Traité des matières colorantes
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- TRAITÉ
- DES
- MATIERES COLORANTES
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- COHBEa. — T1P. El STÉn. DE.CRÉ1Ë.
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- TRAITE
- DES
- MATIÈRES COLORANTES
- COMPRENANT LEURS APPLICATIONS
- A LA TEINTURE ET A L’IMPRESSION
- ET DES NOTICES SUR LES FIBRES TEXTILES LES ÉPAISSISSANTS ET LES MORDANTS
- publié sous les auspices
- DE LA SOCIÉTÉ INDUSTRIELLE DE MULHOUSE ET AVEC LE CONCOURS DE SON COMITÉ DE CHIMIE
- PAR
- M. P. SCHÜTZENBERGER
- Docteur ès sciences physiques,
- nieu.bre des Sociétés industrielles de Mulhouse et de Verviers, de la Société d’encouragement pour l’Industrie nationale, de la Société chimique de Paris, ancien professeur de chimie à l’Ecole supérieure des sciences de Mulhouse, chef des travaux chimiques au Collège de Frauce.
- TOME SECOND.
- PARIS
- VICTOR MASSON ET FILS
- place de l’école de médecine
- M DGCG LXVII
- Droit de traduction réservé.
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- TRAITÉ
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- MATIÈRES COLORANTES
- LIVRE CINQUIEME
- MATIÈRES COLORANTES ARTIFICIELLES (suite)
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- CHAPITRE PREMIER
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- ACIDE PHENIQUE ET SES DÉRIVÉS COLORÉS.
- L’acide phénique, appelé aussi phénol ou alcool phénique, appartient au même groupe que l’aniline; il renferme, en effet, le radical phényle (G6H5) substitué à un atome d’hy-
- H
- drogène du type eau jj J 0.
- Ce corps, dont la composition est exprimée par la formule 0 = C6H60, présente donc, par rapport
- rationnelle
- C6H5
- H
- à l’aniline et à la benzine, les mêmes rapports de composition que l’eau vis-à-vis de l’ammoniaque et de l’hydrogène, ou que l’alcool de bois vis-à-vis de la méthylamine et de l’hydrogène protocarboné.
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- 2
- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- Eau. Ammoniaque. Molécule d’hydrogène.
- Az H
- Alcool méthylique.
- C6H5 1
- H J
- O
- (CH3 Az ] H ( H
- Méthylamine.
- / C6H5 A z H
- ( H
- CH31 H 1
- Gaz des marais ou hydrure de méthyle.
- C6H5 i
- H j
- Phénol. Aniline. Benzine.
- Ce rapport de parenté laisse prévoir la possibilité dépasser de l’an de ces composés à l’autre par des réactions nettes.
- En effet : l’aniline traitée par l’acide azoteux donne de l’acide phénique.
- Az
- C6HS H -f H
- AzO
- H
- 0 = Az1 24-H20 +
- C6H5
- Réciproquement l’acide phénique saturé d’ammoniaque gazeuse et chauffé dans un tube fermé à 300° donne de l’aniline (1).
- C6H5 1 ( ^ h ) (
- „ 04-Az H=JM 04-Az H
- 11 ] ( H 1 (H
- D’après M. Ghurch (2), la benzine chlorée ou chlorure de phényle C6H5C1, obtenue par l’action d’un mélange de bichromate de potasse et d’acide chlorhydrique sur la benzine, se décompose par une solution alcoolique de potasse et donne de l’acide phénique.
- (1) Laurent et Hoffmann.
- (2) Journai of the Chemical Society, 2* série, t. I, p. 76.
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- MATIÈRES COLORANTES ORGANIQUES ARTIFICIELLES. 3
- Il n’est donc pas étonnant de voir l’acide phénique se prêter, jusqu’à un certain point, comme l’aniline, à la génération de matières colorantes.
- L’acide phénique pur est incolore, solide, cristallisé en longues et belles aiguilles transparentes appartenant probablement au système rhombique. La facilité avec laquelle ces aiguilles se liquéfient au contact de l’air n’a pas permis d’en déterminer exactement la forme.
- Son odeur est forte et spéciale, semblable à celle de la créosote extraite du goudron de bois. Sa saveur est brûlante, caustique ; il attaque la peau des gencives et produit sur la peau des taches brunes et blanches. Il possède des propriétés antiseptiques très-remarquables et il est probable qu’il constitue la partie active du coaltar employé, il y a quelques années, dans le pansement des plaies suppurantes,' et qu’on remplace aujourd’hui par l’alcool phénylique ; on donne même ce dernier à l’intérieur. A doses élevées, il est toxique, sa solution coagule l’albumine (1).
- L’alcool phénique fond entre 34 et 35°. Une fois liquéfié, il se maintient tel à une température bien inférieure à celle de sa fusion, surtout s’il n’est pas tout à fait anhydre ; mais en le refroidissant et en y ajoutant quelques cristaux d’acide on détermine sa solidification partielle (2).
- La densité des cristaux est égale à 1,065 à + 18°. A l’état fondu la densité est 1,0597.
- Il est sensiblement soluble dans l’eau pure ; 100 parties d’eau en dissolvent 3,26 à -f- 20° ; réciproquement le phénol dissout de l’eau. L’eau chargée de sel en dissout beaucoup moins ; aussi peut-on le séparer en grande partie de ses solutions aqueuses, en ajoutant du chlorure de calcium, par exemple. Il est très-soluble dans l’alcool, l’éther, l’acide acétique, les huiles de goudron. Il dissout le soufre, l’iode, l’in-
- (1) Wurtz, Traité de chimie médicale, t.. II, p. 520.
- (2) Williamson, Ann. de chim. et de phys. [3], t. XLI, p. 491.
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- digo, les résines et beaucoup d’autres matières organiques riches en carbone. r
- Bienque jouissant de la propriété de s’unir aux bases, il ne rougit pas le tournesol, On peut dire qu’il tient le milieu entre les acides et les alcools. Il ne décompose pas les carbonates. On obtient le phénate de potassium et le phénate de
- | O J soit en combinant directe-
- sodium
- ment le phénol à l’hydrate de potasse ou de soude, soit en faisant réagir le potassium ou le sodium sur l’acide phénique sec; dans ce cas, il se dégage de l’hydrogène.
- Les phénates barytique et calcique sont également solubles dans l’eau et cristallisables.
- Le phénol se rencontre dans les goudrons formés par la distillation sèche des houilles, des schistes et de certaines résines.
- Certains goudrons, comme celui de cannel-coal, en contiennent jusqu’à 14 pour 100 ; celui de la houille de Staf-fordshire en donne 9 pour 100, et celui delà houille de Newcastle 5 pour 100.
- Comme il bout à 188°, on le trouve nécessairement parmi les produits distillés entre 150 et 200°, lors de la rectification des goudrons. Pour le séparer, on utilise, le plus simplement, sa faculté de combinaison avec les bases alcalines ou avec la chaux.
- En agitant assez de temps l’huile distillée entre 150 et 200°, avec une lessive concentrée de soude caustique, et en laissant reposer, la couche inférieure se composera d’une solution de phénate de soude. Ce dernier pourra même cristalliser si la proportion d’acide phénique, par rapport à la soude, est assez considérable et si la lessive est assez concentrée.
- On soutire par un robinet la couche aqueuse et on ajoute de l’eau; de cette manière, les hydrocarbures liquides em-
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- MATIÈRES COLORANTES ORGANIQUES ARTIFICIELLES. 5
- prisonnés ou émulsionnés dans le magma cristallin viennent surnager et peuvent être complètement éliminés par une nouvelle décantation. La solution alcaline est saturée par l’acide chlorhydrique; le phénol, peu soluble dans une eau chargée de sel, vient surnager sous forme d’une couche huileuse, que l’on purifie par distillation en recueillant ce qui passe entre 183 et 190°. Les premières parties sont aqueuses et doivent rentrer dans le courant de la fabrication. Par un refroidissement convenable on détermine la cristallisation du phénol, les cristaux sont égouttés et conservés à l’abri de l’humidité.
- On peut aussi faire bouillir et agiter l’huile de goudron avec un lait de chaux, décanter les huiles après repos, saturer la partie aqueuse par l’acide chlorhydrique et purifier l’acide phénique par distillation.
- M. E. Kopp a proposé la marche suivante, qui paraît très-économique, pour la préparation de l’acide phénique.
- Les liqueurs acides (sulfuriques) provenant de l’épuration des huiles de goudron (voir le traitement du goudron), ainsi que les liqueurs alcalines (sodiques), sont mises à part, et mélangées dans des proportions telles qu’il puisse se former du bisulfate de soude retenant en solution les alcaloïdes ; tandis que l’acide phénique se sépare sous forme d’une huile brune qu’on décante à chaud et qu’on rectifie. Par le refroidissement de l’eau mère, il se dépose une abondante cristallisation de bisulfate de soude, les sulfates à bases d’alcalis huileux restant en solution.
- On n: ’a ainsi d’autres frais dans la préparation du phénol que ceux qui résultent du traitement nécessaire pour l’épuration des huiles de goudron.
- On le voit, la fabrication du phénol n’est ni longue ni dispendieuse, aussi se trouve-t-il aujourd’hui dans le commerce à des prix très-modérés (4 à 3 fr. le kilog. cristallisé).
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- DÉRIVÉS DE L’ACIDE PHÉNIQUE.
- Les dérivés de l’acide phénique sont très-nombreux, nous n’indiquerons que les plus importants, en insistant particulièrement sur l’histoire de ceux qui touchent de plus près à notre sujet par leurs propriétés colorantes.
- A. Produits de substitution chlorés. On connaît : l’acide G6H3G1 )
- bichloro-phénique —=— O liquide huileux ; l’acide tri—
- H I
- chlorophénique.
- C6H2C13
- H
- l’acide quintichlorophénique,
- O solide, cristallisé en aiguilles ; C6C1S
- H
- O solide, sublimable
- en longues et belles aiguilles blanches.
- Ces corps ont été obtenus, par M. Laurent, par l’action du chlore sur l’acide phénique ou ses dérivés chlorés. L’acide quintichloré se forme encore par l’action d’un excès de protochlorure d’iode sur l’acide phénique (Schutzenberger).
- B. Produits de substitution bromés. L’acide bromophéni-
- C6H4Br qUe H "
- 0 se forme, d’après M. Cahours, par la distilla-
- tion de l’acide bromosalicylique avec du sable et de la baryte.
- C’est une huile incolore.
- L’acide salycilique offre avec l’alcool phénique des rapports de parenté remarquables, il n’en diffère que par CO2 (acide carbonique) en plus.
- c*“5 j o+co.o-co-c*“s° J O
- Phénol. Acide salicylique.
- L’acide salicylique distillé avec de la chaux sodée, se décompose d’après cette équation. Réciproquement on régénère l’acide salicylique, en dirigeant un courant d’acide car-
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- MATIÈRES COLORANTES ORGANIQUES ARTIFICIELLES.
- 7
- bonique dans l’acide phénique sodé j O obtenu par
- l’action du sodium sur le phénol.
- On sait que l’acide salicylique a été obtenu par M. Piria, en oxydant l’hydrure de salicyle (essence de reine des prés ou de Spiræa ulmaria) par l’hydrate de potasse.
- h+h!°= k|° + “
- L’hydrure de salicyle se prépare facilement en oxydant la salicine par un mélange d’acide sulfurique et de bichromate de potasse. La salicine elle-même se rencontre dans l’écorce de saule.
- L’acide bibromophénique
- C6H3Br2
- H
- 0 est solide, cristal-
- lisé en aiguilles incolores. M. Cahours l’a obtenu par la distillation d’un mélange d’acide bibromosalicylique, de baryte et de sable.
- G. Produits de substitution iodés. M. Schützenberger a
- O, bi-iodophénique-
- G6H3I2) C6H2I3)
- —tt— O et tri-iodophénique ——— O par l'action progres-Jtl J ri |
- sive et ménagée du protochlorure d’iode (Cil) sur le phénol.
- Le premier est liquide, huileux; le second cristallise en fines
- aiguilles, aplaties, blanches ; le dernier, en boules jaunâtres
- formées d’aiguilles rayonnées du centre.
- D. Produits de substitution azotés. On connaît : 1° L’acide
- obtenu les acides iodophénique
- C6H4I
- H
- nitrophénique —^ ^ j O, corps solide, cristallisable,
- légèrement jaunâtre. Hofmann le prépare par l’action ménagée de l’acide nitrique sur le phénol, ou par celle d’un mélange d’acide arsénieux et d’acide azotique sur l’aniline.
- 2° L’acide bichloronitrophénique ^ ^ G1 (AzO ) j (3, jaune,
- L I
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- cristallisé, formé, d’après MM. Laurent et J. Delbos, par l’action successive du chlore et de l’acide nitrique sur l’huile de houille. 3° L’acide bi-iodonitrophénique(Piria)produit par l’action de l’iode sur l’acide nitrosalicylique. 4° L’acide bini-trophénique forme des prismes de couleur blonde, de saveur amère. M. Laurent l’a obtenu par l’action convenablement dirigée de l’acide nitrique sur l’huile de houille. En saturant les eaux mères de la fabrication de l’acide picrique (trinitro-phénique), qui constituent une masse sirupeuse non attaquable par l’acide azotique ordinaire, par delà baryte, MM. Go-blentz frères, fabricants de produits chimiques, ont obtenu de beaux cristaux prismatiques, que MM. Pfaundleret Op-penheim ont reconnu être du binitrophénate de baryum (1). 5° Par l’action du brome sur le composé précédent, M. Laurent a obtenu l’acide bromobinitrophénique^-ï^^^-^ jo.
- M. Griess prépare l’acide dinitrochlorophénique par l’action successive du chlore et de l’acide azotique sur le phénol.
- G6H2 (AzO2)31
- 6° Acide trinitrophénique-----^-----— [ O ou picrique
- m-
- tropicrique, chrysolépique, nitrophénisique, carbazotique, amer de Welter.
- L’acide picrique constitue une matière colorante jaune, employée depuis assez longtemps dans la teinture et l’impression de la soie et de la laine.
- Il prend naissance par l’action suffisamment prolongée de l’acide azotique sur un grand nombre de substances, et notamment sur l’acide phénique pur, ou sur l’huile de goudron riche en acide phénique, sur la résine de xanthorrhea hastilis, sur les acides mono et binitrophénique, sur la sali-cine, la saligénine, l’hydrure de salicyle, l’acide salicylique, l’indigo, l’aloès, la soie et beaucoup de résines.
- L’acide picrique cristallise en lamelles rectangulaires très-
- (I) Bulletin de la Société chimique de Paris, nouvelle série, t. IV, p. 99.
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- MATIÈRES COLORANTES ORfxANIQUES ARTIFICIELLES. 9
- allongées, ou en beaux prismes droits à six pans, d’un pouce (0m,027) de long, d’un jaune clair très-brillant. Sa saveur est très-amère, un peu acide ; il rougit le tournesol.
- Sa solubilité daps l’eau n’est pas très-grande.
- \ partie d’acide picrique se dissout dans d60 parties d’eau à 5°
- — — 86 — à lo°
- — — 81 — à 20°
- — — 77 — à 22°
- — — 73 — à 26°
- — — 26 — à 77°
- (Marchand.)
- Ces solutions sont jaunes et il suffit de —^ d’acide pour communiquer à l’eau une coloration jaune clair très-sensible.
- Il est facilement dissous par l’alcool et l’éther, par l’acide sulfurique et l’acide nitrique concentrés ; l’eau le précipite de ses solutions. Chauffé avec ménagement, il fond et peut même être sublimé ; chauffé brusquement, il se décompose avec explosion en donnant de l’eau, de l’acide carbonique, de l’azote, du bioxyde d’azote, de l’acide cyanhydrique et un résidu de charbon. Il colore la peau et les matières protéiques azotées en jaune pur assez intense.
- L’acidepicrique préparé par diverses substances, ainsi que les picrates dérivés, peuvent présenter des colorations différentes, plus ou moins foncées, qui dépendent de la présence de principes étrangers, souvent difficiles à éliminer (1).
- Préparation.—M. Laurent traite l’huile de goudron dont le point d’ébullition varie entre 160 et 190° et qui par conséquent est très-riche en acide phénique, par de l’acide azotique ordinaire (12 parties d’acide pour 10 parties d’huile). L’opération se fait dans des vases assez volumineux pour éviter le débordement de la masse qui se boursoufle beau-
- (1) Carey-Léa, Re'pert. de chimie pure, t. 1, p. 227.
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- 10
- coup. Lorsque l’attaque, qui est très-vive, est terminée, on lave le résidu brun-rouge à l’eau, on le dissout dans l’ammoniaque et l’eau et on sature par l’acide chlorhydrique. Le précipité formé, en grande partie composé d’acide binitro-phénique, est bouilli avec de l’acide nitrique ordinaire.
- En grand, il est beaucoup plus avantageux de remplacer l’huile de goudron par de l’acide phénique pur et cristalli-sable. M. Perra(l) obtient ainsi un rendement de 90 pour 100, en acide picrique pur. Dans tous les cas on évite le traitement ammoniacal et on arrive en une fois à la formation de l’acide trinitrophénique.
- Le produit de l’action de l’acide nitrique sur l’huile de goudron ou sur l’acide phénique se présente sous forme d’une pâte cristalline foncée, mélangée de matières goudronneuses. Cette pâte peut se purifier, d’après M. Girard, en saturant par la potasse et en exprimant dans une chausse, après refroidissement, la masse de picrate de potasse.
- Il reste une galette de picrate presque sec qu’il suffit de traiter par l’acide sulfurique étendu pour avoir du premier coup un produit pur et très-bien cristallisé.
- M. Carey-Léa (2) sature l’acide picrique brut par du carbonate de soude. Il faut éviter un excès du sel alcalin, qui redissoudrait des matières goudronneuses. La solution bouillante est filtrée, ce qui est facile, vu la solubilité assez grande du picrate de soude dans l’eau pure. Après refroidissement on ajoute quelques cristaux de sel de soude ; le picrate alcalin, peu soluble dans une eau alcaline, cristallise abondamment. Il ne reste plus qu’à redissoudre le sel dans l’eau et à décomposer par un léger excès d’acide sulfurique. On a également proposé la transformation de l’acide brut en picrate de chaux, mais ce moyen, qui semble rationnel vu la solubilité du sel calcaire, offre l’inconvénient de ne pas
- (1) Bulletin de la Société d’encouragement, mai I8G2.
- (2) Sillim., Amer. Journ., t. XXII, p. 180.
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- MATIÈRES COLORANTES ORGANIQUES ARTIFICIELLES.
- Il
- permettre la précipitation de l’acide picrique au moyen de l’acide sulfurique.
- La gomme d’Australie ou résine de xanthorrhea hastilis peut aussi servir d’une manière économique à la préparation du jaune de Welter. M. Carey-Léa conseille d’opérer comme il suit :
- Dans un vase d’une capacité de 2 à 3 litres, on introduit 150 grammes de gomme en morceaux, et 360 grammes d’acide nitrique de 1,42 de densité. Dès que la réaction commence, on ajoute 750 cent, cubes d’eau chaude.
- On chauffe légèremeut pendant deux heures en évitant le débordement delà masse. Lorsque le volume est réduit de moitié, on ajoute encore 150 gr. d’acide, et on continue à chauffer ; puis on ajoute encore 120 à 200 gr. d’acide nitrique, et on évapore jusqu’à 150°. Par le refroidissement on a une masse d’acide picrique impur, qui peut se purifier en dissolvant dans l’eau bouillante, ajoutant quelques gouttes d’acide sulfurique, filtrant, neutralisant par le carbonate dépotasse, et purifiant le picrate par cristallisation. Enfin on décompose le sel par l’acide chlorhydrique.
- Quelle que soit la matière employée, il faut la traiter par 6 à 8 fois son poids d’acide azotique, pour obtenir l’acide picrique (1).
- Les picrates sont généralement solubles, cristallisables, de couleur jaune, amers et explosifs sous l’influence delà chaleur, surtout en vase clos. Leur formule générale est :
- C6H2(Az02)3
- M
- °) Picrate d'ammonium. — Prismes droits; jaune, assez soluble dans l’eau, peu soluble dans l’alcool. b) Picrate de potassium. — Prismes droits; jaune, solu-
- (1) Carey-Léa, Répertoire de chimie pure, t. I, p. 227.
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- ble dans260 parties d’eau à 15° degrés et biparties d’eau bouillante, insoluble dans l’alcool.
- c) Picrate de sodium. — Fines aiguilles jaunes ; soluble dans 10 à 14 parties d’eau; à 15° détone fortement.
- d) Picrate de baryum. — Prismes obliques à base rectangulaire, contenant de l’eau, très-soluble dans l’eau.
- e) Picrate de calcium. —: Prismes très-solubles.
- (Voir pour les autres sels, Gerhardt, Traité de chimie organiquet. III, p. 41, et la note citée de M. Garey-Léa.)
- Dérivés de l'acide picrique. — M. Fritzsche a observé que l’acide picrique est susceptible de se combiner directement à certains hydrocarbures, tels que la benzine, la naphtaline, etc. Ces composés sont peu stables et résultent de l’union d’équivalents égaux des deux corps (1).
- Dérivés par réduction. — Une solution alcoolique d’acide picrique saturée d’ammoniaque, puis d’hydrogène sulfuré, laisse déposer des cristaux rouges de picramate d’ammonium.
- Ces cristaux dissous à chaud et traités par l’acide acétique fournissent l’acide picramique qui se dépose sous forme de tables ou d’aiguilles rouge-grenat.
- L’acide picramique est soluble dans l’alcool et Péther, presque insoluble dans l’eau.
- La solution alcoolique prend une teinte rouge très-intense, par l’addition d’un peu d’ammoniaque.
- L’équation suivante rend compte de la réaction génératrice :
- C6H2(AzOy J 0_|_6(SH>AzH3) C6H4Az(Az(P)5 |0_|_6Sq_H402_|_5AzH3
- Les picramates dontla formule générale est G6H4Az(Az02)2)ri
- M j°
- sont remarquables par la beauté de leurs nuances, ils sont
- (l) Comptes rendus de l’Académie des sciences, t. XLVI, p. 723.
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- MATIÈRES COLORANTES ORGANIQUES ARTIFICIELLES. 1 3
- solubles dans l’eau et susceptibles de cristalliser. Il s jouent le rôle de matières colorantes, capables de se fixer directement sur fibres animales, mais aucune application importante et réellement industrielle n’a été faite jusqu’à présent de ces.propriétés tinctoriales.
- En chauffant l’acide picramique avec de l’acide iodhydri-que, M. Lautemann obtient une réduction complète avec mise en liberté d’iode. Le produit résultant est une base tria-mine qui a été appelée picramine.
- C6Ils(Az02)3
- H
- C6I13
- O -f- 1 OH1 2 = H3 H3
- Az3 + 7H20
- Acide picrique.
- Sous l’influence des réducteurs alcalins, l’acide picrique se change en acide picramique ; avec des réducteurs neutres ou acides, les phénomènes sont différents et varient en raison de certaines conditions qu’il est difficile de saisir. M.Rous-sin(l) et M. Garey-Léa (2) ont étudié ces transformations.
- D’après le premier chimiste, si l’on fait réagir dans un ballon spacieux 15 parties d’acide chlorhydrique pur, une partie d’acide picrique cristallisé et 5 parties de grenaille d’étain, on remarque qu’en chauffant le mélange, une réaction très-vive se déclare bientôt ; tout l’acide picrique disparaît et la liqueur devient limpide, quelquefois incolore, quelquefois légèrement colorée en brun. Par le refroidissement il se dépose une grande quantité de cristaux nacrés, qui, exprimés, dissous dans un peu d’eau, débarrassés par l’hydrogène sulfuré de l’étain qui reste, donnent par l’évaporation dans le vide des cristaux blancs, brillants, très-solubles, constituant le chlorhydrate d’une nouvelle base. La solution de ce chlorhydrate absorbe rapidement l’oxygène et prend
- (1) Roussin, Bulletin de la Société chimique, 1861, p. ÇO, n° 3.
- (2) Carey-Léa, American Journal of science, n° 95, 186!.
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- 14 TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- une coloration bleu-violet très-riche et très-intense. Les oxydants ordinaires, tels que: acide azotique, perchlorure de fer, bichromate de potassium, produisent le même effet, mais d’une manière plus marquée encore.
- Suivant M. Garey-Léa, une dissolution alcoolique d’acide picrique, traitée parla limaille de fer et l’acide acétique, fournit un liquide bleu intense. Au bout d’une demi-heure de contact avec l’air, la coloration devient brune, et il se dépose une poudre grise. La dissolution bleue est décolorée parles alcalis et ne subit aucun changement sous l’influence des acides.
- L’acide picrique, mis pendant quelques heures en contact avec du zinc et de l’acide sulfurique, éprouve de même une réduction. En ajoutant de l’alcool à la dissolution obtenue et en la faisant bouillir avec du carbonate de potasse, on obtient une liqueur violette qui brunit lorsque le carbonate est en excès; les acides ramènent la coloration bleue au violet. Ces colorations sont très-fugitives.
- M. Pugh a également observé qu’en faisant réagir sur l’acide picrique un grand excès de sulfate ferreux, et en ajoutant de la soude caustique, puis filtrant, on obtient une liqueur incolore qui par l’addition d’un acide passe au bleu foncé. Cette teinte devient successivement pourpre, puis jaune et enfin brun sale, au contact de l’air. Tous ces phénomènes sont évidemmentdu même ordre, mais leur étude réclame encore de nouvelles expériences. Jusqu’à présent l’industrie n’a pas tiré parti de ces observations intéressantes.
- L’acide nitrohématique de M. Woehler (1) préparé en traitant l’acide picrique par le sulfate ferreux, puis par la baryte, paraît être identique avec l’acide picramique de M. Girard.
- Action du cyanure de potassium sur l'acide picrique.— Elle mérite de fixer notre attention. On obtient, en effet,
- (1) Ann. de Poggendorff, XIII, p. 448.
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- comme nous l’avons déjà dit, un sel rouge dont la composition est identique avec celle du purpurate potassique (formé par l’acide urique).
- M. Garey-Léa a signalé cette réaction pour la première fois, comme un moyen de reconnaître la présence de l’acide picrique. Elle a été étudiée avec soin par M. Hlasiwetz (1).
- En mélangeant des solutions chaudes et concentrées de cyanure de potassium et d’acide picrique, le liquide prend immédiatement une teinte violet-pourpre très-intense, et bientôt il s’y forme une multitude de petits cristaux à éclat métallique verdâtre. On opère le mieux avec les proportions suivantes :
- On dissout 2 parties de cyanure de potassium (préparé par la méthode de Liehig) dans 4 parties d’eau à 60°, et on y verse graduellement, et en agitant, la solution de 1 partie diacide picrique dans 9 parties d’eau bouillante. La liqueur répand l’odeur d’ammoniaque et d’acide cyanhydrique, et se prend en un magma cristallin. On jette sur une table, on exprime, on délaye dans un peu d’eau, on filtre de nouveau, et on lave à l’eau froide. Le résidu est purifié par dissolution dans l’eau bouillante et cristallisation.
- L’acide du sel de potasse est, d’après M. Hlasiwetz, isomère de l’acide purpurique de la murexide C8H5Azs06. M. Bæyer lui assigne la formule (2) G8H3Az503, qui ne diffère de la précédente que par H20 en moins. Get acide ne peut être isolé sans qu’il se décompose immédiatement comme l’acide purpurique lui-même. M. Nicklès et M. Kopp considèrent l’acide isopurpurique de M. Hlasiwetz comme identique avec l’acide purpurique. Cette manière de voir, fondée sur une certaine analogie de propriétés, est cependant en contradiction avec les faits. Ainsi, les isopurpurates possèdent encore, jusqu’à un certain point, les propriétés détonantes du composé générateur, tandis qu’à ma connaissance, du moins, on n’a
- (1) Rapports de l’Académie de Vienne, 1857.
- (2) L’Institut, 186'J.
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- jamais signalé ce caractère pour les vrais purpurates. M. Armand Dollfus, un praticien, dit formellement (1) que les propriétés tinctoriales de l’isopurpurate diffèrent totalement de celles de la murexide à laquelle la potasse caustique communique une magnifique couleur pensée, propriété que ne possède pas risopurpurate. Ce corps offre, d’après M. Dollfus, de l’analogie avec l’extrait d’orseille.Gomme lui,il donne, par la teinture sur soie et sur laine, les nuances grenat et puce, surtout avec addition d’un peu d’acide acétique ou d’alun. Le coton albuminé prend la même nuance. Additionné au sulfate d’indigo, l’isopurpurate donne des tons puce foncé et noir. Il partage avec la murexide la propriété d’être instable à la vapeur, et de passer sur tous les tissus du grenat à l’orange. Au soleil,la nuance est assez stable,moins pourtant que l’orseille. Les réducteurs font également passer les teintes à l’orange. L’isopurpurate de potassium, G8H4KAz506, est peu soluble dans l’eau froide, plus soluble dans l’eau bouillante et dans l’alcool étendu, Il a une grande force colorante, la solution aqueuse est pourpre foncé. Il détone fortement à215°.
- L’isopurpurate de sodium est plus soluble que le sel précédent ; en cristaux, il est vert métallique ; sa solution est rouge pourpre. On le prépare par l’action du cyanure de sodium sur l’acide trinitrophénique. L’isopurpurate d’ammonium ou isomurexide se prépare par double décomposition opérée entre le chlorure ammonique et le sel de potasse, en solutions chaudes. Il se dépose en cristaux cunéiformes, brun-rouge, à reflets verts métalliques. Peu soluble dans l’eau froide, il se dissout en pourpre magnifique dans l’eau bouillante ; chauffé brusquement, il brûle comme delà poudre.
- Les isopurpurates de baryum, de plomb et d’argent sont solubles dans l’eau bouillante.
- (I) Répertoire de chimie appliquée, t. III, p. 280.
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- M. Hlasiwetz décompose comme il suit la formule de l’acide isopurpurique :
- C6H3(AzOî)2Az(CHAzO)2
- En traitant l’acide binitrophénique par le cyanure de potassium, MM. Oppenheim et Pfaundler obtiennent un acide, ou plutôt le sel de potassium d’un acide (métapurpurique) rouge foncé, d’un éclat métallique, soluble dans l’eau et l’alcool avec une couleur cramoisie très-intense. La composition de ce nouveau produit est exprimée par la formule
- C6H4(Az02)Az2(CHAz0) ou C8H3KAz40''
- La couleur rouge est trop instable pour servir à la teinture. On n’a également pas pu isoler l’acide.
- Réactions diverses de l'acide picrique. — Chauffé avec un mélange d’acide chlorhydrique et de chlorate de potasse, il se convertit en chloropicrine C.Cl3(Az02) et en chloranile C6CP02.
- En dissolvant la chloranile dans l’ammoniaque, on obtient un liquide rouge de sang foncé, renfermant l’acide bichloro-quinonique.
- En chauffant équivalents égaux d’acide picrique et de per-chlorure de phosphore, on obtient le chlorure de trinitro-phényle G6H2(Az02)3Cl, solide jaune, qui par le carbonate d’ammoniaque se change en picramide C6tP(Az02)3Az dont les cristaux sont jaunes par transmission et violets par réflexion.
- Le cyanure de potassium et les sulfures alcalins en présence d’un excès d’alcali constituent les meilleurs réactifs de l’acide picrique; ils peuvent être utilisés même sur tissu. La coloration jaune passe, sous leur influence, au rouge grenat assez intense.
- Emploi de l'acide picrique en teinture. — L’acide picrique cristallisé est généralement utilisé pour la teinture et
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- l’impression. Cette matière colorante, d’un jaune pur intense, possède pour les fibres animales, laine et soie, une assez grande affinité ; aussi suffit-il de dissoudre l’acide dans l’eau tiède et de passer la substance filamenteuse dans le bain, pour réaliser la fixation. Pour la soie, on opère à 30 ou 40° centigrades, sans mordancer et sans laver après teinture : un gramme d’acide picrique peut teindre 1 kilogramme de soie en jaune foncé.
- Les nuances que l’on peut obtenir varient du jaune-paille au jaune-maïs, selon leur intensité. La soie devient un peu plus dure et plus roide. La laine se teint facilement à chaud et à froid ; on la mordance quelquefois avec de l’alun et du v tartre pour rendre la couleur plus solide.
- L’acide picrique, associé au carmin d’indigo, donne sur laine et soie des verts très-purs et très-brillants.
- Le coton ainsi que les autres fibres végétales n’attire nullement en bain d’acide picrique, à moins d’avoir été anima-lisé avec de l’albumine ou de la caséine.
- Les nuances jaunes dues à l’acide picrique résistent assez bien à la lumière et à l’air, mais elles passent peu à peu par un lavage prolongé ; l’eau enlève constamment une faible proportion d’acide à la fibre.
- 1. Échantillon de soie teinte en acide picrique.
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- Le jaune picrique sur tissu se reconnaît facilement à sa nuance et à la teinte rouge qu’il prend sous l’influence du protochlorure d’étain et d’un alcali ; cette teinte disparaît par le lavage à l’eau et le tissu reste décoloré.
- Comme l’acide picrique du commerce est quelquefois mélangé à des substances étrangères, il convient de s’assurer de sa richesse par un essai. A cet effet, on dissout S grammes d’acide picrique dans 100 grammes d’eau bouillante, on ajoute 200 grammes d’eau de gomme épaisse, on passe au tamis, on plaque sur laine à la planche plate, on vaporise et on lave ; enfin, on compare la teinte obtenue à celle d’un produit type pur.
- On peut aussi teindre 10 grammes de soie ou de laine, dans un bain monté avec 0S,01 d’acide picrique, et juger de la richesse par l’intensité delà nuance.
- E Acide sulfophénique, G6H60,S03. — Il se forme par l’action de l’acide sulfurique concentré sur l’acide pliéni-que; le mélange s’échauffe et au bout de vingt-quatre heures, si l’on a ajouté assez d’acide sulfurique, l’eau ajoutée ne produit plus de précipité huileux. Le mélange saturé parla baryte ou la chaux donne des sulfates insolubles et des sul-fophénates solubles.
- La composition de ces sels peut se représenter par SO\ )
- c6hs y o2
- M |
- L’acide sulfophénique représente donc le sulfate acide de phényle.Il est susceptible de donner quelques réactions colorées. Ainsi, suivant Gerhardt, on obtient une solution d’un violet magnifique, en faisant tomber quelques gouttes de perchlorure de fer dans une solution très-étendue d’acide sulfophénique. Ce violet n’a pas encore été obtenu pur, ni assez concentré pour pouvoir être fixé sur tissus.
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- M. P. Monnet (1) a constaté que l’action prolongée à froid du deutoxyde d’azote sur l’acide sulfophénique est susceptible, suivant le degré de saturation, de produire d’abord du rouge, puis du violet et du bleu. Contrairement aux autres réactions de l’acide phénique, ces couleurs ne maintiennent leurs nuances primitives qu’au contact des acides forts; l’eaii les vire au jaune opalin, et par l’addition d’ammoniaque, on obtient une liqueur d’un vert plus ou moins bleu, mais toujours très-beau. Ces matières colorantes ne donnent en teinture que des résultats assez médiocres.
- En chauffant-à 130 degrés un mélange de 23 grammes d’acide sulfophénique et de 13 grammes d’iodure d’amyle, il se dégage d’abondantes vapeurs d’iode, et l’on obtient une masse sirupeuse jaune orangé, que les acides font virer au jaune vif. Avec les alcalis, on obtient une belle matière colorante rouge que les acides ramènent au rouge. Ce corps offre la plus grande analogie avec l’acide rosolique.
- F Acide rosolique. —Il fut découvert par Runge, en 1834, dans les résidus de la préparation de l’acide phénique. Ces résidus traités par un lait de chaux donnent une dissolution rouge de rosolate de chaux, d’où l’acide acétique précipite l’acide rosolique encore impur, mélangé à un acide brun (brunolique). On doit répéter les traitements à la chaux et les précipitations par l’acide acétique, jusqu’à ce que l’acide rosolique se dissolve sans résidu brun dans un lait de chaux étendu.
- On obtient plus d’acide rosolique par l’action prolongée de l’air sur un mélange d’acide phénique et de chaux éteinte, à une température un peu élevée (Tschelnitz) (2).
- M. A. Smith (3) considère l’acide rosolique comme un produit d’oxydation du phénol ; il le prépare en faisant bouillir
- (1) Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse, t. XXXI, p. 464.
- (2) Comptes rendus des séances de l'Académie de Vienne, t. XXIII, p. 2G9, 1857.
- (3) Poggendorff's Ann., t. XXXI, p. 150.
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- un mélange de phénol, de soude caustique et de bioxyde de manganèse. La masse est reprise par l’eau, et le rosolate de soude est décomposé par un acide.
- MM. Dussart (1) et Jourdin (2) ont également obtenu l’acide rosolique par l’oxydation du phénol en présence d’un alcali. Ainsi, par exemple, en chauffant au-dessous de 150 degrés un mélange d’acide phénique, de soude caustique et d’oxyde de mercure, il se forme très-rapidement, en dix minutes, du rosolate de soude, tandis que du mercure devient libre.
- Le même acide coloré prend encore naissance : a) par la distillation d’un mélange d’acide phénique et de sublimé corrosif ; b) par la distillation du phénol avec l’acide bromacé-tique (3); c) par la décomposition sèche des acides phéniques iodés (Scühtzenberger et Paraf).
- On n’est pas encore d’accord sur la formule de l’acide rosolique. MM. Smith et Jourdin le représentent par G12H1203 ; M. Dusart,par Cl2H1204 ou C6H602 ; M. MuellerparC23H22 04.
- L’acide rosolique pur, bouilli avec de l’eau, se présente sous forme d’une substance amorphe, d’un vert foncé, avec l’éclat des cantharides. Lorsqu’on le pulvérise, il devient rouge orangé, et, frotté avec un corps dur, il acquiert un bel aspect doré ; il est translucide en couche mince et présente alors une teinte rouge ou orange foncé. Précipité au moyen de l’eau d’une solution alcoolique ou acétique, il se présente sous forme de flocons rouge orangé, semblables au chromate basique du plomb. Il fond dans l’eau bouillante. Il est soluble dans l’alcool, l’éther, le phénol, les acides acétique, sulfurique et chlorhydrique concentrés; l’eau le reprécipite en flocons.
- Très-peu soluble dans l’eau pure, il se dissout dans l’eau chargée d’un carbonate alcalin, sans déplacer l’acide carbo-
- (1) Répert. de chim. appliq., t. I, p. 207.
- (') Répert. de chim. appliqt. II, 216.
- (3) Perkin, Chemical News, 1861, p. 351.
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- nique. Il forme avec les alcalis et les terres alcalines des combinaisons solubles offrant en solution une teinte rouge-cerise très-belle. Les rosolates alcalins donnent avec les sels métalliques des précipités colorés. L’alumine ne forme pas de laque avec l’acide rosolique.
- L’acide sulfureux est sans action sur lui. Chauffé avec de la chaux sodée, il donne de l’acide phénique et un résidu de charbon.
- Avec l’acide nitrique, il fournit de l’acide picrique.
- Malgré les essais tentés dans cette voie, on n’est pas encore parvenu à faire servir cette matière à la coloration des tissus. MM. Persoz fils et Arnaudon ont obtenu sur soie et sur laine mordancée à l’alun, une belle couleur jaune-orange qui vire au rouge-cerise dans un bain d’eau de baryte; mais cette couleur se ternit peu à peu à l’air.
- On a aussi fixé le rosolate de magnésie, sur mousseline, au moyen de l’albumine; ce sel est un des moins altérables parmi les rosolates.
- M. Persoz fils a découvert en 1859 une méthode de traiter l’acide phénique, qui fournit un produit identique avec l’acide rosolique ou au moins très-voisin. Le procédé de M. Persoz était exploité depuis deux ans, dans la fabrique de MM. Gui-non, Marnas et Bonnet à Lyon, lorsque MM. Kolbe et Schmith le publièrent comme nouveau (1); ils ignoraient sans doute, comme tout le monde, la belle expérience de M. Persoz.
- On fait un mélange d’environ 3 parties d’acide phénique, 2 parties d’acide oxalique et 2 parties d’acide sulfurique. Le tout est chauffé pendant quelques heures à une température modérée. Durant la réaction il se produit une effervescence plus ou moins vive, due au dégagement, souvent assez abondant, d’acide carbonique et d’oxyde de carbone provenant de la décomposition de l’acide oxalique. La
- (1) Annalen der Chernie und Pharmacie, t. CXIX, p. 109.
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- masse s’épaissit et devient d’un brun rougeâtre. Lorsqu’on juge l’opération terminée, ce que l’on voit aisément en prenant de temps en temps avec un agitateur une goutte de mélange et en la projetant dans de l’eau ammoniacale, on retire la masse du feu et on la coule dans l’eau froide, pour séparer la majeure partie de l’acide sulfurique en excès et de l’acide sulfophénique formé. Le produit est purifié par des lavages à l’eau bouillante. On obtient ainsi une masse poisseuse, presque solide, à reflets vert-cantharides. Par la dessiccation elle devient dure et cassante. Le rendement dépend de la manière plus ou moins rapide dont on on conduit l’opération.
- , MM. Kolbe et Schmith ont analysé le produit de cette réaction ; ils sont arrivés à des nombres qui conduiraient à la formule C5H40 ou C10H802 ; elle demande à être contrôlée, comme toutes celles que nous avons indiquées plus haut pour l’acide rosolique.
- Nous empruntons à M. Persoz fils (1) la description de deux dérivés colorés de l’acide rosolique, obtenus par lui. Ces nouveaux produits ont acquis une certaine importance industrielle.
- Péonine ou coralline.— Cette matière est le résultat de la métamorphose qu’éprouve l’acide rosolique, lorsqu’on le chauffe en vase clos avec de l’ammoniaque.
- Elle paraît être une sorte d’amide ou plutôt d’acide amidé, car elle joue le rôle d’acide. Le nom de péonine qu’on lui a donné est destiné à rappeler la grande analogie de sa couleur avec celle de la fleur de pivoine.
- Pour la préparer, on introduit dans un appareil autoclave 1 partie d’acide rosolique et 3 parties environ d’ammoniaque du commerce. On chauffe au bain d’huile pendant 3 heures, aune température qui ne doit pas dépasser 150°. La masse, retirée de l’appareil après refroidissement, forme un
- (l) Pelouze et Frémy, Traité de chimie, 3e édit., t. VI, p. 295.
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- liquide épais présentant un reflet cramoisi doré de toute beauté. En ajoutant de l’acide chlorhydrique, on précipite la nouvelle matière colorante.
- Bien préparée, la péonine possède les caractères suivants : elle est presque insoluble dans l’eau, se dissout très-aisément dans l’alcool qu’elle colore en rouge, ne vire plus comme l’acide rosolique sous l’influence des acides. Ses solutions alcalines s’altèrent au bout de quelque temps au contact de l’air et prennent une teinte brune.
- La péonine n’a pour ainsi dire pas encore été exploitée, parce qu’on a trouvé à tirer parti de l’acide rosolique, d’une manière plus avantageuse, dans la préparation de l’azuline découverte peu après.
- Azuline. — Cette matière, dont la couleur rappelle beaucoup celle du sulfate de cuivre ammoniacal ou de l’outremer, est le produit de la réaction de l’aniline, sur l’acide rosolique ou sur la péonine..
- Pour l’obtenir, on chauffe à une température voisine de 180°, un mélange formé de 5 parties d’acide rosolique et de 6 à 8 parties d’aniline ; après quelques heures l’opération est terminée. La matière colorante, purifiée par différents dissolvants destinés à lui enlever l’excès d’aniline et une matière rouge qui l’accompagne, se présente sous forme d’une masse à reflets rouge doré.
- Elle est insoluble dans l’eau, soluble dans l’alcool et l’éther ; elle colore en rouge violacé les alcalis caustiques. Elle se dissout en rouge brun dans l’acide sulfurique concentré. L’addition de l’eau la précipite sans altération. Be même que le bleu de Lyon, l’azuline éprouve une modification particulière lorsqu’on chauffe pendant quelques heures sa solution dans l’acide sulfurique concentré. Dans ce cas elle n’est plus précipitée par l’eau, mais seulement par des sels alcalins.
- Par la plupart de ses caractères physiques et chimiques, l’azuline peut se confondre avec le bleu de Lyon, mais elle
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- en diffère essentiellement par sa composition. D’après M. de Laire, l’aznline ne contient qu’une proportion très-faible et toujours variable d’azote, tandis que le bleu de Lyon en contient une quantité bien supérieure et toujours constante. Les analyses de M. Willm conduisent aux rapports G12HllAz02, mais cette formule demande à être contrôlée.
- La naphtylamine, la toluidine et en général les alcalis huileux produisent également des couleurs bleues quand on les chauffe avec l’acide rosolique ou avec la péonine.
- Emploi de l'acide rosolique, de la coralline et de l'azuline en teinture et dans Vimpression. — L’acide rosolique n’a pas d’emploi pour la coloration des fibres. D’après MM. Per-soz fils et Arnaudon, il donne sur laine et sur soie mor-dancées par l’alun, une belle couleur jaune orangé. Lorsqu’on fait virer cette couleur dans un bain d’eau de baryte à une température de 25°, on obtient une coloration d’un riche rouge cerise ; mais malheureusement elle se ternit peu à peu à l’air.
- On teint la soie et la laine, au moyen de la coralline, en dissolvant la matière dans l’alcool, on y ajoute ensuite un peu de soude, et l’on verse cette liqueur alcaline dans une grande masse d’eau. Par une faible addition d’acide tartri-que, on met la matière colorante en liberté, sans cependant la précipiter, et dans un bain semblable on peut teindre très-aisément la soie et la laine, même à froid. Les nuances obtenues sont intermédiaires entre celles de la cochenille et celles de la fuchsine.
- On peut aussi fixer la coralline par voie de teinture sur coton mordancé. A cet effet, on dissout le produit dans une lessive de soude caustique à 12° ou dans du carbonate de soude saturé (4 litres de lessive pour 1 kilog. de matière colorante). On favorise la dissolution en chauffant le mélange à 40°.
- Cette dissolution est versée dans 10 litres d’eau, puis on neutralise par addition de 4 litres d’acide sulfurique à 10°.
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- La matière colorante ne se précipite pas, mais elle est dans un état tel, que la moindre attraction moléculaire en déterminera la séparation et le dépôt sur la fibre. Le bain teint directement en rouge ponceau la laine et la soie. Le coton est préparé à l’étain et au sumac ou au tannin. La teinture se fait à 50°, on entre à tiède et on laisse dans le bain
- 1 heure 1/2. Pour une nuance nourrie, on consomme environ 500 gr. de coralline par pièce. La nuance résiste au vaporisage et au lavage, mais le savon, les alcalis et la lumière l’altèrent assez promptement. On peut la faire virer au carmin, par une exposition ammoniacale, mais cette teinte est très-instable.
- La coralline précipitée par l’eau de sa solution acétique se présentant, après dessiccation à une température inférieure à son point de fusion, sous forme d’une belle poudre rouge ponceau, peut être imprimée dans cet état au moyen de l’albumine. On utilise à cet effet, depuis quelque temps, à Mulhouse, une espèce de laque de coralline qui n’est autre chose que cette poudre mélangée intimement soit à du carbonate de chaux, soit à de l’oxyde de zinc.
- On donne le nom de coralline jaune à un produit qui ne diffère de la coralline rouge que par une teinte plus orangée, et qui probablement se prépare de même, mais dans des conditions un peu différentes. Elle donne sur laine des nuances oranges très-vives. On suit la méthode que voici v
- 2 ldi. 500 de coralline jaune sont dissous dans 10 litres de soude caustique à 10° Bauméet à 60° centigr. On verse dans 100 litres d’eau, on chauffe de nouveau, et après complète dissolution on ajoute 1 litre de deutochlorure d’étain à 55° Baumé étendu de 5 litres d’eau. On filtre et on obtient 20 litres de laque d’un orangé très-vif. On prend 10 litres de cette laque non lavée et demi-fluide.
- 2 kilogrammes de gomme en poudre.
- 350 grammes d’acide oxalique.
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- On chauffe jusqu’à dissolution de la gomme et de l’acide, on passe au tamis et on imprime sur laine ; après 12 heures, on -vaporise 40 minutes.
- Pour teindre la soie et la laine avec l’azuline, on dissout la matière colorante dans l’alcool et on verse le liquide bleu dans de l’eau acidulée. La soie et la laine passées dans ce bain se chargent de la matière colorante restée en suspension dans l’eau, et, en élevant peu à peu la température, on fixe la couleur et on l’unit au tissu.
- Matière colorante de M. Fol dérivée du phénol. — M. Frédéric Fol (1) prépare, avec l’acide phénique, une matière colorante jaune, acide, dont les sels sont rouges. On chauffe, à cet effet, à 100° centigr. pendant 12 heures, dans une chaudière en fonte, un mélange de S liilog. d’acide phénique et de 8 kilog. d’acide arsénique desséché et finement pulvérisé, en remuant souvent avec une spatule en fer. La coloration apparaît au bout de 2 heures et augmente peu à peu en intensité à mesure que la matière s’épaissit en dégageant de la vapeur d’eau. Après 12 heures, on monte à 125° et on maintient ce degré pendant 6 heures. A ce moment le mélange a cessé de se boursoufler et devient pâteux et tranquille. On ajoute 10 kilog. d’acide acétique du commerce à 7°, en favorisant la dissolution par une élévation de température. La liqueur étendue d’eau est saturée par du sel marin qui précipite la matière colorante. Pour la purifier, on la dissout une seconde fois dans l’eau et on précipite de nouveau par le sel marin.
- Le précipité, bouilli avec deux fois son poids de carbonate de barium, donne un sel barytique soluble d’où l’acide colorant est facile à extraire pur, au moyen de l’acide sulfurique.
- Le produit se présente, après dessiccation, sous forme de paillettes mordorées douées d’un vif éclat. Il est soluble dans 1 eau froide en notable quantité ; la dissolution est jaune d’or;
- (1) Répertoire de chimie appliquée, t. IV, p. 179.
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- beaucoup plus soluble dans l’eau bouillante, d’où il se dépose par refroidissement en lamelles mordorées ; il est soluble dans l’alcool, l’esprit-de-bois et l’éther, insoluble dans la benzine.
- L’acide sulfurique concentré et froid le dissout, sans altération. Les alcalis et les terres alcalines caustiques ou carbo-natées donnent des sels rouges solubles, qui teignent facilement la soie et la laine, depuis le rouge le plus foncé jusqu’au rose le plus tendre. Les teintes obtenues résistent au savon. L’acide seul fournit des colorations jaunes qui virent au rouge dans les bains alcalins. Cette matière n’est pas de l’acide rosolique, d’après l’auteur, qui veut y voir un produit d’oxydation de l’acide phénique. <
- Phénicienne. — M. J. Roth a découvert en 1863 et préparé, sur une assez grande échelle, une matière colorante brune dérivée de l’acide phénique, à laquelle il donne le nom de phénicienne (1).
- La phénicienne se produit par l’action de l’acide azotosul-furique sur l’acide phénique. Dès que les deux acides sont en contact, ils s’attaquent avec une violence extrême, avec un dégagement abondant de vapeurs nitreuses. On verse peu à peu l’acide sulfurique nitré jusqu’à cessation de réaction : 1 kilog. d’acide phénique cristallisé exige, environ 10 à 12 kilog. d’acide azotosulfuriqueconcentré. L’opération doit être dirigée de façon que la masse ne s’échauffe pas trop. Le mélange est jeté dans une-grande quantité d’eau. Il se forme à l’instant même un précipité abondant qui, recueilli, lavé et séché, constitue le nouveau produit tinctorial. Le lavage est très-long et exige plusieurs jours.
- La matière colorante se présente sous forme d’une poudre brune amorphe, très-ténue, peu soluble dans l’eau; fort soluble dans l’éther, l’alcool, l’acide acétique ; soluble dans les alcalis et la chaux. Les solutions alcalines ont une
- (1) Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse, t. XXXIV, p. 499.
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- belle nuance bleue violacée que le moindre excès d’acide ramène au brun.
- La phénicienne fond à une température peu élevée sous forme d’une résine noire. D’après M. Roth elle est formée d’un mélange de deux matières colorantes, l’une jaune, l’autre noire, jouissant des mêmes propriétés tinctoriales.
- Cette substance offre de l’intérêt, car,' de toutes les matières colorantes dérivées du goudron, c’est celle qui fournit les nuances les plus variées et les plus solides. Elle résiste à l’action de la lumière solaire et même de l’hypochlorite de chaux. Elle teint la laine et la soie sans le concours des mordants. Les nuances formées appartiennent au genre Havane; mais elles surpassent en pureté et en éclat celles fournies par des mélanges d’extraits de bois et d’orseille. M. E. Dollfus (1) pense qu’en raison de ces avantages elle est appelée à jouer un certain rôle dans la teinture sur soie et sur laine. De même que pour le cachou, les sels oxydants métalliques rehaussent considérablement les nuances fournies par la phénicienne. La laine et la soie, teintes avec elle, passent du brun jaunâtre au grenat, par l’immersion dans un bain de bichromate de potasse ou de chromate de cuivre acidulé avec de l’acide sulfurique; le nitrate de cuivre produit un effet analogue, mais à un moindre degré. On peut arriver au même résultat en ajoutant directement le sel métallique oxydant au bain de teinture ; ce dernier procédé est même préférable, car on est alors plus maître des nuances que l’on veut obtenir. Les nuances fournies par la phénicienne sur soie et sur laine varient du grenat 'foncé au chamois doré, suivant la force des bains de teinture et des oxydants employés.
- Les tissus de coton mordancés au stannate de soude et au tannin absorbent également avec beaucoup de facilité la
- (I) Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse, t. XXXIV, p. 500. — Rapport de M. E. Dollfus au nom du comité de chimie.
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- phénicienne, et prennent une nuance bois foncé par un passage en chromate de potasse à chaud ; mais dans ce cas la nuance vire au bleu par les alcalis, et la matière colorante est facilement enlevée, même par le savon, ce qui n’arrive pas pour la soie et la laine, l’affinité pour la matière colorante étant beaucoup plus prononcée dans ce cas.
- Les nombreux essais d’impression tentés par M. E. Doll-fus, tant sur coton que sur soie et sur laine, n’ont pas fourni de résultats bien intéressants. La matière colorante dissoute dans l’acide acétique, épaissie à la gomme et additionnée de sels métalliques oxydants, tels que nitrate de cuivre, chromate de potasse et acide tartrique, prussiate rouge et soude caustique, est réduite par l’action de la vapeur, et de grenat ou marron vif qu’elle était, devient brun jaunâtre au vaporisage. Il est vrai qu’un passage en chromate chaud restitue le grenat, mais alors le blanc se teint en brun.
- La phénicienne, appliquée sur tissu de laine et de soie par teinture, perd également toute vivacité par le vaporisage.
- La phénicienne imprimée sur coton, vaporisée et passée au chromate, fournit un grenat foncé, très-altérable par les alcalis qui le virent au bleu. Il en est de même des couleurs appliquées sur coton avec addition de nitrate de cuivre ou d’un mélange de chlorate de potasse et d’acide tartrique.
- Gomme couleur d’impression, la phénicienne pourrait rendre des services pour la coloration des tissus chaîne-coton, car, imprimée sur ces tissus avec addition de chlorate de potasse et d’acide tartrique, elle fournit des nuances bois égales, dans lesquelles le coton et la laine possèdent la même nuance, résultat assez difficile à obtenir par les procédés ordinaires.
- En faisant réagir de l’ammoniaque à 200° environ sur du phénol impur, M. Breitenlohner a obtenu des matières colorantes bleues, vertes et rouges qu’il a peu étudiées et qui sont mal définies (1). M. Berthelot a montré que l’acide phé-
- (1) Dingler's polytechnis. Journal, CLXI, p. 150.
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- MATIÈRES COLORANTES ORGANIQUES ARTIFICIELLES. 31
- nique, mélangé à de l’ammoniaque, prend, sous l’influence du chlorure de chaux, une coloration bleue qui se change en violet et en rouge dès que l’on sature par un acide.
- CHAPITRE II
- NAPHTALINE ET SES DÉRIVÉS COLORÉS.
- La naphtaline appartient à l’avenir de l’industrie plutôt qu’au présent. Tout tend à prouver qu’un jour viendra où cet hydrogène carboné, si abondant, si facile àpurifier, occupera une place importante parmi les matières premières utilisées. Il est vrai que jusqu’à présent les principes colorants préparés avec la naphtaline, n’ont pas offert les caractères de solidité et d’éclat nécessaires pour permettre leur application ; mais, d’un côté, bien des raisons, qui seront développées plus loin , conduisent les chimistes à admettre la possibilité de la synthèse de l’alizarine (matière colorante delà garance), au moyen de la naphtaline; d’une autre part, on commence à produire en grand, d’après les belles recherches de MM. Depoully frères, l’acide benzoïque, en dédoublant l’acide phtalique formé par l’oxydation de la naphtaline. Ces conquêtes de la chimie, probables ou déjà réalisées, donnent au groupe naphtalique, une importance qui ne nous permet pas de le passer sous silence dans un traité des Matières colorantes.
- La naphtaline, dont le poids moléculaire est représenté par la formule G10H8, se forme par la décomposition à haute température d’un grand nombre de substances organiques. Aussi la trouve-t-on, en quantités plus ou moins abondantes, dans les goudrons formés par la distillation sèche de la
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- houille, du bois, des résines et des corps gras; lors du passage, à travers un tube chauffé au rouge, des vapeurs d’alcool, d’éther, d’acétone, d’acide acétique, d’éthylène, etc., etc. Elle fut découverte par Gardens.
- La naphtaline est surtout abondante dans les goudrons qui ont subi l’action d’une chaleur intense (Reichenbach). Ainsi le goudron de houille des usines à gaz en renferme beaucoup plus que celui de bois. Ce dernier, décomposé aune température élevée pour la production du gaz, fournit un goudron très-riche en naphtaline. Il en est de même lorsqu’on utilise le goudron de houille pour la préparation du gaz (Kidd); le liquide condensé dans cette circonstance fournit 1 /4 de son poids de naphtaline pure.
- Quoi qu’il en soit, le goudron de houille des usines à gaz représente la source la plus naturelle et la plus économique de la naphtaline. Jusqu’à présent le peu de débouché de ce produit a fait que l’on s’est peu préoccupé d’en augmenter le rendement.
- Dans la rectification du goudron, la naphtaline impure passe après les huiles dites légères et les huiles lourdes, sous forme d’une huile jaunâtre, se concentrant par le refroidissement en une masse butyreuse. La séparation delà naphtaline est plus facile, lorsque le goudron est resté pendant quelque temps exposé à l’air, ou lorsqu’il a subi l’influence du chlore.
- La masse butyreuse soumise à une forte pression, qui exprime les parties liquides, donne la naphtaline brute. Celle-ci se purifie par distillation ou sublimation. Cette dernière opération se pratique en petit, dans une bassine en tôle, recouverte d’une feuille de papier joseph et surmontée d’un cône en carton. Ces conditions peuvent du reste être variées de bien des manières, vu la grande facilité avec laquelle la naphtaline cristallise par sublimation.
- En grand on peut employer des appareils construits
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- MATIÈRES COLORANTES ORGANIQUES ARTIFICIELLES. 3 3
- d’après les principes de ceux qui servent à la purification du soufre.
- Pour obtenir un produit complètement privé de matières étrangères, il convient de le faire cristalliser dans l’alcool ou dans l’éther.
- La naphtaline se présente sous formes de lames rhomboï-dales, minces, éclatantes et incolores, d’une odeur spéciale aromatique et rappelant celle du goudron, d’une saveur d’abord faible, puis âcre et irritante. Elle fond à79°,2 centig., bout à 218°. Sa sublimation s’effectue, même à la température ordinaire. Insoluble dans l’eau froide, très-peu soluble dans l’eau chaude, elle se dissout facilement dans l’alcool bouillant, l’éther, la benzine, les huiles de goudron et l’acide acétique cristallisable. Les vapeurs d’eau l’entraînent facilement.
- DÉRIVÉS DE LA NAPHTALINE.
- Cet hydrogène carboné remarquable donne naissance à un grand nombre de produits dérivés, parrapport auxquels il joue tantôt le rôle de l’hydrure du radical G10H7 (naph-tyle), c’est-à-dire qu’il est avec eux dans les mêmes degrés de parenté que la benzine (hydrure de phényle) avec l’acide phénique (hydrate d’oxide de phényle) et l’aniline (azoture de phényle et d’hydrogène). Tels sont l’alcool naphtalique obtenu récemment, la naphtylamine, la nitronaphtaline.
- Les formules suivantes feront mieux ressortir encore ces
- analogies.
- C6H5 i C*»M o h ) C6H5 i . H2 j ÂZ C6H5
- H i AzO2
- Benzine. Phénol. Aniline. Nitrobenzine.
- C1°H7 | G10 H7 ) H i u C1°H7 1 Az H* | ‘ C10H7 l
- H j AzO2 )
- Naphtaline. Alcool naphtalique. Naphtylamine. Nitronaphtaline.
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- 34 TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- Rien n’est changé d’une série à l’autre si ce n’est le radical ; ajoutons que les réactions au moyen desquelles on passe d’un terme à l’autre sont tout à fait parallèles. Ainsi :
- AzO2
- C6HSH -j- j 0=C6Hs.AzOî + h J O
- Benzine. Acide azotique. Nitrobeuzine. Eau.
- AzO2 I H )
- Ci°H7.II4- „ > O = C10H7.AzO2 + IT O
- H J ri )
- Naphtaline. Acide azotique Nitronaphtaline. Eau
- C6H5
- C6II5.Az02 -f" H6 =
- H2
- Az+H*02
- Nitrobeuziue. Hydrogène. Aniline.
- C10H7
- Eau.
- C10H7.AzO2 -f H =
- H8
- Az + H'l02
- Nitronaphtaline. Hydrogène. Naphtylamine. Eau.
- Dans d’autres circonstances, la naphtaline semble jouer le rôle d’un radical polyatomique, comme du reste la benzine aussi. C’est ainsi qu’elle s’unit directement à 2 ou à 4 atomes de chlore ; de même que la benzine s’unit à 6 atomes de chlore.
- Si nous poussons les rapprochements plus loin, nous verrons que la naphtylamine donne naissance à des matières colorantes dans les mêmes circonstances que l’aniline et notamment sous l’influence des agents oxydants.
- Une complication plus grande de la molécule naphtalique doit aussi nous faire prévoir des phénomènes et des réactions spéciales dont nous ne trouverons pas les analogues dans le groupe phénylique. C’est, en effet, ce que l’expérience nous apprend.
- Nitronaphtahnes.— Sous l’influence plus ou moins énergique et prolongée de l’acide nitrique, la naphtaline peut fournir quatre dérivés de substitution nitreuse, savoir : la
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- mononitronaphtaline, labinitronaphtaline, la trinitronaphta-line et la quadrinitronaphtaline.
- C10H7(AzO2). C10H6(AzO2)2. C10HB(AzO*)8. C10H4(AzO*)4.
- Les deux premiers offrent seuls de l’intérêt.
- Mononitronaphtaline. — Ce corps se prépare facilement de la manière suivante (1) : on introduit dans un ballon de 8 litres 1 kilog. de naphtaline ordinaire, avec 6 kilog. d’acide nitrique du commerce, et on chauffe au bain-marie à 100°. La naphtaline fond et reste à la surface du liquide. En remuant de temps à autre, on détermine la nitrification rapide de l’hydrogène carboné, en même temps qu’il se dégage quelques vapeurs rutilantes. La masse gagne le fond. On décante le liquide acide, tandis que la nitronaphtaline versée dans une terrine est refroidie et agitée afin d’obtenir sa division pendant la solidification. Une reste plus qu’à laver à grande eau pour enlever les dernières traces d’acide, à fondre et à couler en plaques que l’on soumet à une forte expression, dans le but d’en séparer une huile rougeâtre. Le pain jaune ainsi obtenu représente delà naphtaline mononi-trée, sensiblement pure et propre à la préparation de la naphtylarnine. Une dissolution dans l’alcool bouillant laisse déposer le corps sous forme de longues et belles aiguilles jaunâtres tout à fait pures.
- La nitronaphtaline se produit également à froid par l’action réciproque de l’acide nitrique concentré ou ordinaire, et de la naphtaline, qu’il faut avoir soin d’agiter et de diviser avec une spatule. En prenant 1 partie de naphtaline pour 5 à 6 parties d’acide nitrique d’une densité égale à 1,33, la transformation est complète au bout de huit jours, et 1 on évite la production de l’huile rouge qui accompagne toujours la nitronaphtaline préparée à chaud.
- (1) 1 rocédé de Laurent modifié par M. Roussin. Comptes rendus, t.LII,
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- 3 6 TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- Ce corps est jaune clair, cristallisé en longues aiguilles cassantes (prismes à six pans). Il fond à 43°, et se volatilise sans se décomposer si on ne le chauffe pas trop brusquement. Insoluble dans l’eau,la nitronaphtaline se dissout facilement dans l’alcool bouillant, l’éther, l’huile de pétrole. Les agents réducteurs susceptibles de fournir de l’hydrogène naissant, tels que : sulfure ammonique, mélange d’acide acétique et de fer, d’acide chlorhydrique et d’étain, d’acide sulfurique et de fer, la convertissent en naphtylamine d’après l’équation donnée plus haut.
- L’acide nitrique bouillant la transforme en binitro et tri-nitronaphtaline. Avec l’acide sulfurique en excès, on obtient à l’ébullition une matière colorante brune, d’une couleur très-intense, soluble dans l’eau et non précipitable par la chaux, en même temps il se dégage de l’acide sulfureux (E. Kopp).
- Lorsqu’on chauffe la nitronaphtaline avec de l’acide sulfurique étendu d’un peu d’eau, il arrive un moment où l’acide est suffisamment concentré pour agir ; le liquide prend une belle teinte rouge, et il se précipite une poudre noire semblable aux substances ulmiques. Cette poudre noire, insoluble dans tous les dissolvants neutres, soluble en rouge sale dans l’acide sulfurique concentré, et précipitable sans altération par l’eau, m’a donné à l’analyse des nombres qui conduisent à la formule C10H404 et qui sont les mêmes que ceux des corps rouges de M. Roussin (naphtazarine). La matière colorante rouge, engendrée en même temps, paraît être de la naphtazarine, obtenue d’abord aux dépens de la binitronaphtaline. L’eau mère sulfurique retient du sulfate d’ammoniaque. En opérant à pression, on arrive aux mêmes résultats avec l’acide sulfurique plus étendu, pourvu que l’on élève suffisamment la température.
- Lorsqu’on dirige un courant d’air ou d’oxygène à travers un mélange: de une partie de nitronaphtaline, de une partie de potasse caustique et de deux parties de chaux éteinte à la
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- MATIÈRES COLORANTES ORGANIQUES ARTIFICIELLES. 3 7
- température de 140°, la substance fixe peu à peu l’oxygène et les éléments de l’eau, en se transformant en un acide jaune, acide nitroxynaphtalique. Le mélange jaunit de plus en plus, et au bout de 10 à 12 heures l’opération est terminée. Le mélange retiré de la cornue cède à l’eau un sel de potasse jaune rougeâtre, d’un grand pouvoir colorant. Les acides, ajoutés en petit excès à la solution, la font prendre en bouillie épaisse, formée d’un beau corps jaune, qu’on n'a qu’à laver à l’eau froide pour l’avoir pur (1).
- La génération de l’acide nitroxynaphtalique s’exprime par l’équation :
- 2(Cl0H7[AzO*]) + H20 -f- O = 2(C10H8[AzOî]O)
- Les nitroxynaphtalates sont représentés par la formule :
- C10H7M(AzO2)O
- Ce corps est soluble dans l’eau, l’alcool, l’esprit-de-bois et l’acide acétique. Il se dépose de ce dernier dissolvant en belles aiguilles jaunes. La saveur, d’abord fraîche, devient amère. Il fond à 100° et n’est pas volatil. Il forme avec les alcalis des sels solubles, cristallisables, d’une coloration intense, précipitables par les sels métalliques.
- Les agents réducteurs transforment l’acide nitroxynaphtalique en oxynaphtylamine G10H10AzO, base incolore dont nous dirons quelques mots tout à l’heure.
- L’acide nitroxynaphtalique se comporte en teinture à peu près comme l’acide pi crique, se fixant sans mordant sur soie et sur laine et communiquant à ces tissus des nuances analogues.
- (1)M. Dusart, Comptes rendus, t. LU, p. 1183, 1 SGI.
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- NAPHTYLAMINE OU NAPIITALYDAM. — AZOTURE DE NAPHTYLE ET D’ilYDROGÈNE.
- C10Il9Az
- Jusqu’à présent on ne l’a obtenu que par réduction de là nitronaphtaline. On utilise soit la méthode deM. Béchamp, soit celle deM. Roussin. Dans le premier cas, on mélange, dans un vase en terre ou en fonte, du fer en limaille, de la nitronaphtaline et de l’acide acétique. La réaction commence dès que la nitronaphtaline est fondue, elle est très-vive; la masse introduite dans une cornue est distillée au bain de sable à une température supérieure à 300°. L’on obtient deux couches, l’une aqueuse renfermant de l’acide acétique, l’autre huileuse dense et principalement formée de naphty-lamine impure et noire et d’un autre alcali dont la composition est représentée par la formule C8H9Az02 (phtalamine) (Schützenberger et Willm) (1).
- La naphtylamine brute doit être desséchée et distillée dans un courant d’hydrogène. Elle se concrète alors sous forme d’une masse cristalline composée d’aiguilles blanches très-altérables au contact de l’air.
- Le procédé de M. Roussin est plus avantageux. On introduit dans un ballon 6 parties d’acide chlorhydrique et 1 partie de nitronaphtaline et l’on ajoute une quantité de grenaille d’étain telle qu’elle atteigne la surface du mélange. Le liquide ne doit occuper que la moitié de la capacité du ballon. On chauffe au bain-marie. La nitronaphtaline disparaît très-vite sous l’influence d’une réaction énergique.
- Le liquide décanté est étendu de la moitié de son volume
- (1) D après MM. Béchamp et Drion, on prend 3 parties de nitronaphtaline qu on fond dans une grande capsule de porcelaine, et on y mélange 2 parties de limaille de fer, aussi pure et divisée que possible. Le mélange est alors retiré du feu et traité par 2 parties d’acide acétique concentré du commerce. Quand la réaction très-vive qui se manifeste est calmée , on mélange à .1 partie 1/2 de chaux vive, et on distille dans une cornue.
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- d’eau et se prend presque en masse par refroidissement, par suite de la cristallisation du chlorhydrate de naphtylamine. On exprime, on redissout dans l’eau bouillante, l’étain est précipité par du sulfure de sodium ajouté en quantité suffisante. Par la filtration on enlève encore une matière goudronneuse. Enfin la solution abandonne par le refroidissement des cristaux assez purs de chlorhydrate qu’on exprime et qu’on sèche. Ce sel distillé avec de la chaux vive fournit la naphtylamine; si l’on employait de la chaux éteinte, une partie de la naphtylamine repasserait à l’état de naphtaline. La naphtylamine se présente sous forme de fines aiguilles incolores. Elle fond à 50° et bout sans décomposition à 300° ; elle se sublime déjà à une douce chaleur en longues aiguilles. Son odeur est désagréable et persistante, sa saveur brûlante et amère. Très-peu soluble dans l’eau, elle se dissout facilement dans l’alcool et l’éther.
- Elle se combine facilement aux acides, en donnant des sels blancs, généralement solubles et cristallisables. Ces sels se colorent assez vite en rouge violacé, au contact de l’air, surtout lorsqu’ils sont humides.
- Oxynaphtylamine de M. Dusart. —Ce corps, formé par l’action des agents réducteurs énergiques sur l’acide ni-troxynaphtalique est une base faible qui ne peut exister en liberté sans se colorer rapidement. Au contact des alcalis en excès, elle prend une couleur noir-verdâtre. Elle se combine avec les acides énergiques, et forme des sels, souvent cristallins, qui se colorent à l’air.
- Chauffée avec un excès de potasse caustique, elle • dégage de l’ammoniaque en se dissolvant, et donne une liqueur colorée en vert intense ; les acides en précipitent un acide rouge violacé. Les nitrites alcalins, en contact avec la solution de chlorhydrate d’oxynaphtylamine, déterminent un abondant dégagement d’azote et la séparation de cristaux incolores.
- Dérivés colorés de la naphtylamine. — Les sels de napli-
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- 4 0 TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- tylamine sont très-sensibles à l’action des agents oxydants. M. Piria (1) a obtenu le premier, en soumettant leurs solutions à l’influence du perchlorure de fer, du chlorure d’or, du nitrate d’argent, du bichromate ou du manganate de potassium, une matière colorante dont la teinte varie du bleu indigo au pourpre, suivant le mode de préparation. Celle-ci se précipite et peut être séparée des substances étrangères par un simple lavage à l’eau. Ainsi par l’action du chlorure ferrique sur une solution aqueuse de chlorhydrate de naphtylamine, on forme une naphtaméine, c’est le nom donné par M. Piria à ce produit, légère, amorphe, d’une couleur pourpre foncé, semblable à l’orcéine.
- La naphtaméine est insoluble dans l’eau, les acides et les alcalis caustiques, peu soluble dans l’alcool, facilement soluble dans l’éther. La solution éthérée est pourpre intense et dépose la matière colorante, par évaporation spontanée, à l’état d’une poudre amorphe.
- L’acide sulfurique concentré et froid dissout la naphtaméine avec production d’un liquide bleu indigo très-foncé. L’eau reprécipite la matière colorante. Elle se dissout également en violet dans l’acide acétique. Cette solution, qui n’est pas troublée par l’eau, peut servir à la teinture et à l’impression, mais les nuances sont médiocres et manquent de vivacité et de brillant (2).
- La solution acétique de naphtaméine est précipitée par presque tous les acides, les alcalis, les sels alcalins, terreux et métalliques. L’acide tartrique ne la précipite pas.
- La composition de la naphtaméine n’est pas encore établie d’une manière certaine. M. Piria n’a pu obtenir de résultats concordants à l’analyse. M. H. Schiffl (3) la représente par la formule G10H9AzO, tandis que M. Piria admet la perte d’hydrogène et l’élimination d’ammoniaque.
- (1) Ann. de phys. et de chimie [3], XXXI, p. 217.
- (2) Perkin, Chem. News, 1861, n° 79, p. 352.
- (3) Chemic. Gaz1859. p. 211.
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- La naphtaméine est réduite par les agents désoxydants et le dérivé se réoxyde au contact de l’air (1).
- Un mélange de chlorhydrate de naphtylamine et d’azotite de potasse donne immédiatement un précipité rouge-brun qui, lavé, séché et dissous dans l’alcool, se présente, après évaporation à siccité, sous forme d’une poudre cristalline rouge foncé avec des reflets verts métalliques.
- La nitrosonaphtyline formée ainsi a été découverte et étudiée par MM. Perkin et Church (2), elle représente de la naphtylamine dans laquelle l’atome d’hydrogène est remplacé par AzO.
- C10Il9Az + Az° j O = C10Il8Az2O + J] j O
- Naphtylamine. Ac. azoteux hydraté.
- La nitrosonaphtyline se dissout dans l’alcool et la benzine en rouge orange; l’eau la précipite de sa solution alcoolique en flocons de couleur écarlate. Elle est insoluble dans l’eau et les acides étendus, soluble en pourpre bleuâtre dans l’acide sulfurique concentré. Les alcalis ne l’altèrent pas.
- Lorsqu’on ajoute un acide à la solution alcoolique, celle-ci acquiert immédiatement une coloration violette magnifique, pouvant rivaliser avec les plus beaux violets d’aniline ; mais l’addition d’un alcali ramène la teinte orange primitive.
- On peut former la nitrosonaphtyline sur tissu, en imprimant une solution aqueuse épaissie de chlorhydrate de naphtylamine et en passant après dessiccation dans un bain de nitrite alcalin. La teinte rouge-orange obtenue ainsi ne résiste pas au savon bouillant.
- Une solution alcoolique teint le lin et le coton en orange.
- La soie se teint en très-beau violet dans un bain de nitrosonaphtyline acidulé avec un acide énergique (sulfurique,
- (1) Béperf. de chim. appliq., t. III, p. 345.
- (g) The Quart. Journ. of Chem. Soc., avril 1850, p. 1.
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- 4 2 TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- chlorhydrique), mais la nuance passe au rouge-orange par un simple lavage à l’eau.
- D’un autre côté, on ne peut sécher la soie sans la laver, car elle serait infailliblement brûlée ou affaiblie par l’acide libre.
- Tous les essais tentés jusqu’à présent, pour utiliser cette matière colorante si facile à préparer, ont échoué.
- Si, au lieu de mélanger à froid le sel de naphtylamine et le nitrite, on chauffe le liquide, il se dégage beaucoup d’azote et l’on obtient une masse poreuse, légère, brune, insoluble dans l’eau. Celle-ci cède à l’alcool ou à l’éther une certaine quantité de nitrosonaphtyline, et il reste un résidu volumineux, brun-noirâtre, semblable à de l’ulmine, insoluble dans tous les dissolvants, dans les acides et dans les alcalis.
- L’acide sulfurique concentré seul la dissout, avec une coloration bleu indigo foncé ; l’eau précipite de nouveau le produit non altéré. Convenablement purifié par des dissolutions dans l’acide sulfurique concentré et des précipitations par l’eau, le corps a fourni à l’analyse des nombres qui conduisent à la formule C10H6O2. Ce serait d’après cela-un isomère ou un polymère de l’hydrure d’oxynaphtyle (1).
- On a en effet :
- C10H6O2 -g 0=C,0II6Os
- Naphtulmine. Ac. oxyuaphtalique.
- Malgré de nombreux efforts tentés dans cette direction, on n’est pas arrivé à transformer la naphtulmine, par voie d’oxydation, en un dérivé intéressant.
- Cette matière colorante brune peut être formée directement sur tissu, mais les teintes obtenues ne sont pas assez belles, ni les procédés de fixation assez commodes, pour que l’on ait cherché à l’appliquer.
- (1) Schützenberger et Willm, Comptes rendus, t. XLVI, p. 894, 1858.
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- MATIÈRES COLORANTES ORGANIQUES ARTIFICIELLES. A3
- MM. Scheurer-Kestmcr et P. Richard (1) ont étudié, dès 1860, l’action exercée sur la naplitylamine sèche, par les agents qui transforment l’aniline en rouge, tels que deuto-chlorure d’étain, acide azotique, azotates, acide arsénique. Ces réactifs appliqués à la naplitylamine produisent des matières colorantes plus oumoinsrouges, plusou moinsbleutées.
- Naplitylamine et deutochlorure d'étain. — On fond un mélange de 8 à 10 parties de naplitylamine et de 3 à 4 parties de deutochlorure d’étain anhydre, on le maintient en ébullition pendant quelques minutes. On obtient ainsi une masse fortement colorée qui se solidifie par le refroidissement.
- En traitant par l’eau bouillante alcoolisée la matière ainsi formée, il s’en sépare une résine brune et le liquide se colore en rouge; il suffit d’y ajouter un peu de carbonate de soude ou de sel marin pour précipiter la matière colorante à l’état de pâte.
- Cette matière redissoute dans l’eau bouillante, teint la laine et la soie en violet rouge.
- Naplitylamine et acide azotique ou azotates. — Lorsqu’on mélange la naplitylamine avec de l’acide azotique ayant une densité de 1,35 à 1,40 et qu’on chauffe au bain-marie, une belle coloration bleue se forme; celle-ci disparaît en grande partie pendant le refroidissement; mais si l’on a soin d’élever le mélange a 140 ou 150°, il prend une couleur de plus en plus foncée, et on obtient une masse pâteuse, qui abandonne à l’eau bouillante acidifiée par un peu d’acide acétique une matière d’un rouge violet, en meme temps qu’il s’en sépare un corps brun d’un aspect résineux. On filtre la dissolution et on la précipite par le sel marin ; il s’en sépare ainsi une matière floconneuse, violette, soluble dans l’alcool et l’acide acétique et que les alcalis concentrés paraissent détruire.
- Cette matière colorante, dissoute dans de l’eau aiguisée
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- (1) Bulletins de la Société industrielle de Mulhouse, t. XXXI, p. 324.
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- d’acide acétique, donne sur la soie et la laine une nuance analogue à celle obtenue par l’action du bichlorure d’étain sur la naphtylamine.
- La préparation de cette matière colorante au moyen de l’acide azotique est difficile à diriger, vu qu’une décomposition complète survient à une température peu au-dessus de celle qui est nécessaire pour développer la couleur.
- L’opération est beaucoup plus facile avec le nitrate de mercure, la réaction s’opère déjà au bain-marie; le sel de mercure est réduit, et du mercure métallique se retrouve au fond de la capsule dans laquelle on opère. Au bout de quelques minutes la transformation est faite, on obtient une masse noire qui, traitée par l’eau alcoolisée ou par l’acide acétique bouillant, cède à ces véhicules la matière colorante.
- Ces différentes méthodes donnent, avec la naphtylamine, des nuances plus ou moins bleutées. En employant un excès de naphtylamine ou en faisant bouillir le violet avec cet alcaloïde, on peut faire varier les nuances du rouge violet au bleu gris, comme pour l’aniline.
- Les acides énergiques n’exercent pas d’action sur les rouges de naphtylamine. Ceux-ci se dissolvent dans l’acide sulfurique monohydraté, en produisant une dissolution vert-émeraude; l’eau les en précipite sans altération.
- Cette réaction permet de distinguer les rouges de naphtylamine des rouges et violets d’aniline. Il suffit, à cet effet, de dissoudre la matière colorante dans l’alcool, et d’y ajouter un peu d’acide sulfurique ou chlorhydrique.
- Ces deux acides bleuissent le violet d’aniline et jaunissent les rouges de rosaniline, tandis qu’ils sont sans action sur ceux de naphtylamine. *
- M. du Wildes(l) a également signalé la formation d’un violet par l’action du nitrate de mercure sur la naphtyla-
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- (l) Répertoire de chimie appliquée, 1861, p. 172.
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- mine. Il est soluble dans l’alcool, l’éther et l’esprit-de-bois, insoluble dans l’eau et les huiles de houille.
- En chauffant entre 230 et 230° un mélange de chlorure d’étain et de chlorhydrate de naphtylamine, M. Roussin obtient une masse foncée, qui, épuisée par l’eau bouillante, cède à l’alcool une matière colorante rouge violacé très-intense, avec laquelle on peut teindrela laine et la soie. Cette couleur, d’après l’auteur, est inaltérable à l’air, à la lumière, aux acides et aux alcalis,
- M. E. Kopp donne, en général, le nom de naphtaméines aux dérivés colorés de la naphtylamine. L’histoire chimique de ces corps est encore à faire.
- Ce sont là des questions un peu délicates, et qui méritent d’exercer la sagacité des jeunes chimistes désireux d’entrer dans la voie des travaux originaux.
- Ces couleurs offrent une grande analogie avec celles qui dérivent de l’aniline, et peuvent, par conséquent, être appliquées par des procédés semblables. Il convient, cependant, d’observer que leur solubilité, surtout celle dans l’eau, est beaucoup moindre. La fixation sur laine ou soie est facile ; pour le coton, on fera intervenir l’albumine ou ses congénères.
- BÏNITRQNAPI1TALINE,
- C10Il6(AzO2)2.
- Ce corps offre beaucoup d’intérêt à cause des matières colorantes, assez remarquables, qui en dérivent.
- Laurent (1) le prépare par l’ébullition de la naphtaline avec de l’acide nitrique concentré. On ajoute la matière organique par petites portions et tant qu’elle se dissout. Par le refroidissement, on obtient des aiguilles qu’on lave à l’acide nitrique et à l’eau.
- M. Roussin (2) opère à peu près de même, en employant
- (1) Annales de physique et de chimie, t. LIX, p. 381.
- (2) Comptes rendus de l’Académie des sciences, t. LII, p. G98.
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- 1 partie de naphtaline pour 3 à 4 parties d’acide azotique fumant. Par le refroidissement, le liquide se prend en masse. On laisse égoutter et on lave. Le produit ainsi préparé est presque pur.
- M. Troost (1) commence par former la mononitronaphta-line, en traitant la naphtaline par de l’acide nitrique à 44° Baumé et refroidi. La matière cristalline égouttée est traitée par l’acide azotique fumant à 50° Baumé et froid. Elle s’y délite comme la chaux vive dans l’eau et se prend comme en une masse cristalline homogène, jaune-citron pâle.
- On peut aussi, d’après M. Persoz, mélanger 2 équivalents d’acide nitrique concentré avec un excès d’acide sulfurique; y introduire 1 équivalent de naphtaline et chauffer.
- La binitronaphtaline est solide, jaunâtre , fusible à 185°, difficilement volatile, insoluble dans l’eau, peu soluble dans l’alcool et l’éthero Une élévation brusque de température la décompose. Elle se dissout dans une solution alcoolique de soude ; la liqueur devient rouge, puis brune lorsqu’on chauffe, et dégage de l’ammoniaque. En saturant la potasse par l’acide nitrique, on précipite un acide brun-noirâtre, floconneux, insoluble dans l’alcool et l’éther, et dont les sels bruns font explosion par la chaleur (acide nitronaphta-lésique).
- . La binitronaphtaline se dissout dans l’alcool saturé d’ammoniaque, en formant un liquide cramoisi foncé qui, traité par l’hydrogène sulfuré, donne deux produits ; la ninaphty-lamine G10H8Az20, et l’azonaphtylamine C10H10Az2.
- La ninaphtylamine s’obtient le mieux (2), en faisant passer un courant d’hydrogène sulfuré à travers une solution de binitronaphtaline dans de l’alcool ammoniacal concentré et bouillant. Au bout de deux à trois heures, on acidifie par l’acide sulfurique étendu, on fait bouillir et on filtre. Le sulfate de ninaphtylamine cristallise par refroidisse-
- (1) Bulletin de la Société chimique de Paris, 1861, p. 74.
- (2) Ch. Wood et Hofmann, Réperf. de chimie pure, t. I, 1859, p. 515.
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- ment et se purifie par plusieurs cristallisations. L’ammoniaque fiait virer sa solution au rouge carmin et précipite la base.
- Elle se présente sous la forme d’une masse légère, floconneuse, formée de petits cristaux aciculaires. Peu soluble dans l’eau bouillante, facilement soluble dans l’alcool et l’éther , elle donne les liquides oranges qui communiquent à la soie une couleur rocou.
- Des essais de teintures n’ont pas donné à M. Perkin (1), de résultats intéressants. La solution de dinitronaphtaiine dans l’alcool ammoniacal chauffée avec du sulfate d’ammonium passe au rose foncé très-riche et très-brillant (2).
- M. Troost a étudié, en 1860, l’action des réducteurs alcalins sur la binitronaphtaline. Il est arrivé à des résultats intéressants, mais dont la pratique n’a pas encore tiré parti, malgré de nombreux essais tentés à Mulhouse (3). Ainsi par les sulfures, polysulfures, sulfhydrates de sulfures, cyanures, sulfocyanures alcalins, ce chimiste a produit des couleurs rouges, violettes et bleues ; l’une de ces couleurs, obtenue par l’action des sulfhydrates de sulfures alcalins sur la binitronaphtaline, est violette, précipitable sans altération parles acides étendus, soluble dans les alcalis, les sulfures et les carbonates alcalins. Elle prend sur des étoffes sans mordants et se dédouble, par des opérations convenables, en rouge et en bleu. 11 convient de ne pas laisser agir l’alcali libre sur la binitronaphtaline, avant le réducteur, il se produirait une matière brune qui souillerait le violet.
- Les protosels d’étain, dissous dans la soude, réagissent aussi facilement que les sulfures (4). A froid, la transformation exige quelques heures ; au bain-marie, dès que la température atteint 80°, l’opération est terminée. Le liquide est
- (1) Chemical News, 1861, p. 352.
- (2) Carey-Léa, Amer. Journ., 1861, t. XXXII, p. 213.
- (3) Bulletin de la Société chimique, 1861, p. 74.
- (4) Comptes rendus de VAcadémie des sciences, L1I, p. 961. M. Roussin.
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- jeté sur un filtre et le précipité lavé jusqu’à épuisement de toute matière soluble. Il reste sur le filtre une poudre bleue-violette qui se dissout facilement dans l’alcool. La solution d’un violet très-riche teint les fibres animales. Cette couleur résiste à l’eau, aux solutions alcalines et aux acides même énergiques ; elle ne paraît pas être altérable à la lumière.
- D’après M. Tichborne, on peut remplacer le sel stanneux par un sel ferreux. Une dissolution concentrée et bouillante de cyanure de potassium réagit énergiquement. La liqueur devient d’un rouge brunâtre. On délaye la masse dans l’eau et on lave. Il reste une poudre soluble dans l’eau bouillante et dans l’alcool, qu’elle colore en bleu foncé teinté de vert. Ces liquides peuvent servir à la teinture. Le bleu associé à la binitronaphtaline qui est jaune donne de brillantes teintures vertes.
- De toutes les réactions colorées fournies par la binitronaphtaline , la plus remarquable est celle qu’a observée M. Roussin, en réduisant le corps par le zinc en présence de l’acide sulfurique concentré et porté à une température de 200°; dans ces conditions on donne naissance à une matière colorante rouge, non azotée, qui, par ses allures générales, se rapproche beaucoup de l’alizarine et des pigments de la garance.
- Cette analogie lui a valu le nom de naphtazarine, qui rappelle en même temps l’origine du corps.
- Voici comment M. Roussin prescrit d’opérer (1) :
- On fait un mélange de binitronaphtaline et d’acide sulfurique concentré, dans une capsule en porcelaine spacieuse, chauffée au bain de sable. Lorsque le liquide atteint 200° et que la binitronaphtaline est dissoute, on y projette de la grenaille de zinc. Il se dégage de l’acide sulfureux et la masse prend une teinte de plus en plus rouge. Lorsqu’une
- (l) Comptes rendus de l’Académie des sciences, t. LII, p. 1034.
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- goutte du liquide versée dans l’eau y développe une belle couleur rouge violacé, on peut arrêter la réaction. Celle-ci est quelquefois très-énergique, si l’on emploie trop de zinc à la fois, et si l’on ne surveille pas bien la marche du thermomètre; l’acide sulfurique entre alors en ébullition, des torrents de vapeurs blanches s’échappent de la masse qui déborde, et le rendement en matière colorante est notablement diminué. M. Tichborne (1) recommande de chauffer l’acide sulfurique seul à 200°, avant d’y ajouter la binitro-naphtaline, on évite ainsi une perte par volatilisation. Le zinc est ajouté au mélange par petites portions et dans un grand état de division. La réaction qu’il provoque suffit pour entretenir la température à 200", il convient donc d’enlever le feu. Le liquide rouge est versé dans 8 à 10 fois son volume d’eau, l’on porte à l’ébullition et l’on filtre. La solution rouge dépose la matière colorante par refroidissement, sous forme d’une gelée rouge, quelquefois adhérente au vase, quelquefois en suspension dans le liquide. Cette gelée est formée de cristaux aiguillés filiformes. L’eau mère est encore fortement teintée de rouge.
- Outre la matière colorante rouge, soluble dans l’acide sulfurique étendu et bouillant, il reste une quantité plus ou moins abondante d’une substance pulvérulente noire, ul-mique. M. Tichborne isole la naphtazarine en extrayant le produit de la réaction par l’eau bouillante, filtrant, saturant exactement par une solution de soude. Le précipité bien égoutté est épuisé par l’esprit-de-bois.
- Dans l’expérience de M. Roussin, on peut remplacer le zinc par une foule d’autres réducteurs, tels que : fer, étain, soufre, charbon, etc. M. J. Persoz (2)a même fait remarquer qn’il est possible d’arriver au même résultat sans réducteurs. Il suffit de chauffer à 300° le mélange d’acide sulfurique et de binitronaphtaline; on peut facilement suivre la marche de
- (1) Chem, news, 18G1, p. 197.
- (2) Comptes rendus de l’Académie, t. LI1, p. 1178.
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- l’opératioq en prenant de temps en temps une goutte de la liqueur et en la projetant dans de l’eau. On obtient ainsi un précipité d’abord blanc laiteux, puis légèrement "violacé, enfin violet foncé. A ce moment, on laisse refroidir, on verse de l’eau. Le précipité noir peut être épuisé par l’eau bouillante ou par le sulfure de carbone. Après dessiccation, la naphtazarine est peu soluble .dans l’eau, soluble dans l’alcool et l’éther. Elle se volatilise entre 215° et 240°, en donnant des vapeurs rougeâtres et de longues et fines aiguilles d’un rouge très-foncé, avec des reflets métalliques. Les acides chlorhydrique et sulfurique concentrés ne l’altèrent pas, même à 200°. Elle se dissout dans les alcalis caustiques avec une belle couleur bleu-pourpre foncée; les acides précipitent cette solution en flocons rouges orangés. La solution ammoniacale donne des précipités pourpres avec les sels de baryte et de chaux. Ces propriétés rapprochent la naphtazarine de l’alizarine, et permettraient même de confondre les deux corps. En voici d’autres qui les éloignent nettement et rendent toute confusion impossible.
- La naphtazarine est assez soluble dans l’acide sulfurique étendu; la solution alcoolique est violette ; la solution ammoniacale précipite l’alun et l’acétate de plomb en violet plus ou moins bleuâtre ; les laques qu’elle forme en se combinant aux oxydes de zinc et d’étain sont violettes plus ou moins bleuâtres ; la laque ferrique est brune ; la laque ferreuse d’un brun violacé. Elle teint les mordants à la manière de l’alizarine, mais les nuances sont bien différentes (violette avec püumine, grise plus ou moins verdâtre avec les mordants, de fer), et disparaissent complètement en bain de savon. (Voir plus loin les propriétés de l’alizarine de la garance.)
- Les analyses de la naphtazarine ont donné en moyenne:
- Carbone......................... 63,38
- Hydrogène....................... 2,20
- Oxygène.........................• 34,42
- 100,00
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- M. Roussin en déduit la formule peu probable C:i7H16015. M. Ivopp propose C9H404, on pourrait tout aussi bien admettre Gl0H4O4, qui exige
- Carbone... Hydrogène,
- D’après des analyses que j’ai faites avec la substance ulmique formée en môme temps que la naphtazarine, lè corps offre la même composition et représente un isomère ou un polymère.
- Il résulte de là que, dans la réaction génératrice, l’azote de la binitronaplitaline disparaît entièrement à l’état d’ammoniaque, comme l’a constaté M. Roussin.
- Dans la préparation des nitronaplitalines, on observe toujours la production d’une quantité plus ou moins abondante d’une matière colorante jaune, soluble dans les alcalis et les carbonates alcalins et teignant la soie, la laine, l’épiderme, en jaune assez intense et très-beau. Cette substance, qui peut-être n’est autre chose que de l’acide nitroxynaphtalique, se prépare le mieux en faisant bouillir 100 parties de naphtaline avec 20 parties d’acide azotique à 34° Baumé, étendu de 10 fois son poids d’eau. On remue constamment, tant pendant l’ébidlition que pendant le refroidissement, il se forme des cristaux qu’on lave à grande eau pour enlever les dernières traces d’acide. Le résidu est traité par l’eau bouillante renfermant 5 parties d’ammoniaque liquide, on filtre et on concentre pour avoir un bain de teinture (1).
- Dérivés chlorés et bromês de la naphtaline. — Ces corps assez nombreux ont été particulièrement étudiés par Laurent (2). On peut les diviser en deux groupes. Dans les premiers, la somme des atomes d’hydrogène, de chlore et de
- (1) London Journal of arts, 1863, p. 349.
- (2) Ann. dechim. et de phys., XLIX, p. 218, L1I, p. 275. tifique, XI, 361, XII, 193, XIII, 66, 379, XIV, 74, 313.
- — Revue scien-
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- brome, est supérieure à 8 ; dans les seconds, elle est égale
- à 8.
- Le chlore et le brome s’unissent directement h la naphtaline. Au début, l’on obtient le bichlorure Cl0H8Cl2 et le tétrachlorure C19H8C14 ; une action plus prolongée donne lieu au départ d’une certaine proportion d’acide chlorhydrique avec formation de chlorures chlorés. Les termes du premier groupe sont :
- C10H8C12 C710H7Br.Cl2 C10H5Br3.Br2:
- C10H8G14 C10H7C1.C14 G10H*.Cl3Br C,0H6C12.C14 C‘°H6Br2.Cl4 C10tl6Cl2.Br4 C10H6BrGl.Br4 G10II6Br2.Br4 C10H3Br2Cl.Cl4 C10H8Br2.Br4
- G10G18.CP (chlor. de carb.)
- Sous l’influence de la distillation ou d’une solution alcoolique de potasse, ces corps perdent de l’acide chlorhydrique ou de l’acide bromhydrique, et se changent en dérivés du second groupe, comprenant :
- La naphtaline chlorée............... C10H7.C1
- — bromée................ C10H7.Br
- — bicblorée............. C10II6CP
- — bibromée.............. C10II6Br2
- — trichlorée............ C10H5C13
- — tribromée............. C10H5Br3
- — bromobichlorée........ C10H8BrCl*
- — quadrichlorée......... C10H4C14
- — bromotriclilorée...... C10H4BrCl3
- bibromobichlorée .... Cl0H4Br2Cl2
- Le bichlorure.....................
- Le bichlorure brome...............
- Le bibromure tribromé..............
- Le tétrachlorure...................
- Le tétrachlorure chloré............
- Le télrachlorobromure..............
- Le tétrachlorure bichloré........».
- — bibromô...........
- Le tétrabromure bichloré...........
- — bromochloré.......
- — bibromé...........
- Le tétrachlorure bibromochloré.....
- Le tétrabromure tribromé...........
- Le bichlorure de perchloronaphtalin.
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- quadribromée........ C10Il4Br4
- bibromotrichlorée.... C10II3Br2Cl'‘
- sexchlorée........... C10H2C16
- perchlorce........... C10C18
- beaucoup de ces corps se présentent sous deux ou plusieurs modifications moléculaires.
- Le bi- et le tétrachlorure de naphtaline se convertissent facilement en acides phtalique et oxalique, lorsqu’on les fait bouillir avec de l’acide nitrique concentré.
- Le tétrachlorure monochloré (G10H7CI.G14) se convertit dans les mêmes circonstances en acides oxalique, phtalique, chloroxynaphtaliquc (G10H5C103) et en chlorure de chloroxy-naphtyle G10H4C102G1. Ce dernier produit se transforme par une solution alcolique ou aqueuse de potasse ou de soude en chlorure alcalin et en chloroxynaphtalate de potasse ou de soude :
- C10H4C102.C14- 2 J 0==ClK-f €1°H'lC^°2 J O -f H20.
- En représentant l’alizarine par la formule C>°H603
- on est tenté de considérer, avec Laurent et Gerhardt, l’acide chloroxynaphtalique comme de l’alizarine monochlorée, d’autant plus que l’acide chloroxynaphtalique offre les caractères d’une matière colorante; mais, d’une part, il est, comme nous le verrons plus loin, très-probable que la formule de l’alizarine doit être doublée et écrite C20Hl2O6 ; d un autre côté, M. Lauth et moi nous sommes arrivés à remplacer le chlore par de l’hydrogène dans l’acide chloroxy-naphtalique, et le nouveau corps n’offrait aucune des réactions de la précieuse matière colorante de la garance. Quoi qu il en soit, l’acide chloroxynaphtalique offre de l’intérêt par lui-même, en dehors de la possibilité de sa conversion
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- en alizarine, surtout depuis que l’on a réussi à préparer ce corps industriellement. La naphtaline sexchlorée bouillie longtemps dans de l’acide nitrique donne le chlorure de perchloroxynaphtÿle C10C1602, qu’une solution alcoolique de potasse dédouble en chlorure de potassium et acide perchlo-roxynaphtalique coloré en rouge :
- ciocmci + H | o = ciR + n o.
- Bichlorure de naphtaline. — C10H8C12. Liquide huileux, insoluble dans l’eau, très-soluble dans l’éther, moins soluble dans l’alcool. Il se forme par l’action directe du chlore sur la naphtaline, en ayant soin de ne pas aller trop loin et de laisser un peu de naphtaline non attaquée ; on traite la masse liquide par l’éther qui laisse du tétrachlorure insoluble ; on chasse l’éther par l’action de la chaleur.
- Tétrachlorure de naphtaline.—C10H8C14. Il en existe deux modifications ; l’une solide, cristallisable en prismes monocliniques incolores, l’autre huileuse. La première est la plus intéressante : pour la préparer, Laurent fait passer un courant de chlore dans de la naphtaline jusqu’à ce que la masse,, d’abord fondue, se prenne en un magma de cristaux imbibés d’une huile. Cette masse est délayée dans un peu d ’éther,. filtrée et égouttée, et le résidu est traité par l’huile de pétrole bouillante, on filtre chaud, et le bichlorure cristallise immédiatement par refroidissement.
- Tétrachlorure monochlorè. — C10H7G1C14. Deux modifications, l’une solide, l’autre liquide. Le composé solide, cristallisé dans l’éther, se présente sous forme de longues et belles aiguilles prismatiques, incolores, inodores , insolubles dans l’eau, peu solubles dans l’alcool, solubles dans l’éther.
- Pour le préparer, on commence par opérer comme pour la fabrication du bichlorure ; après axoir séparé, par l’éther,
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- la plus grande partie du bichlorure solide, on chasse l’éther et on fait passer un courant de chlore pendant deux ou trois jours à travers le chlorure huileux, en chauffant légèrement. Le produit délayé avec un peu d’éther est abandonné à lui-même. Il s’y forme des cristaux qu’on laisse égoutter et qu’on purifie par une nouvelle cristallisation dans l’éther.
- Chlorure de cliloroxynaphtyle. — C10H4C102.C1. Ce composé est jaune, insoluble dans l’eau, très-peu soluble dans l’alcool et l’étlier. Il se dépose de ces dissolvants en aiguilles coudées. L’acide sulfurique concentré le dissout avec une couleur rouge-acajou. L’acide nitrique bouillant le convertit en acide phtalique. Une dissolution alcoolique de potasse le colore en rouge-cramoisi, en donnant du chloroxy-naphtalate de potasse.
- M. Laurent prépare le chlorure de cliloroxynaphtyle, en attaquant, par l’acide nitrique bouillant le tétrachlorure chloré. On arrête l’opération lorsque la matière jaune, non encore transformée en acide phtalique, reste sous forme d’une huile épaisse. Celle-ci, additionnée d’un peu d’éther, dépose des cristaux jaunes qu’on lave avec de l’éther qu’on dissout avec de l’alcool bouillant.
- Chlorure de per cliloroxynaphtyle.— C10C1502G1. La substance résineuse, jaune, obtenue par l’action prolongée de l’acide nitrique sur la naphtaline sexchlorée, étant débarrassée par l’éther d’une matière huileuse peu abondante, donne, avec l’huile de pétrole bouillante, des paillettes jaunes d’or très-éclatantes. Ce corps est insoluble dans l’eau et l’alcool, peu soluble dans l’éther bouillant. 11 est fusible et volatil. La potasse le change en acide perchlo-roxynaphtalique.
- Acide chloroxynaphtalique. — GtoH5C103. Le chlorure de cliloroxynaphtyle, bouilli avec une solution alcoolique de potasse (Laurent) ou une solution aqueuse (P. et E. De-poully), donne une solution rouge-cramoisi de chloroxy-naphtalate, d’où les acides précipitent l’acide sous forme d’une
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- 5 G TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- poudre cristalline jaune-paille. L’acide cliloroxynaphtalique se sublime en belles aiguilles. Il est peu soluble dans l’eau froide, plus soluble dans l’eau bouillante; soluble dans l’alcool, l’éther et la benzine. L’acide sulfurique concentré le dissout, l’eau le précipite inaltéré de cette solution. Il fond vers 100°. C’est un acide relativement énergique, décomposant les acétates alcalins, et, par conséquent, très-soluble dans ce genre de sels.
- Il se combine avec les bases minérales et organiques en formant des sels colorés de nuances variées.
- Les sels de potasse, de soude et d’ammoniaque sont très-solubles dans l’eau, moins solubles dans un excès d’alcali, plus solubles en présence de l’acide acétique. Ils sont d’un rouge foncé; leur solution est d’un rouge sanguin.
- Le sel de chaux se dépose d’une solution bouillante en cristaux soyeux d’un jaune d’or , peu solubles dans l’eau froide.
- Le sel de baryte peu soluble est d’une belle couleur orangée. Il cristallise en aiguilles soyeuses à reflets dorés.
- Le sel d’alumine est d’un rouge garance foncé ; le sel de fer obtenu par double décomposition avec un sel ferreux est un précipité globuleux presque noir.
- Le sel de cuivre est d’un rouge vif; les sels de zinc et de cadmium sont d’un rouge brun ; le sel de plomb, couleur capucine ; les sels de nickel et de cobalt sont d’une couleur grenat ; le sel de mercure rouge vif.
- Le sel d’argent est gélatineux et rouge de sang.
- Le chloroxynaphtalate d’aniline est d’un beau rouge ; celui de rosaniline est vert, soluble dans l’eau à laquelle il communique une belle nuance cerise.
- Les chloroxynaphtalates métalliques et organiques peuvent être utilisés en peinture dans l’impression et dans la teinture. Un papier imprégné d’acide cliloroxynaphtalique est un excellent réactif pour les alcalis qui le font virer du jaune au rouge-cramoisi.
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- Cet acide teint, sans mordant, la laine en ronge intense. Mélangé avec d’autres colorants, il donne des nuances variées. Ainsi, avec le sulfate d’indigo, sur laine, il fournit un très-beau noir (1). Les essais tentés à Mulhouse, pour l’appliquer sur coton, n’ont pas donné de résultats satisfaisants.
- Acide perchloroxynaphtalique.— G10C15HOL Pour le préparer, on traite par la potasse le chlorure de perchloroxy-naphtyle et on sature par l’acide chlorhydrique le liquide cramoisi obtenu. Il se sépare une masse jaune, qu’on purifie par une nouvelle dissolution alcaline et une seconde précipitation, enfin on fait cristalliser dans l’alcool ou dans l’éther. Il donne des sels rouges ou cramoisis, insolubles dans l’eau, même avec les alcalis :
- Acide pi italique ou alizarique
- C8H402
- H2
- 02.
- On l’obtient par l’action de l’acide nitrique sur la naphtaline, les chlorures de naphtaline, l’alizarine et la purpurine. Les chlorures de naphtaline constituent la matière première la plus avantageuse.
- Laurent (1) fait bouillir le bichlorure brut avec de l’acide nitrique. Le chlorure finit par se dissoudre en même temps qu’il se dégage des vapeurs rutilantes et un liquide volatil très-irritant CGl'2[Azo2]. Le liquide concentré dépose, par refroidissement, des cristaux d’acide phtalique que l’on purifie par plusieurs cristallisations dans l’eau. Les eaux mères retiennent de l’acide oxalique, c Ce corps se présente sous forme de lamelles réunies en groupes arrondis. Il est peu soluble dans l’eau froide, très-soluble dans l’alcool et l’éther.
- Sous l’influence de la chaleur il se décompose en eau et
- (1) Bulletm de la Société' chimique de Paris, 2e série, t. IV, p. 10. — Laurent, Annales de chimie et de physique, LXXIV, p. 35. — Revue scientifique, XIII, G91-595.
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- en acide phtalique anhydre qui se sublime sous forme de longues et belles aiguilles blanches G8H40'3.
- Distillé avec de la chaux, il se décompose en acide carbonique et en benzine C8H604 = C204 + C6H6.
- MM. P. et E. Depoully sont arrivés à arrêter ce dédoublement à moitié chemin ; c’est-à-dire à n’éliminer qu’une molécule d’acide carbonique, et à obtenir ainsi l’acide benzoïque (1). A cet effet, on mélange une molécule de plita-
- late neutre de chaux G8H4021 n, à une molécule de chaux
- p.o » u"
- Ca
- éteinte et on chauffe pendant quelques heures entre 330° et 330° à l’abri de l’air. La réaction se fait d’après l’équation :
- Il ne reste plus qu’à traiter la masse par l’eau bouillante et à saturer, par l’acide chlorhydrique, la solution de ben-zoate de chaux. L’acide benzoïque se sépare et cristallise. Ce dérivé a déjà une certaine importance dans la préparation du bleu de rosaniline. Ses applications deviendront certainement plus nombreuses, maintenant que l’industrie possède un moyen économique de le préparer.
- L’acide phtalique est bibasique et donne deux séries de sels.
- C8H4 O2 sels neutres, et C8I1402 ), . .,
- 1 l - cp 1 ç npinpc
- MH
- Méthode industrielle publiée par MM. P. et E. Depoully, pour la préparation de l'acide phtalique et de l'acide - chloroxynaphtalique.
- Ces habiles chimistes (2) traitent la naphtaline par les
- (1) Bulletins de la Société chimique, 2* série, t. III, p. 163, 4G9. — Bulletins de la Société industrielle, t. XXXV, p. 130.
- (2) Loco citato. — Bulletins de la Société chimique, t. V, p. 10.
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- chlorates alcalins et l’acide chlorhydrique, en agissant à froid. Ce moyen de chloruration permet de fixer promptement, en une seule opération, une grande quantité de chlore sur la naphtaline, et d’obtenir beaucoup de tétrachlorure de naphtaline et de napthaline chlorée, et une très-faible portion de protochlorure. On enlève les chlorures huileux par la presse et les dissolvants. Le mélange solide de tétrachlorure et de tétrachlorure chloré est attaqué par l’acide azotique au bain-marie. Cette action lente fournit une pins grande quantité de chorure de chloroxynaphtyle qui se changerait en acide phtalique par une réaction plus énergique.
- Dans cette attaque modérée et simultanée des deux tétrachlorures, le premier est transformé en acide phtalique, et la majeure partie du second en chlorure de chloroxynaphtyle.
- Il se dépose une masse complexe dont on extrait l’acide phtalique, par l’eau bouillante ; on le fait cristalliser, et on le transforme en acide benzoïque par les moyens indiqués plus haut.
- La partie insoluble dans l’eau est attaquée par les alcalis caustiques en solutions aqueuses. Le chlorure de chloroxynaphtyle est transformé et dissous à l’état de chloroxyna-phtalate alcalin ; on le sépare du résidu, et en neutralisant cette solution par un acide minéral, l’acide chloroxy-naphtalique se dépose à l’état encore impur.
- Pour purifier l’acide chloroxynaphtalique, on traite son sel neutre de soude par l’alun en quantité suffisante, pour précipiter une matière colorante brune qui souille l’acide colorant. La liqueur filtrée, précipitée par un acide minéral, laisse déposer l’acide chloroxynaphtalique à l’état d’une poudre cristalline d’un jaune pâle.
- Produit d'oxydation de la naphtaline. — En attaquant la naphtaline par un mélange de bichromate de potasse, d’eau
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- «0 TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- et d’acide sulfurique, M. Laurent a obtenu une fois un corps incolore, cristallisé, de formule Cl0H6O4(l).
- Dans une autre circonstance qui n’a pas pu être reproduite, il a vu se former une matière colorante rouge,soluble dans les alcalis, carminaphte G9H4OL
- M. Aubert a pris récemment un brevet pour la préparation de matières colorantes rouges, par l’attaque de la naphtaline au moyen de divers oxydants à la température du bain-marie.
- Le produit le plus ordinaire de l’oxydation de la naphtaline est l’acide phtalique.
- CHAPITRE III
- MATIÈRES COLORANTES ARTIFICIELLES DIVERSES.
- 1° Matière colorante rouge dérivée de l'acide nitrocuminique.
- M. J. Persoz a observé que l’acide nitrocuminique se colore en beau rouge, sous l’influence simultanée ou successive de la lumière et de la chaleur.
- Il a tiré parti de ce fait intéressant pour obtenir sur tissu des impressions rouges. A cet effet, on dissout l’acide nitrocuminique dans l’ammoniaque, on épaissit à la gommeline, et on imprime sur calicot. En passant en acide nitrique faible, on fixe l’acide, qui produit un dessin blanc mat. L’échantillon bien lavé, étant exposé à un soleil peu ardent pendant une heure, le dessin prend une couleur jaune-orange faible. Après l’insolation, on passe l’étoffe sur un cylindre chaud ; aussitôt le dessin devient d’un rouge écarlate,
- (1) Revue scientifique, XIV, p. 5G0.
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- qui, par un traitement convenable, peut être transformé en un rose pur et vif.
- Cette réaction pourrait trouver des applications en teinture et en photographie (1).
- 2° Matière colorante rouge obtenue par la distillation sèche des quinquinas.
- En distillant des écorces de quinquina riches en alcaloïdes et non encore épuisées, il se condense à un certain moment des vapeurs rouges, sous forme d’un liquide oléagineux épais d’une teinte carminée magnifique.
- Les alcaloïdes des quinquinas donnent le même résultat lorsqu’on les distille avec des acides organiques ou de la cellulose (2). D’après M. Boettger, le rouge de quinquina pur obtenu en assez fortes proportions dans les fabriques de quinine, donne par la distillation sèche de belles vapeurs rouges.
- 3° Matières colorantes dérivées des alcaloïdes végétaux.
- a) Quinine. — Lorsqu’on fait passer du chlore sur de la quinine en suspension dans l’eau, l’alcali se dissout en même temps que la liqueur prend une teinte successivement rosée, violacée et rouge foncé. En prolongeant le courant de chlore, il se dépose une matière rougeâtre gluante, soluble à chaud dans les acides, soluble dans l’alcool (3).
- En ajoutant à une solution d’un sel de quinine, d’abord de l’eau de chlore fraîchement préparée, puis de l’ammoniaque, il se produit une belle coloration verte. Si l’on a évité l’emploi d’un excès d’ammoniaque, la liqueur verte, par l’addition de quelques gouttes d’eau chlorée, devient violette et finalement rouge foncé. Dans certaines conditions
- (1) Répertoire de chimie appliquée, t. II, 195.
- (2) Polytechnisches Notizblatt, 1858, p. 102.
- (3) Pelletier, Annalen der C.hernie und Pharm., XXIX, 48.
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- l’addition de l’ammoniaque à la solution de sel de quinine mélangée à l’eau de clilore, détermine un précipité vert, tandis que la liqueur surnageante présente une teinte vert-éméraudc.
- Le précipité vert est insoluble dans l’eau et l’éther, soluble dans l’alcool avec une couleur verte. Les acides étendus le dissolvent avec une couleur brune foncée, tandis que les alcalis l’en séparent de nouveau avec sa teinte propre. Ce précipité est inaltérable à l’air.
- MM. Brandes et Leber lui ont donné le nom de dalléio-chine et lui assignent la formule C15H23Az205 (?) (1)
- En évaporant la liqueur verte surnageante, on obtient des matières brunes indéterminées (rusiochine, mélano-chine).
- Pour obtenir le vert de quinine, M. Horace Kœchlin mélange 10 grammes de sulfate de quinine dissous dans un litre d’eau avec 0m*, 128 de chlorure de chaux, puis 01U,,032 d’acide chlorhydrique ; et de suite après, avec 0lit* ,192 d’ammoniaque. On chauffe à 20° Réaumur, on laisse refroidir, et on recueille le précipité sur un filtre.
- Le vert de quinine a l’aspect d’une résine verte fusible et décomposable par la chaleur. Il est insoluble dans l’eau, la benzine, la térébenthine, le sulfure de carbone, l’éther ; soluble dans l’alcool, l’esprit-de-bois et la glycérine. L’acide acétique lui donne une peinte bleue. Le protochlorure d’è-tain le décolore. Le chlorure de mercure le précipite en vert pâle.
- La dissolution alcoolique étendue d’eau teint la soie en vert qui conserve sa nuance à la lumière artificielle ; elle teint aussi la laine, le coton mordancé en albumine et
- (1) Brandes et Lelier, Archiv. de pharm., XIII, p. 65, XVI, 250.— André, Annales de chimie et de phys., LXXI, 195. — Vogel, Répertoire für Pharmacie de Buchner, II, 289. —Ann. der Chem. Pharm., LXXIII, 221, LXXXV1, 122.— Horace Kœchlin, Répert. de chimie appliquée, t. II, p. 308. — Bulletins de la Société industrielle de Mulhouse.
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- MATIÈRES COLORAMES ORGANIQUES ARTIFICIELLES. G3
- peut se fixer sur coton en épaississant à l’albumine et vaporisant.
- Lorsqu’on verse de l’eau chlorée concentrée et exempte d’acide chlorhydrique dans une solution concentrée de sulfate de quinine, de manière à la rendre un peu jaunâtre, et qu’on y ajoute ensuite du ferrocyanure de potassium en poudre fine jusqu’à ce qu’elle se colore en rose clair, cette teinte devient bientôt d’un rouge foncé, surtout par l’addition d’une plus grande quantité de ferrocyanure.
- La teinte rouge n’est pas due à une combinaison cyanique, car on peut également la produire par l’eau de chaux et de baryte, par le phosphate et le borate de soude.
- b) Strychnine.— Cet alcaloïde broyé avec divers oxydants, tels que bioxyde de plomb, bioxyde, de manganèse, bichromate de potasse, en présence de l’acide sulfurique concentré, donne une belle coloration bleue qui passe au violet, puis au rouge, et enfin après quelques heures au jaune-serin. L’eau détruit la coloration violette, en la faisant passer au rouge, puis au jaune.
- c) Brucine et igazurines. — La brucine et les igazurines donnent à froid avec l’acide nitrique concentré, une belle coloration rouge qui passe au violet lorsqu’on ajoute du protochlorure d’étain au mélange.
- Bouillie avec du peroxyde de plomb et un léger excès d’acide sulfurique, la brucine en solution donne une masse brune ou rouge. Le chlore colore en jaune et fonce bientôt en rouge les solutions de brucine. Cette dernière nuance pâlit peu à peu, en même temps qu’il se précipite quelques flocons jaunes incristallisables.
- L’acide sulfurique concentré colore l’igazurine en rose ; cette teinte passe au jaune, puis au vert jaunâtre.
- Le chlore coloreles solutions d’igazurineen rose, en rouge, puis en jaune.
- d) Mcotine.— L’acide nitrique colore la nicotine en jaune
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- orangé, puis en rouge orangé. Le chlore lui communique une teinte rouge de sang.
- e) Morphine.— L’acide nitrique concentré colore la morphine en rouge orangé ; cette teinte passe peu à peu au jaune. Projetée dans une solution de sulfate ferrique, elle donne une coloration bleue qui n’est pas persistante.
- f) Codéine. — La codéine traitée par l’acide sulfurique donne une masse d’un vert foncé.
- g) Narcotine. — L’acide sulfurique étendu transforme à chaud la narcotine en une substance verte (sulfonarcotidc 2 (C23H25Az07) S03H20 — H402). On chauffe la narcotine humectée d’eau avec de l’acide sulfurique étendu, on obtient une dissolution qui devient d’un vert foncé par un plus fort échauffement et finit par s’épaissir. On étend d’eau et l’on fait bouillir; presque tout se dissout. Par le refroidissement, le liquide dépose une poudre amorphe d’un vert foncé.
- En oxydant la narcotine par l’acide nitrique, le bichlorure de platine, un mélange de bioxyde de manganèse et d’acide sulfurique, on obtient une nouvelle base, la cotarnine et l’hydrure d’opianyle :
- C23Hî8Az07 -j- O = IPO -f C13Il13Az03 + C10H10O4
- Narcotine. Cotarnine. Hydrure d’opianyle.
- Par une oxydation plus avancée, l’hydrure d’opianyle se change en acide opianique G10Hl005.
- L’acide opianique chauffé avec de l’acide phosphorique anhydre se convertit en une matière rouge qui teint les mordants et que M. Anderson considère comme de l’alizarine :
- C10H'°05 — 2IPO = C10I16 O3.
- h) Alcalis de graines de Harmala. — Les graines de pega-num Harmala contiennent, à l’état de sels (phosphates), deux alcalis incolores, la harmaline Cl3HuAz20 et la har-
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- mine G1JH12Az20, susceptibles de se tronsformer par oxydation en une matière colorante connue sous le nom de rouge harmala.
- On retire ces bases en épuisant les graines par de l’eau acidulée à l’acide acétique ou ;i l’acide sulfurique, et en ajoutant du sel marin à la liqueur. Les deux alcalis se séparent sous forme de chlorhydrates insolubles dans l’eau chargée de sel, le précipité lavé à l’eau salée est dissous dans l’eau pure et le liquide est précipité par l’ammoniaque.
- Sous l’influence des agents oxydants, laharmaline se convertit en une matière colorante rouge, insoluble dans l’eau, soluble dans l’alcool. Le rouge de harmala peut s’obtenir directement avec les graines, auxquelles on fait subir une préparation particulière.
- MM. Gobel (1) et Fritzsche (2) ont les premiers fixé l’attention des industriels sur les applications possibles du rouge de harmala.
- MM. Henri Schlumberger et D. Dollfus fils (3) se sont également occupés de cette question. Ils ont reconnu que la graine cède à l’eau une matière colorante jaune; avec l’alcool on obtient tantôt une solution jaune, tantôt une solution d’un rouge brun assez intense suivant les circonstances dans lesquelles la graine est conservée. Ainsi la graine pulvérisée, humectée, abandonnée pendant trois jours à l’air, et traitée ensuite par l’alcool, a donné une liqueur jaune offrant un phénomène de dichroïsme remarquable ; placée entre l’œil et la lumière, elle paraissait jaune; dans toute autre position elle était verte. Peu à peu la liqueur alcoolique, de jaune qu’elle était d’abord, s’est colorée en rouge-brun assez intense après cinq jours de macération.
- Cette même graine humectée avec de l’eau légèrement ammoniacale, et puis traitée par l’alcool au bout de deux
- (1) Revue scientifique, t. VII, p. 370.
- (2) Journal de l'Institut, janvier 1841.
- (3) Bulletins de la Société industrielle de Mulhouse, t. XVI, p. 541.
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- jours, a donné à froid une solution d’un rouge assez pur.
- 70 grammes de graine humecté, avec 10 grammes d’eau et 5 grammes d’ammoniaque, abandonnée quatre jours à l’air et épuisée par l’alcool froid, ont fourni 11 grammes 21, de rouge, soit 16 p. 100 après l’évaporation de l’alcool.
- Cette matière rouge est peu soluble dans l’eau et l’éther, soluble sans altération dans l’acide sulfurique concentré qui prend une couleur jaune-olive. L’acide acétique la dissout à froid sans l’altérer. Les carbonates alcalins en excès la font passer au brun sans la dissoudre ; l’ammoniaque précipite la matière colorante rouge et dissoutle principejaune qu’elle peut encore renfermer. A 50° le rouge de harmala devient brunâtre et à 100° il passe complètement au brun.
- MM. Schlumberger et D. Dollfus ont essayé le pouvoir tinctorial du rouge de harmala en employant comme bain de teinture une solution alcoolique étendue d’eau. Les mordants d’alumine, de fer et d’étain n’absorbent pas de matière tinctoriale.
- Le coton prend peu de matière colorante et ne se teint qu’autant qu’il y a excès de ce principe : la nuance est d’au-• tant plus belle qu’elle est plus claire; teint dans un bain riche, le coton offre une couleur lie de vin prononcée. Quand le bain est un peu chargé, au contraire, il prend une nuance d’un rose très-pur. Cette teinture peut se faire à froid, mais une température de 25 à 40° favorise la fixation ; de 50 à 100° les nuances deviennent ternes et brunâtres. La laine et la soie se teignent delà même manière que le coton et prennent des nuances qui diffèrent de celles de ce dernier tissu, en ce qu’elles peuvent devenir plus foncées sans se ternir ; la teinte varie d’un bel amaranthe au rouge-ponceau *
- Les teintures dérivées du peganum harmala n’ont que très-peu de solidité ; elles passent à l’air et au savon avec la plus grande facilité. Les alcalis, l’ammoniaque, les carbonates alcalins les virent au brun.
- En immergeant les fibres dans la solution alcoolique pure,
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- MATIÈRES COLORANTES ORGANIQUES ARTIFICIELLES. 6 7
- on observe que la soie et la laine se chargent de nuances ternes et jaunâtres dues à la fixation de la matière jaune que l’eau n’enlève plus. Le coton, au contraire, ne fixe que la matière colorante rouge; de simples lavages à l’eau enlèvent le jaune non fixé et laissent sur toile une couleur d’un rose pur. Les essais d’impression n’ont pas donné de résultats satisfaisants.
- En résumé, le rouge de harmala n’a aucune chance de passer dans la pratique.
- En indiquant les réactions colorées des alcaloïdes végétaux, notre but était de montrer que ces corps ont, comme l’aniline et la naphtylamine, une tendance à fournir des matières colorantes. Peut-être trouvera-t-on-un jour à tirer parti de l’un ou de l’autre de ces produits. Jusqu’à présent le prix trop élevé des alcaloïdes n’a pas permis d’y arriver.
- S. Échantillon de coralline fixé sur coton fl).
- 1) N. D. Cet échantillon devrait être placé à la page 20.
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- LIVRE SIXIEME
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- MATIÈRES COLORANTES VÉGÉTALES ET ANIMALES.
- Nous pourrions ici, en suivant une méthode usitée par la plupart des auteurs, entrer dans des considérations générales sur les caractères et les propriétés de ces intéressants produits, mais nous pensons qu’il convient plutôt de réserver un semblable exposé après l’étude spéciale de chaque matière colorante. Il nous sera alors donné de nous appuyer sur un plus grand nombre de faits, sans avoir à craindre d’empiéter sur un domaine non encore exploré.
- A défaut d’autres liens, ou de relations plus importantes et plus générales, nous classerons les pigments organiques naturels d’après leur nuance propre.
- CHAPITRE PREMIER
- MATIÈRES COLORANTES ROUGES, POURPRES, ROUGES VIOLACÉES. — GARANCE ET RUBIACÉES DIVERSES. — COCHENILLE, KERMÈS, LAQUE LAC. — CAMPÊCHES. — BOIS ROUGES, DE BRÉSIL, DE SAINTE-MARTHE, DE LIMA, DE FERNAMBOUC, BOIS DES INDES. — BOIS DE SANTAL. — ORCANETTE. — ORSEILLE ET LICHENS COLORANTS. — CARTHAME, ETC.
- GARANCE ET RUBIACÉES DIVERSES.
- « De toutes les substances qui servent en teinture, aucune 11e mérite autant de fixer notre attention que la garance,
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- GARANCE.
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- qui est devenue d’un emploi si général, qu’elle forme la base de presque toutes nos teintures... » Ces lignes écrites en 1828 par M. D. Kœchlin-Schouch, le doyen des industriels de l’Alsace, un de ceux dont les travaux ont le plus contribué à étendre nos connaissances sur ce produit, sont encore vraies aujourd’hui, malgré l’apparition récente et inattendue des dérivés de l’aniline. La garance doit ce succès persistant à la beauté et à la solidité remarquable des teintes qu’elle peut fournir. Elle donne à la fois, par la seule variation des mordants fixateurs, le rouge, le rose, le noir, le violet, le lilas et le puce. Il est permis de prévoir que les articles garancés formeront encore longtemps une des branches les plus intéressantes de l’impression et de la teinture, et que cette précieuse rubiacée ne sera détrônée que par la découverte encore à faire de l’alizarine artificielle, c’est-à-dire du principe immédiat qui lui communique ses qualités.
- Historique. — La garance ou rubia tinctorum des botanistes est originaire de l’Asie moyenne et de l’Europe méridionale. Elle a été cultivée dans le Levant depuis les temps les plus reculés, surtout aux environs d’Andrinople, de Smyrne et dans l’île de Chypre. Au rapport de Dioscoride et de Pline, elle fut employée par les Égyptiens, les Perses et les Indiens.
- On trouve encore parfois des tentures, des meubles et des nappes d’une origine assez ancienne et dont la beauté des couleurs atteste que ces peuples avaient une connaissance parfaite de la teinture par la garance (J ).
- Les Grecs et les Romains l’ont connue sous les noms d’é-rythrodanon et de rubia. Le mot français garance vient de verrantia ou varantia, nom qu’on donnait au moyen âge à la racine, et qui signifie couleur rouge ou vraie couleur.
- (1) Kœclilin-Schouch, Bulletins de la Société industrielle de Mulhouse, t. I, p. 17G.
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- Du Levant, elle fut importée en Italie, notamment en Toscane, puis enfin dans les Gaules. Vers le milieu du seizième siècle, les Hollandais s’emparèrent de ce genre de culture, alors qu’elle avait de nouveau disparu en France. Charles-Quint la fit planter en Alsace, et Colbert dans le comtat d’Avignon (1666); mais ce n’est que par les soins du secrétaire d’État Bertin (1789), que l’exploitation de la garance s’établit réellement dans le midi de la France. D’après une autre version, on attribue à Franzen, propriétaire à Haguenau (1760), l’importation de la garance en Alsace, et à Joseph Althen, arménien catholique de Julfa, faubourg d’Ispahan (1762 à 1774), les premiers essais de culture dans le territoire d’Avignon.
- La garance ne parut que plus tard dans le nord de l’Allemagne. Denos jours elle est exploitée dans un grand nombre de localités : dans les Deux-Siciles, la Toscane, la Turquie, les États barbaresques, l’Autriche, le nord de l’Allemagne (Silésie), le Zollverein, l’Espagne, la Hollande, la Belgique, le Caucase, aux Indes orientales, dans les deux Amériques, et dans l’Algérie.
- En France, les deux localités où la garance est exploitée sur une grande échelle sont l’Alsace (principalement le Bas-Rhin), et les environs d’Avignon.
- L’importation en France des garances étrangères s’élevait encore, çp 1853, à 1,710,346 kilogrammes (1).
- Les espèces particulièrement cultivées dans ces divers pays sont :
- Le rubia tinctorum, c’est la plus répandue ; le rubia cor-difolia et le rubia peregrina.
- Caractères botaniques du rubia tinctorum. — C’est une plante herbacée de la famille des rubiacées (groupe des ru-
- (1) Girardin, Leçons de chimie appliquée, 4e édit., t. II, p. 517. — Persoz, Impression des tissus, t. I, p. 458.
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- OARANCF.
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- biacées indigènes, parmi lesquelles se remarquent le gaillet, gratteron, l’aspérule, la crucianelle ; sa tige est annuelle, à côtes, munie ainsi que les feuilles de petites pointes ou crochets qui la rendent rude et collante au toucher.
- Feuilles lancéolées, opposées, rugueuses, protégeant un bourgeon à leur aisselle ; stipules dépourvues de bourgeons, et simulant un verticille de feuilles. Fleurs en cymes tri-chotomes, jaunâtres, hermaphrodites, rarement diclines par avortement; ca-lyce gamosépale, à tube adhérent à l’ovaire, à lymbe cinq fois denté. Pétales épigynes, soudées en corolle, gamopétale quinquifide ; étamines autant que de pétales, insérées sur le tube delà corolle, filets libres, anthères biloculaires, introrses ; pistil formé de deux carpelles, soudés en un ovaire adhérent au tube du calyce biloculaire ; ovules solitaires à l’angle interne de chaque loge, campylotropes ; styles soudés presque jusqu’au sommet ; stigmates terminaux, ca-pités. Fruit didyme, charnu, se séparant en deux coques indéhiscentes, monospores ; graines adhérentes au péricarpe; plantule dicotylédonée, amphitrope, dans un albumen corné; radicule infère. Le fruit est d’abord rouge, puis noir.
- La plante de la garance se compose de tiges très-longues et de racines dont la longueur et la grosseur dépendent de l’âge et du terrain où la culture est faite'. La racine est irrégulièrement ramifiée et munie de radicelles; elle atteint plusieurs décimètres de longueur et plonge assez profondément dans le sol.
- Comme toutes les racines de ce genre, elle se compose de trois parties distinctes ; la cuticule épidermique ; l’anneau cortical charnu et celluleux ; la partie ligneuse, centrale et
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- 72 TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- fibreuse. Le rapport entre les dimensions respectives de l’anneau et du centre ligneux varie avec l’âge et la hauteur de la racine.
- En moyenne, M. Ed. Kœthlin (1) a trouvé pour 100 parties de racines fraîches :
- Parties charnues... 90,36 équivalent à 16,94 après dessiccation.
- Parties ligneuses... 9,64 — 4,68 —
- Tout le pouvoir colorant de la plante est concentré dans la racine, et le nom de garance s’applique indifféremment à la plante entière ou à la racine séchée et moulue, telle qu’elle est livrée au commerce et à la consommation.
- Les racines sont appelées alizaris.
- Les produits les plus intéressants pour l’industrie de nos contrées viennent d’Avignon, d’Alsace, de Hollande et de Belgique, et la plupart des résultats théoriques et pratiques, consignés dans cette monographie, se rapportent à ces espèces de garance.
- Culture de la garance dans le département de Vaucluse (2). —Les terres qui conviennent le mieux à cette culture sont d’anciens marais desséchés qui s’étendent de l’Isle à Entraigues, désignés sous le nom de Paluds. Ces terres contiennent une grande quantité d’humus et sont presque entièrement formées de carbonate de chaux ; elles sont très-friables, de couleur presque blanche pendant la sécheresse, et brunâtres, lorsqu’elles sont imprégnées d’humidité. Elles renferment des débris de coquillages. M. H. Schlumberger (3), qui a analysé les terres de divers districts garanciers du comtat d’Avignon, a trouvé, pour 100 parties de terre séchée à 100° :
- (1) Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse, t. I, p. 195.
- (2) Renseignements fournis par M. Pernod, fabricant à Avignon.
- (3) Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse, t. VII, p. 123.
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- GARANCE.'
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- 2° Terre à garance rosée un peu plus foncée - 1° strict duPalud. que celle du Palud.
- 1 II QUALITÉ SOPÉR. QUALITÉ INFÉR.
- Carbonate de chaux... 93 90 38 7
- Parties insolubles dans qq
- l’acide chlorhydr... 6 3
- Traces d’oxyde de fer. Un peu d’oxyde de fer.
- Les racines qui proviennent de ces terrains sont connues dans le commerce sous le nom d’alizaris palud. Les alizaris d’Avignon se composent souvent de tiges et de racines ; les tiges de la plante étant recouvertes toutes les années de terre, prennent l’apparence de la racine, sans en acquérir les propriétés tinctoriales, et le cultivateur qui augmente ainsi sa récolte en altère nécessairement la qualité.
- Les alizaris paluds sont très-riches en matière tinctoriale et présentent une coloration rouge à l’intérieur ; tandis que les racines cultivées dans les terrains argileux sont de couleur jaune, se rapprochant plus ou moins des racines paluds, selon que le sol dont elles proviennent se rapproche plus ou moins par sa composition des terrains paluds. Ces dernières sont connues dans le commerce sous le nom d’alizaris rosés. En résumé, le sol est d’autant plus favorable à cette culture qu’il réunit mieux les conditions de température, d’humidité et de ténacité nécessaires au développement de la plante. — La garance, cultivée dans un sol trop humide, est atteinte par une maladie redoutable, le farum, qui sévit avec force pendant les chaleurs de l’été, tandis que, dans les terrains trop secs, la végétation est presque entièrement suspendue. La température paraît exercer aussi une influence sur le développement de la plante, si l’on en juge par la coloration jaune des racines cultivées dans les pays montagneux ; tandis que celles qui proviennent des terrains situés dans la plaine sont toutes plus ou moins colorées en jaune rougeâtre. Un sol meuble favorise non-seulement le développement des racines pendant la végétation ; mais il
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
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- facilite aussi beaucoup l’arrachage; opération coûteuse et qui figure pour un chiffre élevé dans le prix de revient de la garance.
- Le sol, quelle que soit sa nature, doit être défoncé soigneusement en automne, à une profondeur de 60 à 70 centimètres et soumis dans cet état, pendant l’hiver, aux influences atmosphériques. Au mois de mars, on pratique une forte fumure et un labour croisé qui enterre l’engrais, on passe la herse et on sème.
- Cette dernière opération s’effectue en ouvrant longitudinalement, avec la houe à bras, des sillons ou raies dirigés du nord au midi, que l’on garnit de graines, en ayant soin de recouvrir le premier sillon avec la terre provenant du second, et ainsi de suite jusqu’au quatrième ou cinquième sillon qu’on n’ensemence pas; ce dernier étant destiné à fournir la terre nécessaire pour éborgner et chausser la plante pendant la saison rigoureuse.
- Il faut environ 1 kilogramme 1 /2 de graine pour ensemencer un are de terrain . Le prix moyen de la graine est de 0fr,50 le kilogramme.
- Lorsque la germination s’est opérée, c’est-à-dire au bout de quinze à vingt jours, si la sécheresse s’oppose à la sortie de la plumule, on passe sur le sol un rouleau garni de pointes ou un rateau en fer, destiné à gratter la surface et à faciliter ainsi la sortie de la jeune plante.
- Dans quelques localités, au lieu de semer, on repique en automne de jeunes racines, dans les sillons, en suivant l’ordre que nous venons d’indiquer pour les semis.
- Pendant que la garance se développe, un grand nombre de plantes étrangères poussent dans la garancière. Il faut alors procéder au sarclage, c’est-à-dire arracher toutes les espèces parasites. Cette opération doit être renouvelée toutes les fois que des plantes étrangères se montrent dans le champ ensemencé. Après le sarclage vient l’éborgnage, opération qui consiste à rendre aux sillons la petite quantité de terre
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- qui a pu leur être enlevée par le sarclage ; il a aussi pour but de chausser les tiges mises à nu par la pluie. Au commencement de l’hiver, on pratique le chaussage, il consiste à recouvrir la plante d’une couche de terre de 10 à 15 centimètres d’épaisseur. Au printemps, on renouvelle le sarclage. La floraison a lieu en juillet. Les graines sont récoltées vers le milieu du mois d’août, en coupant les tiges avec la faucille et les exposant ensuite au soleil pendant deux ou trois jours, afin de faciliter la séparation de la graine qui s’effectue alors par un simple battage.
- Les tiges et les feuilles constituent un excellent fourrage,.
- En novembre la garance, alors âgée de dix-huit mois, est arrachée soit au louchet, soit à la charrue. Cependant quelques agriculteurs, peu nombreux il est vrai, laissent leur garance une année de plus en terre. Après l’arrachage, on fait sécher la racine au soleil en l’étendant sur le sol.
- A dix-huit mois, S ares et 84 centiares de terrain fournissent environ 800 kilogrammes de racines fraîches, qui se réduisent par la dessiccation à l’air à 200 kilogrammes.
- Le prix moyen de la racine de garance, séchée à l’air, est de 65 à 70 francs les 100 kilogrammes. Le département de Vaucluse livre annuellement à la consommation une quantité de garance représentant une valeur de 25 à 30 millions de francs.
- Culture de la garance en Zélande (1), — On utilise pour cette culture des terrains d’alluvion, couverts d’une couche de terre glaise à la hauteur d’environ deux mètres, nées du dépôt de limon à l’embouchure des rivières ; ils contiennent beaucoup de matières organiques. Les terres de Hassell servant à la culture des garances Belges, ainsi que celles de Zélande, n’ont fourni à M. Schlumberger que peu ou point
- (1) Renseignements fournis par M. Coovels.
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- de calcaire. Lorsque le sol s’est assez élevé par le dépôt quotidien d’alluvions, pour pouvoir rester à découvert pendant les hautes marées et lorsqu’il commence à porter de l’herbe au lieu de joncs, on l’entoure d’une forte digue destinée à empêcher l’invasion des eaux de la mer pendant les orages ; puis on le divise en champs par des fossés parallèles et on le cultive pendant une dizaine d’années avant d’y planter la garance.
- Arrivée à ce point, la terre est labourée à une profondeur de trois décimètres ; on l’applatit avec un rouleau et on la nettoie de toute mauvaise herbe. Au mois d’avril on divise le terrain en petits champs larges de 70 centimètres. Sur trois rangées transversales distantes de 30 centimètres on plante quatre jeunes pousses à une distance respective de 12 centimètres. Ces pousses ou boutures se prennent sur la plante âgée d’une année, en enlevant deux articulations de la tige souterraine ou jaune et trois de la partie supérieure verte. La partie jaune est plongée dans une bouillie de terre arable et d’eau douce et plantée à une profondeur de G à 10 centimètres. Pendant toute la durée de la culture la terre doit être très-propre et pas trop humide.
- Après huit jours on butte la jeune plante, opération que l’on répète encore vers le mois de juillet. En novembre on fauche le sommet des plantes, si elles ont trop de verdure et on les recouvre d’une couche de terre de 10 à 15 centimètres, afin de les garantir du froid. Au printemps le champ est découvert, nettoyé et traité comme la première année et, si on laisse trois ans en terre, il faut aussi couvrir le second hiver. Au mois d’avril les plantes commençent à germer, en donnant 30 à 40 germes pour les quatre primitifs.
- La récolte se fait au mois d’août ; les racines de deux ans ont pénétré dans le sol à une profondeur de 10 à 18 centimètres, celles d trois ans à une profondeur de 16 à 20 centimètres.
- La garance ne peut se cultiver à la même place que tous
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- les dix ans, à cause de l’épuisement qu’elle fait éprouver au sol.
- Dans les Onrust polder ou polder d’inquiétude, on ne laisse la plante que deux années en terre. En effet, vu la proximité de la mer, si les racines pénétraient trop profondément, on pourrait en les sortant ouvrir une veine d’eau communiquant avec la mer et inonder ainsi tout le polder.
- Dans les bonnes années, l’Onrust produit G000 kilog. de garance brute par hectare, ou à peu près 1000 kilog. de garance du commerce, mais on a aussi des années où le rapport n’est que de 2,500 kilog.
- Le produit, en garance du commerce, de la Zélande, du Gelder et des contrées de la Meuse est de 6 millions de kilog. en moyenne, et varie de 3 à 7 millions suivant la réussite.
- Culture de la garance en Alsace. En Alsace les terrains consacrés à la culture de la garance sont généralement argilo-siliceux et dépourvus de calcaire. On opère par semis comme dans le département de Vaucluse ou par boutures ou provins comme en Hollande.
- On y connaît trois variétés de garance qui, au dire de feu M. Nestler, professeur de botanique à Strasbourg, ne présentent pas entre elles de différences notables; ce sont : 1° la garance noire qui ne fleurit que rarement et ne porte jamais de graines. 2° La garance de Turquie qui fleurit plus souvent et ne donne que de très-petites graines. 3° La garance plante nouvelle, provenant de semis récents ; elle fleurit toujours et porte des graines assez fortes, semblables à celles de la garance d’Avignon dont elle provient (1).
- Préparation de la poudre de garance ou garance commerciale. Le produit tinctorial préparé avec la racine de rubia tinctorum porte dans le commerce le nom de garance. Nous devons à M. Pernod, fabricant à Avignon, les rensei-
- (1) PeifrOz, Traité de Vimpression des tissus, t. I, p. 458.
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- gnements suivants sur la préparation de cette substance importante.
- Dans les environs d’Avignon, la racine de garance est soumise, immédiatement après l’arrachage, à la dessiccation à l’air. Il en est de même en Italie, en Espagne et en Algérie.
- Dans le Caucase, on lave la garance à l’eau pour la débarrasser de la terre qui y est adhérente, elle est ensuite enfermée dans des silos dans lesquels on a préalablement brûlé quelques fagots de bois, on l’y recouvre de terre et on la laisse dans cet état pendant cinq ou six mois. Après le séjour en terre, la garance a perdu la presque totalité du sucre qu’elle renfermait, et il ne reste plus qu’à l’exposer à l’air pour en achever la dessiccation ; celle-ci s’effectue alors avec la plus grande facilité.
- Ainsi préparée, la garance est connue sous le nom de ma-rena ; elle possède une force colorante double de celle des garances d’Avignon.
- En Alsace et en Hollande la dessiccation se lait à l’étuve.
- Telle qu’elle est livrée au commerce par les agriculteurs vauclusiens, la racine de garance,.qu’on désigne avant sa trituration sous le nom d’alizaris, est loin d’être compléte-paent sèche, elle renferme de 16 à 18 p. 100 d’eau, dont on ne peut la débarrasser que par un séjour de 24 à 48 heures dans une étuve chauffée à 50 ou 60° centigrades. Elle retient en outre 3 ou 4 p. 100 de terre et 2 à 3 p. 100 de menus débris ou radicelles dont la valeur tinctoriale est de beaucoup inférieure à celle des grosses racines.
- Ces radicelles sont connues dans le commerce sous les noms de barbennes ou poils. Leur prix est de 10 à 12 francs les 100 kilog. lorsque celui des alizaris est de 65 à 70 francs.
- Les alizaris du Levant et de Naples arrivent sur le marché d’Avignon en balles carrées de 4 à 500 kilog., presqu’en-tièrement débarrassés de terre et de menus débris. Ils rem
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- GAKAN6E.
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- ferment de 12 à 14 p. 100 d’eau qu’ils perdent dans l’étuve à oO ou 60°.
- Les alizaris d’Avignon sont livrés en balles de 90 à 100 kilog.
- Dans les fabriques on les entasse dans de vastes magasins à l’abri de l’humidité, où l’on peut les conserver pendant plusieurs années, sans qu’ils éprouvent d’autres altérations qu’une perte de poids, résultant d’une dessiccation plus complète.
- La préparation de la poudre de garance s’exécute très-économiquement à l’aide demoteurs hydrauliques alimentés par les différentes branches de la fontaine de Vaucluse. Il n’existe pas moins de cinquante fabriques qui travaillent nuit et jour pendant huit mois environ de l’année et qui triturent une quarantaine de millions de kilog. de racines, produisant trente-trois millions de kilogrammes de poudre de garance propre à la teinture.
- Indépendamment de ces quantités, les fabriques de Vaucluse préparent encore toutes les racines qui leur arrivent de Naples et du Levant. Celles de Naples sont plus particulièrement employées à Avignon à la fabrication de la garan-cine.
- A cause de la persistance avec laquelle la garance retient l’humidité, elle ne peut être réduite en poudre sans avoir subi une dessiccation complète. C’est pourquoi on l’expose préalablement dans des étuves ou séchoirs construits en maçonnerie en briques, voûtés et munis de portes et de volets en fer.
- La forme, la capacité ainsi que le nombre de ces étuves, son en rapport avec l’importance des établissements qu’elles desservent* elles sont divisées en deux étages formés par des grillages en bois ou en fer, et chauffées par la cheminée en briques ou en tôle d’un foyer alimenté par de la houille.
- Cette cheminée fait le tour de l’étuve au rez-de-chaussée, à
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- line hauteur de 30 à 40 centimètres, et fournit la chaleur nécessaire pour entretenir le séchoir à 50 ou 60 degrés. Il existe une porte au rez-de-chaussée et au premier étage. Les étages communiquent entre eux à l’intérieur par un escalier en bois qui facilite le service de l’étuve. La racine ept étendue sur les grillages du premier et du second étage en couches de 30 à 50 centimètres d’épaisseur et exposée pendant 24 ou 48 heures, selon l’épaisseur de la couche, à une température qui varie de 50 à 00 degrés. Les plus grandes précautions doivent être prises pour éviter les incendies qui se déclarent fréquemment dans les séchoirs.
- Lorsque la racine, est sèche, on ouvre la porte du premier étage qui communique avec la salle à rober et avec celle où sont établies les meules à triturer. La garance sortie de l’étuve est portée sous la meule.
- Lerobage a pour but de briser la racine en morceaux de 1 à 2 centimètres de longueur et de détacher l’épiderme ainsi que la terre. Il s’effectue à l’aide d’une petite meule en bois ou en pierre capable de réduire la garance en petits fragments, mais trop légère pour la pulvériser. On passe ensuite au blutoir à billon. Ce tamis est garni de toiles métalliques de diverses dimensions. La partie qui occupe la première moitié du blutoir porte line toile assez fine (n° GO) ne laissant passer que la terre. La seconde moitié garnie d’une toile métallique très-grossière laisse passer l’épiderme, tandis que la garance en petits morceaux est rejetée par le dégorgeoir du blutoir, complètement débarrassée de la terre et de l’épiderme. On retire de cette manière de 2 à 4 p. 100 de billon terreux et 2 à 3 p. 400 d’épiderme. Pour les qualités ordinaires on ne retire de la garance que le billon.
- Le produit ainsi préparé est porté sous des meules verticales en pierre, hautes de lm,60 à lm,80 sur 30 à 40 centimètres de large. Elles sont mues avec une vitesse de 22 à 25 tours par minute. La poudre formée est tamisée à l’aide d’un blutoir plus ou moins fin selon qu’elle est destinée à être
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- GARANCE.
- fri
- employée directement à la teinture ou à servir à la fabrication de la garancine.
- Dans le premier cas, le blutoir doit être garni de toiles métalliques n03 60 ou 70, tandis que le n° S0 suffit lorsque la trituration est faite en vue de la fabrication de la garancine.
- La garance dite extra-fine, qui se compose presque entièrement de la partie ligneuse de la racine, s’obtient facilement éh isolant les premiers produits de la trituration, en grande partie composés de la substance corticale.
- A cet effet, lorsque la racine préalablement débarrassée du billon a été à demi triturée, on la tamise afin de séparer les parties fines de celles qui ont échappé à l’action de la meule. Les premières, decouleur rouge brunâtre, constituent une bonne qualité de garance, très-propre à la fabrication de la garancine ; tandis que. les dernières, reprises par la meule jusqu’à complète pulvérisation, donnent une poudre rouge très-brillante qui est employée en teinture pour produire certains genres délicats.
- Après la trituration on procède à un mélange intime de toutes les parties de la poudre, que l’on enferme dans de grosses barriques contenant de 1000 à 1100 kilogrammes.
- Ainsi préparée et conservée à l’abri de l’humidité, cette poudre peut être gardée pendant plusieurs années. Pour certains genres de fabrication, les teinturiers préfèrent celle qui a un an ou deux de tonneau ; pour la fabrication de la garancine, il est indifférent de faire usage de garance vieille ou récente.
- Cent kilogrammes de racines séchées à l’air donnent de 80 à 83 kilogrammes de poudre.
- Les racines paluds éprouvent à l’étuve une perte plus considérable que les racines rosées.
- Le prix de revient de la trituration est de 2 francs à 2,60 francs par 100 kilogrammes de poudre, selon l’importance de la fabrication et la durée des travaux.
- Les garances se distinguent par leur origine. Suivant le
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- climat, la nature du terrain, la culture et l’espèce, elles offrent des différences dans leur constitution chimique, leur pouvoir colorant et la solidité des teintes qu’elles fournissent. Nous examinerons ces variations, après avoir pris une connaissance générale et approfondie de la composition de la garance.
- Les produits d’une môme localité portent des marques spéciales destinées à indiquer leur qualité. Ainsi, d’après M. Persoz (1), la garance d’Alsace reçoit les dénominations suivantes :
- a. La garance SF ou surfine, qui provient des racines de choix dont on a enlevé les radicelles, qui ont moins de cœur et de parties ligneuses jaunes ;
- b. La garance FF ou fine, qui, provenant de la mouture des racines en sortes robées, contient toutes les racines tant fortes que faibles ;
- c. La garance MF ou mi-fine, qui provient des racines menues ou radicelles, que l’on a retirées des racines employées à la préparation de la garance SF ;
- cl. La garance O ou mulle, qui provient de la mouture du billon du premier étuvage, ou des débris résultant du ro-bage, ou enfin d’un mélange des deux ;
- e. Deux autres garances GF et CFO qui proviennent du mélange de MF et de 0.
- f. Sous le nom de SSF, il se vend quelques barils de poudre de pur ligneux (cœur de la grosse racine). Cette qualité est employée pour quelques teintures fines en laine et en soie et pour la préparation de la laque de garance.
- La garance FF peut être considérée comme la poudre normale ; c’est aussi celle dont on fait le plus grand débit; elle représente environ les ~ de la garance qui se fabrique en Alsace.
- Les garances de Hollande reçoivent les dénominations suivantes :
- (1) Persoz, Traité de l’impression des tissus, t. I, p. 461 et 4G2.
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- La garance robée fine, qui, par sa préparation, correspond à la garance SF d’Alsace ;
- La garance petite robée ou moins robée, qui correspond à la garance FF d’Alsace ;
- La garance non robée ou petite non robée qui correspond à la garance MF d’Alsace.
- Quant à la garance d’Avignon, elle reçut d’abord les mêmes dénominations que celle d’Alsace. On distinguait seulement la poudre jaune qui se rapprochait le plus de la garance d’Alsace, de la poudre rouge ; puis on donna le nom de garance épurée à 3, S, 10 et 15 p. 100 à un alizari, auquel par l’opération du robage, on enlève une certaine quantité d’épiderme, de chevelu et de radicelles; et enfin, depuis un certain nombre d’années, on n’a pu ajouter assez de lettres à la suite les unes des autres pour rehausser la qualité des garances aux yeux du consommateur. En sorte que l’on vendait non-seulement des garances, SFFFsurfififines, mais encore des garances EX SFFF et l’on y ajoute un premier P pour indiquer l’origine (palud) et un second P pour rappeler qu’elles sont palud pures. On a donc PP. EX SFFF.
- On est revenu, heureusement, de cette exagération et les fabricants se contentent de nos jours d’une seule lettre pour désigner la qualité de leurs produits.
- La racine fraîche n’a pas les mêmes apparences ni les mêmes qualités que la poudre préparée. Ainsi, selon les expériences de M. Ed. Kœchlin (1), en comprimant la partie charnue de la racine fraîche, on en retire une liqueur acide, de couleur jaune et qui rougit à l’air. Cette liqueur appliquée sur une toile mordancée à l’acétate d’alumine, donne un rouge clair devenant rose terne par un passage au savon.
- A la teinture les diverses parties de la racine fraîche (tiges, racine entière, partie charnue et partie ligneuse) ont toujours donné des nuances moins nourries que les mêmes
- (1) Bulletin de la Société indust. de Mulht. I, p. 194.
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- parties desséchées; enfin, en examinant au microscope une tranche assez mince de racine fraîche, on ne peut y distinguer aucune trace de substance colorante séparée. Le ligneux est très-poreux, comme dans tous les végétaux, et la zone corticale charnue semble composée d’une substance mucilagineuse, liquide, contenue dans un réseau de filaments ligneux, sans aucun indice de porosité.
- M. Decaisne, en examinant la racine vivante, est arrivé à des conclusions analogues. Il a trouvé que les cellules sont remplies d’un liquide jaune d’autant plus foncé et plus abondant que l’âge de la plante est plus avancé. Ce liquide jaune se convertit, au contact de l’air, en principe rouge insoluble.
- Ce changement de teinte prouve que les matières colorantes subissent pendant la préparation de la poudre et par suite de l’accès de l’air, des modifications importantes que nous chercherons à analyser plus tard. Ces modifications se poursuivent même longtemps après la trituration, alors que le produit est enfermé dans les tonneaux.
- COMPOSITION DE LA GARANCE.
- Sauf l’eau en moins et un état différent des principes colorants, la garance a la même composition que la racine fraîche. Celle-ci perd à la dessiccation de 78 à 80 p. 100.
- M. D. Kœchlin (1) a trouvé pour 100 parties de garance sèche du commerce :
- Parties solubles dans l’eau froide..
- — — bouillante..
- — — l’alcool............
- — insolubles dans l’eau et l’alcool (ligneux).......................
- 55
- 3 (ycomp.lesmat.col.). 1,5
- 38
- a. Principes solubles dans Peau froide.— Ceux dont la pré-
- (1) Bulletins de la Société industrielle de Mulhouse, t. 1, p. 182.
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- GARANCE.
- S 5
- sence dans la garance est parfaitement démontrée, sont :
- 1° La glucose ou sucre de raisin, ou tout au moins une variété de sucre très-voisine de la glucose, susceptible comme elle de fermenter et de réduire les solutions alcalines de cuivre (tartrate cupro-potassique).
- La présence de ce corps est nettement indiquée par l’action qu’exerce l’infusion de garance sur la liqueur de Fehling, dans laquelle elle détermine à chaud un abondant précipité d’oxydule de cuivre.
- Une partie de la glucose peut préexister dans la racine fraîche, mais une autre se forme bien certainement pendant le dédoublement qu’éprouvent les glucosides colorants sous l’influence d’un ferment spécial (voir plus loin, matières colorantes delà garance) ou des acides.
- Ainsi, après avoir fait bouillir son rubian avec de l’acide sulfurique étendu, Schunck (1) obtient des flocons oranges de matière colorante et une liqueur jaunâtre surnageante, qui devient incolore après neutralisation par le carbonate de plomb. La liqueur filtrée renferme du sucre incristallisable. Evaporée à la température ordinaire au-dessus de l’acide sulfurique, elle laisse un sirop épais doux et un peu amer, qui, séché à 100°, se change en une masse molle, résistante et très-hygroscopique. Cette espèce de sucre donne de l’acide oxalique par l’action de l’acide nitrique ; elle brunit par les alcalis et fermente sous l’influence de la levûre de bière.
- Rochleder a aussi obtenu du sucre par la décomposition de l’acide rubérythrique et le considère comme de la glucose (2).
- 2° La saccharose ou sucre de canne. L’existence du sucre de canne dans la garance n’est indiquée nulle part. Cependant M. Forster m’a remis un très-bel échantillon de cristaux prismatiques de saccharose, formés dans l’eau de la-
- (1) Schunck, Ann. dsr Chem, und Pharm., t. LXXXVII, 344, LXXXI, 336.
- (2) Rochleder, Ann. der Chem, und Pharm., t. LXXXII, 205.
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- vage de la garance, concentrée à un degré convenable et conservée longtemps. Comme du reste la racine de garance n’est que peu ou point acide et se rapproche par sa composition de beaucoup de racines à sucre de canne, ce fait ne peut guère être révoqué en doute.
- La proportion du sucre dans la garance n’a pas été déterminée d’une manière exacte ; elle doit varier d’une espèce à l’autre ethvec l’âge de la plante. Cependant, comme 100 kilogrammes de poudre fournissent, après fermentation, 7 à 10 litres d’alcool, on peut admettre comme limite inférieure 14 à 15 p. 100 de sucre.
- Le sucre de la garance ne joue aucun rôle utile dans les opérations de teinture, mais il a trouvé une application et un emploi avantageux dans la fabrication de l’alcool dit alcool de garance.
- 3° Gommes et mucilage.
- La substance mucilagineuse contenue dans l’infusion aqueuse de garance, paraît être un pectate alcalin (pectate de potasse).
- En effet, l’alcool détermine, dans l’eau de macération de la garance, un précipité plus ou moins abondant et gélatineux. Cette même liqueur abandonnée à elle-même se prend en gelée tremblotante.
- Ce caractère se remarque surtout bien avec la garance d’Alsace et celle de Hollande, les paluds ne le donnent qu’à un moindre degré. On pourrait l’attribuer à de la pectine précipitable en gelée par l’alcool, et susceptible de se transformer en acide pectique insoluble et gélatineux sous l’influence de ferments naturels renfermés dans les plantes ; mais, d’après mes expériences (1), l’acide chlorhydrique précipite immédiatement en gelée l’eau de macération de la garance, et le liquide filtré a perdu la propriété de se prendre en ge-
- (1) Schützenberger, Recherches sur la garance ; Bulletins de la Société industrielle de Mulhouse, t. XXVII, p. 5.
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- lée, spontanément ou par l’addition de l’alcool ; ce qui n’aurait pas lieu si les phénomènes précédents dépendaient de la pectine. Toutes ces manifestations s’expliquent, au contraire, facilement, enadmettantla présence d’unpectate alcalin. Ces sels solubles dans l’eau sont précipités en gelée par l’alcool. L’acide chlorhydrique en sépare de l’acide pectique; enfin, dans l’infusion abandonnée à elle-même, l’acide pectique est lentement mis en liberté par l’action des acides libres de la garance ou de ceux qui peuvent se former par fermentation.
- 4° Albumine coagulable par la chaleur. Ce principe existe dans tous les sucs végétaux.
- 5° Une matière azotée précipitable par l’alcool et jouant le rôle de ferment soluble, susceptible d’opérer le dédoublement des glucosides colorants et de transformer la pectine en acide pectique (érythrozyme). J’ai ajouté, à des solutions de pectine, de l’eau d’infusion de la garance ; au bout de très-peu de temps elles étaient prises en gelée. La garance renferme donc de la pectase.
- 6° Chlorogénine de Schunck ou acide rubichlorique de Rochleder. C’est un principe immédiat particulier à la garance et à quelques autres plantes, dont le caractère principal est de se décomposer par l’ébullition avec les acides minéraux étendus, en donnant un produit insoluble d’un vert foncé.
- Tous ceux qui se sont occupés d’un travail sur la garance, savent que par l’ébullition avec l’acide chlorhydrique étendu, elle prend une teinte verte très-foncée, tandis que la garance lavée garde sa nuance jaune ; l’eau de lavage, au contraire, jouit de la propriété de précipiter en vert par l’ébullition avec l’acide chlorhydrique.
- Dans le procédé d’extraction des matières colorantes de M. E. Kopp, lorsqu’on a précipité la purpurine de la solution sulfureuse acidulée, par une élévation de température de ôO°à 60°, si l’on chauffe à 100°, l’alizarine se sépare en mé-
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- lange intime avec cette substance verte et constitue l’aliza-rine verte du commerce.
- Schunck donne au principe soluble qui engendre la matière verte le nom de chlorogénine, et Rochleder celui d’acide rubichlorique.
- Pour isoler l’acide rubichlorique, ce chimiste précipite par l’acétate neutre de plomb une infusion chaude et filtrée de garance ; le liquide filtré est précipité par l’acétate triba-sique de plomb. Ce dernier précipité est décomposé par l’hydrogène sulfuré. Le sulfure de plomb lavé à froid cède à l’eau de l’acide phosphorique, de l’acide citrique et de l’acide rubichlorique. Le liquide, filtré du précipité par l’acétate tri-basique, donne par l’ammoniaque un nouveau dépôt plombi-que renfermant de l’acide rubichlorique. On le décompose par l’hydrogène sulfuré. On fait digérer le liquide filtré avec du noir animal, on filtre et on précipite par l’acétate de plomb ammoniacal. Le dépôt lavé à l’alcool est décomposé par l’hydrogène sulfuré, en présence de l’alcool absolu.
- Le liquide est évaporé à sec et le résidu est repris par l’alcool qui s’empare de l’acide rubichlorique.
- Ce corps est incolore, inodore, d’un goût fade, très-solu-ble dans l’eau et l’alcool, insoluble dans l’éther. Ses solutions, évaporées au bain-marie, se colorent en jaune brun à l’air. Il ne précipite pas par l’eau de baryte ni par l’acétate neutre de plomb, il donne un léger précipité par l’acétate tribasique et un précipité blanc volumineux par l’acétate de plomb ammoniacal.
- L’acide rubichlorique, chauffé avec de l’acide chlorhydrique étendu, fournit une poudre d’un vert foncé, soluble en rouge de sang dans les alcalis (chlorrubine) : séchée à 100°, cette poudre devient couleur souris ; sa couleur varie, du reste, suivant la température à laquelle la décomposition est faite, suivant la longueur du traitement et la dose d’acide chlorhydrique.
- M. Rochleder admet que l’acide rubichlorique se dédou-
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- GARANCE.
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- ble par les acides en chlorrubine et en acide formique.
- M. R. Schwartz a également rencontré l’acide rubichlo-rique dans Y asperula odorat a.
- 7° Des tartrates, malates et citrates alcalins.
- Rochleder n’a trouvé que de l’acide citrique (en assez fortes proportions) dans l’infusion de garance d’Orient, et pas de traces d’acides tartrique et malique.
- 8° Des matières extractives indéterminées.
- 10° Des glucosides colorants solubles (voirplus loin).
- 11° Des sels alcalins à acides minéraux. Sulfates, chlorures, phosphates.
- b. Principes solubles dans l'eau bouillante et l'alcool. — Rs comprennent principalement les matières colorantes et les résines. Il en sera question plus loin.
- c. Principes immédiats insolubles dans l'eau et l'alcool. —Leur ensemble constitue les 32 à 40 p. 100 de ligneux, indiqués par les auteurs, déduction faite de la partie minérale.
- La partie insoluble de la garance se compose de cellulose, d’acide pectique libre, depectate de chaux, de pectose et de sels(tartrate, citrate,malate, carbonate, phosphate de chaux; phosphate de magnésie, silice, alumine, oxyde de fer). D’après mes expériences, le ligneux évalué à 38 p. 100 par M. D. Kœchlin età40p. 100 par M. Dandrillon se compose de :
- Cellulose ou résidu du traitement de la garance par Peau bouillante, la soude
- caustique et l’acide chlorhydrique..... 19 à 19,5 à 23
- Pectose transformable en pectine par l’ébullition avec l’acide chlorhydrique
- étendu................................ 2 * à 2,3
- Acide pectique libre soluble directement
- dans les alcalis...................... 5
- Acide pectique combiné à la chaux et ne devenant soluble dans la soude qu’après un traitement acide de la garance...... 1,5 à 2,2
- Total.................... 27,5 .à 30
- ( :
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- Cendres de la garance.—L’étude des cendres de la garance offre de l’intérêt, parce que la détermination exacte du poids des cendres permet de reconnaître la présence de matières minérales étrangères, ajoutées par sophistication ; et leur analyse qualitative rend compte, jusqu’à un certain point, des résultats pratiques observés en teinture avec les diverses espèces de garance.
- Les cendres sont formées : 1° des sels minéraux contenus naturellement dans la plante ; 2° de ceux qui se forment par la décomposition des sels à acides organiques. Dans cette catégorie se trouvent compris le carbonate de potasse et une partie du carbonate de chaux. Leur composition varie beaucoup avec la nature du terrain.
- QUANTITÉ DE CENDRES P. 100 DE GARANCE.
- M. Chevreul a-trouvé pour la garance du Levant. 9,8
- — — — d’Alsace.. 9,o à 12 et 13
- D’après M. H. Schlumberger (1),
- La garance d’Avignon donne..................... 8,08
- Celle d’Alsace................................. 7,20
- M. Persoz (2) a trouvé en brûlant les dernières traces de charbon avec du nitrate d’ammoniaque :
- Alizaris d’Avignon................................ 8,1 à 8,03
- — d’Alsace.................................... 6,3 à 6,0,'i
- Garance d’Avignon, pure palud................... 9,6 à 10,72
- — rosée......................... 8,4 à 8,8o
- Garance d’Alsace.................................. 7,9 à 7,02
- M. Girardin dit (3) que de nombreux essais lui ont démontré, que la garance bien pure ne donne par l’incinéra-
- \
- (1) Bulletins de la Société’ industrielle, t. VII, p. 115.
- (2) Persoz, Traité de l'impression, t. I, p. 467.
- (3) Girardin, Chimie appliquée, 4e édit., t. II, p. 527.
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- GARANCE.
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- tion que S p. 100 de cendres, mais les déterminations citées plus haut prouvent que ce chiffre est une limite inférieure qui peut être notablement dépassée.
- Composition des cendres.— D’après M. Schlumberger, les cendres de la garance se composent comme il suit : 100 grammes de garance d’Avignon ont donné 8,76 de cendres contenant :
- Sels solubles dans l’eau (carbonate, chlorure et sulfate de potas-
- sium)..................................................... 4,06
- Silice................................................... 0,15
- Phosphate de chaux avec un peu d’alumine................... 0,80
- Carbonate de chaux........................................ 3,60
- Perte....................................................... 0,15
- 8,76
- 100 grammes de garance d’Alsace ont donné 7,2 de cendres contenant :
- Sels solubles dans l’eau (carbonate, chlorure et sulfate de potas-
- sium)..................................................... 4,23
- Silice..................................................... 0,65
- Alumine avec un peu de phosphate de chaux................. 1,33
- Carbonate de chaux......................................... 0,87
- Perte...................................................... 0,12
- 7,02
- 100 grammes de garance d’Avignon m’ont donné :
- Carbonate de chaux................. 5,72
- dont 2,7 préexistent à l’état de bicarbonate ; le reste est formé par l’incinération des sels de chaux à acides organiques (pectates, etc.). Le carbonate de chaux trouvé en petite quantité dans la cendre de la garance d’Alsace dérive uniquement des selsde chaux organiques (1).
- (1) Nous donnons en note les résultats d’anciens travaux de Kuhlmann, John, Bucholz, sur la composition immédiate de la garance. Ces recherches sont antérieures à 182G.
- D après M. Kuhlmann (Annales de chimie et de physique, t. XXIV, p. 225),
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- MATIÈRES COLORANTES DE LA GARANCE.
- Les garances cultivées dans diverses localités offrent des
- la garance contient : 1“ une matière colorante fauve, soluble dans l’eau froide; 2° une matière colorante rouge, soluble dans l’eau bouillante; 3° du ligneux ; 4° un acide végétal ; 5° une matière mucilagineuse; G0 une matière végéto-animale ; 7° de la gomme ; 8° du sucre ; 9° une matière amère ; 10° une résine odorante; 11° les matières salines des cendres contenant :
- Carbonate de potasse.................. 0,008
- Sulfate de — 0,032
- Phosphate de — 0,037
- Chlorure de potassium............... 0,703
- Carbonate de chaux.................... 0,467
- Phosphate de chaux.................... 0,082
- Silice................................ 0,020
- Perte................................. 0,031
- 1,380
- Bucholz trouve dans 100 parties de garance séchée à l’air :
- Matière extractive rouge..............................*..... 39,00
- Matière brun rouge, soluble dans les alcalis et l’alcool chaud.. 1,09
- Matière extractive caustique.................................... 0,06
- Résine grasse rouge............................................. 1,02
- Gomme brun rouge................................................ 9,00
- Fibre ligneuse, un peu rougeâtre.............................. 22,05
- Matière soluble seulement dans la potasse....................... 4,06
- Sels végétaux de chaux.......................................... 1,08
- Eau........................................................... 12,00
- Perte......................................................... 7,04
- 100,00
- John, de son côté, a avancé que 99 parties de garance contiennent :
- Matière grasse analogue à la cire, brun rouge... 1,00
- Matière rouge résineuse............................. 3,00
- Matière extractive rouge........................... 12,00
- Matière extractive oxydée........................... 5,00
- Gomme brunâtre...................................... 8,00
- Fibre ligneuse..................................... 43,05
- Acétate de potasse et de chaux...................... 8,00
- Phosphate, sulfate, chlorure de potassium........... 7,00
- Phosphate de chaux et de magnésie................... 7,05
- Silice.............................................. 1,05
- Oxyde de fer....................................... 0,05
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- GARANCE.
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- différences très-marquées dans leur manière d’être en teinture ; celles-ci doivent être attribuées, en partie du moins, à la nature spéciale de leurs principes colorants. Il semble donc convenable d’étudier séparément chaque espèce de garance, au point de vue de ses pigments ; mais d’un côté on est encore loin de s’accorder sur les différences réelles existant, sous ce rapport, entre les alizaris, et d’un autre les auteurs qui se sont occupés des matières colorantes delà garance n’ont pas toujours nettement indiqué l’espèce soumise à leurs expériences.
- Nous envisagerons donc la question d’une manière générale pour toutes les espèces, en spécifiant chaque fois que les documents ne nous feront pas défaut ; avant tout nous poserons les principes suivants :
- I. La racine de garance fraîche renferme ses composés tinctoriaux sous une autre forme que la garance moulue séchée et conservée plusieurs mois. Ils sont dans un état particulier de combinaison, qui leur permet de se dissoudre dans l’eau. Cet état se modifie dès le moment où le suc est mis en contact avec l’air.
- II. La combinaison soluble des pigments de la garance appartient à la classe des corps désignés par les chimistes sous le nom de glucosides.
- La première proposition découle naturellement des observations faites par M. Ed. Kœchlin et par M. Decaisne (voir plus haut). Quant à la seconde, elle a été démontrée avec assez de certitude par de nombreux travaux.
- La glucose et ses congénères ont une composition représentée par la formule
- C6H1206.
- On peut considérer ce corps comme un alcool hexatomi-c est-à-dire comme un alcool susceptible d’échanger six atomes d’hydrogène contre six atomes d’un radical monoatomique et particulièrement d’un radical d’acide. '
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- D’après cela la formule rationnelle de la glucose doit être
- écrite sous la forme g6vl > O6 indiquant qu’elle dérive de
- six molécules d’ean condensées en une seule par l’introduction du radical hexatomique G6H6. L’action ultime d’un acide
- tel que J O (R = un radical quelconque, par exemple de
- l’acétyle C2H30) est représentée par l’équation
- C6H6V
- II6
- 1o,+6h|o-c'r«‘!o'+6h|°
- Mais l’échange peut aller moins loin, et s’arrêter à celui de 1, 2, 3, 4, 5 atomes d’hydrogène contre une quantité équivalente de R, comme le montrent les équations :
- C6H6VI
- H6
- C6H6VI
- H6
- 06 +
- R
- O6+ 2
- O =
- C6H8v
- R
- O =
- R. H5 C6H6vi R2H4
- °' + H }
- O
- 0*+2»j
- M. Berthelota réalisé la synthèse d’un certain nombre de glucosidcs en chauffant la glucose avec l’acide correspondant.
- De même que les éthers composés de l’alcool ordinaire et que les corps gras neutres (éthers de l’alcool triatomique connu sous le nom de glycérine), les glucosides peuvent se dédoubler, en fixant les éléments de l’eau, en glucose et en acide.
- Cette transformation inverse s’effectue sous l’influence des acides, des alcalis, de l’eau seule à une température élevée et de certains ferments solubles. Un semblable phénomène a été observé d’une manière très-nette sur un certain nombre de principes immédiats d’origine végétale, tels que la salicine, la populine, la phlorizine, le tannin, l’amygdaline, le quercitrin, la rhamnine.
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- GARANCE.
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- L’idée de considérer les matières colorables solubles de la garance fraîche comme des glucosides, se dédoublant facilement en glucose et en pigments peu solubles, repose déjà, comme on peut le voir, sur des analogies tirées de l’étude d’autres principes tinctoriaux.
- Matières colorantes primordiales de la racine fraîche.— Les expériences de MM. Ed. Kœchlin, Decaisne Watt, Ro-biquet et Colin, Kuhlmann,Higgin, Runge, mettent hors de doute l’existence de matières colorables solubles tant dans la racine fraîche que dans la poudre du commerce, quoiqu’en proportions d’autant moindres que la garance est plus ancienne ; mais ces travaux ne nous renseignent pas sur la nature chimique de ces substances.
- Schunck et Rochleder sont allés plus loin et ont jeté quelque lumière sur leur vraie constitution.
- Nous résumerons les recherches de ces savants afin de mettre sous les yeux des lecteurs les faits qui nous ont guidés pour formuler une opinion sur cette question délicate et obscure de l’histoire de la garance.
- Watt(l), en opérant sur la garance de Zélande, a observé que l’eau froide peut enlever une certaine quantité de principe colorant, et que lorsqu’une infusion de garance est évaporée lentement dans un vase ouvert, au contact de l’air, il se forme à sa surface une pellicule qui tombe au fond, pour être remplacée par une autre et ainsi de suite, jusqu’à dessiccation complète. L’extrait, ainsi formé, ne se dissout plus qu’en partie dans l’eau. Le même effet se produit encore, lorsqu’au lieu d’évaporer le liquide, on l’abandonne à lui-même dans un vase ouvert.
- Les expériences au moyen desquelles Robiquet et Colin (2) ont obtenu pour la première fois l’alizarine pure, prouvent
- (1) Annales de chimie, t. IV, p. 104.
- (2) Annales de chimie et de physique [2], t. XXXIV, p. 225, et Bulletin de la Soc. indust. de Mulhouse, 1.1, p. 108; 1828.
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- que dans la garance (d’Alsace au moins), une partie del’ali-zarine est à l’état soluble.
- En effet, ayant délayé une partie de garance d’Alsace dans trois parties d’eau pure, puis filtrant et exprimant sur une toile au bout de dix minutes, ces savants obtinrent un liquide rouge brun qui, abandonné à lui-même, se prit en gelée en très-peu de temps. Cette gelée est un mélange d’acide pectique et d’alizarine devenue insoluble.
- Dès 1823 M. Kuhlmann (1) avait remarqué que la garance renferme une matière colorante jaune, très-soluble dans l’eau et à laquelle il donna le nom de xanthine. Il obtient cette xanthine en épuisant la garance par l’alcool chaud. Les dissolutions sont évaporées et l’extrait sirupeux, complètement desséché, est délayé dans l’eau froide qui dissout la xanthine en laissant un peu d’alizarine.
- Le liquide filtré est additionné d’acétate neutre de plomb, qui précipite une matière brune, puis filtré de nouveau et sursaturé par la baryte. On obtient ainsi un dépôt qui renferme la xanthine combinée à l’oxyde de plomb. Celui-ci bien lavé est décomposé par une quantité exactement équivalente d’acide sulfurique.
- On sépare le sulfate de plomb, on enlève le petit excès d’acide sulfurique-par la baryte, on filtre, on dessèche, on reprend par l’alcool et on évapore encore une fois. La xanthine reste alors sous forme d’une matière visqueuse d’une couleur orangé vif, très-soluble dans l’eau, d’une saveur sucrée avec arrière-goût amer, très-soluble dans l’alcool, peu soluble dans l’éther.
- Les alcalis la font virer au rouge. Elle ne précipite ni par l’acétate neutre ni par l’acétate tribasique de plomb ; elle teint le coton mordancé en orange vif. L’acide sulfurique la décompose avec production de matière pulvérulente verte (chlorrubine). Ce caractère montre que la xanthine est un
- (1 ) Annales de chimie et de physique, t. XXIV, p. 225 [2], zi Bulletins de la Société industrielle de Mulhouse, t. I, p. 157.
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- GARANCE.
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- mélange, et renferme de la ehlorogénine ou acide chlororu-bique.
- Il est probable que la poudre verte céderait à l’alcool les matières colorantes devenues insolubles en même temps. La xanthine de M. Kuhlmann doit en outre contenir de la glucose ; de là sa saveur sucrée.
- Les garances de Hollande, de Provence, et surtout celles d’Alsace, contiennent plus de xanthine que celles de Chypre, de Smyrne et de Barbarie.
- M. Runge obtient (1) un principe jaune soluble, analogue à la xanthine, en épuisant la garance de Hollande par 16 fois son poids d’eau, et en précipitant par l’eau de chaux. Le précipité est décomposé par l’acide acétique ; on fait bouillir ensuite la dissolution avec de la laine mordancée à l’alun pour enlever la purpurine, on évapore à sec, on reprend par l’alcool et on précipite par une dissolution alcoolique de sel de saturne. Le précipité lavé à l’alcool est décomposé par l’hydrogène sulfuré.
- Higgin (2) épuise la garance par l’eau bouillante, précipite par un peu d’acide sulfurique les matières difficilement solubles dans l’eau, sature par le carbonate de soude, fait digérer la liqueur avec de l’hydrate d’alumine, pour enlever l’alizarine, sépare l’acide sulfurique par l’eau de baryte, enfin précipite par le sous-acétate de plomb, et décompose par l’hydrogène sulfuré le précipité plombique. On sépare le sulfure par le filtre. Le produit de Higgin renferme encore de la ehlorogénine, car il précipite en vert par l’ébullition avec les acides.
- D’après Higgin et Schunck l’extrait aqueux, fait à froid ou à tiède, se décompose spontanément, avec ou sans le concours de l’air, avec disparition de la couleur jaune et de
- U) Kunge, Journ. für prakt. ChemV, 3G2.
- (2) Higgin, id., XLVI, p. 1.
- (3) Schunck, Ann. der Chem. und Pharm., LXVI, 175, LXXXI, 336, LXXXV1I, 344.
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- 98 TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- l'amertume qui sont les propriétés caractéristiques de la xanthine, et formation d’un précipité jaune floconneux, renfermant tout le pouvoir colorant de l’extrait.
- L’amertume et le pouvoir colorant de cet extrait appartiennent, suivant Schunck, à. un principe qu’il a isolé et nommé rubian; la xanthine de Kuhlmann, de Runge et deHiggin, ne serait qu’un mélange de rubian, de chlorogénine et probablement de glucose.
- Le rubian , convenablement préparé, se présente sous forme d’une masse dure, cassante, luisante, amorphe, semblable à du vernis sec ou à de la gomme. Il est transparent et jaune foncé en plaques minces, brun foncé en masses volumineuses, non déliquescent ; facilement soluble dans l’eau, un peu moins dans l’alcool, insoluble dans l’éther. Les solutions ont un goût amer très-intense. La solution aqueuse n’est précipitée par aucun sel, si ce n’est le sous-acétate de plomb. L’acide sulfurique concentré forme avec le rubian une solution rouge de sang, décomposable par la chaleur.
- L’acide azotique n’agit pas à froid sur les solutions de rubian, mais à l’ébullition il se forme de l’acide phtalique avec dégagement de vapeurs rutilantes. L’acide pliosphorique normal et les acides organiques ne le modifient pas, même à l’ébullition. La soude change la couleur jaune de la solution en rouge de sang, les acides font disparaître le jaune ; à l’ébullition, la couleur rouge de sang devient pourpre et les acides précipitent alors un corps rouge orangé, en même temps que la liqueur se décolore ; c’est qu’à une température élevée, le ou les glucosides qui forment le rubian se sont dédoublés. L’ammoniaque change la couleur jaune de la solution en rouge de sang sans que l’ébullition donne lieu à d’autres modifications. L’eau de chaux et l’eau de baryte précipitent le rubian en rouge foncé ; les précipités sont solubles dans l’eau. La magnésie colore la solution en rouge foncé et s’y dissout. Les carbonates de chaux et de baryte
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- GARANCE.
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- sont sans effet; les hydrates de peroxyde de fer, d’alumine et d’oxyde de cuivre enlèvent tout le rubian à la solution. En présence des alcalis, il réduit les sels d’or , mais non ceux d’argent et de cuivre ; le rubian fonda la» chaleur et brûle en laissant 6 à 8 p. 100 de cendres composées de carbonate de chaux. Chauffé à 130° dans un tube, il donne des vapeurs orangées, composées en grande partie d’alizarine.
- La réaction la plus curieuse du rubian, est celle qu’il offre par l’ébullition avec les acides sulfurique et chlorhydrique étendus. Il se précipite alors, par refroidissement, des flocons orangés de matière colorante insoluble, tandis que le liquide retient une espèce de sucre fermentescible et réduisant les solutions de cuivre alcalines.
- Le rubian éprouve une transformation semblable à celles que lui font subir les acides et les alcalis, lorsqu’on l’expose à l’action d’une matière azotée particulière qui existe dans la garance (érythrozyme).
- On obtient ce ferment en précipitant par l’alcool un extrait aqueux de garance. Le précipité caséeux qui prend naissance, étant ajouté à une solution de rubian, la fait prendre, dans l’espace de quelques heures, en une gelée tremblotante d’un brun clair et qui renferme des matières colorantes insolubles.
- Il est difficile de préparer le rubian pur, attendu qu’il se décompose facilement et qu’il n’est précipité par aucun sel métallique, si ce n’est le sous-acétate de plomb. La séparation d’avec la chlorogénine est surtout délicate.
- Pour arrivera ce résultat, M. Schunck a mis à profit la grande affinité du rubian pour les corps poreux, et notamment le noir animal. A cet effet, on fait digérer avec du charbon d’os une décoction chaude de garance (Schunck a opéré sur la garance d’Avignon, il aurait probablement encore mieux réussi avec celle d’Alsace qui est plus riche en principe soluble). Le charbon est lavé à l’eau froide jusqu’à ce que celle-ci ne donne plus de coloration verte par l’ébullition
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- avec l’acide chlorhydrique. On élimine ainsi une grande partie de la chlorogénine. Le charbon lavé est épuisé par l’aléool bouillant qui dissout le rubian. La solution est évaporée à sec, et le résidu repris par l’eau est traité une seconde fois par le noir animal, et celui-ci par l’alcool. Cette opération doit être répétée jusqu’à ce que le produit soit complètement débarrassé de chlorogénine. La dernière solution alcoolique filtrée, est évaporée à sec; le résidu redissous dans l’eau est successivement précipité par l’acétate neutre de plomb qui sépare une impureté, puis par l’acétate basique. Ce dernier dépôt, décomposé par l’hydrogène sulfuré ou par l’acide sulfurique, cède à l’eau le rubian pur. On peut à la rigueur négliger les précipitations plombiques.
- Bien que le corps obtenu par Schunck soit encore impur, puisqu’il renferme des matières minérales, il nous renseigne très-nettement sur la nature chimique des principes colo-rables préexistant dans la racine vivante.
- Le rubian est un glucoside ou un mélange de glucosides colorants, susceptibles de se décomposer par les acides, les alcalis, et un ferment en matières colorantes et en sucre.
- Les analyses de Schunck peuvent approximativement se traduire par la formule G16H1608 qui donnerait la réaction suivante :
- C16H1608 + H*0 = C10H6O3 + C6Ht206
- Rubian. Eau. Alizarine. Glucose.
- Comme nous le verrons plus tard, la constitution du rubian ne peut pas être aussi simple et ce corps renferme plusieurs glucosides susceptibles de donner, l’un l’alizarine, les autres, la purpurine, la pseudopurpurine, etc. Mais comme la composition de toutes ces matières colorantes est très-voisine de celle de l’alizarine, il s’ensuit que celle du rubian lui-même doit se rapprocher beaucoup de celle du glucoside alizarique.
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- GARANCE.
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- Travaux de Rochleder (1). — Les recherches de Rochle-der ne se distinguent de celles de Schunck, quant aux résultats originaux, que parce que ce chimiste, par un traitement convenable, est parvenu à isoler le glucoside de l’alizarine, sous forme de cristaux. Il donne à son produit le nom d’acide rubérythrique. Ce glucoside se trouve en mélange dans le rubian.
- Une*décoction chaude de racine de garance (garance du Levant), est précipitée successivement par l’acétate neutre et par l’acétate tribasique de plomb. Le deuxième dépôt, bien lavé, est décomposé par l’hydrogène sulfuré et le sulfure de plomb est lavé à l’eau froide qui enlève les acides phos-phorique, citrique et rubichlorique, en laissant avec le sulfure presque tout l’acide rubérythrique. Le sulfure lavé est épuisé par l’alcool bouillant, et la solution alcoolique est concentrée au bain-marie. On reprend par l’eau, on ajoute un peu d’eau de baryte et on sépare le dépôt blanc qui se forme, puis on augmente la dose de baryte afin de précipiter l’acide rubérythrique sous forme de flocons rouge-cerise foncé de rubérythrate de baryte. Ces flocons sont dissous dans l’acide acétique étendu, la solution presque neutralisée par l’ammoniaque est précipitée par l’acétate tribasique de plomb. Le précipité rouge cinabre est mis en suspension dans l’alcool, décomposé par l’hydrogène sulfuré. Le liquide est porté à l’ébullition et filtré à chaud ; il laisse déposer, par refroidissement, l’acide rubérythrique sous forme de cristaux jaunes clairs.
- L’acide rubérythrique forme des prismes soyeux ; il est très-soluble dans l’eau chaude, peu soluble dans l’eau froide, soluble dans l’alcool et l’éther; pour le reste, ses caractères rappellent ceux du rubian. En se dédoublant sous l’influence des acides minéraux, il ne donne que du sucre et de l’alizarine.
- (I) Rochleder, Journal für prakt. Chem., LV, 385 ; LVI, 85.
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- Les intéressants résultats, obtenus par M. E. Kopp (1), mettent également en relief la présence de glucosides colo-rables et faciles à altérer et démontrent, de plus, la multiplicité de ces corps.
- En traitant la garance d’Alsace âgée au plus de six mois , en comptant à partir du moment de sa préparation, par de l’eau chargée d’acide sulfureux, on empêche l’action dédoublante du ferment, et on parvient à éliminer toute la partie de la matière colorante qui se trouve à l’état soluble.
- Le liquide filtré est jaune ; additionné de 2 à 3 p. 100 d’acide chlorhydrique et chauffé à 60° centigrades, il laisse précipiter des flocons rouges formés d’un mélange de matières colorantes, sans tracé d’alizarine. Ce n’est qu’à l’ébullition qu’on observe la séparation de l’alizarine, en mélange avec delà chlorrubine(alizarineverte). D’après cela le glucoside alizarique est plus stable que les autres, c’est ce qui semble aussi ressortir des travaux de Rochleder.
- La solution sulfureuse provenant de la filtration et de l’expression de la garance, possède les propriétés suivantes :
- La couleur est d’un jaune orangé vif, avec une teinte brunâtre, si les liqueurs sont très-concentrées.
- La saveur est très-légèrement aigrelette, avec un arrière-goût à la fois douceâtre et amer, analogue à celui de la garance. L’odeur rappelle, à côté de celle de l’acide sulfureux, ’odeur caractéristique de la racine.
- En vase clos, la solution se conserve longtemps sans altération ; quelquefois il s’y forme un léger dépôt brunâtre; en faisant usage d’une eau sulfureuse, renfermant un peu trop d’acide chlorhydrique, on obtient quelquefois, au bout de cinq à huit jours, un dépôt semi-cristallin de purpurine, d’un rouge de vermillon très-vif, et qui, étant très-lourd, peut être facilement séparé par décantation.
- La liqueur abandonnée au contact de l’air perd son odeur
- (1) E. Kopp, Répertoire de chimie appliquée, t. III, p. 85, et Bulletins de la Société industrielle, i. XXXI, p. 145.
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- sulfureuse, brunit et se trouble au bout d’un certain temps ; il se forme un dépôt pulvérulent gris-noirâtre, et le liquide surnageant se décolore ; dans cet état, il se forme facilement des moisissures. Par l’addition d’ammoniaque, aulieud obtenir une belle couleur rouge violacée, on n’obtient plus, soit avec la liqueur, soit avec le précipité, qu’une coloration sale et terne. '
- La liqueur étant évaporée dans une capsule au bain-marie, se couvre bientôt à la surface d’une matière noirâtre peu soluble, qui se rassemble facilement sur les bords ; en évaporant le plus possible, on obtient finalement une masse poisseuse brun-rougeâtre, d’une saveur douceâtre et amère comme celle delà garance, laquelle, par le refroidissement, devient solide et d’apparence résineuse.
- Cette masse, ayant été redissoute dans l’eau bouillante, fournit une liqueur trouble. En filtrant, il reste sur le filtre un précipité brun-noirâtre, qui ne donne avec l’ammoniaque liquide qu’une légère teinte violacée sale et qui ne teint que fort incomplètement une toile mordancée. La liqueur filtrée est d’un jaune brunâtre foncé ; elle aussi ne teint que très-imparfaitement une toile mordancée en alumine ou en fer.
- En faisant bouillir la liqueur sulfureuse à l’abri de l’air, elle laisse déposer un précipité jaune-brun, tandis que le liquide reste coloré en jaune orange. Ce liquide ne teint presque pas la toilemordancée. Le précipité se dissout dans l’ammoniaque avec une couleur violacée rougeâtre, comme le ferait un mélange très-impur d’alizarine et de purpurine. Desséché et calciné dans un tube, il fournit un sublimé un peu jaunâtre qui, avec l’ammoniaque, donne une liqueur semblable à une solution très-faible de purpurine. A la teinture, le précipité donne des résultats assez peu satisfaisants.
- La liqueur sulfureuse offre, avec les réactifs, les réactions suivantes: avec la potasse, la soude et l’ammoniaque, pas de
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- précipité; coloration rouge-violacé avec une nuance un peu jaunâtre. Si l’alcali est concentré, il se forme un précipité par l’ébullition. La liqueur reste colorée en rouge-jaunâtre violacé ; en étendant d’eau, une partie du précipité se redissout. Avec l’acide chlorhydrique : rien immédiatement ; au bout d’un certain temps, précipité floconneux jaune-rougeâtre ou brunâtre de purpurine. Avec l’acide nitrique, rien immédiatement; à la longue, précipité floconneux orange. La liqueur reste jaune-orange.
- Avec l’acide oxalique, rien immédiatement ; peu à peu précipité floconneux, jaune pâle, renfermant un peu d’oxa-late de chaux ; liqueur jaune orangé.
- Avec les chlorures alcalino-terreux ou alcalins, pas de précipité.
- Avec le carbonate de soude, pas de précipité ; coloration
- pourpre.
- Avec l’eau de chaux, précipité immédiat en brun cramoisi ; la liqueur est colorée en rouge violacé. En chauffant le liquide filtré, il s’y produit un nouveau précipité rouge rose.
- Avec l’alun, rien immédiatement ; peu à peu précipité rouge vermillon, d’une nuance riche et vive; les eaux-mères sont jaune rougeâtre ; en ajoutant plus d’alun et ensuite du carbonate de soude ou de l’eau de chaux, on obtient un précipité rouge rose qui, desséché, est d’un rose assez beau et assez pur, surtout sous l’influence de la chaux.
- Avec l’acétate, l’hyposulfite-, le chlorhydrate d’alumine, réaction semblable; la précipitation de la laque rouge alumi-niqîie peut avoir lieu plus ou moins rapidement ; elle est favorisée par le concours de la chaleur, sa nuance dépend beaucoup des proportions employées et de la concentration des liqueurs.
- Avec le chlorure de chaux, décoloration, liqueur jaune, léger précipité floconneux.
- Avec un sulfate ferreux, précipité brun foncé; le liquide prend une teinte foncée.
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- Avec le chlorure ferrique, pas de précipité immédiat ; la liqueur prend une nuance jaune brun foncé; à la longue, il se produit un précipité brun noirâtre.
- Avec le chlorure stannique, précipité jaune orange ;
- Avec l’acétate de plomb, non en excès, précipité chamois ; la liqueur reste colorée en jaune rougeâtre. En ajoutant au liquide décanté une nouvelle quantité de réactif, il se forme un précipité jaune rosé ; les eaux-mères ne sont plus colorées qu’en jaune assez pâle; l’addition d’ammoniaque y détermine un précipité d’un assez beau rose.
- Avec le chlorure mercurique, précipité couleur de chair, liqueur jaune ; si l’on ajoute préalablement un peu d’acide chlorhydrique à la solution de sublimé corrosif, le précipité ne se forme pas immédiatement, mais, à la longue, il se dépose un précipité rouge orangé. Par l’addition d’eau bouillante, la majeure partie du précipité se redissout.
- Toutes ces réactions n’offrent qu’un intérêt secondaire pour l’histoire chimique des matières colorantes. Il n’en est pas de même de l’action de l’acide chlorhydrique étendu à 60° et à 100° dont il a été question en premier lieu. C’est là le fait capital des recherches de M. E. Kopp.
- Matières colorantes secondaires, peu ou point solubles dans F eau et provenant de la décomposition des substances précédentes. — Elles nous intéressent particulièrement, parce qu’elles représentent les véritables substances tinctoriales de la garance moulue et conservée quelque temps. Nous n’envisagerons pour le moment la question qu’au point de vue théorique. Une grande confusion a régné pendant longtemps dans les esprits, au sujet des matières colorantes proprement dites de la garance.
- Outre l’alizarine, dont l’existence a été mise hors de doute par Robiquet et Colin et par de nombreux travaux ultérieurs, les uns admettaient encore un ou plusieurs autres principes tinctoriaux distincts, tandis que d’autres ne voulaient voir dans ces produits que de l’alizarine plus ou moins
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- souillée de substances étrangères. Cette manière de voir trouvait un certain appui dans la facilité avec laquelle les caractères physiques, chimiques et tinctoriaux de l’alizarine sont modifiés et masqués par la présence de petites quantités de corps hétérogènes.
- Ainsi, pour ne citer qu’un fait en passant, tant que l’alizarine n’a pas été complètement débarrassée, par une ou deux sublimations d’une matière résineuse, grasse au toucher qui l’accompagne avec persistance, elle se dissout en brun foncé dans l’alcool et ne s’en sépare pas en cristaux bien nets, tandis que lorsqu’elle est tout à fait pure, elle se dissout en jaune orangé dans l’alcool bouillant et se dépose par refroidissement en longues et belles aiguilles.
- Les nombreuses matières colorantesindiquées parSchunck, comme dérivant du rubian, ne semblaient pas assez bien définies pour pouvoir être acceptées sans contestation.
- On s’accordait cependant assez généralement, depuis les travaux de MM. Persoz, Gauthier de Claubry, Runge et surtout de Debus, Wolff et Strecker, à admettre l’existence d’un second pigment rouge, la purpurine, différant de l’alizarine par la coloration pourpre qu’il communique à ses solutions alcalines, tandis que l’alizarine donne des liqueurs violettes bleutées.
- La question en était là, pendante et douteuse, lorsque M. E. Kopp ouvrit une nouvelle voie aux investigations. Par une méthode élégante et pratique, il dota l’industrie d’un procédé permettant d’extraire facilement de la garance d’Alsace un produit relativement très-pur, exempt d’aliza-rine et répondant aux caractères de la purpurine de Debus, Wolff et Strecker.
- L’analyse immédiate de ce produit (purpurine de MM. Schaaff et Lauth), opérée sur des quantités considérables' (1 kilogramme, représentant environ 60 kilogrammes de garance), nous a permis à M. H. Schiffert et à moi, de déterminer et d’étudier d’une manière complète : 1° la purpu-
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- rine ; 2° trois nouveaux principes cristallisables restés inaperçus jusqu’à présent ou indiqués d’une façon trop peu explicite.
- Les difficultés que nous avons éprouvées dans nos recherches, quoique travaillant sur une matière première très-concentrée, exempte de ligneux et de résine, nous ont démontré la presque impossibilité d’arriver à des résultats concordants en partant de la garance elle-même ; de là les nombreuses contradictions signalées chez les auteurs qui se sont occupés de cette question.
- Si la science éclaire souvent l’industrie, elle trouve aussi bien des fois dans les conquêtes de la pratique des moyens de progrès, sans lesquels elle aurait échoué dans ses investigations.
- Les matières colorantes dont l’existence nous paraît, à l’heure qu’il est, mise hors de doute, sont :
- 1° L’alizarine........ \ .
- 2° la purpurine Rouge ou rouge oranSé’ tei§nant les
- 3° La pseudopurpùrinê* I mordants d'alumi"e en rouge.
- 4° Une matière orange teignant en rouge les mordants d’alumine. 5° Une matière jaune (xanthopurpurine) distincte de la xanthine de M. Kuhlmann et teignant en jaune les mordants d’alumine.
- Ces corps sont bien définis et parfaitement cristallisables, avec des propriétés et des caractères de solubilité, ainsi qu’une composition distincts.
- Alizarine ou acide lizarique. — Elle a été découverte par Robiquet et Colin (1) en 1826.
- C’est la matière colorante la plus importante du produit commercial connu sous le nom de garance ; la seule parmi celles qui ont été déterminées, qui donne des teintes très-solides, susceptibles de résister aux opérations de l’avivage.
- (1) Robiquet et Colin, Annales dechimie et de physique, t. XXXIV, p. 225 [2].
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- J’ai puisé cette conviction dans l’étude directe de la matière colorante extraite de divers tissus teints en rouge d’An-drinople, en rouge, en rose de garance, en violet, et avivés. Elle représente à très-peu de chose près de l’alizarine, mélangée tout au plus à des traces de purpurine. Ce fait prouve péremptoirement l’existence de l’alizarine dans les produits tinctoriaux usités, tels que garance, fleur de garance, garan-cine, en démontrant que ce n’est pas un produit d’altération comme on l’a prétendu.
- Propriétés. — L’alizarine cristallise très-facilement, soit par voie de dissolution, soit par sublimation; ses cristaux offrent deux formes distinctes suivant qu’ils renferment ou non de l’eau de cristallisation.
- Les cristaux hydratés s’obtiennent par l’évaporation lente d’une solution éthérée, ils contiennent deux molécules d’eau pour la formule C10H6O3 (Wolff et Strecker) et présentent l’apparence de plaques ou d’écailles micacées d’un jaune doré, assez semblables à l’or massif. Une température de i00° centigrades suffit pour éliminer l’eau.
- Les cristaux anhydres sont des aiguilles brillantes, prismatiques, terminées par des biseaux aigus; elles sont longues et minces, d’une couleur rouge tirant plus ou moins sur le jaune, suivant leur épaisseur et les conditions dans lesquelles la cristallisation est effectuée. On produit les aiguilles anhydres : 1° par une sublimation dirigée lentement, à une température de 240° environ ; 2° par cristallisation dans l’alcool bouillant à 86° centésimaux ; l’alizarine doit être très-pure et avoir été sublimée une première fois pour que les cristaux soient beaux } 3° par cristallisation de ses solutions dans l’eau surchauffée à 250 ou 280°, ou mieux dans un mélange surchauffé de 9/10 d’eau et de 1/10 d’alcool.
- L’alizarine fond vers 215° et se sublime à une température de 215 à 240°, mais elle peut déjà se vaporiser et se condenser en cristaux à 100°, lorsqu’elle est maintenue longtemps à cette température. Un courant d’air ou de vapeur
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- d’eau favorise le phénomène. Ainsi, en séchant à l’étnve à 100° des filtres, pliés contenant un peu d’alizarine amorphe, on voit peu à peu la face externe du papier se couvrir d’un duvet de fines aiguilles brillantes.
- Pour sublimer l’alizarine avec avantage et sans en décomposer une trop forte proportion, il faut éviter d’opérer sur de grandes masses à la fois.
- La méthode qui m’a paru la plus pratique, consiste à étaler le produit (alizarine impure, extrait alcoolique de ga-rancine, ou toute autre substance riche en alizarine), au fond d’un petit creuset en porcelaine, de la contenance de 50 grammes. Quelques décigrammes de matière suffisent. On recouvre le creuset d’une feuille de papier Joseph et de son couvercle, et l’on chauffe au bain de sable, à 250°, le fond du creuset. Au bout d’une demi-heure, et après refroidissement, on trouvera tout l’intérieur du vase rempli d’un lacis de longues et belles aiguilles très-pures. Le fond du creuset offre un culot de charbon poreux et friable, presque insignifiant ou nul si l’on a opéré sur de l’alizarine pure; avec les extraits alcooliques ordinaires, le résidu de charbon est plus abondant, et l’alizarine sublimée peut être souillée de matières empyreumatiques, grasses au toucher. En employant une douzaine de creusets à la fois, on se procure aisément en un jour une dizaine de grammes d’alizarine cristallisée.
- On peut aussi, d’après les indications de M. Ed. Schwartz (1), étaler sur une feuille de papier à filtrer une couche de 1 millimètre d’extrait riche, et chauffer sur une plaque de tôle tenue à la main, au-dessus de quelques charbons. L’extrait fond, pénètre dans le papier, et bientôt il s’en dégage une fumée jaune, qui se condense à la surface du papier sous forme d’un duvet jaune, formé de fines aiguilles entrelacées. Cette méthode peut être très-commode pour une
- (1) Bulletins de la Soc. indust. de Mulhouse, t. XXVI, p. 342.
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- expérience de cours, mais elle ne donne qu’une quantité très-minime de produit; encore faut-il diriger avec soin l’action de la chaleur, de peur de chasser en fumée jaune les cristaux qui tendent à se former.
- La cristallisation dans l’eau surchauffée (1) observée par M. E. M. Plessy et moi, réussit le mieux dans un cylindre creux en cuivre rouge embouté, fermé par un bouchon métallique à vis et par une rondelle en plomb. On met dans le cylindre un extrait riche alcoolique de garancine, et on chauffe avec de l’eau pure ou de l’eau alcoolisée (1/10), à 280° environ. On laisse refroidir lentement ; en ouvrant on trouve le liquide rempli de belles et longues aiguilles, tandis que la résine reste au fond sous forme d’un culot noir solide ou demi-fluide. La surface du bain est quelquefois recouverte d’une légère couche de résine solide, facile à enlever en une fois avec une spatule.
- On pourrait croire que, dans ce cas, il y a plutôt sublimation que véritable dissolution, mais on devrait alors trouver des aiguilles au-dessus du niveau du liquide, ce qui n’a jamais lieu et l’addition de 1/10 d’alcool ne favoriserait pas le phénomène d’une manière apparente.
- La couleur de l’alizarine est très-variable. Elle est tantôt rouge assez foncé, ordinairement rouge orangé, mais elle peut aussi tirer au jaune, surtout après cristallisation dans un liquide acide, comme l’acide acétique anhydre ou l’acide acétique monohydraté.
- L’eau pure ne dissout à froid qu’une quantité insignifiante d’alizarine, elle prend néanmoins une teinte jaunâtre qui vire à l’orange ou au rouge, si elle renferme des traces de substances alcalines.
- D’après les déterminations que nous avons faites, M. Plessy et moi, 100 grammes d’eau dissolvent :
- (1) Bull, de la Soc. indust., t. XXVII, p. 305, et Comptes rendus de l'Académie des sciences, t. XLIII, p. 107.
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- A 100° centigrades A lb0° —
- A 200° —
- A 22b° —
- A 250° —
- 0gr,034 d’alizarine. 0gr,035 —
- 0gr,820 —
- lgr,700 —
- 3gr,t60 —
- Ces nombres ne sont qu’approximatifs, mais ils démontrent que jusqu’à 200 degrés la solubilité croît très-lentement et beaucoup plus rapidement lorsqu’on approche des limites de volatilisation de l’alizarine.
- La solubilité de l’alizarine dans l’alcool n’est pas exactement déterminée. A la température ordinaire elle n’est pas considérable, quoique plus grande que dans l’eau. Les solutions alcooliques faites à l’ébullition sont jaune orange, si le produit est pur, et laissent déposer l’alizarine sous forme de fines et longues aiguilles.
- L’alizarine se dissout facilement, surtout à chaud, dans l’éther, l’esprit-de-bois, la benzine, les huiles de goudron, l’huile de naphte et de pétrole, l’essence de térébenthine, le sulfure de carbone, la glycérine, le chloroforme, les acides acétiques anhydre, monohydraté et même étendu à 8° Baumé.
- Quelques-uns de ces liquides, saturés à chaud, laissent déposer l’alizarine cristallisée, par refroidissement.
- L’alizarine est insoluble à froid dans les solutions d’alun; à chaud il s’en dissout une certaine quantité qui se sépare de nouveau à la température ordinaire.
- L’acide sulfurique concentré dissout l’alizarine sans l’altérer, l’eau reprécipite la matière colorante non modifiée, en flocons jaune orange. On peut même porter le liquide à 200° sans déterminer de réaction.
- Composition. — Les auteurs qui ont étudié l’alizarine ont proposé chacun une formule différente cadrant avec les résultats de leurs analyses et avec leurs idées théoriques sur les produits de la garance.
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- Ainsi, Robiquet et Colin traduisent leurs nombres par l’expression : C37H24010.
- Schunck propose. ........... C14H10O4
- Debus — ....'...... C30H20O9
- Rochleder — ........... C60H38O19
- Laurent fait remarquer avec raison qu’il convient de donner à l’alizarine une formule qui permet d’expliquer rationnellement ses transformations en acides phtalique et oxalique, par les agents oxydants. Partant de cette idée, Wolff et Strecker ont donné à l’alizarine la formule :
- C10H6O3,
- qui renferme la même quantité de carbone que la naphtaline ; c’est l’expression la plus généralement admise; elle s’appuie en outre sur l’identité présumée entre l’acide oxynaphtalique et l’alizarine. En effet, l’acide chloroxy-naphtalique C10H5C103 de Laurent possède quelques propriétés tinctoriales qui ont pu faire penser qu’en substituant un atome d’hydrogène au chlore, on arriverait à la synthèse artificielle delà matière colorante de la garance. M. Bolley fait remarquer que les analyses de Schunck et de Debus donnent plus d’hydrogène que ne le comporte le calcul de la formule C10H6O3 et propose l’expression Cl0H703 ou mieux G20H1306 qui n’est pas admissible à cause de l’hydrogène impair.
- Nos propres analyses faites avec des produits très-purs et cristallisés plusieurs fois dans l’alcool ou l’eau surchauffée, après une ou deux sublimations préalables, cadrent le mieux avec la formule de Wolff et Strecker
- C10H6O3.
- Reste à savoir si cette expression représente le véritable poids moléculaire de la substance, ou s’il convient de la
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- doubler et de l’écVire 2C10H1603 = C20H1206. Les considé rations suivantes plaident en faveur de cette dernière opinion.
- Par ses caractères et ses propriétés tinctoriales, l’alizarine se rapproche tellement de la purpurine, qu’on a pu confondre dans quelques cas ces deux corps ; or, sans aucun doute (voir plus loin), la composition de la purpurine est représentée par q2»h1207. Il est assez naturel de supposer que l’alizarine renferme la môme quantité de carbone que la purpurine. En l’écrivant G20Hl2O6, elle n’en différerait que par un atome d’oxygène en moins, et ce rapport de parenté expliquerait très-bien la grande analogie de ces deux corps.
- D’un autre côté, j’ai obtenu, par l’action du chlorure de benzoïle sur l’alizarine, un dérivé benzoïque dont l’analyse conduit à la formule non dédoublable C20H9(G7H50)306,ali-zarine tribenzoïque. Les analyses de différents alizarates (de chaux, de baryte, etc.), faites par Debus, Wolff et Strecker, tendent également à faire de l’alizarine un acide ou un phénol triatomique, de formule :
- C20RlîO8, les sels étant C*°H9M306.
- Enfin,la raison principale qui a fait adopter l’expression plus simple C10H603, c’est-à-dire l’identité présumée entre l’alizarine et l’acide oxynaphtalique, n’existe plus. On a, en effet, préparé ce dernier corps, et il ne possède aucun des caractères de la matière colorante de la garance.
- Dérivés de l'alizarine. — Ce corps se comporte comme un acide faible, susceptible de se combiner aux bases. Avec les alcalis il forme des sels très-solubles dans l’eau, moins solubles dans l’alcool fort, insolubles dans l’éther. La teinte des solutions aqueuses des alizarates alcalins est d’un très-beau violet bleuté. On obtient facilement un alizarate de soude cristallisé, en ajoutant une solution alcoolique de soude a de l’alizarine en suspension dans l’alcool et en ver-
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- sant une couche d’éther sur le mélange. Le tout étant conservé dans un vase fermé et dans un endroit tranquille, l’éther se mélange peu à peu et l’alizarate se sépare sous forme de fines aiguilles cristallines. Les terres alcalines et les oxydes métalliques donnent des combinaisons insolubles, diversement colorées, soit en violet, soit en rouge, soit en noir. On leur donne le nom de laques; les laques d’alumine sont rouges ou roses, celles de peroxyde de fer sont violettes ou noires.
- La composition de ces sels est encore peu connue. MM.Wolff et Strecker ont analysé les précipités obtenus par les chlorures de baryum ou de calcium, avec une solution ammoniacale d’alizarine, et leur assignent les formules
- C40H18Ba„3Ot! -L 6H20 - C40H18Ca„3O12 -f 6H*0.
- N. B. La formule de l’alizarine se double ici par suite de l’introduction de trois atomes d’un métal diatomique.
- En saturant une solution alcoolique d’alizarine par l’eau de baryte, et en enlevant l’excès de baryte par des lavages faits à l’abri de l’air, puis l’excès d’alizarine par de l’alcool bouillant, ces chimistes ont obtenu une première fois un composé de formule C20H10Ba„O6 + 2H20, et une autre fois un composé de formule C40Hl8Ba3„O12-|-6H2O; ce dernier sel perd 3 molécules d’eau à 120°.
- En dissolvant l’alizarine dans l’ammoniaque et en chassant l’excès d’ammoniaque par l’évaporation, puis en précipitant par le chlorure de haryum, on a obtenu un sel qui renferme les éléments de 3 molécules d’alizarine 3(G20H1206) et de 2 molécules d’oxyde de baryum 2(Ba„0).
- Le composéplombique de Schunck contient C40H18Pb3 „012 + H20.
- Il conviendrait de reprendre toute cette étude des aliza-rates ; cependant les faits signalés sont plutôt en faveur de la formule double C20H12O6.
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- Les carbonates, phosphates, pyrophosphates, borates, silicates, oléates et carbonates alcalins, et en général tous les sels qui exercent sur le papier de tournesol une réaction alcaline, dissolvent l’alizarine, surtout à chaud, avec une coloration rouge viqlacé.
- Action de Vammoniaque.— L’ammoniaque caustique, en solution aqueuse, exerce sur l’alizarine une action remarquable et qui rappelle ce qui se passe avec l’acide carminique.
- Elle commence par la dissoudre avec une coloration bleu violacé caractéristique, et les acides reprécipitent l’alizarine intacte en flocons jaune-orange; mais si l’on maintient la solution à une température de 100° centigrades, en vase clos, pendant quelques heures (12), ou bien encore, si on la conserve quelques semaines à la température ordinaire, les acides ne précipitent plus qu’une masse floconneuse d’un violet très-foncé, renfermant les éléments de l’alizarine et de l’ammoniaque, combinés d’une manière plus stable que dans l’alizarate d’ammoniaque primitif, puisque les acides forts, comme l’acide chlorhydrique, n’en déterminent plus la séparation.
- Ce dérivé, auquel j’ai donné le nom d’alizaramide ou d’ali-zaréine (1), se forme à l’abri de l’air et sans le concours de l’oxygène. Il est violet rougeâtre en pâte humide, et presque noir à l’état sec. Il est sensiblement soluble dans l’eau bouillante, soluble à froid dans l’alcool même étendu qu’il colore en beau rouge violacé, soluble dans l’éther. L’alizaramide se dépose par l’évaporation spontanée de ses solutions alcooliques, sous forme d’une poudre cristalline. Chauffée sur une lame de platine, elle brûle sans donner de sublimé. Par l’ébullition avec les alcalis caustiques elle dégage de l’ammoniaque ; à froid, la chaux éteinte ne développe pas d’ammoniaque. Elle teint les tissus mordancés en couleurs qui rappellent celles de la garance, mais elles sont moins fournies et ont une nuance violacé pâle.
- (I) Bulletins de la Soc. ind. de Mu/ht. XXXI, p. 503.
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- TRAITÉ DUS MATIÈRES COLORANTES.
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- La laine se teint sans mordant, en lilas sale.
- Mes analyses d’alizaramide conduisent à la formule
- C20H12OG.AzH3.
- Dérivé éthylique (1 ). — L’alizarate de soude cristallisé taant chauffé en vase clos, à 120°, avec de l’iodure d’éthyle, donne un dérivé éthylique jaune clair, insoluble dans l’eau,
- soluble dans l’alcool, qui semble avoir pour formule
- C20H9(C2Hs)3O6.
- Calculé. Trouvé.
- Carbone................. 72,2 71,4
- Hydrogène............... S,5 S,S
- Dérivé benzoïque. — Le chlorure de benzoïle réagit à
- 190° sur l’alizarine, avec dégagement d’acide chlorhydrique. Tl se forme un composé jaune, insoluble dans l’eau, soluble et cristallisable dans l’alcool, insoluble à froid dans l’ammoniaque et les alcalis caustiques, mais saponifiable par l’ébullition. Il se reproduit du benzoate et de l’alizarate alcalin.
- Sa composition est représentée par la formule Cî0H9(C7HsO)«O6.
- Calculé. Trouvé.
- Carbone................ 74,54 74,88
- Hydrogène.......... 3,03 3,88
- Agents oxydants. —* L’alizarine est assez sensible à l’in-
- fluence des oxydants ; l’acide nitrique, le perchlorure de fei* la convertissent en acides phtalique et oxalique , comme te montre l’équation
- C20Hl2O6 + H402 — 2C-H204 + 2C8H60’*
- Ac. oxalique. Ac. phtalique.
- (i) Bulletins de ta Soc. chimique de Paris, 2e strie, t. IV, p. 12
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- GARANCE.
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- Agents réducteurs. — L’action des agents réducteurs sur l’alizarine n’est pas étudiée : tout ce que l’on peut dire, c est qu’elle peut être réduite.
- Ainsi, en chauffant une solution alcaline d’alizarine avec, de l’aldéhyde, le liquide passe du violet à l’orange, et les acides en séparent des flocons jaunes. L’hydrogène naissant décolore jusqu’à un certain point les solutions d’alizarine.
- Préparation. — La préparation de l’alizarine pure est une opération longue et ennuyeuse, lorsqu’il s’agit d’en obtenir des quantités un peu notables.
- Les méthodes indiquées par Robiquet, Runge, Debus, Schunck, Wolffet Strecker, Higgin, etc., sont très-pénibles et ne donnent qu’une proportion minime de produit, comparativement à ce que l’on peut extraire de la garance. Elles ont, du reste, été inspirées à leurs auteurs par l’idée d’éviter l’emploi de tout agent capable de modifier les principes immédiats, et de démontrer parla la préexistence de l’alizarine dans la garance. Maintenant que le doute n’est plus possible à cet égard, ces procédés n’ont plus qu’un intérêt historique, et le chimiste, désireux de se procurer de l’alizarine, saura choisir des voies plus rapides.
- D’après cela, nous donnerons en note les procédés cités plus haut, et nous nous contenterons de détailler ceux qui offrent le plus d’avantages.
- Procédé de Robiquet et Colin (1). — La méthode par laquelle ces chimistes ont obtenu pour la première lois l’alizarine pure, consiste à épuiser par l’alcool absolu et bouillant la gelée pectique bien lavée à l’eau, formée spontanément dans une infusion froide de garance d’Alsace.Les teintures alcooliques fortement concentrées et acidulées par de l’acide chlorhydrique sont versées dans de l’eau. 11 se forme un abondant précipité jaune fauve, qu’on lave par décantation ; il est ensuite filtré et séché. Le résidu se présente avec l’apparence d’une poudre couleur tabac d’Espagne. Celle-ci fournit des cristaux d alizarine, soit par la sublimation lente, soit par dissolution dans
- (l) Annales de chimie et de physique [2], t. XXXIX, p. 225.
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- l’éther, qui abandonne l’alizarine en plaques minces, d’un jaune dore, et en petites aiguilles brillantes.
- Si, au lieu de préparer la gelée avec de l’eau à 15 ou 20°, on emploie de l’eau à 4°, son extrait alcoolique ne fournira à la sublimation que très-peu d’alizarine d’un ton sale.
- Procédé de Ronge (1). — Runge épuise la garance bien lavée à l’eau froide, par une solution bouillante d’alun (12 parties d’alun pour 70 parties d’eau et 4 parties de garance sèche). Les liquides filtrés bouillants abandonnent, en se refroidissant, l’alizarine encore impure. Ce dépôt est chauffé à plusieurs reprises avec de l’acide chlorhydrique, afin d’enlever l’alumine. Le résidu est dissous dans l’alcool bouillant ; la solution filtrée est évaporée jusqu’à pellicule; elle fournit l’alizarine sous forme d’une poudre jaune-orangé; on lave à l’alcool froid, on fait bouillir avec de l’alun afin d’enlever les dernières traces de purpurine; enfin on fait cristalliser le produit dans l’éther.
- Procédé de Debus (2). — Ce chimiste prescrit d’opérer sur la décoction aqueuse de la garance de Hollande. Il en sépare les principes colorants par l’hydrate de plomb qui s’en empare à chaud. La combinaison est traitée par l’acide sulfurique, et le mélange de sulfate de plomb et de matière colorante est lavé, puis épuisé par l’alcool. La teinture alcoolique est agitée et bouillie avec de l’oxyde de zinc qui s’empare de l’alizarine. La combinaison zincique est décomposée par l’acide sulfurique, et la matière colorante est enlevée par l’éther. On répète plusieurs fois le traitement à l’oxyde de zinc; enfin les matières colorantes, séparées une dernière fois par l’acide sulfurique, sont traitées par l’alun bouillant. Par le refroidissement, l’alizarine se sépare, tandis que la purpurine reste en solution.
- Procédé de ïïiggjn (3). — Il précipite par un acide l’infusion aqueuse de garance. Le précipité lavé est digéré avec son poids de craie, et le mélange est épuisé par l’eau bouillante. L’alizarine reste insoluble sous forme de combinaison calcaire. Celle-ci est décomposée par l’acide chlorhydrique, et la matière colorante est cristallisée dans l’alcool.
- Procédé Schdnck (4). — Le rubian est décomposé par une ébulli-
- (1) Journ. fur prakt. Chem., V, 363.
- (2) Ann. der Chem, und PharmLXVI, 351.
- (3) Journ. fur prakt. Chem., XLV1, 1.
- (4) Am. der Chem, und Pharm., LXXX1, 336, LXXXV1I, 344, LXVI, 175.
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- GARANCE.
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- tion suffisamment prolongée avec l’acide chlorhydrique. Les flocons oranges qui se séparent sont traités par l’alcool bouillant. Par le refroidissement il se dépose des cristaux jaunes de rubianinc ; l’eau mère est additionnée d’acétate d’alumine. Le précipité formé est lavé à l’alcool, décomposé par l’acide chlorhydrique. Les flocons sont redissous dans l’alcool; on ajoute de l’acétate de cuivre pour précipiter une résine (vérantine); enfin on précipite l'aliza-rine par l’acide chlorhydrique, et on la purifie par des cristallisations répétées dans l’alcool. On peut aussi dissoudre dans l’alcool les flocons orangés, séparés pendant la décomposition du rubian ; faire digérer le liquide avec de l’hydrate d’alumine; laver lalaque avec du carbonate de soude, la décomposer par racidechlorhy-drique et faire cristalliser.
- Le rubian peut se remplacer avec avantage, au point de vue économique, par une décoction aqueuse de garance.
- Procédé de Rochleder (1). — Rochleder précipite par l’acétate neutre de plomb une décoction aqueuse de garance du Levant. Le précipité violet est lavé et mis en suspension dans,l'eau, puis décomposé par l’hydrogène sulfuré. On filtre et on lave le sulfure de plomb qui retient l’alizarine, la purpurine et une matière jaune. On épuise le sulfure par l’alcool. La solution jaune foncé est précipitée par l’eau. Les flocons desséchés sont lavés à l’éther froid, puis dissous dans l’éther bouillant, qui abandonne l’alizarine par évaporation spontanée sous forme de feuillets brillants orangés.
- Procédé de Woeff et Strecker (2). — Une décoction aqueuse de garance d’Avignon est précipitée par l’acide sulfurique. Le précipité lavé et encore humide est bouilli avec une solution concentrée de chlorure d’aluminium. Les matières colorantes se dissolvent, tandis qu’il reste des matières brunes insolubles. L’acide chlorhydrique détermine dans le liquide filtré un dépôt floconneux, quelquefois cristallin, formé d’alizarine et de purpurine. Le précipité est dissous dans l’alcool, et le liquide est digéré avec de l’hydrate d’alumine.
- L'oxyde métallique s’empare des matières colorantes. La laque est bouillie avec une solution concentrée de carbonate de soude. La purpurine se dissout en rouge foncé ; l’alizarine reste combinée a 1 alumine. Cette dernière laque est décomposée par l’acide chlorhydrique; l’alizarine, devenue libre, est lavée et cristallisée plusieurs fois dans l’alcool.
- (1) Journ. fur prakt. Chem., LV, 385, LVI, 85»
- (2) Ann. der Chem. undPharmLXXV, I.
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- 1-2 0 TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- De tous ces procédés, le meil leur est, sans aucun doute, celui de Runge,
- Pour se procurer le plus rapidement possible del’alizarine pure, il faut, avant tout, disposer d’un extrait de garance convenable, riche en alizarine. Les plus avantageux sont : les extraits alcooliques ou méthyliques de bonnes et fortes garancines d’Avignon. Ces extraits se préparent facilement au moyen d’un appareil d’épuisement continu. Lorsque les solutions alcooliques sont suffisamment concentrées, elles déposent, en se refroidissant, des grains rouges qu’il convient de séparer d’une résine fluide qui se dépose après addition d’eau. Ces grains sont très-propres à la préparation de l’alizarine.
- On emploie aussi avec succès l’alizarine jaune du commerce, obtenue par le traitement industriel de l’alizarine verte (voir plus loin) ; ou bien encore la matière colorante extraite d’un tissu teint en rouge d’Andrinople et avivé. A cet effet, quelques mètres de rouge turc sont découpés en lanières et épuisés par de l’alcool à 85° centésimaux, additionné d’une quantité suffisante d’acide sulfurique. On dissout simultanément la graisse, l’alumine et la matière colorante. En saturant exactement par l’ammoniaque, il se précipite des cristaux blancs, formés d’un mélange d’alun ammoniacal et de sulfate d’ammoniaque. Le liquide filtré et concentré est précipité par l’eau ; on obtient ainsi un mélange de graisse et de matière colorante. On dessèche et on épuise à froid par le sulfure de carbone. La matière grasse est ainsi promptement éliminée ; ce qui reste représente de l’alizarine presque pure.
- Tous ces produits se purifient facilement, soit par sublimation dans un creuset en porcelaine, soit par cristallisation dans l’eau surchauffée ou dans un mélange surchauffé d’eau et d’alcool (1/10 d’alcool).
- La matière colorante du rouge turc est si pure qu’elle se
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- sublime presque sans déchet; il n’en est pas de même des autres extraits mentionnés plus haut. Moins ils sont riches et plus il reste de charbon ; l’alizarine est en outre souillée de matières empyreumatiques, dont on la débarrasse par un lavage à l’alcool froid et par une cristallisation dans l’alcool bouillant (pour les détails, voir les moyens de faire cristalliser l’alizarine).
- Usages de l'alizarine. —En raison de ses tendances acides et de la propriété de s’unir à divers oxydes pour donner des laques colorées, notamment avec l’alumine et l’oxyde de fer, l’alizarine entre dans la composition des couleurs garancées et des laques de garance.
- Elle teint les mordants d’alumine en rouge et en rose, ces nuances sont très-solides à la lumière, résistent au savon bouillant et à un passage en acide nitrique étendu. Après ces passages, dont l’ensemble constitue l’avivage des tissus garancés, les couleurs fournies par l’alizarine offrent une teinte rouge très-vive, ou rose légèrement bleuté. Les mordants de fer se teignent en noir ou en violet également solide.
- L’alizarine pure a un pouvoir tinctorial égal à environ quatre-vingt-dix fois celui d’une bonne garance. Pour réussir les teintures avec l’alizarine cristallisée, il convient de la broyer au mortier avec un peu d’alcool et de verser le tout dans l’eau pure à laquelle on ajoutera une petite quantité de craie.
- Ce n’est que vers 70 à 80° que l’alizarine commence à se dissoudre sensiblement dans l’eau, aussi n’observe-t-on aucune teinture avant ce degré. Pour épuiser ce bain, il convient : 1° de ne pas employer une trop forte proportion d’eau (pour 0,15 gr. d’alizarine, 250 centim. cubes) ; 2° de maintenir le liquide au bain-marie à une température voisine de 1 ébullition et de le concentrer presque jusqu’à siccité, en présence de l’échantillon. C’est à ces conditions seulement que 1 on peut évaluer rigoureusement le pouvoir tinctorial de l’alizarine.
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- D’après mes expériences, ce qui reste sur le tissu teint en garance pour rouge, rose, violet et pour rouge turc, après les opérations de l’avivage, représente une laque d’alizarine avec des traces seulement de purpurine. On peut en conclure que l’alizarine est la matière colorante la plus importante de la garance, comme nous l’avons annoncé en tête de son histoire.
- PURPURINE.
- Les premières indications relatives à une matière colorante rouge, différente de l’alizarine, se retrouvent dans un mémoire adressé à la Société industrielle par Robiquet et Colin (1828) et dans les travaux de MM. Persoz et Gauthier de Glaubry,
- Les premiers isolent leur purpurine, en traitant la garance d'Avignon par l’acide sulfurique concentré, tout en évitant une trop forte élévation de température. Le charbon sulfurique obtenu est bien lavé à l’eau, puis bouilli avec une solution d’alun, contenant 12 parties d’alun pour 100 parties d’eau, pendant un quart d’heure. On filtre houillant. Le liquide, additionné d’une partie d’acide sulfurique, laisse déposer, par refroidissement, des flocons rouges et des cristaux d’alun. On recueille les flocons sur un filtre, après les avoir mis en suspension par agitation, et on lave à l’eau pure.
- La dose d’acide sulfurique nécessaire à la formation du charbon sulfurique doit varier suivant l’espèce de garance et suivant sa masse. Ainsi, avec la garance d’Alsace, il suffit d’employer 1/2 partie si l’on opère sur 1 kilogramme ; tandis qu’il en faut 3 à 4 parties, en n’employant que 25 à 30 grammes de poudre. Le résultat à atteindre est de détruire les matières mucilagineuses qui rendraient les lavages difficiles. Il est évident qu’il serait préférable d’agir sur la garance préalablement lavée à l’eau.
- La purpurine de Robiquet contient encore de l’alizarine, mais elle s’en distingue par une plus grande solubilité
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- GARANCE.
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- dans l’alun, auquel elle communique une belle teinte rose.
- On peut aussi, d’après ces chimistes, traiter la garance lavée, par l’alun bouillant et précipiter la décoction par l’acide sulfurique. 90 parties de garance lavée ont donné ainsi à M. D. Koechlin 4,5 parties de purpurine.
- MM. Gauthier de Claubry et Persoz délayent la garance dans de l’eau de manière à former une bouillie, et ajoutent 90 grammes d’acide sulfurique par kilogramme de poudre. Le mélange est porté à l’ébullition par un courant de vapeur. On recueille ensuite la garance sur un filtre et on la lave. Le résidu est épuisé, d’abord par le carbonate de soude auquel il cède le principe rouge ou alizarine (?), puis par l’alun bouillant. La liqueur alumineuse additionnée d’acide sulfurique donne des flocons orangés qui, lavés et traités par l’alcool et l’éther, ont fourni dans ce véhicule des aiguilles cristallines d’environ 1 centimètre de longueur. Ce produit a été appelé, par MM. Persoz et Gauthier de Claubry, la matière rose de la garance. Elle se distingue de la matière rouge par sa facile solubilité dans l’alun et par son insolubilité dans le chlorure stanneux.
- Runge et Debus font bouillir la garance lavée avec de l’alun. Le liquide filtré est abandonné à lui-même, afin quel’a-lizarine entrée en dissolution puisse se déposer. On filtre une seconde fois et on précipite le liquide rose par l’acide sulfurique. Les flocons qui se séparent sont lavés, bouillis avec de l’acide chlorhydrique étendu et dissous à chaud dans l’alcool à 85° centésimaux. Par refroidissement, il se dépose des cristaux qu’on purifie par plusieurs cristallisations dans l’alcool et l’éther.
- Wolffet Strecker opèrent de même en employant de la garance fermentée et lavée. Dans ce traitement, ces chimistes n ont pas obtenu trace d’alizarine, et ils en conclurent que, par la fermentation, l’alizarine se change en purpurine. Ce dernier fait n’est pas exact.
- Ils proposent encore, comme un bon moyen de séparer
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- 124 TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- l’alizarine de la purpurine, de combiner les deux matières colorantes mélangées avec de l’hydrate d’alumine, et de faire bouillir la laque avec une solution de. carbonate de soude, qui dissout la purpurine. Ainsi, par exemple, on précipite par l’acide sulfurique la décoction aqueuse de garance d’Avignon ; le précipité est bouilli avec une solution concentrée de chlorure d’aluminium*, les matières colorantes dissoutes sont précipitées par l’acide chlorhydrique, lavées et bouillies avec de l’hydrate d’alumine ; on continue comme il a été dit plus haut.
- De toutes les méthodes proposées pour préparer de la purpurine pure, exempte d’alizarine, la plus pratique et la plus élégante est celle deM. E. Kopp. MM. Schaaff et Lauth fabriquent industriellement, d’après ses indications, un produit connu dans le commerce sous le nom de purpurine. Cette matière, si elle ne représente pas de la purpurine pure, permet au moins de s’en procurer avec la plus grande facilité.
- C’est grâce à cette substance que nous avons pu, M. Schif-fert et moi, étudier la purpurine et déterminer exactement sa composition (1). Nous nous sommes convaincus ainsi : 1° que la purpurine existe bien réellement comme espèce chimique et n’est pas, comme l’a dit Schunck, de l’alizarine souillée d’une matière étrangère ; 2° que les caractères assignés à cette substance par Runge, Debus et surtout par Wolffet Strecker, sont exacts et bien observés.
- En disposant d’une plus grande quantité de matière, nous sommes arrivés à un produit plus pur ; aussi nos analyses, bien que ne différant pas beaucoup de celles de Wolff et Strecker, nous ont-elles conduits à une formule différente.
- La purpurine commerciale se prépare en filtrant, lavant et séchant les flocons rouges qui se séparent lorsqu’on chauffe à 60°, avec 2 à 3 p. 100 d’acide chlorhydrique, la solution sulfureuse de la garance d’Alsace.
- (I) Bulletins de la Société industrielle de Mulhouse, XXXIV, 70.
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- L’analyse immédiate de ce produit, laite avec l’emploi exclusif de dissolvants neutres, nous a permis d’isoler : deux principes rouges (purpurine proprement dite et pseudopurpurine), un principe orange, un principe jaune; tous les quatre sous forme de cristaux et avec des caractères dif-. férentiels et une composition bien définis.
- Pour les séparer, nous avons traité 500 grammes de pur- • purine brute par de l’alcool à 85° centésimaux et à 50° centigrades. Les premières teintures ont une couleur brune très-foncée et sont assez chargées de matières colorantes ; les suivantes sont rougeâtres et ne renferment que très-peu de produit dissous. La plus grande partie de la masse reste insoluble.
- La solution alcoolique, en se refroidissant, laisse déposer une petite quantité de fines aiguilles de purpurine encore impure ; on les sépare par filtration et on concentre assez fortement l’eau mère. Par le refroidissement, elle se prend en une masse de grumeaux caséeux cristallins et mous. Ceux-ci, exprimés et redissous dans peu d’alcool tiède, fournissent, après une nouvelle cristallisation, la matière orange presque, pure. L’eau mère, exprimée de la masse caséeuse, est évaporée à sec, le résidu est traité par la benzine rectifiée qui s’empare d’une petite quantité de substance jaune, en laissant de la matière orange insoluble. La solution benzini-que est évaporée à sec, le résidu est repris par l’alcool froid ; enfin la solution alcoolique jaune est concentrée et versée dans de l’eau acidulée avec de l’acide chlorhydrique. La matière jaune se précipite alors en flocons qu’on fait cristalliser dans l’alcool, la benzine ou l’éther.
- La partie de la purpurine brute, insoluble ou peu soluble dans l’alcool tiède, représente environ les 9/10 de la masse totale. Nous l’avons fait bouillir avec de l’alcool fort. Les premières solutions déposent par refroidissement des aiguilles i ourtes et fines de purpurine proprement dite, que deux 0u ^ro^s cristallisations dans l’alcool permettent d’obtenir
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- parfaitement pure. Lorsque les teintures alcooliques bouillantes refusent de cristalliser, il reste encore une masse pulvérulente rouge brique, qui représente à peu près les trois quarts de la masse totale. On le dessèche et on le traite un grand nombre de fois par de la benzine bouillante, en filtrant à chaud. La solution orange passe très-vite à travers le ‘papier et se prend presqu’en masse après refroidissement, par suite d’un dépôt feutré de fines aiguilles, qui se réduit à peu de chose par l’expression. Le produit cristallisé des premiers épuisements à la benzine contient encore de la purpurine, tandis que les suivants se composent exclusivement de pseudo-purpurine. En répétant l’ébullition avec la benzine, on finit par tout dissoudre, sauf un léger résidu noir.
- La séparation des quatre pigments est fondée, on le voit, sur les différences de solubilité qu’ils présentent dans l’alcool et la benzine.
- Le jaune et l’orange sont très-solubles dans l’alcool tiède, la purpurine et la pseudopurpurine le sont fort peu.
- Le jaune est soluble dans la benzine, l’orange ne l’est pas.
- La purpurine se dissout assez bien dans l’alcool bouillant et cristallise par refroidissement, la pseudopurpurine est peu soluble dans l’alcool bouillant.
- La matière jaune, que nous appelons xanthopurpurine, est bien distincte de la xanthine de Kuhlmann ; elle ne se trouve du reste qu’en faible proportion dans la purpurine du commerce, car 500 grammes n’en ont pas donné plus d’un gramme. L’orange et la purpurine s’y rencontrent à peu près en proportions égales et constituent ensemble 1/4 de la masse totale, le reste est formé de pseudopurpurine.
- Si l’on ne vise qu’à préparer la purpurine on trouve plus d’avantage à sublimer dans de petits creusets en porcelaine, couverts d’une feuille de papier à filtre, le produit commercial étalé au fond en couches minces, et en chauffant au bain
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- de sable. La purpurine seule se sublime avec production d’un culot volumineux de charbon.
- Pendant cette sublimation la pseudopurpurine et la matière orange se décomposent en se convertissant partiellement en purpurine. On peut aussi chauffer à 200°, avec de l’alcool dans des tubes scellés, la purpurine commerciale préalablement lavée à l’alcool tiède.
- On trouvera le produit converti presque entièrement en longues et belles aiguilles de purpurine, avec un dépôt pulvérulent noir.
- Ici encore la pseudopurpurine' se change en purpurine.
- La relation de composition qui existe entre les deux corps permet d’expliquer facilement cette transformation.
- Caractères de la purpurine. — Sa teinte est plus rouge que celle de l’alizarine. Elle se sublime vers 250° avec décomposition partielle très-prononcée et formation d’un résidu charbonneux. Les cristaux ont toujours la forme de belles barbes de plume ; l’alizarine affecte aussi quelquefois cette apparence, mais plus ordinairement elle est en aiguilles.
- La purpurine sublimée dissoute dans l’alcool bouillant se dépose par le refroidissement en belles aiguilles rouges un peu orangées, ayant plus d’un centimètre de longueur.
- Nous avons remis àM. Dumas et à M. Wurtz des échantillons obtenus ainsi.
- Avant la sublimation, la purpurine ne cristallise dans l’alcool qu’en très-petites aiguilles groupées, et cependant 1 analyse ne révèle aucune différence entre ces deux produits.
- La purpurine est un peu plus soluble dans l’eau et 1 alcool bouillants que l’alizarine ; elle se dissout du reste dans les mêmes véhicules. (Éther, benzine, glycérine; acides sulfurique concentré, acétique anhydre et monohy-draté, etc.).
- Composition de la purpurine. — Wolff et Strecker don-
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- nent à la purpurine sèche la formule G9HeO;{, adoptée jusqu’à présent.
- Calculé. Trouvé par Debus.
- Carbone............ 66,67 66,38
- Hydrogène.......... 3,70 3,87
- Nos analyses faites avec un produit très-pur, cristallisé en longues et belles aiguilles, ont donné comme moyenne de sept déterminations concordantes, exécutées sur des purpurines de diverses origines, des nombres conduisant à la formule
- C20H12O7.
- Calculé. Trouvé en moyenne.
- Carbone............... 6o,93 63,85
- Hydrogène............. 3,29 3,30
- Les alcalis (potasse, soude et ammoniaque) la dissolvent avec une coloration rouge pourprée, caractéristique et bien distincte de la nuance presque bleue des solutions alcalines d’alizarine. On peut, de cette manière, reconnaître 1/10 d’a-lizarine mélangée à la purpurine, la liqueur alcaline suffisamment étendue présentera dans ce cas une teinte violacée très-sensible.
- Les carbonates alcalins et en général les sels à réaction alcaline dissolvent la purpurine avec une teinte rouge. L’alun la dissout plus facilement que l’alizarine et la liqueur rouge ne dépose pas par refroidissement. Les laques d’alumine et de purpurine cèdent leur matière colorante à une solution bouillante de carbonate de soude. Sur ces deux caractères étaient fondés, pendant longtemps, les seuls moyens de séparation de l’alizarine et de la purpurine.
- Les combinaisons de la purpurine avec les bases se rapprochent beaucoup de celles de l’alizarine. Les sels alcalins sont très-solubles dans l’eau, les sels alcalino-terreux, terreux et métalliques, sont insolubles. Les premiers sont rouges en solution et très-foncés, presque noirs à l’état sec.
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- GARANCE.
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- On obtient facilement du purpurinate de soude cristallisé en belles aiguilles, en saturant, par une solution alcoolique de soude, de la purpurine mise en suspension dans l’alcool, et en ajoutant au besoin un peu d’éther. La laque d’alumine est franchement rouge, sans reflets bleutés; celle de fer est noire ou violette.
- La composition des sels de purpurine est encore à déterminer.
- Action de /’ammoniaque. — Lorsqu’on ajoute de l’acide chlorhydrique à une solution ammoniacale récente de purpurine, la matière colorante se précipite intacte, en flocons d’un jaune orange ; mais si la dissolution est conservée seulement un jour, le précipité chlorhydrique est violet foncé.
- Le même résultat s’obtient plus rapidement en chauffant la liqueur ammoniacale à 100°.
- Le précipité violet foncé, obtenu par l’acide chlorhydrique, dégage de l’ammoniaque lorsqu’on le chauffe avec de l’hydrate de soude.
- L’azote s’est donc intimement fixé à la matière organique pour donner une ami de.
- La purpuramide ou purpuréine ainsi obtenue est soluble dans l’alcool bouillant, en rouge violacé foncé, et donne par l’évaporation des cristaux foncés, à reflets verts, comme ceux delà mu rexi de.
- Elle teint la laine et la soie en rouge-amarante, sans le secours des mordants.
- L’analyse conduit à la formule
- CS0H13AzO6 = C2H120O7 + AzH3 — H20 (1).
- Dérivé éthylique. — En chauffant le purpurinate de soude cristallisé avec de l’iodure d’éthyle, à 150°, en présence de l’alcool, il se sépare de l’iodure alcalin et des grains cristallins rouges peu solubles dans l’alcool bouillant.
- (I) Bulletins de la Société chimique de Paris, 2e série, t. IV, p. 15.
- II. 9
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- 13 0 TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- La composition de ce dérivé est probablement représentée par la formule
- C*°H11(CîH3)07
- Calculé. Trouvé.
- Carbone............. 67,34 66,82
- Hydrogène........... 4,08 4,31
- Pseudopurpurine. — Elle est presque insoluble dans l’alcool bouillant, soluble dans la benzine bouillante d’où elle se sépare presque entièrement, par le refroidissement, sous la forme d’un réseau de fines aiguilles, rouge-brique après dessiccation. La chaleur la décompose avec production d’aiguilles de purpurine. La même transformation a lieu à 200° en présence de l’alcool.
- Elle se dissout avec une coloration rouge dans les alcalis ; avec l’ammoniaque, elle fournit aussi un dérivé amidé semblable à la purpurine.
- Sa composition est représentée par la formule
- Ci0Hl2O9
- _ . .. Trouvé en moyenne de six analyses
- L*cllCU16 •
- concordantes.
- Carbone........ 60,60 61,00
- Hydrogène...,. 3,03 3,00
- Matière orange. — Elle est insoluble dans la benzine
- bouillante, très-soluble dans l’alcool tiède ; elle se sépare de ses solutions alcooliques concentrées, tantôt en une masse épaisse, caséeuse, formée de grumeaux cristallins, tantôt en petits feuillets oranges.
- Elle se dissout assez notablement dans l’eau bouillante.
- La chaleur sèche la décompose avec transformation partielle en purpurine. Sa composition est représentée par la formule C20Hl609 = C20H1207 + H*02. Elle constitue donc un hydrate stable de la purpurine, car ces deux molécules d’eau ne peuvent être éliminées, môme à 150°.
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- GARANCE.
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- Calculé.
- Carbone....... 60,00
- Hydrogène.... 4,00
- Trouvé (moyenne de six analyses concordantes).
- 60,02
- 4,01
- La purpurine, la pseudopurpurine et la matière orange ou hydrate de purpurine teignent les mordants en couleurs qui rappellent celles que donne l’alizarine. La teinte communiquée aux mordants d’alumine est plus rougeâtre, sans reflets bleus. Les teintures faites avec la purpurine et la matière orange résistent assez bien au saxon bouillant, tandis que celles de la pseudopurpurine passent presque entièrement.
- La résistance aux opérations de l’avivage est donc en raison inverse de la proportion d’oxygène contenu.
- Matière jaune ou purpuroxanthine. — Elle est soluble dans l’alcool et la benzine, peu soluble dans l’eau et subli-mable presque sans décomposition. Elle colore les mordants d’alumine en jaunes peu brillants; la teinte est détruite par l’avivage et le passage en nitromuriate d’étain. On obtient cette matière colorante jaune très-facilement, par la réduction de la purpurine, de la pseudopurpurine ou de la matière orange, soit en chauffant en vase clos, à 480°, avec une solution aqueuse de triiodurede phosphore, soit plus commodément en employant un réducteur alcalin. Ainsi une solution bouillante de purpurine brute, dans la soude caustique, additionnée d’une quantité convenable de sel d’étain, perd peu à peu sa nuance rouge foncé et devient orange.
- La matière jaune peut alors être précipitée par un excès d’acide chlorhydrique, lavée, séchée et purifiée par sublimation et cristallisation dans l’alcool. Sa composition est représentée par la formule G20H1206, qui serait celle d’un isomère de l’alizarine, ou bien encore par C20Hu06.
- En résumé, les matières colorantes extraites de la garance d’Alsace forment une série naturelle dont les termes sont
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- reliés par des relations de composition très-simples et remarquables. En effet, nous avons :
- Alizarine.............. C20Hl2O6.
- Purpuroxanthine........ C20Ill2O6 ou C20HuO6.
- Purpurine............... C20Hl207 oxyalizarine.
- Matière orange.......... C20H16O9 hydrate de purpurine.
- Pseudopurpurine......... C20H12O9 oxypurpurine.
- J’ai cherché, par un grand nombre de réducteurs, à opérer la transformation de la purpurine ou de la pseudopurpurine en alizarine, mais je n’ai jamais obtenu que du jaune.
- Les résultats que nous venons de résumer peuvent être considérés comme définitivement acquis à la science. Cette confiance nous la puisons dans le grand nombre d’analyses concordantes faites avec des produits cristallisés plusieurs fois.
- Nous attribuons le succès de nos recherches à la grande quantité de matière pure dont nous disposions. Notre analyse immédiate n’a pas porté sur moins d’un kilogramme de purpurine commerciale. Nous n’avons accepté comme définis que les corps qui ne changeaient plus de composition d’une cristallisation à l’autre, et qui se présentaient avec des caractères bien tranchés.
- En face de ces résultats qui prouvent, très-nettement, la multiplicité des matières colorantes de la garance et la facilité avec laquelle elles se transforment, il n’y a pas lieu de rejeter complètement les nombreux dérivés obtenus par M. Schunck dans le dédoublement de son rubian, mais il convient de les soumettre à une critique sérieuse ; car ce chimiste, en opérant forcément sur des proportions trop restreintes de matière, n’a pu arriver d’une manière nette à des composés bien définis. Dans tous les cas les formules qu’il propose sont inadmissibles.
- Voici, en résumé, le résultat de ses recherches :
- A. Par le dédoublement du rubian sous l’influence de l’a-
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- GARANCE.
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- eide sulfurique ou de l’acide chlorhydrique étendus et bouillants il a obtenu : 1° de l’alizarine, 2° de larubianine (matière jaune-citron cristallisant en aiguilles), plus soluble dans l’eau et moins soluble dans l’alcool que l’alizarine et dom nant à l’analyse :
- Carbone 57,42, hydrogène 5,39. Ces nombres ne peuvent se rapporter à aucun des produits susmentionnés et se traduisent par les formules
- C20H20O10 = C20H12O6 -f 4H*0 ou C20I1220’0 = C20H12O6 -f H2 -f 4H20.
- L’existence de la rubianine comme principe colorant dérivé de la garance nous paraît assez probable ;
- 3° De la rubirétine ou résine a, résine fusible brune. Formule probable
- O°H1606 = c20H12O6 -F H4 (?)
- 4° De la vérantine ou résine p. Pulvérulente. Formule probable : '
- C20H14O7 = C20tIl2O6 + H20.
- Il est hors de doute que la garance contient des résines, mais leur histoire chimique est encore à faire. Ces résines n’ont aucun pouvoir tinctorial lorsqu’elles sont convenablement débarrassées de matières colorantes rouges.
- B. Par l’action des alcalis caustiques bouillants, le rubian donne : 1° de l’alizarine, 2° des résines a et p, 3° une substance jaune cristallisable dans l’alcool et sublimable, insoluble dans l’eau, plus soluble dans l’alcool, que Schunck nomme rubiadine. Elle a donné :
- Carbone 71,22, hydrogène 4,83.
- C. Dédoublement par un ferment (érvthrozyme) contenu dans la garance. 1° Alizarine, 2° résines a et p, 3° rubiafîne cristallisable en paillettes jaunes sublimables et donnant :
- Carbone 69,30, hydrogène 4,56; 4° rubiagine cristallisant
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- en aiguilles jaunes microscopiques renfermant : carbone 68,10, hydrogène 6,14.
- La rubiadine et la rubiafine paraissent être un seul et même corps, pouvant se représenter par la formule
- C,0H19O6.
- «
- La rubiacine,ou principe orangé admis par Runge dans la garance, forme de très-belles tables ou des aiguilles très-brillantes, jaunes, semblables à l’iodure de plomb. Chauffée dans un tube, elle donne une huile qui se concrète par le refroidissement en une masse cristalline, en ne laissant que très-peu de charbon.
- On peut la sublimer sans altération. Elle est peu soluble dans l’eau bouillante, l’alcool la dissout à chaud. Elle renferme :
- Carbone 67,01, hydrogène 3,28.
- La rubiacine se dissout dans l’acide sulfurique avec une couleur jaune ; on peut chauffer la solution sans qu’elle se décompose. L’acide nitrique concentré l’attaque à l’ébullition. Lorsqu’on la dissout dans le chlorure ou dans le nitrate ferrique, elle donne une solution rouge-brun qui jaunit par l’addition des acides, et dépose des flocons d’acide ru-biacique. Elle se dissout dans les alcalis avec une couleur pourpre; les acides en précipitent des flocons jaunes. La solution ammoniacale précipite les chlorures de baryum et de calcium en rouge sale.
- Si l’on ajoute de l’alumine hydratée à une solution alcoolique de rubiacine, l’alumine se teint en orangé, et la solution se décolore.
- Le précipité aluminique se dissout aisément dans la potasse caustique avec une couleur pourpre et diffère en cela de la combinaison correspondante de l’alizarine ; une pièce d’étoffe, mordancée dans un bain bouillant de rubiacine, se colore à peine.
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- L’acide rubiacique formé par l’oxydation de la rubiacine par les sels ferriques, ne cristallise pas ; l’hydrogène sulfuré le convertit en rubiacine.
- La rubiacine paraît se rapprocher beaucoup par sa composition et ses caractères de la purpuroxanthine obtenue par la réduction de la purpurine ; elle se forme, suivant Schunck, par l’action des sels ferriques sur la rubiafine.
- En effet celle-ci, étant C20H16O6, perdrait par oxydation 4 atomes d’hydrogène et deviendrait C20H1206.
- Le tableau suivant résume ce qu’il y a d’essentiel dans l’histoire des matières colorantes de la garance :
- MATIÈRES COLORANTES DE LA GARANCE.
- MATIÈRES COLORANTES PRIMORDIALES SOLUBLES DANS L’EAU.
- Glucosides dédoublables par les acides, les alcalis et certains ferments en matières colorantes insolubles et en sucre.
- Bubian de Schunck. Amorphe, amer, très-soluble dans l’eau, précipitable par .les corps poreux. C’est un mélange de plusieurs glucosides.
- Acide rubénjthrique de Rochleder. Cristallisable, glucoside aliza-rique, ne donne que de l’alizarine et du sucre.
- MATIÈRES COLORANTES DONT L’EXISTENCE n’eST PAS DOUTEUSE.
- Matières colorantes insolubles provenant du dédoublement des glucosides et existant dans la garance du commerce.
- 1° Alizarine C20H'2O6.
- 2° Purpurine C2°hi207.
- 3° Matière orange. C20Hl6O9.
- Facilement sublimable sans décomposition, rouge orangé, donne des teintes très-solides et résistant à l’avivage, cristallise en belles aiguilles.
- Sublimable avec décomposition partielle, î ge, cnne des teintes passablement solides et résistant assez bien à l’avivage, cristallise en belles aiguilles.
- Couleur orange, cristallise en grains ou en feuillets, très-soluble dansl’alcool, se sublime
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- en donnant de la purpurine et un fort dépôt de charbon, se comporte en teinture absolument comme la purpurine.
- 4° Pseudo purpurine Rouge-brique, insoluble dans l'alcool, cristal-C2°H1209. lise en aiguilles dans la benzine bouillante,
- se décompose par la chaleur en donnant un faible sublimé de purpurine, donne en teinture les mêmes nuances que la purpurine, mais elles passent entièrement à l’avivage. 5° Purpura xantliine Jaune, cristallisable et sublimable, se forme C20HisO6. par la réduction de la purpurine.
- MATIÈRES COLORANTES DONT L’EXISTENCE EST DOUTEUSE OU DEMANDE DE NOUVELLES VÉRIFICATIONS.
- Matières jaunes. Rubianine, rubialine, rubiagine, rubiadine, ru-biacine, acide rubiacique.
- Résines. Vérantine, rubéritine.
- DES DÉRIVÉS COMMERCIAUX DE LA GARANCE.
- La garance du commerce employée dans des conditions convenables de concentration des bains,de température, et en présence d’une proportion déterminée de craie naturellement renfermée dans le produit ou artificiellement ajoutée au bain, donne, avec les mordants d’alumine et de fer, des nuances très-belles et très-solides, si l’on a soin de soumettre le tissu teinta une série d’opérations connues sous le nom d’avivage. Elle présente, d’un autre côté, des inconvénients graves dépendant en partie des substances étrangères qui accompagnent la matière colorante. Ainsi, au sortir du bain de teinture, les rouges, les roses et les violets sont fortement ternis, parce que l’oxyde métallique a non-seulement fixé l’alizarine et la purpurine, mais encore des matières jaunes et fauves. De plus, les parties blanches réservées par l’impression des mordants sont salies par suite de la fixation de ces mêmes principes sur la fibre non mordancée; enfin, pour utiliser toute la matière colorante libre et dispo-
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- nible, il est indispensable de faire monter progressivement et régulièrement la température du bain, faute de quoi on éprouverait des pertes très-sensibles.
- Un autre désavantage offert paï l’emploi de la garance, c’est que de toute façon on n’utilise en teinture qu’une partie du colorant renfermé dans la racine. Près de la moitié se trouve dans un état de combinaison avec les sels calcaires (carbonates et pectates) et avec le ligneux, qui ne lui permet pas de se dissoudre dans le bain et de venir se combiner avec les mordants du tissu. Il résulte de là, que le dépôt formé dans les cuves épuisées contient encore de l’alizarine que l’on peut utiliser, comme nous le verrons, en soumettant les résidus de la garance à un traitement convenable.
- L’idée de débarrasser la garance de toutes les substances étrangères nuisibles ou inutiles dans les opérations de teinture, a, donc dû préoccuper de bonne heure les industriels qui se servent de cette précieuse matière colorante.
- En effet, nous voyons, dès le commencement de ce siècle, s’exécuter une foulé de travaux dans le but de purifier la garance et d’isoler le principe utile dans son plus grand état de pureté.
- Nous voyons également la société industrielle provoquer de semblables recherches, en posant la question dans son programme des prix.
- Le but final à atteindre serait d’isoler l’alizarine et la purpurine sous la forme la plus pure, et par conséquent en cristaux. Suivant l’effet qu’il voudrait produire, le fabricant emploierait l’un ou l’autre de ces principes ou un mélange des deux. Quant aux difficultés de dosage, résultant d’une concentration beaucoup plus grande de la matière colorante , elles seraient bien vite surmontées par l’industrie.
- Malheureusement cette question, qui a exercé la sagacité de bien des expérimentateurs, est loin d’être résolue. Jusqu’à présent, aucune des méthodes proposées n’a pu réaliser économiquement et en une seule opération la séparation
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- 13 8 TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- complète des matières colorantes d’avec les parties végétales ligneuses.
- Pour que le fabricant d’indiennes adopte, en guise de garance, les produits dérivés qu’on lui offre, il faut, non-seulement qu’ils soient d’un emploi commode et profitable pour la beauté des nuances, mais encore qu’il y trouve un avantage économique ou tout au moins une égalité de prix de revient.
- Les procédés de traitement doivent donc être fondés sur l’emploi de moyens simples et peu coûteux, couvrir leurs frais et même trouver leur bénéfice dans des avantages accessoires tels que : production d’alcool dans la fabrication de la fleur de garance, ou gain en matière colorante dans la préparation de la garancine.
- C’est contre cette difficulté que sont venus butter un grand nombre de modes de traitement de la garance. Ajoutons, de plus, que les innovations en fait de garance ne s’accomplissent que difficilement et avec une extrême circonspection de la part des consommateurs.
- La garancine amis des années à se faire adopter.
- • Pour faciliter les recherches dirigées dans cette voie, nous donnerons, en résumé, tous les procédés publiés jusqu’à présent pour purifier la garance et pour concentrer son pouvoir colorant sous un moindre volume. Nous insisterons particulièrement sur ceux qui ont eu le bonheur de réussir industriellement.
- Nous ne pouvons ici adopter l’ordre chronologique des découvertes, il sera plus profitable de classer les méthodes par analogie de traitement. Nous les partagerons, d’après cela en :
- 1° Procédés dans lesquels on concentre le pouvoir colorant de la garance par l’élimination des substances étrangères solubles dans l’eau, ou susceptibles d’être rendues solubles par des influences qui ne modifient pas la matière colorante ;
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- 2° Procédés qui utilisent la solubilité des matières colorantes dans certains véhicules, pour l’isoler des principes étrangers insolubles dans ces véhicules ;
- 3° Procédés fondés sur la volatilité des matières colorantes ;
- 4° Procédés purement mécauiques.
- N’oublions pas que les matières colorantes se partagent en trois groupes : le premier comprend les glucosides solubles dans l’eau ; le second, les matières colorantes libres, et simplement mélangées aux autres principes immédiats; le troisième, les matières colorantes combinées aux divers principes du ligneux.
- PREMIER GROUPE.
- Fleur de garance de MM. Julian et Roquer d'Avignon. — Ne pas confondre avec l’ancienne fleur de garance de Robiquet, Colin et Lagier (connue maintenant sous le nom de garancine).
- Lorsqu’on a acquis, comme nous venons de le faire, une connaissance assez complète delà composition et des allures de la garance, l’idée la plus simple qui se présente à l’esprit, pour obtenir un produit plus riche et plus pur, est d’éliminer, par un lavage à l’eau, les principes solubles, gommes, sucres, extractifs, matières fauves et jaunes. Cette idée a été formulée dès 1823 par M. Kuhlmann, lorsqu’il propose de procéder à un lavage préalable de la garance à l’eau froide, pour séparer la plus grande partie de ce qu’il appelle xan-thine. Si de plus, on abandonne, quelque temps avant le lavage, de la garance humectée à elle-même, il s’établit une fermentation spéciale, susceptible de produire le dédoublement des glucosides, et d’augmenter dans une certaine proportion le pouvoir tinctorial.
- L’influence favorable que peut exercer, au point de vue du rendement, une fermentation alcoolique de la garance en presence de l’eau, a été signalée à plusieurs reprises dans
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- les travaux publiés dans les bulletins de la Société industrielle (1).
- Cette amélioration peut s’expliquer par les causes suivantes :
- Dédoublement des glucosides colorants, lavage consécutif de la garance fermentée qui, entraînant les principes solubles, détermine un gain apparent.
- Enfin,pendant la fermentation, laformation d’acides énergiques peut mettre en liberté une partie du pigment combiné.
- M. Roux a cherché à appliquer la ermentation alcoolique de la garance à la préparation d’un produit industriel ; mais les brevets qu’il a pris à ce sujet, en 1846 et en 1847 , ri’.ont pas conduit à une innovation utile à l’industrie. En effet, le comité de chimie de la Société industrielle de Mulhouse a reconnu que la fermentation de la garance est sujette à beaucoup de caprices. La température, la durée de la macération et surtout la quantité d’eau employée, influent tellement sur les résultats, qu’un faible changement dans l’une de ces causes peut donner une garance incapable de teindre.
- On doit à MM. Julian et Roquer d’Avignon, les premiers essais de fabrication industrielle de la garance lavée ou fleur de garance.
- Ce produit qui remplace aujourd’hui, presque partout, la garance, a rendu à l’industrie des toiles peintes des services signalés.
- Voici textuellement le brevet pris par ces industriels :
- « Nous opérons avec les alizaris français ou étrangers, réduits préalablement en poudre par la trituration. Cette garance est brassée convenablement dans de grandes caisses avec de l’eau froide ou chaude : eau que, suivant son degré de pureté, nous traitons par un acide quelconque pour en-
- (I) Bulletins de la Société industrielle de Mulhouse, t. VIII, p. 310, 347; t. XI, p. 33. — Kurrer, Polytechn. Journ. de Dingler, t. XXIII, p. 73.
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- GARANCE.
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- lever le calcaire. De là, nous faisons couler dans des cuves-filtres.
- « Suivant les couleurs que l’on veut obtenir en teinture avec ce produit, nous laissons séjourner la poudre de garance ainsi délayée dans les cuves-filtres, depuis un jour jusqu’à cinq ou six jours, suivant que nous voulons qu’il s’établisse, ou non, une fermentation alcoolique; alors que la cuve-filtre est parfaitement égouttée, nous soumettons cette pâte homogène aux presses hydrauliques dans des couffins.
- « L’eau résultant du filtrage de la garance et du pressage est ou non recueillie, suivant que nous voulons qu’il s’établisse ou non une fermentation alcoolique. Des presses nous transportons aux étuves pour sécher, et de là triturer et entonner.
- « Au moyen de cette fabrication, nous arrivons à réduire la poudre de garance jusqu’à moitié de son poids.
- « Dans le cas de fermentation avec ou sans levûre de bière, nous recueillons ces eaux ainsi fermentées avec le contact de la garance, provenant des cuves-filtres et des presses, dans des cuves en bois, d’où nous les soumettons à la distillation alcoolique. ))
- C’est en janvier 1851 que M. Julian a adressé, à Mulhouse, les premiers échantillons de sa fleur de garance; déjà en février 1852, ils en avaient expédié 300,000 kilogrammes. Ce rapide succès prouve toute l’importance de cette découverte.
- La fleur de garance se fabrique actuellement par des procédés peu différents de ceux décrits dans le brevet initial.
- Voici les détails que nous devons sur cette question à l’obligeance de M. Pernod, d’Avignon.
- Pour préparer la fleur de garance, on réduit en poudre la racine de garance, et on la délaye dans 8 ou 10 fois son poids d’eau de rivière, additionnée d’une quantité d’acides chlorhydrique ou sulfurique suffisante pour saturer le carbonate calcaire que renferme toujours la poudre. Lorsqu’on
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- H2 TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- fait usage de l’acide sulfurique, on emploie de 1 à 2 kilogrammes de cet acide pour 100 kilogrammes de garance. On obtient, par ce moyen, un produit qui s’applique plus particulièrement à la teinture des rouges et des bruns. Lorsqu’au contraire, on a pour but de préparer un produit destiné à la teinture en violet, on se sert d’eau de rivière non additionnée d’acide. Dans tous les cas, le mélange de garance et d’eau doit être fait dans un cuvier en bois, garni à l’intérieur d’une chemise en laine, servant de filtre. Le fond du cuvier porte un grillage qui supporte le filtre, et un robinet destiné à l’écoulement du liquide. Après douze ou quinze heures de macération on ouvre le robinet pour laisser égoutter la matière. L’eau provenant de ce lavage et qui renferme la plus grande partie du principe sucré, est recueillie dans de grands cuviers ou bassins de fermentation dans lesquels s’opère la transformation du sucre en alcool.
- La matière pâteuse restée sur le filtre est immédiatement soumise à l’action de la presse, par petites portion de 3 à 4 kilogrammes dans de petits sacs en sparterie, semblables à ceux employés pour l’extraction de l’huile des graines oléagineuses. Ces sacs superposés comme les disques d’une pile à colonne, sont placés sur le plateau d’une presse hydraulique, et soumis à une forte pression, afin de débarrasser, le plus possible, la fleur, de l’eau dont elle est imprégnée. Au sortir de la presse on retire la matière des sacs.
- Elle se présente alors sous forme de tourteaux ou galettes qu’on porte à l’étuve, afin d’en opérer promptement la dessiccation.
- L’étuve dont on se sert diffère un peu de celles employées pour la racine. Comme celles-ci, elle est construite en pierres et voûtée en briques. La cheminée en tôle d’un foyer, alimenté par de lahouille, circule au rez-de-chaussée, à une hauteur de 60 centimètres, en faisant le tour du séchoir.
- La disposition des grillages est seule différente dans cette étuve. Ils sont composés de toiles métalliques supportées par
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- desmontants en fer et sont disposés tout autour de l’étuve en étagères larges de 1 mètre environ , et distantes entre elles de 50 à 60 centimètres.
- Après dessiccation, on réduit la fleur de garance en poudre, à l’aide de meules, semblables à celles employées pour la trituration des racines, et on la renferme dans des tonneaux de la contenance de 700 à 800 kilogrammes.
- On peut encore préparer la fleur de garance en délayant la poudre de garance dans 8 à 10 fois son poids d’eau de rivière et abandonnant ensuite le mélange à lui-même pendant deux ou trois jours, à une température de 18 à 25 degrés centigrades. Lorsque la fermentation alcoolique qui ne tarde pas à s’établir, est terminée, il n’y a plus qu’à presser et sécher le produit, puis à le réduire en poudre.
- Il est à remarquer que lorsque la fermentation a lieu en présence d’une grande quantité d’eau la matière tinctoriale ne subit pas l’altération qui se manifeste lorsque le produit est à l’état pâteux, ou qu’après avoir subi l’action delà presse, il est abandonné à lui-même avant la dessiccation. Ce dernier procédé de fabrication n’est plus en usage à Avignon, a cause des difficultés pratiques qu’il présente dans son exécution sur une grande échelle, et des irrégularités de rendement auxquelles il expose les fabricants.
- CeiL kilogrammes de poudre de garance fournissent de 55 à 60 kilogrammes de fleur de garance, suivant la nature de la matière première employée. En général, les garances paluds, ainsi que celles de qualités supérieures, fournissent un rendement en poids inférieur à celui des garances de qualité secondaire. Quatre millions de kilogrammes de poudre de garance sont employés annuellement à Avignon pour cette opération.
- La préparation de l’alcool de garance constitue une industrie qui marche parallèlement à celle de la fleur et qui paye largement les frais de main-d’œuvre.
- A cet effet, les eaux provenant du lavage de la garance,
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- TRAITÉ UES MATIÈRES COLORANTES.
- recueillies, comme nous l’avons dit, dans des bassins ou cuviers, sont abandonnées à elles-mêmes à une température de 20 à 25 degrés centigrades. Elles ne tardent pas à entrer en fermentation. Au bout de quatre à cinq jours, la décomposition du sucre est terminée. On procède alors à la distillation dans un appareil semblable à celui qui sert pour la distillation des vins.
- Cent kilogrammes de poudre de garance fournissent de 7 à
- 10 litres d’alcool à 87 degrés, selon la nature des garances employées. Les paluds et les garances de qualité supérieure donnent une plus grande quantité d’alcool que les garances ordinaires.
- L’alcool de garance, tel qu’il est préparé dans les fabriques de fleur de garance, possède un goût désagréable qui en empêche l’usage comme boisson et en limite l’emploi. Il sert plus particulièrement à la fabrication des vernis et de l’éther.
- Par une rectification ménagée, et en faisant passer les vapeurs alcooliques sur des corps poreux tels que la pierre ponce et surtout le charbon de bois, on débarrasse complètement l’alcool de garance de son odeur et de sa saveur désagréables: Il est alors semblable à l’alcool de betteraves rectifié.
- 11 existe à Sorgues, près Avignon, une grande fabrique où se rectifie la plus grande partie de l’alcool obtenu dans les fabriques de fleur et de garancine. L’odeur infecte de l’alcool de garance dérive en partie de la présence d’alcools homologues amyliques et autres, et en partie aussi d’un camphre particulier préexistant dans la garance et connu sous le nom de camphre de garance.
- D’après les recherches de M. Jeanjean, le camphre de garance est isomère du camphre de Bornéo (C10H18O). Sa saveur est chaude et brûlante ; il donne par la sublimation des cristaux qui, au microscope, peuvent être reconnus pour des prismes hexagonaux. Projeté dans l’eau en petite quantité, il donne naissance aux mouvements giratoires
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- GAHAlNCIS.
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- du camphre ordinaire. Il est peu soluble dans l’eau, très-soluble dans l’acide acétique, l’alcool et l’éther. Il dévie à gauche le plan de polarisation de la lumière.
- Pour recueillir le camphre de garance, on met à part tout ce qui passe à la distillation à 230°. On l’exprime entre des doubles de papier Joseph, après cristallisation ; on lave à l’eau et on purifie par plusieurs cristallisations dans l’éther.
- Avantages que présente la fleur de garance. — Suivant H. Schlumberger, rapporteur du comité de chimie, la propriété essentielle de la fleur de garance, celle qui a le plus contribué à généraliser si promptement son emploi, c’est la faculté qu’elle a de produire à la teinture des violets plus beaux et plus purs, quoique aussi solides, que ceux fournis par la garance. Cet avantage est dû à ce que la fleur est débarrassée de toutes les parties solubles, mucilagineuses, sucrées, acides, fauves, etc., qui accompagnent la garance, et dont la combinaison avec les mordants de fer a une influence fâcheuse sur les violets, quand elles sont encore présentes à la teinture. La fleur produit aussi avec les mordants d’alumine et de fer des couleurs plus foncées que celles que donne la garance dans les mêmes circonstances. On peut attribuer le fait à une action dissolvante exercée par les principes solubles de la garance sur les mordants, pendant l’acte de la teinture. Cet affaiblissement des mordants par la garance est tel qu’avec la fleur on peut employer des mordants de quinze à vingt fois plus faibles, pour obtenir la même intensité de couleur. Les nuances rouges et roses sont aussi éclatantes que celles que fournit la garance et semblent présenter plus de solidité. La fleur laisse un meilleur blanc après la teinture et permet ainsi d’affaiblir ou de diminuer les passages en savon et en bain d’avivage. En outre, on peut passer un plus grand nombre de pièces dans le même bain ; ce qui procure une économie de temps et de combustible.
- La teinture se fait plus régulièrement et n’est pas sujette aux pertes de matière colorante qui se présentent quelque-
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- fois, par suite d’un abaissement de la température du bain, avec la garance ordinaire
- Grâce à l’absence de principes solubles, on peut ajouter pendant la teinture même, une nouvelle dose de fleur, si l’on s’aperçoit que le bain n’est pas assez riche, ce qui ne peut se faire avec la garance. On évite ainsi une nouvelle teinture des mêmes pièces, qui entraîne toujours une perte de temps, de combustible et même de matière colorante.
- Sous le rapport du transport et de sa conservation dans les magasins, la fleur de garance présente aussi des avantages, parce qu’elle fournit deux fois autant de matière colorante sous le même poids, et qu’on n’aura plus à craindre les avaries provenant de l’action de l’humidité sur les matières solubles. Le mode de préparation de la fleur et le but que l’on atteint, permettent de prévoir, ce que l’expérience vérifie pleinement, que dans l’emploi de ce produit on n’arrive à utiliser, pas plus que dans la garance,«la quantité assez considérable de matière colorante qui se trouve en combinaison intime avec les diverses parties du ligneux.
- D’après les expériences de H. Schlumberger, 100 parties de fleur, représentant 200 parties de garance, donnent par les résidus de teinture une perte nette de matière colorante qu’on doit estimer à 90 parties de garance, soit à 45 pour 100 de la matière colorante, sans compter ce qui a été emporté par les eaux de lavage. La perte avec la garance rosée est de 46,4 pour 100. Il y a donc, sous ce rapport, équivalence parfaite, et la fleur à côté des nombreux avantages que nous venons de signaler, ne compte malheureusement pas celui de mieux utiliser la matière colorante. Les résidus de teinture doivent donc être repris et traités pour garanceux.
- Une médaille d’or a été décernée par la Société industrielle de Mulhouse à MM. Julian et Roquer pour leur belle innovation.
- Garancine (ancienne fleur de garance de M. Lagier). —• Le principe de la fabrication de la garancine repose sur
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- GAKANCE.
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- j 4,7
- l’action qu’exerce l’acide sulfurique, plus ou moins concen-
- gl mm îmimnniit no lin .oJjriKOi Ufl
- tré. sur la garance lavée, ou non lavée ; non-seulement une partie des produits du ligneux sont rendus solubles et dé-truits par cet agent énergique qui épargné les matières colorantes, ce qui enrichit le dérivé par concentration de la matière colorante, mais l’acide a de plus l’avantage de mettre en liberté le pigment combiné et inactif dans les conditions ordinaires, et provoque ainsi un gain réel très-
- sensible. C’est ce gain qui couvre et au delà les frais de ma-. . . j, . , 1
- nmulations et d acide.
- L'idée de purifier et de concentrer la garance par un traitement à l’acide sulfurique, se trouve formulée dans un
- mémoire présenté en 1828 à la Société industrielle, par Ro-biquet et Colin, ainsi que dans les travaux de MM. Gaultier de Claubrv et Persoz.
- Robiquet et Colin proposent d’abord de traiter la garance d’Avignon avec son poids ou plus d’acide sulfurique concentré. Ils obtiennent ainsi un charbon mjifunque.riche en matière colorante et susceptible de teindre, après lavage et élimination complète de l’acide.
- Ce premier produit n’a jamais été employé industriellement, ni proposé sérieusement. Il a tout au plus servi à la préparation d’extraits concentrés, soit par un traitement à l’alun bouillant, soit par l’alcool (colorine de MM. Lagier et Thomas).
- Henri Schluinberger, après avoir teint avec le charbon sulfurique, a constaté que les nuances rouges, violettes et noires se développent très-bien et que le fond de la toile ne se charge presque pas. La teinture ne luit de progrès que lorsque la température approche de l’ébullition.
- Le 26 mai 1828, Lagier, Robiquet et Colin, prirent un brevet dont la description prouve qu’ils ont cherché à régulariser l’emploi de l’acide sulfurique, de façon à obtenir un produit plus pratique et plus facile à préparer.
- Ainsi ils enlèvent par un lavage préalable les principes
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- solubles de la garance, d’où il résulte, qu’on fabriquait de la fleur pour garancine longtemps avant de l’employer directement en teinture. La quantité d’acide sulfurique peut être diminuée, son effet n’étant plus neutralisé en partie par les matières sucrées. Il est mélangé à la masse encore humide, ce qui l’étend déjà ; de plus, cet acide est mélangé d’avance à une certaine proportion d’eau, on brasse et on porte à 100° par un courant de vapeur.
- Telle est en résumé la méthode primitive de la fabrication de la garancine. Ce produit a trouvé beaucoup plus de difficultés et a mis plus de temps à se faire adopter que la fleur.
- Pour préparer la garancine, de nos jours, on délaye la garance en poudre dans huit ou dix fois son poids d’eau acidulée par l’acide sulfurique ou chlorhydrique (1 ou 2 kilogrammes d’acide suffisent pour 100 kilogrammes de poudre de garance). Ce lavage, qui a pour but de dissoudre et d’entraîner les principes solubles, s’effectue comme pour la fleur dans de grands cuviers en bois recouverts à l’intérieur d’une chemise en laine servant de filtre, et reposant sur un grillage au fond de la cuve. Après une macération de sept à huit heures, on ouvre le robinet et on laisse couler le liquide. Les eaux sont utilisées, comme celles delà fleur, à la fabrication de l’alcool. La matière pâteuse, restée sur le filtre, est ensuite introduite dans une cuve en bois et additionnée d’une quantité d’eau suffisante pour en faire une bouillie un peu épaisse. On ajoute en outre, pour 100 kilogrammes de poudre de garance, 30 kilogrammes d’acide sulfurique à 6fi° Baumé, ou 40 kilogrammes d’acide chlorhydrique, on mélange bien, on recouvre la cuve de sou couvercle, et on fait arriver dans la masse un jet de vapeur, capable de la maintenir pendant deux ou trois heures à la température de l’ébullition. Lorsque la cuite est terminée, on jette la matière encore chaude dans un grand bassin à demi rempli d’eau froide et recouvert d’une chemise en laine servant de filtre. En dessous du filtre est placé un grillage eil bois qui
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- GARANCE.
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- sert à le supporter. Un robinet fixé au fond permet l’écoulement du liquide ; on verse alors sur le filtre une nouvelle quantité d’eau froide que l’on mêle bien à la masse, et on laisse écouler de nouveau. On procède ainsi à un troisième et à un quatrième lavage, c’est-à-dire jusqu’à ce que l’eau de lavage ait contracté une légère coloration rouge vineuse. Lorsque la matière est égouttée, on la soumet à l’action de la presse, on la sèche, et on la réduit en poudre par les procédés employés pour la fleur de garance.
- Cent, kilogrammes de poudre de garance fournissent de 34 à 37 kilogrammes de garancine, selon la nature des garances employées. Les qualités supérieures de garance donnent un rendement, en poids, inférieur à celui des garances ordinaires. Neuf à dix millions de kilogrammes de poudre de garance sont employés annuellement dans le département du Vaucluse à la fabrication de la garancine.
- Quelques fabricants anglais remplacent l’acide sulfurique par de l’acide chlorhydrique, mais sans autre avantage que celui de l’économie de la matière première. Si, au lieu de laver préalablement la garance, on fait réagir l’acide sulfurique ou l’acide chlorhydrique bouillants et convenablement étendus sur la poudre brute, la garancine offrira une teinte noirâtre, beaucoup plus foncée et qu’on attribuait d’abord à une carbonisation, mais qui, "en réalité, est due à la formation de chlorrubine par la décomposition de la chlorogé-nine.
- On a aussi proposé de faire une pâte avec de la garance lavée et une certaine proportion d’acide chlorhydrique, d’exprimer sans laver et de sécher les pains encore acides avant de les laver. M. Higginrecommande de laisser la garance en contact avec l’acide, à la température ordinaire plus longtemps qu’on ne le fait généralement.
- La garancine d’Avignon, employée généralement à Mulhouse, offre l’apparence d’une poudre plus fine que la fleur, d’une couleur brune plusoumoins foncée; les parties ligneu-
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- ses ne sont nullement carbonisées comme on le croit généralement ; ainsi, en épuisant de la garancine par clés traitements successifs à la soude et à l’acide, j’ai obtenu un résidu ligneux exempt de matières colorantes, à peine plus foncé que celui que donne la fleur. Cent parties de garancine ont donné 16 à 17 grammes d’acide pectique en grande partie libre, en partie combiné à la chaux, et 48 grammes de ligneux, et comme 100 grammes de garance, renfermant 20 de ligneux, donnent 40 de garancine, il en résulte que ce principe est fort peu attaqué par le traitement sulfurique,
- La bohne garancine teint environ 4 à 4,5 fois plus, quel-, quefois 5 fois plus que la garance d’où elle dérive. D’un autre côté, 100 parties de garance donnent 34 à 37 ou 40 parties, de garancine.
- S’il n’y avait aucun gain en matière colorante et seulement concentration, par départ de principes solubles ou susceptibles de le devenir sous l’influence de l’acide, 100 grammes de garancine teindraient au maximum, autant que 294 de garance, et au minimum autant que 250 de garance. Or, on trouve que 100 de garancine, valent au minimum 400 de garance, et au maximum 500.
- Il y a donc, comme nous.le disions, un gain minimum de 106, et maximum de 250 pour 100 de garancine faite, ou bien encore un gain minimum de 40 pour 100 de garance, — maximum de 100 —
- En moyenne, on peut compter sur un gain de 70 à 80 pour 100. Il résulte de la mise en liberté de la matière colorante combinée aux principes insolubles de la garancevGe gain représente un des avantages les plus importants de la fabrication de ce produit. Ajoutons que la matière colorante est plus pure et débarrassée de matières fauves. Aussi les fonds sortent beaucoup plus blancs des bains. Un léger savonnage et un chlorage suffisent pour les amener au degré de pureté convenable.
- Les couleurs, au sortir de la cuve de teinture, quoique
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- GARANCE.
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- moins belles et d’une nuance différente de celles que l’on obtient, après avivage, avec la fleur, sont cependant assez vives ef assez brillantes pour pouvoir se passer de cet avivage dans la fabrication de certains articles connus sous le nom d’articles garancine.
- A côté de ces avantages réels viennent se placer des inconvénients graves qui limitent l’emploi de la garancine en s’opposant à sa substitution complète à la garance dans tous les genres.
- Les couleurs garancine sont moins solides et moins stables que celles de la garance et de la fleur. Les violets ne deviennent jainais aussi beaux, et il est très-difficile d’obtenir les roses bleutés et purs de la fleur.
- On obvie, il est vrai, à ces difficultés en ajoutant au bain de garancine une quantité suffisante de craie, mais alors on perd de nouveau, en partie, le gain réalisé parle traitement acide.
- On attribue, généralement, les inconvénients pratiques offerts par la garancine, à la présence d’une petite quantité d’acide sulfurique qui reste combiné au ligneux et que les lavages ne parviennent pas à éliminer. Cette manière de voir semble confirmée par les observations de M. E. Schwartz, qui a reconnu que les teintures faites avec un extrait huileux de garancine, donnent des couleurs supportant aussi bien ravivage que celles de la fleur, tandis qu’en ajoutant au bain le résidu ligneux, on peut reproduire les memes caractères d’instabilité que l’on observe avec la garancine elle-même. C’est dans le but de neutraliser cès dernières traces d’acidité que certains fabricants ajoutent pendant la pulvérisation un peu de chaux, de crqie ou de carbonate de chaux. " '*» <*"•>’....
- un a aussi cherche a améliorer la garancine en la sou-mettant a 1 action des vapeurs ammoniacales et en la vapo-risant e^suitje. t
- Alizanne (G. Scnœffer) commerciale ou pincoffine. —
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- MM. Pincoff, Schunck et Cie, de Manchester, livrent au commerce depuis 1854 une variété de garancine, connue sous le nom d’alizarine commerciale. Ce produit se présente sous forme d’une poudre fine, couleur de chocolat. Il est remarquable par la beauté et l’éclat des violets qu’il donne en présence d’un peu de craie ou avec une eau calcaire. Ces violets n’ont pas besoin d’avivage et l’emportent de beaucoup sur ceux de la garance ou de la fleur. Aussi peut-on l’employer concurremment avec le cachou qu’altérerait le savonnage. Les autres nuances que donne l’alizarine commerciale, sont aussi satisfaisantes quoique moins avantageuses.
- On prépare la pincoffine en soumettant à l’action de la vapeur d’eau surchauffée, de la bonne garancine, bien lavée et aussi neutre que possible. L’expérience réussit aussi avec la garance ou la fleur. On peut également chauffer les ga-rancines au bain d’huile ou au bain de sable, vers 200°.
- Il est très-probable que dans ces conditions la matière fauve résineuse, qui accompagne l’alizarine, est détruite, comme cela arrive dans la sublimation, et qu’elle ne peut peut plus ternir les violets à base d’oxyde de fer.
- Relativement à son pouvoir tinctorial qui est un peu plus faible que celui de la garancine (il en faut un quart de plus en poids pour saturer un mordant de violet), l’alizarine commerciale est une matière première d’un prix élevé. Elle doit son succès à l’éclat du violet qu’elle donne en teinture.
- Je dirais, à cette occasion, qu’en soumettant la fleur de garance, séchée à 100°, à l’action du fluorure de bore, on obtient un charbon qui, lavé à l’eau, cède à l’alcool un principe colorant donnant des violets tout aussi beaux que l’alizarine commerciale. Ce fait n’a aucun intérêt pratique, mais il prouve que pour avoir des laques de peroxyde de fer bien belles, il convient de détruire un principe fauve, étranger aux matières colorantes, se fixant comme elles aux mordants^ ferrugineux et qui résiste à l’action de l’acide sulfu-
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- GARANCE.
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- rique étendu et bouillant, mais non à celle d’une température de 200°, ou du fluorure de bore.
- Carmin de garance. —M. Ed. Schwartz a proposé de substituer à la garancine une préparation obtenue en délayant, peu à peu et à froid, de la fleur de garance dans 4 à 5 fois son poids d’acide sulfurique à 60°. Le ligneux et les produits pectiques se dissolvent en partie et deviennent solubles dans l’eau. En versant le tout dans une grande quantité d’eau, il se forme un dépôt qui, lavé, séché et réduit en poudre, se présente sous forme d’une poudre d’un rouge brique assez beau.
- Le carmin de garance a un pouvoir tinctorial égal à 7 ou 8 fois celui de la garance.
- Dans ce traitement, comme dans celui pour garancine, on gagne tout le colorant combiné et fixé au ligneux ; de plus, à cause de l’altération plus profonde éprouvée par ce ligneux, les lavages sont plus complets, et le produit donne des teintes aussi solides que celles de la fleur et propres, comme elles, à l’avivage pour roses et violets.
- A cause des frais et des difficultés pratiques de sa préparation, le carmin n’a pu être adopté par l’industrie. Des essais sur une grande échelle avaient été tentés.
- M. E. Schwartz a ensuite cherché la limite minimum d’acide sulfurique à 60° nécessaire pour détruire tout le ligneux, en laissant intactes les matières colorantes et résineuses, c’est-à-dire les parties qui constituent les extraits alcooliques de fleur.
- Il a trouvé qu’on atteint le but en délayant peu à peu 200 grammes de fleur, équivalant à 400 grammes de garance, dans 3.500 grammes d’acide sulfurique du commerce, réduit à 60 degrés Baumé. Il convient d’éviter toute élévation de température. Après une demi-heure de macération, la masse filtrée sur une flanelle grossière, a laissé un résidu de 90 grammes, teignant, après lavage, comme deux fois son poids de garance. Le liquide orangé, versé dans deux litres
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- d eau, a donné un précipite et une solution presque incolore d’acide sulfurique marquant 35° Baumé. Le précipité lavé et séché représentait un poids de 12 grammes d’extrait teignant comme 30 fois son poids de garance.
- On peut donc préparer un extrait très-riche par 1 emploi
- L XX XX
- exclusif de l’acide sulfurique concentré (17 fois le poids de la fleur, 8,3 fois le poids de la garance en acide).
- M. E. Schwartz juge cette méthode susceptible d’applications industrielles, si toutefois les frais de concentration de l’acide sulfurique de 35 à 60° Baumé, ne sont pas trop onéreux, car alors le même acide servirait indéfiniment, sauf les pertes inévitables.
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- Garanceux. — C’est une garancine faible, équivalant ii ou l de son poids de bonne garancine, obtenue par le traitement sulfurique des résidus des bains de teinture en garance ou en fleur.
- En partant de ces résidus en pâte que les fabricants d’indiennes ont soin de laisser s’accumuler et égoutter dans de grands bassins en boisj disposés près des ateliers de garançage, on opère absolument, comme avec la garance lavée ; c’est-à-clire que l’on fait bouillir avec dé l’acide sulfurique et on lave. On a soin généralement d’aciduler le bain épuisé
- afin de permettre une filtration plus rapide.
- La fabrication du garanceux a été brevetée en 1843 par M. Léonard Schwartz. L’emploi de ce produit présente tous les inconvénients de la garancine sans en offrir les avantages et la richesse. Les teintes Sont moins belles et moins stables. Il sert à la fabrication d’indiennes grossières et d’un article connu sôusTe nom & article garanceux. On utilise ainsi fa matière colorante qui se déversait autrefois en abondance, dans les rivières où on lâche les7 résidus dès bains de teinture.
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- DEUXIÈME GROUPE.
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- Procédés mécaniques. — Dans cette catégorie, nous ne trouvons que la méthode récemment imaginée par M. Pernod.
- La garance, grossièrement moulue, est malaxée sur un tamis en toile métallique, sous l’influence d’un courant d’eau qui entraîne le pigment emprisonné dans les cellules déchirées, tandis qu’il reste une masse ligneuse grisâtre et exempte de colorant.
- Les parties entraînées par l’eau sont abandonnées au repos; il ne reste plus qu’à décanter, filtrer et sécher. Ce mode de procédèr rappelle l’extraction mécanique de la fécule de pommes de terré. Là poudre brune obtenue ainsi teint autant que 7 à 8 fois son poids de fleur.
- La matière colorante y est donc encore mélangée à une forte proportion de substances étrangères.
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- Procédés qui agissent par dissolution de la matière colorante. — On peut dire en général que tous les véhicules reconnus capables de dissoudre les matières colorantes de la garance ont été essayés et proposés dans le but de fabriquer industriellement des dérivés de la garance. Ces produits ont ordinairement un pouvoir tinctorial assez considérable, variant depuis 20 fois jusqu’à 70 fois le poids de la garance. Ils sont désignés sous le nom d’extraits, et portent différents
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- noms qualitatifs qui rappellent tantôt le véhicule employé, à l’épuisement, tantôt le nom de l’inventeur. Ainsi on dit extraits alcooliques. méthyliques, glyceriques, acétiques ; extraits de MM. Kœchlin, Yerdeil, Vilmorin, etc. Ils renferment les matières .colorantes mélangées à plus ou moins
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- de substance résineuse, comme on peut s en convaincre en
- les traitant un grand nombre de lois par de beau bouillante
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- alunée. Dans ces conditions M. E. Schwartz a trouvé, avec un extrait alcoolique, un résidu essentiellement formé d’une résine brune ne teignant pas les mordants. L’épuisement de ces extraits par l’eau surchauffée à 250° laisse aussi une résine insoluble et fusible.
- Les extraits de garance donnent généralement des teintures solides, avec des blancs assez purs, surtout en présence d’une dose convenable de craie. La fixation de la matière colorante aux mordants ne commence qu’à une température voisine de l’ébullition. Pour utiliser toute la matière colorante qu’ils renferment, il convient d’employer moins d’eau qu’avec la garance et de mouiller l’extrait bien broyé avec de l’alcool, avant de l’ajouter au bain. Jusqu’à présent aucun d’eux n’a été adopté dans le garançage par voie de teinture, les avantages qu’ils peuvent offrir, par rapport à la fleur ou à la garancine, étant annulés par un prix de revient trop élevé. Ils ont reçu quelques applications dans un genre particulier, où la matière colorante dissoute dans lin véhicule convenable est imprimée sur toile préparée à l’alumine ou au fer.
- Un dissolvant neutre (alcool, esprit de bois, sulfure de carbone, glycérine, etc.), ou un dissolvant alcalin (carbonate de soude, phosphate et pyrophosphate de soude, soude caustique, borate, silicate, oléate alcalin), agissant sur la garance ou la fleur, ne parvient à éliminer que la partie de la matière colorante libre, et laisse dans le résidu celle qui est combinée au ligneux.Pour arriver à un épuisement complet et à la décoloration du bois, il est indispensable de faire intervenir les acides minéraux qui décomposent la combinaison insoluble et probablement calcaire des pigments. L’action de l’acide peut être effectuée à volonté avant tout traitement, ou lorsque la première partie de la matière colorante est enlevée.
- Quoi qu’il en soit, il est convenable d’agir sur la fleur de préférence à la garance. En effet, celle-ci, macérée avec de
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- GARANCE.
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- l’eau pendant quelques heures, puis exprimée, a perdu ses principes solubles et les glucosides colorants se sont dédoublés sous l’influence d’un ferment naturel, de sorte que le dissolvant spécial ne rencontrera plus que les matières colorantes et résineuses. Ces règles générales une fois posées, passons rapidement en revue les procédés d’extraction de la matière colorante, qui ont été proposés pour atteindre le but.
- a. Robiquet et Colin épuisent leur charbon sulfurique, soit par une solution bouillante d’alun et précipitent le colorant par addition d’acide sulfurique (voir purpurine), soit par l’alcool. Dans ce dernier cas on traite le charbon sulfurique par l’alcool froid, qui, dès les premiers lavages^ enlève une matière résineuse, grasse au toucher, et prend une couleur rouge-brun des plus foncées. Cette première teinture est mise de côté pour en retirer l’alcool par distillation, puis on épuise le charbon sulfurique par de l’alcool, dans un appareil convenablement disposé. Les solutions très-fortement concentrées sont délayées dans un peu d’eau, et le précipité de matière colorante est filtré et exprimé. Ce produit très-riche a été livré au commerce par MM. Lagier et Thomas sous le nom de colorine. Il teint comme 70 fois son poids de garance, grâce à l’élimination préalable de la majeure partie de la résine, au moyen de lavages à l’alcool froid.
- Il est clair que le charbon sulfurique peut, dans ce traitement, être remplacé avec avantage par de la garancine fabriquée par les procédés actuels.
- b. Kuhlmann traite la garance par l’alcool bouillant, évapore le liquide à consistance d’extrait et lave l’extrait àl’eau pour enlever les principes solubles. Ce procédé est défectueux, car il ne permet pas d’arriver à l'extraction totale.
- c. MM. Persoz et Gaultier de Claubry épuisent la garancine par une solution bouillante de carbonate de soude, puis par une solution d’alun à 100°. Le liquide sodique, saturé par un acide (chlorhydrique), donne un précipité gélatineux
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- d’acide pectique mélangé à de la matière colorante ; on peut le traiter par l’alcool qui laisse l’acide pectique et s’empare des pigments.
- cl. Un inconnu propose de laisser digérer la garance avec un mélange d’eau et d’acide sulfurique ( 1 partie d’acide pour 8 à 10 parties d’eau). La masse filtrée et lavée esi traitée jusqu’à épuisement par de l’alcool à 85Q centésimaux.
- c. M. Dandrillon opère avec la garance, qu’il fait macérer avec de l’acide chlorhydrique, et il enlève les principes colorants au moyen de l’alcool acide et bouillant. Le liquide filtré est saturé par de la craie, concentré et précipité par l’eau.
- d. Méthode de M. Colomb. La garance est traitée par l’acide azotique étendu, et lavée après quelque temps de macération ; elle est ensuite soumise à l’action d’une lessive de soude caustique de 12° Baumé. La solution alcaline violette est précipitée par l’acide azotique. Le précipité volumineux et pectique, bien lavé, est traité par l’alun bouillant. Cette dernière solution peut fournir la matière colorante, si on la précipite par un acide ; on peut aussi l’employer directement à la fabrication d’une laque de garance, en la neutralisant par le carbonate de soude.
- e. D’après les observations de M. E. Schwartz, on peut dissoudre une grande partie du principe colorant de la fleur ou delagarancine, en traitant ces produits par de l’huile de pavot ou toute autre huile bouillante. L’extrait qui se sépare
- par refroidissement donne des teintures vives, solides et . . . , , ,» . résistant a 1 avivage.
- /. Procédé Gerber et Dollfus. Us épuisent la fleur de garance par l’esprit de bois bouillant. Les liqueurs concentrées sont précipitées par l’eau. On obtient ainsi 6,75 pour 100 d’extrait brut, d’une couleur jaune-brunâtre. Le résidu traité par une nouvelle quantité d’esprit de bois, contenant 1/100 d’acide sulfurique, fournit un nouvel extrait presque aussi
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- abondant que le premier. Ce produit a été connu sous le nom d'azalc.
- M. Kœchlin a proposé d’extraire la matière colorante par l’esprit de bois, à la température ordinaire.
- g. D’après MM. Yerdeil et Michel, on obtient un b.qn extrait en opérant de la manière suivante. On fait ramollir les racines de garance dans une eau acidulée par l’acide sulfurique; elles sont ensuite écrasées entre des cylindres, opération par laquelle une certaine quantité de liquide est éliminée, et finalement bien exprimées par une forte presse hydraulique. Les racines ainsi préparées sont macérées pendant 48 heures dans une solution faible de carbonate alcalin à 2° Baumé. On sépare par l’expression le liquide alcalin chargé de matières colorantes et on renouvelle la macération, mais en employant, cette fois-ci, une liqueur alcaline plus faible ; on précipite la matière colorante encore impure, de ces liqueurs alcalines, en les sursaturant par un acide.
- Le précipité recueilli sur un filtre, lavé, exprimé et desséché, est ensuite épuisé par de l’esprit de bois ou de i’alcool bouillant. Les solutions alcooliques clarifiées sont enfin concentrées et précipitées par l’eau.
- M. Schrützenberger a proposé une méthode analogue en remplaçant le carbonate de soude par du phosphate ou mieux du pyrophosphate de soude.
- On arrive à de bons extraits en traitant la fleur ou la ga-rancinc :
- , ilbh m .. , . îb ,qao>f.$ JÆ ab 9boiftèniGtI .
- 1 Par l acide acétique bouillant a 8 . Le liquide filtre
- bouillant laisse déposer d’abondants flocons rouges de ma-tière colorante. Cette expérience a etc faite par M. H. Schlumberger dans le but de doser la matière colorante (voir
- plus loin essais de garance).
- ° . .Honpilmq g!: .•
- 2" Par la glycérine chaude. Elle dissent les matières colorantes qu’elle abandonne en se refroidissant.
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- HO TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- 3° Par la benzine bouillante, ou encore par le sulfure cle carbone.
- 4° Par l’alun bouillant et acidulé. La matière colorante dissoute se sépare par le retour à la température ordinaire.
- Toutes ces méthodes sont trop coûteuses pour offrir de l’avenir dans la grande industrie.
- Il nous reste à parler des procédés où l’on fait intervenir l’eau, pour agir, non sur les matières colorantes déjà formées, mais sur leurs glueosides solubles. Il va sans dire qu'il convient de s’adresser à de la garance n’ayant subi aucun traitement préalable, et qui n’a pas encore perdu, par une conservation trop prolongée, la plus grande quantité de ses glueosides colorants.
- L’auteur anonyme d’un mémoire envoyé en 1828 à la Société industrielle fait observer déjà, qu’on pourrait obtenir des résultats d’extraction plus expéditifs et plus économiques, en opérant sur la racine nouvellement récoltée.
- M. Higgin traite la garance fraîche par de l’eau froide contenant 3 à 6 pour 100, du poids de la garance, d’acétate de plomb et un peu d’acide acétique. Le sel de plomb est destiné à empêcher la fermentation des glueosides; au bout d’une heure on filtre. La solution est mélangée à de l’ammoniaque; elle devient rouge ; on la chauffe en faisant passer un courant d’air pour oxyder, enfin on précipite par le chlorure de calcium. Le précipité lavé est décomposé par un acide qui sépare la matière colorante précipitée par le sel calcaire.
- La méthode de M. E. Kopp, dont nous avons eu déjà l’occasion de parler, repose sur des principes analogues. De toutes celles que nous avons passées en revue, elle est la plus élégante et la plus originale. Nous connaissons la théorie de ce procédé ; il ne nous reste donc plus qu’à insister sur les détails pratiques.
- Après avoir essayé l’influence de divers corps aptes à s’opposer aux fermentations, M. Kopp s’est arrêté à l’emploi de
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- l’acidc sulfureux qui offre le plus d’avantages pratiques et économiques.
- La solution sulfureuse se prépare par les moyens ordinaires usités en industrie. Elle doit renfermer 4 à S millièmes 1/2 d’acide sulfureux. Si l’eau est pure, on y ajoute encore environ 1/2 à 1 millième de son volume d’acide chlorhydrique du commerce, qui sert à saturer la petite quantité de carbonate terreux, qu’on rencontre meme dans la garance d’Alsace. Si au contraire l’eau est calcaire, il faut augmenter la dose d’acide chlorhydrique, proportionnellement au carbonate de chaux que contient l’eau.
- Il est bon d’employer la garance à l’état de poudre grossière, assez uniforme. Il faut éviter la garance réduite en poudre trop fine qui ralentit les filtrations et expressions, et la garance en morceaux trop volumineux qui ne s’imprègnent que lentement, et s’expriment trop difficilement.
- On délayé la garance dans dix fois son poids de solution sulfureuse ; on abandonne le mélange dans des vases en bois bien couverts, pendant 12 à 25 heures, en remuant de temps à autre.
- La matière semi-liquide est versée dans un sac en toile, on rince le vase avec un peu d’eau ordinaire, pour introduire le tout dans le sac ; on laisse égoutter, puis on exprime graduellement, mais assez fortement.
- Le liquide limpide est recueilli dans une cuve en bois. La matière exprimée, qu'on peut très-facilement sortir du sac, est traitée une seconde fois par 10 fois son poids de solution sulfureuse, filtrée et exprimée, et le liquide résultant est ajouté au premier.
- On reprend môme une troisième fois, mais la solution trop faible sert à empâter et à extraire une nouvelle portion de garance, déjà traitée une première fois par la solution sulfureuse fraîche, et ainsi de suite. Pour que les liquides sulfureux ne laissent pas échapper trop facilement leur gaz, il est bon d'éviter qu’ils ne présentent une large surface à l’air,
- ii. il
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- et par conséquent il convient de les recevoir dans des cuves fermées avec des couvercles.
- La garance, épuisée par l'eau sulfureuse froide ou tout au plus tiède, est versée dans une cuve à double fond, dont le supérieur est percé d’un grand nombre d’ouvertures et recouvert d’une toile grossière en laine. On l’y épuise d’abord par de l’eau chaude, et finalement par de l’eau bouillante. En un mot, on pratique un lavage méthodique. Le résidu ainsi lavé et séché constitue une fleur de garance faible, qui teint facilement, avec une grande pureté de nuance, en laissant les fonds parfaitement blancs. On peut aussi le convertir en une garancine faible, en le faisant bouillir avec les eaux mères de l’alizarine verte.
- Pendant tout le cours de ces opérations, la matière colorante utile de la garance, qui peut y rester encore, n’est nullement altérée et rendue impropre à la teinture ; on peut arrêter les opérations à un moment quelconque, et le résidu, fortement séché, reste parfaitement applicable à la teinture, après qu’on y a ajouté un peu de craie, pour saturer les dernières traces d’acide.
- Nous avons déjà vu qu’en ajoutant de 3 à 5 p. 100 d’acide sulfurique ou chlorhydrique à la solution sulfureuse, et en portant à 50 ou 60°, température qu’il ne faut pas dépasser, on détermine la séparation de flocons rouge orangé, de purpurine brute. Au bout de 20 à 30 minutes la précipitation de ce produit est complète, le dépôt est quelquefois assez dense, et se réunit facilement au fond ; on peut alors décanter la liqueur surnageante. Très-souvent il est léger, floconneux et reste très-longtemps en suspension, il faut dans ce cas filtrer. Quoi qu’il en soit, il suffit de le laver à l’eau froide lusqu’à élimination complète de tout acide et de le sécher.
- Les eaux mères de la purpurine sont colorées en orange urunâtre et peuvent être conservées indéfiniment en vase clos. Lorsqu’on les porte à l’ébullition, il se passe un phénomène remarquable. Il se dégage de l’acide carbonique,
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- et en même temps ilse précipite, en assez grande abondance, une matière pulvérulente verte noirâtre, qui n’est autre chose que de l’alizarine colorée par une matière verte très-foncée, formée par l’altération de la chlorogénine.
- Il faut entretenir l’ébullition pendant environ 1 à 2 heures pour être certain delà précipitation de toute l’alizarine verte.
- Très-probablement , il se dépose en même temps une petite quantité d’ulmine provenant de l’action de l’acide sulfurique sur le sucre de la garance.
- L’alizarine verte se dépose au bout de 24 à 36 heures d’une manière complète : seulement, comme elle est en poudre très-fine, elle reste facilement attachée aux parois des vases; pour l’en détacher et la faire couler au fond , il est utile de faire vibrer ou d’ébranler les parois en frappant légèrement.
- On décante les eaux limpides et on recueille l’alizarine verte sur des filtres en toile serrée, après l’avoir lavée à deux ou trois reprises, par décantation, avec de l’eau froide. Les eaux mères sont colorées en brun jaunâtre foncé et ne renferment plus de matière colorante utilisable, si l’ébullition a été poussée assez loin.
- La teinture avec l’alizarine verte bien lavée, pour la débarrasser d’acide, est des plus faciles et n’exige aucune précaution. Des bains non épuisés teignent très-bien de nouvelles toiles mordancées, jusqu’à épuisement complet de la matière colorante.
- Les nuances sont très-nourries et très-vives, les fonds blancs ne se salissent guère et les couleurs résistent parfaitement au savonnage et à l’avivage.
- Les teintes étaient dès l’origine assez pures, il suffit ordinairement d’un seul passage au savon pour obtenir un blanc parfait et des couleurs suffisamment avivées. Une petite addition de craie ( l/1" à 2/10) est souvent avantageuse.
- Séparation de Valizarine jaune d'avec la matière verte. L’emploi des alcalis ou carbonates alcalins pour séparer l’alizarine jaune pure de la matière résineuse vert noirâtre
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- qui l’accompagne dans l’alizarine verte, n’a point fourni de résultats avantageux, il en est de même de l’emploi des sels alcalins, tels que borax, phosphates de soude, etc. L’alizarine verte s’y émulsionne pour ainsi dire, et il est très-difficile d’obtenir des liqueurs filtrées, claires.
- L’alizarine verte traitée par l’alcool ou l’esprit de bois s’y dissout en partie en donnant des solutions colorées en jaune brunâtre très-foncé. En décantant le liquide limpide et en l’évaporant, ou mieux en le distillant, on obtient pour résidu une alizarine jaune-brun passablement pure.
- La sublimation permet aussi, quoiqu’avec moins d’avantage, de séparer l’alizarine à l’état de pureté.
- D’après M. Kopp, le procédé le plus économique et le plus expéditif pour isoler l’alizarine jaune est fondé snr l’emploi de l’huile de schiste légère, des huiles de goudron ou des essences de pétrole.
- On fait choix d’une huile ou essence légère dont le point d’ébullition se rapproche de 150° centigrades. La plupart des huiles de schistes servant à l’éclairage sont dans ce cas. On fait bouillir 1 partie d’alizarine verte avec 15 à 20 parties d’essences, en opérant dans un vase cylindrique en tôle ou en fonte dont la hauteur égale 3 à 4 fois le diamètre.
- Le cylindre ne doit être rempli qu’aux 2/3 de sa hauteur ; il est fermé par un couvercle concave, de manière à pouvoir y verser une petite quantité d’eau destinée à le refroidir et à opérer la condensation des vapeurs d’huile.
- A environ 10 centimètres du bord supérieur du cylindre se trouve, convenablement soudé, un peti tube cylindrique terminé en bec, qui est fermé ordinairement par un bouchon et par lequel on décante l’huile en relevant le vase cylindrique.
- Après avoir entretenu l’ébullition pendant 10 à 15 minutes, on enlève le vase du feu et on laisse un peu refroidir, en donnant de temps à autre quelques légers coups secs contre les parois, pour faciliter le dépôt d’alizarine verte. Ce
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- dépôt s’effectue très-rapidement, l’alizarine verte paraissant se contracter et devenir plus lourde par l’ébullition. Quelques minutes après que la liqueur a cessé de bouillir, elle est parfaitement claire, limpide et d’un brun jaunâtre doré. Lorsqu’on décante l’huile ou l’essence encore très-chaude dans un autre vase en tôle, elle laisse déposer, par le refroidissement, une quantité notable d’alizarine jaune, sous forme de très-petits cristaux qu’on a qu’à recueillir sur une toile très-serrée, exprimer fortement et laisser exposés quelque temps à l’air pour avoir un produit presque chimiquement pur.
- Dans la pratique, il vaut mieux ne pas tenir compte de cette cristallisation.
- Lorsque la température de la solution décantée s’est abaissée jusqu’à environ 100° centigrades, on verse dans l’huile de schiste chargée d’alizarine, environ 10 à lo p. 100 d’une solution aqueuse faible de soude caustique renfermant à peu près 5 à 8 p. 100 de son poids d’hydrate de soude, et l’on agite très-vivement.
- La soude caustique s’empare presque instantanément de toute l’alizarine en donnant une solution d’un bleu pourpre splendide. Le liquide alcalin séparé par décantation est sursaturé par l’acide sulfurique étendu qui précipite la matière colorante sous forme d’un magma cristallin qu’il ne reste plus qu’à laver et à sécher, ou bien encore, on l’emploie en pâte. L’huile de schiste qui surnage la solution d’alizarate de soude peut immédiatement servir à de nouveaux épuisements.
- Trois à quatre taitements par l’huile de schiste bouillante suffisent pour extraire toute la matière colorante : le résidu noir est filtré et exprimé. Il se présente sous forme de gâteaux noirs presque secs qui, par une exposition de 48 heures à l’air, ou dans une étuve, perdent peu à peu complètement le peu d’huile qu’ils renfermaient encore.
- Cette substance noir verdâtre peut être utilisée pour la
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- préparation d’une matière colorante jaune ou jaune orangé brunâtre, possédant des propriétés assez curieuses.
- A cet effet, on verse, dans une grande capsule, de l’acide nitrique étendu de 10 fois son poids d’eau et l’on chauffe à 100°. On y introduit ensuite graduellement et avec précaution, de manière à éviter une effervescence trop vive, de la matière verte noirâtre en quantité équivalente aux f du poids de l’acide nitrique. La masse se boursoufle fortement et il se dégage en abondance un gaz, principalement formé d’acide carbonique. Il se produit une matière jaune brunâtre très-peu soluble dans l’eau qu’il suffit de laver et sécher : celle-ci se présente alors sous forme de poudre volumineuse très-légère.
- Cette matière nommée xantazarine est un peu soluble dans l’eau bouillante, très-soluble dans l’alcool et l’éther qu’elle colore en jaune brunâtre foncé, ainsi que dans les solutions caustiques et carbonatées, auxquelles elle communique une teinte rouge jaunâtre très-riche.
- Chauffée, elle fond, émet quelques vapeurs jaunes et laisse un résidu considérable de charbon.
- La xanthazarine teint facilement la laine et la soie mor-dancées ou non. La laine prend une teinte jaune d’or intense ; le coton mordancé à l’alumine se colore en jaune orangé. Les agents réducteurs (hydrogène naissant, hydrogène sulfuré, hyposulfite, chlorures stanneux et ferreux, désoxydent la xanthazarine en donnant naissance à une matière colorante rouge qui teint la laine,la soie et le coton mordancé, en nuances se rapprochant un peu de celle de la purpurine impure. Ainsi, en ajoutant du chlorure stanneux à la xanthazarine délayée dans l’eau, ou dissoute dans une trace d’alcali, on obtient une laque jaune ; en portant le tout à l’ébullition, la laque change de suite de nuance et se transforme en une laque rouge un peu cramoisie. Un tissu de laine , teint en jaune doré avec la xanthazarine, devient rouge-cramoisi lorsqu’on le plonge dans une solution bouil-
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- lante et étend ue de sel d’étain. La matière colorante rouge provenant de la réduction de la xanthazarine est presque insoluble dans l’eau froide, et les nuances qu’elle fournit paraissent être plus solides que celles obtenues avec la matière jaune.
- QUATRIÈME GROUPE.
- Procédés gui utilisent ta volatilité cle l’alizarine.—M. Camille Kœchlin a le premier fait entrevoir la possibilité d’extraire directement l’alizarine de la garance, par voie de volatilisation.
- La volatilité de ce corps est trop faible, son point de décomposition est trop voisin de son point de sublimation, pour qu’il soit possible d’extraire de l’alizarine par simple chauffage de la garance ou de la fleur. Il est de plus évident que beaucoup de matières végétales se détruiront en même temps, avec production de composés empyreumatiques qui souilleraient le peu de colorant isolé.
- Nous savons d’un autre côté qu’un courant gazeux ou d’une vapeur, de vapeur d’eau par exemple, favorise la volatilisation et permet d’en abaisser la température. Il a en outre l’avantage de soustraire continuellement les vapeurs d’alizarine à l’action décomposante de la chaleur.
- C’est en partant de ces principes que M. Kœchlin et après lui M. E. Kopp ont tenté d’isoler industriellement l’aliza-rine.
- L’appareil de M. Kœchlin ne peut servir qu’à des expériences de laboratoire, et n’était destiné qu’à appeler l’attention des fabricants sur une nouvelle voie à suivre dans la préparation d’un extrait de garance. La garance en morceaux ou moulue, ou encore la garancine, était placée dans un tube ; on le portait à 250° au moyen d’un bain d’huile, on y faisait entrer d’un côté un courant de vapeur d’eau, tandis que de l’autre sortaient les vapeurs qui allaient se condenser dans un ballon refroidi. En opérant ainsi,
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- 1 G 8
- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- M. H. Schlumberger n’a obtenu que 0sr, 67 d’extrait pour 100 grammes de garance.
- . L’appareil de M. Kopp, dont nous donnons ci-joint le dessin, est construit dans le but d’une exploitation industrielle. On fait passer de la vapeur surchauffée dans et autour de garancine en morceaux de la grosseur d’une noix.
- A, générateur de vapeur. —B, prise de vapeur. — C, four à surchauffer la vapeur qui s’y rend par le tuyau d . — E, tuyau à robinet h pour la sortie de la vapeur surchauffée. — F, chambre en fonte, de forme sphérique, divisée en deux compartiments, par une cloison verticale percée de trous. Cette cloison est destinée à favoriser le mélange intime de la
- Fig. 2.
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- v-rr-'r
- 'gïil___Lr._/ ü
- vapeur surchauffée et de la vapeur ordinaire, arrivant lorsque le robinet g est ouvert d’une certaine quantité. —I, thermomètre. — CC, cylindre en cuivre contenant la garancine sèche, disposée entre deux diaphragmes; ce cylindre communique dans la chambre F, au moyen du tuyau à robinet k. — D, autre cylindre enveloppant concentriquement le cylindre CC et communiquant également avec la chambre F à l’aide du tuyau à robinet /, qui sert à faire circuler la vapeur autour du cylindre j; l’excès de cette vapeur se dégagepar
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- le tube m. — H, appareil de condensation dans lequel les produits de la distillation se rendent par le tuyaup , communiquant avec le cylindre cc.
- Le four à surchauffer la vapeur d’eau étant porté à 360°, on commence par faire circuler de la vapeur à 180° dans le cylindre d, et lorsque le cylindre cc et la garancine ont acquis cette température, on ouvre le robinet k qui donne accès dans le cylindre à la vapeur surchauffée, dont on élève peu à peu la température à 200, 220, 230, et même vers la fin de l’opération jusqu’à 240°. L’alizarine se sublime et est entraînée par la vapeur d’eau sous la forme d’un gaz jaune orangé qui se condense en poudre de la même couleur. La distillation terminée, on rassemble cette poussière sur un filtre, et l’eau de condensation qu’on retient en dissolution peut servir à la teinture.
- LAQUES DE GARANCE.
- On donne le nom de laques de garance aux combinaisons insolubles et colorées que forment les matières colorantes rouges de la garance avec les oxydes métalliques. Celles qui se recommandent par la beauté de leur nuance sont employées, comme couleurs organico-métalliques, dans la peinture à l’huile ou à la gélatine, la peinture à l’aqiiarclle et en miniature, à la décoration des fleurs artificielles ; on peut aussi les fixer sur tissus, comme l’outre-mer ou toute autre poudre insoluble, au moyen de l’albumine et des fixateurs plastiques; enfin, en les dissolvant dans un véhicule convenable et volatilisable par la chaleur, tel que l’acide acétique, et en imprimant, on obtient par vaporisage une véritable teinture sur place.
- A vrai dire, les laques d’alumine et de garance (alizarate etpurpurate d’alumine) sont seules employées. Elles sont d’un rose plus ou moins foncé, avec un reflet bleuté. Il est très-difficile d’obtenir des laques d’alumine foncées et réel-
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- \ 7 0 TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- lement rouges après la dessiccation. Elles participent de la solidité des teintes fournies par la garance, et c’est cette propriété qui les recommande surtout à l’attention des consommateurs.
- La plupart des procédés publiés reposent sur l’emploi d’une solution alunique de matière colorante, que l’on précipite par du carbonate de soude.
- On obtient de semblables solutions, en faisant bouillir la garance lavée à l’eau avec une solution d’alun et en filtrant. M. GolJomb de Wesserling se sert du précipité pec-tique brun, formé par la saturation de la lessive de soude avec laquelle il épuise la garance lavée à l’acide nitrique étendu. Il emploie 12 litres d’eau et 2 k,5 d’alun, fait bouillir à la vapeur pendant 10 minutes et précipite par 900 grammes de cristaux de soude dissous dans 5ut,5 d’eau.
- Les méthodes proposées par M. Persoz offrent plus d’avantage :
- La garance lavée à l’eau, contenant du sulfate de soude, est bouillie 20 minutes avec 10 fois son poids d’une solution d’alun à 10 pour 100. On filtre et on laisse refroidir à 3o ou 40°. Le liquide rouge peut être traité de deux manières : 1° on sature avec précaution avec 1/8 ou 1/10 de carbonate de soude, par rapport à l’alun employé, de manière à former de l’alun basique qui reste en solution. En portant ensuite à l’ébullition, on détermine la précipitation d’un sous-sulfate d’alumine insoluble, combiné à tout le colorant du bain. Le dépôt n’est pas gélatineux, il se sépare et se filtre rapidement et se dissout bien dans l’acide acétique ; 2° on ajoute au bain une quantité convenable d’acétate de plomb (78 parties pour 100 d’alun); il se précipite du sulfate de plomb); le liquide rouge filtré est porté à l’ébullition. Dans ces conditions, on obtient également un dépôt de sulfate basique d’alumine coloré en rouge. La laque ainsi préparée est beaucoup plus intense et plus pure que celles qu’on obtient avec le carbonate de soude.
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- Au lieu d’employer la garance, on se servira avec beaucoup plus d’avantage des produits plus concentrés qui se préparent de nos jours, et notamment de la purpurine commerciale dont les usages en teinture sont restés jusqu’à présent nuis.
- D’autres procédés peuvent être imaginés et essayés pour l’obtention de laques.
- Ainsi, on pourrait dissoudre la matière colorante dans une quantité restreinte d’alcali et mettre le liquide en présence de l’alumine hydratée, ou bien encore dissoudre la matière colorante dans l’aluminate de soude et saturer par le sel ammoniac ou un acide faible qui précipiterait l’alumine en combinaison avec le principe colorant. On formerait également une laque en teignant de l’alumine en gelée dans un bain de matière colorante. On a cherché, mais sans succès, à obtenir une laque de fer propre à l’impression.
- UES DIFFÉRENCES QUE L’ON OBSERVE ENTRE LES ESPÈCES DE GARANCE.
- Les garances peuvent varier dans leur composition qualitative et quantitative, suivant une foule de circonstances, telles.que l’âge, l’espèce, le climat, la nature du terrain, la culture, la préparation et la plus ou moins bonne conservation.
- Nous n’envisagerons ici que les différences qui se révèlent au point de vue pratique par la solidité et l’intensité des nuances qu’elles peuvent fournir, en rattachant ces caractères à des différences de composition, lorsque les documents ne nous feront pas défaut.
- Nous trouvons les éléments de cette étude comparée dans les travaux de MM. D. Koechlin Schouch, Persoz et surtout dans les recherches persévérantes de H. Schlum-berger.
- 1° Influence de la culture, du terrain et du climat. —
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- 172 TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- Notre pays fournit deux garances très-distinctes par leurs propriétés tinctoriales : la garance d’Avignon palud et la garance d’Alsace. Nous étudierons avec détails les divergences offertes par ces deux produits. Les garances des autres pays peuvent, en effet, être rattachées à l’un ou à l’autre de ces deux types extrêmes, ou viennent prendre une place intermédiaire.
- Lorsqu’on teint des échantillons mordancés en alumine et en peroxyde de fer avec la garance d’Alsace et delle d’Avignon, sans aucune addition, on ne remarque pas au sortir du bain des différences sensibles au point de vue de la couleur et de l’intensité. Par un passage en savon bouillant, les tissus teints avec le produit d’Alsace deviennent plus clairs et plus ternes que les autres ; exposés ensuite sur pré, ils ternissent et pâlissent chaque jour davantage, et, après quatre jours d’exposition, et au second savonnage, les rouges ont viré h l’orange, et les violets au gris sale ; les lilas sont presque détruits. Les couleurs faites avec la garance d’Avignon, au contraire, prennent plus de vivacité et d’éclat. Le noir est la seule couleur qui résiste aussi bien et même un peu mieux que celui de la garance d’Avignon. On arrive au même résultat, mais beaucoup plus vite, en remplaçant l’exposition sur pré par un passage en nitromuriate d’étain faible et tiède, ou encore en acide azotique étendu ; les mêmes différences se produisent.
- M. H. Schlumberger a confirmé ce fait capital par l’essai d’un grand nombre de variétés de produits préparés en Alsace et à Avignon.
- Si, au lieu d’employer la garance d’Alsace pure, on ajoute au bain de la craie, 1/12 à 1/5 du poids de la garance, on obtient des teintes qui ne diffèrent plus en rien de celles fournies par la garance d’Avignon employée avec ou sans craie.
- En prenant 1/50 de craie seulement, les nuances sont aussi foncées, mais moins belles qu’avec 1/5. Les doses
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- intermédiaires rendent des nuances d’autant plus belles que la proportion est plus forte. On peut remplacer la craie par 1 /75 de chaux, 1/60 de carbonate de soude ou de potasse, ou encore 1/80 de potasse caustique.
- L’influence avantageuse de la craie, dans la teinture en garance d’Alsace, a été signalée pour la première fois par M. Haussmann ; il rendit par là un immense service à l’industrie, à une époque où la garance d’Alsace n’avait pas encore été détrônée par celle d’Avignon. Ces deux faits capitaux, instabilité des nuances avec la garance d’Alsace pure, amélioration considérable après addition de craie, s’expliquent très-facilement, si nous jetons un coup d’œil sur l’analyse comparée des cendres de ces deux produits.
- On a en effet :
- Garance d’Avignon. Garance d’Alsace.
- Poids total des cendres pour 100... 10,00 à 11,35 7,02 à 9,09
- Partie soluble Chlorures, carbonates, sulfates alca- 4,00 4,02
- lins. Carbonate de chaux 3,06 0,08
- Phosphate de chaux et un peu d’alu- 0,08 0,09 1,33
- Silice 0,66
- Le carbonate de chaux de la cendre de la garance d’Avignon préexiste dans la poudre, au moins en partie, et n’est pas tout entier formé par l’incinération des sels de chaux à acides organiques. Cette garance n’offre, en effet, pas de réaction acide ; sa couleur est un peu violacée ; par l’ébullition avec l’eau, elle dégage de l’acide carbonique et fait ensuite encore effervescence avec l’acide acétique.
- Dans la garance d’Alsace, qui aune teinte jaune claire, une réaction franchement acide (acide organique), et qui ne fait pas effervescence avec les acides, il n’y a pas de carbonate de chaux naturel. Ce sel est donc nécessaire pour obtenir des nuances solides.
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- Reste à savoir si son rôle se borne à saturer l’acide libre de la garance , ou s’il intervient d’une autre manière ; c’est ce que nous examinerons plus tard.
- La garance d’Alsace renferme plus de principes mucila-gineux, sucrés, amers et plus de purpurine que la garance d’Avignon. Elle cède à l’eau ses parties colorantes à une moindre température.
- La présence du carbonate de chaux dans les racines de garance dépend évidemment de la nature du sol,et, pour s’en convaincre, il suffit de se reporter à l’analyse des terres d’Alsace et de Palud que nous avons donnée plus haut.
- On pouvait donc espérer qu’en amendant convenablement, avec des calcaires marneux, les terres d’Alsace, on parviendrait à leur faire rendre des produits égaux à ceux d’Avignon. Pour vérifier ces déductions, on planta en mars 1834, dans le jardin botanique de la société industrielle, des boutures de garance d’Alsace et d’Avignon : 1° dans une terre préparée avec 50 à 80 pour 100 de blanc de Troyes, et 1/5 du volume en fumier; 2° dans de la terre venue d’Avignon ; 3° dans la terre d’Alsace non calcaire. Tous les produits cultivés dans les terrains calcaires, récoltés en novembre de la même année, donnèrent en teinture des résultats comparables en solidité à ceux des bonnes garances paluds. Les différences observées dépendaient de l’âge ; tandis que les échantillons des terrains non calcaires se comportaient comme la garance d’Alsace. Il résulte de là que le climat n’a pas d’influence sensible sur l’assimilation de la craie, au moins pour la première année. Celle-ci est d’autant plus grande que les racines sont plus vigoureuses et plus âgées.
- Les différences signalées résident surtout dans la solidité des couleurs ; quant à l’intensité, mesurant la quantité utilisable de matière colorante et à la dose absolue de cette dernière, il est difficile d’établir une comparaison d’une espèce à l’autre. En effet, d’après les essais deM. H. Schlumberger, une même espèce peut offrir des variations de 60 pour 100
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- dans le pouvoir tinctorial, tandis qu’en comparant les meilleures qualités prises dans les différentes espèces, on ne trouve pour ainsi dire aucune différence. On peut en conclure que les bonnes garances d’Alsace, de Zélande, de Belgique, d’Avignon, etc., ont un pouvoir tinctorial équivalent. Ce facteur dépend d’une foule de circonstances, telles que le climat, le temps où la racine reste en terre, les variations des conditions atmosphériques pendant la végétation, la manière de sécher les racines, les soins apportés à leur trituration et à leur conservation.
- Au point de vue de la solidité des nuances, dérivant de la présenceou de l’absence de calcairedans la racine etle terrain, les garances de Zélande et de Belgique (Hassell) se rapprochent tout à fait de celles d’Alsace. Il en est de môme des produits de la Silésie, du Bonat, du Rhin et jusqu’à un certain point de la garance rosée d’Avignon cultivée dans des terrains siliceux. Les garances de la mer Caspienne, cultivées dans le district de Derbent, ont une teneur en chaux égale ou inférieure à celle de l’Alsace, d’après les analyses de M. Pets-holdt. La garance dite du Levant appartient au type Avignon.
- L’âge de la racine influe beaucoup sur la quantité de matière colorante rouge et sur la solidité des couleurs. C’est vers la fin de la troisième année que .la racine doit être récoltée. Dans la première et la seconde, les parties jaunes ou fauves sont beaucoup plus abondantes que dans la troisième, et les parties rouges le sont moins. Cette opinion, généralement admise par les cultivateurs et formulée par M. D. Kœchlin, n’est pas d’accord, au moins en ce qui touche les racines cultivées dans un terrain non calcaire, avec les essais faits à Mulhouse. Ainsi, on planta au jardin botanique de la société industrielle des garances pendant quelques années, en laissant les anciennes racines en terre et en replantant à chaque printemps de nouvelles, par boutures. On récolta à la fois toutes les racines des différents âges, soit
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- espèces d’Alsace, soit espèces d’Avignon, et l’on trouva que les racines d’une seule année de terre (plantées en mars et récoltées en novembre), étaient à très-peu de chose près aussi riches en matière colorante que celles de deux, de trois et môme de cinq ans. Les racines de l’espèce Alsace ont donné des nuances un peu plus foncées que celles d’Avignon. Avec addition de craie, les résultats étaient tout aussi solides.
- Les jeunes pousses de l’espèce d’Avignon donnent des couleurs aussi foncées que les racines, mais elles exigent un peu plus de craie.
- Pour les garances cultivées dans un terrain calcaire, le résultat n’est pas le même, car l’assimilation du calcaire est d’autant plus grande, que les racines sont plus vigoureuses et plus anciennes. Ainsi, il est bien prouvé que les garances paluds sont plus calcaires et donnent des couleurs plus vives et plus solides lorsqu’elles ont trois années de terre que lorsqu’elles n’ont qu’une année et demie, et ces dernières sont plus avantageuses que celles de six mois.
- En Allemagne, on emploie sous le nom de Roethe une qualité de garance inférieure qui se compose de racines récoltées avant leur maturité. Elle ne fournit que des nuances peu solides, et ne sert que pour les teintures communes, pour brunir et pour rougir.
- Influence de la trituration de la poudre. —L’influence de la préparation sur la solidité et la richesse, abstraction faite de tout mélange hétérogène, dépend du soin que l’on apporte à séparer les diverses parties et le chevelu. Quelques fabricants broient avec la racine la partie de la tige qui, restée sous terre pendant la culture, en a pris la couleur, sans participer à ses propriétés tinctoriales. Ils augmentent ainsi le poids de la garance au détriment de sa richesse.
- L’écorce donne trois fois plus de couleur rouge que le ligneux ; elle est plus épaisse dans les plantes mûres que
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- dans les jeunes pousses. A la troisième année, son épaisseur est du tiers du rayon. Elle est d’un brun foncé et plus pesante que la partie ligneuse.
- Les fabricants cherchent principalement à séparer, pendant la trituration, les parties ligneuses et charnues de l’épiderme. Le plus ou moins de pureté de l’une de ces parties, ou leurs proportions respectives dans le mélange du ligneux et de l’écorce forment les diverses qualités. Celles-ci, provenant d’une môme racine, outre les différences dans la richesse colorante, donnent des résultats variables au point de vue de la solidité, puisqu’il se peut que le carbonate de chaux soit distribué inégalement dans la racine. Ainsi le ligneux de la racine d’Alsace teint plus solide que l’écorce charnue.
- Pour certaines teintures fines, on préfère la partie centrale, quoiqu’elle soit moins riche.
- Influence de Vâge de la poudre. — Une longue pratique a démontré, qu’un produit conservé quelque temps en tonneau rend mieux en teinture que lorsqu’il est fraîchement préparé. Ce fait est déjà signalé dans la traduction allemande de Bancroft. Dingler et Kurrer disent que les garances moulues et conservées dans des tonneaux bien fermés s’améliorent pendant plusieurs années, qu’elles y gagnent de 2 à S pour 100 en poids et un tiers en faculté tinctoriale.
- Cette amélioration, d’après les auteurs cités, atteindrait son maximum de la troisième à la quatrième année. A partir de la sixième, elle commencerait à se perdre. Les essais directs de M. H. Schlumberger ont pleinement confirmé ces intéressantes observations. En teignant avec des racines fraîches ou vertes sortant de terre et un poids équivalent des mêmes produits séchés et pulvérisés rapidement, de suite après la récolte, ce chimiste a trouvé des résultats identiques , ou même plutôt en faveur des racines vertes. Les mêmes produits, conservés dans des flacons en verre, bouchés avec du liège, ont accusé, après trois ans, un gain en matière colorante de 50 à 60 pour 100. En grand, pour la
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- garance conservée en tonneau, on trouve généralement que 100 kilogrammes de garance de deux ans équivalent à 120 kilogrammes des mêmes produits- de deux mois de tonne. Des garances de qualités médiocres de dix aimées de tonneau lui donnèrent des résultats équivalents à ceux de garances de première qualité. Les racines conservées entières offrent des effets semblables, l’amélioration s’y accuse même plus tôt.
- Voici, en résumé, les changements physiques que subissent les garances depuis le moment de leur récolte :
- 1° La matière colorante devient rouge, de jaune qu’elle était d’abord.
- 2° Les garances pulvérisées et conservées dans de bons tonneaux augmentent de poids pendant quelques années, et perdent de leur gain pendant les suivantes. Leur nuance continue à se foncer par l’age.
- 3° Certaines garances riches en principes sucrés et muci-lagineux, celle d’Alsace par exemple, s’agglomèrent et se durcissent. On dit alors qu’elles sont mûres ou grappées.
- L’augmentation de poids, éprouvée par les garanôes en tonne, ne peut tenir qu’à une absorption d’humidité, due aux principes hygroscopiques qu’elle renferme. Dans des flacons bien bouchés, ce changement n’est pas observable.
- Sous la double influence de l’oxygène interposé et de l’humidité absorbée, et parallèlement à cette absorption, il s’établit une fermentation lente qui donne lieu au dédoublement des glucosides colorants, jaunes ; de là le gain en matière colorante.
- Le rôle de l’oxygène dans les modifications que subissent les principes colorants n’est pas douteux, lorsqu’on voit le suc jaune de la racine se troubler et devenir rouge dès qu’il est exposé au contact de l’air. Il est probable, d’après cela, que les principes se trouvent, dans la plante vivante, dans un état particulier de désoxydation. Mais l’oxydation ne se poursuit probablement pas activement, lorsque
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- la garance, une fois moulue, est mise en tonneau. Le phénomène principal retient alors à cette fermentation particulière, due à la matière azotée, modifiée par l’air, qui possède le poirvoir de dédoubler les glucosides.
- Le rapport remarquable que nous avons fait ressortir, entre la composition des diverses matières colorantes rouges, pourrait faire penser que pendant cette fermentation la pseudopurpurine et la purpurine sont susceptibles de se changer, par voie de réduction, en alizarine ; mais aucun fait chimique ne permet encore d’adopter cette hypothèse comme probable.
- Essais des garances, fleurs de garance, garancine, extraits, etc. — Gomme nous l’avons vu plus haut, de nombreuses circonstances peuvent influer sur la richesse colorante d’une garance d’origine donnée, et sur la solidité des teintes qu’elle est susceptible de fournir. A ces causes naturelles de variations, nous avons encore à ajouter les sophistications pratiquées dans le commerce des poudres.
- C’est pendant la pulvérisation, que certains fabricants peu consciencieux mélangent aux garances diverses substances de médiocre valeur, qui en augmentent le poids sans en changer la couleur.
- De semblables falsifications peuvent nuire, aussi bien à la pureté et à la beauté des couleurs qu’à la richesse tinctoriale du produit.
- Il était donc urgent de trouver une méthode d’essai permettant d’évaluer rapidement les qualités et la richesse d’une garance ou d’un de ses dérivés.
- Dans l’examen d’une garance, nous avons trois choses à déterminer :
- 1° La valeur de la matière pour l’industriel qui la consomme, et dans les conditions où elle est employée, valeur qui se fonde sur la quantité utilisable de la matière tinctoriale et sur la solidité et la pureté des nuances ;
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- 2° La quantité absolue de matière colorante renfermée dans la poudre ;
- 3° La présence de substances étrangères et la dose de ces substances.
- La première question intéresse le plus le consommateur ; c’est aussi celle qui a trouvé la solution la plus pratique et la plus complète, grâce aux beaux travaux de M. H. Schlum-berger. Pour ce qui est de la seconde, il peut être utile dans certains cas de l’éclairer ; malgré le grand nombre de procédés proposés, on peut dire qu’elle n’est pas résolue d’une manière convenable.
- PROCÉDÉ DE M. SCHLUMBERGER POUR DÉTERMINER LE POUVOIR
- TINCTORIAL UTILE D’UNE GARANCE ET D’UN DE SES DÉRIVÉS
- AINSI QUE LA SOLIDITÉ DES TEINTES.
- Une teinture faite avec une dose connue et constante de garance et une surface constante d’un tissu mordancé avec les divers mordants usités (mordants d’alumine pour rouge et pour rose, mordants de fer pour noir et pour violet, mordant puce), la comparaison du résultat obtenu avec celui que donne une bonne garance prise pour type ; tels sont, en quelques mots, les moyens simples usités pour l’essai des garances, fleurs de garance, garancine, etc.
- Le rapport entre la surface mordancée et la matière tinctoriale doit être tel que le mordant ne soit pas complètement saturé, afin de permettre l’évaluation de richesses dépassant le type ; il doit l’être assez pourtant, pour que l’on puisse estimer la vivacité des nuances sortant de teinture et les soumettre aux avivages, pour en examiner la solilidité.
- Cette dernière opération est d’autant plus indispensable, qu’elle ramène souvent les nuances à un rapport inverse de celui de leur intensité primitive.
- On emploie ordinairement pour un essai : 25 centimètres carrés de tissus imprimés en mordants, par bandes parallèles (mordants pour rouge, pour rose, pour noir et
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- pour violet. Ils doivent être parfaitement fixés en bouse ou silicate et bien dégorgés) ; 10 grammes de garance ou 5 grammes de fleur et un litre d’eau distillée ou d’eau pure. Avec la garance d’Alsace, il est nécessaire d’ajouter de la craie. La pesée de la garance doit se faire au moins à 1 centigramme près. On teint simultanément avec des poids égaux de garance ou de fleur type et des produits à essayer, afin que les conditions soient bien égales. L’appareil dont on se sert, se compose d’une grande bassine en cuivre ou en fer battu dont le couvercle présente deux ou un plus grand nombre d’ouvertures assez larges pour y fixer des vases en verre de 1 litre, 2 décilitres de capacité dans lesquels la teinture a lieu. Ces vases sont chauffés par l’eau du bain-marie. On chauffe soit à la vapeur, soit sur un fourneau à charbon, en montant progressivement de 25 à 95 degrés centigrades, pendant deux heures. La limite supérieure doit être maintenue une demi-heure. Chaque vase est muni d’un agitateur que l’on met en activité toutes les cinq minutes, afin de renouveler les surfaces et d’obtenir des teintes unies. Les échantillons sont marqués par des trous coupés dans la partie blanche. Au sortir du bain, ils sont bien lavés et dégorgés, séchés, repassés et partagés en deux moitiés dont l’une est conservée et l’autre avivée. La première permet de juger de l’intensité avant l’avivage et de la pureté des blancs après la teinture. La seconde sert à déterminer la solidité.
- L’avivage se compose :
- 1° D’un passage d’une demi-heure dans un bain de savon, à 75 degrés centigrades, monté avec 10 grammes de savon mi-blanc et 4 litres d’eau, pour 8 échantillons ;
- 2° D’un passage au savon bouillant, une demi-heure, monté comme le premier ;
- 3° D’un lavage à l’eau ;
- 4° D’un passage de dix minutes dans un bain de nitro-muriate d’étain, monté avec 5 grammes de savon et
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- 5 grammes de nitromuriate d’étain, pour 4 litres d’eau, et chauffé à 45 degrés centigrades, de là on passe immédiatement en :
- 5° Savon bouillant ( 10 grammes de savon pour 4 litres d’eau), une demi-heure. Enfin on lave, on sèche et on compare.
- A propos de l’essai des fleurs de garance, M. G. Schæffer fait remarquer que depuis que leur emploi s’est généralisé, leur valeur tinctoriale a baissé. Bien souvent la fleur est encore chargée de matières solubles et de quantités d’acide sulfurique très-appréciables. Avec de pareils produits on est exposé à de grandes irrégularités dans la fabrication, et il est impossible d’obtenir, surtout pour les violets, cette pureté de nuance qui fait le mérite de la véritable fleur.
- Les essais faits pour évaluer la richesse et la solidité du produit ne correspondent pas toujours aux résultats obtenus en grand : la quantité d’eau employée pour les essais en petit étant environ huit fois plus grande que celle pour la teinture des pièces, il est évident que l’action des substances étrangères et de l’acide doit être moins sensible.
- Il importe avant tout de savoir si le produit est débarrassé de ses matières solubles, avant de procéder à des essais de teinture. M. Schæffer propose à cet effet le moyen suivant :
- Il fait macérer avec de l’eau quelques grammes de la fleur à essayer et filtre. Les eaux de lavage des fleurs dont le rendement et la beauté des nuances étaient reconnus inférieurs, se trouvaient sensiblement colorées. Le nitrate de baryum y donne un précipité assez abondant. Chauffées avec de l’acide sulfurique ou chlorhydrique, elles donnent une coloration verte très-prononcée.
- Pour les fleurs donnant les meilleurs rendements et les plus belles teintes, les eaux de lavage sont peu colorées et neutres : elles ne précipitent pas par le sel de baryte, elles ne prennent qu’une légère coloration rose avec l’acide sulfurique, et jaunâtre avec l’acide chlorhydrique. Dans l’essai par voie de teinture, il convient de faire une double expérience,
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- l’une avecl /5 environ de craie et l’autre sans craie. Avec les garances la température doit être élevée graduellement, sans jamais rester stationnaire ni descendre : une irrégularité de cette nature n’a pas d’influence lorsque l’on opère avec les fleurs.
- Essai des garancines.—On prend pour 25 centimètres car-résde tissumordancé,lgr,6degarancineet3/4 delitred’eau. On teint une heure et demie en montant de 25 à 90 degrés centigrades: on lave après teinture et on passe en eau chaude.
- Les produits plus concentrés, tels qu’extraits divers, aliza-rine verte, etc., peuvent être examinés de la même manière, en ayant soin d’en prendre un poids tel que l’échantillon ne soit pas saturé complètement, ce à quoi l’on arrive en teignant plusieurs doses décroissantes et en prenant, pour l’évaluation, l’échantillon qui offre la nuance immédiatement inférieure à celle de deux essais consécutifs de même intensité. Il est bon de délayer les extraits résineux dans de l’alcool, afin de favoriser la dissolution delà matière colorante et sa division dans le bain. Enfin, d’après les observations de M. G. Kœchlin, il est nécessaire, pour arriver à des résultats exacts, de graduer la quantité d’eau suivant la richesse et la concentration du produit. En règle générale, la quantité d’eau employée dans la teinture doit être d’autant plus faible, jusqu’à une certaine limite, que la matière colorante est plus concentrée.
- Ainsi avec un extrait teignant comme 16 à 20 fois la garance, 250 centimètres cubes d’eau suffisent pour un échantillon de 25 centimètres carrés et la dose d’extrait convenable pour le teindre.
- Le procédé de M. Schlumberger, modifié légèrement suivant la nature des substances, ne donne qu’une comparaison par rapport à un produit type. Si l’on a soin de former une gamme chromatique décroissante, avec des poids connus de plus en plus faibles du type, le résultat de l’essai fait avec la dose normale (10 grammes de garance, 5 grammes de fleur,
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORAMES.
- lgr,6 garancine) tombera, quant à l’intensité, avant et après l’avivage, entre deux numéros de la gamme et pourra se classer d’après ces numéros mêmes.
- Si nous avons, par exemple, la gamme de fleur teinte avec :
- N° i......................... ,f>gr,,00
- jN° 2........................... 4gr,05
- N° 3............................ 4gr,00
- N° 4............................ 3gr,05
- N° a............................ 3gr,00
- N° G............................ 2gr,0o
- et si la teinture faite avec b grammes de la fleur a déterminer tombe entre 2 et 3, on pourra dire que S grammes de cette fleur valent entre 4gr,5 et 4 grammes du type, ou en moyenne que la fleur vaut 85, le type valant 100.
- Evaluation de la quantité absolue de matière colorante. — Nous perdrions notre temps à décrire tous les procédés imaginés pour arriver à ce résultat. Aucun d’eux ne résout la question d’une manière satisfaisante, vu qu’ils fournissent toujours, pour la pesée, la matière colorante encore impure et mélangée à plus du moins de substance résineuse. Ces procédés exigent, de plus, des manipulations longues et difficiles et qu’il est par conséquent impossible d’appliquer en fabrique, où l’on a toujours un grand nombre d’essais de ce genre. Une bonne méthode approximative a été proposée par M. Sclilumberger, elle est basée sur le pouvoir dissolvant de l’acide acétique indiqué, déjà en 1829, par un anonyme, pour l’extraction de la matière colorante.
- On pèse 10 grammes de garance qu’on met dans un flacon, avec 500 grammes d’eau distillée à 30 degrés centigrades et un peu de levûre de' bière. On laisse fermenter pendant vingt-quatre heures, puis on filtre et on lave avec de l’eau aiguisée de 1/50 d’acide acétique.
- On peut aussi négliger la fermentation et macérer et laver avec l’eau acétique. Cette opération préalable est inutile pour la fleur.
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- Le résidu est bouilli avec un litre d’acide acétique à 1/2 degré Baumé, pendant dix minutes; on décante, après repos, sur un filtre et on traite par une nouvelle quantité d’acide acétique. Les deux solutions abandonnent par refroidissement des flocons oranges et l’eau mère retient du colorant qu’on précipite complètement par addition de chlorure de sodium. Le dépôt est recueilli sur un petit filtre taré, lavé à l’eau pure, séché et pesé.
- CeprocédéafourniàM. Schlumberger4&r,l à 4gr,2 décolorant, pour 100 grammes de bonnes garances d’Avignon, d’Alsace, de Hollande ou de Belgique ; tandis que les garances de qualités inférieures donnaient lgr,9 à2gr,7 de précipité. Les garances nouvelles, d’un faible pouvoir tinctorial, donnèrent 3gr,8 à4gr,2, c’est-à-dire autant que les bonnes anciennes, parce que l’ébullition avec l’acide, en dédoublant les gluco-sides, ramenait ces garances nouvelles au même état que les anciennes.
- Le produit déposé dans l’acide acétique, contenant tout le colorant de la garance, pourrait fournir par son poids une donnée certaine, mais seulement comparative, s'il était prouvé que la résine et le colorant s’y trouvent toujours dans le même rapport. Dans ce cas il suffirait de déterminer une fois pour toutes la proportion des deux principes.
- Les progrès de la science rendent plus exigeant, et il conviendrait de pouvoir doser exactement l’alizarine, la purpurine, la pseudopurpurine, la matière orange contenue dans une garance. Une méthode si riche en résultats est encore à trouver.
- Examen des garances au point de vue des falsifications. — Quelle que soit la nature des poudres étrangères mélangées par fraude aux garances, elles ne peuvent influer sur le résultat final de l’essai de teinture, si l’on a soin, comme nous l’avons prescrit plus haut, d’aviver au savon et au nitromu-riate d’étain. En effet, les couleurs rouges étrangères qui peuvent se fixer aux mordants et simuler ainsi, au sortir du
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- bain, une richesse mensongère, ne résistent pas, comme l’ali-zarine et ses congénères, aux agents énergiques de l’avivage, et disparaissent complètement en colorant les bains de savon et de nitromuriate.
- Voici la liste des produits étrangers qui ont été trouvés dans la garance.
- Substances minérales.
- Brique pilée, ocres jaune et rouge , sable jaunâtre, argile ou terre argileuse jaunâtre.
- Substances végétales
- Sciure de bois de campéche.
- Coques d’amandes. — d’acajou.
- Son, — santal.
- Écorce de pin. — sapan.
- — Brésil.
- — jaune, etc.
- Cette nomenclature peut s’étendre suivant l’esprit plus ou moins inventif des sophisticateurs.
- L’incinération complète, dans un creuset de platine, d’un poids connu de garance (5 à 10 grammes ) et la pesée des cendres permettent de découvrir la présence des substances minérales, vu que le poids des cendres normales varie de 5 à 9 pour 100. Leur analyse qualitative, faite d’après les règles connues, conduira à la solution complète du problème.
- Pour reconnaître la nature des poudres tinctoriales ajoutées, on peut suivre le procédé deM. Pernod, d’Avignon.
- On plonge, pendant une minute, une feuille de papier blanc dans un bain faible de bichlorure d’étain. On pose cette feuille sur une assiette ou une plaque de verre, et on la saupoudre à l’aide d’un tamis avec la garance à essayer. Au bout d’une demi-heure, on remarquera sur tous les points du papier occupés par les parcelles de bois étrangers les colorations suivantes :
- Bois de Brésil.
- Campéche.
- Cuba.
- Garance.
- Points rouge-cramoisi. Taches violettes. Taches jaunes.
- Légère couleur jaune.
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- Pour apprécier la présence de substances astringentes, on se sert d’un papier imbibé de sulfate ferroso-ferrique et humecté avec de l’alcool. Après un quart d’heure, on verra des taches bleu noirâtre partout où seront venues se déposer des parcelles de matière astringente.
- La garance pure ne donne au papier qu’une coloration brun clair.
- On peut aussi rechercher la présence des bois étrangers en opérant sur une in fusion filtrée de garance, faite à chaud. Ce liquide est essayé soit parle bichlorure d’étain, soit par le sel ferrique.
- APPLICATIONS DE LA GARANCE ET DE SES DÉRIVÉS.
- Les matières colorantes rouges, c’est-à-dire celles qui teignent en rouge les mordants d’alumine, sont les seules qui interviennent utilement dans les teintures faites avec la garance ou ses dérivés. Quant aux produits jaunes ou fauves, ils ne jouent d’autre rôle que d’entraver ces opérations et de rendre les teintes moins belles.
- Ces pigments de garance ne se fixent directement sur aucune fibre ; ils exigent impérieusement le concours des mordants; ceux-ci, le plus souvent, sont des oxydes métalliques et principalement des hydrates d’alumine, de peroxyde de fer ou de sesquioxyde de chrome.
- Les oxydes peuvent être incorporés à la fibre comme toute substance insoluble susceptible de lui être présentée à l’état soluble et d’être précipitée dans ses pores. Le tissu, ainsi préparé, étant plongé dans un bain renfermant en solution la matière colorante, l’oxyde métallique attire la substance tinctoriale, et se combine avec elle, en vertu d’une affinité qui lui est propre, et que ne modifie nullement la présence de la fibre. Il se forme une laque colorée adhérente comme le mordant lui-même. La couleur de cette laque varie avec la nature de l’oxyde ; elle est rouge ou rose avec l’alumine, noire, vio-
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- iette, ou lilas avec l’oxyde de fer, puce avec un mélange des deux ; de sorte que le bain monté avec une seule matière colorante peut produire simultanément des effets très-distincts, sur un même échantillon imprimé avec des mordants divers.
- Dans ce cas, le mordant n’est plus seulement fixateur, mais encore générateur de la nuance, à la production de laquelle il concourt aussi bien que le pigment lui-même.
- On fait quelquefois intervenir, concurremment avec le mordant métallique, un corps gras modifié, dans le but de communiquer à la laque une plus grande stabilité et plus d’éclat. Cette manière de procéder constitue un genre spécial, connu sous le nom de rouge d’Andrinople ou rouge turc.
- Les matières colorantes de la garance se fixent généralement par voie de teinture, sur tissu préparé. On a cependant réussi à les appliquer par impression ; mais cette méthode est, encore aujourd’hui, beaucoup plus restreinte que l’autre.
- L’emploi de la garance et de la fleur exige des opérations consécutives à la teinture, dirigées dans le but de blanchir les fonds non mordancés dont la pureté est toujours altérée, et d’éliminer les substances jaunes qui nuisent à l’éclat des nuances.
- Avec la garancine, la pincoffine et la plupart des extraits, on peut éviter les manipulations de l’avivage et se contenter de restituer les blancs par un léger chlorage. Dans ce cas les teintes sont moins brillantes que celles de la garance avivée. Selon l’effet que l’on veut produire et la nécessité où l’on peut se trouver de renoncer à l’avivage, on teindra en fleur ou en garancine. Ainsi le cachou peut être associé à la garancine ou à l’alizarine commerciale, il ne saurait l’être à la fleur qui exige un avivage.
- Quoi qu’il en soit, les préliminaires sont les mêmes.
- GENRES GARANCES ORDINAIRES (SUR TISSUS DE COTON).
- Le garançage ordinaire, dirigé dans le but d’obtenir
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- GARANCE.
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- des rouges, des roses, des noirs, des violets et lilas aussi vifs que possible , soit isolément, soit simultanément, se compose d’une série d’opérations que nous pouvons diviser en :
- 1° Blanchiment aussi parfait que possible du calicot;
- 2° Impression des mordants dissous dans un véhicule convenable;
- 3° Fixation de ces mordants, c’est-à-dire précipitation des oxydes colorants dans les pores de la fibre ;
- 4° Teinture ou garançage ;
- 5° Avivage ou purification des teintes’, on pourrait dire aussi modification des teintes par introduction dans la laque binaire d’une certaine quantité de corps gras et d’oxyde d’étain.
- A. Blanchiment.—Nous n’avons que peu de chose à ajouter à ce qui a été dit au premier volume. Ce blanchiment doit être complet, afin d’éliminer toutes les substances étrangères capables d’attirer la matière colorante du bain, et d’obtenir les blancs réservés par la gravure aussi purs et aussi faciles à restituer que possible.
- C’est à ce point de vue surtout que l’introduction du savon de résine a rendu de grands services.
- B. Impression et fixation des mordants. — Nous ne nous occuperons pas ici des procédés d’impression en eux-mêmes ; leur description ne rentre pas dans le cadre de cet ouvrage. Le lecteur les trouvera en détail dans le Traité de Vimpression des tissus, de M. Persoz.
- Mais nous examinerons avec soin les méthodes et les préparations qui servent à les fixer.
- Mordants pour rouge et rose.
- La base fixatrice des rouges et des roses garancés est toujours et partout l’alumine hydratée ou un sous-sel d’alumine insoluble.
- Pour remplir le but auquel on le destine, cet oxyde doit
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- être intimement et mécaniquement uni à la fibre et faire corps avec elle.
- ♦ On doit, par conséquent, le dissoudre physiquement ou chimiquement, imprégner le tissu de cette solution et déplacer l’hydrate par un moyen convenable, variant avec la nature du dissolvant.
- Alumine. L’aluminium forme avec l’oxygène une seule combinaison dont la composition correspond à la formule
- (AP)vi
- (AP)vi
- Al2 hexatomique remplace H6 dans six molécules d’eau condensées en une seule.
- On trouve l’alumine anhydre en cristaux prismatiques, très-durs, connus sous le nom de corindon. Ces cristaux sont tantôt incolores (corindon hyalin incolore), tantôt colorés en bleu, en rouge, en jaune et en vert, et constituent alors diverses pierres précieuses appelées rubis oriental, saphir, améthyste orientale, topaze orientale.
- Ces teintes sont étrangères à l’alumine, et dérivent de la présence de petites quantités d’oxydes étrangers.
- On a pu reproduire artificiellement l’alumine cristallisée, en dissolvant l’oxyde amorphe dans le borax fondu et en soumettant le mélange à la température soutenue et élevée d’un four à porcelaine (1000°).
- Le borax se volatilise lentement, en laissant cristalliser l’alumine.
- En exposant l’acide borique aux vapeurs du fluorure d’aluminium, on forme du fluorure de bore gazeux et de l’oxyde d’aluminium, cristallisé. L’émeri ou poudre à roder n’est autre chose qu’une poussière cristalline de corindon.
- Sous cette forme seulement, elle est indécomposable par la chaleur, fusible, sous l’influence de la haute température du chalumeau à gaz hydrogène et oxygène. Elle est insoluble dans l’eau, les acides et les alcalis.
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- GARANCE.
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- Une seconde variété d’alumine s’obtient par la dessiccation de l’hydrate. Tant qu’elle n’a pas été fortement calcinée, elle se dissout dans les acides et les alcalis.
- L’alumine amorphe s’obtient le plus facilement par la décomposition sèche de l’alun ammoniacal ou des hydrates.
- Hydrates d'alumine. — On distingue plusieurs variétés bien définies d’hydrate d’alumine : l’hydrate ordinaire
- ^jjc^Jo6, l’hydrate allotropique ^4^vl]o5 ou premier
- anhydride de l’autre, insoluble; l’hydrate allotropique soluble, isomère du précédent.
- L’hydrate v jj6'vi j O6 se trouve cristallisé dans le règne
- minéral, on lui donne le nom de gibsite. La gibsite artificielle s’obtient en abandonnant à l’action lente de l’acide carbonique de l’air, une solution potassique d’alumine.
- Le composé gélatineux qui se précipite lorsqu’on ajoute de l’ammoniaque ou du carbonate d’ammoniaque à un sel d’alumine soluble, offre aussi, après dessiccation à 100°, une composition semblable. Il est très-peu soluble dans l’eau et l’ammoniaque, facilement soluble dans les acides et les alcalis caustiques. Bouilli pendant vingt-quatre heures avec de l’eau, il perd la faculté de se dissoudre dans les acides et les alcalis et change de composition en perdant une molé-
- Al2 )
- cule d’eau (hydrate allotropique g/1 j O5 de M. Péan de Saint-Gilles).
- M. Walter Crum a obtenu une modification soluble très-remarquable de cet hydrate allotropique. A cet effet, une solution de biacétate d’alumine, ne renfermant que 1 partie d’alumine sur 200 parties d’eau, est introduite dans un vase bouché que l’on maintient au bain-marie, à 100°, pendant deux fois vingt-quatre heures. Au bout de ce temps la saveur astringente a disparu et l’acide acétique est devenu libre, car on peut le chasser par une ébullition prolongée avec de
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- 192 TRAITÉ UES MATIÈRES COLORANTES.
- l’eau, en vase ouvert. L’hydrate allotropique reste en solution et le liquide devient gommeux par la concentration. Il est coagulé en gelée par l’addition d’une très-petite quantité d’acide sulfurique et par beaucoup d’autres acides encore, ainsi que par les alcalis. Un excès de réactif redissout le coagulum en ramenant l’alumine à sa modification normale.
- M. Graham obtient une modification soluble colloïdale de Al2 )
- l’hydrate ^6VI O6, en soumettant à la dialyse une solution
- d’alumine hydratée, dans le chlorure d’aluminium. Le sel neutre passe à travers le dialyseur, en laissant l’alumine en solution dans de l’eau pure. Une semblable liqueur se coagule facilement par la chaleur ou par l’addition de sels solubles alcalins.
- Cette alumine soluble de Walter Crum se fixe facilement sur tissu et fonctionne comme mordant ; l’alumine soluble allotropique a perdu la propriété d’attirer en bain de teinture. • L’alumine hydratée se précipite encore, non plus en gelée, mais en grains plus denses : 1° par l’ébullition d’un mélange de sulfate ou de chlorhydrate d’alumine et d’hyposulfite de soude ; il se dépose en même temps du soufre et il se dégage de l’acide sulfureux ; 2° lorsqu’on décompose par un courant d’acide carbonique une solution alcaline d’alumine, convenablement concentrée.
- Les solutions alcalines précipitent de l’hydrate par les acides, mais un excès d’acide redissout le précipité; bouillies avec du chlorhydrate d’ammoniaque, elles dégagent de l’ammoniaque avec production d'hydrate d’alumine et formation d’un chlorure alcalin. L’alumine hydratée perd son eau à une température qui n’est pas trop élevée, mais l’élimination n’est complète qu’au rouge vif.
- Elle s’unit facilement aux matières colorantes en formant souvent de très-belles laques.
- Elle fonctionne comme acide et comme base, faisant dou-
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- GARANCE.
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- ble décomposition avec les acides hydratés et avec les alcalis hydratés; dans le premier cas pour donner ce que l’on nomme les sels d’alumine, dans le second les aluminates.
- Caractères clés sels d'alumine. — Généralement incolores, saveur astringente (lorsqu’ils sont solubles). Ils ne précipitent pas par l’acide chlorhydrique et l’hydrogène sulfuré ; donnent un précipité blanc gélatineux par l’ammoniaque (très-peu soluble dans un excès de réactif), par le sulfhy-drate, le carbonate d’ammoniaque, les carbonates dépotasse et de soude (insoluble dans un excès des réactifs), par la potasse et la soude (solubles dans un excès de réactif). Tous ces précipités représentent de l’hydrate. Cet hydrate, calciné avec du nitrate de cobalt, donne une masse d’un beau bleu.
- Il existe un grand nombre de variétés de sels d’aluminium :
- lo Les sels saturés dans lesquels les six atomes d’bydro-Al2 )
- gène de l’hydrate O6 sont remplacés par six atomes
- d’un radical d’acide monoatomique : exemple, nitrate sa-turé Q^O2) J O6’ ou par trois atomes diatomiques : exemple, sulfate saturé j O6, ou par deux atomes tria-
- tomiques : exemple, phosphate ^ppQ ^ j O6*
- Le sesquichlorure APVi Cl6 représente l’hydrate dans lequel Cl6 remplace 6(HO), tout comme la glycérine tri-
- QoUd \
- chlorhydrique CPH5,,, Cl3 représente la glycérine j O3
- dans laquelle Cl3 remplace 3(110).
- 2° Les sels non saturés. On peut, en effet, remplacer une partie seulement de l’hydrogène basique par un radical d’acide.
- Tel serait, par exemple, le sulfate basique
- , A P vi )
- S02„ ! O6 + SH20.
- IP '
- TI.
- i 3
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- On comprend facilement que le nombre des sels basiques d’alumine, correspondant à un même acide, peut être assez considérable. Cette complication est le résultat des faits observés, et non de la théorie que nous avons adoptée. Elle découle des fonctions hexatomiques de l’aluminium (A12)VI.
- Les sels saturés sont généralement plus solubles que les autres ; parmi eux le sulfate, les sulfates doubles, le nitrate, l’acétate, le chlorure, se dissolvent facilement. Ce sont du reste les seuls employés en pratique.
- Les phosphates, borates, arséniates, silicates sont insolubles.
- Sources de matières premières. — Les sources auxquelles l’industrie des toiles peintes et de la teinture va puiser les composés aluminiques, si précieux et si indispensables, sont nombreuses et abondantes.
- Nous citerons: 1° L’alunite ou pierre d’alun ; composé naturel d’alun (sulfate aluminico-potassique) et d’alumine hydratée, exploité dans le voisinage de Tolfa et fournissant la variété d’alun connue sous le nom d’alun cubique ou de Rome. 2° Les schistes pyriteux et carbonifères ( mélanges d’argile schisteuse, de pyrite de fer et de matières bitumineuses) répandus et exploités dans beaucoup de localités, en France (notamment près de Bouxwiller, Bas-Rhin), en Allemagne et en Angleterre. 3° Les schistes argileux situés au-dessous des couches de houille dans le sud du Lan-cashire. 4° Les diverses espèces d’argiles (silicates hydratés d’alumine) si répandus partout, les kaolins provenant de la désagrégation lente des roches feldspathiques. 5° Enfin le minerai exploité depuis quelques années dans le midi de la France, dans les départements des Bouches-du-Rhône et du Yar, sur une ligne qui va directement de Toulon à Ta-rascon. On le rencontre également en Calabre et au Sénégal. La Bauxite, c’est le nom qu’on lui donne, renferme suivant M. H. Sainte-Claire Deville :
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- Alumine............. 60 à 7o pour 100
- Peroxyde de fer..... 12 à 20 —
- Silice.............. là 3 —
- Eau. - Quantités variables.
- De plus, des traces de vanadium, de chrome et peut-être de tungstène. Il sert directement à préparer l’aluminate de soude.
- Pendant longtemps l’alun à base de potasse a été la seule forme commerciale des composés aluminiques et le fabricant d’indiennes préparait lui-même ses mordants acétates.
- De nos jours on fabrique en grand, non-seulement l’alun potassique, mais l’alun ammoniacal, le sulfate d’alumine, l’aluminate de soude, l’acétate et le pyrolignite d’alumine et même le nitrate.
- Nous passerons successivement en revue ces différents sels, qui tous ont de l’importance dans l’industrie qui nous occupe.
- Aluns. —Le nom d’alun s’appliquait, originairement, à un composé bien défini et unique, renfermant les éléments du sulfate saturé d’alumine et du sulfate de potassium, unis à 24 molécules d’eau de cristallisation.
- 3(SO*)„
- (Ar-)v.
- j 0 4- S°/ ] O3 +
- 4(S02)„ 24IPO = (Al% K2,
- O8 -f- 24H20
- cristallisant tantôt en octaèdres, tantôt en cubes, ou encore en octododécaèdres, ou en octohexaèdres.
- On s’aperçut ensuite qu’il est possible, sans rien changer à l’arrangement moléculaire et à la forme des cristaux, de remplacer, dans cet édifice complexe, les deux atomes de potassium par deux atomes d’ammonium, ce qui donne :
- 4(S02)„ )
- (Al2) vi 08 +24H20.
- (Aztfi)2, J
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- (Al2)v, peut à son tour, dans ces deux produits, être remplacé par (Fe2)vl, (Gr2)VI, (Mn2)VI, la constitution chimique et la forme des cristaux ne variant pas. On a ainsi toute une série parallèle de corps isomorphes.
- Alun potassique 4 (S02)„ j • O8 + 241120
- Alun ammoniacal K2 ] 4(So*)„ ; ... (Al2) vi 1 O8 + 24H20
- Alun de 1er potassique (AzH4)2, ; 4(S02)„ , ... (Fe)V \ O8 4- 24H20
- Alun de fer ammoniacal K2 / 4(S02)„ • • • (Fe2)vi J 08 + 24H20
- (AzH4)2, )
- Alun de chrome potassique.
- Alun de chrome ammoniacal.
- Alun de manganèse potassique.
- Alun de manganèse ammoniacal.
- Alun de thallium.
- On donne le nom générique d’alun à tous ces produits, en les distinguant par le nom des métaux qui s’y trouvent.
- Aluns à base d'alumine. — Les aluns potassique et ammoniacal ont des propriétés si rapprochées qu’il est impossible de les distinguer a première vue et sans le secours de l’analyse.
- 4(S02))
- Alun ordinaire.— (Al2)vl O6 + 24H20. Sel blanc, sa-
- K2 )
- veur astringente, réaction acide, densité = 1,71.
- Solubilité dans l’eau :
- 100 parties d’eau à.... 0° dissolvent 3,29 parties d’alun
- — à.... 10» — 9,52 —
- — à.... 30° — 22,00 —
- — à.... 60° — 31,00 —
- 4.... 70° 90,00
- — à.... . 100“ — 357,00 —
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- Une dissolution concentrée d’alun, dans l’eau bouillante, dépose par refroidissement des cristaux octaédriques réguliers, un peu efïlorescents à l’air. En présence d’un excès d’alumine, à une température qui ne dépasse pas 40 ou 30°, l’alun cristallise en cubes. Ainsi, en dissolvant l’alun octaédrique dans de l’eau à 40 ou 30°, et en versant goutte à goutte du carbonate de potasse dans le liquide fortement agité jusqu’à ce que le précipité cesse de se redissoudre, puis en filtrant et abandonnant à la cristallisation on obtient des cubes. L’alun cubique, redissous dans l’eau froide, cristallise ' de nouveau en octaèdres. Il est à remarquer que l’alun cubique est exempt de fer, la présence de ce métal dans une solution étant incompatible avec celle d’un excès d’alumine.
- Sous l’influence de la chaleur ce sel commence par fondre (92°), puis il se boursoufle en une masse poreuse blanche. A une température élevée il se décompose avec dégagement d’acide sulfurique et laisse un mélange d’alumine et de sulfate de potasse.
- Lorsqu’on porte à l’ébullition une solution basique d’alumine, susceptible de cristalliser en cubes, on détermine la précipitation d’une certaine quantité de sous-sulfate d’alumine.
- Une solution d’alun, bouillie avec de l’alumine en gelée, donne naissance à la précipitation d’un sel cristallin insoluble, offrant la composition de l’alunite.
- 4(S02)„ n
- 3(Al2;vi | O14 -f- 9H20.
- K2 )
- 4(S02U
- Alun ammoniacal.— (Al2)Vi }08-{-24H20. Ses propriétés 2(AzH4) )
- générales et sa solubilité sont les mêmes que celles de l’alun à base de potasse, dont il ne se distingue que par le dégagement d’ammoniaque qu’il fournit avec les alcalis caustiques. Par la calcination il donne de l’alumine pure.
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- 4(S(FU
- Alun de soude.—(A12)V1 ,08 -f 24H20. Cristallise en
- Na2 )
- octaèdres très-efflorescents.
- Il est très-soluble dans l’eau (10 parties d’eau à 16° en dissolvent 11 parties). On l’a trouvé dans la province de Saint-Jean, sur le revers des Andes.
- Sulfates d'alumine. — 1° Neutre ou saturé.
- ! 06-MSH20.
- Il cristallise en petites lames minces, flexibles, d’un éclat nacré, de saveur sucrée et astringente, de réaction acide. Il est très-soluble dans l’eau, à peine soluble dans l’alcool.
- C’est l’élément essentiel de l’alun, aussi son emploi commence-t-il à se répandre de plus en plus. Sa grande solubilité, qui s’oppose aune purification facile et surtout à l’élimination complète du fer, lui fait seule encore préférer les aluns, dans lesquels les sulfates alcalins jouent un rôle passif au point de vue des applications.
- 2° Basiques. — On en connaît plusieurs, savoir : Le sulfate bibasique ^Al2/ J 0^tenu en faisant digérer une solution concentrée de sulfate neutre avec de l’alumine en gelée. Le sulfate tribasique 3/^2^" j O12 -f-9H20 qui se préci-
- pite lorsqu’on ajoute une petite quantité d’ammoniaque au sulfate neutre.
- Ce sulfate basique peut s’unir en différentes proportions à l’alumine pour donner d’autres sels basiques.
- Parmi les sels qui offrent quelque intérêt dans les opérations de teinture et d’impression, nous citerons encore :
- Le nitrate, ^ J O6. Sel cristallisable ; très-soluble
- dans l’eau», soluble dans l’alcool, déliquescent.
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- On le prépare soit en dissolvant l’alumine dans l’acide nitrique, soit en précipitant le sulfate d’alumine par une quantité équivalente de nitrate de plomb.
- Le chlorhydrate ou chlorure d’aluminium hydraté. A12V1C16 -]- 12H20. Il est très-soluble dans l’eau et l’alcool ; se décompose par l’ébullition en acide chlorhydrique et alumine.
- L'hyposulfite dont la propriété la plus intéressante est de se décomposer facilement par l’ébullition en acide sulfureux, soufre et alumine.
- Les acétates eipyrolignites (acétates préparés avec l’acide de bois). L’histoire de ces sels nous intéresse particulièrement à cause de leur importance dans la fixation des mordants. Les seuls documents importants nous sont fournis par le travail remarquable de M. Walter Crum.
- En ajoutant à une solution concentrée de sulfate saturé
- d’alumine jo6, une solution d’acétate de plomb,
- Pb^ ^jo2j il se précipite du sulfate de plomb et le liquide retient de l’acétate d’alumine formé d’après l’équation
- 3(S02)„
- (Al4)vi
- C2H30) j
- O* =
- G(C2H30)
- (Al2v,
- O6 + 3
- SO2
- Pb
- o2
- Ce liquide retient du sulfate.de plomb en dissolution ; on l’en débarrasse par l’action successive de l’hydrogène sulfuré et de l’acétate de baryum. Il présente une odeur très-marquée d’acide acétique libre, comme si une partie seulement de l’acétyle était entrée en combinaison aluminique. Étendu en couches minces, sur des plateaux en verre ou en porcelaine, et évaporé à une température de 37° centigrades, avec la précaution de remuer constamment avec une spatule, il se dessèche sous forme d’une masse gommeuse complètement soluble dans l’eau, et dont la solution convenablement préparée ne présente plus l’odeur acétique.
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- Ce dernier produit a une composition représentée par la formule :
- 4(C2H30) )
- (AP)vi V O6 -h <SH2O
- H2 j
- M. Walter Crum le désigne sous le nom de biacétate soluble. D’après cela, l’existence du composé acétique saturé n’est pas encore démontrée et on peut aussi bien, d’accord avec les faits, le considérer comme un mélange du biacétate précédent et d’acide acétique libre.
- On obtient le môme acétate soi-disant saturé, en dissolvant de l’alumine en gelée dans l’acide acétique bouillant en excès.
- Les solutions les plus fortes d’acétate saturé, que l’on puisse obtenir par double décomposition, contiennent à peu près S pour J 00 d’alumine ; quand une semblable liqueur, ou bien encore celle que l’on obtient en dissolvant l’alumine dans l’acide acétique, est abandonnée à elle-même pendant plusieurs jours, à la température de 15 à 20° centigr., elle laisse déposer sur les parois du vase une croûte qui croît en épaisseur et qui, en se desséchant, offre l’apparence de plaques dures comme de la porcelaine.
- La composition de ce dépôt peut être représentée par la formule :
- (Al% \
- 4C2H30 [ O6 -f- 4IFO (Tessier) ou -f 5H20 (Walter Crum).
- Il2)
- C’est le biacétate insoluble à 5 molécules d’eau de M. Walter Crum.
- On obtient en outre un biacétate insoluble de formule :
- (AF)vi \
- 4(C2H30) } O6 -f 3H20 IF I
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- GARANCE.
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- sous forme d’un précipité cristallin d’un vif éclat, lorsqu’on chauffe une solution concentrée d’acétate saturé, le dépôt se réunit au fond du vase sous forme d’une poudre blanche pesante ; il se forme d’autant plus vite que la température est plus élevée (quelques jours à 37° centigr., deux ou trois heures à 60°; en peu d’instants à l’ébullition). Le liquide surnageant ne retient presque pas d’alumine. Ce sel est insoluble dans l’eau froide ou chaude, ainsi que dans l’acide acétique. 1 partie mise à digérer une heure et demie dans 200 parties d’eau bouillante, se dissout avec production de biacétate d’alumine, d’acide acétique et d’hydrate soluble; il est soluble dans les acides sulfurique, nitrique et chlorhydrique, avec mise en liberté d’acide acétique. Une dissolution de sulfate d’alumine l’attaque également.
- Les dissolutions d’acétate d’alumine obtenues par double décomposition et contenant moins de 3 pour 100 d’alumine ne sont plus précipitées par l’ébullition, lorsqu’elles sont récemment préparées ; mais elles acquièrent cette propriété au bout de quelques semaines, lorsqu’elles arrivent à contenir une quantité d’acide acétique libre, égale à celle d’une solution d’acétate saturé à 4 pour 100 d’alumine. Une des propriétés les plus intéressantes des acétates d alumine est celle de fournir une modification soluble de l’alumine. Il a déjà été question plus haut de cette transformation.
- Les solutions d’acétate d’alumine additionnées d’un sel étranger, tels que : sulfates desoude, dépotasse, d’ammonium, demagnésie, chlorure de sodium, alun, se troublent beaucoup plus facilement par l’action de la chaleur que celles d’acétate pur; déjà au-dessous de 100° il se forme des précipités de sel basique, en même temps que de l’acide acétique devient libre. Le précipité se redissout par le refroidissement, si l’on n’a pas expulsé l’acide acétique devenu momentanément libre.
- Le mordant rouge préparé avec l’alun et l’acétate de plomb se trouve dans les conditions d’un mélange d’acétate d’alumine
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- 2 02 TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- et de sulfate alcalin ; on conçoit d’après cela qu’il se décompose par la chaleur mieux que l’acétate pur, qui exige une ébullition prolongée et un certain état de concentration.
- Aluminate de soude. — Depuis la découverte des mines de bauxite dans le midi de la France et leur exploitation sur une grande échelle, ce sel a acquis une grande importance. Il n’était préparé, autrefois, que dans les fabriques mêmes qui le consommaient et en solution, par l’addition d’un excès de soude à la gelée d’alumine précipitée, et ne recevait que des applications restreintes.
- L’aluminate de soude se prépare en mélangeant, en proportions convenables, le minerai avec du sel de soude d’une pureté suffisante. Ce mélange, introduit dans un four à réverbère, est chauffé au rouge vif. Lorsque la matière frittée ainsi obtenue cesse de faire effervescence par l’addition d’un acide, l’opération dans le four est complète; l’aluminate de soude est extrait par lixiviation. Celle-ci s’opère au moyen d’un filtre d’une construction spéciale, sous lequel on peut faire le vide ; la vapeur employée sert en même temps à chauffer l’eau destinée à l’extraction et à aspirer l’eau avec force à travers toute la matière, en se condensant au-dessous de la surface filtrante, et en produisant ainsi le vide.
- Pour obtenir l’aluminate de soude anhydre, on n’a plus qu’à évaporer la solution à siccité.
- Le produit se présente sous forme d’une poudre agglomérée, d’une teinte légèrement verdâtre, due à des traces de vanadium. Il est sec au toucher, fixe et infusible à la température la plus élevée du four à réverbère ; calciné pendant longtemps, il perd seulement par la volatilisation les sulfates et chlorures renfermés sous forme d’impuretés. Il est très-soluble dans l’eau froide comme dans l’eau chaude.
- Les solutions ne marquant pas plus de 10 à 12 degrés Baumé restent très-longtemps limpides. Plus concentrées au contraire (35 à 40° Baumé), elles donnent un dépôt dense et granuleux d’alumine. Ce qui reste dans la liqueur surna-
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- GARANCE.
- 203
- geante est un sous-aluminate avec excès de soude, très-hygrométrique, déliquescent et fusible comme la soude caustique.
- L’acide carbonique donne dans les solutions d’aluminate de soude un précipité d’alumine facile à laver, mais qui retient énergiquement une certaine quantité de carbonate alcalin.
- L’alumine se précipite encore par le bicarbonate de soude, par tous les acides minéraux et organiques employés en proportions convenables pour saturer l’alcali, parles sels ammoniacaux (carbonate, chlorure, etc.).
- Tous les sels, dont on peut séparer la base correspondante par l’action de la soude, donnent des dépôts formés d’une combinaison d’alumine avec cette base. Les sels d’alumine eux-mêmes donnent des précipités d’aluminate d’alumine.
- En précipitant l’alumine de l’aluminate par une proportion d’acide chlorhydrique convenable pour saturer la soude, on l’obtient sous une forme où elle est facilement soluble dans l’acide acétique. On peut donc préparer par ce moyen de l’acétate d’alumine très-pur et exempt de fer.
- L’aluminate de soude correspond théoriquement à la for-
- mule :
- (Al2)vi ) Soude.......... 47,21
- Na® j Alumine........ 52,79
- 100,00
- Celui du commerce renferme :
- Soude......................................... 43
- Alumine............................'.......... 48
- Sulfate de soude et chlorure de sodium provenant des impuretés du sel de soude employé...... 9
- 100
- Au lieu de calciner le minerai avec du carbonate de soude, on peut le chauffer avec un mélange de charbon et de sulfate de soude.
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- Fabrication des sulfates d'alumine simples ou doubles. — Alun de Rome. Cette variété d’alun se prépare avec l’alunite. Il suffit de la calciner légèrement, puis de l'exposer à l’air pour qu’elle se délite et cède à l’eau de l’alun qui cristallise en cubes parfaitement exempts de fer soluble. Cette grande pureté, qui a fait pendant longtemps la fortune de l’alun de Rome, est due à ce qu’il cristallise en présence d’un excès d’alumine, incompatible avec le fer dissous ; nous avons vu que l’on imite parfaitement l’alun de Rome, en neutralisant l’alun ordinaire par une quantité de carbonate de potasse telle que le précipité formé commence à refuser de se dissoudre par l’agitation.
- La théorie de cette opération est facile à comprendre si l’on se rappelle la composition de l’alunite (sulfate basique d’alumine uni à du sulfate de potasse). La calcination ménagée détermine la séparation de l’excès d’alumine. La plus grande partie de l’alun fabriqué en France et en Allemagne s’obtient en soumettant les schistes pyriteux et carbonifères à une combustion lente au contact de l’air. Il se forme du sulfate ferreux et du sulfate d’alumine. La masse lixiviée donne une solution qui, concentrée, dépose des cristaux de vitriol vert. L’eau-mère alumino-ferrugineuse est additionnée de sulfate de potasse ou d’ammoniaque, ce qui détermine la précipitation de cristaux grenus d’alun. Ceux-ci bien égouttés sont cristallisés deux fois.
- En traitant directement les schistes alumineux par l’acide sulfurique, M. Spence est arrivé à augmenter considérablement le rendement en alun; en effet 60 tonnes donnaient autrefois une tonne d’alun, tandis que par cette nouvelle méthode, il suffit de 3/4 de tonnes pour produire une tonne d’alun. M. Spence emploie les schistes situés au-dessous des couches de houille dans le sud du Lancashire. Leur couleur est noire. On l’accumule en tas de quatre à cinq pieds de haut et on le calcine lentement, à une température voisine du rouge, dans le but de désagréger le schiste et de rendre
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- garance.
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- l’alumine soluble dans l’acide sulfurique. Après dix jours, le schisté, demeuré poreux et friable, est mis à digérer avec de l’acide sulfurique d’une densité égale à 1,33, pendant 36 à 48 heures et à 100° degrés centigrades. Cette température s’obtient en chauffant les cuves en dessous, et en y introduisant les vapeurs d’une chaudière contenant les eaux ammoniacales des usines à gaz. En effet, il n’est nullement nécessaire de traiter d’abord par l’acide et ensuite par l’alcali, le traitement combiné, convenant tout aussi bien, pourvu qu’il y ait un excès d’acide. Le liquide bouillant s’écoule dans des citernes, où il se refroidit sous l’influence d’une agitation continuelle. L’alun ammoniacal cristallise en farine qu’on lave avec les eaux-mères de la purification. Cette farine est dissoute sans eau par un jet de vapeur; la solution, clarifiée dans un réservoir en plomb, se rend dans des tonnes dont on peut facilement enlever les douves. L’alun cristallise en une masse compacte ayant la forme du tonneau, d’un pied d’épaisseur ; l’eau-mère retourne aux chaudières.
- La fabrication de l’alun ammoniacal a presque partout remplacé celle de l’alun potassique, pour des raisons d’économie. Le sulfate alcalin ne joue, en effet, d’autre rôle que de faciliter la cristallisation.
- Le kaolin, calciné et traité par l’acide sulfurique bouillant à 40° Baumé, donne facilement du sulfate d’alumine très-pur et exempt de fer ; il suffit de chasser l’excès d’acide, et de reprendre par l’eau. Sous le nom de tourteaux d’alun (alam-cake) on trouve dans le commerce du sulfate d’alumine, mélangé à la silice du silicate d’alumine employé à la préparation.
- A cet effet, le kaolin calciné et très-finement broyé est mélangé avec une quantité convenable d’acide sulfurique à 50° cent, et d’une densité = 1,4. La pâte liquide est versée dans des cadres carrés, où elle se solidifie et devient très-dure; c’est un mélange de sulfate aluminique à 8 molécules d’eau, avec la silice devenue libre.
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- L'alumine alun s’obtient par le traitement sulfurique de l’alunite. C’est un mélange d’alun potassique et de sulfate d’alumine. Le rendement par le traitement primitif de l’alunite était de 50 pour 100 ; il devient par là de 100 à 120 pour 100.
- Des moiyens de fixer Valumine sur tissu.
- Bien des moyens se présentent à l’esprit pour fixer l’hydrate d’alumine sur tissu. Disons tout d’abord, que la nature de la fibre influe notablement sur la facilité de cette préparation ; parmi tous les moyens possibles, le fabricant choisira celui ou ceux qui exigent les manipulations les plus faciles et les moins nombreuses. Dans tous les cas, l’alumine doit être présentée àja fibre dans un état de complète dissolution, et après qu’elle l’a imprégné sous cette forme, précipitée dans ses pores par un agent convenable ; mais il ne suffit pas de précipiter de l’hydrate d’alumine, il faut encore que cet hydrate soit dans un état physique moléculaire convenable, pour donner en teinture les plus belles nuances. Ainsi on remarque des différences très-notables entre les tissus teints dans un même bain de garance et mordancés par divers procédés. Ces différences peuvent tenir, soit à l’état d’agrégation plus ou moins grand de l’oxyde métallique, soit à sa position par rapport aux pores de la fibre.
- L’examen microscopique de tranches de fils de coton , mordancés à la manière ordinaire (acétate d’alumine), ou au moyen de chlorure aluminique, a révélé à M. Walter Crum des faits curieux qui rendent compte des variétés de nuances fournies en teinture. Dans le premier cas, la laque colorée est surtout accumulée dans le canal central de la fibre ; dans le second, elle est plus superficielle et localisée dans l’anneau périphérique.
- L’alumine peut être obtenue en solution : 1° à l’état de sel saturé; 2° à l’état de sel basique; 3° sous ses modifications solubles; 4° en combinaison avec les alcalis.
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- GARANCE.
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- Sels saturés. — Certains de ces sels peuvent être mis en présence de la fibre (nous parlons ici principalement du coton) sans subir la moindre décomposition , soit par l’effet du temps à la température ordinaire, soit sous l’influence de la chaleur. Un simple lavage à l’eau suffit pour éliminer tout l’oxyde dont le tissu était imprégné. Tels sont le nitrate, le sulfate, l’alun. Lorsqu’on veut faire intervenir dans le mordançage de semblables composés, il est nécessaire de faire subir consécutivement au tissu un passage en bain saturant, capable de précipiter l’hydrate d’alumine, ou du moins un composé basique insoluble.
- D’autres sels aluminiques se décomposent par la chaleur humide, en cédant à la fibre tout ou partie de leur oxyde terreux, ou un sel basique; tandis que l’acide devient libre et abandonne le tissu en se gazéifiant. (Chlorure, acétate, hyposulfite.)
- Pour ce genre de composés, on fixe déjà le mordant par impression de la solution et par une exposition dans une atmosphère chaude et humide. •
- Un pareil résultat n’est pas seulement le fait d’une dissociation des éléments constitutifs, mais encore, de l’intervention des éléments de l’eau, dont le concours est nécessaire pour former l’acide et l’hydrate d’alumine. C’est .donc une véritable saponification dans le sens étendu que les chimistes donnent à cette expression.
- iSels basiques. — Les sels non saturés ou basiques d’alumine abandonnent assez facilement à la fibre leur excès d’alumine en se convertissant en sels saturés. La chaleur humide peut développer le phénomène dans une solution d’un pareil corps, mais l’attraction de porosité exercée par la matière textile le favorise singulièrement, et à ce sujet nous prions le lecteur de se reporter au chapitre consacré à la fixation des couleurs.
- Aluminates alcalins. Les solutions alcalines d’alumine laissent précipiter l’alumine sous l’influence des acides ou
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- de certains sels mentionnés plus haut. Un tissu portant des impressions d’aluminate de soude se mordance, par conséquent : 1° par simple exposition à l’air; dans ce cas, l’acide carbonique de l’atmosphère est chargé de la saturation de l’alcali ; 2° par un passage en bain acide assez faible pour que l’alumine déplacée ne puisse se redissoudre ; 3° par un passage en bain d’un sel ammoniacal. L’alumine ne formant pas de combinaison stable avec l’ammoniaque, l’alcali volatil se dégage; 4° par une immersion dans un sel métallique dont l’oxyde forme , avec l’alumine, un aluminate insoluble. Exemple :
- Al’2 vi Na6
- O6 —|— 3
- 2C2H30
- Zn,
- Aluminate de Acétate de zinc, sodium.
- AP vi
- 3Zn„
- 06 + 6
- C2H30
- Na
- O
- Aluminate de zinc.
- Acétate de sodium.
- La préparation des mordants rouges pour garançage a subi bien des variations et des améliorations depuis que l’indienne a pris pied en Europe. Nous ne suivrons pas toutes les phases par lesquelles elle a passé et nous prendrons à peu près la question au point où elle est arrivée. Pour beaucoup de fabricants, l’alun et l’acétate ou le pyrolignite de plomb en sont les éléments essentiels. Pour d’autres, le sulfate d’alumine-, s’il est exempt de fer, remplace avantageusement l’alun. Nous avons vu, en effet, que le sulfate alcalin ne joue aucun rôle important. Si nous nous laissons guider par la vue théorique la plus simple qui puisse se présenter à l’esprit, nous serons portés à croire qu’il convient avant tout d’employer les deux sels en proportions telles, que tout l’acide sulfurique du sulfate neutre d’alumine, dont les éléments se trouvent dans l’alun, soit précipité sous forme de sel de plomb. Il resterait alors dans la liqueur : de l’acétate saturé d’alumine, et, si l’on a employé l’alun, du sulfate d’ammonium ou de potassium. Evidemment, on n’aurait aucun avantage à forcer la dose de l’acétate de plomb et
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- GARANCE.
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- à convertir, par là, en acétate le sulfate alcalin de l’alun.
- Cette opinion a été soutenue par M. Sébille. D’après lui, il est nécessaire, pour utiliser dans le mordançage la totalité de l’alun employé, de précipiter 100 parties d’alun par 125 parties d’acétate de plomb cristallisé.
- Les résultats de la pratique et surtout les intéressantes recherches de M. D. Kœchlin Schouch ne s’accordent pas avec ce calcul. Ainsi, diverses doses d’acétate de plomb ayant été mises avec le même poids d’alun et la même quantité d’eau, les préparations ont été imprimées et teintes ; on a obtenu des nuances égales quand la proportion variait de 75 parties à 125 d’acétate de plomb pour 100 d’alun ; au-dessous de 75 la teinture devenait plus faible. De même, en conservant la dose d’acétate de plomb et d’eau et en changeant seulement les quantités d’alun, il s’est trouvé que le mordant le plus fort était celui qui renfermait 3 parties d’acétate pour 4 d’alun. La théorie précédente exigerait 5 parties d’acétate pour 3 d’alun.
- Comme conséquence de ces observations qui s’appliquent aussi au sulfate d’alumine, mais avec d’autres rapports, nous pouvons conclure, en toute certitude, qu’il n’est pas nécessaire d’atteindre le point de saturation dans le double échange, et qu’on peut fort bien laisser une certaine dose d’acide sulfurique dans la liqueur, sans nuire à la force du mordant.
- Que renferme le mordant des indienneurs préparé avec 100 parties d’alun et 75 au plus d’acétate de plomb? On ne saurait le dire exactement, dans l’état actuel de la science ; tout ce que l’on peut affirmer, c’est que les deux acides en présence se partagent la base, proportionnellement à leur masse ; si nous prenons le cas simple d’un mordant préparé avec du sulfate d’alumine, il contiendra, après séparation, du sulfate de plomb, du sulfate basique d’alumine en quantité variable, suivant le plus ou moins d’acide sulfurique non précipité, de l’acétate d’alumine basique et de l’acide
- II. 14
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- acétique libre, à la faveur duquel les deux sels basiques sont maintenus en dissolution.
- Ce liquide imprimé dégage de l’acide acétique volatil, et les sels basiques se séparent et se fixent au tissu. Il résulte de là que la dose d’alumine insoluble, adhérente après l’exposition à la chambre chaude, est la môme entre les limites d’acétate de plomb employées.
- Une expérience directe de M. D. Kœchlin prouve du reste
- (Al2)Vi j
- que le sulfate basique d’alumine S 02/y j O6 joue le rôle d’un
- H2 )
- excellent mordant. Ayant préparé ce sel par la décomposition d’une solution d’alun saturé par la potasse, sous l’influence de la chaleur, il l’a dissous dans l’acide acétique.
- La dissolution étant imprimée et le tissu exposé dans une chambre chaude et humide, il n’a pu rester que du sous-siüfate d’alumine; car , quelle que soit la manière dont l’acide sulfurique et l’acide acétique se partagent l’alumine dans le liquide, après dessiccation, l’acide acétique plus volatil a dû être complètement éliminé.
- Or le tissu ainsi préparé et dégorgé en bouse donne à la teinture de très-bons résultats.
- On peut donc admettre, qu’avec le mordant ordinaire, il reste, après l’impression et la fixation à la chambre chaude, unequantité de sous-sulfate d’alumine renfermant tout l’acide sulfurique du sulfate d’alumine neutre qui n’a pas été précipité sous forme de sulfate de plomb, plus une certaine dose d’alumine ou de sous-acétate d’alumine dérivant de l’acétate décomposé par la chaleur..
- En employant exactement 100 parties d’alun et 73 d’acétate de plomb on déplace à peu de chose près les deux tiers de l’acide sulfurique du sulfate d’alumine. La solution représente donc réellement une liqueur préparée en dissolvant
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- GARANCE.
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- (Al2)vi |
- 1 molécule de sulfate basique S02„ > O6 dans 2 molécules
- H2)
- d’acide acétique. Qu’il y ait partage ou non de la base entre les deux acides, le résidu sur la toile après l’exposition à la chambre chaude sera du sulfate basique d’alumine.
- Ces considérations, qui sont de nature à éclaircir l’histoire du mordançage, ne sont du reste nullement contraires à l’emploi de l’acétate d’alumine pur ; elles prouvent seulement que le sous-sulfate d’alumine, les sulfates de soude, de potasse, d’ammoniaque, ou les acétates alcalins, peuvent y être associés dans une certaine mesure, sans nuire à ses qualités.
- Dans la fabrication des mordants, il convient de choisir l’alun bien pur, d’un beau blanc et surtout exempt de fer.
- Autrefois l’alun de Rome était le plus estimé. Aujourd’hui l’alun en bloc, de France, et surtout l’alun épuré en cristaux de moyenne grosseur, suffisent. On peut du reste ajouter un peu d’alcali pour neutraliser le produit et le rapprocher, par là, de l’alun romain.
- L’alun à base de potasse ne donne pas d’autres résultats que l’alun ammoniacal.
- Le sel de saturne doit être blanc, cristallisé; il se prépare généralement avec de l’acide acétique de bois. Le pyrolignite de plomb ne peut remplacer avec avantage l’acétate pour les roses, son emploi ternirait les teintes qui exigent une grande pureté. L’alun et l’acétate de plomb étant pesés et l’alun pilé, on met celui-ci dans un baquet profond; on verse dessus la quantité convenable d’eau chaude, et quand il est dissous on y ajoute, souvent, un dixième de son poids de cristaux de soude, pour en saturer l’excès d’acide. On y mêle alors l’acétate de plomb, et comme ce sel se dissout très-vite , la réaction a lieu à l’instant même. On doit remuer pendant une heure.
- Lorsqu’on ajoute un alcali il n’est pas indifférent de le faire a la fin de l’opération, ou de l’introduire dans la dissolution
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- 21 2
- d’alun. Dans ce dernier cas on a pour but de saturer l’excès de l’acide sulfurique, de ménager l’acétate de plomb et d’obtenir un mordant plus riche en acétate d’alumine. Dans le premier, au contraire, on sature seulement l’excès d’acide acétique. Ce dernier mode peut être utile lorsqu’on a besoin d’un mordant neutre ou hygrométrique. (L’acétate de potasse attire, en effet, vivement l’humidité.)
- M. D. Koeehlin a publié les trois formules suivantes pour le mordant rouge :
- Mordant fort n° 1.
- 100 pots d’eau (dont 20 pots de décoction de bois pour marquer à l’impression. Le pot = 3 livres 3/4).
- 150 livres alun.
- 15 — cristaux de soude.
- 150 — acétate de plomb.
- Mordant n« 2.
- 100 pots d’eau (dont 20 décoction).
- 100 livres alun.
- 10 — cristaux de soude.
- 75 — acétate de plomb.
- Mordant n° 3.
- 100 pots d’eau (dont 20 décoction).
- 75 livres alun.
- 7,5 livres cristaux de soude.
- 50 — acétate de plomb.
- Ces mordants datent de 1828.
- En voici d’autres plus récents.
- Mordant fort.
- 11 kilogrammes alun.
- 82gr,50 pyrolignite de plomb.
- 32 litres d’eau bouillante.
- Mordant 5/4
- 025 grammes alun.
- 450 — pyrolignite de plomb.
- 2 litres eau bouillante.
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- GARANCE.
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- a b
- Alun .. 16k 8
- Pyrolignite de plomb .. 12 8,50
- Eau bouillante .. 62 60
- Extrait de Lima à 20° .. 2 4 à 3°
- c 10 kilogrammes alun. J 0 — acétate de plomb. 20 litres eau.
- Mordant rouge pour garancine à 11° Baumé.
- 25 kilogrammes alun.
- 19 — pyrolignite de plomb.
- 80 litres eau.
- Mordant fort à 11° Baumé.
- 2k,5 alun.
- 2 kilogrammes pyrolignite de plomb. 61U,3 eau.
- Mordant pour rouge garancine.
- Alun...................................... 16k,08
- Pyrolignite de plomb..................... 12 ,08
- Eau...................................... 40 ,16
- D’après les expériences de M. D. Koechlin, le mordant n° 2 est assez fort pour produire avec presque toutes les substances tinctoriales, les nuances les plus intenses, qu’elles sont susceptibles de rendre par une saturation complète.
- Au lieu d’avoir un seul mordant mère pour en tirer toutes les dégradations de nuances, en l’étendant plus ou moins d’eau, suivant les teintes que l’on veut produire, les fabricants préfèrent en composer plusieurs qui diffèrent par leur densité et les proportions d’alun et d’acétate de plomb, selon le genre d’impression auquel on les destine. La principale raison qui s’oppose à cette manière de procéder, c’est qu’un mordant fort ne se conserve pas aussi longtemps qu’un autre de densité moyenne. Du reste, tous les mordants finissent par déposer plus ou moins de sous-acétate d’alumine,
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- même dans des flacons bouchés, et le dépôt ne se dissout pas sensiblement dans l’acide acétique. Il convient donc de ne pas en préparer une trop grande quantité à la fois.
- L’acétate d’alumine pur peut être chauffé à l’ébullition sans se décomposer, ni précipiter, tandis que les mordants qui contiennent du sulfate de potasse ou de l’alun avec excès de base se troublent quand on les chauffe, et donnent un précipité abondant qui se redissout par le refroidissement.
- M. Gay-Lussac avait admis que le dépôt, formé dans ces circonstances, est de l’hydrate d’alumine. Les expériences de M. D. Koechlin, qui l’a trouvé composé de 100 parties d’acide sulfurique et de 343,S d’alumine, tendent à le faire considérer comme un mélange d’alumine et d’un sulfate basique insoluble. Un fait intéressant et contraire à ce que l’on aurait pu attendre, c’est que la précipitation est d’autant plus abondante et s’effectue à une température d’autant plus basse, que le mordant est moins concentré, ainsi avec :
- 1° Un pot d’eau, une demi-livre d’alun et une demi-livre d’acétate de plomb, on obtient un liquide qui pèse 6°,5 Baumé, se trouble à 68° et se prend en gelée à 73°.
- 2° Un pot d’eau, une livre d’alun et une livre d’acétate de plomb, le mordant pèse 8°, se trouble à 80° et se prend en gelée à 88°.
- 3° Un pot d’eau, trois livres d’alun et trois livres d’acétate de plomb, le mordant pèse 15° Baumé et ne se trouble point même à l’ébiülition.
- On obtient encore de bons mordants pour rouge, en dissolvant dans l’acide acétique le précipité obtenu par l’ébullition d’une solution d’alun saturé par la potasse ; ce précipité est du sous-sulfate d’alumine ; ou bien encore en dissolvant dans l’acide acétique le précipité obtenu, à froid, par la potasse, dans une solution d’alun. Le dépôt fourni dans les mêmes circonstances dans une dissolution bouillante d’alun ne s’attaque pas facilement par l’acide acétique.
- Pour préparer l’acétate d’alumine avec le sulfate d’alumine,
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- on commence par former une solution de ce sel marquant 31 à 33° Baumé et on en précipite 110 à 115 parties par 100 parties d’acétate de plomb dissous dans 30 parties d’eau. Le liquide filtré pèse 15 à 16° Baumé et renferme 18 à 19 pour 100 d’acétate d’alumine. C’est le maximun de richesse auquel on peut arriver. En teinture l’acétate d’alumine obtenu ainsi donne absolument les mêmes résultats que celui de l’alun, pourvu que le sulfate employé soit exempt de fer (1).
- Pour des raisons d’économie, on remplace souvent l’acétate ou le pyrolignite de plomb par de l’acétate ou du pyro-lignite de chaux; 100 parties d’alun, 100 parties d’eau et 150 parties de pyrolignite de chaux à 11°,5 donnent un acétate d’alumine marquant 12°,5. Il faut éviter un excès de chaux qui ternirait les nuances.
- Le mordant dit à l’aluminate de potasse se préparait autrefois en dissolvant à l’ébullition 60 livres d’alun dans 36 pots de lessive caustique de potasse à 35° Baumé. "Après cristallisation du sulfate de potasse, on soutire le liquide clair.
- Il est aujourd’hui beaucoup plus avantageux de remplacer cette préparation par l’aluminate de soudefabriquéindustriel-lement par des méthodes dont il a été question plus haut.
- M. E. Ivopp (2) a fixé l’attention des industriels sur les applications que pourrait recevoir l’hyposullite d’alumine dans le mordançage des tissus. En effet, ce sel, parfaitement soluble dans l’eau, se dédouble facilement par l’ébullition de sa solution aqueuse, en acide sulfureux, soufre et alumine. Les produits de cette décomposition, pas plus que ceux de l’acétate, ne sont pas de nature à altérer la fibre.
- Pour préparer l’hyposulfite d’alumine pur, on décompose 4kil,167 de sulfate d’alumine cristallisé
- dissous dans l’eau par 4,875 kilo-
- (!' D. Koechlin Schouch, Sur le mordant rouge, Bullet. delà Soc. inclust. de Mulhouse, t. I, p. 277.
- \2) Bulletins de la Société industrielle de Mulhouse, t. XXVIII, p. 439.
- (3(soT | 06 + 18H2°)
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- grammes d’hyposulfite de chaux cristallisé ; on filtre et on exprime fortement le précipité de sulfate de chaux.
- La solution est claire, limpide, et se conserve très-longtemps, même au contât de l’air. Une solution d’hyposulfite d’alumine de 1,20 de densité contient à peu près autant d’alumine qu’une solution d’acétate de 1,10.
- Cette liqueur s’épaissit facilement, à froid, parla gomme, l’amidon grillé ou le léiocomme.
- Comme pour l’acétate, l’hyposulfite d’alumine est un mordant moins avantageux lorsqu’il est pur que lorsqu’il est mélangé en certaine proportion avec des sels alcalins.
- En opérant avec de l’alun on trouve que 6 kilogrammes d’alun sont décomposés complètement, soit par 4kil,65 d’hyposulfite de soude, soit par 4kU,85 d’hyposulfite de chaux cristallisé. Ainsi 2 kilogrammes de ce dernier sel peuvent remplacer 3 kilogrammes d’acétate de plomb.
- Comme les sulfates s’épaississent avec une certaine difficulté à l’amidon, on peut, d’après M. Kopp, préparer de l’hydro-chlorate d’alumine que l’on incorpore, à l’état sirupeux, dans de l’empois d’amidon refroidi. Il ne reste plus qu’à ajouter de l’hyposulfite de soude, en proportion telle que les 2/3 ou les 3/4 de l’hydrochlorate d’alumine soient décomposés.
- L’obtention d’un chlorhydrate d’alumine convenable pour faire un bon mordant, facile à épaissir, exige quelques précautions. On précipite 6 kilogrammes d’alun ammoniacal par 2kil,780 de chlorure de calcium sec. La liqueur séparée du sulfate de chaux est évaporée dans les vases en plomb, jusqu’à consistance sirupeuse. Par le refroidissement, il se forme des cristaux de sel ammoniac. L’eau mère, décantée et égouttée, est évaporée à ISO0 cent, jusqu’à ce qu’elle se recouvre d’une pellicule. Par le refroidissement, le tout se prend en masse solide, blanche, déliquescente.
- M. Kopp prépare l’hyposulfite de chaux par l’action de gaz sulfureux sur le mélange bouilli d’oxysulfure basique de chaux (charrées de soude) avec 10 pour 100 de son poids de
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- <2 L7
- soufre en poudre. Lorsque le liquide prend une réaction acide, on le laisse s’éclaircir après neutralisation et on l’évapore à une douce chaleur. On obtient ainsi de beaux cristaux.
- En précipitant une solution de ce sel par une quantité équivalente de sulfate de soude, on forme l’hyposulfite de soude qui cristallise facilement.
- Le mordant à l’hyposulfite présente sur ceux à l’acétate les avantages suivants :
- 1° Il est plus économique ; surtout lorsqu’il s’agit de mordants peu ou point épaissis, pour plaquer. A force égale, il donne, généralement, des nuances plus nourries.
- 2° De tous les mordants d’alumine, c’est celui qui se fixe le plus rapidement et le plus complètement.
- 3° Il empêche, jusqu’à un certain point, la fixation du fer, parce que tant qu’il reste de l’hyposulfite d’alumine non décomposé sur la fibre, le fer que peut renfermer la préparation à mordancer se maintient à l’état de fer au minimum, et ne peut adhérer. Ce n’est que plus tard qu’il pourra subir une oxydation et que le sel ferrique, en se décomposant, cédera du sesquioxyde ; malgré la publication de ces résultats intéressants, l’hyposulfite d’alumine n’a pas encore été adopté en pratique. L’habitude de fabricants etla crainte d’introduire une révolution aussi complète dans l’une des branches les plus importantes de l’indienne, sans avantages bien marqués, ont probablement enrayé les succès que l’on devait attendre de cette nouvelle manière deprocéder. Ajoutons que le dégagement d’acide sulfureux dans les étendages chauds peut être considéré comme un contre-poids aux avantages énumérés tout à l’heure.
- Epaississage des mordants d'alumine.
- L’épaississage des mordants est une des questions prati-
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- ques les plus essentielles à bien connaître. Il ne suffit pas d’avoir une solution apte à céder de l’alumine insoluble à la fibre, il faut encore ne pas diminuer ou altérer ces aptitudes, par l’introduction dans la couleur d’un épaississant capable de contre-balancer les affinités réciproques qui tendent à faire précipiter la base.
- Or nous avons vu, à l’article Épaississant, qu’un même mordant, épaissi au même degré de viscosité avec les divers produits usités, ne donne pas en teinture des résultats de même valeur. La gomme du Sénégal en particulier, et certaines gommes arabiques, s’opposent plus facilement à la fixation du sous-sel alumineux. Deux mordants de même densité, mais épaissis avec des substances différentes, donnent des teintes dont l’éclat et l’intensité varient suivant la nature de l’épaississant. Ainsi, on remarque qu’un mordant épaissi à l’amidon se combine plus facilement à l’étoffe, et fournit des teintes plus foncées, que le même mordant épaissi à la gomme ; mais, pour de certaines couleurs, la gomme est préférable, parce qu’elle communique aux nuances plus de transparence, une partie de l’amidon restant toujours avec le mordant malgré le dégorgeage.
- La différence d’intensité peut provenir de l’augmentation de volume occasionnée par certains épaississants qu’on est obligé d’employer à plus forte dose pour obtenir une consistance égale ; il en résulte plus ou moins d’écartement entre les molécules alumineuses. Un mordant auquel on donne beaucoup de consistance au moyen delà gomme, sèche trop rapidement et ne se combine que peu à l’étoffe en fournissant des couleurs faibles ; tandis qu’on peut, sans rien craindre, augmenter la consistance par l’amidon ou la farine, suivant le besoin de ce genre d’impression.
- D’un autre côté, un mordant fort et acide ne s’épaissit pas facilement à l’amidon et la couleur ne conserve pas la consistance nécessaire. Il vaut mieux épaissir ce mordant avec de la gomme ou de l’amidon torréfié. Un mordant dans
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- lequel il y a un excès d’alun (2 parties d’alun sur 1 partie d’acétate de plomb), épaissi à l’amidon, tire de l’eau au bout d’unjour.Il enrésulteque le degré de consistance et la nature de l’épaississant varient et se règlent suivant l’espèce d’impression, la densité et la dose d’acétate du mordant. C’est donc là, comme on le voit, une question délicate et demandant une longue pratique.
- Les épaississants les plus généralement employés pour les mordants rouges et roses, sont l’amidon blanc et l’amidon grillé.
- Avec l’amidon il est nécessaire de cuire la couleur à imprimer ; dans ce cas, il se précipite un sous-sel d’alumine qui reste en suspension grâce à la viscosité du liquide, et se redissout par le refroidissement, surtout si l’on a soin de remuer la préparation jusqu’à ce qu’elle soit froide. On doit donc éviter d’imprimer à chaud.
- Lorsqu’on est dans le cas d’étendre de beaucoup d’eau le mordant, comme par exemple le rose clair à l’amidon , il convient d’épaissir d’abord l’eau et d’y ajouter ensuite le mordant presque froid.
- Voici quelques exemples de mordants rouges et roses épaissis et prêts à être imprimés au rouleau (1).
- Rouge foncé. Rouge moyen. Rouge clair.
- Acétated’alumineà 9°. 1 litre. 1 litre. t litre.
- Eau................... 1 litre. 4 litres. 15 litres.
- Amidon.................. 240 gr. 0 0
- Amidon grillé............ 60 2 kilogr. 6 kilogr.
- Huile tournante....... 30
- Décoction de Lima.... 164
- Mordant pour rouge garance.
- Mordant pour garancine à 11° Baume.... 1 litre.
- Amidon blanc.......................... HO grammes.
- Amidon grillé clair.............. .... 75 —
- (l)D.-K. Scliouch, loco citafo.
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- Rouge intermédiaire.
- Fin rouge n° 2............................... 1 partie.
- Eau d’amidon grillé à 500 grammes par litre.. 2 parties.
- Eau.......................................... 1 partie.
- Rouge clair.
- Mordant fort à 11° Baumé................... 1 litre.
- Vinaigre à 2° Baumé.......................... 4 litres.
- Eau d’amidon grillé à 750 grammes............ 9 —
- Eau de terre de pipe à 1 kilogramme par litre. 5 —
- Mordant pour rouge garance foncé (dessins fins). Fin rouge n» 2.
- Eau........................................ 6 litres.
- Décoction de Fernambouc................... 10 —
- Vinaigre à 2° Baumé.................... 5 —
- Alun........................................ 2\500
- Pyrolignite de plomb................... 2k,500
- Amidon blanc............................... 3 kilogrammes.
- Huile tournante.......................... 375 grammes.
- Nitrate de cuivre à 52° Baumé.......... 375 —
- N. B. Le sulfate de plomb formé reste alors dans la couleur et sert à lui donner plus de corps, pour la régularité de l’impression des dessins fins.
- Azotate de zinc à 40° Baumé.............. 125 grammes.
- Eau........................................ 2 litres.
- Mordant rouge 4.
- Amidon blanc.......................... 2 kilogrammes.
- Amidon grillé......................... 4 —
- Mordant fort......................... 10 litres.
- Extrait de Lima à 20°................... 1/4 litre.
- Huile tournante..............,........ 1/2 litre.
- Acide pyroligneux..................... 5 litres.
- Acide chlorhydrique................... 1/4 litre.
- Pyrolignite de chaux.................. 1 kilogramme.
- Ajouter à froid.
- Sel d’étain.......................... 750 grammes.
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- GARANCE.
- Mordant a.....
- Amidon blanc.. Huile tournante Térébenthine..
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- Mordant rouge, 4
- ................. 20 litres.
- .................. 6 kilogrammes.
- ................ 250 grammes.
- ................ 250 —
- Rouge, 4/2
- Mordant a.....
- Eau...........
- Amidon blanc.. Huile tournante Térébenthine ..
- 24 litres.
- 6 —
- 0 kilogrammes. 250 grammes.
- 250 —
- ROSES.
- No 4. No 16.
- Eau bouillante 30 1/2 litres. 38 litres.
- Acide acétique à 8° 1 1/2 litre. 2 —
- Mordant 5/4 . 8 litres. 2 1/2 litres.
- Amidon grillé foncé.... . 20 kilogrammes. 20 kilogrammes.
- Huile tournante . 375 grammes. 375 —
- Térébenthine . 375 — 375 —
- Rose 16...............
- — 4................
- No 6.
- Rose 16..............
- — 4................
- 2 litres. 22 —
- 4 litres. 20 —
- Rose 16
- — 4
- Rose
- N» H.
- No 12.
- 14 litres. 10 —
- 16 litres. 8 —
- Rose b.
- Eau.................................... 8 litres.
- Mordant b.............................. 2 —
- Farine................................. 2 kilogrammes.
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- Huile tournante................... 120 grammes.
- Térébenthine...................... 120 —
- I/huile et l’essence.
- Lorsqu’on imprime plusieurs mordants pour teintes différentes, les uns sur les autres, on doit éviter qu’ils ne se dissolvent et ne se confondent aux points de superposition. Ainsi, lorsqu’on recouvre d’une grande masse de mordant un dessin délicat, la première impression qui représente la nuance la plus forte doit reposer quelques jours avant l’application de la seconde. On peut aussi, dans ce cas, varier les épaississants. La première nuance sera par exemple épaissie à l’amidon et la seconde à l’amidon grillé.
- Le mordant dit à l’aluminate de soude s’épaissit à l’amidon grillé.
- MORDANTS POUR NOIRS, VIOLETS ET LILAS.
- La base des noirs, violets et lilas, obtenus avec les matières colorantes de la garance est l’hydrate de peroxyde de fer ou un sel basique insoluble de fer. Nous avons déjà rencontré ce corps fonctionnant comme couleur par lui-même dans la préparation des nuances chamois, rouilles et nankin. Mais la quantité d’hydrate de fer nécessaire pour donner, avec la garance, l’effet maximum, n’est pas suffisante pour constituer une couleur sur tissu.
- De même que pour l’alumine, plusieurs moyens se présentent à l’esprit pour fixer sur tissu du peroxyde de fer hydraté.
- Tels sont :
- 1° L’emploi de sels de peroxyde de fer basiques qui cèdent une partie de leur oxyde à la fibre, par suite d’une attraction de porosité ;
- 2° Les sels de peroxyde neutres exigeant le déplacement de l’oxyde par double décomposition opérée par l’ammoniaque, les alcalis caustiques ou carbonatés et certains sels alcalins
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- (phosphates, arséniates, etc.), dont l’acide forme avec le peroxyde de fer des composés insolubles ;
- 3° Les sels de peroxyde qui se décomposent spontanément en acide volatil et en base ;
- 4° Les sels de protoxyde de fer qui exigeront toujours en même temps que le déplacement de l’oxyde, une oxydation simultanée ou consécutive ;
- S° Enfin les dissolutions alcalines de peroxyde de fer.
- Parmi tous ces moyens, l’expérience et la pratique ont consacré l’usage de l’acétate ferreux ou du pyrolignite de fer.
- Ces préparations, imprimées et exposées dans une atmosphère humide et chaude, ne tardent pas à s’altérer en perdant leur acide acétique et en fixant en même temps de l’oxygène. De sorte que le résultat final est le dépôt, sur la toile, d’hydrate ferrique ou d’un sous-acétate ferrique insoluble.
- M. H. Schlumberger a montré que l’on peut obtenir de bons résultats avec diverses dissolutions acéto-ferrugineuses, obtenues soit :
- 1° Par double décomposition opérée entre l’acétate de plomb et le sulfate de fer ;
- 2° Par l’acide acétique et le fer ;
- 3° Par le vinaigre de Bourgogne et le fer ;
- 43 Par le fer et l’acide pyroligneux épuré ; -
- 5° Par le fer et l’acide pyroligneux épuré et en faisant bouillir pendant 5 minutes (pyrolignite débouilli) ;
- 6° Par le fer et l’acide pyroligneux brut ;
- 7° Par le sulfate ferreux et le pyrolignite de plomb.
- Il suffit, pour la bonne réussite, que la dissolution soit à l’état de protoxyde, lorsqu’on la porte sur la toile.
- L’action oxydante de l’air sur les mordants de fer, avant leur application sur la toile, doit toujours être évitée le plus possible.
- Les mordants suroxydés ne se combinent plus avec la toile et s’en détachent en.grande partie ou même complète-
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- ment pendant le bousage. Cet effet est surtout à craindre pendant l’impression à la planche, où, souvent, une petite portion de couleur reste exposée sur une large surface au contact de l’air.
- Durant l’impression au rouleau, cette action est peu sensible. La nature de l’épaississant a une influence bien marquée sur la fixation de l’oxyde de fer. Toutes choses égales d’ailleurs, l’amidon fixe plus d’oxyde que la gomme d’amidon, et celle-ci plus que la gomme du Sénégal.
- L’état de viscosité du mordant épaissi n’a pas une moindre action sur la réussite. Il faut donc donner à chaque couleur le degré de 'viscosité que réclame le genre de dessin et d’impression.
- Nous avons déjà Vu,t.I,p.246 et 247; comment on obtient ces deux préparations. Généralement on emploie le pyrolignite de fer épuré, obtenu avec de l’acide pyroligneux séparé, par une distillation, delà plus grande partie des substances goudronneuses, et marquant 10° Baumé.
- Yoici quelques exemples de mordants pour violet : l’épaississant employé est le léiocomme.
- Violet 8.
- Eau bouillante.............. 48 litres.
- Pyrolignite à 10° Baumé... 6 —
- Léiocomme................... 36 kilogrammes.
- Essence de térébenthine... 375 grammes.
- Violet 10.
- 2 parties violet.......................... 32
- 22 — ............................... 8
- Violet 12.
- 4 parties violet.......................... 32
- 20 — ............................... 8
- Violet 16.
- 8 parties violet............................
- 16 — ........................................’
- Violet 32.
- 48 litres.
- 1 1/2 litre.
- 30 kilogrammes. 375 grammes.
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- tViolet 20.
- i partie violet......................... 32
- 1 — .................................... 8
- Violet 22.
- 14 parties violet..................... 32
- 10 — .............................. 8
- i
- "Violet 24.
- 16 parties violet....................... 32
- 8 — .............................. 8
- Noir. i
- Pyrolignite de fer à 10».................. 32 litres.
- Amidon grillé............................. 10 kilogrammes.
- Eau....................................... 24 litres.
- Quercitron à 18°............................ 2 —
- Campéche à 17°.............................. 2 —
- Huile d’olive..............»........... 1/4 litre.
- Autrefois on ajoutait au mordant pour noir, destiné à l’impression à la planche, un sel de cuivre, notamment l’acétate qui peut avoir pour but de favoriser et de hâter la combinaison de l'oxyde de fer avec la toile.
- M. H. Schlumberger (1) ayant observé que l’arsénite de cuivre et de chaux (15 grammes de chaque pour un litre de mordant) favorise la combinaison de l’oxyde de fer avec la toile, d’une manière toute particulière, on avait pris l’habitude d’ajouter aux mordants pour violet, ce qu’on appelait la dissolution de cuivre pour violet, préparée avec :
- Eau de chaux................. 68 litres. 1 Faire bouillir et lais-
- Arsenic blanc................ t 1/2 livre. ( ser déposer avant de
- Sulfate de cuivre............ 1 1/2 livre. ) s’en servir.
- Voici, comme exemple, un mordant violet renfermant la dissolution de cuivre.
- (1) Bulletins de la Soc. indust. de Mulhouse, t. XIII, p. 408. II. 15
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- Dissolution de cuivre......................„. 3 pots.
- Pyrolignite de fer à 14°...................... 1/2 pot.
- Eau........................................... 4 pots.
- Vinaigre à 2°................................. 2 pots.
- Amidon grillé................................. 9 à 10 livres.
- De nos jours on a presque partout renoncé à l’emploi de cette dissolution, qui ne paraît pas être aussi indispensable au succès du violet qu’on le pensait autrefois.
- Cette action utile des sels de cuivre, dans les mordants pour violet, a principalement lieu avec les dissolutions ferriques pures, et surtout avec les mordants épaissis à la gomme du Sénégal. Avec d’autres épaississants et d’autres dissolutions ferrugineuses, comme le pyrolignite de fer, l’avantage résultant de l’emploi du cuivre est très-faible.
- Byposulftte de fer (1). — Ce sel peut servir, d’après les expériences de M. E. Kopp, pour mordancer les tissus, mais le bas prix du pyrolignite de fer rendra toujours ce dernier plus avantageux en pratique.
- L’hyposulfite ferreux, exposé au contact de l’air, se convertit peu à peu en sulfate ferreux, puis, enfin, en sous-sulfate ferrique insoluble.
- La lenteur de cette oxydation permet une fixation très-intime à la fibre, sans que celle-ci soit sensiblement affaiblie.
- On le prépare, soit par l’action de l’acide sulfureux sur le protosulfure de fer délayé dans l’eau, soit parla décomposition du sulfate ferreux au moyen de l’hyposulfite de chaux. On peut aussi simplement mélanger de l’hyposulfite de soude à une solution de sulfate ferreux.
- M. Persoz (2) a encore proposé l’emploi d’une solution ammoniacale de pyrophosphate ferrique. Il suffit de l’imprimer et de dessécher lentement le tissu pour obtenir, en bain de
- (1) Bull, de la Soc. ind. de Mulh., t. XXVIII, p. 444.
- (2) Traité de l’impression des tissus, t. II, p. 101.
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- garance, les teintes violettes les plus pures. Des toiles ainsi mordancées se teignent encore dans un bain de garance épuisé où ne se teindraient plus des tissus mordancés à la manière ordinaire.
- MORDANTS PUCES.
- Le mordant puce résulte du mélange du mordant pour rouge et de celui pour violet. En variant les proportions respectives de ces deux agents, on modifie la teinte {intermédiaire, d’une foule de flacons.
- En appelant mordant Z la préparation pour rouge suivante :
- Alun....................... 10 kilogrammes
- Acétate de plomb........... 10 —
- Eau........................ 20 litres
- et mordant puce la préparation pour rouge suivante :
- Alun...............
- Pyrolignite de plomb
- Eau................
- Cristaux de soude...
- On obtient des puces en prenant :
- Mordant Z
- Pyrolignite de fer à 10° 4 —
- Extrait quercitron à 20° 1/2 litre.
- Amidon blanc 2k,500
- Léiocomme 250 grammes.
- Huile tournante , 90
- Mordant puce . 12 litres. 16 litres.
- Pyrolignite de fer à 10°.... 2 — 4 —
- Extrait de quercitron à 20°.. . 3/4 litre. 1/2 litre.
- Amidon blanc . 3 kilogr. 4 kilogr.
- Léiocomme . 375 gram. 500 grammes,
- Huile tournante , 125 — 125 —
- 144 kilogrammes 144 —
- 660 —
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- IMPRESSION DES MORDANTS.
- Nous ne nous préoccupons pas des détails mécaniques de l’impression des mordants. Elle s’exécute le plus soirvent au rouleau, d’autres fois à la planche, surtout pour les meubles et les grands dessins.
- Immédiatement après l’impression, au rouleau, de divers mordants, le tissu se sèche, en glissant le long de plaques en tôle, chauffées à la vapeur. Pendant cette opération, l’acide acétique se dégage en partie et il reste sur le tissu un sel basique. Après l’impression à la planche, la dessiccation se fait à une température moins élevée ; aussi la déperdition d’acide acétique est-elle moindre.
- FIXATION DES MORDANTS.
- Cette opération si importante comprend deux phases distinctes :
- Dans la première, les pièces sont suspendues dans une chambre dont l’atmosphère est maintenue à un degré convenable de température et d’humidité.
- On donne à ces étendages le nom de chambres d’oxydation. Cette expression n’est exacte qu’autant qu’il s’agit de mordants de fer, dans la fixation desquels l’oxygène joue, en effet, un rôle capital. Pour l’acétate d’alumine il n’y a nul besoin du concours des éléments de l’air. La chaleur et l’humidité sont seules chargées de la décomposition.
- La chambre d’oxydation est maintenue à une température de 22 à 27° Réaumur, au moyen de tuyaux de vapeur. L’humidité est distribuée à la salle d’une manière régulière par une disposition très-simple. Les tuyaux calorifiques sont placés au-dessus de rigoles remplies d’eau qui se vaporise sous l’influence de la chaleur. On peut, à volonté, augmenter la quantité de vapeur, en laissant barboter celle des tuyaux
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- dans le liquide sous-jacent, au moyen de petits tubes latéraux, munis de robinets et distribués sur le parcours des tubes de chauffage.
- Le degré hygrométrique s’évalue au moyen d’un hygromètre d’Auguste ou psychromètre. On s’arrange de façon à ce que le thermomètre dont la boule est mouillée marque 18°, l’autre marquant 22° Réaumur.
- Lorsque l’atmosphère de la chambre est remplie de vapeurs d’acide acétique, il convient d’introduire de l’air chaud pour les expulser.
- Une trop forte proportion de vapeurs acides nuit à la beauté des teintes. En laissant rentrer de l’air froid on condenserait de l’eau sur les pièces qui seraient ainsi gâtées par des coulages.
- La durée de cette exposition est plus ou moins longue, suivant la nature des mordants et des dessins.
- Pour les cachous et les puces, elle est de 72 heures.
- Pour les violets et les puces, elle est de 60 heures.
- Avec du noir et du rouge, elle est de 48 heures.
- Pour les roses et les rouges seuls, elle est de 6 à 20 heures.
- Ces différences résultent du mode de fixation. Partout où doit intervenir une oxydation, le temps exigé est plus long que lorsqu’il s’agit seulement du déplacement d’une partie de l’acide acétique. Quant à la théorie de ce qui se passe dans la chambre d’oxydation, elle est très-simple et découle naturellement des indications données plus haut.
- Le mordant acétate d’alumine se dédouble sous la double action de la chaleur et de la vapeur d’eau et, perdant de l’acide acétique, laisse sur le tissu, tantôt du sulfate basique d’alumine, tantôt de l’alumine hydratée ou un sous-acétate, suivant que l’on a imprimé une préparation qui peut être considérée comme une solution de sulfate basique dans 1 acide acétique, ou comme de l’acétate pur.
- M. H. Schiffert a entrepris, sous ma direction, quelques
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- recherches, danslebut de déterminer la nature de la composition aluminique restée sur le tissu, après la dessiccation et l’exposition à la chambre chaude.
- 1° Un tissu de coton foulardéen acétate d’alumine exempt de sulfate a été séché et exposé quelques jours à la chambre chaude. Soumis à la distillation dans une cornue avec de l’eau et de l’acide sulfurique, il a fourni un liquide parfaitement neutre et ne contenant pas trace d’acide acétique, comme cela aurait dû arriver si, au lieu d’alumine hydratée, il était resté de l’acétate basique.
- 2° Un morceau de calicot foulardé dans une solution d’alun, dont on avait précipité les trois quarts de l’acide sulfurique par de l’acétate de plomb, séché et exposé à la chambre chaude, a cédé à l’eau froide du sulfate d’alumine. Il résulte delà que l’acétate de plomb a partagé son action entre les sulfates d’alumine et de potassium dont les éléments se retrouvent dans l’alun et qu’une partie de l’alun est resté intact. Le tissu lavé à l’eau et distillé avec de l’acide sulfurique étendu n’a pas donné d’acide acétique. Lavé à l’eau et bouilli avec du carbonate de soude, il n’a pas fourni de liqueur contenant de l’acide sulfurique, comme cela aurait dû se produire s’il était resté un sous-sulfate d’alumine ; l’acide chlorhydrique chaud en extrait par contre beaucoup d’alumine précipitable par le carbonate d’ammoniaque.
- 3° Un morceau de calicot foulardé en mordant rouge ordinaire, séché et exposé à la chambre chaude, pendant le temps usité à la fixation des mordants, n’a pas non plus révélé la présence d’acide acétique. Traité par l’eau froide il donne une solution qui se trouble par l’ébullition, en laissant déposer du sulfate basique d’alumine et dans laquelle on peut mor-dancer une étoffe en chauffant à 70°. Ce même tissu bien lavé à l’eau froide ne retenait plus d’acide sulfurique, mais seulement de l’alumine hydratée.
- Il résulte de ces expériences que, dans aucun cas, les pièces mordancées en acétate d’alumine, séchées et oxydées, ne
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- renferment ou ne retiennent d’acide acétique à l’état d’acétate basique. Avec le mordant rouge ordinaire des fabriques il semblerait qu’il reste un mélange d’alumine hydratée et de sulfate neutre. Par le traitement à l’eau, on dissout le sulfate neutre d’alumine, et celui-ci, à son tour, réagissant sur l’hydrate d’alumine, en dissout une portion et repasse à l’état d’alun basique.
- Le mordant de fer s’oxyde au contraire en perdant de l’acide acétique, et il reste un acétate basique de peroxyde de fer.
- : , y-.-.- j : 'Vi'ifU ; ,i : ! ;b - .1, • CO'-.
- DÉGOMMAGE ET BOUS AGE.
- Si au sortir des chambres d’oxydation, l’alumine et le peroxyde de fer étaient complètement fixés à la fibre dans un état d’insolubilité parfaite, il ne resterait plus, avant la teinture, qu’à laver en eau tiède et à bien rincer pour enlever les épaississants et les substances solubles, qui ont joué un rôle plus ou moins utile pendant l’impression, rôle qui ne se prolonge pas au delà.
- D’après ce que nous avons vu, nous pouvons déjà prévoir, d’accord avec la longue expérience des praticiens, qu’un dégommage à l’eau seule ne peut que donner des résultats défavorables.
- Prenons comme exemple le mordant rouge ordinaire, dans lequel on a précipité par l’acétate de plomb la moitié seulement de l’acide sulfurique de l’alun. En tenant compte des résultats observés par M. Schiffert, on peut admettre qu’il y a sur le tissu prêt à être dégommé, de l’alun et de l’hydrate d’alumine; que se passera-t-il pendant le lavage à l’eau? L’alun se dissoudra et entraînera consécutivement la corrosion d Une partie de l’alumine déjà fixée. Cette corrosion se fera irrégulièrement, et par conséquent les nuances perdront en intensité et en uniformité. D’autre part, les fonds blancs réservés par la gravure, se trouvant en présence d’une solution
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- basique d’alun, fixeront du sulfate basique d’alumine et attireront ultérieurement en bain de teinture.
- Un effet analogue se produit avec les mordants de fer. Le sous-acétate ferrique, incomplètement fixé, se partage en acétate neutre soluble et sesqui oxyde de fer, et cet acétate dissous vient mordancer les parties blanches environnantes.
- Ces effets sont encore augmentés par l’incomplète décomposition qu’éprouvent, en certains points, les mordants sur tissus.
- Si la chaleur et l’humidité ne sont pas très-régulièrement réparties dans la chambre d’oxydation, il peut arriver, en effet, que certaines places de la pièce ne subissent qu’une altération peu avancée, qui laissera au mordant une grande partie de sa solubilité.
- Ainsi le simple dégommage à l’eau expose : 1° à la production de nuances raclées, irrégulières ; 2° à l’altération des blancs.
- Depuis longtemps les fabricants d’indiennes sont parvenus à neutraliser les inconvénients du dégommage, en remplaçant l’eau par un bain tiède de bouse de vache. Celle-ci, par l’action des sels minéraux et des matières organiques fixes qu’elle renferme, détermine la saturation complète du mordant, la précipitation des oxydes métalliques, et s’oppose, en outre, à ce que l’oxyde qui se détache ou se dissout ne puisse venir adhérer et altérer les blancs.
- L’usage de la bouse de vache semble déjà ancien. Les indienneurs suisses l’employaient au milieu du dix-huitième siècle; et J. M. Haussmann signale les avantages de ce produit dans le dégommage, vers 1790 (1).
- M. D. Koechlin a très-nettement formulé l’influence favorable exercée par la bouse pendant le dégorgeage des mordants (2).
- (1) Lettre à Berthollet, Annales de chimie, t. XII, p. 111.
- (2) Bulletins de la Société industrielle, t. I, p. 313.
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- GARANCE.
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- L'opération du bousage, dit-il, a pour but :
- 1° De déterminer l’entière combinaison des sous-sels alumineux avec l’étoffe, en séparant presque tout l’acide acétique qui ne s’était point volatilisé pendant la dessiccation du mordant ;
- 2° De dissoudre et d’enlever à l’étoffe une partie des substances qui avaient servi d’épaississant.
- 3° De séparer de l’étoffe la partie du mordant non combinée et qui se trouve interposée mécaniquement dans l’épaississant ;
- 4° D’empêcher par la nature des substances qui composent la bouse, que le mordant non combiné ainsi que l’acide acétique dont le bain finit par être chargé, ne se portent sur les parties non imprimées de la toile et ne soient préjudiciables au mordant.
- Quant à la théorie de l’action de la bouse, on a dû nécessairement en chercher la clef dans l’étude de la composition de cette déjection. Les travaux de MM. Morin (i), Penot (2), Gam. Koechlin, ont, jusqu’à un certain point, élucidé cette question, sans toutefois donner une solution complète.
- Suivant M. Morin, l’extrait aqueux filtré de la bouse, épuisé par l’alcool et l’éther, cède à l’eau un principe soluble auquel il donne le nom de bubuline, et qu’il considère, comme le principe actif de la bouse, à cause de la propriété qu’elle possède de précipiter la plupart des dissolutions métalliques.
- La bubuline de M. Morin doit être rayée de la liste des principes immédiats. Par ses caractères, elle représente, en effet, une ou plusieurs matières albuminoïdes souillées par des matières colorantes biliaires ou végétales.
- (1) Bulletins de la Société industrielle, i. IV, p. 164.
- (2) Ibid., t. VIII, p. U3 et 124.
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- 23 4 TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- M. Penot a trouvé dans la bouse de vache nourrie avec des fourrages secs, pour 100 parties :
- Eau........................................ 69,58
- Matière amère............................... 0,75
- Matière sucrée.............................. 0,93
- Chlorophylle................................ 0,28
- Albumine.................................... 0,63
- Matière ligneuse........................... 26,99
- Î Chlorure de sodium......................... 0,08
- Sulfate de potasse.......................... 0,05
- Sulfate de chaux............................ 0,25
- Carbonate de chaux......................... 0,24
- Phosphate de chaux.......................... 0,46
- Carbonate de fer.......................... 0,09
- Silice.................................... 0,14
- 100,00
- Cette analyse mériterait d’être reprise avec les moyens plus précis dont dispose aujourd’hui la science. Nous pouvons ajouter, dès à présent, à la liste des matières salines fournie par M. Penot, des phosphates alcalins qui existent dans toutes les déjections animales.
- M. Penot a encore reconnu que la partie soluble de la bouse donne avec le mordant rouge un précipité abondant, à froid, qui augmente encore lorsqu’on porte le liquide à une température élevée. La partie insoluble bouillie, avec du mordant rouge retient également une certaine proportion d’alumine.
- M. C. Koechlin a étudié un bain de bouse monté à la manière ordinaire (80 kilogrammes de bouse et 40 à 45 mesures d’eau, température de 70°), dans lequel on avait dégorgé des pièces de toile imprimées en mordants bon noir, fin rouge, et violet.
- Le bain était loin d’être épuisé par là.
- Ce bain abandonné au repos ne s’est pas clarifié ; il est
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- ÇARANCE.
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- resté en suspension une matière d’un noir verdâtre pesant 9gr,50 pour 25 litres de bain.
- Le liquide filtré est jaune sale , astringent et assez acide pour rougir le papier de tournesol; tandis que la bouse normale est rieutre ou légèrement alcaline; évaporé à sec, il laisse un résidu de 22gr,80. La partie ligneuse déposée pesait, après dessiccation, 28gr environ.
- L’incinération de ces divers produits fournit à l’analyse les quantités d’alumine et de peroxyde de fer suivantes :
- Ligneux (28 grammes)..
- Matière tenue en suspension (9sr,50)............
- Extrait soluble (22Sf,08).
- ( Alumine................. OsqtSG
- ( Peroxyde de fer......... 0sr,02l
- ( Alumine.................... 0,663
- { Oxyde de fer............... 0,436
- i Alumine . ............... 0,66
- I Fer........................... 0
- 11 est à noter que la proportion relativement faible d’alumine, renfermée dans l’extrait aqueux, n’était accusée par aucun des réactifs ordinaires de ce corps, et se trouvait, par conséquent, masquée par la présence de matières organiques.
- Remarquons, en outre, que l’extrait aqueux d’un bain de bouse, qui a servi au dégorgeage de tissus mordancés, renferme presque autant d’alumine que la partie insoluble. Malgré cela, un tissu blanc ne se mordance pas dans ce liquide. Il en résulte que l’alumine est masquée. Les mêmes phénomènes s’observent avec les mordants de fer.
- En versant dans une infusion de bouse fraîche des quantités croissantes d’acétates d’alumine ou de fer, on observe que la précipitation n’est pas immédiate. Elle n’apparaît qu’à partir d’une certaine limite. Il doit donc exister, dans la bouse, une substance soluble, probablement de nature albumineuse, susceptible de s’opposer à la précipitation des oxydes d’aluminium et de fer, par leurs réactifs ordinaires.
- D’après ces résultats, l’influence delà bouse dans le dé-
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- 236 TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- gorgeage des tissus mordancés peut se concevoir de la manière suivante :
- Les premières parties d’acétates d’alumine et de fer qui se séparent, restent en solution tout en étant inoffensives pour les blancs de la pièce, jusqu’à ce que le pouvoir, masquant des composés organiques (albuminoïdes) de la bouse, soit saturé. A partir de ce moment, il se produit un précipité dû à l’intervention des phosphates alcalins. Enfin, lorsque ce dernier effet utile est lui-même épuisé, toutes les parties du mordant qui se détachent ultérieurement peuvent se reporter sur les surfaces blanches du tissu.
- La bouse n’est donc active que parce qu’elle renferme des corps capables de masquer ou de précipiter, par voie de double décomposition, les mordants qui tendent à se détacher. Le pouvoir saturant, qu’elle doit à ses phosphates alcalins, permet aussi de supposer, qu’elle fixe sur tissu une plus forte proportion d’oxyde que celle qui resterait après un simple dégommage à l’eau. Enfin, il ne faut pas négliger dans la théorie du bousage, l’effet utile des parties insolubles de la bouse, dont le rôle peut être à la fois chimique ou saturant par les phosphates et carbonates alcalino-terreux, et mécanique.
- Ces parties insolubles en se mélangeant aux dépôts et en englobant les précipités aluminico-ferriques qui tendent à se former, en préservent naturellement les parties blanches du tissu.
- Comme l’on est arrivé, en pratique, à remplacer, dans la plupart des cas, la bouse par des substances salines, telles que: phosphates de soude et de chaux, silicate de soude, etc., substances dont le rôle, comme saturants des parties des mordants non encore décomposées et comme précipitants des portions qui peuvent se détacher, n’est pas à nier, on doit, par analogie, attribuer un rôle actif aux phosphates de la bouse.
- Le bain de bouse se monte ordinairement avec 30 litres de bouse de vache pour 2 000 à 1 600 litres d’eau.
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- GARANCE.
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- La bouse provenant d’une nourriture verte et surtout de betteraves, est moins avantageuse que celle des fourrages secs.
- Il est difficile de déterminer le nombre des pièces que l’on peut passer dans un volume donné de bain. Il dépend de la force et de l’acidité des mordants, ainsi que de la nature des dessins, et varie de 20 à 60. La durée de l’immersion doit être modifiée suivant la concentration des mordants et la nature de l’épaississant. La température se règle aussi d’après les mêmes données ; ainsi avec l’amidon et la farine elle doit être plus élevée que pour les gommes. Elle varie de 45 à 100 degrés centigrades.
- Les genres dont l’impression est chargée, et dont les mordants sont épaissis à l’amidon ou à la farine, sont ordinairement bousés à deux reprises, avec un dégorgeage intermédiaire.
- Un mordant fort et acide est plus difficile à bouser et à dégorger qu’un mordant neutre, surtout lorsqu’il doit être teint en garance.
- Dans certains cas, lorsqu’on passe en bouse des toiles plaquées de mordants forts ou à dessins chargés, on ajoute de temps à autre un peu de craie ou de bicarbonate de potasse, autrement, lorsque le bain est devenu acide, le mordant des dernières pièces est en partie redissous.
- Une température trop élevée du bain et une trop grande quantité de bouse nuisent aux mordants faibles, notamment aux roses.
- La manière d’immerger les toiles en bouse est une opération importante. En effet, une partie du mordant est encore non combinée, surtout dans les genres d’impression qui exigent beaucoup de mordant fort et dans les toiles plaquées. Il est nécessaire, dans ces cas, que les pièces passent dans le bain de bouse d’une manière régulière et continue, sans plis, bien étendues et aussi vite que possible. Car, du moment où l’eau chaude pénètre la toile, l’acide acétique
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- 238 TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- l’abandonne, et si cette immersion se faisait lentement et pli par pli, l’acide et le mordant non combiné s’étendraient et auraient le temps de dissoudre l’alumine déjà combinée ; d’où résulteraient des inégalités et des teintes appauvries. M. D. Koechlin a démontré ces effets par des expériences directes.
- Après le bousage, on dégorge les toiles à plusieurs reprises pour séparer les dernières parties de l’épaississant.
- On a successivement cherché à remplacer la bouse par divers produits dont l’action paraît être analogue, et conduit aux mêmes résultats.
- Ainsi, dans certains établissements, on s’est servi avec succès du son de froment. Le son renferme beaucoup de phosphates alcalins et alcalino-terreux. Il doit, de plus, agir comme substance insoluble, c’est-à-dire mécaniquement. Ne colorant pas autant le tissu que la bouse, il convient .surtout pour les nuances tendres.
- Le bain de son se monte avec 50 à 60 litres de son pour 3 000 litres d’eau.
- Sous le nom de sels à bouser, on a employé, particulièrement en Angleterre, les phosphates de soude et de chaux ou les arséniates des mêmes bases (50 à 80 grammes par hectolitre). Si l’usage de ces produits a donné lieu à des résultats contradictoires, favorables pour les uns et défectueux pour les autres, variant aussi avec la nature des mordants, cela tient évidemment à ce que l’on n’avait pas suffisamment étudié les conditions de température, de concentration et de durée, ainsi que la composition changeante des sels à bouser qui conviennent à chaque genre.
- En général, avec le même mordant, le sel à bouser produit des nuances beaucoup plus foncées qu’avec la bouse ; ce qui s’explique facilement par une saturation plus complète des mordants, dont une bien moindre proportion tend alors à se détacher.
- On a encore proposé pour achever la fixation :
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- °2 3 9
- Le gaz ammoniac (Wesserling) pour violets ;
- Les bicarbonates alcalins ;
- Le silicate de soude. Ce dernier composé a peu à peu réussi à détrôner, presque partout, l’ancienne bouse ; et à mesure que l’on apprend à mieux connaître les conditions de son emploi, il remplace de plus en plus la bouse dans des genres d’où il semblait d’abord devoir être exilé.
- Son action est essentiellement saturante; il fixe toute l’alumine du mordant, en la précipitant sur la fibre, avant qu’elle n’ait eu le temps de se détacher.
- Exemple de bousage au silicate pour les articles garances.
- Les pièces passent, en deux minutes, par deux cuves chauffées à 40° Réaumur et contenant chacune,
- 1° Pour les fonds blancs avec puce et rouge, noir et rouge, puce seul, rouge seul, roses :
- 2 800 litres d’eau.
- 85 litres silicate de soude à 10° Baume.
- 2° Pour les violets et noirs, les noirs seuls et les violets seuls :
- 2 800 litres d’eau.
- 60 litres silicate de soude à 10° Baume.
- Si, après teinture, les pièces devaient devenir trop foncées, on leur ferait subir un deuxième bousage, dans une cuve de teinture, avec 36 litres de bouse pour 900 mètres de tissus, en laissant 30 minutes à 30° ou 45° Réaumur.
- Exemple de bousage à la bouse pour les articles garancine.
- On bouse deux fois toutes les pièces oxydées de l’article garancine.
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- Pour noir, viclet, gris, cachou, rouge et puce :
- Ier Bousage. — La pièce passe successivement par trois cuves à roulettes en deux minutes, montées avec
- la première
- 1 400 litres d’eau.
- 12kU,05 de craie.
- 40 kilogrammes bouse. 30° Réaumur.
- la deuxième et la troisième
- 2 800 litres d’eau.
- 35 kilogrammes bouse.
- 11 à 14 kilogram. quercitron. 65° Réaumur.
- 2e Bousage. — Il se fait dans une seule cuve, dans laquelle on peut prendre douze pièces à la fois, pendant une demi-heure, à 50° Réaumur.
- Elle renferme
- 1 200 litres d’eau.
- 20 kilogrammes de bouse.
- 6 kilogrammes quercitron.
- 2 kilogrammes sumac.
- Pour puce seul, noir seul, gris et puce seuls, rouge et noir seuls, puce et rouge seuls, puce et noir, puce et cachou, puce et violet, le premier bousage se donne dans les trois cuves à roulettes montées avec
- la première la deuxième et la troisième chaque
- 1 400 litres d’eau. 2,800 litres d’eau.
- 30 kilogrammes de bouse. 25 kilogrammes de bouse.
- 10 kilogrammes de craie. 23kil,05 quercitron.
- 30° Réaumur. 65° Réaumur.
- Le second bousage se fait dans une cuve, douze pièces à la fois :
- 1 200 litres d’eau.
- 25 kilogrammes bouse.
- 10 kilogrammes quercitron.
- 59° Réaumur. Une demi-heure.
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- GARANCE. 241
- Pour puce et violet seuls, on prend un peu moins de quer-citron.
- On peut aussi, pour l’article garancine, remplacer le bou-sage par un passage en silicate de soude, mais, dans ce cas, les couleurs doivent être plus fortement chlorées.
- Le bousage au sel ammoniac ne convient qu’au genre aluminate.
- GARANÇAGE OU TEINTURE EN GARANCE.
- La teinture en garance réclame des soins tout particuliers, et il est nécessaire, lorsque l’on opère en grand, de bien connaître toutes les conditions de succès pour obtenir les nuances les plus nourries, les plus vives, les plus unies et les plus solides, tout en utilisant le plus possible la matière colorante. En petit, il est facile de teindre un échantillon convenablement mordancé ; il suffit de le maintenir immergé dans un bain monté avec de la garance et de l’eau (1 litre d’eau pour 12 grammes de garance), dont on élève progressivement la température jusqu’à l’ébullition, pendant une heure, tout en agitant le tissu, afin de rendre la teinture aussi uniforme que possible.
- Les matières colorantes rouges, à mesure qu’elles se dissolvent dans le bain, viennent se combiner aux mordants et former des laques diversement colorées, suivant la nature et la quantité de l’oxyde métallique fixé au tissu.
- Dans la pratique, lorsqu’il s’agit de réaliser une nuance déterminée et d’une intensité constante, le fabricant doit tenir compte des variables qui ont une influence sur le résultat, telles que la composition des eaux dont il se sert, la richesse et la nature des matières tinctoriales.
- Les garances d’origines diverses, ne se comportent pas de même en teinture ; celles d’une même provenance peuvent varier par des causes naturelles ou par suite de sophistication. Nous savons, en outre, que les produits commerciaux déri-II. 16
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- 242 TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- vés de la garance donnent chacun des résultats spéciaux, et ne peuvent, par conséquent, pas se remplacer sans des modifications dans le mode opératoire. Il convient donc de s’affranchir des variables et de déterminer rigoureusement les meilleures conditions de temps, de température, de chauffage, etc.
- L’art du garançage est aujourd’hui à un degré de perfection tel, qu’il est difficile de supposer qu’on arrivera à le dépasser encore. A côté d’un fond d’une blancheur irréprochable, on obtient des nuances roses, rouges, lilas, violettes, puces et noires aussi vives et aussi brillantes que possible. Ce succès est dû aux soins et aux progrès apportés aux différentes parties de cette importante branche de fabrication.
- L’introduction du savon decolophane, dans le blanchiment, a rendu beaucoup plus faciles qu’autrefois ledégorgeage et le blanchiment des fonds après la teinture.
- Une étude plus approfondie des mordants et des procédés de fixation, la substitution du silicate de soude à la bouse dans un grand nombre de genres, ont permis de fixer plus régulièrement et plus complètement les oxydes métalliques.
- Dans la teinture elle-même, les progrès dérivent surtout de l’introduction de nouveaux produits de garance, tels que fleurs, alizarine commerciale, garancine.
- Enfin l’avivage dispose aussi de moyens plus énergiques et plus rapides. De l’aveu de tous les praticiens, la teinture avec la fleur, la garancine et les produits analogues, exige moins de soins et de régularité dansla conduitede l’opération, que celle avec la poudre de garance. Nous nous occuperons donc avant tout de cette dernière.
- Dans un remarquable travail sur la garance, M. H. Schlum-berger a examiné une à une les conditions les plus favorables à une bonne opération (1).
- (1) Bull. Soc. ind. de Mulhouse, t. VIII, p. 327.
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- GARANCE.
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- Avant toutes choses, le tissu doit être préparé, dégorgé complètement et ses mordants doivent être fixés avec soin.
- Durée de la teinture. — Les teintures en garance peuvent se prolonger, avec avantage, jusqu’à 6 heures de durée, abstraction faite des dépenses de combustible, de main-d’œuvre et de temps ; mais si l’on tient compte de ces frais supplémentaires qui compensent, au delà d’une certaine limite, le gain en matière colorante, on arrive à fixer 4 heures pour le temps le plus convenahlefen terminant par 30 minutes d’ébullition.
- On a encore observé, qu’en restant 8 heures à la température de 50°, on extrait plus de matière colorante qu’avec une teinture de 3 heures poussée jusqu’à l’ébullition. Ces résultats se sont produits, tant avec la garance d’Alsace qu’avec celle d’Avignon. Les couleurs teintes au delà de 6 heures résistent un peu moins aux avivages que celles teintes en moins de temps. *•
- Quantité d'eau. — Les essais de M. Schlumberger, faits sur une petite échelle, le conduisent aux proportions suivantes, comme étant les plus favorables :
- 1 partie de garance et 80 parties d’eau.
- En prenant moins d’eau, par exemple 20 parties, les couleurs perdent de leur solidité.
- Nous verrons cependant, qu’en grand, ces rapports ne sont pas observés et que l’on se sert généralement de bains plus concentrés, dans le but de diminuer les frais de chauffage et le nombre de cuves.
- Qualité de Veau. —L’effet des sels calcaires renfermés dans les eaux naturelles se fait diversement sentir, suivant 1 espèce de garance. Ainsi avec la garance d’Alsace qui est acide et qui exige même, pour donner des teintes solides, 1 addition d’une certaine quantité de craie, une eau calcaire ne donnera pas lieu à une perte très-sensible ; il n’en est pas de même avec la garance d’Avignon ; elle contient du
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- 24 4 TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- calcaire, et si l’eau vient en ajouter, ce ne sera pas sans des pertes assez fortes.
- Dans des localités où l’eau est chargée de sels de chaux, carbonate ou sulfate, il conviendra donc de la corriger par des moyens rationnels, ou de la remplacer par l’eau de condensation des chaudières à vapeur.
- Température. — Les expériences de M. Schlumberger prouvent qu’il y a avantage, au point de vue du rendement, à entrer les pièces dans le bain de teinture porté d’avance à 60° ; mais la pratique ne peut en profiter, vu la facilité avec laquelle on pourrait avoir de grandes inégalités de nuances, si l’on entrait les pièces à une température où la teinture fait le plus de progrès ; du reste, les couleurs obtenues par les teintures commencées à des températures élevées résistent moins bien aux opérations d’avivage que celles commencées à des températures plus basses, telles que 20°, 30°, 40° ; ce qui diminue le gain apparent.
- Quelle est la température à laquelle il faut atteindre pour utiliser toute la matière colorante ?
- Quelques auteurs ont prétendu qu’il convient de pousser jusqu’à l’ébullition ; mais, d’après M. Schlumberger, on arrive à 50% pour la garance d’Avignon, et à 80% pour celle d’Alsace, à épuiser le bain aussi complètement qu’à 95°, pourvu que l’on prolonge assez la teinture (8 heures).
- L’ébullition, du reste, est très-favorable pour la fixation de la matière colorante ; mais la vivacité des couleurs en souffre, ce qui fait que souvent on rejette ce degré de température. Ce qu’il faut surtout éviter avec soin, lorsqu’on emploie la garance, c’est de laisser refroidir le bain pendant la marche de la teinture pour recontinuer l’élévation progressive de la température, car on éprouverait de grandes pertes de matières colorantes.
- Ainsi une teinture arrivée à 55°, refroidie jusqu’à 30% réchauffée de nouveau jusqu’à 70% refroidie jusqu’à 40° et poussée enfin jusqu’à l’ébullition, éprouve une perte de 42
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- GARANCE.
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- pour 100. Il est donc essentiel de bien observer la marche des teintures. Il est difficile de donner une explication complète de ce fait singulier ; mais comme il ne se produit pas avec les fleurs et garancine, il est évident que les parties solubles de la garance interviennent d’une manière active. Les macérations préalables de la garance avec l’eau sont défavorables et donnent lieu à des pertes très-notables de matière colorante. Non pas que celle-ci soit détruite, car nous avons vu qu’elle supportait même une fermentation et une putréfaction assez avancées ; mais la matière colorante se trouve ainsi masquée.
- En délayant de la garance d’Avignon en poudre dans de l’eau à zéro et en filtrant, on obtient une liqueur colorée en brun foncé qui, chauffée à la manière ordinaire, teint assez bien un échantillon de toile mordancée. Avec de l’eau à 30°, au contraire, on obtient une liqueur claire qui ne rend presque rien à la teinture. Dans les mêmes circonstances, la garance d’Alsace donne une solution d’une richesse égale, qu’elle soit faite à zéro ou à 30°.
- Voici du reste les résultats obtenus dans les expériences.
- 46 grammes de garance macérée pendant 15 minutes avec 32 fois son poids d’eau distillée, puis filtrée, ont donné :
- Garance d’Avignon.
- A 0°. Eau teignant comme... 6 grammes de
- garance.
- Résidu teignant comme 30 grammes.
- Perte.................. 10 —
- A 30°. Eau teignant comme... 1 —
- Résidu teignant comme 28 —
- Perte.................. 17 —
- Ces nombres sont remarquables et peuvent être interprétés de la manière suivante. Les glucosides colorants de la garance d’Avignon, qui est neutre ou alcaline, peuvent se maintenir intacts à 0°, au moins pendant quelque temps,
- Garance d’Alsace.
- 9 grammes de garance.
- o grammes.
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- 246 TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- tandis qu’à 30°, ils-se dédoublent rapidement en matière colorante insoluble.
- Avec la garance d’Alsace, qui est acide, cette décomposition n’est pas aussi rapide et par conséquent les phénomènes sont moins tranchés.
- Quantités de matière colorante à employer en teinture. — Il est difficile de fixer d’une manière constante et exacte les proportions de garance nécessaires à teindre une pièce pour des dessins légers, moyennement chargés et très-chargés.
- Suivant que l’impression a pénétré plus ou moins profondément, suivant que l’oxydation et la fixation sont plus ou moins bien faites, que le blanchiment primitif est plus ou moins parfait ou que le mordant est plus ou moins fort, le même dessin peut exiger des quantités très-variables de matières tinctoriales.
- En règle générale, les mordants doivent être saturés, et par conséquent leur force se gradue d’après la nuance désirée. Si l’on faisait usage de mordants trop forts, en évitant la saturation totale, on risquerait des inégalités. Les échantillons de saturation que l’on attache à l’une des pièces de la teinture sont le meilleur guide. Selon le degré de saturation du mordant, on verra toujours, de la manière la plus certaine, s’il y a trop ou trop peu de garance.
- Ces échantillons sont imprimés en bandes avec les mordants qui ont servi à la préparation des pièces.
- M. H. Schlumberger observe que l’on peut, jusqu’à un certain point, sursaturer les mordants par un excès de garance, sans nuire à la vivacité des nuances, pourvu qu’on emploie toujours une proportion d’eau en rapport avec la quantité de poudre ; autrement, passé certaines limites, on arriverait, après l’avivage, à des nuances raclées et ternes.
- Le contact de l’air ne nuit pas aux teintures.
- La nature chimique des vases exerce une grande influence sur les résultats, lorsqu’on chauffe à feu nu ou au bain-marie.
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- GARANCE.
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- Cette influence est annulée si l’on fait usage de vapeur.
- Ainsi avec des vases métalliques, à feu nu ou au bain-marie, on observe constamment des pertes de 40 pour 100 environ. Cette diminution dans le pouvoir tinctorial disparaît dès que l’on chauffe à la vapeur. Elle ne se présente pas non plus avec la fleur, la garancine, les extraits, et dérive, par conséquent, de l’influence des parties solubles de la garance.
- En général, les additions aux bains de teinture, que l’on a tentées dans le but d’augmenter le pouvoir colorant de la garance,-et d’attirer une plus forte proportion de ses principes actifs, n’ont pas donné des résultats favorables.
- On trouvera dans le mémoire de M. H. Schlumberger, reproduit par M. Persoz, dans son Traité de l'impression, une longue liste dressée avec patience par un chimiste allemand, pour évaluer l’effet d’un grand nombre de produits chimiques (1). Nous nous abstenons d’entrer dans les détails de ces expériences, vu qu’elles n’ont aucun intérêt pratique, encore moins scientifique.
- Cependant, nous signalerons l’effet favorable provoqué par l’addition d’une certaine dose d’oxalate d’ammoniaque, effet observé par M. E. Schwartz. On peut admettre qu’il se forme une double décomposition entre l’oxalate d’ammoniaque et les sels calcaires de la garance (carbonate, pectate). La matière colorante, combinée à ces sels et retenue par eux, se trouve ainsi dégagée. '
- Quant aux additions d’alcalis, de craie, elles peuvent occasionner des pertes, ou devenir utiles, suivant la proportion ajoutée et suivant la nature de la garance.
- Ainsi, nous avons déjà vu que la garance d’Alsace, qui est acide et dépourvue de calcaire, supporte l’introduction fies alcalis et surtout de la craie dans le bain de teinture et 1 exige même pour donner des couleurs solides.
- (1) Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse, t. VIII, p. 293*360. — Persoz, Traité de l'impression des tissus, t. II, p. 503 et suivantes.
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- 248 TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- C’est ici le moment de discuter le rôle de la craie dans la teinture. Les expériences comparatives de H. Schlumberger, faites avec la garance d’Alsace, avec ou sans addition de craie, et avec la garance d’Avignon, qui renferme naturellement du carbonate de chaux, sont très-concluantes et ne laissent aucun doute sur l’utilité de ce corps.
- La garance d’Avignon donne des nuances solides et supportant les opérations de l’avivage.
- La garance d’Alsace conduit à des résultats identiques, à la condition de teindre en présence du carbonate de chaux, sinon les couleurs sont peu solides et ne résistent pas à l’avivage. Du reste Haussmann avait établi ce fait, bien avant les travaux de l’habile chimiste de Mulhouse.
- Malgré la controverse faite par Robiquet (1), qui veut nier l’efficacité de la craie, il ne nous reste qu’à chercher à expliquer son effet utile si bien constaté. Deux cas peuvent se présenter : la craie intervient par elle-même pour solidifier les nuances; ou bien la craie ne sert qu’à saturer l’acide de la garance. Il suffirait donc d’en ajouter une proportion exactement nécessaire pour neutraliser cet acide.
- L’expérience ne s’accorde pas avec cette dernière hypothèse. Pour avoir des teintes solides avec la garance, il faut un excès de calcaire. Se fondant sur d’anciennes expériences de M. D. Kœchlin, suivant lesquelles des teintures, faites avec un mordant binaire et une matière colorante, sont plus solides et plus résistantes qu’avec un mordant unique, H. Schlumberger admet que la chaux se fixe sur les parties mordancées et donne ainsi naissance à une laque binaire, douée d’une plus grande solidité que la laque d’alumine simple.
- Si, sur une impression de bioxyde d’étain, on rentre une seconde impression d’un mordant alumineux, et par-dessus le tout une troisième impression acide, pour enlever, dans
- (l) Bull, de la Soc. indust. de Mulhouse, t. X, 47 ; VIII, 401.
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- GARANCE.
- 249
- quelques parties, les mordants fixés sur la toile, on observe, après dégorgeage, nettoyage, teinture en garance et avivage, que le rongeant acide a très-bien enlevé le mordant d’alumine, assez facilement celui d’étain, partout où les deux oxydes se trouvaient isolés ; tandis qu’aucune action semblable n’avait lieu dans les parties où ils se superposent. Au sortir du bain de teinture, la nuance sur le mordant double est aussi intense que celle qui n’a pas subi l’action de l’acide.
- On remarque, en outre, après les opérations d’avivage, que toutes les parties sur le mordant alumino-stannique sont beaucoup plus foncées et plus solides que les couleurs obtenues par l’intermédiaire de chacun des mordants isolément ; à tel point, qu’en poussant les avivages jusqu’à destruction partielle de ces dernières couleurs, celles du mordant composé résistaient encore à cette action énergique.
- Les expériences suivantes viennent encore à l’appui de l’opinion de M. Schlumberger.
- Une toile blanche fut plaquée en acétate d’alumine. Le mordant fut fixé, bousé et teint en garance d’Avignon, puis avivé. On incinéra des échantillons de 50 centimètres carrés et on dosa la chaux et l’alumine.
- Chaux. Alumine.
- '1° Toile de coton blanche 2° Toile de coton blanche passée en eau de craie dans les mêmes conditions que pendant la teinture, puis lavée avec de l’eau très-faiblement acidulée avec l’a- 0gr,01 0
- eide acétique 0gr,01 0
- 3° Toile mordancée et dégorgée 0gr,00b lgr,25
- 4° Idem, teinte en garance d’Alsace °° Idem, teinte en garance d’Alsace, puis 0gr,06 lgr,27
- avivée 0gr,0o 0gr,42
- 6° Idem, teinte en garance d’Avignon 1° Idem, teinte en garance d’Avignon et 0gr,23 lgr,-28
- avivée 0gr, 17 0gr,2t
- 8° Idem, teinte en garance d’Alsace, avec un
- sixième de craie 0gr,23 igr,29
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- 250
- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- Chaux. Alumine.
- 9° Toile mordancée, teinte en garance d’Alsace, avec un sixième de craie et avivée. 0=r,20 0sr,25
- 10° Idem,, non teinte, passée en eau de craie, puis lavée à l’eau acidulée avec l’acide acétique............................... 0sr,005
- On voit que la toile blanche non mordancée et la toile mordancée ne fixent pas de chaux par un passage en eau de craie, ou au moins n’en conservent point après lavage en eau acidulée avec du vinaigre. Il s’en fixe, au contraire, en teinture, et après l’avivage le rapport entre l’alumine et la chaux est de 2 atomes d’alumine pour 3 atomes de chaux.
- Il se formerait d’après cela un composé de formule
- (Al-)vi
- (Ca„3)
- O6.
- Pendant la teinture, il se dissoudrait del’alizarate de chaux qui viendrait se fixer et se combiner aux parties mordancées du tissu. L’avivage enlève de la chaux et surtout de l’alumine et il semble rester un composé défini d’alizarine, de chaux et d’alumine.
- L’analyse des teintures à base d’oxyde de fer prouva, de même, l’existence d’une combinaison de la chaux avec le mordant et la matière colorante, pendant la teinture en garance calcaire.
- La plupart des observations relatées plus haut s’appliquent uniquement à la garance et dérivent de l’influence des parties solubles. Avec la fleur et la garancine, des irrégularités dans le mode de chauffage, la nature des vases, et une foule d’autres circonstances, sont sans action sur la marche de l’opération.
- Généralement, la fleur peut remplacer la garance pour tous les genres destinés à l’avivage. Cependant, pour certains d’entre eux, on préfère la garance ; ainsi pour les triples roses. Lafleur sert à la teinture des violets et des noirs. Pour
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- GARANCE.
- 251
- les rouges et noirs, on emploie un mélange de fleur et de garance. La fleur mélangée de garance donne un noir plus intense que si elle est seule.
- Dans les fabriques, le garançage se fait dans des caisses de bois, chauffées à la vapeur et surmontées d’un tourniquet animé d’un mouvement de circulation continue,'et sur lequel la pièce passe au large, afin de renouveler les points de contact entre le bain et la toile. Le liquide est chauffépar de la
- îl
- '
- vapeur. Cette cuve, dont le dessin ci-contre donne une idée, sert également pour le bousage,le passage en sonet en savon.
- Détails pratiques de l'opération (1). — Les détails pratiques du garançage peuvent varier dans certaines limites d’une fabrique à l’autre ; aussi les nombres que nous donnons ici n’ont pas une valeur absolue, mais ils peuvent servir de type relatif. Nous avons sous les yeux des échantillons fort bien réussis, obtenus par leur stricte observance.
- (1) D’après les renseignements fournis par MM. Imbacli et Relier.
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- 252 TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- A. Genres garances ordinaires.
- Le tissu bousé est lavé au clapot pendant une demi-heure. 1° Fond blanc avec dessins rouges et noirs.
- Sur 900 mètres de tissus (9 pièces de 100 mètres se teignant à la fois dans une cuve).
- 10 kilogrammes de fleur de garance.
- 10 kilogrammes garance.
- I 200 litres eau.
- Faire monter la température régulièrement de 15 à 63° Réaumur, durant 2 heures et maintenir une demi-heure au point extrême. Pour un dessin plus chargé, on prendra 25 kilogrammes de fleur et 25 kilogrammes de garancé, pour la même quantité d’eau.
- 2° Fond blanc, impression puce très-peu chargée.
- 900 mètres de tissu.
- 7k,l,200 fleur de garance.
- 7ktI,200 garance.
- 1 200 litres eau.
- Teindre en 2 heures en montant de 30 à 65° Réaumur.
- 3° Puce et rouge, fond blanc peu chargé.
- 900 mètres de tissu.
- 20 kilogrammes fleur.
- 20 kilogrammes garance.
- 1 200 litres eau.
- Teindre en 2 heures en montant de 30 à 65° Réaumur.
- 4° Fond blanc, rose peu chargé.
- 900 mètres de tissu.
- . 35 kilogrammes garance,
- t 200 litres eau.
- Teindre en 3 heures en montant de 30 à 60° Réaumur.
- 5° Fond blanc, avec rose assez chargé.
- 900 mètres de tissu.
- 25 kilogrammes garance.
- 1 200 litres eau.
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- GARANCE.
- 253
- Teindre en 3 heures, de 30 à 60° Réaumur.
- 6° Rose, fond rose. ,
- 900 mètres de tissu.
- 72 kilogrammes garance.
- 1 200 litres eau.
- Teindre en 3 heures, de 30 à 60° Réaumur.
- 7° Fond blanc avec violet et noir, dessin peu chargé.
- 900 mètres de tissu.
- 15 kilogrammes fleur de garance.
- 15 kilogrammes garance.
- 1200 litres eau.
- Teindre en 2 heures et demie, de 30 à 70° Réaumur.
- 8° Fond blanc avec violet et noir, dessin moyennement chargé.
- 900 mètres de tissu.
- 16kil,600 fleur.
- 16kil,600 garance.
- 1200 litres eau.
- Teindre en 2 heures et demie, de 30 à 70° Réaumur.
- 9° Fond violet avec violet et noir.
- 900 mètres de tissu.
- 22 kilogrammes fleur de garance.
- 22 kilogrammes garance.
- 1 200 litres eau.
- Teindre en 2 heures et demie, de 30 à 70u Réaumur.
- 10° Violet fond blanc, dessin peu chargé.
- 900 mètres de tissu.
- 12 kilogrammes fleur de garance.
- 12 kilogrammes garance.
- 1 200 litres eau.
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- 254
- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- Teindre en 2 heures et demie, de 30 à 70° Réaumur.
- 11° Fond violet.
- 900 mètres de tissu.
- 40 kilogrammes fleur.
- 40 kilogrammes garance.
- 1 200 litres eau.
- Teindre en 2 heures et demie, de 30 à 70° Réaumur.
- 12° Violet, rouge, noir et fond blanc ; dessin peu chargé.
- 900 mètres de tissu. t4 kilogrammes fleur de garance.
- 14 kilogrammes garance.
- I 200 litres eau.
- Teindre en 2 heures et demie, de 30 à 65° Réaumur.
- 13° Violet, rouge, noir, fond violet.
- 900 mètres de tissu.
- 18 kilogrammes fleur.
- 18 kilogrammes garance.
- 1 200 litres eau.
- Teindre en 2 heures et demie, à 6o° Réaumur.
- 14° Rouge fond blanc ; dessin peu chargé.
- 900 mètres de tissu.
- 21kil,60 fleur.
- 1 200 litres eau.
- Teindre en 2 heures et demie, de 30 à 63° Réaumur.
- Plus la température du bain est élevée, plus les rouges prennent une nuance désagréable ; c’est pour cette raison qu’on ne monte jamais plus haut qu’à 65° Réaumur, avec les pièces contenant du rouge.
- 15° Noir; fond blanc peu chargé.
- 900 mètres de tissu.
- 9 kilogrammes fleur de garance.
- 9 kilogrammes garance.
- 1 200 litres eau.
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- GARANCE.
- 2 5 5
- Teinture en une heure et demie, de 30 à 70° Réaumur. Dans toutes ces opérations, on peut substituer la fleur à la garance, sans inconvénient majeur, en se rappelant que la fleur a un pouvoir tinctorial double de la garance.
- Après la teinture on lave une heure au clapot.
- B. Genre gorancine.
- Dans la teinture en garancine on ajoute souvent, par économie, une certaine proportion de bois de lima, de sapanet du sumac.
- Les pièces qui renferment beaucoup de puce restent deux heures dans la cuve; celles où le rouge, le violet, le gris, le noir et le cachou dominent y restent deux heures et demie. On prend
- pour 12 pièces, impression chargée,
- 1 200 litres eau.
- 12 kilogrammes garancine.
- 6 kilogrammes de lima.
- 2kil,5 quercitron.
- On monte de 30 à 65° Réaumur.
- Pour noir avec fond cachou,
- 12 pièces.
- 1 200 litres eau.
- 4kil,5 garancine.
- 4kll,5 lima.
- 2 kilogrammes quercitron. lkil,5 sumac.
- Monter de 30 à 52° Réaumur.
- Pour fond rouge avec noir et puce,
- 12 pièces.
- 9 kilogrammes garancine.
- 6 kilogrammes de bois de sapan.
- 3 kilogrammes sumac.
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- 2 5 G TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- Monter de 30 à 62° Réanmur.
- Pour fond puce seul,
- 12 pièces.
- 6 kilogrammes garancine.
- 20 kilogrammes lima.
- 4 kilogrammes quercitron.
- 4kil,5 écorce.
- 1 200 litres d’eau.
- Monter de 30 à 40° Réaumur.
- On lave au clapot, après la teinture, pour enlever les parties de poudre adhérentes.
- La teinture en alizarine commerciale se fait dans les mêmes conditions qu’avec la garancine, on ne l’emploie que lorsque les violets dominent.
- AVIVAGE.
- . Les couleurs obtenues avec la garancine et l’alizarine commerciale sont assez pures et assez belles pour se passer d’opérations dirigées dans le but d’en rehausser l’éclat. Il suffit de bien laver et d’amener le fond blanc à toute la pureté désirable’.
- Ces deux matières tinctoriales ne servent, du reste, que dans certains genres spéciaux et n’interviennent pas dans la préparation des roses.
- Les articles garancine sont passés en son ou en savon.
- On passe en son les pièces à fond puce sans autre couleur, et les fonds blancs sans violet. Cette opération sert à rendre les couleurs plus belles. C’est donc, à la rigueur, un avivage, mais il est très-peu énergique comparativement à celui des genres garancés ordinaires. Pour fond puce sans violet on prend pour 18 pièces,
- •1 200 litres eau.
- 9 kilogrammes de son.
- 2kil,o de bouse
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- GARANCE.
- 257
- La température est de 45° Réaumur ; la durée du passage, de 30 minutes. Le bain de son se donne dans une cuve semblable à celles qui servent à la teinture.
- Pour les pièces à fond blanc sans violet,
- Pour 18 pièces :
- 1 200 litres eau.
- 9 kilogrammes de son. dkil,5 de bouse.
- Température, 30 à 45° Réaumur ; 30 minutes.
- Les pièces passées en son ne sont pas savonnées.
- Après le son on lave pendant 30 minutes au clapot.
- Passages en savon. — On savonne toutes les pièces de l’article garancine qui ont du violet, tant pour le mieux fixer que pour le rendre plus vif.
- Pour les pièces qui sont imprimées avec beaucoup de violet, on prend :
- I 320 litres d’eau.
- 8 kilogrammes savon blanc.
- Température, 80° Réaumur. Durée, une minute.
- Pour les pièces qui ont moins de violet, on prend :
- 1 320 litres d’eau.
- 4 kilogrammes savon blanc.
- Température, 80°. Durée, une minute.
- Chlorage. —Le lavage, le passage en son ou en savon ne suffisent pas pour blanchir complètement les parties non mordancées, réservées par la gravure et qui ont fixé néanmoins une certaine proportion de matière colorante, moindre il est vrai qu’avec la garance.
- Les pièces de l’article garancine sont chlorées deux fois.
- Le premier chlorage, dit à la vapeur, consiste à imprégner
- II. • 17
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- 2 58
- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- la fibre d’une solution très-faible de chlore ; le tissu passe ensuite par une grande cuve ou caisse, contenant de la vapeur d’eau.
- La chaleur humide détermine l’action oxydante du chlore et la destruction de la faible proportion de matière colorante qui adhère au blanc. Il est évident que la force du bain de chlore doit être assez faible, pour que le tissu ne puisse être attaqué et que l’intensité des couleurs n’en souffre que d’une manière inappréciable.
- Dans le deuxième chlorage, la pièce humectée une seconde fois au chlore passe, tendue, sur une douzaine de tambours chauffés à la vapeur, elle se sèche et achève ainsi de se blanchir.
- 1° Pièces renfermant beaucoup de violet.
- Solution pour le premier chlorage.
- 50 litres d’eau.
- 2 — d’eau de chlore.
- 16 grammes de bleu d’outremer.
- Solution pour le deuxième chlorage.
- 16 litres d’eau.
- 2 — d’eau de chlore.
- 2kil,240 bleu d’outremer.
- 2° Fond puce.
- 1° Chlore.
- 12 litres d’eau.
- 2 — d’eau de chlore.
- 15 grammes bleu d’outremer.
- 2° Chlore.
- 16 litres eau.
- 2 — eau de chlore.
- îki,,120 outremer.
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- GAÜANCE.
- 259
- 3° Double gris.
- 1° Chlore.
- 24 litres eau.
- 2 — eau de chlore.
- 15 grammes outremer.
- 2° Chlore.
- 120 litres eau.
- 2 — eau de chlore. lkil,120 outremer.
- 4° Pièces avec beaucoup de rouge.
- 1° Chlore.
- 40 litres eau.
- 2 — eau de chlore.
- 15 grammes outremer.
- 2° Chlore.
- 40 litres eau.
- 2 — eau de chlore. lkil,120 outremer.
- 5° Pièces imprimées avec beaucoup de cachou.
- 1° Chlore.
- 24 litres eau.
- 2 — eau de chlore.
- 15 grammes outremer.
- 2° Chlore.
- 60 litres eau.
- 2 — eau de chlore.
- Ikil,l20 outremer.
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-
- SCO
- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- Les mêmes couleurs, ci-dessus mentionnées, avec fond blanc, reçoivent le même chlorage, mais on supprime l’outremer.
- La figure ci-contre donne une idée des dispositions de la machine à chlorer à tambours.
- T, arrivée de la pièce imprégnée de chlore; G, rouleau tenseur; A, tambours sécheurs; B, arbres creux pour l’arrivée de la vapeur ; D, cylindre où viennent s’enrouler les pièces.
- A
- A
- Fig. 4.
- Le chlorage des articles garancine, qui remplace si avantageusement, pour le fini et la célérité du résultat, l’ancienne exposition sur pré, a été employé pour la première fois dans la maison Blech, Steinbach et Mantz, dès le printemps de 1847. Découvert presque en même temps dans la fabrique Schwartz Huguenin, il s’est très-rapidement répandu en Alsace et au dehors.
- Dans le blanchiment par le chlore des pièces teintes en garancine, une circonstance heureuse a permis d’opérer avec une grande régularité. On observe, en effet, que les parties non imprimées se mouillent plus que celles qui sont teintes. Tl en résulte que le chlore agit avec plus d’intensité sur le
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- GARANCE.
- 261
- blanc. On peut donc chlorer par impression des fonds cachou et noirs teints en campêche, des amarantes cochenille, etc., ce qu’il serait impossible de faire dans un bain de chlore, même très-faible, sans altérer fortement ces couleurs.
- Dans beaucoup de fabriques, on remplace l’eau de chlore par une solution faible de chlorure de chaux ou de soude, en fournissant en moyenne un demi-centilitre de chlorure à 8° Baume par mètre de tissu.
- L’expérience a appris qu’il est plus avantageux de plaquer au rouleau mille-points que de foularder.
- Le chlorure décolorant est employé à 1/2, 2 ou 3° Baumé, suivant la gravure des rouleaux et le mode de séchage.
- On a aussi proposé le chlorage à froid, qui consiste à imprimer au rouleau mille-points, 1° du chlorure de chaux ou de soude à 1/2 ou à 1° Baumé ; 2° de l’eau acidulée (acide acétique, chlorhydrique, etc.) ; puis, sans sécher, on passe à l’eau et on lave.
- Cette méthode n’est pas avantageuse (1).
- Après le chlorage, il ne reste plus qu’à apprêter avec de l’empois de fécule, d’amidon ou des deux à la fois et du bleu d’outremer.
- 3. Rouge garancine
- (1) Bulletin de la Société indust. de Mulhouse, t. XXVII, p. 232 etsuiv.; t. XXVIII, p. 418 et suiv.
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- 4L. Noir garancine,
- 5. Violet garancine.
- fi. Violet à l’alizarine commerciale.
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- GAÜANCE.
- i63
- Avivage des articles garances.
- Au sortir du bain de garançage, les fonds sont assez fortement chargés de couleur, les nuances sont ternes, sans éclat et sans lustre, elles ne jouissent pas non plus de toute la solidité désirable.
- Les opérations, au moyen desquelles on arrive aux beaux résultats atteints par l’industrie moderne, sont assez complexes et varient d’un genre à l’autre. Le rouge et le violet ne supportent pas l’influence des mêmes agents chimiques. Ce qui embellit l’un nuit à l’autre. Dans les pièces qui comportent les deux couleurs, il y aura donc l’une d’elles qui sera forcément sacrifiée au point de vue de la beauté.
- A la fin du dernier siècle, les pièces dégorgées étaient exposées, durant des semaines, sur pré, à l’action de la lumière et des influences atmosphériques. Lorsqu’elles commençaient à s’affaiblir, on les reprenait pour les faire bouillir en eau de son. On ne parvenait ainsi qu’à des résultats médiocres, tant pour le blanc du fond que pour la beauté des nuances. Aujourd’hui que l’avivage a fait de si remarquables progrès, et l’on peut dire qu’il a atteint la perfection, on a cherché à imiter, par mode, les anciennes perses pour tentures.
- L’emploi du savon dans l’avivage date du commencement de ce siècle. M. D. Kœchlin en faisait usage dès 1804. Les passages au savon chaud ou bouillant étaient suivis de l’exposition sur pré. On connaissait également déjà les effets utiles du chlore (1).
- Avivage moderne. — Ce n’est que par des découvertes successives, amenées par de nombreux essais, quelquefois aussi par le hasard, que l’on a été conduit aux procédés usités généralement de nos jours, et dont nous allons donner une courte description suivie, autant que faire se peut, d’une théorie de l’action des substances employées.
- (1) Persoz, Traité de l'impression des tissus, t. II, p. 519.
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-
- 2 C 4
- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES. .
- 1° Avivage des roses seuls et des rouges seuls.
- Il varie d’une fabrique à l’autre. On fait cependant, généralement, intervenir les bains de savon, le passage en bain acide de nitromuriate d’étain, et l’on termine par une ébullition en chaudière close avec des cristaux de soude et çlu savon.
- Exemple :
- 1° Passage au savon.
- d,200 litres d’eau.
- 900 mètres de tissu.
- 4 kilogrammes de savon blanc de Marseille.
- Température, 45° Réaumur. Durée, 5/4 d’heure.
- 2° Lavage au clapot.
- 3° Passage au nitromuriate d’étain.
- 800 litres eau.
- 300 mètres de tissu.
- lut,5 de nitromuriate d’étain.
- Température, 45 à 50° Réaumur. Durée, 15 à 20 minutes.
- 4° Passage au clapot.
- 5° Deuxième savon.
- d 200 litres d’eau.
- 900 mètres de tissu.
- 3 kilogrammes savon.
- Température, 75° Réaumur. Durée, 3/4 d’heure.
- 6° Laver une fois au clapot.
- 7° Troisième savon.
- 1 200litres d’eau.
- 900 mètres de tissu. .
- 3 kilogrammes savon.
- Température, 75° Réaumur. Durée, 3/4 d’heure.
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- GARANCE.
- 265
- 8° Laver une fois au clapot.
- 0° Ébullition en chaudière close.
- I 200 litres d’eau.
- 2kil,500 cristaux de soude.
- 2kil,500 savon.
- Durée, deux heures.
- 10° Laver au clapot.
- il0 Passer en eau chaude à 40° Réaumur, 30 minutes.
- L’exposition sur pré se pratique encore pour les triples roses meubles ; on obtient des nuances plus transparentes.
- Au premier savon, la pièce se dégorge et cède au bain une certaine proportion de matière colorante. Celui-ci prend, en effet, une teinte rouge assez intense. Cette matière colorante provient de celle fixée aux parties blanches par le calcaire adhérent, et aussi des matières rouges, moins fixes que l’alizarine (purpurine, pseudopurpurine surtout), qui s’étaient combinées aux mordants. J’ai, en effet, démontré directement qu’un tissu mordancé teint en pseudopurpurine cède en savon une grande partie du principe tinctorial.
- On doit aussi admettre que le savon enlève une partie des matières jaunes qui ternissent la nuance.
- Mais là ne se borne pas son action. Par suite d’une décomposition éprouvée par le sel à acide gras, une partie de cet acide se précipite sur le tissu et se combine chimiquement ou mécaniquement à la laque, en lui communiquant, par là, une plus grande solidité et une résistance qu’elle ne possédait pas au début. Si avant le premier savon on passait le tissu en nitromuriate, les couleurs seraient beaucoup plus fortement attaquées qu’elles ne le sont dans l’avivage ordinaire. Le traitement en nitromuriate, qui peut être à la rigueur remplacé par une immersion en acide azotique faible, produit un effet remarquable. Les rouges et les roses virent à l’orange et semblent perdus ; mais, lorsqu’on vient à donner le second
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-
- 2GG
- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- savon,les nuances virent de nouveau au rouge et même au rouge légèrement bleuté ou au rose bleuté, avec un éclat qu’elles ne présentaient point avant le nitromuriate.
- L’intensité de la couleur n’est plus aussi forte ; mais dans le garançage, on sait tenir compte de cet affaiblissement obligé.
- Qu’arrive-t-il dans cette circonstance ?
- D’après les expériences de M. H. Schlumberger, l’acide a pour effet d’enlever une certaine dose d’alumine, et même, dans le cas du nitromuriate, il se fixe de l’étain oxydé. L’acide doit encore achever de détacher ou de détruire les dernières portions de matière jaune.
- Dans tous les cas, il modifie la composition et la constitution de la laque colorée et la rend par là plus belle et plus vive, lorsque, par le virage au savon, on fait disparaître la teinte orange due à l’action de l’acide.
- M. Persoz se demande s’il n’y aurait pas là modification du principe tinctorial.
- Mes expériences, déjà citées plus haut et qui m’ont permis d’extraire de divers tissus garancés de l’alizarine pure, ne concordent pas avec cette manière de voir.
- J’admettrai plus volontiers, que le nitromuriate détermine l’élimination complète de la purpurine et de la pseudopurpurine, ainsi que des matières jaunes.
- La purpurine et la pseudopurpurine communiquent aux mordants d’alumine une teinte rouge moins bleutée et moins agréable que l’alizarine. Cette circonstance, l’addition d’oxyde d’étain à la laque et le départ d’une quantité déterminée d’alumine suffisent pour expliquer les effets remarquables et utiles de la composition d’étain.
- Le deuxième savon presque bouillant n’est pas seulement un bain de virage ; il est probable qu’une nouvelle quantité d’acide gras se fixe et vient augmenter la solidité de la couleur.
- Comment agit l’ébullition en chaudière close avec les
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- cristaux de soude et le savon ? On ne saurait le dire au juste; nous nous contentons donc de mentionner le fait, sans chercher des explications plus ou moins hasardeuses. L’opinion de M. Persoz, d’après laquelle cette ébullition à haute température servirait à fixer une plus forte proportion d’acide gras, semble fondée. Ainsi, un tissu garancé non avivé ou incomplètement avivé, tire à l’orange par les acides, puis au bleu dans un bain de chaux. Après l’avivage, surtout après la chaudière close, il supporte ces influences sans se modifier sensiblement. Il a donc subi, on le voit, une modification analogue à celle du rouge turc. On verra plus loin que le rouge d’Andrinople doit sa grande résistance à la présence d’un corps gras modifié, associé à la laque.
- 7. Rouge garance avivé.
- 8. Rose garance non avivé.
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- 9. Rose garance avivé.
- Avivage des violets, des puces et des noirs sans rouge. — Les couleurs garancées, à base d’oxyde de fer, exigent, pour acquérir toute la beauté dont elles sont susceptibles, l’intervention d’un agent que nous n’avons pas vu figurer dans l’avivage des rouges ; c’est le chlore ou plutôt les chlorures décolorants. Le rôle du chlorure de chaux ou de potasse est ici évidemment oxydant. Il est possible que, pendant la teinture, le peroxyde de fer du mordant subisse une réduction partielle et que le chlore ait pour effet de le ramener à son maximum d’oxydation. Il est peu probable que cette oxydation se porte sur la matière colorante, puisqu’on retire de l’alizarine pure destissub teints en violet et avivés, comme des rouges.
- Du reste la pincoffine fournit immédiatement un très-beau violet qui n’exige aucun avivage. Cet effet peut s’expliquer de deux manières. 1° Par la surchauffe, on a détruit les substances étrangères qui, en se fixant au mordant, altèrent la pureté des nuances. 2° Cette même surchauffe neutralise l’effet des corps réducteurs organiques en les modifiant ; de sorte que le peroxyde ne subit plus d’altération, n’est pas ramené partiéllement à l’état de protoxyde et l’oxydation par le chlore devient inutile.
- L’avivage spécial des violets, des puces et des noirs ne
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- comporte pas non plus l’emploi du nitromuriate d’étain. Ce bain acide altère toujours les nuances. Il convient donc de remplacer le nitromuriate par l’acide sulfurique ou l’acide oxalique, ou mieux de le supprimer : les puces et les noirs sont, malgré cela, toujours plus ou moins altérés par l’avivage.
- Exemple d’avivage des violets, puces et noirs seuls :
- 1° Premier passage en chlorure de chaux.
- 900 mètres de tissu.
- 800 litres eau.
- 4 — chlorure de chaux à 8° Baumé.
- Température, 80 à 40° Réaumur. Durée, 1 /4 d’heure.
- 2° Laver une fois au clapot.
- 3° Premier passage en savon.
- 1 200 litres d’eau.
- 900 mètres de tissu.
- 4kll,o00 savon.
- Température, 70° Réaumur. Au bout d’une demi-heure, on ajoute encore 1 500 grammes de savon et on continue 1/4 d’heure.
- 4° Laver une fois au clapot.
- 3° Deuxième passage en chlorure de chaux.
- Comme le premier. Température, de 40 à 50u Réaumur. Durée, 20 minutes.
- 6° Laver une fois au clapot.
- 7° Deuxième passage en savon.
- 900 mètres de tissu.
- 1 200 litres eau.
- 2 kilogrammes savon.
- Température, 75° Réaumur. Durée, 20 minutes.
- 8° Lavage au clapot.
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- 9° Passage en chlorure dépotasse.
- 1 200 litres eau.
- 4 kilogrammes carbonate de soude.
- 10 litres chlorure de potasse.
- 900 mètres.
- Température, 43° Réaumur. Durée, 20 minutes.
- 10° Laver au clapot.
- 11° Sécher.
- On voit qu’ici ne figure aucun bain acide. Les chlorures décolorants et le savon sont les seuls réactifs employés.
- ÎO. Noir de garance.
- 11. Violet foncé de garance
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- 1 2. Violet clair de garance.
- Avivage des rouges avec puce ou avec noir.
- 1° Premier passage en chlorure de chaux.
- 300 mètres de tissu.
- 800 litres eau.
- 4 — chlorure de chaux à 8° Baume.
- Température, 25 à 35° Réaumur. Durée, 15 minutes.
- 2° Laver au clapot.
- 3° Premier passage en savon.
- 900 mètres de tissu, t 200 litres d’eau.
- 4 kilogrammes savon.
- Température, 35 à 45° Réaumur. Durée 3/4 d’heure.
- 4° Laver une fois au clapot.
- Si le noir est encore assez fort, on donne un passage en nitromuriate d’étain ; sinon, on passe en chlorure de chaux, comme il suit :
- 800 litres eau.
- 300 mètres de tissu.
- 4 litres chlorure de chaux à 8°.
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- Température, 35° Réaumur. Rester au bain pendant 20 minutes.
- 6° Laver au clapot.
- 7° Deuxième passage en savon.
- 1 200 litres d’eau.
- 900 mètres de tissu.
- 3 kilogrammes de savon.
- Température, 75° Réaumur. Durée, 3/4 d’heure.
- 8° Laver au clapot.
- 9° Troisième passage en savon.
- 1 200 litres d’eau.
- 900 mètres de tissu.
- 2 500 grammes savon.
- Température, 75° Réaumur. Durée, 3/4 d’heure.
- 10° Laver au clapot.
- \ 1° Troisième passage en chlorure de chaux.
- 800 litres d'eau.
- 300 mètres de tissu.
- 1 250 grammes cristaux de soude.
- 5 litres chlorure de chaux à 8° Baume.
- Température, 40° Réaumur. Durée, 30 minutes.
- 12° Laver au clapot et sécher.
- L’avivage des violets rouges et noirs est le même que celui pour rouge et noir ou rouge et puce ; seulement, au lieu de donner le dernier passage en chlorure de chaux, on donne le passage en chlorure de potasse suivant :
- 1 200 litres eau. •
- 900 mètres de tissu.
- 4 kilogrammes cristaux de soude.
- iO litres chlorure de potasse à 0° Baumé.
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- Température, 30 à 35° Réaumur. Durée, 20 minutes.
- Laver au clapot et sécher.
- Les pièces séchées sont cylindrées, puis apprêtées avec de l’empois de fécule et du bleu d’outremer ; on sèche et on cylindre une seconde fois. Pour les fonds violets, on prend plus d’outremer que pour les autres couleurs.
- Application de la matière colorante de la garance, par voie d'impression. — Ce genre représente un mode tout spécial d’obtenir des couleurs garancées, sur tissu ; au lieu de fixer le mordant sur certains points de la pièce, et d’immerger celle-ci complètement dans un bain de teinture, on s’arrange de façon à imprimer la matière colorante dans un état de solution convenable.
- Dans ce cas : 1° La couleur à imprimer peut ne renfermer que la matière colorante, et le tissu doit être uniformément préparé au mordant, c’est-à-dire foulardé en acétate d’alumine, etc. 2° La couleur contient la matière colorante et l’oxyde qui servira de mordant, c’est-à-dire les éléments de la laque qui doit se fixer. 3° La couleur renferme la laque préparée d’avance et insoluble, avec un fixateur plastique, tel que l’albumine, qui la fera adhérer comme l’outremer.
- Dès 1827, MM. Robiquet, Colin, Lagier et Persoz firent des essais dans cette voie. En 1837, M. Gastard, de Colmar, réussit à imprimer, en grand, la matière colorante de la garance, sur tissu préparé. Il est facile de voir qu’il ne peut plus être question ici d’employer la garance ou ses dérivés, contenant le ligneux de la racine, mais qu’il faut recourir aux extraits concentrés, qui depuis longtemps ont cherché à se frayer un chemin dans l’industrie.
- M. Gastard (1) a proposé deux méthodes. 1° On incorpore, à une solution épaissie dégommé ou à de l’empois, de la colonne (extrait alcoolique très-riche de garance, fabriqué autrefois par MM. Lagier et Thomas, à Avignon), et de l’acétate d’a-
- (1) Persoz, Impression des tissus, t. IV, p. 34. — Brevet du2i nov. 1837.
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- lumine, on imprime et on vaporise. 2° On mordance uniformément la toile, huilée ou non, en acétate d’alumine; on fixe le mordant parles procédés ordinaires; puis on imprime une solution de gomme contenant de la colorine bien incorporée; enfin on vaporise et on avive comme les roses ordinaires.
- La même opération peut se répéter avec des mordants de fer, et pour puce, seulement le fond reste chargé d’oxyde de fer coloré par lui-même. On peut, il est vrai, faire disparaître ce corps par un passage en solution tiède de bitartrate de potasse. Le haut prix de la colorine empêcha cette intéressante découverte de prendre tout le développement que l’on pouvait espérer.
- En 1838 M.D.Fauquet(l) breveta un nouveau rouge d’application solide, après avoir perfectionné la fabrication del’ex-trait de garance, pour en rendreleprixplus abordable àla pratique. MM. Girardin et Grelley tentèrent des essais d’application, et réussirent à fixer la matière colorante, en imprimant sur tissu mordancé une solution ammoniacale de leur colorine, épaissie à la gomme. Il suffit, pour terminer, de vaporiser et de laver à l’eau pure. Cette couleur a l’avantage de pouvoir être imprimée sur fonds noirs au campêche, ou sur fonds cachou, qui ne supporteraient pas les avivages ordinaires.
- Malgré tous les efforts tentés dans cette voie, l’application des rouges de garance n’avait pas été adoptée par les fabricants d’indienne. Beaucoup plus tard, en 1855, M. Albert Hartmann, de Mulhouse, proposa un procédé nouveau qui donna d’assez belles espérances, et fut même employé assez longtemps, quoique sur une échelle restreinte, dans la maison Schwartz-H uguenin.
- Voici, d’après des renseignements fournis par M. Al. Rack, comment on procédait ; car on a remplacé, depuis, les rouges d’application par des rouges teints à l’extrait Pernod.
- (I) Technologie de la garance, par M. Girardin. Paris, 1844.
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- Les pièces sont préparées en acétate d’alumine par :
- Un premier passage en acétate à 3° Baumé ; on sèche, on fixe 12 heures à l'étendage froid, on dégomme en silicate, on dégorge et on sèche.
- On donne un second passage en acétate à 5° Baumé, suivi des mêmes opérations.
- La couleur rouge à imprimer était formée primitivement d’un extrait alcoolique de garance, incorporé dans une dissolution de savon ; depuis les travaux de M. E. Kopp, on a fait servir au même usage l’alizarine verte, en pâte non desséchée et contenant 60 à 70 pour 100 d’eau.
- L’alizarine verte et sèche peut également être employée, après avoir été broyée avec de la soude caustique à 1° Baumé (65 p. soude, 35 alizarine sèche).
- On prend 1 litre d’alizarine verte en pâte et on y délaye 250 grammes de gomme en poudre. Cette préparation se conserve bien.
- Pour la couleur on mélange :
- 1 litre d’alizarine épaissie.
- 0lil.4 eau de savon chaude, à 100 grammes par litre.
- 1 litre eau de gomme.
- Cette préparation doit être employée de suite, car elle s altère par la coagulation du savon.
- On en mélange 1 kilogramme avec 1 kilogramme d’un épaississant fait avec :
- 4 litres eau de gomme.
- 1 litre eau de savon chaude, à 100 grammes de savon.
- Ou encore :
- 1 kilogramme de couleur mère.
- 1 2!i0 grammes épaississant.
- Après l’impression et la dessiccation, on vaporise 2 heures,
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- on dégorge à la rivière et on savonne à 20°, jusqu’à ce que le fond soit blanc et que le tissu ne lâche plus.
- A la rigueur on peut chlorer à froid.
- Le procédé Hartmann, modifié et rendu pratique par M. Cordillot, ne diffère des précédents que par l’introduction du savon. Ce corps n’agit pas seulement comme dissolvant ; en se rappelant ce que nous avons dit du rôle du savon dans l’avivage et en tenant compte de l’influence des corps gras dans la teinture en rouge turc, on comprendra facilement que le savon doit encore contribuer à la beauté, à la solidité et à la résistance de la nuance, en fournissant à la laque une certaine proportion d’acide gras.
- La purpurine et l’alizarine jaune de M. Kopp donnent également de bons résultats, lorsqu’on les dissout dans une quantité de soude faible, de maniéré à former un purpu-rinate et un alizarate neutres, ou même acides. Ce sel soluble, imprimé sur toile mordancée en fer ou en alumine, cède, au vaporisage, sa matière colorante à l’oxyde terreux.
- L’impression des laques de garance fixées à l’albumine présenterait un grand avantage dans certains cas, associée aux autres couleurs plastiques. Malheureusement, on n’obtient de cette manière que des roses, qui sont loin de posséder le même éclat et la même transparence que les roses teints.
- On comprend, en effet, qu’une laque pulvérulente, appliquée à la surface du tissu, ne peut pas produire sur l’œil le même effet que lorsqu’elle est uniformément répandue et distribuée dans les pores de la fibre qu’elle pénètre.
- Il est, de plus, très-difficile de préparer des laques rouge foncé. Quant aux laques violettes, propres à l’impression, elles sont encore à trouver.
- . On pourrait aussi tenter d’imprimer les laques en solution acétique; on rentrerait alors dans le second procédé général, signalé plus haut.
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- GARANCE.
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- GENRES GARANCES DIVERS. — GENRES CONVERSIONS.
- Nous ne dirons rien des enlevages et réserves, destinés à provoquer la formation de parties blanches sur fond coloré. Ces opérations se pratiquent sur les mordants, avant la teinture et sont plutôt du domaine d’un traité technique spécial (1).
- On donne le nom de conversion à une modification de teinte que l’on fait éprouver à une couleur, sur tissu, par l’intervention d’un agent chimique; cette modification peut être totale ou partielle ; c’est-à-dire provoquée sur toute la surface colorée, ou seulement par places déterminées par la gravure du rouleau.
- M. Persoz (2) signale plusieurs conversions intéressantes, nous ne ferons que les résumer.
- 1° On imprime des rayures ou tout autre dessin, en acétate d’alumine, pour rose, mélangé de nitrate d’alumine. Si, après séchage, on recouvre la pièce d’un autre dessin plus fin à l’acétate de soude, partout où cette impression coïncidera avec le mordant primitif, on en augmente la force, par suite de la double décomposition opérée entre le nitrate d’alumine et l’acétate de soude.
- Il en résulte, après teinture, un double rose.
- Des effets analogues peuvent être obtenus avec les mordants de fer, et fournissent des doubles violets.
- 2° Des bandes violettes ou roses, en se coupant, donnent des nuances plus foncées aux points d’intersection.
- 3U On peut modifier le rose et le violet par le cachou, en introduisant ce principe dans le mordant, et en imprimant par-dessus un dessin au bichromate. Aux points de contact ou de superposition des deux couleurs, le cachou oxydé se développera avec sa nuance brune, partout ailleurs il
- (*) Persoz, Impression ries tissus, t. Ilf, p. 219 et suivantes.
- (2) Ibidt. IV, p. 481 et suivantes.
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- disparaîtra ou à peu près par un lavage fait le plus tôt possible, et l’on n’aura, après teinture en garance, que du rose ou du violet.
- 4° Un mordant fin rouge est imprimé, teint et avivée puis on rentre, en certains points, une solution d’acide oxalique, en fondus réguliers. L’acide dégrade plus ou moins la nuance rouge, pendant le vaporisage consécutif et la fait passer du fin rouge au rose.
- Cette application intéressante, d’un fait bien connu, est due à MM. Japuis frères.
- 5° En croisant des bandes rouges garancées et avivées, par des bandes rouille on aura trois nuances. A le rouge, resté intact, B le rouille sur les blancs, C la nuance qui résulte de la superposition du rouge et du rouille. Si de plus on vient encore à couvrir avec une impression en acide oxalique, après le vaporisage, l’effet produit sera le suivant. La rouille seule sera enlevée par l’acide aux points de recouvrement ; sur les parties où le rouge, la rouille et l’acide se mélangent, on verra apparaître du violet ; l’acide oxalique dissout donc, dans cette circonstance, l’alumine, de préférence à l’oxyde de fer, et détermine la formation d’une laque à base de fer.
- 6° Des bandes fin rouge ont été teintes en garance additionnée de noix de galles. Le tannin fixé au mordant, et qui résiste au lavage et au savonnage, n’est pas visible; c’est tout au plus s’il altère légèrement l’éclat du rouge; mais en croisant avec des bandes rouille, on verra apparaître du noir aux points de superposition, tandis que sur les blancs la rouille garde sa couleur ; ceci prouve que, dans la teinture, le tannin ne s’est fixé qu’aux parties mordancées en alumine.
- On produit un effet semblable, en remplaçant la noix de galle par toute autre matière astringente, telle que du quercitron, du sumac.
- 7° Un fond rouge turc est recouvert par places avec une
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- couleur acide (acide tartrique) contenant un sel de fer. On passe en chlorure de chaux et on lave.
- Le chlorure n’agit pas sur le rouge huilé ordinaire, mais, partout où l’on a fixé de l’acide, le chlore devenu libre détruit le rouge, en même temps le peroxyde de fer hydraté se précipite. Si l’on passe ensuite en cyanure jaune acidulé, on obtient du bleu (bleu de Prusse) enlevage sur fond rouge huilé.
- 8° M. Carlos Kœchlin a publié un effet de conversion intéressant opéré sur tissu garancé (1).
- On sait, par les travaux deM. Persoz, qu’un violet de garance traité par l’acide chlorhydrique vire au jaune orangé, et que, passé ensuite dans un lait de chaux, il prend une teinte violet bleuâtre, d’un éclat extrêmement brillant.
- Le même traitement appliqué aux violets de garancine ne donne en chaux qu’une nuance amarante. Cette différence tient à l’absence de la chaux dans la laque violette formée avec la garancine ; car si l’on teint avec celle-ci, additionnée d’un excès de chaux, de manière à obtenir une couleur qui tient au savon,le traitement acide, suivi d’une immersion en lait de chaux, donnera un beau bleu. Ce réactif peut donc servir comme mesure de la solidité, puisqu’il concorde avec le résultat que donne l’avivage en savon.
- On trouve ainsi que la fleur, le carmin de M. Schwartz, l’alizarine commerciale et les extraits se comportent comme la fleur.
- Si l’on passe un échantillon violet, teint en fleur ou en garance, dans de l’acide sulfurique à 15° Baumé ; si, après le passage, on lave à l’eau et l’on plonge cet échantillon ainsi modifié dans une solution d’aluminate de soude, sans excès d’alcali (aluminate fabriqué avec la bauxite), on verra la nuance devenir presque instantanément rouge. La quantité d’alumine qui se fixe est en raison directe de la force du
- () Note sur la teinture par substitution. Bull, de la Société industrielle de Mulhouse, t. XXVIII, p. 119.
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- mordant de fer qu’on avait imprimé. L’acide enlève donc le mordant de fer sans nuire à la matière colorante, laquelle, lors du passage en aluminate de soude, attire de l’alumine pour se combiner avec elle et remplacer l’oxyde de fer qu’on lui a enlevé.
- Les rouges ainsi obtenus peuvent être savonnés, sans toutefois résister aussi bien que ceux produits par la méthode ordinaire. On peut tirer parti de ce fait pour réaliser en impression un genre conversion.
- Relativement aux idées émises par M. G. Kœchlin sur l’influence de la chaux pour la solidité des violets garan-cine, nous ferons observer, avec M. Mathieu-Plessy, rapporteur du comité de chimie, que les extraits alcooliques de fleurs ou de garancine, extraits qui sont exempts de chaux, donnent en teinture, avec de l’eau distillée, des violets bien solides et qui, à l’essai ci-dessus mentionné, se comportent comme la garance. Il y a donc encore, dans la cause de la non-solidité des violets garancine, quelque chose de non expliqué et l’on ne peut tout à fait attribuer à l’absence de calcaire les différences observées entre eux et les violets de garance.
- ROUGE TURC OU ROUGE d’aNDRINOPLE. — ROUGE MÉRINOS.
- Il nous reste à parler d’un genre dérivé de la garance, qui occupe une place à part et très-importante, tant par la nature des éléments qui concourent à sa formation, que par la beauté, l’éclat et la solidité de sa nuance.
- Un tissu rouge turc ne se distingue pas seulement d’un rouge garancé ordinaire, avivé, par une intensité et un éclat remarquables, mais encore par une résistance extraordinaire à l’action d’agents énergiques, tels que les acides minéraux, le chlorure de chaux.
- Ce mode de teinture a pris naissance dans l’Inde ; ainsi, au dire de Le Goux de Flain, les toiles blanches qu’on se propose de teindre y sont préalablement trempées dans du
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- lait de buffle ou de brebis, puis exposées au soleil. De là, il se répandit dans le Levant, et fut importé en France par des Grecs, vers le milieu du dix-huitième siècle.
- Avant de mordancer en alumine, on prépare le tissu au moyen d’un corps gras (huile tournante), que l’on modifie ensuite convenablement, par l’action combinée ou successive des carbonates alcalins, de la chaleur, de la lumière et des influences atmosphériques.
- Le produit de l’altération spéciale de l’huile tournante fonctionne déjà comme mordant, et . attire en bain de garance, pour donner un rouge moyen qui, après avivage, passe au rose pur. Combiné avec l’alumine ou l’oxyde de fer, il communique à la laque des caractères remarquables de solidité, qui permettent un avivage très-intense.
- Dans la plupart des procédés de rouge turc, l’alunage ou mordançage à l’alumine est suivi d’un engallage.
- La teinture en garance n’offre rien de particulier.
- L’avivage est beaucoup plus énergique et plus long que l’axivage ordinaire. Il se donne en chaudière close avec du savon ou du carbonate alcalin et du chlorure stanneux.
- Ce traitement, que ne supporteraient pas les garancés non huilés, a pour résultat de communiquer à la couleur une nuance feu extraordinairement belle.
- La clef de la fabrication du rouge d’Andrinople réside, comme on peut le voir par ce rapide aperçu, dans l’intervention des corps gras et dans la modification toute spéciale qu’on leur fait subir.
- Elle s’obtient par une série d’opérations longues et dispendieuses. Quelques fabricants, notamment M. Steiner de Manchester, sont parvenus à abréger beaucoup la durée du traitement et à réaliser ainsi une grande économie de temps, tout en produisant des nuances supérieures.
- On ignore encore quelle est la nature exacte de l’altération de la graisse, par quelle série de transformations elle devient apte à jouer un rôle aussi utile? Est-il possible de provoquer
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- les modifications en dehors du tissu, pour arriver à l’huiler instantanément et par une simple impression ? Toutes ces questions , qui sont d’un grand intérêt, ont jusqu’à présent vainement exercé la sagacité des chimistes les plus habiles.
- Une théorie rationnelle du rouge reste donc à faire, et depuis des années la Société industrielle de Mulhouse la demande, sans pouvoir se donner la satisfaction d’effacer cette question de son programme des prix.
- On dit que M. Chevreul est occupé d’un travail sur la nature de la substance grasse des pièces huilées. Cet éminent chimiste est plus que tout autre à même de vaincre cette question ardue ; espérons donc que bientôt le vague ne planera plus sur un sujet si capital.
- Avant de donner les lambeaux de théorie que l’on peut admettre provisoirement, voyons comment on procède généralement.
- Les pièces, blanchies comme à l’ordinaire, sont foulardées dans une émulsion d’huile tournante et de carbonate alcalin.
- L’huile d’olive, dite tournante, se caractérise par la facilité avec laquelle elle s’émulsionne avec les alcalis et les carbonates alcalins, et par la persistance de l’émulsion. C’est même ainsi que l’on apprécie ses qualités dans les fabriques. On bat, à cet effet, 1 partie d’huile avec 36 à 40 parties de lessive de soude à °,25. Si, au bout de cinq à six heures, le bain blanc reste homogène, si l’huile ne se sépare pas pour monter à la surface, on peut admettre qu’elle est bonne. Elle est préparée en traitant les olives par l’eau chaude avant l’expression ; cette opération fait passer dans le corps gras une plus forte proportion de matières extractives.
- D’après M. Persoz, on peut rendre tournante toute espèce d’huile, en y incorporant deux jaunes d’œufs par litre.
- Les expériences de M. Ed. Schwartz (1) démontrent la nécessité de l’intervention des alcalis et de préférence des alca-
- (1) Persoz, t. III, p. 179.
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- lis carbonates, ou même des bicarbonates. Suivant les résultats observés par cet habile chimiste technicien, ces corps n’agissent pas seulement en permettant l’émulsion et la division du corps gras, mais ils ont en outre une influence capitale dans la marche de la modification qu’il doit subir.
- Il semble aussi qu’il est utile d’ajouter au bain blanc une certaine proportion de crottin de mouton ou de fiente de vache. Cette addition, faite dans le but, soi-disant, d’anima-liser le tissu et de le rapprocher ainsi des fibres animales, peut être favorable parce que les éléments des produits excré-mentitiels des herbivores concourent à favoriser l’altération du corps gras.
- Quoi qu’il en soit, le tissu ainsi foulardé et matté en bain blanc, uniformément imprégné d’huile d’olive tournante, de carbonate alcalin et des éléments solubles du crottin, est desséché à l’étuve chaude, puis exposé sur pré ; ou, si le temps est beau, on peut le sécher directement au soleil. Dans ces conditions de température, par l’action de 1 air, de la lumière, de l’humidité, et avec le concours des carbonates alcalins, on voit s’opérer cette transformation mystérieuse et dont le sens nous échappe.
- Rien ne s’opposerait à ce que nous remplacions ici les laits positifs, qui font défaut, par des hypothèses; nous pourrions faire entrevoir qu’elle dérive d’une oxydation lente, qui trouve,jusqu’à un certain point, sa confirmation dans les phénomènes si connus de l’absorption de l’oxygène par les graisses et dans les combustions spontanées, observées quelquefois sur les tissus huilés, lorsqu’ils sont entassés sans précaution et sans aérage suffisant pour éviter l’élévation de température.
- Il est vrai qu’on a varié de bien des manières l’influence des oxydants sur l’huile, sans parvenir à la modifier, en dehors du tissu, dans un sens favorable à la production du rouge turc ; mais ce résultat négatif ne prouve rien en défaveur de I oxydation. Ce phénomène, s’il n’est pas prouvé définitive-
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- ment, est tout au moins très-probable. Sans entrer dans de plus longues considérations, qui n’auraient que peu de valeur pour éclairer ce point de théorie, laissons parler les quelques recherches expérimentales publiées sur la nature de la substance grasse modifiée des pièces huilées.
- M. Weisgerber a fait à ce sujet quelques expériences, au laboratoire de M. Persoz. 11 a reconnu qu’elle est soluble dans l’acétone (esprit de bois), et qu’à mesure que l’on épuise le tissu par ce véhicule, il perd de plus en plus la faculté d’attirer en bain de garance. En évaporant au bain-marie la liqueur acétonique, il obtint un résidu liquide et visqueux, de nature grasse, composé de deux substances, l’une solide, l’autre liquide et qui se maintient longtemps dans cet état. Soumis à la saponification, ce corps n’a fourni aucune trace de glycérine. Appliqué sur tissu en quantité convenable, il donne avec la garance des teintes foncées et pures.
- J’ai moi-même extrait, par l’alcool acide, la substance grasse d’un tissu teint et avivé pour rouge turc. Après saturation de l’acide sulfurique par l’ammoniaque et filtration du précipité d’alun, la solution a été concentrée et précipitée par l’eau. Le dépôt filtré, lavé et séché a été épuisé parle sulfure de carbone qui dissout la graisse avec très-peu de colorant. Ce qui reste représente de l’alizarine pure. Après élimination du sulfure de carbone, j’ai obtenu un résidu huileux un peu rougeâtre. Traité par l’eau de baryte, ce liquide a fourni immédiatement à froid un savon barytique. Il contient donc de l’acide gras libre. La partie non attaquée à froid a été bouillie avec l’hydrate de baryte ; il s’est produit, par une véritable saponification, une nouvelle quantité de savon ; enfin il est resté une notable proportion d’une graisse neutre non saponifiable et qui représente probablement le corps de M. Weisgerber. Le savon barytique ainsi obtenu est soluble dans l’alcool, d’où il cristallise en aiguilles, sait que l’acide sulfoléique, obtenu par la saponification
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- sulfurique de l’huile, fournit, en se décomposant par beau, une substance jouissant, jusqu’à un certain degré, du pouvoir de solidifier beaucoup les couleurs garancées, lorsqu’elle est introduite dans l’impression du mordant. Il est, d’après cela, probable que c’est l’oléine de l’huile qui concourt essentiellement à la production de ce mordant organique spécial.
- L’huile modifiée agit : 1° comme mordant. D’après les analyses de M. Chevreul, certains rouges turcs ne renferment qu’une proportion minime d’alumine ; 2° comme solidifica-trice de la laque rouge ; 3° M. Kuhlmann a démontré de plus qu’elle jouit du pouvoir de précipiter énergiquement et de retenir les oxydes métalliques, tels qu’oxyde de fer.
- Ainsi, en plongeant, quelques instants seulement, un échantillon huilé en sel ferrique, il attire assez d’oxyde de fer pour prendre en teinture une belle nuance violette.
- L’influence du corps gras modifié ne s’étend pas seulement au rouge, mais encore au violet. MM. Weber frères fabriquaient à Mulhouse du coton huilé teint en violet, d’une telle résistance, qu’on pouvait le plonger en acide chlorhydrique assez concentré sans faire virer la nuance.
- En y réfléchissant, on est tenté d’attribuer la nuance spéciale et l’éclat du rouge turc à un effet physique. Le corps gras modifié, fluide, qui imprègne le tissu, tend à s’accumuler à la surface, par un effet de capillarité, et par conséquent la laque complexe est surtout superficielle.
- M. Persoz fait observer que les plus beaux rouges offrent une tranche interne presque blanche, lorsqu’on les déchire. L’augmentation de solidité peut également être dû à l’influence physique.de l’huile qui, enveloppant les particules de laque, les préserve de l’action trop directe des agents destructeurs.
- Mais, dira-t-on, comment concevoir alors la teinture, si le mordant ne se mouille pas, entouré qu il est d’huile fluide. Cette objection peut être facilement levée. La graisse dissout
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- facilement de la matière colorante et la transmet à l’oxyde métallique aussi bien que l’eau.
- Ces considérations ne sont pas de nature à faire dénier toute action chimique de l’huile modifiée, dans le développement des propriétés spéciales du rouge d’Andri-nople.
- Généralement, on n’arrive pas, par un seul passage en bain blanc, suivi d’une dessiccation et d’une exposition, à fixer la dose nécessaire de mordant organique. Cette opération doit, être répétée plusieurs fois. Un tissu suffisamment préparé doit, après avoir été dégraissé par un foulage en carbonate de soude, attirer en bain de sumac assez de principe tinctorial, pour prendre en acétate d’alumine une teinte jaune bien nourrie.
- Le dégraissage qui suit les opérations de l’huilage a pour but d’éliminer les parties du corps gras non modifiées et celles qui, modifiées, n’adhèrent pas à la fibre. En foulant en solution de carbonate alcalin, on obtient une émulsion employée sous le nom de vieux bain blanc, et qui sert plus avantageusement à l’huilage de nouvelles pièces, probablement parce qu’il renferme déjà une forte proportion d’huile plus ou moins altérée.
- Vient ensuite l’opération du mordançage. La précipitation de l’alumine est ici facilitée par l’attraction exercée par la matière organique. On peut ou plaquer en acétate d’alumine, sécher, fixer à la chambre chaude, bouser à la manière ordinaire, ou donner d’abord un passage en bain astringent (noix de galle, sumac), puis un passage en alun, dessécher et passer en craie pour saturer l’alun, et favoriser la précipitation de l’alumine qui, sans cela, ne serait pas complète. Quelquefois, on réunit dans le même bain la noix de galle et l’alun.
- On teint en garance, ou en fleur. Dans le premier cas, ou ajoute souvent au bain de teinture de la craie, du sang de bœuf, de la colle ou encore du sumac. Souvent on teint en
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- deux fois en taisant suivre la première opération d’un dégor-geage et d’un second mordançage.
- On avive plusieurs fois (deux à trois fois), toujours en chaudière close, à l’ébullition et à une pression déterminée.
- Le premier avivage se donne dans un bain de savon et de carbonate de potasse ; les deux autres dans un bain de savon et de sel d’étain, ou de savon, de carbonate de potasse et de sel d’étain.
- Le savon ne peut plus avoir pour effet, dans ce cas, de fixer sur le tissu de l’acide gras. Il serait possible cependant que l’acide gras libre trouvé par moi dans la graisse liquide retirée d’un tissu rouge avivé provînt de cette source. Sa principale action, ainsi que celle du carbonate alcalin, est d’éliminer les matières fauves et colorantes, autres que l’ali-zarine.
- Quant au sel d’étain, il détermine bien certainement la précipitation d’une certaine dose d’oxvde d’étain, qui fait virer la nuance de la laque complexe, et lui donne cette couleur feu qui est l’un des apanages du rouge turc.
- La marche que nous venons de tracer, d’après les indications précieuses publiées par M. Persoz, est celle que l'on suivait généralement. Quelques fabricants ont introduit des modifications plus ou moins radicales. Ainsi :
- M. Haussmann foulardait en bain blanc monté avec de l’huile d’olive et de l’aluminate de soude et obtenait ainsi simultanément l’huilage et le mordançage.
- M. Gastard faisait suivre chaque passage en bain blanc d’une exposition à l’air, d’un séchage à l’étuve chaude et d’un passage en acide nitrique 1° Baumé, et enfin d’une dessiccation à l’air. Cet industriel a évidemment été conduit à l’emploi de l’acide nitrique par l’idée préconçue de favoriser 1 oxydation. Il paraîtrait que dans la méthode de M. Steiner la pièce préparée en carbonate alcalin passe dans de l’huile, puis entre deux pièces semblables et un laminoir; enfin elle est soumise à l’action d’une température suffisamment éle-
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- vée et dans des conditions convenables, pour que l’oxydation ou l’altération se fasse vite et en une fois.
- On obtient de très-beaux roses huilés en soumettant les pièces huilées et faiblement mordancées à l’ébullition en chaudière close avec des rouges turcs que l’on avive. La matière colorante qui se détache suffit pour teindre en rose.
- Pour les violets il est nécessaire d’employer le crottin de mouton incorporé au bain blanc, et de mordancer en sel de peroxyde de fer (nitro^sulfate).
- Suivant M. D. Kcechlin l’engallage est inutile, si l’on prend la précaution de saturer préalablement l’alun.
- Nous donnerons comme exemple un des procédés publiés par M. Persoz (1).
- Pour 1 000 kilogrammes coton :
- 585 à 650 kilogrammes huile tournante.
- 1 500 litres eau, et 9 à 10 kilogrammes carbonate de potasse.
- Après l’immersion on met les pièces en tas dans un endroit frais pendant dix à douze heures, puis on sèche à l’éten-dage h 00°.
- Ces opérations se répètent de sept à huit fois.
- Dégraissage. — Macérer à deux reprises pendant vingt-quatre heures dans une solution de carbonate de potasse à 2°; exprimer, rincer à l’eau, foularder à 70° dans un bain monté avec 300 litres de décoction de noix de galle (10 kilogrammes) et 16 kilogrammes d’alun. Ces proportions suffisent pour 300 kilogrammes de coton. Suspendre à l’éten-dage à 43°, deux jours.
- Passer en bain de craie.
- Teindre 10 pièces à la fois avec 3 — 4kll,3 de garance par pièce. 13 à 1800 litres d’eau. Monter en deux heures trois quarts à l’ébullition, que l’on maintient un quart d’heure.
- Second engallage et mordançage comme le premier.
- (1) Persoz, Impression des tissus, t. III, p. 191.
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- Seconde teinture comme la première.
- 1° Avivage en chaudière close. 8 heures d’ébullition.
- 6 kilogrammes savon.
- 1 kn,50 carbonate de potasse.
- 2° Avivage en chaudière close.
- 6kil,5 savon.
- 0*r,375 sel d’étain.
- 3° Avivage comme le précédent.
- Passage en son.
- On voit que dans ce procédé les pièces huilées ne sont pas exposées sur pré, et que, par conséquent, l’influence de la lumière peut être remplacée par celle du calorique.
- Quelquefois on laisse les pièces huilées entassées dans un séchoir à 35°, en les remuant de temps à autre, pour éviter leur inflammation spontanée, résultat d’une combustion lente trop active.
- La teinture du coton en pente, pour rouge turc, n’offre rien de spécial, si ce n’est dans le travail mécanique.
- MOYENS DE RECONNAITRE LE ROUGE D’ANDRINOPLE.
- La nuance seule, d’un rouge feu éclatant, suffit pour fixer les idées ; mais si l’on avait des doutes, on n’aurait qu’à plonger quelques instants un échantillon dans un bain bouillant de chlorure de soude à 5° Baumé. Il en sortira plus vif et un peu affaibli. Aucune autre couleur rouge ne supportera cette epreuve, même les garancés ordinaires qui seront décolorés. Ajoutons à cela le non-virage et la résistance sous l’influence des acides (oxalique, chlorhydrique étendu).
- L’échantillon ci-joint donne une idée des résultats que l’on obtient :
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- THA1TÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- 13. Échantillon de rouge d’Andrinople.
- RUBIACÉES EXOTIQUES, PROPRES A LA TEINTURE EN ROUGE.
- Le rubia tinctorum n’est pas la seule plante dont la racine renferme des matières colorantes rouges, congénères de l’ali-zarine ou de la purpurine.
- Aux Indes, on utilise divers produits de la famille des ru-biacées, qui n’ont été jusqu’à présent introduits en Europe que sous forme d’échantillons. On aurait trouvé, en effet, peu d’avantages aies substituer à la garance ordinaire.
- MM. Ed. Schwartz et D. Kœchlin ont étudié les propriétés tinctoriales ae ces produits, rapportés des Indes par M. Gon-freville (1).
- Tels sont :
- Le chayaver, plante cultivée sur les côtes de Malabar et de Coromandel, où l’on se sert de sa racine pour la teinture en rouge des cotons huilés.
- Elle réussit le mieux dans des terrains sablonneux.
- La racine se présente sous forme de filaments ayant environ un millimètre de diamètre, de couleur grise extérieurement et jaune clair à l’intérieur. Elle est plus tenace et plus
- (1) Bulletin de la Société industrielle, t. V, p. 301 et suivantes.
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- difficile à pulvériser que la racine de garance et représente une des rubiacées la plus généralement employée dans les Indes. Sa réaction est acide et, avant d’en faire usage en teinture, il convient de la laver à l’eau. Il est aussi nécessaire d’ajouter au bain une certaine quantité de craie ou de carbonate de soude. On monte de 30° Réaumur jusqu’à l’ébullition, dans un espace de temps proportionné à la quantité de matières colorantes à épuiser. Les couleurs obtenues sont moins orangées que celles que donne le nona et se rapprochent de celles delà garance. Le rouge huilé s’avive parfaitement au bain de savon, en chaudière fermée.
- Le rouge, le rose, le noir, le puce et le violet sur toile non huilée, supportent les opérations au savon et à l’acide nitrique, tout comme les couleurs garancées et ne le cèdent à celles-ci ni en vivacité, ni en solidité.
- Ce qui s’oppose surtout à l’emploi de ce produit eu Europe, c’est qu’il renferme à peine le quart de la matière colorante d’une garance indigène moyenne. Ses qualités sont parfaitement analogues à celles de la garance d’Avignon, tandis que les autres rubiacées des Indes (sans en excepter aucune), quoique plus riches en matières colorantes, sont trop acides.
- L’histoire chimique et l’analyse immédiate de cette racine sont encore à faire. Quelques essais tentés avec le peu de racine que je dois à l’obligeance de M. D Kœchlin-Schouch, na’ont démontré que le chayaver contient de la chlorogé-nhie et de l’alizarine et qu’il est très-facile de l’épuiser, par un traitement alcoolique, vu l’acidité naturelle de cette racine et l’absence des sels de chaux.
- Le mungeet ou rubia mungista a cela de particulier, fiue la tige fournit plus de parties colorantes que la racine.
- A l’état sec, elle est presque aussi riche que la bonne ga-cance d’Avignon, mais elle renferme beaucoup de parties jaunes et acides ; aussi 11e peut-on obtenir des teintes solides avec son concours.
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- Le rouge huilé et avivé, quoique très-intense au début, se détruit rapidement sous l’influence des rayons solaires.
- Ce phénomène semble indiquer que la coloration ne dérive pas de l’alizarine ou de la purpurine ; et, en effet, M. Sten-house a démontré l’existence, dans le mungeet, d’une matière colorante spéciale, à laquelle il a donné le nom de mun-gistine.
- Il épuise le mungeet, réduit en poudre fine, par une solution bouillante de sulfate d’alumine (500 grammes de mungeet, 1 kilogramme de sulfate d’alumine et 8 kilogrammes d’eau). La liqueur filtrée fournit par l’ébullition un précipité rouge clair, qui est filtré, lavé et séché. Le résidu repris parle sulfure de carbone lui cède la matière colorante, tandis qu’il reste une matière résineuse insoluble. Par l’évaporation du sulfure de carbone, on obtient un extrait rouge clair, composé de mungistine et de purpurine. En traitant par l’eau bouillante, additionnée d’acide acétique, la purpurine reste insoluble, tandis que la mungistine se dissout en jaune et se reprécipite par le refroidissement. Purifiée par des cristallisations répétées dans l’alcool bouillant, elle se présente sous forme de grandes écailles jaunes.
- La mungistine est fusible, et cristallise par le refroidissement; elle est peu soluble dans l’eau froide, assez soluble dans l’eau bouillante ; l’alcool lac dissout à froid et mieux à chaud. Avec le carbonate de soude, l’ammoniaque et les alcalis caustiques, elle donne des liqueurs rouge clair. L’eau de baryte donne un précipité jaune ; l’hydrate d’alumine, une laque orange clair. Elle se dissout dans l’acide sulfurique.
- M. Stenhouse attribue à la mungistine la formule C8H603 (1). L’acide azotique concentré transforme la mungistine en acides phtalique et oxalique. L’ammoniaquecaus-
- (l) Anncilen (1er Chemie und Pharm., f. CXXX. p. 325.
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- tique la convertit en une substance brune ayant l’aspect de l’humus.
- Si la formule donnée à la mungistine est exacte, ce principe colorant sort delà série de ceux que nous avons trouvés dans la garance, et qui renferment tous 20 atomes de carbone.
- Nona. — La rubiacée, connue sous ce nom, est la racine d’un arbre qui appartient à l’espèce des guilandina. Son aspect diffère peu de celui de la racine de garance. Elle est plus tenace et plus difficile à pulvériser ; très-riche en matières jaunes et acides. Aussi convient-il, non-seulement de la laver à l’eau froide avant de s’en servir, mais encore de teindre avec addition de carbonate de soude, en se conformant en cela au principe bien prouvé par l’expérience, que pour avoir des nuances solides avec la garance ou les rubiacées analo-logues, le bain de teinture doit être parfaitement neutre.
- Pour teindre, on pulvérise finement la racine de nona, puis on la lave avec cinquante fois son poids d’eau froide et pure ; on ajoute 1 /S de son poids de carbonate de soude et on monte progressivement de 30° Réaumur à l’ébullition.
- On obtient ainsi, sur coton huilé, un rouge très-intense qui, avivé en chaudière close avec du savon et un peu de chlorure d’étain, se convertit en un écarlate voisin du rouge d’Andrinople ordinaire. Le coton non huilé prend des nuances voisines de celles de la garance, mais plus jaunâtres. Cette teinte se conserve après l’avivage.
- L'Ouongkoitdou contient entre la moitié et le tiers des parties rouges que donne une bonne garance d’Avignon. Elle n’est pas aussi acide que le mungeet et exige néanmoins une addition de 3 pour 100 de carbonate de soude. Les cou-murs sont moins vives et moins solides que celles de la racine de nona.
- L Hachrout ne diffère guère du nona ni par sa richesse, ni par ses qualités tinctoriales.
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- L’histoire de ces rubiacées tinctoriales, exotiques, est, comme on le voit, peu étudiée encore.
- Bibliographie de la garance et des mordants. — Bulletins de la Société industrielle de Mulhouse. — Rapports sur divers mémoires envoyés à la Société, par H. Schlumberger, 1.1, p. 93. — Mémoire sur la garance, par Robiquet et Colin, 1.1, p. 126. — Idem, par M. Kuhlmann, t. I, p. 146. — Essais sur la garance, par M. Kœ-chlin-Schouch, t. I, p. 175. — Notice sur les propriétés tinctoriales des racines de garance, par Edouard Kœehlin, 1.1, p. 194. — Lettre sur la fleur de garance (ancienne fleur, aujourd’hui garancine), par Lagier, t. II, p. 209. — Rapport sur cette lettre, par M. Penot, t. Il, p. 215. — Rapport sur un mémoire traitant de la garance, par Philippe Weber, t. IV, p. 125. —Rapport sur un mémoire relatif à la garance, par H. Schlumberger, t. IY, p. 130. — Note sur un moyen de séparer la matière colorante de la garance, par Dandrillon, t. IV, p. 144. — Mémoire sur la garance, t. V, p. 145. — Rapport sur ce mémoire, t. Y, p. 159. — Examen comparatif de la garance d’Avignon et de la garance d'Alsace, par H. Schlumberger, t. VII, p. 99. — Rapport sur ce mémoire, par Léonard Schwartz, t. VIT, p. 147. — Rapport sur divers mémoires relatifs à la garance, par H. Schlumberger, t. VIII, p. 293.— Observations sur la garance, par H. Schlumberger, t. VIII, p. 401. — Réflexions sur le mémoire de M. H. Schlumberger relatif à la garance, par Robiquet, t. X, p. 47. — Mémoire sur la matière colorante de la garance, par G. Schwartz, t. X, p. 329. — Rapport sur ce mémoire, par H. Schlumberger, t. X, p. 344. — Considération sur le pouvoir tinctorial des garances, par II. Schlumberger, t. XI, p. 270. — Rapport sur ce mémoire, par A. Scheurer, t. XI, p. 332. — Notice sur l’extraction d’un principe colorant de la garance, par Ed. Collomb, t. XII, p. 307. — Rapport sur cette notice, par H. Schlumberger, t. XII, p. 321. — Moyen d’extraire la matière colorante de la garance, par M. Camille Kœehlin, t. XV, p. 457. — Rapport sur ce mémoire, par H. Schlumberger, t. XV, p. 460. — Rapport sur le prix relatif ci un extrait de garance, par H. Schlumberger, t. XXIV, p. 99. — Essais sur la solubilité de la matière colorante de la garance dans les huiles fixes, par Ed. Schwartz, t. XXV, p. 180. — Rapport sur cette notice, par M. G. Schaeffer, t. XXV, p. 184. — Recherches pour trouver un moyen de mieux utiliser la matière colorante de la garance en teinture, par Ed. Schwartz, t. XXV, p. 366. — Mémoire sur les matières mucilagineuses de la garance, par M. P. Schützenberger, t. XXVII, p. 5. — Recher-
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- ehes sur la nature de la matière colorante de la garance, par Ed. Schwartz, t. XXVIl, p. 342. — Rapport sur ce mémoire, t. XXVII, p. 346. — Mémoire sur la solubilité de la matière colorante de la garance dans de l’.eau à des températures comprises entre \ 00 et 230°, par MM. E. Mathieu-Plessy et P. Schiitzenberger, t. XXVII, p. 395. — Notice sur une teinture par substitution, par M. Carlos Kœchlin, t. XXVIII, p. II9. — Rapport sur cette notice, par M. E. Mathieu-Plessy, t. XXVIII, p. 121. — Note sur un extrait de garance obtenu par,l’acide sulfurique concentré, par M. Ed. Schwartz, t. XXVIII, p. 320. — Notes sur le chlorage des pièces teintes en garancine, par MM. Cl. Royet, G. Steinbach, II. Kœchlin, t. XXVII, p. 232, 237 ; XXVIII, p. 418, 421. — Emploi des hyposul fîtes comme mordants, par E. Kopp, t. XXVIII, p. 435, 448. —Notice sur l’essai de la fleur de garance, par G. Schaeffer, t. XXIX, *p. 200. — Notice sur l’adultération de la garance et de ses dérivés, par Pernod, et Rapport, par G. Schæffer, t. XXIX, p. 231,233, 235. — Recherches sur la garance d’Alsace, par E. Kopp, t. XXXI, p. 145. —Action de l’ammoniaque sur l’alizarine, par P. Schiitzenberger et Paraf, t. XXXI, p. 503. — Mémoire sur les matières colorantes contenues dans la garance d’Alsace, par P. Schiitzenberger et H. Schiffert, t. XXXIV, p. 70.— Rapport sur quelques substances tinctoriales des Rides, par Ed. Schwartz, t. V, p. 296.—Mémoire sur le mordant rouge, par KœchIin-Schouch,t. 1, p. 277. — Rapport sur ce mémoire, par Léonard Schwartz, 1.1, p. 322. — Mémoire sur les mordants de fer, par H. Schlumberger, t. XIII, p. 399. — Mémoire sur les acétates et autres composés de l’alumine, par Walter Crum, t. XXV, p. 317. — Rapport sur le garanceux de M. Léonard Schwartz, par Iwan Schlumberger, t. XVIII, p. 316.
- Annales de chimie, lre série. — Acétate d’alumine comme mordant, IV, 153, 108. — Alumine en teinture, VII, 240.— Alun, XXV, 295; XXVI, 255. — Garance, X, 328 ; Batholdi, XII, 74; Watt, IV, 104, 159. — Laque de garance, XXX, 193. — Mordant, IV, 112 ; IX, 143; XXVI, 251. — Rouge d’Andrinople, IV, 150; XII, 196; XXVI, 251. — Alizari, XXXI, 198. — Alun, LVII, 329; L, 170; XXXI, 129; LVII, 95, 322; L, 169, 313 ; LI, 328; LVII, 317; LIX, 58, 71 ; L, 154 ; LIX, 63. — Alunage, XXXI, 197; LIII, 184. — Avivage, XLVII1, 241. — Garançage, XLI, 124; XLVIII, 233, 241. — Garance, XXXI, 198; XLI, 125. — Art de la teinture du coton en rouge, par J.-A. Chaptal, LXII, 294. — Observations sur l’acétate d’alumine, par Gay-Lussac, LXXIV, 193. —Mémoire sur les mordants employés en teinture, par Thénard et Roard, LXXIV, 267. — Procédé simplifié pour la teinture du rouge dit d’Andrinople par la voie de l’animalisation, par J.-M. Haussmann, LXXVI, 3.
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- Annales de chimie et de physique, 2e série. —Sur la décomposition de l’acétate d’alumine par la chaleur, YI, 201. — Analyse chimique de la racine de garance, par F. Kuhlmann, XXIV, 225. — Nouvelles recherches sur la matière colorante de la garance, par MM. Robiquet et Colin, XXXIV, 225. — Mémoire sur les matières colorantes de la garance, par MM. Gaultier de Claubry et Persoz, XLVIII, 09. — Monographie chimico-technique de la garance, par Runge, LXIII, 282. — Observations à ce sujet, par Robiquet, LXIII, 297. — De la préexistence de la matière colorante dans la racine de garance, par Robiquet, LXXIII, 274.
- 3e série. — Recherches sur la garance, par Rochleder, XXXV, 373. — Garance, par Laurent, XXXVI, 320. — Rubiacées, par Rochleder, XXXVII, 230. — Acide oxylizarique, XXXVIII, 490. — Alun, LVI, 102.
- Dingler’s Potytechnisches Journal, I, 59. — Carmin de garance, XVIII, 395 et 399. — Rouge turc, XVI, 477; XXII, 66, 60, 134, 459; XIX, 109 ; XX, 476 ; XXIII, 390; XXIV, 530 ; XXIV, 275, 553, 530; XXIII, 73; XXVII, 200, 222; XXX, 30; XXVIII, 224 ; XXXI, 123; XXXIII, 158; XXXIX, 385, 392; XL, 358, 434 ; XLIII, 381; XLVI, 123; XLV, 381 ; XLVI, 154; L, 390 ; XLVIII, 236 ; LIV, 359; LII, 400; LV1II, 42, 55, 283, 474; LV, 136 ; LVII, 434; LXV, 207 ; LXIV, 195, 208; LXV, 209 ; LXIX, 239 ; LXX, 124; LXXII, 386; LXXIII, 53; LXXIV, 432; LXXIII, 47; LXXVII, 294 ; LXXVIII, 76, 450; LXXXII, 133; LXXXV, 204; XCI, 145; XCII, 156, 64 ; XCVII, 27; XCVIII, 48, 68; XCV, 239; CI, 205; CIV, 64 ; CV, 43 ; CIII, 124, 420; CVI, 293; CX, 40 ; CXI, 213 ; CX1V, 395; CXII, 403; CXVIII, 77, 315 ; CXX, 199 ; CXXIV, 201 ; CXXVI, 206, 372; CXXVI, 206 ; CXXIX, 222, 292 ; CXXVII, 88; CXXXI, 345; CXLI, 130, 457 ; CXLII, 218, 215, 139 ; CXL, 55, 135, 237 ; CXXXIX, 36; CXLI, 60 ; CXLIV, 399; CXLV, 53 ; CXLVI, 142, 217; CXLIX, 205; CXLVII, 159, 451 ; CL, 295 ; CLI, 287 ; CLIII, 374, 428; CLV, 447, 206 ; CLVII, 158.
- Répertoire de chimie appliquée, II, 280,255, 218, 43; II, 69, 241 ; 111, 220, 261, 410, 85, 165, 223, 276 ; V, 179, 181, 157. — Bulletin de la Société chimique de Paris, II, 218 ; III, 208 ; IV, LII, 12, 314.
- Bulletins de la Société d’encouragement, II, 88; VII, 86, 89, 202, 43; X, 253 ; XIV, 230, 36 ; XV, 5 ; XVI, 33 ; XIX, 282, 244 ; XX, 304; XXVI, 62, 270, 417 ; XXVIII, 328, 467; XXIX, '.32; XXX, 206; XXXI, 366 ; XXXII, 37 ; XXXVIII, 406 ; XXXIX, 296 ; XLII, 548, 402 ; XLIII, 399, 363 ; XLVIII, 184 ; L, 775, 199 ; LII, 435, 630 ; LIV, 791 ; LV, 760, 764 ; LVII, 405 ; LVIII, 508 ; LX, 37 ; LXI, 702, 251 ; LX1I, 557,381. Annalen der Chemie und Pharmacie, LXXXVII, 356; LXXXIX, 156;
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- BOIS ROUGE OU BOIS DE BRÉSIL.
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- LXXXI, 347, 336; LXXXII, 203, 213, 339, 83, 64, 313; LXVI, 187,
- 193, 28, 197, 201, 204 ; LXXV, 1 ; LXXVIII, 246 ; LXXX, 321.
- BOIS ROUGE OU BOIS DE BRÉSIL.
- On comprend sous ce nom plusieurs variétés de bois susceptibles de communiquer,aux tissus mordancésen alumine, une couleur rouge peu solide. Les arbres qui les fournissent appartiennent à la famille des légumineuses et croissent aux Indes orientales, dans l’Amérique méridionale et aux Antilles. Ils nous arrivent sous forme de bûches, de bâtons ou de souches. Ils sont durs et compactes, de couleur jaune clair à l’intérieur et brune à la couche externe qui reçoit l’accès de l’air, sans odeur, de saveur douce et amère ou astringente ; ils teignent la salive en rouge clair.
- Le bois rouge était depuis longtemps employé aux Indes et pénétrait en Europe, avant la découverte de l’Amérique.
- Voici d’après MM. P.ersoz (1) et Girardin (2), quelles sont les principales espèces de ces bois usités en teinture et leurs caractères distinctifs.
- 1° Bois de Fernambouc ou Fernambourg. Espèce la plus estimée et dont la qualité la plus riche vient *du gouvernement de Paraïbo. Il est produit par le cœsalpinia crista, très-abondant dans les forêts du Brésil et de la Jamaïque.
- Bûches rondes ou aplaties, ou en éclats de toute grosseur de 2 à 30 kilog rammes. Il est très-dur, pesant, compacte. Il est rouge à l’extérieur, pâle à l’intérieur lorsqu’il est nouvellement fendu, prenant de la couleur à l’air et devenant d’un brun rouge, saveur sucrée, odeur faiblement aromatique. Il communique à l’eau une très-belle couleur rouge.
- 2° Bois de Brésil proprement dit. Produit par le cœsalpinia brasiliensis, des forêts du Brésil. Bûches taillées à la
- (O Persoz, Impression des tissus, t. I, p. 535 — (2) Girardin, Chimie ap-Pli(luée, t. H, 4e édit., p. 538.
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- hache et dépouillées de leur aubier. Dur, compacte, d’un rouge de brique dans les sections fraîches et brunissant à Pair. Il est susceptible de poli. Il est environ moitié moins riche que le bois de Fernambouc, et gagne en pouvoir tinctorial avec l’âge.
- 3° Bois de Sainte-Marthe. Produit par le cœsalpinia echi-nata des forêts de Sainte-Marthe ou Sierra Nevada au Mexique. Bûches d’environ un mètre de longueur, coupées d’un bout en forme arrondie et de l’autre carrément, profondément sillonnées de crevasses dans lesquelles il y a beaucoup d’aubier. Ces bûches pèsent de 10 à 20 kilogr. Dur, pesant, compacte, couvert d’un aubier blanc jaunâtre, d’une couleur jaune rougeâtre à l’intérieur, tissu plus lâche vers la moelle qu’à la périphérie. Sa coupe transversale a une forme étoilée. Il est moins foncé et moins riche que le fernambouc. Il tient le second rang parmi les bois de Brésil.
- 4° Bois de Nicaragua ou de Nicaraque. Il paraît être produit par le même arbre que le précédent, avec lequel on le confond et on le mêle souvent ; il est probable que ce sont les branches du bois de Sainte-Marthe. Il vient de la province de Nicaragua au Mexique. Bâtons écorcés de la grosseur du bras, très-tortueux et remplis de trous.
- Sa valeur dépend beaucoup de la grosseur des bûches, dont les plus longues sont les plus estimées. Dur, compacte, d’un rouge pâle extérieurement, et plus foncé au centre. Il est, en général, plus coloré que le bois de sappan, auquel il ressemble un peu par son extérieur. Il est mal taillé et sillonné par des crevasses profondes, suivant quelquefois toute la longueur de la bûche.
- 5° Bois de sapan ou sappan (bois du Japon). Produit par le cœsalpinia sappan ; Indes, royaume de Siam, îles Molu-ques, Chine, Japon, Antilles, Brésil, etc. Bûches dépouillées de leur aubier ou branches présentant un canal médullaire très-apparent, rempli d’une moelle rouge jaunâtre, et souvent vide. Dur, pesant, compacte, d’un grain fin, susceptible
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- de prendre un beau poli ; d’une couleur rouge beaucoup plus pâle que celle des autres bois du même genre. On en distingue deux sortes principales, celui de Siam, qui est en bûches privées d’aubier, grosses comme le bras et d’un rouge vif à l’intérieur, celui de Bimas, qui est en bâtons de 27 à 33 millimètres de diamètre, jaunâtre à l’intérieur et d’un rouge rosé aux parties qui approchent de la surface et ont éprouvé l’action oxygénante de l’air. Le bois de Lima du commerce n’est qu’une variété de sapan. Les bois de Manille et desautres Philippines, de Saint-Martin etdePadangs, sont les plus mauvaises variétés.
- 6° Bois de Brésillet. Produit par le cœsalpinia vesicarici, suivant d’autres par un arbrisseau du genre Balsamoden-dron. Guyane et quelques-unes des Antilles, notamment la Jamaïque,îles de Bahama. On l’appelle souventaussi, àcause de son origine, bois rouge de la Jamaïque, bois de Bahama. Il se présente sous forme de bâtons de 34 millimètres de diamètre, dépouillés de leur écorce, mais recouverts d’un aubier blanchâtre ; l’intérieur est d’un rouge brun parsemé de veines transversales plus foncées. C’est le moins estimé des bois de Brésil.
- 7° Bois de Californie. Produit par un cœsalpinia non spécifié des forêts de la Californie. Bûches de toutes grosseurs, noueux, tortueux, à fibres quelquefois longitudinales, le plus souvent entrelacées, fort dur, d’un rouge jaune souci quand il vient d’être fendu, brunissant à l’air et devenant d’un rouge violet.
- 8° Bois de Terre-Ferme. Produit par un cœsalpinia non spécifié des forêts de la Terre-Ferme, une des régions de la république de Colombie. Bûches travaillées à la hache. Il Vient à nu dans les navires, où il sert à l’arrimage. Dur, pesant, noueux, compacte, tortueux ; à fibres longitudinales, le plus souvent entrelacées, d’un intérieur jaune doré avec des cercles concentriques jaune rougeâtre, plus serrés, Pbis larges, plus foncés en couleur, à mesure qu’ils dimi-
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- nuent de diamètre et s’approchent du centre. Il ressemble un peu au Nicaragua, mais sa couleur est plus jaunâtre.
- 9° Le bois dit de Bahia se présente en grosses bûches coupées carrément et dépouillées. Sa couleur est jaune et fonce peu à peu à l’air. Il est moins estimé que le Fernam-bouc et offre une qualité moyenne parmi les bois rouges ; sa saveur est astringente et nullement sucrée.
- Examen chimique des bois rouges. —L’étude chimique des bois rouges laisse encore beaucoup à désirer. On ne sait rien de positif sur les substances étrangères qui accompagnent la matière colorante, et celle-ci n’est encore que fort incomplètement étudiée. Pour ce qui est des premières, ou peut admettre, par analogie, qu’elles représentent les principes immédiats que l’on retrouve en général dans le bois (substances sucrées, astringentes ; acides organiques combinés, résines, sels minéraux).
- Jusqu’à présent on n’a encore signalé qu’une seule matière colorante dans les nombreuses variétés de bois rouges, mais il n’est nullement prouvé qu’il en est réellement ainsi, quoique l’analogie de propriétés tinctoriales semble favorable à cette opinion.
- La matière colorante du bois de Brésil est soluble dans l’eau et peut être enlevée complètement au ligneux par des décoctions suffisamment répétées. Telle qu’elle existe dans le bois, elle est peu colorée et présente une teinte jaune pâle qui ne laisserait nullement supposer sa richesse tinctoriale ; au contact de l’air on voit peu à peu cette teinte foncer et passer au rouge plus ou moins brun. Evidemment, il y a oxydation lente et passage d’une matière colorable à l’état de substance colorée.
- Les décoctions offrent un phénomène analogue. Au début elles sont jaunes et prennent à l’air, ou par l’addition d’eau aérée, une nuance rouge. Du reste, au point de vue de son état d’oxydation, on observe de nombreuses variétés suivant l’espèce de bois, et suivant que le bois est employé immédia-
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- tement après avoir été réduit en poudre ou longtemps après.
- La matière colorante ou colorable existe dans le bois sous forme de glucoside. Le fait est facile à vérifier. La décoction réduit très-peu la solution cupropotassique, tandis qu’elle donne un abondant précipité d’oxydule de cuivre, lorsqu’elle a été chauffée quelque temps avec de l’acide chlorhydrique ou sulfurique. Après le dédoublement, la matière colorante a une tendance à cristalliser qu’elle ne possédait pas auparavant. Ainsi, il suffit d’ajouter un sel alcalin à la solution chauffée avec l’acide (1 /100) et marquant de 2 à 3° pour voir se former, après refroidissement, un dépôt cristallin, plus ou moins rouge suivant que le liquide employé était plus ou moins oxydé. Ce phénomène se produit d’une manière beaucoup moins marquée avant le traitement acide. L’addition d’un sel alcalin a pour effet de diminuer la solubilité de la matière colorante.
- • D’après ces résultats on peut admettre, dans la décoction de bois de Brésil, la présence d’un glucoside colorable, dans un état d’oxydation plus ou moins avancé, ainsi que d’une certaine proportion de matière colorante libre, préexistant sous cette forme dans le bois ou se formant par dédoublement pendant la décoction.
- Le glucoside colorable, qui est le plus abondant dans les décoctions»fraîehes, ne précipite pas par l’acétate neutre, mais seulement par l’acétate basique de plomb.
- Si l’on ajoute de l’acétate neutre, on obtient un précipité rouge-brique peu volumineux, il renferme, outre le tannin et quelques substances étrangères, de la brésiline et les matières colorantes déjà oxydées.
- Le liquide filtré, à peine teinté de jaune, donne en teinture des nuances presque aussi riches et plus belles que les liqueurs primitives et précipite abondamment en lilas clair, par l’acétate basique de plomb.
- L’oxydation ne se produit, du reste, que dans des condi-
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- tions spéciales, et elle est singulièrement favorisée par les alcalis ou les vapeurs ammoniacales, quelque faibles qu’elles soient.
- On peut conserver pendant des mois, dans des vases largement ouverts, des solutions de Bahia, sans que la teinte change beaucoup, elle se maintient jaune clair, tandis que le bois lui-même brunit assez rapidement. Cet effet peut tenir à l’influence de substances étrangères contenues dans ce dernier, et qui activent l’altération.
- L’oxydation poussée jusqu’à une certaine limite est favorable aü développement du pouvoir tinctorial, mais si elle est trop prolongée, surtout sous l’influence des rayons du soleil, elle devient nuisible et fait complètement disparaître la couleur.
- La décoction des bois rouges est tout aussi sensible à l’action des agents réducteurs qu’à celle des oxydants. Ainsi l’hydrogène sulfuré la décolore. Bouillie avec 1 /1000 seulement de sulfite de soude, elle ne présente bientôt plus qu’une teinte rougeâtre due à l’influence du sel à réaction alcaline, qui disparaît si l’on neutralise par un acide. Un bain de teinture, monté avec un pareil liquide, est presque incolore, et semble ne plus devoir teindre du tout ; mais peu à peu, à mesure que la température s’élève, la couleur reparaît et la teinture se fait aussi bien qu’avec le liquide primitif, quoi-qu’avec une perte sensible de matière colorante.
- Les acides font passer au jaune, plus ou moins orangé, la nuance du jus de Brésil, suivant qu’il provient d’un bois plus ou moins oxydé; an bout d’un certain tejnps il se forme un dépôt cristallin jaune, si ladécoction était bien désoxydée, rouge dans le cas contraire. Ce dépôt dérive d’un dédoublement partiel du glucoside, la matière colorante étant moins soluble que lui.
- Un excès d’acide chlorhydrique concentré fait virer la nuance au rose vif. Cette teinte disparaît par addition d’eau.
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- Les alcalis caustiques ou carbonates donnent une teinte ronge cramoisi.
- La chaux ou même la craie, bouillie avec la solution de Brésil, donne un liquide rouge cramoisi. Cette base favorise singulièrement l’oxydation. Ce liquide cramoisi se recouvre très-rapidement, en effet, d’une pellicule noire, qui tombe au fond pour être remplacée par une nouvelle.
- L’alun donne au liquide une couleur rouge, mais ne précipite pas. Si on le rend basique par addition de carbonate de potasse et que l’on chauffe, il se déposera une laque rouge ; l’acétate d’alumine chauffé avec le jus de Brésil donne un phénomène analogue.
- L’acétate neutre de plomb ne donne qu’un précipité rougeâtre très-faible, le liquide filtré presque incolore teint encore autant et avec une nuance plus vive que le liquide primitif. Il semble donc, d’après cela, que l’acétate de plomb précipite seulement la matière suroxydée et les substances qui nuisent à l’éclat des nuances.
- Le sous-acétate de plomb donne un précipité abondant bleuâtre, le liquide filtré presque incolore ne renferme plus rien d’intéressant.
- Le nitromuriate d’étain donne un précipité rougeâtre qui Passe peu à peu au rouge-carmin très-vif, d’autant, plus beau que le liquide est moins altéré.
- Ces caractères, qui sur quelques points sont en désaccord avec ceux indiqués par M. Girardin, ont été constatés avec soin sur les solutions de bois de Bahia récentes ou anciennes. Il est possible qu’avec d’autres bois, plus anciennement moulus, ils ne soient plus les mêmes.
- La décoction de bois de Brésil donne en teinture de meilleurs résultats, lorsqu’elle est conservée longtemps dans un endroit frais, que si elle est récente. Ce phénomène bien connu des praticiens peut s’expliquer par l’altération et la décomposition des substances étrangères, nuisibles à la pu-reté des nuances. Peut-être aussi la matière colorante se
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- réduit-elle sous l’influence d’une fermentation spéciale.
- M. le docteur Dingler a publié (1) une méthode simple et facile d’épurer de leur pigment jaune les bains faits avec du bois du Brésil d’une qualité inférieure, savoir : les bois de Bimas, de Sainte-Marthe, d’Aniola, de Nicaragua, de Siam ou de Sappan, et de les substituer avec un succès assuré au véritable Fernambouc. Elle consiste à ajouter au liquide bouillant de petites quantités de lait écrémé. La caséine se coagule et entraîne la substance jaune. La gélatine peut également servir à la purification. Ainsi, en arrosant les copeaux avec une eau renfermant 2 kilogrammes de gélatine par quintal métrique, et en laissant en tas pendant quelques jours, on obtient des bains plus riches que par la méthode ordinaire, la matière colorante se dissolvant plus aisément : on a aussi observé (Leuchs) qu’une fermentation humide de quelques semaines améliore la qualité de certains bois. Ces phénomènes rappellent, à ce qu’on voit, ce que nous avons déjà dit pour la garance, et nous montrent que, dans la plante productrice, les allures de la matière colorante pure sont modifiées de beaucoup de manières, tant parla présence de substances étrangères que par les divers états de combinaison dans lesquels elle peut se trouver engagée.
- Matière colorante.
- Le glucoside colorant est encore peu connu. D’après mes expériences il est incristallisable, soluble presque en toute proportion dans l’eau, soluble dans l’alcool, d’une saveur amère ou sucrée, et d’une couleur blonde très-belle, lorsqu’il n’est pas altéré.
- On peut l’obtenir en évaporant le jus de Brésil dans le vide, à la température ordinaire, jusqu’au dixième de son volume (10° Baumé), et en ajoutant du sel marin ou du sulfate
- (1) Annales de chimie , t. XVII, p. 323. — Dingler's Polytechnisches Journal, t. XXV, p. SO.
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- de soude. II se précipite alors sous forme d’une masse pâteuse, complètement soluble dans l’eau pure.
- Les extraits ordinaires de bois rouge du commerce à 10 ou 20°, donnent, lorsqu’on y ajoute de l’eau, un précipité floconneux j.aune, comme si la matière colorante était plus soluble dans un liquide concentré qu’étendu. Cette réaction peut s’expliquer par la décomposition partielle et l’oxydation du glucoside pendant la préparation de l’extrait. Le produit du dédoublement est alors maintenu en solution concentrée à la faveur des matières sucrées, et se dépose au contraire, si, par dilution, on diminue l’influence des corps étrangers.
- On donne le nom de brésiline au principe colorant libre et dégagé de sa combinaison glucosique.
- Elle a été pour la première fois isolée et étudiée par H. Chevreul (1). Ce chimiste a opéré de la manière suivante : Le bois en poudre est épuisé par l’eau. L’extrait est évaporé à sec, repris par l’eau et le liquide est agité avec de l’hydrate de plomb, dans le but de saturer les acides fixes. On filtre et on évapore à sec. Le résidu est traité par l’alcool. La solution alcoolique, rapprochée et additionnée d’eau, est précipitée par la gélatine qui enlève le tannin. On évapore encore une fois à sec, et on traite par l’alcool bouillant. La brésiline cristallise alors par refroidissement.
- Dans les anciens extraits (même ceux qui ne marquent floe 1,5 à 2° à l’aréomètre) conservés au contact de l’air, dans on endroit frais, on trouve souvent au fond des vases un dépôt cristallin et abondant de brésiline. C’est en opérant sur on semblable résidu que M. Bolley a pu étudier d’une ma-nière plus approfondie les caractères et la composition de ce corps (2). Ce dépôt a été remis à M; Bolley par M. Muller, de Bâle. J’ai eu moi-même entre les mains une certaine floantité de ce produit, provenant de la même origine. En traitant les cristaux formés spontanément, par de l’alcool
- 0) Annales de chimie, lrc série, t. LXVI, p. 225.
- (2) Bolley et Greiff, Schweiz. Polytech. Zeitschr18G4- 1 IX, p. 134.
- II. 2 0
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- absolu bouillant et en évaporant à l’abri de l’air et de la lumière, on obtient des cristaux d’un jaune d’ambre représentant la brésiline pure. Leur forme est celle d’un prisme hexagonal ou klinorhombique. Ils sont solubles dans l’eau, l'alcool et l’éther. La solution aqueuse est un peu plus rougeâtre que la solution alcoolique. La moindre trace d’ammoniaque suffit pour la colorer en rouge-carmin intense.
- Les cristaux conservés dans un flacon prennent une teinte plus foncée sur le pourtour exposé à la lumière. Il est probable que l’oxygène intervient aussi dans ce phénomène et que l’oxydation est favorisée par la lumière.
- La solution alcoolique de brésiline, abandonnée longtemps à elle-même, ou évaporée lentement, dépose, outre les cristaux jaunes volumineux, des paillettes vèrt-cantharide contenant de l’azote. Celles-ci prennent probablement naissance sous l’influence combinée de l’ammoniaque et de l’oxygène.
- Les cristaux de brésiline sont anhydres. Ils se décomposent entre 130 et 140°.
- D’après les analyses de MM. Bolley et Greiff, ce corps pourrait se représenter par la formule
- C22H20O7.
- Dans l’alcool aqueux ordinaire, on obtient souvent des aiguilles enchevêtrées, jaune d’or, appartenant au système monoclinique, et contenant deux molécules d’eau de cristallisation.
- (G22H2o07 -f 2H20 éliminables à 80° centigrades.)
- M. Bolley n’a obtenu aucun produit de substitution, susceptible de contrôler cette formule. D’après lui la brésiline se combine au bisulfite de soude et donne un produit cristallin incolore. Cette réaction la rangerait dans la classe des aldéhydes.
- En chauffant, à 140°, de la brésiline pure avec de l’acide
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- acétique anhydre (anhydride de Gerhardt), j’ai obtenu un dérivé insoluble dans l’eau et cristallisant dans l’alcool en aiguilles d’un jaune très-clair. Ce dérivé, dont l’étude m’occupe en ce moment, me permettra de fixer définitivement le poids moléculaire de la brésiline. Attaquable par l’acide acétique anhydre et donnant un acétate, la brésiline se comporte comme un alcool, et probablement comme un alcool polyatomique. Gomme on pouvait le prévoir, par analogie avec ce qui se passe pour l’hématine, la brésiline chauffée avec de l’ammoniaque à 100°, en vase clos, à l’abri de T air, donne un composé amidé incolore, très-altérable au contact de l’air et fonctionnant comme une véritable base (1).
- La formule de M. Bolley rapproche la brésiline de l’hématine du bois de Campêche. Elle n’en différerait que par les éléments de l’alcool phénique ou du phénol.
- Brésiline............. C22H20O7
- Ilématine............. C16Hu06
- Différence............ C6H60 phénol.
- Ce rapprochement explique l’analogie des deux matières colorantes, analogie qui est assez grande pour que certains auteurs aient cru pouvoir admettre l’identité. Cette identité n’existe pas en pratique, et n’a pas été confirmée par les recherches chimiques récentes. On comprend ainsi pourquoi 1 hématine oxydée par l’acide nitrique ne fournit que de l acide oxalique, tandis que la brésiline donne, en même temps, de l’acide trinitro-phénique ou picrique.
- EMPLOI DU BBÉSIL.
- Les formes sous lesquelles on emploie le bois de Brésil ou ga matière colorante sont :
- >1) Schützenberger et Parnf, Bulletins de la Société indust. de Mulhouse,
- XXXI, p. 50. .
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- 1° Le bois lui-même, réduit en copeaux ou en poudre. Il sert à la teinture en rouge, en rose, en amarante, en cramoisi. Il est souvent mélangé à la garancine, dans la teinture de l’article garancine; enfin on prépare avec lui les jus et extraits concentrés.
- 2° Le jus de Brésil ou petites eaux, obtenu par l’ébullition du bois en poudre ou en copeaux, avec dix-huit ou vingt fois son poids d’eau, sous l’influence de la vapeur d’eau; ou par un épuisement méthodique du bois, par l’eau chaude.
- Il sert à teindre directement, dans la fabrication des extraits concentrés et des laques de Brésil.
- 3° Les extraits concentrés à 10, 15 ou 20° Baumé, et même solides. Cette forme, commode pour le transport et la préparation des couleurs d’impression, commence à se généraliser de plus en plus dans les ateliers.
- Nous verrons dans un article spécial, consacré aux extraits des bois colorants, comment on les prépare.
- La qualité de ces extraits varie beaucoup, d’une fabrique à l’autre, tant au point de vue de la richesse, qu’à celui de la pureté et de la fraîcheur des nuances. Ces différences dépendent de la qualité du bois et des soins apportés pendant l’évaporation pour éviter l’oxydation.
- 4° Les laques (laque cramoisie, laque en boules de Venise; laque de Vienne, de Florence, de Berlin; nouvelle laque, etc.). Elles servent particulièrement pour l’impression des papiers et les divers genres de peintures. Nous consacrerons également un article spécial à la fabrication des laques.
- La brésiline, peu colorée par elle-même, appartient à la classe des pigments qui ne se fixent sur fibres textiles (quelle que soit leur nature) qu’avec le concours d’un intermédiaire ou d’un mordant. Celui-ci, comme pour la garance, non-seulement rend la matière colorante adhérente, mais sert encore à développer la couleur. Si nous teignons avec du bois de Brésil un tissu de coton mordancé en alumine, en
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- ItOIS ROUGE OU BOIS DE BRÉSIL.
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- peroxyde de fer hydraté, ou en un mélange des deux, nous verrons apparaître des nuances rappelant, jusqu’à un certain point, celles de la garance ou plutôt de la cochenille. A savoir : des rouges et des roses avec l’alumine, un violet grisâtre ou un noir avec l’oxyde de fer, et une espèce de puce avec le mélange des deux, un rouge avec le bioxyde d’étain. Le noir n’a rien de remarquable, le violet est laid. Les rouges et les roses ont assez d’éclat et de vivacité, mais ils se ternissent rapidement, et finissent par disparaître sous l’influence de la lumière.
- Avec l’oxyde de chrome hydraté, on obtient une nuance olive.
- Ces couleurs sont remarquables par leur peu de solidité et leur sensibilité aux réactifs. Elles ne supportent pas le savonnage. Les alcalis font immédiatement virer les rouges de Brésil au bleu violacé; les acides le ramènent au jaune.
- La teinture du calicot n’utilise guère la matière colorante du bois rouge, si ce n’est en mélange avec la garancine, ou pour colorer les mordants pendant l’impression. L’usage des extraits rouges, dans ce dernier cas, est fondé sur le peu de stabilité des laques formées. La brésiline disparaît, en effet, entièrement pendant le bousage et le garançage, après avoir rempli son but, celui de permettre à l’ouvrier imprimeur de suivre son travail.
- Les décoctions et les extraits servent fréquemment, dans l’impression des couleurs vapeurs, pour produire des rouges. Outre l’épaississant et la matière colorante, on fait entrer dans ces préparations : 1° de l’acétate d’alumine, 2° du chlorure stannique et de l’acide oxalique, 3° des sels de cuivre (acétate) destinés à provoquer et à hâter l’oxydation pendant le vaporisage. Ces couleurs vapeurs renferment donc, à l’état de dissolution, les éléments de la laque rouge, dont le vaporisage déterminera la précipitation en présence de la fibre, et partant l’adhérence.
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- Exemples de rouges, de roses vapeur et d’application au bois, sur calicot.
- Rouge foncé au rouleau, vapeur.
- 9 litres sainte-marthe à 3°.
- 1 — graine de Perse, à 8°.
- lm,50 mordant rouge. iklI,500 amidon.
- 0gr, 123 nitrate de cuivre, à 50°.
- Rose vapeur, sur tissu mordancé.
- 21U,50 sainte-marthe, à 3°. olu,50 eau.
- 6 livres gomme.
- 360 grammes dissolution pour rose.
- 60 grammes nitrate de cuivre, à. 65°.
- La dissolution d'étain pour rose se prépare avec
- 12 kilogrammes acide azotique, à 36° Baumé.
- :<kil,250 eau. lkil,250 sel ammoniac.
- 2kI1,500 bichlorure d’étain. lkil,500 étain anglais.
- Rouge d’application.
- 5 kilogrammes sainte-marthe, à 3° (y cuire).
- 0kil,250 gomme adragante (ajouter).
- 600 grammes bichlorure d’étain, à 50°.
- 180 — sel pour rose en farine.
- 150 — nitrate de cuivre, à 50".
- 2kll,t00 dissolution d’étain pour rose.
- La couleur d’application n’a besoin, pour se fixer, que du repos et ne comporte pas le vaporisage.
- Rose d’application :
- 1 kilogramme rouge précédent. ikil,500 eau de gomme adragante.
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- BOIS ROUGE OU BOIS DE BRÉSIL.
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- 14. Échantillon de rouge vapeur lima.
- Dans ces couleurs le mordant est mixte (stannico-alumi-uique), ou seulement composé d’oxyde d’alumine, ou d’oxyde d’étain. L’oxyde d’étain donne à la coiüeur une nuance un peu plus marquée que l’alumine.
- La teinture de la laine avec les bois rouges se fait en mordançant préalablement la fibre à l’étain ou à l’alumine.
- Sur 10 kilog. de laine, on prend 1 kilog crème de tartre et 2 litres de dissolution pour rouge, on y passe la laine au bouillon pendant une heure.
- Cette dissolution d’étain pour rouge se prépare avec 8 litres eau, 400 grammes sel marin, lkil,250 étain et 8 litres d’acide nitrique.
- Le bain d’alun se compose, pour 10 kilog. de laine de 2 kilog. alun et 20 grammes d’acide sulfurique. On y laisse la laine une heure au bouillon. Pour les couleurs vapeur, sur laine et soie, et même pour la teinture, les bois ont été en grande partie remplacés par les nouvelles couleurs, au moins en ce qui touche les rouges. Ils entrent plus souvent dans la constitution des nuances puces, bois, etc. et sont alors associés à l'orseille et à d’autres matières colorantes.
- La teinture des laines en consomme aussi d’assez fortes proportions.
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
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- Essai des bois rouges et des extraits.
- Le meilleur mode d’essai est fondé sur les procédés de teinture ou d’impression.
- Pour essayer un bois ou un extrait par teinture, on. opère avec 10 grammes de bois pour un échantillon mordancé en bandes de 25 centimètres carrés, semblable à ceux qui servent pour la garancine, 1 /4 litre d’eau. On teint au bain-marie, dans un bocal en verre, en remuant, pendant une demi-heure. L’échantillon lavé à l’eau est passé dans un bain de son à 80°, lavé à l’eau froide et séché. La comparaison avec le type donnera la richesse et la beauté. Pour les extraits on opère de même, en prenant un poids convenable. L’extrait à 10° Baumé vaut environ 5 fois le bois.
- On peut aussi préparer une couleur :
- 20 grammes d’extrait.
- 200 — mordant d’alumine.
- 140 — d’eau.
- 100 — de gomme pilée.
- Passer au tamis, après dissolution de la gomme. Imprimer sur calicot, au rouleau, ou sur mousseline à la planche plate, sécher, vaporiser et laver.
- Cet essai doit toujours se faire comparativement avec un extrait type.
- Analyse de la couleur sur tissu.
- Rien n’est plus facile que de reconnaître un rouge au bois, fixé sur tissu.
- Ils sont, comme les rouges de garance et de cochenille, décolorés par le chlore et l’acide hypochloreux et laissent, à l’incinération, un résidu composé d’alumine ou d’oxyde d’étain, suivant l’espèce de mordant employé. Ils passent au savon bouillant, ce qui les distingue des rouges garancés. Par
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- BOIS DE CAMPÊCHE.
- S 1 3
- l’immersion successive en acide chlorhydrique et en chaux, ils donnent un violet passant au savon. L’acide sulfurique concentré fait virer les bois au rouge-cerise vif, tandis que la cochenille donne un jaune orangé.
- Bibliographie. — Annales de chimie, lre série, XII, 22i ; XX, 387 ; VI, 17. — Chevreul, Mémoire sur le bois de Brésil, LXVI, 225. — Din-gler, XVII, 2e série, 323; XIX, 283. — Bulletins de la Société d’encouragement, XXe année, 328; LIIIC année, 580. — Bingler’s Poly-technisches Journal, XXV, 80 ; LU, 146; LIV,373 ; XCIII, 111 et 110.
- BOIS DE CAMPÊCHE.
- Les nuances fournies par le bois de Gampêche, sur tissus mordancés, sont assez éloignées de celles des bois rouges ; mais l’analogie de composition que nous avons fait ressortir plus haut, entre les matières colorantes, nous conduit à les étudier simultanément.
- Le bois de Gampêche ou bois d’Inde, bois noir, bois bleu, nous arrive sous forme de grosses bûches dépouillées, du poids de 200 kilogrammes environ ; d’une couleur rouge brun à l’extérieur, moins foncée dans les parties internes, préservées du contact de l’air. Elles sont très-dures, susceptibles d’un beau poli, et offrent de larges crevasses. La saveur est sucrée et astringente; ce bois colore la salive en rouge.
- L'hematoxylon campechianum, dont le tronc fournit cette matière colorante si utile aux teinturiers, est un arbre épineux, de la famille des légumineuses. Il croît dans toutes les parties de l’Amérique méridionale et aux Antilles. La baie de Gampêche au Mexique lui a donné son nom.
- Le campêche fut introduit en Europe peu de temps après la découverte de l’Amérique.
- Les diverses variétés se distinguent par les noms des localités qui les fournissent. Ce sont :
- 1° Le campêche coupe d’Espagne ; 2° le campêche coupe
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- Anglaise provenant de la Jamaïque ; 3° le campêche coupe de Saint-Domingue et d’Haïti. Il paraît plus oxydé que la première espèce ; 4° campêche d’Honduras ; 5° le campêche de la Martinique ; 6° le campêche de la Guadeloupe. Ces deux dernières espèces sont moins riches et moins estimées que les autres (I).
- On doit à M. Chevreul (1810) et à M. Erdmann la connaissance des propriétés et de la composition de la matière colorante du bois de Campêche. Comme pour le bois de Brésil, elle existe dans les décoctions aqueuses sous trois formes, 1° à l’état oxydé, 2° à l’état colorable; elle est alors désignée sous le nom d’hématine ou d’hématoxyline, 3° à l’état de glucoside. La partie oxydée se produit par l’altération dubois au contact de l’air ; c’est à elle que les décoctions doivent leur teinte foncée. Cette oxydation peut, du reste, être plus ou moins avancée. Ainsi, dans les extraits liquides concentrés, le sel marin précipite une substance résineuse presque noire; tandis qu’avec la décoction, le précipité est rouge-brique clair et cristallin.
- Le pouvoir colorant du boisest très-notablement augmenté, à la suite d’une espèce de fermentation qu’on lui fait subir, quelquefois, en l’étalant en poudre humectée, en couches de 1 mètre à lm,5Q d’épaisseur, sur le plancher dallé d’une chambre.
- Il faut avoir soin de renouveler fréquemment les surfaces et d’établir un courant d’air actif, afin d’éviter une trop forte élévation de température.
- Les modifications éprouvées dans ces conditions se portent surtout sur les substances étrangères qui accompagnent l’hématine ; aussi une poudre ainsi fermentée ne salit-elle plus autant les blancs d’un tissu mordancé. Il est probable que dans cette circonstance les glucosides colorants sont saponifiés; de là l’augmentation, du pouvoir colorant.
- (1) Girardin, t. II, p. 5’.3,
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- M. Ghevreul a retiré, pour la première fois, l’hématine cristallisée, en épuisant par l’alcool un extrait aqueux sec de bois de Campêche. M. Erdmann traite le bois de Campêche, ou encore l’extrait aqueux mélangé à beaucoup de sable quartzeux, par de l’éther.
- La solution évaporée à consistance de sirop épais, est mélangée à de l’eau, et abandonnée à elle-même. L’hématine ou hématoxyline cristallise au bout de quelques jours.
- On trouve souvent au fond des tonneaux, où l’on conserve de l’extrait liquide de campêche, l’hématine cristallisée en houppes magnifiques. Ces cristaux prismatiques ont un éclat brun métallique à la surface, tandis que l’intérieur est jaune clair.
- Propriétés de Vhématine ou hématoxyline. — Les cristaux sont jaune clair, brillants, transparents; leur poudre est blanc jaunâtre. Ils appartiennent au système tétrago-nal; saveur sucrée comme celle du bois de réglisse. Elle ne se dissout que lentement et en petite quantité dans l’eau froide; beaucoup mieux dans l’alcool, l’éther et l’eau bouillante.
- Les cristaux prismatiques contiennent 15,1 pour 100 d’eau.
- Lorsqu’on laisse refroidir, dans un flacon bouché, une solution d’hématine saturée à chaud, celle-ci dépose, au bout d’un temps assez long, des cristaux grenus, non déterminables, renfermant seulement 5,6 pour 100 d’eau.
- Ces deux formes correspondent à deux états d’hydratation distincts. La formule de l’hématine sèche est, d’après les analyses de M. Erdmann, C16Hu06. L’hématine prismatique renferme 3 molécules d’eau, et celle en cristaux grenus n’en contient qu’une molécule. Une partie de l’eau de cristallisation s’échappe à 100°; pour dégager les dernières traces, il convient de chauffer plus fortement. Sous l’influence de la chaleur, l’hématine fond dans son eau de cristallisation, puis se décompose en laissant un abondant résidu de charbon.
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- Elle n’est nullement volatile.
- L’hématine pure, exempte de produits d’oxydation et à l’abri de l’air ou de l’oxygène, fonctionne comme un acide faible et donne avec les bases des combinaisons incolores. Celles-ci ont une grande tendance à absorber l’oxygène et à se colorer. Ainsi avec l’eau de baryte on obtient un précipité blanc, mais qui bleuit rapidement à l’air, et finit par prendre une teinte rouge-brun.
- Il est beaucoup plus difficile de préparer une combinaison blanche avec les alcalis. L’affinité de l’hématine pour l’oxygène est tellement exaltée par la présence de la potasse ou de la soude, et il est si difficile de disposer d’hématine complètement désoxydée, que l’addition de ces corps à une liqueur hématique provoque immédiatement une teinte violacée, qui fonce rapidement à l’air.
- On atteindra cependant ce résultat, en utilisant la propriété que possèdent les hématates alcalins d’être très-peu solubles dans une eau chargée de sel marin.
- Si l’on sature une solution froide de campêche ou d’hématine avec du sel marin, et si l’on ajoute peu à peu de la soude caustique, les premières parties du précipité seront colorées, parce qu’elles entraînent la substance oxydée. En filtrant rapidement et en continuant l’addition d’alcali, on verra apparaître un dépôt presque blanc, comme avec la baryte; mais l’accès de l’air le colore rapidement.
- L’acétate de plomb, neutre on basique, précipite Théma-tine en blanc bleuâtre. Le précipité s’oxyde rapidement et se colore.
- Les sels oxydants, tels que sels d’argent, d’or, de cuivre, donnent des dépôts qui s’altèrent rapidement. Dans les deux premiers cas le métal devient libre.
- Le sel d’étain donne un précipité rose inaltérable. L’alun colore en rouge clair les solutions d’hématine, mais sans donner de précipité. L’alun de fer fournit au bout de quelque temps un léger précipité noirâtre.
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- ROIS RE CAMPÈCHE.
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- Les acides minéraux étendus sont sans action. L’acide nitrique attaque vivement l’hématine avec formation d’acide oxalique. Le chlore la change en une substance brune non cristallisable. L’acide chromique et le bichromate sont instantanément réduits, avec production d’unelaque noire assez intense, qui a trouvé des applications dans l’impression des tissus.
- Les caractères assignés par M. Chevreul à une décoction de campêche se rapportent à des mélanges de matière colo-rable (hématine) et de matière colorée (hématéine).
- Sous l’influence des acides minéraux ou organiques étendus une semblable décoction vire au jaune; avec les mêmes acides concentrés elle passe au rouge.
- L’acide sulfhydrique la décolore en formant avec la substance oxydée une combinaison incolore.
- Les acides sulfureux et carbonique la font virer au jaune.
- Alcalis, — coloration rouge, puis violacée.
- Baryte et chaux, oxydes métalliques hydratés — précipités bleus.
- Les sels basiques agissent comme les bases.
- Les sels acides agissent comme les acides.
- L’aluminate de- soude donne un abondant précipité bleu violacé, insoluble dans un excès d’alcali. Ce caractère est tellement sensible, qu’il permet de déceler la présence du cam-Pêche dans un mélange, avec la plus grande facilité (1).
- L’hydrate de protoxyde d’étain s’unit a la matière colonie, à la manière des alcalis, en donnant une laque viola-eee. Le protochlorure d’étain donne un précipité violet.
- L’hydrate stannique fonctionne comme acide et fait virer au rouge.
- Alun, coloration d’abord jaune, puis rouge.
- Sels de fer, précipité noir bleuâtre.
- d) E. Mathieu-Plessy, Bull, de la Soc. industrielle de Mulhouse, t. XXVJI,
- P- 403.
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
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- Sels de cuivre, précipité bien.
- — de zinc, — pourpre foncé.
- Sublimé corrosif, — orange.
- Chlorure d’antimoine, précipité cramoisi.
- Nitrate de bismuth, — violet magnifique.
- L’hématine traitée par l’ammoniaque caustique donne un liquide violet. Si l’on chauffe celui-ci en vase clos, à 100°, pendant quelques heures, il se décolore presque entièrement, par suite d’une réduction provoquée par l’ammoniaque. Le liquide se prend en masse, par le dépôt d’une substance blanche floconneuse, soluble dans les acides en jaune clair et précipitable par les alcalis en blanc. Ce corps, qui renferme les éléments de l’hématine et de l’ammoniaque, fonctionne comme une base organique. Dès qu’il reçoit le contact de l’air, il bleuit rapidement. Je n’ai pu le dessécher pour en faire une analyse. Tout ce que j’ai pu constater, c’est qu’il renferme de l’azote combiné, sous une autre forme qu’à l’état de sel ammoniacal.
- L’hémaline chauffée à 140° avec de l’acide acétique anhydre donne un dérivé acétique coloré en brun clair, insoluble dans l’eau, soluble dans l’alcool. Il se dépose par l’évaporation d’une solution alcoolique, sous forme d’une masse amorphe résinoïde, très-fusible.
- L’analyse de ce dérivé permettra de fixer la véritable formule de l’hématine.
- M. Erdmann donne le nom d’hématéine au produit qui prend naissance lorsque l’hématine absorbe l’oxygène, en présence des alcalis.
- En agitant pendant quelque temps, au contact de l’air, à une douce chaleur, une solution saturée d’hématine dans l’ammoniaque, le liquide prend une coloration rouge-cerise foncé et dépose des-cristaux grenus d’hématéate d’ammoniaque. Celui-ci, décomposé par l’acide acétique, donne un précipité volumineux brun-rouge, devenant vert foncé à l’éclat métallique, par la dessiccation. La poudre est rouge ;
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- BOIS DE CAMPÈCHE.
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- l’hématéine est très-peu soluble dansl’eau froide,plus soluble à l’ébullition, soluble dans l’alcool, peu soluble dans l’éther.
- Sa composition est représentée par la formule C16H1206. Elle ne diffère donc de l’hématine que par deux atomes d’hydrogène en moins et se forme d’après l’équation
- C16H1406 -f O = C16H1206 4- H20.
- Les'alcalis et l’ammoniaque dissolvent l’hématéine en bleu ou en pourpre. Le liquide devient brun à l’air, par suite d’une oxydation plus avancée.
- L’hématéate d’ammoniaque est une poudre noire violacée, formée de prismes microscopiques, à quatre faces, transparents.
- Il est soluble en pourpre dans l’eau, en rouge-brun dans l’alcool.
- Il perd son ammoniaque par la dessiccation à 100°, ou dans le vide, au-dessus de l’acide sulfurique.
- Ce sel précipite la plupart des solutions métalliques. Le dépôt est coloré.
- Sulfate de cuivre, précipité bleu violacé.
- Protochlorure d’étain, — violet.
- Alun de fer, — noir.
- Le nitrate d’argent est réduit.
- L’hématéine n’est donc qu’un premier terme de l’oxydation de l’hématine. Celle-ci peut aller plus loin et fournir des composés noirs ulmiques, comme cela arrive avec les solutions alcalines ou sous l’influence du bichromate.
- L’hydrogène sulfuré décolore l’hématéine sans la transformer en hématine, en se combinant avec elle. Il est probable que par l’intervention d’un réducteur plus énergique, tel que l’acide iodhydrique, on arriverait à régénérer l’hé-hiatine aux dépens de l’hématéine.
- En résumé, la matière colorable du campêche fonctionne
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- comme un phénol susceptible de donner des combinaisons avec les bases et les radicaux d’acides. Ses propriétés générales sont très-voisines de celles de la brésiline, sans toutefois permettre la confusion. Peut-être arrivera-t-on à transformer l’hématine en brésiline, en faisant entrer dans sa molécule le radical phényle.
- USAGES.
- On utilise en teinture : 1° Le bois réduit en poudre ou en copeaux ; 2° la décoction du bois ; 3° des extraits liquides ou secs obtenus par l’évaporation de la décoction.
- La valeur commerciale de ces divers produits s’apprécie le mieux par des essais de teinture ou d’impression, en tout semblables à ceux décrits à propos du bois rouge. Seulement, comme le campêche est plus riche en matière colorante que le bois rouge, on n’emploie que S grammes de bois, pour un échantillon de 2b centimètres carrés.
- Nous étudierons plus tard la fabrication des extraits, consommés aujourd’hui sur une grande échelle.
- Le campêche donne avec les mordants d’alumine des violets grisâtres assez intenses ; avec les mordants de fer, des noirs ou des gris ; avec un mélange des deux, un noir préférable pour la teinte à ceux qui ne renferment que du fer ; avec l’oxyde de chrome et après avoir subi une oxydation par l’acide chromique, il fournit du noir.
- Toutes ces nuances, sauf la dernière, sont très-instables et se détruisent sous l’influence de la lumière, du savon, des alcalis et des acides. Il suffit de toucher un violet campêche ou un noir au fer avec un acide un peu concentré pour le faire virer au rouge.
- Le campêche sert dans la teinture du coton, de la laine, de la soie et du cuir, ainsi que dans la préparation de certaines couleurs vapeur. Il donne des nuances assez variées, suivant le mode de fixage.
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- BOIS DE CAMPÊCHE.
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- Fixation sur coton.
- Les bleus de teinture sur coton se forment en teignant dans un bain préparé avec une dissolution de campêche de 1 /2° à 2°, additionné d’acétate de cuivre ; on monte, de la température ordinaire à 50°, en une heure.
- Ces bleus imitent les cuvés et sont très-foncés.
- On peut aussi passer alternativement en bain de cuivre et en bain de campêche.
- Pour obtenir des fonds noirs sur coton, on mordance le tissu avec un mélange en proportions convenables de pyrolignite de fer et d’acétate d’alumine, auquel on ajoute quelquefois du salpêtre, pour favoriser l’oxydation du fer. On bouse à la manière ordinaire.
- La teinture se fait en montant de 30° à l’ébullition. On ajoute quelquefois du sumac ou du quercitron au bain de campêche ; souvent aussi, l’on teint préalablement avec un mélange de bouse et de quercitron.
- Les fonds noirs campêche comportent, généralement, un enlevage sur mordant, à l’acide oxalique.
- Le noir au campêche imprimé ne diffère du fond qu’en co qu’au lieu de plaquer au mordant ferrico-aluminique, on imprime ce dernier.
- 15. Échantillon de noir teint au campêche.
- II.
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- Pour fixer le campêche au chromate, il suffit d’imprimer une décoction concentrée de bois ou un extrait étendu, en mélange avec de l’acétate d’alumine. Après dessiccation, on passe en bain de bichromate à 40°. Cette couleur noire, très-solide comparativement aux autres noirs de campêche, se forme par suite d’un phénomène d’oxydation spécial qu’éprouve l’hématine sous l’influence de l’acide chromique. L’oxyde de chrome reste dans la laque noire ainsi engendrée.
- ÎO. Échantillon noir campêche chromé.
- On obtient encore un noir, par l’impression d’une décoction de campêche mélangée à un sel ferroso-ferrique (sulfate ferreux et sulfonitrate de fer), et un passage en lait de chaux tiède.
- La base alcalino-terreuse détermine la suroxydation de l’hématine.
- Le fait de l’oxydation de l’hématine par le bichromate de potasse a été appliqué pour une teinture très-économique du coton.
- A 500 litres d’extrait à 2°, on ajoute l*ll,500 de bichromate dissous et additionné de3kll,500 d’acide chlorhydrique. Les éche veaux ou les tissus sont passés dans le mélange dont on élève la température jusqu’à l’ébullition. La fibre prend
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- BOIS DE CAMPÊCHE.
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- une nuance bleu-indigo foncé, qui passe au noir bleuté par un lavage à l’eau.
- Ces deux dernières méthodes de former des noirs campê-che se rapprochent des procédés employés à la fixation des couleurs cachou.
- En effet, par sa manière d’être en teinture, l’hématine rappelle jusqu’à un certain point la catéchine.
- Les fonds gris s’obtiennent en foulardant dans un bain faible de pyrolignite de fer. Après l’oxydation et le bousage, on procède à la teinture.
- Cette dernière opération ne réclame pas de soins particuliers. Elle s’exécute dans des cuves analogues à celles qui servent dans le garançage.
- Les extraits et décoctions de campêche servent à la préparation d’un grand nombre de couleurs vapeur et d’application.
- En voici quelques exemples :
- Noir vapeur sur coton. -
- Extrait de campêche à 6°.... . 5 kilogrammes.
- Acide acétique . lkil,250
- Pyrolignite d’alumine à 10°.. . Ikil,2o0
- Pyrolignite de fer à 14° . tkil,250
- Amidon blanc . 7b0 grammes.
- Cuire pendant une heure et remuer la couleur à froid
- Imprimer, sécher, vaporiser. Noir vapeur au rouleau.
- Extrait de campêche à 17°... . oUt,b0
- Acide pyroligneux à 2° . 2 litres.
- Pyrolignite de fer à 12° . 6 —
- Amidon . 2kil,125
- Léiocomme . 2kil,125
- Huile . 0'il, 12
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- 17. Échantillon do noir vapeur.
- Noir d’application et vapeur pour rouleau.
- 2lil,50 H litres.
- 4IU,oO 6Ut,75 3kil,o08
- 4 kilogrammes. 11U,50
- | Cuire et ajouter à tiède. Sel pour rose........ 2 kilogrammes.
- Ce noir qui n’est qu’un violet d’application intense se développe très-vite à l’étendage chaud.
- L’extrait de campêche entre concurremment, avec les extraits de bois rouges et de quercitron, dans les puces et grenats d’application sur coton.
- Il intervient seul pour les lilas vapeur et d’application.
- Eau.........................
- Pyrolignite de fer à 14°....
- Acide pyroligneux à 2°......
- Extrait de campêche à 20°...
- Amidon blanc................
- Amidon grillé...............
- Huile tournante.............
- Noir d’application bleuâtre.
- Campêche à 4° Baume.. 20 litres.
- Amidon blanc.......... 6 à 8 livres.
- Chlorate de potasse... 40 grammes.
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- DOIS DE CAMPÈCHE.
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- Exemples :
- Lilas vapeur foncé, pour planche.
- Eau.................
- Campêche à 10°......
- Gomme...............
- Alun................
- Nitrate de cuivre à 50°
- Lilas vapeur pour rouleau.
- ampêche à 8°........ ilu,l2
- ( 5 litres eau.
- Acétate d’alumine à 15°. 11U,50 \ 2kil,50 alun.
- ( 1 kil,800 acétate de plomb.
- Acide oxalique...... 240 grammes.
- Gomme............... IkiI,2bO
- Lilas mère d’application.
- Campêche à 5°..
- Eau..............
- Gomme............
- Sel ammoniac..
- Sel pour rose...
- Sulfate de cuivre Acide oxalique..
- 10 litres.
- 4 —
- 8 kilogrammes. 750 grammes.
- ikil,850.
- 250 grammes.
- 150 —
- 48 litres.
- 8 —
- 17 kilogrammes. 3kil,800 250 grammes.
- Dans ces couleurs d’application ou vapeur, on fait intervenir, outre la matière colorante et le mordant (préparation de fer, d’alumine ou d’étain), les sels de cuivre avec le sel ammoniac. Le rôle de ces deux agents combinés est oxydant. La théorie de leur manière d’être est déjà faite, à propos du noir d’aniline. Les sels de cuivre pourront être remplacés, avec avantage, par le sulfure introduit par M. Lauth dans l’impression.
- Gris vapeur au rouleau.
- Eau............................. 5 litres.
- Acide pyroligneux à 2°.......... 0m,50
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- 326
- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- Campéche à 2°.............. 9/16 de litre.
- Quercitron à 2°............ 1/16 —
- Sel ammoniac............... 0kil,25
- Amidon grillé. .•.......... lkil,500
- Pour chaque litre de cette couleur, on ajoute 60 grammes du mordant ci-contre (bleu).
- Cyanure jaune............
- Chlorate de potasse......
- Eau......................
- Acide sulfurique à 65°...
- Eau......................
- Autres gris vapeur.
- . Campéche à 2°............... 0IU,4
- Acide acétique à 8°.......... 0IU,bisulfate de fer à 20°......... • 0IU,4
- Eau de gomme................. 12 litres.
- . Campéche.................... 2Ht,5
- Acide pyroligneux 2°........ 1 litre.
- Mordant rouge à 8°........... 21U,5
- Eau......................... 13 litres.
- Pyrolignite de fer à 10°.... 2IU,5
- Amidon....................... 2kil,250
- Gris d’application.
- „ Eau........................... 1 litre
- Y dissoudre.
- Gommeline................... 1 kilogramme.
- Eau de gomme adragante...... 0kil,125
- Acide pyroligneux à 3°...... 0ut,2o0
- Campéche à 10°.............. 0ut,060
- Sulfate de fer à 20°........ 0lil, 180
- Mordant d’alumine........... 0Ut,060
- 500 grammes. 150 —
- 01U,75
- 640 grammes. |
- 0ut, 12 j
- Mélangés d’avance.
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- BOIS DE CAMPÈCHE.
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- 18. — Echantillon de gris de campôche, applications.
- Les olives, résédas, bois, se font assez souvent par l’intervention du campêche.
- Teinture de la laine et de la soie.
- On obtient un bleu au campêche, sur laine, en mordançant en alun et crème de tartre, et en teignant dans un bain bouillant de campêche ou d’extrait, auquel on ajoute du sulfate de cuivre.
- Pour le bleu de roi, on emploie, pour 100 kilogrammes laine.
- Alun........................ 10 kilogrammes.
- Tartre...................... 2 —
- Sulfate de cuivre........... 1 —
- Campôche en copeaux......... Quant, suffis.
- Le campêche entre dans la teinture du bleu national sur drap, en mélange avec l’indigo cuvé, le santal, l’orseille et la noix de galle.
- Pour les noirs d’Elbeuf et de Sedan, la laine cuvée en indigo et ayant reçu un pied de bleu plus ou moins intense, est teinte dans un bain bouillant, monté avec du campêche, du sumac et du sulfate de fer.
- Si la laine n’est pas cuvée, on la mordance préalablement
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- 32 8 TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- en alun et crème de tartre, et on teint en campêche, bois jaune, orseille, alun, crème de tartre et couperose.
- Un noir solide, qui ne décharge pas, se prépare en mor-dançant la laine dans un bain de bichromate et de crème de tartre, puis en teignant en campêche, orseille et alun. La laine jouit de la propriété de fixer et d’attirer le bichromate d’une solution. On comprend alors que, dans cette teinture, les mêmes phénomènes, que nous avons observés sur le coton, se produiront entre le bichromate adhérent et l’hématine. En associant au campêche du bois jaune, du santal, du cur-cuma et de l’alun, on obtient avec la laine mordancée en bichromate et crème de tartre (à l’ébullition), des couleurs bronzes très-éclatantes et très-belles.
- Les noirs vapeur d’impression sur laine, renferment :
- 1° De l’extrait de campêche;
- 2° Un sel de cuivre (sulfate, chromate de cuivre) comme oxydant;
- 3“ De l’alun, mordant;
- 4° Du nitrate de fer, au maximum et au minimum, mordant;
- 5° De l’acide oxalique.
- On fait aussi intervenir souvent le bichromate de potasse, le sel ammoniac.
- Les gris vapeur sur laine renferment :
- 1° L’extrait de campêche ;
- 2° Le nitrosulfate de fer.
- Certains puces vapeur et couleurs fantaisies utilisent également cette matière colorante.
- Les noirs vapeur sur soie se préparent, en imprimant une couleur épaissie, composée de campêche, noix de galle, sel de cuivre (nitrate) et sel ferroso-ferrique.
- On teint la soie en noir dans un bain de campêche, ou extrait de campêche, après l’avoir mordancée en sulfate fer-
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- ROIS DE CAMPÈCHE.
- 329
- l'cux, ou dans un mélange de sulfate ferreux et de nitro-sul-fate de fer, ou en nitrate ferreux (solution de fer dans l’acide nitrique convenablement étendu et froid).
- On répète souvent les immersions successives. On peut aussi, pour modifier la nuance, ajouter une certaine proportion de bois jaune au bain colorant. Si la soie a été mordancée en nitrate ferreux, elle a perdu de sa souplesse; on lui restitue cette qualité par un passage en huile d’olive émulsionnée. Quelquefois on rehausse l’extrémité du noir et on augmente beaucoup le poids de la soie, en la chargeant dans une solution de sous-acétate de plomb, et en l’exposant ensuite aux vapeurs d’hydrogène sulfuré.
- Analyse sur tissu.
- Noirs au campêche. — Laissent une cendre composée de peroxyde de fer, d’un mélange d’oxyde de fer et d’alumine ou d’oxyde de chrome.
- Se décolorent par le chlore et l’acide hypochloreux.
- Deviennent rouges par l’acide chlorhydrique et le sel d’étain.
- En comprimant la partie rougie par l’acide, sur une feuille de papier blanc à filtrer, on aura une tache rouge cerise passant au bleu sous l’influence d’une goutte d’aluminate de soude.
- Violets au catnpêche. — Laissent une cendre blanche d’alumine. Se décolorent par le chlore. Deviennent rouges Par l’acide chlorhydrique, puis bleus, après addition d’aluminate de soude. Un lait de chaux, suivi d’un bain de savon, les décolore.
- Bibliographie. — Annales de chimie, Ire série, XV, -133 ; LXXXI, d28 ;
- I-XVI, 225 ; 2e série, LXX, 272. — Bulletins de la Société industrielle
- de Mulhouse, XIX, 203 ; XXXI, 503. — Bulletins de la Société d’encou-
- '‘agement, XXVI, 317. — Annalen der Chemie und Physick, LXXXIII,
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- 3 B 0
- TRAITE DES MATIERES COLORANTES.
- 332. — Journal fur Prakt. Chemie, XXVI, 193. — Répertoire de
- chimie appliquée, I, 225. — Dingler, Polytechnisches Journal, LIV,
- 371 ; LXXXVI, 425 ; CXXXII, 399.
- BOIS DE SANTAL.
- Ce bois qui nous arrive en bûches équarries ou en morceaux de diverses grosseurs, offre des propriétés assez remarquables.
- ha p ter o car pas santalinus, qui le fournit, est un très-bel arbre des Indes orientales, de Geylan, de Golconde, de Timor et de la côte de Coromandel. Le bois est dur, pesant, densité 1,014, très-sec, brun noirâtre à l’extérieur et rouge à l’intérieur. Les fibres sont disposées par couches dirigées alternativement en sens inverse. Il en résulte qu’en y passant le rabot, la surface est alternativement polie et déchirée.
- Le vieux bois est le plus convenable pour la teinture. L’intérieur du tronc est plus riche en matière colorante que l’extérieur.
- Le santal rouge se trouve dans le commerce en poudre rouge plus légère que l’eau. Odeur faible, agréable, rappelant l’iris, saveur légèrement parfumée. Il contient, outre le pigment, des matières gommeuses astringentes, du chlorure et du sulfate de calcium, du chlorure de potassium, des sels de potasse à acides organiques, du phosphate de magnésie, de l’alumine, de l’oxyde de fer et de l’acide silicique.
- La matière colorante du bois de santal est insoluble dans l’eau froide, très-peu soluble dans l’eau bouillante, soluble dans l’alcool, l’éther, l’acide acétique, les alcalis caustiques, et précipitable de ces dernières solutions par un acide.
- L’histoire chimique de ce produit est encore à faire ou a compléter.
- Pelletier a le premier isolé lasantaline, sous forme de résine rouge, offrant les caractères de solubilité ci-dessus mentionnés.
- M. Meier extrait la santaline, en traitant le bois par l’éther.
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- BOIS DE SANTAL.
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- La solution concentrée fournit des cristaux impurs qui sont lavés à l’eau, redissous dans l’alcool. La solution alcoolique est précipitée par l’acétate de plomb. Le précipité, bien lavé à l’alcool bouillant, est décomposé par l’acide sulfurique en présence de l’alcool. Le liquide concentré dépose la santa-line sous forme de petits cristaux d’un beau rouge, fusibles à 104°.
- Dussauce propose de précipiter, par l’hydrate de plomb, l’extrait alcoolique de bois. Le précipité lavé est dissous dans l’acide acétique, et la solution est additionnée de beaucoup d’eau.
- La matière colorante se sépare, mais elle n’est pas pure, car, d’après Sauerwein, elle ne donne pas de bons résultats en teinture.
- Le bois renferme en moyenne 16 pour 100 d’acide santa-lique.
- D’après les analyses de MM. Weyermann et Haeffely, la santaline aurait une composition représentée par la formule L15H1405, formule contrôlée par l’analyse d’un sel de baryte, obtenu sous forme d’un précipité violet et cristallin, en mélangeant du chlorure de baryum avec une solution ammoniacale de santaline, Gi5Hl3Baf05.
- M. Bolley admet l’existence de deux matières colorantes, dont l’une plus oxydée que l’autre différerait par H2 en moins. Celle-ci se trouverait dans les bois anciens fortement colorés en rouge et l’autre dans les bois peu colorés.
- D’après les travaux de Meier et de Wimmer, la santaline serait accompagnée de diverses matières colorantes rouges et brunes, plus solubles dans l’eau, et qui seraient des produits d’oxydation. Ce fait paraît probable et s’accorde avec ce que 1 °n observe pour d’autres matières colorantes.
- Les jeunes pousses dupterocarpus santalinus sont jaunes à l’intérieur, et ne se colorent en rouge que parl’action de l’air.
- Propriétés de la santaline. — Elle se présente sous forme d une belle poudre cristalline rouge, insoluble ou à peu près
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
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- dans l’eau, soluble dans l’alcool,l’éther, l’acide acétique. Les solutions acétiques cèdent leur matière colorante aux substances albuminoïdes, qui la retiennent avec énergie. Les alcalis dissolvent la santaline en rouge violet foncé; les acides reprécipitent la matière colorante intacte, elle fond à 104°.
- Voici, d’après M. Girardin, l’action des réactifs sur la teinture alcoolique de santal.
- Eau, trouble jaune d’ocre.
- Alcalis, virent an cramoisi.
- Eau de chaux, précipité brun rougeâtre.
- Protochlorure d’étain, précipité rouge de sang.
- Bichlorure d’étain, précipité rouge-brique.
- Sels ferriques, précipité rouge brun.
- Sels de plomb, précipité violet.
- Sublimé, précipité écarlate.
- Sels d’argent, précipité rouge brun.
- Le bois de santal sert à la teinture de certains rouges, sur laine et coton mordancés en alumine ou en oxyde d’étain; mais on en consomme la plus forte proportion pour la préparation du bleu Nemours ou national sur laine, et, en mélange avec d’autres matières colorantes, pour les bruns, bronzes et olives. Cette matière colorante peut, du reste, se fixer sur laine sans le concours des mordants.
- Au bois de santal se rattachent différents bois, connus dans le commerce sous les noms de :
- i° Galiatour ou cariatour. Origine, Indes orientales. Bûches de 2 à 3 mètres. Dur, compacte, pesant, rouge vif à l’intérieur, supérieur au santal proprement dit sous le rapport de la vivacité.
- 2° Bois de Madagascar. Rouge vineux, volumineux.
- 3° Barwood. Sierra-Leone, en Afrique, fourni par le baphia nitida. Poudre grossière d’un rouge vif, plus ri-che que le santal ; donne sur coton une couleur rouge brillante, brunissant parle savon.
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- COCHENILLE.
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- 4° Le Carmvood très-voisin du Barwood, vient aussi de la côte d’x4frique.
- A Elbeuf on emploie ces bois pour la teinture des laines. Ils donnent des nuances autres que le bois de santal ordinaire.
- Bibliographie du santal. — Annalen der Chemie und Pharmacie, LXXII, 316 ; LXïl, 150; LXXIV, 226. — Annales de chimie et de physique, LI, 193 (2). — Archiv der Pharm., LV, 28b; LVI, 41. — Din-qler’s polytechnisches Journ., XCIil, 113.
- COCHENILLE. —• KERMÈS. — LAC-LAKE. — RÉSINE LAQUE. —
- LAC-DYE.
- La belle matière tinctoriale rouge, connue dans le commerce sous le nom de cochenille, n’est autre chose que le corps desséché d’un petit insecte du genre hémiptère, de la tamille des gallinsectes.
- L’importance de la cochenille a beaucoup diminué depuis la découverte des couleurs artificielles, cependant elle sert encore, avec avantage, dans la préparation de certaines couleurs, telles que le ponceau et le rouge écarlate sur laine.
- Les insectes à matière colorante rouge vivent sur diverses plantes. On les distingue en : 1° Cochenille proprement dite ou coccus cacti ; 2° coccus ilicis ou kermès ; 3° coccus lacca °u ficus; 4° coccus cerificus ; 5° coccus polonicus radicens.
- Les coccus, ou gallinsectes, se divisent en deux groupes suivant qu’ils contiennent ou non du pigment rouge. Cette distinction a peu d’importance au point de vue d’une classification naturelle ; elle en a au contraire beaucoup pour nous. ^°us ne nous occuperons que des premiers, qui portent le Boni générique de Cochenilles.
- Ce sont généralement de petits insectes de la grosseur d’une lentille ou d’un pois, vivant sur les parties aériennes, ou sur les racines de la plante.
- Leur base, dans laquelle se confondent la tête, le cou et le
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
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- ventre, est ovale et présente la forme d’un bouclier ; ils sont munis d’antennes et de pieds articulés.
- Ils restent généralement immobiles sur les parties vertes ou charnues de la plante et n’abandonnent que rarement la place où ils ont fixé leur suçoir. Les mâles seuls, qui n’apparaissent que plus tard, et qui n’ont pas de suçoir, se promènent ou volent. Les femelles restent sur les œufs, y meurent et se dessèchent, sous forme d’une coque vide qui sert de tégument aux œufs.
- Leur immobilité et leur paresse est telle qu’on les prend facilement, vu la simplicité de leurs formes, pour des excroissances verruqueuses.
- Ils vivent généralement sur les plantes qui passent l’hiver sans perdre leurs feuilles, et leur existence se prolonge pendant une année environ.
- Lorsqu’ils sont arrivés au summum de leur croissance, ils ont la forme de petits hémisphères implantés à la surface végétale par leur base, ou de dessins ovoïdes. Leur couleur varie du brun, au rouge, au violet ou au noir.
- Cochenille vraie ou coccus cacti.
- L’insecte, dont le corps desséché constitue la cochenille du commerce, vit sur une espèce de cactus (cactus opuntia ou nopal, opuntia coccinilifera), qui croît, à l’état sauvage, au Mexique, et que l’on cultive aussi d’une manière régulière. Les champs ainsi cultivés portent le nom de nopaleries.
- Le nopal est une plante grasse, droite, composée d’articles dressés verticalement, déformé ovoïde allongée, aplatis, avec peu de pointes réunies par places, sous forme de brosses. La hauteur est de 2 à 3 mètres, la longueur des articles de 0m,50, leur largeur de 0m,15 environ et leur épaisseur de 0m,01 à 0m,02.
- Les fleurs sont petites, jaunes ou rouges, peu ouvertes, avec de longues étamines ; les fruits ont la forme de figues
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- COCHENILLE.
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- rougeâtres, munies de petites pointes ; leur saveur est douce. Lorsqu’on en mange, l’urine est teinte en rouge et l’on est sujet à des constipations.
- On distingue deux espèces de cochenilles : la cochenille Mestèque, domestique, ou cochenille fine, préparée princiT paiement à Mestèque, dans la province de Honduras; et la cochenille sauvage ou silvestre, recueillie sur les nopals sauvages.
- La première est beaucoup plus estimée que la seconde, à cause d’une plus grande richesse en matière colorante.
- Les Indiens plantent le nopal autour de leurs habitations et sur les versants abrités de leurs collines, comme nous disposons la vigne ; ou bien encore dans des gorges éloignées de plusieurs milles des habitations. A cet effet, on coupe et on brûle les arbres sauvages et on nettoie le terrain deux fois l’an. La plantation se fait par boutures, qui, au bout de deux ans, sont aptes à la nourriture de la cochenille. Certaines plantations contiennentjusqu’à60000 pieds de nopals alignés. On fait la récolte de l’insecte avant la saison des pluies, et pour la reproduction on coupe des tranches de nopal couvertes de jeunes individus et on les conserve à l’abri, jusqu’à la bonne saison. Durant ce temps ds se sont développés. On les porte aux champs dans de petits nids de mousse.
- Cette opération se fait au mois d’août, en plaine, et au ntois de novembre, sur les hauteurs.
- Suivant la saison, on transporte souvent les femelles, enveloppées dans des feuilles de palmier, à d’assez grandes distances, de la plaine sur les hauteurs, ou réciproquement. Ln climat tempéré convient le mieux pour la culture.
- Après quelques jours, ils déposent leurs jeunes, par milliers, sous forme de petites têtes d’épingles. Ceux-ci ne lardent pas à se répandre sur la surface des nopals et à s’y fixer. Au bout de trois à quatre mois, on fait une première récolte, au moment où les femelles vont effectuer leur ponte
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- TRAITE DES MATIERES COLORANTES.
- et lorsqu’on aperçoit sur les nopals quelques insectes nouveau-nés. La récolte se fait dans des paniers de paille, ou dans des bassins de fer-blanc munis d’une échancrure dans laquelle on engage la partie étroite des articles de nopals. Avec un pinceau on fait tomber les cochenilles mères dans le récipient.
- Les mères, qu’on a laissées, produisent une nouvelle génération qui pourra être enlevée au bout de trois à quatre mois avant la saison des pluies.
- Cette seconde opération se fait avec un couteau à tranchant émoussé qui, grattant toute la surface delà plante, enlève les jeunes individus, comme ceux qui ont acquis tout leur développement. Ce produit est moins estimé et est connu sous le nom de granilla.
- Les insectes sont tués par une immersion très-courte dans l’eau bouillante, puis desséchés au soleil ou dans des fours.
- Le traitement à l’eau fait perdre à l’insecte son duvet blanc et lui donne une couleur rouge-brun. La cochenille ainsi préparée porte le nom de reneqrida. Souvent aussi la cochenille est enfermée dans un nouet de linge et tuée au four ; elle garde sa couleur grise naturelle et porte le nom de jaspeada. On tue encore mieux par une exposition à la vapeur d’eau.
- La dessiccation dans les fours se fait simplement, en étalant l’insecte sur les plaques où l’on a l’habitude de cuire les gâteaux de maïs ; elle communique à la cochenille une couleur noirâtre; on l’appelle alors necjra.
- Dans les grandes exploitations ces pratiques sont remplacées par des procédés réguliers qui conservent à la matière colorante son aspect le plus favorable.
- Les femelles reproductrices, mortes dans les nids, perdent plus à la dessiccation que celles qui portent encore leurs jeunes.
- Quatre kilogrammes des dernières et trois kilos des premières donnent un kilogramme de matière sèche.
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- COCHENILLE.
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- Un hectare de nopalerie prod uit environ 300 kilos de cochenille ; trois hommes suffisent pour le soigner. 140000 insectes donnent 1 kilogramme de cochenille sèche.
- Les grains de cochenille sèche se présentent sous forme orbiculaire. Ils sont anguleux, noirâtres, rougeâtres ou gris; de 2,03 à 3 millimétrés de diamètre.
- Macérés dans l’eau tiède, ils se gonflent et prennent la forme hémisphérique. On distingue alors très-bien les anneaux qui composent le corps de l’insecte, la place des trois paires de pieds, du suçoir et de la tête.
- Si l’on comprime ces grains gonflés, ils éclatent et il en sort des milliers de petits grains rouge foncé, semblables à des œufs, mais que l’on reconnaît, au microscope, comme formés d’individus déjà développés. Les mâles sont ailés, beaucoup plus petits et beaucoup plus alertes.
- La cochenille Mestèque est blanche, couverte d’une poudre farineuse ; la cochenille silvestre est plus petite et enveloppée d’un duvet laineux, qui ne permet pas d’en apercevoir les articulations.
- Les observations précédentes sont faciles à faire, malgré cela on prit pendant longtemps la cochenille pour une graine et un produit végétal.
- Lopez de Gomara en 1325, et Plumier, en 1692, donnèrent les premiers la description de l’insecte et de la plante sur laquelle il vit, mais leur opinion ne fut point écoutée.
- Hartsœker en 1694, de la Hire en 1704 et Geoffroy,
- 1714, appelèrent de nouveau l’attention sur la véritable nature de la cochenille ; mais ce n’est qu’en 1729, que le débat fut clos, par les informations que fit prendre le Hollandais Ruuseher, auprès des éducateurs de cochenille de la vallée d’Oaxaca (1).
- Le Mexique a conservé pendant longtemps le monopole de la cochenille. On la cultivait principalement dans les
- (*) Histoire naturelle de la cochenille. Philos. Transactions, XXXVi , P-265. Amsterdam, 1729, in-8°, p. 175.
- TT.
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- 338 TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- provinces de Tlascala, d’Oaxaca, de Guatimala, d’Honduras. Oaxaca livrait en Europe 400 surons de produit.
- La flotte espagnole apportait par an, à chacun des grands négociants d’Amsterdam, 2 à 3000 surons de cochenille.
- Le suron renfermait de 130 à 200 livres. Chaque vaisseau portait 1300 à 1400 surons. On a calculé que l’importation de la cochenille en Europe atteignait le nombre de 880000 livres, en 1833, dont le tiers en cochenille sauvage. La valeur représentée par cette masse de produit est d’environ 150000 francs.
- La culture de la cochenille au Mexique était pratiquée par les Indiens, bien avant la découverte de l’Amérique.
- Elle s’est considérablement développée depuis. Vers le milieu du siècle passé, le gouvernement espagnol fit couper toutes les plantations de nopals dans la presqu’île du Yuca-tan, pour faire hausser le prix de la cochenille.
- Ce n’est que vers 1830 que la culture de la cochenille fut importée en Espagne (Malaga, Valence) et aux îles Canaries, en Algérie et à Java.
- Ces différentes plantations ont bien réussi.
- D’après l’autorité du médecin Ctésias(400 ans avant Jésus-Christ) et d’Élien (sous Alexandre Sévère), la cochenille était connue très-anciennement, en Perse et aux Indes.
- Voici quelles sont, d’après M. Girardin, les diverses espèces commerciales et leurs caractères.
- 1° Cochenilles Honduras. Venant directement en Angleterre de cette province du Mexique. Très-estimées. Elles comprennent :
- a. La cochenille noire ou zacatille, noirâtre ou d’un rouge brun, luisante, avec des traces d’un enduit blanchâtre; poudre d’un rouge cramoisi, devenant rouge brun très-foncé par l’eau. Valant 18 à 19 francs le kilogramme.
- b. La cochenille grise, jaspée ou argentée. Enduit blanchâtre, nacré et pulvérulent, adhérent sur toute sa surface; il est dû à une substance volatile, offrant à la loupe une
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- COCHENILLE.
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- forme cristalline très-marquée. Poudre d’une couleur moins foncée et prenant une teinte moins intense par l’eau. Valant 17 francs le kilogramme.
- c. Cochenille rougeâtre. N’offre la poussière blanche que dans l’intérieur des rides. Moins estimée. Vaut 16 francs le kilogramme.
- Elles tiennent en sacs recouverts d’un jonc ou d’un cuir (surons), et pesant de 75 à 80 kilos.
- 2° Cochenille Vera-Critz. Arrivant par Bordeaux et le Havre, en surons de 80 à 100 kilogrammes.
- La lre qualité ou zacatiîle vaut 18f,50 à 19 fr. le kilogr.
- La 2e — la grise, vaut 17 francs.
- La 3e — la rougeâtre, vaut J 6 francs.
- L’insecte doit être creux, léger et frisé. La cochenille en gros grains, terne et chargée de menus et de grabeaux résineux, est moins estimée.
- 3° Cochenille des Canaries. Venant de Cadix par Marseille.
- H en arrive peu. Prix plus élevé que celui des cochenilles du Mexique.
- L’argentée vaut 18f,50 à 19 francs le kilogramme.
- La noire vaut 17f,ti0 à 18 francs.
- Elles sont logées dans de petits sacs de 25 à 30 kilogrammes, dans de petites caisses ou en petits barils. Cette •s°rte est toujours très-bonne.
- Cochenilles Java. Importées directement en Hollande, d où elles viennent par voie d’Amsterdam ou de Rotterdam.
- Hiles sont logées dans de petites caisses en fer-blanc, renfermées dans des caisses en bois, pesant 40 à 60 kilogrammes.
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- Petite, rougeâtre, peu estimée. Valant de 3 à 4 francs de moins que celle du Mexique (1).
- Kermès animal ou végétal, graine d'écarlate, cochenille du chêne (coccus ilicis).
- Le chêne à kermès ou chêne vert, à feuilles piquantes (iquercus coccifera), croît en abondance dans le midi de la France, en Espagne, dans l’Archipel grec, principalement à Candie. Cette variété ne dépasse jamais les proportions d’un arbuste de i mètre à 1“,50 de hauteur. Il n’exige aucune culture ni aucun soin, et se trouve généralement dans les parties pierreuses et arides.
- Le kermès récolté par les paysans, sur les feuilles de cet arbrisseau, a longtemps été considéré, à tort, comme une excroissance végétale. Cestoni démontra le premier, dans l’ouvrage de Ballisnieris (1714), la véritable nature de ce produit, et le rattacha à la famille des gallinsectes ; tandis que Marsilli (1711), prétendait que c’était une espèce de galle. Cette dernière opinion était surtout fondée sur la propriété du kermès de donner de l’encre noire avec les sels de fer. Il paraît, d’après cela, que le tannin du suc végétal ne se modifie pas beaucoup, en passant dans le corps de l insecte.
- Les kermès sont fixés, sous forme de baies bleuâtres, recouvertes d’une poussière blanche, aux tiges de l’arbrisseau, tantôt isolés, tantôt réunis en groupes.
- La couleur rouge brun pâle, qu’ils offrent dans le commerce, est due au vinaigre avec lequel on les asperge.
- Au mois de mars la graine d’écarlate offre la grosseur d’un grain de millet, d’une belle couleur rouge ; elle est.
- (1) Girardin, Traité de chimie appliquée, t. II, p 553. — Persoz, Impression des tissus, t. I, p. 509. — Thiéry de Menonville, Traité de la culture du nopal et de l'éducation de la cochenille, 2 vol. in-K*. Paris, 178T-Réaumur, IV, t. VII, p. 87, fig. 11 à 19. — Ruusclier, Amsterdam, in-£*i p. 175.
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- couverte d’un duvet cotonneux ; sa forme est celle d’un pruneau coupé en deux ; on aperçoit au microscope, sous le ventre, beaucoup de points brillants comme de l’encre. Au mois d’avril leur volume a acquis celui d’un pois, et leur forme s’est arrondie; l’enveloppe cotonneuse a disparu, et a été remplacée par une poussière blanche superficielle.
- En mai, on trouve, au dessous d’eux, un dépôt considérable de petits œufs de couleur rouge clair.
- Les jeunes, éclos des œufs, sont rouges, ovales, avec des points dorés sur leur dos convexe, striés en travers. Ils ont six pieds et deux antennes, d’une longueur égale à celle du corps, et deux appendices filiformes à la partie postérieure ; ils ont deux yeux noirs. Ils peuvent sauter comme des puces. Les mâles ont des ailes blanches.
- L’abondance de la récolte dépend de la douceur de l’hiver, et notamment des conditions atmosphériques du printemps. Les gelées blanches et les brouillards lui sont défavorables. Les arbustes âgés en portent plus que les jeunes. Le kermès du bord de la mer est plus gros et plus brillant. Il est récolté par des femmes, le matin, avant que le soleil ait chassé la rosée; les feuilles sont alors moins piquantes. Elles détachent l’insecte au moyen des ongles. Avec un peu d’habitude on peut en recueillir 1 kilogramme par jour.
- Dans l’île de Candie, où on lui donne le nom de coccus baphica, ce sont les pâtres et les jeunes enfants qui le récoltent.
- A cet effet, ils repoussent les feuilles au moyen d’une fourchette qu’ils tiennent de la main gauche et coupent avec une faucille les jeunes pousses sur lesquelles le kermès est fixé.
- Les négociants humectent le kermès avec du vinaigre et l exposent au soleil pour tuer les jeunes ; le produit prend alors une couleur rougeâtre.
- On fait souvent une seconde récolte. Les grains, dans ce °as, sont fixés aux feuilles, leur grosseur est moindre et la
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- couleur est moins belle ; ce sont, en effet, les insectes qui auraient passé l’hiver et servià la récolte de l’année suivante, si l’automne n’avait pas été exceptionnellement favorable. Les ramiers aiment beaucoup le kermès, et lui fontla guerre.
- Le kermès vient en caisses et en barils de tous poids.
- On en distingue surtout deux variétés :
- 1° Celui de Provence, qui donne à l’écrasement une poussière rouge.
- Il fait pâte dans le mortier et ne peut facilement être tamisé.
- 2° Le kermès d’Espagne, en grains secs et plats, ne donne que peu de poussière et se tamise aisément.
- Le kermès de Provence est plus riche en couleur et d’un prix plus élevé ; on le mélange souvent avec la seconde espèce.
- En 4856, la France a importé 22130 kilogrammes de kermès qui, à raison de 7 francs le kilogramme, représentent une valeur de 134 910 francs. L’Espagne seule en a fourni 20 235 kilogrammes; l’Algérie 733 kilogrammes.
- Suivant M. Girardin (1), le kermès était déjà connu dans le Levant du temps de Moïse, qui l’appelait joie ; on s’en servait pour donner le premier bain aux draps destinés à être teints en pourpre. Dans l’Inde, on l’employait pour teindre la soie. Pline en parle sous le nom de coccigranum, et dit qu’on teignait en pourpre avec cette matière, que les Espagnols apportaient pour payer la moitié de leur tribut au peuple romain.
- Lorsque l’art de teindre avec la pourpre des Tyriens fut perdu, on fit usage du kermès pour obtenir la même couleur, aussi devint-il pour plusieurs pays méridionaux un objet important d’exportation. On le désignait alors sous le nom de vermiculus (petit ver); le mot kermès qui est arabe, et celui de vermillon, qui est français, ne sont que la traduc-
- (1) T. Il, 4e édit., p. 562.
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- tion du premier. Ces noms semblent indiquer que l’on connaissait mieux chez les anciens, qu’au dix-septième siècle, la vraie nature du kermès. Au moyen âge c’était la seule substance employée pour la teinture d’un rouge vif. En Allemagne, les paysans serfs devaient livrer aux couvents et aux chefs, une certaine quantité de kermès. On le recueillait à la Saint-Jean, entre 11 heures et midi, avec des cérémonies religieuses, et on le désignait pour cela sous lo nom de sang de Saint-Jean.
- A Venise on en consommait beaucoup pour la fabrication Je l’écarlate de Venise sur laine, qui ne doit pas être confondu avec l’écarlate à la cochenille ou écarlate des Gobe-lins ou de Hollande; ce dernier n’a été préparé que beaucoup plus tard.
- Le kermès est la seule récolte abondante qui se lasse régulièrement au Maroc. Il constitue la vraie richesse des populations montagnardes.
- Les Arabes des provinces d’Alger et d’Oran en récoltent annuellement 2000 kilogrammes. Le chêne coccifère est fort répandu dans ces provinces.
- Gomme laque ou résine laque.
- Le produit nous vient des Indes orientales, et se trouve dans le Pégu, les royaumes de Siam, d’Assam, le Bengale, Jans les forêts de Sylet et de Burdwan ; il est fourni par un gallinsecte, le coccus lacca ou ficus, qui vit sur les jeunes rameaux de différents arbres, notamment de certains grands Jguiers {feus religiosa et indica), durhamnusjujuba, (jujubier), du butea et de certaines mimosées [mimosa cinerea et corinda), du croton lacciferum). Elle se présente sous forme Je croûtes adhérentes et représente les produits de la diges-ffon des gallinsectes.
- L’animal est petit, de la grosseur d'une tête d’épingle, ovale, un peu aplati, formé de douze anneaux, rouge; son
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- abdomen est plat. Les antennes ont la demi-longueur du corps ; elles sont munies de deux à trois appendices filiformes. Le ventre porte, à la partie postérieure, deux soies divergentes. C’est sous cette forme qu’ils apparaissent, en novembre ou décembre, sous le squelette de la mère. Ils se promènent quelque temps sur les tiges, et se fixent au mois de janvier, aux extrémités charnues et gorgées de liquides des jeunes pousses, sans avoir éprouvé de modifications. Peu à peu le pourtour de leur ventre s’entoure d’un liquide visqueux et transparent qui les colle à la plante. C’est ce liquide qui, continuant à être sécrété, finit par former une cellule close autour de l’animal, et constitue la gomme laque. Au mois de mars, la cellule est achevée, et l’insecte présente l’apparence d’un sac rouge, ovale et poli, sans vie apparente, tout gorgé d’un beau liquide rouge ; sa grosseur est à peu près celle du cochenillier. Aux mois d’octobre et de novembre, on trouve de vingt à trente jeunes dans ce liquide. La mère meurt, les jeunes l’abandonnent, en perçant l’enveloppe près du dos. Celle-ci n’offre alors plus que l’apparence d’une coque vide et incolore, dont on trouve les traces dans les cellules vides de la gomme laque.
- Les insectes sont si rapprochés et si pressés que, sur six, un seul trouve la place nécessaire à la construction de sa cellule ; les autres périssent et sont mangés par les oiseaux ou d’autres insectes.
- Les jeunes pousses des figuiers, couvertes de ces pucerons, semblent saupoudrées d’une poudre rouge. Elles sont si épuisées, qu’elles s’étiolent, ne portent pas de fruits et que leurs feuilles se fanent.
- Ce sont les oiseaux qui transportent les gallinsectes d’un arbre à l’autre, au moyen de leurs pieds.
- Lorsqu’on pratique une entaille sur un des figuiers à gomme laque sus-mentionnés, il en sort un suc laiteux qui se coagule instantanément, en donnant unesubstancegluante qui, en se desséchant, ressemble à la gomme laque.
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- La gomme laque se trouve principalement sur les hauteurs, le long des deux rives du Gange et en quantité assez considérable pour alimenter tous les marchés.
- La meilleure laque est celle qui offre encore une couleur rouge foncé. Si elle est pâle et perforée, elle ne peut plus servir que pour la préparation des vernis, car les insectes l’ont alors abandonnée.
- La croûte qui enveloppe les tiges a quelques millimètres d’épaisseur.
- Les cellules sont disposées en lignes longitudinales, chacune a 0m,005 de diamètre et renferme le cadavre d’un insecte. La résine qu’on en sépare est jaune comme de l’ambre.
- On ne sait pas encore exactement si la laque est sécrétée par l’animal, après avoir été élaborée dans son organisme, aux dépens de principes spéciaux de la plante sur laquelle il vit, ou si elle est directement fournie par le parenchyme végétal, à la suite de la piqûre de l’insecte.
- Les indigènes font un grand usage de la laque pour fabriquer des objets d’ornement (bracelets, perles, colliers), de la cire à cacheter ; pour vernir ; comme poudre à polir et pour teindre.
- En Europe, on s’en sert pour teindre et pour la préparation des vernis (1).
- Aux Indes et en Chine, il existe un arbre, le celastrus ceriferus, qui fournit une cire blanche servant à la confection de bougies ou cierges, à la suite de la piqûre d’une variété de gallinsecte, le coccus ceriferus, qui est rouge foncé.
- Les Chinois élèvent un gallinsecte qui fournit la cire Le-la ; c’est probablement le même (2).
- (1) Kerr, Phil. Transactions, LXXI, 1781, p. 374, fig. 1-6. — Kerr, Rox-burgk Transactions, LXXXI, p. 228. — Asiatic Researches, II, 171)9, p. 361.
- Virey, Journal comptem. du Dict, des sc. mêd., X, 1821, • 93, fig. 1-7.
- (2) Anderson, Monographia cocci ceriferi, 1791. — Pearson, m Phil. Transact., 1794, p. 383.
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- On en distingue quatre espèces :
- 1° La laque en bâtons, récoltée en mars et octobre. Les cellules adhérent encore à la tige sur laquelle elles se sont formées.
- Résine dure, rouge sombre, transparente, à cassure luisante ; elle colore la salive en violet, saveur astringente et amère.
- Insoluble dans l’eau à laquelle elle cède, cependant, sa matière colorante en la colorant en rouge, soluble partiellement en rouge, dans l’alcool; insoluble dans les huiles grasses et les huiles essentielles. Elle renferme, d’après Hatchett :
- Résine.......................... (}8
- Matière colorante.................. iü
- Cire................................ 6
- Gluten.......................... 5,5
- Corps étrangers.................... 10,5
- Les acides sulfurique et chlorhydrique étendus dissolvent mieux la matière colorante que l’eau pure, et servent quelquefois pour monter des bains de teinture.
- La meilleure vient de Siam, la moins estimée du Bengale.
- 2° La laque en grains formée des cellules détachées du ligneux ; elle est en fragments brisés.
- Elle est souvent privée, par un traitement à l’eau, d’une partie de son pigment. Elle renferme :
- Résine........................... 8^,5
- Matière colorante................... 2,5
- Cire................................ 4,5
- Gluten.............................. 9,0
- Corps étrangers et perte............ 2,5
- 3° La laque en tablettes, gâteaux ou pains. Les grains sont fondus et coulés dans des formes.
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- 4° La laque en écailles : pour la préparer, on enlève les croûtes de la tige ; elles sont brisées en petits fragments, macérées pendant un jour dans l’eau, lavées et séchées. On les introduit ensuite dans un sac en calicot, que l’on ferme, et que l'on tourne au-dessus d’un feu de charbon. Lorsque la résine est fondue, on exprime, et on étend le produit, ainsi filtré, en couches minces, sur une planche polie de bois de figuier du paradis. En quelques minutes elle se solidifie et devient dure et cassante, elle ne renferme que 0,3 de matière colorante et 91 pour 100 de résine.
- On donne le nom de lack-lake et de laque-dye à des préparations obtenues dans les Indes avec la laque, comme produits secondaires de la fabrication de la laque en écailles.
- A cet effet, la laque en bâtons, réduite en poudre grossière, est épuisée par une macération dans l’eau chaude ou l’eau alcaline.
- Le liquide est évaporé à feu nu, dans des chaudières, ou, au soleil, dans des vases plats. Le résidu se présente sous torme de tablettes plates et carrées de 67 millimètres de °ôté, sur 13 d’épaisseur. La laque-dye contient :
- Résine................................. 25
- Matières colorantes.................... 50
- Matières terreuses..................... 22
- Elle est importée de Calcutta à Londres et à Hambourg. C est Stephens qui la prépara en premier, aux Indes, où elle se fabrique depuis longtemps, et sert à la teinture du coton et de la soie. Elle n’a fixé l’attention, en Europe, que vers 'a fin du dix-huitième siècle.
- La matière colorante de la laque-dye offre beaucoup •l’analogies avec celle de la cochenille ; cependant on n’est Pas encore en droit de conclure à l’identité.
- On évalue la richesse de ces produits par des essais de teintures, semblables h ceux usités pour la cochenille.
- La lack-lake s’obtient en précipitant par l’alun la décoc-
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- tion préparée en épuisant la laque en bâtons par une solution de soude caustique faible. Le précipité est exprimé, moulé en pains et séché, il renferme :
- Matières colorantes................. 50
- Résine............................... 40
- Alumine............................... 9
- Matières étrangères.................. t
- Pour en faire usage, il convient de décomposer la laque alumineuse par l’acide chlorhydrique , ou l’acide sulfurique.
- On trouve dans le commerce un grand nombre de marques de lacque-dye et de lack-lake, les marques inférieures ne sont pas toujours les moins riches.
- Ces préparations servent surtout pour le rouge-écarlate sur laines ; 2 à 3 kilogrammes produisent le même effet qu’un kilogramme de cochenille. Il convient d’employer plus de dissolution d’étain pour neutraliser l’effet de l’alumine, contenue dans le bain acide, et qui tend à faire virer la nuance au cramoisi.
- La valeur de la laque en écailles dépend de sa transparence.
- Cochenille de racine.
- Autrefois on recueillait de la graine d’écarlate dans les pays du Nord, en Pologne et en Allemagne. Ainsi, les paysans étaient tenus de livrer annuellement, à leurs seigneurs, une certaine quantité de petits vers [vermiculi,d’où vermeil) qui adhèrent aux racines souterraines de certaines plantes, et notamment du scléranthe.
- On donne à ce produit le nom de Kermès de Pologne {coccus po Ioniens).
- Le scléranthe croît en abondance dans les champs sablonneux.
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- Le même ver à kermès se trouve aussi sur les racines du parietaria, du herniaria, du hieraeium pilosella, etc.
- On les recueille en juin. Ils sont alors mûrs, d’un rouge pourpre violacé et de la grosseur d’un grain de poivre. Ils sont fixés immédiatement sous la tige, au nombre de deux, trois, jusqu’à six.
- Les jeunes éclosent vers le mois de juillet, se promènent, sans prendre de nourriture, pendant une quinzaine , puis se fixent : leur corps se recouvre d’un duvet blanc. Au bout de cinq à six jours ils pondent et meurent. Vers la fin d’août, les petits éclosent, et ressemblent alors à des points rouges. Les mâles sont très-petits avec des ailes blanches à bords rouges (1).
- On ne tire plus aucun parti de la cochenille ou du kermès de Pologne, cette exploitation ne pouvant lutter avec celle de la cochenille vraie.
- Citons encore : 1° le coccus fragariœ, vivant sur les racines du fraisier de Sibérie;
- 2° Le coccus uvœ ursi, recueilli en Russie sur Yarctosta-phylosava ursi. Sa grosseur est double de celle du kermès de Pologne.
- 3° Lecoccus fabæ, découvert par M. Guérin Mennevilleen 1851, dans le sud de la France, sur les fèves {vicia faba), et plus tard sur diverses espèces de chardons et plusieurs plantes sauvages et cultivées; on a fait en 1856 des essais de culture sur des esparcettes, essais couronnés de succès; les œufs, pondus en automne, éclosent en hiver. Les jeunes restent sansnoiirriture, jusqu’au moment où ils peuvent se répandre sur les jeunes plantes.
- D’après les essais de M. Chevreul, le pouvoir tinctorial de cette nouvelle cochenille est moindre que celui du coccus ordinaire ; elle donne de plus un rouge orangé (brun-capucine)
- (1) Broynius, Histnria nafuralis cncci rarlicum. Dantzig, 1733. — Wolfe, Philos. Transac,, L1V, p. U1. — Friscli, Entomologie, V, 173G, p. (î, pl. 2.
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- dans les conditions où la cochenille ordinaire fournit du rouge-écarlate. Selon M. A. Vee, on trouve au Canada, sur un sapin (abies nigra), un insecte dont les ailes contiennent une forte proportion de matière colorante rouge écarlate, analogue à celle de la cochenille.
- Dans la langue slave le mot qui répond à notre couleur rouge, dérive de celui qui veut dire ver ; d’où l’on peut conclure que le kermès de Pologne était employé de temps immémorial à la teinture en rouge.
- D’après des renseignements imprimés, on en faisait autrefois une consommation considérable.
- Matière colorante des gallinsecles.
- On n’a guère étudié que les matières colorantes de la cochenille vraie, du kermès et de la laque, et d’après cette étude elles semblent avoir les mêmes caractères.
- La cochenille doit ses propriétés tinctoriales à un acide rouge, soluble dans l’eau.
- La matière colorante n’est pas dissoute dans le corps de l’animal suivant Clark, elle s’y trouve en petits grains grou-pés’autour d’un noyau incolore plus grand, et en suspension au sein d’un liquide incolore. C’est surtout avant la ponte que l insecte en renferme le plus.
- Ce corps a été isolé pour la première fois, mais à l’état impur, par Pelletier et Gaventou, qui le désignèrent sous le nom de carminé. Ces chimistes considéraient la carminé comme un principe azoté et lui assignaient la formule
- C8H,3Az08.
- MM. Arppe et Waren de la Rue démontrèrent sa nature acide, et, par une purification plus complète,éliminèrent toute -trace des substances azotées incolores qui l’accompagnent d’une manière persistante. D’après ces expérimentateurs,
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- eide carminique, obtenu sous forme d’une masse amorphe, a une composition qui répond à la formule
- CuH1408.
- J’ai préparé, de mon côté, l’acide carminique à l’état de cristaux. Mes analyses conduisent à la formule
- C9H805.
- Enfin, M. Sehaller qui a étudié l’acide carminique cristallisé, préparé par mon procédé, arrive à l’expression
- C9H806.
- J’ai, du reste, fait observer que la matière colorante de la cochenille j existe à deux degrés d’oxydation ; que l’un d’eux répond à la formule G9H805, et l’autre, à C9H807. L’expression de M. Sehaller est intermédiaire.
- Cette question mérite d’être reprise pour fixer définitivement la composition de l’acide carminique. Ce corps est assez facile à obtenir à l’état de pureté et en cristaux, en suivant le procédé de MM. Arppe et Waren de la Rue, légèrement modifié,procédé qui m’a permis de préparer, pour la première fois, l’acide carminique cristallisé.
- La cochenille en grains est épuisée par l’éther qui enlève une matière grasse, puis, plusieurs fois, par l’eau bouillante. Le liquide rouge est précipité par de l’acétate neutre de plomb rendu un peu acide, par addition d’acide acétique. Le précipité bleu-violet, qui se forme, entraîne toute la madère colorante, car le liquide filtré est à peu près incolore, t(mt au plus jaunâtre. Après un lavage prolongé à l’eau chaude, il se compose principalement decarminate de plomb, he phosphate de plomb avec un peu de matière azotée dont
- majeure partie reste dans le liquide. En effet, celui-ci, après concentration, donne un sirop qui dépose des aiguilles
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- de tyrosine, et retient les principes ordinairement contenus dans les extraits d’organes animaux.
- Le précipité plombique est traité, en présence de l’eau, par une quantité insu (‘lisante d’acide sulfurique. On filtre à chaud. L’acide carminique mis en liberté se dissout, tandis que l’acide phosphorique reste avec le résidu. Le liquide est évaporé à sec, au bain-marie, à 50°, et le résidu est repris par l’alcool absolu.
- Par l’évaporation et le refroidissement de la solution alcoolique on obtient l’acide carminique cristallisé, sous forme d’une végétation mamelonnée rouge, offrant l’aspect d’une peau rugueuse.
- Ces cristaux sont souvent mélangés de cristaux jaunes ayant la forme de tables hexagonales, que l’on peut séparer en utilisant leur insolubilité dans l’eau froide. La solution aqueuse, séparée parle filtre de la substance jaune (ou incolore), est •évaporée, et le résidu est repris par l’alcool absolu.
- On peut aussi faire cristalliser l’acide carminique dans l’éther. Bien qu’il y soit très-peu soluble, on obtient, par la concentration, des concrétions mamelonnées.
- MM. Pelletier et Gaventou préparaient leur carminé en traitant la cochenille, dégraissée à l’éther , par de l’alcool bouillant. En concentrant, il se forme un dépôt semi-cristallin, qu’on redissout dans l’alcool ; le liquide rouge additionné de son volume d’éther sulfurique précipite de la carminé.
- Ce produit représente, très-probablement, une combinaison d’acide carminique et de substance azotée (tyrosine ?).
- Dans le cours de mes recherches, j’ai souvent observé, dans les solutions alcooliques, la formation de grumeaux caséeux, rouges, contenantde l’azote et qui se rapprochaient, par conséquent, de la carminé de Pelletier.
- Propriétés de L'acide carminique. — Solide, rouge pourpré, donnant une belle poudre rouge clair, friable à l’état sec, susceptible de cristalliser en concrétions mamelonnées,
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- par le refroidissement de ses solutions concentrées, alcooliques ou éthérées. Saveur acidulé prononcée. Très-soluble dans l’eau et l’alcool, presque insoluble dans l’éther. Il supporte une température de 136°, au-dessus il se décompose. Soluble sans décomposition dans l’acide sulfurique et l’acide chlorhydrique concentrés. Le chlore, le brome, l’iode, l’attaquent rapidement. L’acide azotique, de densité = 1,4, le transforme, avec dégagement de vapeurs rutilantes, en un mélange d’acides oxalique et nitrococcussique. Ce dernier représente un composé nitré, cristallisable en beaux feuillets jaunes, répondant à la formule
- C8H5(Az0î)303 -J- H!0.
- La solution aqueuse d’acide carminique pur ne s’altère pas au contact de l’air. Les alcalis caustiques la colorent en bleu pourpré. Les solutions de chaux et de baryte y déterminent des précipités bleus pourprés. Les acétates de plomb, de zinc, de cuivre et d’argent, donnent des précipités pourpres. Le précipité argentique se réduit très-rapidement, et de l’argent devient libre. L’alun ne donne de précipité qu’a-Près l’addition de quelques gouttes d’ammoniaque ; la laque est cramoisie.
- L’hydrate d’alumine enlève immédiatement l’acide carmi-eique à ses solutions; la laque est rouge tant qu’on ne chauffe pas, et devient cramoisie, puis violette, par une élévation de température ; le même effet se produit par l’intervention de peu d’acide ou d’un sel aluminique, tandis que les alcalis donnent de la stabilité à la couleur rouge que forme l’acide carminique avec l’alumine.
- Les sels alcalins neutres font virer au violet la couleur de l’acide carminique, les sels alcalins acides lui communiquent une teinte orange (bitartrate de potasse). Les sels ueutres de chaux, baryte et strontiane, colorent en violet ; cependant le sulfate de chaux donne un précipité.
- il.
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- L’histoire chimique des carminates est encore à faire. Les carminates alcalins sont solubles, les autres se présentent sous forme de masses pulvérulentes amorphes. J’ai obtenu un carminate de soude cristallisé, en feuillets pourprés, en ajoutant avec précaution de l’alcool à une solution aqueuse de ce sel. A mesure que les deux liquides se mélangent, le composé se dépose en cristaux. D’après M. Schaller, le carminate de soude peut aussi cristalliser dans l’eau seule; C9H804 )
- il aurait pour formule O2
- L’hydrogène naissant réduit les solutions d’acide carmi-nique ; la coloration rouge reparaît au contact de l’air.
- Les décoctions de cochenille se comportent, en certains points et sous l’influence des réactifs, autrement que les solutions d’acide carminique. Ces différences tiennent à la présence des substances azotées et des sels minéraux (phosphates).
- Voici, d’après M. Girardin, l’ensemble des caractères chimiques qu’offre la décoction :
- Acides, font virer la couleur au rouge jaunâtre et y déterminent un léger précipité.
- Alcalis, font virer au violet.
- Eau de chaux, précipité violet.
- Alun, vire au rouge, puis précipite.
- Chlorure d’aluminium, précipité violet rougeâtre; le liquide surnageant est amarante.
- Chlorure d’étain acide, vire au jaune et forme un précipité cerise.
- Chlorure ordinaire, précipité violet.
- Bichlorure d’étain, vire au rouge-écarlate.
- Sulfate de fer, vire au gris violeté et précipite.
- Acétate de fer, précipité brun devenant vert-olive.
- Sulfate de cuivre et sels de plomb, précipités violets.
- Azotate mercureux, précipité lie de vin.
- — mercurique — brun rougeâtre.
- Sulfate de zinc — violet foncé.
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- Crème de tartre.
- Sel d’oseille....
- Alun.............
- Précipités rouges constituant le carmin du commerce.
- Cochenille ammoniacale. — Une solution ammoniacale d’acide carminique, étant abandonnée quelque temps à elle-même, se modifie, par suite de la combinaison intime de l’acide avec les éléments de l’ammoniaque et de la formation d’une amide, ou d’un acide amidé. Ce fait est connu depuis longtemps et a été utilisé à la préparation d’une nouvelle matière colorante, dite cochenille ammoniacale.
- La carminamide ne donne, en effet, plus des couleurs ponceau et écarlate, mais des violets, des amarantes et des mauves.
- La nuance ne vire plus au rouge jaunâtre sous l’influence des acides. Le bichlorure d’étain la précipite en violet et non en ponceau, comme l’acide carminique.
- On trouve dans le commerce deux espèces de cochenilles ammoniacales: celle en tablettes et celle en pâte.
- La première se prépare par la macération, dans un vase fermé, pendant un mois, de trois parties d’ammoniaque et d’une partie de cochenille moulue. On tire à clair, on incorpore 0,4 d’alumine en gelée, et on évapore dans une bassine en cuivre, jusqu’à disparition de toute odeur ammoniacale; la masse, suffisamment épaisse, est découpée en tablettes que l'on sèche. Dans la préparation de la pâte, on ne laisse marcher l’opération que durant huit jours et on évapore aux deux tiers, sans ajouter d’alumine ; elle est d’un tiers moins riche que la cochenille en tablettes (1).
- J’ai démontré directement que la matière colorante de-la cochenille ammoniacale du commerce, ou celle que l’on ob-hent par l’action de l’ammoniaque sur l’acide carminique renferme de l’azote sous une autre forme que celle d’un sel
- (!) Persoz, Impression des tissus, t. I, p. ôli.
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- ammoniacal; et j’ai représenté sa composition par la formule probable
- C9H9AzO\
- Carmin. — On donne le nom de carmin à une couleur d’un rouge clair très-vif et très-beau, fabriquée au moyen de la cochenille.
- Le carmin du commerce se présente sous forme d’une poudre impalpable, carmin broyé, ou bien en pains enveloppés dans du papier fin ou enfermés dans des boites, des bocaux. On le vend aussi délayé dans du blanc d’œuf ou dans une solution de colle de poisson (carmin à l’œuf, carmin à la gélatine).
- La valeur de ce produit varie dans des limites très-étendues, suivant sa finesse, sa pureté et la beauté de sa nuance (de 6 francs à 20 et plus).
- Le carmin pur est entièrement soluble dans l’ammoniaque; c’est même sur cette propriété que repose son emploi dans la coloration des tissus.
- On n’est pas fixé sur la nature vraie de la combinaison d’acide carminique qui constitue ce produit.
- Sa formation exige l’intervention des matières azotées existant naturellement dans la cochenille, ou de celles que l’on peut ajoutera un bain d’acide carminique.
- La préparation du carmin est elle-même peu connue dans ses détails. Chaque fabricant garde, en effet, comme secret, les coups de main que la pratique lui enseigne, pour l’obtention d’un beau produit.
- D’après M. Girardin, c’est à Dise que cette fabrication a pris naissance. Un moine franciscain préparant un extrait de cochenille avec du sel de tartre vit se produire un beau précipité rouge, par l’addition d’un acide. En 1656, Hom-berg publia un procédé de fabrication du carmin.
- Généralement on épuise par l’eau bouillante, pure ou chargée d’un sel alcalin, de la cochenille broyée, et l’on dé-
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- termine la séparation du carmin par l’addition d’un acide faible ou d’un sel acide. Certains fabricants favorisent la précipitation en ajoutant de l’albumine ou de la gélatine et font intervenir l’alun.
- Voici, du reste, quelques recettes de préparation :
- a. 1 livre de cochenille en poudre. Faire cuire quinze minutes avec 10 litres d’eau, ajouter 30 grammes d’alun, maintenir l’ébullition trois minutes, laisser clarifier. Le liquide clair, soutiré, déposera, au bout de quelques jours, 40 à o0 grammes de carmin. Si l’on attend plus longtemps, il se produit un nouveau dépôt de couleur moins vive.
- b. 1 livre de cochenille pulvérisée, 30 livres d’eau ; bouillir un quart d’heure, ajouter 30 grammes de crème de tartre, bouillir encore dix minutes, ajouter 15 grammes d’alun, bouillir deux minutes. Le liquide clarifié est abandonné à lui-même dans des vases plats en verre. Le carmin, déposé et lavé, doit être séché à l’ombre.
- c. Recette de Mme Genette.
- 2 livres de cochenille pulvérisée, 150 livres d’eau ; faire bouillir deux heures, ajouter 90 grammes de salpêtre pur, faire bouillir trois minutes ; ajouter 120 grammes de sel d’oseille, laisser encore bouillir dix minutes. Le liquide, éclairci par un repos d’un quart d’heure, est abandonné pendant tr°is semaines dans des vases en verre plats. Il ne reste alors plus qu’à séparer le carmin déposé, du liquide surnageant, couvert de moisissures. On sèche à l’ombre.
- Le carmin commercial est souvent falsifié. On y mélange de l’amidon, du kaolin, du vermillon; quelquefois il ren-iermc encore des parcelles de cochenille.
- La solubilité complètedu carmin pur, dans l’ammoniaque, Permet de reconnaître aisément de semblables sophistications.
- Le produit sert dans la peinture, le dessin, la coloration des bonbons, des fleurs, dans l’impression des tissus. Il se fabrique principalement en Allemagne. En 1856, on a im-
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- porté 384 kilogrammes de carmin fin et 3125 kilogrammes de carmin commun.
- Laque carminée. — Sous ce nom, on désigne le précipité d’un beau rouge, formé par l’addition d’alun à une décoction alcalinisée de cochenille.
- Elle se fabriquait primitivement à Florence, avec le kermès ; de là le nom de laque de Florence qu’on lui donnait autrefois.
- La cochenille se rencontre aussi dans le commerce, agglomérée en tourteaux. Ainsi, en 1855, on en a importé de Cordova (Amérique du Sud), sous la forme de disques solides, luisants et d’un rouge foncé. Ils renfermaient environ les 5/6 de la matière colorante de la cochenille ordinaire, et laissaient, après traitement à l’eau, un résidu composé des débris d’animaux, àdifférents degrés de leur développement, avec des fragments d’épines de cactus.
- Falsifications. — Sans être mélangée à des substances étrangères, la cochenille de diverses origines peut être plus ou moins riche en matière colorante.
- Quelquefois elle est livrée au consommateur après avoir subi un épuisement partiel à l’eau chaude.
- Dans ce cas, elle perd la couche de duvet blanc qui la recouvre naturellement, et, pour masquer l’opération illicite qu’on lui a fait subir et lui restituer l’aspect normal, on fait tourner les grains, avant leur complète siccité, dans des tonneaux contenant une poudre blanche, telle que blanc de plomb, blanc fixe, talc, etc.
- Il suffit de délayer la cochenille suspecte dans l’eau ; la poudre blanche, artificiellement ajoutée, se sépare et peut être recueillie par dépôt et décantation, en quantité suffisante pour une analyse.
- La cochenille déjà épuisée par l’eau est plus ridée, elle ne ’hydrate pas également. Un certain nombre de grains surnagent pendant que les autres tombent au fond.
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- On a proposé divers moyens pour évaluer la richesse colorante d’une cochenille.
- Robiquet détermine, comparativement à un type, le volume d’une solution d’hypochlorite de chaux nécessaire pour décolorer la décoction d’un poids connu de cochenille (1 partie cochenille, 10 parties chaux; répéter cinq fois l’épuisement et mélanger les liqueurs). Le chlore portant son action oxydante sur d’autres matières organiques que l’acide car-miniqne, on voit facilement que ce procédé n’offre aucune garantie.
- Anthon évalue la richesse comparative, en recherchant les volumes d’une solution d’alun nécessaires pour précipiter complètement les décoctions de la cochenille essayée et du type.
- La méthode de Penny, plus avantageuse, est fondée sur l’oxydabilité facile de l’acide carminique par le cyanure rouge, en présence d’un alcali.
- On dissout 1 gramme de cochenille pulvérisée dans 36 gr. d’une solution faible de potasse ; on ajoute encore 24 gr. d’eau, puis on y verse, goutte à goutte, une liqueur normale de cyanure rouge, préparée avec 5 grammes de sel dissous dans 1 litre d’eau, jusqu’à ce que la nuance rouge pourpré ait été remplacée par une couleur jaune brunâtre.
- M. Bloch a aussi proposé l’emploi d’une solution normale d’acétate neutre de plomb, qui précipite l’acide carminique avec une grande facilité ; malheureusement ce réactif agit encore sur beaucoup d’autres matières organiques.
- Jusqu’à présent les fabricants se bornent à l’évaluation par des essais directs de teinture.
- Soit en teignant un échantillon mordancé comme pour les essais de garance, dans un bain monté avec un gramme de cochenille ; soit en imprimant sur laine une couleur préparée avec un poids connu de cochenille broyée. On teint ou °n imprime, en même temps, avec une cochenille type, et 1 °n obtient les éléments suffisants de comparaison.
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- Cette méthode si pratique et si commode ne donnerait cependant pas des résultats exacts, si la cochenille était mélangée à la matière colorante du bois de Brésil. Mais rien n’est plus facile, d’après les indications de M. Persoz, que de reconnaître cette dernière.
- En versant de l’eau de chaux dans une décoction étendue de cochenille, le liquide se décolore entièrement s’il est pur, il garde, au contraire, une teinte violette assez intense dans le cas de la présence de brésiline. Un tissu de calicot, imprégné de cette décoction, puis passé en bichromate tiède, prendra également une couleur assez intense s’il y a de la brésiline.
- La cochenille est souvent mélangée à une pâte coloriée, moulée de manière à imiter la forme et les couleurs de l’insecte.
- Un simple trempage dans l’eau ou dans un dissolvant convenable, qui désagrégé les grains artificiels, suffit pour déceler cette fraude grossière.
- Dans l’impression et la teinture, on fait usage :
- 1° De cochenille ordinaire;
- 2° De cochenille broyée ;
- 3° De diverses décoctions, faites, soit avec de l’eau pure, ou avec de l’eau acidulée, ou encore avec une eau alcaline.
- Applications de la cochenille. —L’acide carrainique, soluble par lui-même, ne se fixe sans mordant ni sur fibres végétales ni sur fibres animales.
- Il communique au coton mordancé, en alumine seule, une teinte rouge-amarante ou rouge-rose violacé. L’intervention simultanée de l’oxyde d’étain fait virer la nuance au rouge-ponceau.
- Les mordants de fer prennent, suivant leur force, dans un bain de cochenille ordinaire, des teintes grises, violacé gris, ou noir grisâtre.
- Avec la laine et les préparations stanniques, on obtient
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- une belle couleur écarlate, qu’il est difficile de réaliser avec une autre matière colorante, ou sur une autre fibre.
- L’amarante, le rouge et le rose violacé, le ponceau et l’écarlate sont les nuances simples que le fabricant prépare avec la cochenille ordinaire.
- La cochenille ammoniacale lui donne des mauves, des amarantes; elle entre de plus dans la composition d’un certain nombre de couleurs composées.
- La teinture du calicot mordancé se fait à peu près dans tes mêmes conditions que le garançage. La préparation, l’impression et la fixation des mordants sont les mêmes.
- L’acide carminique, acide relativement assez énergique, peut dissoudre, momentanément, du mordant d’alumine, s’il se trouve en proportions trop fortes, en présence du tissu. La couleur se trouverait, par là, affaiblie et, de plus, cette laque dissoute pourrait se porter ultérieurement sur les parties blanches.
- C’est pour obvier à cet inconvénient que l’on prescrit de ne pas ajouter, en une fois, au bain de teinture, toute la cochenille nécessaire, ou de teindre en deux fois ; la première a 40° seulement, la seconde en portant au bouillon. L’addition d’une certaine proportion de noix de galle, au bain, doit aussi avoir pour but de donner plus de fixité au mordant et d’empêcher sa corrosion par l’acide carminique.
- Il est probable qu’un excès d’acide carminique forme carminate acide soluble. Celui-ci sera ultérieurement, par les progrès de la teinture, ramené à l’état de carminate neutre, insoluble, qui se porterait sur les parties blanches.
- Au sortir du bain, les pièces sont assez pures ; il suffit de les rincer et de leur donner un passage en son, pour blanchir les fonds.
- Les teintes ainsi obtenues sont peu solides et ne suppor-lent pas l’influence des alcalis ou des acides.
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- La teinture du calicot mordancé, avec la cochenille, ne se pratique plus souvent depuis la découverte des couleurs aniliques. C’est plutôt dans les couleurs vapeur sur coton, dans la teinture et l’impression de la laine et de la soie que nous trouverons des applications importantes.
- Rose vapeur foncé à la cochenille.
- \ litre cochenille (décoction à 4° avec 250 grammes par litre).
- 2 litres eau.
- 0m,50 mordant rouge à 10°.
- 40 grammes acide oxalique.
- lkil,750 gomme.
- Rose d’application.
- 2 litres décoction de cochenille à 375 grammes par litre.
- 23 grammes de gomme adragante.
- 185 grammes de sel d’étain ammoniacal préparé avec 1 litre nitromuriate d’étain ; mélanger à une dissolu-lion chaude et saturée de 500 grammes de sel ammoniac.
- lî>. Échantillon de rouge amarante à la cochenille.
- On imprime aussi la laque de cochenille, en la fixant à l’albumine.
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- 20. Echantillon de ronge à la laque de cochenille.
- Dans la teinture de la laine et de la soie, on fixe la matière colorante au moyen de l’alun et de la crème de tartre, on obtient ainsi le cramoisi
- Pour le rouge-écarlate, on fait intervenir la composition d’étain.
- Voici l’énumération des nuances que l’on peut réaliser, avec la cochenille et la cochenille ammoniacale, dans la teinture des laines.
- 1° Groseille vif. Pour 10 kilogrammes de laine, on emploie 1 kilogramme crème de tartre et 2 litres dissolution d’étain (8 litres eau, 400 grammes sel de cuisine, lkil,250 étain, et on ajoute peu à peu 8 litres acide nitrique). On y passe la laine pendant une heure au bouillon.
- On teint ensuite en cochenille ammoniacale pour les teintes claires ; en cochenille ammoniacale, cochenille brute et un peu d’orseille pour les teintes moyennes.
- 2° Groseille violeté. Même mordant que ci-dessus. Teindre en cochenille ammoniacale pour les teintes claires et moyennes.
- 3° Amarante rouge. Même mordant que ci-dessus. Teindre avec une cochenille brute et orseille pour le clairet le moyen, en augmentant la dose d’orseille pour le dernier ; avec cochenille brute, orseille et sulfate d’indigo pour les foncés.
- 4° Rouge. Mêmes procédés de teinture que tout à l’heure.
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- 5° Vermillon. On mordance et on teint en môme temps. On mordance 1 kilogramme de laine avec 01U,25 de dissolution pour rouge, et l’on teint au bouillon avec de la cochenille en poudre.
- 0" Rose. Mordant pour rouge comme ci-dessus. Teindre avec de la cochenille ammoniacale.
- 7° Amarante vif. Mordant pour rouge. Teindre au bouillon avec de la cochenille brute, de la cochenille ammonia-niacale, de l’orseilie et un peu de sulfate d’indigo pour les foncés.
- <S° Amarante violeté. Mêmes procédés que ci-dessus.
- 9° Pourpre. Mêmes procédés que ci dessus, au mordançage. Teindre avec de la cochenille brute au bouillon.
- 10° Id. pour le cerise vif, en ayant soin de bien observer le ton des échantillons.
- Exemples de couleurs vapeur sur laine.
- Roses.
- a. 16 litres décoction de cochenille ammoniacale (12 livres co-
- chenille ammoniacale, 4 livres acide acétique, 12 litres eau. Cuire ensemble).
- 1kil,o00 alun.
- 700 grammes acide oxalique.
- 700 grammes acide tartrique. • lkil,500 bichlorure d’étain.
- Épaissir à la gomme du Sénégal.
- b. 500 grammes cochenille moulue, cuire avec de l’eau et ré-
- duire à 9 litres.
- 2kil,937 de gomme.
- 500 grammes acide oxalique.
- 000 — bichlorure d’étain à 55°.
- Ponceau.
- 2 litres décoction de cochenille à 250 grammes par litre. 300 grammes amidon.
- 120 grammes acide oxalique.
- 120° dissolution d’étain (2 livres acide nitrique, 4 livres acide chlorhydrique, 360 grammes étain).
- 60 grammes bichlorure d’étain.
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- COCHENILLE.
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- Autre ponceau.
- 4 litres décoction de cochenille à 500 grammes par litre. 3 kilos de gomme.
- 330 grammes acide oxalique.
- 500 — bichlorure d’étain à 53°.
- Amarante.
- Kpuiser 500 grammes cochenille ammoniacale, réduire à 2 litres, tamiser et ajouter :
- 000 grammes de gomme ;
- 00 — alun ;
- 00 — acide oxalique (on y associe quelquefois le bi-
- chlorure d’étain).
- La cochenille ammoniacale entre encore en mélange avec d’autres matières colorantes, dans la composition d’un certain nombre de nuances.
- Ainsi, avec l’orseille, l’alun et l’acide oxalique, en proportions convenables, elle donne le grenat.
- Avec le carmin d’indigo, l’alun et l’acide oxalique on forme du violet.
- Les nuances dérivées de la cochenille, surtout celles forcées sur coton, sont peu solides, d’une stabilité faible sous ' influence des agents acides et alcalins (savon, carbonate alcalin, chaux, qui les font virer au violet bleuté).
- La soie se teint en cramoisi au moyen de la cochenille par le procédé suivant.
- 1° On mordance dans un bain composé de 20 mesures d’eau, 1 livre de bichlorure d’étain ; 2° on passe de là dans 11 n bain clair de cochenille à 30 ou 40° et on l’y travaille deux à trois heures. On peut nuancer par une addition de cochenille ammoniacale. Pour l’écarlate, on donne préalable-ment un pied d’orléans. Pour le ponceau sur soie, on monte on bain avec 20 livres de cochenille ammoniacale dissoute dans dix fois son poids d’eau. On fait bouillir dix minutes et ün ajoute 1 livre sel d'étain, 2 livres crème de tartre, 5 livres
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- acide sulfurique et 4 livres de composition d’étain (1 livre étain, 2 livres acide chlorhydrique et 1 kilogramme acide azotique).
- On fait bouillir une heure et l’on décante après refroidissement, on ajoute 6 livres de carmin de Saflor et l’on entre la soie.
- Bibliographie. — Pelletier et Caventou, Ann. de chim. et de phys., VIII, 250 [2].— Pelletier, ibid., LI, 194. —Arppe, Ann. der Chem, und Pharm., LV, J01. — Warren de la Rue, ibid., LXIV, Schützenberger, Annales de chimie et de physique [3], L1V, 52. — Schaller, Bulletins de la Société chimique, nouvelle série, II, 414. — Bolley, Schweitzerische polytechnische Zeitschrift, IX, 23. — Dingler’s Polytechnisches Journal, VI, 444; XXVI, 179; XXIII, 438; XXXVI, 172; XXXIX, 156 ; LIV, 455 ; LU, 145; LXII, 75 ; LXXI, 226-80; LXXIX, 63 ; LXXXVII, 399; LXXXVIII, 160; XCIV, 220 ; XCV, 97 ; XCVIII, 232 ; CV1, 157; CVIII, 367; CIX, 319; CXI, 458 ; CXXIV, 447-77; CXLI, 465 ; CXXXIX, 399 ; CXLVI, 157 ; CXLVII, 320 ; CXLIX, 157.-Annales de chimie, V, 119 ; XX, 386; XI, 327 ; XXXV, 11. — 2e série : Annales de chimie et de physique, III, 225 ; IV, 49 ; XII, 102. — Bulletins de la Société d’encouragement, XI, 30-31 ; X, 285; XVIII, 297, 396, 261 ; XXXI, 211 ; XXXVIII, 404 ; XLIV, 244; L, 771 ; LII, 435; LVI, 295, 565; LVIII, 567. — Répertoire de chimie appliquée, 111,320.
- MATIÈRES COLORANTES DÉRIVÉES DES LICHENS.
- Un certain nombre de variétés de lichens jouissent de la remarquable propriété de développer une belle couleur rouge violacé, sous la double influence de l’ammoniaque et de l’oxygène de l’air.
- Ce phénomène, qui dépend évidemment d’un ou plusieurs principes immédiats de la plante, était connu empiriquement et utilisé dans l’industrie, longtemps avant d’avoir reçu une explication théorique.
- C’est en 1300, qu’un Florentin de race allemande, nommé Federigo, découvrit, par hasard, dans le Levant, les propriétés colorantes des lichens (1). Pendant plus d’un siècle,
- (I)Girardin, t. II, 4e édit., p. 548.
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- LICHENS.
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- I Italie livra exclusivement l’orseille fabriquée avec les lichens des îles de la Méditerranée. Plus tard, on les tira des îles Canaries et des îles du Cap-Vert. Actuellement, les lichens colorables nous viennent de Madagascar, de Zanzibar, de l’Amérique du Sud, Lima, Guayaquil, Angola, des îles Canaries, des îles du Cap-Vert, de Madère, de l’archipel grec, de Corse, de Sardaigne.
- Les espèces de cette origine appartiennent au genre Roc-cella (;roccella tinctoria et fuciformis) et sont particulièrement connues sous le nom d’orseille de mer, parce qu’elles croissent sur les roches et aux bords de la mer.
- Suivant leur origine, les lichens de mer se distinguent pur leur apparence et leurs caractères extérieurs, bien que la forme générale soit la même. Une base d’implanta-tion très-courte, circulaire et de quelques millimètres de diamètre, donne naissance à plusieurs tiges cylindriques ou plates, se ramifiant comme les branches d’un arbre; chaque rameau se termine en pointe effilée.
- Fig. 5.
- Les caractères distinctifs sont la finesse de ces rameaux qui sont tantôt filiformes ou plus gros, légèrement compri-‘nés et aplatis, ou assez larges et plats. On observe aussi différences dans la couleur, qui varie du blanc grisâtre
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- au blanc brunâtre. Ces différences correspondent à des variations souvent considérables dans la richesse colorante. Tel lichen peut donner, dans les mêmes conditions, moitié moins de matière colorante que tel autre. Ce fait est bien connu des fabricants d’orseille, qui savent choisir, parmi les diverses espèces, celles qui, à prix égal, fournissent le produit le plus riche et le plus pur. Nous verrons comment on peut apprécier assez rapidement le rendement approximatif d’un lichen.
- Les lichens dits orseilles de terre croissent sur les rochers dénudés des Pyrénées, des Cévennes, des Alpes, de la Scandinavie. Ils appartiennent au genre Variolaria :
- Lichen blanc des Pyrénées (variolaria dealbata), la pa-relle d’Auvergne (variolaria orcina), le lichen tartareux de Suède (leccmora tarlarea).
- Leur forme est bien distincte de celle de l’orseillc de mer. Ce sont des croûtes irrégulières, blanches et adhérentes aux rochers.
- ANCIENS PROCÉDÉS USITÉS POUR LA FABRICATION DE l’ORSEILLÉ.
- Nous avons déjà dit que les lichens colorants n’offrent qu’une teinte grise, et que la belle couleur rouge violacé ne se développe que sous des influences chimiques, par l’altération progressive de certains principes immédiats. Or, aune époque où la chimie était encore à créer, il n’est pas étonnant que cette idée de principes spéciaux colorables, indépendants de la masse ligneuse dominante, n’ait pu venir à l’esprit des expérimentateurs. La plante tout entière était donc mise en œuvre.
- M. Gocq donne les renseignements suivants, sur la fabrication de l’orseille en 1812.
- Le lichen qui produit l’orseille se trouve principalement dans les cheyres volcaniques, où toutes les pierres bouleversées présentent des surfaces diversement orientées, et per-
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- mettent au lichen de choisir la position la plus convenable, tandis que les sels des laves contribuent au développement de ses parties. Tous ces lichens, semblables en apparence, ne possèdent pas les mêmes principes colorants. L’art de l’ouvrier consiste à distinguer le véritable. Sous le nom de verdelet, les ouvriers confondent deux lichens bien différents, savoir, le geographicus et le sulfureuses Hoffmann. Ce qu’ils nomment la grise blanche et la grise noire est un seul et même lichen, dans deux états différents, le scruposus de Linné. Ils appellent barbe-fine le lichen cor al linus.
- Le chagrin paraît être le variolaria aspergilla. La pommelée est le véritable lichen parellus de Linné, et ce lichen parellus n’est pas la parelle d’Auvergne ; bien loin de l’employer, on la rejette.
- La parelle des teinturiers de Clermont n’a aucun rapport avec le parellus de Linné et n’appartient pas à la même sec-lion ; c’est une variolaria d’Acliarius, analogue au variolaria aspergilla et lactea de cet auteur.
- En comparant les divers échantillons recueillis sur le granit, la lave dure et la lave poreuse, on reconnaît la variola-ria orcina qui, au rapport de Werling, donne une couleur r°uge superbe. La variolaria asperulla ne produit qu’une Mauvaise teinte rougeâtre. Le lichen cor al linus donne un jaune ocreux rougeâtre; le parellus de Linné, un chamois rougeâtre. La variolaria orcina donne une belle couleur rouge-amarante. Ce lichen, constamment et exclusivement appelé parelle, reçoit plusieurs surnoms : varenne, sur le granit; pucelle, sur les laves et recueillie la première fois. Les ouvriers enlèvent le lichen au moyen de petites lames de ier servant de grattoirs, et le reçoivent dans une poche dont ' ouverture est armée d’une lame de fer qui s’applique à la Pierre. Un demi-cercle en bois tient l’autre partie ouverte. En hiver, et par les temps de pluie, un ouvrier habile peut 1 ecueillir 2 kilogrammes de produit par jour.
- Pour essayer la parelle, on met un peu de lichen dans un
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- verre et on l’arrose avec de l’ammoniaque, le bon se rembrunit, tandis que le mauvais prend une teinte jaune ou verte.
- On sèche la plante dans un grenier bien aéré, et on la remue au printemps pour éviter la fermentation ; enfin on la débarrasse de la mousse.
- Pour colorer, on prend 100 kilogrammes de lichen que l’on met dans une auge en bois, évasée par le haut, de 2 mètres de long, sur 0m,06 à 0m,07 de profondeur et se réduisant par le bas à 0m,04. Cette auge est fermée hermétiquement par un couvercle. On arrose avec 240 litres d’urine, en brassant le tout, de trois en trois heures, pendant deux jours et deux nuits. Le troisième jour on ajoute 5 kilogrammes de chaux éteinte passée au tamis, un quart de livre d’arsenic blanc pilé et un quart de livre d’alun de roche, et l’on brasse souvent. La fermentation s’établit. Au bout de deux fois vingt-quatre heures, on peut ajouter encore 1 kilogramme de chaux. On ralentit peu à peu le nombre des brassages. Après un mois le travail est terminé et le produit est embarillé; il s’améliore avec le temps.
- L’urine putréfiée doit son activité, dans ce cas, à la présence d’une forte proportion de carbonate d’ammoniaque, formé par l’hydratation de l’urée, ou principe cristallisable de burine.
- CH'Az20 -j- 211*0 =!??" ! O*
- 1 2AzH*)
- La chaux éteinte ou l’alcali fixe réagissent sur le carbonate d’ammoniaque et mettent en liberté de l’ammoniaque caustique.
- L’orseille d’herbe, ainsi fabriquée, peut donner diverses couleurs ; ainsi, par un simple bouillon, on obtient un amarante, ensuite un amarante foncé, et enfin, un brun dont l’intensité est déterminée par le temps qu’on laisse l’étoffe plongée dans la dissolution.
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- LICHENS.
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- Un.des premiers progrès que l’intervention de la chimie fit faire à cette industrie, tout empirique au début, fut de conduire à l’emploi exclusif de l’ammoniaque.
- Le fabricant d’orseille trouva ainsi, outre l’avantage de remplacer une matière d’un emploi désagréable et répugnant, celui de mieux pouvoir régler et graduer l’intervention de l’agent actif et de se débarrasser de l'action plus ou moins défavorable de la chaux. La pâte rouge obtenue de cette manière fut vendue sous le nom d’orseille épurée, d’orseille violette, ou orseille d’herbe.
- Le cubear et le persio ou persico sont des orseilles épurées, sous forme de pâtes plus ou moins molles.
- Gomme la matière colorante de l’orseille est soluble dans l’eau, on a cherché à l’extraire et à la séparer des parties ligneuses qui l’accompagnent, en épuisant l’orseille d’herbe par l’eau et en concentrant plus ou moins le liquide. Cette méthode rappelle la manière de procéder dans la fabrication des extraits bois. La seule différence, c’est que dans ces derniers la couleur est naturellement formée, tandis que dans dans la première on commence par la développer. On obtient ainsi les extraits simples et doubles d’orseille, le carmin d’orseille, etc.
- . La matière colorable des lichens n’imprègne pas uniformément la plante, elle se trouve déposée à la surface sons forme d’une poudre grise, facile à détacher, au moins en grande Partie, par des opérations mécaniques.
- Cette observation a donné lieu à l’exploitation d’un procédé intéressant, imaginé par M. Frezon. Les lichens sont broyés dans de l’eau et soumis à une espèce de friction sur des cribles. On sépare ainsi une fécule blanche, représentant ta presque totalité du pouvoir colorable des lichens. Cette poudre est mise à colorer séparément avec de l’ammoniaque, et fournit une couleur incomparablement plus pure et plus riche que toutes celles que l’on peut obteniren laissant l’herbe dans la macération.
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- 37 2 TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- Mais les progrès les plus remarquables, accomplis dans l’industrie de l’orseille, sont dus à l’intervention de la chimie et à l’étude approfondie et raisonnée des principes immédiats des lichens. Nous ne pouvons donc en parler, qu’après avoir passé en revue les résultats acquis dans cette voie.
- HISTOIRE CHIMIQUE DES MATIÈRES COLORABLES ET COLORANTES DES LICHENS.
- En 1849, Robiquet parvint à extraire de la variolaria dealbata un principe incolore, cristallisable, de saveur sucrée et astringente, auquel il donna le nom d’orcine. Il reconnut, en outre, que sous l’influence de l’air et de l’ammoniaque, l’orcine fixe de l’azote et de l’air et se change en une matière violette.
- La composition de l’orcine et de l’orcéine colorée qui en dérive, ainsi que le véritable sens de la réaction, ont été mis en parfaite évidence par les belles recherches de M. Dumas.
- Kane chercha à démontrer que l’orcéine de M. Dumas n’est pas la seule matière colorante, qui prend naissance par la transformation de l’orcine. Ce fait avait, du reste, été pressenti et annoncé par M. Dumas.
- On doit aux travaux de Heeren, Schunck, Stenhouse, Rochleder, Hesse, de Luynes, Menschukine, Grimaux, etc., la découverte et l’étude d’un certain nombre d’acides qui, préexistant dans les lichens, se dédoublent dans diverses circonstances en orcine et en d’autres corps de peu d’intérêt au point de vue industriel.
- Il résulte de là, que la présence de l’orcine toute formée dans les lichens, n’est que l’exception et non la règle. Ce n’est que pendant le travail de coloration qu’elle prend naissance, pour se modifier à son tour.
- L’histoire chimique de ces acides primordiaux est encore obscure en certains points. On est cependant arrivé à les
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- relier entre eux par des formules et des relations assez rationnelles. Ce sont :
- 1° L’acide érythrique ou érythrine C20H22020, donnant comme dérivés immédiats : à) la picroérythrine Cl2Hl607 ; b) l’acide orsellique C8H804.
- La picroérythrine se dédouble elle-même en : a) érythrite ou érythromannite C4H1004 ; b) acide orsellique.
- L’acide orsellique se décompose en acide carbonique GO2 et orcine, C7H802.
- 2° L’acide lécanorique, lécanorine, acide, alpha ou bêta-or-sellique, acide diorsellique C16H1407.
- Il se décompose en acide orsellique C8H804, sans production d’érythrite ou de picroérythrine ;
- 3° La bêta érythrine ou acide bêta-érythrique, G21H24010, homologue supérieur de l’érythrine.
- Il donne comme produits de décomposition : a) l’acide orsellique; b) la bêta-picroérythrine G13H1606; celle-ci diffère de l’homologue de la picroérythrine G13H1807, par H20 en moins. Elle se dédouble en érythrite et en un mélange d’acide carbonique et de bêta-orcine G8H1002, qui, par leur union, formeraient l’acide bêta-orsellique, c’est-à-dire un homologue supérieur de l’acide orsellique.
- La bêta-orcine elle-même est homologue de l’orcine.
- 4° L’acide évernique G17H1607, homologue supérieur de ^ acide lécanorique ou diorsellique.
- Il se décompose en acide orsellique et en acide évernini-Ç[ue ou bêta-orsellique, homologue du premier, C9H10O4.
- 3° Les deux acides usniques (a et 6), isomères, homologues de l’acide évernique Gl8Hl807. On pourrait l’appeler acide dibêta-orsellique. Gomme il donne de la bêta-orcine, on peut admettre qu’il doit être susceptible de se dédoubler en acide hêta-orsellique ou éverninique.
- h° L’acide roccellique G17H3204.
- 7° La roccellinine G18H1607.
- La parelline ou acide parellique C9H604.
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- L’existence de ces deux derniers corps n’est pas encore établie d’une manière certaine.
- Acicle érythrique ou érythrine. C20H22O10. — Il a été découvert parHeeren et étudié par MM. Schunck, Stenhouse, Hesse, de Lignes. Il est contenu dans la plupart des lichens à orseille, et notamment dans les roccella tinctoria, fuci-formis et Montagnei.
- Insoluble dans l’eau froide, soluble dans 240 parties environ d’eau bouillante, il se dépose par le refroidissement sous forme d’une poudre cristalline. Il est plus soluble dans l’alcool et l’éther, surtout dans l’alcool bouillant, d’où il se dépose sous forme d’aiguilles groupées en étoiles ou de boules.
- L’érythrine donne une solution alcoolique neutre aux papiers réactifs ; elle est incolore, inodore et sans saveur. L’acide sulfurique la dissout à froid, l’eau la précipite de cette solution. L’acide chlorhydrique la dissout à chaud.
- Les alcalis, les carbonates alcalins, les hydrates de chaux et de baryte dissolvent l’érythrine avec facilité ; les acides reprécipitent la substance intacte, sous forme de gelée blanche assez volumineuse. Ce dernier effet ne se réalise plus, si l’on fait bouillir la liqueur, ou si on la conserve trop longtemps. Dans ce cas, l’érythrine éprouve des transformations que nous étudierons tout à l’heure.
- La solution ammoniacale rougit peu à peu à l’air. Le per-chlorure de fer donne une coloration pourpre violacé. Pour mettre ce caractère en évidence, il suffit d’en ajouter quelques gouttes à une solution alcoolique.
- La solution magnésienne d’érythrite précipite par l’acétate neutre de plomb. L’érythrine seule, en solution alcoolique, ne précipite pas par l’acétate neutre, mais bien par le sous-acétate.
- Bouillie pendant longtemps avec l’eau, l’érythrine en fixe les éléments, et donne un nouveau corps, la picroérythrine, de l’acide carbonique et de Porcine.
- D’après l’équation :
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- C20H22O'° 4- H20 = C12H1607-f- CO2 -f C7H802
- Érytlirite. Picroérylhiiue. Orcine.
- cette réaction s’accomplit en deux temps. Dans le premier, il se forme de la picroérythrine et de l’acide orsellique ; dans le second, l’acide orsellique se dédouble en acide carbonique et en orcine :
- C8H804 = CO2 -f C7H80*.
- Ac. orsellique. Orcine.
- En remplaçant l’eau par de l’alcool ou de l’esprit de bois, un obtient l’orsellate d’éthyle ou l’orsellate de méthyle.
- C*°I-I«0,() (?]V J O = Cl2H1607 4- C8H7(C2H5)0\
- Orsellate d’éthyle.
- Les alcalis et la chaux favorisent beaucoup, surtout à l’ébullition, les transformations de l’érythrine.
- Préparation. —Schunck épuise les lichens à orseillepar (ie l’eau bouillante ; l’érythrine se dépose par refroidissement, sous forme d’une poudre cristalline, que l’on purifie par cristallisation dans l’alcool.
- Une partie du produit se modifie pendant cette ébullition on donnant de l’orcine et de la picroérythrine.
- Il est, d’après cela, plus avantageux de traiter les lichens à froid, par un lait de chaux. Le liquide calcaire est saturé Par un courant d’acide carbonique. Il se précipite à la fois du carbonate de chaux et de l’érythrine. Le dépôt est épuisé Par l’alcool tiède; la solution décolorée par le noir animal ot encore chaude, est additionnée d’assez d’eau pour déterminer un trouble persistant. Par le refroidissement, l’éry-mcine se dépose à l’état cristallin (1). La solution calcaire
- P) Hesse, Annalender Chemie und Pharm., t. CVIT, p. 297.
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- peut aussi être précipitée par l’acide chlorhydrique. En épuisant les lichens par l’eau ammoniacale froide, on obtient un liquide jaune contenant de l’érythrine et de l’acide roccelli-que, espèce de matière grasse, insoluble dans l’eau, soluble dans l’alcool, l’éther et l’ammoniaque. La séparation des deux corps s’effectue en précipitant par l’acide chlorhydrique et en dissolvant l’érythrine dans l’eau bouillante, ou bien encore en ajoutant du chlorure de calcium au liquide ammoniacal ; l’acide roccellique se sépare alors sous forme de roceellate de chaux insoluble. L’ammoniaque dissolvant en même temps une substance brune, la purification de l’érythrine n’est pas aussi facile que si l’on fait usage de chaux.
- Le brome, en présence de l’éther aqueux, transforme l’érythrine en un produit brômé, insoluble dans l’eau, soluble dans l’alcool et offrant l’apparence de petites masses cristallines.
- Picroérythrine. C12H1607. — Corps solide, blanc, de saveur très-amère ; peu soluble dans l’eau froide, très-soluble dans l’eau bouillante, soluble dans l’alcool et l’éther. Elle cristallise par la concentration de ses solutions aqueuses. Elle est fusible à 158°, mais ne cristallise plus par le refroidissement. Sa réaction est légèrement acide.
- Elle, est attaquée par le brome, en présence de l’éther, et donne un composé brome résineux, jaunâtre, soluble dans l’alcool et l’éther, peu soluble dans l’eau bouillante.
- La picroérythrine chauffée dans un tube, donne un sublimé d’orcine. Elle est soluble à froid dans les alcalis. Sa solution ammoniacale rougit promptement à l’air.
- Elle précipite par le sous-acétate de plomb, mais non par l’acétate neutre. Le précipité renferme 68,94 pour 100 d’oxyde de plomb.
- Le perchlorure de fer la colore en pourpre.
- Le nitrate d’argent est réduit, en présence de l’ammoniaque.
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- L’ébullition prolongée avec de l’eau ne l’altère pas ; mais, en présence d’un excès de chaux ou de baryte, on fixe de l’eau et l’on obtient de l’orcine, de l’érythrite, et un carbonate alcalin terreux. Cette réaction, la plus intéressante de celles que donne la picroérythrine, est beaucoup plus prompte en vase clos, à 150° (deLuynes).
- On peut admettre qu’il se forme d’abord de l’érythrite et de l’acide orsellique :
- CuHl607 + IPO = C8H804 -f C4H10O4
- Picroérythrine. Ac. orsellique. Érythrite.
- L’acide orsellique fournit ensuite l’orcine et l’acide carbonique.
- C8I1804 = CO2 -f- C7I1802.
- Ac. orsellique.
- Préparation. — On obtient la picroérythrine, en faisant bouillir l’érythrine avec de l’eau. Celle-ci se dissout peu à peu. Le liquide concentré donne une masse brune et gluante qui devient peu à peu cristalline. Traitée par l’eau froide, celle-ci cède de l’orcine colorée, tandis que la picroérythrine reste comme résidu. On peut remplacer l’eau par de l’alcool. M. Stenhouse prescrit de neutraliser l’érythrine par la chaux, avant de faire bouillir. La transformation, dans ce cas, est plus rapide.
- Érythrite. — Érythroglucine, érythromannite, pseudo-orcine C4H804. Jusqu’à présent nous n’avons observé entre l’érythrine et les divers produits qui en dérivent (picroérythrine, acide orsellique, orcine), que des relations empiriques. L’histoire de l’érythrine va nous permettre de remonter plus loin dans leur constitution moléculaire et les liens qui les enchaînent.
- En effet, d’après les derniers travaux de MM. Hesse et de
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- Luynes, l’érythrite fonctionne comme un alcool tétrato-mique
- dont les produits précédents (érythrine et picroérythrine seraient les éthers orselliques.
- Vacide orsellique lui-même est triatomique ; sa formule rationnelle serait, d’après M. E. Grimaux,
- Suivant M. Hesse, l’acide orsellique est diatomique et doit s’écrire :
- C8H602
- En admettant la première formule, l’érythrine devient
- C4Ffi
- 2(C8 O8
- La picroérythrine devient
- OH6,v j C8H50/;/ O6
- '-'/// /
- H5 )
- En admettant la seconde, l’érythrine doit s’écrire :
- C4H6j
- IV
- 2(C8H602)„ , O6
- H4
- La picroérythrine :
- C4H61V
- C8R602
- M. de Luynes a indiqué un fort bon procédé pour préparer l’érythrine en même temps que l’orcine.
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- 3 '‘J
- Les lichens de l’Amérique du Sud (Lima) sont épuisés par un lait de chaux. Le liquide filtré est précipité par l’acide chlorhydrique. L’érythrine ainsi obtenue est lavée et chauffée dans un vase clos en tôle, à 150°, pendant deux heures, avec une quantité de lait de chaux insuffisante pour la décomposer entièrement. On filtre pour séparer le carbonate de chaux. On évapore légèrement. L’orcine se sépare par le refroidissement sous forme de beaux cristaux. Les eaux mères évaporées fournissent un résidu cristallin, contenant de l’érythrite et de l’orcine. On enlève cette dernière au moyen de l’éther ; enfin l’érythrite est purifiée par dissolution et cristallisation dans l’alcool bouillant. On peut aussi faire bouillir l’extrait calcaire pendant quelques heures, concentrer le liquide, précipiter la chaux par un courant d’acide carbonique, évaporer à sec, et épuiser par l’éther pour enlever l’orcine.
- Propriétés. — Gros cristaux brillants appartenant au système tétragonal, saveur sucrée faible, neutre aux papiers. Très-soluble dans l’eau, moins dans l’alcool, très-peu soluble dans l’éther; ne se colore ni par l’ammoniaque à l’air, ni par le chlorure de chaux. Ne précipite ni par l’acétate neutre, ni par l’acétate basique de plomb. Elle fond facilement et présente, à un haut degré, le phénomène de la surfusion. L’érythrite ne possède donc plus aucune des propriétés co-lorables des principes roccelliens. Celles-ci dépendent de ' acide orsellique dont le radical est engagé dans l’érythrine.
- L’hydrate de potasse décompose l’érythrite. 11 se dégage be l’hydrogène, et il se forme de l’acide acétique.
- C4H10O4 = H2 -f 2C2H402.
- Ery t h ri te - Ac. acétique.
- i
- A 240°, en présence de la potasse, elle donne de l’acide oxalique et de l’hydrogène.
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- Traitée à 60° par 20 ou 30 parties d’acide sulfurique concentré. elle donne de l’acide érythrogluci-sulfurique.
- 3SO*„ ]
- 2C4H6ir O8 H2 )
- Sa solution aqueuse s’oxyde rapidement au contact de l’air et du noir de platine.
- L’érythrite sèche et fondue, chauffée avec 12 fois son poids d’acide iodhydrique, d’une densité égale à 1,99, donne à la distillation de l’iodhydrate de butylène G4H8IH.
- G4H10O4 perd dans cette circonstance H20 -f- O3 et se réduit complètement.
- C4H10O4 + 7IH = 4(H20) -f C4H9I -f- 31*.
- M. Berthelot a reconnu de plus que l’érythrite se combine directement aux acides avec élimination d’eau, à la manière des alcools. Il adonné aux éthers formés le nom d’érythrides. Acide orsellique ou alpha-orsellinique. C8H804 =
- C8H50///
- H3
- O3 ou
- G8 H6 02;/ H2
- O2.
- L’orcine étant diatomique et différant de l’acide orsellique par GO2 en moins, il en résulte que ce dernier est triato-mique, comme le fait observer M. E. Grimaux.
- Il se produit le mieux par l’ébullition des lécanorates de chaux ou de baryte en présence de l’eau. Celle-ci ne doit pourtant pas être prolongée trop de temps, autrement il se formerait du carbonate de chaux et de l’orcine.
- * On précipite l’acide orsellique par l’acide chlorhydrique.'
- Le dépôt gélatineux, repris par l’alcool bouillant ou l’eau chaude, donne des prismes incolores.
- Il est plus soluble dans l’eau que l’acide diorsellique ou lécanorique. Les sels de chaux et de baryte sont également plus solubles.
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- Il est soluble dans l’éther. Sa saveur est aigre et amère ; il rougit le tournesol. Cristallisé dans l’alcool, il se présente en masses incolores, fusibles à 176°, et se décomposant, à cette température, en orcine et acide carbonique. La même réaction se produit par une ébullition prolongée. Le chlorure de chaux le colore en rouge violacé fugace. Au contact de l’air, l’ammoniaque caustique lui communique une couleur rouge. Les orsellates alcalins et alcalino-terreux sont solubles dans l’eau et se dédoublent facilement, surtout on présence d’un excès de base, en carbonate et en orcine.
- 2C8H50
- L’orsellate de baryte H4 O6 cristallise en pris-
- mes à quatre faces.
- C8H50
- H2(CH3)
- L’orsellate de méthyle
- O3 s’obtient par l’é-
- Lullition de l’acide lécanorique ou de l’érythrine avec de
- 1 esprit de bois.
- L est volatil sans décomposition, soluble dans l’alcool et l’eau bouillante, d’où il se dépose en aiguilles soyeuses.
- L "’orsellate d'éthyle ou pseudérythrine se forme par l’ébullition de l’acide lécanorique ou de l’érythrine avec l’ai— c°ol, ou par l’action de l’acide chlorhydrique sur une solution alcoolique d’acidé lécanorique. Cet éther est très-peu s°luble dans l’eau, fusible à 132° et cristallise en belles aiguilles incolores, solubles dans les acides chauds et la sonde Rustique. Sous l’influence du chlore ou du brome, il se ,0rme du bichlororsellate ou du bibromorsellate d’éthyle.
- Le brome attaque l’acide orsellique et donne de la tri-bromorcine.
- Acide lécanorique ou diorsellique, lécanorine, acide al-
- pha-orsellique.
- C8H80 \ C8H50 1 O8.
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- Cet acide a été retiré par Schunck des lichens appartenant aux genres lecanora zivariolaria, par Rochleder et Heldde Yevernia prunastri, et par Stenhouse du roccella tinctoria.
- On peut procéder de la manière suivante : les lichens, réduits en poudre, sont épuisés par l’éther. La solution éthérée est évaporée à sec, et le résidu épuisé par l’éther et l’eau est dissous et cristallisé dans l’alcool. Ou bien encore, on traite les lichens par un lait de chaux, ou par l’ammoniaque, on filtre et on précipite par l’acide chlorhydrique. La pâte blanche est égouttée, bien lavée, séchée et cristallisée dans l’alcool chaud.
- Il se présente sous forme d’aiguilles blanches peu solubles dans l’eau et l’alcool froids ; solubles dans l’éther, l’alcool bouillant et l’acide acétique. 1 partie d’acide exige 2500 parties d’eau bouillante, 150 parties d’alcool à 15°, 5,15 parties d’alcool bouillant et 80 parties d’éther.
- Le chlorure de chaux le colore en rouge fugace. Le per-ehlorure de fer colore en pourpre ses solutions alcooliques.
- Dissous dans l’ammoniaque et abandonné au contact de l’air, il se colore peu à peu en rouge violacé.
- Bouilli avec un excès de chaux ou de baryte, il se change d’abord en orsellate, puis celui-ci se décompose à son tour en acide carbonique et en orcine.
- Cl6H1407 -f- HPO == 2C8H804 C8H804 = C*0* -f C7H802.
- Orcine, alpha-orcine. — L’orcine, découverte par Robi-quet, représente la substance colorable des lichens. Tout au moins, parmi les deux produits ultimes du dédoublement des acides précédemment décrits, c’est le seul capable de se transformer en matière colorante.
- Il n’est pas encore prouvé, et d’après les faits pratiques il semble meme peu probable, que la matière colorante formée par 1 action simultanée de l’air et de l’ammoniaque sur l’or-
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- ciue, soit la même que celles qui prennent naissance par l'oxydation ammoniacale des acides colorables (érythrine, lé-canorique, orsellique, picroérythrine).
- Nous verrons, en effet, que pendant la préparation de l’orseille par les procédés ordinaires, il se produit plusieurs matières colorantes, variables par leur teinte.
- L’orcine pure cristallise en prismes incolores appartenant au système monoclinique (1). Elle est très-soluble dans l’eau et l’alcool, soluble dans l’éther. Elle se dépose de ses solutions aqueuses avec une molécule d’eau, et de ses solutions éthérées à l’état anhydre.
- Sa saveur est à la fois sucrée et désagréable.
- Hydratée, elle fond à 100° et perd son eau de cristallisation; anhydre, elle distille vers 290°. Chauffée avec précaution dans des vases plats, elle se sublime.
- Sa composition est représentée par la formule
- C7H802-f-H20 (de cristallisation éliminable à 100° ou dans le -vide soc).
- L’orcine est neutre aux réactifs colorés, mais elle se comporte. dans certains cas, comme un acide. Ainsi, à l’état de lusion, elle décompose les carbonates alcalins ; elle précipite la silice des silicates alcalins. D’un autre côté, elle jouit de la remarquable propriété de précipiter certains sels à base' d alcaloïdes organiques (sels de quinine). Le précipité représente une combinaison d’orcine et de quinine. Ses solutions ne sont précipitées, ni par le bichlorure de mercure, ni par l’acétate de plomb, le sulfate de cuivre, le tannin, la gélatine, mais par le sous-acétate de plomb en blanc, par le per-chlorure de fer en rouge foncé.
- Le précipité plombique correspond à la formule
- (C7H6Pb„02 -f PbO)
- (•) Laurent et Gerhardt, Ann. de chim. et de phys. [3], XXIV, 317. — Miller, Ann. der Chem, und Pharm., LXVIII, 99.
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- 384 TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- Elle réduit le chlorure d’or et le nitrate d’argent en présence de l’ammoniaque.
- Traitée par un mélange de chlorate de potasse et d’acide chlorhydrique, l’orcine se convertit en orcine trichlorée pure G7H5C1302.
- La trichlororcine fond vers 59° et se dissout dans les alcalis, l’eau bouillante et l’alcool, d’où elle cristallise en aiguilles incolores.
- Le brome donne avec l’orcine la tribromorcine C7H5Br302, fusible, cristallisable, insoluble dans l’eau, très-soluble dans l’alcool et l’éther.
- Projetée dans de l’acide nitrique fumant et refroidi, elle se dissout sans dégagement de vapeurs nitreuses ; l’eau précipite de la solution une matière rouge soluble dans les alcalis.
- Si l’on place l’orcine sous une cloche, à côté d’un vase contenant de l’acide nitrique à 40°, la matière brunit, puis se colore en rouge. La transformation des cristaux est complète au bout de quelques jours.
- Cette matière colorante est différente de l’orcine ; elle teint sans mordant la laine et la soie en rouge ; l’ammoniaque la rend violette d’une manière passagère ; les alcalis fixes d’une manière permanente. Les acides ramènent au rouge cette teinte violette (1).
- Lorsqu’on dissout l’orcine dans beaucoup d’acide sulfurique concentré et qu’on porte la solution à une température de 60 à 80°, on voit la liqueur noircir.
- Après refroidissement, si l’on ajoute de l’eau, et qu’on sature à froid par du carbonate de plomb, puis qu’on évapore rapidement le liquide filtré, celui-ci, convenablement réduit, se prend en masse cristalline. On enlève, par l’éther, l’orcine contenue dans cette masse ; le résidu dissous dans l’eau bouillante, neutralisé par le carbonate de plomb, filtré
- (I) De Luynes, Comptes rendus de l’Académii des sciences, t. LVI, P- ’16'
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- • LICHENS. 38 5 1 J PII
- et abandonné au repos, donne des cristaux brunâtres, à fil# » h | |j il
- éclat fortement nacré, formés d’orcino-bisulfate de plomb L[| !
- basique jlj il !
- (C7H6Pb„S208 + PbO)2-f- S(IPO).
- Les eaux mères du sel précédent en fournissent un autre, f
- cristallisé en prismes microscopiques et semblant contenir m
- (2C7HfiPb„S208 -f- PbO) -f 4II20. Pf ; -j 11 s y
- Le contact de l’air rougit peu à peu l’orcine, surtout sous iiBi
- influence solaire. Le chlorure de chaux la colore en violet J: '
- foncé, passant au brun, puis au jaune. iii; y
- Sous l’influence des alcalis fixes, elle absorbe rapidement ! j. 1‘
- 'oxygène et se colore en rouge ou en brun. Exposée aux va-
- peurs ammoniacales, l’orcine devient d’un brun foncé en se convertissant en orcéine. Le bichromate de potasse seul ou additionné d’acide sulfurique la transforme en une sub- È . i»J
- stance brune.
- L’action prolongée de l’acide nitrique chaud la convertit en acide oxalique. }} 1 11 y 11 KrJ ** 1
- Préparation. — Robiquet a isolé pour la première fok ' ercine, en épuisant la variolaire par l’alcool bouillant. Le liquide abandonné au refroidissement dépose des cristaux f| l|| Il 1 fîj (j j JH
- 1
- qnel’on sépare ; il est ensuite évaporé à sec. Le résidu traité Par l’eau bouillante donne une solution qui, après concentration, fournit des cristaux d’orcine. ii|I
- Schunck fait bouillir pendant longtemps du lécanorate de baryum en solution aqueuse ; il se sépare du carbonate ba-rtique, tandis que l’orcine reste en solution. On la purifie lis « 1 If. if! iU 111 II llflj TlHr
- Par plusieurs cristallisations. il i l ' iii-ï1 *ii-
- Stenhouse concentre et fait bouillir quelques heures l’ex- ill
- tl’ait calcaire des lichens (roccella), précipite la chaux par i|[| | je : m
- 1 acide carbonique, évapore à sec, reprend par l’alcool con-
- rentré et bouillant. Les cristaux qui se séparent par refroidissement sont dissous dans l’éther anhydre. II. 2 5 jllll t ' i
- : 1 i-* ’ J
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- 3 86 TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- De tous les procédés de préparation de l’orcine, celui qui nous paraît le plus avantageux a été publié par M. de Luynes ; il en a déjà été question à propos de l’érythrite.
- Roccellinine.
- Ce corps a été extrait par Stenhouse du roccella tmctoria du cap de Bonne-Espérance.
- Le lichen est traité par un lait de chaux, à froid ; le liquide filtré est précipité par l’acide chlorhydrique, et la pâte blanche, égouttée, est lavée et bouillie avec de l’alcool. Il se forme de l’orsellate d’éthyle soluble dans l’eau bouillante, tandis que la roccellinine non modifiée résiste à ce dissolvant, et peut être isolée ainsi.
- Elle est soluble dans les alcalis et l’ammoniaque, mais ces solutions ne se colorent pas à Vair.
- A peine soluble dans l’alcool et l’éther froid, elle cristallise de ses solutions alcooliques bouillantes en aiguilles soyeuses. Stenhouse représente sa composition par la formule
- C18H,607.
- Parelline ou acide parellique.
- Suivant Schunck, elle accompagne quelquefois l’acide lé-canorique. Les lichens sont épuisés] par l’alcool chaud ; le liquide est bouilli pendant quelque temps, évaporé à sec, repris par l’eau, à 100°, qui dissout l’orsellate d’éthyle formé. Le résidu est repris par l’alcool bouillant ; l’acide parellique se dépose en fines aiguilles, insolubles dans l’eal1’ solubles dans l’alcool et l’éther. Ce corps ne semble pas donner à l’air, et avec le concours dej l’ammoniaque, les couleurs rouges et violettes de l’orseille. Schunck lui attribue la formule
- C9H60b
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- Matières colorantes de l’orseille.
- Bien qu’il existe certainement plusieurs matières colorantes dans l’orseille colorée, une seule a été étudiée d’une manière un peu approfondie ; c’est l’orcéine qui, d’après les recherches de MM. Robiquetet Dumas, se forme aux dépens de l’orcine.
- Deux conditions sont nécessaires à sa génération : la présence de l’air ou plutôt de l’oxygène, et le concours de l’ammoniaque. Une température de 30 à 50° favorise la modification. La coloration de l’orcine s’effectue, soit sur le corps cristallisé exposé aux vapeurs ammoniacales, soit avec une solution aqueuse contenant de 10 à 20 pour 100 d’orcine. Le temps est un élément essentiel de l’opération.
- Les analyses d’orcéine faites par M. Dumas conduisent à la formule
- C7H7Az03.
- Le corps se formerait donc d’après l’équation C7H602 -f- AzH3 + 02 = C7H7Az03 + IUO.
- Orcine. Orcéine.
- L’orcéine sèche constitue une poudre brune, légère. Elle est peu soluble dans l’eau froide, qu’elle colore en rouge. Les sels alcalins neutres la précipitent de cette solution. Elle est très-soluble dans l’alcool ; le liquide est écarlate, insoluble dans l’éther. Les alcalis et l’ammoniaque la dissolvent en pourpre violacé magnifique. L’orseille du commerce, qui offre la même teinte, renferme l’orcéine en combinaison
- ammoniacale.
- L orcéinate d’ammoniaque en solution aqueuse donne, avec les sels métalliques, des précipités ou laques de couleurs diverses. L’éclat de ces laques est faible après dessiccation.
- L’orcéinate d’ammoniaque se décolore sous l’influence
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- des agents réducteurs alcalins (ébullition avec le zinc, suif-hydrate d’ammoniaque, etc.). La couleur reparaît au contact de l’air. Une solution ammoniacale d’orcéine, rendue acide par l’acide chlorhydrique, se décolore au contact du zinc. L’ammoniaque précipite alors des flocons blancs de leucor-céine qui deviennent violets et pourpres à l’air.
- Le chlore transforme l’orcéineen une matière jaune brun (chlororcéine).
- L’orcéine est rouge par elle-même ; elle vire au pourpre violacé sous l’influence des alcalis. Les acides ramènent la teinte rouge primitive.
- M. Kane a encore extrait de l’orseilledu commerce, et décrit deux autres principes rouges, l’orcéine a et l’azoéry-thrine, plus, une substance pourpre semi-fluide (acide éry-throléique).
- L’azoérythrine C11H19Az011(?) est insoluble dans l’eau, l’alcool et l’étlier ; soluble dans les alcalis qu’elle colore en rouge vineux.
- L’acide érythroléique G18H1104(?) est soluble dans l’alcool, l’éther et les solutions alcalines ; insoluble dans l’eau. L’étude de ces produits réclame de nouvelles expériences.
- Nouveaux procédés de préparation de Vorseille.
- Les procédés de coloration des lichens ont été modifiés d’une manière avantageuse, à la suite des travaux de Schunck, Rochleder et Stenliouse. Les perfectionnements portent généralement sur l’utilisation de ce fait, que la colorabilité n’appartient pas à la totalité du lichen, mais à certains principes immédiats, susceptibles de devenir solubles dans des réactifs appropriés, ou de se détacher mécaniquement. Le poids de ces principes colorables ne représente qu’une faible fraction de celui des lichens. L’opération chimique faite ainsi, indépendamment de cette masse inutile et embarrassante de ligneux, est plus facile à diriger dans un sens
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- convenable. Nous avons déjà vu, que M. Frezon a utilisé la faible adhérence de l’érythrine et de l’acide lécanorique qui se trouvent à la surface de la plante, pour les isoler du tissu végétal.
- A cet effet, les lichens, épluchés et lavés à plusieurs eaux, sont triturés dans un moulin, et mis à l’état de pâte liquide. Celle-ci est épuisée par des lavages répétés à l’eau froide. Les liqueurs sont filtrées sur un feutre lâche qui retient les débris ligneux et laisse passer les acides colorables, en partie dissous, en partie seulement en suspension. En ajoutant au liquide un peu de bichlorure d’étain on coagule les acides colorables qu’on recueille sur des filtres en toile. Après ce lavage, la masse est dissoute dans l’ammoniaque et soumise à la coloration dans des cuviers, sous l’influence d’une température et d’une agitation convenables. Cette opération exige un temps assez long.
- Au moyen de teintures faites avec des échantillons de 'aine et un poids connu d’orseille, on juge des progrès de la coloration et du moment où elle est arrivée à son summum d’intensité. M. Gauthier de Claubry (1) fait observer, avec raison, que le contact prolongé de l’eau fait passer peu à peu fa matière colorable du lichen de l’état insoluble à l’état so-luble ; il convient donc, quand on procède comme nous venons de l’expliquer, d’opérer aussi rapidement que possible la
- Précipitation.
- M. Stenhouse a proposé de traiter les lichens sur place, Par un lait de chaux (30 p. 100 de chaux du poids du lichen), de filtrer et de précipiter les acides colorables par l’acide chlorhydrique ; la pâte blanche ainsi obtenue, filtrée, lavée et séchée, et représentant tout le pouvoir colorable des li-('hens, pourrait être expédiée aux fabricants d’orseille sous 1111 beaucoup plus petit volume et avec des transports moindres. Ce mode de traitement, susceptible aussi de recevoir des
- P) Comptes rendus, juin et juillet ISGt.
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- applications dans les fabriques d’orseille, est rendu difficile par la rapidité avec laquelle les acides érythrique et lécano-rique se modifient en présence de la chaux et deviennent solubles.
- Trois à quatre heures de macération avec la chaux suffisent pour amener ce résultat.
- L’ammoniaque peut également servir à la dissolution des acides colorables ; mais la pâte obtenue par précipitation avec l’acide chlorhydrique offre une teinte jaunâtre, par suite de la dissolution simultanée d’un principe brun. Le même effet de décomposition rapide s’observe encore ici d’une manière très-marquée.
- Lorsqu’on veut isoler les principes colorables par une ébullition prolongée avec de l’eau seule ou de l’eau renfermant une substance alcaline (phosphate, borate, carbonates alcalins ou alcali caustique), pour les soumettre isolément à la coloration, la transformation des produits insolubles précipitables par un acide, en substances solubles non précipitables, s’effectue aussi très-rapidement; et la concentration ne peut plus s’effectuer que par l’évaporation du liquide.
- En résumé, la préparation de l’orseille par les nouveaux procédés, comprend trois phases.
- 1° La séparation des parties colorables d’avec le ligbeux.
- Elle s’effectue soit mécaniquement, soit par voie de dissolution chimique (procédé Stenhouse) au moyen de la chaux ou de l’ammoniaque, ou par l’ébullition avec de l’eau seule ou de l’eau rendue alcaline.
- 2° La concentration des parties colorables. Lorsqu’on a opéré à froid avec de la chaux ou de l’ammoniaque, cette concentration s’obtient facilement en précipitant par l’acide chlorhydrique et en filtrant la pâte blanche. Dans le dernier cas, on évapore.
- 3° La coloration. On ajoute une quantité déterminée d’alcali volatil qui dissout la pâte blanche, puis on abandonne au contact de l’air, dans des cuves, en remuant d’une ma-
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- nière continue et en favorisant la réaction par une température convenable.
- Les couleurs de l’orseille ordinaire sont belles, mais peu solides.
- En se plaçant dans des conditions de coloration convenables, MM. Guinon, Marnas et Bonnet ont préparé, en 1857, un produit remarquable par la vivacité des teintes qu’il fournit, et par leur stabilité. Il est connu sous le nom rte pourpre française. Nous insisterons particulièrement sur le mode de formation de la pourpre française, les procédés en ayant été publiés avec quelques détails. La découverte de cette matière colorante appartient, dit-on, à M. Peter rte Lyon.
- On traite, àfroid, les lichens par une solution ammoniacale, rte manière à dissoudre les acides colorables. Après quelques minutes de contact, on jette sur une chausse et on exprime fortement. Le liquide est précipité par l’acide chlorhydrique. Le précipité est filtré, lavé et égoutté. On le redissout dans l’ammoniaque et on expose à froid la solution au contact de l’air. Jusqu’à présent, la marche suivie ne diffère en rien de la méthode ordinaire indiquée par Stenhouse. Mais au lieu d’abandonner la liqueur à elle-même jusqu’à ce que la matière colorante de l’orseille soit complètement formée, on observe le moment où la liqueur prend la teinte rouge cerise. Quand elle est arrivée à ce degré, on la porte à l’ébullition qu’on maintient pendant quelque temps ; puis on l’introduit en couches de 5 à 6 centimètres dans des vases à fond plat de 2 à 3 litres de capacité qui sont chauffés dans une étuve a une température constante de 70 à 75°. L’opération est terminée, lorsque la liqueur a pris une belle teinte pourpre, et, qu’étendue sur du papier blanc, elle ne change pas de nuance en se desséchant. La matière colorante pourpre est accom-Pagnée d’un acide rouge qui en altère la nuance. On opère 'a séparation, en précipitant par le chorure de calcium. On °btient ainsi une laque calcaire qui, filtrée, lavée et séchée, se
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- 302 THAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- présente sons forme de masses d’un bleu pourpré magnifique, prenant un reflet cuivré sous l’ongle. En opérant la précipitation en deux fois on obtient des laques de première et de deuxième qualité. L’eau mère du précipité calcaire retient, outre une certaine proportion de violet, une substance rouge. Elle peut être utilisée avec avantage dans la teinture sur soie des nuances grenat; elle jouit également d’une grande solidité (1).
- Au lieu de la laque calcaire, on prépare aussi une laque à l’alumine, en précipitant par l’alun la solution ammoniacale de pourpre.
- En traitant la combinaison calcaire de pourpre française, par une quantité équivalente d’acide oxalique et en épuisant par l’alcool bouillant, on obtient la pourpre sous forme de cristaux qui se déposent pendant l’évaporation. La composition de ce produit n’a pas encore été établie par l’analyse. La pourpre française, dont le prix a été primitivement de 200 francs le kilogramme, pour s’abaisser à 80 francs, se distingue de l’orseille ordinaire par la résistance qu’elle présente à l’action des acides végétaux. Tandis que ceux-ci font virer l’orseille au rouge vineux, ils sont sans effet sur le produit de MM. Guinon et Marnas. Les modifications apportées au procédé ordinaire résident principalement dans la détermination rigoureuse des conditions de température dans lesquelles il convient de se placer, et toutes faibles qu’elles paraissent, elles sont suffisantes pour modifier profondément les caractères de la matière colorante.
- D’après M. Gauthier de Claubry, des expériences scientifiques et des faits industriels prouvent, que l’orseille préparée à 60 degrés centigrades renferme un produit plus solide que la matière colorante ordinaire. Quoi qu’il en soit, les orseilles fabriquées dans diverses maisons ne sont pas identiques ; les unes présentent sur laine non mordancée
- (1) J. Persoz, Répert. de chùn. appliq., 1.1, p. 189.
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- une nuance plus rouge, plus grenat que d’autres qui fournissent des teintes violetées. Les premières sont plus estimées dans l’impression des laines, surtout pour l’obtention de puces rougeâtres. Ces différences qui font la fortune passagère de tel produit, et constituent un désavantage pour tel autre, peuvent dépendre, soit de la matière première employée, soit des conditions de fabrication.
- Bien que l’on connaisse sommairement le mode de préparation de l’orseille, chaque fabricant garde comme un secret les conditions de température, de temps et les proportions des ingrédients qu’il emploie.
- La proportion des parties colorables des lichens peut varier de 2 1/2 à 12 pour 100.
- On apprécie rapidement le pouvoir colorant comparatil de diverses sortes de lichens, en en faisant macérer des poids égaux (100 grammes) avec un lait de chaux, filtrant et exprimant au bout de quelques minutes. Le liquide précipité par l’acide chlorhydrique donne une pâte blanche qu’on fait égoutter sur des tamis de soie et que l’on pèse (Gerhardt). Stenhouse se sert dans le même but, d’une solution titrée de chlorure de chaux. Ajoutée goutte à goutte à l’extrait calcaire de lichen, il en détermine la coloration par un premier phénomène d’oxydation, et lorsque celle-ci est arrivée à son summum, il le décolore par une action ultérieure. En comparant les volumes d’hypochlorite nécessaires pour décolorer ûes solutions calcaires de divers lichens, on aura une approximation de leur richesse.
- On peut aussi épuiser 100 grammes de lichen par de l’eau alcaline, réduire à 100 grammes par concentration et mettre en coloration avec de l’ammoniaque (30 grammes).
- Un essai de teinture avec de la laine non mordancée don-Uëra une idée de la quantité de matière colorante formée.
- Les essais d’orseille se font par voie de teinture, sur laine 11011 mordancée. Pour un échantillon de S centimètres de °ng sur 2 centimètres de large, on prend 0,5 à 1 gramme
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- d’orseille et 300 grammes d’eau. On teint au bain-marie à l’ébullition, pendant une demi-heure. On procède aussi par impression; à cet effet, on prend : 100 grammes eau de gomme, 12 grammes sulfate d’alumine, 100 grammes or-seille ; on imprime sur laine et on -vaporise.
- Emploi de Vorseille en teinture et impression.
- L’orseille n’est pas employée sur coton. Gomme la matière colorante est susceptiblede s’unir directement aux substances azotées-animales, on pourrait la fixer par l’intermédiaire de l’albumine, par un procédé analogue à celui qui sert à l’impression des couleurs d’aniline ; mais les nuances ainsi obtenues ne sont ni assez belles, ni assez solides, pour qu’il soit utile de recourir à cet artifice.
- Il n’en est pas de même de la pourpre française. Cette matière colorante est, comme nous l’avons déjà dit, plus belle et plus solide.
- Pour imprimerie calicot en pourpre française, on dissout la laque calcaire ou aluminique dans un mélange d’alcool et d’acide acétique, puis on ajoute de l’eau albumineuse.
- M. Kopp a publié la recette suivante qui peut être variée dans certaines limites.
- Pourpre française................... 25 grammes.
- Acide acétique...................... 50 —
- Alcool.............................. 80 —
- Eau d’albumine....................... 1 litre.
- Si l’on veut un ton bleuté on ajoutera du carmin d’indigo-
- On imprime, on sèche, on vaporise et on lave à l’eau bouillante.
- Le coton huilé, comme dans la fabrication du rouge turc, ou le coton albuminé, attirent en bains de pourpre calcaire, préalablement décomposée par une ébullition avec son poids d’acide oxalique, filtré et additionné d’ammoniaque. On monte jusqu’à 60°.
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- La laine non mordancée teinte au bouillon dans un bain d’orseille ordinaire prend une belle nuance rouge pur, ou rouge violacé, ou violette, suivant la qualité du produit.
- La pourpre française, débarrassée de sa chaux par l’acide oxalique et neutralisée par l’ammoniaque, teint la laine fin violet pourpré très-beau et très-solide.
- Pour les nuances groseille vif, groseille violeté foncé, on teint, en orseille seule, la laine préalablement mordancée fivec le mordant pour rouge.
- (10 kilog. laine, 1 kilog. crème de tartre, 2 litres dissolution d’étain, y passer la laine pendant une heure au bouillon.)
- La dissolution d’étain est faite avec 400 grammes sel marin, lk,250 étain et 8 litres acide nitrique.
- Pour le groseille moyen on fait intervenir simultanément 'a cochenille ammoniacale et l’orseille.
- L’orseille sert encore en concurrence avec d’autres matières colorantes pour obtenir les nuances suivantes :
- Amarante rouge. Mordant pour rouge. Cochenille brute et orseille.
- rOn augmente la proportion d’orseille pour les
- __ , nuances moyennes et foncées. Dans le dernier
- ‘ ( cas, on ajoute encore du sulfate d’indigo.
- Rouge. On opère comme pour l’amarante en modifiant les proportions des matières colorantes.
- Feuille morte. On mordance avec de l’alun et de l’acide sulfurique (10 kilogrammes laine, 2 kilogrammes alun, 20 grammes acide sulfurique,pendant une heure au bouillon), et l’on teint en mélange d’orseille, de carmin d’indigo et de curcuma.
- Bois. On mordance en crème de tartre et dissolution d’étain, et on teint en orseille, carmin d’indigo, extrait de cuba et curcuma.
- Carmélite. Môme mordant et mômes matières colorantes.
- Rommerolle. — —
- Les proportions du bain de teinture varient seules.
- L’impression de la laine en couleurs vapeur de diverses Chances, notamment les pièces rougeâtres, les puces et les
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- grenats, consomme de fortes proportions d’orseille. Comme tjpes de ces deux nuances, nous citerons les deux recettes suivantes.
- Puce rougeâtre.
- Extrait d’orseille.................. 2 litres.
- Sulfate d’alumine................. 1?0 grammes.
- Gomme Sénégal..................... 200 —
- Puce.
- Extrait d’orseille.................. 2 kilogrammes.
- Sulfate d’alumine............... 420 grammes.
- Gomme Sénégal..................... 200 —
- Carmin d’indigo.................... 60 —
- Après l’impression et le séchage, on vaporise et on lave.
- Les extraits d’orseille qui donnent directement à la laine les nuances les plus rouges sont aussi les plus estimés pour cette application.
- Pour les grenats on fait intervenir à la fois l’orseille, la cochenille ammoniacale, le carmin d’indigo, l’alun, l’acide oxalique et le sel ammoniac.
- Pour préparer des couleurs vapeurs, sur laine et soie, avec la pourpre française, on la dissout dans l’acide acétique, on neutralise avec du carbonate de magnésie, on ajoute de l’alcool et on épaissit à l’eau de gomme ; on imprime et on vaporise.
- 21. Échantillon de pourpre française
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- L’orseille teint directement la soie, sans mordant, en nuances analogues à celles que prend la laine. La pourpre française, préparée comme nous l’avons déjà dit, lui communique des nuances mauve ou dahlia très-pures ; associée au au carmin d’indigo, elle donne un beau violet, et avec cochenille des nuances fleur de pêcher, groseille et rose des Alpes.
- Tournesol.
- En variant les conditions de coloration des lichens qui donnent l’orseille, on obtient un produit connu sous le nom de tournesol. Il ne sert guère en teinture. Ses principales applications sont : le bleuissage du linge, pour colorer le vin et le vinaigre et surtout pour la préparation du papier et de la teinture du tournesol si usités par les chimistes comme réactifs des acides et des alcalis. Le tournesol ordinaire se prépare avec les lichens Roccella, lecanora etvariolaria, recueillis sur les côtes de la Méditerranée, de la Suède, de la Norvège, des îles Canaries et expédiés en Hollande. On ajoute, à cet effet, à la plante moulue, outre l’ammoniaque, de la potasse du commerce (carbonate de potasse). Le mélange est abandonné à la fermentation jusqu’à ce qu’il ait pris une feinte violette, puis on ajoute de nouveau de la chaux, de la potasse et de l’urine et on laisse macérer pendant deux à t;rois semaines. Il s’est alors développé une couleur bleue. Ea bouillie est épaissie avec de la craie et du plâtre et filtrée sur des tamis de crin. Lorsque la masse a pris de la consistée, on la façonne en tablettes, que l’on sèche, et qui sont livrées au commerce avec divers numéros d’ordre. Le n° 1 Enferme le plus de craie et de gypse, le n° 7 en contient le utoins.
- Ee tournesol se présente sous forme de masse sèche et légère, de couleur bleue. Les meilleures qualités laissent le moius de résidu lorsqu’on les traite par l’eau.
- E’orseille ordinaire, violette, obtenue par l’action seule de
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- 3 98 TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- l’ammoniaque sur le lichen colorable ne vire pas au rouge franc, sous l’influence des acides, et ne passe pas au bleu au contact de l’ammoniaque et des alcalis. La présence du carbonate de potasse, pendant la macération, détermine donc une modification dans la marche de l’oxydation et la production d’un acide rouge susceptible de former avec les alcalis des sels bleus. La couleur bleue du tournesol est donc un sel de potasse d’un acide rouge. Sous l’influence des acides forts, l’acide devient libre et apparaît avec sa couleur propre. Telle est la théorie très-simple, on le voit, des effets et des applications du tournesol, comme réactif.
- Les solutions préparées avec le tournesol contiennent un excès d’alcali, qui use en pure perte une portion d’acide, avant de virer. Pour avoir un réactif sensible, il convient d’ajouter à la liqueur un petit excès d’acide acétique, puis de neutraliser avec l’ammoniaque et de faire bouillir longtemps jusqu’à expulsion des dernières traces d’alcali volatil libre.
- Tous les chimistes savent que les teintures de tournesol, abandonnées à elles-mêmes dans un flacon bouché, subissent une espèce de fermentation réductrice, et qu’elles se décolorent ; mais il suffit de donner accès à l’oxygène de l’air, pour voir la nuance reparaître avec toute son intensité primitive. Un phénomène semblable s’observe avec l’orseille violette. Du reste, les agents réducteurs, en général, produisent le même effet. L’étude chimique du tournesol bleu du lichen a été faite par R. Kane etM. Gélis.
- Le premier chimiste y signale la présence de trois à quatre matières colorantes distinctes, qu’il isole de la manière suivante :
- Les pains de tournesol, broyés, sont épuisés par l’eau bouillante. Le résidu insoluble, bleu pâle, est traité par un léger excès d’acide chlorhydrique. Les flocons rouges qui se séparent ainsi sont lavés et séchés, puis épuisés par l’alcool bouillant. La solution alcoolique évaporée à sec donne un résidu qui cède à l’alcool une matière d’un beau rouge, semi-fluide,
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- 3 99
- soluble en pourpre dans l’ammoniaque (érythroléine). La partie soluble dans l’alcool, que l’éther n’attaque pas, constitue une autre matière d’un rouge foncé, en grains cristallins, et se colorant en bleu par la potasse. Elle forme avec l’ammoniaque une combinaison bleue insoluble (érythrolit-mine). Après le premier traitement alcoolique, il reste une matière colorante brun rouge, amorphe, insoluble dans l’alcool et l’éther, soluble dans l’eau, et formant avec l’ammoniaque et les alcalis des dissolutions bleues. C’est le principe le plus important du tournesol, et celui qui se dissout en partie dans l’eau, à l’état de sel de potasse bleu, lorsqu’on traite le produit commercial par ce véhicule. Il renferme de l’azote, tandis que l’érythroléine et l’érythrolitmine en sont dépourvues.
- L’azolitmine de M. Kane aurait une composition représentée par la formule
- C7H7Az04.
- Elle se formerait donc aux dépens de l’orcine suivant féqualion
- C7H602 + AzH3 4-06 = C7H7Az04 + II90.
- Si cette interprétation se confirme, on est conduit à admettre que l’intervention du carbonate alcalin détermine une oxydation plus énergique de l’orcine.
- M. Gélis épuise le tournesol par l’eau bouillante ; le résidu est bouilli avec une lessive faible de potasse. Les deux liqueurs réunies sont précipitées par le sous-acétate de plomb, etle précipité, lavé et mis en suspension dans l’eau, est décomposé par un courant d’hydrogène sulfuré. Le dépôt, contenant le sulfure de plomb et la matière colorante, est épuisé Par l’eau ammoniacale. Celle-ci est précipitée par l’acide chlorhydrique, qui détermine la séparation de flocons, en ^ême temps qu’il reste en solution une faible proportion de matière colorante.
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- 4 00 TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- Ces flocons cèdent à l’éther un principe rouge susceptible de cristalliser partiellement en aiguilles, soluble en violet dans les alcalis.
- La partie insoluble dans l’éther donne avec l’alcool un liquide rouge de sang qui, évaporé, fournit en grande quantité un produit rouge pourpré à reflet doré. C’est la matière la plus abondante du tournesol. Enfin, il reste une substance insoluble dans l’eau, l’alcool et l’éther, soluble dans les alcalis.
- On voit, d’après ces données, qu’il reste encore beaucoup à faire pour éclaircir l’histoire des matières colorantes du tournesol.
- Le tournesol en drapeaux, employé surtout pour colorer les fromages de Hollande, se prépare dans le midi de la France (Grand-Gallargues, dans le Gard) avec une espèce d’euphorbiacée, la maurelle ou croton tinctorium de Lin-née. On exprime le suc des fruits et des sommités de la plante, on y trempe des lambeaux de toile grossière. Ceux-ci ne se colorent, comme l’orseille, que sous l’influence de l’ammoniaque. A cet effet, on les suspend, après les avoir fait sécher, au-dessus de cuves remplies d’urine putréfiée et additionnée de chaux et d’alun, ou bien encore ou les expose aux émanations du fumier de cheval.
- Cette opération porte le nom d’aluminadou. On retourne de temps à autre les drapeaux, pour déterminer une action régulière de l’ammoniaque et une coloration égale. Il faut aussi éviter une trop longue influence de l’alcali volatil, qui détruirait la couleur. Après cette première période, on sèche, on imbibe une seconde fois de suc mélangé à de l’urine, et on étend dans un endroit exposé au soleil et au vent.
- D’après M. Joly, le principe colorant de la maurelle se rencontre dans toutes les parties de la plante et à tous les âges ; il a son siège immédiat dans le tissu cellulaire. Il se trouve dans ces tissus à l’état colorable. L’action de
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- LICHENS.
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- l’oxygène de l’air et d’une prompte dessiccation développe la nuance bleue.
- Lorsqu’on chauffe à 50° ou 60° le fruit de la maurelle, plongé dans le double de son volume d’eau, le liquide prend une coloration bleu violacé assez intense, et laisse déposer, par l’évaporation, une substance résineuse d’un beau bleu d’azur. Les acides font passer la solution au rouge jaunâtre, les alcalis ne la ramènent pas au bleu, mais la font un peu virer au vert. Cette réaction établit une distinction nette entre le tournesol en pains et le tournesol en drapeaux (1).
- ADDITION A LA COCHENILLE.
- Application du kermès.
- D’après Lassaigne, le kermès renferme la même matière colorante que la cochenille ; aussi peut-on le faire servir aux mêmes usages, bien que son pouvoir colorant soit beaucoup plus faible, et représente1/^de celui d’une bonne cochenille. D n’est employé que dans la teinture de la laine et de la soie ; les nuances fournies sont moins belles qu’avec la cochenille, mais elles sont plus solides et moins sensibles aux réactifs, toit qui ne semble pas favorable à l’identité complète des Matières colorantes.
- Les Tunisiens en font un grand usage pour la teinture des calottes nommées Fez.
- La teinture rouge de sang, assez solide, fabriquée à Orléans, €t connue sous le nom d’écarlate demi-graine, s’obtenait ^ec un mélange de parties égales de kermès et de garance.
- A Montpellier on fait un sirop avec le suc rouge du kermès frais. En Italie il sert à colorer une liqueur connue sous le noni d’alkermès.
- Les solutions aqueuses de kermès passent au jaune brun SOus l’influence des acides, au violet ou au cramoisi par les
- lé J°ly> Ann. de chim et de phijs. [3], VI, 111.
- II.
- 2G
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- alcalis ; le sulfate de fer les colore en noir, l’alun en rouge de sang, le sulfate de cuivre et la crème de tartre en olive verdâtre, le sel d’étain et le tartre en jaune cannelle.
- APPENDICE
- AUX COULEURS DÉRIVÉES DES LICHENS.
- La couleur rouge violacé, que l’on prépare avec les diverses sortes de lichens, n’est pas la seule que ces plantes sont susceptibles de donner.
- M. Westring (1) a fait un grand nombre d’expériences de teinture, avec les lichens qui se rencontrent abondamment en Suède.
- Voici la nomenclature des principales sortes sur lesquelles il a porté son attention :
- Une seule espèce (le tartareus, Linnée, était un objet de commerce pour la Suède. On en expédiait (1791) plusieurs milliers de livres en Angleterre et en Hollande.
- Lichens lépreux. — a) Pertusus ; croît sur les montagnes et sur les rochers, il est riche en parties colorantes. —b) Scinguinarius ; croît sur les troncs des arbres.— c) Cinerens; croît sur les pierres ; riche en matières colorantes. — cl) Ru' gosus; attaché aux pierres. — e) Venlosus; croît sur les montagnes. —f) Hœmatoma; croît sur des pierres. —Ç-) Subcorneus; montagnes. —h) Corallinus ; montagnes près de Stockholm. — j) Pseudocorallinus; aux environs de Nordlcôping ; très-riche. — k) Tartareus; Nordkôping'I près de la mer, montagnes et bois; riche. — /) Parellus. -y m) Subfuscus. — n) Impassus; pierres. — p) Candelaris commun. — q) Carpineus, glauccscens montagnes.
- Lichens imbriqués. — Très - nombreux et abondants. a) Lichen auritus.— b) Centrofugus; croît sur presque toutes
- (1) Annales de chimie, t. XII, p. 240.
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- LICHENS,
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- les pierres. — c) Saxatilis. — d) Parietinus. — é) Micro-phylus. — /) Pulverulentus. — g) Omphalodes. — f)Alu-nensis, Stygins, P hy sodés, Saxicola, Crassus, Cartilagi-neus, St il lavis, Olivaceus. )
- Pour teindre avec ces lichens, M. Westring emploie, comme dissolvant le plus actif, l’ammoniaque ou un mélange de chaux (10 parties), sel ammoniac (V20)? Pour 1 partie de lichen. L’addition d’un peu de sel marin est quelquefois très-utile, surtout pour la soie qui prend plus de lustre. Les mordants sont plutôt nuisibles qu’utiles. Les couleurs obtenues varient selon le mode d’extraction, la température, la qualité de l’eau et la nature des sels employés.
- On peut extraire la matière colorante de quelques lichens, par macération dans l’eau froide. Le jus obtenu est prêt à teindre. La macération dans l’eau tiède convient pour la plupart des lichens ; elle est d’une grande utilité, comme opération préliminaire, pour les lichens qui ne donnent leur couleur qu’à des températures plus élevées.
- Par la macération dans l’eau chaude, on extrait souvent des lichens des couleurs claires et fortes qu’on ne saurait obtenir autrement. Les nuances obtenues par M. Westring avec les variétés et par les traitements susmentionnés sont : les carmélite, gris, noisette, cannelle plus ou moins foncé, feuille morte, brique, ventre de biche, chamois, paille, olive, brun, violet.
- Certains lichens, tels que ceux appartenant au genre Us-nea, le lichen des murailles, cèdent aux dissolvants des princes jaunes dont il sera question à propos des matières colorantes jaunes.
- I^bliographie des couleurs dérivées des lichens. —Annales de phy-tique et de chimie, lre série, XII, 249 ; XV, 269; XVII, 67 ; Vf, 179; XXXII, 181 ; LXXXI, 258. 2e série, XLII, 236. 3e série, II, 5 et 129; XXXIV, 320; VI, 111. — Gélis, Revue scientifique, VI, 50. — Journal de pharmacie, XIX, 538 ; XIV, 487. Annalen der Chemie und Pharmacie, LXVIII, 55-96; XXVII, 145; LXXXVIII, 227; LXX, 218; XLI,
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- 157; XLVIII, 1, 8, 12. — Comptes rendus de l’Académie des sciences, XI, 1231; XLVII, 214, 63; XLVIII, 879. — Bulletins de la Société d’encouragement, III, 116; XIII, 136, 138; X1Y, 169; XXIV, 265 ; XXVI, 410; XLVI, 105, 487; XLVII, 32 i ; LU, 658 ; LIX, 686; LXI, 510, 270, 637; LX1I, 379. — Dingler’s Polytechnisches Journal, XXX, 54; XXXIU, 249-442 ; XXXI, 341; XXXVI, 326, 153 ; LIV, 359; LII, 142; LVII, 215, 221 ; LXXXII, 50; LXXXVII, 29; XCIII, 126; CXIV, 80 ; CXVU, 367; CXVI, 248; CXIX, 60 ; CXLV, 156 ; CLIII, 208. -Répertoire de chimie appliquée,1, 189,190, 191,253; 111,318 ; V,233. — Répertoire de chimie pure, IV, 121, 438; V, 567, 469, 504. — Bulletins delà Société chimique, 2e série, I, 11; II, 145; III, 410.
- RACINE D’ALKANNA-ORCANETTE.
- La matière tinctoriale, peu usitée de nos jours, connue sous le nom d’Orcanette, est la racine d’une plante de la famille des Borraginées, Y Alkanna tinctoria ou YAnchusa tinctoria, On la trouve à l’état sauvage, en Grèce, en Asie Mineure, en Italie, dans l’Allemagne méridionale.
- Fig. 6.
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- Lâf/'J
- La racine d’orcanette est ronde, va en s’amincissant vers le bas, et se termine en pointe ; à la partie supérieure, elle se partage en plusieurs sommets. L’écorce est rugueuse, écailleuse, très-friable, et renferme seule un pigment violet, qui lui communique une teinte d’un violet foncé.
- Le principe immédiat colorant a été isolé par Pelletier, qui lui donna le nom d’anchusine ou d’acide anchusique.
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- RACINE D’aLKANNA-ORCANEÏTE.
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- MM. Bolley et Wydler la préparèrent plus tard (1847), à l’état de plus grande pureté, et la désignèrent sous la dénomination de rouge d’Alkanna.
- Ces chimistes épuisent la racine découpée par l’eau, qui dissout les principes étrangers ; le résidu desséché est traité par l’alcool. Les solutions alcooliques, violettes, sont acidifiées avec un peu d’acide chlorhydrique et évaporées à sec. L’extrait est traité par l’éther qui dissout la matière colorante. On agite le liquide éthéré avec de l’eau, puis on le décante et on le sèche.
- Lepage remplace l’alcool par le sulfure de carbone. Après avoir chassé par distillation le dissolvant, il traite le résidu par de la soude à 2 pour 100, et précipite, par unléger excès d’acide chlorhydrique, le rouge d’Alkanna dissous à la faveur de l’alcali. Le précipité est ensuite filtré au bout de vingt-quatre heures, lavé à l’eau et séché.
- Il se présente sous forme d’une masse cassante, résineuse, d’un rouge foncé, insoluble dans l’eau, soluble dans l’alcool et l’éther qu’il colore en beau violet.
- La solution alcoolique se colore en bleu par les alcalis, et précipite en violet par le bichlorure d’étain, en gris bleuâtre par le sous-acétate de plomb, en bleu violet par i’acétate d’alumine, lorsqu’on porte à l’ébullition. Le rouge d’Alkanna pur, ne s’altère pas par l’ébullition de sa solution alcoolique, tandis que l’extrait alcoolique de racine d’or-canette, évaporé à sec, sans être acidulé par l’acide chlorhydrique, laisse un résidu partiellement soluble dans l’eau, avec une couleur brune. Ce qui ne se dissout pas dans l’eau communique à l’éther une coloration verte. Le pigment vert se formerait, d’après M. Bolley, aux dépens de l’anchu-sine, par fixation d’eau et élimination d’acide carbonique.
- La composition du rouge d’orcanette n’est pas connue
- exactement.
- M. Bolley lui assigne la formule G:,5H',008, qui est peu Probable et manque de contrôle.
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- L’anchusine paraît douée de propriétés faiblement acides. En solution alcoolique chaude, elle teint en violet le coton mordancé en alumine, et en gris le mordant de fer.
- On emploie 62 grammes d’orcanette pour 1 litre d’alcool à 3S°. Les couleurs sont peu solides et virent facilement sous l’influence des acides et des alcalis.
- C’est à Hausmann que l’on doit son introduction dans l’impression des tissus. Elle n’y a jamais joué un grand rôle, et elle est aujourd’hui complètement abandonnée. Les parfumeurs l’utilisent encore pour colorer leurs graisses.
- Bibliographie. — Dingler’s Polytechnisches Journal, LUI, Mi; LIV, 373; CXX, 203. — Répertoire de chimie appliquée, 1, 304. — Journal des connaissances médicales et pharmaceutiques, XXVI, 315. —Répertoire de chimie pure, l, 474.—Polytechnisches Centrcdblatt, 1859,751.
- CARTIIAME OU SAFLOR.
- Faux safran. Safran bâtard. Safran d'Allemagne (1).
- La carthamine ou acide carthamique, extraite des fleurs d’une variété de chardon, le Carthamus tinctorius, est aussi remarquable par la beauté des couleurs rose et rouge tendre qu’elle communique au coton, à la laine, et à la soie, que par son extrême fugacité. Il suffit en effet de peu d’heures d’insolation, pour la détruire.
- Le Carthame est une plante annuelle, originaire du Levant et de l’Égypte. Il est cultivé en Espagne (Valence, Grenade, Andalousie), dans l’Allemagne centrale, en Italie (Romagnes), en Hongrie près de Debreczin, en Russie (Astrakan, Tauride et Caucase), en Thuringe, aux Indes orientales (Bengale, Chine, Perse, îles de l’Archipel indien), dans l’Amérique du Sud (Caracas, Mexique).
- (1) Dingler’s Polytechnisches Journal, LIV, 374; XCIII, 112; CXII, 78. — Bulletins de la Société d’encouragement, I, 141 ; III, 18 ; XX11I, 96. — Annales de chimie [I], XXVIH, 312 ; XXX, 156; XLVIII, 283.
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- CARTHAME OU SAFLOR.
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- La tige atteint 1 mètre à 1 mètre 5 de hauteur, elle porte plusieurs branches sur lesquelles sont fixées à plat, des feuilles raides, munies de dents. La fleur se développe aux mois de juillet et d’août, à l’extrémité des tiges secondaires. Elle ressemble aux fleurs des chardons en général, et se compose, parconséquent, de l’agglomération d’une multitude de petites fleurs tubulaires, évasées en entonnoirs. Au début, la couleur est jaune foncé, elle passe plus tard au jaune orangé feu. On recueille les sommités fleuries, lorsqu’elles commencent à se faner, et on les sèche à l’ombre. En Egypte, on commence par les exprimer, puis on les expose sur des tamis à l’eau courante, on les presse de nouveau, enfin on les sèche à l’ombre sur des nattes.
- On trouve dans le commerce :
- 1° Le saflor d’Égypte, préparé comme nous venons de le dire. Il est cultivé près du Caire et dans la haute Égypte, et se présente sous forme de masses légèrement humides, fortement comprimées, de couleur rouge brun, foncée et uni-lorme et d’odeur spéciale. Il arrive, par voie d’Alexandrie, à Livourne, Marseille, Trieste et Venise. L’emballage est en toile bleue entourée d’une cage de roseaux; le tout est enveloppé d’une grosse toile et serré avec une corde d’écorce d’arbre. Les ballots pèsent de 320 à 350 kilogrammes.
- 2° Saflor d’Espagne. Fleurs très-odorantes, peu serrées, d’un rouge foncé.
- 3° Saflor indien. Il présente la forme de petits tourteaux, °u galettes aplaties et circulaires, d’un rouge rosé à. l’intérieur. I] est emballé dans une toile fine avec une enveloppe de roseaux. Les balles pèsent de 75 à 150 kilogrammes.
- 4° Saflor de Batavia. Fleurs bien nourries, pressées dans des balles, d’un rouge foncé.
- Le carthame d’Égypte est le plus riche ; il contient près de deux fois plus de matière colorante que les autres ; celui de l’Inde et de Chine est aussi très-estimé.
- On peut déjà juger de la qualité par la nuance du produit;
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- 4 O* TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- il doit être d une belle couleur feu. Si la couleur est terne, e est un indice d’une mauvaise préparation.
- Composition du carthame.
- ' C * f
- Le carthame contient trois matières colorantes, savoir :
- 1° Deux jaunes, dont l’une est soluble dans l’eau pure et 1 eau acidulée, la seconde soluble seulement dans une liqueur alcaline.
- 2° Une matière colorante rouge, acide carthamique. C’est le principe intéressant et utile.
- La proportion du principe jaune, insoluble dans l’eau, varie en raison inverse de celle de la carthamine.
- M. Salvétat a trouvé, à l’analyse immédiate, les résultats suivants :
- 1° Matière colorante jaune soluble
- dans l’eau....................
- 2° Carthamine...................
- 3° Matière extractive ..........
- 4° Albumine.....................
- 5° Matière cireuse..............
- 6° Cellulose....................
- de 26,1 à 36,0
- de 0,3 à 0,6
- de 3,6 à 6,5
- de 1,5 à 8,0
- de 0,6 à 1,5
- de 38,4 à 56,0
- On doit ajouter à cette liste une certaine proportion de produits pectiques.
- 7° Acide silicique de 1,0 à 8,4
- 8° Oxydes de fer et d’aluminium.. de 0,4 à 1,6
- 9° Oxyde de manganèse de 0,1 à 0,5
- En traitant par l’eau, on élimine la matière jaune, assez abondante comme on le voit, des sels et de l’albumine.
- On obtient la matièrejaune, en précipitant, par de l’acétate de plomb, l’extrait aqueux acidulé avec de l’acide acétique; le liquide filtré est additionné d’ammoniaque, le précipité ainsi formé est lavé, décomposé par l’acide sulfurique étendu ; enfin le liquidé, filtré et séparé du sulfate de plomb, est éva-
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- CARTHAME OU SAFLOU.
- 4 0$
- poré dans une cornue, à l’abri de l’air; on reprend par l’alcool ; la solution est évaporée dans le vide. Il reste une niasse qui cède à l’eau le principe jaune. La solution est acide, possède une saveur amère et s’altère rapidement, à chaud, au contact de l’air.
- La matière jaune n’a pas d’intérêt pratique ; si nous en parlons, c’est pour bien rendre attentif à sa présence dans le sallor. 11 convient en effet de l’éliminer aussi complètement que possible, avant de faire usage du carthame en teinture; l’oubli de cette précaution causerait inévitablement l’altération de la pureté des nuances, surtout quand il s’agit de fibres animales.
- La carthamine ou l’acide carthamique se prépare, à l’état de pureté, en utilisant sa solubilité dans une solution alcaline (carbonate de soude, borate, phosphate) et son insolubilité dans l’eau.
- On traite le carthame, débarrassé du jaune par un lavage suffisamment prolongé par l’eau acidulée, par une solution froide et étendue de cristaux de soude (15 p. 100), puis on exprime. Si l’on acidulé le liquide clair et jaune, ainsi obtenu, l’acide carthamique se précipite, en mélange avec une assez forte proportion de substances étrangères (acide pec-tique) dont il serait difficile de le débarrasser.
- Ce résultat s’obtient, au contraire, très-facilement, si l’on immerge des écheveaux de coton dans le bain alcalin, avant la saturation. L’acide carthamique, au moment de sa mise en liberté, est enlevé au bain par la cellulose, en vertu d’une attraction spéciale. Pourvu que la dose de coton soit assez forte, toute la matière colorante se précipitera sur lui et le teindra en rose foncé. Les écheveaux, bien lavés à l’eau acidulée, sont immergés dans une solution faible de carbonate de soude. L’acide carthamique se dissout de nouveau. Le bain hui renferme maintenant du carthamate pur, étant acidulé axec de l’acide sulfurique étendu ou de l’acide tartrique, donne un précipité floconneux d’un beau rose foncé, qu’on
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- recueille sur un filtre et qu’on lave. Pour arriver à une pureté plus grande encore, on dissout dans l’alcool. La solution alcoolique, fortement concentrée, est versée dans beaucoup •d’eau, et le dépôt est filtré et lavé.
- Dans cette préparation il faut avoir soin de ne pas employer des lessives alcalines trop fortes, et de ne pas les abandonner trop longtemps à elles-mêmes. La matière colorante se trouverait, sans ces précautions, complètement modifiée et altérée.
- L’acide carthamique en pâte, obtenu par les procédés ci-dessus décrits, est livré au commerce en suspension dans une quantité convenable d’eau. Cette préparation est très-commode pour le montage des bains de teinture et donne de bons résultats.
- En séchant la pâte sur des assiettes, des plaques de porcelaine vernies, des feuilles de carton ou toute autre surface polie, la matière colorante se dessèche en écailles douées d’un reflet vert cantharide très-beau, qui rappelle celui delà fuchsine. La poudre est d’un beau rouge ; broyée avec de l’eau et du talc très-fin et séchée sur des vases en porcelaine, elle donne le rouge végétal utilisé comme fard.
- L’acide carthamique est insoluble dans l’éther, très-peu soluble dans l’eau, soluble dans l’alcool qu’il colore en rouge cerise. La dissolution alcoolique teint directement la soie.
- L’ébullition avec l’eau et l’alcool le modifie. Il est soluble en rouge, dans l’acide sulfurique concentré ; l’eau ne le précipite plus de cette liqueur. L’acide nitrique et l’acide sulfureux aqueux le dissolvent en jaune.
- Ses tendances sont franchement acides. Les carthamates alcalins sont jaunes ou jaune orange, et précipitent de l’acide carthamique par les acides.
- Le carthamate d’ammoniaque donne avec :
- Le bichlorure d’étain un précipité jaune brun.
- Le perchlorure de fer — brun rouge.
- Le bichlorure de mercure — rouge.
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- CARTHAME OU SAFLOR.
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- D’après M. Schlieper, la matière jaune soluble aune composition représentée par la formule G16H20010 ; celle de l’acide carthamique répond à CuH160u. Ces nombres manquent de contrôle.
- Avant la découverte des couleurs d’aniline, lesaflor servait fréquemment à la teinture de la soie, de la laine et même du coton.
- La beauté des teintes cerise, rose, nacarat et ponceau que l’on pouvait réaliser avec lui, compensait, en partie, le peu de solidité.
- Dans les teintures de coton on suit la marche indiquée dcins le procédé de préparation de l'acide carthamique. (Le saflor introduit dans un sac en toile est lavé à l’eau acidulée, jusqu’à élimination de la matière jaune, puis traité par une solution de cristaux de soude, 15 pour 100 ; on immerge le tissu ou les écheveaux dans le bain, et on ajoute un léger e*cès de jus de citron. La nuance rose devient plus pure par le lavage à l’eau acidulée). La soie et la laine sont susceptibles d’attirer, non-seulement le rouge, mais encore le jaune. 11 est donc important, dans ce cas, d’opérer sur un produit complètement débarrassé de pigment jaune. Aussi les préparations d’acide carthamique, déjà purifié par une première précipitation sur le coton, sont-elles plus avantageuses pour la beauté des nuances. On donne quelquefois aux tissus un Pied de rocou ou l’on ajoute au bain 1/5 d’orseille.
- La richesse du carthame s’apprécie par un essai comparatif de teinture, avec un poids connu de coton.
- Lien n’est plus facile que de reconnaître le carthame sur étoffé. La couleur rose passe au jaune sous l’influence d’une goutte de solution alcaline et disparaît complètement par un lavage ultérieur. Cet effet est si net qu’on peut l’utiliser pour °btenir des impressions enlevage sur fond rose. Les acides ctendus n’altèrent pas la teinte. Le chlore, ainsi que l’acide •mlfureux, la détruisent instantanément.
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- CI1ICA OU CARAGURU. CARUCURU.
- On donne ce nom à une matière colorante rouge, employée par les Indiens du Rio Meta et de l’Orénoque, pour se peindre le corps en rouge (1). Les sauvages font usage, dans ce but, de deux matières colorantes : 1° L’une extraite du Bixa orellana, dont il sera question à l’article Rocou. 2° L’autre le chica se retire des feuilles d’une plante de la famille des bignoniacées, le Bignonia chica. Cette plante grimpe sur les arbres les plus élevés, et s’y attache à l’aide de vrilles. Les fleurs sont bilabiées, d’un pouce de long et d’une belle teinte violette. Les feuilles sont bipennées, d’un beau vert; elles deviennent rougeâtres par la dessiccation et communiquent une couleur rouge à la salive, lorsqu’on les mâche.
- Les Indiens font bouillir ces feuilles, pendant longtemps) avec de l’eau, passent la liqueur qui tient en suspension la fécule rouge et y ajoutent quelques morceaux de l’écorce d’un arbre appelé arayane. La précipitation se fait. La fécule est lavée, mise en gâteau et séchée.
- Elle se présente sous forme d’une masse rouge de cinabre, sans saveur ni odeur, elle est plus dense que l’eau, tache les doigts et prend un poli métallique par le frottement.
- Elle se décompose par la chaleur, sans fondre.
- Le chica est insoluble dans l’eau; l’alcool à 36° le dissout, à chaud, en se colorant en beau rouge rubis. Il est soluble dans l’éther. La solution alcoolique ne précipite pas Pal l’eau, à moins que l’on ne chauffe.
- Les alcalis le dissolvent avec une couleur lie de vin; la solution précipite par les acides. Il est soluble dans la potasse, l’ammoniaque, le carbonate de potasse, avec une coule111 orange ou rouge orangé ; l’acide acétique concentré et 1 acide
- (1) Roussingault, Annales de chimie et de physique [2], XXVII, 315-Dingler’s Polytechriisches Journal, CXLV1I, 4GG; XGI, 402 ; XVI, 139.
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- MATIÈRES COLORANTES DU SORGHO.
- Al 3
- chlorhydrique le dissolvent en rouge brun. Le chlore le colore en brun clair. L’acide sulfurique étendu donne, à chaud, une liqueur orange, qui laisse déposer, par refroidissement, une masse grenue, rouge orangé, et où l’ammoniaque détermine la séparation d’un précipité pourpre foncé.
- Traité par un mélange d’alcali et de glucose, en vase clos, il donne, par réduction, une liqueur bleue qui brunit rapidement à l’air, et d’où l’acide chlorhydrique précipite des flocons rouge orangé. L’acide nitrique l’attaque et le change en un mélange d’acides picrique, oxalique, anisique et cyanhydrique.
- Fixé sur coton, il lui communique une teinte jaune orangé. D’après M. Boussingault, à qui nous empruntons ces détails, le chica ne contient pas d’azote.
- M. Erdmann lui donne la formule C8H803, qui en fait un Homère de l’acide anisique. Le même chimiste n’a pas obtenu de résultats satisfaisants, en cherchant à fixer le chica sur tissus. Il paraîtrait cependant qu’il est employé depuis assez longtemps à la teinture du coton et de la laine en jaune et en rouge, tant dans l’Amérique du Nord qu’en Europe.
- MATIÈRES COLORANTES DU SORGHO (1).
- Le sorgho sucré ou canne à sucre de Chine, plante de la famille des Graminées, importée de Chine en Europe en 18o3, et cultivée, tant en France qu’en Allemagne, en raison du sucre qu’elle renferme, contient ou peut fournir plusieurs matières colorantes.
- Ainsi la moelle du sorgho fournit, après l’expression et 'a fermentation ou par un traitement à l’acide sulfurique ôtendu, une matière colorante rouge, le carmin de sorgho °n purpuroléine.
- L’enveloppe des fruits renferme, d’après MM. Sicard,
- (•) Bulletins de la Société d’encour (/ement,LVlll, 378. — Répertoire de chimie appliquée, I, 428. — Polytechnisches Notizblatt, 1859, 209.
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
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- Itier et Joulie, deux autres pigments rouges, la sorghotine et la sorghine.
- Winter prépare, avec la tige de la plante dépouillée de ses feuilles, une matière colorante rouge appelée rouge ba-dois. A cet effet, les tiges exprimées sont abandonnées en tas à la fermentation, jusqu’à ce qu’elles aient pris une couleur rouge brun. On les sèche et on les traite par l’eau, après les avoir réduites en fragments plus petits ; enfin on épuise par une lessive étendue de soude. Celle-ci dissout la matière colorante que l’acide sulfurique précipite en flocons rouges. Cette substance est soluble dans l’alcool, les acides faibles et les solutions alcalines. Pour la fixer sur laine ou soie, on fait intervenir les mordants d’étain ; elle leur communique une couleur rouge, assez stable à la lumière et au savon. L’usage du sorgho fermenté, en teinture, est connu des Chinois.
- L’écorce des tiges de sorgho renferme une matière colorante jaune, la xantholéine.
- MATIÈRES COLORANTES ROSES, ROUGES ET BLEUES DES FLEURS.
- Les matières colorantes qui communiquent des nuances si vives et si brillantes à un grand nombre de fleurs, sont extrêmement fugaces et altérables ; elles ne se rencontrent, de plus, qu’en proportions très-faibles. Leur étude offre donc de grandes difficultés, et leurs applications sont milles, dans la teinture et l’impression.
- MM. Fremy et Cloez (f ), qui se sont le plus récemment occupés de cette question obscure, admettent l’existence de trois principes : 1° la cyanine ou matière bleue ; 2° la matière colorante rose. Elle serait identique avec la cyanine, et n’en différerait que par un effet de virage acide, dû à la
- (I) Comptes rendus de l'Académie des sciences, XXXIX, 194. — Dingleds Polytechnisches Journal, CXXXII, 377. — Bulletins de la Société chimique, 2e série, I, 56. — Journal fur praktische Chemie, LXXXIX, 491.
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- MATIÈRES COLORANTES DES FLEURS.
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- composition du suc de la fleur ; 3° deux principes jaunes, dont l’un insoluble, la xanthine ; l’autre soluble, la xan-théine.
- Cyanine. — Pour l’extraire, on traite par l'alcool bouillant des pétales de bluet, de violette ou d’iris. La fleur se décolore et le liquide prend une belle teinte bleue.
- Cette solution passe peu à peu au jaune brun, par suite d’une véritable réduction. L’agitation au contact de l’air rétablit la nuance. Cependant cette réaction ne pourrait être répétée plusieurs fois, sans amener la destruction de la cyanine.
- La liqueur alcoolique est évaporée, et le résidu est traité par l’eau. Celle-ci dissout les substances bleues, en laissant de la graisse et des résines. On précipite par l’acétate neutre de plomb. Le précipité d’un beau vert est lavé et décomposé par l’hydrogène sulfuré, on filtre, on évapore, on reprend par l’alcool absolu, et on précipite la cyanine par l’éther.
- La cyanine est incristallisable, soluble dans l’eau et l’alcool, insoluble dans l’éther. Elle vire au rouge avec une grande facilité sous l’influence des acides, et au vert par les alcalis.
- Les agents réducteurs la décolorent, l’oxygène rétablit la nuance.
- M. Morat a également retiré des bluets une belle substance bleue, en les épuisant par l’alcool absolu.
- La matière rouge des fleurs s’extrait par des procédés identiques, et, une fois isolée, elle possède tous les caractères de la cyanine.
- D’après MM. Cloez et Fremy, les fleurs rouges ou roses sont toutes à réaction acide, tandis que les fleurs bleues sont neutres.
- Certaines fleurs rouges prennent, en se flétrissant, une coloration bleue, puis verte. Cet effet s’explique en admettant nne décomposition partielle d’une matière azotée, qui développerait des traces d’ammoniaque.
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- Une dessiccation très-rapide, qui élimine de l’acide carbonique, peut aussi donner lieu au passage du rouge au violet.
- Les fleurs roses, violettes ou bleues doivent donc leur coloration à la même substance, différemment influencée par les sucs végétaux.
- Les fleurs d’un rouge écarlate contiennent, outre la cya-nine, des matières jaunes.
- M. Filhol a reconnu que la coloration tantôt bleue, tantôt verte, que prennent ces fleurs sous l’influence des alcalis, dérive de la même matière colorante, et que les différences observées dépendent de la présence de matières étrangères.
- Certaines fleurs rouges, celles de l’aloès par exemple, renferment, au lieu de cyanine, une matière peu soluble dans l’eau, insoluble dans l’éther, soluble dans l’alcool et qui ne vire pas sous l’influence des acides et des bases.
- La cyanine paraît se rapprocher par ses caractères et son peu de stabilité de la roséo-cyanine, formée par l’action de l’acide borique sur la curcumine.
- La paracarthamine obtenue par M. Stein, par l’action d’un amalgame de sodium sur la quercétine et la mélétine, offre aussi des analogies avec la cyanine.
- MATIÈRE COLORANTE DES MAUVES.
- Les pétales de YAlthœa rosea ou mauve noire, plante de la famille des Malvacées, renferment un principe colorant, soluble dans l’eau et l’alcool, peu soluble dans l’étlier.
- La solution aqueuse, préparée avec les pétales débarrassés du calice et des étamines, est rouge violacé ; elle vire au rouge cramoisi par les acides et au vert par les alcalis.
- L’extrait alcoolique est rouge pourpre et laisse après évaporation un résidu foncé, exempt d’azote.
- Le coton mordancé en fer se teint en bleu noirâtre ou en bleu dans un bain aqueux de fleurs de mauve ; avec le mor-
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- MATIÈRE COLORANTE DES MAUVES.
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- dant aluminique il prend une nuance bleu violacé ; avec le mordant d’étain, une nuance bleuâtre, violette.
- La laine mordancée au bichlorure d’étain se teint en violet foncé; avec le fer elle prend une nuance bleu noirâtre ou grise ; avec l’alumine, une teinte grise ou bleu violacé ; avec les sels antimoniques, une teinte bleue violacée. La soie, avec sels d’étain, se teint en violet.
- Pour l’impression il est plus favorable de faire usage d’un extrait alcoolique préparé au moyen d’un appareil d’épuise-Èaent continu.
- Les couleurs dérivées de la mauve sont plus solides que celles du bois de campêche, mais elles ne supportent pas le savonnage.
- Cette nouvelle matière colorante, employée autrefois pour la coloration artificielle du vin, a été introduite depuis quelques années dans la teinture et l’impression, surtout en Allemagne (Bavière).
- Ses usages sont du reste peu importants.
- Bibliographie. — Bulletins de la Société d’encouragement, t. LVII1,
- P» 332. — Répertoire de chimie appliquée, I, 340. — Dingler’s Poly-
- technisches Journal, CLI, 468.
- SOORANGES. RACINE DU MORINDA CITRIFOLIA.
- Importée pour la première fois des Indes à Glascovv, elle se présente en fragments de 2 à 8 centimètres de long et de 5 u 10 millimètres d’épaisseur, bruns à l’extérieur, jaunes à 1 intérieur.
- Le pigment est exclusivement concentré dans l’écorce. Il estjaune orangé et porte le nom de morindine.
- Cn l’extrait en épuisant l’écorce de la racine par de l’al-c°°l bouillant. La matière colorante se dépose, par refroidissement, en flocons impurs, mélangés à une matière rouge.
- Cn purifie le produit par des cristallisations répétées dans
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- l’alcool à S0° centésimaux, et enfin dans l’alcool acidulé avec de l’acide chlorhydrique.
- Il se présente alors sous forme d’aiguilles satinées, jaunes.
- La morindine est peu soluble, à froid, dans l’eau, plus soluble dans l’eau bouillante qui la dépose en une masse gélatineuse. Peu soluble dans l’alcool froid, plus à chaud, surtout dans l’alcool étendu ; insoluble dans l’éther.
- Les solutions aqueuses se colorent en orange par les alcalis ; elles précipitent en rouge par la baryte et la chaux, en cramoisi par l’acétate de plomb, en brun par le perchlo-rure de fer et l’ammoniaque, en jaune rougeâtre par l’alun et l’ammoniaque.
- Elle se dissout en pourpre foncé dans l’acide sulfurique con centré ; au bout de vingt-quatre heures le liquide donne par l’eau un précipité jaune insoluble dans l’eau, et soluble en violet dans l’ammoniaque. Sous l’influence de la chaleur elle fond, entre en ébullition et émet de belles vapeurs orangées, qui se condensent sous forme de fines aiguilles rouges, également insolubles dans l’eau, solubles dans les alcalis en violet foncé. Ce corps, que M. Anderson nomme morindone, paraît être le même que celui qui se forme sous l’influence de l’acide sulfurique. La solution ammoniacale de morindone donne une laque rouge par l’alun et précipite en bleu par l’eau de baryte. L’acide nitrique dissout à froid la mo-rindine et l’attaque à chaud.
- M. Rochleder pense que la morindone est identique avec l’acide rubérythrique, et la morindone serait, d’après bu, de l’alizarine.
- Le fait serait intéressant à vérifier. Les analyses de M. Anderson ne sont pas d’accord avec cette manière de voir.
- D’après lui, la morindone renferme :
- Carbone........................ 65,81
- Hydrogène...,.................. 4,18
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- MATIÈRES COLORANTES Dü VIN.
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- Ces nombres s’accordent beaucoup mieux avec la formule que j’ai assignée à la purpurine et qui exige :
- Carbone........................ 6o,6
- Hydrogène...................... 3/2
- Les résultats de l’analyse de la morindone se rapprochent beaucoup de ceux de l’acide rubérythrique.
- Carbone........................ 35,40
- Hydrogène...................... 5,03
- La matière colorante du soorange ne teint pas les tissus mordancés à la manière ordinaire.
- Le coton préparé pour rouge turc, se teint en rouge brun solide, mais peu vif.
- Depuis longtemps les Indiens emploient cette substance.
- Le tissu est préparé avec une émulsion d’huile de sésame dans le carbonate de soude et séché au soleil, puis teint, avec le soorange mêlé à de l’huile de sésame. Il prend par là une couleur rouge solide.
- L’industrie européenne n’utilise guère cette matière tinctoriale.
- Bibliographie.— Anderson, Ann. der Chem, und Phcirm., LXXI, 216.
- — Dingler’s Polytechnisches Journal, CX1V, 209.
- MATIÈRES COLORANTES DU VIN OU ŒNOLINE.
- La matière colorante rouge du vin a été étudiée par Glénard (1).
- Il l’isole à l’état de pureté en traitant le vin rouge par l’acétate de plomb basique.
- 0) Journal de pharmacie et de chimie, XXXV, 113. — Comptes rendus de l Acad, des sc., XLVII, p. 268; LVII1, 26S. — Annales de chimie et de phy-siyue [3], LIV, 366. —Répertoire de chimie appliquée, IV, 328; I, 32. — Répertoire de chimie pure, II, 306.
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- Le précipité bleu est bien lavé et séché à 100°, on l’introduit dans un appareil de déplacement et on l’arrose avec de l’éther anhydre chargé de gaz chlorhydrique. L’éther s’écoule chargé d’une matière brune. On lave à l’éther jusqu’à ce que le liquide n’ait plus de réaction acide. Le résidu rouge vif est traité par l’alcool à 36°. Celui-ci prend une couleur d’un rouge vif intense. L’extrait alcoolique est réduit à un petit volume, puis additionné d’eau. La matière colorante se précipite sous forme de flocons rouges. Elle est insoluble dans l’éther, peu soluble dans l’eau, soluble dans l’alcool, insoluble dans la benzine. Par une ébullition prolongée avec l’eau, elle s’altère, devient brune et perd sa solubilité dans l’alcool. Aussi le vin évaporé à sec communique-t-il à l’alcool une couleur lie brunâtre.
- La solution dans l’alcool étendu offre les réactions suivantes’:
- Le chlore la détruit en la changeant en une substance jaune soluble.
- La potasse la colore en bleu, puis en brun.
- L’eau de chaux donne un précipité couleur feuille morte.
- Le bicarbonate de soude donne une coloration bleue.
- Le chlorure de calcium — — bleue.
- L’alun vire la nuance au rouge clair.
- L’acide chlorhydrique ne l’altère pas.
- L’acide azotique la transforme en flocons jaunes.
- L’acétate de plomb donne un précipité bleu.
- L’azotate de plomb — — rouge violacé.
- L’acétate de cuivre — — marron.
- M. Glénard représente sa composition par la formule
- C10I11005.
- On a encore signalé dans le vin une matière bleue, soluble en beau bleu violet, dans l’éther acétique et l’éther butyrique, et qui verdit par l’ammoniaque, puis passe au brun.
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- MATIÈRES COLORAMES JAUNES DES PLANTES. 421
- Beaucoup de chimistes la considèrent comme identique avec la cyanine des fleurs (Filhol).
- Dans tous les cas, elle est peu stable et ne se trouve que dans les vins jeunes.
- Les matières colorantes du vin n’offrent de l’intérêt, qu’au point de vue des recherches légales, comme moyens de déterminer si un vin est falsifié, ou non.
- Parmi les matières colorantes rouges du règne végétal, nous citerons encore celles :
- t° Du chou rouge, employée comme réactif pour les alcalis qui la verdissent. C’est probablement de la cyanine (t).
- 2° Du coquelicot (2).
- 3° Le sang-dragon, résine rouge, venant de Sumatra et de Bornéo, d’une espèce de palmier (3).
- 4° Le rose de lithospermum (4).
- 5° Le rouge cinchonique.
- L’écorce de lithospermum arvense (grémil) cède à l’alcool une résine rouge foncé, dont les solutions alcooliques passent au bleu sous l’influence des alcalis. Elle est soluble en rouge dans l’acide sulfurique, et a beaucoup d’analogie avec l’anchusine ; mais elle s’en distingue par la couleur de sa solution éthérée, qui est bleue et non rouge.
- CHAPITRE II
- MATIÈRES COLORANTES JAUNES DES PLANTES.
- Le pigment jaune est un des plus répandus dans l'organisme végétal, on peut même dire qu’on le rencontre preste Dingler’s Polytechnisches Journal, XVI, 268.
- (2) Dinyler's Polytechnisches Journal, XXII, 271.
- (3) Journ. de pharm., XVII, 225. — Annalen der Chemie uni Pharm., XLIV, 328. — Comptes rendus, XVII, 503 ; XIX, 505.
- (t) Répertoire de chimie appliquée, I, 200. — Archiv der Pharm., CXLVI, 278.
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- TRAITE DES MATIÈRES COLORANTES.
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- que dans toutes les plantes, en proportions plus ou moins grandes. -
- En ne citant que les végétaux où il est- accumulé à doses assez fortes pour que l’on ait songé à l’appliquer en teinture, nous avons :
- 1° L’écorce de quercitron (quercus tinctoria).
- 2° Les diverses espèces de bois jaunes (morus tinctoria, ou broussonetia tinctoria).
- 3° Le fustel ou fustet, bois du rhus cotinus, sumac à perruque.
- 4° Écorce, tiges et fruits ou baies des nerpruns, rhamnus alaternus, frangùla, cathartica, amygdalinus, oleokles, saxa-tilis, infectoria).
- 5° Les gousses de Chine (gardénia grandiftora).
- 6° Fleurs de safran (crocus sativus).
- 7° Fleurs du carthame (carthamus tinctoria).
- 8° Fruits et feuilles du bixa orellana (rocou, pâte).
- 9° Rhubarbe (racine).
- 10° Lichens des murailles (parmelia parietina, etc.).
- 11° Gaude ou lutéola réséda (plante entière).
- 12° Épine-vinette (racine) (berberis vulgaris).
- 13° Curcuma (racine).
- \ 4° Aloès (suc).
- 15° Fleurs de genêt, de camomille, fenugrec, sarrette, etc.; fleurs jaunes en général, salvia colorans, fleurs de pomme de terre, racine de carotte, mûrier, coquilles de noix, morinda citrifolia, marronnier, peuplier, thuya , sorgho, racine de grenadier.
- Envisagé comme principe immédiat pur, le pigment jaune, extrait de ces diverses plantes, ne se montre pas avec des caractères et une composition identiques.
- Il ne faut pas croire, non plus, qu’à chaque espèce végétale correspond une matière colorante spéciale.
- Les progrès de la chimie ont démontré que beaucoup de ces corps extraits de diverses plantes doivent être fondus ensemble, au point de vue chimique, et que d’autres, tout en différant par quelques caractères physiques et par leur com-
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- JAUNES QUERCÉTIQUES.
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- position centésimale, se rapprochent assez pour que l’on puisse en former des familles naturelles. Cette parenté repose, comme nous le verrons plus loin, sur tout un ensemble de propriétés et de réactions qui décèlent une constitution intime analogue.
- Ainsi les matières colorantes jaunes de l’écorce de querci-tron, des graines de nerpruns, du fustel, des bois jaunes, de la gaude et de quelques autres plantes encore, offrent la plus grande similitude, sous ce rapport.
- De là résulte, pour les produits qui les contiennent, une analogie d’allures dans les opérations pratiques où elles sont utilisées. Les procédés de fixation sur fibres sont à peu de chose près les mêmes, et les teintes dérivées ne se distinguent que par des nuances plus ou moins vives, virant plus ou moins à l’orange, ou par la solidité.
- Nous simplifierons donc beaucoup notre tâche, tant sous Je rapport de l’histoire chimique que dans l’étude des applications industrielles, en tenant compte de ces ressemblances, et en groupant les matières colorantes citées plus haut sous Je nom de jaunes quercétiques.
- Jaunes quercétiques.
- Tels qu’on les trouve dans les plantes, elles sont fréquemment à l’état de glucosides solubles, cristallisables, susceptibles de se dédoubler, par l’ébullition avec les acides minéraux étendus, en glucose ou en un corps analogue et en un nouveau principe, d’une teinte généralement plus intense et beaucoup moins soluble dans l’eau, très-soluble dans l’alcool et cristallisable.
- Ce dérivé qui, dans la molécule glucosique, doit être considéré comme la cause efficiente de la couleur, peut aussi se rencontrer en liberté. Il n’est pas toujours le même d’une plante à l’autre.
- Ses allures chimiques sont à la fois celles d’un acide fai-
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- 42 4 TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- ble se combinant aux alcalis et aux bases métalliques, et d’un alcool polyatomique ; c’est-à-dire qu’il se rapproche des phénols. ,
- Les solutions alcalines sont orangées ou brunes et ne s’altèrent pas beaucoup au contact de l’air.
- Chauffé avec l’ammoniaque caustique, à l’abri de l’air, il s’unit intimement à elle et fournit une amide, remarquable par son oxydabilité au contact de l’air.
- M. Hlasiwetz a démontré que la potasse en fusion ou l’amalgame de sodium agissant sur une solution alcaline le transforment en une matière sucrée,laphloroglucine (C6H60:!) accompagnée, le plus souvent, d’un acide incolore.
- L’amalgame de sodium en présence d’une solution alcoolique acide le modifie moléculairement et le convertit en principe rouge isomère.
- L’acide acétique anhydre l’attaque, à 140°, et fournit un dérivé acétique dans lequel l’hydrogène est partiellement remplacé par de l’acétyle.
- Les glucosides quercétiques ou leur dérivé coloré ne se fixent aux fibres textiles que par l’intermédiaire de mordants métalliques. Avec l’hydrate d’alumine ils donnent du jaune, avec le mordant de fer des nuances olives ; avec l’oxyde d’étain, du jaune ou de l’orange.
- QUERCITRON.
- Le produit commercial qui porte ce nom est l’écorce broyée du quercus nigra, digitata ou trifida ou guercus tinc-toria, arbre de la famille des Amentacées. Il se présente sous forme de poudre fine, ou, plus ordinairement, de filaments fibreux, d’une couleur jaune ou chamois.
- Le quercus nigra ou chêne noir atteint de 25 à 30 mètres de hauteur, son écorce est noire extérieurement.
- Cette coloration est due à la pellicule épidermique que l’on a soin d’éliminer dans la préparation industrielle.
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- QUERCITRON.
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- Il est originaire de l’Amérique, dont les forêts le renferment en abondance (Pensylvanie, Géorgie, Caroline),et a été importé en France et en Allemagne (Bavière) où il réussit très-bien (plantations du bois de Boulogne à Paris et dans la Seine-Inférieure).
- La préparation du quercitron est très-simple. L’écorce débarrassée d’épiderme est broyée sous des meules, et la poudre est séparée des fibres. Celles-ci sont environ moitié moins riches.
- Les diverses espèces de quercitron sont (1) :
- Le quercitron de Philadelphie ;
- — de New-York ;
- — de Baltimore.
- On doit à Bancroft (1775) les premières applications de ce produit, aujourd’hui si utile aux teinturiers et aux fabricants d’indienne. Bunel de Rouen en introduisit l’usage en France.
- Une décoction de quercitron offre une couleur rouge orangé, elle s’altère peu à peu, dépose sa matière colorante (quercitrin, quercine) à l’état de cristaux, puis finit par se colorer à l’air, en brun rouge, et par se prendre en une espèce de caillot.
- Elle offre les caractères suivants : odeur d’écorce de chêne, saveur amère et astringente, réaction acide.
- Les alcalis et les terres alcalines foncent sa teinte, les derniers précipitent en outre des flocons roux.
- Alun, très-léger précipité.
- Proto et bichlorures d’étain.
- Acétate de plomb..........
- Acétate de cuivre.........
- Chlorure de baryum........
- Nitrate d’argent..........
- (1) Chardin, Chimie appliquée, t. II, 4e édit., p. 583.
- f précipités jaunes plus ou > moins roux ou virant au I vert olive.
- J
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- Sels de fer, coloration verte, précipité olive.
- Acides minéraux, éclaircissent la ligueur et précipitent des flocons.
- Acide acétique, éclaircit la liqueur.
- Gélatine, précipité floconneux.
- Les principes les plus intéressants de cette décoction sont : 1° une variété de tannirf, acide quercitannique, qui colore les sels ferriques comme le tannin ordinaire, mais ne peut donner d’acide gallique.
- 2° Le quercitrin ou principe actif.
- On évalue la richesse d’un quercitron, en teignant un tissu de coton mordancé, comme ceux qui servent à la garance, et comparativement à un type.
- Une nuance jaune pâle est du reste déjà un indice de bonne qualité.
- L’incinération de quelques grammes de produit permet de reconnaître la présence de substances minérales.
- 11 convient aussi de déterminer la quantité d’eau renfermée dans le produit.
- Matières colorantes du quercitron.
- Une partie de quercitron bouilli, durant quinze minutes, avec dix parties d’eau donne une liqueur jaune brunâtre, laissant déposer, au bout de quelques jours, une substance cristalline à laquelle M. Chevreul donne le nom de querci-trin (1).
- M. Bolley, qui a repris, après M. Chevreul, l’étude de cette substance, la décrit sous le nom d’acide quercitrique. P°ur le préparer, il épuise le quercitron du commerce par de 1 ni' cool à 84° centésimaux, dans un appareil de déplacement.
- Le tannin contenu dans cette liqueur est éliminé par la gélatine. La solution est évaporée, et donne un résidu forme
- (I ) Chevreul, Leçons de chimie appliquée à la teinture.
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- MATIÈRES COLORANTES DU QUERCITRON. 4 “2 7
- de croûtes cristallines que l’on purifie par plusieurs cristallisations clans l’alcool (1).
- Certaines variétés de quercitron renferment une substance soluble dans l’eau froide et susceptible de se dédoubler à 60° centigrades, en présence de l’eau, en sucre et en quercitrin.
- Le hasard avait .mis, entre les mains de M. E. Schlum-berger, un semblable produit.
- Il a pu en extraire du quercitrin avec une grande facilité, en chauffant à 60° une infusion faite à froid. Le liquide se trouble et dépose une assez forte proportion de quercitrin, en paillettes nacrées à peu près pures.
- J’ai vainement cherché, depuis cette époque, à reproduire ce phénomène avec d’autres matières premières. Peut-être réussirait-on mieux en opérant avec l’écorce fraîche. Il n’est Pas impossible que le flavin, fabriqué en Amérique par des procédés encore peu connus et qui est en grande partie composé de quercitrin, ne soit obtenu par cette voie.
- Le chimiste désireux de se procurer du quercitrin en quantités un peu abondantes, fera bien de prendre le flavin comme Point de départ. Il suffit de le chauffer à l’ébullition avec une grande quantité d’eau et de filtrer bouillant. Le liquide dépose après refroidissement des paillettes nacrées de quer-citrin pur. Ce corps est presque insoluble dans l’eau froide, soluble dans 25 parties d’eau bouillante, soluble dans l’alcool, très-peu soluble dans l’éther.
- Les alcalis fixes et l’ammoniaque le dissolvent aisément avec une couleur jaune verdâtre. La solution ammoniacale s oxyde et brunit au contact de l’air.
- La solution aqueuse de quercitrin précipite en jaune roux Par l’eau de baryte. L’alun y développe une belle couleur Jaune. L’acétate de plomb, l’acétate de cuivre, le chlorure J étain y donnent des précipités floconneux jaunes.
- Le persulfate de fer la fait passer au vert olive et la préci-
- (•) Bolley, Annalen der C/iemie und Pharmacie, XXXVIf, 101.
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- pite peu à peu. L’acide nitrique la colore en rouge orangé. L’acide sulfurique concentré dissout le quercitrin.
- Celui-ci se présente sous forme d’une poudre cristalline jaune clair, sans odeur, d’une saveur légèrement amère. Sa réaction est faiblement acide. Les cristaux vus au microscope ont la forme de petites tables rectangulaires. Obtenu par le refroidissement d’une solution aqueuse, il offre un aspect nacré et une couleur jaune très-claire. Sous l in-fluence de la chaleur, il donne un sublimé jaune et laisse un abondant résidu de charbon.
- Une certaine incertitude règne encore sur la véritable formule qu’il convient d’attribuer à ce corps. On en a proposé un assez grand nombre, s’accordant généralement avec les résultats de l’analyse élémentaire.
- M. H. Iblasiwetz a de plus démontré que le quercitrin ne perd les dernières traces d’eau de cristallisation qu’à des températures très-élevées (200° environ). Ce fait ignoré pai’ les expérimentateurs qui se sont occupés de cette question avant lui, peut servir à expliquer les divergences assez notables dans les nombres observés.
- Nous verrons tout à l’heure que le quercitrin est un gin* coside susceptible de se dédoubler en une espèce de sucre et en un principe jaune, la quercétine. La formule à adopter dépend donc, dans les limites des analyses les plus exactes, de celle qu’on donne à la quercétine elle-même, et nous réservons pour ce moment la discussion qui peut être soulevée à cet égard, en nous contentant de donner ici les résultats analytiques qui semblent les plus exacts.
- Séché à 200». Incomplètement séché.
- Zwenger et Dronke. Hlas. et Pfaundler.
- Carbone......... 56,0 56,2 55,7 54,1 52,4
- Hydrogène....... 4,6 4,5 5,2 5,2 4,9
- D’après les expériences de M. Rigaud (1), une solution
- (1) Annalen der Chemie und Pharmacie, XC, 283.
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- MATIÈRES COLORANTES DU QUERCITRON. 4 29
- aqueuse de quercitrin, additionnée d’acide sulfurique et portée à l’ébullition, ne tarde pas à se troubler, et dépose, même à chaud, d’abondants flocons d’un jaune plus intense que le quercitrin et presque insolubles dans l’eau bouillante. Le phénomène est très-net, et s’observe le mieux de la manière suivante : On chauffe ensemble du quercitrin pur et de l’eau contenant un 1/10 d’acidq sulfurique. Lorsque la température est suffisamment élevée, le quercitrin entre en dissolution, puis tout à coup, à un moment donné, le liquide passe au jaune plus intense, se trouble, et se remplit de flocons de quercétine.
- Le liquide séparé delà quercétine, par filtration, et saturé avec du carbonate de baryte, pour éliminer l’acide sulfu-rique, filtré de nouveau et concentré, donne un sirop sucré. L’après Zamminer, le sirop se prend en masse cristalline. Le sucre du quercitrin serait dénué de pouvoir rotatoire ; il réduit les sels de cuivre alcalins et répond à la formule L6H1206 (formule de la glucose).
- MM. Iblasiwetz et Pfaundler sont arrivés à d’autres résul-lats. Le sirop évaporé à consistance convenable, leur a donné, au bout de quelques heures, de beaux cristaux dont la forme et les angles sont les mêmes que ceux de la saccharose (sucre de canne). Ils se dissolvent, à 18°, dans 2,09 parties d’eau et sont solubles dans l’alcool absolu. Leur saveur est plus douce que celle du sucre de raisin. Ils dévient à droite le l'Mn de la lumière polarisée. (Pouvoir spécifique = 0,0763°). Le sucre ne fermente pas. Il a pour formule C6H1205 -j- H20. La molécule d’eau mise à part est éliminable à 110°. Il régies solutions alcalines de cuivre, et fond à 107°.
- Avec un mélange d’acides sulfurique et azotique con-(°ntrées, il donne un corps de formule
- CC6(Àz02p ) x5
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- Il est isomère de la marmite et de la dulcite, et a reçu le nom d’isodulcite.
- MM. Hlasiwetz et Pfaundler pensent qu’il peut exister plusieurs quercitrins, différents parla nature du sucre conjugué dans leurmolécule. Getteopinion n’ariende choquantet concilie les résultats contradictoires obtenus dans l’étude du sucre de quercitrin. Quand qu second produit du dédoublement du quercitrin, il serait constant.
- Quercétine.
- Ce corps découvert par M. Rigaud, et formé par le dédoublement du quercitrin, matière colorante du quercitron, se rencontre encore, soit isolé, soit en combinaison glucosique, dans d’autres végétaux. Ainsi, d’après M. Bolley (1), l’éther ordinaire enlève aux baies de nerprun une matière jaune qui, purifiée par évaporation de l’éther, précipitation pa1' l’eau, dissolution dans l’alcool et évaporation lente de la solution additionnée d’eau, offre tous les caractères et la composition de la quercétine.
- Nous ferons observer, à ce sujet, que l’étude approfondie de la rhamnétine obtenue en dédoublant, par l’acide sulfurique étendu et bouillant, la rhamnine (glucoside colorant des baies de nerprun) nous a démontré, à M. Bertèche et à moi, qu’elle se rapproche beaucoup de la quercétine, sans pouvoir toutefois être confondue avec elle ; on se demandera d’après cela si le corps isolé parM. Bolley est bien réellement de la quercétine, et non de la rhamnétine.
- MM. Rochleder et Hlasiwetz ont retiré la quercétine de» bourgeons floraux du capparis spinosa. M. Stein l'a trouvée dans les bourgeons floraux non développés du Sophara ponica. D’après M. Hlasiwetz il y a identité entre le querci-
- (1) Annaten der Chemieund Pharmacie, CXV, 54.
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- trin et l’acide rutique ou la rutine extrait par Weiss, Kum-mel, Borntraeger des feuilles du ruta graveolens.
- Rochleder (1) a démontré l’existence de la quercétine dans les fleurs et les fruits mûrs du mûrier d’Inde (œsculus hippocas tanum).
- La matière colorante jaune signalée par M. Edw. Schunck dans les feuilles de sarrasin (polygonum fagopyrum) et qu’il considère comme identique avec la rutine serait également duquercitrin (2).
- M. Hlasiwetz pense que la thuyine de M. Kawalier (3) ne diffère pas du quercitrin. La mélétine obtenue par Stein dans le dédoublement de la méline paraît être de la quercétine.
- D’après MM. Bolley et Mylius, la matière jaune du bois de fustel doit être considérée comme de la quercétine (4).
- La robinine des fleurs d’acacia, étudiée par Zwenger et et Dronke(5) diffère du quercitrin, mais se dédouble comme lui en sucre et en quercétine. Cette même robinine se rencontre dans les fleurs du carvus mascula (6). Comme on le v°it, la quercétine et ses glucosides sont assez répandus dans le règne végétal.
- A l’état de pureté elle offre l’apparence d’une poudre cristalline d’un beau jaune citron, à nuance beaucoup plus nche que celle du quercitrin, formée de petites aiguilles.
- Son odeur et sa saveur sont milles. Elle est insoluble dans l’eau froide et à peine soluble dans l’eau bouillante. Le poids de matière déposée par le refroidissement d’une solution Rouillante est insignifiant, tandis que pour la rhamnétine il
- (1) Chemisches Centralblatt, n. série, IV, 162. — Compt. rend, de l’Acad. d- Vienne, XXXIII, 365.
- '2) Chemical Gazette, n° 399, p. 20.
- (3) Compt. rend, de VAcadémie de Vienne, XXIX, p. 10.
- (fl Schweitzerische Polytechnische Zeitschrift, IX, p. 22.
- (5) Ann. der Chem, und Pharm., tome supplément. I, 25T.
- (°) Journal für Prakt. Chem., LXXXV1II, 280.
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- s’élève à 0gr,653 par litre. Elle est très-soluble dans l’alcool, et n’y cristallise facilement que lorsqu’on y ajoute une suffisante quantité d’eau. L’acide acétique chaud la dissout également. Les alcalis la dissolvent facilement avec une teinte jaune orange ; les acides reprécipitent la quercétine intacte. La solution ammoniacale brunit à l’air. La solution alcoolique donne par l’acétate de plomb, l’eau de baryte ou l’eau de chaux des précipités oranges. Elle prend par le chlorure d’étain une couleur orange et une coloration verte par le perchlorure de fer.
- Lorsqu’on fait passer du chlore dans de l’eau qui tient en suspension de la quercétine, celle-ci s’oxyde et se dissout. Sous l’influence du chlore seul, elle prend une couleur orange, en donnant probablement des produits de substitution.
- L’acide nitrique fumant et l’acide ordinaire à chaud 'attaquent avec dégagement de vapeurs rutilantes. Une solution alcoolique de quercétine est réduite et décolorée lorsqu’on y dégage de l’hydrogène naissant.
- Traitée par l’acide sulfurique concentré à 50° ou 60°, ou mieux par l’acide fumant, la quercétine se dissout en donnant un acide sulfo-conjugué jaune, soluble dans l’eau, de saveur acide et susceptible de teindre directement la laine en jaune sans le concours des mordants.
- Elle résiste à une température de 350°,au delà de laquelle elle se décompose sans volatilisation.
- Elle retient énergiquement son eau de cristallisation ; 100 parties de quercétine séchée à la température ordinaire perdent à 120° 11, S parties d’eau, mais il fallti porter la température à 200° pour arriver à une dessiccation complète.
- D’après les analyses les plus récentes de MM. Hlasiwetz et Stein, la quercétine séchée à 200° contient
- Carbone... Hydrogène
- 60,3 60,0 3,7 3,9
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- M, Hlasiwetz, guidé par ses belles expériences sur le dédoublement de la quercétine en phloroglucine (C6H603), et en acide quercétique (Cl5H1007) (voir plus loin), traduit ces nombres par la formule C27H18012 (carbone 60,7 ; hydrogène 3,4).
- La formule G11H805, proposée par M. Bertèche et moi, s’accorde encore mieux avec les résultats analytiques (carbone; 60,0 hydrogène 3,8). Cette dernière formule ferait de la quercétine l’homologue inférieur de la rhamnétine (Cl2H1005).
- En chauffant la quercétine avec l’acide acétique anhydre (C4He03), nous avons obtenu un dérivé acétique cristallisable, qui pour la formule G11H805 renferme 3 ou 4 atomes d acétyle (C2H30) substitués à 3 ou 4 atomes d’hydrogène. Si l’on adoptait la formule C27H18012 la substitution serait d un degré plus élevé.
- M. Rigaud avait adopté l’expression G24H190H (carbone 59,75, hydrogène 3,73). M. Wurtz proposait C13H1006 (carbone 58,5 ; hydrogène 3,8).
- La quercétine .peut s’unir à la soude, à la potasse, à oxyde de zinc.
- Une solution concentrée et chaude de 1 partie de quérir116 et de 3 parties de carbonate de potasse laisse déposer des aiguilles cristallines jaunes, très-fines et très-altérables ; on les purifie par expression, entre des doubles de papier. es cristaux ne peuvent être redissous dans l’eau sans ^composition, à moins que l’on n’ajoute du carbonate de Potasse. Ils s’altèrent un peu à l’air et pendant la dessiccation.
- Dans les mêmes conditions, et en employant 5 parties de s°ude pour 1 partie de quercétine, on obtient une combi-nais°n sodique.
- M- Hlasiwetz représente ces deux dérivés par les formules :
- n.
- G27I118012K20 — C^H'WWO.
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- Les expressions GllH7K05 et CllH7Na03, se rapportent aussi bien aux résultats analytiques.
- En étudiant attentivement l’action de l’hydrate de potasse sur la quercétine, MM. Hlasiwetz et Pfaundler ont obtenu des résultats très-remarquables et susceptibles de jeter quelque lumière sur la constitution intime de ce corps. Sous l’influence de l’hydrate de potasse, à chaud, il se dédouble en une matière sucrée, la phloroglucine, et en d’autres produits, dont la nature varie avec les conditions de température et de durée de l’expérience. Lorsqu’on ajoute 1 partie de quercétine dans une solution bouillante de 3 parties de potasse hydratée, dans 1 partie d’eau, placée dans une capsule en argent, et qu’on évapore rapidement, il arrive un moment où un échantillon, prélevé sur la masse, délayé dans un peu d’eau, sur une soucoupe, donne une solution qui se colore en rouge au contact de l’air. L’acide chlorhydrique la décolore en précipitant des flocons jaunâtres.
- A ce moment on peut constater la production de trois corps qui sont : 1° la phloroglucine, 2° l’acide quercétique, 3° la paradatiscétine. Pour séparer ces produits, on dissout dans l’eau la masse alcaline et on neutralise avec de l’acide chlorhydrique. Les deux premiers restent en solution. La paradatiscétine se précipite à l’état impur et mélangée avec de la quercétine.
- Le liquide filtré est additionné du quart de son volume d’alcool et agité à plusieurs reprises avec de l’éther.
- L’éther se charge de phloroglucine et d’acide quercéti-que ; on décante la couche supérieure et on évapore ; le résidu est repris par l’eau et la solution est précipitée par le sous-acétate de plomb. Le liquide, filtré et débarrassé de plomb par un courant d’hvdrogène sulfuré, donne après concentration des cristaux de phloroglucine C6H603, espèce de sucre voisin de Porcine et découvert par M. Hlasiwetz, parmi les produits de décomposition de la phlorétine.
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- Le précipité plorabique est lavé, mis en suspension dans l’eau et décomposé par un courant d’hydrogène sulfuré. Le liquide séparé par filtration du sulfure de plomb est fortement concentré dans le vide ou dans un courant d’hydrogène.
- Il se dépose alors des cristaux que l’on purifie par de nouvelles cristallisations et des décolorations par le noir animal. Ils ont la forme de belles aiguilles soyeuses.
- C’est l’acide quercétique, acide faible, peu soluble dans l’eau froide; soluble dans l’eau chaude, dans l’alcool et l'éther. Sa réaction est faiblement acide et son goût astringent. Sa solution réduit l’azotate d’argent et colore le perchlorure de fer en bleu foncé. En présence d’un alcali, elle prend à l’air une couleur pourpre magnifique. L’acide sulfurique dissout l’acide quercétique en rouge brun; l’eau précipite de cette solution des flocons rouges solubles en pourpre dans les alcalis.
- M. Hlasiwetz représente l’acide quercétique par la formule
- C1BH,0O7.
- La paradatiscétine, précipitée de la solution potassique Par l’acide chlorhydrique, se purifie de la manière suivante :
- On lave à l’eau bouillante, on exprime fortement et on dissout dans l’alcool fort. Le liquide alcoolique est précipité Par l’acétate de plomb qui élimine la quercétine non altère. Le liquide filtré est débarrassé de plomb par l’acide sulfurique, filtré de nouveau pour séparer le sulfate de Plomb et concentré au tiers.
- L’addition d’eau détermine la précipitation de flocons volumineux, blancs. Ces flocons dissous dans de l’alcool bouillant très-étendu se déposent sous forme d’aiguilles Jaunâtres très-brillantes.
- Le corps est acide et donne des sels très-bien cristallisés.
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- Tels sont notamment les sels de baryum et de strontium. La paradatiscétine est très-peu soluble dans l’eau froide, peu soluble dans l’eau bouillante, facilement soluble dans l’alcool étendu, moins soluble dans l’éther.
- Le perchlorure de fer colore sa solution alcoolique en pourpre intense. Il ne précipite pas par l’acétate de plomb en solution alcoolique, la solution aqueuse précipite en jaune.
- La potasse et la soude étendues le dissolvent avec une coloration jaune. Le liquide se colore peu à peu en vert d’herbe foncé, au contact de l’air.
- L’eau de brome colore ses solutions aqueuses ou alcooliques étendues en rouge, d’abord, puis en violet magnifique.
- Cette nuance passe au bleu sous l’influence des alcalis, et le liquide donne alors, avec l’acide chlorhydrique, des flocons rouges, solubles en rouge dans l’alcool.
- L’eau de chlore colore en brun rouge, le chlorure de chaux en rouge et en brun la solution de paradatiscétine. Elle fond en une masse jaune rougeâtre.
- Sa composition correspond à la formule
- C15H10O6 == G15Hl0O7—O.
- Ac. quercétique.
- Sel de baryte cristallisé en aiguilles brillantes 2ClSH‘°06,Ba„H20*.
- La formule Cl5H1006 est aussi celle de la datiscétine retirée par Stenhouse du Datisca cannabina. L’ensemble des caractères de ces deux corps les rapproche assez pour qu n soit permis de supposer l’identité.
- Si dans la réaction de la potasse sur la quercétine, on dépasse le point signalé plus haut, on obtient deux nouveaux corps.
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- L’un, l’acide quercimérique, s’isole comme l’acide quer-cétique dont on le sépare en utilisant sa plus grande solubilité dans l’eau et en opérant par la méthode des cristallisations fractionnées. Il est très-soluble dans l’eau, l’alcool et l’éther, cristallise en grains, se colore en bleu foncé par le perchlorure de fer. En général, ses réactions le rapprochent de l’acide quercétique. Sa composition répond à la formule
- C9H605 + H20.
- Les acides quercétique et quercimérique chauffés avec de l’hydrate de potasse, jusqu’à ce que la masse dissoute dans l’eau ne se colore plus en rouge à l’air, se transforment tous deux en un nouvel acide, l’acide protocatéchique ; celui-ci s’isole facilement en dissolvant la masse, en neutralisant par l’acide chlorhydrique et en agitant avec de l’éther. Le même acide se forme, lorsqu’on insiste trop longtemps sur l’action de la potasse sur la quercétine.
- Les sels ferriques le colorent en bleu verdâtre; cette teinte passe au rouge sous l’influence des alcalis carbones. Les sels ferreux préalablement neutralisés par le carbonate de baryte colorent ses solutions en beau violet. Sa composition est représentée parla formule C7H604.
- Soumis à la distillation sèche, l’acide protocatéchique donne un sublimé cristallin de formule C6H6Ü2 :
- C7H604 = CO2 + C6Ii602.
- En chauffant une solution sodique de quercétine avec de 1 amalgame de sodium, jusqu’à ce que la teinte brune très-^ncée ait été remplacée par une nuance jaune brunâtre, en neutralisant, à l’abri de l’air, par l’acide chlorhydrique et en agitant avec de l’éther, on isole de la phloroglucine et deux nouveaux corps dont l’un très-soluble aurait pour formule C7H803, et le second peu soluble et facilement cristal-
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- lisable C13H1203. Une solution alcoolique de quercétine acidulée avec de l’acide chlorhydrique prend, sous l’influence de l’amalgame de sodium, une couleur pourpre. Le liquide concentré donne des cristaux rouges analogues del’isomorin. Ce produit régénère très-facilement la quercétine, lorsqu’on le conserve en solution alcoolique, surtout en présence d’un alcali. Il a été décrit pour la première fois par Stein, sous le nom de paracarthamine (1). Il verdit sous l’influence des alcalis et est ramené au rouge par les acides. Ilne différerait de la carthamine que par une certaine proportion d’eau en plus.
- Si nous adoptons les formules données par Hlasiwetz et Pfaundler dans leur beau travail, les réactions précédemment décrites peuvent être représentées par les équations :
- C33H30O'7 -f- H20 = C27H18012 -f- C6Hl406
- Quercitrin. Quercétine. Isodulcite.
- 2(C27Hl8012) 4- 2H20 = 2C6H603 -f ClsHi°07 -f O.
- Quercétine. Phloroglucine. Ac. quercétique.
- C18H|007 + H*0 -f O = C8HeO® + C7H604.
- Ac. quercétique.
- C8HB05 -f O = C7H804 -f CO2.
- Acide
- quercimérique.
- Acide
- protocatéchique.
- Acide
- protocatéchique.
- Avec la formule G11H805, on aurait :
- 2Cl1H808 -f- O2 = CTO + C,8Hl0O7 -f CO2.
- Quercétine. Phloroglucine. Ac. quercétique.
- Et le quercitrin serait :
- (1) Zeitschrift fur Chemie und Pharmacie, 1863, p. 4C7. — Journ. PraJd. Chemie, LXXXV, p. 351, et LXXXIX, p. 4‘J1.
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- APPLICATIONS DU QUERCITRON. 439
- C58H2801B = 2CUH808-f-C6H1405 — H?0.
- (Carbone 55,7; hydrogène 4,5).
- La question du véritable poids moléculaire de la quercé-tine et du quercitrin n’est pas encore résolue définitivement. M. Hlasiwetz admet même comme possible que la quercé-tine ne donne de la paradatiscétine, que parce qu’elle est mélangée à un autre corps très-voisin par ses caractères et ses propriétés.
- APPLICATIONS DU QUERCITRON.
- Le quercitron est employé en teinture, à l’état de poudre, et livré sous cette forme dans le commerce.
- En se fondant sur les travaux de M. Rigaud et sur le dédoublement du quercitrin en glucose et quercétine, Leeshing (1855) imagina de faire bouillir le quercitron avec de l’acide sulfurique étendu.
- Cette opération, suivie d’un lavage complet à l’eau, a pour résultat de débarrasser l’écorce, du tannin et du calcaire qu’elle renferme, et de transformer le quercitrin soluble en quercétine très-peu soluble. Un procédé de purification semblable avait déjà été employé, en 1849, par M. Duperray, fabricant à Rouen. Leeshing fait bouillir pendant une heure, au moyen d’un jet de vapeur et dans une cuve en bois doublée de plomb, un mélange de 80 mesures d’eau, 100 kilogrammes d’acide sulfurique concentré ou 200 kilogrammes d’acide chlorhydrique de densité = 1,192 , et 200 kilogrammes de quercitron en poudre. On laisse déposer, on décante le liquide acide, on lave plusieurs fois par décantation, enfin on filtre sur toile et on exprime.
- Ou bien encore, on fait bouillir 500 kilogrammes de quer-citron avec une solution de 30 livres de cristaux de soude dans 40,000 kilogrammes d’eau, pendant un quartd’heure, Puis on ajoute 122 livres d’acide sulfurique concentré; on
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- laisse bouillir trois quarts d’heure, on lave et on exprime.
- M. G. Schaeffer, quia fixé sur cette préparation l’attention des industriels de Mulhouse, propose de faire bouillir, pendant deux heures, 100 parties de quercitron en poudre, 280 parties d’eau et 25 parties d’acide sulfurique concentré. M. Schlumberger trouve plus d’avantages en employant 100 parties de quercitron, 300 parties d’eau et 15 parties d’acide: 100 parties de quercitron donnent 85 parties de quercétine industrielle, teignant autant que 250 parties de quercitron (1).
- Ce dérivé, employé dans les fabriques sous le nom de quercétine industrielle, offre sur l’écorce normale les avantages suivants :
- 1° Le tannin naturel au quercitron, et qui ternit la vivacité des nuances, se trouve éliminé et ne peut plus .agir d’une manière défavorable. 2° Il y a, d’après les nombres cités plus haut, un gain évident et considérable de matière colorante. 3° On obtient des nuances plus vives et plu? nourries.
- Nous devons ajouter cependant que ce produit exige, pour la teinture, une température plus élevée (100°), qu’il salit davantage les blancs; les nuances sont plus fugaces ; enfin, en raison du peu de solubilité de la quercétine qu’il contient, on ne peut en faire des décoctions. M. Schlumberger a démontré que l’ébullition préalable avec l’acide sulfurique étendu, appliquée à d’autres matières colorantes jaunes (sumac, gaude, graine de Perse, bois de Cuba, curcuma,etc.), donne d’excellents résultats, au point de vue de la vivacité des teintes et du rendement en matière colorante.
- Pour les besoins de l’impression, on fait usage de décoctions qui doivent être employées fraîches, d’extraits liquides à 10 et 20° qui se conservent très-bien, et enfin d un produit importé d’Amérique depuis quelques années, connu sous le nom de flavin.
- (1) Bulletins de la Société indust. de Mulh., t. XXVli, p. 411.
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- GRAINES JAUNES.
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- C’est une poudre jaune olive, teignant autant que 16 fois son poids de quercitron. Elle renferme, d’après les expériences de MM. Bolley, Brunner et Kônig, tantôt du quer-citrin à peu près pur, tantôt de la quercétine ou un mélange des deux.
- On ne sait pas au juste comment se prépare le flavin ou flavine.
- En dissolvant la matière colorante dans une lessive alcaline et en précipitant par l’acide sulfurique, MM. Hoch-staetter et Oehler ont obtenu une poudre semblable au flavin.
- Le quercitron et ses divers dérivés industriels, ainsi que les matière^ colorantes pures qui en dérivent, communiquent au calicot mordancé les nuances suivantes :
- Alumine..................
- Oxyde de fer.............
- Oxyde de chrome..........
- Mélange d’alumine et de fer.
- Oxyde d’étain............
- GRAINES JAUNES.
- On appelle ainsi dans le commerce, les baies desséchées de différentes espèces de nerpruns ou rhamnus. Cette plante croît dans le midi de la France, en Espagne, en Italie, en Turquie, en Asie Mineure, en Perse, etc.
- La graine a la forme et la grosseur d’un pois, avec trois °u quatre dépressions demi-circulaires partant de la tige et aboutissant au sommet; elles correspondent à autant de semences aplaties d’un côté et convexes de l’autre. Elle est tantôt unie, tantôt ridée. La couleur, après dessiccation, Varie du jaune vert au noir. Dans ce dernier cas elle est trop Veille pour donner de bons résultats en teinture. Saveur amère, désagréable ; odeur nauséabonde.
- On en distingue plusieurs variétés, qui sont :
- Jaune-serin franc.
- Gris, vert-olive, noir spécial.
- Selon la force du mordant. Jaune olivâtre.
- Réséda.
- Jaune.
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- 1° La graine de Perse proprement dite. Plus grosse que les autres, fournie par les rhamnus amycjdalinus, oleoides, saxatilis. Importée de Smyrne et d’Alep. Couleur d’un beau vert, allongée vers sa tige; grosseur d’un pois; formée de quatre coques monospermes ; fruits triangulaires. Saveur amère. Elle est très-riche en matière colorante.
- On en distingue trois variétés, suivant la grosseur.
- (Grosse, moyenne, petite).
- 2° Graine du Levant. Vient de Natolie et de Turquie, par voie de Constantinople et de Smyrne. Grosseur d’un grain de poivre. Plus petite que la graine de Perse et à trois coques.
- Variétés : Graine de Valachie, de Bessarabie, d’Andri-nople.
- La première est la plus estimée.
- 3° Graine de Morée. La plus grosse des graines jaunes ; à deux coques. Couleur blonde.
- 4° Graine d’Avignon ou de France. Fournie par les rhamnus infectoria et alaternus. Vert foncé, grosseur d’un grain de poivre ; aplatie ; à deux coques ; moins estimée que la graine de Perse.
- 5° Graine d’Espagne. Fournie par le rhamnus saxatilis, semblable à la graine d’Avignon ; plus jaune et plus estimée.
- 6° Graine d’Italie. Semblable à la graine d’Avignon.
- (Rhamnus infectoria').
- 7° Graine de Hongrie. Rhamnus carthartica et saxatilis ; grosseur d’un pois ; estimée.
- La décoction de graine de Perse ou d’Avignon est jaune verdâtre ; elle devient orange sous l’influence des alcalis fixes et des terres alcalines.
- Ces dernières déterminent la formation d’un léger précipité floconneux.
- Elle ne précipite pas par l’acétate de plomb, ou l’acétate de cuivre. Le sel d’étain fait virer la nuance au jaune verdâtre.
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- MATIÈRES COLORANTES DE LA GRAINE DE PERSE.
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- MATIÈRES COLORANTES DE LA GRAINE DE PERSE.
- Xanthorhamnine, Rhamnine, Chrysorhamnine, Rhamné-tine, Rhamnoxanthine.
- Les graines jaunes renferment un ou plusieurs glucosides colorants, solubles dans l’eau, et, d’après M. Bolley, un principe jaune insoluble qui ne serait autre que la quercé-bne. Nous avons déjà vu par quel traitement ce chimiste isole la matière colorante identique avec la quercétine ou tout au moins très-voisine.
- L’existence d’un ou plusieurs glucosides colorants, est suffisamment démontrée par les travaux de MM. Persoz (1), Gellaty (2), Ortlieb (3), Scliützenberger et Bertèclie (4).
- M. Persoz fait observer que les décoctions de graine de Perse, abandonnées longtemps à elles-mêmes, subissent Uno fermentation alcoolique, en même temps qu’elles déposent une substance cristalline très-peu soluble.
- Le phénomène dépend évidemment d’une saponification icnte d’im glucoside.
- Par l’ébullition d’une décoction de graine, additionnée d acide sulfurique, la même réaction se produit en quelques minutes (Ortlieb).
- M. Gellaty a isolé au moyen de l’alcool une quantité no-Lble d’une matière cristalline jaune, formée d’aiguilles Soyeuses insipides, soluble dans l’eau froide et l’alcool, insoluble dans l’éther, se dédoublant, par lebullition avec
- acide sulfurique étendu, en glucose et en un produit jaune fiol se dépose en flocons.
- Il donne à la matière génératrice le nom de xanthorham-niue et celui de rhamnétine au dérivé.
- fi) Traité de l'impression des tissus, t. I.
- (2) Edinb. new Phil. Journ., t. VII, p. 252.
- $) bulletins de la Société industrielle de Mulhouse, t. XXX, p. 10.
- 'h Bulletins de la Soc. ind. de Mulhouse, t. XXXV, p. 455.
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- La réaction serait exprimée, d’après M. Gellaty, par l’équation :
- C28fls8014 + 3H20 .= C12H24012 -f Cnli1005.
- Xanthorhamnine.
- Glucose. Rhamnétine.
- Ce dernier corps est évidemment le même que celui que M. Ortlieb obtient par l’ébullition d’une décoction de graine additionnée d’acide sulfurique, et que nous avons étudié récemment, M. Bertèche et moi.
- Purifié par plusieurs cristallisations dans l’alcool étendu et dans l’éther, il se présente sous forme de fines aiguilles, d’un beau jaune d’or, très-peu solubles dans l’eau bouillante (1 litre en dissout 0gr,6o3) qui se précipitent complètement par refroidissement, assez soluble dans l’alcool et l’éther.
- Il a donné à l’analyse des nombres conduisant à la formule C12H10O5. La formule de laxanthorhamnine proposée par M. Gellaty deviendrait, d’après cela,
- C24H28014 + 3H20 = 2C6H1206 -f- C12Hl0O8.
- Chauffée avec de l’hydrate de potasse, la rhamnétine se dédouble, comme la quercétine, en une matière sucrée et en un acide dont nous n’avons pas déterminé la comp0' sition.
- Chauffée avec de l’acide acétique anhydre, à 140° et en vase clos, elle se transforme en dérivés acétiques d’un jaune très-pâle, insolubles dans l’eau et susceptibles, l’un d’eux au moins, de cristalliser en grains blancs dans l’alcool.
- Le dérivé acétique paraît renfermer :
- C12H7(C2H30)305.
- La rhamnétine fonctionne donc comme un alcool polyato" mique. Peut-être doit-on l’écrire :
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- MATIÈRES COLORANTES DE LA GRAINE DE PERSE.
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- c,w ) )
- «5m 1 °s ou 3(C!r ! °s-
- En donnant àlaquercétinela formule GllH805, on en ferait un homologue inférieur de la rhamnétine, ajoutons que
- C12Hi°05 = C12II8Os + H*.
- Rhamnétine. Morin.
- Jusqu’à preuve du contraire, nous n’admettons pas l’identité de la rhamnétine et de la quercétine.
- La quercétine est très-sensiblement moins soluble dans l’eau chaude. Une solution bouillante dépose à peine quelques légers flocons par le refroidissement.
- Dans tous les cas, on ne saurait confondre le quercitrin et la xanthorhamnine. Cette dernière est infiniment plus soluble dans l’nau. Quoi qu’il en soit, l’analogie est très-marquée et elle nous dispense d’entrer dans de plus amples détails.
- M. Kopp fait ressortir une relation intéressante existant entre la méline de M. Stein (1) (acide rutinique) et la rhamnétine.
- On a, en effet,
- C18H240,2 = Ci*Ht°05 + C6H'*06 4- H20.
- M’éliue. Rhamnétine. Glucose.
- D’après ses caractères et sa composition, la chrysorham-nine extraite par Kane des graines jaunes, au moyen de 1 éther (alcoolique), doit être de la rhamnétine.
- D en est de même de la rhamnine de M. Fleury, extraite du nerprun (2); quant à la rhamnoxanthine de monsieur
- U) Journ. fur prakt. Chem., LXXXV, 351.
- (2) Journ. de pharm., XXVII, 066.
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- 4 4.6
- Buchner (1), retirée de l’écorce et des graines de bourdaine et du nerprun, elle semble s’éloigner par sa volatilité de la ihamnétine.
- APPLICATIONS DE LA GRAINE DE PERSE.
- La matière colorante de la graine de Perse communique aux divers mordants des couleurs analogues à celles du quer-citron. Les jaunes sont plus vifs, plus intenses, mais plus fugaces.
- On emploie dans la teinture et l’impression :
- 1° La graine, broyée ou non ;
- 2° Des décoctions plus ou moins concentrées.
- Lorsqu’on épuise la graine par l’eau bouillante, les premières décoctions donnent des teintes plus pures que les suivantes.
- Ces décoctions s’altèrent au contact de l’air et finissent par tourner au gras.
- Outre leurs applications dans l’impression, elles servent à la préparation d’une laque jaune, connue sous le nom de stil de grain, destinée à peindre les parquets et les décors de théâtre. On précipite, à cet effet, une décoction de graine de Perse pure ou mélangée de quercitron et de bois jaune, après addition d’alun, par de la craie en suspension dan? l’eau.
- C’est surtout dans les couleurs-vapeurs et d’application, que les décoctions de graines trouvent leurs principales applications.
- On les prépare par une ébullition prolongée avec de l’eau, additionnée ou non de vinaigre, et par la concentration du liquide.
- (1) Journ. de pharm., 3* série, XXIV, p. 50.
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- BOIS JAUNE.
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- BOIS JAUNE.
- Mûrier des teinturiers. Bois du Brésil jaune. Vieux fustic.
- Tronc, dépouillé d’écorce, d’un arbre de la famille des Urticées (morus tinctoria).
- Il croît aux Indes Orientales, dans l’Amérique du Sud et certaines parties de l’Amérique du Nord (Mexique, Brésil, Jamaïque, Cuba, Tabago). Sa hauteur atteint 20 mètres environ.
- Le bois est dur, léger, cassant, d’un jaune citron pâle. 11 arrive en bûches de 50 kilogrammes, sciées à plat aux fieux bouts.
- On en distingue plusieurs variétés,suivantl’origine, savoir :
- Bois de Cuba. C’est le meilleur.
- Bois de Tampico. Un peu plus clair que le précédent.
- Bois jaune du Brésil. Très-clair et piqué des vers.
- Bois de Portorico, de Carthagène, de Macaraïbo, de Saint-Domingue.
- Bois de la Jamaïque, de Tuspan, des Indes orientales.
- Les meilleures qualités sont les plus dures, les moins piquées, celles qui, avec une belle couleur jaune, offrent de nombreuses veines rougeâtres.
- Dans le commerce, le bois jaune est souvent réduit en poudre, ou en copeaux.
- Les décoctions offrent les réactions suivantes :
- Alcalis et terres alcalines. Coloration jaune orangé foncé, sans précipité.
- Acides sulfurique, azotique, oxalique. Léger précipité.
- Alun. Précipité jaune.
- Sulfate de peroxyde de fer. Coloration olive, précipité noir olive.
- Chlorures d’étain ... )
- Acétate de plomb ... Précipité jaune ou jaune brun.
- — de cuivre...
- Gélatine. Précipité floconneux jaune.
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- MATIÈRES COLORANTES DU BOIS JAUNE.
- Les matières colorantes du bois jaune ont été étudiées par MM. Ghevreul (1), Wagner (2), et en dernier lieu par Hlasiwetz et Pfaundler (3).
- Ces auteurs s’accordent généralement à y admettre deux principes distincts, l’un presque insoluble dans l’eau et l’autre assez soluble.
- Le premier a reçu le nom de morin, et l’autre d’acide morintannique ou maclurine.
- Voici comment MM. Hlasiwetz et Pfaundler prescrivent d’opérer la séparation de ces deux corps.
- Le bois jaune est réduit en poudre, à la râpe, ou au moyen de la machine à varloper en usage dans les fabriques d’extraits. On le traite deux ou trois fois par l’eau bouillante. Les liqueurs sont concentrées et abandonnées pendant plusieurs jours.
- Il se forme un dépôt cristallin qu’on lave rapidement à l’eau froide et que l’on exprime à la presse. Il renferme les deux principes. On peut, avec avantage, se servir des dépôts cristallins jaunes qui se forment le long des tonneaux où l’on conserve les extraits à 10° Baumé, préparés avec le bois jaune.
- La masse exprimée est réduite en poudre, traitée à plu-1 sieurs reprises par l’eau bouillante. Le résidu insoluble est du morin brut mélangé à une petite quantité d’une combinaison calcaire de morin.
- On le traite par l’acide chlorhydrique étendu, ôn lave et on dissout dans l’alcool. Ce liquide additionné d’eau chaude (2/3 de son volume) dépose le morin en aiguilles cristalh-
- (1 ) Leçons de chimie appliquée à la teinture, t. II, p. 150.
- (2) Journal für prakt. Chem., LI, 82.
- (3) Annalen der Chemie und Pharmacie, t. CXXVII, p 351, et .Comptes rendus de l'Académie des sciences de Vienne, juin i8C4.
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- MATIÈRES COLORANTES DU BOIS JAUNE. U9
- lines jaunes, que l’on purifie par plusieurs cristallisations dans l’alcool étendu.
- L’acide morintannique ou maclurine se trouve en solution dans l’eau qui a servi à épuiser le morin brut. Il se dépose en partie par la concentration, et en partie après addition d’acide chlorhydrique.
- On le purifie par plusieurs cristallisations dans l’eau acidulée.
- Ce corps forme la partie la plus importante des dépôts cristallins, remarqués par M. Ghevreul dans les bûches de bois jaune.
- Acide morintannique ou maclurine. — Les cristaux de maclurine, obtenus par le procédé précédent, sont jaunes; mais on peut arriver à les décolorer presque entièrement, en les exprimant immédiatement après la cristallisation, ou bien encore en ajoutant de l’acide acétique et de l’acétate de plomb à la solution, et en faisant passer un courant d’hydrogène sulfuré. Le dépôt de sulfure de plomb entraîne le peu de matière jaune mélangée.
- Il est très-soluble dans l’eau chaude ; 1 partie de maclu-rme se dissout dans 6,4 parties d’eau froide et 2,14 parties d’eau bouillante. Il est soluble dans l’alcool, l’esprit de bois et l’éther ; il fond à 200° et se décompose à 250°.
- Il précipite en noir verdâtre par le sulfate de fer, en jaune Par l’acétate de plomb, le précipité est soluble dans l’acide acétique.
- Les cristaux de maclurine ne perdent entièrement leur eau qu’à 130 ou 140°. Sa composition est représentée parla formule C13H10O6'.
- Traitée à chaud par des solutions concentrées d’alcalis caustiques, elle se dédouble en phloroglucine et en acide protocatéchique.
- Cl3Ht0O6 4- H20 = C6H603 -h C7II604.
- Maclurine. Phloroglucine. Acide Pro-
- tocatéchique.
- II.
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- Une solution moyennement concentrée de maclurine, bouillie en présence du zinc et de l’acide sulfurique, se colore rapidement en rouge intense. Cette couleur diminue peu à peu d’intensité et finit par passer au jaune vineux.
- Dans ces conditions, on obtient de la phloroglucine et un nouveau produit, la machromine. On isole celle-ci de la manière suivante : Le liquide décanté de dessus le zinc est additionné du tiers de son volume d’alcool et agité avec de l’éther, tant que le liquide se colore. Les extraits éthérés sont évaporés, le résidu est étendu d’eau et précipité par l’acétate de plomb. Le dépôt est jaune, au début, mais il se colore peu à peu en vert. Le liquide filtré contient la phloroglucine.
- Le composé plombique est décomposé par l’hydrogène sulfuré, après avoir été mis en suspension dans l’eau bouillante. Le liquide est filtré et concentré dans le vide, opération pendant laquelle il se colore, tout en déposant des cristaux grenus. On lave ceux-ci à l’eau froide et on les fait cristalliser dans l’alcool étendu bouillant, d’où il se dépose en aiguilles brillantes.
- La propriété la plus intéressante de la machromine est la facilité avec laquelle ses cristaux et ses solutions se colorent en bleu au contact de l’air et sous l’influence des agents oxydants. Celles-ci donnent alors par l’acide chlorhydrique un précipité bleu indigo.
- Le perchlorure de fer et le bichlorure de mercure y développent une belle couleur violette passant au bleu. Les solutions alcalines et ammoniacales se colorent également en bleu à l’air.
- Le nitrate d’argent est réduit avec production d’une liqueur violette.
- L’acide sulfurique concentré dissout la machromine avec une teinte orangée, puis jaune; teinte qui passe au vert intense à chaud et se maintient après que le liquide est
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- MATIÈRES COLORANTES DU BOIS JAUNE.
- étendu d’eau. La coloration verte passe au violet sous l’influence des alcalis.
- La machromine est donc remarquable par la variété des couleurs qu’elle engendre; de là son nom.
- Sa composition est représentée par la formule
- C14H10O5 4- 3H20
- et sa génération aux dépens de la maclurine ne peut s’expliquer qu’en admettant la production préalable d’acide pro-tocatéchique G7H604.
- 2(C7H604; + H4 = Cl4H10O5 -f 3HPO.
- La matière bleue, formée par l’oxydation de la machromine, s’obtient le plus facilement, lorsqu’on ajoute un excès de perchlorure de fer à une solution aqueuse de ce corps. Elle se précipite en flocons qui, lavés à l’eau, séchés, broyés et épuisés par l’éther, se présentent sous forme d’une masse amorphe foncée, brillante, soluble dans l’alcool avec une belle couleur bleue.
- La solution alcoolique acidulée se décolore par le zinc et l’amalgame de sodium.
- Elle paraît renfermer
- C14H80B = C14Hl0Os — H*.
- Machromine.
- M. Hlasiwetz n’est pas parvenu à produire directement la machromine par la réduction de l’acide protocatéchique.
- La maclurine traitée, en solution alcaline, par l’amalgame de sodium, se décompose dans une autre direction, le liquide passe du brun foncé au rouge et successivement par toutes les nuances jusqu’au jaune clair.
- Le liquide alcalin est très-sensible à l’action de l’air; après l’avoir saturé par l’acide chlorhydrique, on enlève les
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- produits formés en agitant avec de l’éther. La solution éthé-rée est évaporée et le résidu repris par l’eau est précipité par l’acétate de plomb. Le liquide filtré renferme de la phloro-glucine et le précipité, décomposé par l’hydrogène sulfuré, fournit à l’évaporation un corps amorphe, soluble dans l’eau, l’alcool et l’éther, paraissant répondre à la formule
- Cl4H1303.
- La maclurine chauffée avec le chlorure d’acétyle donne un dérivé monoacétique
- C|3H9(C2H*0)06.
- Une solution d’acide morintannique dans l’acide sulfurique, dépose au bout de quelque temps de l’acide rufimorique, sous forme d’un précipité cristallin rouge-brique, soluble en pourpre dans l’ammoniaque.
- L’ébullition avec l’acide chlorhydrique étendu donne également de l’acide rufimorique.
- Le corps rouge, soluble dans l’alcool, peu soluble dans l’eau, peut régénérer la maclurine, lorsqu’on le fait'bouillh avec de la potasse.
- Formule 'peu 'probable :
- C 6H1409.
- Il est à supposer que l’acide rufimorique est isomère de la maclurine.
- Morin. — Lemorin est presque insoluble dans l’eau froide, très-peu soluble dans l’eau chaude, soluble dans l’alcool, peu soluble dans l’éther, insoluble dans le sulfure de carbone.
- Les alcalis, les borates et les phosphates alcalins le dissolvent en se colorant en jaune ; les acides le reprécipitent.
- Le perchlorure de fer colore en vert olive foncé sa solution alcoolique.
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- MATIÈRES COLORANTES DU BOIS JAUNE.
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- Il perd très-difficilement les dernières traces d’eau de cristallisation.
- M. Hlasiwetz représente par C12Ii805, la composition du morin séché à 200° et par C12H805 1 Va H20 celle du morin séché à l’air.
- Cette formule est contrôlée par l’étude des combinaisons suivantes.
- Combinaisons potassique et sodique..
- — calcique et barytique..
- — plombique.............
- — zincique..............
- ( C12H9K06 ( C12H9Na06 ( C2iHi8Ba„012 | c2’fII 18Ca „ 012 C24H18Pb„012 C24H18Zn„Ol2 4H20
- Les premières s’obtiennent directement en combinant le morin avec les carbonates alcalins, les autres se forment pur double décomposition. Ce sont des précipités jaunes.
- Le composé zincique prend naissance dans l’action du zinc sur une solution alcoolique de morin, additionnée d’acide sulfurique.
- Le morin absorbe l’ammoniaque, et augmente de 12,7 pour 100 de son poids, en donnant.
- C12H10O6 + 2AzH3 — H20.
- Avec le brome on obtient le morin bromé G12H5Br306.
- Le morin se transforme facilement en phloroglucine sous l’influence de l’hydrogène naissant, ou par la fusion avec les alcalis. Cette réaction diffère de celle que donne la quercétine, en ce que la phloroglucine en est le seul produit.
- Ainsi, si l’on ajoute de l’amalgame de sodium h une solution alcaline de morin, le liquide devient bleu, puis vert, et enfin jaune brun ; à ce moment, il ne précipite plus par les acides et ne renferme plus que de la phloroglucine formée d’après l’équation :
- C12H,0Ô® 4- H2 = 2CfiH60®.
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- 454 TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- Une solution alcoolique et acide de morin, traitée par l’amalgame de sodium, prend une teinte rouge intense passant à l’orangé, au jaune et au blanc jaunâtre. Dans ce cas on trouve également de la phloroglucine.
- Mais si l’on a soin d’arrêter l’expérience au moment où la coloration pourpre est le plus intense, on obtient par concentration du liquide des prismes pourpres, brillants, solubles en pourpre dans l’alcool, insolubles dans l’eau, peu solubles dans l’éther. La solution alcoolique de ce corps passe au vert sous l’influence des alcalis, et au bout d’un certain temps le morin est régénéré.
- Il suffît même, pour transformer le corps rouge en morin, de faire bouillir sa solution alcoolique étendue, ou bien encore de le chauffer à sec. Lorsqu’on précipite par l’acétate de plomb la solution alcoolique, et qu’on décompose le précipité par l’hydrogène sulfuré, on régénère également le morin.
- La solution du corps rouge, additionnée d’alun, offre un remarquable caractère de dichroïsme. Étendue, elle paraît jaune par transparence avec le reflet vert du verre d’urane.
- Ce corps, qui rappelle l’acide rufimorique, paraît être isomère du morin, comme l’acide rufimorique semble isomère de la maclurine ; M. Hlasiwetz lui donne le nom d’isomorin.
- La transformation de l’isomorin en morin se fait sans le concours de l’air. La génération n’est donc pas, comme on aurait pu le croire, le résultat d’une action réductrice.
- Une solution de morin dans l’acide sulfurique, additionnée d’eau jusqu’à la limite de la précipitation, fournit de l’iso-morin, si l’on y ajoute du zinc en grenailles.
- M. Hlasiwetz fait ressortir les analogies de propriétés qui rapprochent le morin et la quercétine :
- 1° Tous deux fournissent un corps rouge lorsqu’on les traite en solution acide et alcoolique, par l’amalgame de sodium
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- MATIÈRES COLORANTES DU BOIS JAUNE.
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- 2° Ils fournissent tous deux de la phloroglucine sous Tin-fluence de l’amalgame de sodium agissant sur une solution alcaline. Dans le cas de la quercétine, il se forme en outre d’autres produits.
- 3° Le morin zincique et la quercétine zincique prennent naissance dans les mêmes circonstances. Les solutions sulfuriques de morin et de quercétine se modifient d’une manière analogue en présence du zinc, et donnent des corps rouges.
- 4° Le morin et la quercétine s’unissent à la potasse et à la soude.
- 5° La potasse en fusion transforme ces deux produits en phloroglucine.
- 6° Ils sont tous deux stables à une haute température et perdent très-difficilement leur eau de cristallisation.
- Ils se subliment d’une façon analogue, en se décomposant en grande partie.
- Enfin le morin et la quercétine donnent en solution les blêmes colorations avec divers réactifs.
- Ce chimiste cherche à expliquer ces analogies frappantes, en supposant que la quercétine renferme les éléments du florin et de l’acide quercétique.
- On a en effet :
- Cï7Hl80 2 = c12H805 + Cl5H10O7.
- Quercétine. Morin. Acide
- quercétique.
- La formule que nous avons proposée pour la quercétine rapproche également çe corps du morin, au point de vue de la composition.
- CH2 -J- C11H805 = C12H,0O5...
- Quercétine. Homologue de la quercétine.
- C12H100B — H2 = C12H808.
- Morin.
- Applications.—Le bois jaune, réduit en poudre ou en
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- 4 56
- copeaux, sert à teindre ou à préparer des décoctions, plus ou moins concentrées, d’extraits liquides ou solides.
- On en fait des laques destinées à la peinture et à l’impression des tissus.
- Les nuances fournies sont les mêmes à peu près que celles du quercitron. Elles leur sont également comparables au point de vue de la solidité.
- GAUDE.
- Vaude (Wau, en allemand), Réséda luteola.
- Plante herbacée de 1 mètre à lm, 30 de hauteur, semée en juin et récoltée un an après :
- On l’arrache ou on la coupe à ras du sol, et on la sèche à l’air et à l’ombre, pour la réunir en bottes, et la livrer sous cette forme au commerce.
- Elle est composée d’une tige unique, grêle, portant une série de tiges plus minces, de couleur jaune ou jaune verdâtre, suivant les soins apportés à la dessiccation.
- La gaude est cultivée en France (Normandie, Elbeuf, Sauniers, Pont-de-l’Arche, Cette, Havre), en Angleterre et en Allemagne (Thuringe, Saxe, Bavière, Wurtemberg, etc.).
- La matière colorante se trouve répandue dans toute la plante, mais c’est surtout vers les sommités fleuries qu’elle est particulièrement accumulée.
- Les décoctions de gaude sont jaune verdâtre, de saveur
- douce et amère, odeur spéciale, désagréable.
- Les alcalis les virent au jaune d’or.
- Les acides foncent la nuance.
- Le sulfate de fer les colore en vert olive.
- La plupart des sels métalliques donnent des précipités jaunes.
- La gélatine donne un trouble insignifiant.
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- MATIÈRE COLORANTE DE LA GAUDE.
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- MATIÈRE COLORANTE DE LA GAUDE OU LUTÉOLINE.
- Elle a été étudiée par MM. Chevreul (1), Moldenhauer (2) et Schützenberger et Paraf (3).
- Nous nous sommes servis avec avantage, M. Paraf et moi, du procédé suivant, pour l’extraire de la plante.
- H est fondé sur la propriété que possède ce corps de se dissoudre en quantités assez notables, dans l’eau surchauffée à 250°, et de cristalliser, par le refroidissement, sous forme d’aiguilles jaunes parfaitement pures ; ce qui permet de séparer la matière colorante, d’une matière résineuse très-fusible qui l’accompagne en quantité abondante.
- On commence par épuiser la gaude hachée en menus morceaux, dans un appareil de déplacement, par l’alcool bouillant. La solution concentrée est précipitée par l’eau, et donne d’abondants flocons d’un vert jaunâtre sale. Le précipité est introduit avec de l’eau dans un cylindre en verre, qui trouve place dans un cylindre en acier fondu ou en cuivre embouti, fermé par une vis de même métal. On chauffe pendant 20 minutes à 250°. Après refroidissement, on trouve les parois de l’éprouvette, jusqu’à la hauteur du liquide, tapissées de jolies aiguilles jaune d’or. Au fond s’est réuni un culot de résine. L’eau mère, au sein de laquelle s’est opérée cette cris-tallisation, est claire et transparente.
- On purifie les cristaux en les redissolvant une seconde fois dans l’eau surchauffée.
- Quant au culot résineux noir et demi-fluide, deux ou trois épuisements semblables suffisent pour le débarrasser entièrement de matière colorante.
- A défaut de cylindre, permettant de chauffer à 250° une grande quantité d’eau, on peut faire usage de simples tubes
- (1 ) Journal de chimie médicale, VI, 157.
- (2) Journal für praklische Chemie, LXX, 428; Ann. der Chem. und Pharm., CXII, 107.
- (3) Bulletins de la Société chimique de Paris, lre série, 186l, p. 18.
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- 458 TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- en verre épais, scellés à la lampe et chauffés au bain d’huile dans des canons de fusil. Le procédé suivi par Moldenhauer est plus long. La gaude est épuisée par l’alcool et la solution est évaporée. Une partie de la lutéoline se dépose ; on la lave à l’eau, puis on la fait bouillir avec de l’acide acétique concentré. On filtre chaud, la matière colorante se sépare parle refroidissement ; elle est lavée à l’eau, séchée dans le vide, traitée par l’éther. La solution éthérée est évaporée et le résidu est redissous dans l’alcool. On ajoute 24 à 28 parties d’eau, on porte à l’ébullition et on filtre, lalutéolinese sépare à l’état de pureté et en cristaux.
- Elle est jaune, cristallisée en fines aiguilles quadrangulaires groupées concentriquement ; saveur amère et astringente ; sans odeur ; fond au-dessus de 320° et se sublime avec décomposition partielle. Peu soluble dans l’eau froide, pins soluble dans l’eau chaude, elle se dissout dans l’alcool et l’éther.
- La lutéoline sèche traitée par l’acide phosphorique anhydre se change en un corps rouge, soluble dans l’ammoniaque avec une coloration violette; elle se dissout, en jaune foncé, dans les alcalis et les carbonates alcalins, en rouge orangé dans l’acide sulfurique concentré, l’eau la reprécipite intacte. Elle est peu soluble dans l’acide chlorhydrique, et l’acide acétique froids, soluble au contraire à chaud.
- L’acide azotique la transforme en acide oxalique. Les solutions aqueuses se colorent en vert par le perchlorure de fer et précipitent par la plupart des solutions métalliques. Une solution alcoolique acidulée de ce corps prend, sous l’influence de l’amalgame de sodium, une couleur pourpre analogue a celle que prennent le morin et le quercitrin, dans les mêmes circonstances. Cette couleur passe au vert, puis au jaune, par les alcalis fondus. Avec de la potasse, elle ne donne pas d’acide quercétique, mais de l’acide protocatéchique et probablement aussi de la phloroglucine.
- Nos analyses conduisent à la formule C12H805, pour la lu-
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- MATIÈRES COLORANTES JAUNES DIVERSES. 459
- téoline séchée à ISO0, et G12H805,H20 pour le produit séché au-dessus de l’acide sulfurique.
- Le sel de plomb obtenu en précipitant une solution alcoolique de lutéoline, par une solution alcoolique d’acétate neutre de plomb a pour formule :
- C1!H805,Pb„0.
- Moldenhauer avait représenté ses résultats analytiques par l’expression
- C20H14O8.
- La lutéoline ne se dédouble pas en sucre et en un nouveau produit et ne peut être considérée comme un glucoside.
- Hlasiwetz considère la lutéoline comme étant un isomère °uun métamère de la paradatiscétine.
- (C1BH10O6).
- Notre formule ferait de ce corps un isomère du morin d°nt il se rapproche par ses caractères.
- Applications.
- La gaude sert uniquement en teinture ; elle communique aux mordants des couleurs analogues à celles du quercitron, ftais elles sont beaucoup plus solides, et se rapprochent, à Cepoint de vue, des résultats fournis parla garance.
- üe quelques autres matières colorantes, voisines de celles du
- quercitron, ou dont Videntité avec elles est soutenue par
- les uns et niée par les autres.
- 1° Rutine, acide rutique, acide rutinique, méline, phyto-^éline. M. Hlasiwetz avait admis que la rutine ou acide ru-hque retiré par M. Weiss, Kummel et Borntraeger, des feuilles du ruta graveolens, ne diffère en rien du quercitrin.
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- HO TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- M. Stein (1) nie cette identité. Il donne à ce corps le nom de méline ou phytoméline, selon lui la méline est-très répandue dans l’organisme végétal et diffère du quercitrin par la composition et les propriétés.
- La méline donne à l’analyse :
- Carbone......................... 50,06
- Hydrogène.......................... 5,65
- La quercine ou quercitrin donne
- Carbone......................... 54,85
- Hydrogène.......................... 5,15
- La méline serait moins colorée que le quercitrin qui cependant ne l’est guère.
- Elle est soluble dans 14,4 parties d’alcool absolu bouillant et dans 358,9 parties d’alcool absolu froid. La quercine exige 3,9 parties d’alcool bouillant et 23,3 d’alcool froid.
- Avec l’eau on observe des différences analogues.
- A chaud. A froid.
- Méline.................... 185,0 109,41
- Quercine.................. 143,3 24,85
- La solution alcoolique de méline est précipitée en jaune d’or par l’acétate de plomb, celle du quercitrin l’est en rouge orangé.
- On extrait, avec avantage, la méline des graines jaunes de la Chine (chinesiche Gelbbeere) boutons dqsophorajaponie^-A cet effet, on épuise par l’alcool à 80 pour 100, on précipite par une petite quantité d’hydrate de plomb, pour enlever les impuretés, puis, après avoir séparé ce premier dépôt, 011 ajoute une plus forte proportion d’hydrate plombique. La combinaison jaune est lavée et décomposée par l'hydrogène
- (1) Journal fur praktische Chemie, LXXXV, 351, et LXXXV1II, 280.
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- sulfuré, en présence de l’alcool. En évaporant on obtient des cristaux jaune d’or.
- Par l’ébullition avec les acides minéraux étendus, la mé-üne se dédouble en sucre (glucose) et en un corps jaune (mellétine) très-voisin de la quercétine. M. Stein représente la composition de la méline par la formule C18H24012. MM. Zwenger et Dronke par C23H32017.
- Ces derniers chimistes établissent une distinction entre la rutine et la méline. La rutine a été retirée de la rue [ruta graveolens), des câpres (boutons de copparis spinosa), des marrons d’Inde et d’autres plantes encore.
- Robinine. Ce corps a été extrait par Zwenger et Dronke desfleurs fraîches d’acacia [robiniaspeudo-acacia). On épuise les fleurs par l’eau, on évapore à consistance de sirop. L'extrait est repris par l’alcool. La solution évaporée dépose des cristaux jaunes. Ceux-ci sont lavés à l’alcool froid, exprimés, dissous dans l’eau bouillante. La solution est précipitée partiellement par l’acétate de plomb, on filtre, on enlève l’excès de plomb par l’hydrogène sulfuré. Le liquide dépose Par refroidissement des cristaux jaunâtres.
- La robinine est neutre, insipide, peu soluble dans l’eau et l’alcool froid, plus soluble à chaud, insoluble dans l’éther. Elle fond à 195°. Le produit fondu, mis en présence de l’eau, s y combine et cristallise.
- La robinine se dissout en jaune dans les alcalis. L’acide azotique la convertit en acides oxalique et picrique. L’acide sulfurique et l’acide chlorhydrique étendus et bouillants la dédoublent en une glucose incristallisable et non fermentescible, et en quercétine. La glucose de robinine donne de l’acide oxalique et de l’acide picrique par l’action de l’acide étriqué.
- Elle se distingue de la quercine par une plus grande solubilité dans l’eau bouillante et par la couleur du précipité qu’elle donne avec de l’acétate de plomb.
- Formule, d’après Zwenger et Dronke G23H30 0 16.
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- 3° Rhamnoxanthine. M. Buchner (1) donne le nom de rhamnoxanthine aune substance extraite par lui de l’écorce du rhamnus cathartica (nerprun), et par Phipson, de l’écorce et des bourgeons du rhamnus fraugula (bourdaine). Elle se présente sous forme de petits cristaux jaunes, peu solubles dans l’eau, solubles dans l’alcool, l’éther et dans les alcalis avec une couleur pourpre. Elle se Sublime facilement en aiguilles jaunes, même à la température ordinaire.
- De la rhamnoxanthine brute, mélangée à du sable quart-zeux et chauffée, doucement et longtemps sur un poêle, dans une fiole, a fourni des paillettes de rhamnoxanthine et des aiguilles jaunes assez semblables àl’alizarine ou à la nucine, solubles en rouge cerise dans les alcalis.
- 4° Matière colorante du thuya occidentale (2). M. Kawal-lier a retiré des feuilles de thuya une substance jaune (thuine) qui se dédouble, par l’ébullition avec l’acide sulfurique étendu, en un sucre incristallisable et en thuyétine.
- G20H22O12_|_ 2H20 = C6H1206 + C14HuO®.
- Thuyine. Sucre. Thuyétine.
- Ces deux corps, s’ils ne sont pas identiques avec le querci-trin et la quercétine, s’en rapprochent au moins beaucoup) par la composition et les propriétés 1
- FUSTET
- Fustel-jeune, Fustic, bois jaune de Hongrie ou du Tyfol-
- Le bois colorant, dépouillé d’écorce, connu sous ces diverses dénominations, provient d’un arbuste de la famdle des Térébinthacées (rhus cotinus, sumac à perruque,arbre à perruque).
- (1) Journal de pharmacie [3], XXIV, 50, et Dingler's Polytechn. Journ» 1865, CLXXVIII, p. 413.
- (2) Kawallier, Compt. rend, de l’Acad. des sciences de Vienne, XXIX,
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- FÜSTET.
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- Il croît aux Antilles (Jamaïque, Tabago, etc.), dans le Levant, en Espagne, en Italie, en Hongrie, dans le Tyrol et le midi de la France.
- Le bois de fustet est dur, compacte, d’un beau jaune ; il arrive en paquets de baguettes et de branches refendues, en souches et en branches tortueuses.
- Celui d’Amérique est plus estimé que le fustet d’Italie.
- Il contient : 1° Une matière colorante jaune, cristallisable ; 2° une matière rouge ; 3° une substance brune et un principe astringent. La substance jaune a été isolée pour la première fois par M. Ghevreul, qui lui donna le nom de fus-fine. M. Bolley, qui a repris l’étude de ce corps, le considère comme identique avec la quercétine et il le prépare par le procédé suivant (1).
- On évapore à sec la décoction aqueuse de bois de fustet. Le résidu est épuisé par l’alcool ; la partie insoluble dans ce dissolvant retient le composé rouge, sa solution alcoolique concentrée et additionnée d’eau, laisse déposer le corps jaune en croûtes cristallines. Celles-ci, lavées à l’eau froide, exprimées, dissoutes dans l’alcool et précipitées par l’eau, donnent le produit pur.
- La fustine de M. Bolley, quelque rapprochée qu’elle soit de la quercétine, en diffère cependant en quelques points. Ainsi,, avec le protochlorure d’étain, elle donne un précipité 0l>angé et non jaune, ses dissolutions alcalines se colorent en rouge.
- M. Bolley attribue ces phénomènes à la présence d’une petite quantité de matière rouge.
- Quoi qu’il en soit, l’identité de la fustine et de la quercé-tjne ne peut être définitivement admise sans une nouvelle vérification.
- Le rouge de fustet n’a été soumis à aucun examen sé-
- (U Bulletins de la Société chimique de Paris, II, 479. — Schweitzerische ^°lytechnische Zeitschrift, IX, 22.
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- rieux ; il est probable qu’il dérive d’une altération du principe jaune.
- La décoction de fustel offre les caractères suivants :
- Couleur. Jaune orangé.
- Alcalis. Coloration rouge.
- Terres alcalines. Coloration rouge, avec précipité.
- Sel d’étain et acétate de plomb. Précipités rouge orangé.
- Acétate de cuivre. Précipité rouge marron.
- Acides. Coloration jaune verdâtre.
- Applications. — Le fustel sert surtout à la teinture des laines, des peaux et des cuirs, et au tannage des cuirs.
- Il communique aux mordants d’alumine une nuance jaune orangé, aux mordants d’étain une couleur rouge orangé. Ces nuances sont fugaces et virent sous l’influence des alcalis et du savon.
- Matière colorante du Polygonum Fagopyrum [Sarrasin) (1).
- M. Schunck (2) a retiré des feuilles de cette plante une matière colorante jaune, cristallisée, peu soluble dans l’eau froide, plus soluble à chaud ; soluble dans l’alcool, l’éther, les acides sulfurique et chlorhydrique concentrés, ainsi que dans les alcalis. »
- Il lui donne la formule C15H20010, et la considère comme identique avec la rutine et l’ilixanthine extraite des feuilles de houx [ilex aquifolium) (?). Elle se rapprocherait d’après cela du quercitrin, si toutefois elle ne doit pas être confondue avec lui.
- Les solutions aqueuses 'précipitent en jaune par l’acétate d’alumine et l’acétate de plomb, en jaune verdâtre par l’ace-tate de cuivre, en brun olive par le perchlorure de fer.
- (1) Dingler's Polytechn. Journ., CXV, 157.
- (2) Répertoire de chimie pure, t. I, p. 438. — C hernie. Gazette, nos 309, 201.
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- MATIÈRES COLORANTES JAUNES DU GROUPE QUERCÉTIQUE. 465
- Il communique aux tissus de coton mordancé des teintes assez vives.
- On isole le principe pur, en préparant une décoction avec les feuilles ; celle-ci est clarifiée par une précipitation incomplète à l’acétate de plomb.
- On filtre bouillant, et l’on ajoute de l’acide acétique; la matière se dépose en fines aiguilles.
- L’écorce et la racine de grenadier renferment, outre le tannin, une matière colorante jaune, non encore examinée, mais qui, par son mode d’être en teinture, se rapproche du quercitrin ou de la quercétine.
- Emploi, en teinture et en impression, des matières colorantes jaunes du groupe quercétique.
- La grande analogie, de propriétés et de composition, qui relie, au point de vue chimique, les matières colorantes réunies sous le nom générique de quercétiques, fait prévoir que dans leurs applications elles doivent se rapprocher aussi beaucoup.
- Cependant en pratique il n’est, pas indifférent de remplacer Lune par l’autre ; mais il ne faut pas perdre de vue Çue le plus souvent le fabricant ne fait pas usage du principe uaimédiat pur, mais de la partie végétale tout entière, ou ^extraits aqueux assez complexes. La matière colorante peut ^nc s’offrir à lui, associée à des substances étrangères di-^erses, selon la nature du produit mis en travail. Ces impuretés influent sur la teinte, sur les caractères de solubi-l'té et sur une foule de conditions peu intéressantes pour ^ théoricien, mais qui dans la manutention industrielle lle laissent pas que de peser d’un grand poids dans la élance.
- Admettons pour un instant que la rhamnétine et la quer-e°tine ne forment qu’un seul et même corps ; on pourrait lr°ire que dans les opérations de teinture et d’impression il
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- importe peu de remplacer le quercitron par la graine de Perse ou réciproquement, cependant cette vérité à priori est loin d’être admise par le chimiste coloriste.
- Lorsqu’une fois, ce qui ne peut tarder d’arriver, le coloriste aura pris l’habitude de ne se servir que de produits purs, cristallisés ou non, il ne s’occupera plus de l’origine de la matière colorante fournie par le fabricant de couleurs, mais uniquement du prix de revient, et une grande partie des différences signalées disparaîtra.
- Il nous est impossible, d’après le cadre restreint que nous nous sommes posé, d’entrer dans les considérations de détail qui justifient la préférence donnée à telle substance plutôt qu’à telle autre, dans un cas donné. Il nous faudrait pour cela, du reste, une longue pratique du métier, qui nous fait défaut.
- Nous pouvons donc envisager, d’une manière générale et dans son ensemble, le mode de fixation et les principales applications des matières colorantes du groupe quercétique, en indiquant ce que chacune d’elles offre de plus spécial et de plus saillant.
- Aucune ne se fixe sans mordant, quelle que soit la nature de la fibre.
- Elles communiquent, aux tissus mordancés à l'alumine ou à l’oxyde d’étain, des teintes jaunes, ou jaune orange, ou jaune nankin.
- Avec le mordant de fer, la couleur varie du gris au vert olivâtre ou au noir.
- Avec le mordant complexe de fer et d’alumine, on obtient des couleurs olives et résédas.
- Avec le mordant de chrome, on a un jaune olivâtre.
- Ces nuances sont vraies pour les trois fibres, mais elles varient dans certaines limites de l’une à l’autre.
- Pour la teinture on emploie : 1° la substance végétale brute telle qu’on la livre au commerce, ordinairement réduite en poudre plus ou moins fine ; 2° le même produit
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- TEINTURE EN QUERCITRON.
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- végétal ayant subi une préparation à l’acide sulfurique étendu et bouillant.
- Dans ce cas les nuances sont plus vives et plus riches ; généralement la teinture exige une température plus élevée ; souvent aussi les fonds blancs sont plus salis, en raison même du degré de chaleur que l’on est obligé de garder. Cet effet se remarque surtout pour la quercétine sulfurique de Leshing.
- Lorsque la matière tinctoriale renferme du tannin en proportions sensibles, comme le quercitron, le bois jaune, etc., il convient de neutraliser son effet, en ajoutant au bain, une proportion convenable de gélatine.
- La teinture du calicot pour jaune se fait généralement avec le quercitron ou la quercétine ; autrefois on employait beaucoup la gaude qui offre l’avantage d’une teinture plus solide et résistant mieux à l’air.
- Exemple de teinture du calicot en quercitron.
- Les pièces imprimées en mordant, et traitées comme pour l’article garance (1), sont teintes, par quatre à la fois, dans une cuve à garance montée avec 750 grammes à lk,500 de quercitron par pièce, et 60 grammes de colle forte par livre ^ quercitron. La matière colorante se dissout assez facilement pour que l’on puisse entrer immédiatement, ou peu de temps après avoir ajouté le quercitron en poudre.
- On teint une heure, en montant de la température ordinaire à 30 ou 45° Réaumur. Avec les gris on ne doit pas dépasser 30°. Au sortir de la cuve, on lave, on dégorge et on Passe un quart d’heure dans un bain de son, à 30 ou 40° Héaumur, contenant 5 livres de son, par pièce. S’il y a beaucoup de blanc, cette opération doit être répétée deux fois. ®Ue a pour but de débarrasser le fond blanc de la matière
- (*) On peut aussi, après l’impression des mordants, les fixer par un pas-Sage en eau bouillante ou en eau de craie, suivi d’un lavage à l’eau courante.
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- jaune qui s’y étaitfixée. C’est là le seul avivage que comporte cette teinture.
- 22. Jaune de quercitron.
- 23. Jaune de quercétine.
- 24. Jaune de flavine.
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- TEINTURE AVEC LA GAUDE.
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- Exemple de teinture avec la gaude.
- On fait bouillir préalablement la gaude, pendant une demi-heure, dans l’eau du bain, puis on enlève l’herbe, on laisse refroidir le bain jusqu’à 50° Réaumur, température à laquelle on entre les pièces mordancées par 4 ou 6 à la fois. On emploie 10 à 20 livres de gaude par pièce, selon que les fonds ou les dessins sont plus ou moins chargés. Si les parties blanches sont abondantes, on fera bien d’ajouter 60 grammes de colle par livre de gaude. On monte pendant une demi-heure jusqu’à 60° Réaumur. On passe deux fois en son (10 livres par pièce pour les fonds blancs, 5 livres pour les fonds jaunes). On expose quelques jours sur pré, on repasse en son et on sèche. Une exposition trop longue brunit le jaune.
- La différence dans le traitement de la gaude tient à la moindre solubilité de sa matière colorante.
- Les fonds blancs sont moins chargés et plus faciles à net-loyer.
- L’écorce de grenadier, quelquefois usitée comme jaune ^ns les couleurs complexes, doit être préalablement débouillie comme la gaude.
- La teinture en quercitron, en quercitron et bablah (dé-bouilli^ en quercitron et écorce de grenadier, précède celle en garance pour les fonds ou les dessins cannelle, ventre de biche.
- Pour les fonds vert-myrte on teint en quercitron et écorce de grenadier, puis en campêche.
- On comprend qu’en variant la nature du mordant et celle la matière colorante associée et superposée au jaune, à °live ou au gris produits par le quercitron ou ses congé-nères, on peut réaliser des effets multiples de coloration, J1 serait trop long d’énumérer ici. L’un des mélanges de
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- couleur, pour effets complexes, les plus importants est celui du bleu et du jaune, pour produire le vert.
- Nous en dirons quelques mots à la suite des bleus.
- Ainsi un tissu teint en bleu cuvé, mordancé en acétate d’alumine et teint en quercitron, gaude, graine, etc., prend une nuance verte. De même en réunissant dans une couleur les éléments d’un bleu vapeur et d’un jaune vapeur, le résultat final sera le vert. Cette association offre plus particulièrement de l’intérêt, parce qu’en dehors du vert de Chine et du nouveau vert d’aniline, c’est le seul moyen dont dispose le coloriste pour obtenir des verts organiques sur tissus.
- La teinture du coton en écheveaux se fait en engallant au sumac, passant dans un bain d’acétate d’alumine à 2°, exprimant et teignant en bain chaud de quercitron additionné de sel d’étain ; on lave et on sèche.
- Pour le vert on mordancé en acétate d’alumine à 5°, on exprime, on lave à l’eau chaude, on teint en quercitron, on aère, on passe en mordant rouge faible, on tord, on aère et on teint en solution de carmin d’indigo neutralisé par l’acide sulfurique.
- Le jaune de quercitron sur soie s’obtient en mordançant la soie dans un bain d’alun (10 parties eau, 1 partie alun); on teint dans un bain de quercitron aluné ou additionné de sel d’étain ; on avive au savon.
- Ce procédé s’applique aussi à la gaude et au bois jaune.
- Pour le vert, on teint comme ci-dessus en bois jaune, puis on ajoute au bain du carmin d’indigo.
- La laine est préalablement mordancée dans un bain bouillant de crème de tartre et d’alun, ou dans un bain monté avec 2 kilog. alun et 20 grammes acide sulfurique pour 10 kilog. laine.
- Le mordant d’étain pour laine se compose de :
- 8 livres eau.
- 8 livres acide sulfurique.
- 1 kilogramme sel d’étain.
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- COULEURS VAPEURS ET D’APPLICATION.
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- Couleurs vapeurs et d’application.
- Les décoctions plus ou moins concentrées des matières colorantes quercétiques sont fréquemment employées dans les couleurs vapeurs ou d’application, sur coton, laine, chaîne-coton et soie.
- Seules et avec un mordant convenable, elles donnent les nuances qu’elles sont susceptibles d’engendrer par voie de teinture; associées à d’autres matières colorantes, rouges, bleues, etc., elles fournissent une grande variété de teintes.
- Les décoctions de graines de Perse sont ici plus fréquemment appliquées que les autres ; cette préférence dépend en partie de la plus grande solubilité de la matière colorante, qui n’a que peu de tendances à se séparer, comme dans les décoctions dequercitron.
- Les décoctions de Cuba servent plutôt dans les nuances complexes telles que le vert, le jaune qu’elles fournissent n’étant pas assez pur et passant facilement au roux.
- Sur coton. — La base fixatrice delà matière jaune, qu’elle soit seule ou associée à d’autres, est l’alumine, on fait quelquefois intervenir les préparations d’étain et des composés cuivriques dont le rôle est secondaire (oxydant).
- Exemples.
- Éléments essentiels du jaune vapeur :
- 1° Matière colorante. — Décoctions ou extraits de quercitron, ou extraits de graine de Perse, de Cuba.
- 2° Mordant. — Acétate d’alumine (mordant rouge), bichlorure et protochlorure d’étain (toujours en proportion faible par rapport à l’alumine ; agit plutôt comme modificateur de la nuance que comme mordant proprement dit).
- 3° Épaississant.
- 4° Corps divers donl la présence n’est pas absolument indispensable : Acide acétique fonctionnant comme dissolvant.
- Ce tissu peut être préparé d’avance à l’alumine ou au slannate de soude.
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- Les jaunes d’application sont généralement à la graine avec sels d’étain, mordant d’alumine.
- Exemples des principales couleurs complexes, vapeurs et d’application, où interviennent les jaunes :
- Réséda vapeur. — Éléments essentiels : Extrait de quercitron, pyrolignite de fer, mordant aluminique.
- Gris vapeur. — Éléments essentiels : Extraits de quercitron, de campêche, de noix de galle ; sulfate ferreux, acide pyroligneux, bichromate de potasse. Ou pyrolignite de fer, extraits de campêche et de quercitron. Ou acétate de fer, extrait de graines. Ou acétate de fer, alun, extrait de graines, décoction de noix de galle.
- Olive vapeur. — Éléments essentiels : Extrait de graines, acétate de fer, sel d’étain.
- Puce vapeur. — Éléments essentiels : Campêche, Sainte-Marthe, quercitron, pyrolignite d’alumine, chlorate de potasse. Ou extraits de Sainte-Marthe, graine de Perse, campêche, mordant rouge, acétate de cuivre, sel ammoniac (joue un rôle physique pendant l’impression, et chimique pendant l’oxydation [voir Noir d’aniline]).
- Puce d’application. — Éléments : Extraits de graine de Perse et de campêche, bichlorure et protochlorure d’étain, azotate de fer.
- Orange vapeur. — Éléments : Extraits de graine et de Sainte-Marthe, mordant d’alumine, acétate de cuivre.
- Orange d’application. — Éléments : Graine de Perse, Sainte-Marthe, bichlorure d’étain.
- Vert vapeur. — Éléments : Graine de Perse, mordant rouge, sels d’étain, éléments du bleu vapeur.
- Sur laine et soie, les jaunes vapeurs sont fixés par l’alun, le sel d’étain et le bichlorure d’étain ; on fait intervenir en même temps l’acide oxalique.
- 25. Jaune à la graine de Perse, sans étain.
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- ALOÈS.
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- 26. Jaune à la graine de Perse, avec étain.
- ALOÈS (l).
- C’est le suc desséché de plusieurs espèces d’aloès, plante de la famille des Asphodèles, originaire du Cap et cultivée dans les Indes orientales et occidentales, en Égypte, en Grèce, etc.
- Le suc efficace est renfermé dans les vaisseaux laticifères, situés au-dessous de l’épiderme. Il est brun jaunâtre, très-amer.
- Le procédé le plus avantageux, pour obtenir un beau produit, consista à couper les feuilles près de leur origine et à ta suspendre au-dessus d’un récipient. Le suc qui s’écoule librement est séché au soleil.
- L’expression de la plante ou l’extraction par l’eau chaude, suivie d’une évaporation, donne des résultats défectueux.
- On distingue plusieurs sortes d’aloès :
- (0 Dingler’s Polytechn. Journal, LXVIII, 64; LXXVII, 135; LXXXIX, 158; GXXXIV, 289; GXXXV, 312; CXXXVII, 238. — Compt. rend, de l Acad., IX, 820. — Bulletins de la Soc. d’encouray., LIV, 6G9. — Réper-0l,'e de chimie pure, IV, 363; V, 530. — Bulletins de la Société chimique IV, 283. — Journ. fïir Prakt. Chem., LXXXIV, 434. — Annalen der Chem, und Pharm., CXXX1V, 229, 230. — Bulletins de la Société indus~ Nielle de Mulhouse, XXVI, 149.
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- 1° L’aloès du Cap, fourni par YAloe spicata, arborescens, lingua ;
- 2° L’aloès socotrin, préparé avec YAloe socotrina, dans l’île de ce nom ;
- 3° L’aloès hépatique, foie d’aloès. Il vient des Indes, de Grèce, d’Égypte et s’obtient par l’expression et la concentration du suc ;
- 4° Aloès Barbade. Les feuilles de YAioe arborescens sont plongées dans l’eau bouillante, exprimées et le suc est concentré.
- Ce suc desséché est résineux d’apparence ; il est en morceaux bruns à reflet verdâtre ; sa poudre est jaune, jaune brun ; sa saveur est amère, son odeur forte et aromatique.
- Matières colorantes contenues dans le suc d'aloès, ou formées artificiellement avec lui. — Aldine-Aloètine. —
- Acides aloétique et chrysammique.
- Le suc d’aloès contient : 1° un principe jaune, cristallisa-ble, soluble dans l’eau froide, aloïne;
- 2° Une substance d’apparence résineuse, soluble dans l’eau bouillante, Y aloètine.
- On obtient le premier corps, dit aussi Amer d’aloès, en épuisant l’aloès Barbade par l’eau froide, après l’avoir mélangé à du sable quartzeux. Le liquide, évaporé à consistance d’extrait sirupeux, dépose, au bout de quelques semaines, des cristaux grenus et peu volumineux.
- Les autres variétés d’aloès donnent des extraits aqueux trop impurs et d’où l’aloïne ne cristallise pas.
- Propriétés. — Aiguilles prismatiques ; saveur douceâtre au début, puis très-amère. Peu soluble, à froid, dans l’ea11 et l’alcool; plus soluble à chaud; neutre. Donne des solutions jaune clair. Se dissout en orangé dans les alcalis.
- Formule. — D’après Stenhouse, Cl7H1807.
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- ALOÈS.
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- lu'aloétine, ou résine d’aloès, a été considérée comme un acide (Winkler), ou comme un mélange de deux acides (Bley). Elle est insoluble dans l’eau froide, plus soluble à chaud.
- Suivant Ulex, l’aloès commercial renferme :
- Aloïne.......................... 69,2
- Aloétine........................ 25,6
- Albumine......................... 5,2
- M. Kossmann(l), qui a étudié l’aloès du Cap, y a constaté l’existence de deux produits, l’un soluble dans l’eau, l’autre insoluble, et susceptibles de se dédoubler tous deux, par l’ébullition avec l’acide sulfurique étendu, en glucose et en plusieurs corps résineux acides.
- D’après lui, le principe aloétique est très-oxydable, surtout en présence des alcalis.
- L’aloès soluble aurait pour formule C17H22010 ; son dédoublement fournit de l’acide résineux aloérétique G15H1607, et de Taloérétine G15H24020, qui serait un produit d’oxydation de l’acide aloérétique.
- L’aloïne de M. Stenhouse constitue la forme primitive de l’aloès, telle qu’elle se trouve dans les cellules laticifères de Yaloe spicata. Sous cette forme elle est cristalline et peu colorée.
- Dès qu’elle subit l’action de l’air, de l’eau et de la chaleur, elle devient amorphe et se colore en brun.
- La partie insoluble aurait pour formule C51H60027 et donne, avec l’acide sulfurique étendu et bouillant, de la glucose et de l’acide aloérésinique, C15H1606.
- L’aloïne primitive 3Gi7Hl807 en s’hydratant et en
- 0) Journal de pharmacie et de chimie, septembre 18G1. — Répertoire de chimie pure, V, 1863, 530.
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- s’oxydant, pendant la concentration du suc d’aloès, donne l’aloès soluble et l’aloès insoluble.
- 3C17H1807 + O3 + 6II20 = 3Cl7H22010
- Aioès soluble.
- 3C17H1807 + O3 -f 3H20 = CB1H60O27
- Aioès insoluble.
- Sous l’influence de l’acide nitrique, l’aloès donne deux composés nitrés, colorants. Le premier, acide aloétique, se prépare en chauffant, au bain-marie, 8 parties d’acide azotique à 36° Baumé et 4 partie d’aloès. On enlève du feu dès que l’effervescence se manifeste ; lorsque celle-ci est calmée, on concentre et l’on ajoute de l’eau. Il se dépose une poudre jaune, composée d’acide aloétique impur et mélangée à de l’acide chrysammique. Les deux corps peuvent être isolés, en utilisant l’insolubilité de l’acide chrysammique dans l’alcool chaud, ou l’insolubilité du chrysammate de potasse dans l’eau, et la solubilité inverse de l’acide aloétique ou de l’a-loétate de potasse. C’est une poudre orangée, cristalline, amère, peu soluble dans l’eau froide, soluble dans l’eau chaude et l’alcool, soluble en rouge dans les alcalis fixes. Avec l’ammoniaque, on obtient une dissolution violette qui renferme une amide. Les aloétates de potasse alcalins sont solubles et cristallisables. Les aloétates alcalino-terreux, terreux et métalliques, sont insolubles.
- Formule probable, G7H2 (Az02)20.
- Sous l’influence d’un excès d’acide nitrique concentré et bouillant, l’acide aloétique se change en acide chrysam-mique G7H2(Az02)202.
- M. Sacc (1) prescrit d’opérer comme il suit, dans la préparation industrielle de cette matière colorante.
- On chauffe, au bain-marie, 8 kilogrammes d’acide nitri-
- (1) Bulletins de la Soc. indust. de Mulh., t. XXVI, p. 149 et suiv.
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- ALOÈS.
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- que à 36° Baumé dans lequel on a mis 1 kilogramme d’aloès en gros morceaux. Quand l’effervescence s’est calmée, on peut employer le liquide, renfermant alors de l’acide aloétique, en l’étendant de son volume d’eau. Si l’on veut, au contraire, obtenir de l’acide chrysammique, au lieu d’eau on ajoute 1 kilogramme d’acide nitrique, et l’on chauffe tant qu’il se dégage un gaz; le liquide est versé dans l’eau.
- L’acide se sépare en flocons, on lave par décantation et enfin sur un filtre, jusqu’à ce que l’eau prenne une teinte pourpre. On obtient 40 à 50 grammes de produit, sous forme d écaillés d’un beau jaune doré. Dans cette réaction, il se forme en même temps de l’acide oxalique et de l’acide picrique.
- L’acide chrysammique est à peine soluble dans l’eau froide, qu’il colore néanmoins en beau pourpre, il se dissout facilement dans l’alcool et l’éther. Les chrysammates, même ceux à base d’alcali , sont peu ou point solubles. Cristallisés, ils ont un reflet doré verdâtre.
- L’acide chrysammique fait explosion par la chaleur ; l’acide sulfurique le décompose avec un dégagement abondant de gaz et production d’un corps violet, que l’ammoniaque dédouble en une substance bleue insoluble, et en un produit bleu soluble.
- Les sulfures alcalins transforment l’acide chrysammique, en présence de la potasse, en un corps bleu qui cristallise, Par le refroidissement de la solution potassique, en belles Quilles, rouges par réflexion, et bleues par transparence (hydrochrysamide), insolubles dans l’eau et l’alcool. Le Protochlorure d’étain produit un effet analogue, il en est de 1T*ême du sulfhydrate d’ammoniaque.
- L’ammoniaque donne, avec l’acide chrysammique, deux aiïlides. L’une, la chrysamide G7H3(Az02)2Az0, cristallise en aiguilles brun rougeâtre, à reflets vert métallique; l’au-tre5 l’acide chrysamidique C7H5(Az02)2Az02, est d’un vert °bve foncé. Nous voyons, d’après cela, que l’aloès est riche
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- en produits colorés, aussi ne serons-nous pas étonnés de voir ce produit attirer de bonne heure l’attention des industriels.
- MM. Boutin en 1840, Ed. Robiqueten 1847 et Sacc en 1854 ont cherché à appliquer les matières colorantes de l’aloès, ou celles qu’il peut fournir artificiellement, à la coloration des tissus.
- Voici, en résumé, les résultats obtenus par l’habile chimiste de Wesserling :
- 1° Une décoction d’aloès sucotrin, épaissie et additionnée d’acétate d’alumine, imprimée et vaporisée, donne sur calicot une teinte noisette pâle, sur laine une teinte jaune-serin.
- 2° La même décoction, additionnée de pyrolignite de fer, donne sur calicot une teinte noisette foncée, sur laine une teinte bistre clair.
- 3° La même décoction, avec aluminate de soude, donne sur calicot un noisette très-vif et, avec stannate de soude, une teinte poussière claire.
- 4° Le bain d’aloès, additionné d’acide nitrique ou d’ammoniaque, donne sur laine un jaune brun assez foncé.
- L’acide aloétique, obtenu par l’oxydation partielle de l’aloès, donne sur laine un brun foncé nourri, qui s’éclaircit par un passage en solution très-étendue de bichlorure d’étain, et qui passe au bistre foncé par un passage au proto-chlorure d’étain.
- Le même bain d’acide aloétique, mais saturé par l’ammoniaque, donne sur laine une teinte mousse foncée, et sur coton un beau gris souris, résistant au savon.
- La même couleur, additionnée de bichlorure d’étam donne sur laine un bistre foncé, et additionnée d’acétate d’alumine, elle donne sur laine un joli vert mousse et un beau gris sur calicot. La laine passée en aloétate d’ammoniaque, et séchée à l’air, se teint en vert mauve solide. L’acide chrysammique, seul, teint la laine en brun foncé et riche? la soie en brun pourpré. Le chrysammate de soude donne à
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- CÜRCUMA. — TERRA MERITA, ETC.
- la laine une belle couleur cannelle. L’acide chrysammique teint en beau violet les mordants d’alumine; la couleur passe au savon.
- Il communique, aux tissus de coton stannatés, des nuances grises très-jolies et des tons noisettes aux tissus non préparés.
- Le chrysamnate d'ammoniaque donne avec le concours du bichlorure d’étain, des teintes :
- Chamois et saumon sur coton,
- Cannelle sur soie et laine.
- Avec le concours de l’alun :
- Chamois sur soie et coton.
- Jaune sur laine........
- Gris perle sur coton..
- • Mode sur soie........
- Bois foncé sur laine...
- Avant le vaporisage. Après vaporisage.
- Avec le concours du sulfate ferreux ou du protochlorure d’étain :
- Bistre sur coton, soie et laine, avant comme après le vaporisage.
- D’après ces données, on voit que l’aloès peut fournir un grand nombre de couleurs assez solides.
- CURCUMA. — TERRA MERITA. — SOUCHET OU SAFRAN DES INDES. — KIANG-HOANG.
- Le curcuma du commerce est la racine, ou plutôt la tige souterraine, pulvérisée ou non, d’une plante de la famille des scitaminées (Curcuma tinctoria ou longa).
- Elle affecte tantôt la forme cylindrique, irrégulièrement allongée; tantôt celle de tubercules ovoïdes (curcuma rond). E’épiderme est gris jaunâtre, la partie interne est d’un beau Jaune. Odeur forte ; saveur chaude, aromatique et amère. Le
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- curcuma pousse à l’état sauvage, aux Indes orientales, en Chine (Kiang-hoang), à Madagascar, aux îles Barbades. On
- Fig. 7.
- le cultive avec succès à Tabago, Java, Batavia, etc. Le produit du Bengale est le plus estimé.
- On apprécie la richesse du produit par un essai de teinture, soit avec de la soie, soit avec de la laine.
- D’après l’encyclopédie japonaise, il existe une autre variété de curcuma, appelée Yo-Kin, dont les fleurs sont blanches; la racine, grosse comme le doigt et longue d’un pouce, a des raies transversales comme celles du ventre d’une cigale. Elle est très-estimée en Chine.
- La racine du curcuma renferme, d’après Vogel et Pelletier, 1° du ligneux, 2° une fécule amylacée, 3° de la matière colorante jaune. J’y ai constaté également une grande quantité de produits pectiques.
- Elle cède très-difficilement son principe colorant à l’eau. L’alcool, l’éther, les huiles grasses et essentielles, s’en emparent facilement.
- La solution alcoolique de curcuma précipite en rouge pa1’ le sel d’étain, en rouge marron par l’acétate de plomb, en jaune rougeâtre par les sels de mercure. Les sels de fer colorent en brun.
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- MATIÈRE COLORANTE OU CURCUMA.
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- Les alcalis la brunissent. Les acides étendus sont sans action ; les acides minéraux concentrés font virer la nuance au rouge.
- MATIÈRE COLORANTE DU* CURCUMA.
- Curcumine (1).
- La curcumine est encore peu étudiée, ou plutôt peu connue, malgré les travaux de Yogel et de Pelletier. Pour l’isoler, on épuise la racine pulvérisée par l’eau, on sèche, et on enlève les principes gras et résineux, par le sulfure de carbone, qui ne touche pas à la curcumine. Le résidu peut être traité par l’alcool bouillant, ou par une lessive alcaline. Hans le premier cas, on évapore à sec et on reprend par l’éther qui dissout la matière colorante ; dans le second on précipite par l’acide chlorhydrique, on sèche le dépôt pectine de curcumine, et on traite également par l’éther.
- La matière colorante, obtenue par l’évaporation de ce véhicule, peut être purifiée davantage, en précipitant par 1 acétate de plomb la solution alcoolique, lavant et décompo-sant par l’hydrogène sulfuré. Le sulfure de plomb mélangé (le curcumine est séché et traité par l’éther.
- C’est une masse translucide, amorphe, de couleur canule, jaune en poudre, fusible à 40°, insoluble dans l’eau, soluble dans l’éther et l’alcool, les alcalis- et les acides concentrés. Les solutions alcalines sont rouge-brun. La curcumine subit, sous l’influence de l’acide borique, des Modifications intéressantes, étudiées récemment par M. E. bchlumberger (2).
- On sait depuis longtemps que le papier, dit de curcuma (Papier coloré par immersion dans une solution alcoolique
- H) Journal de pharmacie, t. II (2), p. 20. — Lepage, Journal des con-^sances médicales et pharmaceutiques, t. XXVI, p. 315. — Répertoire de Chim‘ appliq., t. I, p. 304.
- th Bulletins de la Société chimique de Paris, 2e série, t. V, p. ldi.
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- decurcuma),se colore en brun sous la double influence d’un acide minéral (C1H) et de Facide borique ; l’ammoniaque fait virer cette nuance au bleu.
- Une solution alcoolique de curcumine, bouillie avec de l’acide borique, passe à l’orangé, l’eau précipite alors après refroidissement, une poudre vermillon, formée d’une combinaison du pigment avec l’acide borique. Sous l’influence de l’eau (action prolongée), cette combinaison se défait; l’acide borique se dissout, et il reste une matière résinoïde jaune, différente de la curcumine, car elle ne donne plus de coloration rouge avec l’acide borique et l’acide chlorhydrique et se dissout en gris verdâtre dans les alcalis (pseudo-curcu-mine).
- La combinaison borique de curcumine se dissout en violet pourpré dans les alcalis, cette coloration passe rapidement au gris.
- Un solution alcoolique de boro-curcumine, additionnée d’acide chlorhydrique et portée à l’ébullition, prend rapidement une teinte rouge de sang foncée. Par le refroidissement il se dépose un nouveau corps, tandis que l’acide borique reste en solution.
- On purifie ce dernier par des lavages avec des mélanges d’eau et d’alcool, puis à l’eau pure, afin d'éliminer tout 1 a-cide borique. On sèche le résidu, et on le dissout dans un mélange bouillant de deux parties d’alcool et d’une partie d’acide acétique, on filtre bouillant, et on laisse refroidir-La rosocyanine se sépare, tandis que la pseudo-curcumiue qui l’accompagnait reste en solution ; elle est séchée et épuisee par l’éther qui enlève les dernières traces de substance jaune-
- La rosocyanine pure se présente sous la forme d’une masse composée de fines aiguilles enchevêtrées, d’un reflet vert scarabée; elle est insoluble dans l’eau, l’éther et la benzine, très-soluble dans l’alcool, auquel elle communique une magnifique couleur rose intense, comparable pour b richesse aux dissolutions de fuchsine. Cette liqueur passe au
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- MATIÈRE COLORANTE DU CURCUMA.
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- jaune persistant, par une ébullition prolongée. L’ammoniaque colore en bleu pur magnifique les solutions alcooliques de rosocyanine, cette coloration n’est pas stable, et au bout de quelque temps elle a fait place à un gris sale. Les acides la ramènent au rose. L’eau de chaux'ou de baryte donne des précipités bleus. C’est pour rappeler ces alternatives de coloration que M. Schlumberger donne à ce corps le nom de roséocyanineou rosocyanine. Il ne contient pas d’acide borique. Les relations de compositions qui relient la curcumine, la roséocyanine et la pseudocurcumine ne sont pas connues, pas plus que la véritable composition de la curcumine.
- Il est possible que les phénomènes de coloration offerts par la curcumine, qui passe au rouge et au bleu, puis de nouveau au jaune, sous l'influence d’agents peu énergiques, aient quelque rapport avec ce que l’on observe à l’époque delà floraison. On peut se demander, par exemple, si la roséocyanine de M. Schlumberger ne représente pas la madère colorante rouge des fleurs ou cyanine, étudiée par MM. Fremv et Cloëz, qui, comme elle, vire au bleu par les alcalis.
- Si cette opinion probable devait se confirmer par une étude comparative plus détaillée, on aurait là un excellent moyen de préparer en grand la matière colorante rouge des fleurs, si difficile à obtenir directement.
- Applications. — Le curcuma est très-riche en matière colorante,, mais la grande fugacité des teintes jaunes, qu’il est susceptible de donner, en limite beaucoup l’emploi. On s’en sert pour colorer le bois, le papier, le beurre, les pommades. Les Indiens en font usage pour colorer leur riz, et missi pour se teindre la peau.
- Les chimistes préparent leur papier de curcuma, en immergeant du papier dans une solution alcoolique.
- Ce papier est destiné à la recherche des alcalis ou de l’acide borique.
- Les Chinois se servent du kiang-hoang, pour teindre la
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- 484 TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- soie en jaune. C’est la teinture la moins clière, mais aussi la plus fugace. A cet effet, on verse de l’eau bouillante sur le curcuma en poudre, on agite, on laisse reposer, puis on décante. C’est dans ce bain, acidulé avec du jus de citron, que l’on manœuvre la soie.
- La matière colorante du curcuma se fixe directement sur soie, sur laine et sur coton, et il suffit à cet effet de passer le tissu dans une décoction bouillante de cette racine.
- En imprimant une solution alcoolique ou acétique de curcumine, et en vaporisant on fixe également la couleur.
- On peut aussi imprimer une solution légèrement alcali-nisée. M. Persoz a obtenu de bons résultats, en imprimant une émulsion préparée avec du carbonate de soude et une solution de curcumine dans l’huile tournante. Après dessiccation on passe en acide.
- Si l’on fixe sur soie, par voie d’impression, des mordants d’alumine et de fer, et si l’on passe dans un bain de bois rouge et de curcuma, les parties mordancées se chargeront de rouge et de noir formés par la brésiline, et les fonds se teindront en jaune de curcuma (1).
- MATIÈRES COLORANTES JAUNES CHINOISES.
- Dans son important travail sur le vert de Chine, M. Ron-dot passe en revue les matières tinctoriales jaunes, employées par les Chinois.
- Il signale :
- 1° Le hohang-teng (rotin.jaune); espèces de sarments, petits, tortueux, noueux, de 0m,010 à 0m,015 de diamètre, de saveur amère, à écorce mince et ridée brun rougeâtre, couleur jaune à l’intérieur. Ce produit semble fourni par Ie menis'permum tinctorium ou cocculus fibraurea tinctorid (tien-sien-tan des Chinois — cayvang-dang des Cochin-chinois).
- (I) Persoz, Impression des tissus, t. III, p. 56.
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- MATIÈRES COLORANTES JAUNES CHINOISES. 4 S 5
- Il cède sa matière colorante à l’eau chaude ou froide, celle-ci teint alors sans mordant. On l’utilise pour donner un pied de jaune aux pièces destinées à être teintes en carthame.
- 2° Le hoang-pé-pi, écorce du hoang-pé-mou ou pterocar-pusflavus, ou peut-être del’hymenolobium, arbre élevé qui croît dans les provinces de Sse-Tchouen et de Kouang-si.
- Il teint sans mordant et cède son principe à l’eau seule. Les nuances sont jaune rougâtre.
- 3° Le ti-hoang, racine d’une plante qui paraît être le rhamnesia sinensis. Elle est jaune comme celle de la carotte.
- 4° Wongsky, wongshy, wongschy, hoang-tchy. Fruit du gardénia grandiflora (chinesische-Gelbshotten, gousses de Chine). Ce produit a été examiné chimiquement par MM. W. Stein (1), Von Orth (2), F. Rochleder (3), Th. Mar-tius Mayer.
- D’après Rochleder, il renferme de la pectine, de l’acide cubichlorique, un tannin et, enfin, une matière jaune. Celle-ci serait identique avec la crocine renfermée dans les Heurs des crocus sativus (safran). Pour isoler la matière colorante, on épuise par l’alcool chaud, on évapore et on filtre. Le liquide, étendu de beaucoup d’eau, est mis en macération avec de la gelée d’alumine. Au bout de quelques jours, on filtre de nouveau et on précipite par l’acétate neutre de plomb. Le précipité est décomposé par l’hydrogène sulfuré, et le sulfure métallique, mélangé à la matière colorante, est épuisé par l’alcool. On évapore et on reprend le résidu par i’eau. On obtient ainsi une partie insoluble, amorphe, de couleur rosée (voir safran).
- Le hoang-tchi sert, en Chine, pour teindre en jaune, il entre comme élément constitutif dans la teinture verte sur coton, et pour donner un pied de jaune à des tissus de soie
- (•) Chem. Pharm. Centralblatt, n° 9, p. 140.
- V News Repertorium für Pharm., IV, 12-17.
- D) Idem, IV, 305-3G7. — Diugler’s Polyiechnisches Journal, GXIV, 13G. ~~~ Répertoire de chimie appliquée, I, 87.
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- ou de coton, que l’on veut teindre en écarlate, en cerise, en cramoisi, avec le carthame ; il augmente la solidité et l’intensité de la couleur.
- D’autres espèces de gardénia, le gardénia radicans et le gardénia florida fournissent des fruits susceptibles de teindre en jaune.
- On n’emploie pas indifféremment, en Cdiine, les trois sortes signalées plus haut. La grandeur des fruits varie aussi, celui du gardénia grandiflora ou vvonschy est plus allongé, les autres sont ovoïdes ou allongés.
- M. Persoz a fait des expériences sur la matière colorante du hoang-tchi fourni par M. le docteur Martius d’Erlangcn. Les graines et les capsules sont épuisées parle sulfure de carbone qui enlève les corps gras, puis par l’esprit de bois qui dissout la matière colorante. Après évaporation du dissolvant, il reste un résidu rougeâtre, cristallin, soluble dans l’eau.
- Cette matière colorante s’unit au coton mordancé en alumine ou bioxyde d’étain, pour donner du jaune ; avec l’oxyde de fer, elle donne une nuance obve. Elle se combine directement à la soie non mordancée. Le bain se monte avec une décoction de fruits ou de graines, additionnée de 2 grammes d’alun, et de 1 gramme d’acide oxalique, par litre; température 40 à 50°. La nuance obtenue est d’un jaune pur, inaltérable par les alcalis et les acides. Peut teindre la laine, on fait intervenir de la composition d ér tain, ou bien on alune la fibre.
- Le nom de hoang-tchi s’applique encore au principe colorant jaune des fleurs du carthamus tinctorius. Il est extrait en foulant les fleurs mises dans un sac de toile, d’abord dans de l’eau pure, puis dans de l’eau de riz aigri. Ce sur jaune sert pour faire le fond des teintures écarlates et rouges sur la soie. Il en résulte que le carthame de Chine est en grande partie dépouillé de son principe jaune. Il est aussi quatre à cinq fois plus riche que le meilleur produit de
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- ÉPINE-VINETTE.
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- l’Inde. Les Chinois attribuent, au pied de jaune qu’ils donnent, la solidité et l’éclat de leurs nuances cartliame.
- SAFRAN.
- On donne ce nom au pistil ou stigmate de la fleur du crocus sativus, oignon de la famille des iris.
- Il fleurit en octobre et croît dans la plupart des contrées de l’Europe, notamment en Espagne, en Autriche, et dans le midi de la France (environs d’Avignon).
- Il renferme une matière colorante que nous avons déjà trouvée dans le wongschy ou fruit du gardénia grandiflora.
- Celle-ci peut être préparée en épuisant le safran par l’éther qui enlève des graisses et des résines, puis, par l’eau. La solution aqueuse est précipitée par l’acétate de plomb, et le précipité est traité comme celui fourni par le wongschy.
- La crocine, ou safranine, constitue une poudre rose, inodore, devenant brune par la chaleur, et se décomposant à 200°.
- Elle est soluble en orangé dans l’eau, l’alcool, les alcalis ; très-peu soluble dans l’éther.
- L’acide sulfurique concentré la dissout en bleu d’abord, Puis en violet.
- L’ébullition avec l’acide sulfurique étendu la dédouble en glucose et en un nouveau principe, la crocétine. Celle-ci est amorphe, rouge foncé, peu soluble dans l’eau et l’éther, soluble dans l’alcool. Sa formule C20H26011, qui n’est Pas suffisamment contrôlée, ne doit être considérée que comme une traduction des résultats analytiques.
- ÉHNE-VINETTE.
- La racine d’épine-vinette (herberis vulgaris) est exploitée comme matière tinctoriale.
- Cet arbuste croît à l’état sauvage dans toute l’Europe et aux Indes; il appartient à la famille des berbéridées.
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- La matière colorante jaune est particulièrement accumulée dans l’écorce, mais le bois en contient aussi. La racine est rameuse, irrégulièrement contournée et de grosseur variable. Sa couleur est jaune, sa saveur amère.
- MATIÈRE COLORANTE DE L’ÉPINE-VINETTE.
- Berbérine (1).
- La matière colorante de l’épine-vinette diffère essentiellement des autres principes jaunes, par sa composition. C’est une base organique, une ammoniaque composée, c’est-à-clire une substance azotée.
- On la trouve encore en abondance dans les couches cellulaires de la racine de Colombo, de la racine de coculus pal-m«£ws,Ménispermée de l’Afrique et de l’Inde. M. Dyson Per-rins a signalé sa présence : 1° dans Yhydrastis canadensis (4 p. 100), dans le bois tinctorial jaune de l’Assam supérieur (woodunpar) (musée de l’Inde, à Londres), dans une racine ligneuse du Rio-Grande ou racine de Saint-Jean, dans une écorce tinctoriale jaune de Bogota (7 p. 100) (pachnelo, arbre de Bogota,- musée de Kew), dans la racine de ôoptis tecta ou Mahmira, Renonculacée de l’indoustan et de la Chine (8 p. 100).
- La xanthopicrite extraite par Chevallier et Pelletan de l’écorce du xanthoxylum clava Herculis, arbuste de la famide des Rutacées, n’est autre chose que de la berbérine.
- Pour extraire la berbérine de l’épine-vinette, on concentre la décoction aqueuse de la racine, et l’on ajoute de l’alcool qui précipite des matières étrangères, on filtre et on
- (1) Buchner, Ann. der Chem, und Pharm., XXIV, 228. — Fleitm31111’ idem, LIX, ICO. — Bœdeker, idem, LXVI, 384 ; LXIX, 40. — Dyson Per* rins, idem, t. II supplémentaire, p. 171, et LXXXJII, 27G. — Stenhouse, idern> XCV, 108. — Répertoire de chimie appliquée, IV, 459. — Répertoire de chimie pure, III, 105; IV, 3G7 ; V, 423. —Annalen der Chemie und P^al macie, CXV, 132; CXXII, 25G.
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- MATIÈRES COLORANTES JAUNES DES FLEURS. 489
- distille l’alcool. Au bout d’un certain temps, il se dépose des aiguilles jaunes de berbérine, qu’on purifie par cristallisation dans l’eau.
- Les extraits commerciaux d’épine-vinette laissent déposer à la longue des cristaux de berbérine.
- La racine en renferme 1,3 pour 100.
- Propriétés. — Aiguilles soyeuses jaunes, solubles dans 500 parties d’eau à 12°, très-soluble à chaud, très-soluble dans l’alcool chaud, insoluble dans l’éther.
- Formule probable, C20H17AzOL
- Elle donne des sels cristallisables jaunes, généralement peu solubles.
- L’hydrogène naissant la transforme en une base incolore, C20H2lAz04 (hydroberbérine). Une solution étendue d’iode, dansl’iodure de potassium, précipite les solutions alcooliques des sels de berbérine avec production de paillettes vertes nacrées.
- Les propriétés de ce corps rappellent celles de la chrysa-niline. Comme elle, elle se fixe directement sur fibres animales, sans mordants.
- On se sert de la racine d’épine-vinette et d’extraits liquides concentrés, pour teindre la soie en jaune.
- La nuance jaune est assez pure : le bain de teinture se monte avec la décoction d’épine-vinette, additionnée d’alun.
- MATIÈRES COLORANTES JAUNES DES FLEURS.
- Xanthine et xanthéine.
- MM. Fremy et Cloëz ont étudié les matières colorantes jaunes des fleurs, en général, et ont reconnu que les pétales renferment deux principes jaunes, l’un soluble dans l’eau (xanthéine), l’autre insoluble (xanthine). Le grand soleil ou {helicinthus annuus) se prête le mieux à l’extraction de la xanthine. On épuise la fleur par l’alcool bouillant. Le
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- principe jaune se dépose par refroidissement, en mélange avec de la graisse, dont on le débarrasse par saponification. Le savon étant décomposé par un acide, on traite l’acide gras coloré en jaune, par de l’alcool froid ; la xanthine reste comme résidu. Elle est soluble dans l’alcool, l’éther, incris-tallisable et résineuse. Cette substance pourrait être identique avec la curcumine, ou plutôt la pseudo-curcumine de M. Schlumberger.
- La xanthéine, principe très-soluble dans l’eau, se trouve principalement dans les pétales des dahlias jaunes ; on épuise celles-ci par l’alcool, on évapore à sec, on reprend par l’eau, on évapore à sec et on reprend par l’alcool absolu. La dissolution étendue d’eau est précipitée par l’acétate de plomb. Le précipité, mis en suspension dans l’eau, est décomposé par l’acide sulfurique, on filtre et on évapore. Elle est soluble dans l’eau, l’alcool, l’éther. Les alcalis la colorent en brun très-foncé, que les acides ramènent au jaune. Elle forme des laques colorées avec la plupart des oxydes métalliques, et peut teindre les tissus en tons jaunes assez vifs.
- On ne sait rien du reste sur les propriétés chimiques, la composition et la constitution intime de ces deux produits, que nous ne pouvons, par conséquent, pas rapprocher de l’une ou de l’autre des matières colorantes jaunes végétales.
- M. Ed. Schwartz a fait des essais de teinture dans le but d’apprécier la richesse de certaines fleurs ou feuilles, en matière colorante jaune, susceptible de se fixer aux mordants d’alumime. Il a opéré avec les fleurs de pomme de terre, les fleurs et les feuilles de tilleul, les feuilles d’aune, de peuplier, de marronier d’Inde, de chêne.
- Toutes ces substances contiennent bien moins de parties colorantes que la gaude ou le quercitron. Au point de vue de la solidité, les nuances se rapprochent de celles du quercitron.
- Les teintes les plus pures et les plus riches ont été fournies
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- MATIÈRE COLORANTE DE LA RACINE DE CAROTTE. 491
- par les feuilles de marronnier et les fleurs de pommes de terre. La couleur donnée par les feuilles de noyer tire sur l’orangé.
- Il existe, dans presque tous les pays de l’Europe, un assez grand nombre de plantes, dont les fleurs sont assez riches en matières colorantes jaunes, et que l’on emploie à la teinture en olive (1). Telle est, par exemple, la sauge (salviacolorans).
- CAROTENE. MATIÈRE COLORANTE JAUNE DE LA RACINE DE CAROTTE
- (Daucus caro ta) (2).
- La matière colorante jaune des carottes a été étudiée par Hobiquet, Régnault, Zeise, et, en dernier lieu, par Huse-mann.
- Celui-ci la prépare en épuisant laracine râpée, par l’eau. Le liquide est précipité par le tannin et une petite quantité d’acide sulfurique; le dépôt pâteux est filtré, lavé, exprimé et épuisé par l’alcool bouillant à 80°, auquel il cède de laman-nite et une matière blanche cristalline (hydrocarotine C18H30O). Le résidu, insoluble dans l’alcool, est épuisé par le sulfure de carbone. La solution est évaporée, et le résidu est repris par l’alcool absolu. Cette solution concentrée dépose la carotine en cristaux rouge-brun,assez volumineux,â reflets métalliques, solubles dans le sulfure de carbone et la benzine, insolubles dans l’eau et l’alcool. Ces cristaux se décolorent à la lumière et sous l’influence de la chaleur. L’a-eide sulfurique les dissout en xiolet. L’acide sulfureux les colore en bleu d’indigo foncé. Formule C18H240 (?).
- (1 ) Bulletins de la Société indust. de Mulhouse, III, 181. — Dingler's Po-ktechnisches Journal, XXXV, 44; LII, 141 ; XXIV, 1*6.
- (5) Annales de chimie, LXXV1, 302.— Annales de chimie et de physique [2]. LXVIU, 159; [3], XX, 125. —Annalen der Chernie und Pharmacie, CXVII, ^0; LXII, 380. — Répertoire de chimie pure, III, 407.
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
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- JAUNE INDIEN OU l'URRIIÉE (l).
- Cette matière colorante jaune, importée en Europe depuis quelques années, vient de l’Inde ou de la Chine. Elle semble être d’origine animale (concrétions intestinales, ou dépôts urineux du chameau, de l’éléphant ou du buffle).
- Elle est partiellement soluble dans l’eau, et représente le sel magnésien d’un acide jaune, peu soluble, P acide euxan-thique; pour préparer ce dernier, on lave le jaune indien à l’eau chaude. Le résidu (euxanthate de magnésie) est dissous dans l’acide chlorhydrique étendu et bouillant. Par le refroidissement l’acide cristallise en aiguilles.
- Il est peu soluble dans l’eau froide, plus soluble à chaud, soluble dans l’alcool bouillant et se sépare par le refroidissement.
- Composition, G21H18011.
- La distillation sèche et l’acide sulfurique concentré le transforment en euxanthone G20H12O6, corps jaune, su-blimable en aiguilles, peu soluble dans l’eau et l’alcool froid, soluble dans l’alcool bouillant.
- Le coton, mordancé à l’alumine, se teint dans un bain de jaune indien monté avec de l’eau et du borax ou du sel ammoniac.
- Pour teindre la soie, on dissout le jaune indien dans une solution de borax.
- La nuance fournie est jaune de soufre.
- On peut aussi décomposer l’euxanthate de magnésie par l’acide azotique (non en excès), et teindre dans la solution aqueuse, sans autre addition ; la nuance est jaune-abricot.
- (1) Dingler’s Polyfechnisches Journal, XVIII, 398; XCIV, 4 29 ; CLIV, 235, 397.
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- MATIÈRES COLORANTES JAUNES DES LICHENS.
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- MATIÈRES COLORANTES JAUNES DES LICHENS (l).
- Acides chrysophanique, vulpique (chrysopicrine),usnique.
- Nous avons vu plus haut que certains lichens renferment des acides incolores, susceptibles de se colorer en pourpre sous la double influence de l’ammoniaque et de l’air. D’autres lichens contiennent des matières colorantes jaunes toutes formées.
- Ainsi Herberger, Rochleder et Heldt ont extrait du lichen des murailles [Parmelia parietina) un acide jaune, l’acide chrysophanique, qui se rencontre aussi en abondance dans la racine de rhubarbe (:rheum palmatum), ainsi que dans le rumex patientiœ et le rumex obtusifolius.
- Ce même parmelia parietina a fourni à Stein un principe jaune (chrysopicrine), identique avec l’acide vulpique retiré Par Mueller et Strecker du lichen de Norwége [cetraria vulpina, evernia vulpina), et par MM. Bolley et Kinkelyn de 1 evernia vulpina des Alpes.
- Enfin l’acide usnique trouvé par Knop, Rochleder et Heldt dans Yusnea florida, Yusnea hirta, Yusnea plicata, 1 usnea barbata, 1 ecladonia rangiferma, le parmelia purpu-rncea, le ramolina calicaris, etc., complète la liste des substances jaunes, assez voisines les unes des autres, fournies Par les lichens.
- La matière jaune que M. Picard (2) retire des bourgeons cle peupliers (populus nigra, populus pyramidalis), Y acide dirysinique, se rapproche de l’acide vulpique.
- Les acides jaunes des lichens étant très-peu solubles dans l’eau, solubles dans les alcalis, dans l’alcool et dans l’éther, au §ein desquels ils peuvent cristalliser, le procédé d’extraction
- (1) Annalen der Chem, vnd Pharm., XLVIII, 12, 97 ; L, 215; XL1X, 103; Lllb 252 ; CXII1, 50. — Journ. fur prakt. Chem., XGI, 100; XCI1I, 306. — Sfhweilz, Po/ytech. Zeitsch., IX, 134. — Bulletins de la Société chimique, Jh >45; III, 142, 298.
- (2) Journal für praktische Chernie, XGIU', 309.
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- est tout tracé. On traite le lichen par une eau alcaline, on .précipite par un acide. Le précipité est dissous dans l’alcool ou l’éther, etle liquide est abandonné à cristallisation.
- Acide chrysophanique, rumicine, acide rhubarbarique, lapathine {{). Formule C10H803. Aiguilles jaunes; se colore en rouge par l’acide nitrique, — soluble en rouge dans l’acide sulfurique concentré. La solution potassique, qui est rouge, évaporée jusqu’à un certain degré, dépose des flocons bleus, solubles en rouge dans l’eau. La chaleur le décompose avec production d’un sublimé jaune floconneux. Avec le chlorure d’acétyle, il donne un dérivé acétique, C20 H10 (G2 H30)*05.
- Acide vulpique-chrysopicrine. Peu soluble dans l’eau froide ou chaude, soluble dans 588 parties d’alcool froid, et 88,3 parties d’alcool bouillant, soluble dans l’éther, fusible à 110°, se sublime à 120° en paillettes brillantes, soluble en jaune d’or dans les alcalis; cette liqueur est inaltérable à l’air. Le chlorure de chaux donne une matière huileuse et une résine rouge. Il cristallise en aiguilles.
- Formule, d’après M. Bolley, Cl9Hl405.
- Il ne donne pas de bons résultats en teinture.
- Acide usnique. Paillettes jaunes, insolubles dans l’eau, peu solubles dans l’alcool bouillant, solubles dans l’éther et les alcalis. Les liqueurs alcalines se colorent, à l’air, en cramoisi et en noir. 11 donne de la bêta-orcine, par la distilla' tion sèche et par l’action des alcalis fixes.
- Composition probable C19H1607.
- L'acide chrysinique, signalé plus haut, n’offre pas d in-téret.
- Jusqu’à présent, l’industrie ne tire aucun parti de ces matières colorantes.
- (1) Ann. der Chimie, GVII, 324. — Répertoire de chimie pure, IV, • Journal fürprakt. Chemie, LXXXIV, 43(j.
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- ItOÜOU.
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- Acide gentianigue.
- La racine de gentiane (1) renferme un acide jaune, cris-tallisable en aiguilles, très-peu soluble dans l’eau, soluble dans l’alcool et l’éther. Il forme avec les alcalis des sels jaune d’or, cristallisables. L’acide nitrique le transforme en une substance verte, insoluble, qui semble être l’acide ni-tro-gentianique.
- ROCOU. — BIXINE. — ORLÉANS. — ANNOTTE.
- Le produit commercial est préparé avec la pulpe qui entoure les fruits du bixa orellana, (rocouyer), arbuste de la famille des Bixinées. Le rocouver est exploité dans l’Amérique du Sud, dans la Guyane française, les îles des Indes Orientales (Antilles— Cayenne), au Mexique et au Brésil. La même tige fleurit deux fois dans l’année.
- Le fruit est une capsule bivalve, munie de pointes molles. Lorsqu’elles ont atteint leur maturité, les capsules s’ouvrent sous la pression du doigt, avec une sorte d’explosion. Elles renferment des semences anguleuses au milieu d’une pulpe rouge, gluante.
- A ce moment, on détache les graines de leur capsule, on les broyé grossièrement avec de l’eau, et l’on abandonne quelque temps à la fermentation; au bout de plusieurs semaines, on passe au tamis. La matière colorante, d’abord en suspension, se dépose. La pâte épaissie par évaporation est mise dans des caisses, qu’on laisse encore sécher à l’air.
- Le rocou arrive en Europe sous forme de gâteaux, de 5 à 8 kilogr., enveloppés de feuilles de banane (rocou de Guyane), ou en pains entassés dans des fûts (rocou de Brésil), ou dans des boîtes en fer-blanc (rocou de Cayenne).
- (1) Henry et Caventon, Journ. cle pharm., VII, 173. — Baumert, Ann.der Chbm. und Pharm., LXII, 10C.
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- Ce dernier produit est environ deux fois plus riche que le rocou ordinaire. Sa couleur est belle et son odeur agréable; il contient 5 pour 100 de matières minérales, et 67 à 70 pour 100 d’eau. (1). Il est fabriqué à Cayenne depuis 1857 parM. Daubriac.
- Dès 1848, M. Dumontel préparait avec beaucoup de soins, en remplaçant l’écrasement par le lavage, et en évitant toute fermentation, un produit très-pur, valant 5 à 6 fois la pâte ordinaire et donnant des nuances plus pures. 11 est vendu en forme de tablettes sous le nom de bixine.
- Le rocou ordinaire a l’appparence d’une pâte homogène, grasse et onctueuse au toucher, d’une couleur rouge terne, plus vive à l’intérieur qu’à l’extérieur, d’une odeur désagréable, urineuse.
- Il contient en moyenne :
- Eau.............................................. 72
- Feuilles et substances étrangères diverses.... 22
- Matière colorante................................. 6
- 100
- Le rocou en pâte du commerce est souvent mélangé à des substances minérales rouges (ocres, colcothar, brique pi" lée). L’incinération donne les meilleurs renseignements à cet égard. A cet effet, on dessèche la pâte à 100°, puis on la brûle dans un creuset de platine. Les bons rocous ne donnent pas plus de 8 à 13 pour 100 de cendres jaunâtres.
- D’un autre côté, le rocou peut être plus ou moins riche en matière colorante, suivant les soins apportés à sa préparation, et la quantité d’eau qu’il renferme. On apprécie celle-ci en desséchant à 100° un échantillon de 10 grammes et en déterminant la perte.
- (1) Girardin, Mémoire sur la bixine. —Journ. de pharm. et de chimie,XXI» J 74 [3]. — Girardin, Mémoire sur les falsifications du rocou. — Journ. de pharmacie, cahier de mars 183G.
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- MATIÈRES COLORANTES DU ROCOU.
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- La matière colorante se dose par,un essai de teinture sur coton ou sursoie. M. Girardin propose la marche suivante. Pour coton on prend :
- Rocou séché à 100° et broyé ........ 5 grammes.
- Sel de tartre (carbonate de potasse).... 10 —
- Eau............................. 400 —
- Pour soie on prend :
- Rocou................. 0gr,5
- Sel de tartre.......... 1 gramme.
- Eau.................... 200 grammes.
- On chauffe les bains à l’ébullition, après y avoir plongé des écheveaux de 12 grammes, pour le coton, et 2 grammes pour la soie. Après 15 minutes d’ébullition, on retire du feu, on laisse reposer une heure, on retire les écheveaux, on les tord et on les lave à grande eau, puis on les sèche à l’ombre. Cet essai, fait comparativement avec un type, permet déjuger de la richesse.
- MATIÈRES COLORANTES DU ROCOU.
- Le rocou a été étudié chimiquement par MM. Chevreul(l), Houssingault (2), Kerndt (3), Picard (4), Bolley et My-üus (5).
- Cette substance cède à l’eau un principe jaune soluble dans ce véhicule et dans l’alcool, insoluble dans l’éther et susceptible de teindre en jaune les tissus mordancés à l’alun (orelline).
- Le résidu renferme la principale matière colorante, la
- (t) Leçons de chimie appliquée à la teinture.
- (2) Annales de chimie et de physique [2], XXVIII, 440.
- (3) Jahresbericht. de Liebig, et Kopp, 1849, p. 457.
- (4) Schweitzerische Polytechnische Zeitschrift, 18(51. — Réperf. de chimie appliquée, 1801,419.
- (5) Idem, IX, 134.
- II. 3 2
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- bixine. Pour l’isoler, on peut suivre le procédé de M. Bolley.
- Le rocou de Cayenne, lavé à l’eau et séché, est épuisé par l’alcool concentré et bouillant. Le liquide filtré est évaporé au bain-marie. Le résidu est mis à digérer dans l’éther qui en dissout facilement une partie. Ce qui reste est une poudre rouge-cinabre, fusible à 100°, soluble dans l’alcool, insoluble dans l’eau, inaltérable à 14o° et sous l’influence de l’ébullition avec l’acide sulfuriqüe étendu, soluble en jaune ou en orangé dans les alcalis-et l’eau de savon.
- M. Bolley donne à ce corps la formule G5H602 qui manque de contrôle. Il n’a pas étudié le produit soluble dans l’éther.
- D’èprès Kerndt,on obtient, en évaporant le liquide étliéré, un résidu fusible à 100°, qui répond à la formule C12 H220, mais M. Picard considère ce produit comme impur, et propose de le débarrasser de matières grasses et huileuses, par une solution dans la soude.
- La bixine impure est dissoute dans l’alcool, on ajoute de la soude, et l’on chasse l’alcool par l’ébullition. Le liquide est agité avec de l’éther qui enlève une substance molle, saturé par l’acide carbonique qui précipite un savon sodique. Enfin on neutralise par l’acide acétique; le précipité est repris par l’éther qui donne à l’évaporation une poudre amorphe rouge de sang, peu soluble dans l’éther et l’alcool froid, soluble dans l’acool bouillant et dans la benzine. Ce produit diffère de celui de M. Bolley par son infusibilité à 100°. Peut-être n’est-ce qu’un corps altéré/
- D’après Kerndt, l’orelline dériverait elle-même de la bixine, par une altération subie au contact de l’air et de l’eau.
- L’acide sulfurique concentré dissout la bixine et le rocou en se colorant en beau bleu foncé.
- On voit, d’après ce peu de données certaines, que l’histoire
- chimique de cette matière colorante est encore bien incomplète.
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- MATIÈRES COLORANTES DU ROCOU.
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- Applications. — Le rocou sert à la teinture et à l’impression des tissus, pour colorer les huiles, les graisses, le beurre, le fromage, les vernis et le cirage. Les sauvages de l’Amérique l’emploient pour s’en frotter le corps et pour teindre.
- Les nuances rocou sont belles et vives, elles résistent bien aux acides et au savon. Le chlore n’a pas beaucoup d’action sur elles, mais elles sont très-peu solides à l’air et à la lumière.
- Employé seul, il donne des nuances aurore ou orangé ; on l’utilise quelquefois pour rehausser d’autres couleurs (rouge, jaune, orangé, ponceau).
- Pour teindre le coton avec cette matière colorante, on commence par la dissoudre dans le carbonate de potasse ou de soude. Le bain est porté à l’ébullition ou à 60°, et l’on y maintient le tissu ou les écheveaux pendant un quart d’heure, on exprime et on lave à l’eau légèrement acidulée.
- On arrive à de meilleurs résultats en opérant avec du tissu stannaté et passé en sumac, et en neutralisant le bain alcalin par l’acide sulfurique, de façon que la matière colorante, sans être précipitée, soit prête à céder à la moindre attraction émanée de la fibre, et à abandonner son dissolvant.
- Le rocou peut être fixé par impression.
- La dissolution alcaline, dans la potasse caustique, est imprimée, le tissu est exposé à l’air, puis passé en acide faible, ou dans un bain faible d’alun ou de chlorure stan-
- uique.
- #.
- Pour couleur vapeur, on peut se servir de la préparation suivante ou de toute autre analogue.
- Lessive de soude caustique à 12°. <S litres. 6 litres.
- Rocou en pâte.................. 750 grammes. 5 kilogr.
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- SCO
- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- Cuire pendant 10 minutes et ajouter :
- Acide tartrique............ 90 grammes. 70 grammes.
- Alun ...................... 350 — 1 kilogr.
- Cette préparation s’épaissit à la gomme ou à l’eau de farine. On imprime, on vaporise et on lave.
- La soie se teint sans mordant, dans un bain chaud à 50°, monté avec parties égales de rocou et de cristaux de soude, ou de cristaux de soude et de savon ; après l’y avoir manœuvrée un quart d’heure, la teinte aurore est virée à l’orangé par un passage en jus de citron ou acjde tartrique.
- MATIÈRES COLORANTES VERTES.
- Vert de Chine. Lo-kao (1).
- En 1848, M. Daniel Kœchlin Schouch signala, dans une toile de coton chinoise, une nouvelle matière colorante verte, ayant servi à teindre des fonds verts, d’une nature toute particulière et inconnue en Europe (2).
- M. Persoz, ayant examiné un échantillon de cette toile qui lui avait été remise par M. Kœchlin, arrive aux memes conclusions. Il reconnaît que la couleur est d’origine organique, et qu’elle diffère de toutes celles connues en Europe.
- Le premier échantillon de matière colorante, venu en Eu-
- (1) Dingler’s Polytechn. Journ., CXXVI, 238 ; CXLVI, GXLIX, 140; CLXV, 397. — Comptes rendus de l’Académie des sciences, XXXV, 558. — Ballet111 de la Société d’encouragement, LIV, 415 ; LV, 290. — Répertoire de chif)lie appliquée, I, II, 75, 78, 370; II, 53; IV, 405.— Buchner’s Répertoriant,
- 69. — Bulletins de la Société industrielle de Mulh., XXV, 96. — Notice du vert de Chine et de la teinture en vert chez les Chinois, par M. Nata|S Rondot, suivie d’une Étude des propriétés chimiques et tinctoriales (h11° hao, par M. J. Persoz et de Recherches sur la matière colorante des nerpi'u,lS indigènes, par M. A.-F. Michel. Paris, chez Lahure et Cie, 1858.
- (2) Lettre de la chambre de commerce de Mulhouse à M. le ministre d» commerce, le 27 avril 1850.
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- MATIÈRES COLORANTES VERTES.
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- rope, a été expédié à M. Persoz par M. Forbes, consul des Etats-Unis à Canton.
- Bientôt, l’attention des teinturiers de Lyon et des Pays-Bas étant fixée sur ce nouveau produit, on ne tarda pas à en recevoir des quantités assez considérables, au prix de 533 francs le kilogramme.
- Propriétés physiques (d).
- Il est expédié sous forme de lames minces, voilées, de 0ra,001 à 0m,004 d’épaisseur, et de 0m,02 à 0m,05 de côté. Elles sont bleues, avec reflets violacés ou verts, fragiles et difficiles à pulvériser, faisant pâte sous le pilon.
- Propriétés chimiques.
- Le lo-kaoou vert de Chine renferme de 21,5 à 33 p. 100 de cendres, composées en grande partie d’oxyde de fer, de chaux et d’alumine, 9,3 d’eau et 61,9 de matière colorante.
- Il se décompose par la chaleur sans donner de sublimé.
- L’alcool, l’éther, l’esprit de bois, le sulfure de carbone, sont sans action.
- L’eau ne le dissout que partiellement, ou pas du tout, suivant la proportion de substances minérales qu’il contient. Dans tous les cas, il s’y gonfle et s’y délaye.
- Action des acides. — L’acide acétique, les acides chlorhydrique, sulfurique, tartrique, étendus et froids, favorisent sa dissolution.
- Sous l’influence de la chaleur, les acides énergiques font passer au brun-olive les dissolutions de lo-kao, en même temps qu’il se forme un dépôt gris de fer; le liquide surnageant est alors jaune, et vire àl’orangépar les alcalis. L’acide sulfurique concentré le dissout en brun vineux.
- Action des alcalis et des carbonates alcalins. —Les alcalis
- (1) D’après M. Persoz, voir la Notice de M. Natalis Rondot.
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- TUAI TÉ DES MÀTIÈRES COLORANTES.
- favorisent d’abord la dissolution de la matière verte; mais, par un contact prolongé ou, plus rapidement, par l’ébullition, la couleur passe subitement au brun, en formant une nouvelle matière colorante, qu’on ne peut plus ramener au vert et qui se fixe sur coton mordancé. Les carbonates alcalins détruisent de même la couleur verte, si l’on opère à une pression de deux ou trois atmosphères.
- Agents réducteurs. — Les acides réducteurs, tels que : phosphatique, arsénieux, hyposulfureux, oxalique, formique, altèrent les solutions de lo-kao, en donnant lieu à la formation d’un précipité pourpre violacé. L’acide sulfhydrique lui donne une couleur rouge sanguine intense. Sous l’influence de l’air, le liquide revient au vert primitif, en passant par une série de nuances intermédiaires.
- Le sulfure ammonique réduit et dissout énergiquement le lo-kao. Le chlorure stanneux acide le dissout en fortes proportions et fait passer sa couleur au rouge sanguin. Cette dissolution n’a besoin que d’être saturée par une base puissante ou par un acétate alcalin, pour qu’après une exposi-tition à l’air, le vert se trouve régénéré.
- Agents oxydants. —Les acides oxydants (nitrique, chlo-rique, iodique, chromique, etc.) détruisent le vert de Chine. Le liquide passe par une série de teintes intermédiaires, jusqu’au rouge ou au rose.
- Le rouge, ainsi formé par oxydation, n’est pas le même que celui que donnent les réducteurs ; car il ne peut plus régénérer le vert comme ce dernier.
- Sels. — Un certain nombre de sels, phosphates, pyr°" phosphates, borates, margarates, oléates, stéarates alcalins, favorisent la dissolution du lo-kao. Les sels de zinc et de magnésium font passer au bleu pur la couleur verte de ce produit.
- Le nitrate d’argent, le cyanure rouge, en présence d’un alcali, oxydent la matière colorante.
- Celle-ci possède, à l’égard de certains oxydes métalliques
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- MATIÈRES COLORANTES VERTES. 503
- (chaux, oxyde de fer, etc.), un tel pouvoir masquant, que l’on n’arrive à déceler leur présence qu’en détruisant la matière organique par l’incinération.
- M. Persoz considère le lo-kao comme une laque calcaire, magnésienne et ferrugineuse, mélangée à du phosphate d’alumine, partiellement soluble dans l’eau. Il donne le nom de cyanine à la matière colorante pure, débarrassée, par un traitement convenable, des substances minérales qui l’accompagnent. Ce principe est bleu et ne contient pas d’azote.
- M. Persoz propose de purifier la laque commerciale, avant de l’employer, par l’un des deux procédés suivants :
- 1° On dissout le lo-kao dans une solution saturée de carbonate de potasse. On laisse éclaircir, et l’on ajoute de l’eau à la partie limpide. Au bout d’un certain temps, il se forme un précipité vert qui, lavé et égoutté, peut être employé avec succès à la teinture et à l’impression.
- 2° Le lokao gonflé à l’eau est broyé avec une fois et demi son poids d’acide acétique. On étend de cinq parties d’eau, on filtre et on ajoute de l’ammoniaque qui précipite une laque plus riche que le produit primitif.
- On peut préparer une laque alumineuse en précipitant, par un carbonate alcalin, une solution de lo-kao additionnée d’alun ; ou bien en ajoutant un sel d’alumine à une solution de lo-kao dans le carbonate de soude.
- Ou bien encore, en chauffant une solution alunée rendue basique par l’un des moyens connus.
- Le chlorure double d’étain (maximum) et d’ammoniaque donne avec une solution aqueuse ou acétique de lo-kao un beau précipité bleu, si l’on a soin d’ajouter de l’acétate de soude.
- Le précipité pourpre violacé, obtenu par l’action des acides réducteurs (arsénieux, formique, etc.), se dissout dans l’acétate de chaux, et la dissolution dépose, au bout d’un certain temps, une poudre bleu foncé, virant au violet.
- Origine et 'préparation du lo kao en Chine. — Il résulte
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- de renseignements fournis sur les lieux mêmes de la fabrication, et recueillis par le P. Hélot, MM. Montigny, Edan, Arnaudtizon, Fortune, Rémi, Edkins, etc., et des études botaniques faites par M. Decaisne, d’après des dessins et des échantillons envoyés,que le lo-kao exige,pour sa préparation, le concours de deux plantes ; l’une est le rhamnus utilis ou hong-pi-lo-chou; l’autre le Rhamnus chlorophorus ou pé-pi-lo-chou. De ces deux variétés de nerpruns, l’une serait cultivée et l’autre sauvage; mais on n’est pas d’accord pour savoir laquelle des deux est cultivée. Le hong-pi-lo-chou ou hom-bi-lo-za donnerait une teinte plus forte et plus ferme, mais sans lustre ni reflet, tandis que le pé-pi-lo-chou ou pa-bi-lo-za donne une teinte faible, mais d’unt reflet magnifique.
- On trouvera dans la notice citée de M. Natalis Rondot deux dessins représentant, en grandeur naturelle, les rameaux des rhamnus utilis et chlorophorus, ainsi qu’un tissu chinois teint en vert de nerprun.
- Pour faire comprendre la préparation du lo-kao, nous devons d’abord dire comment on pratique, en Chine, la teinture de la toile au moyen des nerpruns. C’est, en effet, en détachant mécaniquement l’excès, la surcharge de matière colorante fixée, que l’on obtient la substance.
- Procédé usité à A-zé, d'après le P. Hélot.
- L’écorce fraîche de hong-pi-lo-chou, d’abord bouillie, reste infusée pendant deux jours ; l’infusion de l’écorce fraîche de pé-pi-lo-chou dure dix jours. On opère avec deux bains séparés, on ajoute de l’eau de chaux à l’un et à l’autre. On plonge les toiles sept à dix fois dans le bain de hong-pb ensuite trois fois dans celui de pé-pi ; on fait sécher après chaque immersion. On étend la toile à la tombée de la nuit, mais l’action du soleil est indispensable. La toile n’est teinte que du côté qui a été exposé au soleil. Ce qu’il y a de remar-
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- quable, en effet, dans les toiles teintes en Chine, c’est qu’elles offrent un endroit d’un vert intense et un côté opposé très-faiblement coloré.
- Cette apparence était de nature à dérouter même des observateurs aussi perspicaces et aussi habiles que M. Persoz.
- « Les Chinois, dit-il, font croire au P. Hélot que c’est par de nombreuses immersions dans les infusions d’écorces qu’on parvient à teindre le calicot en vert. Or. tous les spécimens ont un endroit et un envers, caractères qui démontrent clairement que la couleur a été déposée d’un seul côté, soit par le couteau, soit par la brosse ou tout autre moyen mécanique. »
- Et plus loin : « Il suffit d’exposer ces calicots verts au soleil pour se convaincre, par l’altération qui se manifeste dans la couleur, qu’elle n’a pu être formée et fixée dans de pareilles conditions. » Nous verrons, tout à l’heure, que les travaux de M. Michel sur les nerpruns indigènes, expliquent parfaitement ce que les données du P. Hélot semblaient offrir d’extraordinaire et de contradictoire avec les faits observés.
- Quoi qu’il en soit, une toile de coton, ayant été teinte par one série d’immersions dans les infusions d’écorce et séchée sans avoir été passée à l’eau claire, on la plonge et on l’agite a plusieurs reprises dans l’eau froide.
- Les eaux de lavage sont réunies dans une chaudière. On étend un lit de fils de coton à la surface de l’eau, et l’on porte à l’ébullition. Durant l’ébullition, la matière colorante en suspension se dépose sur les fils. On continue, en mettant dans la chaudière de nouvelle eau de lavage, jusqu’à ce qne les fils soient suffisamment chargés. On les lave alors dans l’eau claire et froide, en les frottant dans les mains. Le lo-kao se détache et se précipite. Le précipité bien lavé, et à l’état de pâte très-fine, est étendu sur une feuille de papier ûn qui repose sur de la cendre ; on le fait sécher d’abord à l’ombre, puis au soleil. La couche de lo-kao se détache du papier, se bossue en séchant, et se brise en petites lames ir-
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- régulières, minces, légères, dures, ayant un beau reflet.
- Il faut, généralement, un lit de fils de coton du poids de 3k,620, pour épuiser les eaux de lavage de 300 pièces de toile. Quarante pièces donnent 37gr,8 de lo-kao. Chaque kilogramme représente 1060 pièces de toile teinte. On comprend, d’après cela, le prix élevé de ce produit. En effet, suivant le P. Hélot, les cinq fabriques d’A-Zé n’ont pu arriver à livrer ensemble plus de 18 à 24 kilogrammes par an.
- M. Michel de Lyon a appliqué le procédé chinois décrit par le P. Hélot, en se servant de l’écorce de nerpruns indigènes. C'est le nerprun purgatif ou catharticus qui lui a donné les meilleurs résultats. Par des immersions successives dans une infusion d’écorce, suivies d’une exposition sur pré pendant la nuit et une partie de la matinée, jusqu’à ce que l’étoffe ait été sèche, il est arrivé à réaliser une nuance violetée assez intense qui passe au vert dans une dissolution bouillante et faible d’alun. Ce bain dissout le jaune et le fauve qui altéraient la nuance. Le vert ainsi formé, sans jouir de l’éclat et de l’intensité de ceux teints en Chine, en offre cependant toutes les réactions. Il n’est donc pas possible de nier la similitude ou plutôt l’identité de ces deux couleurs. Ce qui les rapproche encore, c’est le caractère commun aux deux tissus de présenter un envers peu coloré.
- Les étoffes teintes par M. Michel ne l’étaient que du côté exposé à la lumière diffuse.
- Il existe donc dans ces nerpruns une substance, non encore isolée, incolore et jouissant de la remarquable pr°' priété de se colorer en vert, sous l’influence de la lumière blanche du ciel.
- Il est inutile de dire que ce phénomème industriel rappelle les colorations vertes des plantes elles-mêmes. Tout le monde sait, en effet, que les bourgeons formés dans T oh' scurité d’une cave, sont blancs et se colorent assez rapidement en vert, lorsqu’on donne accès aux rayons solaires, ou
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- à la lumière diffuse. Le concours de l’oxygène est-il indispensable dans cette transformation, c’est ce qu’il est impossible de décider dans l’état actuel de la science.
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- 1° Procédés chinois. — Les Chinois développent la nuance verte sur tissu, soit en partant des nerpruns eux-mêmes ; dans ce cas, le tissu offre, comme nous l’avons déjà dit, un envers et un endroit ; soit en se servant de la préparation connue sous le nom de lo-kao ; la pièce est alors également feinte sur ses deux surfaces. Cette différence s’explique facilement d’après les recherches de M. Michel. Dans le premier cas, en effet, on fixe une matière incolore et Colombie qui n’acquiert une nuance que du côté exposé à la lumière; dans le second, au contraire, le bain est monté avec une matière colorante toute formée et qui n’aura pas plus de tendance à se porter d’un côté ou de l’autre.
- a. Sur coton. — Nous avons déjà donné la méthode suivie à A-Zé pour les toiles spécialement destinées à la préparation du lo-kao.
- Si l’on n’a en vue que la teinture avec l’écorce de nerprun, °u peut suivre les procédés que voici :
- a. Procédé de Khiu-tchéou fou.— On fait bouillir l’écorce fraîche de pé-pi-lo-chou, on ajoute G3 grammes de potasse chinoise par 100 kilogrammes de liquide, et l’on plonge les toiles deux ou trois fois dans le bain ; on fait sécher au soleil après chaque immersion. Dans le Ghan-toung, on emploie l’alun, au lieu de chaux ou dépotasse.
- b. Procédé d'Emou ï, d'après M. Sinclair. — On met i’écorce de lo-tsé dans l’eau chaude, on fait bouillir pendant uoe heure, on ajoute de la potasse et de l’alun, on décante etl’on filtre; on laisse reposer pendant la nuit; on plonge les Pièces dans le bain, on les étend sur le sol, à l’air libre, P°tu* les faire sécher, mais le matin, aux heures où le soleil
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- est le moins ardent. On a soin de mettre l’envers de l’étoffe sur le sol. Il faut souvent faire passer dans le bain et faire sécher l’étoffe une vingtaine de fois, avant d’arriver à la nuance voulue.
- Lelo-kao sert, en Chine, à la teinture de toiles de coton communes, mais en couleurs claires seulement. A cet effet, il est dissous à chaud dans la potasse. La toile, bien lavée, est plongée dans le bain, à la température de 50 à 60 degrés, tordue à la cheville, plongée une seconde fois, tordue de nouveau, rincée dans l’eau claire et séchée à l’air.
- b. Sur soie. —Il est certain que les Chinois teignent la soie, avec l’écorce de leurs nerpruns et avec le lo-kao lui-même, mais on manque de renseignements exacts sur leur manière de procéder. Madame de Montigny possédait une robe de soie chinoise teinte avec cette matière.
- Les recherches deM. Stanislas Julien semblent prouver, que l’usage du vert de Chine ne date que de 30 ans au plus. Il n’en est fait nulle mention dans les traités de botanique et d’agriculture chinois, au milieu du siècle dernier.
- 2° Procédés français.
- M. A. E. Michel, de Lyon, est arrivé à teindre la soie en très-beau vert lumière, au moyen du lo-kao. Il prépare une dissolution d'alun à 5° Baumé, et laisse macérer, pendant trois jours, 5 grammes de vert de Chine avec 30 grammes de ce liquide. Au bout de ce temps, il broie et délaye la matière avec une baguette, en ajoutant 250 grammes de solution aluminique. Le lendemain on décante, avec précaution, le liquide qui est vert foncé, presque noir. On répète cette opération jusqu’à ce que l’on ait un litre de dissolution. Celle-ci se conserve bien sans altération.
- Si l’on ajoute de l’eau de puits calcaire, en proportion suffisante, il se forme peu à peu une laque calcaire et alumineuse qui se précipite. M. Michel a déterminé la proportion d’eau calcaire convenable pour que l’on ait un liquide susceptible de se conserver quelque temps, sans déposer son
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- colorant, mais dans lequel, cependant, celui-ci est assez faiblement retenu pour se séparer sous l'influence d’une attraction émanée de la fibre. Dans cet état, le bain teint directement la soie immergée à une douce température. Ces proportions sont, pour l’eau de puits de Lyon : 15 litres eau, pour un litre de dissolution alumineuse de vert.
- Les nuances plus foncées s’obtiennent en répétant les immersions dans de nouveaux bains.
- Les soies cuites et lavées contiennent une certaine quantité de calcaire qui leur sert de mordant, aussi le premier bain est-il rapidement épuisé. On peut utiliser cette observation et donner à la soie un passage en eau calcaire, avant chaque immersion dans un nouveau bain colorant. Au lieu de lo-kao brut, on se servira avec avantage du vert purifié de M. Persoz.
- Autre méthode (1). — On dissout le lo-kao dans le sel d’étain faiblement acidulé et convenablement étendu. La soie est manœuvrée dans ce bain, à la température ordinaire. Elle se charge d’une couleur rouge-saumon pâle. On lave dans un bain alcalin d’ammoniaque, de potasse ou d’acétate de chaux, la couleur passe au pourpre, puis au bleu pur. Après avoir oxydé, on rince, et l’on passe, à froid, dans une infusion de graine de Perse, afin de donner au bleu la quantité de jaune nécessaire pour faire un vert harmonique. Ce procédé sert également à l’impression.
- On peut aussi teindre la soie en l’alunant préalablement, Puis en la manœuvrant dans un bain formé de lo-kao dissous dans le sulfhydrate d’ammoniaque. On répète les immersions en faisant suivre chacune d’une oxydation à l’air.
- Enfin, le lo-kao est gonflé et délayé dans une lessive alcaline faible, saturée de protoxyde d’étain hydraté.
- On immerge la soie et on expose à l'air. La soie se colore Pur là en bleu qu’une addition de jaune fait virer au vert.
- (l) Persoz.
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- Dans les méthodes de M. Persoz, où le vert est réduit préalablement par l’oxyde d’étain, on obtient du bleu et non du vert. Celui-ci n’est alors plus que le résultat d’une superposition de jaune, et non d’une teinture directe. Du reste, dans l’opinion de M. Persoz, le vert teint en Chine sur calicot est. comme tous les autres verts d’origine organique obtenus par teinture (le vert d'aniline excepté), le résultat de la combinaison d’un bleu et d’un jaune. Il n’y aurait pas non plus identité entre la couleur verte fixée sur les calicots, et celle qui fait la base de la laque connue sous le nom de lo-kao.
- Dans la première, le jaune domine; dans la seconde, c’est au contraire le bleu.
- Le procédé de M. Michel ne donne, en effet, sursoie, qu’une couleur dont la position, dans le cercle chromatique de M. Chevreul, correspond à l’un des verts-bleus (voiries échantillons de la notice deM. Natalis Rondot). Pour arriver à un vert franc, M. Michel associe l’acide picrique au lo kao.
- Teinture du coton. — M. Persoz recommande particulièrement le procédé suivant.
- Dans 10 litres d’eau, on peut dissoudre 50 à GO grammes de savon blanc, et l’on y délaye une quantité convenable de lo-kao, préalablement gonflé ou purifié ; on chauffe ce bain, et il suffit d’y plonger le coton pour qu’il se teigne immédiatement.
- Pour l’impression, on fait usage d’une toile alunée ou non. La couleur se compose d’eau de gomme dans laquelle on a délayé du lo-kaopur, préalablementgonflé,ou des laques alumineuses, avec ou sans addition d’acétate d’alumine.
- Ou bien on imprime une solution épaissie de lo-kao dans le sel d’étain acide, on sèche, et on passe en acétate de chaux avec excès de chaux. Le coton se teint également bien dans une dissolution de lo-kao dans le sulfhydrate d’ammoniaque? mais il faut exposer à l’air, après l’immersion.
- Laine. — M. Persoz est arrivé à fixer le vert de Chine
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- sur laine, en préparant d’abord une laque à l’étain. Celle-ci est délayée dans l’eau. On chauffe et on ajoute de temps en temps quelques gouttes d’acide oxalique. La laine immergée dans ce bain en sort parfaitement teinte.
- Cette môme laque, épaissie à l’eau de gomme acidulée à l’acideoxalique et imprimée sur laine,donne après vaporisage une belle couleur verte.
- De quelques matières colorantes vertes, signalées à diverses époques, et pouvant être identiques avec le vert de Chine ou analogues (Notice de M. Natalis Rondot, p. 20 et suivantes).
- 1° M. Poivre, ministre de France en Cochinchine (1749), et le P. Horta (1766) parlent d’une plante nommée tsaï., cultivée en Cochinchine et chez les Tonkinois, qui, étant mise en fermentation comme celle de l’indigo, fournit une fleur de couleur verte qui, seule, donne en teinture un vert d’émeraude très-solide. Depuis cette époque, on n’a plus * ben appris sur la nature et l’existence de cette plante.
- 2° Dinh-xanh de Cochinchine, signalé par M. Charpentier de Cossignv (1770).
- « Les Gochinchinois ont une plante qu’ils nomment dina-x°ng, ressemblant assez à notre mélisse, dont ils retirent, au moyen de la macération dans l’eau, une fécule verte, avec laquelle ils,teignent en vert toutes les étoffes, dans toutes les uuances possibles. »
- La fécule de dina-xang pourrait bien être la fécule de tsaï de Poivre. La plante appartiendrait au genre mélisse ou serait le mercurialis perennis, ou, d’après Gorrea, le justicia tinctnria, de la famille des.Acanthées.
- 3U Indigo vert. — Charpentier de Gossigny annonce que l’anil (indigo fera tinctoria) peut fournir une fécule verte, lorsqu’il est traité par des procédés convenables. A cet effet, les feuilles fraîches sont mises à tremper dans l’eau pure ou
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- l’eau de chaux, pendant une heure, puis exprimées. Cette opération est répétée encore une fois.
- Les liquides réunis sont filtrés , additionnés d’eau de chaux et agités à l’air. 11 se dépose alors une fécule verte qu’on lave à l’eau de chaux, puis à l’eau pure.
- 6° L'indigo vert de l’Inde, rapporté en 1790 par Prinsep, paraît être un mélange d’une substance verte, analogue à la chlorophylle, soluble dans l’alcool et d’indigo ordinaire (Ban-croft, Persoz).
- 7° Vert Barasat de l’Inde. Extrait de YAsclepias tinctona et envoyé, en 1793, de Calcutta.
- Dans l’opinion de M. Persoz, ce ne serait, comme le vert précédent, qu’un indigo impur. En effet, Yasclepias sert dans la teinture en bleu et peut fournir de l’indigo (1).
- 11 en est de même de l’indigo vert, étudié par Kurer (1801); du vert végétal de Chine ou de Java, envoyé par M. Cézard (1837) (2), et qui contenait, suivant M. Schwartz :
- Matière jaune................... 10,40
- Gluten et sels.................. 33,30
- Brun d’indigo................... 39,20
- Matière mucilagineuse......... S, 10
- Indigo bleu..................... 10,00
- 100,00
- 8° Le whi-mei de Chine, exposé à Londres en 1851> provient du sophora japonica, dont les fleurs portent le nom de hoaï-hoa et seraient susceptibles de teindre en vert.
- (1) Dingler's Polytechn. Journ., LXVII, 213.
- (2) Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse, XI, 27.
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- CHLOROPHYLLE. — CHROMULE, ETC.
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- CHLOROPHYLLE. — CHROMULE. — MATIÈRE COLORANTE VERTE DES FEUILLES ET DES VÉGÉTAUX (1).
- La matière verte des plantes, si répandue dans l’organisme végétal, est encore peu connue, dans sa constitution chimique et sa composition, malgré de nombreux travaux publiés à son sujet. Les uns y voient un principe immédiat vert, d’autres observateurs (Frémy) la considèrent comme un mélange de jaune (phylloxantbine) et de bleu (phyllocyanine) ; mais les agents employés pour opérer la séparation des deux couleurs ne sont pas assez inoffensifs, chimiquement parlant, pour que l’on ne puisse craindre, dans leur emploi, une action décomposante, surtout lorsqu’il s’agit de corps aussi altérables.
- M. Yerdeil isole la chlorophylle en épuisant la plante par l’alcool. La solution alcoolique verte est précipitée par la chaux, et la laque calcaire lavée est décomposée par l’acide chlorhydrique, puis agitée avec de l’éther qui s’empare de ^a substance verte. L’évaporation de cette solution fournit la chlorophylle à l’état de pureté.
- Obtenue ainsi, elle constitue une poudre vert foncé, inaltérable à l’air, indécomposable à 200°, infusible à cette température, insoluble dans l’eau, soluble dans l’alcool, l’éther, les acides-et les alcalis. L’hydrate d’alumine se combine avec elle, et l’enlève à ses solutions alcooliques convenablement étendues d’eau.
- L’hydrogène naissant la réduit et la décolore. M. Verdeil admet, dans la chlorophylle, la présence d’une grande quanti) Dingler's Pohjtechn. JournCXXII, 67 ; CL, 118. — Comptes rendus d*l’Acad., VI, 642; XXXIII, 639; XLI, 588 ; XLV1I, 442; L, 405, 113. — udétins de la Société d'encouragement, LVII, 183. — Répertoire de chimie appliquée, I, 13, 339; II, 71, 386. — Répertoire de chimie pure, III, 28. — Ayalen der Chernie und Pharmacie, GXV, 37. —Cfiemisches Centralblatt, n 10, 145. — Bulletins de la Société industrielle, XXVI, 283.
- II,
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- tité de fer, dans un état analogue à celui que l’on a signalé dans l’hématine (matière rouge du sang).
- Suivant Mulder, la chlorophylle renferme de l’azote, mais cette assertion n’est pas suffisamment établie. Il se pourrait que le produit de Mulder n’ait pas été convenablement débarrassé de matières protéiques.
- En mettant de la gelée d’alumine en présence d’une solution alcoolique de chlorophylle, convenablement étendue d’eau, il se forme une laque d’un vert foncé, tandis que le liquide surnageant est coloré en jaune. Cette expérience semble prouver que la chlorophylle a une tendance à se dédoubler en jaune et en un produit plus riche en bleu. Elle a suggéré à M. Frémy la pensée d’arriver à une séparation plus complète par d’autres méthodes. Le procédé, qui lui adonnéles meilleurs résultats, consiste à introduire, dans un flacon bouché à l’émeri, un mélange de 2 parties d’éther et d’une partie d’acide chlorhydrique étendu d’une petite quantité d’eau ; on agite fortement, de manière à saturer l’acide chlorhydrique d’éther.
- D’un autre côté, on décolore la chlorophylle par l’action des alcalis qui la transforment en un beau corps jaune, soluble dans l’alcool, l’éther, le sulfure de carbone et susceptible de s’unir à l’alumine et de former une laque jaune. Celle-ci, décomposée par un acide, cède la nouvelle substance à l’un des dissolvants précédents.
- En agitant avec le liquide binaire précédent (éther et acide chlorhydrique) le produit jaune dérivé de la chlorophylle? on voit se développer un phénomène remarquable.
- L’éther ueste coloré en jaune pur, tandis que la couche d’acide chlorhydrique sous-jacente prend une belle teinte bleue.
- Voici l’interprétation donnée par M. Frémy à ce résultat-
- La chlorophylle est un mélange de jaune et de bleu. Le» alcalis décolorent momentanément le bleu. Le corps jaune engendré par eux, aux dépens du vert végétal, est donc un
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- CHLOROPHYLLE. — CHROMULE, ETC. .515
- mélange du jaune primitif et du produit incolore formé par la cyanine. Celui-ci, agité avec de l’éther et de l’acide chlorhydrique, cède le jaune à l’éther et la cyanine régénérée se dissout en bleu dans l’acide chlorhydrique.
- Cette expérience peut être faite avec de la chlorophylle ou des feuilles desséchées.
- M. Frémy appelle phylloxanthine le jaune constitutif de la chlorophylle, et phylloxanthéine le corps jaune qui résulte de l’altération passagère du corps bleu (phyllocyanine).
- La régénération de la phyllocyanine par les acides n’exige pas le concours de l’air.
- Les feuilles jaunes, étiolées et poussées dans l’obscurité, contiennent à la fois de la phylloxanthine et de la phylloxanthéine; en effet, elles passent rapidement au vert sous l’influence des vapeurs acides.
- Les feuilles jaunies en automne ne renferment plus que de la phylloxanthine. Leur extrait alcoolique, agité avec l’éther et l’acide chlorhydrique, ne produit plus le phénomène caractéristique. On s’expliquerait ainsi les changements de teinte des feuilles en automne ; la phylloxanthine, beaucoup plus stable, reste seule, tandis que la cyanine s’oxyde et se décompose d’une manière irrévocable. Ces faits intéressants viennent à l’appui des données de la pratique ; celle-ci n’a pas Pu, en effet, utiliser jusqu’à présent le vert végétal si richement offert par la nature.
- Nous donnons ici quelques détails sur les efforts tentés Pour fixer le vert d’herbe ou le vert végétal. M. Yerdeil (1) extrait de la partie charnue des capitules des fleurs, non encore développées, du chardon ou de l’artichaut, une couleur verte, différente en apparence de la chlorophylle et du lokao.
- Le suc exprimé de ces parties végétales est incolore. Sous l’influence de l’air et d’une addition de carbonate de soude, il prend une teinte vert-jaune, passant au vert-bleu
- (1) Comptes rendus de l'Académie, XLVH, 442.
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- après neutralisation par l’acide acétique. La nouvelle matière colorante est précipitée par l’acétate de plomb. Ce précipité est décomposé par l’acide sulfurique étendu d’alcool à 40°. La solution alcoolique se colore en jaune brun, on filtre pour séparer le sulfate de plomb et on précipite la matière colorante par une addition d’éther. Le dépôt est filtré, lavé à l’éther et à l’eau. Il est insoluble dansl’eau,rétheret les acides, soluble dans l’alcool et les alcalis, et forme, avec les oxydes d’aluminium et d’étain, des laques d’un vert foncé qui résistent à la lumière. Ces laques pourraient être utilisées en peinture et dans l’impression. On arriverait aussi à les former directement sur tissu. Les teintes ne sont pas assez belles et n’ont pas permis des applications.
- M. Hartmann (1) a fait des essais pour colorer les fibres avec le vert d’herbe.
- Il prépare la chlorophylle, en laissant macérer de l’herbe, préalablement lavée à l’eau chaude légèrement alcaline, avec une lessive de soude, à 10° Baurné, pendant 24 heures. Le liquide fortement coloré est précipité par l’acide chlorhydrique et le dépôt vert floconneux est filtré et lavé. Il est peu abondant (1 /100 du poids de l’herbe).
- Épaissi à l’eau de gomme additionnée d’eau de chaux ou d’ammoniaque, imprimé et vaporisé, il donne des teintes qui, sans être belles, prouvent au moins la possibilité de fixer la chlorophylle sur tissu, fait qui n’avait pas encore été signalé-
- M. Cordillot, rapporteur du comité de chimie, préfère le procédé suivant :
- L’herbe est épuisée par l’eau bouillante, puis par une solution de soude caustique à 2°, contenant des phosphates d’alumine et de chaux. Le liquide vert étant neutralisé par l’acide chlorhydrique, il se précipite des flocons verts, faciles à filtrer, d’une laque de chlorophylle.
- Pour l’impression, il prend 250 grammes de soude à 38°
- (1) Bulletins de la Société industrielle de Mulhouse, XXVI, 283.
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- HOAÏ-HOA.
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- pour 1 kilogramme de laque en pâte. Cette dissolution marque 10° Baumé. 100 kilogrammes d’herbe donnent environ 8 litres d’extrait.
- On imprime cet extrait épaissi à l’eau de gomme, et on vaporise.
- On peut aussi ajouter à la couleur du phosphate de soude, du phosphate de soude et du bioxyde d’étain en pâte, du biar-séniate de potasse, du biarséniate de potasse et du bioxyde d’étain. En teignant de la laine et de la soie dans un bain composé d’extrait de chlorophylle à 10°, de phosphate de soude et d’oxyde stannique, on obtient des nuances très-foncées.
- Le bois mort paraît souvent coloré vert ; il cède, dans ce cas, au chloroforme, une belle matière colorante d’un vert bleuâtre, différente de la chlorophylle par ses caractères chimiques (acide xylochloréique) (1).
- noAï-noA.
- Le hwae ou hoaï est le Sophorajaponica, grand arbre de la famille des Légumineuses, acclimaté en France depuis plus d'un siècle. Il est aussi abondant au nord qu’au midi de la Chine. C ’est celui du nord qui est le plus estimé. La fleur fournit une teinture jaune ou une teinture verte. Le professeur Stein, de Dresde, en a retiré un pigment jaune, identique avec l’acide rutinique (G6H804), extrait des boutons de fleurs du Capparis spinosa et trouvé dans le Ruta graveolens. Les fleurs Jaunes du hoaï sont recueillies au moment où elles vont s’épanouir, séchées au soleil, humectées avec le suc d’autres Heurs pilées avec du sel, et travaillées en boules que l’on sèche à l’ombre: Pour teindre la soie en jaune, on la trempe pendant douze heures dans un bain d’alun, puis on la porte dans une décoction bouillante de hoaï. D’après MM. Michel et Cuinon, la matière colorante n’existe que dans les fleurs.
- (1) Fordos, Répertoire de chimie appliquée, V, 331, 1SG3.
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- Les alcalis rougissent la nuance, les acides la décolorent. Le bichromate pousse à la couleur acajou clair.
- Pour teindre en vert, avec le même produit, les Chinois font intervenir la lumière du soleil.
- D’après les renseignements de M. Madows, le coton est .plongé, à plusieurs reprises, dans un bain bouillant de hoaï additionné d’alun, et séché chaque fois au soleil. Cette méthode n’a fourni à M. Walter-Crum que des indices de vert; ce qu’il attribue à la moindre intensité de la lumière solaire dont il disposait.
- La soie peut être également teinte en vert par le hoaï-hoa seul.
- CHAPITRE TROISIÈME
- MATIÈRES COLORANTES BLEUES.
- Nous avons déjà rencontré sur notre chemin plusieurs matières colorantes bleues ou bleu violet, d’origine végétale. Leur rapport de parenté avec certains principes rouges nous a conduit à en faire l’étude dans un autre chapitre-Elles sont, du reste, de peu d’importance, au point de vue pratique.
- Le seul principe immédiat bleu, dont les applications méritent de fixernotre attention, estl’indigotine, matière azotée, bien définie par ses caractères et sa composition.
- Elle est fournie par un certain nombre d’espèces végétales, et semble même prendre naissance dans l’organisme animal-
- Nous commencerons par étudier l’indigotine, comme pr°' duit chimique, abstraction faite de son origine variable ; après quoi, nous traiterons de l’histoire naturelle des végétaux où elle se forme, de la préparation industrielle de l’indigo commercial, de ses diverses qualités, et enfin des applications de l’indigotine ou plutôt de l’indigo, car c est
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- INDIGOTINE.
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- généralement sous cette dernière forme et non à l’état de pureté qu’elle est maniée par le fabricant.
- INDIGOTINE ET PRINCIPAUX DÉRIVÉS DE L’iNDIGOTINE.
- L’indigotine n’a pas encore pu être produite artificiellement, et l’on ne connaît qu’imparfaitement les relations qui la lient à l’une ou l’autre des grandes séries de la chimie organique.
- Il n’existe aucun doute sur sa composition centésimale élémentaire qui est traduite parla formule C8H5AzO ou par un multiple. Cette expression est, en effet, contrôlée par un grand nombre de dérivés.
- Elle a une grande tendance à cristalliser par voie de sublimation. Les cristaux obtenus ont un reflet cuivré, leur poudre est bleu foncé, leur forme cristalline est celle d’un prisme rhomboïdal droit, terminé par un biseau formé de deux faces très-in cl i nées.
- L’indigotine amorphe, telle qu’on l’obtient par l’oxydation au contact de l’air des solutions d’indigo blanc, est bleu foncé avec reflet pourpre, et prend, par le frottement, un éclat cuivré.
- La volatilisation de l’indigotine se fait à environ 290°, mais il est difficile de la réaliser sans décomposition, une partie de la matière se charbonne. En opérant avec de l’indigotine pure, sur de petites quantités et sous l’influence d’un courant de gaz inerte, le rendement en cristaux est le plus fort.
- On se procure aisément de l’indigotine sublimée en étalant, comme le prescrit M. Dumas, de l’indigo en poudre au fond d’un têt à rôtir, recouvert d’un autre têt semblable, et en chauffant avec précaution. On trouve, à la surface du résidu charbonneux, une couche d’aiguilles entrelacées, faciles à enlever. L’indigotine et l’indigo, projetés sur un charbon rouge, donnent des vapeurs violettes assez semblables à celles
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- de l’iode; en même temps, il se développe une odeur aromatique, sui generis, et caractéristique. Elle est insoluble dans l’eau, l’alcool, l’éther, les huiles grasses et les huiles essentielles, ainsi que dans les acides et les alcalis étendus, à froid et h chaud. La créosote et l’acide phénique en dissolvent une petite quantité à l’ébullition. Celle-ci se dépose en flocons par le refroidissement.
- Lorsqu’on délaye de l’indigotine en poudre fine dans de l’acide acétique anhydre, et que l’on ajoute au mélange une goutte seulement d’acide sulfurique concentré, on obtient une belle liqueur bleu foncé, d’où l’indigotine se sépare intacte après addition d’eau et dissolution de l’anhydride acétique.
- Ce procédé de dissolution de l’indigotine est le seul qui permet, jusqu’àprésent, de reproduire le corps primitif, sans passer par la réduction.
- La liqueur bleue précédente, étant appliquée sur tissu, il suffit de laver à l’eau pour avoir une teinture. L’indigotine est neutre aux réactifs; elle n’a ni saveur ni odeur. Densité = 1,35.
- Action de la chaleur. — En se décomposant par la chaleur, l’indigotine fournit, entre autres produits volatils, de Y aniline.
- Action des oxydants. — Les oxydants ordinairement employés en chimie organique, tels que l’acide ehromique en solution concentrée, le chlore en présence de l’eau, etc., transforment facilement l’indigotine en un nouveau corps, qui n’en diffère que par un atome d’oxygène en plus (Isatine).
- O -f CWAzO = C8HsAz02.
- Indigotiue. Isatiue.
- Nous parlerons plus loin des propriétés de l’isatine. L’agent employé pour cette transformation est généralement l’acide azotique étendu. Avec l’acide azotique concentré et chaud,
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- la réaction va plus loin, et l’on obtient de l’acide indigotique ou nitrosalycilique C7H3(Az02)03 et de l’acide picrique C6H3(Az02)30.
- Dans ces deux cas, il y a départ de carbone, sous forme d’acide carbonique ou d’acide oxalique.
- Agents réducteurs.
- Une des propriétés les plus intéressantes de l’indigotine, propriété dontla pratique tire un parti avantageux, est la facilité avec laquelle ce corps fixe de l’hydrogène pour se transformer en un dérivé incolore, soluble à la faveur des bases alcalines ou alcalino-terreuses, et susceptible de reproduire l’indigotine par simple oxydation au contact de l’air.
- Ce phénomène d’hydrogénation, improprement appelé réduction, exige le concours de l’hydrogène sous sa forme naissante. On pense, généralement, qu’il ne peut s’effectuer qu’en présence des alcalis ou des terres alcalines, c’est-à-dire des réducteurs alcalins ; cependant M. E. Schlumber-ger a observé le fait curieux de la transformation de l’indigotine en indigo blanc, au sein d’une liqueur acide.
- On sait que la solution fraîchement préparée de zinc dans l’acide sulfureux décolore énergiquement le sulfate d’indigo ainsi que d’autres matières colorantes. Lorsqu’on verse de l’acide sulfureux concentré sur du zinc, le liquide jaunit et acquiert rapidement les caractères ci-dessus mentionnés. 11 se forme un mélange de sulfite et d’hyposulfite de zinc.
- 3SQ3 + ^na — zn, j °* + S‘°Zn, j °°-
- Sulfite. Hyposulfite.
- Aucun des corps dont on a pu déterminer la présence <lans ce liquide, pris isolément, ne possède la propriété de décolorer le sulfate d’indigo.
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- Cette action remarquable se perd au bout de quelques heures. D’après M. Schœnbein (1) l’acide sulfureux et les sulfites neutres n’agissent que faiblement sur la solution sulfurique d’indigo. Les sulfites acides, au contraire, la décolorent énergiquement. La couleur bleue reparaît sous l’influence des acides forts, des alcalis, de beaucoup d’eau et d’autres agents encore, ainsi que par une élévation ou un abaissement de température. Cette même liqueur blanchit rapidement l’indigotine en poudre, lorsque l’on opère à l’ébullition.
- Cette exception mise de côté, tous les autres procédés de réduction de l’indigotine reposent sur l’intervention des alcalis ou des terres alcalines. Dans ce cas, à mesure que l’hydrogénation s’effectue, l’indigo blanc se dissout à la faveur de la base, et fournit une liqueur transparente, jaune d’or, se couvrant rapidement, au contact de l’air, d’une pellicule cuivrée d’indigotine régénérée.
- Les teinturiers donnent le nom de cuves d’indigo aux dissolutions d’indigo réduit, faites dans de grandes cuves, pour les besoins de la pratique. Cette expression a passé des ateliers dans les laboratoires et s’applique aussi aux opérations faites en petit.
- Nous donnons ici la liste des corps qui sont susceptibles de transformer l’indigotine en indigo blanc, en nous réservant d’entrer plus tard dans des détails plus circonstanciés, à propos de ceux qui jouent un certain rôle enpr3' tique.
- 1° Métaux alcalins.—Ces corps, tout en décomposant l’eau et en fournissant de l’hydrogène naissant, engendrentla base alcaline, qui doit favoriser la réduction. Leur action se régularise beaucoup, si, au lieu de lès employer purs, on fait agir leurs amalgames (amalgame de sodium). Il suffit donc de mettre de l’amalgame de sodium en présence de
- (1) PoggendorfjTs Annalen, CIV, 300.
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- l’indigotine en poudre très-fine, délayée dans l’eau, pour avoir une cuve.
- 2° Métaux et métalloïdes qui décomposent l’eau err présence d’une base alcaline : étain, antimoine, aluminium, phosphore. Ils n’agissent qu’en présence d’un alcali et à une température voisine de l’ébullition.
- 3° Oxydes métalliques susceptibles de passer à un degré supérieur d’oxydation : protoxydes de fer et d’étain.
- 4° Acides oxygénés susceptibles de passer à un degré supérieur d’oxydation : acides phosphoreux, hypophosphoreux. Ils n’agissent également qu’en présence des bases.
- 3° Certains sulfures, phosphures, arséniures : sulfure d’arsenic (réalgar).
- 6° Quelques matières organiques oxydables en présence des alcalis. Glucoses, acide gallique.
- 7° Fermentations réductrices et alcalines. Fermentation butyrique.
- Le soufre et les acides oxygénés du soufre, placés au-dessous de l’acide sulfurique dans l’ordre d’oxydation, sont inertes vis-à-vis de l’indigotine.
- On peut faire bouillir indéfiniment le soufre', en présence de l’indigotine, et au sein d’une liqueur alcaline caustique ; il ne se produira aucun indice de réduction. Bien au contraire, les polysulfures précipitent de l’indigotine bleue, lorsqu’on les ajoute à une cuve montée par un autre procédé. Les choses se passent, comme si le soufre enlevait l’hydrogène combiné à l’indigo blanc.
- Quant aux sulfures actifs, ils correspondent tous à des degrés inférieurs d’oxydation du radical, et c’est précisément par leur tendance à s’oxyder sous l’influence des alcalis qu’ils doivent leur propriété réductrice.
- Ainsi le réalgar, l’orpiment, les protosulfures d’étain et d’antimoine sont de puissants agents réducteurs de l’indigo-tine (en présence d’un alcali), tandis que les acides sulfarsé-ttique, sulfantimonique, le bisulfure d’étain sont inertes.
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- Parmi tous ces corps, l’hydrate ferreux et la glucose sont le plus fréquemment employés par les chimistes pour monter de petites cuves.
- On se sert avec avantage d’un mélange de 1 partie d’indigo bien broyé, 2 parties de sulfate de protoxyde de fer pur, 3 parties de chaux éteinte en poudre fine et 200 parties d’eau tiède.
- On introduit le tout dans un flacon à petit goulot, bien bouché et qui doit être complètement rempli.
- On agite de temps en temps, pendant quelques heures, puis on laisse reposer. Le liquide jaune supérieur est une dissolution d’indigo blanc dans l’eau de chaux ; le dépôt jaune est un mélange de sulfate de chaux et d’hydrate ferrique. Les phénomènes chimiques qui accompagnent cette réaction sont faciles à analyser.
- Une partie de l’hydrate de chaux décompose le sulfate de fer. L’hydrate de protoxyde de fer devenu libre décompose l’eau, se change en hydrate ferrique et l’hydrogène naissant se porte sur l’indigotine, enfin l’indigo blanc engendré s’unit à une autre portion de chaux, et se dissout sous forme de combinaison calcique.
- On a, en effet :
- Sulfate de Hydrate
- chaux. ferreux.
- 2C IP I °2) + 2II2 O — (l’ ^VI J 06+ IP
- Hydrate ferrique.
- 2(C8II3AzO) -f IP = C16H12Az202
- Indigotine. Indigo blanc.
- La cuve à la glucose se monte, d’après les indications de Fritzsche, en versant 125 grammes d’indigo en poudre fine
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- dans de l’alcool bouillant à 71 pour 100, dans un flacon de 6 kilog. de capacité; on ajoute 200 grammes d’une solution alcoolique concentrée de soude caustique, et on achève de remplir le flacon avec de l’alcool bouillant. On agite et on laisse reposer. Le liquide clair surnageant, étant décanté, donne, lorsqu’on l’agite àl’air, un précipité d’indigotine régénérée, formée de fines aiguilles cristallines cuivrées. C’est le seul moyen connu pour obtenir ce corps sous forme de cristaux, par voie humide, et c’est principalement dans ce but que l’on utilise ce procédé qui est plus dispendieux que le précédent.
- Indigo blanc. — Il est facile de préparer l’indigo réduit en solution alcaline ; l’obtention de ce corps, à l’état solide et pur, exige, au contraire, des soins délicats et minutieux.
- En effet, son oxydabilité à l’air est telle que pendant les manipulations nécessaires pour le précipiter, le laver,, le filtrer et le dessécher, il repasse presque entièrement à l’état d’indigotine bleue, à moins que l’on ne se mette tout à fait a l’abri de l’air.
- M. Dumas a résolu ce difficile problème en suivant la marche que voici, qui peut être recommandée comme modèle, pour tous les travaux de ce genre.
- On monte une cuve au sulfate de fer, avec 500 grammes d’indigo, dans un tonnelet bien fermé.. Au bout de deux jours de repos, on siphonne la partie claire dans des flacons remplis d’avance avec de l’acide carbonique, et au fond desquels on a versé la quantité d’acide chlorhydrique non aéré, nécessaire pour saturer la chaux et précipiter l’indigo blanc ; chaque flacon doit être exactement rempli ; il est ensuite bouché et immergé dans une cuve pleine d’eau, jusqu’à ce que l’indigo blanc se soit déposé ; on enlève le liquide clair au siphon ; le dépôt est jeté sur un filtre qui s’égoutte sous une cloche remplie d’acide carbonique. Le lavage s’exécute avec de l’eau froide, débarrassée d’oxygène par une longue ébullition, suivie d’un refroidissement dans des flacons pleins
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- et bien bouchés ; enfin, on sèche dans le vide d’une bonne machine.
- Ainsi préparé, l’indigo blanc se présente sous forme d’une masse cohérente, blanc grisâtre, à éclat soyeux ; sans odeur ni saveur; insoluble dans l’eau, soluble en jaune dans l’alcool, l’éther, les alcalis et les terres alcalines.
- Au contact de l’air, il bleuit peu à peu, jusqu’au centre; beaucoup plus lentement, cependant, que si le produit était humide. Les agents oxydants produisent le même effet. A une température relativement peu élevée, il passe brusquement au bleu, au contact de l’air. La chaleur sèche le décompose en l’absence de l’oxygène, avec production de charbon et d’un léger sublimé d’indigotine.
- L’acide sulfurique concentré le dissout avec une coloration pourpre foncé ; après addition d’eau, on obtient une solution d’acide sulfindigotique.
- Les affinités acides de l’indigo blanc, suffisantes pour permettre sa dissolution dans les alcalis, les carbonates alcalins et les bases alcalino-lerreuses, sont cependant assez faibles, car l’attraction émanée d'une fibre textile, suffit pour déteiv miner sa précipitation et la décomposition du sel.
- La plupart des sels métalliques donnent, avec les solutions alcalines d’indigo blanc, des précipités blancs, quelquefois cristallins et assez denses, que l’on peut considérer comme des combinaisons d’indigo blanc avec les oxydes métalliques correspondants.
- Tels sont les sels de : magnésie, alumine, zinc, ferrosufn, cobalt, manganèse, plomb, argent, étain au minimum. Les sels de cuivre agissant vis-à-vis de l’indigo blanc comme des oxydants énergiques qui le ramènent à l’état d’indigotine, ne peuvent être cités ici. Le précipité stanneux reçoit des applications dans l'impression d’un bleu dit bleu solide.
- D’après Berzelius, l’indigo blanc forme avec la chaux deux combinaisons, l’une soluble, l’autre insoluble et contenant un excès de chaux. Ce fait, s’il est exact, serait important en
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- pratique ; car, si dans le montage d’une cuve à la couperose on ajoutait trop de chaux, une partie de l’indigo devrait se précipiter au fond et rester inactive.
- Action des alcalis sur l'indigotine. — Une lessive concentrée et bouillante (densité — 1,45) de potasse caustique dissout l’indigo avec une couleur orangée.
- Le liquide additionné d’eau est jaune brunâtre au début ; il dépose de l’indigotine au contact de l’air et retient de l’isatate de potasse (isatine + hydrate de potasse).
- Il se produit à la fois une oxydation et une réduction de l’indigotine, d’après l’équation :
- 3C8H5AzO+KHO-f H20 = C8H6AzK0s-fCl8H12Az202
- Isalate Indigo blanc,
- de potasse.
- Et c’est l’indigo blanc qui en se réoxydant donne lieu au dépôt bleu d’indigotine.
- L’indigotine fondue avec l’hydrate de potasse dégage de l’hydrogène et se convertit en acide anthranilique (C7H7Az02); chauffée à 300° avec la potasse caustique solide, elle donne de l’acide salycilique (G7H603) ; enfin, par la distillation avec la potasse caustique, on obtient de l’aniline.
- (C6H7Az).
- Toutes ces réactions dénotent des rapports évidents entrel’in-digotine et le groupe phénique. Eu effet, l’acide salycilique se forme par la combinaison de l’acide carbonique etduphénate
- de soude f ^ ^ j O -f- GO2 = G7HsNa03 salycilate de soude.
- L’acide anthranilique peut être considéré comme de l’acide phényl-carbamique (CH3Az702 acide carbamique — CH2 = (C6H5)Az02 acide anthranilique). Nous avons déjà vu que l’aniline représente la phénylamine.
- AzH2(C6H8).
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- Action du chlore, du brome et de l'iode. — Ces corps n agissent pas à sec sur l’indigotine. En présence de l’eau, le chlore et le brome déterminent l’oxydation et la transformation en isatine. Celle-ci, à son tour, est modifiée et convertie en dérivés de substitution chlorés ou bromés (chlorisatine, bromisatine). L’iode est sans influence à sec, et en présence de l’eau.
- Dérivés sulfuriques de l'indigotine. — L’acide sulfurique concentré, au moins à 66° Baumé, réagit sur l’indigotine, et donne des dérivés sulfuriques ou des acides sulfoconjugués. Suivant la durée du contact, la température du mélange, la nature et la proportion de l’acide (acide ordinaire, acide fumant), on obtient soit de l’acide sulfopurpurique (C16H10-. Az20'2,S03), soit de l’acide sulfindigotique (C8H5AzO,S03). Berzelius signale encore l’existence d’un troisième acide sulfoconjugué, dont la composition n’est pas connue, acide hyposulfindigotique.
- Acide sulfopurpurique, sulfophénicique, phénicine, pourpre d indigo. — G est le premier terme de l’action de l’acide sulfurique sur l’indigotine. Pour peu quel’on prolonge le contact des deux corps réagissants, il se transforme en acide sulfindigotique, surtout lorsqu’on emploie l’acide fumant. Quelles que soient, du reste, les conditions où l’on se place, il est impossible de l’obtenir exempt de son congénère.
- Contrairement aux affirmations de la plupart des auteurs (Berzelius, Gerhardt, etc.),M. Cam. Kœchlin (1) dit qu’avec
- l’acide sulfurique fumant J O3^, on n’obtient pas
- d’acide sulfopurpurique, même en ajoutant de l’eau très-peu de temps (quelques minutes) après le mélange. Ce chimiste prescrit d’employer l’acide sulfurique à 66° du commerce. Cet acide donne le pourpre d’indigo, quelles que soient ses proportions, mais pour que la transformation de l’indigo
- (1) Bulletins de la Société industrielle de Mulhouse, t. XXIV, p. 331.
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- soit complète, il faut faire intervenir au plus 1 /20 de ce dernier corps. On délaye l’indigo finement pulvérisé, de manière à former une masse homogène. De temps à autre, on verse une goutte de liquide bleu, dans une grande quantité d’eau. Lorsqu’elle se dissout entièrement avec une teinte violette, l’opération est terminée, et il faut se hâter de l’arrêter en versant le produit dans l’eau (40 à 50 parties), sans quoi le pourpre se convertirait progressivement en bleu (acide sulfindigotique).
- On peut aussi chauffer le mélange jusqu’à 40° et verser immédiatement dans l’eau. Si cette température était maintenue plus longtemps, on déterminerait la métamorphose du pourpre en bleu.
- L’acide sulfopurpurique, peu soluble dans un liquide acide, se précipite en flocons rouges que l’on recueille sur un filtre, et qu’on lave avec de l’eau aiguisée d’acide chlorhydrique. Cette purification ne suffit pas. Le produit reste encore mélangé d’ une partie bleue, qui se révèle dans la teinture de la laine. Celle-ci immergée dans un bain d’acide sulfopurpu-rique, ainsi préparé, se teint en bleu assez semblable au bleu cuvé. La fibre étant ensuite lavée en solution alcaline de carbonate de soude, passe au violet rougeâtre ou pourpre, en abandonnant à ce bain une matière colorante bleue (acide sulfindigotique).
- L’épuration dupourpre peut encore s’effectuer, en utilisant l’inégale solubilité des sels de potasse ou de soude des deux ucides conjugués. Le sulfopurpurate est beaucoup moins soluble; après neutralisation, un lavage suffisamment prolongé entraînera tout le bleu, et le résidu acidulé teindra la Line en pourpre, sans que l’on ait besoin de recourir à un boitement alcalin de la fibre colorée.
- Les solutions aqueuses d’acide sulfophénicique sont Leues ; elles donnent des précipités floconneux pourpres, lorsqu’on les neutralise par un acétate ou un carbonate Lcalin. Ses sels alcalins sont rouges, à l’état sec, et bleus
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- en solations ; ils sont peu solubles dans l’eau. Ainsi, le sel de potasse exige 100 parties d’eau. L’acide sulfophénicique en solution, même étendue, précipite, par les sels de chaux, de magnésie, d’alumine, de fer, d’étain et de cuivre. Les agents réducteurs, chlorure stanneux, albumine, etc., le décolorent ; le liquide reprend sa teinte primitive à l’air.
- L’acide sulfurique concentré le transforme en acide sul-ûndigotique. Réciproquement l’acide sulfindigotique, en contact avec de l’indigo, régénère l’acide sulfopurpurique. Par une ébullition prolongée dans l’eau, ou mieux dans l’eau acidulée, il se transforme partiellement en bleu. Avec une eau alcalinisée chaude, il passe au bleu verdâtre. Il résiste à froid aux alcalis, tandis que l’acide sulfindigotique passe au jaune.
- Acide sulfindigotique. — G8H5Az0,S03. Il représente le terme ultime de l’action de l’acide sulfurique sur l’indigo-tine. Il est donc toujours facile de l’obtenir d’une manière constante, en employant l’acide sulfurique, à 66°, 15 à 20 parties, et en prolongeant assez la réaction que l’on peut favoriser par une légère élévation de température (40° à 50°); ou mieux en faisant usage d’acide fumant de Nordhausen (6 à 8 parties).
- Le liquide bleu (acide ordinaire) ou pourpre (acide fu-mant) est versé dans 30 à 40 fois son volume d’eau. L’acide sulfophénicique qui peut encore se trouver dans le mélange, se précipite, et la liqueur filtrée, d’un bleu foncé très-intense, retient l’acide sulfindigotique et une certaine proportion d’acide, hyposulfindigotique.
- Berzelius opère leur séparation, en les enlevant au bain au moyen de la laine.
- La laine teinte en bleu est mise à digérer dans une solution faible de carbonate d’ammoniaque qui redissout les deux acides colorants.
- On évapore à sec, au bain-marie à 50°, on épuise 1°
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- résidu par de l’alcool à 0,83 qui dissout l’hyposulfindigotate d’ammoniaque.
- La partiq, in soluble est redissoute dans l’eau, précipitée par l’acétate de plomb. Le sulfindigotate de plomb est décomposé, en suspension dans l’eau, par un courant d’hydrogène sulfuré. En filtrant pour séparer le sulfure de plomb, on obtient un liquide incolore qui s’oxyde à l’air et bleuit. Par l’évaporation à 50°, l’acide sulfindigotique reste sous forme d’une masse amorphe, bleue, hygroscopique, de saveur acide et astringente, à odeur spéciale agréable. Il est fort soluble dans l’eau et l’alcool.
- Les sulfindigotates sont bleus en solution, à reflet cuivré très-prononcé à sec, amorphes ; on les prépare par combinaison directe ou par l’action de l’acide sur un carbonate ou un acétate ; les sulfindigotates peu solubles ou insolubles peuvent encore s’obtenir par double décomposition. Les composés alcalins sont très-peu solubles dans une eau chargée d’unsel neutre sulfates, chloruresdepotassium oudesodium), et seprécipitent, sous forme de flocons bleus, lorsqu’on ajoute un de ces sels à leurs dissolutions (voir carmin d’indigo).
- . { : Jt » ili x‘ [ Y( : <, oiiji , ;
- Sulfindigotate de potasse. Soluble dans 140 parties d’eau.
- Sulfindigotate de soude. Un peu plus soluble.
- Sulfindigotate de baryte. Très-peu soluble à froid, plus soluble à chaud.
- Sutfmdigotates de chaux, de magnésie, d’alumine. Fort solubles.
- Sulfindigotate de plomb. Insoluble.
- Les agents réducteurs acides (mélange de zinc et d’acides sulfurique ou chlorhydrique, sel d’étain, acide iodhydrique, acide sulfhydrique (à 50°), zinc et acide sulfureux, etc.) décolorent les solutions d’acide sulfindigotique. Les réducteurs alcalins réduisent les solutions de sulfindigotates avec la plus grande facilité. Le liquide incolore repasse au bleu au contact de l’air.
- Acide hyposulfindigotique. On le prépare en précipitant
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- par l’acétate de plomb la solution alcoolique du sel ammoniacal, et en décomposant le précipité par l’hydrogène sulfuré.
- Il ressemble beaucoup à l’acide sulfindigotique, et ne s’en distingue réellement que par la solubilité des sels alcalins dans l’alcoo] à 0,83. Il n’a, du reste, qu’une faible importance pratique.
- Berzelius et M. Gros-Renaud ont étudié les modifications des acides sulfoconjugués de l’indigo, sous l’influence des alcalis, ou des terres alcalines. Les résultats obtenus prouvent que ces produits bleus sont susceptibles de fournir des dérivés rouges, jaunes, verts et violets, teignant la laine sans mordant et dont l’histoire plus approfondie mériterait d’être reprise.
- Voici en résumé les faits observés :
- L’hyposulfindigotate de baryte, évaporé au bain-marie, devient vert. Le résidu, très-soluble dans l’eau et l’alcool, donne par le sous-acétate de plomb un précipité vert-grisâtre, d’où l’hydrogène sulfuré dégage un acide, dont les solutions sont vertes par réflexion et rouges par transparence, (acide sulfoviridique).
- Le sulfindigotate de potasse chauffé en vase clos avec 30 parties d’eau de chaux, donne une liqueur pourpre. En précipitant l’excès de chaux par un courant d’acide carbonique, filtrant, évaporant à sec, lavant à l’alcool et reprenant par l’eau, on obtient une belle solution pourpre foncé qui, par l’acétate de plomb, donne un précipité rouge brun. Celui-ci, décomposé par l’hydrogène sulfuré en présence de l’eau, donne, après séparation du sulfure, un liquide pourpre, laissant après évaporation une masse brune amorphe (acide sulfopurpurique).
- Le sulfindigotate de potasse, traité par l’eau de chaux, en présence de l’air, passe au rouge, puis au jaune. En saturant la chaux par l’acide carbonique, au moment où le liquide est rouge, en filtrant et en évaporant à sec, on obtient
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- un résidu brun, d’où l’alcool à 0,82 extrait un composé jaune. Cette liqueur donne avec l’acétate de plomb un précipité jaune qui, décomposé par l’hydrogène sulfuré, se réduit en sulfure et acide sulfoflavique jaune, cristallisable par l’évaporation de ses solutions.
- Le résidu, qui a cédé à l’alcool l’acide sulfoflavique, se dissout en rouge dans l’eau. La solution ne précipite pas par l’acétate neutre, mais par l’acétate basique de plomb. Le précipité, décomposé par l’hydrogène sulfuré, fournit un acide rouge (sulforufique), insoluble dans l’alcool absolu, et un acide jaune rougeâtre, soluble dans ce véhicule (acide sulfofulvique) ; tous deux sont amorphes, et solubles dans l’eau.
- M. Gros-Renaud (1) a de son côté observé des faits analogues. Du carmin d’indigo (sulfindigotate de soude du commerce), délayé dans l’eau et additionné de soude caustique à 38°, donne une liqueur jaune avec un précipité noir, soluble en bleu dans l’eau pure.
- Gette'liqueur jaune se modifie progressivement, à mesure gu’on la conserve plus longtemps.
- Saturé par un excès d’acide sulfurique à 66°, quelques heures après sa préparation, le liquide passe au bleu stable. Si l’addition d’acide sulfurique n’est faite que 24 heures aPrès, la liqueur prend une teinte verte passant au vert rougeâtre, puis au violet.
- Au bout de 48 heures, la solution jaune, acidifiée fortement, devient rapidement d’un rouge très-intense, en traversant plusieurs teintes intermédiaires.
- Le liquide rouge, incomplètement saturé par le carbonate de soude, teint directement la laine non mordancée, en Nuances variant du rose à l’amarante foncé, suivant la concentration du bain, la durée de l’immersion et la température.
- A
- t ') Bulletins de la Société industrielle, t. XXIV, p. 343
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- La solution violette, fournie par une macération de 24 heures seulement, teint la laine en violet.
- La matière rouge diffère essentiellement de l’acide sulfo-phénicique ou sulfopurpurique.
- Elle est beaucoup plus soluble dans l’eau, devient immédiatement jaune par l’addition d’une petite quantité de soude caustique, et repasse à l’amarante par neutralisation sulfurique. Elle ne précipite pas par l’acétate neutre de plomb. La laine teinte en amarante, avec elle, cède la matière rouge à l’acide sulfurique concentré ; tandis que l’acide sulfopurpurique, fixé sur laine, donne, dans les mêmes conditions, une liqueur bleue. Enfin elle n’exige pas de virage alcalin, pour produire les nuances roses et amarantes.
- En faisant agir la soude caustique, pendant trois jours, sur un mélange d’acides sulfindigotique et sulfophénicique, on obtient, par la sursaturation avec l’acide sulfurique à 66°, une liqueur rouge et un précipité brun jaunâtre. Celui-ci) par des lavages suffisants et fractionnés, donne des liqueurs qui produisent à la teinture des nuances jaune clair et jaune foncé, suivant que le lavage est plus ou moins avancé.
- Jusqu’à présent, tous les efforts tentés dans le but de régénérer l’indigotine, aux dépens de ses dérivés sulfuriqueS) ont échoué.
- Action du chlorure de benzoïle. — Chauffée avec du chlo-rure de benzoïle, à 180°, l’indigotine se transforme, avec dégagement d’acide chlorhydrique, en une substance brune) fusible à 108°, soluble dans l’alcool et l’éther, et offrant la composition de l’indigotine benzoïque :
- C8H',(C7H50)Az0 (1).
- Isatine. — L’isatine est encore une matière colorée, inal&
- (I) Comptes rendus de VAcadémie, LVI, 1050. MM. A. Schwartz Scliützenberger. ,
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- INDIGOTINE.
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- elle ne peut plus compter parmi les produits tinctoriaux utiles ; nous n’en dirons donc que quelques mots, comme d’un dérivé immédiat de l’indigotine, formé, dans quelques applications industrielles de ce corps (enlevages sur fonds bleus cuvés, par divers oxydants).
- Elle prend naissance, en général, sous l’influence des oxydants, chlore et eau, acide azotique étendu, acide chromique, ferricyanure de potassium et alcalis caustiques, etc.
- On la prépare le mieux, en délayant 1 kilogramme d’indigo dans l’eau, de manière à former une bouillie, et en ajoutant peu àpeu, pendant quel’on chauffe, 600 à 700 grammes d’acide nitrique ordinaire. Lorsque la couleur bleue a disparu, on ajoute beaucoup d’eau, on porte à l’ébullition et on filtre à chaud. L’isatine se sépare par le refroidissement en croûtes brunes impures.
- Pour séparer une substance résineuse demi-fluide, assez abondante, qui l’accompagne, on dissout le dépôt brut dans la soude, on neutralise exactement par l’acide chlorhydrique et on filtre immédiatement. Dans ces conditions, la résine se sépare entièrement, et il suffit d’aciduler davantage le liquide orangé filtré, pour voir l’isatine se séparer en cristaux d’un beau rouge orangé.
- L’isatine est peu soluble dans l’eau froide, plus soluble à chaud, soluble dans l’alcool, l’éther, la benzine.
- Sa composition est représentée par la formule :
- C8H3Az02 = C8H3AzO -f O.
- lsatine. Indi^otiue.
- A froid, l’hydrogène naissant la transforme en un corps blanc très-peu soluble, l’isatyde, qui présente avec elle les mêmes rapports que l’indigo blanc avec l’indigotine.
- 2C8H3Az02 -f li2 = C,6H12Az2Oh
- lsatine. Isatyde.
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- L’isatine et l’isatyde chauffées à 130°, en vase clos, avec de l’acide iodhydrique, ou de l’eau et du biiodure de phosphore, se convertissent en un mélange de plusieurs produits insolubles, qui sont : l’un rouge (isatopurpurine), soluble dans l’alcool et l’éther; l’autre jaune (isatoflavine), insoluble dans l’éther, soluble dans l’alcool ; le troisième vert foncé, insoluble dans l’alcool et l’éther.
- Ces produits dérivent de l’isatine par élimination d’oxygène. Ils peuvent être considérés comme des polymères de l’indigotine avec plus ou moins d’oxygène en excès.
- J’espérais arriver, par cette réaction, à reproduire l’indigotine, aux dépens de l’isatine, mais je n’ai pas observé trace de formation de ce produit.
- La potasse convertit l’isatine en acide isatique :
- CTFAzO2 4- H20 = C8H7Az03.
- Le chlore, en présence de l’eau, donne la chlorisatine, la bichlorisatine ; avec le brome, on a la mono-bromisatine et la bibromisatine.
- L’isatine s’unit à l’ammoniaque, avec élimination d’eau, et fournit plusieurs dérivés.
- Imésatine................. C8H6Az20
- Imasatine................. C16H11Az303
- Acide isamique............ C16H13Az304
- Isamide................... C16Il14Az403
- Isatimide................... Cî4H1Az508
- En présence de la potasse ou de l’ammoniaque, l’acide sulfureux se combine à l’isatine pour former des composés particuliers, connus sous le nom d’isatosulfites.
- (C8H6MAz03,S02).
- L’isatyde et l’hydrogène sulfuré se combinent pour donner :
- 1° La sulfisatyde :
- C16HlsAz203S;
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- INDIGOTINE. 53 7
- 2° La bisulfisatyde,
- C16Ht2Az80!S2.
- (Le soufre remplace en partieToxygène de l’isatyde). Par l’action de la potasse caustique sur l’isatyde, M. Laurent a obtenu un corps rouge (indine) G16H10Az202 assez voisin de l’isato-purpurine, mais non identique avec elle. Une solution alcoolique de potasse convertit l’indine ou les sulfisiatydes en hydrindine C32H22Az404, corps blanc ou jaune clair, et en flavindine, corps jaune.
- Les produits, obtenus ainsi par Laurent, se rapprochent beaucoup de ceux que j’ai récemment préparés par la réduction de l’isatine par l’acide iodhydrique. M. Schlieper a préparé l’acide sulfisatique par l’oxydation de l’acide sulfindi-gotique, et a démontré, en général, qu’aux dérivés sulfuriques de l’indigotine, correspondent des combinaisons analogues pour l’isatine.
- Histoire naturelle et 'préparation de l’indigo. — L’indigo est un produit d’origine végétale ; on considère aussi, comme de l’indigo, la matière bleue qui se développe dans certaines urines pathologiques ou dans les suppurations bleues.
- Les plantes qui fournissent l’indigo sont assez nombreuses, et n’appartiennent pas toutes à la môme famille. Aucune d’elles ne contient la matière colorante toute formée. C’est aux dépens d’un principe spécial, incolore, dont nous parlerons plus loin, et sous l’influence d’une espèce de fermentation, que l’indigotine prend naissance.
- Plantes à indigotine. — Les plus importantes appartiennent à la famille des légumineuses et au genre indigofera.
- Indigo fera et produits dérivés. —Les espèces cultivées et tes plus estimées sont :
- Yl Indigofera tinctoria ; Y Indigofera disperma; Ylndigo-fera anil ; Y Indigofera argentea.
- Parmi les espèces moins fréquemment exploitées, nous
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- avons les Indigoferapseudotinctoria, hirsuta, scricea, cyti-soïdes, angustifolia, trifoliata, glabra, glauca, etc.
- Caractères botaniques. — Galice quinquéfide et ouvert, étendard ou pétale supérieur arrondi et recourbév Carène éperonnèe des deux côtés ; une étamine libre ; style lisse ; gousse étroite, renfermant beaucoup de graines ovales.
- Plantes herbacées ou à tige ligneuse, peu élevée et rameuse dès la base ; feuilles simples ou pennées ; fleurs petites, réunies en grappes naissant à Faisselle des feuilles, colorées en rouge, bleu ou blanc.
- Indigofera tinctoria. — Tige unique, demi-ligneuse et lisse, droite, cylindrique, de la grosseur d’un doigt, d’une hauteur de
- 1 mètre à i mètre et demi, se ramifiant à la partie supérieure ; feuilles bipennées à 6 ou 8 paires, avec une feuille impaire à l’extrémité, ovales, allongées et lisses ; fleurs en grappes plus courtes que les feuilles, roses; gousses cylindriques, bosselées, de
- 2 centimètres, environ, de long et de 2 à 3 millimètres de diamètre, noires et groupées ensemble d’une manière assez serrée ; semences noir verdâtre, de la grosseur d’un grain de poivre, ayant la forme d’un tambour.
- La racine se développe et s’étend beaucoup.
- La plante répand une odeur assez forte vers le soir, dans les champs où on la cultive. Les feuilles ont un goût désagréable et se putréfient rapidement dans l’eau.
- La plante est originaire du royaume de Cambaja ou Guze-rat, mais elle se cultive dans l’Indoustan, la Chine, l’île de Java, en général dans les Indes orientales. Les Espagnols Font transportée dans l’Amérique du Sud et aux Indes occidentales.
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- Elle peut être acclimatée dans tous les pays chauds.
- \d Indigofera argentea ou indigotier d’Égypte, a des feuilles blanches couvertes d’un duvet, réunies par une ou deux paires seulement, gousses aplaties à deux ou quatre semences. On le cultive en Égypte et en Arabie.
- Nous ne donnerons pas de description spéciale des autres espèces, qui se rapprochent toutes, plus ou moins, des deux précédentes, et dont l’importance est moindre. Les caractères généraux du genre Indigofera suffiront pour elles.
- Aux Indes, la culture de l’indigotier se fait par semis dans une terre bien labourée, argilo-siliceuse. On sème soit au printemps, soit en automne, suivant l’espèce de plante ; les unes poussant plus lentement, et ayant besoin de rester plus longtemps en terre que d’autres. La nature du terrain et la position par rapport aux rivières influent aussi sur l’époque de la mise en terre des graines. Dans les terres basses, sujettes à inondations, l’indigo doit être prêt à être coupé au moment des crues et des inondations, qui détruiraient la récolte en très-peu de temps. C’est du reste à l’époque des pluies, que le fabricant dispose d’assez d’eau, pour commencer son travail et qu’il convient de commencer la coupe. C’est donc suivant l’élévation du terrain et le danger qu’il court d’être inondé, qu'il faut régler le moment où l’on pourra couper la plante. Les parties les plus élevées sont ensemencées plusieurs semaines après les premières.
- Les Chinois repiquent les jeunes plantes et les disposent en rangées parallèles, en tenant toujours le terrain bien net de parasites. En enlevant les bourgeons floraux avant leur développement, on augmente la croissance des feuilles, et partant le rendement en indigo, car c’est dans les feuilles que se trouve surtout la matière colorante.
- Dans certaines localités, on casse les feuilles qui ont acquis une teinte vert bleu ; mais le plus souvent, on coupe la plante entière, à ras de terre, aux mois de juin ou de juillet, alors que les fleurs commencent à s’ouvrir. Ce qui reste re-
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- pousse assez rapidement, et peut fournir une seconde et même une troisième, plus rarement une quatrième coupe. La qualité du produit diminue avec le numéro de la récolte.
- La plante appelée Nil, une fois coupée à la faucille et réunie en paquets, est mise en travail le soir même.
- Le paquet est formé par le produit d’un espace de terre embrassé par une chaîne de 2,75 mètres de long. La valeur de la matière première change avec la nature du terrain. Ainsi l’un produit une plante qui a beaucoup de tiges et peu de feuilles, un autre donne au contraire beaucoup de feuilles et peu de tiges.
- La richesse en matière colorante dépend de la quantité de feuilles, mais elle peut aussi varier, à poids égaux de feuilles, suivant une foule de circonstances atmosphériques et autres.
- On donne le nom d'indigoteries ou factoriss, aux fabriques d’indigo de l’Inde (bas Bengale).
- M. A. Koechlin-Schwartz (1) a publié d’intéressantes données sur la préparation de l’indigo dans le bas Bengale.
- Dans ce pays, qui fournit d’excellent indigo, la factory renferme, outre les filtres, des presses, une chaudière, un séchoir et des réservoirs d’eau, deux rangées superposées, de 15 à 20 cuves chacune. Ces cuves sont en maçonnerie, murées en briques et recouvertes d’une forte couche de stuc, très-solide et très-bien fait ; elles sont carrées, de 6 mètres à 6,5 mètres de côté,sur 90 centimètres àl mètre de profondeur. La rangée de derrière est de 90 centimètres environ au-dessus de celle de devant. C’est dans la rangée supérieure que l’on fait fermenter la plante. Quand cette opération est terminée, on ouvre un robinet, et le liquide coule dans la cuve inférieure.
- L’eau du Gange, relativement pure et par cela même très-propre au travail, arrive par une prise d’eau dans des bassins de dépôt, où elle se clarifie, et est de là distribuée par un canal commun aux cuves de la rangée supérieure.
- (1) Bulletins de la Société industrielle, t. XXVIII, p. 307.
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- La plante, coupée le matin et liée en paquets, arrive l’après-midi à l’indigoterie, et le soir on charge les cuves. Une cuve contient 100 paquets, bien rangés les uns à côté des autres; par-dessus on met de grandes traverses en bois, qu’on presse sur la plante, au moyen de gros coins. Il faut que la plante soit très-serrée, sans quoi la fermentation ne marche pas bien. A la nuit tombante, on ouvre une vanne qui permet à l’eau de s’introduire dans les cuves et de les remplir, jusqu’à submersion complète de la plante.
- La fermentation est plus ou moins longue, suivant la température. Sa durée varie de 9 à 14 heures. On juge de la marche de l’opération, en soutirant un peu de liquide dans la cuve inférieure. S’il est jaune-paille clair, au moment de la sortie, il fournira un produit moins abondant, mais plus pur, que s’il est jaune d’or trouble.
- Au moment de sa sortie de la cuve de fermentation, le liquide est jaune plus ou moins foncé. On laisse reposer quelques instants, et douze hommes nus, armés de longs bambous, entrent dans la cuve pour battre l’eau, pendant, qu’elle est encore chaude. Pendant ce temps, on vide la cuve supérieure, et on la nettoie pour l’opération suivante. Une cuve exige 17 ouvriers (12 hommes et 5 femmes). On bat l’eau pendant 2 à 3 heures. Le liquide passe peu à peu au vert pâle, et l’indigo se trouve en suspension sous forme de petits flocons. On laisse reposer une demi-heure, puis on décante peu à peu, en ôtant les uns après les autres les bouchons placés à différentes hauteurs. L’eau retourne à la rivière, et le précipité, sous forme d’une bouillie assez urince, se rend par une rigole dans une fosse.
- Au moyen d’une pompe à bras, on monte cette bouillie et on la fait cuire pendant un moment, pour éviter une seconde fermentation, qui gâterait la qualité du produit, en le rendant noir.
- On laisse reposer 20 heures environ, le lendemain matin °u recommence à cuire et on maintient l’ébullition pendant
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- 3 à 4 heures. De là on fait couler le dépôt bouillant sur un grand filtre où il s’égoutte. Ce filtre se compose d’une cuve en maçonnerie, recouverte de stuc, de 6 mètres à 6,5 mètres de long, sur 2 mètres de large et 90 centimètres de profondeur. On la couvre de bambous sur lesquels on étale des nattes de joncs serrées, et enfin une grande toile forte et tendue.
- Il reste, sur celle-ci, une pâte épaisse, bleu foncé, presque noire. L’eau qui a coulé dans la cuve, dépose de l’indigo passé à travers le filtre ; on décante après repos, et la partie trouble est cuite le lendemain avec de l’indigo frais.
- La pâte du filtre est introduite dans de petites caisses en bois, solides, percées de trous et garnies en dedans d’une toile de coton très-forte. On récouvre d’un morceau d’étoffe, puis d’un couvercle en bois, percé de petits trous, et on soumet à l’action d’une presse à vis, en serrant peu à peu, pour faire écouler le plus d’eau possible.
- On retire de la boîte un pain ayant la dimension d’un pain de savon blanc de Marseille. L’eau exprimée rentre dans la cuve à filtre pour être cuite avec de l’indigo frais. La dessiccation des pains demande à être faite lentement.
- Le séchoir est un grand bâtiment en maçonnerie, assez élevé, percé de beaucoup d’ouvertures garnies de jalousies serrées, pour empêcher la lumière directe du soleil de pénétrer dans l’intérieur. On a même soin de l’entourer de grands arbres touffus.
- Un pain met de trois à cinq jours à sécher ; après quoi on les emballe dans de petites caisses, et on les envoie à Calcutta, qui est le grand marché du Bengale.
- Une cuve donne 18 à25 kilogrammes d’indigo, si la plante est récoltée sur un terrain d’alluvion, et 16 à 32 si elle pr°' vient d’un terrain glaiseux, mais dans ce cas le produit est moins estimé.
- La plante fermentée ne sert plus que comme engrais ; elle reprendrait racine si on la replantait, mais elle ne donne-
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- rait plus que des produits de qualités inférieures et dont la valeur ne couvrirait pas les frais.
- Les détails que nous venons de donner s’appliquent aux fabriques dirigées par des planteurs européens. Les indigènes opèrent à peu près de même, mais avec beaucoup moins de soins ; aussi leurs produits sont-ils de qualités bien inférieures.
- Le produit moyen de la présidence du Bengale est d’environ 4000000 de kilogrammes par an.
- D’après Twist (1), on sèche dans cette localité les feuilles d’indigotier au soleil; puis on les fait macérer pendant quatre à cinq jours dans des cuves avec de l’eau pure, en remuant de temps à autre.
- Au bout de ce temps, on soutire le liquide, on laisse déposer, et la bouillie passée à travers une toile grossière, puis filtrée, est séchée au soleil (2). Ordinairement les paysans mélangent la pâte pure avec des terres de couleur bleue.
- Les Chinois, qui traitent la plante entière, ajoutent une certaine quantité de chaux éteinte en poudre, au liquide de la macération, et favorisent ainsi le dépôt. Suivant certains auteurs, ils sécheraient également au soleil (3). Il y a dans les provinces méridionales de la Chine, des cultures délndi-gofera très-étendues, surtout dans les Kouang-si, le Kouang-toung et le Fo-Kien.
- Théorie de la fabrication de T indigo. — Quels sont les
- (1) Descriptio Guzeratæ.
- (2) Je ne sais si cette indication que l’on retrouve dans plusieurs ouvrages, et notamment dans Gerhardt, est erronée et dérive de faux renseignements, toujours est-il qu’elle est en contradiction complète avec la description authentique du procédé suivi au bas Bengale. M. A. Kœclilin-Scliwartz, qui raconte ce qu’il a vu lors d’un séjour de quelques semaines dans une des meilleures indigoteries, recommande formellement la dessiccation à l’ombre. Dans tous les cas, l’action du soleil ne peut qu’altérer le produit.
- (3) Sloane, Trew Ehret, Gærtner, Lamark , Technologies. Voir encore Plagne (Annales maritimes, 1825). — Vilmorin, Journal d'agriculture pratique, I, 449. — Hervy, Journal de pharmacie, XXVI, 290.
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- phénomènes chimiques qui se passent pendant la fermentation de la plante ? Sous quelles influences et aux dépens de quels corps l’indigo se développe-t-il ?
- Jusqu’à présent, aucun chimiste n’a étudié la plante fraîche, et suivi avec attention les phases de l’opération faite en grand. Ce n’est que par induction et par analogie avec ce que l’on a observé sur d’autres plantes à indigo de nos pays, que l’on peut donner une explication probable mais non certaine.
- L’idée la plus prochaine serait de supposer, dans les feuilles de l’Indigoferais, présence d’indigotine hydrogénée, qu’une fermentation particulière dégagerait des tissus végétaux, en lui permettant de se dissoudre. L’agitation dans la seconde cuve, au contact de l'air, aurait alors pour but de déterminer l’oxvdation de l’indigo blanc. Cette interprétation, qui semble fondée sur les propriétés chimiques bien connues de l’indigo, rencontre cependant une objection sérieuse. Le liquide jaune, qui s’écoule des cuves de fermentation, a une réaction manifestement acide; d’un autre côté, nous savons que l’indigo blanc est insoluble dans un semblable véhicule, et ne se dissout qu’à la faveur des bases alcalines ou alcalino-terreuses.
- A moins d’admettre, par conséquent, l’existence d’un principe inconnu, capable de maintenir l’indigo blanc en solution, jusqu’à ce qu’il ait subi une oxydation à l’air, on ne comprendrait pas la possibilité de l’existence de l’indi-gotine hydrogénée dans la plante. M. Schunclc a retiré de Y Isatis tinctorici, un principe très-soluble dans l’eau et l’alcool, espèce de glucoside, susceptible de se dédoubler sous l’influence des acides étendus, des alcalis et même spontanément, pendant l’évaporation de ses solutions, en une espèce de sucre (indiglucine) et en indigotine.
- 11 donne à ce produit le nom d’indican, en lui attribuant la formule
- C26H31Az017.
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- On a en effet
- 1ND1GOTINE.
- o 4 5
- C26H31^017 ,-f 2IPO = C8HsAzO -f 3(C,6H10O6)
- Indican. Indigotiue. ludigluciue.
- Il est très-possible que cet indican existe, non-seulement dans Y Isatis tinctoria, mais encore dans les indigofera et en général dans toutes les plantes à indigo.
- La fermentation commencée dans les cuves à macération où l’indican se dissout, continuerait dans les cuves à agitation, favorisée par l’accès de l’air, et elle aurait pour résultat de déterminer le dédoublement du glucoside. Cette interprétation semble la mieux fondée. Il se forme en même temps d’autres produits, bruns, jaunes, rouges, qui restent mélangés à l’indigo. Les différentes espèces du genre Indigofera servent presque seules à la préparation de l’indigo, en raison de leur plus grande richesse en matière colorante. Les autres plantes, susceptibles de fournir de l’indigotine, sont plus souvent utilisées directement dans la teinture en bleu, que traitées pour indigo.
- Les plus importantes sont :
- Le pastel ou Isatis tinctoria ;
- Le Polygonum tinctorium ou renouée des teinturiers ;
- Le Nerium tinctorium ou laurier-rose des teinturiers.
- Citons encore : L’Asclepias tingens (famille des asclé-piadées), YEupatoriurn tinctorium (composées), le Galega tinctoria (légumineuses) ; plusieurs espèces d’orchidées , dont la section fraîche se colore en bleu au contact de l’air [Limodorum veratrifolium, Tankervillia cantonensis), le klarsdenia tinctoria ;le Spilanthus tinctorius.
- Le pastel, vouède, Isatis tinctoria, est une plante de la famille des crucifères. Elle est biennale. La racine est ligneuse.
- Tige lisse et squammeuse, de 1 mètre environ de hauteur etde 1 centimètre de diamètre.
- il
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- S46 TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- La touffe de feuilles nées à l’origine de la racine est très-fournie. Celles-ci sont un peu charnues, à saveur et à odeur fortes. Les feuilles adhérentes, à la tige sont lancéolées. La panicule florale est très-chargée. Les fruits sont des siliques.
- On enlève les feuilles au mois de juin de la seconde année, lorsque celles du bas commencent à jaunir. Il en repousse d’autres qui peuvent servir à une nouvelle récolte.
- Ces feuilles sont tantôt lavées et séchées, pour servir directement à la teinture. Souvent aussi on les réduit en pâte avec de l’eau, et on dispose cette pâte en tas de 90 centimètres à 1 mètre de hauteur. Au bout de quinze jours on façonne la pâte en boules de quelques centimètres de diamètre, que l’on sèche. Quel' quefois, la masse, triturée une seconde fois avec un peu d’eau, est soumise à une nouvelle fermentation, pendant laquelle il se développe de l’amffl0' niaque.
- La préparation ainsi obtenue est appelée pastel ou vouède. Les meilleurs produits viennent de Provence, du Languedoc, de Normandie. On trouve aussi dans le commerce des feuilles de pastel en ballots (coques ou coquai' gnes). En Allemagne, on consomme presque exclusivement le pastel de Thuringe, dont les tonneaux portent trois tours avec la marque 4,5.
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- INDIG0T1NE.
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- Le pastel de Bohême et de Hongrie est employé dans le pays même de production.
- Le pastel est fréquemment usité dans la teinture, en mélange avec l’indigo ordinaire. Certains fabricants prétendent même qu’ils ne peuvent obtenir, sans son concours, de belles nuances.
- Les boules doivent être légères, à odeur douceâtre, de couleur verte ou vert-jaunâtre, à section grasse et luisante; frottées sur un papier, elles doivent laisser une marque verte. Elles gagnent en valeur tinctoriale avec la durée de leur conservation. Au bout de 6 à 8 ans, leur richesse est presque doublée.
- On n’a pas cherché à retirer industriellement l’indigo du pastel.
- Voici par quel procédé M. Scbunck en extrait Yindican.
- On prépare un extrait alcoolique, en épuisant les feuilles par l’alcool froid. Le liquide, additionné d’eau, est concentré à la température ordinaire, sous l’influence d’un courant d’air, puis filtré et agité avec de l’hydrate de cuivre fraîchement précipité. On filtre ensuite, et on enlève l’oxyde cuivrique dissous par un courant d’hydrogène sulfuré. Le liquide filtré de nouveau est évaporé dans un courant d’air, à la température ordinaire. Il reste une masse sirupeuse, dont on extrait l’indican par l’alcool froid. Celui-ci sépare une masse brune. En ajoutant de l’éther à la solution alcoolique, on détermine la précipitation d’autres produits étrangers. Après filtration on évapore. L’indican, ainsi obtenu, offre l’apparence d’une masse sirupeuse, brun clair, à saveur amère, à réaction acide, soluble dans l’eau, l’alcool et l’éther.
- D’après Schunck, on trouverait l’indican dans l’urine normale et pathologique, ainsi que dans le sang de l’homme et du bœuf.
- L'Isatis indigotica, Tein-hoa, Tein-ching, croît dans la plupart des provinces de Chine et sert à la préparation d’une
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- espèce d’indigo se vendant en pâte visqueuse qui, séchée, ne fournirait plus qu’une couleur noirâtre. Ce produit sert à la teinture en bleu, à Canton, à Emouï, etc.
- Polygonum tinctoriwn, ou renouée des teinturiers.
- Plante herbacée de la famille des polygonées ; à feuilles alternes lancéolées. Les fleurs sont disposées en épis et portent sept étamines.
- Au dire de la plupart des auteurs, on prépare avec les
- feuilles de cette plante, en Chine, une variété très-estimée d’indigo. Les feuilles elles-mêmes servent directement à la teinture.
- Cependant la description donnée par M. Natalis Rondot du lan de Chine, exploité plus généralement à Canton, ne s’accorde pas avec le signalement des polygonées ; les feuilles sont opposées. Le lan serait plutôt une asclépiadée.
- On a tenté de nombreux essais pour acclimater en Europe 1 eP°‘ lygonum tinctorium, au moyen de semis faits avec des graines venues de Chine. L’opération a bien réussi, mais le rendement en indigo, 1/8 à 1 pour 10^ en moyenne 1/2 pour 100, a été trouvé trop faible pour que l’on ait donné suite à ces expériences (1).
- (1) Bulletins de la Société industrielle, t. XI, p. 186 ; fcll, 216 ; XIV, 2U* Journal de pharmacie, n° 5, mai 1840.
- Fig. 10.
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- M. E. Schwartz a, de plus, observé que l’indigo retiré du polygonum, par divers procédés, n’a qu’une richesse colorante moitié moindre que celle de l’indigo des Indes.
- Le rendement varie du reste, dans certaines limites, suivant l’âge de la plante, le climat, la température, la nature du terrain. Le sol le plus avantageux est celui des prairies humifères. Le polygonum se comporte, sous ce rapport, comme l’indigotier, qui se plaît dans les terrains d’allu-vion.
- L’extraction de l’indigo peut se faire comme avec l’indigotier, par macération de la plante dans l’eau et battage du liquide à l’air, avec ou sans addition de chaux. La simple expression du suc de la plante permet aussi de l’obtenir, car la matière colorable est en dissolution.
- Indigo (1). — L’indigo retiré par les procédés décrits pins haut, de diverses espèces du genre Indigofera, peut varier beaucoup quant à sa richesse et à ses qualités tinctoriales. Ce produit, en effet, dont la préparation ne laisse pas que d’être délicate, et exige beaucoup de soins, est fabriqué dans divers pays, avec des plantes d’espèces différentes, récoltées dans des conditions atmosphériques changeant d’une année à l’autre, et par des mains plus ou moins habiles. On comprend donc facilement que suivant que l’année aura été bonne ou mauvaise, suivant la nature du sol, les conditions atmosphériques, l’espèce cultivée et l’attention prêtée aux opérations, le produit offrira des aspects très-distincts.
- De là les nombreuses qualités d’indigo qui sont connues dans le commerce.
- M. Girardin donne, dans son Traité de chimie technologique (2), une nomenclature très-complète des indigos, en classant d’après leur origine, en :
- (1) Une grande partie des données pratiques relatives à l’indigo et à ses aPplications m’ont été fournies par M. E. Schlumberger.
- (2) T. II, p. 604.
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- 1° Indigos d’Asie (du Bengale, d’Oude ou de Coromandel, de Manille, de Madras, de Java).
- 2° Indigos d’Afrique (Égypte, Ile de France, Sénégal).
- 3° Indigos d'Amérique (Guatémala, Caraque, Mexique, Brésil, Caroline, Antilles).
- Les trois variétés les plus estimées, sont le Bengale, le Java et le Guatémala.
- Javas. — Ils se distinguent, en général, par la grande pureté de leur matière colorante ; ils renferment le minimum de matière organique extractive. Si, malgré cela, ils n’atteignent pas toujours une forte teneur en indigotine, cela tient à la présence de substances siliceuses minérales, mélangées à la pâte.
- Leur pâte est molle ; ils happent fortement à la langue ; leur densité est faible. Ils sont ordinairement d’un bleu pur, tendre et cendré dans les sortes les moins riches et d’un magnifique bleu violet dans les qualités supérieures. Ces dernières prennent aussi un beau cuivré par le frottement à l’ongle. Ils se placent, sans contredit, au premier rang, parmi tous les indigos, au moins sous le rapport de la finesse et de la beauté, si ce n’est pour la teneur en principe colorant bleu.
- Leur pureté, l’absence complète de carbonate de chaux et la petite quantité de matières organiques étrangères, qu’ils contiennent, les rendent très-propres à la préparation du carmin d’indigo ; aussi sont-ils recherchés pour cet usage-
- Ils se présentent généralement en carreaux aplatis ou cubiques, et arrivent en petites caisses de 20 à 60 kilogrammes. On les rencontre rarement en France.
- Bengales. — C’est l’indigo par excellence , car c’est dans cette espèce que l’on trouve les qualités les plus variées, depuis les plus belles et les plus riches, jusqu’aux plus ordinaires.
- L’indigo bengale arrive ordinairement, quand il n’a pas été modifié pendant son voyage par une avarie quelconque,
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- sous la forme de gros morceaux prismatiques, emballés dans des caisses en bois de la contenance de 130 à 140 kilog.
- Les qualités supérieures sont d’un bleu violet foncé, à pâte fine et unie ; ils happent à la langue ; se laissent facilement pulvériser, et prennent un beau cuivré sous le frottement de l’ongle. Leur cassure fraîche offre un magnifique reflet bleu pourpré. Leur teneur en indigotine ne dépasse cependant pas 72 p. 100.
- Viennent, ensuite, les indigos violets rouges, à ton pour-. pre, à cassure plus unie et plus luisante ; plus denses et plus durs.
- Le ton rougeâtre ne dérive pas d’une plus forte teneur en matière colorante, mais de la présence d’une plus grande quantité de matière extractive brune et rouge. Ces qualités ne sont pas à dédaigner. C’est parmi elles que l’on trouve d’ordinaire les indigos qui donnent les résultats les plus avantageux, dans le montage des cuves. Il semble, en effet, que le brun et le rouge d’indigo jouent un certain rôle dans la teinture en cuve ; qu’il peut se dissoudre et se fixer sur tissu, en même temps que l’indigotine, pour renforcer la nuance. Le fait est que la plupart des teinturiers préfèrent les indigos rouges aux autres.
- On rencontre aussi, parmi les bengales, l’espèce bleu clair, moins riche en matière colorante, mais aussi plus exempte de substances extractives. L’impureté est plutôt constituée par des matières minérales. Elle est moins dense, happe fortement à la langue et ne prend pas autant de cuivré que les espèces précédentes, par le frottement à l’ongle.
- Les plus mauvaises qualités de bengale, comme dans toute espèce d’indigo, sont les bleus clairs tirant sur le grisâtre ou le verdâtre ; cette coloration dénote la présence d’une grande quantité de matière extractive, différente du hrun d’indigo qui caractérise les variétés rouges, et complètement inerte. Ces indigos sont durs, denses, happent peu ou point à la langue, et ne prennent pas de reflets cuivrés.
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- Les connaisseurs habiles admettent jusqu’à 43 variétés d’indigo bengale.
- Les plus importantes, se classant dans l’une des trois catégories mentionnées plus haut, sont :
- 1° Indigo bleu surfin, léger ou flottant. — Pierres cubiques ou carreaux de 5 à 8 centimètres de côté.
- Couleur bleu vif ; léger, friable, spongieux, adhérent à la langue, doux au toucher, cuivrant sous l’ongle.
- Pâte nette et pure.
- 2° Indigo fin bleu. — Comme le précédent. Couleur un peu moins vive.
- 3° Indigo bleu^violet. —Un peu moins léger et friable. Nuance bleu violacé.
- 4° Indigo surfin violet.
- 5« Indigo surfin pourpre.
- (5° Indigo fin violet.
- 7° Indigo bon violet.
- 8° Indigo violet rouge.
- 9° Indigo violet ordinaire.
- \ 0° Indigo bon rouge tendre»
- 110 Indigo bon rouge.
- 12° Indigos fin cuivré, bon cuivré, cuivré ordinaire, bas cuivré.
- Indigos d’Oude ou de Coromandel. — Fabriqués dans une province intérieure de l’Indoustan. En pierres dures et peu cassantes. Pesants. Se rapprochent des moyennes qualités du Bengale.
- On les distingue en violet, cuivré et ordinaire.
- Indigos manille. — Légers, en pierres cubiques ou en carreaux plats, ou en morceaux irréguliers. Bleu clair franc; pâte fine. Us font effervescence avec les acides (carbonate de chaux). Ils rendent peu en teinture et sont plus particulièrement employés à l’azurage* Leur pauvreté dérive de la présence d’une terre légère, incorporée à la pâte. Caisses de 50 à 60 kilogrammes.
- Indigos madras. — Fin bleu, bleu violet mélangé, ordinaire* Caisses de 80 à 90 kilogrammes. Moins riches, aussi légers que les bengales. Happent peu à la langue. Carreaux cubiques, offrant l’empreinte de la toile sur laquelle reposait la pâte avant sa dessiccation.
- Indigos d’Amérique. Guatemala. — Ils sont ordinairement en petits morceaux irréguliers de forme et de grandeur, et arrivent en surons de peau ayant à peu près la demi-contenance des caisses de Bengale.
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- Abstraction faite de cette forme extérieure complètement différente, ces indigos se rapprochent beaucoup de ceux du Bengale : on y rencontre les mêmes qualités ; seulement elles sont souvent plus mélangées. Le bleu clair léger est plus rare, et quand on le rencontre, il est plus pauvre en matière colorante.
- Dans cette espèce, il faut se tenir en garde des rouges qui contiennent souvent une forte proportion de matière extractive brune.
- Il n’est pas rare de trouver, parmi les guatémala, de très-beaux échantillons bleu violet, le cédant à peine aux plus riches bengales. Malheureusement cette marchandise supérieure est ordinairement mélangée à des espèces inférieures ; ce qui en rend l’appréciation assez difficile. On les distingue en :
- Indigo guatémala flor. — Bleu vif, pâle unie, tendre, légère.
- Indigo guatémala sobre saliente.— Moins léger, pâte plus ferme, bleu moins beau.
- Indigo corte. — Pâte plus ferme, plus pesante; couleur rouge cuivré.
- Caraques. — Ressemblent beaucoup aux guatémalas; leurs qualités ou espèces se désignent par des noms analogues. Arrivent en surons de 60 à 70 kilogrammes.
- En général, ils sont moins estimés que les précédents.
- Meæiques.— Tiennent un rang intermédiaire entre les guatémalas et les caraques.
- Brésils. — Petits parallélipipèdes rectangulaires ou morceaux irréguliers, à cassure nette; pâte ferme, rouge cuivré plus ou moins vif. D’un gris verdâtre à l’extérieur.
- Caroline s. — Petits carreaux; gris à l’extérieur.
- Ils sont bien supérieurs aux précédents.
- Indigos d’Afrique, d’Égypte. — Fabriqués depuis une vingtaine d’années. Carreaux plats. Pâte fine, assez légère; violet tirant sur le bleu ou bleu pur.
- On les distingue en bon violet et l’ouge, ou en fin bleu.
- Indigos de l’Ile de France et du Sénégal. — Rares dans le commerce; généralement d’une bonne qualité.
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- Les indigos de qualités inférieures, caractérisés par une couleur sale, tirant plus ou moins sur le verdâtre, par une pâte grossière, inégale, très-dense, ne happant pas à la langue et ne cuivrant pas par le frottement, ne sont jamais employés avec avantage, même malgré leur bas prix. Il faut, dans ce cas, se guider uniquement d’après les résultats de l’analyse ; ainsi, on rencontre dans le commerce des échantillons dont la richesse en indigotine ne dépasse pas 12 à 14 p. 100. La présence d’une si forte proportion de matières étrangères entrave la réduction de l’indigo ; et en s’ajoutant au dépôt des cuves, elle occasionne des pertes de matière colorante.
- Dans tous les cas il faut rejeter, autant que possible, ces indigos, dans le montage des cuves à froid, servant à la teinture du coton et du lin.
- Ce sont les variétés moyennes de bengale et de guatémala, et surtout les variétés rouges, qui donnent, pour cette application, les résultats les plus avantageux.
- Les qualités inférieures, dont on vient de parler, offrent moins d’inconvénients pour le montage des cuves à chaud, employées pour la teinture de la laine, et c’est même là leur principal usage.
- Dans l’impression, les espèces supérieures et moyennes sont aussi à rechercher.
- Outre les dénominations précédemment énumérées, fondées sur le pays de fabrication, la couleur et les propriétés physiques de l’indigo, on se sert encore, dans le commerce de cette matière colorante, de diverses expressions, telles
- que :
- Indigo sablé (contenant des matières terreuses).
- — rubané (offrant des différences de coloration dispo-
- sées par bandes).
- — piqueté (couleur pointillée).
- — brûlé (l’indigo se réduit, sous la pression de la
- main, en fragments noirs).
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- Indigo grand carré (les carreaux ont été brisés en plusieurs gros fragnaents).
- • — demi-pierré (les carreaux sont brisés en deux).
- — en grabeaux (les carreaux sont brisés en petits
- fragments).
- — froid (ne happe pas à la langue).
- Appréciation de la richesse et de la pureté des indigos. — Il est évident que la forme commerciale et le prix élevé de cette drogue doivent singulièrement prêter à la fraude et au désir illicite d’introduire des substances étrangères, dans la pâte.
- D’un autre côté, nous avons vu, que la qualité et la richesse des produits dépendent entièrement des soins apportés dans la préparation.
- De toute manière, il importe donc au fabricant de déterminer la valeur de la matière première, qu’il achète et qu’il emploie.
- Il ne suffit pas de rechercher, par un procédé aussi exact et aussi pratique que possible, la proportion d’indigotine pure correspondant à 100 grammes d’indigo essayé ; mais il faut encore tenir compte de la dureté, de la densité, de la nature et de la proportion des matières étrangères qui accompagnent l’indigotine, etc., et amener toutes ces questions en ligne de compte, pour juger si le produit est propre ou non, à l’application spéciale à laquelle on le destine.
- L’essai chimique sera donc précédé d’un examen physique. On choisit, à cet effet, différents morceaux dont on compare attentivement la cassure fraîche. On recherchera si les derniers carreaux sont semblables aux premiers, si les parties d’un même morceau présentent la même teinte. D’autre part, on apprécie la porosité au moyen d’un procédé fort simple, consistant à appliquer une cassure fraîche sur la langue mouillée. Plus il y aura rapidement adhérence, plus l’indigo sera poreux. En frottant avec l’ongle, on détermine la propriété du cuivrage.
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- Une pesée rapide, faite parla méthode du flacon, permet déjuger de la densité.
- D’après l’ensemble de ces caractères, on peut déjà, avec un peu de pratique, se faire une idée assez exacte de la valeur d’un indigo ; il est môme bon nombre de teinturiers qui se contentent toujours de cet examen physique, pour leurs achats. Cependant, même les plus expérimentés, sont sujets à se tromper, et l’on ne peut être sûr de son fait, que lorsque l’on y joint le dosage de l’indigotine.
- S’il y a danger à négliger ce dernier caractère, une confiance exclusive dans ses résultats doit aussi être évitée. Il ne donne en effet que la dose pour 100 d’indigotine, sans renseigner sur les autres propriétés.
- A égalité de teneur en indigotine, il faut toujours préfé^ rer les produits à pâte légère et molle ; et pour le montage des cuves, on donnera la préférence aux violet rouge plutôt qu’aux bleu clair.
- Dosage de Vindigotine. — On a proposé un grand nombre de procédés de dosages de l’indigotine. Quelques-uns sont trop longs ou ne donnent pas d’indications suffisamment exactes, nous ne ferons que les indiquer et nous donnerons avec quelques détails les méthodes réellement pratiques et usitées ou susceptibles de le devenir.
- Dans la première catégorie nous pouvons ranger les pro-^ cédés suivants :
- a. Le poids d’indigotine est déterminé directement, en épuisant une quantité connue d’indigo par l’eau, les acides et les alcalis étendus et en retranchant du poids du résidu, celui des substances minérales obtenu par une incinération consécutive. On se fonde, dans ce cas, sur l’insolubilité de l’indigotine dans ces divers véhicules, qui enlèvent, au contraire, les substances étrangères.
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- Procédé exact, mais très-long et impraticable si Von a plusieurs essais à faire.
- b. Pungh propose de monter une cuve à la couperose et à lachaux avec 30 grammes d’indigo séché.
- On décante le liquide clair ; le dépôt est repris pour une seconde réduction. Les solutions réunies sont oxydées et précipitées par un acide. L’indigotine, séparée, est recueillie, filtrée et pesée.
- On peut aussi teindre dans la cuve un poids donné de tissu et juger de la richesse par l’intensité de la nuance.
- M. Mittenzwei (1) propose de réduire l’indigo par un alcali et un sel ferreux, de recouvrir le liquide d’une couche d’huile de pétrole, d’en prendre un volume connu au moyen d’une pipette courbe et de l’introduire dans une éprouvette contenant un volume mesuré d’oxygène, sur la cuve à mercure. La quantité de gaz absorbée permet de calculer le poids d’indigotine, sachant que 1 gramme de ce corps exige, pour passer de l’état blanc au bleu, 45cc d’oxygène. Cette méthode qui peut fournir des résultats exacts, si elle est conduite par une main expérimentée, ne trouverait pas place dans les ateliers.
- Les autres méthodes reposent toutes sur une dissolution préalable de l’indigo à essayer, dans l’acide sulfurique. On détermine alors, non plus l’indigotine, mais l’acide sulfm-digotique formé.
- Cette dernière phase de l’opération varie d’un procédé à l’autre. Tantôt on juge de la richesse par l’intensité de la nuance de la solution d’acide sulfindigotique, toujours ramenée au même volume. (Essai au colorimètre, méthode de M. Houton-Labillardière.) Ou bien, on teint un poids connu de laine dans un bain monté avec le sulfate d’indigo.
- Il nous reste à parler des méthodes où l’acide sulfmdigo-
- (l) Journal für prakt. Chemie, CXI, 81.
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- tique est déterminé par une liqueur titrée oxydante (chlore, chlorure de chaux, bichromate, hypermanganate de potasse, etc.). Le point limite est assez facile à saisir ; il est accusé par la destruction totale de la couleur bleue de la ubstance à doser.
- Si le liquide normal est susceptible de se conserver sans altération, il suffit de déterminer, une fois pour toutes, sa valeur en indigotine; c’est-à-dire la quantité d’indigotine transformée en acide sulfindigotique qui pourra être décolorée par 1 cent, cube de la solution oxydante.
- Dans le cas contraire, il conviendra toujours, comme le prescrit H. Schlumberger, d’opérer simultanément avec des poids égaux d’indigo à essayer et d’indigotine pure. Berthollet a le premier proposé l’emploi du chlore; sa méthode a été perfectionnée par H. Schlumberger.
- Procédé H. Schlumberger.
- On pèse exactement 1 gramme de chacun des indigos à essayer, desséchés à 100° et réduits en poudre fine, et 1 gramme d’indigotine pure (obtenue en recueillant la fleurée des cuves, qu’on lave à l’eau acidulée, puis à l’eau pure).
- La substance est mélangée dans une petite capsule, avec 12 grammes d’acide sulfurique fumant ; on recouvre d’une plaque en verre, et on abandonne le tout, pendant vingt-quatre heures, à la température de 20 à 22°.
- Le produit est étendu d’eau, de manière à former 1 litre.
- On mesure 50 centimètres cubes de cette solution, au moyen d’une pipette jaugée, et on les met dans un verre à pied_, puis, au moyen d’une pipette convenablement divisée, on laisse couler dans le liquide bleu, par portions successives de 2, 5 centimètres cubes à la fois, une solution de chlorure de chaux à 1° Baumé, en s’arrêtant lorsque la dernière addition a produit la destruction totale de l’acide sulfindigotique.
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- Pour apprécier l’excès de chlore ajouté, on verse avec une burette, goutte à goutte, la solution sulfurique d’indigo, jusqu’à apparition d’une teinte verdâtre. Supposons que 5CC de chlore aient décoloré ainsi exactement 59cc de sulfate d’indigo (50cc primitivement employés, plus 9CC ajoutés avec la burette, pour restituer le jaune verdâtre); il convient de vérifier ce résultat par un essai nouveau fait dans les rapports trouvés.
- D’un autre côté, on détermine le volume de sulfate d’indigo préparé avec l’indigotine, correspondant au même volume 5 de chlore ; soit, par exemple, 46cc.
- Une simple proportion donnera le poids d’indigotine.
- On a en effet :
- 46cc indigotine sulfurique = 59e c indigo sulfurique.
- 59cc contiennent donc 0gr,046 indigotine; combien 1000cc ou 1 gramme indigo contiennent-ils x?
- x =.— = le poids d’indigotine renfermée dans 1 gramme indigo.
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- Le procédé de M. Schlumberger offre quelques inconvénients.
- 1° La solution de chlorure de chaux ne garde pas son titre et doit être titrée à nouveau, à chaque essai.
- 2° Il est impossible d’éviter des pertes de chlore, au moment du mélange de la solution d’hypochlorite avec le liquide acide.
- On a donc cherché à le perfectionner, en substituant au chlore d’autres oxydants plus faciles à manier. Tels sont l’hypermanganate de potasse employé seul, le mélange de chlorate de potasse et d’acide chlorhydrique, le mélange de bichromate de potasse et d’acide chlorhydrique proposé par un Anglais nommé Penny.
- M. Ernest Schlumberger m’a affirmé qu’une expérience de plus de quatre ans lui avait démontré l’exactitude et la commodité pratique de ce dernier mode opératoire.
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- Il est basé sur les faits suivants :
- 1° Lorsqu’on soumet de l’indigo bien broyé à l’action de l’acide sulfurique fumant, les matières étrangères sont carbonisées et restent sur le filtre, après addition d’eau, tandis que l’indigotine devient soluble.
- 2° Cette solution additionnée d’acide chlorhydrique et chauffée, se décolore ou devient jaune par le bichromate de potasse, l’acide sulfindigotique passant à l’état d’acide sul-fisatique.
- En opérant avec une solution titrée de bichromate, il sera facile de déduire la richesse en indigotine, d’après le volume employé.
- L’expérience apprend, que pour décolorer un poids déterminé d’indigotine (à l’état d’acide sulfindigotique), il faut exactement la quantité de bichromate nécessaire à sa transformation en isatine ou plutôt en acide sulfisatique.
- La réaction est donc très-nette, et peut se formuler par l’équation
- CrO2 )
- 3(C8H5Az0,S03) + 8IICl -f Crû2 J O3 = 3(C8H8Az02,S03)
- K2 )
- Ac. suif, indigotique. Bichromate. Acide sulfisatique.
- + 4H20 -J- 2C1K + Cr2Cl6.
- Aussi longtemps qu’il reste de l’indigotine non oxydée, l’action du bichromate se porte exclusivement sur elle. D’après cela, 3 molécules ou 393 d’indigotine exigent 1 molécule ou 297,2 de bichromate ; 100 parties d’indigotine exigent donc 75,6 de bichromate.
- Mode opératoire. — La préparation des solutions sulfuriques d’indigo se fait avec 1 gramme, comme dans la méthode de M. H. Schlumberger. La solution titrée de bichromate doit contenir 7gr,66 par litre. Un centimètre cube de cette liqueur correspond à 10cc d’une solution d’indigotine pure à 1 gramme par litre, c’est-à-dire à 0gr,01 indigotine.
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- INDIGOTIKE. 5 G1
- Ainsi, dans l’essai, on pourra admettre autant de centigrammes d’indigotine, que l’on aura employé de centimètres cubes de solution chromique.
- On mesure 100 centimètres cubes de solution sulfurique d’indigo, que l’on amène à une douce ébullition, dans une capsule en porcelaine ; on ajoute 10cc d’acide chlorhydrique, puis, avec la burette, on verse le bichromate, en ayant soin d’arrêter au moment où la nuance verdâtre disparaît et fait place au jaune orangé. La limite est délicate à saisir; le premier essai ne donnera qu’un résultat approximatif qui sera à contrôler par un second. Il est évident que le nombre de dixièmes de centimètres cubes de solution chromique donnera immédiatement la quantité pour 100 d’indigotine.
- Dans la préparation de la dissolution sulfurique, il faut opérer sur une poudre impalpable, représentant réellement une moyenne exacte de l’indigo à essayer, et obtenue, par conséquent, par la pulvérisation simultanée de fragments pris sur divers morceaux, ou sur diverses parties d’un même carreau.
- La pulvérisation et le tamisage, au tamis de soie le plus fin, doivent être poussés assez loin pour qu’il ne reste rien ; car si l’on éloignait les fragments les plus durs et les moins faciles à broyer, on ne pourrait pas conclure, de l’essai, à la 'valeur réelle de l’indigo. Il faut aussi avoir soin de séparer parle filtre les matières extractives brunes, qui nagent dans la dissolution sulfurique étendue d’eau. Leur présence pendant le dosage, occasionnerait des erreurs de plus de 15 pour 100, surtout pour les indigos de qualité inférieure. Pendant la dissolution sulfurique, il peut se former de l’acide sulfureux ; l’acide de Nordhausen lui-même peut en contenir ; mais il se dégage complètement avant que l’on ajoute de l’eau. Si, cependant, l’indigo renfermait du fer (peroxyde), il serait ramené à l’état de sel de protoxyde qui utiliserait à son profit une parti e du bichromate. Il convient, dans ce cas, d’épuiser préalablement l’indigo avec de l’acide
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- chlorhydrique étendu et bouillant. La même précaution est à recommander dans le cas de la présence d’une proportion notable de calcaire.
- Des indigos assez ferrugineux, pour donner lieu à une erreur notable dans l’analyse, se trouvent rarement dans le commerce ; c’est plutôt dans les fabriques, que l’on a quelquefois à faire l’analyse d’indigos extraits de vieilles cuves et contenant de fortes proportions de fer. Quelques chimistes ont proposé de dissoudre l’indigo dans des fioles, en y ajoutant des grains de plomb, pour favoriser le mélange. Ce mode opératoire n’est pas avantageux, car il ne permet pas, comme le traitement dans les capsules, le dégagement facile de l’acide sulfureux.
- M. H. Schlumberger (1) a publié un tableau de la valeur comparative des indigos. La teneur en indigotine la plus forte qu’il ait trouvée est de 96 pour 100 (Java surfin pourpre). D’après M. E. Schlumberger, ces chiffres sont trop élevés. Avec le dosage au bichromate, ce chimiste a trouvé des nombres variant entre 12 et 72 pour 100.
- Les substances étrangères qui accompagnent l’indigotine dans l’indigo, sont ou naturelles ou artificiellement introduites.
- Parmi les premières, nous avons :
- 1° L’eau d’hydratation, variant de 3 à 6 pour 100, facile à déterminer par la dessiccation à 100° d’un poids connu de matière ;
- 2° Des sels de diverses natures, phosphates et carbonates de chaux et de magnésie, sulfate et chlorure de potassium, silice, oxyde de fer), et en proportion variable, principalement du calcaire (3 — 7 — 20 pour 100 et plus). L’incinération ménagée, dans un creuset de platine, de 5 grammes d’indigo, la pesée et l’analyse du résidu permettent de résoudre toutes
- (I) Bullet. de la Société industrielle, XV, 277. — Persoz, Impression des tissus, I, 440.
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- IND1G0TINE.
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- les questions relatives aux substances minérales de l’indigo ;
- 3° Des matières organiques brunes et rouges, insolubles dans l’eau, mais solubles dans divers véhicules, tels que l’acide acétique bouillant, l’alcool, l’éther, les alcalis caustiques.
- Ces substances ne laissent pas que de jouer un certain rôle en pratique, dans les opérations du cuvage. Elles modifient sensiblement la teinte du bleu. Ainsi, si la substance rouge domine, celle-ci peut se réduire comme l’indigotine et se dissoudre à la faveur des alcalis, puis se précipiter par oxydation et donner au tissu une nuance plus pourprée que ne le ferait l’indigotine pure.
- De l’indigotine cristallisée par le procédé de la cuve au sucre, et semblant parfaitement pure, cède à l’acide acétique bouillant une certaine proportion de substance rouge. Elle paraît être assez voisiné de l’isatopurpurine, un des produits de réduction de l’isatine par l’acide iodhydrique.
- Berzelius signale encore la présence du gluten soluble dans les acides étendus.
- Les produits que l’on ajoute frauduleusement sont très-nombreux et dépendent de l’esprit plus ou moins fécond des sophisticateurs. On a mentionné :
- La fécule, les résines, le campêche, le bleu de Prusse, des terres colorées artificiellement en bleu.
- Rien n’est plus facile que de découvrir ces mélanges, en tenant compte des caractères de chacun des corps précédents.
- La fécule se change en sucre par l’ébullition avec l’acide sulfurique étendu ; la résine est soluble dans l’alcool ; le campêche se dissout dans l’eau en rouge, sous l’influence de l’acide oxalique, et le liquide précipite, par l’aluminate de soude, en bleu. Le bleu de Prusse donne du cyanure jaune,' avec les alcalis.
- Les substances minérales se reconnaissent à l’incinération.
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- DÉRIVÉS SULFURIQUES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX DE L’iNDIGO.
- CARMINS D’iNDIGO. — RLEU POURPRÉ OU BLEU BOILEY.
- Dans la teinture et l’impression de la laine et de la soie, pour l’azurage et quelquefois aussi dans l’impression du coton, on utilise la propriété que possède l’indigotine de s’unir aux éléments de l’acide sulfurique, pour constituer des composés bleus* solubles, dont la teinte diffère de celle fournie par l’indigo et qui, en raison de leur solubilité, sont plus faciles à manier.
- On se servait autrefois uniquement de la dissolution d’indigo dans l’acide sulfurique, convenablement étendue d’eau. Une semblable liqueur, outre qu’elle est fortement acide, par suite de la présence de l’excès d’acide sulfurique, contient encore les matières brunes et résineuses de l’indigo naturel. Les proportions respectives d’indigo et d’acide variaient d’une fabrique à l’autre. Les uns faisaient usage d’acide à 66°, d’autres d’acide fumant, ou d’un mélange des deux.
- Suivant les dosages, la durée du contact et la température, on obtenait tantôt l’acide sulündigotique, ou l’acide sulfophénicique ou les deux corps simultanément. Comme la teinte fournie par ces dérivés n’est pas la même, on comprend que, suivant les effets à réaliser, tel fabricant préférait telle ou telle recette.
- M. Persoz (1) indique la formule suivante :
- 1 kilogramme indigo finement broyé.
- 1 — acide sulfurique de Saxe.
- 1 — — — ordinaire.
- Abandonner 48 heures, puis chauffer au bain-marie, jusqu’à ce qu’une goutte versée dans l’eau s’y dissolve sans
- (1) Impression des tissus, t. I, p. 454.
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- produire de précipité. On laisse refroidir, puis on étend d’eau, de manière à amener à d8° Baumé. M. Haussmann employait 6,5 parties d’acide sulfurique pour 1 partie indigo.
- D’autres fois on ajoute, par petites portions à la fois, 1 partie d’indigo en poudre à 5 ou 6 parties d’acide fumant ou 10 à 12 parties d’acide concentré. On laisse un à deux jours, puis on verse dans 20 fois son poids d’eau, et on filtre.
- M. Marnas préparait un bain épuré, en enlevant la matière colorante par de la laine; celle-ci est ensuite lavée, et traitée par un bain alcalin faible, qui redissout le bleu. Un semblable bain épuré sert surtout à la teinture de la laine.
- On remplace généralement, de nos jours, la dissolution d’indigo ou le bleu de Saxe par une préparation connue sous les noms de carmin d’indigo, d’indigo soluble, d’indigo-carmin, céruléine, céruléo-sulfate, d’indigo précipité.
- L’obtention de ce produit, qui n’est qu’un sulfindigotate ou un sulfopurpurate alcalin (soude), repose sur l’insolubilité presque absolue dés sulfindigotates alcalins dans un liquide chargé d’un sel.
- Si l’on a dissous, par exemple, 1 partie d’indigo dans 4 parties d’acide fumant, et si l’on a étendu le liquide de 60 à 80 fois son poids d’eau, celui-ci contiendra, outre le dérivé indigotique, un excès d’acide sulfurique. En ajoutant des cristaux de soude (11 à 11,5 parties), de manière à neutraliser le bain, on formera, non-seulement du sulfindigo-tate de soude, mais encore du sulfate; la présence de ce dernier sel détermine alors la précipitation du sulfindigo-tate en flocons bleu foncé. On recueille ceux-ci sur un filtre, et on lave plus ou moins. Ce carmin est livré en pâte, qui prend un éclat cuivré par la dessiccation, d’autant plus que l’acide sulfophénicique y domine.
- Les carmins en pâtes contiennent souvent, comme impureté, une matière verte, sale, possédant la singulière propriété de se fixer sur soie et non sur laine.
- Un bain de carmin acidulé, épuisé par de la laine mor-
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- (lancée à l’alun et crème de tartre, retient ce produit. Ce moyen peut servir à déceler l’impureté. Un semblable carmin mis en tas sur une feuille de papier joseph offrira, au bout de quelque temps, une auréole verte.
- Suivant leur richesse, on divise les carmins en : Carmin simple (4,96 pour 100 d’indigo. —Eau, 89. — Mat. salines, 6,7) ; carmin double (10,2 pour 100 d’indigo. — Eau, 85. — Sels, 4,8); carmin triple(12,4 pour 100 d’indigo. — Eau, 73,7. — Sels, 13,9).
- Le carmin en pâte se recouvre facilement d’efflorescences salines. D’après Pohl, on évite cet effet en y incorporant 3 à 4 pour 100 de glycérine.
- Les carmins désséchés sont bleus et portent dans le commerce le nom d’indigotine.
- M. Watson (1) prépare un carmin solide en versant, sur 2 parties de chlorure de sodium, le produit de la dissolution de 1 partie d’indigo dans 6 parties d’acide sulfurique. On chauffe à la vapeur, et on remue jusqu’à ce qu’il ne se dégage plus d’acide chlorhydrique. On peut remplacer le sel par de la potasse caustique, du carbonate de soude, ou de la magnésie. On obtient ainsi un résidu sec, propre aux usages delà teinture et de l’impression.
- Le bleu pourpré de MM. L. et E. Boiley est une espèce de carmin solide, obtenu dans des conditions particulières. Voici comment ils opéreraient, d’après la teneur du brevet (2).
- On fond 10 à 20 parties de bisulfate de sodium sec, dans un vase en fonte, et l’on ajoute, petit à petit, 1 partie d’indigo. La masse se boursoufle. On continue à chauffer, jusqu à ce qu’un échantillon prélevé se dissolve en violet dans l’eau.
- On délaye le produit de cette réaction dans 70 à 80 fois son poids d’eau ; on ajoute 2 parties de sel marin pour 1 partie de mélange (indigo et bisulfate). Le précipité est
- ( l ) Brevets anglais de 1850.
- (2) Report of Patent. Invent., décembre 1860, 502. — Répert. de chimie appliquée, t. III, p. 134, 215.
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- recueilli, lavé à l’eau salée et séché. On peut aussi traiter l’indigo par l’acide sulfurique anhydre, dissoudre dans l’eau, neutraliser par le carbonate de soude et précipiter par le sel marin.
- Le bleu Boiley se présente sous forme d’une masse cristalline pourprée, assez claire, soluble, en beau bleu-violet, dans l’eau. Ce produit se dissout dans l’acide acétique concentré et bouillant et se dépose, par le refroidissement, en beaux prismes cuivrés assez volumineux. Il est insoluble dans l’alcool et l’éther, soluble dans l’eau, plus à chaud qu’à froid. Le liquide paraît rouge par transparence. Ce sel, qui probablement est essentiellement formé de sulfopurpurate de soude, est remarquable par la facilité avec laquelle il cristallise.
- Ses caractères chimiques le rapprochent, du reste, des composés sulfuriques étudiés plus haut. Il donne avec les chlorures de baryum et de strontium des précipités violets.
- L’essai d’un carmin peut se faire par voie de teinture. On teint un échantillon de laine dans un bain acidulé et additionné de crème de tartre.
- Applications de /’indigo et de ses dérivés.
- Toutes les applications de l’indigo dans la teinture et dans l’impression exigent un broyage préalable. Il doit être aussi parfait que possible, et amener la matière à l’état de poudre impalpable ; autrementon s’exposerait à des pertes de matière colorante. Le broyage avec de l’eau est plus commode qu’à sec; il évite la déperdition d’une certaine quantité de substance, sous forme de poussière.
- Il est cependant un cas où la pulvérisation sèche est indispensable ; c’est celui où l’indigo est destiné à la fabrication du sulfate.
- On réduit l’indigo en pâte, soit à la main, soit mécaniquement. Dans tous les cas, on commence par le tremper,
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- pendant un certain temps, pour le ramollir ; à cet effet, on met l’indigo dans un baquet, on y verse de l’eau chaude, en quantité suffisante pour le baigner, on couvre et on abandonne le tout, jusqu’à ce que l’eau ait été absorbée, et ait pénétré dans toute la masse. Il faut environ 15 litres d’eau pour 10 kilogrammes indigo. Le temps est de 1 à 3 jours, selon la nature du produit.
- Beaucoup de petits teinturiers opèrent le broyage à la main et emploient l’appareil simple que voici : c’est une grande capsule en cuivre, à peu près hémisphérique, de 0ra,70 de diamètre, munie de deux poignées à son bord supérieur. L’ouvrier se met à califourchon sur un banc, place la bassine devant lui, y met trois grosses boules en fonte, ainsi que l’indigo ramolli et de l’eau en quantité suffisante. Il imprime à la bassine, en la tenant par les poignées, un mouvement d’oscillation circulaire, de façon que les boules, en suivant le mouvement, broient l’indigo qui les entoure.
- Au bout d’un certain temps on verse le contenu dans un baquet, on ajoute de l’eau et on remue. Par des chocs réguliers, imprimés par deux baguettes sur les parois supérieures du baquet, les parties incomplètement broyées sont sollicitées à se réunir au fond et à se tasser. Le liquide supérieur est décanté, et le dépôt est soumis à une nouvelle manipulation dans la bassine.
- Les appareils mécaniques travaillent plus vite et plus économiquement, en donnant des résultats tout aussi sûrs. Les dispositions usitées sont très-variées. Les unes reposent sur le même principe que celle que nous venons de décrire pour le travail à la main. Un des meilleurs appareils est formé d’un tambour tournant autour de son axe horizontal et contenant deux rangées de petits cylindres en fonte, l’une de trois pièces et l’autre de deux, occupant chacune la longueur interne du tambour.
- Les lignes de tangence des cylindres avec la surface interne du tambour étant plus larges que celles des cylindres entre
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- eux, ces derniers sont entraînés dans un mouvement en sens inverse de celui du tambour, et il s’effectue entre les deux jeux de cylindres un frottement du plus grand effet.
- Ces appareils fonctionnent bien lorsque l’on traite des indigos de qualité supérieure, qui se sont laissé également pénétrer par l’eau ; il n’en est pas de même pour des indigos de mauvaise qualité. Ceux-ci refusent souvent opiniâtrement de se laisser pénétrer par l’eau, et le frottement consécutif n’a d’autre résultat que de les agréger en masses plastiques, empêchant souvent complètement le jeu de la machine.
- Pour éviter cet inconvénient, on fait subir au produit une division préalable au moyen de la broie suivante : elle se compose de deux plateaux circulaires en fonte, horizontaux, très-peu écartés l’un de l’autre et animés, en sens inverse, d’un mouvement rapide de rotation. Les surfaces internes de ces disques offrent de profondes rainures, rayonnant en ligne courbe du centre à la circonférence et diminuant de profondeur dans la même direction. L’indigo ramolli arrive entre les deux plaques, parle centre, et s’échappe en bouillie par la circonférence. Cette machine, qui sert également à la pulvérisation d’autres corps solides, fonctionne, comme on le voit, d’une manière continue. Elle donne d’excellents résultats.
- La pulvérisation de l’indigo à sec peut se faire à la main, dans un mortier couvert, ou dans un tambour semblable à celui qui sert à la préparation de la pâte d’indigo. Seulement, dans ce cas, le tambour doit offrir des dispositions convenables pour racler la matière colorante qui tend à se tasser fortement entre les surfaces frottantes.
- On trouvera, dans le Traité de l'impression de M. Pèrsoz, t. III, p. 18-19, et dans la Chimie de Girardin, 4e édition, t. II, p. 616, la description et des dessins de divers systèmes propres au même usage.
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- L’industriel qui veut appliquer l’indigo à la coloration des fibres textiles doit, axant tout, le dissoudre.
- Jusqu’à présent on ne connaît que deux procédés pour atteindre ce but : la réduction et l’action de l’acide sulfurique concentré.
- Le premier permet la régénération de l’indigotine, et, la teinture étant terminée, c’est réellement de l’indigotine qui est adhérente. Par le second moyen, la matière colorante est engagée dans une combinaison d’où on ne peut plus la séparer. C’est réellement une autre substance, douée de propriétés nouvelles, et dont l’emploi constitue un genre spécial et bien distinct.
- Fixation de Vindigotine par voie de réduction.
- L’hydrogénation de l’indigotine et la combinaison de l’indigo blanc avec un alcali ou une base alcalino-terreuse ont pour but de déterminer la dissolution- de ce principe immédiat, insoluble par lui-même.
- Sous cette forme, il peut être mis en présence de la fibre et la pénétrer en totalité. Si, ensuite, par un oxydant convenable, on vient à transformer l’indigo blanc (G8H6AzO) en indigotine bleue (G8H5AzO), celle-ci, redevenue insoluble dans tous les véhicules et emprisonnée dans les pores de la fibre, se trouvera fixée et fortement adhérente.
- Telle est en quelques mots la théorie de l'emploi de l’indigo, quel que soit le genre à exécuter.
- Cette réaction peut être appliquée de diverses manières à la coloration des fibres.
- a) La dissolution de l’indigotine par réduction alcaline est effectuée d’avance dans une cuve ou une chaudière, et la fibre est immergée dans le bain. Bleu cuvé ordinaire.
- b) La dissolution préparée d’avance est imprimée ou appliquée au pinceau, sur quelques parties seulement du tissu* Bleu de pinceau.
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- c) L’indigo blanc est précipité sous forme de pâte, en combinaison avec un oxyde métallique, énergiquement réducteur (protoxyde d’étain hydraté), qui empêche sa réoxydation trop rapide. La pâte épaissie est imprimée, et le tissu est passé dans un bain alcalin (chaux—soude) qui, déplaçant l’oxyde d’étain , forme une combinaison soluble d’indigo blanc. Celle-ci peut alors pénétrer la fibre et devenir, par conséquent, adhérente, après une réoxydation préalable. Bleu solide.
- d) On imprime de l’indigo bien broyé, et Ton place le tissu dans des conditions telles, que cet indigo puisse se dissoudre en se réduisant sur place. Cet effet une fois réalisé, la fixation n’exige plus qu’une oxydation consécutive. Bleu faïencé ou bleu faïence.
- Dans chacune de ces méthodes, on peut faire usage des divers procédés de réduction connus, en choisissant, bien entendu, celui qui offre le plus d’avantages pratiques.
- Réduction en cuve pour la teinture.
- Pour la teinture du coton et du fil, le mode de réduction le plus convenable et le plus pratique est fondé sur l’action
- de l’hydrate de protoxyde de fer ^O2 , en présence de la
- chaux. Cet hydrate, fraîchement précipité, a la propriété de réduire l’indigo en présence de la chaux. La chaux offre l’avantage de donner des cuves beaucoup plus stables que les alcalis caustiques. Elles s’oxydent moins rapidement, au contact de l’air. Cet effet dépend, en partie, de la pellicule de carbonate de chaux formée à la surface et d’une action chimique moins intense.
- Cette rapide altération des cuves à la soude constitue une des principales raisons qui en défendent l’emploi dans la teinture des fils et des tissus, et proscrit, par contre-coup,
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- l’usage de réducteurs plus avantageux que l’hydrate ferreux, mais qui n’opèrent pas sous l’influence de la chaux.
- Ajoutons que la combinaison calcique d’indigo blanc cède beaucoup plus facilement à la fibre végétale sa matière colo-rable, par attraction de porosité, que ne le ferait la combinaison correspondante de soude. L’épuisement du bain à froid est donc plus régulier. On obtient l’hydrate ferreux dans la cuve même, par un mélange de sulfate ferreux (vitriol vert) et de chaux bien éteinte.
- Le vltno1 Yert employé dans le montage d’une cuve doit etre exempt : 1° de sulfate de cuivre. L’oxyde de cuivre agit, en effet, comme oxydant énergique sur l’indigo réduit, et déterminerait sa précipitation dans le bain; 2° de sulfate basique de peroxyde, ainsi que de sulfate d’alumine. Ces corps utiliseraient en pure perte une partie
- de la chaux, et augmenteraient le dépôt de la cuve sans effet réel.
- On purifie, du reste, facilement un vitriol cuivreux ou oxydé par une ébullition de sa solution avec du fer qui d’une part, précipite le cuivre, et de l’autre ramène au minimum le sel de peroxyde. Les ingrédients d’une cuve à la couperose sont : l’eau, le vitriol vert pur ou purifié, l’indigo broyé en pâte homogène et impalpable, la chaux pure et bien éteinte.
- Nous connaissons déjà les phénomènes chimiques qui se succèdent dans un semblable mélange, et dont le résultat final est la production d’un dépôt de sulfate de chaux, d’hydrate ferrique, d’un excès plus ou moins grand de chaux,
- et d une dissolution jaune d’indigo réduit combiné à la chaux.
- La réaction s’effectue à froid ; mais elle est favorisée par une légère élévation de température.
- Quant aux proportions employées, elles sont très-variables, et dans chaque établissement on trouve, pour ainsi dire, d autres règles admises.
- Remarquons d’abord que, lorsqu’une cuve doit servir à la
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- teinture, il convient d’exagérer les quantités de chaux et de sulfate de fer indiquées par la théorie. L’excès de chaux et d’hydrate ferreux restés dans le dépôt servent, chaque fois que l’on remue la cuve, à réparer les pertes éprouvées par l’oxydation au contact de l’air. L’indigo oxydé, qui nage à la surface sous forme de fleurée, trouvera ainsi, dans le bain, les éléments nécessaires à sa redissolution.
- Les proportions, généralement employées par les teinturiers, sont :
- Indigo................................. 1 partie.
- Sulfate ferreux cristallisé............ 3 parties.
- Chaux vive (éteinte avec soin avant le ) .
- } o parties.
- mélange).............................)
- D’autres prennent plus de chaux que de sel ferreux et opèrent, par exemple, avec :
- Indigo...................................... 2 parties.
- Sulfate ferreux cristallisé................. 5,3 parties.
- Chaux vive.................................. 6,5 parties.
- Les proportions données plus haut pour une cuve de labo ratoire :
- Indigo..................................... 1 partie.
- Sulfate ferreux............................ 2 parties.
- Chaux vive...........'..................... 3 parties.
- peuvent convenir pour une cuve dont on veut précipiter immédiatement l’indigo blanc pour les usages de l’impression. Elles ne sont pas suffisantes lorsqu’il s’agit d’une cuve destinée à la teinture.
- Nous avons dit plus haut, d’après l’autorité de Berzelius, qu’un excès de chaux est nuisible et peut entraîner des pertes notables de matière colorante ; l’indigo blanc, formant avec la chaux une combinaison basique insoluble et se réunissant
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- au dépôt, est, par conséquent, perdu pour la teinture. Les faits pratiques observés par M. E. Schlumberger ne viennent pas à l’appui de cette manière de voir, et ce chimiste, qui s’est beaucoup occupé, à Berlin, de la fabrication des bleus cuvés, n’a pu reconnaître une influence de cette nature. Cette opinion est confirmée par l’examen d’anciennes recettes qui m’ont été communiquées par M. E. Schwartz. Ainsi, après avoir dissous l’indigo en employant : 12 parties d’indigo, 48 de chaux éteinte, 36 de sulfate de fer, et monté la cuve en prenant 3 parties de ce mélange, on ajoute encore 200 kilog. de chaux. Un trop grand excès de chaux et de vitriol est désavantageux en augmentant inutilement le dépôt.
- La manière de mélanger les corps varie d'un établissement à l’autre.
- La marche la plus rationnelle consiste à mélanger l’indigo avec le lait de chaux, et à y verser peu à peu, en remuant, la dissolution de sulfate ferreux. De cette manière, l’indigo blanc rencontre, à mesure qu’il se forme, un excès de chaux dans lequel il peut se dissoudre. En opérant sur des masses un peu considérables, le travail est difficile, le mélange devenant très-épais au début. Dans ce cas, on préfère délayer l’indigo dans la dissolution ferrugineuse et y verser peu à peu le lait de chaux.
- Quoi qu’il en soit, la réduction doit toujours s’opérer en présence d’une petite quantité d’eau. On emploie le lait de chaux fraîchement préparé et chaud et une dissolution bouillante de sulfate ferreux.
- Le mélange opéré, on le laisse en repos pendant quelques heures, en le palliant (remuant) de temps à autre, jusqu’à ce que la couleur jaune olivâtre de la masse annonce une réduction parfaite. Il est alors prêt à servir au montage d’une cuve.
- D’après M. Schwartzenberg, le liquide renferme de l’in-digotine réduite, un peu de rouge d'indigo et tout le gluten, avec des traces de brun. Le dépôt contient, au contraire, tout
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- le brun d’indigo uni à la chaux, beaucoup de rouge, peu de gluten, un peu d’indigotine, du sulfate de chaux, etc. L’influence du rouge d’indigo, en teinture, serait à peu près nulle. Ce chimiste n’a peut-être pas opéré avec des indigos riches en matière rouge.
- Nous n’entrerons pas dans la description détaillée des dispositions que l’on peut donner à une cuve à la couperose et aux cadres destinés à l’immersion des pièces. Elle se compose, ordinairement, soit d’un grand cuveau en bois, soit d’une citerne en maçonnerie au ciment, enfoncés en terre ; les bords ne dépassant que de 0m,40 à 0m,50, la surface du sol. Leur forme est ronde ou carrée, leur profondeurdoit être suffisante, pour que la pièce, tendue sur le cadre etimmergée dans le sens de sa largeur, reste encore à une certaine distance du dépôt.
- Dans un grand nombre d’établissements, on n’opère qu’avec de petites cuves pouvant teindre chacune une pièce de 50 mètres seulement. Elles sont alors cylindriques et en bois. La pièce est tendue sur un appareil nommé champagne et composé d’un montant qui porte à ses deux extrémités deux étoiles à six ou huit bras ; l’une est mobile sur cet arbre, au moyen d’une vis d’appel. Les bras sont garnis, à la partie interne, de crochets servant à fixer la pièce qui est ensuite parfaitement tendue au moyen de la vis.
- Le système de petites cuves a l’avantage de permettre le passage facile du cadre, d’une cuve dans une autre ; ce qui n’est pas sans importance pour certains articles. Il est généralement employé en Angleterre.
- D’autres fabricants travaillent avec des cuves beaucoup plus grandes, pouvant contenir quatre pièces ou plus, à la fois.
- La disposition des cadres est alors différente. Ainsi on en construit où la pièce, au lieu d’être libre sur ses deux faces, ne laisse pénétrer le bain que sur l’endroit. Les revers de deux pièces adhèrent fortement l’une contre l’autre ; ils ne se
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- mouillent qu’incomplétement et ne s’oxydent pas ; par conséquent le tissu ne se teint que d’un côté.
- On peut aussi accrocher la pièce sur une seule lisière et laisser l’autre pendre librement ; mais, comme les plis collent alors souvent ensemble, on est obligé, pendant le déver-
- dissage qui suit chaque trempe, de passer une petite canne en bois entre chaque pli. Il convient aussi, après plusieurs trempes, de changer la lisière suspendue. De même, avec le champagne, il est bon de le retourner de temps à autre afin que la lisière inférieure ne devienne pas plus foncée que la supérieure.
- Pour les teintures en uni on emploie aussi un système continu. On plonge dans la cuve, qui est rectangulaire, un cadre portant en haut et en bas une série de roulettes sur lesquelles on peut passer la pièce au large, au sortir de la
- Fig. 11.
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- cuve, onia conduit au-dessus d’un moulinet, afin d’oxyder, de déverdir l’indigo blanc.
- Pour monter la cuve, on la remplit à peu près aux trois quarts d’eau, puis on y verse une certaine quantité de chaux éteinte et de sulfate ferreux dissous et on remue. Cette addition préalable offre l’avantage d’enlever l’oxygène et l’acide
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- Fig. 12.
- carbonique de l’eau, et d’empêcher, par là, la précipitation d’une certaine quantité d’indigo réduit. On verse dans la cuve la quantité nécessaire d’indigo réduit par la méthode ci-dessus décrite, on remue plusieurs fois et on laisse déposer. La cuve est prête à servir.
- Une semblable cuve doit servir pendant assez longtemps. 11 convient donc d’employer des précautions particulières pour la maintenir en bon état.
- A cet effet, onia remuera chaque soir, afin de déterminer la réduction et la dissolution de l’indigotine oxydée et régénérée à la surface, pendant le travail de la journée. L’excès de chaux et de protoxyde de fer remplit ce but. Déplus, pour réparer les pertes dues à la matière colorante fixée au tissu, on ajoute chaque fois, avant de pallier, une certaine dose de dissolution d’indigo. De temps à autre, aussi, on remet de nouvelles quantités de sulfate de fer et de chaux.
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- Cependant, par suite des additions successives, le dépôt finit par être tellement abondant, qu'il devient urgent de vider la cuve.
- Pour ne pas perdre l’indigotine, que peut renfermer encore le dépôt et le liquide d’une semblable cuve, certains teinturiers, tout en continuant les additions successives de chaux et de vitriol, cessent d’y introduire de nouvelles doses d’indigo, et épuisent le bain par des articles destinés à ne recevoir qu’une nuance peu foncée, jusqu’à refus de coloration.
- D’autres fois, on précipite l’indigotine des vieilles cuves, pour la faire servir à une nouvelle réduction.
- A cet effet, le liquide clair et les dépôts sont pompés dans de grands cuviers en bois et étendus de beaucoup d’eau. Par des additions convenables de sulfate de fer et de chaux, on amène tout l’indigo du dépôt à se dissoudre. On laisse reposer, et on fait couler la partie claire sur un appareil servant à mult>plier les surfaces de contact avec l’air.
- On ajoute de l’acide chlorhydrique, et on recueille l’indigo oxydé sur des filtres en laine. Le dépôt est traité une seconde et une troisième fois par l’eau, avec addition de réducteurs, jusqu’à ce qu’il cesse de fournir de l’indigotine.
- Avec toutes ces précautions, on arrive néanmoins à une perte d’environ 2,5 p. 100 de la quantité d’indigotine employée.
- La teinture du calicot et du coton en écheveaux, ainsi que celle des fils et tissus de lin et de chanvre, se fait toujours dans la cuve à la couperose, à froid.
- Les bleus unis s’obtiennent par simple immersion dans la cuve, suivie d’une exposition suffisante à l’air (déverdissage).
- En variant la force de la cuve, ainsi qne le nombre et la durée des immersions, on obtient à volonté des gradations de nuance, depuis le bleu le plus clair, jusqu’à celui qui paraît presque noir.
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- La durée de l’immersion a une grande influence sur la dose d’indigotine fixée.
- En effet, nous avons déjà dit, ailleurs, que ce n’est pas seulement la quantité d’indigotine dissoute dans la portion de liquide pénétrée dans le tissu, qui se fixe, mais qu’il s’exerçait, en outre, une véritable attraction de porosité, capable de dépouiller peu à peu le bain de sa matière colorante, longtemps avant que tout le liquide dissolvant ait été absorbé.
- Pour cette teinture, il est bon de mouiller préalablement le tissu ou les écheveaux, avec de l’eau. Ils sont alors plus également pénétrés et les nuances sont plus unies.
- Le point important est d’obtenir des teintes égales partout, aussi le fabricant doit-il veillera tendre également la pièce, s’il opère avec le champagne, et à bien passer au large et à exprimer également entre deux cylindres, s’il se sert de l’appareil continu. Dans ce dernier cas l’excédant de liquide retombe dans la cuve.
- Une autre cause d’inégalité est le déverdissage incomplet.
- La pièce doit toujours rester exposée à l’air pendant un temps égal à celui de la trempe précédente.
- La durée d’une trempe peut varier de 5 à 15 minutes.
- Pour avoir des teintes unies et solides, il est préférable de commencer par des cuves faibles, et de donner les immersions suivantes dans des bains de plus en plus forts. L’indi-gotine pénètre ainsi plus complètement jusqu’au centre.
- Le tissu doit être bien blanchi, pour éviter les inégalités ré-sultant de l’action des corps gras et des saletés, fonctionnant comme réserves.
- Après les cuvages et dé verdissages, on passe en acide sulfurique, à 1 ou 2° Baumé, afin d’enlever la chaux précipitée par l’acide carbonique de l’air, et d’aviver la nuance; enfin on rince à l’eau et on sèche.
- Les bleus de cuve passés en eàu de chaux bouillante, ou sous l’influence des traitements alcalins, en général, s’améliorent sensiblement; probablement par l’élimination de
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- certains principes jaunes. Aussi donne-t-on souvent un bain de savon chaud.
- Les fonds bleus cuvés, sur fibres végétales, peuvent être combinés avec des impressions blanches ou diversement colorées ; et cela par deux méthodes distinctes.
- Tantôt on imprime, avant le cuvage, une préparation (réserve) capable de s’opposer à la fixation de l’indigotine, aux places où elle est déposée.
- Tantôt, au contraire, on détruit l’indigotine uniformément fixée, en certains points déterminés par l’impression, au moyen d’agents chimiques convenables (enlevage).
- Les réserves sont ou mécaniques, c’est-à-dire qu’elles s’opposent mécaniquement, par imperméabilité, à la pénétration du bain indigotique dans la fibre et partant à la teinture (cire, terre de pipe), ou chimiques. Celles-ci déterminent, soit en raison de leurs propriétés acides, soit en agissant comme oxydants énergiques, la précipitation de l’indigotine avant qu’elle ait touché la fibre et pénétré dans ses pores.
- Tels sont les sels de cuivre, le bichlorure de mercure.
- Cette classification n’est du reste pas absolue ; car il existe un grand nombre de corps qui jouent à la fois le rôle de réserves mécaniques ou physiques et de réserves chimiques.
- Ainsi les sels de cuivre, en oxydant l’indigo blanc et en précipitant à la surface du tissu une couche d’indigotine bleue, déterminent par cela même la formation d’un enduit plus ou moins imperméable.
- Les sels de zinc ou d’alumine, fréquemment usités, fournissent en même temps un dépôt d’indigo blanc et un enduit d’hydrate gélatineux d’oxyde de zinc ou d’aluminium.
- L’acide arsénique, les arséniates et les phosphates acides, l’acide borique, les sels de plomb, de peroxyde de fer se comportent d’une manière analogue.
- Les savons métalliques de cuivre et de plomb sont à la fois réserves chimiques et mécaniques.
- Ce n’est, du reste, qu’en unissant dans des rapports ration-
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- nels ces différents genres de produits et en composant une préparation complexe, qu’on arrive à de bons résultats.
- L’épaississant lui-même joue un grand rôle, et il importe de bien connaître le mode d’action de chaque épaississant, et le rapport dans lequel il doit se trouver avec les parties réservantes de la couleur.
- La composition d’une bonne réserve est donc principalement une question de bonnes proportions des parties constitutives, variant avec la force de la cuve et l’intensité du bleu que l’on veut réserver.
- La première condition, c’est qu’elle durcisse immédiatement après l’immersion dans la cuve. Si elle se ramollissait, au contraire, il y aurait coulage.
- En d’autres termes, l’acidité de l’impression doit être proportionnelle à la force et à l’alcalinité de la cuve. Ainsi une réserve fortement acide qui durcirait bien dans une cuve forte, se ramollira et coulera dans une cuve faible.
- D’un autre côté, une réserve presque neutre, qui réserverait bien une cuve faible, se laisserait traverser par une cuve forte. A ce point de vue, il n’est pas indifférent de choisir tel ou tel sel d’une base donnée. Les sulfates et les nitrates auront une puissance réservante plus forte que les acétates, tandis qu’en faisant intervenir ces derniers, on obtient des réserves qui durcissent bien dans les cuves faibles.
- La réserve blanche, la plus généralement employée, est composée avec de la terre de pipe, de la gomme, du vert-de-gris et du sulfate de cuivre.
- On emploie ordinairement, pour cet article, les pièces simplement débouillies et non blanchies; dans cet état, elles se teignent mieux et plus rapidement. C’est encore pour faciliter leur teinture et pour les rendre plus aptes à se mouiller rapidement et uniformément, au moment de l’immersion, que l’on fait subir aux pièces une préparation préalable, consistant en un passage en empois faible, presque liquide, avec addition de sulfate de cuivre, de nitrate ammonique,
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- sels qui favorisent la prompte oxydation et la pénétration.
- Après le placage de la pièce dans cet apprêt, on dessèche et on cylindre légèrement, on imprime en réserve, on sèche et on cuve. Le tissu est nettoyé en bain tiède d’acide sulfurique à 2° Baumé.
- On conçoit que si, au lieu d’imprimer la réserve sur fond blanc, on l’applique sur fond bleu cuvé clair, on réalisera un dessin bleu clair sur fond foncé.
- Une application très-intéressante des réserves sous bleus cuvés est celle qui résulte de l’intervention simultanée du bleu d’indigo et des couleurs garancées, ou autres, et qui constitue le genre connu sous le nom de lapis ; ce genre a joui pendant longtemps d’une grande vogue.
- Nous en dirons quelques mots, parce qu’il constitue un exemple très-curieux des ressources que le fabricant trouve dans les réactions chimiques, pour varier ses effets de coloration.
- On conçoit qu’un tissu étant cuvé avec réserves blanches, lavé et dégorgé, il soit possible de rentrer sur les parties blanches une couleur vapeur ou un mordant, et d’achever la fixation de cette nouvelle couleur, ou la fixation et la teinture du mordant, comme s’il s’agissait d’un fond blanc ordinaire. Ce genre constitue le fond bleu enluminé ordinaire; il n’offre pas plus d’intérêt pour nous que les genres enluminés en général. L’encadrement plus ou moins exact des couleurs nouvelles, par 1-e bleu, dépendait des soins apportés dans la gravure ou l’impression.
- Mais voici un moyen très-simple d’obtenir une impression colorée rouge, mauve, jaune, parfaitement entourée de bleu, sans que l’œil puisse distinguer la moindre solution de continuité.
- Supposons qu’au lieu d’imprimer une réserve blanche ordinaire, on y ajoute de l’acétate ou du nitrate de plomb. Le passage en cuve déterminera la fixation d’une certaine dose, d’oxyde de plomb ; après la teinture en bleu, il suffira
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- de passer le tissu, d’abord dans un bain d’acide sulfurique, puis en chaux, pour déplacer l’oxyde de plomb précipité par la chaux de la cuve et transformé consécutivement en sulfate ; enfin on teint dans un bain de bichromate saturé ou non de chaux, pour voir apparaître, à la place des parties blanches, un jaune ou un orange parfaitement encadré.
- En imprimant cette réserve jaune sur fond uni clair et en teignant d’abord en gros bleu, puis au bichromate, on obtient des dessins verts, entourés de gros bleu.
- Ou bien nous pourrons imprimer une réserve qui contient les éléments du mordant rouge. Après une exposition convenablement prolongée dans la chambre d’oxydation, on teint en cuve, on lave à l’eau courante, puis en bouse, pour achever la fixation du mordant, et enfin on teint en garance. Ici encore le rouge garancé se juxtapose exactement au bleu.
- En combinant, suivant les besoins du dessin, la réserve sous gros bleu, la réserve sur petit bleu et sous gros bleu, la réserve jaune, la réserve rouge, on peut obtenir, comme on le voit, une multitude d’effets très-intéressants. On se servait en outre d’une réserve sous mordant et sous bleu, permettant d’obtenir des dessins blancs plus fins et plus réguliers que par la seule réserve sous bleu.
- Enfin, on faisait intervenir le mordant noir qui n’a pas besoin de réserver le bleu, l’addition du bleu cuvé au noir-garance étant plutôt favorable à sa beauté.
- Sans entrer dans les détails de cette fabrication assez délicate, nous donnons, en note, quelques recettes de ces diverses réserves (1). Voir pour plus de développements
- (I) Réserve pour
- Eau..............
- Sulfate de cuivre.. Acétate de cuivre. Azotate de cuivre Alun.............
- Gros bleu.
- 4 litres. lkil,250 500 grammes. 875 —
- 240 —
- Bleu moyen.
- 4 litres.
- 500 grammes. 250 —
- 500 —
- 240 —
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- l’excellent article de M. Persoz (Traité de l'impression, t. IV» p. 319 et suivantes) : fonds bleus enluminés {Lapis).
- Enlevages. — Le procédé par réserves offre plusieurs inconvénients : 1° On ne peut réaliser des impressions d’une grande finesse ; 2° il exige l’emploi de cuves fortes, pour prévenir le coulage des réserves.
- Dans le genre enlevage, on commence par fabriquer des fonds bleus unis. La force de la cuve est donc peu impor-
- Terre de pipe..................... 2kil,125 2 kilogrammes.
- Amidon grillé..-.................. lkil,250 1 —
- La proportion d’azotate de cuivre n’est pas indifférente. Si l’on en met trop peu, la couleur ne perce pas d’un côté, et le blanc devient imparfait. Si l’on en met trop, la couleur coule dans la cuve.
- Rouge, réserve lapis.
- Mordant rouge, à 11° Baumé............. 12 litres.
- Gomme Sénégal.......................... 2 à 3 kilogrammes.
- Terre de pipe............................ 4 à 6 —
- Huile d’olive............................. 1 kilogramme.
- Sulfate de cuivre.......................... 1 —
- Azotate de cuivre........................ 600 grammes.
- Sel ammoniac........................... lki’,500
- Blancs lapis.
- / Jus de citron, â 15° Baumé........... 5 litres.
- I J us de citron épaissi à lkll,500 de gomme
- N° 1 1 pour 2 litres.......................... llil,50
- /Sulfate de cuivre......................... 1 kilogramme.
- », Terre de pipe........................... 3 kilogrammes.
- /Eau....................................... 2 litres.
- 1 Sulfate de zinc......................j. 1 kilogramme.
- N° 2 < Terre de pipe.......................... 725 grammes.
- I Gomme Sénégal........................ 600 —
- \ Nitrate de cuivre, à 6‘<.° Baumé..... 0Ut,12
- Blanc, réserve sous mordant et sous bleu, pour contours.
- Soude caustique, à 10° Baumé........... 8 litres.
- Eau....................................... 0
- Arséniate de potasse................... 3kil,500
- Sublimé corrosif......................... 500 grammes.
- Terre de pipe.............................. 3 kilogrammes.
- Gomme Sénégal.......................... lkil,500
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- tante et l’on peut épuiser les bains. Tous les moyens de détruire l’indigo fixé sont fondés sur l’emploi des oxydants énergiques, qui transforment l’indigotine insoluble en isa-tine soluble.
- Généralement c’est l’acide chromique dont on se sert.
- Cet oxydant puissant ne pourrait pas entrer à l’état de liberté dans la constitution d’une couleur d’impression ; l’épaississant agirait immédiatement sur lui, en le ramenant à l’état d’oxyde de chrome.
- Pour éviter cet inconvénient, on plaque le tissu en bichromate ou chromate neutre, et, après dessiccation, on imprime une couleur dont les éléments principaux sont des acides susceptibles de mettre l’acide chromique en liberté, sur le tissu.
- La force de la solution chromique sera proportionnée à l’intensité du bleu. Pour un bleu moyen le liquide doit être à peu près saturé. La dessiccation des pièces plaquées ne peut avoir lieu au soleil ; l’indigotine, dans ce cas, serait fortement attaquée.
- L’acide généralement employé, pour déterminer la mise en liberté de l’acide chromique et son action ultérieure comme rongeant de la couleur, est l’acide oxalique épaissi à la gomme, à la dextrine ou à l’amidon, avec addition d’un peu de terre de pipe ; pour éviter le coulage, on fait aussi
- Préparation pour enlevage.
- Eau.............
- Chromate jaune,
- Acide tartrique..
- — oxalique.. Amidon grillé.., Acide azotique . Eau.............
- ......................... 2 litres.
- ....................... 500 grammes.
- Blanc, enlevage sur fond bleu.
- ..................... 3 kilogrammes.
- ....................... 250 grammes.
- ......................... 4 kilogrammes.
- ....................... 500 grammes.
- ......................... 4 litres.
- Imprimer à froid, enrouler les pièces encore humides avec une toile écrue, sur un tourniquet ; mettre à l’eau à travers de l’eau de craie, aussitôt que le blanc paraît.
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- quelquefois intervenir l’acide azotique, l’acide sulfurique et l’acide tartrique. La décoloration, sur les places frappées par l’acide, se fait rapidement, il ne reste plus qu’à passer en bain de craie, pour saturer l’excès d’acide.
- Un autre procédé d’enlevage, à l’acide chromique, consiste à imprimer du chromate de plomb en pâte avec de l’empois d’amidon, ou tout autre épaississant, et à passer ensuite en acide chlorhydrique assez fort et tiède.
- Ici c’est plutôt le chlore mis en liberté qui décolore l’indigo.
- On peut remplacer le chromate de plomb par du peroxyde de manganèse hydraté, obtenu par voie humide.
- Rappelons aussi que l’on réalise de très-beaux enlevages, en plaquant le tissu bleu en ferricyanure de potassium (cyanure rouge), en imprimant une couleur à la soude caustique et en vaporisant. Ce procédé a, sur tous les autres, l’avantage de ne pas altérer la fibre ni le fond ; il mériterait, à tous égards, la préférence s’il n’était trop dispendieux.
- On combine quelquefois le principe de l’enlevage avec celui de la réserve. Ainsi en imprimant à la fois, sur fond bleu clair : 1° une réserve ordinaire ; 2° la même réserve additionnée de bichromate et d’acide chlorhydrique et en cuvant, on aura un fond gros bleu avec dessins petits bleus et blancs enlevages réserves. Une semblable couleur ne se conserve pas bien et ne saurait être imprimée au rouleau.
- Si l’on additionne la réserve qui donne le vert (réserve jaune sur fond cuvé clair) d’une suffisante quantité d’acide nitrique, pour détruire le peu de bleu sur lequel on l’imprime, on pourra réaliser des dessins jaunes.
- Supposons un bleu cuvé avec vert réserve au chromate, en imprimant une couleur très-acide, partout où elle touche le vert, elle met en liberté de l’acide chromique, qui détruit l’indigo; en lavant, on aura du blanc; si, au contraire, on reteint en chromate, on reproduit le jaune.
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- Combinaisons du bleu des fonds cuvés avec d'autres matières colorantes.
- Vert d'indigo cuvé. — Combinaison du bleu et du jaune de chrome. Il faut quatre cuves pour cette opération. La première est montée avec deux litres sous-acétate de plomb à 45° Baumé et 2k,500 de chaux par mesure d’eau. Elle marque 3° Baumé.
- La seconde est une cuve d’eau, à maintenir pure.
- La troisième une cuve d’indigo montée avec 7k,500 indigo.
- La quatrième une cuve de chromate, 5 kilos bichromate et 40 litres vinaigre.
- On immerge trois minutes dans la première ; on rince dans la seconde. On plonge cinq minutes dans la troisième, et on rince dans la quatrième, qui oxyde l’indigo blanc, et développe le vert. On rince à la rivière, on lave à la roue et on teint dans un deuxième bain de bichromate, on lave à l’eau et on donne un passage, à froid, à la soude caustique, avec un litre de soude à 10° Baumé par pièce ; on lave et on sèche.
- Les pièces doivent être bien cylindrées.
- En imprimant sur ces fonds verts une couleur acide, lavant ensuite à l’eau, ou passant en chaux et en bichromate, on réalise des impressions blanches ou jaunes sur fond vert, par la méthode ci-dessus décrite.
- Une autre variété de fonds verts se fabrique en mordan-çant en acétate d’alumine un tissu cuvé pour bleu et en teignant en quercitron, graine ou gaude. Si l’on plaque en bichromate mêlé d’acétate d’alumine, si, après dessiccation, on imprime une couleur acide qui détruit l’indigo et enlève le mordant, on a, après teinture en jaune, un fond vert avec dessins blancs.
- En remplaçant le quercitron par de la garance, on produit un beau puce.
- On comprend, du reste, qu’un bleu cuvé mordancépeut
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- être teint avec toutes les matières colorantes susceptibles de se fixer aux mordants. On possède donc une foule de moyens pour modifier la couleur bleue.
- Association de l’indigo et du bistre de manganèse. — Nous saxons déjà qu’un tissu teint en bistre ou en bioxyde de manganèse jouit de la remarquable propriété de se charger d’une dosed’indigotine supérieure à celle qu’il prendrait seul. On obtient ainsi des fonds noirs, sur lesquels on peut produire des dessins blancs, bistres et bleus, soit par enlevage, soit par réserve, agissant sur l’un ou l’autre des constituants, ou sur les deux simultanément.
- Ainsi : Fond bistre avec impression réserve sous bleu ordinaire donne, après cuvage, fond noir dessins bistres.
- Fond bistre impression blanc enlevage (sel d’étain acide) et cuvé donne fond noir avec dessins bleus.
- Le même résultat s’obtient en imprimant sur le fond noir (bistre cuvé) un enlevage bistre.
- Fond bistre, réserve sous bleu, avec enlevage sur bistre, donne du blanc. Le même effet se produit par l’impression d’un acide sur le noir. Dans ce cas, c’est le bioxyde de manganèse qui brûle l’indigo, en se décolorant simultanément.
- Les genres qui dérivent de ces combinaisons ont été exécutés avec succès pendant quelque temps.
- La combinaison de l’indigo et de l’hydrate ferrique donne lieu à des effets analogues, mais moins heureux.
- Ce que nous venons de dire des bleus cuvés s’applique plus particulièrement au calicot. Pour le chanvre et le lin, qui possèdent en général une moindre affinité pour les couleurs, il convient de ne pas négliger certaines précautions; ainsi on aura toujours soin de préparer le tissu au moyen d’un empois salin, ou tout au moins de le mouiller préalablement. Du reste, ce ne sont ordinairement que des genres simples que l’on a à exécuter sur ces fibres.
- Cuvage des laines et soies. — L’application de l’indigo-tine sur laine se fait toujours par voie de teinture, c’est-
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- à-dire à la cuve. La teinture d’un grand nombre de couleurs réclame l’application préalable d’un pied de bleu, c’est-à-dire d’une immersion en cuve d’indigo. Ces laines se teignent généralement en flocons ou en écheveaux, plus rarement en tissus et, dans ce cas, c’est toujours en uni que la teinture a lieu, sans réserve.
- Les cuvages des soies sont peu employés.
- Dans l’un et l’autre cas, on fait usage de cuves fonctionnant à chaud (cuves au pastel, au vouède, à burine, cuve d’Inde, cuve allemande, etc.).
- La réduction de l’indigotine est le résultat d’une fermentation spéciale, que l’on développe au sein d’une liqueur alcaline, avec des substances azotées et des corps riches en sucre, ou en substances hydrocarbonées.
- Nous savons que dans ces conditions le sucre se convertit rapidement, surtout si la température est sensiblement élevée, en acide butyrique avec mise en liberté d’acide carbonique et d’hydrogène.
- On conçoit, maintenant, comment l’hydrogène naissant peut venir se fixer à l’indigotine et la transformer en indigo blanc soluble dans les alcalis du bain.
- D’après les travaux de M. Pasteur, la fermentation butyrique est le résultat du développement de petits infusoires (bactéries), ayant la forme de bâtonnets enflés aux extrémités et susceptibles de se mouvoir par glissement. Ces animalcules vivent sans le concours de l’oxygène, qui les tue. Ils sont donc très à l’aise dans une cuve d’indigo réduit, où l’oxygène est sévèrement proscrit.
- Les ingrédients, destinés à fournir les substances hydrocarbonées fermentescibles, sont le son, la garance moulue, quelquefois même on y introduit de la mélasse. La matière azotée se trouve en abondance dans le pastel, que l’on ajoute souvent en fortes proportions aux cuves de fermentation. Ce dernier produit donne aussi l’indigotine qu’il contient. Dans la cuve d’Inde, cuve à la potasse, à la soude, cuve aile-
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- mande où l’on ne fait pas intervenir le pastel, la substance protéique est fournie par la garance ou le son.
- Les cuves montées à l’urine putréfiée sont dans des conditions analogues. Cette excrétion renferme à la fois des principes azotés, susceptibles de fonctionner comme ferments, et l’ammoniaque nécessaire à la dissolution de l’indigo.
- Tous ceux qui ont étudié les fermentations avec attention savent que ce sont des phénomènes souvent complexes, qu’il faut bien peu de modifications dans les conditions pour changer ou arrêter la marche de la réaction chimique. On comprend donc que le montage des cuves fondées sur le principe des fermentations ne repose pas sur des principes aussi sûrs et aussi constants que celui de la cuve à la couperose, et que bien des accidents, souvent imprévus, viennent arrêter et gêner le travail du teinturier inexpérimenté.
- Une longue pratique des ateliers peut seule conduire à une réussite certaine, dans une opération où la théorie n’a pas dit son dernier mot, et où l’empirisme est souvent plus heureux que la science.
- Ces considérations nous engagent à ne pas entrer dans des détails trop circonstanciés au sujet de ces cuves.
- Cuves à fermentations.
- Cuves au pastel. — Les dimensions varient de 2 à 2nl,5 de diamètre sur 3 de profondeur. On y met 100 kilog. de pastel en boule, puis on remplit la cuve avec de l’eau bouillante, on ajoute 10 kilogrammes de garance, 3 à 4 kilog. de son et 4 kilog. de chaux vive préalablement éteinte et réduite en bouillie; quelquefois aussi on ajoute de la gaude. Après trois heures de repos, on pallie la cuve en répétant la même opération de trois en trois heures. Peu à peu il se développe une odeur ammoniacale caractéristique, il se forme
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- à la surface une écume bleue (fleurée) avec des veines plus foncées. Le liquide agité à l’air bleuit rapidement. Ces symptômes indiquent la dissolution de l’indigotine du pastel, on ajoute, alors, 10 kilog. d’indigo broyé à l’eau, et on remue.
- Si la fermentation semble devenir trop active, ce que l’on reconnaît au dégagement gazeux, on la ralentit par une addition convenable de chaux; on l’active, au contraire, en augmentant la dose de son. Une odeur agréable, ni piquante ni fade, et une fleurée abondante sont les signes d’une bonne marche.
- Les premières teintures sont moins belles que les suivantes, la laine enlevant au bain certaines matières fauves, brunes ou jaunes, tenues en dissolution et fournies tant par le pastel et la garance, que par l’indigo lui-même. La laine est immergée dans la cuve pendant deux heures, sortie, déverdie à l’air et lavée. 100 kilog. de laine emploient de 8 à 12 kilogrammes d’indigo.
- Il faut donc entretenir la cuve par des additions successives d’indigo et de chaux faites le soir. Au bout de quelques mois, on épuise le bain sans additions nouvelles, et on le remonte avec de nouveaux produits.
- Un autre genre de cuves au pastel se monte à peu près comme la première, mais on y met, en plus, une certaine dose dépotasse.
- On chauffe jusqu’à 95% au moyen d’un serpentin à eau chaude, un mélangede200 kilog. pastel et 8000 litres d’eau. Au bout de quelques heures, on ajoute 6 kilog. indigo, — 8 kilog. garance, —2 kilog. son, 4 kilog. chaux et 2 kilog. potasse; on pallie, de trois en trois heures, durant 48 heures, en modérant la fermentation par des additions de chaux. Lorsque l’on observe tous les signes d’une bonne réduction, on ajoute encore 6 kilog. d’indigo et 1 kilog. de garance, on remue et on laisse reposer jusqu’au lendemain. La température est maintenue entre 40 et 50°. Tous les soirs après le travail on ajoute lk,5 de garance, et tous les trois jours
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- 6 kilog. d’indigo. Cette cuve, si elle marche bien, peut fonctionner plusieurs mois.
- La cuve à la potasse ou à la soude, cuve dinde, sert à teindre la laine et la soie. Elle se monte avec du son, de la garance, del’indigo et de la potasse. On ajoute l’indigo après avoir chauffé quelque temps à 90° le mélange d’eau, de son, de garance et de potasse. On la maintient alors entre 30 et 40°,en palliant de douze en douze heures, durant quarante-huit heures environ. Le bain doit être jaune verdâtre avec des plaques cuivrées et une fleuréeà la surface. Les proportions enployées sont ordinairement : 8 kilog. indigo, 12 kilog. potasse, 3k,500 son et 3k,500 garance. On entretient la cuve, comme les précédentes, par des additions successives d’alcali, d’indigo et de garance. Ces cuves sont plus faciles à manier que celles au pastel, moins sujettes aux accidents, et cèdent plus facilement leur matière colorante à la fibre. On peut y teindre, dans le même temps, trois fois plus de laine. La laine décharge aussi moins au savon et aux alcalis. D’un autre côté, elles ne servent pas aussi longtemps, et au bout de vingt-cinq à trente jours il faut les remonter.
- La potasse, en se saturant des graisses de la laine, devient impropre à la dissolution de l’indigo.
- La cuve allemande, aussi employée aujourd’hui dans les teintureries du nord de la France, est encore plus avantageuse que les cuves dinde.
- L’eau de la cuve est portée à 95°. On y verse vingt seaux de son, 11 kilog.de cristaux de soude, 5k,5 indigo et 2k,5 de chaux vive éteinte. Au bout de douze heures, la température étant maintenue à 40 ou 50°, la fermentation commence et le liquide prend une odeur douce de son aigri, se colore en bleu verdâtre et il se dégage des bulles de gaz.
- De temps à autre on remet de l’indigo, de la soude et de la chaux, dans les proportions indiquées ci-dessus, ainsi que de la mélasse, 3 à 4 kilog., au bout du troisième jour, la cuve est apte à travailler.
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- L’emploi de la soude est plus économique que celui de la potasse. La cuve allemande peut fonctionner très-longtemps (deux ans).
- Les cuves de fermentation, et particulièrement celles au pastel, sont sujettes à des maladies. Les deux plus fréquentes sont dues l’une à un excès, l’autre à une quantité insuffisante de chaux. Dans le premier cas, le liquide prend une teinte déplus en plus claire, perd sa fleurée et son odeur. La fermentation est arrêtée par la précipitation des matières actives.
- On remédie à cet inconvénient, s’il est vu à temps, en ajoutant du sulfate ferreux qui élimine le trop grand excès de chaux. Dans le second, la fermentation devient trop active, passe à la fermentation putride, le liquide prend une teinte rouge ; un tissu teint en indigo s’y décolore en très-peu de temps. Le seul moyen de salut est de chauffer à 90° et d’ajouter de la chaux. Si l’on n’atteint pas le but par là, si la putréfaction continue néanmoins, la cuve est perdue.
- Pour se servir des cuves ci-dessus décrites, on les pallie le matin, on enlève la fleurée, et on y immerge un panier formé d’un cercle en bois garni d’un filet de cordes, de manière à ce qu’il ne touche jamais le dépôt. C’est dans le panier que se travaille la laine en écheveaux, ou en flocons, ou en tissu.
- L’immersion est de vingt à vingt-cinq minutes. La fibre, au sortir de la cuve, est jaune verdâtre, elle s’oxyde rapidement à l’air et passe au bleu. Cette immersion se répète plus ou moins souvent, suivant la teinte désirée, enfin on lave à l’eau acidulée et à grande eau. La soie se teint toujours en cuve d’Inde, mais le bleu n’est jamais intense, aussi préfère- t-on le bleu de Prusse.
- On a récemment proposé (1), pour remplacer les cuves dites à chaud, cuves au pastel, cuves d’Inde, cuves alle-
- (1) Leuchs polyt. Notizbl., 1865, p. 277 .
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- mandes, de réduire l’indigotine par la pectine et l’acide pectique, en présence de la soude. Les produits pectiques sont abondamment répandus dans le règne végétal et notamment dans les raves.
- Procédés au moyen desquels on fixe l'indiqotine par voie d’impression.
- Les méthodes dont nous parlerons ici ne s’appliquent qu’au calicot.
- Le bleu dit de pinceau fut le premier degré de l’art d’imprimer, ou plutôt de fixer localement l’indigotine. Au lieu de plonger la pièce dans la cuve d’indigo, on épaissit celle-ci convenablement, et on l’applique par places.
- Gomme condition essentielle, la cuve doit être forte. On employait généralement la cuve au sulfure d’arsenic et à la soude, ou celle au protoxyde d’étain et à la soude.
- Au début, la préparation était portée sur tissu, au moyen de pinceaux formés de baguettes d’osier écrasées par un bout. On a aussi cherché à l’imprimer à la planche et au rouleau, mais l’oxydabilité de la couleur rend ce travail très-difficile.
- Le bleu fayence ou bleu fayencé constitue un genre qui eut une grande vogue et qui mérite de fixer notre attention, à cause des difficultés dont est hérissée sa réussite, bien qu’il ait perdu presque tout intérêt d’actualité.
- La théorie de ce bleu d’impression est fort simple : l’indigo, réduit en poudre impalpable et épaissi, est imprimé à la planche ou au rouleau. Après dessiccation, le tissu semble teint en bleu plus ou moins foncé, selon la proportion de matière colorante employée, mais ce n’est qu’un bleu d’application qui s’en irait, avec l’épaississant, au moindre lavage.
- Il s’agit maintenant de réduire et de dissoudre l’indigo-tine sur place, pour lui permettre de pénétrer la fibre et de
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- s’y fixer définitivement, à la suite d’une oxydation consécutive, et cela sans provoquer de coulages, sans altérer la pureté et la netteté des contours du dessin.
- Je dois aux communications de feu M. Ed. Schwartz de précieux renseignements sur la fabrication de ce genre, qui du reste est décrit avec beaucoup de soins et de détails dans le traité de l’impression de M. Persoz.
- La réduction de l’indigo s’obtient par des passages alternatifs du tissu imprimé dans des cuves contenant, l’une delà chaux éteinte délayée, la seconde du sulfate de fer, la troisième delà soude. On termine par un passage au bain d’acide sulfurique, qui enlève l’oxyde de fer et précipite l’indigo blanc, en hâtant son oxydation.
- Le succès dépend de la composition de la couleur imprimée et surtout de la force des cuves à immersion et de la durée des trempages.
- On se sert de six cuves, savoir :
- 2 cuves à la chaux, montées chacune avec 12k,500 de chaux ; une cuve à la couperose (sulfate ferreux cristallisé), à 7° Baumé; une cuve à la soude caustique marquant 14* Baumé; une cuve à l’acide sulfurique, à 500 grammes d’acide par mesure d’eau, enfin une cuve à eau pure (1).
- (1) Composition de la couleur à imprimer :
- / Tamiser, laisser reposer quelque temps, 1° Bleu de provision. i décanter et remuer chaque fois qu’oti
- Indigo broyé......... 4 kilogr. 1 en prend.
- Acétate de fer.... 10 litres. J On emploie de préférence l’indigo cara-
- Sulfate de fer.... 1 kilogr. \ que, bien qu’il soit moins riche que le
- Eau.................. 10 litres, j Bengale, mais il se laisse broyer ert
- Gomme Sénégal..... 0 kilogr. [ poudre plus ténue et donne une pâte
- \ plus fine.
- 2° Couleurs d'impression au rouleau................... 12 3 4
- Bleu de provision.................................... 1 i 3 4
- Acétate de fer à 7°, contenant 700 grammes de gomme
- par litre........................................... 2 1/2 1/2 1/2
- Eau de gomme, à 600 grammes par litre................. 16 2 1/2 1/2 1/2
- Ces proportions peuvent, du reste, être variées de bien des manières, suivant la nuance.
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- On laisse tremper un quart d’heure dans la première cuve à la chaux, en imprimant à la pièce un léger mouvement de haut en bas ; on laisse un quart d’heure dans le sulfate de fer, en repos ; un quart d’heure dans la seconde cuve à la chaux ; un quart d’heure à la couperose; cinq minutes dans la soude caustique ; une demi-heure dans l’acide sulfurique, en rinçant fortement.
- A chaque cuve de chaux, on ajoute 2 kilog. par pièce. A la cuve au vitriol, on ajoute 50 kilos de sulfate de fer pour chaque dizaine de pièces. La cuve à la soude est rafraîchie après 5 pièces, par une addition de 12 kilog. de sel de soude préalablement caustifié. La cuve à acide reçoit 25 kilog. d’acide, après cinq pièces, et doit être renouvelée quand elle est sale. Les autres cuves sont également nettoyées, lorsque le dépôt devient assez abondant pour nuire au succès.
- Gomme conditions importantes M. Ed. Schwartz recommande:!0 la causticité parfaite de la lessive et une force moyenne de 14° Baumé; 2° la neutralité de la cuve au sulfate de fer. A cet effet, on la fait bouillir quelque temps sur de la vieille ferraille. '
- Il est presque inutile de donner la théorie des phénomènes qui se passent ; en résumé, nous avons là les éléments d'une cuve au vitriol, sauf que la soude remplace en partie la chaux.
- En sortant de la cuve à acide sulfurique, les pièces sont rincées dans une cuve à eau. puis à la rivière, et mises à
- On doit remuer la couleur de temps à autre dans le récipient, à cause de la tendance de l’indigo à se précipiter.
- Quand plusieurs bleus tombent l’un sur l’autre, l'imprimeur doit éviter de trop fournir après l’impression de la première main, pour ne pas dissoudre la couleur sous-jacente.
- On laisse vieillir sur la toile avant de teindre, afin que le fer de l’acétate ait le temps de se peroxyder ; l’indigo adhère alors plus fortement au coton, et n’est pas sujet à se détacher dans la cuve à chaux. Sans cette précaution, la nuance devient râpée.
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- tremper, pendant une nuit, dans un bain d’acide sulfurique à 1° Baumé, dans le but de dissoudre les dernières traces de peroxyde de fer resté adhérent à la fibre. On remue à l’eau et on passe en eau de savon à 40p R.
- 2 T. Échantillon de bleu faïencé.
- On réserve facilement sous bleu-faïence, au moyen d’une couleur oxydante (chromate et sels de cuivre), qui s’opposera à la réduction de l’indigotine. Évidemment les enlevages réussissent comme sur bleu cuvé. Mais, comme il s’agit ici d’une couleur imprimée, que l’on ne dépose que là où l’on veut, les réserves et enlevages n’ont pas la même importance que pour les cuves.
- On obtient un vert-faïence en ajoutant à la couleur du bi-chlorure et du nitromuriate d’étain.
- La fixation du bleu se fait comme il a été dit plus haut ; seulement, on ne laisse que deux minutes à la soude et cinq minutes à l’acide, pour éviter la dissolution du mordant stan-nique ; on lave et on teint en quercitron.
- Bleus et verts solides. Le bleu solide représente le seul mode, usité de nos jours, pour fixer l’indigo par voie d’impression. Il est moins beau, moins foncé, quoi qu’on fasse, que le bleu-faïence, mais il a sur lui l’avantage d'être beaucoup plus facile à réaliser et partant moins coûteux. Malgré
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- cela, il exige encore des manipulations assez longues et ne peut se fabriquer simultanément qu’avec un petit nombre de couleurs.
- Le procédé consiste à imprimer l’indigo blanc précipité d’une cuve, en pâte épaissie, à le dissoudre sur tissu, par un passage en bain alcalin (chaux ou soude), et à le reprécipiter en l’oxydant, une fois qu’il a pénétré dans la fibre.
- C’est donc le bleu-faïence, moins la réduction qui se fait avant l’impression, moins, par conséquent, la cuve au sulfate de fer.
- L’indigo blanc est trop altérable pour pouvoir s’imprimer avec succès, aussi le précipite-t-on, généralement, en combinaison avec de l’hydrate stanneux, qui lui donne du corps et le préserve d’une oxydation trop rapide.
- L’indigotate stanneux en pâte, ou, comme on l’appelle, le précipité d'indigo, se prépare en versant, dans lapartie claire d’une cuve forte à la couperose, une solution acide de protochlorure d’étain et en filtrant sur des chausses en laine, autant que possible à l’abri de l’air. Il vaut mieux préparer une cuve forte à l’étain, en chauffant un mélange d’indigo, de soude caustique et de protochlorure d’étain, et de la précipiter par l’acide chlorhydrique.
- Le dépôt est empâté avec de l’eau de gomme; souvent on ajoute encore du sel d’étain pour empêcher l’oxydation. Il est, en effet, important d’éviter la transformation en indi-gotine avant l’impression. Cette indigotine ne se fixerait plus. De même, après l’impression, il faut se hâter de déterminer la dissolution de l’indigo blanc pour lui permettre de pénétrer la fibre. Il suffit, pour cela, de passer au large en lait de chaux. La combinaison stanneuse est immédiatement détruite; la matière colorable s’unit à la chaux, la couleur passe du gris pâle au vert-pomme. L’indigo blanc devient momentanément soluble, mais la présence de l’excès de chaux et de l’épaississant, ainsi que l’affinité attractive de la fibre, enpêchent tout coulage.
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- Au sortir de la chaux, on fait tomber la pièce dans l’eau courante, où commence la réoxydation qui, cette fois, est fixatrice. Enfin, on donne un passage en acide sulfurique, pour dégorger la chaux, et on lave.
- En ajoutant à la couleur un sel ferreux, dont la base se précipite dans le lait de chaux et s’oxyde à l’eau courante, et en remplaçant le bain acide simple par un bain acide au prussiate jaune, on rehausse l’intensité, toujours faible, du bleu, par la formation du bleu de Prusse.
- On remplace quelquefois le lait de chaux par une cuve montée avec de l’eau bouillie et des cristaux de soude (10° Baumé), et on lave dans une seconde cuve à eau tenant en dissolution du bichromate de potasse.
- On laisse la pièce cinq minutes dans la première cuve ; on rince cinq minutes dans la deuxième, on met une heure à la rivière ; on passe au savon à 60° Réaumur ; si le bleu coule, on ajoute un peu de chromate à la première cuve.
- 28. Échantillon de bleu solide.
- Le vert solide s’obtient en ajoutant un sel de plomb à la couleur d’impression. L’oxyde plombique se fixe par le passage en chaux et en acide sulfurique (formation de sulfate de plomb). Il ne reste plus qu’à le transformer en chromate jaune ou orange, par les procédés ordinaires.
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- Indigo fixé à la vapeur. Le bleu solide ne s’oppose pas, comme le bleu-faïence, à la fixation simultanée d’un certain nombre d’autres couleurs; ainsi on peut réaliser en même temps des jaunes et oranges de chrome, voir même les superposer (vert solide). On est également arrivé à combiner cette fabrication avec celles des nuances cachou, noir d’application et des garancés. Cependant tous ces procédés exigent beaucoup de soins. Il serait donc avantageux de trouver un moyen de fixer l’indigotine comme couleur vapeur, c’est-à-dire de découvrir une combinaison qui permettrait d’imprimer l’indigotine, et de la rendre momentanément soluble sur tissu, sous l’influence de la vapeur d’eau.
- Un réducteur alcalin qui n’agirait pas à froid, mais seulement à chaud pendant le vaporisage, remplirait le but.
- On a récemment proposé, mais sans succès, un mélange de glucose, de soude et d’indigo. On n’obtient jamais, après vaporisage, qu’une teinte grise râpée.
- Il est possible que l’acide apoglucique, formé par l’action de l’alcali sur la glucose, intervienne ici d’une manière fâcheuse.
- M. E. Schlumberger a fait des recherches étendues à ce sujet. Il me communique le procédé inédit suivant, qui lui a fourni des résultats assez satisfaisants au point de vue de la nuance. L’hydrate stanneux, en présence d’un alcali, réduit l’indigotine à froid. Avec ce mélange on rentrerait dans le cas du bleu de pinceau.
- Si l’on remplace l’alcali par du cyanure de potassium, la dissolution de l’indigotine ne s’opère plus que pendant le vaporisage.
- Les proportions les plus convenables sont :
- Indigo broyé à l’eau à 20 pour 100.. 16 parties.
- Cyanure de potassium en plaques..... 16 —
- Hydrate stanneux en pâte, lavé...... 16 —
- Eau de gomme........................ 62 —
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- Cette couleur est trop chère (S part, cyanure pour 1 part, indigo) ; elle coule très-facilement et ne pourrait s’imprimer avec des couleurs dégageant des acides. Aussi M. Schlumberger m’a-t-il prié de la publier, non comme un moyen pratique susceptible de fixer l’indigo à la vapeur, mais comme un jalon pouvant servir à la solution de la question.
- Le bleu précédent peut donner un très-beau vert solide, si on le combine au jaune de cadmium à l’hyposulûte de M. Sacc. Il résiste à toutes les opérations du garançage.
- Pour terminer ce qui est relatif aux genres dérivés de l’indigotine, rappelons que sur fibre végétale, contractée à la soude par la méthode Mercer, les nuances deviennent, à égalité de traitement, plus intenses et plus vives que sur tissu non préparé.
- L’indigotine se reconnaît sur tissu teint ou imprimé, à sa nuance bleue un peu terne, à sa résistance à l’action des alcalis et des acides non oxydants, à sa destruction sous l’influence du chlore, de l’acide azotique, de l’acide chromique. La solution récente de zinc dans l’acide sulfureux la décolore.
- Un tissu teint en bleu ou vert d’indigo, immergé dans une solution alcaline chaude d’oxyde stanneux, se décolorera, et le liquide acquerra la propriété de bleuir à l’air. Un traitement à l’acide sulfurique fumant dissout le tissu ; en ajoutant de l’eau et en filtrant, on aura un liquide bleu, offrant tous les caractères du bleu de Saxe.
- Application des dérivés sulfuriques de l'indigo.
- Les acides sulfindigotique et sulfo-purpurique n’ont aucune affinité pour les fibres végétales, même albuminées.
- Si l’on emploie quelquefois le bleu de Saxe sur coton, après avoir saturé l’excès d’acide sulfurique par de l’acétate de plomb ou de l’acétate de soude (1) (préparation impropre-
- (i) Une proportion équivalente d’acide acétique est mise en liberté.
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- ment appelée acétate d’indigo), c’est uniquement dans les couleurs d’application qui ne doivent plus être lavées.
- Les acides sulfindigotique et sulfo-purpurique ne se comportent pas tout à fait de même sur laine et soie.
- L’affinité directe del’acide sulfindigotique pour les fibres animales est limitée à de certaines conditions. Tant que cet acide se trouve en présence d’un excès d’alcali, ou même à l’état de sel neutre, il ne teint pas la laine, et cela se conçoit, puisque nous avons vu que les alcalis enlèvent le bleu déjà fixé ; on prépare même par ce moyen un bleu purifié, connu sous le nom de bleu distillé.
- Quoique l’acide sulfindigotique s’unisse directement à la laine, l’intervention des oxydes mordants (alumine, oxyde d’étain) favorise le phénomène.
- La teinture doit toujours être faite en présence d’un excès d’acide, et plus cet excès est grand, plus les nuances seront vives et rapidement atteintes.
- Autrefois on se servait du bleu dit de Saxe ou sulfate d’indigo (dissolution sulfurique, étendue d’eau). De nos jours on fait plus souvent usage du carmin, quelquefois aussi, pour l’impression, du soi-disant acétate.
- La teinture de la laine par le carmin n’offre aucune difficulté ; il suffit delà manœuvrer, au bouillon, dans un bain contenant du carmin et de l’alun, avec ou sans crème de tartre. L’alun donne un peu plus de solidité à la couleur. Les teintures bleues sur laine résistent mal aux macérations alcalines, lorsqu’elles sont obtenues avec un acide sulfindigotique provenant de l’emploi d’un excès d’acide fumant (plus de 12 fois le poids de l’indigo), surtout si l’on opère à chaud. (Cam. Kœchlin.)
- Pour la soie on a coutume d’aluner préalablement.
- L’acide sulfindigotique forme l’élément bleu, dans une foule de couleurs mixtes : verts, gris, violets, noirs, etc.
- La grande facilité avec laquelle il se fixe rend son emploi très-commode.
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- Pour l’impression, on opère comme dans la teinture.
- Il suffit d’aciduler légèrement, avec de l’acide oxalique, la solution de carmin ou d’acétate d’indigo, épaissie à la gomme, d’ajouter si l’on veut un peu d’alun, et de vaporiser, pour fixer la matière colorante. Ici encore le carmin entre dans la composition d’une foule de couleurs mixtes.
- Il se mélange bien aux jaunes et roses vapeurs, pour donner des verts, des violets, des gris, des modes variées à l’infini. On l’ajoute, de plus, à un grand nombre de couleurs vapeur sur laine, pour les modifier plus ou moins profondément, et donner les tons les plus divers.
- Comme on peut toujours l’enlever à la fibre par un bain alcalin (cristaux de soude) tiède, qui se charge de bleu, qu’il se décolore par le chlore, les oxydants, la solution sulfureuse de zinc, la soude caustique concentrée, qu’il résiste, au contraire, aux acides, il est facile à reconnaître sur laine ou soie.
- M. Hæffely (I) a fixé l’attention des coloristes sur les couleurs dérivées de l’emploi de l’acide sulfopurpurique (phéni-cine), et du sulfopurpurate de soude (carmin d’indigo rouge).
- En teignant la laine dans un bain faiblement acidulé de sulfopurpurate de soude, on obtient des bleus très-différents de ceux du carmin bleu ordinaire, et assez semblables au bleu cuvé. Ces bleus, passés en bain alcalin, donnent de belles nuances violettes et rouges, plus solides que les violets et rouges à l’orseille.
- D’après les observations de M. Gam. Kœchlin (2), le pourpre d’indigo, imprimé sur laine et vaporisé, est violet après l’impression et bleu au sortir du vaporisage. Ce bleu ne se laisse plus ramener au violet. Cet effet semble dû à l’action de l’acide sulfureux que retiennent les laines soufrées.
- Sur coton, ce virage ne se produit pas. Les sulfopurpurates sur coton résistent moins aux lavages que les sulfindigotates,
- (1) Bulletins de la Société industrielle de Mulhouse, XXIV, 321.
- (2) Idem, p. 336.
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- qu’ils aient été formés sous des influences acides, salines ou alcalines. Aussi les sulfopurpurates conviennent-ils moins que leurs congénères,, pour l’impression des couleurs vapeur sur chaînes coton. Ils donnent lieu à des nuances piquées.
- Procédé chinois pour teindre en bleu, d’après M. Natalis
- Rondot.
- Les Chinois appellent lan les plantes qui donnent de l’indigo ; ils en signalent cinq espèces. Le lan-tien est le bleu que l’on en tire.
- Ces espèces appartiennent à la famille des Acanthacées, des Asclépiadées, des Polygonées, des Crucifères (Isatis), des Légumineuses (Indigofère).
- Les feuilles fraîches du lan servent à la teinture en bleu clair. Pour teindre, on rince la toile dans l’eau froide, on la fait sécher au soleil, et on la plonge dans un bain tiède de feuilles de lan, dans lequel on a versé un peu de jus de citron.
- On retire de l’indigo des feuilles de lan, par le procédé de la macération et du battage. Cet indigo se vend, tantôt en pains, tantôt en pâte liquide.
- Bibliographie. — Comptes rendus de l’Académie des sciences, VI, 677; VII, 123, 660, 703, 741, 763, 772, 806, 819, 1027, 1127; VIII, 365, 565, 918; IX, 191, 223, 514, 774; X, 204; XI, 530; XII, 537; XIII, 85, 447, 483, 586, 921, 966, 1157 ; XIV, 490; XV, 738; XVIII, 565, 282, 707, 786, 1132; XXVI, 601. —Bulletins de la Société d’encouragement, VIII, 271, 307, 190, 259; X, 165, 252, 169, 172; XI, 213, 30, 40, 64, 89 ; XIII, 22 ; XXI, 313 ; XXVI, 409; XXVIII, 81 ; XXIX, 312, 432; XXXVI, 458; XXXVII, 443 ; XXXIX, 84, 293; XLII, 251 ; XLVI, 412, 459 ; XLIX, 718; LU, 410; LIII, 793 ; LV1, 293, 1650 ; LVII, 405; L1X, 50, 627, 696 ; LX, 187. — Répertoire de chimie appliquée, I, 429; III, 133, 215, 96.—Répertoire de chimie pure, 1,79; 11,239, 274; III, 71; IV, 276; V, 518, 522. —Bulletins de la Société chimique (2), III, 132 ; IV, 170. — Bulletins de la Société industrielle de Mulhouse, IV, 118; X, 425, 413; XI, 186; XII, 216 ; XIV, 212; XV, 277; XXI, 359; XXIV, 321 ; XXVIII, 307. — Annales de chimie,
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- CACHOU.
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- Ire série, XXVI, 291 ; V, 86; II, 177; XI, 487 ; XVIII, 272; XXIX, 202 ; VI, 63 ; LXVIII, 284 ; LXV, 99. — 2e série, VIII, 442 ; XVI, 89 ; XXXV, 269; XXXVI, 350 ; XXXVII, 4 60; XXXIX, 290 ; XLI, 474. — LXIII, 265.—3e série, II, 200, 244; III, 374, 462. — Annalen Chemie und Pharmacie, CXV, 279; CXX, 4; XC, 328; XLVIII, 233, 344, 261 ; XLV, 49, 27; XLVIII, 338, 292, 202. — Dingler’s Po-lytechnisches Journal, XIII, 90, 107 ; XIV, 400, 430; XVIII, 398; XVI, 69, 230; XX, 196; XXV, 482,534, 503; XXIII, 94 ; XXVII, 77; XXXIV, 444 ; XXXVI, 472; XLI, 49 ; XXXIX, 4 56 ; XLII, 249 ; XLVI, 42; LIV, 356; LVII, 405, 221 ; LV, 400 ; LVIII, 488; LIX, 230; LXIII, 457 ; LXVI, 48, 56 ; LXXI, 402 ; LXXII, 44, 393 ; LXXI1I, 311 ; LXX1V, i 47 ; LXXVIII, 293, 03, 406; LXXX, 390; LXXXI, 68; LXXXII, 153; LXXXIII, 369; LXXXVI, 306 ; LXXXV, 319; LXXXVII, 399, 318; XCVI, 458 ; C, 459; GXIX, 1 44, 309 ; CXXI, 228 ; CXXI1I, 164, 375 ; CXXIX, 224, 288, 208 ; CXXXII, 363 ; CXXXY, 397; CXXXVII, '319; CXLVI, 366; CL, 396.
- CHAPITRE IV
- MATIÈRES COLORANTES BRUNES OU NOIRES. — ASTRINGENTS.
- Les principes immédiats végétaux que nous avons à examiner dans ce chapitre sont tous incolores par eux-mêmes, et ne développent leur nuance brune, grise ou noire que sous l’influence d’une oxydation spéciale ou de mordants appropriés. La plupart appartiennent à la classe encore mal définie des tannins.
- CACHOUS.
- Le cachou est un extrait sec d’origine variable, obtenu en épuisant par l’eau certaines parties végétales, et en évaporant le liquide à consistance convenable.
- On en distingue plusieurs variétés, suivant le pays et la plante qui le fournissent, et suivant la forme du produit commercial (1).
- (1) Girardin, Leçons de chimie, 4e édit., t. II, p. C3G. — Guibourt, Journ. de pharm. (3), XI, 24, 200, 360; XII, 37, 183, 267.
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- 606 TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- 1° Cachou vrai.—Catéchu, cate, catch, cutt, terre du Japon.
- Il s’extrait delà partie interne du bois de l’acacia catechu. (Légumineuses, Mimosées.)
- L’acacia catechu est un arbre qui atteint 5 à 7 mètres de hauteur ; il croît aux Indes orientales (Bengale, Bombay,
- Mysore, îles de l’Archipel indien). On dépouille le tronc de son aubier blanc, au moment où il est le plus riche en sève ; la partie interne, découpée en menus fragments, est bouillie avec de l’eau, dans des vases en terre non vernie, et le liquide est concentré, d’abord à feu nu, puis au soleil dans des vases plats^ et en agitant, jusqu’à ce qu’il ait pris la consistance voulue. L’extrait ainsi préparé donne trois variétés de cachou brun.
- a. Cachou brun coulé sur feuilles (cachou en masses du Pégu). Pains de 35 à 40 kilogr., enveloppés de grandes feuilles ; sec, luisant, couleur brun rougeâtre ou noirâtre, uniforme. Densité = 1,39.
- b. Cachou brun coulé sur terre ou sur sable; moins pur et moins estimé que le précédent.
- c. Cachou brun en pains cubiques, emballés dans des sacs de 35 à 40 kilogr.
- Elles arrivent de Singapore et du Pégu, par voie de Calcutta, à Londres, Amsterdam et Hambourg.
- 2° Le cachou du Bengale préparé avec la noix d’arec ou fruit du palmier aréquier (areca catechu) (fig. 13).
- Il se présente sous forme de pains cubiques de 3 à 4 centimètres de côté ; couleur brun-chocolat, plus claire que celle du cachou de Bombay, avec des zones alternativement
- /J A
- Fig. 13.
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- CACHOU.
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- claires et foncées. Cassure terne, terreuse. Densité =1,28.
- 3° Cachou jaune, cubique, Gambir cubique. S’extrait des feuilles de Yuncaria gambir et de Y uncaria-acida, arbrisseau sarmenteux de la famille des Rubiacées, tribu des quinquinas (Roxburg), très-abondant à Sumatra, Malakka, Pulo-Pinang, Singapore, îles Moluques [ftg. 14 et 15).
- Fig. 14.
- Fig. 15.
- Il se présente sous forme de pains de trois à quatre centimètres de côté, bruns extérieurement, jaune clair à l’intérieur; cassure terne; saveur amère, astringente; assez semblable au véritable cachou.
- 4° Kino ou Gomme Kino. Fourni parle butea-frondosa(Lé-gumineuses), le pterocarpus marsupium de l’Inde et par d’autres végétaux ; suc noir, astringent et amer employé seulement en médecine.
- Composition du cachou. — Les diverses espèces de ca-
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- 6 08 TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- chou présentent à peu près toutes la même composition qualitative.
- On y a trouvé :
- a. Une variété de tannin, soluble dans l’eau froide, précipitable par la gélatine et en vert grisâtre par les sels de fer au maximum, non précipitable par l’émétique. Ce corps, encore mal défini dans ses propriétés et sa composition, est appelé acide cachoutannique.
- b. Un principe incolore, cristallisable, catéchine ou acide catéchique, auquel le cachou doit surtout ses qualités tinctoriales.
- c. Des matières brunes, en plus ou moins grandes quantités, formées par l’altération de la catéchine ou de l’acide cachoutannique, pendant la concentration de l’extrait.
- Acide cachoutannique. — Corps amorphe, incolore, soluble dans l’eau froide, l'alcool, l’éther, de saveur astringente.
- On le prépare, à l’état impur, en précipitant par l’acide sulfurique concentré une infusion aqueuse, concentrée et faite à froid, de cachou. Le précipité, lavé à l’eau acidulée avec l’acide sulfurique, est redissous dans l’eau. Le liquide est saturé par le carbonate de plomb, filtré et concentré dans le vide. On peut aussi épuiser le cachou par l’éther, dans un appareil de déplacement. La solution éthérée est évaporée dans le vide ; elle donne une masse poreuse, jaunâtre.
- Suivant Delffs (1), la solution d’acide cachoutannique s’altère à l’air, devient rouge foncé, en fournissant de la catéchine. Neubauer (2) nie la production de catéchine, dans ces conditions ; ce serait, au contraire, la catéchine qui en s’oxydant pourrait se convertir .en tannin précipitable par la gélatine.
- Les alcalis favorisent l’oxydation du tannin du cachou.
- L’acide cachoutannique ne donne pas de glucose par l’é-
- (1) Jahresb. fur prakt. Pharm., XII, 1G2.
- (2) Neubauer, Ann. der Chem, und Pharm., XCVI, 337.
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- CACHOU.
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- bullition avec l’acide sulfurique étendu, il diffère par là du tannin ordinaire.
- Davy et Nees ont trouvé :
- Dans le cachou de Bombay.. S4,4 p. 100 d’ac. cachoutannique.
- — du Bengale.. 48,2 — —
- — Gambir............. 36 à 40 — —
- Catéchine (1). — Ce corps se présente sous forme de fines aiguilles blanches, à éclat soyeux et nacré, renfermant de l’çau de cristallisation, éliminable à 100°. Elle fond à 217°. A une température plus élevée, elle se décompose en donnant un produit volatil, l’acide pyrocatéchique ou oxyphéni-que, C6H602. Saveur faible, presque nulle, réaction neutre; soluble dans 1133 parties .d’eau à 17°, dans 2 à 3 parties d’eau bouillante ; elle se sépare par refroidissement du liquide saturé à chaud, sous forme de fines aiguilles; soluble dans S à 6 parties d’alcool froid et 2 à 3 parties d’alcool bouillant, soluble dans 120 parties d’éther froid et 7 à 8 parties d’éther bouillant.
- Préparation. — Le procédé le plus avantageux, pour obtenir la catéchine pure, consiste à épuiser par l’eau froide le cachou jaune en pains cubiques, après l’avoir réduit en poudre. Le résidu, débarrassé du tannin, est traité par 8 fois son poids d’eau bouillante.
- La catéchine se sépare par refroidissement ; on exprime pour séparer l’eau mère. Les cristaux sont redissous dans l’eau et le liquide.est précipité par le sous-acétate de plomb. On ajoute celui-ci peu à peu, et l’on sépare les premières portions, lorsque le dépôt commence à être blanc. Le liquide
- (l)Nees, V.-E. Senbek, Ann. Chem, und Pharm., I, 343.— Zwenger, Ann. Chem, und Pharm., XXXVII, 320. — Hagen, Ann. Chem, und Pharm., XXXVII, 336. — Delffs, toc. cit. — Neubauer, loc. cit. — Van Delben et Kraut, Ann. Chem, und Pharm., CXXVI1I, 285. —Schützenberger et Rack, Bullet. Soc. chimiq. de Paris, juillet 1865, p. 5. — Illasiwetz et Malin, Ann. Chem, und Pharm., CXXX1V, p. 118.
- II.
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- CIO
- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- filtré est complètement précipité par le sous-acétate de plomb. Le précipité blanc, lavé, est mis en suspension dans l’eau et décomposé par un courant d’hydrogène sulfuré. On filtre à chaud, la catéchine se sépare à l’état de pureté.
- Composition. — De nombreuses analyses conduisent aux mbres :
- Carbone....................... 61,40
- Hydrogène.......................... 5,00
- pour la catéchine anhydre, et
- Carbone........................ 52,06
- Hydrogène.......................... 6,00
- pour la catéchine hydratée. La traduction des résultats analytiques a donné lieu à une foule de formules.
- Zwenger propose............................ C20Hl8O8
- Neubaer — ....................... C17li1807
- I
- D’après Strecker, la catéchine serait un mélange de deux corps très-voisins l’un de l’autre, difficiles à séparer, et homologues :
- C16H1608 acide deutocatéchique.
- C18H2°08 — tritocatéchique.
- MM. Kraut et Y. Delben n’admettent pas l’opinion de Strecker et proposent l’expression G12Hl205-j-2H20.
- Hlasiwetz et Malin préfèrent C19H1808.
- Les expressions C10H10O4 et G22H22 09 s’accordent aussi avec les nombres trouvés.
- Le doute est donc encore permis sur la véritable formule à accepter ; il ne pourra être levé que par l’étude des dérivés chimiques.
- Dérivés delà catéchine. — La catéchine bouillie avec de l’acide sulfurique étendu, à l’abri de l’eau, ou avec de
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- CACHOU.
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- l’alcool chargé d’acide chlorhydrique, se convertit en un produit brun amorphe, insoluble dans l’eau et l’alcool, la caté-churétine, qui paraît dériver de la catéchine par déshydratation.
- Formule de la catéchurétine :
- a. D’après Neubauer, C17H1407;
- b. D’après Kraut et' Van Delben, C12H1004 ;
- c. D’après Hlashvetz, Gl9Hu06=C19H1808 (catéchine) — 2H20,
- d. ou C22H1807.
- Fondue avec de l’hydrate de potasse, la catéchine se dédouble en phloroglucine et en acide protocatéchique. Hla-siwetz représente cette réaction par l’équation :
- C19H1808-f O2 = C7H604 + 2C6H603.
- Ac. protoca- Phloroglu-téchique. cine.
- La catéchine donne avec l’eau bromée une matière rougeâtre, insoluble (bromo-catéchurétine : C12Br4H604, Kraut et V. Delben, ou G19H8Br606, Hlashvetz et Malin).
- Le chlorure de bénzoïle l’attaque à 190° et la change en deux produits : l’un, soluble dans l’alcool, paraît être la catéchine monobenzoïque; l’autre, insoluble dans l’alcool, semble correspondre à la catéchurétine benzoïque.
- L’acide iodhydrique, à 100°, désoxyde la catéchine, en la transformant en un produit jaune, élastique, grenu, insoluble dans l’eau, l’alcool, l’éther et l’acide acétique. Ce corps a donné à l’analyse :
- Carbone.......................... 63,90
- Hydrogène......................... 5,00
- (Oqp409 ou c->2H22G8 ou C19H,807)
- Une solution de catéchine dans l’acide acétique anhydre, additionnée de bioxyde de baryum en poudre, donne un
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- corps blanc, insoluble dans l’eau bouillante, soluble dans l’acide acétique cristallisable et précipitable de cette dissolution par l’eau.
- Ce corps a donné à l’analyse :
- Carbone.......................... 58,00
- Hydrogène........................ 4,70
- Le bichromate de potasse, l’acide nitrique étendu et chaud convertissent la catéchine en matières brunes insolubles et amorphes. Celle obtenue avec le bichromate a donné à l’analyse les nombres suivants :
- Carbone........................... 58,07.
- Hydrogène......................... 3,42
- Cette matière brune se dissout facilement dans l’acide nitrique étendu, avec un vif dégagement d’acide carbonique et production d’acide oxalique.
- L’acide nitrique concentré donne un produit analogue de l’acide picrique.
- En présence des alcalis ou des carbonates alcalins, la catéchine absorbe rapidement l’oxygène de l’air ; ses solutions deviennent rouges et brunes et contiennent des produits bruns, mal définis dans leur composition, et connus sous les noms d’acides rubinique et japonique. En présence de l’eau seule, elle subit une oxydation analogue, mais plus lente.
- C’est sur la propriété de la catéchine de donner facilement, par oxydation, des corps bruns insolubles, que sont fondées les applications du cachou en teinture et en impression.
- Le cachou brut en pains, exposé à une température de 100°, fond et devient transparent, en perdant 4 à 5 p. 100 de son poids. A l’incinération, il donne un résidu de 3 à 4 p. 100.
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- CACHOU.
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- En raison de sa consistance extractive, le cachou est sujet à subir des falsifications par mélange de substances étrangères (sable, argile, ocres, sang, sucre, amidon, etc., etc.).
- L’examen attentif des caractères physiques et organoleptiques, de la quantité et de la nature du résidu insoluble dans l’eau ou l’alcool, l’incinération et l’examen des cendres, fourniront des renseignements sur la pureté d’un produit ; mais il conviendra toujours d’essayer le cachou par voie d’impression, en en composant une couleur, comparativement avec un cachou type.
- Ainsi, par exemple, on prendra :
- Cachou............................... (50 grammes.
- Acide acétique à 7°.................. 120 —
- Eau épaissie avec gomme.............. 40 centim. c.
- On imprime, on vaporise et on passe au chromate.
- Applications (1). —Le cachou sert en médecine, pour le tannage des peaux et en teinture.
- Cette dernière application date de très-loin aux Indes.
- Le cachou fut employé pour la première fois en Europe, en 1806, par MM. Schaeppler et Hartmann, comme couleur brune, pour accompagner les nuances garancées. Leur procédé, publié par Dingler (2), ne fut pas adopté et ce n’est qu’en 1829 que l’usage du cachou pour l’impression du coton commença à prendre de l’importance.
- M. Barbet, de Jouy, fut un des premiers promoteurs de son emploi.
- Le cachou brut et le cachou fondu donnent avec l’eau des décoctions troubles qui déposent par refroidissement; par une ébullition prolongée, avec 8 parties de vinaigre à 2° Baumé, on obtient une liqueur claire ne fournissant que peu de dépôt.
- (1) Bulletins de la Soc. indust. de Mulhouse, Xll, 354, 373; XIII, 291 ; XIV, 197.
- (2) Dingler's Polyt. Journ., II, n° 1, 1815.
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- Les parties colorantes du cachou se dissolvent aussi facilement dans la soude caustique.
- Une décoction de cachou, à l’eau, teint en jaune foncé le coton mordancé à l’alumine et en olive le coton préparé au fer ; avec addition de colle-forte, la couleur est plus belle mais plus claire ; un passage en bichromate fait passer ces teintes au brun.
- Cette même décoction, bouillie avec un peu d’acétate de cuivre, fournit des nuances bois avec l’alumine, et cannelle avec le fer ; par l’action préalable du bichromate de potasse, elle devient tout à fait impropre à la teinture. En général, le cachou ne peut servir utilement qu’autant qu’il n’est pas suroxydé avant d’être porté sur la fibre. Pour qu’il y ait fixation, l’oxydation doit se faire sur le tissu lui-même. En effet, la matière colorable (catéchine) est seule soluble et dans un état propre à pénétrer dans les pores du coton ; une fois oxydée, elle se comporte comme toute substance colorante, insoluble et inerte, susceptible seulement d’être fixée mécaniquement.
- Les procédés, au moyen desquels on réalise sur tissus les nuances dérivées du cachou, reposent, en résumé, sur les principes suivants :
- La catéchine est appliquée en solution sur la fibre qu’elle pénètre, et le tissu est mis dans des conditions convenables pour qu’il y ait oxydation et transformation du principe immédiat colorable et soluble, en composés bruns insolubles et adhérents.
- Cette oxydation peut s’effectuer :
- a. Par simple exposition du tissu à l’air ;
- b. D’une manière plus rapide par le vaporisage. Dans les deux cas, on favorise singulièrement l’oxydation en introduisant, dans la couleur à imprimer, des agents oxydants qui ne produisent leur effet qu’à la longue ou pendant le vaporisage (sels de cuivre);
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- c. Par un passage en solution alcaline qui exalte l’affinité de la catéeliine pour l’oxygène ;
- d. Par un passage en solution de bichromate dépotasse.
- e. Quelquefois on combine deux de ces procédés : ainsi le vaporisage et le passage en chromate, l’aérage et le vaporisage.
- Il est évident que, pour des impressions avec cachou seul, le fabricant choisira le mode opératoire le plus prompt et le plus complet, qui est sans contredit le passage au chromate ; mais si le cachou est associé à d’autres nuances, à d’autres couleurs, il faut nécessairement adopter le procédé convenant au cas complexe ; c’est-à-dire celui qui ne peut pas nuire à l’intégrité des couleurs associées.
- On modifie la nuance propre, donnée par le cachou, en introduisant dans la couleur divers sels ou préparations métalliques, telles que sels de fer, de manganèse, etc.
- Emploi des sels de cuivre dans la fixation du cachou. — MM. Cam. Kœchlin et Mathieu-Plessy ont fait une étude toute spéciale de l’intervention des sels de cuivre comme oxydants, dans les couleurs vapeurs et d’application (1).
- D’après leurs expériences, dont les résultats ont été confirmés par celles de H. Schlumberger, le chlorhydrate d’ammoniaque favorise singulièrement l’oxydation des matières colorantes par les oxysels de cuivre. Les plus anciennes formules de cachou renferment déjà, comme moyen de fixation, un mélange de sel de cuivre et de chlorure ammonique (Schaeppler et Hartmann en 1806 ; Esslinger à Jouyen 1829). On a interprété de diverses manières le rôle si utile du sel ammoniac. M. Persoz pense qu’il contribue à maintenir en dissolution, dans la couleur, divers sels et oxydes, en raison de sa tendance à former des sels doubles.
- Suivant M. G. Schwartz, il servirait à prévenir une combinaison entre le cachou et la gomme.
- (1) Bull. Soc. indust., t. XXII, p. 311 et suiv.
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- 616 TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- Cette dernière opinion est tout à fait arbitraire et, du reste le mélange de sel ammoniac et de sels de cuivre rend des services dans l’oxydation d’autres couleurs que celles dérivées du cachou (bois rouges, campêche, noirs d’aniline).
- M. G. Kœchlin pense que le sel ammoniac agit par double décomposition, et donne du chlorure cuivrique. La matière colorable réduit celui-ci en le ramenant à l’état de chlorure cuivreux, qui reste en solution à la faveur du sel ammoniac, se réoxyde au contact de l’air, et devient susceptible d’agir sur une nouvelle portion de matière organique.
- Des phénomènes de ce genre se passent, lorsque l’on met une lame de cuivre dans une solution contenant du sel ammoniac et du sel de cuivre (sulfate, nitrate). Nous avons déjà trouvé une application de ces idées dans la génération du noir d’aniline, en faisant observer que, dans cette théorie, une très-petite quantité de sel cuivrique suffit à l’oxydation d’une forte proportion de matière colorable; cette conséquence est confirmée par l’expérience.
- Le chlorure ammonique ne peut être remplacé par d’autres sels ammoniacaux. Suivant M. C. Kœchlin le chlorure de sodium agirait dans le même sens que lui, mais les essais de H. Schlumberger ne s’accordent pas avec cette conclusion. Des expériences récentes ont montré que le sulfure de cuivre pouvait, avec avantage, remplacer les oxysels ordinairement employés.
- Fixation du cachou au chromate.
- C’est vers 1832, que l’on commença à oxyder le cachou parle bichromate de potasse, dans la maison Frères Kœchlin, encore aujourd’hui une des plus importantes de la capitale industrielle de l’Alsace.
- Les nuances intenses sont vaporisées, avant d’être fou-lardées en chromate. La dissolution de ce sel doit être
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- assez active pour empêcher le coulage de la couleur. On atteint ce résultat par une concentration et une élévation de température convenables. Pour les couleurs claires, on remplace le vaporisage par une simple exposition à l’air.
- L’oxydation de la catéchine. dans le bain de chromate, est instantanée et la nuance brune se développe ; elle est accompagnée, comme phénomène inverse indispensable , de la réduction de l’acide chromique et de sa transformation en oxyde de chrome (sesqui - oxyde ou oxyde intermédiaire, Cr204).
- M. Schlumberger admet la production d’une laque de chrome et de cachou oxydé; d’après lui, l’oxvde métallique •serait utile au développement de la teinte ; mais il paraît plus probable que l’oxyde est mécaniquement mélangé avec l’a matière brune oxydée, comme la soutenu M. Heck-mann (1).
- Oxydation par le concours d’un passage en chaux.
- Ce mode d’opérer est moins favorable que les autres; on l’emploie dans les cas où l’on imprime en même temps d’autres nuances se fixant à la chaux, tels que bleu solide.
- La présence d’un alcali ou d’une terre alcaline favorise, comme nous l’avons déjà dit, l’absorption de l’oxygène.
- On combine ordinairement ce moyen avec l’emploi des sels de cuivre et du sel ammoniac et avec l’aération préalable à la chambre d’oxydation.
- On réalise avec le cachou, par voie de teinture, des fonds bruns foncés et clairs, des fonds modes, des impressions.
- Les couleurs cachou s’associent souvent aux nuances dérivées de la garancine. En y introduisant du mordant d’alumine et en teignant en garancine, on modifie la teinte propre et on la fait passer au brun rouge.
- (1) Bullel. de In Soc. i/idust., t. XIV, p. ISO pfc 197.
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- 618 TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- Les teintes données par cette matière colorante sont remarquables par leur solidité, leur résistance aux alcalis, au saxon, aux acides, au chlore. Il est impossible de produire des enlevages sur fonds cachous.
- Dans ces diverses applications, on se sert de solutions de cachou faites à chaud, avec de l’eau seule, de l’acide acétique, ou de la soude caustique.
- Voici quelques exemples de couleurs cachou d’impression.
- Cachou............................. 6 kilogrammes.
- Lessive de soude à 10° Baumé...... 8 litres.
- Eau................................. 8 —
- Épaissir avec de la gomme ; vaporiser et oxyder par un passage en chromate (5 à 7 grammes de bichromate par litre d’eau, température de G0° à 70° Réaumur, pendant 2 minutes).
- Cachou........................... 6 kilogrammes.
- Acide acétique à 7° Baumé......... 12 litres.
- Eau................................ 4 —
- Épaissir avec de la gomme ; vaporiser et oxyder par un passage en chromate.
- Cachou... ........................ 10 kilogrammes.
- Acide pyroligneux................ 20 litres.
- Acétate de chaux .4 7°............. 5 — (ne peut
- agir que comme moyen hygroscopique).
- Acétate de manganèse à 30° Baumé.. 5 litres (modifie
- la nuance).
- Gomme.......i.................... 7kil,500
- Vaporiser et oxyder en chromate.
- Cachou............................. 3 kilogrammes.
- Acide pyroligneux.................. 6 litres.
- Sel ammoniac..................... 360 grammes.
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- CACHOU.
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- Verdet.......................... 31 grammes.
- Eau de gomme à 700 grammes par
- litre.......................... 6 litres.
- Acétate de chaux................ 11U,50
- Se passe en eau de chaux, après aérage, ne se vaporise
- ni ne se ehromate.
- Cachou à garancer.
- Cachou................................ 14 kilogrammes.
- Eau................................... 18 litres.
- Sel ammoniac........................... 5 kilogrammes.
- Azotate de cuivre................... 3kil,375
- Acide acétique, 7° Baume............ 13 litres.
- Acétate de chaux.................... 9 —
- Gomme................................. 15 kilogrammes.
- Pyrolignite d’alumine à 10°Baumé.. 1 litre.
- On fixe à la chambre à oxyder, on bouse, puis on teint en garance. Ce cachou s’imprime sur le tissu à côté des mordants. Pour les fonds cachou, on peut procéder de quatre manières : 1° On imprime un mélange de décoction acétique de cachou et de pyrolignite de fer, on laisse oxyder pendant vingt-quatre heures, et on passe en ehromate.
- Couleur mère.
- Cachou jaune........................ 100 grammes.
- Eau................................... 2 litres.
- Acide acétique, 8° Baumé............ 100 grammes.
- Gomme................................. 1 kilogramme.
- Sur 10 litres couleur mère, on prend 1 litre pyrolignite de fer à 10°. Pour une nuance plus claire, on étend encore de 4 litres eau de gomme. Après l’impression du fond, on laisse oxyder vingt-quatre heures, et on passe en ehromate (1 litre eau, 5 grammes de bichromate, 75° Réau-mur, deux minutes dans une cuve à roulettes).
- Laver une demi-heure au elapot.
- /
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- 620
- fS
- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- 2° Imprimer une décoction de cachou sans fer et procéder comme ci-dessus.
- 3° On imprime le mordant nankin :
- Sulfate de fer..... 2 kilogr. \ On ajoute à 2 litres de cette pré-
- Acétate de plomb.. lkil,500 > paration séparée du sulfate de
- Eau................ 2 litres. / plomb, lkil,2o0 léïocomme,
- et l’on a la couleur mère que l’on étend de 7 à 45 litres d’eau de léïocomme).
- Après l’impression, on oxyde pendant vingt-quatre heures à l’étendage, on passe en silicate, on lave, et on teint en cachou (pour 50 mètres de tissu) :
- Eau..............,.................... Io0 litres.
- Décoction de cachou à 180 grammes par litre................................ 3 —
- En montant de 15° à 64° Réaumur.
- On passe en chromate, on lave au clapot et on sèche.
- 4° On imprime et on fixe, par les procédés ordinaires, un mordant rouge ; on teint en cachou, et on passe en chromate.
- Pour les fonds modes, 1° on-imprime un mélange de cachou et de pvrolignite de fer, et l’on passe dans un bain de bichromate à 45° Réaumur.
- Ou 2° on imprime le mordant nankin, on teint en cachou comme ci-dessus, mais on ne passe pas en chromate.
- 3° On imprime un mélange de cachou et de mordant nankin; après l’impressionj on laisse oxyder pendant vingt-quatre heures, on vaporise une demi-heure à deux atmosphères, on lave au clapot et on sèche.
- Les procédés de fixation du cachou au moyen des sels de cuivre, ou du chromate, s’appliquent aussi à la teinture et à l’impression de la soie et de la laine.
- Les teintes que l’on peut réaliser avec le cachou sont :
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- CACHOU.
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- Les diverses nuances de brun, l’olive, les bois foncés et clairs , les carmélites, l’olive, les jaunes plus ou moins brunâtres.
- 29. Cachou chromé.
- 30. Cachou vaporisé et chromé.
- 31. Cachou au cuivre vaporisé.
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- traité des matières colorantes.
- 32. Cachou garancine.
- 33. Cachou albumine foncé.
- 34. Cachou albumine clair.
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- MATIÈRES ASTRINGENTES D1VÉRSES
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- MATIÈRES ASTRINGENTES DIVERSES
- Noix de galle. —Excroissance anormale, produite par la piqûre d’un insecte (Cynips Galice tinctoriœ, genre hyménoptère) sur les feuilles et les jeunes pousses du chêne et surtout du Quercus infectoria. Cet arbrisseau croît aux Indes, en Perse, en Syrie et dans le Levant. La noix développée renferme une cavité centrale où se trouve logée la larve de l’insecte ; car, en piquant l'épiderme du végétal, la femelle du cynips y a déposé un œuf. La récolte se fait généralement avant que l’animal ait consommé, pour son entretien, une partie de la couche interne de son enveloppe, et avant qu’il l’ait percée pour s’envoler sous forme de mouche.
- Les premières, plus denses que les autres, sont connues sous le nom de noix de galle noire, verte, vraie ; les secondes, sous celui de galles blanches ou fausses.
- MS
- Fig. 17,
- Fig. IG.
- Fig. 1S.
- Fig. 19.
- Les noix de galle se présentent sous forme de boules sphériques ou ovoïdes, plus ou moins grosses, depuis la
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- 624
- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- grosseur d’un pois, jusqu’à 1 à 2 centimètres de diamètre, à surface lisse, munie de saillies coniques de dimensions variables.
- Les principales espèces sont :
- 1° Les galles d'Alep ou de Turquie (Alep, Smyrne, Mésopotamie, Asie et Indes orientales).
- Diamètre : 1 à 2 centimètres.
- Variétés : Noires. — Noir-grisâtre, efflorescences blanches, pesantes
- Vertes. — Vert-jaunâtre, efflorescences blanches.
- Blanches. — Blanc-verdâtre, piquées et ridées.
- 2° Galles de Morée. Grosseur d’une noisette, brunes, irrégulières, creuses.
- 3° Galles de Smyrne (noires, vertes et blanches). Moins estimées que celles d’Alep.
- 4° Galles marmorines. Petites, rondes, couleur gris de fer ; assez unies à la surface.
- b° Galles d’Istrie. Très-petites, légères, jaune pâle.
- 6° Galles de France. Boules très-légères, rondes, unies, jaune pâle.
- 7° Gallons du Piémont; knoppern ou knobben. Excroissances irrégulières, développées sur le gland du Quercus
- pedunculata, à la suite de la piqûre du cynips quercus calycis. Dans ce cas le gland cesse de se développer, et se trouve comme enveloppé d’une production informe, anguleuse, jaune-brun, qui semble même envahir la cupule.
- Au centre se trouve une larve. Les pays de production sont : la l’Esclavonie, la Styrie, la Croatie,
- 8° Galles de Chine. Masses arrondies, irrégulières, munies de pointes coniques allongées et courbées, creuses. Gros-
- Fig. 20.
- Hongrie, la Dalmatie, l’Aatolie, le Piémont.
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- MATIÈRES ASTRINGENTES DIVERSES.
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- seur d’une noisette. Elles se forment sur une espèce de sumac, et sont recherchées en raison de leur richesse en tannin.
- 9° Gallons du Levant. Avelanède. Vallonnée (%. 21).
- Cupules du fruit du Quercus œgilops. Ces cupules, munies de grandes et épaisses écailles, se séparent facilement du fruit, à la suite d’une fermentation et d’une dessiccation qu’on leur fait subir en tas.
- Pays de production : Archipel grec, Asie Mineure, Levant, Italie, sud de la France.
- 10° Divi-Divi ou Libi-Divi (fig. 22). Gousses aplaties de 5 à 6 centimètres de long, contournées en S, brun-rouge, un
- fen
- Fig. 21
- Fig. 22,
- peu rugueuses, portées par un arbuste de l’Amérique du Sud, le Cœsalpinia coriaria. Elles renferment un tannin, immédiatement au-dessous de l’épiderme.
- 11° Myrobolan. Fruit du Terminalia Chebula (Indes orientales). Viennent par Calcutta. Longueur de 3 centimètres; couleur gris foncé, ridées, dures, luisantes ; saveur amère et astringente.
- 12° Sumac. Ce produit, fréquemment employé comme substance colorante astringente, s’obtient en broyant les feuilles et les tiges de plusieurs variétés de Sumacs (Bhus
- II. 4 0
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- Coriciria. Arbuste delà famille des Térébinthacées, de2,5 à 3 mètres de haut) (fig. 23).
- Peu de temps avant la floraison, en juin et juillet, on coupe les tiges, on les sèche au soleil, on les bat., et les parties qui se détachent
- (feuilles, panicules florales) sont broyées tà la meule en poudre gros-
- Le sumac des corroyeurs est originaire d’Asie et se cultive dans le midi de l’Europe (France, Espagne, Italie, Sicile,etc.).
- Dans le midi de la France, on prépare aussi une espèce de sumac, appelée redoul ou redon, avec le coriaria myrtifolia ou herbe aux tanneurs (fig. 24), qui, d’après les travaux de M. Riban, contient un poison violent, la coriamyrtine.
- En Dalécarlieon emploie les feuilles del'Arbutus uva-ursi. Les principales variétés de sumac sont : a) Les Sumacs de Sicile ; b) les Sumacs d’Espagne (Ma-laga ou Priego. Molina*-Valladolid) ; c) les Sumacs de Portugal ou de Porto; d) les Sumacs d’Italie; e) les Sumacs de France (Fauvis-Donzère-Redoul-Pudis).
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- MATIÈRES ASTRINGENTES DIVERSES.
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- Us sont rangés dans l’ordre de richesse colorante.
- 13° On emploie encore, comme astringents en teinture, l’écorce d’aulne et de châtaignier, la racine de nénuphar blanc, les gousses du bablah de l’Inde et de l’Égypte.
- Composition chimique clés matières astringentes.
- t " • . -
- Le tannin ou acide tannique est le seul principe actif des noix de galle.
- Celles-ci contiennent, d’après une analyse de Guibourt, faite avec la galle d’Alep:
- Tannin................................... 65,00
- Eau..................................... 1 1,50
- Ligneux................................. 10,50
- Amidon.................................... 2,00
- Gomme..................................... 2,50
- Acide gallique............................ 2,00
- — ellagique............................. 2,00
- Extractif brun.......................... 2,50
- Chlorophylle, sucre, albumine, sels..... 2,00
- La richesse en tannin varie du reste beaucoup, comme le montre le tableau suivant :
- Galles, Eau. Tannin.
- D’Alep...................... 11,05 60 à 77,03
- De Chine...................... — 58 » 77
- De Smyrne..................... — 33 » 60
- Tannin.—On prépare le tannin à peu près pur, en épuisant la noix de galle grossièrement moulue, par de l’éther aqueux (9 parties d’éther et 1 partie d’eau), dans un appareil de déplacement.
- Il se forme deux couches dans le récipient inférieur. La couche du haut est composée d’éther, celle du bas représente une solution sirupeuse de tannin.
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- Mohr se sert d’un mélange de parties égales d’éther et d’alcool et évapore la solution à sec.
- Le tannin se présente sous forme d’une poudre blanche ou jaunâtre, amorphe, inodore, de saveur astringente.
- Il est très-soluble dans l’eau, moins soluble dans l’alcool, et peu soluble dans l’éther.
- Le tannin fond sous l’influence de la chaleur, et commence à se décomposer à 210°, en donnant de l’acide carbonique, un sublimé d’acide pyrogallique et un résidu brun d’acide gallhumique.
- Ses solutions aqueuses sont précipitées par beaucoup d’acides et de sels minéraux, qui agissent en diminuant sa solubilité. Elles précipitent par la gélatine ; un morceau de peau fraîche leur enlève peu à peu le tannin en se combinant avec lui. L’émétique donne un précipité blanc, les sels ferriques précipitent en bleu très-foncé. Les sels ferreux ne donnent de précipité qu’à la longue et au contact de l’air, par suite d’une oxydation. Le tannin précipite encore, en blanc, l’acétate de plomb, les sels à alcaloïdes végétaux; les sels d’argent précipitent en brun. Les solutions alcalines brunissent assez rapidement à l’air.
- D’après Strecker, le tannin est un glucoside représenté par la formule G27H22017.
- Il se dédouble, en effet, sous diverses influences en acide gallique et glucose
- C27Hï2017 -J- 4H*0 = 3(C7H605) -f C6H1206
- Tannin. Ac. gallique. Sucre.
- Cette réaction s’effectue : 1° sous l’influence d’un ferment (quand on abandonne à elles-mêmes les noix de galle grossièrement pilées et humectées, ou les décoctions de noix de galle) ; 2° par l’ébullition du tannin avec l’acide sulfurique étendu, ou une lessive alcaline.
- Vacide gallique se trouve tout formé dans les noix de
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- MATIÈRES ASTRINGENTES DIVERSES. 62 9
- galle, et les autres principes astringents cités plus haut. On l’obtient artificiellement, en décomposant par la potasse l’acide diiodosalycilique.
- C7H‘I*03 4- 2H20 = C7H603 + 2IH.
- L acide gallique se présente sous forme de longues aiguilles blanches, soyeuses, solubles dans 100 parties d’eau froide et 3 parties d’eau chaude, soluble dans l’alcool et l’éther.
- Composition : C7H605H*0.
- Sous l’influence de la chaleur, à 210°, il se décompose en acide carbonique et acide pyrogallique
- C7H605 = C02 + C6H603,
- ou, si la température est plus élevée, en eau, acide carbonique et acidegallhumique brun.
- C7H603= C02-fH20 -fC6H402.
- L’acide sulfurique concentré le dissout en le déshydratant et le convertit en un acide rouge, l’acide rufîgallique C7H404.
- L 'acide pyrogallique se sublime sous forme de paillettes blanches, lorsqu’on chauffe à 210° de l’acide gallique ou même l’extrait sec de noix de galle. Il est remarquable par la rapidité avec laquelle il absorbe l’oxygène, en solution alcaline, et se convertit en corps bruns ulmiques.
- Gomme la qualité d’une noix de galle ou d’un principe astringent dépend de la proportion de tannin qu’il renferme, il est important de pouvoir doser rapidement ce corps.
- Fehling a proposé l’emploi d’une solution titrée de gélatine, contenant iOgram. par litre. Par un essai préalable on fixe rigoureusement le poids de tannin précipité par un centimètre cube de ce liquide. En opérant ensuite sur 1 gram. de produit astringent, préalablement épuisé par
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- l’eau, on pourra, d’après le volume de solution gélatineuse nécessaire pour précipiter le liquide astringent, calculer la teneur en tannin. Il est bon d’opérer sur une liqueur légèrement acidulée, elle s’éclaircit beaucoup mieux. La solution de gélatine peut être remplacée par une solution d’émétique ou de sulfate de cinchonine.
- Mittenzwei. dose le tannin en déterminant le volume d’oxygène absorbé, en présence d’un alcali. 1 gram. de tannin absorbe 175 centimètres cubes d’oxygène. Cette méthode fournit en même temps l’acide gallique ; 0,700 gram. d’acide gallique absorbent 175 centimètres cubes d’oxygène. Dans ce cas, on détermine l’absorption totale produite par le mélange des deux corps, et l’absorption résultant de l’acide gallique seul, après qu’on a enlevé le tannin par un morceau de peau.
- D’après Stenhouse, le tannin des gallons du Levant ou ave-lanèdes ne fournit pas d’acide gallique par l’ébullition avec l’acide sulfurique étendu, mais il se dédouble en sucre et en un corps rouge-brun peu soluble dans l’alcool.
- Le tannin du divi-divi ne semble pas non plus identique avec celui des galles. Cette remarque s’applique aussi au principe astringent du myrobolan.
- Quant au sumac, il contient réellement de l’acide gallo-tannique (5 à 16 p. 100), ainsi que de l’acide gallique.
- USAGES DES MATIÈRES ASTRINGENTES ET EMPLOI DANS LA TEINTURE ET L’IMPRESSION.
- f r r
- La noix de galle est employée en nature, à l’extraction du tannin, dans la maroquinerie, pour préparer l’encre, et enfin dans une foule d’opérations de teinture.
- Le tannin pur du commerce est lui-même usité dans quelques procédés de fixation des matières colorantes, surtout des matières colorantes aniliques (Voir fixation des couleurs d’aniline) ; il sert en photographie.
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- USAGES DES MATIÈRES ASTRINGENTES. 631
- Les gallons de Piémont servent avec avantage dans le tannage des cuirs pour maroquin, ainsi que dans les opérations de teinture et d’impression ; on en prépare un extrait liquide ; les gallons du Levant peuvent remplacer la noix de galle dans la plupart de ses applications ; il en est de même du sumac, qui pour la pureté des nuances est plus avantageux, bien qu’il soit moins riche.
- Les diverses matières astringentes que nous venons de passer en revue, se comportent comme si elles renfermaient une matière colorante jaune ; ainsi elles teignent en jaune, plus ou moins pur ou fauve, les tissus mordancés en alumine (coton, soie et laine). Le sumac donne particulièrement une teinte jaune bien caractérisée, tandis qu’avec la noix de galle, elle est gris jaunâtre fauve. Une élévation de température dans le bain de teinture, ou l’exposition à l’air, la fait passer au roux sale.
- Les tissus de coton huilé se teignent également en jaune pâle, dans un bain de sumac, et la couleur passe au jaune vif par le mordançage. Le sumac donne du jaune avec l’acétate d’étain, et un jaune brunâtre avec les sels de zinc. On obtient des teintes analogues, en passant d’abord le tissu en bain astringent et en alunant après, mais elles ne sont alors pas aussi intenses.
- Avec l’intervention des mordants de fer, on forme des teintes grises, gris noir, noir bleuté, comme on devait s’y attendre d’après ce qui se passe avec un mélange de tannin et de sel de fer au maximum. La teinture et l’impression en gris et en noir avec le concours des sels de fer et de cuivre, comme mordants et comme oxydants, et quelquefois du campêche comme adjuvant, constituent la principale application du sumac.
- La noix de galle et le sumac interviennent, en outre, dans la fabrication du rouge turc. Nous avons vu qu’on en-gallait les pièces huilées, avant, pendant, ou après le mordançage à l’alumine. La raison exacte de cette pratique est
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- assez difficile à donner ; on peut supposer que la matière astringente donne plus de fixité au mordant.
- Lorsqu’on veut changer les gris et les olives de querci-tron en chocolat, cannelle ou mordoré par une teinture à la garance, il est bon d’ajouter au bain de quercitron une décoction astringente, qui donne à la laque quercétique plus de fixité et l’empêche d’être décomposée par la matière colorante de la garance.
- On ajoute quelquefois du sumac au bain de bouse.
- Les tissus stannatés, destinés à attirer certaines matières colorantes artificielles (coralline, couleurs d’aniline), sont souvent passés au bain de sumac ou de galles.
- Le tannin, ainsi fixé, sert à la précipitation sur la fibre du principe colorant.
- Teinture et impression. — Les tissus de coton mordan-cés au fer (pyrolignite imprimé, fixé à la chambre d’oxydation et bousé ou silicaté), se teignent en gris au moyen du sumac, de la noix de galle, des gallons, du bablah, et ces produits pris isolément ne servent en teinture que pour la production de ces nuances. Le gris de sumac de Sicile est un peu rougeâtre, il le devient d’autant plus que la température est plus élevée ; aussi convient-il de ne pas dépasser 50° et de ne pas laisser plus d’une demi-heure au bain.
- Le gris de la noix de galle est plus cendré, celui du bablah est entre les deux. Le sumac de Donzère devient moins rougeâtre que celui de Sicile, par suite d’une élévation de température. On emploie rarement la noix de galle pour la teinture des toiles imprimées, car elle attaque facilement les mordants de fer. Ajoutée à petites doses au bain de campêchepour noir, elle rend la couleur plus bleutée. Le bablah donne à la fois un gris aussi pur que la galle, plus vif que le sumac et conserve mieux les blancs. Le gallon tient le milieu entre la noix de galle et le bablah et s’associe avec avantage au campêche, pour noir.
- Dans la teinture uniforme du coton, de la laine et de la
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- USAGES DES MATIÈRES ASTRINGENTES. G 33
- soie en noir, on associe généralement les matières astringentes et le campêche.
- Ainsi, pour le coton, on donne un engallage en bain de sumac ou noix de galle (12 heures, en commençant au bouillon et en laissant refroidir) ; de là on passe successivement en eau de chaux, en sulfate de cuivre, en décoction bouillante de campêche et enfin en sulfate de fer, mélangé à du sulfate de cuivre. On peut aussi mordancer en fer et passer ensuite en bain de galle, campêche et sumac mélangés.
- Pour la laine, on donne un pied de bleu cuvé, on teint dans un bain bouillant monté avec du sumac et du campêche (noir de Sédan) ; ou du sumac, du campêche et du bois jaune (noir d’Elbeuf), auquel on ajoute, après teinture, du sulfate de fer, ou un mélange de sulfate de fer et de sulfate de cuivre.
- Le noir sur soie s’obtient par des trempages alternatifs en bains astringents et en pyrolignite de fer.
- Les décoctions de noix de galle, de sumac, de gallon entrent dans la composition de certains gris vapeur, ou d’application sur coton, concurremment avec l’acétate ou le pyrolignite de fer ; et en mélange avec les extraits de campêche et de bois rouge, un mordant rouge ou ferrugineux, et un oxydant (sel cuivrique et sel ammoniac), pour les nuances bois, ou autres couleurs complexes sur coton et laine.
- N° 35. Echantillon de gris de noix de galle.
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- Elles servent aussi pour l’obtention de certains noirs vapeur sur soie, associées au campêche et au nitrosulfate de fer.
- JJ encre noire à écrire est une véritable matière colorante, ou plutôt une couleur toute faite, offrant des qualités physiques spéciales qui la rendent apte à être fixée sur papier au moyen delà plume.
- On a proposé un grand nombre de recettes, pour la préparation des encres noires à écrire. Nous ne dirons quelques mots que de celle à base de tannin et d’oxyde de fer.
- La matière colorante noire ou bleutée, doit être en suspension dans le liquide, et dans un grand état de division, grâce auquel elle n’ait pas de tendance trop prononcée à se déposer.
- Le tannin donne avec les sels ferriques un précipité noir bleuté, en flocons gélatineux, mais la séparation du tannate de fer est trop rapide, et les flocons trop denses. On arrive à de meilleurs résultats, en ajoutant le sulfate ferreux à une décoction de noix de galle ; dans ce cas, le liquide ne se colore et le précipité ne se forme que par suite d’une oxydation au contact de l’air. Ce dernier reste plus divisé. Certaines encres, très-pâles au début, se foncent beaucoup sur le papier. Cet effet se produit lorsque l’oxydation de la couleur n’est pas complète.
- L’addition d’une certaine quantité'de gomme empêche la précipitation trop rapide de la matière colorante et peut être favorable, quoiqu’au delà de certaines limites, elle rende l’encre trop visqueuse, en l’empêchant de se détacher facilement de la plume. Un des défauts de l’encre ordinaire est la facilité avec laquelle elle moisit. On évite cette altération par l’introduction de certains composés métalliques (sublimé) vénéneux.
- PRÉPARATION DES EXTRAITS DE BOIS DE TEINTURE.
- Les bois de teinture en poudre ne sont pas directement utilisables dans l’impression des toiles ; delà, la nécessité d’ex-
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- PRÉPARATION DES EXTRAITS DE BOIS DE TEINTURE. 63 5
- traire préalablement la matière colorante par un lessivage du bois, et la concentration du liquide aqueux. Cette industrie date du premier tiers de ce siècle. La concentration à feu nu du liquide provenant du lessivage (petites eaux) ne permettant pas d’aller au delà de certaines limites, sous peine d’une destruction totale du principe colorant, et altérant, même dans ces limites, la pureté et la richesse des nuances, on eut recours à la vapeur. Cette modification, tout en reculant le terme possible de l’évaporation, ne permet pas de chasser toute l’eau et d’arriver à un extrait sec de bonne qualité.
- On n’obtient ce dernier résultat que par la concentration dans le vide, et à une température relativement basse.
- On trouve, dans le commerce, des extraits de divers bois colorants (cuba, fustel, quercitron, épine-vinette, bois rouges, campêche, noix de galle, etc.), secs ou liquides, marquant divers degrés, 10 à 20° Baumé.
- La fabrication des derniers ne diffère pas essentiellement de celle des extraits secs, on s’arrête seulement à une phase moins avancée delà concentration, aussi peut-on remplacer à la rigueur, mais avec désavantage quant à la conservation de la couleur, les évaporateurs dans le vide par des appareils à air libre.
- La première opération est purement mécanique ; le bois est réduit en une poudre grossière, au moyen de machines spéciales, qui l’attaquent et le déchirent perpendiculairement à la direction des fibres. De cette manière, les cellules qui contiennent la matière colorante sont à peu près toutes déchirées et accessibles à l’eau.
- La pulvérisation du bois est une opération assez dispendieuse, à cause de la grande quantité de force motrice qu’elle consomme ; ainsi préparés, les copeaux peuvent être immédiatement soumis au lessivage, ou subir une fermentation oxydante préalable, qui augmente la solubilité de la
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- TRAITÉ DES MATIÈRES COLORANTES.
- matière colorante et facilite l’épuisement. C’est surtout pour le bois de campêche qu’il y aurait avantage à laisser exposé au contact de l’air, en tas peu épais et humides.
- Pour être profitable et économique, le lessivage doit se faire avec le moins d’eau possible, en utilisant le principe de l’épuisement méthodique, si fréquemment en usage dans les industries où il s’agit d’enlever, par un véhicule, une partie soluble mélangée à une autre insoluble. Certains fabricants opèrent avec de l’eau à 60 ou 100°, dans des appareils ou cuviers ouverts ; d’autres, au contraire, préfèrent agir à une température dépassant 100°, dans des vases clos.
- La figure 25 donne une idée d’un semblable appareil.
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- Fig. 25.
- C, chaudière en cuivre fixée sur les colonnes en fonte D, et pouvant tourner autour d’un axe imaginaire aa.
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- b, Trou d’homme fermé hermétiquement par la vis de pression c. e, anneaux pour faciliter l’enlevage de la pièce b.
- f, Faux-fond percé de trous en cuivre ; sur ce plateau est fixé un tamis circulaire en fils de laiton serrés. K, serpentin percé de trous, en communication avec le générateur à vapeur, par le tuyau l.
- Le tuyau <7, qui passe sous le faux-fond, communique à trois tuyaux munis de robinets m, n et 0; le dernier n’est pas visible sur le dessin, il est situé en avant de n et du plan de la figure ; m sert à l’introduction de l’eau pure, n et 0 à l’écoulement de la décoction sous l’influence de la pression; q, robinet de vidange.
- Évaporation. — On peut évaporer très-économiquement au moyen de l’appareil suivant. Soit un réservoir ayant la forme d’un demi-cylindre horizontal. Deux surfaces cylindriques et concentriques, ajustées de manière à laisser entre elles un espace annulaire clos, et fixées sur un arbre horizontal, tournent dans le liquide contenu dans le réservoir. Le diamètre du double cylindre rotatif est un peu moindre que celui du récipient ; mais sa surface rase, à une petite distance, celle du récipient.
- Le liquide se trouve ainsi étalé constamment en couches minces sur la surface de l’espace annulaire, dans lequel circule de l’eau chaude (eau provenant de la condensation de la vapeur), ou de la vapeur d’eau. Ces appareils ont l’inconvénient d’opérer au contact de l’air, à une température assez élevée, et déplus ils ne permettent pas d’atteindre à un degré aréométrique dépassant 20 à 25°.
- On arrive à de beaucoup meilleurs résultats, en évaporant dans le vide ; s’agit-il d’un extrait sec, l’évaporation se divise en deux phases distinctes. Dans la première, on amène l’extrait à consistance pâteuse ; dans la seconde, on achève la dessiccation : dans la première phase on peut faire usage des appareils à double effet usités pour la concentration des
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- sirops (1); il faut seulement leur donner une plus grande capacité, pour combattre la tendance qu’ont les liquides à former des bulles.
- Quand la dissolution commence à marquer 18° Baumé, sa consistance est telle que la concentration dans les appareils à double effet devient impossible ou trop lente. La température de la vapeur qui sert au chauffage est trop faible, et les bulles de gaz aqueux ne peuvent plus vaincre la résistance du liquide visqueux. Il faut alors recourir à l’action directe de la vapeur, et produire au-dessus de la masse pâteuse la plus grande diminution de pression possible. M. Varillat a eu l'idée de faciliter l’évaporation, en mettant l’extrait à demi concentré en mouvement, au moyen d’un râteau en bois, mobile dans l’intérieur de l’appareil à achever la concentration. Ce râteau se meut sur un plateau de bronze, au-dessous duquel se trouve un bain-marie. On évite ainsi de mettre l’extrait en contact avec de la vapeur à 140 ou 150°. Cet appareil se compose :
- D’un bain-marie ;
- D’un plateau en bronze, au centre duquel s’appuie un arbre vertical donnant le mouvement au râteau ;
- D’une calotte sphérique en cuivre ;
- D’un tube d’alimentation ;
- D’une vidange destinée à tirer l’extrait de l’appareil quand il a atteint un degré suffisant de consistance pour durcir après le refroidissement.
- La diminution de pression dans l’intérieur de l’appareil est de 0,60 à 0,65 de mercure.
- Malgré la qualité du produit obtenu, cet appareil offre cependant de nombreux inconvénients, qui l’ont fait rejeter dans plusieurs fabriques d’extraits.
- (1) Deux évaporateurs sont accouplés: le premier est chauffé à la vapeur; le second, au moyen de la vapeur formée par l’ébullition du premier liquide. On fait le vide au moyen d’une pompe dans le second ; pour le premier, le vide se fait en grande partie par la condensation de la vapeur.
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- PRÉPARATION DES EXTRAITS DE BOIS DE TEINTURE. 63 9
- Il est dispendieux, fait peu de travail en beaucoup de temps, exige une machine constamment en marche, et est exposé à subir de fréquentes réparations ; aussi lui a-t-on souvent préféré les appareils à simple effet, à cuire le sucre dans le vide.
- L’extraction des matières colorantes des bois rouges : Sainte-Marthe, Lima ; des bois jaunes :Tuspan, Cuba, etc., se fait absolument de la même manière que celle du cam-pêche. Leur rendement est seulement moindre. Il est de 12 à 12,S p. 100 d’extrait sec au lieu de 15.
- Le quercitron qui nous arrive en poudre fine est d’un lessivage plus difficile que celui des bois proprement dits ; aussi est-on obligé d’avoir recours à une ébullition prolongée de cette écorce dans l’eau, ébullition suivie d’une filtration.
- Les extraits de bois contiennent, outre la matière colorante, tous les sels solubles que renfermait le bois, une matière azotée, des glucosides. Il serait utile d’enlever ces impuretés qui nuisent à l’éclat de la teinte obtenue et qui augmentent les frais de transport et la difficulté de l’emploi de ces matières colorantes.
- Peut-être arrivera-t-on à les en séparer, au moyen de dissolvants appropriés et peu dispendieux.
- Il est aussi une question pleine d’intérêt pour les fabricants d’extraits, c’est l’utilisation du ligneux épuisé par l’eau. Déjà, en Angleterre, on a essayé de distiller les poudres, et d’en obtenir l’acide acétique. La complication des appareils employés diminue l’importance des résultats obtenus.
- FIN DU TOME DEUXIÈME.
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- * *:.
- TABLE
- ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES
- CONTENUES DANS LES TOMES I ET II.
- Acétate d’alumine, I, 199.
- Acide alizarique phtalique), II, 57.
- — aloétique, II, 476.
- — bromophénique, II, G.
- — cachoutannique, II, G08.
- — carminique, II, 350.
- — carthamique, II, 409.
- -- chlorophénique, II, G.
- — chloroxynaphtalique, II, 65.
- — chroinique, I, 254.
- — chrysammique, II, 477.
- — clirysophanique, II, 493.
- — colorables des lichens, II, 372.
- — érythrique, II, 374.
- — euxanthique, II, 492.
- — ferricyanhydrique, I, 374.
- — ferrocyanhydrique, I, 3G2.
- — galli’que, 11,628.
- — gentianique, II, 495.
- — hyposulfindigotique, II, 531.
- — îck ophénique, II, 7.
- — *isopurpurique, II, 15.
- — lécanorique, II, 381.
- — lizarique, II, 107.
- — nitrocuminique, II, GO.
- — nitrophénique, II, 7.
- — orsellique, II, 380.
- — phénique, II, 1.
- — — (dérivés colorés de 1’), II, 6.
- Acide phtalique, II, 67.
- — picramique, II, 12.
- — picrique, II, 8.
- — — ( réactions colorées),
- II, 12.
- Acide purpurique, I, 406.
- — pyrogallique, II, G29.
- — rosolique, II, 20.
- — ruberythrique, II, 101.
- — sulfindigotique, II, 5-30.
- — sulfophénique, II, 19.
- — sulfopurpurique, II, 528.
- — urique, I, 399.
- — usnique, II, 493.
- — vulpique, II, 493.
- Albumine, I, 10G.
- — (succédanés de 1’), I, 139. Albuminoïdes, 1,102.
- — (mode d’emploi), 1,121. Alizarine, II, 107.
- — (commerciale), II, 151.
- — (dérivés de 1’), II, 113.
- — (usages de 1’), II, 121.
- — verte, II, 113.
- Alloxane, I, 405.
- Aloès, II, 473.
- Aloétine, II, 475.
- Aloïne, II, 474.
- Aluminate de soude, H, 202.
- Alumine, II, 190.
- II.
- 41
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-
-
-
- 6 4 2
- TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES.
- Alumine (hydrates d’), II, 191. Aluminiques (préparation des composés), II, 204.
- — sels, II, 193.
- Aluminique (sulfate), II, 198.
- Aluns, II, 195.
- Amiante, I, 50.
- Amidon, I, 81.
- Anchusine, II, 405.
- Aniline, 1, 420.
- — (brun d’), I, 507.
- — (couleurs dérivées de 1’), I,
- 418.
- Aniline^ (essais de 1!), I, 433.
- — (noir d’), I, 504.
- — (préparât, indust.), I, 422.
- — (réactions colorées de 1’), I,
- 447.
- Aniline (rouge d’), I, 5G3.
- — (violet d’), I, 448.
- Antimoine (blanc d’), I, 215.
- — (jaune d’), I, 253.
- — (vermillon d’), I, 224. Applications des bleus cyaniques, I,
- 378.
- Applications des couleurs d’aniline, I, 529.
- Applications de la garance, II, 187.
- — des jaunes quercétiques,
- II, 465.
- — de l’indigo, II, 567.
- — de la murexide, 1,419. Argentine, I, 215.
- Argiles blanches, I, 204.
- Avivage, II, 256.
- Azuline, II, 24.
- Azurite, I, 290.
- Azur, I, 387.
- Baryte (sulfate de), I, 202.
- Benzine, 1, 434.
- Berbérine, II, 488.
- Binitronaphtaline, II, 45.
- Bistre, I, 392.
- Bixine, II, 498.
- Blanc d’antimoine, I, 215.
- — fixe, I,J202.
- — de plomb, I, 209.
- — de zinc, I, 205.
- Blanches (matières colorantes), I, 199. Blanchiment (coton), I, 67.
- — (laine), 1,151.
- — (lin), I, 78.
- — (soie), 1,169.
- Bleu de cliinoline, I, 527.
- — de cobalt, I, 387.
- — cyanique, I, 340.
- — molybdique, I, 388.
- — de Prusse, I, 365.
- — — soluble, I, 365, 368.
- — — à l’étain, 1, 376.
- — de rosaniline, 1,495.
- — de Thénard, I, 388.
- — de toluidine, I, 503.
- — de Turnbull, 1, 375.
- — vapeur, I, 382.
- Bleus minéraux, I, 297.
- — végétaux, II, 519.
- — à base de cuivre, I, 288.
- Bois jaunes, II, 447.
- Bois rouges, II, 297.
- Borocurcumine, 11, 482.
- Bousage, II, 231.
- Brésiline, II, 303.
- Brucine, II, 63.
- Bruns minéraux, I, 391.
- — organiques, II, 605.
- Brun au manganèse, I, 392.
- — d’aniline, I, 507.
- Cachou, II, 605.
- Campèche, II, 313.
- Carajuru, II, 412.
- Carmin (de cochenille), II, 158.
- — (de garance), II, 153. Carotine, II, 491.
- Carthame, II, 406.
- Caséine, I, 117.
- Catécliine, II, 609.
- Cellulose, I, 53.
- Céruse, I, 209.
- Chanvre, I, 79.
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-
-
- TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES.
- Chica, 11,412.
- Cliinoline (blende) chlorogénine, II, 97. Chlorophylle, II, 513.
- Chromâtes, I, 254.
- Chrome (verts de), I, 270. Chrysaniline, I, 489.
- Chrysopicrine, II, 493. Chrysorhamnine, II, 443.
- Cinabre, I, 219.
- Classification des matières colorantes,
- 1,180.
- Cobalt (bleus de), I, 387.
- Cochenille, II, 333.
- — (ammoniacale), II, 355. Codéine, II, G4.
- Cœruleum, I, 387.
- Coralline, II, 23.
- Craie, I, 199.
- Crocine, II, 487.
- Cudbear, II, 371.
- Curcuma, II, 479.
- Curcumine, II, 481.
- Cyanogène (couleurs dérivées du), I, 340.
- Cyanine, II, 415.
- Cyanure jaune,I, 343.
- — rouge, I, 370.
- Dalléxochine, II, 62.
- Décreusage, I, 169.
- Dégommage, II, 231.
- Dextrine, I, 88.
- Divi-divi, II, 625.
- Émeraldine, I, 509.
- Épaississants animaux, I, 101.
- — minéraux, I, 51.
- — végétaux, I, 81. Épine-vinette, II, 487.
- Érythrine, II, 374.
- Érythrite, II, 377.
- Extraits de bois, II, 634.
- Fécule, I, 81.
- Ferricyanures, I, 370.
- Ferrocyanures, I, 343.
- 6 43
- Fibres textiles animales, I, 101.
- — minérales, I, 50.
- — végétales, I, 52.
- Fibrine, I, 119.
- Fixation des couleurs, I, 193.
- Fleurs (matières colorantes des), II, 414-489.
- Fustet, II, 462.
- Gallons, II, 624.
- Gaude, II, 456.
- Garançage, II, 241.
- Garance, II, 68.
- — (applications), II, 187.
- — (bibliographie), II, 294.
- — (carmin), II, 158.
- — (cendres), II, 90.
- — (composition), II, 84. (culture), II, 72.
- — (dérivés commerciaux), II, 136.
- — (différences entre les espèces),
- II, 171.
- — . (extraits de), II, 155.
- — (essais des), II, 179.
- — (fleur de), II, 139.
- — (historique), II, 69.
- — (jaune de), II, 131.
- — (laques de), II, 169.
- — (mat. color. de la), II, 92.
- — ( mat. color. de la racine
- fraîche), II, 95. i — ''orange de), H, 130.
- — (préparation de la), II, 77. Garancine, II, 146.
- — (genre), II, 255.
- Genres (conversion), II, 277.
- Gluten, I, Il9.
- Gommes, I, 90.
- Gomme laque, II, 343.
- Graines jaunes, II, 441.
- Gypse, I, 201.
- ^ Harmala (graines de), II, 64. Harmaline, II, 65.
- Hématéine, II, 318.
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-
-
-
- 044
- TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES.
- Hématoxyline, II, 315.
- Hoaï-hoa, II, 517.
- Indigo, II, 518.
- — (application), II, 567.
- — (Inst. nat. et préparât.), II,
- 537.
- — (blanc), II, 525.
- Indigotine, II, 519.
- — (dérivéssulfur.),II,528,564. Introduction, 1,1.
- Iodure de mercure, I, 217, 238.
- — de plomb, I, 237.
- Isatine, II, 534.
- Jaune d’antimoine, I, 253.
- — de Cassel, I, 253.
- — de chrome, I, 254.
- — de garance, II, 131.
- — indien, II, 432.
- Jaunes minéraux, I, 237.
- — organiques, II, 421.
- — de Naples, I, 252.
- — deSteinbuhl, I, 268.
- — d’urane, I, 250.
- Kermès, II, 340, 401.
- Lac lake, II, 348.
- — dye, II, 34S.
- Laque minérale, I, 23i.
- Laine, I, 145.
- Lichens, II, 366.
- — (matières colorantes), II, 363 et 493.
- Lin, I, 74.
- Lokao, II, 500.
- Lutéoline, II, 457.
- Macliromine, II, 450.
- Maclurine, II, 449. '
- Malachite, I, 289.
- Matières colorantes artificielles, I, 397, II, 1.
- Matières colorantes (classification des), I, 180.
- — (dérivéesde l’aniline),!, 418.
- — des mauves, II, 416.
- — minérales, I, 198.
- — — blanches, I, 190
- — — bleues, I, 296.
- — — brunes, I, 391.
- — — jaunes, 1, 237.
- — — oranges, 1,237.
- — — rouges, I, 217.
- — — vertes, 1, 269.
- — végétales, II, 68.
- — — bleues, II, 518.
- — — brunes, II, 605.
- — — jaunes, II, 421.
- — — jaunes chinoises,
- II, 484.
- Matières colorantes végétales rouges, — — 11,68.
- — — vertes, II, 500.
- Mauvéine, 1, 4 48.
- Mélétine, II, 459.
- Méline, II, 460.
- Minium, I, 227.
- Mordants d’alumine, II, 189.
- — de fer, II, 222.
- — (fixation des), II, 228.
- — (impression des), II, 228.
- — puces, 11, 227.
- Morin, II, 452.
- Morphine, II, 31.
- Murexide, I, 406.
- Myrobolan, II, 625.
- Naphtaline, II, 33.
- — (dérivés chlorés), II, 57. Naphtazarine, II, 48.
- Naphtylamine, II, 38.
- — (dérivés colorés), II, 39. Narcotine, II, 64.
- Nicotine, II, 63.
- Nitronaplitaline, II, 35.
- Nitrobenzine, I, 440.
- Noir d’aniline, I, 511.
- — de charbon, I, 395.
- Noix de galle, II, 623.
- GEnoline, II, 419.
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-
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- TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES- 645
- Or, I, 269.
- Orange de garance, II, 130.
- — de chrome, I, 263. Orcanette, II, 404 .
- Orcéine, II, 387.
- Orcine, II, 382.
- Or mussif, I, 241.
- Orpiment, 1,238.
- Orseille, II, 370, 388.
- Outremer bleu, I, 298.
- — vert, I,
- Oxychlorure de plomb, I, 214. Oxyde d’aluminium, II, 190.
- — de chrome, I, 270.
- — d’étain, I, 230.
- — de fer, I, 231, 244.
- — de mercure, I, 230.
- — de plomb, I, 249.
- — d’urane, I, 250.
- — de zinc, I, 205.
- Oxydule de cuivre, I, 230.
- Parelline, II, 386.
- Péonine, II, 23.
- Phénicienne, II, 28.
- Phosphate de chaux, I, 202. Phyllocyanine, II, 515. Phylloxanthéine, II, 515. Phylloxanthine, II, 515. Picroérytlirine, II, 376.
- Pink color, I, 234.
- Polygonum fagapyrum, II, 464. Pourpre des anciens, I, 415. Pourpre de Cassius, I, 233. Productions épidermiques, I, 144. Purpurates, I, 406.
- Purpurine, II, 122. Purpuroxanthine, II, 131. Pseudopurpurine, II, 130. Purrliée, II, 492.
- Quercétine, II, 439.
- Quercétiques jaunes, II, 423.
- — (application), II. Quercitrin, II, 427.
- Quercitron, II, 424.
- Quinine, II, 61.
- Quinquina, II, 61.
- Réalgar, I, 225.
- Rhamnétine, II, 443.
- Rhamnine, II, 443.
- Rhamnoxanthine, II, 462.
- Robinine, II, 461.
- Rocou, II, 495.
- Roccellinine, II, 386.
- Rosaniline, I, 480.
- — (sels), 1,480
- — (dérivés colorés), I, 490 495,504.
- Rosolane, I, 448.
- : Rosocyanine, II, 482.
- ^ Ronge turc, II, 280.
- Rouille, I, 24 4.
- Rubia tinctorum, II, 70.
- Rubiacées exotiques, II, 290. Rubian, 11,98.
- Rutine, II, 459.
- Snflor, II, 406.
- Safran, II, 487.
- Scarlet, I, 217.
- Srnalt, I, 387.
- Soie, I, 157.
- Soorangee, II, 417.
- Sorgho, II, 413.
- Sulfure d’antimoine, I, 2 42.
- — d'arsenic, I, 238.
- — de cadmium, I, 241.
- — d’étain, I, 243.
- Sumac, II, 625.
- Strychnine, II, 63.
- Talc, I, 204.
- Tannin, II, 627.
- Terres vertes, I, 288.
- Thuyine, II, 462.
- Toluène, I, 446.
- Toluidine, 1, 445.
- Tournesol, II, 397.
- Vermillon de mercure, I, 219.
- — d’antimoine, I, 224.
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-
-
- TABLE ALPHABETIQUE DES MATIERES
- Vert Arnaudon, I, 283. de chrome, I, 270 composés, I, 390. de cuivre, I, 288 Guignet, I, 272. Havraneck, I, 286. Mathieu-Plessy, I, 284. minéraux, I, 269. organiques, II, 500. Vert d’outremer, I, 286.
- — Rinnmann, I, 287.
- — de rosaniline, I, 493 Rosenstiehl, I, 286.
- — Salvétat, I, 285.
- — Scheele, I, 292.
- Schweinfurt, I, 294
- Vin (matières colorantes du), I 419
- Xanthine de garance, II, 96 Xanthine des fleurs, II, 489 Xanthéine — 11, 490.
- FIN DE LA TABLE ALPHABETIQUE.
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-
-
- TABLE
- ANALYTIQUE DES CHAPITRES
- TOME I.
- Introduction........................................................ t
- Préface.....................................*....................... 1
- LIVRE PREMIER. — Fibres textiles, épaississants et fixateurs plastiques.............................................................. 49
- Chapitre Ier. — Fibres minérales, épaississants minéraux............ 50
- Chap. II. — Fibres végétales, épaississants végétaux................ 52
- Chap. III. — Fibres animales, épaississants animaux................. 101
- LIVRE DEUXIÈME. — Principes généraux de la fixation des couleurs. Classification des matières tinctoriales......................... 180
- LIVRE TROISIÈME. — Matières colorantes minérales.................... 198
- LIVRE QUATRIÈME. — Matières colorantes organiques artificielles... 397
- Chapitre Ier. — Couleurs dérivées de l’acide urique................. 399
- Chap. II. — Couleurs dérivées de l’aniline........................ 418
- TOME II.
- LIVRE CINQUIÈME. — Matières colorantes artificielles................ 1
- Chapitre Ier. — Acide phénique et ses dérivés colorés............... 1
- Chap. II. — Naphtaline et ses dérivés colorés....................... 33
- LIVRE SIXIÈME. — Matières colorantes végétales et animales..........
- Chapitre Ier. — Matières colorantes rouges (garance, bois rouge, cam-
- pèche, santal, cochenille, orseille, orcanette, carthame, etc.). 08
- Chap. IL — Matières colorantes jaunes............................... 421
- Matières colorantes vertes................................. 500
- Chap. III. — Matières colorantes bleues. Indigo..................... 518
- Chap. IV. — Matières colorantes brunes. Astringents................. 605
- FIN DE LA TABLE ANALYTIQUE.
- CuuBEiL. — Typ. et stér. de Créiu.
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