanc, entière, retouchée sur sa face supérieure par une série de petites retailles, et longue de 14 centimètres. 5° Des grattoirs de dimensions assez différentes,
- généralement bien conservés et entiers, ainsi que quelques ra-cloirs.
- 4° Une série de très jolies flèches les unes à pédoncule (fig. 2, n° 5), d’autres en feuille de saule (fig. 2, n° 2) ou triangulaires et à hase arrondie (fig. 2, n° 4), quelques pointes ou perçoirs semblables à celle qui est représentée ici sous le n° 1 de la figure 2.
- 5° Plusieurs haches polies en silex blanc dont quelques-unes sont entières et très bien conservées.
- 6° Enfin un certain nombre de nuclei et de boules
- en silex, dont la surface est plus ou moins érodée, et analogues à celles qu’un archéologue bien connu, M. Gustave Chauvet (de Ruffec), a trouvées dans différents gisements de la Charente et qu’il considère comme ayant pu servir de pierres de jet1.
- Parmi les autres objets de pierre je dois citer :
- a. Une sorte de casse-tête en basalte, arrondi, de lorme ohlongue, poli et percé, à son centre, d’un trou parfaitement rond pour être emmanché (fig. 5, n° 6). La roche avec laquelle il a été fabriqué a été reconnue par mon savant confrère et ami, M. Sta-
- 1 M. Cliauvet les compare aux bolas dont les Patagons se servent encore aujourd’hui pour chasser le cheval.
- Fig. 1. — Laines en silex (1, 2, 5) provenant du même nucléus et juxtaposées en A (station néolithique de Champigny). — Réduction des 2/3.
- 1
- Fig. 2. — Pointes de flèches en silex (station néolithique de Champigny). Grandeur naturelle.
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- nislas Meunier, comme identique à celle des grandes haches caraïbes de Maracaïbo. Les points d’origine possible les moins éloignés sont la côte d’Essey, dans les Vosges, et les environs de Clermont-Ferrand.
- b. Plusieurs demi-anneaux entiers ou brisés, en pierre, de forme et de dimensions très différentes. L’un d’eux, en raison de la perforation que l’on remarque à chacune de ses extrémités, semble bien indiquer qu’il a dû être porté suspendu, soit comme amulette, soit comme bijou de collier. Il est en phyllade satiné avec paillettes de nacrite et ressemble à des variétés d’Angers. Un autre, très plat,
- comme le précédent, est en chloritoschiste, variété ollaire semblable à celle que l’on trouve dans les Alpes, à Chiavenna, par exemple. Celui que j’ai fait représenter ici sous le n° 4 de la figure 5 est un fragment de bracelet très intéressant par les sillons et la perforation qu’il présente sur sa face dorsale. Il est en calcaire marbre et rappelle certaines roches du Boulonnais et de la Belgique.
- c. Une petite rondelle percée d’un trou à son centre, mince, plate et taillée dans un fragment de calcaire lacustre , calcaire de Brie ou de Cham-pigny.
- Quant aux poteries, aucune n’a été trouvée entière
- Fig. 3. — Poteries, anneaux, lance et casse-tête préhistoriques (station néolithique de Charnpigny). — Réduction l/a, pour les n- 1, 2, 3, 4, 5; et de 1/2 pour le n° 6.
- a Charnpigny, mais toutes sont brisées en fragments plus ou moins petits. Elles sont, pour la plupart, d’une pâte siliceuse, épaisse et grossière comme, du reste, le plus grand nombre de celles qui appartiennent à l’époque néolithique. Cependant quelques-unes présentent une ornementation intéressante et assez bien faite, notamment les nos 2 et 5 de la figure 5, dont les dessins en creux ont été faits exclusivement au pointillé pour le n° 3, et à la fois au pointillé et au trait pour le n° 2. La première est mince et rougeâtre; la seconde, au contraire, un peu plus épaisse, est d’un noir mat très accentué, elle est pourvue d’une sorte d’anse traversée par une double perforation. Enfin, celle qui est représentée sous le n° 1 est curieuse par son ornementation à
- têtes de clou très grossièrement faite et par le trou parfaitement rond qui la traverse complètement, de dehors en dedans, à 2 centimètres au-dessous du bord.
- Tels sont les principaux résultats des recherches entreprises depuis 1867 jusqu’à ce jour par Carbonnier, par M. Le Roy des Closages et par moi-même, et qui, non seulement confirment l’existence d’une importante station néolithique au Buisson-Pouilleux de Charnpigny, mais encore sont des plus intéressantes par la disposition en cuvette des foyers de cette station, cuvettes qui correspondaient bien certainement à de véritables buttes ou cabanes élevées en cet endroit par les populations du temps.
- J’ajoute qu’aucun de nous n’a jamais découvert
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- jusqu'à présent ni ossements humains ni instruments en os dans ces foyers.
- Enfin, je erois devoir insister, en terminant, sur la nature des roches qui ont servi à fabriquer quelques-unes des pièces que je viens de décrire, car elles témoignent d’un fait intéressant. En eifet, si le silex était trouvé sur place, par contre, l'éloignement considérable de gisements de certaines roches, tels que le Boulonnais ou la Belgique au nord, pour les anneaux en calcaire marbre, et Chiavenna au sud-est, dans les Alpes, pour les anneaux en chloritos-chiste, tels aussi que les basaltes des Vosges à l’est ou de Clermont-Ferrand au centre de la France, et les phyllades d’Angers à l’ouest, cet éloignement, dis-je, indique, de la part des peuplades préhistoriques du plateau de Champigny, ou de lointaines migrations ou de fréquents échanges commerciaux avec d’autres peuplades. E. Bivière.
- CHRONIQUE
- La pèche de la morne en Afrique. — On signale une découverte qui paraît avoir une très grande importance : il s’agit des immenses fravères de morue rencontrées sur la côte occidentale d’Afrique. Ce banc s’étend entre 14° 55' latitude nord et 56° 9' latitude nord, du cap Spartel au cap Vert, et cela par 70 à 150 brasses de fond. Les ministres du commerce et de la marine viennent de faire signer un décret par le président de la République, réglementant cette nouvelle pêche de la morue, voisine de nos possessions sénégaliennes. M. Chabot-Karlen, l’é-mincnt pisciculteur, a tout dernièrement entretenu la Société nationale d’agriculture de cette découverte inespérée. Comme qualité, les gades de la côte d’Afrique sont bien supérieures à celles du banc de Terre-Neuve. Pour la quantité, un équipage peut pêcher jusqu’à 5000 pièces, alors que dans la baie d’Hudson il n’en prendrait pas plus de 200 à 500 par jour.
- Sur la limite supérieure de l’éclairage par les piles. — 11 est intéressant de faire connaître la limite au-dessus de laquelle il convient d’abandonner les piles des petites installations, pour recourir aux machines dynamos. Nous pouvons aflirmer, d’après de nombreux renseignements, que lorsque la dépense journalière moyenne dépasse 1000 watts-heure, il faut renoncer à l’emploi des piles.
- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 23 avril 1888. — Présidence de M. Janssf.w
- Origine paléontologique des arbres cultivés. — l’n ouvrage nouveau deM. le marquis de Saporta est toujours un événement, et personne n’est mieux placé que les lecteurs de La Nature pour en apprécier toute la valeur. Celui que nous annonçons aujourd’hui vient d’étre placé sur le bureau de l’Académie par M. Albert Gaudry qui en a fait le plus grand éloge. Si M. de Saporta et M. Gaudry cultivent des domaines scientifiques différents quoique voisins, celui-ci étudiant les animaux fossiles, et le premier les plantes, ils marchent cependant ensemble, ayant la même méthode et poursuivant le même but. qui est de montrer que les êtres actuels proviennent des êtres
- éteints par voie de modification progressive. Pour M. de Saporta, la vigne paléocène de Sézanne est l’ancêtre de la vigne d’aujourd’hui, comme pour M. Gaudry le mastodonte est l’ancêtre de l’éléphant. La comparaison pourrait se poursuivre plus loin encore entre les deux auteurs qui, également savants, exposent leurs idées dans un style également clair et élégant. On trouvera dans le beau livre de M. de Saporta une foule de comparaisons bien frappantes et de rapprochements bien ingénieux; des gravures admirables d’exactitude lui ajoutent aussi une haute valeur.
- Le pleuracanthus. — Tel est le nom d’un poisson fossile. qui provient, comme tant d’autres richesses déjà, des couches houillères de Commentrv. M. Ch. Brongniart vient de l’étudier et M. Gaudry en présente, en son nom, une intéressante description qu’il illustre d’un de ces artistiques dessins qu’il sait si bien esquisser à la craie sur le tableau noir. Ce poisson, dont M. Ch. Brongniart a réuni 25 exemplaires, mesure de 50 centimètres à 1 mètre de longueur; sa forme générale est celle d’un requin, mais parmi ses caractères très complexes, on en trouve qui rappellent aussi les chimères, les esturgeons, les lépidostées et les dipnées. Sa peau, parfaitement reconnaissable aux empreintes qu’elle a laissées, est nue, mais le sommet de sa tête porte, comme celle des ces-traeions, un aiguillon droit et barbelé. Par les nageoires il se singularise davantage, offrant deux nageoires anales placées l’une derrière l’autre et dont le squelette rappelle celui de véritables membres : c’est une disposition tout à fait exceptionnelle. La belle découverte du Pleuracanthus Gandigi fera désirer d’autant plus que M. Ch. Brongniart publie prochainement l’histoire qu’il s’est chargé de rédiger des poissons fossiles de Commentry.
- La densité absolue des corps. — Dans une série de notes adressées à l’Académie depuis plusieurs années, Mme Clémence Royer, la célèbre traductrice de Darwin, s’est proposé de pénétrer dans le secret de la constitution intime des corps. Elle propose aujourd’hui une méthode propre à déterminer la densité absolue de ceux-ci et le nom de l’auteur nous fait une obligation de communiquer à nos lecteurs le principe de sa méthode. Etant donnés le poids moléculaire P des corps simples, le volume moléculaire V correspondant, le nombre N d’atomes contenus dans la molécule, et p leur poids, on a, pour la valeur
- \p
- N \Jp
- où v est le volume des atomes, et P = p,N, où p est le poids des mêmes atomes on peut écrire à la place de la v\!p . „ . P C
- C de la chaleur moléculaire
- formule précédente
- :C. Comme V=t>N,
- : 1. Mais
- P = $ et
- l’auteur
- montre qu’on peut, d’un autre côté, écrire
- ^=pvc
- \/p
- pourvu qu’on se borne au cas de volume absolu des corps soustraits à toute dilatation provenant tl’une source de chaleur étrangère, parce qu’au zéro absolu seulement, la chaleur moléculaire de tous les corps est égale à l’unité. L’accroissement a de leur chaleur moléculaire au
- zéro thermométrique est égale à \/c de la formule ci-
- V
- dessus. Il suit de là que le rapport = A entre le vo-
- lume moléculaire ou zéro thermométrique, et le volume absolu est égal à a- == C ; que le volume moléculaire à 0° divisé par le rapport A, donne le volume absolu et
- que le rapport
- £
- V,
- donne la densité absolue.
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- La perséite. — Un se rappelle qu’il y a quelques années, MM. Achille Miintz et Marcano ont retiré des fruits de l’avocatier (Laurus persea) une matière sucrée qu’ils ont appelé perséilc. Par l'intermédiaire de M. Deliérain, M. Maquenne, aide-naturaliste au Muséum, adresse la description de ce sucre dont l’étude n’était pas complète. L’auteur montre que la perséite est un alcool hexatomique donnant, comme la dulcite et la mannite, des éthers à six équivalents d’acides. Comme confirmation, il montre que la méthode crvoscopique de M. lïaoult conduit bien pour ce corps à la formule C°1I140G des mannites. La perséite est donc une véritable mannite dont M. Maquenne se propose d’étudier les transformations.
- Respiration de la levure. — Revenant sur une question qui les préoccupe depuis longtemps, MM. N. Gréhant, aide-naturaliste au Muséum, et Uuinquand, annoncent que le dégagement de l’acide carbonique par la levure a lieu même dans le vide. Il en résulte que tous les dosages de glucoses, même réalisés dans le vide, sont entachés d’erreur. Pour connaître celle-ci, il faut commencer par déterminer exactement, dans les conditions mêmes du dosage, la quantité d’acide carbonique qui provient directement du ferment.
- Le téléphone et les chemins de fer. — M. Germain propose d’établir en permanence la communication entre les gares et les trains en marche, à l’aide d’un téléphone mis en rapport avec la voie : un fil supplémentaire fixé aux poteaux télégraphiques ferme le circuit. Avec une pile établie dans le train, on peut réciproquement actionner un téléphone placé dans la gare.
- L'azote et la terre végétale. — Empêché d’assister à la séance, M. Berthelot s’est borné à adresser une réponse écrite au mémoire de M. Schlœsing. Des passages de ce travail lus par M. le secrétaire perpétuel, il résulte que M. Berthelot, protestant de sa déférence pour les travaux de Boussingault, n’a eu en vue que ses premières expériences datant de 1850 et par conséquent très antérieures aux idées modernes sur les microbes.
- Varia. — M. W .-IL Allen adresse de Londres deux importants recueils médicaux : the London Medical Recorder et the Sanitary Record qui sont remarquables par le soin extrême apporté à leur rédaction par une élite de spécialistes. — D’après M. Goyon, une trompette n’agit pas de même sur un téléphone, suivant que son pavillon est dirigé ou non vers l’instrument; peut-être tirera-t-on de cette remarque un moyen de faire dire à un téléphone le sens des vibrations qu’il aura transmises. — On signale de Marseille l’observation d’une comète visible à l’œil nu. — Le réglage des horloges occupe de nouveau M. Cornu. — MM. Henocq et Baudoin étudient les variations de roxyhéinoglobine dans le sang des malades atteints de fièvre typhoïde. — Une opération curative de certaine surdité est décrite par M. Boucheron.
- Stanislas Meunier.
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- RÉCRÉATIONS SCIENTIFIQUES
- JOUJOUX EN VIEUX liOUCIIONS
- Dans l’étude que nous avons publiée ici sur le liège4, nous avons parlé de son utilisation pour
- 1 Yoy. n05 7 08, du 25 décembre 1880, et 710, du 19 février 1887.
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- la fabrication des jouets d’enlants (supports de perruques pour tètes de poupées, bouchons de fusils a air, jeux de quilles silencieux, volants, etc.) ; — nous voulons montrer aujourd’hui que les vieux bouchons eux-mêmes peuvent nous fournir la matière d’une infinie variété de joujoux, grossiers il est vrai, mais qui n’en sont pas moins chers aux enfants sous les yeux desquels ils ont été créés d’une façon presque instantanée.
- Prenons, par exemple, la construction de l’équi-libriste représenté dans notre dessin (fig. 1). Quatre allumettes, ou mieux quatre petits morceaux de bois pris à un fagot, et ayant la courbure convenable, seront les bras et les jambes, que nous enfoncerons dans un bouchon figurant le corps ; et la tète, boule de liège découpée dans un bouchon, sera reliée a ce corps par une allumette taillée en pointe a ses deux extrémités. La tête pourra donc tourner autour de ce cou improvisé, et les bras pourront aussi être placés dans différentes positions. Une rognure de bouchon, encastrée dans une fente verticale, sera le nez du personnage, dont nous creuserons les yeux et la bouche au moyen d’un canif ou plutôt d’un fil de fer rougi au feu.
- Construit en moins de temps qu’il n’en faut pour décrire sa fabrication, notre petit Subérin (ainsi baptisé pour rappeler son origine) va se transformer en un parfait équilibriste; nous n’aurons pour cela qu’à planter dans son corps deux fourchettes de part et d’autre, à hauteur de la ceinture. Ce mode d’abaissement du centre de gravité a été indiqué déjà dans les Récréations scientifiques, au sujet de deux expériences d’équilibre1.
- Notre personnage se tiendra en équilibre sur un pied; nous pourrons le tenir au bout de notre doigt ou le poser sur la tête d’une épingle enfoncée dans le bouchon d’une bouteille ; il se tiendra aussi sur un trapèze composé d’une allumette et de deux fils ; enfin, si nous entaillons en forme de A l’extrémité de la jambe sur laquelle il repose, nous pourrons le faire glisser, comme l’indique notre dessin, sur un fil incliné que nous aurons tendu en travers de notre appartement.
- Nous n’insisterons pas sur les nombreuses variantes auxquelles peut donner lieu la fabrication de ce genre de joujoux ; disons seulement que les vieux bouchons des bouteilles de Champagne nous fourniront les corps de petites danseuses de corde, aux formes plus sveltes que celles de notre équilibriste; les jupes de gaze seront en feuilles de papier à cigarette, et un brin de paille collé à la cire à l’extrémité des bras représentera le balancier.
- Si, des personnages, nous passons aux animaux, nous démontrerons par deux exemples bien distincts que les procédés primitifs et rapides que nous venons d’indiquer peuvent nous permettre de reproduire tous les animaux de la création. Des épingles
- 1 Les Récréations scientifiques, par Gaston Tissandier. G. Masson, éditeur. Vojr. fig. 29 et 30 : le Bouchon et les deux fourchettes et la Tête de bécassine.
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- à cheveux légèrement pliées no:is fourniront les pattes des échassiers aux tonnes élancées, représentés figure 2 ; des bouts d’allumettes nous donneront les jiattes d’animaux plus trapus, par exemple du houle-dogue de la ligure 5.
- Enfin, pour ceux de nos lecteurs qui désireraient
- connaître un moyen bien simple de décorer des bouchons à l’aide de figures géométriques en relief, ayant l’apparence de la sculpture (fig. 4), nous indiquerons, pour terminer cette causerie sur les vieux bouchons, un mode d’opérer à l’aide d’entailles linéaires, ne nécessitant aucun apprentissage.
- S’agit-il d’orner le bouchon d’une étoile à quatre branches? Entaillons sa hase suivant les diagonales du carré inscrit, en inclinant la lame de notre canif à 45° sur cette hase, de part et d’autre de chacune
- des diagonales, puis nous entaillerons le bouchon suivant les côtés du carré, en inclinant la lame à 45° vers le centre du bouchon (lig. 5) ; les huit entailles linéaires que nous aurons faites auront détaché
- du bouchon quatre pyramides triangulaires, et la ligure restante sera précisément l’étoile en relief que nous voulions obtenir. Nous opérerons de même [tour avoir une étoile à six branches, et trancherons le bouchon suivant les côtés et les diagonales de l’hexagone régulier inscrit, mais en n’inclinant plus la lame du canif que de 50° sur la face du bouchon. Nous pourrons imaginer un grand nombre d’autres
- dessins, et les rondelles de liège ainsi décorées nous procureront des matériaux pour la fabrication d’objets de fantaisie en liège, tels que corbeilles, dessous de plats, cadres pour photographies, etc., etc.
- Arthur Good.
- Le propriétaire-gérant : G. Tissandier. Imprimerie A. Laliure, 9, rue de Fleurus, à Paris.
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- . — 5 MAI 1888.
- LE PAMIR
- L’attention des géographes, des historiens et des naturalistes s’est portée depuis longtemps sur cette
- immense rugosité de l’écorce terrestre qui porte le nom de Pamir. Ce n’est guère que depuis une quinzaine d’années qu’on a pu avoir, grâce aux travaux simultanés des Russes et des Anglais, une image vraie de ce qu’on appelle le plateau de Pamir qui
- Fig. 1. — Vue prise à Zardzotte (de Wakhâne au Kandjout), 5200 mètres d’altitude, Pamir. (D’après une photographie de M. Capus.)
- n’est', à proprement parler, qu’une suite de hautes vallées dirigées en majeure partie du nord-est au sud-ouest.
- Ces travaux ont fait abandonner l’idée de A. de llum-boldt qui considérait le Pamir comme formé, en dernière analyse, d’une longue arête méridien-nale portant le nom de Bolor ou Bolor-dagh. Trois voyages très importants, autour desquels viennent se grouper des explorations moins heureuses ou moins étendues, marquent autant d’étapes dans l’histoire des tentatives laites, dans les derniers temps, pour aborder le Bam-i-douniah ou « toit du monde » ; car c’est de ce nom que l’imagination plus vive des peuples de langue aryenne désigne le Pamir ou Pâmer des Kirghizes, nom qui signifie « endroit désert ou abandonné. » Ces trois voyages sont : celui de l’anglais Wood qui
- atteignit, en 1857, une des sources de l’Oxus ; l’expédition des membres de la mission Forsyth, en 1875;
- et l’exploration de 1 885 des Russes Poutiata, Ivanoff et Rendersky.
- L’année dernière lorsque, en compagnie de MM. Bonvalot et Pépin, nous résolûmes d’aborder le Pamir, nous avions pour but de pénétrer du Turkestan dans l’Inde par une voie nouvelle en suivant un itinéraire inexploré et, surtout, de déterminer les conditions météorologiques et de milieu que les hautes vallées de l’Alaï et du Pamir présentent en hiver. Nous avons réussi dans cette tâche périlleuse grâce à un concours de circonstances qui, je le crains, ne favorisera pas de sitôt une autre tentative de ce genre. C’est qu’aux difficultés qu’oppose au voyageur, à cette époque, une nature sans merci, s’ajoutent les tracas et les
- Fig. 2. — Tracé du voyage de MM. Bonvalot, Capus et Pépin dans le Turkestan russe, à la frontière afghane et sur le Pamir.
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- risques que lui fait courir la politique soupçonneuse des hommes, de ces roitelets montagnards qui prétendent descendre d’Alexandre le Grand.
- L’Alaï fait partie du Pamir : c’est une longue vallée se dirigeant de l’est à l’ouest. Rendez-vous de nombreux Kirghizes qui viennent avec leurs troupeaux, ^pendant quatre mois de l’année, établir leurs campements au milieu de riches pâturages, l’Alaï était, à l’époque de notre traversée, c’est-à-dirc au mois de mars, une immense plaine de neiges et de glaces. Elle est bordée des deux côtés des chaînes du Ferghanah et des Trans-Alaï ressemblant alors à des remparts de banquises gigantesques. Aucune description ne saurait donner une idée de la magnificence de ce paysage ligé sous la glace, quand, au jour, un soleil ardent gaspille ses feux au contact des grandes paillettes de neige, aveuglant hommes et chevaux, brûlant la peau, puis peu à peu, ensuite rapidement disparaissant presque sans crépuscule dans un repli de ce linceul à peine ombré. Seul le pic Kauffmann, qui s’élève en pyramide de 7 000 mètres dans le Trans-Alaï, garde pendant quelques instants à son sommet une teinte rosée, tandis que le Gouroumdi et le Ivizil-Aguine, des voisins moins puissants, se profilent déjà en massifs argentés contre le firmament éteint. Ascendit nox, cadit dies. Et quelle nuit! tout est scintillement; les astres semblent plus rapprochés et darder des rayons plus longs sur ces montagnes cristallisées, sur cette plaine qui finit en un fleuve de lait. Au milieu du silence absolu on est étonné de ne pas entendre les crépitations de cet étincellement universel.
- Je ne sais comment aurait fini notre expédition dès le début, si, au lieu de trois journées de soleil consécutives, nous avions été assaillis sur l’Alaï par une de ces tempêtes de neige que les Kirghizes appellent bourranes et qui soufflent avec violence dans les vallées ouvertes du Pamir, chassant la neige le long des pentes pour l’accumuler dans les bas-fonds.
- La traversée de l’Alaï, large d’environ 20 kilomètres en face du Ixizil-Art, peut être effectuée en été facilement en quelques heures. Elle nous prit deux journées et demie. Les traces des loups et quelques graminées nous guidèrent, souvent à faux, dans la recherche d’une direction où la neige n’atteignît pas plus d’un mètre de profondeur.
- Je n’insisterai pas sur les qualités de nos chevaux, faisant remarquer seulement que ceux qui provenaient des villes ou d’un village succombèrent avant ceux qui étaient habitués à vivre en liberté dans les « tabounes » (troupeaux de montagne) des Kirghizes. Nous trouvâmes le Pamir proprement dit relativement débarrassé de neiges, surtout les pentes exposées au sud, ce qu’il faut attribuer à l’intensité de la chaleur rayonnante diurne. En regardant vers le sud, le paysage était complètement sous neige; en se retournant, on aurait conclu, au contraire, à l’absence presque complète de neige sur le Pamir. Cette opposition de paysages est des plus singulières. La température a l’ombre, au mois d’avril, n’est montée
- que trois lois au-dessus de zéro, allant jusqu’à -f- 5°,2 G. au sud du Kara-Koul, se maintenant en moyenne autour de —15° G. et tombant au Rang-Koul jusqu’à —44° G. à 2 heures du matin. L’amplitude diurne atteignit 55° G. à 10 heures du matin c’est-à-dire —19° C. à l’ombre et H-16° G. au soleil. L’amplitude du jour à la nuit, à cette époque et au même endroit, fut de 07° G., c’est-à-dire .— 44° G. à 2 heures du matin et -f- 25° G. à 2 heures du soir au soleil. Le régime des vents, très intéressant, est fort irrégulier dans la partie nord du Pamir, grâce à de fortes influences locales, et se régularise dans la vallée du haut Ak-Sou où les vents du sud-ouest deviennent prédominants à cette époque de l’année. Les grands courants modifiés par l’orographie locale sont en rapport avec le régime général des grandes dépressions qui entourent le Pamir à l’est, au nord et au nord-ouest. Les vallées du Pamir sont en moyenne à une hauteur de 5900 mètres au-dessus du niveau de la mer et dominées par des pics de 5400 à 6700 mètres. La largeur de ces vallées varie de 1 à 6 kilomètres, l’Alaï excepté, dont le fond atteint jusqu’à 12 kilomètres. Leur pente est très faible et la limite des eaux des bassins fermés ou des sources des grands fleuves tels que l’Oxus et le Tarym, sont à peine visibles. Les glaciers, et même les névés, sont très rares en dehors de la chaîne principale des Trans-Alaï, du Neza-Tach et la chaîne bordière de l’Ak-Sou au sud-est d’Ak Tach.
- C’est l’action très forte de la chaleur rayonnante diurne aidée du déplacement d’équilibre thermique en faveur du jour qui détermine les grandes crues de l’Amou-Daria du commencement de l’été. Cette chaleur diurne, suivie d’un abaissement considérable de la température vers le soir et la nuit, est cause également de la particularité que présentent certaines rivières d’accuser une crue assez forte dans la seconde moitié de l’après-midi, ou de ne charrier de l’eau que vers le coucher du soleil, pour quelques heures seulement. On voit des corps de couleur noire ou sombre s’entourer au soleil de petits filets d’eau de neige ou de glace fondue, et cette même eau regeler à l’ombre à 20 ou 50 centimètres plus loin.
- Malgré les froids terribles, exagérés par les tempêtes ou simplement le vent, la faune du Pamir en hiver n’est pas aussi pauvre qu’on pourrait le croire. En dehors des Kara-Kirghizes qui, au nombre de 200 à 500, se cachent dans les replis du terrain de la vallée de l’Ak-Sou et de quelques vallées latérales, jusqu’au Rang-Koul, nous avons constaté la présence de la panthère, de l’ours, du loup, du renard, du lièvre gris, de l’ibex, de l’ovis Polii en bandes de 20 à 25 descendues jusqu’à 5 800 mètres dans les vallées du Pamir; depuis l’Alaï jusqu’au Wakhânc le corbeau à bec et pattes rouges, quelques espèces de passereaux donnent signe de vie dans ces paysages désolés; de çi, de là, un aigle plane autour des falaises, d’un rocher ; sur le Rang-Koul et dans les endroits où l’Ak-Sou se montre à découvert, des vols rapides de baclanes et de canards rouges vont à la
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- recherche des algues vertes, leur nourriture préférée. Parfois des compagnies de lagopèdes vont se poser au fond des vallées, et sur les pentes rocailleuses retentit le gloussement des perdrix de montagne et le cri spécial et plus grave du « [tacha kaklik » ou perdrix royale.
- Ajoutons les animaux domestiques des Kirghizes : le yack, le chameau, le bœuf bossu, le mouton légèrement stéatopyge, la chèvre et le chien.
- Quoique nous ayons passé près de trois mois à [dus de 5700 mètres d’élévation au-dessus du niveau delà mer et atteint des points de 5200 mètres d’altitude, nous n’avons pas été éprouvés par le malaise aigu du mai de montagnes tel que nous le disent quelques voyageurs venus de l’Inde sur le Pamir et dont Faiz Bakch surtout se fait l’interprète. Seul, un de nos hommes, travaillant beaucoup, eut, au début, des saignements de nez. Les symptômes se bornaient d’ordinaire à une grande prostration de force et à un lort essoufflement après le moindre effort musculaire, surtout dans la marche ou une tentative de course. Les troubles de l’innervation et l’insomnie se manifestaient à des degrés divers. Les pulsations des artères montèrent, après un léger effort, à 140 ou 150 par minute après avoir été de 100 à 110 au repos. Le maximum observé sur moi fut de 180 pulsations et de 50 inspirations par minute après un effort de montée, à environ 4600 mètres.
- Nos chevaux ont souffert beaucoup de la raréfaction de l’air. La plupart avaient la peau marbrée de taches de sang gelé provenant d’hémorragies superficielles et quelques-uns saignaient du nez. C’est a cette cause surtout qu’on doit attribuer leur perte. Sur cinquante au début, deux ont pu être ramenés a Cachemire.
- Au commencement du mois de mai nous étions dans le Wakhâne. Après avoir passé l’IIindou-Kouch par la passe de Baroghil, nous fûmes, pendant un mois et demi, prisonniers du Khan de Tchitral. Au mois d’août 1887 nous étions à Cachemire.
- Nous reproduisons (fig. 1) une vue prise au pied de la passe de Baïkarra, que les Wakbis appellent Irchal, et les Kirghizes Tach-Koupriouk. Cette vue est prise à l’endroit appelé ZarcUotte, à environ 5200 mètres d’altitude. La passe, très difficile, mène du Wakhâne au Kandjout ou pays de Ilounza. Les brumes cachent, au fond, un magnifique pic d’environ 6700 mètres, auquel nous avons donné le nom de pic Jacquemont, en l’honneur du grand voyageur et du charmant écrivain.
- Guill. Capus.
- LE CHÊNE DE SULLY
- Ce chêne remarquable, plus encore par l’étendue de ses branches que par son élévation, couvre une surface de 1200 mètres carrés. Il occupe au Parc de Saint-Maur (Seine) une partie notable du jardin dont il fait partie, et qui vient d'ètre mis en vente. Il y a quelques années, cet admirable végétal, le plus beau spécimen des vieilles
- forêts gauloises qui existent encore aux environs de Paris, faisait partie de taillis vendus par le duc d’Aumale à un particulier qui les revendait à la Compagnie du chemin de fer de l’Est, laquelle effectuait le lotissement de toute la commune. N’est-il pas à regretter que la municipalité se soit bornée à donner le nom de rue du Vieux-Chêne à la voie publique qui y conduit, et ne fait point réservé lorsque le mètre carré se vendait quelques centimes?
- On donne dans le pays à ce bel arbre le nom de chêne de Sully, en mémoire de Maurice de Sully, évêque de Paris, qui fonda Notre-Dame et fut un des bienfaiteurs de l’abbave de Saint-Maur, dont ce district dépendait. Comine toute cette contrée était connue sous le nom de forêt de Vincennes, on peut croire que c’est bien sous ce chêne que Louis IX. a rendu la justice, suivant Joinville. En tous cas la situation de l’arbre auquel le récit du vieux chroniqueur faisait allusion n’a point encore été exactement déterminée, et de tous les chênes des environs de Paris aucun n’approche, à beaucoup près, de celui que nous signalons ici.
- N0UYELLE CARTE PHOTOGRAPHIQUE
- DU GROUPE DES PLÉIADES
- On doit sc rappeler que MM. Henry avaient déjà découvert, à l’aide de la photographie, une nébuleuse nouvelle autour de l’étoile Ma'ia des Pléiades1 ; celte nébuleuse étant trop faible pour être aperçue à travers l’atmosphère parisienne même avec nos meilleurs instruments, je l’avais signalée à l’Observatoire de Poulkova qui venait d’ètre pourvu d’un grand équatorial de0m,76 d’ouverture; quelque temps après M. Struve m’annonçait qu’il avait pu l’observer, et, dès que la lunette de même dimension de l’Observatoire de Nice fut établie, M. Perrotin l’observait également et nous en envoyait un dessin.
- Depuis lors MM. Henry ont continué à perfectionner leurs procédés photographiques et ils refont chaque année le cliché des Pléiades dans le double but de constater les changements qui pourraient s’y produire avec le temps et les progrès qu’ils réalisent dans la révélation des astres très faibles.
- Pour construire la nouvelle carte dont nous donnons ci-après le fragment le plus intéressant, on s’est servi de l’ancienne épreuve de 18862 sur laquelle on a ajouté les nouvelles nébuleuses et les étoiles communes à deux clichés de quatre heures de pose obtenus les 16 novembre et 14 décembre 1887.
- Cette nouvelle -carte permet de constater les progrès considérables accomplis en photographie céleste depuis deux années. Ces progrès doivent, en grande partie, être attribués à la plus grande sensibilité des plaques actuelles, et aussi à une pratique plus complète des appareils et des • procédés photographiques.
- Les fadjles traces de nébulosité qui, sur les clichés de 1885, se montraient autour des étoiles Maïa,
- 1 Voy. n° 664, du 20 lêvirer 1886, p. 187.
- 3 Voy. le Rapport annuel de l’Observatoire de Paris pour 1885.
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- Mérope et Electra, sont devenues sur les nouvelles épreuves, d’intenses nébuleuses, de formes complexes et tourmentées se rejoignant presque entre elles; une autre nébulosité assez étendue, mais moins intense, entoure aussi Alcyone. Aucuns de ces détails n’avaient encore été aperçus avec les lunettes même les plus puissantes. Mais une particularité bien plus remarquable qu’a dévoilée la photographie dans cette grande nébuleuse, et dont il n’existe encore
- aucun autre exemple connu dans le ciel, ce sont deux larges et très minces filaments de matière cosmique, presque rectiligne, affectant bien évidemment de passer par plusieurs étoiles ; leur lumière est malheureusement trop faible pour qu’on puisse espérer les voir et les étudier directement.
- L’un de ces objets est situé en déclinaison vers 25°,41' et s’étend en ascension droite de 5 b. 57 m. 50 s. à 5 b. 59 m. 50 s. et traverse entre autres
- ,iin sc
- •
- Partie principale de la carte du groupe des Pléiades, par MM. Henry, astronomes à l’Observatoire de Paris.
- étoiles 91 et 120 du catalogue de Besscl; l’autre a une déclinaison de 25°,55' et paraît s’étendre de 5 h. 59 m. 40 s. à 5 b. 42 m. 10 s. en passant presque centralement à travers sept étoiles qu’il semble réunir.
- La carte de 1886 ne renfermait que 1421 étoiles jusqu’à la 16e grandeur, celle-ci en contient 2526 allant jusqu’à la 18e.
- En prolongeant encore la durée de la pose, il serait certainement possible de découvrir quelques nouveaux détails à ce groupe déjà si remarquable
- des Pléiades; malheureusement, dans les conditions atmosphériques et physiques déplorables où se trouve placé l’Observatoire, au milieu d’une grande ville comme Paris, il ne serait pas possible de le faire sans voiler à peu près complètement les plaques, à cause de l’éclairement de l’atmosphère par le gaz. Une exposition de quatre heures est une limite qu’on ne peut guère dépasser.
- Contre-amiral Mouchez,
- de PJustilut, directeur de l’Observatoire de Paris.
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- LOCOMOTIVE AMÉRICAINE
- DE M. STRONG
- Nous avons décrit précédemment1 différents types de locomotives américaines en faisant ressortir les particularités caractéristiques de ces machines par rapport à celles que nous voyons chez nous. Nous avons cru intéressant d’y joindre la description d’une machine d’un type tout à fait original qui vient d’être essayée récemment en Amérique. Cette locomotive (lig. 1), construite dans les ateliers du Le-high Valley Bail-road d’après les dessins de M. W.
- Strong,, est destinée à la traction des trains lourds de voyageurs sur les lignes à fortes rampes ; elle se distingue par le système de distribution, et surtout par la disposition de la chaudière qui lui donne, à première vue, un aspect des plus caractéristiques, car elle s’écarte notablement des formes habituelles. Cette chaudière reçoit à l’arrière deux foyers circulaires en tôle ondulée représentés sur la figure 2, qui se développent parallèlement et à faible distance pour déboucher dans une chambre de combustion unique située devant la plaque tabulaire. Les orifices de dégagement dans cette chambre avec des trous d’appel d’air spéciaux sont étudiés de manière a assurer le mélange intime des deux courants gazeux, et réalisent ainsi la combustion complète des gaz avant qu’ils ne pénètrent dans les tubes : la fumée d’un foyer que l’on charge peut ainsi se brûler au contact des flammes de la grille du foyer en pleine activité, selon une remarque
- 1 Yoy. La Nature, 18P0, 2e semestre, p. 171.
- intéressante de M. Richard dans la Revue generale des chemins de fer.
- Ces deux foyers n’ont aucune armature pour les consolider, ils sont formés de tôles d’acier simplement ondulées de H millimètres d’épaisseur, et qui sont en mesure, paraît-il, de supporter une pression de 70 atmosphères. Ils sont raccordés à la chambre de combustion par une calotte formée elle-même de
- trois pièces d’acier embouties à la presse hydraulique et soudées entre elles ; les rivets servant à fixer cette calotte sont reportés sur des brides extérieures qui les mettent ainsi à l’abri du feu.
- L’ensemble des deux foyers est renfermé dans une boîte à feu allongée, de section ovale, rappelant assez bien un 8 couché. Cette enveloppe, ainsi que le corps cylindrique qui la continue est aussi en tôle d’acier de 11 millimètres d’épaisseur, dont les joints longitudinaux sont soudés; elle n’est soutenue par aucune armature. , Les tubes à fumée sont en acier, au nombre de 506, ils ont 45 millimètres de diamètre intérieur, et 5m,48 de longueur, ce qui représente, pour la surface de chauffe indirecte, une superficie de 149 mètres carrés. La surface du foyer est de 14m,40,et en y ajoutant celle de la chambre de combustion qui atteint 8,n,G4,on obtient ainsi une surface de chauffe directe de 25 mètres carrés. Sur les machines analogues, comme celles du type Belpaire dont le foyer est cependant très profond, on ne dépasse guère 15 mètres carrés, et la locomotive américaine Wov-ton, qui a figuré à l’Exposition de 1878 et dont nous avons donné la vue précédemment, n’a que 9m,80. Les tubes à fumée sont généralement plus allongés sur nos machines, atteignant souvent 4 mètres, mais
- Fig. 1. — Nouvelle locomotive Strong.
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- leur nombre ne dépasse guère habituellement 200, car on craint de gêner le dégagement de la vapeur à l’intérieur du corps cylindrique.
- La locomotive de M. Strong a été soumise en avril et mai 1887 sur une section du Lchigh Valley Railroad à une série d’essais comparatifs avec deux autçcs machines à six roues couplées de type usuel et de dimensions analogues; l’une des deux machines était seulement munie de la distribution Strong. Ces essais consistaient à parcourir d’une traite une distance de 88 kilomètres séparant les stations extrêmes de Wilkesbarre et deMauch Chunk, avec un train comprenant cinq voitures à l'aller pesant 114 tonnes, et huit au retour, soit 190 tonnes. La section choisie présentait des rampes de 19 millimètres avec de nombreuses courbes à faible rayon atteignant 125 mètres, et le parcours devait être effectué en deux heures quinze minutes.
- Dans ces essais, la vitesse de marche varia de 45 à 55 kilomètres à l’heure suivant le profil de la voie. La consommation de charbon, relevée par les expérimentateurs américains sur la locomotive Strong, varia de ik,55 a lk,80 pour une dépense d’eau de 12 à 14 kilogrammes par cheval-heure indiqué aux cylindres, la puissance totale atteignant 750 à 800 chevaux. Les chiffres obtenus avec les deux autres machines se trouvèrent, au contraire, sensiblement plus élevés, la consommation de charbon atteignant presque toujours 2 kilogrammes par cheval indiqué, et les observateurs constatèrent même une certaine supériorité de la machine munie de la distribution Strong par rapport à celle qui en était dépourvue. Il est intéressant de signaler, d’autre part, que l’effort développé par la machine Strong sur la barre d’attelage est beaucoup plus uniforme que sur les autres machines, ce qui présente une grande importance au point de vue de l’effort total de traction qu’on peut demander à cette machine en service, et semblerait indiquer que le type de distribution adopté a bien l’avantage d’uniformiser l’effort moteur.
- Quoi qu’il en soit, l’économie de vapeur réalisée par la machine Strong ne semble pas dépasser nécessairement celle que réalisent certaines de nos machines, bien que cette question de la consommation de combustible par cheval, du rendement de la locomotive, en un mot, soit encore un sujet de discussion entre les ingénieurs. On est arrivé cependant, dans des cas bien déterminés a des consommations qui paraissent inférieures à celles de la machine Strong. On ne saurait nier toutefois qu’il n’y ait là une tentative curieuse et intéressante.
- SUR L’EXPRESSION
- DE LÀ VITESSE DES NAVIRES
- Un de nos lecteurs nous demande de dissiper les confusions qu’entraînent les unités de longueur et de vitesse employées dans la marine. Nous allons essayer de lui donner satisfaction, en établissant que ces confusions cesseraient
- d’exister si, une fois pour toutes, on voulait bien se décider à donner un nom particulier à chaque chose distincte, et à ne pas désigner par le même mot des choses qui n’ont entre elles qu’un rapport très éloigné. Le mille marin, lmot ou nœud est une unité de longueur fondée sur le système sexagésimal de division de la terre en méridiens et parallèles. Leknotvaut 1851,85 mètres, soit sensiblement 1852 mètres. Les vitesses des navires s’expriment donc, comme toutes les vitesses, par le rapport d’une longueur à un temps, c’est-à-dire en milles marins par heure. Mais dans le langage courant, l’expression usitée, et qui correspond identiquement à la précédente, consiste à exprimer les vitesses en nœuds, sans autre désignation. Un navire filant 10 nœuds a une vitesse de 10 milles marins par heure, ou de 18,5 kilomètres par heure.
- Voici l’origine et l’explication de cette expression. Les vitesses des navires se mesurent à l’aide du loch. Celui-ci se compose d’un bateau de loch ou flotteur, de forme variable, attaché, par deux ou trois brins à une cordelette qu’on appelle ligne de loch, enroulée sur un dévidoir. Lorsque la ligne de loch est légèrement tendue, le bateau de loch éprouve une résistance assez grande pour le maintenir sensiblement en place. La ligne de loch est elle-même divisée par des nœuds en intervalles égaux de 45 pieds (14,62 mètres), divisés eux-mêmes en parties égales indiquées par des petits bouts de ficelle.
- Pour mesurer la vitesse d’un navire, on jette le bateau de loch à la mer, et on laisse la ligne de loch se dérouler librement du dévidoir. Le bateau de loch, qui avait la vitesse du navire, ne tarde pas à la perdre et devient à peu près immobile. Un premier nœud avertit en passant que cette condition est remplie et sert de signal pour commencer à compter le temps, soit à l’aide d’une montre à secondes, soit à l’aide d’un sablier ou ampoulette qui se vide en 50 secondes. Au moment où le premier nœud se dégage du dévidoir, l’officier commande vire et l’homme qui tient Uampoulette la retourne. Celui qui tient le dévidoir compte le nombre de nœuds qui se dégagent successivement. Quand le sablier est vide, c’est-à-dire au bout de 50 secondes, l’homme qui le porte crie siopp, et l’homme qui tient le dévidoir cesse de filer la ligne de loch. Le nombre de nœuds filés pendant l’opération permet d’apprécier la vitesse du navire.
- Le temps adopté pour unité dans cette opération étant de 50 secondes ou 1/120 d’heure, il faut que chaque nœud du loch soit théoriquement distant de 1/120 de mille pour que le nombre de nœuds filés donne la vitesse en milles par heure, soit
- = 15,45 mètres.
- 120
- Mais comme le bateau de loch n’est pas absolument stationnaire et qu’il avance un peu par la traction de ligne de loch, l’expérience a démontré qu’il fallait, pour corriger l’erreur causée par ce déplacement, n’espacer les nœuds que de 14,62 mètres au lieu de 15,45 mètres. Il résulte de ces renseignements, que nous empruntons au Dictionnaire des mathématiques appliquées de IL Sonnet, lque le mot nœud sert ainsi à désigner quatre choses abso-ument différentes :
- DLa distance entre deux nœuds du loch (14,62 mètres) ;
- 2° Le 1/120 du mille marin (15,45 mètres) ;
- 5° La longueur du mille marin (1852 mètres);
- 4° La vitesse d’un navire en milles marins par heure.
- Le même mot s’applique à trois longueurs et à une vitesse, violant ainsi toutes les règles delà plus élémentaire homogénéité. Et si de semblables confusions existent dans des
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- questions en somme fort simples, que dire de celles qui se créent chaque jour dans des questions plus complexes, sous le fallacieux prétexte d’habitudes et de traditions à respecter ?
- La terminologie technique réclame de sérieuses et urgentes réformes. Nous ne cesserons de le répéter jusqu’à ce que nous obtenions satisfaction. E. II.
- LE
- PUITS ARTÉSIEN DE LA PLACE HÉBERT
- A PARIS
- L’industrie du sondage, malgré les applications que l’on en a faites aux limites les plus reculées de l’univers, est toujours restée comme un monopole savamment acquis à la France; elle vient d’obtenir un succès récent à Paris même. Un nouveau puits artésien, dont les travaux étaient depuis longtemps en cours, a dernièrement atteint, à 719 mètres de profondeur, la nappe souterraine qu’il est destiné à amener au jour. La nouvelle en a été apprise avec autant de curiosité que d’intérêt par le public et par les savants. Le public y voit, à juste titre, la conquête d’une source puissante d’eaux chaudes et pures dont l’emploi est d’avance indiqué pour toutes sortes d’usages industriels et de besoins d’hygiène, dans la capitale. Les savants, géologues et ingénieurs, y trouvent les résultats d’une enquête nou -velle sur la constitution des couches terrestres, sur l’allure, le régime et la composition des eaux souterraines, enfin, sur les résultats des procédés puissants de forage que les spécialistes se sont transmis en les perfectionnant sans cesse.
- Les travaux de forage du puits artésien de la place Hébert, à La Chapelle (Paris) ont été commencés, poursuivis et menés a bien par la maison Lippmann, de Paris. Le gros du travail est accompli ; il ne reste à exécuter que le captage final : provisoirement l’eau jaillissante est dirigée par une galerie souterraine dans les égouts de la ville. Le captage réalisé, Paris possédera un puits artésien que ses dimensions placeront au premier rang des ouvrages de ce genre, en raison de sa profondeur de 719 mètres, et de son diamètre considérable de lm,06. Il convient de se souvenir que les forages analogues, en France et ailleurs, ne dépassent guère les diamètres de 10 à 20 centimètres; on voit combien la différence est considérable.
- Couche aquifère captée. — Le terrain de Paris, comme tous ceux qui se prêtent aux utiles et intéressantes recherchés des forages artésiens, est superposé à plusieurs nappes souterraines étagées entre des couches sédimentaires alternativement perméables et imperméables; la force ascensionnelle de ces différentes nappes dépend de l’altitude de leur point d’origine.
- La nappe atteinte par le puits de la place Hébert, existe entre 704 et 720 mètres environ, dans les sables aquitères, et son origine est vraisemblablement en Champagne. Sa pureté est très grande : elle ne
- titre pas plus de 8° à l’hydrotimètre, ce qui la rend propre à tous les usages industriels. On sait que les règlements administratifs prescrivent de ne pas dépasser en pratique courante 15° hydrotimétriques. Une pureté trop grande, au-dessous de 8°, serait aussi un cas rédhibitoire, car l’eau excessivement pure, comme l’eau distillée, attaque les riiétaux et les corrode. Le grand filtre naturel de la couche des sables aquifères auxquels aboutit le nouveau puits artésien a donc bien limité, tout naturellement, son degré d’épuration.
- La température des eaux de la surface étant de 12°, celle du nouveau puits artésien est d’environ 50°, en vertu de la loi connue, qui donne sensiblement un accroissement de température de 1° centigrade par 50 mètres d’enfoncement dans le sol.
- Lorsque, dans un puits artésien, on rencontre plusieurs nappes superposées, la plus profonde est généralement la plus puissante, et il convient de la capter en masquant complètement toutes les autres. L’expérience montre, en effet, que la puissance d’absorption d’une nappe est au moins égale a sa puissance même de débit. Si les nappes supérieures restent en communication avec la dernière nappe artésienne, celle-ci ne donne en jaillissement que ce que les autres lui ont laissé : il convient donc d’aveugler par un dallage étanche toutes les couches aquifères traversées avant la source jaillissante qu’on veut utiliser. Un remarquable travail de puits artésien, exécuté par M. Lippmann à l’hospice général de Tours, a démontré qu’il en est bien ainsi : ce forage traversa trois premières nappes qui furent complètement annulées : la quatrième, atteinte à 170 mètres de profondeur, donna un jaillissement au sol de plus de 4000 litres d’eau par minute, tandis qu’un autre puits artésien exécuté antérieurement dans le même établissement, au même diamètre, au même niveau, poussé 'a une profondeur scrupuleusement égale, et ayant rencontré les mêmes nappes que l’on laissa communiquer entre elles, n’avait donné qu’un débit de 1000 litres par minute.
- C’est dans cet ordre d’idées qu’on s’occupe actuellement du captage de la nappe artésienne atteinte à 719 mètres, c’est-à-dire qu’on étudie les meilleurs procédés à employer pour aveugler les nappes souterraines rencontrées dans les terrains tertiaires et à la tête du terrain crétacé.
- Procédés de sondage et de forage. — Nous ne ferons que résumer brièvement ici les procédés de sondage et de forage usités actuellement dans l’industrie et dont la description détaillée nous entraînerait trop loin. Ils sont connus sous les noms de sondage à la corde, ou sondage chinois, sondage à sonde creuse, et sondage au diamant noir, ou plutôt perforation au diamant noir du à l’ingénieur Leschot. Ces procédés sont surtout des procédés de recherches ne se prêtant qu’aux petits diamètres; dès que l’on arrive aux grands diamètres de 50, 60, 70 centimètres et au-dessus, qui, avec les procédés perfectionnés actuels, sont économiques et peuvent
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- être conservés, on emploie le système de sondages à la sonde rigide, très puissant et dont l’habile usage a valu à nos spécialistes français leur juste réputation.
- Les tiges rigides sont faites en bois ou en fer, et la perforation se fait à l’aide d’un trépan broyant les roches par percussion.
- Les appareils de sondage employés par M. Lipp-
- Fig. i. — Puits artésien de la place llébert, à Paris. — Outillage employé pour le sondage.
- 1. Trépan de lm,40 de diamètre, à six branches, muni de sa coulisse à chute libre. Cet outil a servi au percement du puits artésien et à découper les échantillons pris de 450 à 600 mètres de profondeur. Lorsque l’on veut faire un échantillon, on supprime la grande lame transversale que l’on remplace par deux autres petites lames.— 2. Soupape à sept clapets, servant à remonter le terrain broyé par le trépan avec lame transversale. — 5. Soupape à pompe intérieure. Cette soupape sert à remonter les sables lorsque l’on en rencontre de grande épaisseur. — 4. Soupape composée de huit tubes à clapet. On emploie cette soupape lorsque l’on veut prendre un échantillon du terrain que l’on rencontre. Elle sert à nettoyer l'espace annulaire faite par le trépan n° 1, sans lame transversale. — 5. Témoin déblayé et prêt à être pincé et hissé par l’outil n" 6. — 6. Cet outil sert à couper à sa base et à remonter l’échantillon découpé par le trépan n° 1. — 7. Outil à huit galets ayant servi à redresser une colonne de tuyau de 1“,50 de diamètre, et à broyer une colonne de tuyaux brisée dans le forage.
- mann sont des appareils de ce genre, mais à chute libre. La tige de sonde tout entière se trouve équi-
- librée et la percussion sur le fond à broyer se fait au moyen d’un déclic qui ne laisse tomber que le
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- Fig. 2. — Puits artésien de la place Hébert, à Paris. — 1. Installation générale des appareils de manœuvre de la sonde
- 2. Déversement actuel de l’eau jaillissante dans un souterrain.
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- trépan, c’est-à-dire la partie inférieure de la sonde 'a laquelle on donne un grand poids : de cette manière, la dépense de force pour opérer le battage au trépan à 800, 900 et 1000 mètres, n’est pas plus grande que pour battre à 100 mètres; on n’a à compter avec le plus grand effort à taire que lorsqu’il s’agit, en raison d’un accident quelconque, de remonter au jour l’outil qui travaille au fond du trou.
- C’est O^ynbausen, inventeur de la curieuse coulisse portant son nom, qui a eu le premier l’idée d’équilibrer une portion de la sonde; ce fut le premier pas dans l’application de la chute libre, qui s’obtient maintenant par un grand nombre de systèmes différents se perfectionnant encore tous les jours.
- Outillage. — Captage. — L’outillage du sondeur à la recherche des eaux artésiennes constitue un véritable arsenal. Notre gravure (tig. 1) reproduit les principaux types de ces outils cyclopéens servant au forage, au curage, à l’extraction des témoins, à l’élargissement des parois, etc... Le lecteur trouvera dans la légende placée au-dessous du dessin les principales explications nécessaires. C’est au moyen des témoins, gros blocs cylindriques de roches ramenés au jour, que l’on peut, au grand bénéfice de la science et des recherches ultérieures, dresser des coupes géologiques exactes des couches de terrain que le forage a traversées. Le trépan, par des coups alternatifs et répétés, brise et émiette les couches dures au fond du trou de sonde : ces débris sont ramenés au jour par le curage; quand on rencontre des couches ébouleuses, on les soutient par des tubes en tôle, et quand on est arrivé 'a la nappe artésienne, on met en place le cuvelage servant de colonne ascensionnelle aux eaux captées.
- Le tubage se fait par tronçons de gros tuyaux en tôle de 2, 5, 4 et 6 mètres de longueur, rivés à recouvrement, de façon à former une paroi lisse extérieure et à constituer une seule et même colonne rigide du haut en bas du puits. L’épaisseur des tôles varie de 3 'a 20 millimètres, suivant le diamètre donné au forage. Il est curieux de voir ces tubages se superposer les uns aux autres avec précision : à l’intérieur se meut et travaille avec régularité, presque avec douceur et sans bruit, l’énorme trépan dont le poids est de 4000 kilogrammes pour le forage de la place Hébert, mais qui atteint 25000 kilogrammes dans des forages de 4 mètres de diamètre, exécutés par M. Lippmann à Kônigsborn et à Gel-senkirchen. Le trépan est soulevé de 40 à 50 centimètres, dix à quinze fois par minute, et retombe de tout son poids sur le fond qu’il réduit en poussière.
- Parfois des accidents se produisent, des tubes sont écrasés ou aplatis à d’énormes profondeurs. Il faut alors les retirer et les ramener au jour. Une longueur de 400 mètres de tuyaux, pesant 60000 kilogrammes, ainsi engagée dans le puits de la place Hébert, a exigé neuf années pour être retirée, sans lasser la patience ni décourager le talent victorieux de nos sondeurs.
- Parfois on emploie la dynamite pour briser les parties que doivent extraire les griffes puissantes des outils ; mais la dynamite agit peu et mal à de grandes profondeurs sous les énormes pressions d’eau qui pèsent sur elle. Des charges de 15 kilogrammes de dynamite ne font que soulever la colonne d’eau et la laisser retomber sans agir utilement. Ces pressions de 600 mètres d’eau et au-dessus sont si puissantes qu’un fétu de paille entraîné au fond du puits par la sonde, puis ramené au jour lors du curage, se trouve tassé sur lui-même, contracté en quelque sorte; devenu lourd comme du métal, tout en conservant son aspect et sa forme, il tombe au fond d’une cuvette d’eau comme du plomb.
- Notre deuxième dessin (fig. 2) représente en coupe l’emplacement du puits de la place Hébert et son débouché au jour en attendant le captage définitif et l’utilisation. Livrée à elle-même, cette source chaude et abondante jaillirait à près de 55 mètres de hauteur. Le captage la dirigera vers des réservoirs où elle sera mise à la disposition des industriels et peut-être déversée dans des piscines précieuses pour l’hygiène des habitants des alentours.
- Il ne reste, en résumé, que bien peu de chose à faire pour compléter cet important travail et en recueillir tout le fruit. L’édilité parisienne y trouvera4 de nouvelles ressources et un utile auxiliaire d’assainissement. La science et l’industrie y auront acquis des enseignements précieux dont l’avenir tirera parti. Max de Nansouty.
- U YËL0CIPËDIE
- Un grand nombre d’articles sur le vélocipède ayant été déjà publiés dans La Nature, nos lecteurs ont pu suivre les métamorphoses successives par lesquelles a passé le massif célérifère d’autrefois, avant de devenir la machine élégante et légère que nous avons 'a notre disposition aujourd’hui.
- Les manivelles a pédales, adaptées, en 1855, au moyeu du célérifère, la substitution du fer et de l’acier au bois pour la construction des roues, les garnitures en caoutchouc, et enfin la construction des jantes et fourches creuses, telles sont, on le sait, les modifications principales qui ont fait du vélocipède un appareil vraiment pratique.
- Aussi, malgré les railleries qui ont salué ses débuts, voyons-nous le sport vélocipédique prendre une extension de plus en plus grande, au point d’occuper aujourd’hui le premier rang, à côté de l’équitation et de la navigation de plaisance. C’est que, il faut bien le reconnaître, peu de distractions réunissent à un si haut degré l’utile à l’agréable. La fatigue occasionnée par les lou*rdes machines d’autrefois est aujourd’hui presque entièrement supprimée; le graissage au moyen de coussinets à billes a diminué de beaucoup les frottements ; quant à la légèreté, nos habiles constructeurs sont parvenus à
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- créer des bi et tricycles de route ne pesant que 15 et 28 kilogrammes, ces poids se réduisant aux chiffres invraisemblables de 9 et 18 kilogrammes poulies bi et tricycles de course. D’autre part, en dehors de l’exercice hygiénique qu’il procure, le vélocipède (bicycle, tricycle ou bicyclette), nous offre un moyen de transport rapide, indépendant et économique.
- C’est par milliers que l’on compte aujourd’hui en France les adeptes du sport vélocipédique ; le récent meeting et l’exposition de Tours, les dernières conférences vélocipédiques, entre autres celles du colonel Denis à Bordeaux sur la vélocipédie militaire, la prospérité des maisons s’occupant de la fabrication des machines, viennent affirmer sa vitalité.
- Le sport vélocipédique a ses organes spéciaux ; les plus importants sont, pour la France, les journaux : le Veloce Sport, la Revue du sport vélocipédique et le Cycliste, donnant aux velocemen les renseignements les plus complets sur les courses, les excursions, etc., et contenant des articles de fond sur l’hygiène du vélocipédiste, les progrès réalisés dans la construction des machines, et jusqu’à des romans vélocipédiques! La vélocipédie française compte environ cent sociétés dans les départements, et plusieurs à Paris, dont les quatre principales sont : le Sport vélocipédique parisien, s’occupant spécialement des courses ; le Club des cyclistes de Paris, organisant les excursions; la Société vélocipédique métropolitaine, s’intéressant à la fois au tourisme et aux courses; enfin l’aristocratique Cercle de la pédale qui est à la vélocipédie ce que le Jockey-Club est à l’équitation. Toutes ces sociétés de Paris et des départements, dont la plupart sont dans une situation florissante, constituent, par leur groupement, VUnion vélocipédique de France, fondée en 1881, et qui a pour but de répandre et de favoriser l’usage du vélocipède dans notre pays, et de lui donner, au point de vue sportif, une organisation et une réglementation uniques. C’est l'Union qui nomme les délégués chargés de renseigner les commandants de corps sur la partie technique et l’emploi pratique du vélocipède dans l’armée, en vue de la formation des cadres de vélocipédistes militaires, dont La Nature a parlé dernièrement.
- La France a été divisée par VUnion en sept régions vélocipédiques, comprenant chacune un certain nombre de départements. Un chef consul par région, un consul par département et des vice-consuls nommés dans les principales localités représentent VUnion en province, et sont chargés de fournir aux touristes toutes les indications concernant les routes et hôtels de leur région.
- Le tourisme étant, selon nous, le but principal de la vélocipédie, nous ne dirons qu’un mot des courses de vélocipèdes, en indiquant quelles sont les vitesses auxquelles les plus célèbres coureurs ont pu parvenir. Voici d’abord la vitesse maximum sur une courte distance : en 1885, Ilowell, champion du monde, a parcouru 1 mile anglais (1609 mètres) en deux minutes trente et une secondes, réalisant,
- par seconde, une vitesse de plus de 10m,50! Pour les plus grandes distances parcourues en une heure, nous citerons Rowe, parcourant dans cette période de temps 22 miles et demi, soit plus de 36 kilomètres. En tricycle sur route, notre compatriote, M. de Givry, a fait, le 3 août 1887, à Saint-James, 50 kilomètres en une heure quarante-trois minutes. Enfin, dans une course sur la piste de Longchamps, en 1885, le coureur Dubois a fait 100 kilomètres en trois heures trente-trois minutes, et, sur route, M. de Givry a parcouru la même distance en quatre heures trois minutes.
- On a également entrepris de véritables voyages en vélocipède; nous ne parlerons pas du voyage autour du monde fait par un veloccman aux frais d’un journal vélocipédique américain, mais de voyages plus sérieux: par exemple, celui deM. de Baroncelli allant en touriste de Paris à Naples, sur un bicycle ; et les voyages de M. Baby, qui est allé sur un tricycle, de Pau à Calais, parcourant 1100 kilomètres en cinq jours dix heures, puis de Pau à Vienne (Autriche), faisant 1300 kilomètres en sept jours quatre heures cinquante minutes.
- Pour en arriver à de semblables résultats, les coureurs doivent se soumettre à un entraînement des plus sérieux, dont les règles constituent une science véritable, et varient suivant que le coureur veut s’entraîner pour les courses de fond ou poulies courses de vitesse. Ces règles sont exposées dans une brochure publiée par le célèbre entraîneur anglais Cortis L
- Si le régime du sujet soumis à l’entraînement nous y est décrit avec une minutie qui peut, par instants, faire sourire, en revanche la graduation raisonnée des exercices destinés à augmenter la vigueur et l’élasticité des muscles y est exposée avec une incontestable autorité.
- En dehors de l’entraînement sur piste et sur route, il existe des appareils permettant de s’entraîner sur place. Le premier, représenté dans notre figure 1, se compose d’un support fixe pour la roue directrice du tricycle, et de deux supports à galets tournants sur lesquels les roues motrices tournent sans avancer. Par le mauvais temps, le coureur peut ainsi exercer ses jambes, tout en restant à l’abri. Le bicycle peut également fonctionner sur cet appareil : un seul support à galets suffit, et deux tiges métalliques obliques maintiennent le bicycle en équilibre. Un second appareil d’entraînement domestique est représenté figure 2 ; une tige verticale, fixée au sol, représentant la fourche d’un bicycle, supporte une selle, un guidon et une roue, mais cette roue, qui ne touche pas le sol, est constituée par un lourd plateau de fonte, formant volant, qu’il s’agit de faire tourner le plus vite et le plus longtemps possible. Lorsque le nombre de tours du plateau correspond à une certaine distance parcourue, on entend la sonnerie d’un timbre fixé
- 1 Principles of training for amateur athlètes. Its ad-vantages and evils. — By H. L. Cortis. — Londres.
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- sur l’appareil. On peut, dès lors, avec un chronomètre, contrôler exactement les vitesses obtenues par les velocemen soumis à ce genre d’entraînement.
- . A propos de ces curieux appareils, peu connus du public, nous rappellerons l’application du vélocipède a la propulsion des embarcations de plaisance , le vélocipède destiné à marcher sur la glace, le bicycle valseur, dont nous avons dernièrement donné ici le dessin et la description, et tant dùmtres dispositions dictées par le caprice ou les divers besoins des amateurs, et dont nous parlerons ultérieurement, s’il y a lieu.
- Avec le plongeur en tricycle et le vélocipédiste-volant, nous entrons dans le domaine de la pleine fantaisie ; les dessins des figures 3 et 4, inspirés par des croquis du journal The Cyclist, montreront à nos lecteurs jusqu’où peuvent aller les diverses applications de la vé-locipédie... avec une , forte dose d’imagination. Le BadfahrHumor, journal illustré .allemand,est entièrement consacré 'à. des desskis humoristiques sur le vélocipède, et l’histoire du somnambule courant en bicycle survies fils télégraphiques a soulevé un long éclat de rire chez nos voisins d’outre-Rhin. Ajoutons .que, parmi les .organes véloçipédiques sérieux, leur Radfahrer est justement, apprécié de tous ceux qui s’intéressent à la vélocipédie: . . , •
- , Ce serait le moment de parler ici des prouesses de la vélocipédie, mais nous nous en occuperons dans un article prochain, car nous avons bâte de revenir au tourisme.
- « C’est principalement au point de vue du tourisme, écrit M. de Baroncelli, dans la préface de son excellent ouvrage1, que la vélocipédie présente un aspect particulier rappelant les voyages d’autrefois en malle-poste qui ne manquaient pas de poésie et qu’aimait l’artiste amoureux
- des spectacles de la nature. Est-ce en effet assez charmant, même dans les pays montagneux , pour se rendre d’un centre d’excursion à un autre, que voyager à bicycle, sans fatigue, à raison de 50 à 80 kilomètres par jour, à travers les contrées les plus pittoresques de la France et de l’étranger sans en laisser échapper aucun détail? Pour leveloceman, mille scènes diverses sont à sa portée. 11 court, libre et avec aise, de la ville aux campagnes. Dans une même journée il a pu jouir des panoramas les plus divers, passant, grâce à son agile pédale, de la plaine monotone aux sites agrestes, quittant les silencieuses forêts pour longer le littoral des mers, ou
- s’enfoncer dans les défilés sauvages auxquels succèdent les riants vallons. Il ne dépend ni des diligences, ni des chemins de fer. Son sommeil n’est point obsédé d’affreuses visions de trains matinals manqués, ni d’un déjeuner avalé à la hâte, ni des exactions d’un garçon d’écurie peu scrupuleux. Il se trouve, au contraire, en-tièrement son maître et maître de la situation. Son fidèle cheval d’acier ne partira point avant qu’il ne plaise à son cavalier de le monter et de se mettre en chemin... »
- ' I
- Joignez à, ce riant tableau la possibilité, pour les peintres ou les photographes-touristes, de transporter sans fatigue avec eux les divers ustensiles et appa-
- 1 Là Vélocipédie pratique, par A. de Baroncelli, chez l’auteur, 18, rue Roquépine, Paris. Prix : 1 franc 05.
- Fig. 1. — Appareil d’entraînement domestique.
- Fig. 2. — Appareil pour l'entraînement des véloeipédistes coureurs.
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- reils qui leur sont nécessaires, et vous comprendrez pourquoi le sport vélocipédique compte des adeptes si nombreux et si enthousiastes.
- C’est le bicycle ordinaire qui s’impose, par sa légèreté, comme machine routière, mais il a l’inconvénient d’ètre dangereux dans les pentes , où le plus petit caillou peut donner lieu à une chute en avant dite panache , qui est souvent assez grave; aussi, dans les pays de montagnes, l’usage de la bicyclette est-il indiqué. Le tricycle est réservé aux ecclésiastiques, aux dames ou aux personnes qui n’ont à parcourir, pour leurs occupations ou leur plaisir que des distances moyennes sur de très belles routes. On a pu, avec le bicycle, maintenir en course de fond, sur la route, des vitesses de 25 kilomètres à l'heure, et cela pendant plusieurs heures, En 1882, Terront et Waller, en Angleterre, ont fait en dix-huit heures plus de 400 kilomètres, mais ce ne sont pas ces tours de force que le touriste doit se proposer d’imiter ; il se contentera de vitesses bien inférieures, et, n’arrivât-il à faire que 50 kilomètres par jour, ce serait déjà un beau résultat, puisque cette distance est l’étape réglementaire de la cavalerie. Mais il n’est pas difficile de dépasser ce chiffre, et M. de Baron-celli nous indique la possibilité pour tous de faire sans fatigue 50 kilomètres par jour, en commençant le voyage par de courtes étapes augmentées successivement. 10, 12 et 14 kilomètres à l’heure sont les vitesses rationnelles. On ne doit, en aucun cas, aller aune allure qui obligerait de respirer par
- la bouche. On fera 15 à 20 kilomètres le matin, puis 20 à 50 kilomètres entre le second déjeuner (grande halte de deux heures au moins) et le dîner. Après chaque heure ou deux de roulement, quinze minutes d’arrêt; tous les trois jours, repos d’un
- jour. A un ou deux kilomètres d’une halte, on ralentira de façon à ne pas arriver essoufflé ni en transpiration.
- Les règles de l’hygiène du vélo-cipédiste ont été posées par un grand nombre de sommités médicales; la plupart sont communes a l’hygiène des exercices de corps en général ; com-me costume, l’emploi de la laine est recommandé. Le journal Wheeling nous dit : « Lorsqu’un cycliste part sur sa machine, il ne devrait pas avoir un seul fil de lin ou de coton dans la composition de son costume. » Un manteau court en caoutchouc pour les jours pluvieux, et un gros manteau d’hiver porté en sautoir com plèteront l’habillement du veloceman. 11 ne devra pas fumer sur sa machine, de façon à éviter l’introduction de l’air par la bouche. Il devra s’abstenir de liqueurs alcooliques, et choisir comme boissons le café et le thé chauds. L’exercice du vélocipède doit être rigoureusement interdit aux personnes ayant une maladie organique du cœur et des poumons; son abus peut entraîner quelquefois de la carie dentaire et des congestions du foie, et, chez les jeunes gens qui n’ont pas atteint leur complet développement, une déviation de la colonne vertébrale. Mais, avec des sujets bien constitués, l’usage modéré du vélocipède n’offre aucun de ces dangers;
- Fig. 5. — Le véloeipédiste plongeur; fantaisie d’une publication vélocipédique anglaise.
- Fig. 4. — Le véloeipédiste aérien ; fantaisie d’une publication vélocipédique anglaise.
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- LA NATüUK.
- il doit, au contraire, être chaudement recommandé à la jeunesse, dont il développera l’adresse et la force.
- — A suivre. — ARTHUR GüOD.
- NÉCROLOGIE
- A. Durand-Claye. — Lundi dernier 50 avril, nous avons rendu les derniers hommages à l’éminent ingénieur en chef des ponts et chaussées que la mort a enlevé à ses travaux après une courte maladie. Nous reproduirons ici le résumé des œuvres et de la belle carrière de Du-rand-Claye, d’après une notice que M. L. Grandeau a publiée la veille des obsèques.
- Le nom d’Alfred Durand-Claye restera attaché aux grands travaux de voirie souterraine auxquels il a collaboré depuis sa sortie de l’Ecole des ponts et chaussées jusqu’à ce jour, c’est-à-dire pendant vingt-deux années.
- Elève brillant de Sainte-Barbe, Durand-Claye entrait, le premier de sa promotion, à l’Ecole polytechnique, en 1861 ; il en sortait major en 1865 pour aller à l’Ecole des ponts et chaussées. Placé, en 1866, sous les ordres de Belgrand, en qualité d’ingénieur de troisième classe, il a fait sa trop courte carrière au service de la ville de Paris. Collaborateur dévoué de M. Alphand, collègue de Couche, de Bartet et d’André, morts prématurément, eux aussi, dans ces dernières années, Durand-Claye s’était, dès sa sortie de l’Ecole, exclusivement voué à la question du tout à l'égout, dont il a été l’apôtre le plus ardent. L’installation de Gennevilliers est l’œuvre d’une collaboration active de MM. Mille et Durand-Claye1; elle devait, dans la pensée de ce dernier, répondre aux objections d’ordre hygiénique, cultural et pratique qu’on élève contre le système du tout à l’égout. Durand-Claye avait des adversaires déterminés : il n’avait pas d’ennemis. Physionomie ouverte, élocution facile, parole chaude, ressources infinies dans l’argumentation, Durand-Claye possédait les qualités qui entraînent facilement les suffrages d’un auditoire. Les nombreuses publications où Durand-Claye a groupé les résultats des champs d’expériences de Gennevilliers, ses études sur les égouts de Paris et de quelques-unes des grandes villes d’Europe, contiennent une quantité considérable de documents numériques et que consulteront toujours avec intérêt, partisans et adversaires du tout à l’égout.
- Dans un autre ordre d’idées, convaincu de la nécessité pour l’agriculture de transformer ses méthodes, son outillage en vue de l’élévation des rendements, Durand-Claye ne négligeait aucune occasion, congrès, réunions agricoles, etc., d’insister, avec le talent et la clarté qui lui étaient propres, sur les améliorations qu’appelle l’organisation du génie rural : utilisation des eaux des rivières, des fleuves, pour l’irrigation ; propagation des machines à grand travail, batteuses, semoirs, etc.
- Durand-Claye est mort à l’àge de quarante-six ans. Il était professeur à l’Ecole des beaux-arts et à l’Ecole des ponts et chaussées, officier de la Légion d’honneur.
- J.-E. Planclion. — Le célèbre botaniste, le zélé directeur de l’Ecole supérieure de pharmacie de Montpellier, est mort presque subitement le mois dernier, à l’àge de soixante-quatre ans. Nous voulons consacrer ici quelques lignes de souvenir à ce savant distingué. Né le 21 mars 1823 à Ganges (Hérault), J.-E. Planchon fit ses
- 1 Yoy. n° 23, du 8 novembre 1875, p. 553.
- études de sciences naturelles et principalement de botanique à la Faculté de Montpellier. Beçu docteur ès sciences en 1844, il alla compléter son instruction en Angleterre et devint conservateur de l’herbier du jardin botanique de Kiew. Il conserva cette position jusqu’en 1849. Professeur à l’Institut horticole de Gand, en Belgique, il fut ensuite professeur à l’Ecole de médecine et de pharmacie de Nancy de 1851 à 1855. L’année suivante, il fut nommé professeur de botanique à la Faculté des sciences de Montpellier, et à l’Ecole supérieure de pharmacie de cette ville, jusqu’au jour où il devint directeur de cette école. Planchon était un savant laborieux et un homme de bien; ses travaux sur le phylloxéra, en même temps qu’ils faisaient le plus grand honneur au naturaliste, avaient rendu son nom populaire dans toute la région du Midi, si cruellement éprouvée par la maladie de la vigne. J.-E. Planchon a été élu correspondant de l’Académie des sciences en 1872, et l’année suivante il fut chargé d’une mission scientifique en Amérique, pour ses études sur le phylloxéra. Il a été décoré de la Légion d’honneur.
- Asa Gray. — Après le botaniste français, nous avons à parler du botaniste américain Asa Gray, également enlevé à la science dans ces derniers temps. Il était professeur de botanique à l’Université de Harvard, aux Etats-Unis. M. le professeur de Candolle a récemment retracé l’existence et les travaux du naturaliste américain, devant les membres de la Société de physique et d’histoire naturelle de Genève : nous reproduisons ici quelques-uns des renseignements biographiques qu’a publiés le savant professeur. Asa Gray, né en 1810, appartenait au groupe des botanistes tels que George Bentham et sir Joseph Hooher, qui ont fait d’excellents travaux de botanique descriptive et de géographie botanique. Le champ qu’il a exploré a été la flore de l’Amérique septentrionale et du Japon. Outre l’abondance et la perfection de ses travaux sur les plantes de ces pays, il a proposé la meilleure explication de leur origine, en rattachant la distribution actuelle des espèces aux effets de l’avancement et du recul des glaciers dont les traces sont visibles sur tout l’hémisphère nord. (( Asa Gray et moi, dit M. de Candolle, pendant plus d’un demi-siècle, avons travaillé selon les mêmes principes et les mêmes méthodes, pour ainsi dire la main dans la main, ce qui me gêne pour faire son éloge; mais on me permettra d’affirmer qu’en géographie botanique, dans les applications aux cas particuliers des formes américaines, il s’est toujours distingué par beaucoup de sagacité et de bon sens. Lorsqu'il m’est arrivé de proposer quelque modification aux règles de la nomenclature, je n’ai jamais été satisfait avant d’avoir l’approbation de mon ami américain, tant j’avais confiance dans son jugement. 4 sa Gray est venu nous voir à Genève plusieurs fois, depuis 1859 jusqu’en 1887, et dans ce dernier voyage il était encore si actif, si peu changé, que rien ne faisait présumer l’attaque de paralysie qui l’a frappé il y a un mois. »
- CHRONIQUE
- Ascension aérostatique. — Le mardi 24 avril, M. H. Lachambre a procédé, à l’usine à gaz de la Villette, à Paris, au gonflement d’un aérostat de 640 mètres cubes, construit par lui pour le gouvernement russe, et verni par un procédé nouveau. Après plusieurs ascensions captives, rendues fort difficiles par l’intensité du vent, l’aérostat s’est élevé en ascension libre. M. le général
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- russe Fédoroff a pris place dans la nacelle, accompagné de M. IL Lachambre. Le départ a eu lieu à 6 heures par un vent nord-est. Les voyageurs ont traversé Paris à l’altitude de 400 à 700 mètres; après avoir passé au-dessus de Saint-Cloud, Versailles et Saint-Cyr, ils ont touché terre à G h. 50 m. près de Lavcrrière, à 56 kilomètres environ du point de départ. L’altitude maxima atteinte a été de 1500 mètres.
- La lumière-éclair. — Le British Journal indique une nouvelle manière d’obtenir la lumière instantanée, dite lumière-éclair, à l’aide de la poudre de magnésium. Le grand avantage de cette méthode, duc à M. T.-N. Armstrong, c’est de n’offrir aucun danger d’explosion. Il suflit d’insuffler ou do projeter une certaine quantité de poudre de magnésium à travers la flamme d’un bec de gaz. Voici le dispositif assez commode imaginé par M. \Y. Bis-hop pour réaliser l’idée de M. Armstrong. On place à côté d’une lampe à alcool un flacon à large ouverture contenant de la poudre de magnésium. Le bouchon de ce flacon est percé de deux trous par lesquels passent des tubes de verre disposés comme ceux de l’appareil bien connu des chimistes sous le nom de pissette, c’est-à-dire qu’un des tubes pénètre jusqu’à une faible distance du fond du flacon, puis se recourbe à angle droit au-dessus du bouchon; l’autre ne fait que traverser le bouchon et se continue extérieurement par un tube en caoutchouc et une poire semblables au tube et à la poire qui servent à mettre les obturateurs en mouvement. Le premier tube est placé en face de la flamme delà lampe; une pression brusque delà poire comprime l’air du flacon ; ce gaz, agissant sur la masse pulvérulente du magnésium, en chasse une certaine quantité par le tube libre, et la projette ainsi brusquement dans la flamme, de manière à produire Yéclair désiré. (Bull, de la Société franç. de photogr.)
- Les cigares en papier. — La Paper Makers’ Circular nous dit qu’une usine de l'Etat de New-York fabrique de grandes quantités de papier dont la destination avouée est d’ètre transformé en tabac. Il paraît que les honnesles industriels qui opèrent cette transformation trempent à plusieurs reprises le papier dans une forte décoction de tabac ; ensuite ils le découpent et le pressent dans des moules qui donnent à chaque feuille les nervures que possèdent les véritables feuilles de tabac. L’imitation est si parfaite que des connaisseurs en tabac et des fumeurs s’y sont trompés. On a fait circuler dans une société des cigares fabriqués avec ce tabac, et ils ont été déclarés excellents; beaucoup de personnes ont affirmé qu’ils étaient de marques peu communes, et l’imitation était si parfaite, qu’un amateur assura qu’il ne pouvait y avoir aucun doute quant à l’origine naturelle du tabac dont les cigares étaient composés.
- (Bulletin des fabricants de papier.)
- Inconvénients des rues américaines & angles
- droits. — Les rues des cités américaines et australiennes ont été tracées au cordeau et à angle droit : c’est très beau au point de vue géométrique, mais cela entraîne de très fâcheuses conséquences au point de vue économique. En effet, si on parcourt les deux côtés d’un carré au lieu de suivre la diagonale, le chemin effectué croît dans la proportion de 40 pour 100 ; c’est-à-dire qu’au lieu de marcher 100 mètres, on marche 140 mètres. D’où perte de temps, de force, d’argent. Un professeur, M. Ilaupt, a calculé que le percement de deux rues en diagonale dans la ville de Philadelphie (850 000 habitants) réduirait les distances extrêmes de 2 kilomètres. Le nombre annuel
- des voyageurs transportés par les cars étant de 125000000, l’économie totale atteindrait environ 450000 francs par kilomètre parcouru. Les voyageurs gagneraient en temps 5565 années et réserveraient une force motrice déplus de 8 000000 de chevaux-vapeur. J. G.
- La cartouche de pansement. — Le gouvernement néerlandais fait actuellement fabriquer à La Haye, sur l’instigation de M. Zimmerman, inspecteur du service de santé militaire, 42 000 cartouches à pansement antiseptique, pour être distribuées aux soldats en temps de guerre. Chaque cartouche mesure 10 centimètres de long sur 5 de large et 2 de haut; et se trouve fermée à l’aide d’une épingle de sûreté; elle contient une bande de 5 mètres et deux morceaux de gaze trempés dans une solution de sublimé.
- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 50 avril 1888- — Présidence de M. Janssen.
- Tumeurs et microbes. — On sait déjà que certaines tumeurs sont l’œuvre de microbes : il en est de même des verrues. Mais les tumeurs vraies telles que les lipomes, les fibromes pris à leur début, les cancers, d’après M. Nepveu, dont le travail est analysé par M. Yerneuil, n’en présentent jamais. Quand ces tumeurs se ramollissent ou quand, dans leur voisinage, se trouvent des lésions, comme celles que produit l’eczéma, alors les microorganismes y pénètrent, y constituent des colonies souvent très nombreuses.
- Sur la combustion lente. — M. Th. Schlœsing présente un travail où sont étudiés avec précision les phénomènes de combustion lente dont sont le siège les accumulations de matière organique laissées à elles-mêmes. Depuis les notions modernes sur les microbes, personne ne peut douter que réchauffement que l’on constate tout d’abord ne résulte du développement et de la multiplication de protoorganismes. Mais quand la température s’est suffisamment élevée, toute manifestation vitale devient impossible et la combustion est exclusivement d’ordre physique. Pour étudier la part qui revient à chacune de ces deux séries d’action, l’auteur a placé dans les mêmes conditions de température et d’aération deux lots égaux de la même substance organique, c’est-à-dire de tabac : l’un des deux lots avait été stérilisé au préalable par son exposition à 120° et l’autre n’avait point été modifié. Jusque vers 40° la combustion s’est montrée presque exclusivement l’œuvre des microbes; de 40° à 50° l’influence biologique a sensiblement diminué ; et, à partir de 50° il n’y a plus eu qu’une combustion ordinaire. Il est utile d’ajouter que l’intensité de la combustion était mesurée à chaque instant par la quantité d’acide carbonique dégagé.
- Encore la théorie des cyclones. — Pour savoir si dans l’intérieur des cyclones l’air est- animé ou non d’un mouvement vertical, M. Dechevrens, directeur de l’Observatoire de Zi-ka-\Vey en Chine, a employé un moulinet à axe vertical dont les palettes sont inclinées à 45° sur l’horizon. Avec un vent horizontal le moulinet reste parfaitement immobile, mais la moindre inclinaison du courant, soit de bas en haut, soit de haut en bas, fait tourner l’instrument dans un sens ou dans le sens opposé. Le moulinet étant placé à 41 mètres au-dessus du sol, il a manifesté une ascension de l’air chaque fois que le baromètre monte et, dans le cas contraire, un courant descendant. M. Fave ne semble pas disposé à accepter le
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- LA NATURE.
- résultat qu’il verrait cependant avec plaisir, dit-il essayer sur la tour Eiffel. Pour lui on possède dans les flammes attachées aux mâts des navires des girouettes bien autrement sensibles que le petit moulin de M. Dechevrens; or, jamais ces flammes n’ont accusé de vent dirigé de bas en haut.
- Hommage aux grands hommes. — L’université de Cambridge vient de célébrer, avec une très grande solennité, le bicentenaire de la publication des Principes de Newton. A cette occasion, M. Glaisher, le fils de l’ascensionniste, a prononcé un excellent discours. En signalant le fait à l’Académie, M. le président Janssen émet le désir qu’à l’exemple de l’Angleterre la France songe à honorer ses grands hommes. Il voudrait que Descartes fût de notre part l’objet d’une démonstration analogue à celle que Newton vient de recevoir. Tout le monde, certainement, sera du même avis.
- Electromètre nouveau. —
- De la part de MM. Pierre et Jacques Curie, M. Lippmann met sous les yeux de l’Académie un élégant petit appareil construit par M. Werlein sur un principe nouveau. 11 consiste essentiellement en deux lames de quartz ayant 1/50 de millimètre d’épaisseur et taillées parallèlement à chacun des deux axes électriques du cristal.
- L’une des lames se raccourcissant et l’autre s’allongeant sous l’influence du courant, le système se tord et on peut, avec un microscope, apprécier sa déformation.
- La Société sismologique du Japon. — Je reçois en même temps que l’Académie le tome XI des Transactions of the Seismological Society of Japon, publié à Yokohama. Déjà à plusieurs reprises nous avons mentionné cette remarquable société où les phénomènes relatifs aux tremblements de terre sont étudiés d’une manière continue : loin d’être calquée sur nos institutions européennes, c’est véritablement un modèle à imiter. Un Anglais, M. John Milne, membre de la Société géologique de Londres, est le promoteur de l’institution et publie de très nombreux et très importants mémoires. Mais il a des Japonais pour collaborateurs très actifs. C’est ainsi que M. le professeur Seikei Sekiya donne deux mémoires dans le nouveau volume : l’un, sur le terrible tremblement de ferre qui a secoué tout le Japon, le 15 janvier 1887; l’autre, sur un nouveau procédé propre à représenter, par un solide, le mouvement dans les trois dimensions d’un point de la surface terrestre pendant une secousse sismique. Ce dernier travail est spécialement remarquable. Un grand nombre de planches sont ajoutées au volume.
- Varia. — M. Tacchini adresse la distribution en latitude des phénomènes solaires pendant l’année 1887. —
- Des fossiles de l’argile plastique, comme carapace de tortue, débris végétaux, coquilles, ont été recueillis par M. Desvaux, maître d’armes. — La théorie de la figure delà terre occupe M. Maurice Lévy.
- Stanislas Meunier.
- LÀ SCIENCE PRATIQUE
- RÉCHAUD A ALCOOL i
- L’appareil que nous allons faire connaître constitue un réchaud d’une grande puissance calorifique, et pouvant être fort utile dans les ménages pour obtenir promptement de l’eau chaude, pour faire cuire rapidement un plat là où l’on n’a pas de foyer disponible. L’alcool qu’il contient brûle sans mèche, et peut, comme dans un fourneau à gaz, donner une chaleur faible, modérée ou intense.
- Ainsi que l’indique la figure ci-contre, ce réchaud se compose, à1 sa partie supérieure d’un brûleur E, à sa partie moyenne d’un réservoir à alcool C, et à sa partie inférieure d’un récipient d’air B, en caoutchouc. Au-dessous de ce récipient se trouve un plateau métallique qui s’élève ou s’abaisse avec une crémaillère quand on tourne le bouton A. Si l’on tourne de gauche à droite ce bouton, le plateau inférieur monte et vient presser le récipient d’air contre le fond du réservoir d’alcool. La pression intérieure qui en résulte se transmet par le tube C à l’air du réservoir, et par suite à l’alcool lui-même, qui alors traverse le tube central I) et monte dans le vase brûleur en plus ou moins grande abondance. Il ne reste plus qu’a l’enflammer.
- On gradue la flamme en tournant le bouton A dans un sens ou dans l’autre, de manière à faire arriver plus ou moins de liquide au vase-brûleur. s;
- Pour éteindre le réchaud, il faut tourner le bouton de droite à gauche. Le plateau inférieur s’abaisse, l’alcool redescend dans le réservoir et l’extinction se produit.
- L’appareil est muni d’un support qui permet d’y poser facilement les vases contenant les substances à chauffer.
- Le propriétaire-gérant : G. Tissandier.
- Imprimerie A. Lahure, 9, rue de Fieurus, à Paris.
- Nouveau réchaud à alcool.
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- TRANSPORT
- DE L’HOTEL « BRÏGHTON BEÀCH »
- A CO.NEÏ 1SI.ASD, AUX ÉTATS-UMS
- La Nature a dorme à plusieurs reprises des des-eriptions de transports de bâtiments plus ou moins
- importants1, mais il n’v avait pas eu jusqu’ici, croyons-nous, d’exemple de translation d’une construction aussi considérable que celle du Brightoti Beach Hôtel, qui présente 150 mètres de longueur en façade et 15 mètres de profondeur.
- Cette opération vient d’ètre tentée avec succès par M. L. Morrow, directeur de la Compagnie du Broo-
- Fi!
- Transport de l’hôtel Brighton Beach, aux États-Unis, opéré à l’aide de six locomotives. Expérience du 3 avril 1888.
- klyn, Flatbush Cône y I si and Railroad, à qui appartient l’hôtel en question. Etabli sur la plage même de Coney Island, l’une des stations balnéaires voisines de New-York, le timent, en façade sur l’Océan, est construit en charpente et reposait sur une série de supports en bois portés eux-mêmes par des pilotis.
- Depuis plusieurs mois la mer rongeait la grève et à la fin de l’hiver, elle commença à pénétrer jusque sous l’hôtel. Il devenait urgent de prendre des mesures énergiques, et après avoir un moment songé à découper la construction en sections qu’on aurait transportées les unes après les autres, projet qu’on dut abandonner devant l’élévation des dépenses, 46* animée. — lor semestre.
- M. L. Morrow résolut d’effectuer la translation en bloc de toute la charpente.
- L’opération comportait le soulèvement de la masse entière pour la déposer sur les appareils de transport, et la mise en mouvement de ces derniers. On aura ensuite, une fois le batiment amené à son emplacement défmitit, à le soulever de nouveau pour le faire reposer sur les nouvelles fondations. La première partie du travail a seule été exécutée jusqu’ici, et nous en empruntons la description et les dessins à notre confrère américain le Scienlific American.
- 1 Yoy. Le transport des grandes masses, 1885, 2e semestre, p. 300 et 525.
- Fig. 2.— Vue prise eu-dessousde l’hôtel Brighton Beach, moutrant une des voies de wagons de transport.
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- LA NAT UH K.
- On commença par poser sous l’Jlôtel un plancher en madriers de 0ra,05 d’épaisseur sur lequel on construisit 54 voies à rails ordinaires, mais posés avec un écartement supérieur de 0m,015 à celui de la voie normale pour permettre, au besoin, un certain déplacement latéral. Puis on fit reposer les semelles du poutrage inférieur de la charpente sur des vérins hydrauliques, et on scia les supports. On opérait par sections de 6 mètres de largeur. Lorsqu’on eut terminé pour toutes les sections, on releva d’un bloc tout l’ensemble pour introduire au-dessous les appareils de transport. Ceux-ci consistaient en wagons ordinaires à plates-formes. On en plaçait 5 sur chaque voie, soit en tout 120; ils portaient des piles de madriers appuyés chacun sur les wagons correspondants de deux voies adjacentes, et qui devaient servir de supports intermédiaires. Il fallait éviter toute secousse au moment de la mise en marche de ces 24 lignes de wagons. A cet effet les accouplements étaient serrés à fond, et de plus, les intervalles entre les trucs étaient maintenus par des crics arc-boutés sur les caisses. Le poids de la charpente, lorsqu’elle reposa sur les madriers, suffit d’ailleurs à maintenir les trucs dans cette position. Comme on n’avait laissé que quelques centimètres de libres entre les piles de madriers et le poutrage inférieur, on put abaisser la charpente par sections de 6 mètres de largeur. On n’employa d’ailleurs aucun étrésil-lonnement dans le sens diagonal.
- 11 restait à procéder a la mise en mouvement. On avait d’abord songé à employer à cet effet des treuils ou des cabestans. Mais outre la difficulté qu’aurait présentée la manœuvre pour obtenir l’ensemble indispensable à la réussite, il y avait à craindre qu’il ne se produisît des glissements des câbles de traction sur les tambours. En conséquence, M. Morrow adopta le système de traction par locomotives.
- Celles-ci, d’un poids de 55 tonnes, étaient disposées par groupes de trois sur les voies nos 11 et 14. La locomotive d’arrière de chaque groupe recevait les extrémités de 6 câbles. Les 12 palans qu’elles terminaient se bifurquaient ensuite chacun en deux de manière à former 24 câbles de traction, un pour chaque fde de wagons. Chaque câble passait sur le crochet du wagon de tète, et allait se fixer sur l’extrémité d’une forte longrine placée dans l’entre-rail et formant point d’appui. Pour prévenir l’inégalité des efforts sur les diverses parties du bâtiment, les câbles qui venaient s’atteler aux locomotives étaient croisés les uns par rapport aux autres, de manière que chaque file de locomotives intéressait dans son mouvement plus de la moitié de la façade.
- Tout étant prêt, le signal fut donné le 5 avril. Les locomotives commencèrent par tendre les câbles, puis la masse entière se mit en mouvement sans secousse. On l’arrêta après quelques mètres de parcours pour vérifier l’état des charpentes. Puis l'opération fut reprise le 4 avril avec 4 locomotives seulement, et l’ensemble fut amené à 72 mètres de l’emplacement primitif sans aucun accident. On
- stoppa alors pour donner le temps de prolonger les 24 voies de roulement, et de foncer les pilotis de la nouvelle fondation, distante d’environ 80 mètres.
- Il reste maintenant, comme nous l’avons dit [tins haut, à amener le bâtiment à cet endroit, â l’enlever de dessus les wagons et à le faire reposer sur ses nouveaux supports. Ce travail, après le succès de la première opération, n’offrira pas de réelles difficultés, et l’on peut dès maintenant compter sur une entière réussite pour cette entreprise dont nos lecteurs peuvent apprécier toute la hardiesse.
- L’ACIDE FLUORHYDRIQUE
- ET I.A PHTISIE PULMONAIRE
- Aucune substance n’est caustique et irritante au même degré que l'acide fluorhydrique, qui a comme on sait la propriété d’attaquer le verre et tous les métaux sauf le plomb et le platine ; l’emploi de cette substance en thérapeutique n’avait jamais été signalé. Cependant on a paraît-il, remarqué depuis longtemps dans les grandes cristalleries que les ouvriers qui travaillent journellement au milieu des vapeurs d’acide fluorhydri-que, non seulement ne sont pas incommodés, mais éprouvent un notable soulagement à respirer ces vapeurs lorsqu’ils ont la poitrine délicate et qu’ils sont menacés de phtisie. Ce fait fut communiqué en 1862 à M. le Dr Bas-tien, qui essaya de soumettre aux inhalations fluorhydri-ques un certain nombre de malades affectés de phtisie, d’asthme, de coqueluche, de diphtérie, etc., et qui fit une active propagande à l’égard du nouveau médicament.
- Quoique des essais entrepris en 1806 à la Salpêtrière par M. le l)r Charcot et son interne d’alors, M. Bouchard, n’aient pas donné des résultats satisfaisants, la nouvelle méthode de traitement par l’acide fluorhydrique fut essayée à nouveau quelques années plus tard par M. le Dr Henri Bergeron.
- Depuis longtemps, il n’était plus question de l’acide fluorhydrique, lorsque M. le Dr Seiler reprit les expériences interrompues, et lut à l’Académie de médecine, le 21 juillet 1885, une note dans laquelle il signalait les bons effets de la médication fluorhydrique.
- Telle est l’histoire des débuts du traitement par l’acide fluorhydrique qui est actuellement en vigueur dans plusieurs établissements thérapeutiques et qui paraît devenir l’objet d’une certaine vogue.
- Dans une communication faite le 22 novembre 1887 à l’Académie de médecine, M. le Dr Hérard, l’honorable président de cette Compagnie, a présenté un rapport concluant, d’après de nombreuses observations, que l’acide fluorhydrique possédait « une action thérapeutique incontestable quand la phtisie n’est pas parvenue à une période trop avancée. » Celte conclusion, nous devons l’ajouter, n’a pas été confirmée par les observations de plusieurs praticiens éminents; mais il nous faut dire également que si les inhalations d’acide fluorhydrique ne sont pas aussi efficaces qu’on pourrait le croire, tout le monde est d’accord pour reconnaître qu’elles sont absolument exemptes d’inconvénients. On peut donc essayer sans danger. L’avenir donnera la mesure de la valeur du nouveau traitement. Dr Z...
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- LA NATURE.
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- CEREMONIES FUNÈBRES AUX INDES
- LES TOURS DO SILENCE ET l’i.NCINÉRATIOX DES MORTS
- Les Indes possèdent actuellement 250 millions d’habitants, fort divisés entre eux par les idées religieuses. Une partie est musulmane, l’autre est de religion hindoue; mais cette dernière se compose d’une infinité de sectes différentes, jalouses entre elles; elle est loin d’ètre, à cause de cette circonstance, la plus forte, quoiqu’elle soit cependant la plus nombreuse. 11 n’est pas nécessaire de dire que les Musulmans et les Hindous de l’Inde se méprisent profondément. Les premiers ridiculisent à tout propos la mythologie invraisemblable des seconds; aussi dans certaines provinces, il n’est pas toujours aisé d’organiser les processions différentes qui ont lieu pour toutes ces églises, quelquefois le même jour, dans une même ville, chacune d’elles voulant passer dans les rues principales. Le gouvernement anglais se contente actuellement de maintenir, par sa sage et grande influence, toute idée de révolte. Quelquefois des rixes ou des disputes ont lieu, mais elles sont de peu d’importance. Les Anglais comprennent combien ces dissensions religieuses indigènes leur donnent de force; aussi, ils ne font rien pour changer cet état de choses et préfèrent protéger toutes les superstitions diverses de cet immense pays, le plus impartialement possible. Une seule observation fera comprendre aisément ce sentiment des Anglais. Ils possèdent dans les Indes une armée de 70000 hommes, et dans cette colonie merveilleuse on compte, tout compris, 200000 Européens. Il est admirable de voir qu’un si petit nombre d’hommes aux idées libérales et vraiment civilisés puisse contenir aisément une masse de population si considérable.
- Outre ces deux grandes religions populaires dans le pays, il y en a encore d’autres qui ont aussi, suivant les villes où elles se trouvent, une grande influence. C’est ainsi qu’à Bombay, la religion des Parsis est fort accréditée. Cette religion est une des /• plus anciennes, et ses prêtres enseignent encore à leurs adeptes les lois et préceptes de Zoroastre. Ce sont les adorateurs du feu. Ils ont aujourd’hui les mêmes idées philosophiques de leurs ancêtres de la Perse antique.
- Cette classe des Parsis est une des plus intelligentes de l’Inde, ils ont l’esprit commercial au plus haut degré et sont fort libéraux à leur manière. Leurs idées ne ressemblent en rien à celles des Hindous et des Musulmans de ce pays. Us admettent mieux que tout autre le pouvoir anglais dans les Indes et quelques-uns, des plus riches d’entre eux, ont su même y contribuer de toute leur force. C’est ainsi qu’un grand citoyen parsi, M. Jamsetjco Jejec-bhoy, a donné au gouvernement près de la moitié de la somme de 6 000000 de francs qu’il a fallu dépenser pour construire un barrage dans la ville de Poona, située à 119 milles de Bombay, à 550 mètres au-
- dessus du niveau de la mer. Les Parsis ont un quar lier spécial dans la ville de Bombay, c’est un des plus riches et des plus élégants. Il est situé, sur les bords de la mer, autour de la montagne de Malabar, le Malabar-Uill. Chacune des villas est ornée de jardins et de terrasses et ces lieux sont si beaux, avec des vues de la mer si grandioses, que les Européens viennent aussi à l’envi s’installer auprès des Parsis, luttant à qui aura la demeure la plus princière. Le haut de la montagne de Malabar est couronné par un vaste jardin soigneusement fermé. On y monte par une rampe lort douce encadrée d’arbres délicieux, et son entrée est religieusement gardée. C’est le cimetière parsi où se trouvent les Dakhmas ou Tours du silence, les dernières demeures des adeptes de Zoroastre. Trois temples ou Sacris sont à l’entrée des jardins sur des terrasses qui nous offrent le panorama splendide de Bombay et de la baie. Dans le principal de ces temples est conservé le feu sacré qui ne doit jamais s’éteindre.
- Les Parsis n’enterrent point leurs morts et ne veulent pas non plus les brûler. Leur religion leur enseigne qu’ils doivent simplement les exposer en plein air; les oiseaux du ciel et le temps se chargeront d’en détruire les derniers vestiges. Les anciens Perses se contentaient d’exposer les morts sur le haut des montagnes, les Parsis ont créé les Tours du silence. Sur le mont Malabar, on peut en voir cinq de différentes dimensions. Ce sont des constructions de forme cylindrique, la principale d’entre elles a 100 mètres de diamètre. A l’extérieur, on ne voit qu’un grand mur nu peint à la chaux (fîg. 1) mais à l’intérieur c’est un vaste amphithéâtre composé de trois étages distincts (fîg. 2). I/am-phithéàtrc supérieur contient des cases qui toutes rayonnent vers le centre de la tour; elles reçoivent les corps des hommes et sont construites en forme de sarcophage. Le deuxième cercle situé au-dessous contient les sarcophages des femmes, et le troisième, le dernier, reçoit les corps des enfants. Toutes ces cases sont à ciel ouvert, dallées de marbre et cimentées avec soin. On vient y déposer les cadavres qui sont aussitôt dépouillés de leur linceul, car les préceptes disent : « Nus, nous sommes venus sur terre, nus, nous devons la quitter. » Les vautours qui viennent en foule à l’heure exacte des enterrements ou plutôt du dépôt des corps se précipitent sur le mort, et en deux heures à peine tout est dévoré. Les fossoyeurs, qui sont divisés en deux classes distinctes, les Nassasa-lars et les Khandias, sont seuls chargés des cérémonies et seuls ils peuvent entrer dans l’intérieur des tours. Dès que les ossements sont devenus secs, ils vont les jeter dans l’enceinte centrale dont les parois et le fond sont également dallés de marbre. Cette enceinte a 50 mètres de diamètre. Les derniers restes de tous ces squelettes ne tardent pas à se décomposer complètement sous l’action de la pluie et du soleil et tombent en poussière. L’égalité devant la mort est un fait accompli ; le riche ou le pauvre, le
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- LA AA T l ni;.
- oTl
- Fig. 1. — Tour du silence pour l'cxposiuoii des morts, à Bombay. (D’après nature.)
- grand ou l’humble sont tous irrévocablement mêlés pour l’éternité.
- Dans le loiul de cette enceinte centrale des conduits souterrains ont été établis ; ils forment une sorte de drainage qui mène k ([ua-tre puits dont le solestgarnid’une épaisse couche de sable. Avant de tomber dans le fond des puits, les eaux du ciel chargées de la poussière des ossements passent dans des liltres garnis de morceaux de charbon et de grès qui sont renouvelés de temps en temps. Elles sont alors purifiées avant de se perdre dans les profondeurs de la
- terre. Les Parsis exécutent ainsi les lois de Zoroastre : « La terre, notre mère à tous, ne sera point souillée. »
- L’enterrement d’un Parsi est une cérémonie simple et fort touchante.
- Les parents et les amis montent k pied en haut de Malabar-Ilill, vêtus de tuniques blanches et se tenant deux a deux par la main, ayant de l’autre un foulard blanc en signe d’amitié. Ils suivent le corps qui est placé dans un sarcophage de fer et porté par les fossoyeurs dont nous avons parlé poulie quitter seulement au moment de son entrée dans la Tour du silence.
- Ils ont rendu leur dernier devoir k leur parent, croyant, comme dans notre religion, son âme immortelle, et k la punition ou k la récompense éternelle des mauvaises ou des belles
- actions qu’il aura accomplies durant sa vie.
- Les Hindous sont loin de rendre k leurs morts les mêmes devoirs que les Parsis. Autrefois, comme on sait, ils se contentaient de les jeter k la mer ou dans
- les ileuves, mais depuis l’occupation anglaise il n’en est plus de même, sauf encore quelques rares exceptions. Les Hindous sont obligés actuellement de les brûler. A lîombay, k Calcutta et dans quelques villes
- également, il existe des lieux s [féciaux pour cette cérémonie. Ils ont été construits par le gouvernement. L’établissement élevé k Calcutta est un des [>lus coin-filets, on le nomme le Burning
- Glial (fi:
- Ce
- Fig. 2. — Pian et coupe île la Tour du silence do Bombay.
- monument se compose d’une assez longue galerie k ciel ouvert, ornée d’arcades élégantes qui donnent sur l’IIoogly, l’un des bras du delta du Gange. La vue est
- admirable et ne donnerait k vos pensées que des idées plutôt riantes et agréables si on n’avait pas
- sous les yeux le lugubre spectacle de cadavres brillant lentement, k peine cachés sous un amas de branches desséchées. Quelques hommes sont chargés d’attiser le feu et de surveiller la combustion. Les cadavres, posés simplement sur la terre, sont réduits en cendres au bout d’environ quatre heures, puis jetés avec les restes du bûcher dans le fleuve même. Le mort est porté sur un brancard par les amis ou les parents jusqu’à la porte du Burning-Ghat. Tous se retirent après la déclaration nécessaire faite dans le bureau d’entrée et la cérémonie est terminée. Les curieux peuvent cependant assister k ces sinistres opérations des plus primitives, comme ou le voit. Dans les Indes françaises, les morts sont bridés de même ; mais k Pondichéry, par exemple, ils ne sont pas délaissés par leurs parents ou amis,
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- LA NA TL r,L.
- r>7r»
- comme à Calcutta, et il existe encore de réelles céré- I excellence, I’incincration se fait aussi tout à fait en moitiés1. A Bénarès, la ville sainte des Hindous par | plein air et en public, comme à Pondichéry. Elle
- s'accomplit sur les bords du Lange même, dans plusieurs endroits de la ville. La place la plus fréquentée pour les in c.inéralions est située dans le centre, c’est le Mnnmenka ; il est au milieu de petits temples hindous admirables d'architecture, et d’un des marchés les plus fréquentés (fi g. T>). Le jour où j’ai fait ce dessin, en juillet dernier, un cadavre était déjà sur les bords du fleuve et quelques Hindous portaient sur leurs épaules le corps d’une femme.
- Elle était couchée sur une longue planche recouverte d’une étoffe de
- cotonnade rouge et quelques fleurs étaient placées sur sa poitrine. Les hommes ont posé leur fardeau à
- 1 Voy. La Nature, année 1885, 2e scmeslre. p. 90. La crémation dans l'Inde méridionale.
- Fig. i. — Le Bnrning-ghat, par 11. Albert
- terre et ont levé le voile rouge. Quelques Hindous chargés de l’incinération se sont emparés du corps pour l’approcher près du fleuve, de manière à ce qu’il fût presque entièrement recouvert par le mouvement des petites vagues qui se produisent sur les bords. La morte, ayant reçu ainsi dans les eaux du Gange un dernier baptême, devait aller, d’après les croyances hindoues, plus sûrement en paradis. Pendant ce temps, on préparait le bûcher qui allait la réduire en cendre. Ces préparatifs, qui nous laisseraient des impressions douloureuses et des souvenirs désolants, sont loin de produire le même effet sur les habitants de Bénarès.
- Le public passe constamment auprès des cadavres
- à Cakntta. (Diaprés nature, Tissandier )
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- LA NATURE.
- exposés devant tous les yeux*, les enfants jouent et crient auprès des bûchers, les femmes regardent sans émotion et continuent à causer entre elles de leurs affaires. Cependant la fumée des bûchers monte dans l’air avec une odeur nauséabonde de chair grillée et les branches enflammées recouvrent souvent mal les corps. Une tète grimaçante ou un pied sont visibles. Ce spectacle devrait impressionner la foule, il n’en est rien cependant; on ne peut voir sans étonnement l’indifférence absolue peinte sur tous les visages.
- Bénarès reste actuellement la ville de l’Inde la plus intéressante entre toutes. La religion hindoue y est encore observée comme dans les temps antiques. Si le voyageur a pu souhaiter quelquefois de voir les civilisations qui existaient il y a deux mille années, son vœu est chose accomplie lorsqu’il se promène dans les rues étroites et pittoresques de cette ville véritablement extraordinaire. Les mille petits temples hindous où se xroient encore les sacrifices d’animaux domestiques et les curieuses pratiques superstitieuses, la foule grouillant dans ces rues, semblables en bien des points à celles qu’on voit avec étonnement à Pompéi, sont déjà un spectacle du plus haut intérêt. Il est doublé cependant lorsqu’on visite en bateau les bords du Gange. Au pied des palais, d’une architecture éblouissante, sur des gradins de pierre descendant jusque dans le fleuve, vous voyez, au lever du jour, une foule considérable assemblée presque tout entière dans l’eau jusqu’à la ceinture et priant avec ferveur quelques-uns des innombrables dieux du paradis hindou. Ce devoir de conscience terminé, les hommes, les femmes cl les enfants se baignent tous ensemble, le corps enveloppé des mêmes voiles qu’ils ont dans les rues pour aller à leurs affaires. Ils les changent seulement sur les bords ou les laissent sécher sur leur corps, puis ils se livrent à l’opération du blanchissage des diverses étoffes qu’ils ont eu soin d’apporter avec eux, et les voilà remontant tous ensuite, les hauts gradins de pierre pour rentrer chez eux. On ne peut voir, je pense, de spectacle plus curieux que celui de Bénarès, la ville sainte, à ces heures matinales de la journée. Albert Tissaxdier.
- DES VARIATIONS DU CLIMAT
- ET DE LEURS CAUSES (Suite. — Voy. p. 342.)
- Arago reprit neuf ans plus tard la question de la variation des climats. Sa seconde note sur Y Etat thermométrique du globe terrestre parut, en effet, dans Y Annuaire du Bureau des longitudes pour 1854.
- Mais avant d’exposer les raisons de fait qui, selon l’illu>tre secrétaire perpétuel, tendent à prouver que les climats n’ont pas varié sur notre hémisphère depuis les temps historiques, il prit la question de
- plus haut. 11 voulait ainsi, selon ses propres expressions, « 'débarrasser, du moins quant aux phénomènes qui se manifestent à la surface, le problème des températures terrestres de plusieurs éléments qui l’auraient grandement compliqué. »
- Quant à la température de la niasse de la Terre, on sait qu’à l’origine elle était considérable, que, par un lent refroidissement, notre globe a passé de l’état d’incandescence à celui qu’il possède encore, que les traces de cette chaleur primitive se retrouvent dans l’accroissement de la température des couches internes avec la profondeur. Mais, comme Fourier l’a prouvé, cette chaleur n’est plus pour rien dans la température actuelle de la surface ; quelques modifications que la suite des temps puisse apporter à l’état thermique du noyau, la température de la surface en restera indépendante, ou du moins, ne pourra en être influencée. Tous les changements provenant de cette cause de variation sont accomplis à 1/50 de degré près.
- Mais on peut se demander si des causes extérieures, astronomiques notamment, par leurs variations, ne sont pas susceptibles de modifier les climats.
- La Terre, en suivant le Soleil dans -son mouvement de translation, traverse des régions de l’espace céleste toujours nouvelles. N’est-il pas possible, ainsi que d’ailleurs on en a fait l’hypothèse, que la température de ces régions varie dans la suite des temps, et contribue à accroître ou à diminuer celle de la surface de notre globe en contact avec elle? Arago ne le croit pas, et ses raisons nous semblent fondées ; « La chaleur des espaces célestes, dit-il, quelle qu’en soit l’intensité, est probablement due au rayonnement de tous les corps de l’univers dont la lumière arrive jusqu’à nous. Plusieurs de ces corps çnt disparu; d’autres présentent seulement des indices non équivoques d’affaiblissement; d’autres, enfin, augmentent d’éclat, mais ce sont là de rares exceptions. Or, comme le nombre total des étoiles et des nébuleuses visibles avec des télescopes surpasse certainement plusieurs milliards, tout fait supposer que, de ce côté du moins, les habitants du globe terrestre n’ont à redouter aucune altération de climat. »
- En tout cas, si cette cause de variation agissait avec assez d’intensité pour devenir sensible, nous ferons observer que l’influence s’en exercerait sur toute la surface de la Terre : tous les climats, aussi bien sur l’un que sur l’autre hémisphère, se trouveraient améliorés ou détériorés ensemble.
- En ne considérant toujours les saisons et les climats que sous le rapport de la température, quelles causes astronomiques peuvent faire varier cet élément? Celles-là mêmes évidemment qui les constituent.
- C’est en premier lieu l’obliquité de l’écliptique; puis la situation relative des points équinoxiaux et solsticiaux d’une part, et des extrémités du grand axe de l’orbite, périhélie et aphélie, d’autre part; enfin, l’excentricité de l’orbite elle-même qui fait
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- varier, pendant le cours de chaque révolution, la distance delà Terre au Soleil.
- Si ces divers éléments restaient constants, il est clair que, de ce chef, il ne pourrait survenir aucune variation dans les climats terrestres. Mais, à des degrés divers ils sont variables, et il reste à savoir quelle est, sur la température du globe, l’inlluence de cette variabilité.
- C’est ce qu’examina Arago dans sa notice. Il serait trop long d’analyser les raisons que le savant astronome invoque à l’appui de sa thèse, et nous nous bornerons à donner ses conclusions que voici :
- Les variations de l’obliquité de l’écliptique doivent nécessairement influer à la longue sur les saisons ou les climats. C’est en effet l’élément prépondérant des inégalités que subit la température dans le cours de l’année. C’est l’inclinaison de l’axe de rotation sur le plan de l’orbite qui est cause des inégalités de durée des jours et des nuits selon les époques et selon les latitudes, qui fait varier la hauteur méridienne du Soleil et détermine en conséquence l’obliquité des rayons solaires sur l’horizon. En un mot, c’est le facteur principal des saisons astronomiques, telles qu’elles sont réglées et limitées par les solstices et les équinoxes.
- Si cette obliquité diminue, si l’axe de rotation se redresse sur le plan de l’orbite, les saisons sont moins accentuées, et le contraire arrive si l’obliquité augmente.
- Or une telle variation existe. Mais il faut ajouter qu’elle oscille entre d’étroites limites. Aujourd’hui l’obliquité diminue de quarante-six secondes d’arc par siècle, et Laplace a fait voir qu’après avoir atteint 1° 20' au maximum, elle recommencera à croître avec une pareille lenteur. Le changement annuel est donc excessivement petit, et en 2000 ans il ne s’élève en tout qu’à 1/4 de degré. Aussi Arago dit-il avec raison qu’une variation aussi insignifiante n’a pu apporter de changement appréciable dans les climats.
- Ainsi les saisons terrestres, en tant qu’elles dépendent de l’obliquité de l’écliptique, ne peuvent changer sensiblement de caractère dans la suite des temps. C’est ce que constate aussi Jean Reynaud dans son mémoire sur la Variation séculaire des saisons, cité par notre savant collaborateur F. Zur-cher, dans l’article que La Nature a publié l’an dernier (6 août 1887, p. 154). L’ordre des saisons solsticiales sera toujours prépondérant sur la Terre.
- Mais à cet ordre de saisons est superposé un second ordre que J. Reynaud nomme l’ordre des saisons héliaques, parce que ce sont les variations de la distance de la Terre au Soleil dans le cours de chacune de ses révolutions qui règlent l’intensité des radiations calorifiques que lui envoie ce dernier astre.
- L’orbite de la Terre étant une ellipse dont le Soleil occupe un des foyers, les distances en question varient à tout instant, depuis l’instant où notre planète passe au périhélie, vers le 1er janvier, jus-
- qu’à celle où elle est à l’aphélie, vers le lfir juillet. Ce nouvel élément est-il susceptible de variations? Oui. Tout le monde sait que si le grand axe de l’orbite de la Terre est lui-même invariable, si par conséquent la distance moyenne du Soleil à la Terre ne change point dans la suite des siècles, il n’en est pas de même de la position de ce grand axe sur le plan de l’orbite; il n’en est pas non plus de même de la forme de l’orbite, c’est-à-dire de l’excentricité.
- La précession des équinoxes est une première cause qui fait que l’axe des apsides, dont les extrémités sont le périhélie et l’aphélie, change lentement de position, relativement aux points solsticiaux et équinoxiaux. Ce phénomène est dû, comme on sait, aux attractions combinées de la Lune et du Soleil sur le renflement ou bourrelet équatorial de la Terre. Sa période est d’environ 25 900 ans. Mais une autre perturbation séculaire, due, celle-là, à l’action des planètes (Mars, Vénus, etc.), fait avancer le périhélie dans une direction opposée, d’environ 12" par an, et il en résulte que le mouvement relatif des points équinoxiaux et de l’axe des apsides qui rapproche ces points du périhélie, par exemple, s’accroît d’autant. Une révolution complète n’est plus que de 21500 ans environ.
- D’après Arago, les changements qui s’opèrent ainsi dans la position de l’orbite terrestre, n’ont pas pu modifier les climats terrestres. Actuellement, c est un peu après le début de l’hiver astronomique boréal, que la Terre passe au périhélie; un jour viendra, au contraire, où c’est au début de l’été que tombera ce point où la distance au Soleil étant la plus courte, l’intensité de la radiation sera la plus grande. « Ici se présente donc, dit-il, cette question intéressante : un été, tel que celui de notre époque, qui correspond au maximum de la distance solaire, doit-il différer sensiblement d’un été avec lequel le minimum de cette distance coïnciderait? » Et sa réponse est négative. Le point de l’orbite, où le Soleil se trouve le plus près de la Terre, est en même temps le point où cet astre se meut le plus rapidement. La demi-orbite, ou si l’on aime mieux, les 180° compris entre les deux équinoxes de printemps et d’automne, seront donc parcourus dans le moins de temps possible, lorsque de l’une des extrémités de cet arc à l’autre, le Soleil passera, vers le milieu de sa course de six mois, par le point de sa plus petite distance. En résumé, l’hypothèse que nous venons d’adopter donnerait, à raison d’un moindre éloignement, un printemps et un été plus chauds qu’ils ne le sont aujourd’hui; à raison d’une plus grande vitesse, deux saisons, en somme, plus courtes d’environ sept jours. Eh bien! tout compte fait, la compensât ion est mathématiquement exacte! Les changements qui s’opèrent dans la position de l’orbite solaire n’ont pas pu modifier les climats terrestres. »
- Restent les changements de forme, autrement dit les variations de l’excentricité. Le grand axe étant, nous venons de le rappeler, invariable et, par suite,
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- la duree de l’année constante, la quantité totale annuelle de chaleur solaire reçue par la Terre diminue quand l’excentricité augmente. Il est prouve que cette quantité est inversement proportionnelle au petit axe de l’ellipse. Aujourd’hui l’excentricité diminue; dès lors le petit axe grandit, et la chaleur que la Terre reçoit annuellement du Soleil s'aflaiblit. Arago le reconnaît, mais il ajoute que c’est là une pure abstraction : « La variation d’excentricité s’effectue si lentement qu’il faudrait plus de dix mille ans pour qu’elle occasionnât, un changement, mesurable au thermomètre, dans la température de la Terre. Quand on ne remonte qu’aux temps historiques, l’influence de cette cause doit donc être entièrement négligée. »
- Ainsi débarrassé, selon sa propre expression, des complications qu’auraient introduites certains éléments astronomiques dans le problème des températures terrestres, Arago ne voit plus que deux causes susceptibles de changer les climats : ou bien certaines circonstances locales, ou quelque altération dans le pouvoir calorifique et lumineux du Soleil. « Eh bien, dit-il alors, de ces deux causes, l’une pourra être encore éliminée. Tous les changements devront, en effet, être attribués aux travaux agricoles, aux déboisements des plaines et des montagnes, au dessèchement des marais, etc., etc., si nous parvenons à prouver que le climat n’est devenu ni plus chaud, ni plus froid, dans un lieu dont l'aspect physique n’a pas sensiblement varié depuis une longue suite de siècles. »
- Cela posé, Arago aborde la démonstration de sa thèse. Prenant pour exemple la Palestine qui lui parait remplir la condition dont on vient de lire l’énoncé, et en s’appuyant sur les textes bibliques, sur les ouvrages des historiens anciens et enfin sur des observations contemporaines, il arrive à cette conclusion : « La température moyenne de la Palestine ne paraît pas avoir changé depuis le temps de Moïse. » Voilà donc, dans la pensée du savant astronome, la question de la variabilité des climats résolue négativement, ou du moins ramenée aux changements locaux, dépendant le plus souvent des travaux humains. Aucune cause d’ordre astronomique n’est capable, selon lui, d’agir sur la température, soit du globe terrestre, pris dans sa masse, soit de l’un ou de l’autre hémisphère, de manière à modifier les saisons et à en changer le caractère, au moins pendant la durée d’une période aussi courte que celle des temps historiques.
- Cette opinion n’a point reçu l’assentiment général. Jean Reynaud, dont notre ami Zurcher a rappelé avec raison le beau mémoire Sur les inégalités séculaires des saisons, est arrivé à une conclusion toute différente. Théoriquement, il a fait voir que le déplacement relatif de la ligne des équinoxes et de celle du grand axe de l’orbite, est susceptible de produire des changements sensibles dans la répartition de la chaleur solaire et d’altérer le caractère thermique des saisons terrestres. Dans un autre
- ordre d’idées, il a fait voir que les observations invoquées par Arago à l’appui de cette thèse, que le climat de la Palestine n’a point changé depuis le temps de Moïse, ne sont pas exactes ou ont été tout au moins mal interprétées. L’espace nous manque pour entrer dans le détail des arguments invoqués de part et d’autre. Qu’on me permette seulement d’ajouter quelques remarques aux judicieuses réflexions dont M. Zurcher a accompagné les citations du mémoire de Jean Reynaud.
- — La Un prochaiiip.inent. — AmEDEE GuILLEMIX.
- MÉTIER M ÉLAN [QUE
- r o u r
- LA FABRICATION DES FILETS DE PÊCHE
- Les deux degrés extrêmes de la fabrication des filets de pêche sont représentés, d’une part, par le filet de pêche des peuples primitifs, composé de branches d’arbres très feuillues reliées ensemble par des lianes, et, d’autre part, par les filets construits mécaniquement, engins dont l’emploi va toujours grandissant.
- Jusqu’à présent, le lîlet mécanique n’a cependant pas remplacé parfont le filet fait à la main. Cette dernière fabrication est justifiée par le fait qu’elle occupe les femmes et les enfants des marins, leur procure un travail très utile, bien que fort peu rémunéré, et surtout donne un produit qui, jusqu’ici, n’avait pas été obtenu par la fabrication mécanique.
- Cependant, les besoins toujours croissants de l’industrie des pêches maritimes imposaient l’obligation de trouver un métier mécanique produisant un filet toutà fait identique à celui fait à la main, et dirigeant les mailles d’une manière semblable, conditions indispensables pour obtenir une grande solidité et le moins de déformation possible du filet.
- C’est ce problème qui, cherché depuis plus de vingt ans, après avoir donné matière à un certain nombre de brevets apportant des solutions de plus en plus perfectionnées, semble enfin résolu par le métier représenté ci-contre, et que nous reproduisons d’après la photographie d’un modèle qui fonctionnait à l’Exposition maritime du Havre, en 1887, et y excitait vivement la curiosité des visiteurs.
- Le métier Galland et Chaunier a l’aspect général des grands métiers à tulle, et emprunte à ces derniers plusieurs de leurs principaux organes (chariots et barres à combs), ce qui permet d’établir des machines à fabriquer le filet de pêche sur de très grandes largeurs, soit 500 à 600 mailles, et avec des mouvements relativement simples et agissant avec une très grande précision. Les filets fabriqués par cette machine nouvelle sont exactement semblables à ceux faits à la main, c’est-à-dire dans le même sens de la tombée lors de la mise à l’eau, condition essentielle de bonne résistance des filets; le filet présente également pour rattache des flotteurs et
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- Nouvelle machine à confectionner le filet de pêche de MM. Galland et Chaunier.
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- des plombs des lanières naturelles que l’on peut faire soit avec fils doublés, soit en fils plus gros.
- Avec ce métier, l’on peut travailler tous les textiles employés industriellement et faire des mailles de dimensions variables, soit en une seule nappe de filet sur la largeur totale du métier, soit en plusieurs bandes toutes pourvues de lisières naturelles.
- Suivant la matière employée, le métier peut produire huit à douze rangées de nœuds à la minute, et un ouvrier suffit pour sa surveillance.
- Le métier se compose essentiellement :
- 1° D’un rouleau placé à la partie supérieure sur lequel sont ourdis les fils de chaîne;
- 2° D’une barre garnie de petits tubes en acier, appelée barre de tubes, laquelle se meut au-dessous du rouleau ;
- 5° D’une barre portant une série d’aiguilles parallèles appelée barre d'aiguilles;
- 4° D’une barre portant une série de pièces en forme d’un doigt coudé appelé barre de doigts, laquelle se meut entre la barre de tubes et la barre d’aiguilles ;
- 5° La barre de doigts porte elle-même une autre barre taillée en dents de scie et qu’on appelle barre à crochets.
- Ces quatre barres différentes portent autant de tubes, d’aiguilles, de doigts et de crochets qu’il y a de fils de chaîne sur le rouleau, et toutes ces pièces sont également espacées sur les barres qui les portent, c’est-'a-dire ont le même pas. Ce pas, réglable k volonté, permet de faire, sur le même métier, des mailles variant de 8 k 50 millimètres d’écartement, de nœud k nœud. Voyons maintenant le fonctionnement de ces organes :
- Les fils du rouleau tombent en rangs parallèles et sont passés respectivement dans chacun des tubes de la barre de ce nom, puis passent entre les doigts et k gauche de ceux qu’ils doivent entourer, passent également entre les aiguilles et se joignent aux derniers nœuds faits.
- La barre de tube accomplit son évolution : dans ce mouvement chaque tube passe d’abord k droite du doigt qui lui fait face, puis descend, entoure l’aiguille placée vis-à-vis et revient k sa première position en passant à gauche du doigt qu’il a entouré. Les fils guidés par les tubes ont donc formé entre les doigts et les aiguilles des boucles triangulaires, laissant un seul fil k droite et deux fils k gauche. Au fur et à mesure de cette évolution, le rouleau est descendu de manière à céder le fil nécessaire k la formation des boucles.
- Ces boucles formées, une série de navettes, exactement semblables à celles des métiers k tulle et portant les fils de trame, se mettent en mouvement et traversent les boucles. A ce moment, la barre à crochets prend le deuxième brin qui est k gauche du doigt et le ramène k droite, les navettes reviennent passer dans cette boucle et reprennent leur première position. Les fils de trame ont donc passé tout autour du troisième brin de' fil mobile.
- La barre de doigts descend alors et vient en se renversant lâcher ses boucles de fil sur les aiguilles, puis revient k sa première position.
- En même temps, le rouleau est remonté de façon a reprendre le fil qu’il avait cédé pour la formation des boucles, et au moment où les doigts les lâchent, il donne aux fils une tension un peu forte de manière k serrer les nœuds sur les aiguilles.
- Les aiguilles se retirent, lâchent les nœuds, et les rouleaux entraîneurs garnis de caoutchouc entre lesquels le fil est placé, en tournant d’une certaine quantité, font descendre la ligne de nœuds que l’on vient de faire d’une quantité égale k la grandeur de maille que l’on veut établir.
- L’on reforme ainsi nécessairement des rangées de nœuds qui constituent la nappe de filet.
- La production d’un métier semblable k celui que nous venons de décrire varie avec la largeur du filet et la nature des fils employés. Pour une largeur correspondant k 500 mailles et une vitesse moyenne de dix rangées par minute, la production théorique d’un travail de dix heures serait 3 000 000 de mailles. En estimant k un tiers le temps perdu pour le renouvellement des navettes, le raccommodage des fils, etc., on peut compter sur une production de 2 000000 de mailles par journée de travail.
- Sans apprécier ici, au point de vue social, les avantages et les inconvénients d’un appareil de production si considérable, il nous a semblé utile de donner une description générale de la machine de MM. Galland et Chaunier. X..., ingénieur.
- LES
- PREMIÈRES TRAVERSÉES DE L’ATLANTIQUE
- PAR DES BATEAUX A VAPEUR
- En 1836, une vive discussion s’est élevée à Y Association britannique afin de savoir si les bateaux à vapeur pouvaient franchir l’Atlantique. L’expérience mit fin aux débats en 1838.
- Le 4 avril de cette année, le Sirius, steamer à vapeur de 300 tonneaux, quittait le port de Cork sous le commandement du capitaine Roberts, lieutenant de vaisseau, et le 7 du même mois, le Great Western, autre steamer de 1600 tonneaux, quittait Bristol sous le commandement du capitaine Hopkin, également lieutenant de vaisseau de la marine royale. Les deux navires rivaux faisaient triomphalement leur entrée dans le port de New-York, le 25 avril, l’un après dix-neuf jours, et l’autre seize jours seulement de traversée.
- Cet événement excitait en Amérique une vive émotion, qui ne fut répercutée en Europe que lors du départ de ces deux bâtiments.
- Le Sirius repartit le 1er mai et arriva à Falmouth le 8 du même mois. Le Great Western, parti le 7, arriva à Bristol le 20, après quatorze jours de traversée.
- Il apportait une cargaison de coton, d’indigo et de soie pour les fabriques de Bristol et avait dans sa cabine soixante-huit passagers dont chacun avait payé plus de neuf cents francs. La victoire était complète. Pendant son voyage le Great Western avait rencontré des vents con-
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- LA NATURE.
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- traires pendant neuf jours sur quatorze. Il avait essuyé une terrible tempête sans éprouver aucune des catastrophes dont on l’avait menacé. C’était ce navire qui avait triomphé parce qu’il était le plus gros. Plus de cent mille personnes avaient assisté à son départ et une flottille de bateaux à vapeur l’avait salué du rivage avec des orchestres jouant des airs nationaux d’Amérique.
- LES CHEMINS DE FER DE hk CORSE
- Un phénomène économique (Tune grande importance vient de se produire dans la sauvage patrie de Colomba : deux voies ferrées ont été livrées à l’exploitation le 1er février dernier.
- Jusqu’à cette époque, la Corse était restée le seul département français qui n’eùt pas de chemins de fer. Ce n’est, point cependant que, depuis longtemps, on n’ait songé à y établir des lignes ferrées. Dès 1859, M. Conte Grandchamps sur La Corse s’exprimait en ces termes : « Un chemin de fer seul ferait disparaître tous les obstacles qui s’opposent à la civilisation, et donnerait aux deux versants de la Corse l’unité qui leur manque. » Mais ce qui faisait hésiter les ingénieurs à suivre le conseil de M. Grand-champs, c’étaient les difficultés de construction des voies.
- La Corse, longue île de 185 kilomètres, du nord au sud, sur 85 entre Torre d’Alistro et La Piana, et d’une surface de 8748km\ est un des départements les moins peuplés de la France, ne renfermant que 278 501 habitants ; ce qui lui donne une population kilométrique d’environ 50 habitants. Il pourrait facilement nourrir une population quatre ou cinq fois plus dense; mais sa constitution géologique s’y est opposée jusqu’à présent, ne permettant pas au commerce ni à l’industrie de s’y développer. Une foule de vallées, qui viennent tout naturellement aboutir à la mer, se rétrécissent en s’enfonçant dans la chaîne centrale, et se ferment brusquement ou finissent en cols étroits ne donnant qu’un passage bien difficile. Les montagnes y sont abruptes et forment une longue chaîne divisant l’ile en bande du dedans (du côté de l’Italie), et bande du dehors, qui se divisent elles-mêmes, comme nous venons de le dire, en vallées parallèles et profondes. Les sommets y atteignent des altitudes considérables; le mont Renoso, aux sources du Fium Orbo, a 2557 mètres; le Cardo, aux sources du Gravone, 2454 mètres; le Cinto, à celles de l’Asco, 2707 mètres; le Rotondo, au sud-ouest de Corte, 2625 mètres.
- Aussi çomprend-on toutes les difficultés que présentent les communications dans ce pays. D’ailleurs, de 1769 à 1857, on n’a dépensé que 3 millions pour les routes, ce qui donne le chiffre bien faible de 45 000 francs par an. Depuis cette époque, on a consacré des sommes importantes à la création ou à la mise en viabilité des routes et chemins : par exemple, en 1884, on a dépensé 505156 francs pour les routes nationales, 75 051 francs pour les
- routes départementales et 975 138 francs pour les chemins vicinaux. Certes ce sont des dépenses considérables; mais il y a beaucoup à faire. Il n’y a encore actuellement que neuf routes nationales1, donnant une longueur totale de 1140 kilomètres. Citons d’abord les routes n° 194 de Bastia à Saint-Florent, 199 d’Ajaccio à Ilastia par Calvi, 196 d’Ajaccio à Bonifaccio par Sartène, et 198 de Bonifaccio à Saint-Florent par Bastia et Macinaggio; cette première série forme une ceinture tout autour de l’île. Les autres joignent les deux versants de l’île, mais une seule forme véritablement diagonale : ce sont les routes n° 195 d’Ajaccio à Bastia (fig. 1), (où l’on rencontre des pentes excessivement fortes, et qui passe par le col de Vizzavona, à 1145 mètres), 197 d’Ale-ria à Calvi, 200 de Corte à Aleria par la vallée du Tavignano, 196 bis de Corte à Sartène, par Loreto et Zerubia, enfin 195 de Sagone à la forêt d’Aïtone. Et l’on aura beau ajouter à cela 210 kilomètres de routes départementales et environ 1600 kilomètres de chemins vicinaux; si l’on réfléchit qu’en certaines saisons il faut doubler les animaux de trait sur bien des routes nationales, que beaucoup de chemins de grande communication, dits viables, ne le sont qu’à dos de mulet, on comprendra combien s’imposait la construction de voies ferrées pouvant assurer les transports dans le pays.
- Dès 1857, deux lignes étaient proposées, l’une par M. Conti, allant de Saint-Florent à Bastia et Porto-Yeccliio, l’autre par M. Grandchamps, partant de File Rousse pour franchir le col Bocca Santa Maria, descendre à Ponte alla Leccia sur la rive gauche du Golo et atteindre le même but.
- Rien ne fut fait jusqu’en 1876; mais à cette époque on commença des études préliminaires. Enfin, le 19 décembre 1885, les lignes suivantes furent concédées à la Compagnie des Chemins de fer départementaux : à titre ferme, les lignes de Calvi à Poi.'.e alla Leccia, de Cazamozza au Fium Orbo et d’Ajaccio à Bastia par Corte; à titre éventuel, celles du Fium Orbo à Bonifaccio, et d’Ajaccio à Propriano. Ce sont deux sections des premières de ces lignes qui viennent d’être livrées à l’exploitation, et qui sont indiquées par un trait continu sur la carte (fig. 2).
- Nous ne voulons point insister sur les conditions de superstructure et de matériel roulant de ces chemins de fer : on a suivi les mêmes principes que pour le chemin de fer à voie étroite d’IIermes à Beaumont. L’écartement entre les bords extérieurs des rails est de lm,10, ce qui donne 1 mètre entre les bords intérieurs, l’entrevoie étant de 2 mètres et les accotements de 0m,75. La hauteur sous clef dans les souterrains est de 6 mètres. Les rails sont à double champignon, et les traverses sont écartées de 1 mètre. Quant aux wagons, ils sont, sans autre particularité, soit à boggies, soit non articulés, mais à essieux assez rapprochés pour s’inscrire facilement
- 1 Les routes nationales sont indiquées par deux traits parallèles sur la carte.
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- dans les courbes. C’est qu’en effet ces voies présentent beaucoup de courbes de 100 mètres de rayon. Les déclivités ne dépassent pas, en général, 0m,02, sauf toutefois dans la section centrale entre Corte et Mezzana, au col de Yizzavona; de part et d’autre du souterrain de 4000 mètres qu’il faudra creuser en cet endroit, et qui sera la grande difficulté de la ligne, régnent des pentes de 0“',03, sur environ 52 kilomètres, la déclivité étant moindre dans le souterrain.
- Ainsi que nous l’avons dit, deux sections ont été livrées. La première a 40 850 mètres de long, et va de Casa-mozza à Tallone, avec les stations ou baltes d’Arena-Vescovato, de Saint-Pancrace, Folelii-Orezza, Padulella, Prunete-Servione, Alistro et Bravona. Les difficultés techniques ont été de peu d’importance, la ligne ne s’élevant au plus qu’à 50 mètres ; il s’est, agi seulement de jeter sur les cours d’eau des ponts ayant parfois 00 ou 75 mètres.
- Les difficultés ont été tout autres sur la section Bastia-Corte. Cette ligne, longue de 75 802 mètres, comprend, outre les deux gares extrêmes , les stations ou baltes de Cbichio, Fu-riani, Biguglia, Borgo,
- Casamozza, Barchetta,
- Ponte-Novo, Ponte alla Leccia, Francardo,
- Omessaet Soveria. Souterrains, rampes et ponts s’y sont multipliés. Commençant à une altitude del0ra,50, la voie entre dans le tunnel de la Toretta au sortir de la gare. Au bout de ce tunnel de 1500 mètres, elle est immédiatement à Chi-cliio. Après Biguglia, elle franchit le Bevinco sur une travée métallique de 40 mètres. Elle est à 47 mètres d’altitude à Borgo, pour s’abaisser à 32 mètres à Casamozza. Après un premier pont sur le Golo, la rampe atteint 0U,,015. Au kilomètre 25, la voie est à 77 mètres; bientôt nous rencontrons un second pont sur le Golo. Au kilomètre 52, 2 kilomètres après Barchetta, nous sommes à 110 mètres et nous franchissons encore le
- Golo sur un pont de 00 mètres en trois travées. Un quatrième pont sur le Golo, après Ponte Novo, est à 157 mètres. La voie monte toujours, et à Francardo (kilomètre 55), nous sommes à 277 mètres. Mais, au kilomètre 50, nous arrivons aux rampes de O"1,02 avec courbes de 100 mètres; à Soveria
- nous sommes à 408 mètres. Au kilomètre 07, nous franchissons le souterrain de San-Quilico, long de 500 mètres avec une pente de 0ni,015; nous sommes au plus haut point de la section, à 501 mètres, le terrain naturel étant à 575. Puis, avec une pente de 0m,02, nous descendons à Corte, à 407 mètres, après avoir franchi l’Aghili sur treize arches de 9 mètres. Certes, l’exploitation de chemins dotés de pareilles courbes et de pareilles rampes ne sera pas chose facile, surtout dans le passage du futur souterrain de Yizzavona. Mais
- la construction de ces lignes s’imposait d’une façon urgente, et l’on doit compter qu’elles donneront une impulsion vigoureuse au commerce de la Corse. Elles permettront d’utiliser les nombreuses richesses minérales du pays, cuivre, fer, plomb argentifère , serpentine, marbre, albâtre, porphyre ; et surtout ces magnifiques forets d’Àïtone, de Bavella, de Calcn-zana, qui représentent plus de 150 000 hectares de pins maritimes, de pins-larix, de chênes, de hêtres, et qui restent comme sans valeur, fau te de moyens de transport. Et nous ne parlons point de toutes les industries qu’on pourra établir dans l’intérieur du pays, tanneries, scieries, forges.
- Aussi ne pouvons nous qu’être heureux de l’achèvement de ces deux sections de voies ferrées, et espérons-nous annoncer bientôt la mise en exploitation d’une portion de ligne allant d’Ajaccio à l’intérieur du pays, si la voie transversale Ajaccio-Bastia doit être retardée par suite des difficultés du percement du tunnel de Yizzavona. Daniel Bei.i.et.
- Echelle des longueurs t—>—•—i..................... . , i‘2400000
- ° ô 5 10 15 20 45 60 ki!.
- Echelle des hauteurs --------------1-------1-------> * 1:160.000.
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- échelle des hauteurs fois /dus cfmnde t/ue celle des leru/ueuns.
- Fig. 1. — IVoül Je la route d’Ajaccio, à Bastia.
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- • Chemins tù’
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- Fig. 2. — Carte des chemins de fer de la Corse.
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- COMPTEUR A GAZ DE POCHE
- AÉROIU1ÉO MÈTRE
- II peut être quelquefois intéressant, sinon nécessaire, de mesurer la pression du gaz en un point d’une conduite et le débit d’un bec quelconque placé en ce point. Des formules souvent assez compliquées, et en tous cas d’un emploi plus ou moins difficile, peuvent fournir ces différents éléments. Mais pratiquement, rien ne vaut l’emploi d’une sorte de manomètre approprié qui, par lecture directe, donne ces deux éléments. D’où la création d’un certain nombre de types de manomètres secs ou humides dits à basse pression.
- Un des derniers modèles créés, que nous avons eu l’occasion de voir et de faire fonctionner, est l’aérorhéomètre de M. A. Grenier. C’est une sorte de véritable compteur de poche dont l’usage nous parait devoir rendre service dans bien des cas, ne serait-ce que comme contrôle, aux industriels gaziers ayant a faire, dans des conditions déterminées, une distribution de lumière, ou même aux particuliers ayant monté chez eux le gaz à la campagne, comme l’ont peut-être fait beaucoup des lecteurs de La Na-ture% 11 est bon, en effet, dans un certain nombre de cas. de ne pas s’en rapporter entièrement aux instructions d’un prospectus général et de pouvoir combiner, vérifier et modifier son système d’éclairage, suivant les résultats directs que peut fournir un appareil de mesure très simple, portatif et d’une exactitude absolue comme nous le verrons tout à l’heure.
- En quelques mots voici en quoi consiste l’appareil. Dans un tube en verre vertical solidement maintenu par un bain de plâtre fin bien étanche, dans une garniture métallique ajourée se meut librement un disque en verre percé d’une série de petits trous. Il est muni, en son centre, d’une longue tige mince en verre supportant en son extrémité un deuxième disque parallèle au premier et d’un diamètre un peu plus grand (lig. 1, coupe n° 2). Ce dernier se trouve placé dans un évasement conique prolongeant le tube en verre et fermé à sa partie supérieure par un bouchon fileté percé d’un trou.
- On visse l’appareil sur le point de la conduite où l’on veut mesurer la pression. Le gaz, en s’échappant au travers du tube, soulève l’ensemble des deux disques qu’il maintient en équilibre à une certaine hauteur absolument fixe.
- Cette position d’équilibre dépend à la fois du poids de l’ensemble des deux disques et de la tige qui les relie, de la pression du gaz sur la face inférieure des disques, de la contrepression qui s’exerce sur leur face supérieure, de l’ouverture du tube conique et enfin du diamètre du trou de fuite percé dans le bouchon fermant l’appareil à la partie supérieure.
- Comme toutes les parties mobiles de l’appareil sont absolument inoxydables, comme d’autre part il y a absence totale de frottements et de mécanisme quelconque, on conçoit que, si le trou de fuite ne vient pas à se boucher, rien ne puisse se déranger, et que, pour une même pression, ces disques montent toujours à la même hauteur. Par expérience, il est donc facile d’établir le long du tube en verre une échelle sur laquelle le disque inférieur sert d’index. L’opération est un peu délicate mais on obtient ainsi un bon manomètre sec pour basses pressions absolument indéréglable.
- Instantanément l’appareil peut d’ailleurs se transformer en compteur de débit. Il n’est, en effet, que la traduction matérielle de l’équation générale de l’écoulement d’un gaz D — R x P, dans laquelle D est le débit, P la pression produisant l’écoulement, et K un facteur dont la valeur dépend des constantes de l’appareil. Dans cette formule, si D le débit est connu, c’est-à-dire si l’on se sert du bouchon de fuite dont nous avons parlé, on tire (c’est-à-dire on lit sur l’échelle) la pression P ; si, au contraire , on suppose la pression P connue, on lit le débit D d’un bouchon de fuite ou d’un bec de gaz quelconque vissé à l’extrémité supérieure de l’appareil qui fonctionne alors comme compteur.
- A cet effet, on voit sur le côté gauche de l’aéro-rhéomètre une échelle graduée en litres par heure : cette échelle est établie par expérience, mais elle reste toujours vraie pour les raisons que nous avons déjà exposées. On supprime ainsi par une simple lecture qui dure à peine quelques instants les opé-
- Aérorhcomètre.
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- rations ordinaires si délicates à faire à l’aide d'un compteur étalon et d’un compte-secondes.
- Des expériences dernièrement exécutées au laboratoire municipal de la ville de Paris par M. Lemoine, vérificateur du gaz, il résulte que l’appareil donne des résultats presque théoriquement exacts. Des tableaux que nous avons sous les yeux, il résulte que l’erreur sur la pression et sur le débit varie entre 1 et 2 pour 100 au maximum : erreur insignifiante en elle-même puisque ce compteur de poche n’est absolument destiné qu’à mesurer des pressions faibles (100 millimètres d’eau au plus) et des débits peu considérables, de 250 à 500 litres par heure.
- Ces petits compteurs de poche sont déjà fort employés un peu partout par les personnes ayant à s’occuper de l’industrie du gaz. Ils sont quelquefois complétés par l’adjonction d’un petit manomètre à eau et servent alors à donner en même temps que le débit d’un bec la perte de charge qu’il produit. Cet instrument a d’ailleurs un but un peu spécial : nous n’en parlons que pour mémoire, nos lecteurs étant moins directement intéressées à en connaître l’emploi. M. A. C..., ingénieur.
- I.es criquets dévastateurs eu Algérie. — Lors de la première année de fondation de La Nature en 1873, notre regretté collaborateur et ami, Maurice Girard, écrivait pour nos lecteurs une excellente notice sur les criquets dévastateurs (Ie année 1875, p. 250, 258, 298, 314) et parlait des ravages que cet insecte commençait à exercer cette année-là même en Algérie. Depuis cette époque, nous avons eu occasion de signaler les nuées de sauterelles qui ont dévasté une partie des cultures de notre colonie en 1877 (lor semestre 1877, p. 190). Les Arabes prétendent qu’il ne se passe jamais une période de plus de vingt-cinq ans sans que cette plaie ne se renouvelle. En Algérie, la durée, cette fois, aura été plus courte, car nous voici en 1888, dix ans après les derniers désastres de 1877, et les criquets se précipitent en armées volantes sur les terres en culture et sur les voies ferrées dont elles arrêtent le mouvement des trains par leurs masses formidables.
- M. Kunckel d’JIerculais, aide-naturaliste au Muséum d’histoire naturelle de Paris, président de la Société en-tomologique de France, a été envoyé en Algérie pour combattre le fléau. 11 a visité, la semaine dernière, en compagnie de M. Duchamp, conseiller de gouvernement, et du sous-préfet de Batna, les chantiers de destruction des criquets de la commune d’Aïn-el-Ksar. M. d’JIerculais a pu constater que, ainsi que plusieurs personnes l'avaient déjà annoncé, l’acridien de l’invasion actuelle n’est pas Vacridium peregrinum de 1866, de 1875 et de 1877, mais une espèce de petite taille, beaucoup plus redoutable, car elle peut se propager ne proche en proche, s’étendre sur toute l’Algérie et y rester un grand nombre d’années. La question de la destruction des sauterelles revêt donc, du fait de cette constatation, une nouvelle gravité.
- Ascension aérostatique. — M. Eugène Godard lils a exécuté à Nantes, le 22 avril 1888, une très curieuse
- ascension aérostatique en compagnie de M. William Fro-gier, étudiant en médecine, qui s’est chargé des observations météorologiques. Voici les renseignements que nous ont communiqués les voyageurs. Partis à 6 heures du soir, dans un aérostat de 1200 mètres cubes, incomplètement gonflé, ils se sont élevés peu à peu à une assez grande altitude. Traversant des couches de givre et de neige, ils ont atteint la hauteur de 5900 mètres otà le froid était de 18° au-dessous de zéro; la neige devenait très épaisse; à des niveaux inférieurs cette neige entrait en fusion, et il ne tombait que de la pluie à la surface du sol Après une heure et demie d’un voyage glacial, mais fort intéressant, MM. Godard et Frogier ont pris terre à 45 kilomètres du point de départ, dans le voisinage de l’Ecole nationale de Granjouan, où ils trouvèrent l’hospitalité.
- Photographie à l’éclair magnétique. — Les
- praticiens et les amateurs ont, de plus en plus, recours à cette nouvelle et féconde méthode de photographie nocturne. Une très intéressante expérience vient d’être faite à ce sujet par M. Paul Nadar, qui était l’un des convives de M. Balagny, dans un dîner récemment offert par ce dernier à quelques amis, au cabaret du Lion d’or. Au dessert, au moment où personne ne s’y attendait, un éclair jaillit : un appareil photographique avait été braqué à l’improviste dans l’embrasure d’une fenêtre, la poudre - éclair placée dans un vase de fleurs avait été allumée à l’aide d’un allumeur électrique. Une heure après, montre en main, M. Nadar, qui avait tenu prêts ses aides, montrait aux convives encore réunis, un positif fort bien réussi et monté sur bristol. M. Léon Vidal, qui a déjà signalé ce résultat dans le Moniteur de la photographie, fait observer les particularités de cette épreuve. La flamme des bougies, produites horizontalement par les ondulations de l’air projeté par l’explosion, est très apparente. Elle est représentée non pas seulement couchée, mais morcelée en granulations distinctes. Phénomène très curieux que ces gouttelettes de flammes ainsi révélées et que l’œil n’aurait jamais pu apercevoir.
- I/arhre à sucre et h alcool. — On a beaucoup parlé, dans les journaux anglais, de la découverte dans les Indes britanniques, d’une petite fleur saccharifère que porte un arbre très répandu dans l’Ilindoustan, le Mahiva. On a prétendu qu’un seul de ces arbres pouvait produire annuellement, sans aucuns frais de culture, 250 kilogrammes de sucre pur. La vérité est que les Hindous extraient depuis très longtemps un sucre très grossier des fleurs du mahwa. Us en extraient aussi de l’alcool, et le gouvernement indien tire de l’impôt qui frappe cet alcool un assez gros revenu. Quant à pouvoir extraire des fleurs du mahwa du sucre pur, propre à la consommation du monde civilisé, il n’y faut pas songer. Il résulte, en effet, d’une analyse faite en Angleterre, et dont The Grocer nous fournit les résultats, que les fleurs en question ne renferment qu’une quantité insignifiante de sucre de canne, 1 pour 100 environ. La composition de ces fleurs, ajoute le Moniteur scientifique qui reproduit ces renseignements, indique qu’on n’en peut tirer que de l’alcool.
- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 7 mai 1888. — Présidence de M. Jansses.
- Guérison de l'ectocardie. — Il s'agit d’une infirmité d’ailleurs très rare et qui consiste en ce que le cœur, au lieu d’être renfermé dans la cavité de la poitrine, fait
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- plus ou moins complètement saillie. lTn des plus beaux exemples de cette anomalie est présenté aujourd’hui par M. le Dr Lannelongue : il s’agit d’une fille qui lui fut présentée le 15 février dernier, alors qu’elle n’avait que six jours. Bien constituée, du reste, elle offrait à la partie antérieure du thorax une ulcération un peu plus large qu’une pièce de cinq francs et limitée par un bourrelet circulaire rouge. En son milieu l’ulcération offrait une membrane jaune et quelque peu mortiliée, que le cœur soulevait par le battement des ventricules. Le squelette offrait, entre les clavicules, une lacune de 5 centimètres et le sternum n’était représenté que par sa région la plus inférieure ou xyphoïde et par deux languettes laissant entre elles un vide très large. Comme on le conçoit, cette intéressante malade fut soumise à toute une série d’observations de la part de M. Lannelongue, puis de M. Potain et de M. Franck qui prit le graphique des mouvements du cœur par les méthodes et avec les appareils de M. Marey. On procéda ensuite au raccommodage de l’enfant que nous venons de voir avec sa nourrice dans la salle des Pas-Perdus et qui semble florissante de santé. Le procédé autoplastique employé a transformé l’ectocar-die primitive en ectopie sous-cutanée et l’auteur espère que le cœur saura de lui-même aller reprendre sa place normale dans le thorax.
- Origine du nom d'Amérique. —L’un de nos géologues et géographes les plus connus, M. Jules Marcou, vient de faire une découverte aussi singulière qu’inattendue et qui semble tout à fait incontestable : c’est que le nom Amerrique ou Amérique est d’origine indienne ou des aborigènes du nouveau monde. Ce mot veut dire Pays du vent en langues chontales et mayas de l’Amérique centrale où il désigne : 1° une chaîne de montagnes connues comme très riche en mines d’or depuis sa découverte par Christophe Colomb dans son dernier voyage ; et 2° une tribu de peaux rouges, los Amerriqucs. En second lieu, le prénom de Yespuce était Albert, Albericus et Alberico et il n’a été changé en Americus, Americo, Amerigo et huit ou dix autres variations qu'à partir du jour où un chanoine, membre du gymnase vosgien de Saint-Dié, fit la triple erreur de dire : 1° que ce fut le roi de Portugal qui envoya une flotte qui découvrit la Terre Inconnue; 2° que Vespuce était celui qui avait découvert le nouveau monde; et 3° qu’il le nommait Americus en son honneur. « Ayant entendu, dit M. Marcou, prononcer le nom d'Amérique comme l’un des nouveaux pays les plus riches en or, et renouvelant la fable du singe qui prit le Pirée pour un homme, Jean Basin crut pouvoir placer dans les calendriers, déjà si riches, de l’Italie et de l’Espagne, un nouveau saint Americus ou Amerigo, prénom qui n’a jamais été donné à personne dans aucun de ces pays et qui n’est ni une dégénérescence d’Alhericus ni une rectification philologique, mais bien une création de Jean Basin, dans le but de faire accorder le prénom Albericus avec le nom indien Amérique. »
- La météorite du roi d'Annam. — Nos lecteurs ont eu, dans La Nature du 10 décembre dernier, la description et la figure d’un sceau offert par le gouvernement de la République à Üong-Khan, roi d’Annam; ils se rappellent que, sur notre avis, ce joyau, destiné à un fils du ciel, a été taillé dans une météorite. On informe aujourd’hui que le présent est parvenu à destination. « Ayant en main ce précieux objet, écrit le roi, nous devons admirer son grand prix et renseigner nos mandarins, aussi bien que nos populations, sur les intentions bienveillantes dont est
- animé le gouvernement de la France à l’égard du nôtre. )) C’est la première fois qu’une météorite aura joué un semblable rôle. A cette occasion, signalons un élégant volume déposé sur le bureau par M. Faye au nom de M. Félix Hément et intitulé : Les étoiles filantes et les bolides. On remarquera surtout, dans cet exposé des faits récemment acquis, ce qui concerne la grande découverte de Scliiapparelli sur les relations mutuelles des étoiles filantes et des comètes. Pour notre part, nous savons gré à l’auteur d’avoir bien nettement marqué la différence radicale qui sépare les étoiles filantes des météorites.
- Géologie sicilienne. — L’Académie a reçu du très savant professeur de géologie de l’Université de Païenne, M. G. Gemmellaro, le premier fascicule d’un très important Mémoire sur la faune du calcaire à fusulines de la vallée du Sosio. C’est un magnifique travail in-4°, dont les dix planches jusqu’ici parues représentent des formes bien intéressantes, et la plupart nouvelles, d’ainmoniti-dés. Ces céphalopodes se distinguent avant tout des ammonites secondaires par le peu de complication de leurs cloisons : les transformistes les regardent comme les ancêtres des formes jurassiques et crétacées.
- Le transformisme. — On signale un charmant et très savant volume de M. Ed. Perrier, professeur au Muséum : c’est l’exposé complet et impartial d’un corps de doctrine que l’auteur étudie depuis longtemps avec passion. Tout le monde y verra avec plaisir, à côté de l’analyse des travaux de Darwin, la mise en lumière des efforts de La-mark, d’Étienne Geoffroy Saint-llilaire et de plusieurs de leurs disciples. Le volume de M. Perrier va augmenter encore le monde des adhérents aux idées qui lui sont chères.
- Maladie des dents chez l'éléphant. — La ménagerie du Muséum possède l’un de ses éléphants depuis plus de cinquante ans : c’est encore un jeune individu à peine parvenu à l’époque où, dans l’espèce, poussent les dents de sagesse. Cependant, ses molaires se déchaussent et récemment on en a ramassé une sur le sol, pesant plus de 2 kilogrammes. Sur l’invitation de M. Alph. Milne-Edwards, M. le docteur Galippe a étudié le sujet : il a constaté autour de la dent une épaisse incrustation calcaire remplie de micro-organismes, et reconnaît l’affection connue chez l'homme sous le nom de gingivite alvéolo-dentaire infectieuse. Les éléphants sauvages en sont-ils atteints? est-ce un contre-coup de la civilisation ? L’auteur ne le dit pas.
- Bactériologie. — En étudiant au microscope la péripneumonie infectieuse qui cause de si graves préjudices à l’agriculture et à l’Etat, M. le Dr Arloing a découvert chez les animaux malades de très nombreux microcoques. Toutefois, ces organismes ne sont, suivant lui, aucunement pathogènes ; ils présentent cependant des propriétés intéressantes. En les cultivant, on obtient un bouillon de culture dont l’injection hypodermique détermine des tuméfactions; or, si on injecte le bouillon après l’avoir filtré, on lui trouve encore les mêmes propriétés phlogogènes. De plus, on reconnaît que ces liquides ne sont jamais vaccin pour eux-mêmes : à la quatrième inoculation ils déterminent les mêmes accidents qu’à la première. M. Galtier signale un bacille pathogène nouveau chez les porcs atteints d’une maladie fort analogue à la pneumo-entérite infectieuse. 11 se cultive très bien et donne naissance, en se multipliant, d’une part, à une très belle substance colorante d’un vert bleuâtre, et d’autre
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- LA NAT IJ HE.
- part, à une matière qui répand l'odeur agréable des excellents gâteaux de miel.
- Physiologie expérimentale. — M. Marev expose des résultats graphiques obtenus avec des appareils nouveaux dans l’étude des variations du thorax au cours des exercices. C’est un travail d’un haut intérêt, mais qu’il est difficile d’analvser sur une simple audition aussi rapide.
- Varia. — Il faut signaler un mémoire de M. Louis Crié, professeur à la Faculté des sciences de Rennes sur la végétation des cotes et des îles bretonnes : une planche coloriée indique la distribution géographique du Narcis-sus rcflexus, de VErytujium viviparum, de VOmphalotes litloralis et du Linaria arenaria. — La chaleur spéci-fique du quartz entre 0° et 400° occupe un auteur dont le nom ne nous parvient pas. — M. Debray étudie la dia-tomicité de l’acide phosphoreux —- D’après les détails
- fournis par M. Bouquet de la Grye, le Dépôt des cartes et plans de la marine possède actuellement 4300 cuivres ; il s’enrichit de 140 à 150 cuivres par an. — La théorie du diamagnétisme occupe M. Blondlot. — Des particularités nouvelles de la reproduction du black rot expliquent à M. Fréchu comment cette maladie de la vigne peut continuer après les froids de l’hiver. Stanislas Meunier.
- RÉCRÉATIONS SCIENTIFIQUES
- LA HAUTEUR d’üN CHATEAU. ---- LE CENTRE
- DE GRAVITÉ
- L’expérience récréative que représente notre ligure 1 est bien connue, mais on va voir que le dessin qui la reproduit offre une particularité assez
- Fig. 1. — La hauteur d’uu chapeau.
- remarquable. Voici d’abord en quoi consiste le fait : vous dites à quelqu’un : « Considérez la hauteur de mon chapeau haute forme que j’ai sur la tête, veuillez me dire quel point il atteindra le long du mur quand je l’aurai posé par terre. » Les personnes non prévenues donnent toujours une hauteur incomparablement plus grande que celle du chapeau, deux fois et quelquefois trois fois plus. Cela s’explique par la différence d’appréciation de la grandeur des objets considérés horizontalement ou de haut en bas. Quand on est en haut d’un monument élevé, les hommes que l’on considère à terre paraissent plus petits que si on les voyait à la même distance dans une plaine. Voici maintenant la particularité de notre dessin : l’illusion s’y reproduit. Le chapeau est exactement de la même hauteur que la
- Fig. 2. — Le centre de gravité.
- plinthe dessinée, or il semble, à n’en juger que par les yeux, que le chapeau est plus haut. On peut vérifier le fait avec un compas.
- La figure 2 est une amusante expérience d’atelier sur le centre de gravité. Placez-vous a 50 centimètres au moins d’un mur; à l’aide d’un tabouret appuyez votre tête contre le mur (fig. 2). Cela fait, soulevez le tabouret, de manière à ce qu’il ne touche plus le sol. Essayez de vous relever : vous ne le pourrez pas. L’expérience s’explique d’elle-même avec la notion des principes relatifs au centre de gravité : nous nous bornons à la signaler à nos jeunes lecteurs.
- Le propriétaire-gérant : G. Tissandier.
- Imprimerie A. Lahure, 9, rue de Fleurus, à Paris.
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- 781. — 19 MAI 1888.
- LA NATURE.
- L’HÉLIOGRAPHE MAU RE R
- Depuis quelques années, l’inscription automatique des heures de soleil, commencée par MM. Campbell et Stokes, fait partie des observations quotidiennes dans plusieurs stations météorologiques ou climatériques. Les appareils servant à cette inscription se divisent en deux catégories : les uns utilisent les propriétés calorifi q u c s des rayons solaires; les autres enregistrent l’insolation au moyen des propriétés chimiques de la lumière.
- Les durées d’insolation inscrites à l’aide des différentes radiations du spectre concordent le plus souvent assez bien ; mais il peut arriver aussi que certaines des radiations, surtout les moins réfrangibles, soient absorbées par une légère brume, et qu’une partie des heures inscrites par l’un des appareils soient perdues pour l’autre.
- On ne connaît pas encore exactement l’importance relative des diverses radiations du spectre, pour le développement des phénomènes météorologiques et physiologiques.
- Autrefois, on attribuait tout aux effets calorifiques ; aujourd’hui, on sait que
- Fig. 1. — Ilcliographe du Dr Maurer.
- Fig. 2.
- métaux, pour laquelle on employait des arcs voltaïques très intenses ont été suivis de graves désordres physiologiques chez les personnes qui y avaient assisté. Bien que tous les assistants eussent protégé leur figure par des plaques de verre sombre, ils ressentirent bientôt des douleurs analogues à celles
- que produit une violente insolation; plusieurs personnes furent atteintes de conjonctivite , et la peau du visage tomba, comme brûlée. Ce phénomène fut nommé spontanément coup de soleil électrique.
- Les effets des différentes radiations sur les phénomènes météorologiques sont moins aisés à constater; ils ne sont pas encore suffisamment bien démontrés, croyons-nous; les héliographes aideront, sans doute, à les débrouiller.
- Si, maintenant, indépendamment des relations entre les rayons inscrits et les phénomènes qu’ils
- produisent, nous considérons les appareils au point de vue seul de l’inscription delà durée de l’insolation, nous verrons que les appareils photographiques donnent des résultats plus exacts que les appareils calorifiques. En effet, dansces derniers, la tache produite sur une bande de papier par la combustion engendrée au foyer d’une lentille
- (Vïïl
- MK
- nx
- Spécimen des bandes d’inscription des heures d’insolation. (Réduit d’après l’original.)
- les rayons invisibles ou les rayons lumineux dépourvus de chaleur peuvent produire des effets physiologiques bien marqués. Des expériences faites, il y a quelques années, par M. Siemens ont démontré que la lumière électrique exerce une certaine influence sur la croissance des plantes. Tout récemment encore, les essais de soudure électrique des 46e année. — 1" semestre
- sphérique est nécessairement assez large, de telle sorte que, d’une part, des interruptions de quelques minutes dans l’insolation peuvent disparaître com-plètement#dans un trait uniformément brûlé; d’autre part, l’humidité qui se dépose sur la bande, le givre qui peut recouvrir la boule, empêchent la combustion de se produire; il arrive ainsi que les indications
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- LA NATURE.
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- de l’héliographe à combustion sont faussées de quantités appréciables. On a imaginé, dans ccs derniers temps, plusieurs héliographes photographiques; celui que vient de construire le I)r Maurer. adjoint au Bureau central météorologique suisse à Zurich, se distingue par une grande simplicité dans sa forme (tig. i), et dans le relevé de ses diagrammes (fig. 2). Il se compose d’un tambour cylindrique en laiton, coupé obliquement par un couvercle fixe percé en son milieu d’une petite ouverture rectangulaire. Le fond du cylindre est mobile, et maintenu en place par une fermeture à baïonnette.
- Lorsque le cylindre est orienté de telle manière que son axe soit parallèle à l’axe terrestre, les rayons du soleil, passant par la petite ouverture du couvercle décrivent, dans une journée, un cône droit circulaire (la déclinaison du soleil étant supposée constante dans le courant du jour) autour de l’axe du cylindre. La trace des rayons sur la paroi interne de celui-ci sera donnée par l’intersection de ces deux surfaces (fig. 5). On voit aisément que cette
- trace est un cercle dont le plan est perpendiculaire à l’axe du cylindre.
- Si donc le cylindre contient une feuille de papier photographique (papier bleu ou ferro-cyanure de fer) le passage des rayons solaires sera marqué par un cercle qui, dans le dé-veloppement de la feuille, deviendra une droite.
- Voici comment on place le cylindre dans la position qu’il doit occuper. La ligne nord-sud tracée sur le couvercle est d’abord orientée dans le méridien; puis la plate-forme est nivelée au moyen des vis calantes; enfin, l’arc de cercle qui porte le cylindre est amené dans une position telle que l’index marqué sur le bâti indique, sur la division, la latitude du lieu. Si l’héliographe a été construit spécialement pour le lieu de l’observation, le couvercle est alors horizontal ; sinon, il peut être légèrement incliné sur l’horizon. Les appareils sont construits pour diverses latitudes déterminées, mais peuvent être employés, sans inconvénients, dans les latitudes qui s’en écartent de quelques degrés.
- La figure 2 montre, d’après M. J. Gamet, la série des bandes relevées à Neuchâtel (Suisse) du 10 au 50 septembre 1887. Les lignes verticales du diagramme correspondent aux heures de la journée; elles sont tracées d’avance sur le papier.
- Ces observations, d’une certaine importance en météorologie, ont l’avantage d’être d’une extrême facilité; elles présentent de plus, pour chacun, un intérêt de curiosité suffisant pour que des amateurs trouvent du plaisir à relever journellement, et à collectionner les bandes brûlées, ou marquées pho-
- Fig. ô. — Schéma de la trace circulaire des rayons lumineux.
- tographiquement par le passage des rayons solaires. On peut ainsi rassembler, d’année en année, des données parfaitement authentiques et aisées â dépouiller sur le temps qu'il fait. En y ajoutant des observations sur d’autres phénomènes, tels que la croissance des plantes par exemple, on arrivera certainement a des rapprochements intéressants.
- Cu.-Ed. Guillaume.
- L’ÉCLAIRAGE ÉLECTRIQUE
- ET LES INCENDIES
- M. Mascart, dans une très intéressante conférence, a récemment répété devant la Société de physique un certain nombre d’expériences sur les dangers possibles d’incendie par l’éclairage électrique.
- Un courant électrique peut être considéré comme un moyen de transporter de la chaleur dans le circuit qu’il parcourt; cette chaleur se distribue en partie dans les conducteurs et se localise aux points où le courant rencontre, soit des résistances plus grandes, soit des forces électromotrices à vaincre. Dans les installations d’éclairage électrique, il y a donc à se préoccuper de réchauffement inévitable des conducteurs et de la chaleur dégagée sur les lampes; il est nécessaire que cette chaleur soit disséminée d’une manière continue, afin d’éviter tout échauffement qui pourrait être dangereux.
- Pour les fils garnis d’enveloppes isolantes et placés sous moulures, la conductibilité suffit pour dissiper réchauffement, si l’intensité du courant reste comprise entre les limites adoptées par la pratique; un courant exagéré peut faire distiller les enveloppes et enflammer le bois. L’expérience est faite avec un fil nu de de diamètre,
- posé sur une planchette et en partie recouvert d’une seconde planchette. Ce fil doit conduire normalement un courant de 4 ampères environ. Le courant est porté jusqu’à 40 ampères sans que le bois commence à carboniser. Pour un courant beaucoup plus intense, le bois s’enflamme sur la partie où le fil est découvert avant de brûler sur l’autre partie, où le manque d’air ralentit l’inflammation. On sait que ces accidents sont évités d’une manière très efficace dans la pratique par l’emploi des coupe-circuits.
- Pour voir à quel point les lampes elles-mêmes seraient capables d’enflammer les étoffes et les corps combustibles placés dans le voisinage, on a disposé la série suivante d’expériences :
- '1° Le globe d’une lampe à arc (système Cance) a été enveloppé par plusieurs épaisseurs d’une étoffe légère de tarlatane verte ;
- 2° Une lampe à incandescence de 52 bougies est enveloppée de même, les plis de l’étoffe étant serrés sous la lampe par une bride de caoutchouc;
- 3° Une lampe de 32 bougies est coiffée d’un bonnet de coton à double épaisseur ;
- 4° Une autre est coiffée d’une calotte de soie noire couverte d’une calotte de velours noir ;
- 5° Une lampe est entourée d’une couche d’ouate blanche dont on a enlevé la surface gommée ;
- 6° Deux lampes sont couvertes de deux couches d’ouate gommée, blanche pour l’une et noire pour l’autre;
- 7° Une lampe de 32 bougies est placée dans un pli vertical formé par un vieux décor de théâtre;
- 8° Enfin une lampe de 300 bougies est appliquée contre un vieux décor.
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- LA N AT U UE.
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- Aucune carbonisation ni écliauffemcnt exagéré ne s'est produit en vingt minutes dans les expériences 1, 2, 5 et 7.
- Au bout d’une minute et demie, le décor de l’expérience 8 se carbonisait au contact du verre et commençait à brûler sans flamme. Au bout de deux minutes, apres distillation et carbonisation des couches d’ouate, les lampes 6 ont éclaté en enflammant l’enveloppe. En six minutes environ, le calotte de velours était carbonisée et commençait à brûler lentement; l’expérience a été prolongée plus longtemps sans briser la lampe, mais le verre était déformé. Le bonnet de coton était en partie carbonisé, au bout de dix minutes, aux points de contact et la combustion n’avait pas encore commencé.
- M. Mascart, en terminant, laisse à chacun le soin de tirer de ces expériences les conséquences qu’elles comportent pour les mesures de prudence, faciles, d’ailleurs, à prendre dans l’emploi de ces lumières.
- TRANSPORT DES DÉPÊCHES
- EN TEMPS DE GUERRE
- On a exécuté à Tours, dans les premiers jours du mois de mai, de curieuses expériences comparatives de vitesse pour la transmission des ordres et des dépêches en temps de guerre. La distance à franchir était de 4500 mètres: route de Tours à Montbazon.
- Prenaient part à la course : quatre cavaliers du 25e dragons et du 7e hussards; des vélocipédistes faisant partie du Vèloce-Club de Tours, montés de différentes façons (bicycles, bicyclettes, et tricycles) ; deux chiens de guerre, Briscfer et Turco, dressés par le lieutenant Jupin, et des pigeons voyageurs, appartenant à la Société colombophile de Tours. Afin d’éviter les accidents, les départs avaient été réglés d’une façon particulière : Turco partait le premier, 50 secondes avant Brisefer; à une demi-minute d’intervalle suivaient les cavaliers, derrière lesquels, après le même laps de temps, les vélocipédistes et les pigeons voyageurs se mettaient en route à leur tour. Le vent, assez violent, était contraire ; quelques rampes assez fortes se trouvaient sur le parcours. Malgré ces conditions peu favorables, les vitesses ainsi qu’on va le voir ont été excellentes :
- Les pigeons sont arrivés au but en 5 minutes 55 secondes ; les hussards, en 7 minutes 57 secondes ; les dragons en 8 minutes ; les chiens : Brisefer, en 8 minutes 8 secondes ; et Turco, en 8 minutes 58 secondes. Les vélocipédistes ont fourni la course dans l’ordre suivant : M. Lamballe, monté sur une bicyclette (vélocipède dont les deux roues, assez basses, sont du même diamètre), en 7 minutes 5 secondes; M. Bézard (bicycle), 9 minutes 15 secondes; M. Ringue (tricycle), en 10 minutes 50 secondes, et M. Girault (tricycle), en 10 minutes 40 secondes. Ainsi qu’on peut le voir d’après ces résultats, les pigeons sont toujours les courriers les plus rapides, et, pour de faibles distances, les cavaliers peuvent arriver aussi vite que les vélocipédistes, et plus vite qu’eux dans certains cas; ils gagnent même parfois sur les chiens quelques secondes d’avance.
- LA PHOTOGRAPHIE DES PROJECTILES
- PENDANT LE TIR
- Dans le numéro 770, du 5 mars 1888, p. 210, un de nos collaborateurs, rendant compte des expé-
- riences faites par MM. les professeurs Macli et Salcher sur les photographies des projectiles pendant le tir, mettait én doute la possibilité d’obtenir les résultats annoncés. Ce doute s'appuyait sur ce fait que la balle d’un fusil, animée d’une vitesse de 500 mètres par seconde, se déplace de 5 millimètres en 1/100000 de seconde. Il semblait difficile d’obtenir une étincelle un peu forte1 d’aussi courte durée avec quelque netteté, puisque les traits seraient étalés de 5 millimètres.
- Les ligures jointes au mémoire de M, Maeli étaient, pour notre collaborateur, et sont en effet, comme on va le voir, des lithographies dessinées à la main, mais non des photogravures de photographies directement, obtenues.
- Cet article nous a valu de la part de M. Machune lettre et une note fort intéressante. La lettre rétablit les faits et la note indique la méthode employée ; nous résumerons la première et nous reproduirons la seconde in extenso pour rendre hommage a la vérité et dissiper les doutes qui pourraient encore exister sur des travaux remarquables et encore assez peu connus en France pour expliquer les réserves faites par notre collaborateur.
- Les photographies originales — nous en avons une sous les yeux — sont très petites et n’ont pas plus de 5 à 4 millimètres de diamètre.
- Ces photographies originales, d’une remarquable netteté, ont été agrandies jusqu’à 19 millimètres de diamètre, mais cet agrandissement photographique laissait alors apparaître les petites taches et les irrégularités de la couche photographique de l’original. C’est d’après ces agrandissements que M. Reisek a dessiné très soigneusement à la main les gravures lithographiques qui accompagnent le mémoire de MM. Mach et Salcher.
- Voici maintenant la reproduction de la note que nous a adressée M. le professeur Mach.
- PHOTOGRAPHIE DE I.A CONDENSATION ET DE LA DÉFORMATION DE l’AIR PAR UN PROJECTILE PENDANT LE TIR par MM. Mac» et Sai.ciier
- Dès 1884, M. le docteur E. Mach, professeur à l’Lni-versité de Prague, obtenait, avec la collaboration de son élève, M. AVentzel, des images photographiques nettes d’un projectile pendant le tir, ainsique de l’onde aérienne sonore produite par l’étincelle électrique, mais il ne pouvait ni voir ni fixer photographiquement l’onde de condensation aérienne produite par le mouvement rapide du projectile et qui devait nécessairement le précéder.
- M. Mach était convaincu que la faible vitesse initiale du projectile, — 240 mètres par seconde — la plus grande qu’il fût possible d’obtenir dans un laboratoire situé au milieu de la ville, était la seule cause d’insuccès.
- En partant de ces expériences, en quelque sorte préliminaires, et en s’appuyant sur une série de recherches faites de 1875 à 1884, M. Mach indiqua alors à M. le professeur P. Salcher, de Fiume, les conditions dans lesquelles il fallait se placer pour réussir, insistant plus particulièrement sur la nécessité d’opérer sur des projec-
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- tiles dont lu vitesse soit plus grande que celle du son ; M. Mach indiquait même l’allure du phénomène, et priait son collègue, mieux installé que lui pour de semblables recherches , de vouloir bien entreprendre cos expériences.
- M. le professeur Salcher lit ces expériences, en collaboration avec M. le professeur A. L. Riegler, à l’Académie royale de Fiu-me, dans le courant de l’année 1886, avec différents projectiles de fusil et des vitesses initiales
- Fig. 1. Diagramme du procédé de photographie des projectiles pendant le tir.
- scure sur un fond plus clair. (Le principe optique mis en jeu est le même que celui de la méthode de Foucault pour l’examen des miroirs, modifiée par Toepler.)
- Les phénomènes dont la photographie recueille la trace est analogue à celui des ondes produites dans l’eau par un vaisseau en mouvement. Le projectile (lig. 2) précédé d’une onde de condensation cc, est suivi de tourbillons d'air il, et d’ondes de dilatation dd, dues à l’air échauffé.
- variant entre 458 et 550 mètres par seconde.
- La figure 1 montre le principe et les dispositions d’ensemble de la méthode employée.
- Le projectile p, passant entre les deux extrémités d’un circuit dans lequel est intercalée une bouteille de Leyde B, décharge cette bouteille en produisant deux étincelles simultanées en I et en II. La lumière de l’étincelle 11 éclairant le projectile et l’air ambiant tombe sur l’objectif d’une grand lunette L formant l'image IF de cette étincelle sur l’objectif de l’appareil photographique A.
- Grâce à cette disposition, on reçoit des images nettes et de grande intensité avec des étincelles très petites et de très courte durée. L’appareil photographique A est à court foyer pour donner des images très petites, telles que la lumière de l’étincelle soit suffisante.
- Mais pour obtenir Yonde de condensation, il faut prendre une autre précaution indispensable : il faut intercepter partiellement l'image IF avec le bord d’un écran F. L’air refoulé et condensé a un indice de réfraction plus grand que sa valeur normale. Suivant les positions relatives du point lumineux et du projectile au moment de l’étincelle, la lumière passant près du bord de l’écran dans l’appareil photographique produira une image claire de l’air sur un fond plus obscur, ou une image ob-
- phique (les projectiles pendant le tir.
- tig. 5.
- Reproduction des photographies
- Fie. 1.
- ne projectiles pendant le tir. du fusil Werndl. Vitesse, 438 mètres par seconde. L’onde de condensation est vue à l’avant du projectile. — Fig. 4. Projectile conique du fusil Werndl. Vitesse, 458 mètres par seconde. A l’avant de la pointe, onde de condensation. — Fig. o. Projectile Wernld, photographie montrant les électrodes et les ondes de condensation.
- L’idée première de ces expériences remonte d’ailleurs à U année 1881. M. Macli résumait devant la Société française de physique (séance du 23 septembre 1881) ses recherches sur les ondes sonores aériennes produites par l’étincelle électrique, tandis que, par une singulière coïncidence , Melsens, de Bruxelles, faisait connaître ses expériences sur la résistance de l’air au mouvement des projectiles. Melsens considérait alors comme incontestable la présence d’une proue d’air précédant un mobile et se mouvant avec elle. Les expériences de M. Mach ont continué les vues de Melsens eu
- Fig. 5.
- Fig. 5. Projectile
- utilisant ingé-
- Fig. C.
- Fig. 7.
- Reproduction des photographies de projectiles pendant le tir. fusil Gneder. Vitesse, 550 mètres par seconde. On voit des ondes de dilatation et des tourbillons à l'arrière du projectile. —• Fig. 7. Projectile du fusil Gneder. La ligne verticale représente les électrodes ; les ondes de condensation se voient autour du projectile. — Fig. 8. Projectile du fusil Gneder. Ondes de dilatation, électrodes et tourbillons à l'arrière. A l’arrière, on voit une onde sonore produite par l’étincelle.
- meusentent la photographie et l’électricité à l’inscription du phénomène dans des conditions telles que son existence ne laisse plus aucun doute. La note de M. Mach et la reproduction des dessins de M. Reisek (lig. 5 à 8) permettent de se faire une idée du procédé 'aussi simple tju’ingénieux employé par l’auteur pour obtenir des résultats si merveilleux, qu’ils avaient paru, pour quelques-uns, presque invraisemblables.
- Fig. 8.
- Fig. 6. Projectile du
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- TOURELLE k ÉCLIPSE
- A CONTREPOIDS ACCUMULAT EU R
- Pour compléter notre étude des tourelles1, étude d’importance majeure au point de vue des intérêts de la défense du territoire national, il convient d’exposer à nos lecteurs l’économie générale de la tou* relie à éclipse, à contrepoids accumulateur.
- Le colonel Bussière, inventeur de ce système, en avait fait l’objet d’un premier mémoire qui fut soumis, en 1871, à l’appréciation du Comité du génie et dont l’analyse se trouve insérée dans le n° 25 du Mémorial de l’arme. Ultérieurement, en 1885, l’in-
- venteur, qui avait remanié et perfectionné son ingénieux dispositif, en présenta derechef le projet rédigé en tous détails d’exécution. Une médaille d’or lui fut, à ce propos, décernée en 1880. La tourelle Bussière vient d’être, non sans succès, soumise aux expériences du camp de Châlons et nous ne saurions omettre de mentionner la manière très brillante dont elle s’est comportée.
- Mais commençons par en donner une description sommaire. 11 est acquis à l’expérience que, toutes choses égales, une muraille verticale n'est pas sensiblement plus vulnérable qu’un cuirassement tenu à une inclinaison quelconque, et cette observation a permis à l’auteur de donner une forme cylindrique
- à la cuirasse de sa tourelle. Ce cuirassement, qui mesure lra,20 de hauteur totale et 0m,45 d’épaisseur moyenne, est composé de trois secteurs de métal mixte, assemblés à rainure et languette suivant des génératrices verticales.
- Quant à la toiture, de 0m,24 d’épaisseur moyenne, elle se compose d’un disque en deux pièces reposant sur le pourtour de la cuirasse verticale, et elle est assujettie dans un encastrement par le moyen d’un système de fortes vis qu’on a frappées obliquement afin de ne pas affaiblir la tranche supérieure de la muraille cylindrique. Cette toiture, il convenait de la tenir absolument plate, attendu que, étant don-
- 1 Yoy. n°547, du 24 novembre 1885, p. 406; n° 683, du 5 juillet 188G, p. 70; et n° 778, du 28 avril 1888, p. 337.
- née son horizontalité, elle n’est plus exposée qu’aux effets du tir vertical, beaucoup moins dangereux que ceux du tir de plein fouet, comme l’ont démontré les expériences du polygone de Cotroceni (Bucarest).
- Les parois du puits cylindrique, enveloppant toute l’ossature de l’appareil, sont en maçonnerie de béton de ciment et meulière. La partie supérieure en est protégée par une margelle en fonte durcie ou en acier coulé, noyé dans le béton, margelle que prolonge un jupon en plaques de blindage cintrées et aussi noyées dans le béton. Ce jupon est fait pour protéger les basses-œuvres de la maçonnerie du
- Puits- i':\
- Anatomisons cette ossature. s \
- La cuirasse cylindrique repose sur une forte epu-
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- ronne en acier, garnie d’un matelas de plomb destiné à assurer une égale répartition des poids et à atténuer l’intensité des c.liocs. Ladite couronne constitue le bord supérieur d’une virole (en tôlerie d’acier) établie en prolongement de la cuirasse vers l’intérieur du puits. Cette virole est renforcée par des montants et par des entretoisements horizontaux; le plus élevé de ceux-ci constitue le plancher de la chambre de tir et reçoit les flasques des affûts.
- Le guidage vertical est obtenu, à la partie supérieure, par le moyen d’une couronne de centrage munie de galets à axes verticaux, scellés dans la maçonnerie du puits, couronne dans laquelle se meut la virole porte-cuirasse. Les galets directeurs sont à centrage réglable et, par conséquent, organisés de façon a permettre d’assurer à la tourelle une position rigoureusement verticale. A la partie inférieure, le pivot de l’appareil glisse à frottement doux dans une lunette de centrage portée par un plancher métallique, solidement encastré dans la maçonnerie.
- , Une collerette en acier, à position réglable, est 'disposée au-dessus de la couronne de centrage à galets. Pourvue d’une gorge, sa lace intérieure ne laisse subsister qru’un millimètre de jeu à l’entour de la face extérieure de la virole porte-cuirasse. De là un joint assez étanche peut s’opposer à l’introduction des gaz extérieurs dûs à l’explosion des projectiles ennemis ou au tir des pièces de la tourelle.
- Le poids total de la partie mobile de l’ouvrage — cuirassement, bouches à feu, personnel et approvisionnements compris — est d’environ 180 000 kilogrammes. Cette partie mobile a pour support une presse hydraulique dont le cylindre est solidaire de la partie inférieure du pivot en tôlerie et qui — moyennant le jeu d’une tuyauterie convenablement organisée — est mise en communication avec un
- O
- contrejmds accumulateur.
- Destiné à équilibrer la majeure partie du poids de la tourelle cuirassée et à réduire ainsi au minimum possible le travail moteur à développer au moment des manœuvres de mise en batterie ou d’éclipse, ce contrepoids accumulateur — logé dans une cave voisine du puits de la tourelle — se compose d’un cylindre vertical mobile de O™,50 de diamètre intérieur, lesté par des rondelles de fonte constituant une charge de 68 000 kilogrammes et reposant sur un piston différentiel dont la tige mesure 0rn,26 de diamètre, La partie inférieure de celle-ci se trouve encastrée dans un socle scellé lui-même dans la maçonnerie.
- La tige du piston de l’accumulateur — qui est creuse — met en communication l’intérieur du cylindre avec celui de la presse de soulèvement de la tourelle. Un second conduit, également enfermé dans la tige de ce piston, se relie avec un appareil de manœuvre à soupapes, appareil qui permet d’établir, à volonté, la communication entre ce conduit et le premier, ou de le mettre à l’évacuation. Il suit de là que le poids de la partie mobile de l’accumu-
- lateur est reporté : tantôt, sur toute la surface du piston de 0m,50 de diamètre; tantôt, sur la surface réduite de la tige de 0m,26. La pression de l’eau qui s’y trouve contenue varie ainsi de 96 à 128 kilogrammes par centimètre carré. Les efforts correspondants, exercés sur le piston de la presse de soulèvement de la tourelle, sont respectivement de 160 000 ou de 215 000 kilogrammes à l’état statique.
- Dans le premier cas, si la tourelle est en batterie, son poids l’emporte sur celui de l’accumulateur et, nécessairement, elle s’éclipse; au second cas, la tourelle éclipsée monte en batterie sous l’action prépondérante de l’accumulateur. La commande de ces manœuvres se fait d’un poste situé au niveau du plancher d’approvisionnement ; et ce, au moyen de volants à manettes.
- Telle est, rapidement esquissé, l’organe essentiellement original de la tourelle Bussière, organe dont le jeu permet d’obtenir l’éclipse quasi instantanée d’une masse métallique considérable. La hauteur d’éclipse ou course de la tourelle de la position de repos à la position de combat, et réciproquement, est de 80 centimètres. Le soulèvement et la mise en batterie ne demandent ensemble qu’un intervalle de temps de sept secondes; l’éclipse n’en exige que cinq. En ajoutant à la somme de ces nombres un chiffre de deux secondes représentant le temps de l’ordre, on obtient le total de quatorze secondes pour l’apparition de la muraille métallique, pour le tir des pièces qu’elle abrite et, enfin, pour son éclipse. Les embrasures — partie faible de la tourelle — se trouvent éclipsées quatre secondes après le coup tiré.
- Ces chiffres ont leur éloquence.
- Le mouvement de rotation de la tourelle s’obtient à bras, à la vapeur, ou à l’aide d’appareils hydrauliques. Il ne s’exécute d’ailleurs que durant les éclipses, car le pointage se fait à l’abri des coups de l’artillerie ennemie.
- Appelée à tirer sur une cible composée de quatre panneaux de 6 mètres de haut sur 2 mètres de large, la tourelle Bussière a mis, à 2800 mètres, dix-neuf fois sur vingt dans les panneaux du centre. A son tour, elle a servi de cible à des bouches à feu qui ne l’ont point ménagée; les batteries de l’attaque l’ont abîmée de coups, mais ces coups, elle les a vaillamment supportés. La tourelle Bussière n’est point, tant s’en faut, hors de service et l’on peut dire qu’elle est sortie à son honneur de ses épreuves du camp de Chàlons.
- Lieutenant-colonel IIenneiîert.
- STATISTIQUE
- LE MOUVEMENT DE LA POPULATION EN ALLEMAGNE Par M. Cil. Grau1.
- Au dernier recensement fait le 1er décembre 1885, l’empire d’Allemagne comptait une population de
- 1 A'ous empruntons ces documents statistiques à un nouvel
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- 46 855 000 habitants. En 1870, le nombre d’individus présents sur le même territoire s’élevait à 40 816 000, en tenant compte des provinces nouvellement annexées de l’Alsace-Lorraine. 11 y a donc eu, dans l’espace de quinze ans, une augmentation de 6 059 000 sujets, répondant à un accroissement total de 402 600 et à un accroissement proportionnel de 1 pour 100 par année moyenne. Si l’on tient compte de l'émigration constatée pour les pays d’outre-mer, l’accroissement effectif atteint le nombre de 496 825 individus, voire 555 444 si l’on considère l’excédent annuel moyen des naissances sur les décès. Après les traités de 1815, les pays de la Confédération germanique, qui font partie de l’Allemagne unifiée d’aujourd’hui, ne réunissaient en tout que 24 millions d’habitants. Si la progression constatée de 1871 à 1880 continuait dans la même proportion, ils pourraient en avoir 170 millions au commencement du vingtième siècle de notre ère, soit une densité moyenne de 515 individus par kilomètre carré, au lieu de 86 en 1885. Comparé aux progrès de l’empire allemand, le mouvement de la population en France reste à peu près stationnaire, atteignant à peine le total de 57 521 000 sujets lors du recensement de 1881, contre 52 560 000 eu 1851, cinquante années auparavant, soit une augmentation annuelle de 0,2 pour 100 dans l’intervalle des deux derniers relevés quinquennaux, c’est-à-dire six à sept fois plus faible en France qu’en Allemagne...
- Sur 1 246 691 individus soumis à la révision annuelle de 1876 à 1885, il y a eu annuellement 542 845 hommes âgés de vingt ans, 569 915 âgés de vingt et un ans, 272 594 âgés de vingt-deux ans, le reste au-dessus. Parmi ces hommes, 157 017 ont été appelés sous les drapeaux, tandis que 82 100 se sont trouvés exempts à un titre quelconque. La proportion des individus exempts ou réformés pour défauts corporels a atteint 6,6 pour 100 en moyenne. Pendant les quatre années de 1871 à 1874, les exemptions ont été :
- roua : 1871 1872 1873 1874
- Défauts visibles.......... 9 506 10 052 9 968 9 5ô2
- Incapacité permanente . . 33 074 30 715 29026 28104
- En résumé, l’étude du mouvement de la population en Allemagne fait constater, avec un total de 46 855 000 habitants recensés en 1885, la présence de 86 individus par kilomètre carré, au lieu de 72, moyenne de la France. Année moyenne, de 1871 à 1880, le nombre total des naissances, ayant été de 957 245 en France, a atteint 1 771 554 ou près du double dans l’empire allemand. Un mariage en Allemagne donne 5 enfants, contre 5 en France. Chaque année, l’Allemagne compte 1 naissance sur 25 habitants, la France 1 sur 57. Par contre, le nombre des mariages s’élève chez l’un et l’autre peuple à 8 environ par an et par 1000 habitants. Sur 100 femmes nubiles en Allemagne, 52 seulement sont mariées, 5 divorcées ou veuves, 45 filles. Au nombre de 10 550 140 dans tout l’empire, les femmes nées entre les années 1825 à 1865, âgées de dix-sept à cinquante ans, représentent 21 pour 100 de la population totale. Le nombre des enfants au-dessous de quinze ans étant de 54 pour 100 habitants en Allemagne, contre 27 en France, la
- et remarquable ouvrage de M. Charles Grad, Le jjeup/e allemand, ses forces et ses ressources, 1 vol. in-18 (Paris, librairie Hachette et Ci<!, 1888), ouvrage que tous les Français devraient lire et méditer pour avoir conscience de ce que sont nos voisins d’outre-Rhin, et de ce qu’il nous faut de travail, d’union et de volonté, pour maintenir notre pays au rang qu’il doit tenir parmi les nations. G. T.
- proportion des adultes, en état de travailler et de produire, est supérieure chez les Français, quoique les Allemands aient l’avantage du nombre total.
- ——
- LA BASTILLE
- ET LA RUE SA l.\ T-ANTOINE EN 1789
- On s’intéresse beaucoup à notre époque à la restitution des souvenirs historiques ; il n’est pas étonnant qu’à l’approche du centenaire de la prise de la bastille, on se soit occupé spécialement d’un monument qui a joué un grand rôle à travers les âges, et qui a vivement attiré l’attention des historiens, des archéologues et des érudits. A la suite des nombreux écrits qui ont été publiés dans ces dernières années sur la Bastille, un architecte de talent, M. Colibert, ancien élève de Yiolet-le-Duc, résolut de faire revivre en quelque sorte le vieux quartier de la Bastille et de la porte Saint-Antoine, en le reconstruisant de toutes pièces et comme en fac-similé. Pour mener à bien cette entreprise historique et artistique, il fallait, outre les études nécessaires, un emplacement disponible et des capitaux importants. Un grand industriel du département de Saône-et-Loire, fabricant de terres cuites souvent remarquées, M. Perrusson, amateur éclairé des questions historiques, offrit à M. Colibert son concours, pour réaliser en commun le projet, on pourrait presque dire le rêve de ce dernier1.
- Voilà comment le public est invité actuellement à visiter, au coin des avenues de Suffren et de La-mothe-Picquet, la Bastille et la rue Saint-Antoine reconstituées, à peu près telles que nos grands-pères pouvaient les voir il y a un siècle.
- L’inauguration des curieuses constructions et restitutions de MM. Colibert et Perrusson a eu lieu le 10 mai dernier; il nous paraît intéressant de signaler à nos lecteurs cette entreprise vraiment remarquable, appelée, à ce que nous croyons, à obtenir un grand succès de curiosité à l’occasion de l’Exposition universelle de 1789.
- On pénètre au 80 bis, avenue de Suffren, dans la rue Saint-Antoine reconstituée, par la porte de la Conférence, et une fois qu’on a franchi cette porte, on se trouve vraiment'reporté à cent ans en arrière. A droite, à gauche, on admire les anciennes maisons avec leurs auvents, leurs fenêtres à petits carreaux, les découpures singulières de leurs toits; au fond, on aperçoit les tours de la Bastille avec des boutiques appuyées contre le monument.
- Parmi les maisons historiques reconstituées par M. Colibert, nous citerons l’hôtel de Mayenne qui fut bâti par du Cerceau pour Charles de Lorraine. Henri de Lorraine, duc de Mayenne, son fils, y demeura jusqu’en 1621. Cet hôtel existe encore rue Saint-Antoine; on peut le voir actuellement, il porte le n° 212. Sur la porte d’entrée, on a construit tout
- 1 Nous empruntons ces documents à une intéressante brochure de M. G. Remy, Histoire de la Bastille et de la rue Saint-Antoine avant 1789. Paris, imprimerie Mercadier, 1888.
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- un premier étage reliant entre eux les deux anciens pavillons d’angle. L’ancienne résidence du duc de Mayenne est aujourd’hui l'Hôtel des Francs Bourgeois; elle abritait, il y a quelques années, les élèves de l’Institution Favard.
- Parmi les monuments les plus importants de la reconstitution, le visiteur trouve à sa droite une grande église : elle était, il y a un siècle, la résidence des Filles de la visitation de Sainte-Marie, instituées jadis par saint François de Sales, évêque et prince de Genève en 1610. Dès leur premier établissement, elles furent appelées Filles de la visitation, parce qu’elles s’occupaient a visiter les malades et les pauvres1. Dans la reconstitution de M. Coli-bert, l’église abrite un panorama ou le visiteur assiste aux principaux événements de la Révolution.
- Toutes les maisons, toutes les boutiques de la rue Saint-Antoine et de la Bastille reconstituées sont peuplées de charlatans, de marchands et de saltimbanques en costumes du temps, qui vendent des objets de l’époque et qui remplissent avec toute la couleur locale possible le cadre qu’ils animent. Sans insister sur le côté pittoresque et amusant de l’entreprise, nous voulons placer sOus les yeux de nos lecteurs quelques documents qui leur permettront de se faire une idée absolument exacte de ce qu’était la Bastille il y a un siècle.Ci-contre (fig. 1) nous reproduisons, en le réduisant considérablement, le fameux plan dePalloy qui donne l’aspect réel de la place de la Bastille en 1789.
- A l’origine, la Bastille était l’entrée de la ville, et ne consistait qu’en deux tours construites sous le
- 1 Description historique de la ville de Paris et de ses environs, par feu Piganiol de la Force. — Nouvelle édition, cinquième. 1775.
- règne du roi Jean. Par la suite on éleva deux autres tours de retraite en face, et parallèles aux premières. Ces tours furent construites sous les règnes de Charles Y et de Charles VI. En 1585, l’édifice fut entièrement achevé; on y ajouta quatre nouvelles tours et il prit le nom de Bastille qu’il ne cessa de garder jusqu’à sa démolition.
- Sous le règne de Louis XIV, les fossés et les fortifications furent réparés, les boulevards continués. Ces travaux furent exécutés aux frais des bourgeois de Paris. Sous Louis XV, on construisit le batiment de l’état-major. La Bastille était couverte
- de canons, ce qui lui donnait l'aspect d’une véritable forteresse.
- « L’aspect extérieur de la reconstitution , dit L. G. Rémy, étant absolument semblable à celui que présentait la véritable Bastille, l’intérêt n’eût pas été augmenté par la vue de la cour intérieure, sorte de puits sombre sans aucun caractère; les constructeurs ont donc songé à tirer parti de cette surface disponible et en ont fait une grande salle dans laquelle , grâce à une scène ménagée à l’extrémité, le public pourra assister à des concerts, à des ballets, à des représentations théâtrales, voire même à des conférences. On dansera, au besoin, dans l’in -rieur de la Bastille et cette antithèse rappelle la fameuse fête de la Fédération dont l’attrait principal était l’enceinte, réservée aux ébats chorégraphiques , établie sur l’emplacement de l’ancienne prison. Cette enceinte était limitée par de hauts peupliers sur lesquels on avait apposé des affiches portant ces mots : Ici on danse. La décoration intérieure de la salle produira, surtout aux lumières, le plus gracieux effet. Sans vouloir entrer dans une description qui resterait incomplète, nous ne pouvons passer sous silence
- Fig. 1. — Plan de la Bastille, en 1789. ID’après Palloy.)
- 1. Tour du Coin. — 2. Tour de la Chapelle. — 3. Tour du Trésor. — 4. Tour de la Comte. — 3. Tour du Puits. — 6. Tour de la Liberté. — 7. Tour de la Bertaudière. — 8. Tour de la Basinière. — 9. Salle du Conseil. — 10. Bibliothèque. —11. Chapelle. — 12. Dessous des Archives. —13. Corps de garde. —14. Ancienne porte de ville. — 15. Porte allant au bastion.
- — 16. Pont-levis de la porte d’entrée. — 17. Cour du puits. — 18. Grande cour. — 19. Cuisines. — 20. Cour du gouvernement. — 21. Logement du gouverneur. — 22. Chemin des rondes. — 23. Bastion et jardin. — 24. Porte d’entrée du passage. — 25. Invalides dessous la salle d’armes.
- — 26. Porte de la cour de l’Orme. — 27. Boutiques particulières. — 28. Écuries et remises. — 29. Pont-levis de l’avancé. — 50. Grille sur le jardin de l’arsenal. — 31. Terrasse et promenoir. — 32. Corps de garde de l’avancé. — 33. Belvédère et parloir. — 34. Escalier des fossés extérieurs. — 33. Escalier des fossés intérieurs. — 36. Donjon.
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- le plafond sur le fond bleu duquel une multitude | M. Coliberl n'a pas reconstitué la Bastille et la de Heurs de lys d’or forme un semis charmant. » i rue Saint-Antoine, dans leurs proportions exactes.
- Fig. 2. — Yue de la Bastille, en 1781). (D’après un ancien dessin de Sergent.)
- (D’après une ancienne gravure de Janiuet.)
- Fig. 1. — Vue de la reconstitution de la Bastille et de la rue Saint-Antoine, avenue Sufl'ren, à Paris. (Dessiné d’après naturo
- avec autorisation spéciale du concessionnaire.)
- et son œuvre est en réalité une réduction de ce qui existait réellement. Les maisons ne sont pas à l’échelle véritable, et les boutiques de la place de la
- Bastille s’appuient sur le monument tandis qu’elles en étaient séparées par un saut de loup. La réduction n’en est pas moins très intéressante, très instructive
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- et très digne d’être visitée. Nous publions ci-contre la reproduction de deux anciens dessins de Sergent (lig. 2 et 5); nous donnons en outre (flg. 4) la vue d’ensemble de la construction de M. Colibert. Cette construction est actuellement ouverte au public: elle attire déjà de nombreux visiteurs et ne sera pas une des moindres curiosités de l’Lxposition de 1889.
- Gaston Tissandier.
- DES VARIATIONS DU CLIMAT
- ET DE LEURS CAUSES (Suite et fin. —Voy.p. 542 et 57t.)
- Nous nous bornerons à l’examen d’une seule des causes astronomiques passées en revue par Arago et reprises par son contradicteur. La révolution de la ligne des apsides, qui est une conséquence de la précession des équinoxes, déplace périodiquement le périhélie. La plus courte distance du Soleil à la Terre qui, aujourd’hui, coïncide à fort peu près avec notre solstice d’hiver de l’hémisphère boréal, change progressivement de position relativement aux points solsticiaux et équinoxiaux. La superposition des saisons solsticiales et des saisons héliaques se fait donc elle-même dans des conditions perpétuellement variables. Tantôt le périhélie tombe au milieu des deux saisons hivernales : c’est le cas actuel, ou peu s’en faut, et alors il y a compensation, pour notre hémisphère, entre la diminution de chaleur due à l’inclinaison de l’axe et à l’accroissement qui résulte de la plus faible distance. Quand, un jour, le périhélie coïncidera avec le milieu des saisons estivales, le contraire aura lieu, les accroissements de chaleur dus à ces deux causes réunies s’ajouteront au lieu de se compenser, etc.
- Comment, sur un point aussi net, deux savants tels qu’Arago et Jean Reynaud ont-ils pu différer d’opinion au point d’arriver à des conclusions opposées? Arago, on l’a vu plus haut, soutient que, dans tous les cas, il y a compensation, que le périhélie tombe en janvier ou tombe en juillet. Si, d’un côté, l’intensité de la chaleur reçue du Soleil augmente par le fait de la diminution de la distance, d’autre part, la quantité totale diminue parce qu’alors la vitesse de translation de la Terre augmente et la durée de la saison diminue. Il y a, dit-il, une compensation rigoureuse, entre les deux phénomènes.
- Si la quantité absolue de chaleur reçue par la Terre dans les diverses positions quelle occupe sur son orbite, était seule cause des différences que les saisons présentent entre elles, Arago serait dans le vrai. En effet, l’intensité de la radiation solaire varie en raison inverse du carré de la distance ; d’autre part la vitesse angulaire de la Terre, son mouvement en longitude suivent la même loi. De sorte que la quantité de chaleur reçue dans un intervalle de temps donné est proportionnelle à cette vitesse angulaire. D’où cette autre conséquence : toute ligne qui passe par le Soleil coupe l’orbite terrestre en deux parties que
- notre globe parcourt en recevant des quantités totales de chaleur égales entre elles. D’un solstice à l’autre, la chaleur reçue est la même, soit que l'on passe par l’équinoxe du printemps, soit que l’on passe par 1’équinoxe d’automne. Même chose, si l’on considère la ligne des équinoxes, ou encore le grand axe ou ligne des apsides.
- Ainsi la Terre, en chacune des quatre saisons, reçoit le quart de la quantité annuelle de chaleur versée par le Soleil, quelle que soit la position du périhélie; et comme cette quantité annuelle totale est elle-même ou peut être regardée comme invariable, il est parfaitement exact de dire, comme Arago, que la compensation est exacte, soit que le périhélie tombe en janvier, soit qu’il tombe en juillet.
- Oui, mais ce n’est pas la quantité absolue de chaleur qui donne leur caractère aux saisons, c’est la distribution de cette chaleur entre les deux hémisphères. Ce n’est pas la température moyenne de chaque saison qu’il faut considérer, mais les maxima ou les minima auxquels elle monte ou descend; c’est en outre la rapidité plus ou moins grande du mouvement thermique ascendant ou descendant. Telle est l’opinion qu’a soutenue Jean Reynaud et qui l’a amené à une conclusion tout autre que celle d’Arago. Sir John Herschel s’est prononcé dans le même sens, et il en tire cette conséquence qui nous paraît très fondée, que les grandes variations d’excentricité doivent produire des effets marqués sur le caractère des saisons des deux hémisphères. Dans la suite des temps, l’excentricité de l’orbite terrestre qui, aujourd’hui donne I 200000 lieues pour la différence des distances aphélie et périhélie, peut s’élever à une valeur quatre fois et demie aussi grande, égale à plus de 5 000 000 de lieues : « Alors, dit Ilerschel, dans l’hémisphère nord (en admettant la même situation du périhélie qu’au-jourd’hui) on aurait un hiver court et très doux, avec un été long et très frais, c’est-à-dire comme un printemps perpétuel ; tandis que l’hémisphère sud serait cruellement éprouvé et deviendrait peut-être inhabitable par suite des conditions extrêmes de température. Il arriverait, en effet, que la moitié de la chaleur annuelle se concentrant dans un été de très courte durée, l’autre moitié se distribuerait dans un long et triste hiver, rendu intolérable par l’intensité du froid toujours croissant, en raison du plus grand éloignement du Soleil. » Herschel continue en faisant observer qu’en conséquence de la précession des équinoxes, combinée avec le mouvement séculaire du périhélie, l’état thermique des deux hémisphères, nord et sud, se trouverait renversé dans l’espace d’environ onze mille ans, et que, dans les immenses périodes du passé considérées par des géologues, de pareilles alternatives de climat doivent s’être produites, non une fois seulement, mais probablement des milliers de fois. « Il n’est pas impossible, ajoute l’astronome, que quelques-unes des différences de climat dont on trouve les indications pour les temps anciens, ne se rapportent en partie
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- du nioins à la cause que nous venons de signaler.»
- Dans ces dernières lignes, il est fait allusion sans doute aux périodes glaciaires. C’est là un problème particulier dépendant du problème général de la variation des climats, dont Croll a cru trouver précisément la solution dans des variations de l’excentricité terrestre, mais, hàtons-nous de le dire, pour des périodes excessivement plus longues que celles de la précession et du mouvement du périhélie, à fortiori (pie la courte durée des temps historiques.
- Kn nous restreignant à cette question limitée, il n’eu est pas moins vrai, croyons-nous, que Jean Reynaud a eu raison de penser que les climats terrestres ont pu subir une variation dont il reste à chercher les traces dans les phénomènes naturels que la tradition a pu transmettre j usqu’à nous.
- Toutefois il y a une réserve à faire, une correction à introduire dans les calculs de Jean Reynaud. Il y a lieu de rectifier les dates qu’il a assignées aux époques critiques citées par lui. Cela vient de ce ([ue le savant philosophe n’a tenu compte que du mouvement de précession, et n’a point fait entrer en ligne de compte le mouvement du périhélie qui abrège la période de révolution de l’axe des apsides relativement à la ligne des points équinoxiaux. Ce n’est plus de 25,896 ans qu’il faut parler, mais seulement de 21,500 ans environ.
- En introduisant cette correction dans les calculs, on trouvera que c’est vers .1250 et non en 1122 que le périhélie s‘cst trouvé en coïncidence avec le solstice d’hiver de l’hémisphère boréal. Cette différence d’un peu plus de 120 ans ne change rien à l’argumentation de Jean Reynaud; c’est toujours à cette époque éloignée de nous d’un peu plus de dix siècles que nos saisons extrêmes ont du présenter un certain caractère de modération, et c’est avant ou depuis qu’il resterait à prouver, par les faits historiques, que les climats étaient ou sont devenus plus tranchés, les hivers plus rigoureux et les étés plus chauds.
- En se reportant aux preuves données d’un côté par Arago, par J. Reynaud de l’autre, on ne peut s’empêcher de reconnaître qu’il y a du pour et du contre. Arrivera-t-on à recueillir des documents plus abondants et plus décisifs ? C’est ce qu’il est difficile de prévoir.
- Pour conclure, ou du moins pour dire notre sentiment sur une question aussi difficile et aussi délicate, nous nous bornerons à faire une remarque. Toutes les causes de variations de climat qu’on a énumérées jusqu’ici (et il en est de fort importantes que, pour nous borner, nous avons dïi passer sous silence) sont des causes qui agissent avec une grande lenteur, dont les effets doivent être pour ainsi dire insensibles, ou, ce qui revient au même, ne peuvent devenir sensibles qu 'après de longues périodes de temps. Dès lors, c’est ailleurs qu’il faut chercher les raisons de ces variations brusques, à courtes périodes, telles qu’on peut les constater dans la brève existence de deux ou trois générations.
- Nous convions les lecteurs de La Nature que ces problèmes de physique du globe intéressent à les étudier, à en reprendre à nouveau l’examen, en partant, comme nous l’avons fait ici, des recherches des savants que nous avons cités et en y joignant celles des météorologistes qui s’en sont occupés depuis. Une telle étude ne peut être que fructueuse.
- Aîiédke Guillemin.
- AVERTISSEUR UNIVERSEL
- SYSTÈME h. D I O E OIX
- Nous avons décrit en son temps le système des avertisseurs d’incendie employés par la ville de Paris1. Ces appareils ne peuvent et ne doivent être employés qu’à signaler les incendies en indiquant d’une façon approximative l’endroit vers lequel les pompiers doivent se diriger.
- Le problème que s’est proposé de résoudre M. Di-geon est plus complexe et consiste, au moyen d’appareils très simples, à relier des postes de secours, postes de pompiers, de police, casernes, forts, etc., à un ou plusieurs points quelconques formant postes d’appel, laissés à la disposition du public et lui permettant de se mettre en communication téléphonique avec les postes de secours. Toute personne peut se servir du système sans étude préalable, ni connaissances spéciales. Le circuit sur lequel sont montés les appareils esta courant continu, ce qui permet de constater immédiatement tout dérangement.
- Les postes principaux comprennent, outre le téléphone et la sonnerie, deux appareils spéciaux : l’avertisseur et le commutateur automatique.
- Le premier (fig. 1, A) se compose d’un électro-aimant dont l’armature glisse sur des prolongements en cuivre portés par les noyaux. Sur cette armature sont soudées deux petites tiges qui viennent frotter contre deux lames flexibles en cuivre, lorsque, le courant ne passant plus dans l’électro-aimant, l’armature obéit au ressort antagoniste. Le circuit local d’une sonnerie se trouve ainsi fermé. Une manette à bouton sert à couper ce circuit dès que l’appel a été entendu. Une tige soudée à l’armature, et qui sort de la boîte renfermant l’appareil, permet de ramener l’armature au contact des noyaux et de replacer la manette dans sa position normale.
- Le commutateur automatique (fig. 2, B) se compose simplement d’un levier qui bascule autour d’un pivot. Il prend deux positions différentes, suivant que le téléphone est accroché ou non à l’une de ses extrémités et passe par une position intermédiaire (celle indiquée sur le diagramme fig. 5, poste G) pour aller de l’une à l’autre des deux autres. Ces trois positions sont utilisées, soit pour établir les communications téléphoniques, soit pour l’attente, soit pour couper le courant continu de la ligne.
- 1 Yoy. n° 652, du 28 novembre 1885, p. 413.
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- LA NATURE.
- L’installation des postes de secours se fait de deux façons différentes : le poste principal avec la pile de ligne; les autres postes sans autre pile que celle de la sonnerie qui travaille en local et se réduit à un ou deux éléments. Le diagramme (fig. o) ci-contre indique le montage des différents postes. L’un, A, est le poste de secours principal,
- B est un poste de secours secondaire, et G le poste d’appel à la disposition du public.
- La pile de ligne pourrait actionner les sonneries,mais il est préférable, au point de vue des dérangements,de les faire fonctionner au moyen de un ou deux éléments locaux, qui servent à contrôler d’une façon permanente l’état de la ligne et de la pile principale. En effet, au moindre dérangement dans l’une ou l’autre, les armatures des avertisseurs abandonneront le contact et fermeront le circuit des piles locales faisant fonctionner les sonneries.
- Le poste d’appel ne comprend qu'un commutateur automatique et un téléphone.
- D’après ce que nous avons dit du commutateur (fig.2), le fait seul de décrocher le téléphone eonsti-tuel’appel; aussi, afin d’éviter les alertes inutiles, tout l’appareil se trouve renfermé dans une boîte dont la face antérieure porte un carreau qu’il faut briser pour décrocher le téléphone. Dans certains cas, une disposition particulière peut même être adaptée à ces boites pour que le commutateur manœuvre par le fait seul du bris de la glace.
- Le nombre des postes à embrocher dans un circuit est illimité. Pour fermer le circuit on peut se servir de la terre, mais il est préférable d’avoir un fil de retour.
- Le fonctionnement général du système se comprend à l’inspection du diagramme : supposons qu’au poste d’appel C, on décroche le téléphone, le commutateur en quittant la lame supérieure pour aller à la lame inférieure, passe par la position intermédiaire représentée en G et produit une interruption de courant momentanée sur la ligne. Les armatures des avertisseurs quittent alors le contact et ferment le circuit local des sonneries. Le poste de secours A ou B (ou même les deux à la fois) décroche alors son téléphone, le commutateur bascule et on se trouve avoir les appareils téléphoniques sur un circuit sans dérivation et sans pile. Pour faciliter les communications , comme les postes d’appel G n’ont pas de sonnerie, il est bon de se servir de téléphones munis de trompettes à anche qui permettent de fair e un signal appelant l’attention du correspondant.
- M. Digeon, dans son installation, adopte le téléphone Aubry.
- L’avertisseur universel peut rendre de grands services dans les villes pour la police , les secours en cas d’incendie ou d’accidents de toutes sortes. 11 trouve aussi sa place chez les particuliers, dans les chemins de fer, les grandes administrations , les usines, etc., où les appareils peuvent être utilisés entre les différentes parties d’un batiment ou d’un groupe de constructions pour les besoins journaliers du service, tout en étant reliés à des postes de police ou de pompiers,. afin d’assurer un secours immédiat en cas d’accident.
- G. Mareschal.
- Fig. 1 et 2. — Avertisseur universel Digeon. — A. Avertisseur. — B. Commutateur automatique
- Poste A
- Poste B
- [Téléphoné
- Fil de Terre, de retour ou allant à un autre poste.
- Fil deTerre, deretour o« allant àun autre poste. '
- Montage des postes avec l’emploi de l’avertisseur universel.
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- LA NATURE.
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- L’INTELLIGENCE DES ANIMAUX
- LES PROUESSES d’uN CHIEN I)E TERRE-NEUVE
- Dans les premiers jours du mois d’avril dernier, le Bulletin judiciaire de la plupart des journaux quotidiens a résumé les débats d’une émouvante affaire de cour d’assises, où le rôle principal de sauveteur appartenait à un chien de Terre-Neuve. Voici ce qu’on pouvait lire dans les journaux :
- Au mois de décembre dernier, Verdillac, brigadier-fourrier au 4e cuirassiers, en garnison à Lyon, obtenait un congé, et venait voir à Paris les époux Brunot, fabri-
- cants de cirage, rue de l’Ouest. Ceux-ci l’avaient connu enfant et l’accueillaient toujours avec plaisir.
- Profitant d’une absence du mari, Verdillac, qui n’en est d’ailleurs pas à son coup d’essai, ayant été déjà plusieurs fois condamné pour vol, sauta à la gorge de son hôtesse, et s’apprêtait à l'étrangler pour dévaliser l’appartement plus à l’aise, quand, aux cris d’effroi poussés par Mra* Brunot, Pataud, le terre-neuve de la maison, comprenant le danger que courait sa maîtresse, se jeta à son tour sur le chenapan et le tint en respect par un argument... incisif.
- Verdillac dut lâcher la pauvre femme et s’enfuit. On l’a fort heureusement rattrapé. Il comparaissait le 10 avril, pour tentative de meurtre, devant la cour d’assises de la Seine. A l’audience, il soutient que c’est la faim qui l’a
- poussé au crime. Il y avait trois jours qu’il était hébergé par ses bienfaiteurs ! M. l’avocat général Bloch a soutenu l’accusation. Me Leredu a présenté la défense du cuirassier, auquel le jury a accordé les circonstances atténuantes. Verdillac a été condamné à huit ans de travaux forcés.
- Nous avions souvent entendu parler des sauvetages opérés par les chiens du Saint-Bernard au milieu des neiges, par les chiens de Terre-Neuve à l’égard de ceux qui se noient; le fait d’un combat analogue à celui de Pataud contre un assassin nous paru exceptionnel et digne d’être enregistré avec quelques détails précis.
- Voyant, d’après les journaux, que les époux Brunot demeuraient rue de l’Uuest, nous avons été les voir, en compagnie de notre dessinateur et ami,
- M. C. Gilbert. Mme Brunot a bien voulu nous donner tous les renseignements nécessaires pour reconstituer la scène du crime dont elle a failli être victime, et nous autoriser à en reproduire les détails. Elle a eu l’amabilité, sur notre demaude, de nous présenter à son cher Pataud, qui nous a fait force caresses.
- Mm“ Brunot venait de recevoir la visite de Verdillac, qui la veille avait dîné avec elle et son mari. Pendant qu’il causait, elle passa un instant dans sa cuisine, pièce fort petite, au fond de laquelle est un lit plié, appuyé contre le mur. Verdillac se lève tout à coup et des deux mains saisit la malheureuse pour l’étrangler. Puis il la pousse contre le lit, dans l’intention de l’achever ; à ce moment, l’assassin lâcha prise pendant une seconde seulement, et il fut pos-
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- LA NATUBE.
- sible à Mmo Brunot de pousser un cri. Pataud dormait sous la table dans la pièce voisine. Entendant ce cri d’appel de sa maîtresse, il se précipite.
- « Mon chien, nous dit Mm,: Jîrunot, apparut aussitôt à la porte. Il ne fit qu’un seul bond et se précipita, comme un lion furieux, à la gorge de mon assassin. Celui-ci me lâcha et poussa des cris à son tour ; il se dégagea de Pataud et se sauva dans l’escalier, mais le chien courut après lui et le retint par son habit jusqu’au moment où des voisins accoururent et l’arrètèrent. »
- Pataud est un terre-neuve âgé de trois ans, que Mms Brunot a élevé et qui a pour sa maîtresse la plus grande tendresse. La mère de ce chien était une chienne de Terre-Neuve de belle race et de très grande taille.
- Pataud est très doux et très caressant avec ceux qu’il aime, mais il est parfois méchant à l’égard des étrangers et de ceux qu’il ne connaît pas. Nous devons dire que, pendant que nous parlions de lui à sa maîtresse, il venait nous lécher les mains avec force protestations d’amitié. Il est très intelligent et s’est souvent signalé par des actes remarquables.
- 11 y a un an, Mme Brunot possédait un petit chat que Pataud avait pris en affection. Un jour le chat disparut. Pataud en conçut un grand chagrin. Trois journées se passèrent sans qu’il fut possible de savoir ce qu’était devenu le petit chat qui, assurément, avait du se sauver et se perdre dans le voisinage.
- Le quatrième jour, Pataud disparut à son tour ; on ne le revit pas de la journée. Mme Brunot commençait à s’inquiéter de cette absence, quand, vers le soir, elle vit revenir son chien ; il tenait dans sa gueule le jeune chat qu'il avait retrouvé, peut-être au loin, et qu’il ramenait au logis.
- Nous donnons le portrait du brave Pataud, qui mériterait bien, comme on l’a dit avant nous, d’avoir une médaille de sauvetage pendue à son collier. G. T.
- ET DES MONTRES
- Les troubles apportés à la régularité de marche des chronomètres par les influences magnétiques sont connus depuis longtemps, et les moyens de parer à cette influence, en faisant usage, en particulier, do substances non magnétiques pour la confection des balanciers et des spiraux, sont bien antérieurs aux progrès modernes de l’industrie électrique. D’après une étude fort intéressante publiée par la Revue chronométrique, MM. Arnold et Part firent paraître dès 1835, dans le Nautical Magazine, le résultat des expériences qu’ils avaient faites sur six chronomètres soumis à des influences magnétiques, en modifiant dans chacun d’eux la nature du spiral et du balancier (or, argent, platine, laiton et acier). Ces expériences, et d’autres faites à la même époque, prouvèrent que le platine, l’or, le palladium très employé aujourd’hui, et même le verre, pouvaient servir à la fabrication des spiraux et des balanciers compensateurs.
- Dans un rapport présenté à la classe d’industrie de la
- Société des arts de Genève le 24 mars 1826 par M. Tavan au sujet d’un mémoire de M. Frédéric Ilouriet, du Locle, ayant pour titre : Essai sur l’isochronisme des ressorts spiraux et notes diverses, il est question d’expériences faites sur un chronomètre dit garde-temps, dont toutes les pièces, sauf le ressort moteur et les axes des mobiles, étaient en laiton, en or ou en platine, le balancier à compensation étant à lame bimétallique, platine et or, et le spiral en or. Cette pièce mise en contact avec un fort aimant montra que l’inlluence magnétique était complètement détruite, car le réglage n’avait nullement été affecté parle voisinage de cette influence. Ces expériences visaient seulement les chronomètres de la marine. Quant aux montres, on se préoccupait surtout de mettre le spiral à l’abri de l’oxydation, car ce n’est qu’en 1876 qu’il est question de l’aimantation dans le Journal suisse d'horlogerie, et en 1879 que 1 ’Horlogical Journal fait ressortir les qualités du spiral en alliage de palladium. Il y avait d’ailleurs des spiraux en alliage de palladium à l’Exposition universelle de Paris en 1878.
- Après avoir signalé ces antécédents historiques, notre confrère critique avec raison les exagérations de la réclame faite en faveur des balanciers et spiraux en palladium qui, si l’on en croit cette réclame, rendraient néfastes à la bonne marche d’une montre le moindre récepteur téléphonique, le couteau que nous portons dans notre poche, et jusqu’au buse d’acier des corsets (sic) !
- L’acier est, de tous les métaux connus jusqu’à ce jour, celui qui se prête le mieux aux travaux délicats de l’in -dustrie horlogère, et on essayera difficilement de le remplacer sans nuire grandement à la solidité et à la perfection de ces petites et si délicates machines appelées montres.
- 11 est bon de chercher à combattre les causes d’aimantation qui ont pris, pendant ces dernières années, des proportions considérables, mais en poussant trop loin les précautions, on tombe d’un mal dans un pire.
- Les moyens préventifs et curatifs ne manquent pas, et nous les avons nous-mêine passés en revue il y a quelques années1 ; mais l’emploi de spiraux non en acier créent un mal nouveau en enlevant à la montre les moyens de résister aux causes multiples d’usure et de détérioration résultant de son fonctionnement.
- En effet, une montre à ancre, par exemple, reçoit 18 000 impulsions par heure, les deux parois de la fourchette lui donnent donc 9000 petits coups chacune, soit 216 000 coups par jour et 78 840 000 par année! Que deviendront les montres construites avec un métal moins dur et moins résistant que l’acier, après plusieurs années de service continu? Poser la question, c’est la résoudre, suivant notre confrère :
- « Affirmer que l’avenir appartient en entier à la montre non magnétique d’une façon absolue et complète, est tout bonnement un énorme paradoxe auquel le public de tous les pays, avant tout pratique, saura bientôt faire bonne justice. »
- D’accord. Mais il n’en est pas moins vrai qu’une montre non magnétique à bon marché et ne devant durer que quelques années, est dès à présent un outil indispensable pour toute personne travaillant dans les usines centrales d’électricité, au voisinage des machines. Il y a là un débouché qui justifie les tentatives faites de différents côtés pour résoudre le problème, soit par l’emploi d’aciers magnétiques, soit par l’emploi de métaux non magnétiques. E- IL
- 1 Yoy. n° Co9, du 16 janvier 1886* p. 11L
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- LA NATURE.
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- CHRONIQUE
- l<*lion de l’éleetrlcité sur les poussières. —
- Lors d’une des dernières séances de la Société de physique de Genève, M. le professeur J.-L. Soret a rendu compte de quelques travaux relatifs à l’action de l’électricité sur les poussières et la vapeur d’eau condensée (Lodge, Roi), Jlelmholtz); M. J.-L. Soret a ensuite fait connaître une expérience de cours propre à mettre celte action en évidence. Dans une salle obscure, on place une capsule en platine, pleine d’eau, sur un support métallique que l’on met en communication avec l’un des pôles d’une machine Topler. Au-dessus de cette capsule on dispose une pointe métallique isolée, qui est en communication avec l’autre pôle. Un bec de Bunsen met en ébullition l’eau contenue dans la capsule que l’on éclaire fortement par projection d’un large faisceau de lumière électrique. Tant que la machine Topler ne fonctionne pas, on voit les fumées de vapeur d’eau condensée s’élever à la manière ordinaire; mais dès que l’on actionne la machine, l’action de l’électricité sur les vapeurs se manifeste de la manière la plus vive. Pour une certaine distance de la pointe à la surface de l’eau, les fumées se rassemblent et tourbillonnent le long des bords de la. capsule et, sous l’éclat de la lumière électrique, elles font jusqu’à un certain point l’effet de flammes. Si l’on abaisse un peu plus la pointe en la rapprochant de l’eau, les vapeurs disparaissent complètement, quoique l’eau continue à bouillir avec force.
- I/état civil de deux arbres géants. — On a
- souvent discuté sur la possibilité d’estimer rigoureusement, d’après le nombre des couches de croissance, l’àge de certains végétaux géants des pays tropicaux, tels que ces immenses séquoias californiens dont il a été souvent question dans La Nature. Il ne pourra en être de même au sujet de deux vénérables témoins des siècles passés dont on vient, nous apprennent les journaux suisses, de découvrir les parchemins authentiques. Ce sont deux plantes de mélèze qui, d’après un plan levé en 1546, figuraient déjà, il y a 542 ans, à la même place où on les voit aujourd’hui aux Mayens de Sion en Valais. L’un de ces arbres mesure à sa base 6m,65 de circonférence, le second 6m,64. Tous deux sont encore parfaitement sains et verdissent jusqu’à l’extrême bout. Il est à noter que ces mélèzes étaient déjà d’une vigoureuse taille lors de la levée du plan. Grâce à leur état civil, les générations futures pourront avoir une appréciation exacte de leur longévité.
- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 14 mai 1888. — Présidence de M. Janssex.
- Observations sur Mars. — Tous nos lecteurs se souviennent des merveilleuses observations faites sur Mars, par M. Schiapparelli, et qui concernent entre autres ces grands canaux rectilignes mettant des mers en communication, communiquant les unes avec les autres et qu’on regarderait comme constituant des œuvres d’art, n’étaient leurs gigantesques dimensions.
- Profitant de l’incomparable installation de l’observatoire de M. Bischoffsheim à Nice, M. Perrottin a pu dans ces derniers temps soumettre la surface martiale à de nouvelles observations. Il annonce aujourd’hui par l’intermédiaire de M. Paye qu’une partie des canaux, si bien notés en 1886, a complètement disparu. Comme il ne
- semble pas légitime, au moins quant à présent, de voir dans ces délinéaments de la surface planétaire avec leurs 25 lieues de large, et malgré le peu d’intensité relative de la pesanteur, le résultat du travail d’êtres intelligents, il paraît nécessaire de les rattacher à quelque force cosmique. La plus simple serait la marée produite par les deux satellites dont le plus rapproché fait sa révolution en sept heures seulement ; mais on ne voit pas comment une semblable action peut se traduire par les effets réalisés. D’ailleurs, la disposition de certains canaux n’est pas tout ce qu’a vu M. Perrottin : un continent de 600000 kilomètres carrés, grand comme la France, la Lybie de M. Schiapparelli, a été récemment inondé : de rouge qu’il était comme toutes les terres de Mars, il est devenu d’un bleu verdâtre, comme les mers. En même temps, un canal de 20 degrés de longueur et de 12 lieues de large a apparu. Enfin, à travers la calotte de neige du pôle nord, en ce moment très large et très visible, s’est montré un canal qui fait communiquer deux mers et que sa couleur blanche fait bien ressortir sur le fond très blanc des masses environnantes. Suivant l’expression de M. Fave, c’est comme si on était venu travailler là pour faire communiquer les deux mers : ce canal a 30 degrés de longueur ou 400 lieues environ. On voit que nous ne sommes pas au bout des merveilles que procurent les études aréographiques.
- Respiration du sang et des tissus. — Les physiologistes ne sont pas d’accord sur la question de savoir si les respirations nutritives se produisent dans le sang ou dans l’intimité des tissus. MM. Grehant, aide-naturaliste au Muséum, et Quinquaud, présentent, par l’intermédiaire de M. Milne-Edvvards, des expériences qui montrent que, mis en présence de l’air, le sang respire très peu. Agité avec lui, il ne change pas sensiblement de couleur et ne dégage que des traces d’acide carbonique. Si au sang on ajoute un petit fragment de muscle frais, au contraire le liquide noircit aussitôt et de très grandes quantités d’acide carbonique sont développées. On voit donc que le sang, intermédiaire obligé entre les tissus et l’atmosphère, borne cependant son rôle à celui de simple porteur d’oxygène dans un gens et d’acide carbonique dans l’autre.
- La source sulfureuse de l'ile Saint-Louis. — En établissant les fondations d’une ambulance à l’amont de File Saint-Louis, à Paris, M. le Dr Bastien a rencontré des suintements d’eau sulfureuse. Un sondage poussé à 13 mètres de profondeur a rencontré successivement trois niveaux d’eau minérale. Ayant été prié par M. Bas-tien de visiter les travaux, j’ai étudié les couches traversées et les eaux recueillies, et M. le secrétaire perpétuel analyse une note que j’ai adressée à ce sujet à l’Académie. Un échantillon d’eau soumis à l’analyse peu après son extraction m’a donné 0er,018 d’hydrogène sulfuré par litre, près de 0'r,2 de sulfate de chaux et ,0e', 1 de chlorure de sodium. Dès qu’on chauffe l’eau, elle se trouble par la précipitation de carbonate de chaux; la quantité de bicarbonate représente 0B%08 par litre; elle explique les incrustations calcaires dont je conserve un spécimen. En somme, cette eau n’est pas sans analogie de composition avec celle qu’on a trouvée en 1876 à Belleville et antérieurement au pont d’Austerlitz. On ne peut douter qu’elle ne doive sa sulfuration à la réduction du sulfate de chaux par les matières végétales que renferme le terrain. Quant au sulfate de chaux, il pourrait provenir de restes de très anciennes constructions qu’on retrouve à diverses profondeurs. J’ai, en effet, en ce genre, outre des débris de tuiles mal cuites, des plâtras singuliers par
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- LA NATURE.
- le mélange de fragments de gypse cru et cristallin de plus d’un centimètre cube et différant ainsi des produits similaires de l'industrie actuelle.
- Etudes sur les bilobiles. — M. Albert Gaudry présente, de la part de M. Delgado, le savant directeur des travaux géologiques de Lisbonne, une suite aux belles études sur les bilobites que nous avons déjà signalées à nos lecteurs. C’est un magnifique in-4° comprenant, après le texte portugais, une traduction française. Dix splendides planches en héliogravure et sans retouche reproduisent des échantillons dont l’étude confirme, suivant l’auteur, les opinions de M. de Saporta et des botanistes, contrairement à celles de M. Nathorst. La nouvelle publication de M Delgado est un service de plus rendu à la paléontologie par le savant de Lisbonne.
- Election. — La mort du regretté général Perrier ayant laissé vacante une place dans la section de géographie et navigation, la liste de présentation portait : en première ligne, M. de Bussy ; en seconde ligne,
- MM. Cloué et liait; et en troisième ligne, MM. Bassot,
- Bertin et Lausse-dat. Les votants étant au nombre de 58, M. de Bussy est nommé par 41 suffrages contre 15 donnés à M. Cloué,
- 1 à M. Hatt et 1 à M. le colonel Laus-sedat.
- Varia. — Les anguillules qui s’attaquent à l’oignon occupent M. Johan-n è s C h a t i n. —
- M. Goyon continue ses études sur le téléphone. — Une statistique sur le mouvement de la population en Allemagne est adressée parM. Ch. Grad. — Une machine aérienne est décrite par M. Grelle. — M. Boiry signale les propriétés de l’essence d’eucalyptus. — La chaux cuprifère produit une fluorescence dont M. Lecoq étudie les particularités. — La théorie du diainagnatisme fournit à M. Mascart le sujet d’une réponse à M. Blondlot. — M. Marcel, dans un mémoire que nous aurions peur de défigurer après une audition très incomplète, décrit les plissements du sol aux environs de Saint-Zacharie, en Provence. — M. Charlois annonce de Nice la découverte de la 277e petite planète.
- Stanislas Meunier.
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- L’ÉCLIPSE TOTALE DE LUNE
- DU 28 JANVIER 1888, OBSERVÉE A CAYENNE
- Un de nos correspondants, M. J. Philaire, en résidence à Cayenne, nous adresse la description de l’observation qu’il a faite dans cette localité de l’éclipse totale de Lune, du 28 janvier 1888. Cette éclipse,
- grâce à la pureté du ciel, a été observée dans toutes ses phases.
- Au lever de l’astre, l’horizon était obscurci au nord-ouest et a l’ouest par de larges bandes de stratus. Vers G b. 50 m., la Lune sortit entin de cet immense voile et apparut telle que le représente le dessin ci-joint. Elle se trouvait à ce moment à une hauteur d’environ 50° et avait déjà pénétré aux 2/5 dans l’ombre de la Terre. Par un curieux phénomène de réfraction atmosphérique, la partie éclairée de la Lune apparut plus large que le disque auquel elle appartenait et sembla coiffer celui-ci d’un grand croissant lumineux. Ce croissant paraissait comme déchiqueté sur son ménisque concave, le centre présentant une déchirure plus accentuée.
- Ces inégalités dans l’ombre projetée par la Terre ne pouvaient-elles pas être formées par les grands reliefs de notre planète, qui se profilaient ainsi sur la surface lunaire? Ce qui est certain, c’est que ces inégalités visibles
- déjà à l’oeil nu, étaient nettement aperçues avec des jumelles marines.
- La partie obscurcie de la Lune était d’un rouge cuivreux très marqué, et les reliefs de celle-ci avaient pris une teinte brun-noiràtre plus ou moins foncé. A droite et à gauche, le disque était légèrement éclairé sur les bords; à la base, la teinte était même qu’au centre.
- Au fur et à mesure que l’astre s’éleva , le phénomène de réfraction diminua peu à peu et la partie éclairée reprit sa place sur le disque : en même temps, les ondulations disparurent à la limite de l’ombre, qui se pt^lila nettement suivant une ligne courbe.
- La Lune fut complètement cachée vers 7 h. 20 m. Pendant tout son passage dans l’ombre de la Terre, elle resta visible en conservant la même teinte cuivrée, et rien d’extraordinaire ne se manifesta pendant sa sortie. L’astre continua tranquillement sa marche et vers 9 h. 45 m. il se découvrit entièrement en reprenant sa belle clarté ordinaire.
- Nous reproduisons exactement le curieux dessin de M. Philaire. Nous ferons observer que la dentelure du croissant et surtout son énorme diamètre par rapport à la partie éclipsée, sont assurément le résultat d’une illusion d’optique due à l’irradiation.
- Le prop7 iétaire-gérant : G. Tissandier.
- Imprimerie A. Lahure, 9, rue de Fleurus, à Paris.
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- N» 782. — ‘JG MAI 1888.
- LA NATURE.
- HERYÉ MANGON
- Le biographe qui voudrait donner l’exemple d’une belle existence, toujours dignement remplie, depuis de modestes débuts jusqu’aux plus grands honneurs, ne pourrait mieux faire que de retracer la vie de M. Hervé Mangon.
- Charles-François Hervé Mangon est né à Paris le 51 juillet 1821 ; il fut élevé par son père, ancien médecin militaire, qui se consacra presque entièrement à son éducation.
- En 1840, le jeune élève qui était fort studieux, plein d’initiative, fut reçu à l’Ecole polytechnique ; en 1842, il entra à l’Ecole des ponts et chaussées.
- 11 fut attaché successivement comme ingénieur aux travaux et aux études du chemin de fer de Strasbourg et du chemin de fer du Centre; mais ses goûts, dès cette époque, le portaient surtout vers l’étude des sciences appliquées à l’agriculture. En quittant les services des chemins de fer, l’ingénieur fut attaché au département du Loiret. Il traça alors un remarquable programme des opérations à entreprendre pour l’amélioration agricole de la Sologne, et ce programme qui a été en grande partie réalisé, a considérablement augmenté la valeur de ce pays jadis déshérité.
- En 1850, il publia ses Etudes sur les irrigations de la Campine belge et les Travaux analogues de la Sologne. Cet ouvrage, rapidement épuisé, faisait connaître les travaux agricoles les plus importants à cette époque et signalait plusieurs dispositions qui ont pris place dans les lois françaises, sur l’assainissement et la mise en culture des terres incultes.
- Le drainage était à peine connu de nom en France, lorsque M. Hervé Mangon commença à s’en occuper en 1849. Il publia en 1851, sur ce sujet, un ouvrage qui reçut de l’Académie des sciences le prix décennal pour l’ouvrage le plus utile à l'agriculture, publié dans les dix années précédentes. Les instructions pratiques sur le drainage, éditées un peu plus tard, ont été tirées à 11 000 exemplaires et ont servi de guide pour leurs travaux à un grand nombre de propriétaires. Pour acquérir l’expérience 16e mée — 1er semestre.
- pratique nécessaire, l’ingénieur a dirigé personnellement de très grands travaux de drainage; on lui doit plusieurs procédés perfectionnés, adoptés en France et même en Angleterre, où le drainage avait pris naissance. Il existe maintenant en France plus de 250 000 hectares drainés. On estime à plus de 14 millions de francs par an la plus-value de revenu obtenue par ces travaux.
- L’arrosage des terres et l'aménagement des eaux pour les besoins de l’agriculture ont été, de la part d’Hervé Mangon, l’objet de longues études. Il a expliqué scientifiquement plusieurs procédés pratiques que l’on blâmait à tort, et il a fait connaître le rôle important des limons des fleuves pour l’agriculture.
- Ne reculant devant aucunes recherches, il s’est occupé longtemps de l’étude des fumiers, des varechs, des tangues et des engrais chimiques. Pour se tenir au courant de tous les progrès, le savant ingénieur a visité les travaux agricoles et les principales irrigations de la France, de la Belgique, de l’Ecosse, de l’Espagne et de l’Algérie. De si sérieuses préparations lui donnèrent une érudition des plus solides et le conduisirent à écrire un Traité de génie rural fort estimé.
- Après ses travaux agricoles, Hervé Mangon a cultivé avec passion la météorologie ; il a perfectionné et créé un grand nombre d’instruments enregistreurs 1 ; dans sa propriété de Brécourt, en Normandie, il a organisé une station météorologique absolument modèle, pourvue des derniers perfectionnements de la science, et munie d’une grande tour de fer à claire-voie pour les observations à exécuter 'a 50 mètres au-dessus du sol*.
- Plus tard, à la fin de sa carrière, il a joué un rôle prépondérant dans la réorganisation du service météorologique en France, et dans la fondation du Bureau central, dont il était président du Conseil. 11 contribua à l’organisation de la mission scientifique du cap Ilorn et d’un grand nombre d’entreprises utiles à la science. On sait que la mission du cap Ilorn qui se rattachait aux missions polaires inter-
- 1 Voy. La Nature, 1875, 2e semestre. Instruments météorologiques.
- 2 Voy, n° 537, du 15 septembre 1885, p. 241.
- 26
- Hervé Mangon, ne à Paris le 31 juillet 1821, mort à Paris le 13 mai 1888. (D’après une photographie de M. E. Pirou.)
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- LA NATURE.
- nationales, a apporté de grands résultats à l’étude du magnétisme terrestre.
- Comme professeur, Hervé Mangon a créé à l’Ecole des ponts et chaussées le cours d'hydraulique agricole (1849), au Conservatoire des arts et métiers, le cours de travaux agricoles et de génie rural (1864), et au nouvel Institut national, le cours de génie nival (1876), science en partie nouvelle, et dont il doit être considéré comme l’un des fondateurs. 11 avait la parole facile, et exposait les faits avec méthode et clarté.
- Doué d’une puissance de travail extraordinaire, Hervé Mangon a mené de front, pendant sa vie, les devoirs de l’enseignement, les travaux du savant et les recherches du chimiste, du physicien et du météorologiste. Ingénieur en chef des ponts et chaussées, M. Hervé Mangon qui, depuis sa jeunesse, avait attiré l’attention des plus grands savants et notamment de J.-B. Dumas dont il devint le gendre, fut nommé membre de l’Académie des sciences, section d’économie rurale, en janvier 1872. Membre du conseil de la Société des agriculteurs de France, du conseil de la Société d’encouragement, de la Société centrale d’agriculture de France, il devint en 1880, directeur du Conservatoire des arts et métiers, où il se signala par de nombreuses améliorations. 11 fut élu vice-président de l’Académie des sciences en 1887. Outre ces occupations multiples, Hervé Mangon fut commissaire adjoint à M. Leplay lors de l’Exposition universelle de 1867, et depuis, il prit part aux travaux de toutes les expositions.
- Persuadé qu’il y avait un véritable intérêt national à ce que l’Assemblée législative comptât des hommes de science dans son sein, il résolut de se consacrer à la vie politique. Nommé député de la Manche, Hervé Mangon devint Ministre de l’agriculture sous le ministère Brisson. Toujours anxieux de se rendre utile et de consacrer ses efforts au bien public, il usa de ses forces outre mesure pendant sa carrière politique. Aux dernières élections législatives, il ne fut point réélu député, et rentra dans la vie privée. Il succomba après une longue et cruelle maladie, entouré des soins les plus dévoués de celle qui fut la compagne de toute sa vie, et de l’affection de ses nombreux amis.
- Ce qui caractérise Hervé Mangon dont l’existence comme on vient de le voir, fut si bien remplie, c’est le continuel exercice de son intelligence. Il était absolument infatigable, se levait aux heures les plus matinales, faisait lui-même toute sa correspondance, tous ses rapports, écrivait tous ses travaux. Ne donnant qu’un temps très court à ses repas, le travail était sa devise. Une activité physique étonnante venait en aide à son activité morale.
- Malgré les hautes situations qu’il occupa, Hervé Mangon est resté simple et modeste dans la vie privée. Il fuyait les manifestations d’un luxe inutile, se complaisait dans le commerce de l’amitié et dans les préoccupations du progrès des sciences. C’est par sa volonté formelle que ses obsèques furent
- simples et dépouillées de toute pompe officielle.
- Eminemment serviable, il accueillait avec cordialité tous les travailleurs, et ne refusait jamais son aide ou ses conseils. Doué d’une habileté peu commune, il avait tous les arts dans la main : il savait tourner, travailler le bois, les métaux. Sa bibliothèque était en même temps un atelier rempli d’appareils qu’il confectionnait lui-même et qu’il expérimentait avec une ardeur toujours juvénile, se levant parfois la nuit pour suivre l’essai élaboré. A sa campagne de Brécourt, en dehors de son observatoire météorologique, il avait un laboratoire fort bien monté, où il donnait l’hospitalité aux chercheurs. Ayant l’insouciance absolue des richesses, Hervé Mangon était d’une générosité rare; il ne comptait pas avec les dépenses des recherches scientifiques, ou de l’achat de ses appareils. Fort modeste dans ses goûts personnels, il était prodigue quand il s’agissait de donner.
- Commandeur de la Légion d’honneur, membre d’un grand nombre d’ordres étrangers, le laborieux savant a reçu les plus hautes récompenses. Mais il se préoccupait moins de ses intérêts personnels que de ceux de son pays. Toujours prêt à défendre les grandes causes, et à lutter pour les bons combats, il se signala par son ardeur patriotique lors de la guerre de 1870.
- Pendant la durée du siège de Paris, nuit et jour, M. Hervé Mangon ne cessait d’interroger l’anémomètre, de consulter l’atmosphère, d’observer la direction du vent, pour faciliter la mission des messagers aériens. Pendant les six mois du siège, par la neige ou par les rafales, quelque heure qu’il fût, quelque temps qu’il fît, celui que l’on peut appeler le collaborateur de M. Rampont dans l’organisation de la poste aérienne, n’a pas manqué un seul départ des ballons : il était toujours présent, serrant la main des aéronautes, et leur donnant quelque indication précieuse sur la direction probable. Quand je partis de Paris en ballon, chargé de messages pour le gouvernement de Tours, M. Hervé Mangon me dit : « Vous avez bon vent est-nord-est, vous allez filer dans la direction de Dreux. » Effectivement, je descendis aux portes de cette ville même.
- Après le siège de Paris, l’éminent ingénieur ne cessa de favoriser les aéronautes. 11 était d’avis d’encourager toutes les audaces quand elles ont un but vraiment scientifique; il contribua aux expéditions du Zénith, et, s’il fut le protecteur éclairé de Crocé-Spinelli et de Sivel, il montra l’affection d’un père pour le survivant de la catastrophe, qui lui en a gardé une reconnaissance presque filiale.
- On se rappelle avec quel enthousiasme M. Hervé Mangon salua les débuts de la navigation aérienne et les premières expériences de Chalais-Meudon. L’avenir donnera raison à la clairvoyance de sa prévision. La navigation aérienne n’est pas un vain mot; dans ce siècle des merveilles de la science, elle sera réalisée, et quand les ballons dirigeables sillonneront l’espace, on répétera les paroles que le
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- LA NATURE.
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- savant orateur a prononcées dans l’enceinte de l’Académie des sciences.
- Ces encouragements que M. Mangon a toujours prodigués aux hommes d’énergie, comme a la jeunesse studieuse, ces prévisions qu’il a fait entendre, lui ont été inspirés par le sentiment de l’amour de la patrie, qui n’a cessé de l’animer pendant le cours de son existence. L’homme de science, comme l’homme politique, a toujours aimé la France avec passion, et la grandeur de son pays était constamment l’objet de sa sollicitude.
- Généreux, désintéressé, intègre, Hervé Mangon était bon et éminemment affectueux. On ne saurait mieux faire son éloge qu’en disant que ceux qu’il a estimés, se sentaient tiers de son estime. Comme tous les grands cœurs et les caractères élevés, il a su attirer à lui les grandes amitiés.
- Gaston Tissandier.
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- EXPOSITION LOUIS XIV ET LOUIS XY
- UE l’hôtel chimav, a taris
- Les salons qui viennent d’être restitués dans la nouvelle annexe de l’école des Beaux-Arts, qui fut autrefois l’Hôtel de la famille des Chimay, contiennent trop d’objets de premier ordre pour que l’on puisse tous les décrire ou même les désigner. D’un autre côté, cette reconstitution artistique des dix-septième et dix-huitième siècles est un fait trop important pour qu’il passe inaperçu. Aussi dans le but de conserver le souvenir de cette exposition si réussie, nous parlerons ici de quatre objets d’ordre différent, parmi les plus beaux de ceux que l’on trouve dans les salons de l’Hôtel Chimay; par ces quatre objets on jugera de ce qu’est l'ensemble.
- Nous nous occuperons d’abord du Régulateur de Mme la comtesse de Saint-George, en second lieu de la Pendule appartenant au Conservatoire des arts et métiers, puis nous passerons aux commodes dites Mazarines, et nous terminerons par une description du Bureau du Ministère des affaires étrangères.
- Par régulateur on entend une grande horloge dont le mouvement est dû à deux poids inégaux pendant à une poulie et dont la marche est réglée au moyen d’un balancier. Le régulateur n’a pas de sonnerie. En raison de ces deux poids, suspendus à la poulie, il lui faut une longue gaine au haut de laquelle est situé le cadran avec ses aiguilles ; cette gaine est quelquefois à jour et laisse voir les chaînes ou cordes qui soutiennent les poids et le balancier qui se meut régulièrement. Des bronzes dorés et ciselés, représentant des sujets variés, appliqués sur ces régulateurs, en font des objets d’art d’une grande valeur : tel est celui qui nous occupe.
- Comme on le voit sur la gravure (fig. 1), le cadran est entouré d’un cercle en bronze doré, portant en reliefs les signes du zodiaque ; au-dessus en ronde bosse, est le Char du soleil également en
- bronze doré. Tout autour de la partie à jour recouverte d’une vitre, sont des guirlandes ; au bas, sur les trois faces apparentes du piédestal, des bas-reliefs, le tout en bronze doré représentant des scènes d’amours. Toute l’ébénisterie est en bois de rose; nous ignorons qui en est l’auteur, mais nous savons que les bronzes ont été fondus chez Philippe Caffiéri, frère du célèbre sculpteur du roi, qui exécuta le buste de Rotrou aujourd’hui au foyer de la Comédie-Française.
- Caffiéri, le fondeur, n’était ni dessinateur ni ciseleur: il était entrepreneur de fonte et exécutait plus souvent des œuvres de commerce que des pièces d’art. Cependant, à l’exécution de ce régulateur on doit reconnaître qu’il eut en cette circonstance la main heureuse; à voir la décoration magistrale de la gaine, à l’allure des chevaux qui traînent le Char du soleil, aux dessins du cadran, on reconnaît un maître dans le dessinateur de cette pièce, et, à notre avis, on pourrait en attribuer la composition au dessinateur Delafosse.
- Le mécanisme de cette horloge est signé de Ber-tlioud, le fameux horloger de la marine du dix-huitième siècle, auquel on doit, outre de nombreux traités sur l’horlogerie, les principales découvertes des chronomètres de la moitié de ce siècle.
- La Pendule du Conservatoire des arts et métiers n’est pas moins belle que le Régulateur. La pendule fonctionne au moyen d’un ressort dont le mouvement est réglé par un balancier. Cette pendule est construite en forme de sphère coupée par une zone mobile, sur laquelle sont inscrites les heures.
- Cette sphère-pendule est supportée par un groupe en hronze doré, représentant des géants; sur la sphère, également en bronze doré, se trouve la figure du Temps. Le groupe supportant la sphère est placé sur un pied de marqueterie d’ébène, véritable chef-d’œuvre d’inscrustation; le tout supporté par une gaîne triangulaire en ébène, également incrustée de cuivre. L’horlogerie de cette pièce, exécutée en 1712, est de Thuret, horloger duBoi, célèbre à cette époque, et habitant par privilège de Louis XIV dans les galeries du Louvre réservées aux artistes. Thuret était beau-frère de Bérain, qui habita aussi au Louvre. 11 est donc presque certain que le dessin de cette pendule est l’œuvre du plus populaire des décorateurs du règne de Louis XIV.
- Les deux commodes, appelées Commodes Mazarines parce qu’elles sont conservées à |a bibliothèque de ce nom, sont deux meubles de même forme, dite à tombeau, en marqueterie d’écaille brune de l’Inde et de cuivre, frisée d’ébène et avec filets de cuivre. Ces commodes sont montées sur quatre pieds d’angle détachés et reliés au corps, en bas, par de doubles pieds venant par une courbe servir de support, et, en haut, par un motif à volute. Les pieds d’angle sont revêtus, en bas, d’un sabot à griffe de lion, continué par une feuille,-et en haut, par une chute très accentuée, représentant une figure de femme ailée. Les contre-pieds ont un sabot à hélice et
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- LA N A T l it l;..
- diverses feuilles d’ornement. Les deux tiroirs, celui du bas, de forme convexe,et celui du liant, de forme concave, sont encadrés de moulures lisses en cuivre avec poignées mobiles, rosaces et entrées ciselées. Les côtés sont de même symétrie (jue le devant et le dessus est en marbre rouge.
- Ces deux commodes, dont nous reproduisons la plus remarquable (lig. 2) ont été faites vraisemblablement par André - Charles Boulle pour l'appariement du grand dauphin. Boulle avait été chargé par Monseigneur de la décoration et de l'ameublement de scs appartements;! Versailles, situés au rez de-chaussée du château, à l’emplacement actuel des galeries des maréchaux de France. Les bureaux, consoles, tables, meubles d’applique survécurent encore longtemps à leur destination première; et peut-être les meubles royaux de nos palais nationaux et du Louvre sont-ils les derniers vestiges des richesses accumulées dans les appartements du fils de Louis XIV. Les murailles , les parquets étaient aussi des chefs-d'œuvre de marqueterie exécutés par Boulle et ses ouvriers. Bref, les appartements de Monseigneur étaient si beaux, que lorsque Jacques 11 quittant l’Angleterre arriva à Versailles, Louis XIV le reçut dans les salons du dauphin, parce qu’il en considérait l’ameublement comme le {dus beau du château de Versailles et
- Fij. i. — Le Régulateur de M"" la comtesse de Suint-George.
- le plus propre à frapper l’imagination de son frère de la Grande-Bretagne. Après la mort du dauphin,
- toutes ces merveilles furent dispersées. Quant aux boiseries et parque-teries, elles furent remaniées dès 1728.
- Les deux commodes, dont nous nous occupons ici, furent dans la chambre de Louis XVI à Versailles ; elles y étaient encore en 1789 ; elles échappèrent à la destruction révolutionnaire, et furent envoyées sous le Directoire à la bibliothèque Mazarinc.
- En 1814, lors de la première Restauration, Louis XVIII se souvint de ces deux commodes, qu’il avait vues à Versailles dans la chambre de son frère, Il chargea le duc de Blacas d’écrire au Ministère de l’instruction publique pour lui demander le transport de ces deux meubles aux Tuileries. Mais l’Administration sut opposer à cette revendication une force d’inertie telle, que Louis XVIII ne {iut jamais faire sortir les deux commodes de la bibliothèque Maza-rine et qu’aujourd’hui, dans cette même bibliothèque, où elles sont toujours, on peut également voir, par une singul ière ironie du sort, la lettre du duc de Blacas comme un témoignage de la victoire que la bureaucratie remporta en cette circonstance sur l’autorité royale.
- Nous arrivons enfin à la pièce la plus magistrale qui figure à l’Exposition a Louis XIV et Louis XV » : c’est le « Bureau » prêté par le Ministère des affaires étrangères (lig. o). Il est en bois de rose plaqué, le dessus en maroquin, serti â la partie extérieure d’une bordure moulurée en bronze doré,
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- chantourné dans les bouts, évidé à la partie ccn- et bordé d’une gorge lormée d’une feuille d’aeanthe traie; portant trois tiroirs, celui du milieu en retrait en bronze doré ; aux quatre pieds sont des cbul.es,
- Fig. 2. — Commode de Boutie, dite commode Mazaritie.
- Fig. 5' — La bureau du Ministère des affaires étrangères, à l'aris. (D’après des photographies.)
- contre-chutes et sabots également en bronze doré. Impossible de trouver un meuble de plus grande allure et aussi puissant dans scs formes!
- D’après la tradition, M. de Yergennes l’aurait fait exécuter vers 1770; mais à en voir le style, il est plus vraisemblable que ce meuble dut être corn-
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- LA NATUH K
- mandé pour Louis XV par le duc de Ghoiseul, lors de son ministère.
- Durant la Dévolution, le bureau resta dans le cabinet du Ministre où il servit peut-être à ce malheureux Buchot, Ministre des affaires étrangères, improvisé par le Comité du salut public, qui, par suite de son ignorance, dut bientôt réintégrer sa masure du quai de la Tournelle où, après avoir occupé la place des Richelieu et des Choiseul, il remplit les fonctions d’homme de peine à la Halle aux vins.
- Aujourd'hui ce bureau, qui depuis cinquante ans était passé dans le bureau du directeur politique et du sous-secrétaire d’Etat, est rentré dans le cabinet du Ministre. Germain Bapst.
- LES NOMS PROPRES
- CAUm DE I.El'RS COMBINAISONS ORTHOGRAPHIQUES
- Les questions les plus simples en apparence, quand on les étudie de près, théoriquement et pratiquement, soulèvent souvent des problèmes de toute sorte qu’un premier examen ne laissait pas deviner.
- Les difficultés de la classification alphabétique des noms propres justifient cet aperçu d’une façon d’autant plus frappante que le sujet semble plus humble.
- Quel est le lecteur non prévenu qui pourrait soupçonner que des diflicultés à la fois arithmétiques et philologiques ont été vaincues dans les grands catalogues alphabétiques de la Préfecture de police : sommiers judiciaires, répertoire de la population logeant en garnis, etc.... et que le célèbre aphorisme de Jacotot : tout est dans tout, y trouve une nouvelle application?
- Pour nous en tenir au répertoire des sommiers judiciaires, nous ferons d’abord remarquer l’immensité de cette collection, qui comprend plus de cinq millions de fiches individuelles relatant l’état civil de tous les individus ayant encouru des condamnations dans le cours de ces quarante dernières années, avec le sommaire de ces peines.
- Des spécimens de tous les noms propres français et étrangers y sont représentés. A côté de casiers entiers remplis par les Durand et les Martin, on y rencontre des noms algériens à forme arabe, des noms chinois, japonais, sans parler de ceux d’origine allemande, russe, anglaise, etc.
- Pour classer ces montagnes de noms de façon à se ménager la possibilité de les retrouver facilement, l’ordre alphabétique, tel qu’il est observé dans le Botin, par exemple, s’offre d’abord à l’esprit.
- Telle a été, en effet, la méthode que chacun de ces services publics a adoptée lors de sa création. Mais la multiplicité des divergences orthographiques que présentent les noms propres jointe à l’ignorance feinte ou involontaire, où la plupart des récidivistes sont de l’orthographe de leur nom, n’a pas tardé à démontrer que ce procédé était impraticable.
- Le nombre des combinaisons de voyelles et de consonnes reproduisant le même son et susceptible d’être employées dans l’orthographe d’un nom propre dépasse, en effet, tout ce que l’imagination peut concevoir.
- C’est ainsi, par exemple, qu’un mot de deux syllabes comme Eno, compte plus de mille orthographes différentes : le calcul eu est simple.
- Le son initial é s’écrit en français de six façons différentes : é, es, ci, ey, ai, ay. Nous négligeons la forme exceptionnelle ez.
- Chacune de ces six figurations peut être suivie soit d'un n unique, soit d’un n double, soit de nh. Nous ne tenons pas compte de la combinaison anormale nnh.
- Ces trois assemblages de consonnes précédés de l'une des six figurations de voyelles précédentes nous fournissent dix-huit [combinaisons différentes pour la partie en : (6 X 5=18).
- Enfin la finale o s’orthographie de trois façons différentes : o, au ou eau qui, ajoutées successivement aux dix-huit juxtapositions sus-indiquées, produisent cinquante-quatre formes différentes (18x5 = ht), pour le mot complet éno.
- Reste le choix de la consonne finale. Ce nom peut : 1° en être dépourvu; 2° être suivi de l’une des lettres suivantes : s, t, d, II, hl, ou enfin d'un x. Total : sept sortes de finales différentes qui, mises à la suite des cinquante-quatre formes précédentes fournissent trois cent soixante-dix-huit combinaisons distinctes (54x7 = 378).
- Mais ces trois cent soixante-dix-huit combinaisons peuvent encore être ou non précédées d’un h initial, ce qui en double le nombre et porte à sept cent cinquante-six le total des orthographes possibles du mot Eno (578 X 2 = 756).
- Si dans ce calcul nous avions tenu compte des formes anormales ez et nnh, le chiffre final aurait dépassé onze cents !
- Enfin si, au lieu du mot Eno, nous avions examiné celui de Déno, il y aurait eu lieu de distinguer le d'particule du d formant corps avec le mot : Déno ou d'Eno, ce qui aurait encore doublé le nombre des combinaisons et l’aurait porté à environ deux mille !
- On pourra objecter que parmi ces combinaisons il s’en rencontrera quelques-unes complètement insolites. Mais il suffit qu’elles soient possibles pour embarrasser le chercheur. D’autres, tout en étant assez fréquentes, pourraient se distinguer de leurs homonymes par une articulation spéciale, calquée sur l’orthographe.
- Le malheur est que la prononciation des noms propres présente presque autant de variations que leur orthographe. Souvent les prononciations spéciales dont nous venons de parler sont l’œuvre de simples particuliers porteurs d’un nom commun et désireux de se distinguer de leurs nombreux homonymes.
- C’est ainsi que l’on rencontre à Paris des Dumas, prononcés soit dunia, soit dumaz, etc.
- De province en province les variations sont encore plus sensibles. Les Méridionaux articulent toutes les lettres; les gens du Nord en avalent une partie. Paris qui, d’habitude, fait autorité en fait de langage, subit ici toutes ces influences. Chacun reste maître de prononcer son nom comme il l’entend et d’imposer cette prononciation à ses semblables.
- Très souvent les noms propres ont conservé une orthographe archaïque tout en subissant dans la prononciation les mêmes simplifications que la langue usuelle. Ainsi l’on rencontre des Duchênc et des Duchesne, des Gasteau et des Gâteau, des Esnaull et des Enault, etc., articulés de même.
- Même anomalies dans les Saulnier et les Saunier, qui viennent l’un et l’autre de satiner, salinarius, fabricant de sel.
- En résumé, dans les noms propres comme Enold, Enolt, Enaud, Enod, la prononciation peut aussi bien être eno que eno-l-t ou eno-d, etc.
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- Dans le calcul des combinaisons orthographiques d'un mot de deux syllabes nous avons choisi intentionnellement les deux voyelles c et o; mais la consonne du milieu peut être remplacée par n’importe quelle autre : Déro, Déto et même Dotin, Ohnet, Onin, etc., donneraient des combinaisons de tous points analogues.
- Il convient pourtant de faire exception pour les mots comme Déco, ou le c pouvant être remplacé soit par un k, ou un q, ck, cq, kc, kq, qc ou qk dans chacune des deux mille combinaisons précédentes, nous arriverions à un nombre neuf fois plus fort de combinaisons, soit à un total de dix-huit mille figurations différentes du même mot Déco !
- Nous en resterons là, tout en faisant remarquer que, parmi ces dix-huit mille formes, certains redoublements et combinaisons du q et du ck ne s’observeraient jamais dans la pratique, même dans les langues étrangères.
- Ces nombres formidables montrent à quel mécompte on s’exposerait si, après avoir avoir adopté pour la classification des cinq millions de sommiers judiciaires l’ordre alphabétique basé sur l’orthographe exacte, on était amené à y rechercher des noms patronymiques dont on ignorerait l’écriture.
- La solution qui consiste à classer chaque nom à son orthographe la plus simple, à son orthographe phonétique, telle que l’indique le dictionnaire de Littré par exemple, pour les mots usuels, résout le problème, mais sur une de ses faces seulement.
- Il y a, en France, des Godefroy et des Godfroy, des Gérard et des Girard, des Gobelet et des Goblet, des Bouguereau et des Bougreau; des Guiniard et des Guignard, des Barbé, Barbet, Barbette, Barbeix que les hôteliers confondront toujours sur leur registre de police. L’étranger et l’Alsace nous envoient des Mayer et des Meyer, des Smith et des Schmidt, etc.
- Pour Bouillon par exemple, Littré nous indique la prononciation Boulion, qui est la prononciation correcte, mais la majorité des Parisiens disent Bouyon.
- Chaque nom réclamerait presque une solution spéciale. En règle générale, les cas fréquents attireront à eux les cas exceptionnels; ainsi un individu qui s’appellerait Bachollier serait utilement classé avec les Bachellier; car Bachollier fera toujours penser à Bachellier, tandis que jamais une recherche au nom de Bachellier n’amènera à vérifier dans la case des Bachollier.
- Nous n’insisterons pas sur les cas, pourtant fréquents ou une mauvaise écriture fait confondre l'n avec Vu, ni sur la facilité avec laquelle les Anglais font permuter la valeur des voyelles et les Allemands celle des consonnes.
- A Vienne (Autriche), où Allemands, Hongrois, Slaves et Italiens se coudoient, les difficultés de classification ont été jugées telles, que le registre de la population est classé d’abord par prénoms, le nom patronymique n’intervenant qu’en second.
- Les exemples que nous avons cités donneront au lecteur une idée bien suffisante des règles suivies à Paris pour la classification rationnelle de ces gigantesques répertoires. On estime qu’il faut plus de trois mois de pratique à un employé pour se les rendre familières.
- Nous tenons à ajouter que les divergences orthographiques des noms propres ont leur raison d’être, en facilitant l’établissement de la personnalité, et l’identification des membres d’une même famille. Les nombreuses difficultés orthographiques des mots de la langue usuelle ne se justifieraient pas toutes aussi aisément.
- Alphonse Bertillon.
- LES COMBUSTIBLES LIQUIDES
- ET LES CHAUDIÈRES MARINES
- M. Busley, ingénieur de la marine à Kiel, vient de publier dans le Zeitschrift des vereines deutscher Ingenicure une étude fort intéressante sur l’état actuel de l’emploi des combustibles liquides jusqu’à ce jour, et plus spécialement en ce qui concerne l’application aux chaudières des navires de guerre. Voici un résumé fidèle de cette étude d’après les Abstracts of papers in foreign transactions and periodicals publiés par The Institution of civils engineers.
- Bien que des études aient été faites depuis quelques années de différents côtés, c’est seulement en Russie que la production de la vapeur à l’aide de combustibles liquides s’est développée dans de grandes proportions.
- A l’aide de tableaux, l’auteur fait ressortir les propriétés des combustibles liquides déjà employés jusqu’à ce jour, leur puissance calorifique, leur densité, leur température d’inflammation, leur rendement calorifique et leur prix comparé à celui du charbon. Dans tous les cas, les prix actuels des combustibles liquides sont supérieurs de beaucoup au prix du charbon en Allemagne, mais l’auteur considère qu’au point de vue de la navigation, ce n’est pas là un désavantage prohibitif, eu égard aux multiples avantages obtenus par la substitution des combustibles liquides aux combustibles solides.
- En prenant comme point de comparaison le prix de la bonne houille de Westphalie, les prix relatifs des combustibles liquides les plus employés sont représentés par les
- chiffres suivants •
- Houille de Westphalie......................1
- Pétrole brut d’Amérique..................- . 4,17
- — du Caucase..........................2,5
- Résidus des huiles d’éclairage d’Amérique. . 4,86
- — du Caucase. . 2,91
- Résidus des huiles de graissage............1,94
- Schiste....................................2,91
- Goudron....................................1,50
- Les foyers destinés à brûler les combustibles liquides sont divisés par l’auteur en trois classes :
- 1° Foyers à grille, brûlant le combustible à l’état liquide ordinaire; 2° foyers à gaz, dans lesquels le liquide est préalablement vaporisé ; 3° foyers à combustible pulvérisé, dans lesquels le liquide est introduit sous forme de poussière.
- Après avoir décrit ces foyers, leurs différentes variétés, et les résultats obtenus, l’auteur rend compte de certaines expériences faites par M. d’Allert en 1887 sur des chaudières de torpilleurs montées avec des foyers de son système, faisant usage du tirage naturel ou du tirage forcé, et les résultats obtenus sont comparés à ceux des expériences de MM. Guillaume et Thornycroft, employant respectivement des briquettes et du charbon comme combustible : ces expériences sont des plus favorables aux combustibles liquides. Dans les mêmes conditions, le combustible liquide a fait passer 15,25k6 d’eau à 100° C à l’état de vapeur à 3 atmosphères de pression, tandis que les briquettes n’en ont produit que 9,68ke. L’injec-teur-pulvérisateur paraît devoir donner les meilleurs résultats, et est moins sujet aux engorgements que les autres formes. Les expériences de M. d’Allert font ressortir la consommation du combustible liquide (huile de résidus) avec injecteur-pulvérisateur, entre 0,7kf et 0,8kg par cheval-heure indiqué, le moteur étant une machine compound.
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- LA NATURE.
- LA CHÉLYDRE DE TEMMINCK
- Parmi les Tortues qui habitent les étangs ou les rivières, et que les auteurs de Y Erpétologie générale, Duméril et Bib-ron, ont rangées dans une famille particulière sous le nom d’Elodites, bien que leur organisation s’écarte peu de celles des Tortues de terre, Tune des plus intéressantes est, sans contredit, la Chélydre ou Emysaure de Temminck (Che-lydra Temminckii, Troost), pour laquelle L. Agas-siz a créé le genre Ggpochelys.
- Cette espèce, dont la ménagerie des reptiles du Muséum possède deux beaux exemplaires, se fait immédiatement remarquer par sa tète énorme, très large au niveau des tempes, mais qui se rétrécit rapidement en avant pour se terminer par un museau pointu, à l’extrémité duquel s’ouvrent les narines. Les yeux sont grands, brillants, entourés d’une rangée de petites saillies dures qui se projettent sur l’iris. Limitant une bouc-be assez largement fendue, les mâchoires sont armées d’un revêtement corné, tranchant sur son bord libre et particulièrement robuste. La supérieure dépasse l’inférieure, et en se croisant ainsi, elles constituent ensemble une redoutable paire de ciseaux. La première se termine en avant par un fort crochet médian vertical, que suit une échancrure arrondie, disposition qui rappelle assez bien un bec de vautour. Un crochet analogue s’observe à la mâchoire inférieure, mais il est recouvert par le précédent et se loge dans une fossette de la mâchoire opposée. Sous le menton se trouve une paire de barbillons.
- Le cou est épais, recouvert d’une peau ridée, rugueuse et parsemée de saillies verruqueuses souvent terminées par des épines cornées. Cette peau est sans adhérence avec les tissus sous-jacents et tellement lâche qu’elle forme une sorte de gaine dans laquelle le cou peut se retirer, en se repliant en arrière sous la colonne vertébrale, pour se loger sous la carapace. Dans ces conditions, la tête semble portée directement par le corps, et c’est l’état que représente la gravure ci-jointe et dans lequel se tient habituellement la Chélydre de Temminck, bien que la tête elle-même disparaisse parfois presque tout entière. Mais qu’une proie ou un ennemi se présente à portée, le cou se redresse brusquement sous l’action de muscles protracteurs particuliers, et la tète est projetée en avant sur l’objet attaqué, qui est immédiatement saisi entre les puissantes mâchoires de l’animal.
- La carapace est large, ohlongue, assez déprimée et parcourue par trois carènes longitudinales. Son bord antérieur est excavé au-dessus du cou, tandis que le postérieur est dentelé. Le plastron est étroit et cruciforme, dépourvu de mobilité. Les membres sont robustes, et les doigts, réunis par une membrane flexible, qui constitue une véritable palma-ture, se terminent par des ongles vigoureux, en forme de griffes, au nombre de cinq pour les pattes
- antérieures, de quatre seulement pour les postérieures. Longue et épaisse, surtout à sa base, la queue est recouverte d'une peau verruqueuse et garnie de trois rangées de plaques ovalaires, une de chaque côté et une sur la ligne médiane dorsale. Les plaques de celte dernière rangée sont relevées sur leur partie moyenne, de manière à figurer une crête dorsale discontinue.
- La carapace, le cou et le dessus de la tète ont une teinte brune plus ou moins foncée, mais le plastron et une grande partie des mâchoires sont d’un jaune pâle.
- La Chélydre de Temminck semble parvenir à un âge très avancé. Des deux spécimens que possède la ménagerie du Muséum, l’un est en captivité depuis onze ans, l’autre depuis neuf, et leur taille qui est fort grande, n’a pas sensiblement augmenté pendant ce temps. Chez l’un d’eux, la carapace mesure 6(5 centimètres de longueur sur 51 dans sa plus grande largeur, et, le cou étant complètement retiré sous la carapace, la distance du museau à l’extrémité de la queue s’élève à lm,27.
- Les Chélydres sont particulières à l’Amérique du Nord. Celle de Temminck se rencontre principalement dans le Mississipi et ses affluents, ainsi que dans quelques-uns des autres fleuves qui déversent leurs eaux dans le golfe du Mexique. Les exemplaires du Muséum proviennent l’un et l’autre du Mississipi. Ils se tiennent d’ordinaire complètement immergés et immobiles au fond du bassin où ils sont placés, le museau dirigé obliquement en haut; de temps à autre, ils élèvent lentement la tête, dont ils font saillir l’extrémité hors de l’eau, absorbent une nouvelle provision d’air, puis de nouveau disparaissent. On les voit fréquemment expulser par leurs narines un courant d’eau assez rapide, qui se manifeste a la surface du bassin par le soulèvement et l’agitation du liquide. Mais d’où vient cette eau, de l’estomac ou des poumons? et quel est son rôle? Ce sont là des questions dont la solution est encore à trouver.
- Les Chélydres ont un régime essentiellement carnivore. A l’état de liberté, elles se nourrissent surtout de poisson; mais elles ne dédaignent pas les oiseaux aquatiques, qu’elles saisissent solidement de leurs puissantes mâchoires et qu’elles entraînent au fond de l’eau où elles les noient, pour s’en repaître ensuite. En captivité, elles se contentent de viande ou de poisson frais, de rats ou de jeunes chats préalablement tués. Leur régime influe sans doute sur leur caractère, qui est brutal et emporté, au point qu’elles entrent, à ce qu’assurent des auteurs dignes de foi, dans une véritable fureur lorsqu’on les irrite. Ce qui est certain, c’est que le premier sentiment qu’inspire la Chélydre de Temminck lorsqu’on l’examine immobile au fond de son bassin, le museau relevé et le regard lixe, est la méfiance; cl ce sentiment redouble d’intensité quand on pense (jue sa tête énorme, qui semble soudée au corps, peut, par un mouvement rapide, être projetée en
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- Clté.lydre do Teinminek; tort ne actuellement vivante à la Ménagerie des reptiles au Muséum d’histoire naturelle de Paris.
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- avant de toute la longueur du cou. La disposition anatomique qui lui permet de retirer son cou sous la carapace et de le détendre ensuite comme un ressort, équivaut pour elle à un piège dont elle peut disposer h son gré et qu’elle tient presque constamment tendu k ses victimes. De fait, elle semble toujours en embuscade. Une autre circonstance la rend plus dangereuse encore : comme elle garde ordinairement dans l’eau une immobilité complète, une végétation parasitique se développe sur sa carapace et la recouvre de telle sorte qu'il est difficile de la distinguer des objets environnants. C’est le cas des spécimens que l’on peut voir aujourd'hui au Muséum, et qui disparaissent sous une épaisse coucbe de conferves.
- Malgré sa sauvagerie, la Cbélydre de Temminck vit cependant en bonne intelligence avec une autre espèce du même genre, la Cbélydre serpentine, qui n’atteint pas une taille aussi considérable, mais dont l’humeur est encore plus farouche et le caractère plus perfide, ainsi que l’indique d’ailleurs son nom. A l’état de liberté, celle-ci se jette sur tout ce qu’elle rencontre et ne craint pas d’attaquer, en leur causant de profondes blessures, les baigneurs qui se hasardent dans les cours d’eau qu’elle habite.
- Les Chélydres peuvent se mouvoir dans l’eau avec agilité; sur la terre ferme, au contraire, leurs mouvements sont lents et mal assurés, aussi ne s’y aventurent-elles guère que pour y déposer leurs œufs. Ceux de la Chélydre serpentine, au nombre de vingt à trente par ponte et relativement petits, sont, paraît-il, très recherchés; mais la chair de ces Tortues exhale une forte odeur de musc et n’est pas comestible. F. Mocquard.
- LE MÉTAL DELTA
- Le métal Delta, dont l’invention ne date que de 1885, est la réalisation d’un but poursuivi depuis longtemps : l’obtention d’un alliage tel que fer et cuivre, présentant à la fois résistance mécanique et résistance aux agents chimiques. On a bien obtenu des composés répondant au problème, et fournissant jusqu’à 90 kilogrammes de résistance et 50 pour 100 d’allongement, mais le prix en faisait un métal de luxe entièrement hors d’usage pour l’industrie courante. D’autres alliages à bon marché ont été produits; mais aucun jusqu’alors n’avait fourni d’une façon régulière et suivie les qualités observées sur quelques lots. Le métal Delta répond à ces desiderata, et, par la composition moyenne de ses divers alliages (soit d’environ: cuivre, 50 pour 100; zinc, 40 pour 100; fer, manganèse, etc., 10 pour 100) il se trouve inférieur, comme prix, au bronze ordinaire. Le Delta n’est pas un laiton additionné de fer, mais constitue bien une combinaison entre ses principaux éléments : c’est d’ailleurs ce que prouvent l’absence de rouille et l’indifférence magnétique de cet alliage. Le grain du Delta a la finesse de l’acier moulé, et ne présente pas de particules de fer séparées, si nuisibles au travail d’un métal à base de cuivre. La densité est 8,4; le degré de fusion, 950° C.
- La résistance des pièces fondues est au minimum de
- 50 kilogrammes par millimètre carré, et, en moyenne, 55 à 56 kilogrammes par millimètre carré ; en général, l’on peut dire que le Delta coulé est plus résistant que le fer travaillé. Au rouge sombre, le Delta est plus malléable que le plomb, et permet d’obtenir à la forge des pièces de formes et de dimensions quelconques offrant une résistance mi-nima de 50 kilogrammes par millimètre carré, et, en moyenne, de 55 kilogrammes par millimètre carré. L’estampage à chaud permet des pièces d’un fini parfait, sans soufflures et n’exigeant que très peu ou point de main-d’œuvre pour le finissage. Le Delta se lamine à tous les degrés de dureté et d’épaisseur voulues (plaques, planches et clinquants). On le soude à l’étain, à la soudure de cuivre, à la soudure Delta-argent, à la soudure d’argent et au chalumeau oxhydrique d’une façon autogène, suivant le but que l’on se propose. En fils, le Delta donne de très belles résistances, entre 80 et 90 kilogrammes par millimètre carré (de même que certaines barres laminées et étirées). Recuit, le métal s’emboutit, se martelie, se frappe et se tréfile au dernier point, jusqu’à 1/25 de millimètre. Si la trempe agit peu sur le Delta, l’écrouissage permet, par contre, d’obtenir d’excellents ressorts de tous genres, très énergiques, ne craignant pas de perdre leur élasticité, comme ceux d’acier, par une altération moléculaire, tout en résistant aux agents atmosphériques et chimiques d’une façon très supérieure. Son homogénéité se constate encore lorsqu’il est exposé aux corrosifs : l’attaque qu’il subit dans ce cas est moindre que celle des autres métaux, et sa surface, même sous cette action, reste parfaitement uniforme, au lieu de devenir rugueuse et ondulée comme celle des alliages et autres métaux essayés comparativement dans les mêmes conditions. Le métal Delta peut prendre un poli inaltérable à l’air et dont la couleur rappelle celle de l’or. Cet alliage se prête à tous les emplois du bronze et de l’acier (sauf les outils et les pièces spéciales en acier non trempé) et remplace, dans nombre de cas, ces éléments avec avantage, soit à cause de l’absence de rouille et de vert-de-gris, de son frottement supérieur exempt de grippement, de sa résistance remarquable et de son prix peu élevé. D’ailleurs les emplois très multiples du métal Delta prouvent mieux que tout le reste ses qualités industrielles. En Angleterre, en Allemagne, en Autriche, en Italie, en Belgique, en Suisse, etc., il est déjà très répandu. Chez nous, il a fait ses preuves, mais son développement est peu de chose actuellement relativement à ce qu’il devrait être.
- (Bulletin de la Société d'encouragement.)
- TREMBLEMENT DE TERRE
- DU 15 MAI 1888, EN BRETAGNE
- Une forte secousse de tremblement de terre a été ressentie dans toute la Bretagne le 15 mai dernier. Voici le résumé des observations qui nous sont parvenues sur cet intéressant phénomène.
- M. le baron de la Gatinerie, au château du Ne do, près Plaudren (14 kilomètres au nord de Vannes), écrit : « Ce matin, à 5 heures, on a ressenti, à Plaudren et dans les environs, une forte secousse de tremblement de terre; elle a produit l’impression d’un mouvement de l’est à l’ouest. Chez moi, les portes et les fenêtres ont subi un tremblement qui a pu durer six à huit secondes. »
- M. le comte de Limur, président de la Société polyma-thique du Morbihan, a recueilli les témoignages suivants
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- à Vannes: « M.L... a été surpris, vers 5 heures du matin, de sentir un frémissement du sol, et un bruit comme la détonation d’une mine qui aurait eu lieu à quelques centaines de mètres dans la direction de l’est; il a même pensé à une poudrière qui aurait sauté. Dans sa maison, plusieurs personnes ont éprouvé la secousse. — M. B... a pensé que la terrasse située sur les anciens murs de la ville venait de s’écrouler, et il est allé voir. — Nombre d’autres personnes ont ressenti cette trépidation du sol. L’effet semble avoir été particulièrement marqué aux étages élevés des maisons, dans la partie nord de la ville. »
- M. Carré, directeur de l’Observatoire de la marine, à Lorient, signale deux secousses de tremblement de terre à 5 h. 20 m.; durée deux secondes.
- A Saint-Méen (Ille-et-Vilaine), la vaisselle a été brisée dans plusieurs maisons: la secousse a été ressentie à
- 5 h. 30 m. Le phénomène a été également constaté à Rennes à 5 h. 27 m. et à Quimper à 5 h. 50 m.
- Le Petit Phare du Morbihan conlirine ces renseignements : (( La secousse de tremblément de terre, dit ce journal, s’est fait sentir à Rennes et à Lorient, a eu son contre-coup dans presque toute la Bretagne et même dans la partie de notre département qui touche au Morbihan.
- (( A Saint-Nazaire et à Pornichet, la secousse a été très sensible. Le mouvement semblait se produire dans la direction de l’ouest à l’est.
- (( A Rennes, c’est surtout dans le quartier de la place de Bretagne et de la rue La Chalotais que ce phénomène a été observé.
- (( Au grand Saint-Méen, le meme jour, à 8 heures du matin, une secousse de tremblement de terre a aussi été ressentie. »
- Le magnétographe de l’Observatoire du parc Saint-Maur, qui a été impressionné ni nettement par le tremblement de terre de Nice, le 25 février 1887, n’indique rien de particulier, le 15 mai dernier, entre 5 heures et
- 6 heures du matin.
- Nous ajouterons qu’une secousse de tremblement de terre a été ressentie le 14 mai, en Auvergne.
- L’AVERTISSEUR ÉLECTRO-AUTOMATIQUE
- DU PASSAGE DES TRAIXS, DE M. L. CLÉMANDOT
- A différentes reprises nos lecteurs ont été mis au courant des systèmes proposés ou adoptés en France pour assurer la parfaite sécurité d’exploitation de nos lignes ferrées. Ils connaissent, en principe, le problème général du block-system et les appareils employés à sa réalisation. Nous ne reviendrons pas sur la question d’ensemble qui vient d’ailleurs d’être fort bien exposée ici même (n° 7 76, du 14 avril 1888) ; nous nous bornerons simplement dans cette courte notice à faire connaître avec quelques détails l’ingénieux avertisseur automatique du passage des trains, imaginé par M. Clémandot et dont il a déjà été très brièvement question dans l’article auquel nous faisions allusion.
- Cet appareil est, croyons-nous, le dernier modèle créé : il est en essai depuis plusieurs mois déjà et nous l’aurions fait connaître depuis longtemps, si l’inventeur n’avait tenu à ce qiie l’artifice presque
- audacieux sur lequel il s’est appuyé, n’eût été d’abord consacré par des résultats pratiques irréfutables. Après une série de premiers tâtonnements, toutes les difficultés semblent surmontées et c’est l’appareil amené au type que MM. Mors ont installé il y a quelques mois entre Gagnv et le Raincy sur la ligne de l’Est, que nous allons décrire.
- En principe, comme on le sait déjà, l’appareil utilise pour son fonctionnement la différence de résistance électrique qui existe entre les deux files de rails d’une voie selon qu’un train les réunit par l’intermédiaire de ses roues et de ses essieux ou que la voie est libre, les rails n’étant plus alors en communication électrique que par le sol, c’est-à-dire d’une façon imparfaite.
- La figure 1 représente l’ensemble de l’installation, la voie libre, les divers appareils constituant l’avertisseur dans la position requise pour l’annonce d’un train. Ces appareils sont groupés dans deux circuits distincts. Le premier circuit comprend un interrupteur I et une pile P' placée dans une caisse en béton bien fermée, à proximité du point où l’on veut contrôler le passage des trains. Le deuxième circuit relié au premier par les deux fils de ligne LL', comprend un relais R, un bouton de rappel B, une sonnerie trembleuse S et une pile P, placés au poste qui doit être averti (gare, station, passage à niveau, poste Saxby, etc...)
- Dans le premier circuit, à l’interrupteur, le courant de la pile à courant continu P' (type au sulfate de cuivre) passe constamment, en temps ordinaire, dans les bobines de l’électro-aimant E' ; il en résulte une sorte d’aimant permanent qui tient collée contre ses armatures la palette mobile A'et contre la vis le ressort R' dont elle est munie à sa partie supérieure. Les deux fils conducteurs sont en outre, sur leur parcours entre la pile et l’interrupteur, fixés à demeure à l’aide de deux vis C et G' à deux des rails opposés constituant la voie sur laquelle circule le train dont il faut annoncer le passage. Ces rails en communication électrique par le sol forment, il faut bien le remarquer, deux terres permanentes mais imparfaites (variables d’ailleurs avec la nature du sof et l’état de la voie) entre lesquelles, par dérivation, passera une partie du courant de la pile. L’autre partie, la plus grande, passera de son côté aux bobines de l’électro-aimant de l’interrupteur, si l’on a pris soin de choisir ces bobines de telle sorte que leur résistance soit toujours plus faible que celle du sol entre les deux terres, même quand celui-ci est le moins résistant, c’est-à-dire quand il est le plus humide possible. La palette de l’interrupteur restera donc toujours collée à l’armature comme nous l’avons dit, c’est-à-dire que l’interrupteur reste enclenché.
- Dans ces conditions, et c’est là le nœud du problème, le deuxième circuit, qui part de la pile P et passe par le relais, est fermé, puisqu’il aboutit d’une part à la palette A', et, d’autre part, à la vis Y' qui sont et restent en contact. Au relais, le courant con-
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- tinu qui parcourt ce circuit a pour effet de maintenir la palette À contre les armatures de l’électro-aimant E et de séparer, par conséquent, le ressort R" de la vis V" appartenant tous deux au circuit de la sonnerie qui reste alors inactive.
- Supposons maintenant qu’un train à annoncer s’avance. A mesure qu’il s’approche du point où est placé l’interrupteur, il s’établit, par l’intermédiaire des essieux et des roues formant contact parfait entre les deux files de rails reliés entre eux par les éclisses et le sol, une dérivation qui augmente peu à peu et devient enfin absolue pour ainsi dire à l’instant où la locomotive touche les rails R,R', sur lesquels sont fixés les fils conducteurs du circuit interrupteur. A ce moment exact, ou un peu avant (50 mètres ou 100 mètres des rails de contact, suivant l’état de la voie), le courant de la pile P' trouve dans les rails, les roues et les essieux, un conducteur infiniment moins résistant que l’électro aimant E' quel qu’il
- soit et passe presque tout entier directement de R à R'.
- Le courant se fermant ainsi sur lui-même (fig. 2) n’actionne plus alors suffisamment l’interrupteur dont la palette cesse d’être attirée et retombe sur la vis de butée Y limitant sa course.
- L’interrupteur déclenche donc, interrompant ou mieux coupant en Y' le circuit du relais qui déclenche à son tour d’une façon analogue : le ressort R" vient à buter contre la vis Y" fermant le circuit de la sonnerie qui tinte d’une manière continue.
- Les agents intéressés sont ainsi prévenus qu’un train arrive et se mettent en mesure de le recevoir.
- Aussitôt le train passé, il incombe aux mêmes agents de remettre l’appareil en état d’annoncer un second train. A cet effet, il suffit de presser un instant sur le bouton R. On lance ainsi le courant de la pile P dans le circuit-relais, rétabli automati-| quement entre Y' et R' à l’interrupteur, aussitôt
- i K>
- Ebonite
- Fi*;. 1. — Avertisseur électromagnétique de M. Cléinaiulot. Appareil enclenché.
- Fig. 2. — Avertisseur électromagnétique de M. Clémandot. Appareil déclenché.
- que le train en passage n’a plus été capable d’établir entre les deux rails une dérivation suffisante pour empêcher l’interrupteur de ré-enclencher. La palette du relais est ainsi de nouveau attirée et reste collée contre les armatures de l’électro aimant. La sonnerie s’arrête alors et tout est prêt pour l’annonce du train suivant.
- Comme on le voit, l’avertisseur Clémandot n’est pas entièrement automatique, mais c’est là une excellente condition tant pour le contrôle des agents que pour le contrôle de l’appareil lui-même. D’autre part, l’emploi du courant continu implique une sécurité absolue puisque toute rupture d’un fil ou dérangement quelconque amène directement ou indirectement le déclenchement du relais, c’est-à-dire la mise en marche de la sonnerie. L’appareil se garde donc lui-même, ce qui est une qualité de première importance dont il est inutile, croyons-nous, de faire ressortir toute la valeur. La seule différence de résistance électrique qui existe entre les bobines de l’électro-aimant h l’interrupteur et le sol à son
- état de conductibilité maxima, suffit donc, en principe, pour assurer le fonctionnement de tout le système comme nous l’avons expliqué. C’est grâce à cet artifice tout nouveau que M. Clémandot a pu, d’une part, éviter l’emploi d’un contact mécanique de nature quelconque formé d’éléments mobiles, mis en mouvement ou vibration par le train passant en vitesse et susceptibles par conséquent de se dérégler ou de se briser au bout d’un certain temps; d’autre part, s’abstenir entièrement d’isoler les rails. Ce dernier point est d’une importance capitale par les facilités de pose et surtout d’entretien qu’il apporte avec lui. 11 différencie en particulier complètement cet appareil des systèmes analogues que l’on pourrait imaginer (celui de l’Union Svvitch and Signal C°, par exemple), pour l’application desquels la nécessité d’isoler une file ou les deux files de rails, un seul rail même, nous paraît devoir être un grand obstacle auprès de nos compagnies françaises.
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- LE FILAGE DE L’HUILE A LA MER
- M. l’amiral Cloué, qui s’occupe, comme on sait, de la question du filage de l’huile avec une autorité et une compétence toutes spéciales, a publié récem-
- ment sur ce sujet une étude des plus intéressantes, dans laquelle il a reproduit, en les complétant, les curieuses observations déjà présentées par lui dans une communication à l’Académie des sciences. L’auteur y rappelle d’abord toutes les notices historiques laissées par les auteurs ou transmis par tradition
- Fig. 1. — Navire muni d’un floiteur porlant un sac à huile.
- parmi certaines populations maritimes, montrant que l’inllucnce du filage de l’huile était bien connu chez les anciens, mais qu’elle avait été négligée dans les temps modernes par un oubli difficilement
- Fig. “i. — Canot de sauvetage avec sac à huile.
- l'huile à la mer présente une grande importance au point de vue de l’emploi pratique du filage, nous donnerons de préférence quelques détails sur les dispositions déjà essayées à cet effet.
- Pour les navires de haute mer, dit M. l’amiral Cloué, il semble jusqu’à présent que c’est en fuyant devant le vent, ou en tenant la cape que le résultat du filage est le plus remarquable et le plus certain.
- explicable. Nous n’insisterons pas sur ces citations dont nous a*ons mentionné du reste quelques-unes dans un article précédent (v. La Nature, n° du 25 juillet 1887) ; mais comme la manière de répandre
- Fig. 5. — Sac à huile à i’enlrée d’un port.
- Nous avons, ajoute-t-il, soixante-quatre exemples de navires fuyant vent arrière, et soixante-douze de navires à la cape, qui ont réussi à se garantir de coups de mer avec une dépense minimum eu égard à l’importance du résultat obtenu, soit avec une moyenne inférieure à 5 litres à l’heure.
- Plusieurs navires ont cependant pu employer utilement l’huile avec le vent et la lame venant de la
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- hanche, et l’on en cite même deux qui ont pu continuer leur route avec le vent et la grosse mer du travers.
- Le cas le plus dilficile est celui du navire marchant debout à la lame, et malgré l’étonnante rapidité avec laquelle l’huile se répand à la mer, il ne semble pas qu’on soit arrivé à calmer les brisants par ce moyen, car l’huile n'a pas le temps de devancer le navire en marche. Le seul exemple qu’a pu citer M. Cloué, est celui du steamer anglais Con-cordia, qui a paru se servir utilement de l’huile pour filer 10 nœuds contre une grosse mer, exemple auquel est venu s’adjoindre plus tard celui du paquebot allemand le Main; mais ce sont là des cas isolés, exceptionnels, pour ainsi dire, et il y aurait des expériences intéressantes à faire à ce point de vue pour assurer le filage pratique de l’huile avec un navire naviguant debout à la lame.
- Le réservoir le plus généralement employé pour filer l’huile, est ordinairement un sac en forte toile de 10 litres environ de capacité qu’on remplit d’étoupe saturée d’huile, on ferme ensuite solidement l’entrée, et on perce la toile de plusieurs trous à l’aide d’une aiguille à voiles. Lorsqu'on est vent arrière, on se borne souvent à mettre un de ces sacs à la traîne à chaque angle de la poupe du navire, ou un peu plus à l’avant. Certains capitaines toutefois, dit M. Cloué, préfèrent attacher les sacs à l’avant et aux bossoirs : l’avant du navire, en plongeant et repoussant la mer, étend ainsi la tache et élargit le chemin uni où les brisants sont supprimés. Cette disposition paraît des plus efficaces.
- Les sacs employés présentent des formes très variées, généralement ils sont cylindriques avec un diamètre à la base de 0m,20 pour une profondeur de 0m,50, mais quelquefois ils sont plus allongés ou prennent une forme en double cône qui facilite la remorque. En principe, il convient de s’attacher à obtenir un écoulement faible mais bien continu et régulier, grâce auquel la nappe d’huile s’étend mieux au loin que par un écoulement abondant mais trop brusque.
- A côté des sacs, on peut employer aussi d’autres dispositions moins primitives pour assurer le filage de l’huile, notamment l’appareil à piston que nous avons décrit dans l’article précédent : celui-ci a l’avantage de fonctionner seulement par le mouvement même du langage; il donne en outre un filage certain, mais par contre, il est un peu délicat et dépense peut-être trop d’huile.
- M. Tovvnsend, qui a fait récemment une communication intéressante à ce sujet à l’Institut de Franklin en Amérique, propose de son côté l’emploi d’une sphère métallique creuse, de 0m,250 de diamètre, en partie remplie d’huile, qui serait lancée à la mer au moyen d’une amarre. Cette sphère serait lestée par un compartiment ménagé à l’intérieur; la chambre à huile serait munie de deux soupapes, l’une à la partie inférieure pour F admission de l’eau, et l’autre à la partie supérieure pour l’écou-
- lement de l’huile que l’eau viendrait peu à peu remplacer. Ces soupapes permettent de régler l’écoulement à l’avance, au moment de lancer la sphère.
- Pour être complètement efficace, l'appareil de filage doit pouvoir s’installera une certaine distance à la mer, tout en réservant la possibilité de régler la dépense pour la marche avec vent de côté ou vent arrière, surtout si le navire n’a pas de forme renflée à l’avant, comme c’est le cas ordinaire. Actuellement on ménage ainsi autour du navire une nappe unie d’une certaine largeur, dans laquelle il évolue plus librement, mais il faudrait en outre se réserver la possibilité d’en régler le débit selon les besoins.
- Le problème est encore loin malheureusement d’être résolu, mais tout en s’en tenant à l’emploi des sacs dont on ne peut pas régler le débit, M. Cloué pense qu’il y aurait un grand avantage à amarrer ceux-ci sur des flotteurs qu’on pourrait en quelque sorte diriger à volonté et reporter à une certaine distance du navire. La figure 1 montre la disposition proposée par lui à cet effet. Le flotteur employé, qui reçoit le sac en son milieu, a 2m,50 de longueur, il est muni d’une patte d’oie en fort filin tenue par une remorque passant dans une poulie fixée à l’extrémité d’un arc-boutant solidement rattaché au bossoir. La remorque rentre à bord ou en passant sur le beaupré. Si on lance à la mer un pareil flotteur, il arrivera graduellement par la vitesse même de marche du navire dans la position relative oïl il garantit efficacement l’avant en fournissant une nappe qui s’étend sur toute la longueur du navire. Une installation analogue peut être appliquée très avantageusement sur les canots de sauvetage (fig. 2). Ces canots doivent être disposés de manière à recevoir les sacs, soit à l’arrière, à l’avant ou sur le côté, suspendus à l’extrémité d’un espar en cas de besoin.
- On a fait également, en Angleterre, dans quelques ports, notamment à Peterhead, Aberdeen, Folkes-tone, différentes expériences dans le but d’en rendre l’entrée praticable pendant le mauvais temps ; on a pu constater là aussi l’efficacité de l’huile pour arrêter les lames, mais les dispositions proposées d’abord pour le filage ont été jugées trop coûteuses, et on y a renoncé pour revenir à l’emploi des sacs en toile attachés aux bouées. A Peterhead, qui est un port particulièrement exposé de la côte d’Ecosse, on avait disposé une installation fixe comprenant un tuyau immergé depuis le port jusqu’à la barre d’entrée, et dont l’extrémité était percée de nombreux petits trous. On y refoulait l’huile au moyen d’une pompe, celle-ci remontait à la surface et calmait les vagues, de sorte que les barques pussent entrer dans le port sans accident. La dépense d’huile s’éleva à 700 litres et le résultat produit fut des plus remarquables, car la nappe d’huile persista pendant fort longtemps en formant à la surface de l’eau un revêtement que le vent agitait seulement sans le hriser.
- Le filage de l’huile permettrait donc d’éviter ab-
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- solument les coups de lame à l’intérieur des ports, et il serait fort intéressant de réaliser une installation appropriée mais plus économique, qui permît d’y avoir recours en cas de besoin. M. Cloué propose à cet effet la disposition suivante d’une réalisation des plus faciles (fig.5) : une demi-sphère en fonte P pesant 500 à 1000 kilogrammes serait installée en avant des jetées sur les bas-fonds recouverts de brisants pendant les mauvais temps. Une poulie P ménagée sur le crapaud reçoit une chaîne dont les extrémités viennent jusqu’à l’avant du môle et qui sert à jeter le sac d’huile S. Celui-ci est fixé sur une bouée H qu’on attache sur la chaîne, et on l’amène à la mer au-dessus du crapaud en halant la chaîne. Pour que celle-ci ne gène pas la navigation dans son trajet depuis le crapaud jusqu’à la tête de la jetée, on la ramène au pied du môle en la faisant passer sur une poulie fixe ménagée à cet effet dans le fond1.
- CHRONIQUE
- Stations centrales électriques. — L'Edison Company est sur le point d’installer à Philadelphie une station centrale de distribution qui sera, dit-on, la plus grande des Etats-Unis, pour l’éclairage du cœur de la ville. Comme le terrain y est très cher, on n’a pu disposer que d’un rectangle de 22 mètres de largeur sur 30 mètres de longueur, sur lequel on a construit un batiment à six étages de 54 mètres de hauteur. Au rez-de-chaussée de ce bâtiment, sont établis 20 moteurs Armington et Sims de 250 chevaux chacun, faisant 200 tours par minute. Au premier étage, sont 40 dynamos pouvant alimenter chacune 1500 lampes et 16 bougies, soit un total de 60000 lampes et faisant 600 tours par minute. Le second étage est occupé par l’atelier des réparations et le troisième par les chaudières. Le quatrième étage constitue une vaste soute à charbon, et le cinquième est occupé parles bureaux de la Compagnie. La distribution sera faite à trois fils, et il n’v aura pas moins de 55 conducteurs sortant de la station centrale. Les lils déjà posés ont déjà 20 kilomètres de longueur, mais leur longueur totale ne sera pas moindre de 200 kilomètres. Les demandes de lampes dépassent déjà 10000, et la compagnie est prête' à distribuer de la force motrice à qui en fera la demande jusqu’à concurrence de 100 chevaux.
- Voilà comment on entend les distributions d’énergie électrique en Amérique. Pendant que de semblables installations se préparent, Paris a trois ou quatre petites stationelles, et en est presque réduit aux installations individuelles, avec moteur à gaz, moteur à vapeur, ou moteur à air comprimé (!), transformant chaque maison en une petite usine électrique.
- Un calorifère solaire. — Voici une méthode pratique intéressante imaginée récemment par M. le professeur Morse, de Salem (Massachusetts) pour utiliser la chaleur du soleil. L’appareil se compose d’une boîte plate dont le fond est constitué par une feuille de tôle repliée, et la partie supérieure par une lame de verre. Cette boîte
- 1 Le filage de l'huile à la tuer, par le vice-amiral Cloué, 5° édition avec figures. 1 vol. iu-18. Paris, Gauthier-Yillars.
- est placée en dehors de l’édifice, dans une position telle que les rayons du soleil tombent normalement à sa surface. Les rayons calorifiques traversent le verre et sont absorbés par le fer qui se trouve ainsi porté à une haute température. Un système de ventilation fait passer l’air à chauffer à travers l’appareil et l’amène dans le local à chauffer (Iron.)
- ACADÉMIE DES SCIENCES
- Séance du 22 mai 1888. — Présidence de M. Janssex.
- M. Hervé Mangon. — Nos lecteurs savent la perte considérable que viennent d’éprouver la science et l’Académie. M. Hervé Mangon, vice-président en exercice, et à qui par conséquent semblait réservée la présidence exceptionnellement importante de 1889, a succombé mardi dernier aux suites d’une très longue maladie. L’article nécrologique inséré dans le présent numéro nous contraint de passer sous silence la notice lue par M. Janssen; disons seulement que jamais M. le président n’a eu plus d’élévation de pensée et plus de bonheur d’expression. Si jamais l’Académie éprouvait le besoin d’un nouveau secrétaire perpétuel, son élu est désigné d’avance. La séance a été levée en signe de deuil après la mention très rapide des pièces de la correspondance.
- Fixation par les plantes de Pazote de Pair. — En présence des résultats annoncés récemment par MM. Gauthier et Drouin, M. Chevreul écrit que dès 1854 il a, au nom d’une commission de l’Académie, constaté que M. Georges Ville parvenait déjà à démontrer la fixation de l’azote de l’air par les plantes.
- Actinomclre électrochimique. — Deux expérimentateurs lyonnais, MM. Bouis et Rigollot, décrivent un acti-nomètre qui consiste en deux lames de cuivre plongées dans l’eau salée et dont l’une est oxydée tandis que l’autre est décapée. Le courant très faible de cette pile subit des variations de plusieurs centièmes de volt suivant qu’on le place à la lumière ou dans l’obscurité. Comme le fait remarquer M. Ed. Becquerel, ces faits rentrent exactement dans la catégorie de ceux qu’il a publiés depuis très longtemps.
- La sardine. — Une très importante monographie de la sardine sur les côtes de Marseille est adressée par M. Marion, correspondant de l’Académie. On ne nous en donne d’ailleurs que le titre.
- Varia. — M“‘ Clémence Royer communique l’ensemble de ses vues sur la constitution delà matière. — Un projet de navire aérien est signalé, mais sans mention du nom de l’auteur. — Un physicien propose d’utiliser la tour Eiffel à une vérification monstre de la loi de Mariotte. — La chaleur de combustion d’un isomère sodé de la benzine occupe M. Longuinine. Stanislas Meunier.
- » —><><» .
- RÉCRÉATIONS SCIENTIFIQUES
- LE PORTE-PLUME MUSICAL ET LE PORTE-PLUME CHAÎNE DE MONTRE
- Le porte-plume musical vendu depuis quelque temps dans les diverses expositions du Palais de l’Industrie, à Paris, est un porte-plume de poche dont
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- la forme extérieure ne présente rien d’extraordinaire (nosl et2,fig. 1), niais qui contient à son intérieur un crayon porte-mine (n°4) enfermédans un tube métallique (n°5) dans lequel il glisse à frottement doux. C’est ce tube cylindrique qui constitue la pièce originale de l’appareil ; ouvert à l’une de ses extrémités, il se termine à l’autre par une embouchure de sifflet, et donne une seule et même note si l’on souffle dedans. Mais, si vous y enfoncez le manche en os du porte mine, en le faisant glisser comme un piston dans son cylindre, vous modifierez ainsi la colonne d’air mise en vibration, et obtiendrez, avec un peu d’habitude, les notes de la gamme, comme cela a lieu en grand dans le trombone à coulisse; de là le nom bizarre de porte-plume-s if fiel-trombone donné à l’objet. Vous pourrez ensuite lui faire jouer de petits airs, et enfin, mettant à profit la rapidité avec laquelle la longueur de la colonne d’air peut être modifiée, il vous sera possible de l’utiliser pour imiter les modulations du chant de divers oiseaux, et en particulier du rossignol, du pinson et du canari. Cet amusant spécimen de l’industrie parisienne nous semblait digne d’être signalé à nos lecteurs à titre de curiosité.
- Après le porte-plume musical, voici le porle-plume chaîne de montre (lig. 2) d’invention plus récente, et qui peut, en voyage par exemple, rendre certains services, lorsque l’on veut écrire à l’encre. Une série de petits tubes cylindriques, reliés les uns aux autres par des anneaux, peuvent s’emboîter les
- uns dans les autres pour constituer une tige rigide formant le porte-plume : la partie tenant la plume peut être repliée à l’intérieur, comme dans les porte-plumes pliants. Un petit récipient métallique, représenté dans notre dessin, et fermé par un bouchon
- à vis, représente l’encrier. Lorsqu’on n’a plus besoin d’écrire, l’encrier est suspendu à un anneau , à l’extrémité du porte-plume; la plume est rentrée à l’intérieur, et, si vous tirez sur les deux extrémités du porte-plume, vous le transformez en une chaîne de montre en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, les fragments cylindriques étant sortis les uns des autres et retenus seulement par leurs anneaux. Un porte-mousqueton permet d’attacher la montre à l’un des bouts, et l’encrier, suspendu à l’autre,sert de breloque. Nous ne savons pas si le petit objet que nous venons de décrire peut rendre de réels services ; le porte-plume nous semble un peu mince et l’encrier trop petit ; quant à la chaîne de montre, on peut en trouver de plus solides ; malgré ces critiques, il nous faut constater le succès de vente de ce nouvel article de Paris, qui séduit l’acheteur par son originalité bien plus que par son utilité pratique.
- 11 y a là une idée amusante qui montre encore une fois l’ingéniosité de la petite industrie parisienne.
- Le propriétaire-gérant : G. Tissandiex.
- Fig. 2. — Le por tc-plume chaîne de montre monté et démonté.
- Imprimerie A. Lahure, 9, rue de Fleurus, à Paris.
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- LA NATURE
- SEIZIÈME ANNÉE — 1888
- PREMIER SEMESTRE
- INDEX ALPHABÉTIQUE
- A.
- Abat-jour à rosaces tournantes, 256.
- Académie des sciences (Séances hebdomadaires de T), 15, 31, 47, 63, 79, 95, 111, 127, 143, 159, 175, 190, 207, 222, 239, 255, 271, 286, 303, 318, 335, 350, 367, 382, 399, 415.
- Acide carbonique (Propriétés thérapeutiques de 1’), 223.
- Acide fluorhydrique et la phtisie pulmonaire (L’), 370.
- Açores (Faune des), 286.
- Actinodon, 175.
- Actinomètre électro-chimique, 415.
- Aéronautique (Voy. Voyages aériens).
- Aéronautique (Revue de T), 127.
- Aérorhéomètre, 381.
- Aérostats captifs de l’armée portugaise (Les), 238.
- Aérostats de la mission française en Chine (Les), 186.
- Age de la pierre aux environs de Paris (Nouvelle station humaine de 1’), 111.
- Aimantation des chronomètres et des montres, 398.
- Air expiré (Le poison de P), 127.
- Alexandrie dans l’antiquité, 270.
- Allemagne (Mouvement de la population en), 390.
- Allumettes chimiques (Invention des), 90.
- Aluminium (Préparation de 1’), 74.
- Amalgamation (Traitement des sables aurifères par), 339.
- Amérique (Origine du nom), 385.
- Ammoniaques dans les alcools, 143.
- Andes (Affaissement des), 318.
- Anesthésie en Chine (Ancienneté de 1’), 335.
- Anesthésie prolongée par le protoxyde d’azote, 143.
- Animaux (Intelligence des), 397.
- Animaux (Les ancêtres de nos), 31.
- Annuaire géologique, 190.
- Anthrax (Nature microbienne de T), 111.
- Antipyrine et mal de mer, 75.
- Appareil pour expériences à haute température au sein d’un gaz sous pression élevée, 159,161.
- Aquarium des Sables-d’Olonne, 277.
- Arbre à sucre et à alcool, 382.
- Arbres géants (État civil de deux), 399.
- Ascenseur hydraulique à piston développable, 295.
- Ascenseurs hydrauliques dans la maison, 34.
- Ascension aérostatique, 366, 382.
- Association française pour l’avancement des sciences. Congrès d’Oran, 291.
- Astéries magellaniques, 255.
- Astronomie, 122.
- Atlantique par des bateaux à vapeur (Les premières traversées de 1’), 378.
- Atelier de photographie (Organisation d’un), 61.
- Australie (Centenaire de T), 135.
- Auvergne (Minéraux d’), 95.
- Avertisseur électro-magnétique du passage des trains, 411.
- Avertisseur universel, système Digeon, 395.
- Azote atmosphérique et terre végétale, 271, 286, 318, 335, 351.
- Azote de l’air (Fixation par les plantes de 1’), 415.
- B
- Bactériologie, 383.
- Baer (La statue de C.-E. de), 49.
- Bain portatif Gaston Bozérian, 299.
- Baleines franches dans les eaux d’Alger, 307.
- Ballon captif de l’armée chinoise (Le), 46.
- Ballon l’Arago, perdu en mer, 19, 83.
- Baromètre anéroïde à ciel mobile, 220.
- Bastille et la rue Saint-Antoine en 1789 (La), 391.
- Bateau à pétrole de M. Lenoir, 73.
- Béclard (Monument élevé à la mémoire de), 190.
- Belon (Pierre), 171.
- Bibliothèque de La Nature, 302.
- Bicycle valseur, 80.
- Bières françaises (Les), 66, 138.
- Bigue de 120 tonnes du port de Marseille, 215.
- Bijou animé (Un), 144.
- 27
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- INDEX ALPHABÉTIQUE.
- Bilobites (Études sur les), 400.
- Bison (Extinction du), 183.
- Blizzard ou tempête de neige aux États-Unis, 303, 305.
- Bois flottant de la Nouvelle-Ecosse (Train de), 97.
- Bouées téléphoniques, 39.
- Bourgois (Le vice-amiral), 78.
- Bouteilles sur le vin (Influence des), 135.
- Bras (Hommes sans), 202.
- Brouillard et la consommation du gaz à Londres (Le), 30.
- Brûleur à gaz à allumage automatique, 128.
- Buenos-Ayrcs (Les grands travaux de),
- 110.
- C
- Cadrans d’horloge à aiguilles et chiffres d’heures lumineux, 27.
- Cadrans solaires (Les), 3, 39.
- Café coloré, 200.
- Calendrier (Réforme du), 250, 304. Calorifère solaire (Un), 415.
- Canal d’Anvers au Rhin, 107.
- Canal de Suez (Traversée nocturne du), 33.
- Canal maritime de Manchester, 243. Carnot et Napoléon Ier à l’Institut, 46. Carte du relief de l'Algérie et de la Tunisie, 323.
- Cartouche de pansement (La), 307. Castors (Un village de), 271. Céphalopodes (Reproduction des), 287. Cercles straboscopiques, 301. Cerfs-volants japonais, 44.
- Chaîne de sûreté électrique, 85. Champigny (Une station préhistorique à), 223.
- Chant (Le), 20.
- Chasse en Hongrie (La), 175.
- Chelydre de Temminck (Le), 408. Chemin de fer (Sécurité en), 239. Chemin de fer transcaspien (Le), 50. Chemins de fer à crémaillère, 163. Chemins de fer de la Corse, 379. Chemins de fer de l'Inde, 151.
- Chêne de Sully (Le), 355.
- Chiens (Intelligence des), 206, 397. Chiens militaires (Les), 338.
- Chimie dans l’antiquité (La), 222.
- Chimie de l’amateur (La), 29.
- Chinois sans bras, 71.
- Chlamydosaure de King (Le), 104. Chrysanthèmes (Les), 119.
- Ciel (Journal du), 95.
- Cigares en papier (Les), 367.
- Cire (Fruits imités en), 30.
- Citadelles japonaises (Les vieilles), 145. Chlamydophore tronqué (Le), 296. Climat et de leurs causes (Des variations de), 342, 374, 394.
- Collier de sauvetage, 292.
- Combustibles liquides et chaudières à vapeur (Les), 407.
- Combustion lente (Sur la), 367. Combustion spontanée, 41.
- Combustion spontanée de particules d’acier, 14.
- Comète Sawerthaî, 255, 540.
- Commentry (Le terrain houiller de), 160. Compteur à gaz de poche, 381. Conservation des viandes par le sucre, 31.
- Cordes vibrantes (La forme des), 159.
- Côte Sud de l’Angleterre (Changements de niveau de la), 238.
- Coton (Incendies de), 219.
- Couronne {La), 215.
- Criquets dévastateurs en Algérie (Les), 382.
- Cyclone de Tamatave (Le), 517.
- Cyclones (Théorie des), 567.
- D
- Dchérain (Election de M.), 47, 127.
- Delta (Le métal), 410.
- Densité absolue des corps, 350.
- Dents cliez l'éléphant (Maladie des), 383.
- Dépêches en temps de guerre (Transport des), 587.
- Dessin tracé par le feu, 504.
- Diamants (Nouveau gisement de), 31.
- Dock hydraulique de San-Francisco, 87.
- Dog-cart électrique (Le), 129.
- Dompteurs de lions (Les), 81, 153.
- Douanes en Russie (Les), 50.
- Dupuy de Lôme (Eloge de), 79.
- Durand-Claye (A.), 366.
- Dynamite, sa fabrication industrielle (La), 154.
- E
- Eau de la Chaux-de-Fonds, Suisse (Alimentation d’), 7.
- Eaux minérales du centre de la France (Les stations d’), 304.
- Eaux potables de la Chaux-de-Fonds (Refoulement des), 106.
- Ebelmen (Les produits d’), 63.
- Eclair magnésique (Photographie à F), 382.
- Éclairage électrique des navires, 33.
- Éclairage électrique des trains sous les tunnels, 286.
- Éclairage électrique et les incendies (L’), 386.
- Éclipse totale de la Lune du 28 janvier 1888, 159, 176, 179, 400.
- Éclipse solaire, 95.
- Écluses de Panama, 260.
- Ectocardie (Guérison de F), 582.
- Électeurs par le sort (Le choix des), 339.
- Électricité atmosphérique, 336.
- Électricité machine à calcul, 255.
- Électricité pratique, 85.
- Electromètre nouveau. 568.
- Eolipyle à essence minérale de M. Pa-quelin, 309.
- Encyclopédie Fremy, 51.
- Équations algébriques (Résolution électrique des), 310.
- Essence de bois de rose, 310.
- Essence de rose en Bulgarie, 278.
- Étain des résidus de fer-blanc (Extraction de F), 14.
- Étoiles de mer utilisées comme engrais (Les), 190.
- Étoiles Filantes, 63.
- Exposition Louis XIV et Louis XV de l’hôtel Chimay, 403.
- Exposition samoyède (Une), 158.
- F
- Fer (Procédé pour rompre le), 87.
- Filets de pêche (Métier mécanique pour
- la fabrication des), 376.
- Filtreur pour l’épuration des huiles de graissage (Appareil), 211.
- Fleurs s’épanouissant la nuit, 110.
- Fonte (Action de l’eau de mer sur la),
- 174.
- Fonte sur la dentelle (Moulage de la), 75.
- Fontes (Etude des), 556. .
- Foraminifèrc nouveau, 255.
- Fossilisation des empreintes physiques,
- 175.
- Fourmis comestibles au Brésil (Les),
- 221.
- Franklin (Le premier voyage aérien raconté par B.), 279.
- Frein de l’artillerie française (Le nouveau), 54.
- Fruits imités eu cire, 30.
- Fumier de ferme (Composition du), 303. Fumivore-ventilateur (Appareil), 16. Fumivorité des chaudières à vapeur, 253.
- Fusil à ressort, 145, 174.
- G
- Gaïac artificiel, 271.
- Gastrostomie, 241.
- Gaz à Londres (Le brouillard et le), 30. Gaz naturel combustible des locomotives, 239.
- Géographie (Réception à la Société de), 126.
- Géologie lorraine, 15.
- Géologie sicilienne, 583.
- Glacier de Gôrncr (Gros bloc dressé sur la moraine du), 151.
- Glacier de llallett, 239.
- Glaciers (Croissance des), 74,
- Glaciers (Industrie des), 51 Gray (Asa), 366.
- Grenades contre le feu (Les), 30.
- Grotte de Trcbiciano (La), 307 Grottes d’Autriche (Les), 158.
- H
- Habitants de quelques villes de France (Nom des), 46, 94.
- Héliographe Maurer (F), 385.
- Hérédité pathologique, 240.
- Heure en province (L’), 323.
- Histoire naturelle (Conseils aux amateurs d’), 203, 269.
- Homard extraordinaire (Un), 94.
- Hospice d’animaux et refuges d’oiseaux dans les Indes, 313.
- Houille en France (La), 267.
- Houilles (Pouvoir calorifique des), 286 Huile à la mer (Le filage de F), 413. Huile de foie de morue (Falsification de F), 206.
- Huiles d’olive (Falsification des), 303. Hydroquinon (Révélateur à F), 103,151. Hygromètre végétal (Un), 206.
- I
- Ile inconnue (Découverte d’une), 207. Illusions d’optique, 301.
- Immunité (Mécanisme de F), 175.
- Indes (Cérémonies funèbres aux), 371. Insectes (Plat d’), 98.
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-
-
-
- INDEX ALPHABÉTIQUE
- 419
- Interrupteur rapide de M. G. Trouvé, 85.
- Ixode du Sénégal, 91.
- J
- Japon (Statistique du), 198.
- Jouets (Mécanique des), 108, 207, 287. Joujoux en vieux bouchons, 351.
- L
- Laboratoire central d’électricité (Le), 200. Laboratoire d'électricité de Vienne, 555. Lac de Genève (Capacité du), 79, 95.
- Lac souterrain des Douzes, 146.
- Laliure (Charles), 94.
- Lait en Suisse (Le), 158-Lampe à pétrole sans verre, 285.
- Lampes à incandescence de grande puissance lumineuse, 227.
- Langue la plus usitée (La), 239.
- La Pérouse (Le centenaire de), 146. Lapins en Australie (Destruction des), 262.
- Lapins en Californie (Destruction des), 320.
- Levure (Respiration de la), 351.
- Livres en France (Les), 231.
- Locomotion terrestre (La), 177. Locomotive américaine de M. Strong, 557.
- Lumière éclair (La), 367.
- Lumière électrique en Allemagne, 175.
- M
- Mammifères éocènes (Nouveaux), 190. Mangon (Hervé), 401, 415.
- Manuscrits à la Bibliothèque nationale, 193.
- Mars (Observations sur), 399.
- Mécanique (Un petit problème de), 179. Mégascope électrique, 48.
- Mer Baltique (Passage en hiver des détroits de la), 318.
- Mercure (Bain de), 286.
- Météorite du roi d’Annam, 583.
- Météorite monstre, 31.
- Météorite du roi d’Annam (Sceau en), 32. Météorites et l’analyse spectrale (Les), 15. Météorites indo-chinoises, 63. Météorologie (Application de la photographie à la), 65.
- Micocoulier (Le), 59.
- Mines d’argent d’Australie (Les), 242. Mollusques (Fibres musculaires des), 143. Montagnes russes à Paris (Les), 543. Morue en Afrique (Pêche à la), 550. Morue (Le rouge de la), 127.
- Moteur électrique, 286.
- Mousqueton de sûreté, 240.
- Mousse en Louisiane (Récolte de la), 271. Mouvements spontanés de certains corps à la surface de quelques liquides, 531. Moyennes (A propos des), 15.
- N
- Natron (Mode de formation du), 190. Navigation sous-marine, 78, 299.
- Navires (Sur l’expression de la vitesse des), 658.
- Nébuleuse des Pléiades, 286.
- Neige et le règne animal (La), 113. Nickel (Passivité du), 519.
- Nickelage (Nouveau procédé de), 46. Noms propres (Les), 406.
- O
- Œil (Structure de 1’), 336.
- Ombres françaises de M. Caran d’Ache, 321.
- Ombromanie (L’), 55.
- Orangers historiques, 95.
- Organismes problématiques des anciennes mers, 145.
- Ouistiti parisien [Le), 207.
- Oursins primaires, 286.
- Ours noir d’Amérique, 168, 218, 250. Oxygène (Bandes d’absorption de 1’), 335.
- P
- Pain à Paris (Consommation du), 95. Paléontologique des arbres cultivés (Origine), 550.
- Palmier bifurqué de Cayenne (Le), 211. Palmier (Déchets de), 255.
- Pamir (Le), 353.
- Panama (Travaux du canal de), 111, 115, 260.
- Papillons (Chasse aux), 203.
- Paquebot de 10 500 tonnes (Un), 291. Parallaxe du soleil, 65.
- Paraneiges en Danemark (Les), 522.
- Pas humains (Empreintes fossiles de), 229.
- Pépites d’argent natif, 190.
- Perrier (Le général), 207, 209.
- Perséite (La), 351.
- Personnages en racines de mandragore et en ceps de vigne. 191.
- Pétrole de M. Lenoir (Bateau à), 73. Pétroles de Galicie (Les), 17. Phonographe d’Edison (Nouveau), 123. Phosphates d’Algérie (Les), 160. Phosphates de Beauval (Gisements de), 111.
- Photographie au théâtre (La), 93. Photographie et la météorologie (La), 47. Photographie pratique (La), 61,195, 245. Photographiques (Nouveautés et causeries), 103, 141, 150, 285.
- Photomètre automatique, 272. Photo-poudre ou éclair magnesique, 171, 222.
- Phtisie (L’air contre la), 15.
- Phylloxéra (Le cerveau du), 259. Phylloxéra (Pertes dues au), 238. Physique sans appareils, 336.
- Pigeons (Croisade contre les), 130.
- Piles (Limite de l’éclairage par les), 550. Pins (Maladie des), 223.
- Planchon (J.-E.), 366.
- Plantes bulbeuses d’appartement, 22. Pléiades (Carte photographique du groupe des), 355.
- Pleuracanthus, 550.
- Pluies de sang (Les), 259. Pneumo-entérie des porcs, 239.
- Poison des Comalis, 303.
- Poison pulmonaire, 111.
- Poisson-lune, 206.
- Poissons marins (Abondance des), 238. Poissons marins (Phosphorescence des), 158.
- Poissons parasites, 158.
- Polices d’assurances maritimes du seizième siècle, 334.
- Pont de Forth en Écosse (Le grand), 197. Pont sur la Manche, 167.
- Population des contrées de la Terre (Superficie et), 82.
- Porcs (Maladie des), 223.
- Port du Havre (Le nouveau), 273, 327. Porte-plume musical et porte-plume chaîne de montre, 415.
- Portrait composite (Le), 289.
- Poupées (Une fabrique de), 231. Poussières (Action de l’électricité sur les), 599.
- Presse-papier électrique, 176.
- Projectiles pendant le tir (Photographie des), 210, 387.
- Prosobranches (Anatomie des), 255. Prothèse chirurgicale (La), 150. Protubérances solaires (Nature des), 176. Puits artésien de la place Hébert, à Paris, 359.
- Pyrénées vues de Marseille (Les), 251. Python (Un parasite du serpent), 91.
- R
- Races mexicaines (Les), 87.
- Rage des herbivores (La), 335.
- Ramie en France (Culture de la), 238. Raynaud (F.-J.), 126.
- Réchaud à alcool, 368.
- Récréations scientifiques (Les), 63, 160, 191, 272, 304, 551, 384,415. Respiration végétale, 256.
- Résines électrisées (Une curieuse expérience sur les), 159.
- Rhône (Débit du), 79, 94.
- Rideau de fer des théâtres, 67.
- Robinet Bonnefond, 191.
- Rose magique (La), 272.
- Rouget de l’Isle, 78.
- Rousseau (Émile), 174.
- Rubis artificiels, 222, 225.
- Rues américaines à angles droits (Inconvénients des), 567.
- S
- Sables aurifères par amalgamation (Traitement des), 339.
- Saccharine (La), 1.
- Sahara (Géologie du), 287.
- Saintes (Les fouilles de), 257.
- Sang et des tissus (Respiration du), 399. Sarcophages à Carthage, 335.
- Sardine (La pêche de la), 207, 415. Schistes houillers, 271.
- Science pratique (La), 16, 128, 223, 240, 285, 568.
- Scienlia (Conférence), 154.
- Sifflets chimiques, 226.
- Sigillaires et de lépidodendrons (Feuilles de), 15.
- Signaux de chemins de fer, 314.
- Siphon automatique intermittent à air comprimé, 58.
- Sismologie terrestre à la Sorbonne (Cours de), 318.
- Sismologique du Japon (La Société), 368. Smithsonian Institution, de Washington (États-Unis), 293.
- Soie artificielle, 163 Soja (Graine du), 303.
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-
- 420
- INDEX ALPHABÉTIQUE
- Solaire (Platine dans l’atmosphère), 286. Son des détonations des armes à feu .(Mode de propagation du), 166. Sourds-muets (Animaux), 206. Sphygmographes économiques, 223. Stanley (La nouvelle expédition de), 25. Station préhistorique à Champigny, 347. Station quaternaire de la Quina (Charente, 207.
- Stations centrales électriques, 415.
- Sucre (Fermentation du), 127.
- Suie (Utilisation de la), 27.
- Sulfureuse de l’ile Saint-Louis (Source), 399.
- Surdité, 287, 334.
- T
- T sur les planches à dessin (Appareil à fixer les), 240.
- Tatou nain (Un), 296.
- Télégraphe de poche, 341.
- Télégraphe électrique (L’inventeur du), 14.
- Télégraphe optique à cadran, 182. Télégraphie d’un discours parlementaire (La), 238.
- Télégraphie (Un tour de force en), 254. Téléphone et microphone (Origine des mots), 47.
- Téléphone et les chemins de fer (Le), 351. Temple romain dans la Sarthe (Un), 258. Temples souterrains de l’Inde, 247. Tertre du Serpent aux États-Unis (Le), 325.
- Tesludo Perpignana, 63.
- Tétanos spontané, 127.
- Thermales de Kouripan, Java (Sources), 77.
- Thermomètre à gaz (Nouveau), 319.
- Thermomètre rotatif, 101.
- Toiles d’araignées (Tissus de), 114.
- Tombeaux (Faune des), 275.
- Tonkin (Les produits du), 98, 181.
- Torpilleur électrique sous-marin, 226,311.
- Torpilleurs par voie ferrée (Transport des), 5.
- Tortue monstre de Perpignan (La), 199.
- Toupie d’induction, 112.
- Tourbillons de poussière, 239.
- Tour de Babel par Kircher (La), 235.
- Tour Eiffel (La), 183.
- Tourelle à éclipse à contrepoids accumulateur, 389.
- Tourelle hydrostatique à éclipse, 357.
- Train de bois flottant, 97.
- Traits élastiques dans l’attelage des chevaux, 282.
- Tramways à air comprimé de Vincennes, 69.
- Transformisme (Le), 583.
- Transport de l’hôtel Brighton Beach à Coney lsland, aux États-Unis, 369.
- Tremblement de terre du 6 avril 1580 en France (Le), 2.
- Tremblement de terre du 15 mai 1888, en Bretagne, 411.
- Tremblement de terre (Fac-similé d’un), 195.
- Tremblements de terre (Vitesse de propagation des), 319, 335.
- Tricycle à vapeur, 125.
- Tuberculose (Congrès pour l’étude de la), 162.
- Tuberculose (Transmission de la), 47.
- Tubes de Geissler pour l’observation des mouvements vibratoires (Emploi des), 234.
- Tubes en cuivre électrolytique, 346.
- Tumeurs et microbes, 367.
- Tunnels sur les chemins de fer anglais, 207.
- Turbine à vapeur et machine dynamoélectrique de M. Parsons, 187.
- y
- Vaisseau français (Le premier), 215.
- Vague de fond observée dans le lac de Goplo, 22.
- Vélocipédie (La), 362.
- Vélocipédique (Cyclonome), 102.
- Viandes par le sucre (Conservation des), 51.
- Vibration des verges, 336.
- Vigne en Californie (Un pied de), 136.
- Vins en Italie et en Espagne (Récolte des), 163.
- Vins (Effets du courant électrique sur les), 334.
- Vipères en France (Les), 47.
- Voix humaine (Étude physiologique de la), 50.
- Voitures de voyage (Les anciennes), 177.
- Volcans du Japon, 242.
- Vol des oiseaux (Le mécanisme du), 8.
- Voyage aérien raconté par Benjamin Franklin (Le premier), 279.
- Y
- Yung (Eugène), 94.
- Z
- Zuiderzée (Dessèchement du), 138.
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-
- LISTE DES AUTEURS
- FU ORDRE ALPHABÉTIQUE
- Audiat (Louis). — Les fouilles de Saintes, 257.
- Bâclé (L.). — Le chemin de fer transeaspien, 50.
- Bapst- (Germain). — Exposition Louis XIV et Louis XV de l’hôtel Chimay à Paris, 403.
- Batkes (Leopoldo). — Les races mexicaines, 87.
- Bellet (Daniel). — Le canal maritime de Manchester, 243. — Les chemins de fer de la Corse, 379.
- Bertillon (Alphonse). — Les noms propres. Calcul de leurs combinaisons orthographiques, 406.
- Binder (H.). — Transport des torpilleurs par voie ferrée, 5.
- Boca (Edmond). — Les ascenseurs hydrauliques dans la maison, 34. — Les tramways à air comprimé, de Vincennes à Ville-Evrard, 69.
- C..., ingénieur (M.-A.). — La science pratique. Appareil fu-mivore ventilateur, 16. — Siphon automatique intermittent, 58. — Les bières françaises ; une visite à l’exposition de 1887, 66, 138. — Fumivorité des chaudières à vapeur, 253. — Compteur à gaz de poche ; aérorhéomètre, 581.
- Cailletet, de l’Institut. — Appareil pour expériences à haute température au sein d’un gaz sous pression élevée, 161.
- Capus (Guill.) — Le Pamir, 353.
- Cartaz (Dr A). — La prothèse chirurgicale, 130. — Congrès pour l’étude de la tuberculose, 162.
- Chambard (Dr). — Le cyclonome vclocipédique, 102.
- Chevallier (Paul). — La réforme du calendrier, 230.
- Courvoisier (Émile). — L'alimentation d’eau de la Chaux-de-Fonds(Suisse), 7.
- Dagnan (Y.) — La houille en France, 267.
- Devaux (H.) — Mouvements spontanés de certains corps à la surface de quelques liquides, 331.
- Dubois (Aug.). — Le refoulement des eaux potables de la Chaux-de-Fonds en Suisse, 106.
- Dybowski (Jean). — Plantes bulbeuses d’appartement, 22. — Les chrysanthèmes, 119.
- Espitallier(C.) — Les vieilles citadelles japonaises, 145.
- Fonvielle (W. de). — Eolipyle à essence minérale de M. Pa-quelin, 509.
- Franklin (Benjamin). — Le premier voyage aérien, 279.
- Good (Arthur). — I/ombromanie, 55. — La mécanique des jouets, 108. — Récréations scientifiques. Personnages en racines de mandragore et en ceps de vigne, 191. — Joujoux en vieux bouchons, 351. — La vélocipédie, 362.
- Guillaume (Ch.-Ed.). — L’héliographe Maurer, 585.
- Guillemin (Amédée). — Des variations de climat et de leurs causes, 342, 374, 594.
- Guyot-Daubès. — Les dompteurs de lions, 81, 153.
- Hélène (Maxime). — La dynamite. Sa fabrication industrielle, 154.
- Hément (Félix). — Superficie et population des contrées de la terre, 82. — Le portrait composite. Portrait de famille. Portrait de race, 289.
- Hennebert (Lieut. - colonel). — Tourelle hydrostatique à éclipse, 537. — Tourelle à éclipse à contrepoids accumulateur, 389.
- Hospitalier (Ed.). —Toupie d’induction de M. Ch. Manet, 112.
- — Le nouveau phonographe d’Edison, 123. — Le dog-cart électrique de M. Magnus Voit, 129. — Turbine à vapeur et machine dynamo-électrique de M. C. A. Parsons, 187. —
- — Le laboratoire central d’électricité, 200. — Les lampes à incandescence de grande puissance lumineuse, 227. La navigation électrique sous-marine, 299. — Résolution électrique des équations algébriques, 310. — Sur l’expression de la vitesse des navires, 558.
- Janssen (J.). — Application de la photographie à la météorologie, 65.
- Léotabd (Jacques). — Les Pyrénées vues de Marseille, 251. — La comète Sawerthal, 340.
- Le Roy d’Étiolles (Dr). — Combustion spontanée, 41.
- Letort (Ch.). — Le département des manuscrits à la Bibliothèque nationale, 193.
- Londe (Albert). — La photographie pratique. Organisation d’un atelier, 61. — Le balance-cuvette de développement, 195. — De la retouche, 245.
- Lortet (Dr). — Gros bloc dressé sur la moraine du glacier de Gôrner (Valais) 151.
- Maindron (Maurice). — Conseils aux amateurs d’histoire naturelle. La chasse aux papillons, etc., 203, 269. — Un tatou nain. Le chlamydophore tronqué, 296.
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-
- 422
- LISTE DES AUTEURS PAR ORDRE ALPHARÉTIQUE.
- Marcel (Gabriel). — La nouvelle expédition de Stanley, 25.
- — Le centenaire de La Pérouse, 146.
- Mareschal (G.). — Le chant. Étude physiologique de la voix humaine par M. À. Pillan, 20. — Rideau de fer de théâtre, 67. — La photographie au théâtre, 93. — Photopoudre, 171. — Appareil filtreur pour l’épuration des huiles de graissage, 211. — Avertisseur universel, système Rigeon, 395.
- Marey de l’Institut (E.-J). — Le mécanisme du vol des oiseaux, éclairé par la photochronographie, 8.
- Martel (E.-A.). — Le lac souterrain des Douzes (Lozère) 147.
- — La grotte de Trehiciano, 307.
- Mégnin (P.). — Un parasite du serpent Python. Un ixode du Sénégal, 91. —La faune des tombeaux, 275.
- Meunier (Stanislas). — Académie des sciences; séances hebdomadaires, 15, 31,47, 63, 79, 95, 111,127, 143, 159, 175, 190, 207, 222,239, 255,271, 286, 303, 518, 535, 350,367, 382, 399, 415. — Sceau en météorite du roi d’Annam, 32.
- — Les sources thermales de llouripan (Java), 77. — La tortue monstre de Perpignan, 199.
- Mocquard (F.). — Le chlamydosaure de Ring, 104. — Le che-lydre de Temminck, 408.
- Mouchez (Contre-amiral). — Nouvelle carte photographique du groupe des Pléiades, 355.
- Nadaillac (M1* de). — Empreintes fossiles de pas humains, découvertes dans le Nicaragua, 229. — Le tertre du Serpent aux États-Unis. The Serpent Mound, 325.
- Nànsouty (Max de). — Les travaux du canal de Panama, 115, 260. — Le puits artésien de la place Hébert à Paris, 359.
- Oustalet (E.). — L’ours noir d’Amérique, 168, 218, 250.
- Pasteur (L.). — Sur la destruction des lapins en Australie et dans la Nouvelle-Zélande, 262.
- Philaire (J.). —Le palmier bifurqué de Cayenne, 211.
- Picaud(A.). — Invention des allumettes chimiques, 90.
- Poisson (J.). — Les produits du Tonkin, 98, 181.
- Pouchet et Beauregaiid. — Baleines franches dans les eaux d’Alger, 507.
- Richoü (G.). — Bigue de 120 tonnes du port de Marseille, 215.
- Riffle (Le major). — Le nouveau frein de l’artillerie française, 54.
- Rivière (E.). — Une station préhistorique à Champigny, 347.
- Sinéty ee Sigoyer. — Le premier vaisseau français comparé à un navire cuirassé moderne, 213.
- Sorel fils (Émile). — Les incendies de coton, 219. — Le passage en hiver des détroits delà mer Baltique, 318.
- Tissandier (Albert). — Les temples souterrains de l’Inde, 247.
- — Hospices d’animaux et refuges d’oiseaux dans les Indes, 313. — Cérémonies funèbres aux Indes, 371.
- Tissandier (Gaston). — La saccharine, 1. — Cadran d’horloge à aiguilles et chiffres d’heure lumineux, 27. — La chimie de l’amateur, 29. — Cerfs-volants chinois, 44. — Le bateau à pétrole de M. Lenoir, 73. — La neige et le règne animal, 115. — Causerie photographique, 141, 150, 283.
- — Pierre Belon, à propos de l’érection de sa statue dans la ville du Mans, 171. — La tour Eiffel, 185. — Les aérostats de la mission française en Chine, 186. — Le général Perrier, 209. — Les rubis artificiels. Expériences de MM. Freiny et Verneuil, 225. — Les industries parisiennes : une fabrique de poupées, 251. — Gastrostomie : une remarquable opération chirurgicale suivie d’alimentation stomacale, 241. Les pluies de sang, 259. — Bibliothèque de La Nature : Mœurs et monuments des peuples préhistoriques par le marquis de Nadaillac, 302. — Tempête de neige ou blizzard aux Etats-Unis, 11,12 et 13 mars 1888, 505. — Les ombres françaises de M. Caran d’Ache, 321.
- — Les montagnes russes, 343. — La Bastille et la rue Saint-Antoine en 1789, 591. — L’intelligence des animaux. Les prouesses d’un chien de Terre-Neuve, 597. — Hervé Man-gon, 401.
- Tour du Pin Yerclause (de la). — Tricycle à vapeur, 125.
- Verneau (Dr). — Les stations zoologiqucs. L’aquarium des Sables-d’Olonne, 277.
- Villon. — Tissus de toiles d’araignées, 114.
- Z...(Dr). — La physique sans appareils, 96. —La locomotion terrestre. Les anciennes voitures de voyage, 177. — Bain portatif : système Gaston Bozérian, 299. — L’acide iluorhy-
- drique et la phtisie, 570.
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-
-
-
- TABLE DES MATIÈRES
- N. B. Les articles de la Chronique, imprimés dans oe volume en petits caractères, sont indiqués
- dans notre table en lettres italiques.
- Astronomie.
- Les cadrans solaires............................... 5, 39
- Astronomie. Catalogue de l’Observatoire de Paris. Carte
- photographique du ciel...............................122
- I/éclipse totale de Lune du 28 janvier 1888. 159,17G,
- 179, 400
- La réforme du calendrier (Paul Chevallier). . . 230, 504
- Comète Sawerthal (J. Léotard).................... 255, 340
- I/heurc en province.....................................523
- Nouvelle carte photographique du groupe des Pléiades
- (Contre-amiral Mouchez)..............................555
- La parallaxe du soleil.................................. 63
- Etoiles filantes...................................... 63
- Eclipse solaire......................................... 95
- Le « Journal du ciel ».................................. 95
- Nature des protubérances solaires.......................176
- Découverte du platine dans l’atmosphère solaire. . 286
- La nébuleuse des Pléiades...............................286
- Nouveau bain de mercure.................................286
- Observations sur Mars...................................399
- Physique.
- Le chant. Étude physiologique de la voix humaine par
- M. A. Piltan (G. M.)................................. 20
- Mégascope électrique.................................... 48
- L’ombromanie ........................................... 55
- Électricité pratique...............................85,
- Physique sans appareils (L)r Z...)...................... 96
- Thermomètre rotatif.....................................101
- Toupie d’induction de M. Ch. Manet (E. H.)............. 112
- Le nouveau phonographe d’Edison (E. II.)................123
- Le dog-cart électrique de M. Magnus Yolk (E. H.) . . . 129
- Le mode de propagation du son des détonations des armes
- à feu................................................166
- Presse-papier électrique de M. Trouvé...................175
- Télégraphe optique à cadran.............................182
- Le laboratoire central d’électricité (E. II.)...........200
- Photographies des projectiles pendant le tir............210
- Les lampes à incandescence de grande puissance lumineuse (E. H.)...........................................227
- Emploi des tubes de Geissler pour l’observation des mouvements vibratoires.....................................234
- Illusions d’optique. Les cercles straboscopiques.........301
- Eolipyle à essence minérale de M. Paquclin (W. de Fon-
- vielle)...............................................309
- Les ombres françaises de M. Caran d’Ache (G. Tissandier). 321 Mouvements spontanés de certains corps à la surface de
- quelques liquides.....................................331
- Physique sans appareils. La vibration des verges. . . . 336
- Télégraphe de poche de M. Lucien Leroy...................341
- L’éclairage électrique et les incendies..................386
- Avertisseur universel, système Digeon (G. Mareschal). . 395
- Aimantation des chronomètres et des montres (E. II.). . 398
- L’inventeur du télégraphe électrique.................... 14
- Le coup de soleil électrique.............................142
- La forme des cordes vibrantes...........................159
- Une curieuse expérience sur les résines électrisées. . 159
- Expérience dans les gaz à haute pression.................159
- La lumière électrique en Allemagne.......................175
- Un hygromètre végétal....................................206
- La télégraphie d'un discours parlementaire.............. 238
- Un tour de force en télégraphie..........................254
- L’électricité machine à calcul...........................255
- Photomètre automatique...................................272
- Nouveau thermomètre à gaz. ..............................319
- Le laboratoire d’électricité à Vienne....................335
- Bandes d’absorption de l’oxygène.........................335
- Sur la limite supérieure de l’éclairage par les piles. 350
- La densité absolue des corps............................ 350
- Electromètre nouveau.....................................368
- Photographie à l’éclair magnêsique.......................382
- Action de l’électricité sur les poussières...............399
- Stations centrales électriques.......................... 415
- Un calorifère solaire....................................415
- Actinomètre électrique...................................415
- Chimie.
- La saccharine (G. Tissandier)............................ 1
- La chimie de l’amateur (G. Tissandier)................... 29
- Combustion spontanée (Dr Le Rot d’EnoLLEs)............... 41
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-
-
-
- 4‘24 TABLE
- La photographie pratique. Organisation d’un atelier, etc.
- (A. Londe)..........................................
- Les bières françaises. Une visite à l'Exposition de 1887
- (M.A. C..., ingénieur)............... 00, 138, 195,
- Nouveau procédé de préparation de l'aluminium, du silicium, du magnésium, etc., et de leurs alliages. . .
- Procédé pour rompre le fer (A. R.).....................
- Invention des allumettes chimiques (A. Pic.vuni ....
- La photographie au théâtre (G. Maresciial).............
- Nouveautés photographiques. Révélateur à l’hvdroquinon,
- etc. (G. 31.)..............................“........
- Influence des bouteilles sur le vin....................
- Causerie photographique (G. Tissandier). . . 141,150,
- La dynamite. Sa fabrication industrielle (Maxime Hélène). Appareil pour expériences à haute température au sein d’un gaz sous pression élevée (Cailletet, de l'Institut). Photo-poudre. Epreuves photographiques instantanées la
- nuit (G. Mareschal)........................... 171,
- Les rubis artificiels (G. Tissandier)............ 222,
- Sifflets chimiques......................................
- Dessin tracé par le feu.................................
- Essence de bois de rose (J. S.).........................
- Traitement des sables aurifères par amalgamation, chez
- les anciens....................................... .
- La science pratique. Réchaud à alcool...............
- Le métal Delta......................................
- Combustion spontanée des particules d’acier. . . . Extraction de l’étain des résidus de fer-blanc. . .
- Les grenades contre le feu.............................
- Conservation des viandes par le sucre...............
- Nouveau procédé de nickelage........................
- Fermentation du sucre...............................
- Ammoniaques dans les alcools . . .......
- Action de l’eau de mer sur la fonte.................
- Falsification de l'huile de foie de morue. ....
- Du café coloré......................................
- La chimie dans l’antiquité . ..................... .
- Le gaïae artificiel.................................
- Non-absorption de l'azote atmosphérique par la terre
- végétale..................... 271, 286, 318, 335,
- Falsification des huiles d’olive....................
- Le poison des Çomalis...............................
- Passivité du nickel.................................
- Etude des fontes....................................
- La perséite. .......................................
- La lumière éclair...................................
- Les cigares en papier...............................
- Sur la combustion lente.............................
- Météorologie. — Physique du globe. Géologie. — Minéralogie.
- Le tremblement du 6 avril 1580, en France...........
- Les pétroles de Galicie.............................
- Vague de fond, observée dans le lac de Goplo (Prusse) le
- 27 mai 1887......................................
- Sceau en météorite du roi d’Annam (Stanislas Meunier) . Application de la photographie à la météorologie
- (J. Janssen).....................................
- La croissance des glaciers..........................
- Les sources thermales de Kouripan (Java) (Stanislas
- Meunier).........................................
- Le lac souterrain des Douzes (Lozère) (E.-A. Martel). . Gros bloc dressé sur la moraine du glacier de Corner
- (Valais) (Dr Lortet)..........................
- Le fac-similé d’un tremblement de terre.............
- Baromètre anéroïde à ciel mobile....................
- Les volcans du Japon...................................
- Les pluies de sang (G. Tissanrier)..................
- Tempête de neige ou « blizzard » aux Etats-Unis, 11,
- 12 et 13 mars 1888 (G. Tissandier)...............
- Le cyclone de Tamatave à Madagascar, le 22 février 1888
- (X-.).............................................
- MATIÈRES.
- Le passage en hiver des détroits de la mer Baltique
- (E. Sorel) .........................................318
- Des variations du climat et de leurs causes (Amédéë
- Guillemin).............................. 342, 374 594
- L’héliographc Maurer (Ch.-En. Guillaume)..............385
- Tremblement de terre du 15 mai 1888, en Bretagne. . 411
- Les météorites et l'analyse spectrale.............. 15
- Géologie lorraine.................................. 15
- Météorite monstre.................................. 31
- Nouveau gisement de diamants ...................... 31
- La photographie et la météorologie. . . .... 47
- Testudo Perpignana.................................... 63
- Météorites indo-chinoises............................. 63
- Le débit du Rhône et la capacité du lac de Genève. 79, 95
- Minéraux d’Auvergne................................... 95
- Les grottes d’Autriche.............................158
- Le terrain houiller de Commentry...................160
- Les phosphates d’Algérie...........................160
- Grosses pépites d'argent natif.....................190
- Mode de formation du natron...........................190
- Nouveaux mammifères éocènes...........................190
- Changements de niveau de la côte sud de l'Angleterre.......................................... 258
- Glacier de Ilallett (Etat de Colorado)................239
- Tourbillons de poussière.................. ... 259
- Le blizzard du il mars................................303
- Cours de sismologie terrestre à la Sorbonne...........518
- Affaissement des Andes.............................318
- Vitesse de propagation des ébranlements souterrains.
- .... ...................................... 319, 335
- Electricité atmosphérique.............................336
- Encore la théorie des cyclones........................367
- La Société sismologique du Lapon......................368
- La météorite du roi d’Annam......................... 383
- Géologie sicilienne...................................385
- Le transformisme...................................383
- La source sulfureuse de l'île Saint-Louis, . , , . , 399
- Sciences naturelles. — Zoologie. — Botanique.
- Paléontologie.
- Plantes bulbeuses d’appartement (J. Dïbowski)......... 22
- Le micocoulier........................................ 59
- Les dompteurs de lions (Guyot-Daubès) . ..... 81, 153 Un parasite du serpent Python. Un ixode du Sénégal
- (P. Mégnin).......................................... 91
- Plats d’insectes....................................... 98
- Les produits du Tonkin (J. Poisson)............98, 181
- Le Chlamydosaure de King (F. Mocquard).................104
- La neige et le règne animal (G. Tissandier)............113
- Tissus de toiles d’araignées (Villon)..................114
- Les chrysanthèmes (J. Dïbowski)........................119
- Une croisade contre les pigeons........................130
- L’ours noir d’Amérique (E. Oustalet).. . . 168, 218, 250
- L’extinction du bison..................................183
- La tortue monstre de Perpignan (Stanislas Meunier) . . 199
- Conseils aux amateurs d’histoire naturelle. La chasse aux papillons. — Préparation des papillons (Maurice
- Maindron).................................. 203, 269
- Le palmier bifurqué de Cayenne (J. Piiilaire)..........211
- Les fourmis comestibles au Brésil.. ...................221
- La faune des tombeaux (P. Mégnin)......................275
- Les stations zoologiques. L’aquarium des Sables-d’Olonne
- (Dr Verneau).........................................277
- Smithsonian Institution de Washington (États-Unis) . . 293
- Un tatou nain. Le chlamydophore tronqué................296
- Baleines franches dans les eaux d’Alger (Pouchet et
- Beauregard)..........................................507
- La grotte de Trebiciano (E.-A. Martel).................307
- Le chêne de Sully......................................355
- L’intelligence des animaux. Les prouesses d’un chien de
- Terre-Neuve (G. T.)..................................397
- Le chelydre de Temminck (F. Mocquard)..................408
- DES
- 61
- 243
- 74
- 87
- 90
- 93
- 105
- 135
- 283
- 154
- 101
- 222
- 225
- 226
- 304
- 310
- 539
- 368
- 410
- 14
- 14
- 50
- 31
- 46
- 127
- 143
- 174
- 206
- 206
- 222
- 271
- 351
- 303
- 303
- 319
- 536
- 351
- 366
- 367
- 367
- 2
- 17
- 22
- 52
- 65
- 74
- 77
- 146
- 151
- 195
- 221
- 242
- 259
- 305
- 317
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-
-
-
- TABLE DES MATIÈRES,
- 425
- Feuilles de sigillaires et feuilles de lépidodendrons. 15
- Collection de fruits imités en cire.................... 50
- Les ancêtres de nos animaux............................ 31
- Les'vipères en France.................................. 17
- Un homard extraordinaire............................. 94
- Orangers historiques.................................. 95
- Fleurs s’épanouissant la nuit......................... 110
- Conditions géologiques du gisement phosphaté de
- Beauval (Somme).....................................111
- Tigres au nord de l'Asie...............................143
- Contributions à l’histoire des organismes problématiques des anciennes mers............................145
- Structure des fibres musculaires des mollusques. . . 145
- Poissons parasites.....................................158
- Phosphorescence des poissons marins................... 158
- L’actinodon............................................175
- La fossilisation des empreintes physiques..............175
- Le poisson-lune........................................206
- L'intelligence des chiens..............................206
- Animaux sourds-muets...................................206
- Abondance des poissons marins..........................238
- Les astéries magellaniques.............................255
- Anatomie des prosobranches.............................255
- Foraminifère nouveau.................................. 255
- La respiration végétale................................256
- Un village de castors..................................271
- Récolte de la mousse en Louisiane......................271
- Oursins primaires........................ . . . . 286
- Reproduction des céphalopodes..........................287
- Géologie du Sahara.................................... 287
- Origine paléonlologique des arbres cultivés............550
- Le pleuracanthus.......................................350
- Les criquets dévastateurs en Algérie...................582
- IJ arbre à sucre et à alcool.......................... 382
- Maladie des dents chez l'éléphant......................385
- Etat civil de deux arbres géants.......................399
- Elude sur les bilobites............................... 400
- Fixation par les plantes de l'azote de l'air.........415
- La sardine.............................................415
- Géographie» — Voyages «l’exploration.
- La nouvelle expédition de Stanley (Gabriel Marcel). . 25
- Superficie et population des contrées de la Terre (Félix
- Hément).............................................. 82
- Le centenaire de l’Australie.............................135
- Le centenaire de La Pérouse (G. Marcel)..............146
- Les temples souterrains de l’Inde (Albert Tissandier) . . 247
- Les Pyrénées vues de Marseille (J. Léotabd)..............251
- Hospices d’animaux et refuges d’oiseaux dans les Indes
- (Ai-bert Tissandier)..................................313
- Carte du relief de l’Algérie et de la Tunisie, dressée
- par M. E. Guillcmin...................................523
- Le Pamir (Guill. Capus)..................................353
- Cérémonies funèbres aux Indes. Les Tours du silence et
- l’incinération des morts..............................571
- Noms des habitants de quelques villes de France. 40, 94
- Découverte d’une île inconnue............................207
- Origine du nom d'Amérique................................385
- Anthropologie. — Ethnographie. — Sciences préhistoriques.
- Les races mexicaines (Leopoldo Batres)................... 87
- Empreintes fossiles de pas humains découvertes dans le
- Nicaragua (Mis de Nadaillac)..........................229
- Les fouilles de Saintes (Louis Audiat)................. 257
- Bibliothèque de « La Nature ». Mœurs et monuments
- préhistoriques, par le de Nadaillac...................302
- te tertre du Serpent aux Etats-Unis (Mis de Nadaillac).. 525 Une station préhistorique à Cliampigny (E. Rivière). . . 347
- Nouvelle station humaine de l’âge de pierre aux environs de Paris..........................................111
- La station quaternaire de la Quina [Charente). . . 207
- L’époque néolithique à Cliampigny.......................223
- Un temple romain dans la Sarthc.........................258
- La langue la plus usitée................................239
- Sarcophages à Carthage..................................335
- Mécanique. — Art de l’ingénieur. — Travaux publics. — Arts industriels.
- L'alimentation d'eau de la Chaux-de-Fonds (Suisse)
- (E. Courvoisier)............................... 7, 128
- La science pratique. Appareil fumivore-ventilateur. Brûleur à gaz(M. A. C., ingénieur)......................... 16
- Cadran d’horloge à aiguilles et chiffres d’heure lumineux (G. T.)............................................ 27
- Les ascenseurs hydrauliques dans la maison (Ed. Boca). 54
- Le chemin de fer transcaspicn (L. B.).................. 50
- Siphon automatique intermittent à air comprimé (M. A.C.,
- ingénieur)......................................... 55
- Rideau de fer de théâtre (G. Maresciial)............... 67
- Les tramways à air comprimé de Yinccnnes à Ville-
- Evrard (E. Boca).................................... 69
- Moulage de la fonte sur la dentelle, etc............... 75
- Bycicle valseur........................................ 80
- Le dock hydraulique de San-Francisco.................... 87
- Le cyclonome vélocipédique (Dr E. Chambard).............102
- Le refoulement des eaux potables de la Chaux-de-Fonds,
- en Suisse (Auguste Dubois) .. .*.................... 106
- Le canal d’Anvers au Rhin.............................. 107
- La mécanique des jouets (Arthur Good). . . 108,207, 287
- Les travaux du canal de Panama (Max de Nansoutv), 115, 260 Tricycle à vapeur (De la Tour du Pin Yerclause) .... 125
- Le dessèchement du Zuiderzée............................138
- Un bijou animé. Épingle de cravate chantante...........144
- Les chemins de fer de l’Inde...........................151 /
- Chemins de fer à crémaillère. La ligne de Gutseh près
- Lucerne. La ligne de Langues.........................163
- Pont sur la Manche.................................... 167
- Un petit problème de mécanique..........................179
- La Tour Eiffel (Gaston Tissandier)......................185
- Turbine à vapeur et machine dynamo-électique de M. C. A.
- Parsons (E. H.). . . . .............................187
- Le grand pont de Forth en Ecosse.......................197
- Appareil filtreur pour l’épuration des huiles de graissage (G. M.)............................................211
- Bigue de 120 tonnes du port de Marseille (G. Richou). . 215
- Le canal maritime de Manchester (Daniel Bellet) . . . 243
- Fumivorité des chaudières à vapeur (M. A. C.).......... 253
- La houille en France (Y. Daonan).......................267
- Le nouveau port du Havre.......................... 273, 527
- Les traits élastiques dans l’attelage des chevaux .... 282
- L’ascenseur hydraulique à piston développable...........295
- Bain portatif. Système Gaston Bozérian (ÜrZ...) .... 299
- Signaux de chemins de fer. Appareils de commande automatique.................................... .... 514
- Les paraneiges en Danemark pour la protection des voies
- ferrées............................................. 322 \
- Les montagnes russes à Paris (G. Tissandier)............345
- Tubes en cuivre électrolytique......................... 346
- Locomotive américaine de M. Strong......................357
- Le puits artésien de la place Hébert à Paris (Max de
- Nansouty)............................................359
- Transport de l’hôtel « Brigliton Beach » à Coney Island,
- aux États-Unis.......................................369
- Métier mécanique pour la fabrication des filets de pêche. 576
- Les chemins de fer de la Corse (Daniel Bellet)..........379
- Compteur à gaz de poche. Aérorhéomètre (M. A. C., ingénieur) .................................................381
- Avertisseur électro-automatique du passage des trains de
- M. L. Clémandot......................................411
- Les grands travaux de Buenos-Ayres......................110
- Le canal de Panama......................................111
- I,e robinet Bonnefond...................................190
- Les tunnels sur les chemins de fer anglais..............207
- Emploi du gaz naturel comme combustible dans les locomotives............................................ 239 ^
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-
-
-
- 426
- TABLE DES MATIÈRES.
- La sécurité en chemin cle fer......................
- Traitement des schistes houillers..................
- Eclairage électrique des trains sous les tunnels. . .
- Moteur électrique..................................
- Pouvoir calorifique des houilles...................
- Le téléphone et les chemins de fer.................
- Inconvénients des rues américaines à angles droits.
- Physiologie. — Médecine. — Hygiène.
- Le mécanisme du vol des oiseaux éclairé par la photo-
- chronographic (E.-J. Marey de l’Institut).......
- Un petit Chinois sans bras (X..., à Pékin) ........
- Antipyrine et mal de mer........................... .
- La prothèse chirurgicale (Dr A. Caiitaz).............
- Congrès pour l’étude île la tuberculose (0r A. C ) . . .
- Les hommes sans liras..............................
- Sphygmographes économiques.........................
- Gastrostomie. Une remarquable opération chirurgicale
- suivie d’alimentation stomacale (G. T.).........
- Sur la destruction des lapins en Australie et dans la
- Nouvelle-Zélande (L. Pasteur) .............'. .
- Le portrait composite. Portrait de famille. Portrait de
- race (Feux ’Hément).............................
- L’acide fluorhydrique et la phtisie pulmonaire (Dr Z.) .
- Uair contre la phtisie.............................
- Morphologie des microbes......................
- Transmission de la tuberculose ....................
- Le poison pulmonaire...........................
- Rature microbienne de l'anthrax....................
- Le poison de l’air expiré..........................
- Non-existence du tétanos spontané ........
- Le rouge de la morue...............................
- Anesthésie prolongée par le protoxyde d'azote .
- Mécanisme de l'immunité.......................
- Propriétés thérapeutiques de l'acide carbonique . .
- Le cerveau du phylloxéra...........................
- Hérédité pathologique..............................
- Surdité............................................ •
- Les stations d’eaux minérales du centre de la France. Sur une cause peu connue de surdité. .......
- Ancienneté de T anesthésie en Chine................
- La rage des herbivores.............................
- Structure de l’œil............ ....................
- Respiration de la levûre...................
- La cartouche de pansement..........................
- Tumeurs et microbes................................
- Guérison de l’ectocardie...........................
- Bactériologie. . . ,...............................
- Respiration du sang et des tissus................
- Agriculture. — Acclimatation. Pisciculture, etc.
- Utilisation de la suie.............................
- Un pied de vigne en Californie.....................
- La récolte des vins en Italie et en Espagne........
- Soie artificielle..................................
- L’essence de rose en Bulgarie................. .
- Destruction des lapins en Californie...............
- Le lait en Suisse..................................
- Les étoiles de mer utilisées comme engrais.........
- La pêche de la sardine.............................
- Maladie des pins...................................
- Maladie des porcs..................................
- Les perles dues au phylloxéra......................
- Culture de la ramie en France......................
- Pneumo-entérie des porcs...........................
- Déchets de palmier.................................
- Composition du fumier de ferme.....................
- Influence des engrais sur la composition de la graine de soya............................................
- I Effets du courant électrique sur les vins...........335
- I La pèche de la morue en Afrique.....................350
- Art militaire. — Marine.
- Le transport des torpilleurs par voie ferrée (H. Bixdeii). 5
- Le ballon l’Arago perdu en mer....................... 19
- L’éclairage électrique des navires et la traversée nocturne du canal de Suez............................. 33
- Bouées téléphoniques.................................... 59
- Le bateau à pétrole de M. Lcnoir (Gaston Tissandier) . . 73
- Les vieilles citadelles japonaises (C. Espitaluer). . . . 145 Le mode de propagation du son des détonations des
- armes à feu...........................................1G6
- Photographies des projectiles pendant le tir . . . 210, 387
- Le premier vaisseau français comparé à un navire cuirassé moderne (Sinéty de Sigoyer)..................213
- Bateau torpilleur électrique sous-marin.................226
- Un paquebot de 10 500 tonnes.............................291
- Collier de sauvetage.....................................292
- La navigation électrique sous-marine (E. II.).......... 299
- Torpilleur électrique sous-marin de M. W'addington . . 311
- Tourelle hydrostatique à éclipse (Lieutenant-colonel Hen-
- nebert)................................................537
- Sur l’expression de la vitesse des navires (E. II.) . . . 558
- Les premières traversées de l’Atlantique par des bateaux
- à vapeur...............................................378
- Transport des dépêches en temps de guerre................387
- Tourelle à éclipse à contrepoids accumulateur (Lieutenant-colonel IIennebert) ..........................589
- Les combustibles liquides et les chaudières marines. . . 407
- Le fdage de l’huile.....................................413
- La navigation sous-marine............................... 78
- Un nouveau fusil à ressort..............................143
- Le fusil à ressort et les unités mécaniques dans le
- système métrique.......................... ... 174
- Les chiens militaires.................................. 338
- Aéronautique.
- Cerfs-volants chinois (G. Tissandier).................. 44
- Les aérostats de la mission française en Chine (G. T.) . 186
- Le premier voyage aérien raconté par Benjamin Franklin.
- Document inédit......................................279
- Le ballon captif de l'armée chinoise................... 46
- Revue de l’aéronautique................................127
- Les aérostats captifs de Varmée portugaise.............238
- Ascension aérostatique......................... 566, 382
- Notices nécrologiques. — Histoire de la science.
- La statue de C.-E. de Bner à Dorpat.................. 49
- Le vice-amiral Bourgois.............................. 78
- Rouget de l’Isle........................................ 78
- Eugène Jung............................................. 94
- Charles Lahure.......................................... 94
- F.-J. Raynaud...........................................126
- Pierre Belon, à propos de l’érection de sa statue dans la
- ville du Mans (Gaston Tissandier).....................171
- Émile Bousseau..........................................175
- Le général Pcrricr (Gaston Tissandier).......... 207, 209
- A. Durand-Claye.........................................366
- J.-E. Planchon. ........................................566
- Asa Gray.............................................. 360
- Hervé Mangon (Gaston Tissandier)................401, 415
- Carnot et Napoléon /or à l’Institut..................... 46
- Origine des mots téléphone et microphone................ 47
- Les produits d’Ebelmen .... 63
- 239
- 271
- 286
- 286
- 28(5
- 551
- 567
- 8
- 71
- 75
- 150
- 162
- 202
- 223
- 241
- 262
- 289
- 370
- 15
- 47
- 47
- 111
- 111
- 127
- 127
- 127
- 143
- 175
- 225
- 239
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- 504
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- 333
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- 551
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- 382
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- 136
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- 303
- 503
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- TABLE DES MATIÈRES.
- 427
- Éloge de Dupuy de Lôme........................... 79
- Monument élevé à la mémoire de Beclard...........190
- Alexandrie dans l'antiquité......................270
- Sociétés savantes. — Congrès et associations scientifiques. — Expositions.
- Académie des sciences. Comptes rendus des séances heb-
- domadaires (Stanislas Meunier), 15, 31, 47, 63, 79,
- 95, 111, 127, 143, 159,175, 190, 207, 222, 239, 255,
- 271, 286, 303, 318, 335, 350, 367, 382, 399, 415
- Conférence Scientia....................................154
- L’Association française pour l’avancement des sciences.
- Congrès d’Oran (Dr C...)............................291
- Élection de M. P.-P. Dchérain....................... 47
- Réception à la Société de géographie...................126
- Banquet offert à M. P.-P. Dehérain.....................127
- Une exposition samoyède................................138
- La Société d'histoire naturelle d’Autun................159
- Variétés. — Généralités. — Statistique.
- Les récréations scientifiques, par G. Tissandier. . . . • 63
- Le train de bois flottant de la Nouvelle-Ecosse...... 97
- Récréations scientifiques. Les mouvements contraires. Personnages en racines de mandragore et en ceps de vignes. La rose magique. Joujoux en vieux bouchons.
- La hauteur d’un chapeau. Porte-plume musical, 160,
- 191, 272, 304, 351, 384, 415
- La locomotion terrestre. Les anciennes voitures de
- voyage (Dr Z...)....................................177
- Le département des manuscrits à la Bibliothèque nationale (Ch. Letort)....................................198
- La statistique du Japon...............................198
- Les incendies de coton (Émile Sorel fils).............219
- La science pratique............... 16, 128, 223, 240, 285
- Les livres en France..................................231
- Les industries parisiennes. Une fabrique de poupées
- (Gaston Tissandier).................................251
- La tour de Babel, par Kircher . . . ..................235
- Abat-jour à rosace tournante..........................256
- Résolution électrique des équations algébriques. (E. II.). 310
- L’association des électeurs par le sort...............339
- La vélocipédie (Arthur Good)..........................362
- Statistique, le mouvement de la population en Allemagne,
- par M. Ch. Grad...................................... 390
- La Bastille et la rue Saint-Antoine en 1789 (G. Tissandier). 391 Exposition Louis XIV et Louis XV de l’hôtel Chimay à
- Paris (Germain Bapst)..................................405
- Les noms propres. Calcul de leurs combinaisons orthographiques (Alphonse Bertillon)......................406
- A propos des moyennes.................................... 15
- Le brouillard et la consommation du gaz à Londres. 50
- Les douanes en Russ ie.................................. 30
- L'industrie des glaces................................... 51
- Une représentation frappante de la consommation
- quotidienne du pain à Paris............................ 95
- La chasse en Hongrie................................... 175
- Polices d’assurances maritimes au seizième siècle . 334
- FIN DES TABLES.
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- ERRATA
- Page 95, col. 4, ligne55. Au lieu de : Pcitroff.
- Il faut : Petrovsk.
- Page 406, col. 4, ligne 46. Au lieu de : lézard oullé.
- Il faut; lézard ocellé.
- Page 404, col. 4, ligne 36. Il faut: L’objectif a trois centimè-
- tres de diamètre et le cadre a 44 centimètres de côté.
- Page 476, col. 4, ligne 41. Au lieu de : M. Ganklikoff.
- Il faut : Khandricof.
- Page 254, col.'4, ligne 24. Au lieu de : le piston de bas en
- haut.
- Il faut : de haut en bas.
- Page 254, col. 2, ligne 7. Au lieu de : M. Walther, meunier ingénieur.
- Il faut : M. \Yalther-Meunier; ingénieur.
- Page 289. Légende de la figure du portrait composite.
- Au lieu de : montagne Noire dans Pyrénées.
- Il faut : montagne Noire dans le Tarn.
- Page 326, col. 1, ligne 2.
- Page 326, col. 2, ligne 22.
- Page 534, col. 4, ligne 44.
- Page 556, col. 2, ligne 4.
- Page 398, col. 2, ligne 62.
- .4m lieu de : Lahokia.
- Il faut : Cahokia.
- /lu lieu de : Dieu Oneph.
- Il faut : Dieu Cneph.
- Au lieu de : par l’émission de moins d’un cinquantième de millimètre cube de vapeur en une minute.
- Il faut : par l’émission de moins d’un centimètre cube de vapeur en une heure.
- Au lieu de : deux larges et très minces filaments.
- Il faut : deux longs et très minces filaments.
- Au lieu de : l’emploi d’aciers magnétiques.
- Il faut : l’emploi d’écrans magnétiques.
- Imprimerie A. Lahurc, 9, rue de Fleurus, à Paris.
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