École d'architecture rurale. Second cahier
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- ÉCOLE
- D’ARCHITECTURE RURALE.
- SECOND CAHIER,
- Dans lequel on traite : i°. de l’art du Pifé ou de la Malîivation, 2°. des qualités des terres propres au pifé, 30. des détails de la main d’œuvre, 40. du prix de la toife, $°. des enduits , 6°. des peintures.
- Ouvrage dédié aux François , et utile a tous ceux qui veulent user d’économie.
- Par Fr J n cois Cointeraux, Professeur d'architecture rurale.
- A PARIS,
- Chez l’auteur , grande rue Verte , faubourg Saint-Honoré , n°. 1x30.
- Et chez Niodot , marchand de papier, place du Louvre.
- Juillet 1791.
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- AVIS GÉNÉRAL.
- Pour épargner plus de la moitié des frais, on doit faire conftruire tous bâtimens Sc murs de clôture , foit dans les faubourgs, foit dans la campagne , en un mot toutes conftruCtions hors de l’enceinte des villes, d’une manière folide par les procédés du pisé.
- Les propriétaires , fermiers & agriculteurs , Sc les intendans, cellériers, agens Sc tous hommes d’affaires, les négocians & tous entrepreneurs de fabriques ou manufactures ; les fabricans Sc ouvriers en étoffes, foit des bourgs, foit des villages ; tous ceux qui ont befoin de grands ateliers ou de vafîes magafins ; les architectes, les maçons, charpentiers & tous ouvriers travaillai aux conftruCtions de bâtiment, auront la facilité de faire conftruire les outils du pifé Sc toutes fortes.de bâtilîes avec économie Sc hors du danger du feu, en fe procurant le modèle Sc les cahiers d’Architecture rurale que j’ai indiqués.
- Le prix de chaque cahier avec les planches efl toujours pour ceux qui n’ont point encore foufcrit, de 2 1. 8 f., fans le port.
- Celui d’un autre traité avec les gravures pour bâtir avec beaucoup d’économie les manufactures , maifons de campagne Sc pareils grands bâtimens, eft de 2 1.
- Celui d’un petit modèle en bois, fur une échelle
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- d’un pouce pour pied de roi , pour pouvoir Faire conftruire les outils du pifé , eft de 3 1.5 toujours fans le port.
- Enfin le fécond cahier étant plus volumineux qu’il n’avoit été annoncé ; d’un autre côté , les circonf-tances ne permettant pas à Fauteur de faire les avances des frais difpendieux des gravures du troisième cahier , qui doit traiter des voûtes de pifé Sc de divers objets d’utilité Sc d’agrément pour les jardins; MM. les foufcripteurs font priés d’envoyer 3 1. par la porte : aurtitôt M. Cointeraux Jeur fera parvenir franc de port ce fécond cahier , 6ù eft compris la manière de bâtir économiquement les maifons de campagne , manufadures Sc autres, avec un fupplément de gravures.
- MM. les abonnés qui defireront le modèle en bois pour faire conftruire les outils de pifé, auront la bonté d’en prévenir M. Cointeraux,
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- AUX PEUPLES
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- TOUS LES PAYS.
- L’art de l’incombuftibilité que je préfente eft plus étendu qu’on ne le penfe ; il comprend non-feulement le pifé & plufieurs autres procédés économiques, foit dans la fcience des bâtimens, foit dans celle de l’agriculture , mais encore une nouvelle manière de tirer parti des biens de la campagne 8c de Ipéculer fur ces immeubles.
- Ce nouvel art eft utile à toutes les nations pour leur éviter les pertes 8c les dépenfes énormes qu’elles effuient journellement par le défaftre des incendies ; il l’efl à toutes les familles pour leur conferver la vie,
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- leurs meubles & immeubles, effets, récoltes 8c pro-vifions qu’elles perdent par ce fléau deftruéteur ; il l’eft aux gouvernemens pour donner la facilité aux agriculteurs de fe procurer les bâtimens. dont ils fe privent , 8c leur faciliter par là les moyens de pouvoir payer leurs impofitions. Cet art eft aufli utile aux fa-bricans pour faire conftruire leurs manufactures 8c les garantir du danger du feu ; il l’eft aux fpcculateurs des défrichemens, parce que les bâtimens ruineux ne les feront plus échouer dans leurs entreprifes ; il l’eft aux propriétaires , fermiers 8c locataires, pour exercer avec fécuritéleur art 8c métier dans des maifons faites à l’abri des incendies, qui les déchargeront, d’ailleurs , de beaucoup de réparations : cet art eft encore utile aux architectes 8c artiftes de tous les genres , parce qu’il ouvrira une carrière immenfe de nouveaux fujets pour la commodité, les embelliffe-mens 8c l’utilité des logemens 8c des jardins ; il l’eft aux entrepreneurs, par la raifon que tout le monde, voudra leur faire bâtir des ïnâifoîls qüi ne feront plus fujettes aux flammes, & leur.faire cbnftruire de petites comme de grandes clôtures pour les prés , terres , vignes 8c autres biens-fonds, lorfqu’il en
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- coûtera peu ; il Feft aux ouvriers, parce que les proprietaires ne fe ruinant plus en bâtiffant, au contraire pouvant fe mieux îoger,& établir leurs enfans à bon marché , au - lieu d’une rn«;fon leur en feront faire trois : cet art eft fur-tout utile aux pauvres journaliers , qui pourront enfin, par fon économie , obtenir une habitation ou propriété ; il l’eft aux artifans de tous les métiers pour y exercer commodément 3c chaudement leurs proférions ;'finalement cet art flattera les capitalises, parce qu’ils trouveront en lui la voie de faire un bon commerce fur les biens de la campagne ; commerce sûr & pour le moins auffi lucratif que les autres commerces où Fon court des rif-ques : c’efl ce que ce traité leur démontrera très-clairement.
- J’avois dis que cet ouvrage ne fe complétera jamais fans le concours unanime des patriotes, j’avois invité les corps adminfftratifs à y fouferire; mais on n’a fait cas que du pifé, fans fonger que ce traité de-voit être général ôc fervir également la cabane du pauvre comme les riches, qui peuvent le faire travailler j j’invite de nouveau les municipalités, diflrids 9
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- corps académiques, clubs & toutes les âmes fenfibles de foufcrire à cet ouvrage également utile aux gou-vernemens & aux particuliers ; & j’attends tout de leur zèle pour foulager l’humanité fouffrante..
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- ÉCOLE
- D’ARCHITECTURE RURALE.
- JD £ s Mortiers comprimés ou de la Massivation.
- La mafïivation s’emploie àdifférens ouvrages : les anciens s’en fervoient dans la maçonnerie des blocages ; les Italiens l’emploient pour les terraffes qui couvrent leurs maifons, les Maures en font ufage pour conftruire leurs murailles, les Efpagnols , les François & autres peuples mafïivent quelques pavés d’appartemens.
- L’art de la mafïivation n’eft point allez approfondi; il convient de l’étudier pour pouvoir l’appliquer dans tant d’occafions qui exigent la promptitude du travail , l’économie avec la folidité, fur-tout, lorfqu’il s’agit d’y joindre la falubrité ou la garde des pro-vifîons.
- Le but des vieux auteurs architectes, lorsqu’ils ont confeillé la compreflion ou maffivation des mortiers, étoit de leur empêcher de faire retraite & de produire une infinité de fentes & crevalfes qui arriveroient immanquablement fi on ne les mafiivoit pas. En effet, le pifoir ou battoir prévient tous ces défauts, en forçant par des coups redoublés la furabondance de l’eau de s’échapper 8c à-la-fois, enrefferrant intimement toutes les particules du mortier par l’effort continuel de la
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- main de l’ouvrier, jufqu’à ce que l’ouvrage ait pris une bonne confiflance.
- La maffivation à Pégard des mortiers efl une opération qui imite celle de la nature ; car fi l’on trouve dans les carrières de pierre des bancs placés les uns fur les autres , il faut l’attribuer à la filtration des eaux & au poids énorme de leur volume qui les maf-fivoit ou comprimoit : c’eft donc ce foperfiu des eaux échappé par des filières qui a produit tous les lits ou couches de pierres, & toutes leurs fentes ou délits, 8c qui nous a donné autant de joints que de bancs dans les carrières.
- La filtration, la décoétion , la comprelïion, la coagulation ôc la pétrification font les caufes réunies 8c naturelles de la formation des/pierres & d’autres minéraux 8c métaux. L’art de la mafîivatîon fur des matériaux amalgamés 8c corroyés , comme fur le fable4 les graviers , chiens & la chaux, eft auffîle moyen que l’homme peut employ er pour procurer aux ouvrages une denfité grande & durable. C’eft ainfî qu’en ont ufé les Romains dont le prétendu fecret pour faire des mortiers ou cimens infiniment félidés, même plus durs que la pierre , ne confiftoit que dans la qualité des matériaux dont ils le fervoient , fur-tout de la chaux, 8c dans le bon emploi qu’ils en favoient faire.
- Si la denfité de leurs mortiers ou cimens augmen-toit, ce meil qu’à raifon des grandes épaifîeurs qu’ils donnoient a leurs murs où la déification ne pouvoifc fe Faire üvbitement ; 8c ce n’eft qu’autant qu’ils em-pîoyo’eiit la maçonnerie de blocage faite par encaif lement; méthode excellente dont les Romains faifoient plus d’ufage que nous.
- « Lai percé , dans la ville de Lyon , à la maifon de » M. Lacroix^ for la place des Terreaux, un mur de « cave pour y faire une porte de communication \ mes
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- » ouvriers eurent la plus grande peine pour parvenir à » rompre la maçonnerie : il nous fallut employer plu-)) fieurs jours, avec des coins ôc malles de fer, outre les » outils que nous faifions fans celle reforger ; nous ca£ » fions plutôt la pierre que le mortier. Cependant cette » maifon n’avoit été bâtie à neuf qu’en 1740, & nous » fîmes cette ouverture en 1760.»
- D’où venoit donc l’extrême dureté de ce mortier dans le court efpace de vingt années ? C’efl certainement parce que l’air n’avoit pu furprendre la maçon-* nerie dans cette cave; fa lente déification & la pref-fion de ce mur qui montoit cinq étages, avoient rendu fon mortier très-dur ôc plus dur que les pierres.
- Ainfi la nature met une infinité de fié clés à former des corps durs, ôc l’art peut nous les fournir dans quelques années.
- Je diftinguerai deux efpèces de maçonnerie : Tune faite avec les pierres plates que l’on tire des carrières Ôf. où l’on ajoute pour les lier, un mordant fait avec la chaux ôc le fable qu’on nomme mortier ; l’autre s’exécute avec toute efpèce de pierres brutes que l’on jette fans beaucoup de précaution dans le mortier : c’efl ce qu’on appelle blocage.
- La première fe fait avec ordre, en taillant lés pierres grolfièrement, en les arrangeant au long d’un cordeau, & en y étendant des couches de mortier fort minces ; mais le blocage embarraffe moins. S’il coûte beaucoup de mortier , il épargne aufii les pierres plates ôc le taillage des brutes, car toutes lui font bonnes ; on peut même y employer leurs débris ôc les cailloux : cet ouvrage exige n'éceiïairemenf un moule ou encadrement dans lequel on forme le mur, paries formaceus, muraille de forme.
- Ces deux manières de bâtir font également inté-
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- refilantes ; l’économie en doit faire faire le choix. Je l’indiquerai par les prix de chaque toife comparée l’une à l’autre ; j’indiquerai les caufes & les cas qui doivent faire donner la préférence à l’une de ces deux méthodes pour tout ce qui concerne les granges , celliers, caves , cuves, foudres & tous bâtimens quelconques, amfi que pour tout ce qui regarde les clôtures , travaux & outils de la campagne. Palfons maintenant au troifième procédé. „
- De la massivation de la terre, ou du pisé.
- La maftivation de la terre feule , ou le pifé fans matériaux , ni aucun agent, c’eft-à-dire, fans pierres, ni mortier , confifte Amplement & uniquement dans la main-d’œuvre.
- Mais comment concevra-t-on que la conftru&ion, qui n’eft faite qu’avec la tprre , qu’avec ce feuî agent, ce feul élément, puilfe prendre aflez de confrftance pour faire des maiîbns fort hautes ?
- Il m’eft arrivé de voir des entrepreneurs de Lyon, le plus au fait du pifé, grandement furpris d’un bâtiment de cette efpèce, que j’avois élevé à 40 pieds de hauteur. Un éntr’autres, le plus habile dans cet art, en toifant des yeux la grande élévation.de mes murs de pifé , auxquels je n’avoisdonné au bas que 18 pouces d’épaifîeur, reftoit dans l’extafe & difoit que j’avois été bien hardi; mais lorfqu’il eut bien- examiné & reconnu comment je m’y étois pris , il convint avec fes confrères de la folidité de ma maifon , & avoua ma fupériorité dans ce genre de conftruclion. Il n’eft aucun de ces entrepreneurs qui ne fut *bien charmé que j’enfeignafie toute la fcience que j’ai ac-quife par une longue expérience & par une théorie qui m’eft particulière ; & il feroit bien à fouhaiter que
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- les perfonnes en place en fentiflent toute la confé-quence.
- Il m’eft aufîi arrivé de voir les habitans de la Picardie , qui n’avoienf jamais vu ni entendu parler de cette fingulière conftrudion , n’ofer s’approcher d’une maifon de pifé que je leur faifois pour modèle, quoiqu’elle fût bien baffe, feulement d’un étage , de peur, difoient-ils, d’être écrafés par la chute des murs qui n’étoient que de terre, à l’inffant qu’ifcs en feroient près.
- Je puis afîurer que la maffivation bien faite de la terre & les diverfes reffources qu’on peut employer dans ce genre de conftruétion , procurent la plus
- Grande folidité & toute la fécurité qu’on peut defirer ans des logemens qu’exigera l’économie. On n’emploie , cependant , pour le pifé qu’une terre prefque sèche , puifqu’on ne la prend , pour avoir un peu de fraîcheur, qu’au - deffous de deux à trois pieds de profondeur dans le fol; cette humidité naturelle paroît fuffire pour lier intimement, par l’effort du pifoir , toutes les particules de cet élément: mais cette opération manuelle n’eft pas la feule caufe qui produit des corps folides imitant la denfité des pierres blanches ; il faut croire à une opération invifible qui ne
- Î>rovient fans doute^ que d’une efpèce de gluten que e créateur a donne à la terre. Le pifé, par ces deux agens , l’un manuel, l’autre divin, acquiert affez de confiftance dans peu de jours pour fupporter les plus grands fardeaux : le leéteur en va juger.
- Le premier pan d’un mur A, ( voy. les planches J & é du premier cahier ) fupporte tout le poids des autres pans de pifé placés fur lui , mais encore les planchers 8c le toit. Ainfi qu’on fe figure une maifon de trois étages, telle que celle qui eft repréfentée fur
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- Ja eouverture de ee fécond cahier , où la première affife de pifé foutient toutes les autres qui montent à la hauteur de 30 à 40 pieds ; foutient de plus les planchers & le toit avec tous les meubles, effets & toutes les marchandifes qu’on place dans les différens étages ; qu’on y ajoute , que cette première affife fou-tient encore tous les ébranlemens des familles qui exercent leurs métiers, fabriquent & danfent fur les planchers de* ces maifons de terre , & on trouvera d’après ce poids énorme Ôc toutes les fecouffes que les fabricans , fermiers & locataires donnent journellement aux maifons , qu’il faut que le pifé foit d’une nature bien compa&e pour réfîfter à tant d’efforts, fur-tout en ne perdant pas de vue que les premiers pans ou le premier cours d’affife A, placés au deffus de la fondation du bâtiment fupportent généralement tout.
- Nous avons vu que la maçonnerie faite par blocage dans un encadrement & par la preffion du pi-foir , imite les procédés que la nature emploie pour la formation des pierres, le pifé auffi fait avec un moule & avec cet outil, copie de même d’autres procédés de la nature^ C’eft avec la terre ou avec cette feule matière terreufe que les hommes peuvent faire une infinité de nouveaux ouvrages utiles à leurs befoins Sc à leurs 'plaifirs : l’art précieux du pifé eft pour une nation éclairée un mofen sûr de faire fleurir les campagnes, fon commerce & fon induflrie'1; ce travail manuel contribuera à détruire efficacement la mendicité en y occupant les mendians à des ouvrages majeurs que j’indiquerai dans le cours de cette inf-tru&ion publique.
- La nature nous indique le pifé par toutes fes œuvres; & l’induflrie humaine nous rappelle fans cclïe fes merveilles.
- Les premiers hommes n’ont-ils pas fouvent creufé
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- pour leur habitation, dans la terre, des antres & cavernes pour fe garantir des intempéries & des cruels animaux ? ces demeures fe foutenoient fans murs êc fans voûte : la maffivation naturelle en faifoit donc toute la confiftance.
- La terre fuperficielle de ce globe , toujours preiTée par les pluies , les vents & fon propre poids, a été comprimée de telle manière que dans les cantons où les hommes n’ont jamais fouillé ou n’ont fait aucun rapport de terre, il efl difficile de la rompre avec les fers les plus aigus & les plus tranchans ; c’eft une vérité que tout le monde reconnoît dans les pays fau-vages que l’on défriche : voilà encore le principe reconnu de la mafilvation ou de l’art du pifé, & la raifon pour laquelle on a beaucoup de peine à percer un mur de pifé îorfqu’ii efl bien fait êc la terre qu’on a employée de bonne qualité ; c’efl: cedont chacun fe convaincra Iorfqu’ii fera rompre un mur de pifé pour y pratiquer après coup une porte ou une fenêtre qu’on aura oublié de faire à une maifon.
- Les montagnes êc les coteaux , les vallées & les collines , les tertres ou éminences de terre qui font depuis des fiècîes battus par les orages, fur lefquels les eaux ont continuellement coulé, ou été pompées par les ardeurs du foleii, êc dont le poids énorme n’a ceffé de comprimer la terre , ont été, dans des milliers d’occafions & pour une infinité de befoins, creufés pour y pratiquer des fouterreins fans qu’on a't été obligé d’y faire aucune maçonnerie pour les fup-porter.
- Combien efî-il de nos le&eurs qui connoiffent des. caves ainfi exécutées fous terre Sc qui fervent aux générations des familles, fans avoir été obligé d’y faire aucune réparation, fur-tout lorfque l’adreife des toailiers ou pionniers a fait fouiller ces caves ou
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- fouterreins dans la forme d’un arc fort bombé ? Pour moi je vais raconter ce que j’ai vu dans ma jeunefle; je ne m’attendois pas alors que j’en duffe faire un jour une fi bonne application.
- « J’ai été élevé à Lyon au pied de la montagne » de Fourvière & dans une maifon à côté de laquelle » fe trouvoit une très-grande & très-haute cave fous » cette montagne ; mon parent s’en fervoit pour y » fermer & pour y faire vendre fon vin. Un archite&e » fut appelé pour des réparations, & voyant cet appar-» tement fouterrein, fans murs, fans voûte, fans aucun » pilier, ni aucune maçonnerie , il ne pouvoit fe » raffafier de l’admirer; fétois à fes côtés ; ( les jeunes » gens comme l’on fait font curieux ) & je me fou-» viens très-bien qu’il attrribua la folidité de cette » cave , qui fervoit en même tems de cabaret, à la » nature au terrein, qu’il dit être un gord ; c’eft ainfi » qu’il nomma la qualité de la terre qui étoit rou-» geâtre & farcie de petits graviers ou caillous ; c’eft » aufli pourquoi le pifé de terrein graveleux devient » excefiivement dur. »
- On fait que les terres mouvantes ne peuvent fe foutenir que lorsqu’elles ont 4 y degrés de pente ; mais quel eft celui qui n’a pas remarqué dans fa vie des terreins coupés à angle droit ou à plomb , foit pour les grands chemins, foit pour gagner l’emplacement d’une maifon ou agrandir une cour au pied d’une colline ? ces terres ainfi coupées depuis nombre d’années , fe foutiennent toujours lorfqu’elles font d’une qualité compa&e, forte & graveleufe.
- On creufe des puits, mais on ne les mure pas toujours , on en a mille exemples & il s’en trouve plu-fieurs à Paris : M. Vilmorin , marchand grainier Sc fleurifte , fe fert depuis fix années de deux puits d’environ douze toifes de profondeur, qu’il a fait creufer
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- dans fon jardin, près la barrière du Trône , & malgré la grande quantité d’eau qu’il fait tirer journellement, fes puits tout nuds , puifqu’iis ne font revêtus d’aucune maçonnerie , ne fe font point dégradés : à l’autre côté oppofé au fauxboug St. Antoine, dans le Roule , il exifte quantité d’autres puits très-profonds , çreufés tout Amplement dans le fol fans maçonnerie ; ceux-ci font percés dans le tuf, par confisquent plus folides que ceux de M. Vilmorin.
- La nature fait donc du pifé ; fi tous fes ouvrages font folides, s’ils durent des fiècles, nous pouvons croire que le pifé fait avec plus de foin par la main habile de l’ouvrier doit être meilleur.
- En outre le pifé fait induftrieufement , efl & doit être toujours tenu à couvert ; mais fans cette prudente précaution à laquelle les ouvriers au fait de cette bâtiffe font accoutumés, il paroît que le pifé peut fe foutenir très-long-tems fans couverture , ce qui doit doublement raflürer lur la crainte qui paroît fondée aux pe'rfonnes qui ne connoilfent pas cet art, 8c qui par cette raifon penfent que des familles de-vroient être écrafées en logeant dans des maifons qui ne font bâties qu’avec la terre : en voici la preuve.
- « Un parifien étoit venu dans le Lyonnois 8c y avoit » appris que l’on pouvoît faire des maifons avec la » terre feule ; il n’eut rien de plus prefifé à fon retour » que de faire exécuter le pifé; à cet effet, il entre -» prit de bâtir par cette méthode une maifon à Paris , » au Gros-caillou, près de l’hôtel-des-invalides ; fes » facultés ne lui ayant pas permis d’y pofer le toit, » cette maifon en a toujours été privée ; en un mot, « ce pifé n’a jamais eu de couverture.
- » La planche fixième du premier cahier repréfente » exa&ementla véritable fituation de ce bâtiment 8c » fon defiïn , fes murs découverts avec fes pointes ou
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- » pignons pour les pentes du toit $ainfi le le&eür, au » moyen de cette planche, peut Te figurer la forme de » cette maifon qui a fes planchers pofés fans toit, » ainfi que les encadremens des portes & fenêtres, juf » qu’aux troux du moule qui font à jour.
- » Voilà le cinquième hiver que cette conftruc-» tion toute nue eft expofée à toutes les injures du » tems : pluies , neiges , féchereffes , vents, orages , » en un mot à toutes les intempéries qu’a effuyée an-» nuellement cette maifon de terre , ifolée dans un » vafte terrein 8c prefque fur le bord de la feine : cha-». que année je ne manque pas de vifiter cette bâtifïe ; » toujours je la vois dans le même état & j’attends » encore fon éboulement. »
- Qui auroit jamais pu croire que des murs de terre fans couverture & fans enduit, puffent réfifter fi long-tems aux rigueurs de notre climat ? D’après ce fait, qu’il me foit permis d’expofer mon idée fur la théorie du pifé : on prend de la terre fraîche , c’eft-à-dire , ni mouillée ni sèche,telle qu’elle fe trouve fur le fol ; on la tranfporte dans le moule & on n’en bat que peu à-la-fois ; voy. le premier cahier, pagf 23 8c fuiv., c’efl là toute la fcience.
- A-t-on jamais,vu au monde rien de plus fimple? Cette feule manoeuvre fi extraordinaire, fi facile , eft. cependant la balè de millions de travaux & de toutes les efpèces que les nations éclairées peuvent employer poür le fervice 8c pour le bonheur des hommes. Mais d’où vient que le pifé par un procédé fi innocent renferme tant d’avantages 8c fe confolide à tm,degré fuffifant à nos befoins t II femble que fa dureté ne provient principalement que de la privation de l’air qui eft chalfé parla preflïon des coups du pifoir; car un monceau de terre mouvante ou non pifée, eft
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- réduit par la maffivation à moins de la moitié de fon premier volume.
- On a penfé que la confiftance du pifé ne provenoit que de l’évaporation de la petite partie d’humidité qui fe trouve naturellement à la terre; mais voici l’expérience que j’ai faite.
- « J’ai fait mafîiver un petit volume de pifé : en » fortant du moule , il a pefé 39 livres & demie; » quinze jours après, fon poids a diminué de 4 livres » un quart; quinze jours enfuite , ce poids n’étoit » diminué que d’une livre; quinze jours plus loin cette » diminution n’étoit plus que de demi-livre. »
- Dansl’efpace d’environ quarante-cinq jours, la def-fication a été parfaite, & le poids ne s’eft trouvé diminué que d’environ un huitième : il n’y a donc que la huitième partie du volume qui contient l’humidité, ce qui n’eft pas capable d’empêcher la confiftance du pifé : c’eft aufîi pourquoi ce genre de bâtir eft diamétralement oppofé aux conftruéhonsque l’on fait avec la terre pétrie, celle-ci ne peutfe préparer qu’en y ajoutant beaucoup d’eau pour pouvoir la broyer , ce qui lui ôte toute fa confiftance : on en fent la raifon : l’eau , occupant beaucoup de place dans la terre que l’on rend comme la boue , lui laiffe en s’évaporant une multiplicité infinie de pores,‘ou d’innombrables petites cavités; cette énorme quantité de places vides, rend la terre pétrie , incapable de fupporter plufieurs étages & les plus grands fardeaux, comme le pifé les foutient.
- On a penfé encore que la denfité du pifé ne fe pro-curoit que par les coups du battoir qui faifoient fortir l’eau de la terre : j’ai la preuve du contraire ; il eft tel lement vrai que la preflïon de la terre ne chafîe point fon humidité naturelle , puifqu’auflitôt qu’un pan de mur eft fait, on enlève le moule de bois, & jamais je n’ai
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- vu ce moule mouillé ; j’avoue que le pifé en féchant fe raffermit; mais c’eft plus par la caufe de la fup-preflion de l’air pendant fa maflivation que par celle de fon humidité.
- Venons toujours aux faits : j’ai l’expérience que dans un feul jour on peut bâtir trois pans de mur les uns fur les autres, ayant chacun environ trois pieds; on éleve donc un mur de terre fans.interruption & dans une feule journée de 8 à 9 pieds de hauteur, c’eft-à-dire, de la hauteur d’un étage : j’ai auflî la preuve qu’à l’inftant que les maçons pifeurs font arrivés, dans la conftruftion d’un bâtiment de pifé, à l’élévation né-ceffaire pour y pofer un plancher on place les pou* très les plus lourdes furies murs de terre tout fraîchement faits : j’ai encore la preuve qu’on peut pofer la plus grolfe charpente d’un toit auftitôt que les murs des pignons en pifé viennent d’être parachevés. Ces manoeuvres , que j’ai mille fois fait faire dans les bâti-mens de terre que j’ai conftruits , annoncent que le pifé ne tire fa confiftance que du coude des ouvriers, c’eft-à-dire, de la force du travail ou de la mafliva-tion bien faite de la terre.
- D’après toutes ces pratiques ôc expériences , on peut admettre pour principes ; i°. que le pifé n’acquiert de folidité que par la maflivation dont l’effet eft une diminution de fon volume & de la fuppref-fion de l’air ; 20. que fa durée de plus de deux cents ans ne provient que de l’évaporation parfaite de la portion de fon humidité naturelle ; 30. que le gluten de la terre caufe le rapprochement intime & la crifpation de toutes fes particules à l’inftant que les coups redoublés du battoir opèrent artificiellement, femniable à cette adhéfion naturelle, qui s’opère pour la formation des pierres & que l’homme ne définira jamais ; car qui peut voir cette création des pierres,
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- ainfi que celle des animaux 6c végétaux , par exemple , comment paffent les lues nourriciers de la terre dans les libres des racines infiniment menues & déliées ? C’ell donc pour toutes les formations ou créations dans la nature un travail invifible à l’homme , dirigé par la main du Créateur de l’univers , 6c c’eft encore la nature , qui, à l’égard du pifé , nous permet fecrétement d’élever à 30, à 40 pieds un mur fort mince, qui, non-feulement fe fupporte lui-même fans aucun mortier, mais encore qui'foutient toits, planchers, 6c toutes les charges que l’ôn veut mettre dans les étages de la maifon.
- La malîivation de lg maçonnerie en mortier 6c celle de la maçonnerie en pifé font véritablement un don de la Providence; ces deux genres de conlîrii&ion, trop peu connus , trop peu ufités , feront traités à fond dans le cours de cet ouvrage : on y indiquera toutes les circonfiances auxquelles on doit les appliquer, 6c elles font infinies, puifque ces deux arts peuvent nous éviter de faire mille uftenfiles que nous faifons en bois ; remédier à mille incommodités que nous éprouvons dans nos habitations; prévenir mille pertes que nous efluyons pour les travaux, la fabrication ôc la confervation de nos récoltes ; épargner mille dépenfes que nous faifons mal-à-propos dans nos manufactures ; diminuer des frais de double emploi que nous faifons fans nous en appercevoir dans nos batimens de la campagne : mais ayant de parr-ler de tous ces objets , je continuerai toujours l’art du pifé par lequel j’ai commencé ce cours.
- Introduction sur les qualités des terres.
- L’idée de la malîivation que le lefteur polsède à préfent, lui fera d’un grandfecours pour choilîr lui-
- Ecole d’architecture rurale, B
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- même les terres dont il aura befoinpour faire le pifé dans fa poffefiîon ,& aux entrepreneurs pour bâtir dans le terrein d’autrui : mais comment défigner au public les différentes qualités des terres , lorfque leurs noms ne font point encore bien déterminés ?
- Les naturaliffes, les phyficiens , les chymiftes conviennent que nous n’avons point de dénominations fixes fur les natures des terres. Plufieurs favans nomment terre argilleiise , celle que d’autres appellent terre glaifeufe ; les auteurs en général , fous le nom feul & ifolé dé terre, comprennent toutes les efpèces de pierre , de marbre, de caillou , de plâtre,de craie> de charbons & autres, ainfi que toutes les efpèces de terre, de fable , de marne , d’argille & autres ; les ha* bitans des campagnes d’un autre côté ont des termes différens & qui leur font particuliers dans chaque village ; cette différence de dénominations eft décourageante ; je ne lais comment me faire entendre dans tous les pays, à chaque canton & dans les différens territoires : mon zèle me fervira d’excufe envers le public , fi je m’écarte de tous les termes , mots Sc noms fcientifiques ; j’y fuis obligé d’ailleurs pour q ne tous les cultivateurs puiffent faifir ce qui les intéreffe de fi près ; en conféquence je. vais ouvrir une nouvelle voie avec laquelle j’efpère que chacun pourra fe retrouver & fe former On fyftême ou une règle qui lui fervira de bafe pour connoître les qualités de terres de toutes efpèces,
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- Nomenclature des terres.
- Noms les plus familiej'S.
- i°. Les terres qui portent les noms relatifs auxufages auxquels un les emploie, font les
- Terres à briques.
- Terres à tuiles.
- Terres à four.
- Terres de poterie. Terres à faïanee.
- Terres à pipes
- a0. Les terres par rapport à qualités .
- Terres grades.
- Terres maigres.
- Terres fortes.
- Terres glaifes.
- Terres lourdes.
- Terres légères.
- 3°. Les terres par rapport
- Terres de porcelaine. Terres à dégraiffer. Terres à foulon.
- Terres de couleurs, ou ocres.
- : leurs fubftances & à leurs , font les
- Terres poreufes.
- Terres friables.
- Terres franche*.
- Terres végétales. Terres favonneüfes. Terres leffîvées.
- à leur nature ou effence , t les
- Terres calcaires, ou pièrreufes.
- Terres gypfeufes , ou
- pâtre.
- Terres marneufes , ou la marne.
- Terres tourbeufes, ou de tourbe.
- T erres crayonneufes , ou la craie.
- Terres tuffières , ou le tuf.
- Terres fablonneufes,ou le fable.
- Terres fulfureufes & bitumineufes.
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- 4°- Les argilles, il y en a plus de 800 efpèces, félon M. Macquer; les plus pures contiennent toujours quelques parties de métal, fur-toutdufer.
- 50. Les terres confidérées dans leur origine ôc dans leur transformation, font
- La terre vierge , pure ou primitive.
- La pouffière.
- La boue.
- Le terreau.
- Les cendres.
- Les débris des vieux mortiers , provenant de
- la chaux, fable ou terre.
- Les plâtras , ou débris du plâtre.
- Les décombres des mi-néraux , vieux & neufs.
- Les limailles & les mâche-fers.
- Voilà les plus fimples dénominations des terres; chacun pourra les comparer avec les noms d’ufage dont on fe fert dans fon canton ; il s’agit maintenant d’indiquer leurs propriétés pour reconnoître celles qui font convenables à faire le pifé.
- Géoscopie ou des qualités des terres propres au pisé.
- i°. Toutes les terres en général font bonnes à faire le pifé, lorfqu’elles n’ont pas l’aridité des terres maigres ôc l’onétuofité des terres glaifes.
- 20. Toutes les terres végétales font auffi en général propres à cette conftrudion.
- 30. Les terres graffes, qu’on nomme bien fouvent argilles ow franches, les mômes dont on fe fert pour faire les grollès briques ou les tuiles communes, font bonnes à faire le pifé; mais employées feules, elles fe
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- fendent , je veux dire qu’elles procurent de petites crevafîes au pifé, parce que contenant beaucoup de gluten, par conféquent plus d’humidité, en féchantelles occasionnent ces fentes , ce qui aux yeux des per-fonnes , au fait de l’art du pifé , ne les empêche pas de croire à fa bonté.
- 4°. Les terres fortes où font mêlés de petits graviers , & par cette raifon , ne peuvent Servir à faire ni briques, ni tuiles, même aucune poterie, parce que les graviers fe convertiffent en chaux dans le four ,• pétillent à la moindre humidité, je veux dire que lorfque l’on a retiré du four les briques , tuiles ou poterie, & qu’on les emploie à quelque ufage , la moindre humidité fait fuferces petits graviers réduits en chaux, & forment mille petits éclats-défcétueux; les terres grave-leufes, dis-je, dont on ne fait que faire, deviennent très-précieufes pour ce genre de conflruétion, puifqu’avec elles on fait le meilleur pifé.
- Je m’en tiendrai à ces principes généraux, de peur d’embrouiller par de plus longues explications l’efprit de mes le&eurs ; je vais leur indiquer les lignes par lefquels ils pourront reconnoître les terres propres au pifé ; enfuite je les infhuirai du mélange qu’ils doivent en faire pour réunir les avantages de 1’écono.mie & de la folidité.
- d)es signes naturels qui indiquent les terres dont on peut se servir pour construire des bâlimens en pisé.
- Toutes les fois qu’une pioche , ou une bêche, ou la charrue enlèvent dans une pièce de fond des quartier^ ou croûtes de terre , c’eft une bonne marque que la nature de ce terrein eft bonne à faire du pifé.
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- Lorfque dans une terre en culture les laboureurs font obligés d’encalfer les mottes, c’eft encore un bon • figne que fa qualité peut fervir à faire d’excellentes bâtiffes en pifé.
- Les terres cultivées qui fe fendent ou fe crevalfent, indiquent que leur nature eft favorable au pifé.
- Celles où les fouris ou mulots font des fouterreins, prouvent, par-là, que ces terres peuvent foutenirla conftruéfion des murs de pifé.
- Lorfque les terres d’un village fe trouvent plus élevées qu,e fes chemins abaiftcs par l’écoulement fuccef fif des eaux, 8c que les balmes de ces chemins fe fou-tiennent prefque à plomb , c’eft un indice qu’on peut bâtir dans ce village en pifé.
- : On reconnoît que le foi d’un territoire eft bon à faire du pifé , fi on a de la peine à c'alfer avec les doigts les grumeaux des boues des chemins; en fixant fon attention fur les ornières de ces chemins , on ap-perçoit que les roues des charrettes les ayant prelfées, en ont fait du pifé ; ainfi toutes les fois qu’il y aura des ornières profondes dans les chemins , on peut compter que le pays abonde en bonne terre pour faire du pifé.
- 11 eft bon ici de faire remarquer que dans les terres maigres & fabionneufes , on n’y voit prefque pas la trace des voitures.
- Autres signes gênéranæ pour reconnoitre oh l'on peut prendre de la terre propre au pisé.
- On trouve de la bonne terre pour le pifé au bas de toutes les pentes des pièces de fonds qu’on cultive, parce que les pluies y entraînent chaque année la graiffe de la terre ou la bonne terre, qui eft la plus déliée êc la plus divifce.
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- On en trouve très-fouvent fur les rives ou bords des rivières , parce qu’elles font ordinairement dans les lieux les plus bas d’un pays.
- On en trouve fur-tout au pied des coteaux des vignes & de tous terreins productifs qui ont beaucoup de pente.
- Il ne faut pas croire que les territoires maigres ou fablonneux ne produifent pas de bonne terre pour le pifé ; cette crainte feroit outrée , car le fable ne donnera jamais de récolte avec fa crudité , s’il n’eft un peu terreux. Eh bien , c’eft cette partie terreufe, également bonne à la végétation comme à la confection du pifé , qui eft entraînée annuellement par les eaux pluviales dans les lieux bas : d’où je conclus que tout propriétaire qui manquera de bonne terre dans l’emplacement où il voudra faire contraire en pifé, peut faire fouiller au pied des vignes, terres montueufes, au bas des chemins élevés, dans des vallons, fur les bords des rivières, & il trouvera aflurément la bonne qualité de terre dont il aura befoin.
- Indépendamment de ce moyen , chaque poffeffeur aura la relfource de faire faire des excavations dans fon fol pour éviter, autant qu’il le pourra , les frais de voiture pour tranfporter la bonne terre des lieux que je viens d’indiquer; il eft bien rare que ces fouilles ne procurent pas ce que l’on cherche , puifqtie tout le monde fait qu’en creufanr. des fondations, une cave, fur-tout un puits , on rencontre quantité de couches de terres de natures différentes.
- Sans contredit, il vaut mieux prendre la terre chez foi que de la faire voiturer, dût-on faire creufer profondément un ou plufieurs grands troux chez foi ; dans l’un 8c l’autre cas, il y a manière de fe retourner, c’eft ce que le chapitre fuivant va apprendre.
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- Du mélange des terres pour lejnsé.
- Ce mélange eft facile & fe conçoit aifément.
- Les terres gralfes doivent être corrigées par celles qui font maigres ; cela eft d’ailleurs néceflaire pour prévenir les fentes & crevaffes qui, fans ce mélange, fe manifefteroient ou arriveroient.
- Droù il ré fuite que
- Les terres à briques, à tuiles , à four & à poterie, les ter; es gralfes , fortes, glaifes , franches , végétales 8c marneufes, ainlî que toutes les argilles,
- Doivent être mêlées avec
- Les terres maigres, légères, poreufes, friables, favon-neufes, lefiivées, crayonneufes, tuffièr es, fablonneufes, même tourbeufes (i), & on peut y ajouter de petits gra-viersou petits cailloux, des démolitions de mortiers ou des plâtras, ainfi que toutes fortes de décombres du régne minéral , mais jamais des règnes végétal & animal {2).
- Plus les terres font gralfes, glaifeufes, marneufes ou
- ( 1 ) Pourquoi ne fe fervi.roit-on pas des terres tourbeufes pour bâtir des murs lorfqu’on en manque d’autres ? Cette nature de terre fe prête , comme l’on fait, à former des corps ou petites malles que l’on moule & dont les mottes fervent de combufti-bles j pour ajouter à leur denlîté médiocre & for tir leur grande inflammabilité, on doit faire le mélange ci-delfus indiqué.
- (a) Le pile ne fouffe point, comme le torchis aucun des végétaux, ni animaux; dans celui-ci on met, pour faire crifpcr la terre pétrie contre les pans de bois & leurs lattes , de la paille ou du foin bâchés, du poil, de la bourre ou de la-laine; au contraire les ouvriers pifeurs ont la plus grande attention dans
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- argilleufes , plus il faut leur ajouter de matières sèches, arides ou friables.
- Il efl impofiible d’en défigner ici la quantité : c’efl une fcience que la pratique enfeignera à tout le monde ; à cet effet, je vais mettre mes leéteurs à portée d’opérer eux-mêmes & de fe livrer à plufieurs petits efiàis qu’ils pourront faire , ou faire faire fous leurs yeux. Je ne terminerai cependant pas cet article fans faire remarquer une chofe bien eflentielle ; le mélange des terres, étant d’une néccfîîté abfoîue , afîüre tout-à-Iafois de l’économie & de la bonté aux conf-truélions des bâtimens de pifé; c’efl: ce dont on va être convaincu.
- Des causes de hi solidité du pisé & de quelques dé Lai ls néccjjaires.
- - Pour faire le moins de répétitions que je pourrai , je prie le leéleur de lire la page 23 du premier cahier, & j’y ajoute oue lorfque les ouvriers peu foi-foigneux battent plus de 4 pouces d’épaiffeur de terre, les coups du pifoir [aident des mifes ou couches qui .n’ont, prefque pas été preffées, ce qui fait le plus mauvais ouvrage ; il faut abfoîument que le pi-loir chafî'e avec force la terre non pifée contre celle qui efi pifée au deffbus, de manière que cet outil lie ces deux terres fi. étroitement, que le tout ne faite plus qu’une feule maife'ou une feule pièce.
- C’efl: avec cette attention néceiïaire , je le rc-
- Ïeiuv travail de clioifir la moindre paille , & la plus petite racine gui fe feroient introduites par iré partie dans la terre & de la jetter dehors : en un mot le pifb cft eficnce minérale imitant la pierre , & tient & la vraie conl’rndiicn ; par conféquent tou! ce qui peut fe fufer 0.1 fe pourrir doit en être, exclu.
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- pète, que Pon peut faire avec la terre feule des bâti" mens qui durent, plus de deux cents ans, & que lorf-qu’il fe trouve dans la terre de petits cailloux ou graviers , on fait des murs qui font fî difficiles à percer : en voici la caufe.
- L’ouvrier pifeur, battant fans ceffe, attrape par fois avec fon pifoir un caillou ou un gravier, ce qui renfonce dans la terre au même inflant qu’un autre reçoit un autre coup qui l’oblige aufîi de chercher un gîte , d’où tous deux font bientôt dérangés pour s’enfoncer plus avant & obliquement, jufques à ce que les coups redoublés du pifoir les aient forcés de fe ranger chacun dans une place d’où ils ne peuvent plus remuer : la terre comprife entre ces graviers, fe trouve non - feulement bien comprimée par le pifoir, mais encore elle fe trouve iingulièrement ferrée entr’eux: c’eff ce qui fait que le pifé bâti avec la terre grave-îeufe acquiert une fi grande dureté, qu’après lin ou deux ans, il faut pour le rompre y mettre le cifeau, tout de même qu’on taille les pierres.
- Puifque le mélange des terres efl néceffaire pour faire de bon pifé, il préfente donc une économie à tous les propriétaires , fur-tout à ceux qui n’ont pas fous la main dans leur pofièflion la terre de la qualité requife. On en fentla raifon : fur un tombereau de terre graffe ou onétueufe qu’on fera forcé bien fouvent de faire voiturer de près ou de loin, on -pourra, en le mélangeant*, employer trois, même jufques à quatre ou cinq autres tombereaux de terre qui fe trouvera fur le lieu du bâtiment qu’on aura à faire.
- Mais fi le pays efl gras , ( c’cfl ainfi qu’on appelle ceux qui abondent en terre graffe , franche, glailè ou argille, & où t on confond tous ces noms ) fî le pays efi gras, dis-je, ou fi la nature des terres eft tenace, on les mélangera avec de la terre plus maigre, même de
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- la pouffière des chemins auxquelles on ajoutera des plâtras eu des décombres , & il eft bon d’obferver en paiïant qu’on peut s’éviter de pulvérifer ces derniers , puifque des éclats de pierres ou de petits cailloux de la groffeur d’une noix Ke peuvent nuire à la bonté du pifé , au contraire, fervent à reiferrer la terre intimement entr’eux, comme je viens de l’expliquer.
- Dans les pays maigres1, tels que font les fahlonneux ou autres, & où on ne peut femer que du feigle , de l’avoine ou autre denrée de médiocre qualité ,on fera des fouilles à proximité de la maifon ou des murs de clôture que l’on aura à conftruire; & fi les terres qui en proviendront n’ont pas la qualité fuffifante, on en fera voiturer de meilleure en petite quantité, en la fai-fant prendre dans les lieux écartés & que j’ai ci-devant défignés, à l’effet d’ufer d’autant d’économie qu’on pourra.
- Dans les plaines arides & fablonneules, on a fouvent la reffource des pieds des coteaux, des bords des rivières , des fonds des vallées les plus voifins , d’où l’on peut faire voiturer de la bonne terre pour le pifé. •fai reconnu , par exemple, que les rives de la Seine & de la Saône en contiennent beaucoup 3 & j’ajoute que les limons ou bourbes des rivières contribuent à rendre la terre propre au pifé: on peut trouver quelquefois des terres graffes ou onélueufes dans les foffés, dans les chemins & tous lieux bas ; finalement par-tout on peut faire fouiller dans le fein de la terre ou faire voiturer la petite quantité dont on aura befoin pour bâtir en pifé.,
- L’avantage le plus effentiel que ce genre de conf-truéfion peut procurer à un peuple, dans quelque partie qu’il habite dans l’univers, eft celui de pouvoir conf-truire par-tout des logemens, granges & écuries, foit fur les plus hautes montagnes, foit dans les vallées
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- les plus profondes,foit dans les plaines les plus vafles, foit en un mot dans les déferts : on fait que dans ces lieux trop éloignés des maifons habitées , fî on y veut confirmée des chaumières , des fermes fuivant l’ufage ordinaire , il faut fonger à s’y pourvoir de tout, parce qu’il y manque de tout, jufqu’à l’eau : avec le pifé on n’a point cette idée défefpé-rante , on pofsède dans le moment tout ce dont on a befoin ou à quelque chofe près pour bâtir , les ouvriers n’ont qu’à fe rendre furies lieux avec leurs légers outils , ils bâtilfent fur-le-champ fans embarras ôc fans eau.
- Cet art (impie, oublié dans un coin de la France, auro't été bien avantageux pour éviter des dangers auxquels des hommes malheureux ont été expofés. J’ai vu des habitans dans les Alpes grimper fur des rochers , prefquc inaccefîibles , en rifquant d’y perdre la vie 5 à relfet d’y aller recueillir des foins & des grains qui croifîent fur des plaines qui fe trouvent fur ces hautes montagnes : ces pauvres gens pour gagner ces récoltes, y féjournent quantité de jours ôc efluient toutes les injures du tems ; s’ils avoient fu pouvoir s’y former des habitations avec tant de facilité , ils s’y feroient établis 8c ne feroient plus aujourd’hui dans la misère : on y verroit maintenant des bourgades heureufes &;plus de richeflés dans la patrie ; j’ai donc bien penfé de n’ayoir pas fait comme mes concur-ren.s qui fe font contentés de refier chez eux & d’envoyer , fuivant la vieille coutume , leurs mémoires pour concourir au prix de la queftion contre les incendies; j’ai voulu voir par mes yeux tous les ufages qu’on empioyoit dans la campagne ; à cet effet, j’ai vifité la cabane du pauvre pour favoir comment il y vivoit, comment il labâtifibit; il eff tems enfin pour le bien de ia nation de mettre à profit le réfultat de
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- mes recherches & les encouragemens affurés aux citoyens qui font, des découvertes ou perfectionnent les anciennes d’une manière utile. Si l’on trouve mon travail ncceffaire, j’ai lieu d’efpérer que je n’aurai point en vain facrifié plus de (îx ans d’étude , de voyages , & d’expériences pour la chofe publique.
- Essai que chacun peut faire dans sa propriété pour s’assurer si la quaLité de son terrein est bonne à faire du pifé.
- Premier essai.
- Prenez un petit vafe ou un feau de bois fans fond, faites un creux dans le fol d’une cour ou d’un jardin, placez au fond de ce creux ou trou une dale ou une pierre plate , âc mettez deffus votre vafe ou feau, autour duquel vaiflèau vous remettrez la terre que vous avez tirée pour faire le trou en la battant bien avec le pifoir.
- Ayant fait apporter la terre que vous voulez éprouver , vous la ferez pifer dans le vafe ou feau en n’y mettant à-la-fois que 334 doigts d’épailfeur; lorsque votre ouvrier aura bien mafiivé cette première couche, vous remettrez 3 à 4 doigts de terre que vous aurez foin de faire preffer de même, ainfi de la troifième Sc quatrième couche jufqu’à ce que votre vafe ou feau foit plus que plein ou comble.
- Ce trop plein doit enfuite être rafé , comme une mefure de bled ou autres grains ; à cet effet, vous raclerez ce furplus de terre avec une pelle ou une bêche en rafant bien à plufieurs reprifes les bords du vafe ou du feau, pour avoir une fuperficie liffe fem-blable à l’inférieure qui fe trouve fur la pierre plate.
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- Pour tirer ce vailfean du trou , vous dégarnirez à fou pourtour avec une pioche la terre du fol ; ce qui vous donnera la facilité d’enlever le vafe ou le feau plein de pifé , lequel vous ferez tranfporter où il vous plaira.
- Pour pouvoir faire fortir le pifé du vafe ou du feau, il faut renverfer ce dernier fur une autre pierre plate ou fur une planche, ce qui fera un peu facile à caufe de l’évafement qu’ont tous ces uftenfiles , c’eft-à-dire, à caufe qu’ils font toujours plus larges en haut que dans leur fond; mais fi la malfe de pifé nepouvoit fortir fur-ie-champ & étoit retenue par quelques joints des douelles ou douves qui fuirent ouverts, ou que lé bois fut raboteux , alors il faut la laifîèr fécher à Pair 24 heures un peu plus ou un peu moins, & on verra qu’après ce tems , .le corps ou masse de pisé fe dégagera de lui-même du vaiifeau qui le contient.
- Il faut avoir la précaution de couvrir d’une petite planche cette malfe de terre , parce que fi le pifé ne craint pas la’pluie orageufe ou tranfverîale, il fe gâte un peu iorfqu’elle tombe perpendiculairement & fur-tout lorfque l’eau féjourne deflus.
- Lailfant expofer à l’air cette malfe de pifé feulement couverte d’une planche ou d’une pierre plate , vous aurez l’agrément de voir augmenter chaque jour fa denfité à fur & à mefure que fon humidité naturelle s’évaporera : car il faut bien fe refiouvenir qu’il faut prendre la terre que l’on veut pifer à deux ou trois pieds au-delfous du fol pour qu’elle ne foit ni sèche , ni mouillée, 8c il eft bon aufiî de rappeler que fi on ne prelfoit pas bien la terre autour du vafe, ou feau lorfqu’il eft vide , les cercles , fulfent-ils.de fer bien épais, crèveroient, tant eft grand l’effort que fait la
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- terre battue ou pifée dans un grand comme dans un petit moule.
- Second essai.
- . Celui-ci peut fe faire dans la maifon : ayant fait apporter de la terre des champs, preffez-la dans un mortier de pierre dont on fe fert pour piler le fef, foit avec le pilon de bois , ou de cuivre, ou de fer, ce qui eft préférable, foit avec un marteau ; rempîiiTez ce mortier au-delà de fes bords; enfuite enlevez avec un racloir de fer ou un grand couteau , le furplus ou le comble de la terre ; cela fait, vous ne pourrez point faire fortir du mortier cette petite maffe de pifé ; il faut néceflairement Pexpofer au foleil ou près d’un feu : après qu’elle aura un peu féché, vous apperce-vrez une fente légère qui commencera à fe former entre la terre & la pierre du mortier, & lorfque cette fente fe fera afTez agrandie, vous jugerez par-là du moment que vous pouvez tirer cette pièce de pisé, en renverfant le mortier furie pavé de l’appartement & lefecouant; lorfqu’elle fera tombée fur le carreau, vous vous trouverez une forme de pifé femblable à celle du mortier de pierre , laquelle vous indiquera la qualité de votre terre.
- Troisième essai.
- Prefiez, avec le bout d’un bâton ou d’une canne , de la terre dans une petite boîte ; mais avant, pour plus de sûreté, liez-îa avec une ficelle , crainte qu’elle De crève en pifant ; lorfque vous l’aurez emplie de terre plus que fes bords, rafez le defîiis avec un couteau ; pour retirer ce petit morceau de pifé , vous ferez nécelfairement obligé de eaffer la boîte ÿ fi mieux
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- xas n’a‘m?z attendre, en i’expofant à Pair ou ail foîeil ou au fru ; il efl bien entendu que fi votre boîte efl: ronde, vous vous trouverez un petit volume dé pifé rond} fi elle cft quarrée , ovale ou d’autre figure, la forme du. pifé leur reüemblera ; et fi la terre que vous aurez comprimée eft rouge , blanche, grife , le petit corps de pifé confervera une de ces couleurs. Il efl bon de faire remarquer que la couleur des terres n’ajoute ni ne diminue rien à la qualité nécef-faire pour faire du pifé ; ainfi chaque propriétaire doit être tranquille là-deflus ; celui qui aura de la terre rouge peut faire faire d’aufïi bon pile que celui qui en pofsède de la jaune; d’autres qui l’auront noire en peuvent faire d’aufïi bon que s’ils l’avoient de toute autre couleur.
- Essai que Von peut faire journellement.
- Toute perfonne , en fe promenant dans fon domaine, peut faire plusieurs petites boules de terre qu’elle preffera tant qu’elle le pourra dans fes mains 8c entre les doigts : en les rapportant â 3a maifon 8c en les étiquetant, elle aura toujours fous fes yeux les différentes qualités de terre.de chaque pièce de fes fonds : ces échantillons lui aideront à juger du mélange qu’elle en doit faire.
- Observations essentielles.
- Pour faire tous ces eflais , il faut choifir la terre la plus fine , tandis que pour les gros ouvrages on laifîe tous les graviers ; avant de pifer les terres qu’on veut éprouver , les perfonnes attentives pourroient faire d’autres petites épreuves pour en reconnoître leur véritable effence ou qualité , par exemple, prendre
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- dans les plaines, & avec célérité ; il exige peu d’équipages pour l’ouvrier ; on peut habiter au {sitôt les bâtimens, parce qu’ils fe conflraifenl: fans emploi de l’eau , & qu’ils ne répandent pas plus d’humidité que les terres de fouilles ordinaires , qui font toujours innocentes. Ces batiraens peuvent suffi taire d’excellentes ferres dans les jardins. Nous avons dit que cette conilru&ional’avantaga de la célérité; efîedivement, un cultivateur pourrait, dans quelques femaines , élever fon logement, une grange & des écuries. La confirudion dont ne us rendrons compte, a le grand mérite d’être incombuflible ; l’habitant n’a à fe garantir que de fa propre négligence & des imprudences» Nous renvoyons, pour les autres détails9 à l’ouvrage de M. Cointeraux, ainfi que pour les or-nemens & décorations en peintures à frefque % dont ces bâtimens font fufceptibles.
- Il eft donc à déurer que l’ufage de la contraction , dont nous venons de rendre compte, fe pratique & fe répande par-tout, en fe conformant exadement aux procédés , fans lefquels les fuccès ne pourroient être garantis ; que técoU, que vient £-établir M. € ointeraux , foit fréquentée par un grand nombre ctéleves » qui fe répandraient dans Us dépammtns, bientôt les confructions amples , commodes & falubres ^ fe multiplier oient ; les incendies j four ce cruelle de mendicité 7 deviendraient r^res ?
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- & les incendiés moins nombreux pourroient être fécond rus efficacement.
- Tel eft le fentiment & le défir que nous a infpiré l’examen des conftru&ions de cet art trop peu répandu, & que M. Gointeraux a perfectionné : nous penfons qu’il eft du grand avantage de la nation de le rendre vulgaire & familier j fur-tout dans ce moment où les domaines nationaux vont être vendus. L’intérêt de la nation , & l’intention des légillateurs eft de divlfer les grandes propriétés ; mais cette divifion feroit im-poflîbîe dans bien des cas, faute d’habitations, parce qu’il n’en exifte qu’une pour d’immenfes exploitations : il eft donc effentiel de faire con-iioître un genre de conftruCtion peu difpendieux, qui facilitera les partages. D’autre part, plufieurs grands propriétaires, qui ont aujourd’hui le regret d’avoir réunis plufieurs grandes fermes , dont partie des bâtimens ont été fupprimés, pourront aufti les rétablir à peu de frais, & rendre ^ l’agriculture les familles que cette réunion avoit laifîees fans emploi. Une autre grande confédération invite à favorifer ces conftru&ions, afin de loger promptement & à peu de frais les nouveaux habitans des marais qui feront defle-chés, & des landes qui feront défrichées. On fait qu’un des grands ©bftacles confifte dans les conf-tru&ions ruineufes, qui ont communément fait échouer, ou rendu impofiibles les grandes comme
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- les petites entreprifes : elles devront \ avec le fe* cours de ce moyen, fe multiplier à l’infini, fi* comme l’un de nous l’a propofé, l’afîemblée nationale deftine aux familles fans propriété les terres vaines, vagues & marais dépendans des domaines nationaux (que l’on demande de ft’ê-tre pas compromis dans les ventes, dont elles n’augmenteroient pas le prix) afin de rendre pro-» priétaire cette multitude de familles qui recrutent les hôpitaux & la mendicité. Le pifé préfente un moyen de les loger promptement & à peu dô frais.
- Signés Boncerf, Gouffie r.
- Je certifie cet extrait conforme à i’origiâalj & au jugement de la fociété.
- Signé BROUSSONET, fecrétaire perpétuel*
- M. Meynier de Salinelles & M. Hell, com-î mifîaires nommés par le comité d’agriculture & de commerce de l’afîemblée nationale, pour la vifite des maifons & ouvrages en terre ou pifé, confiruits par M. Cointeraux, fur l’emplacement du Colifée, & pour vérifier fi ces conftruéHons répondent à ce que l’auteur promet par fon ouvrage , qui a pour titre : Ecole d?Architecture rurale , ont rapporté qu’ils ont vu & obfervé ce qui eft porté par le procès-verbal de la fociété
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- iTàgriculture, & qu’ils adhèrent à tout fon con* tenu.
- Au Comité) ce 5 Juillet 1,790.
- Collationné fur l’original dudit procès-verbal contenu au cahier des délibérations dudit Comité.
- Signé<, Herwin, Secrétaire du Comité.
- Voici la huitième année depuis la publication , en 1784 , du programme contre les incendies * que je m’occupe de fervir la patrie , & le décret de l’afiemblée nationale , en faveur des ar-tiftes , porte que c.lui qui aura confacrêfon talent & fa fortune au bien de la chofe publique , aura droit aux récompcnfes nationales-. Àinfi , ce décret ne peut me lailïer douter que mon zele ne participe aux réCompenfes annoncées. Je ne ceflerai point de requérir des fecours &iîicaces pour un atelier public. J’ai déjà formé beaucoup d’é-leves que j’ai envoyé dans la campagne à toutes les perfonnes qui m’en ont demandé ; j’ai fait'toutes les expériences que les académies ont délitées : j’ai, plusieurs fois , déchargé la ville de Paris des ouvriers de charité qu’elle avoit fait palier dans mon école ; j’ai eu une correfpondance fuivie & difpendieufe avec tous les favans & propriétaires qui m’ont demandé des éclairciffemens ; j’ai reçu dans mon atelier tous ceux qui ont voulu s’alfurer de la bonté de mes modèles , entr’autres , quantité de dé-* putés de iWe^blée nationale, de fédérés ? d’ou-
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- Vriers & habitans des diftrifts, dont plufieiirs ont fait exprès le voyage de Paris ; j’ai vifité , à l’invitation de MM. les intendans de Dauphiné & de Picardie, deux bourgs & un village , ^u. moment oii ils venoient d’être incendiés , dont mes procès verbaux ont été adrefiés au confeîl du roi, mais qui font reliés fans réponfe. Je me fuis préfenîé toutes les fois qu’il fe manifeftoit des incendies , dans les vues d’employer mes nouveaux moyens aux reconflruéuons. J’ai formé op-pofition ( la fie de ne pouvoir y réufïir ) à ce qu’on ne délivrât des fecours aux incendiés , qu’à la charge par eux d’employer une partie de ces fecours qu’on leur accordoit , à reconf-truire par une autre méthode leurs habitations, à l’effet de ne pas être une fécondé , une 3e , même une 4e fois la proie des flammes , comme cela eff arrivé à plufieurs villages , ce qui a épuifé la nation. Je n’ai, pas encore donné à mes compatriotes tous mes moyens , ce que je pourrai faire , quand je ferai aidé d’un£ maniéré plits forte ; & je protefle que ceux que j’ai à donner font de la plus grande eonféquence à la nation. Je ne réclame qu’une partie du rembourfement de mes dépenfes, & j’offre d’employer cette partie fur un terrain que me défignera le département de Paris , à conflruire d’autres modèles. J’invite tous les départemens , diftri&s , communautés * & le moindre village ou hameau, de fe Joindre
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- à mes prières , comme choie qui les regarde plus particuliérement, telle que celle de leur produire la voie de ne plus fe ruiner en bâthTant, de leur éviter tous incendies & la grande confomma^ tion des bois, de leur rendre.leurs habitations faciles à conftruire , chaudes , commodes , & exemptes de toute infalubrité : toutes ces communautés jugeront que je n’ai qu’un corps & qu’une vie, & repréfenteront aux perfonnes en place , qui penfent que l’objet des incendies & des incendiés regarde maintenant les dépar-îemens, repréfenteront, dis-je , ces corps, que pendant l’année que je ferai réfident dans un département , les incendies dévoreront les villages d’un autre. Ainfi, il ne peut y avoir dans la France qu’une feule école d’architeôure rurale ; d’ailleurs l’économie le commande. Au furplus, la juftice , les loix , la reconnoiffance, me feront rendre une partie de mes dépenfes, que j’offre de nouveau de confacrer à l’utilité publique , avec la reflri&ion que ma famille ref-tera créancière de la nation après mon décès. Français, daignez écouter le vœii de votre compatriote ! il vous laiffera des procédés les plus fimples les plus avantageux. Ne perdez pas de vue qu’il n’y peut parvenir pendant fa vie, qu’au moyen delà pratique, & d’un terrain fi facile à trouver dans le territoire de la France J terrain dont il ne demande pas la propriété, ni même la
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- jouiffanceÿ mais feulement la permifliôn d’y faire fon école d’archite&ure rurale , d’y laiffer des modèles , &c d’y faire des éleves (i).
- (i) V endos actuel de Catelier de M. Cointer aux 9 fitué à Paris , au Colifée , va être partage, au grand regret de cet artijle, en trois parties , par un propriétaire qui rentre en pojfeffîon de fon terrain. Au. furplus , cette école d'architecture rurale ne peut convenir dans ce local précieux : 1S00 toifes quelle contient , coûteraient, a raifon de 100 liv. la toife y /5q,ooo liv. , & il eft facile au département de Paris d'indiquer un autre terrain infiniment moins cher.
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- NOUVEAU PISE.
- On a vu, au premier cahier de l’école d’ar-chitefhire rurale, à l’article origine du pifs, que tes hommes , cïe toute ancienneté, ont confiant des murs avec de la terre feule ; c’efi pourquoi 'Pline les a nommés murailles de forme„ On a vu précédemment, qu’en v®ulant me fervir de cet art antique pour faire des voûtes , c’eil-à-dire ? qu’en voulant pifer , d’après l’ancien ufage , fur un fort ceintre en bois , au lieu de pifc-r dans un encaiffement ordinaire, j’ai été forcé de recourir à un autre procédé, & je me fuis trouvé fort heureux de rencontrer la plus fimpîe & la plus avantageuse manipulation qu’il foit poffi-bîe, puifqu’il fera très-difficile de rien ajouter à cette méthode. En effet, comment y parvien-droit«on ? Des murs , des voûtes , & autres conflrufiions faits avec une matière abondante * telle que de la terre, à laquelle il ne faut aucune manipulation , aucun mélange , aucun mor-ligr, çi) un mo.£? aucun® addition quelconque
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- de matériaux étrangers, font vraifemblablement impofïibles à faire avec plus d’économie. Cependant ce s pierres imitent parfaitement celles que la nature produit par l’ouvrage de plufieurs iiecles , celles-ci ne font que celui d’un moment, ou, fi l’on veut, d’un jour , par les façons qu’elles reçoivent de la main induftrieufe de l’homme.
- Combien il va être facile aux nations d’élever , par ce procédé , des murs de toutes fortes de formes, en tout tems & en tous lieux, &c de conftruire toutes efpeces de voûtes , artifte-ment appareillées , puifque les mafles ou quartiers de terre, repréfentent les pierres les «lieux taillées !
- Mais comme bien des perfonnes pourroient. fe jeîter dans une dépenfe un peu confidérable, loin de l’éviter , en voulant faire des voûtes de toutes fortes de courbure, lefquelles alors exi~ geroient des vouffoirs de différentes coupes 9 ce qui multiplieroit les moules , j’aurai foin de les prévenir, lorfque je traiterai plus particuliérement des voûtes , du choix qu’elles en doivent faire. Il eft maintenant néceffaire d’indiquer comment chacun peut faire chez foi le nouveau pifé, & il eft urgent d’enfcigner cette méthode, afin d’occuper, l’hiver prochain, jtnille & mille bras oififs dans la campagne.
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- Conjlruclioa des outils pour le nouveau pifè,
- 3°. Pour les murs droits, on prend de greffes pièces de bois, foit poutres , foit pannes, foit folives ou autres : on fait dreffer à la varloppe , par un charpentier, ou plutôt par un menuifier , trois de leurs faces , afin qu’elles foient fort droites & parfaitement unies ; on divife en-fuite leur longueur par parties égales , & chaque partie a la largeur de celle que l’on veut donner aux malles de terre ou de pifé. On fait feier & tailler , d’un pouce de profondeur , avec une fçie ou un cifeau de fer , fur les lignes que l’on aura tracées. Le bois, enlevé, laiffe des rainures dans lefquelies on doit inférer des fépa-rations , qui ne font autre chofe que des bouts de planches, au moins d’un pouce d’épaiffeur: ces planches ont la longueur que l’on veut donner aux maffes ou carreaux de terre ; elles ont encore de plus deux pouces pour leurs prifes dans les rainures : ainfi,fi l’on veut donner aux carreaux un pied ou douze pouces de long, il faut que les bouts de planches en aient quatorze. Rien n’eft plus facile que cette préparation. Cependant , pour ne rien laiffer à délirer , je vais mettre fous les yeux du le&eur le deffin de ces outils, & m’étende plus longuement fur les mefures & obfervations.
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- Explication de. la planche pnrnhre.
- La figure i repréfente une des poutres ou folives : on voit que fur fa face intérieure on a fcié & taillé les rainures A , A, A.
- La figure 2 donne tout de fuite l’idée de ce moule , lorfqu’il efl monté. B , B , B font les réparations ; C , C , C , C font les cales oit l’on pife la terre,pour y former des pierres factices eu tx aies de terre ; D , D , D, D font les poutres , pannes, folives , ou autres pièces de charpente.
- La figure 3 repréfeute un de ces bouts de planches, ou de ces réparations, que Ton glifîe dans les rainures A.
- La figure 4 efl un carreau, ou raaffe de terre, fabriqué, que l’on voit ici par tête , & dont la boutiffe qui fuit, s’étend dans l’epaifieur du mur , lorfque ce carreau efl pofé, ainfi que ceux qui font marqués dans la fig. 6 ; voyc^E,E,E-
- La figure 5 efl le même carreau vu parle côté dans fa longueur, tels que ceux défignes par leâ lettres F. Voye^ même figure 6.
- Enfin , la figure 6 repréfente un mur bâti avec ces carreaux, ou mafTes de terre , qui ont été fabriqués par la mafîivation , ou preffion dans les cafés du moule, figure 2. Remarquez qpe G, G , G repréfentent la maçonnerie de
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- ce mur , au*de£Tus de fa fondation. On obfer^ vera, par la repréfenlation de ce mur, qu’une conftru&ion fi fimpîe , puifqu’elle n’eft faite qu’avec de la terre-, a cependant la plus parfaite relTemblance du plus grand appareil qu’on puiffe faire avec les pierres les mieux taillées. Toutes les conféquences qu’on en tirera, conduiront le leéteur, comme elles m’ont conduit, à mille autres découvertes plus intérefiantes lès unes que les autres.
- 2°. Des mefares pour faire confruire les outils du, nouveau pifé.
- Plulieurs perfomses , en voyant travailler dans mon atelier , à Paris , fe font imaginées qu’elles pourroient faire faire des carreaux de terre plus épais , plus longs & plus larges , & fe propo-fent de les faire ainli exécuter , dans l’efpérance d’avancer l’ouvrage & de le rendre plus folide. Mon devoir m’engage de les prévenir, ainfi que toutes les autres perfonnes qui n’ont point été à portée de vifiter mon école, qu’il eft affiiré-ment très-aifé de faire ces carreaux de terre de plus grande dimenficn , parce quViors il n’ell befoin que de faire confondre les cafés du moule plus fpacieufes ; mais en même-tems je dois ob-ferver qu’il devient fort embarraffant de fe fervir de carreaux ou mafles de terre d’une grande
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- Capacité, vu leur trop grande pefanteur. I,Attente ffi'un plus grand bénéfice ell donc vaine, Moi-même j’y ai été trompé , dans le commencement de mes expériences , en croyant plus expéditif de faire ces pierres , ou carreaux de terre ? plus longs ck plus gros. Ce n’cfï qu’a-près plufieurs efiais que j’ai reconnu que la longueur d'an pied , pour châque carnau , fur neuf pouces de largeur & neuf pouces de hauteur , étaient, ces trois ditnznfions , le point, ou à quelque chofe prés , ou l'on doit s'arrêter. En voici la raifon.
- Les maçons , pour pouvoir enlever du moule les carreaux de terre , fur-tout lorsqu’ils font fraîchement pifés, & pour pouvoir les tourner &C retourner dans leurs mains , lorfqu’ils les pofent pour les murs d’une bâtifTe quelconque, ont beaucoup de peines & de difficultés , lorf-que leur poids efl considérable ; c’ell pofi-tivement ce qui retarde l’ouvrage , quand on fait les carreaux plus volumineux que les mé-fures que je viens d’indiquer. On fentira encore mieux la néceiîîté de fuivre une jude proportion , lorfqu’on Cura qu’un pied cube de terre preffée ou pifee, & bien feclie, pefe environ cent à cent vingt livres , fuivant la nature de cet élément. Ainli , les mefures générales d’un pied &c de neuf pouces en quarré , que je pro-pofe pour chaque carreau , produifant la moitié du poids d’un pied cube , ou à quelque chofe
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- près , font encore allez grandes , &c donnent même affez de peine aux ouvriers , dont il ne faut pas rendre le travail trop difficile ; car oh fent que cinquante à foixante livres de fardeau mifes entré les mains des pofeurs, du matin au foir , font bien capables de les fatiguer : les moëlons de pierre n’ont pas tous cette pefanteur.
- Il réfulte donc de mon expérience, que plus les carreaux de terre feront d’un petit volume, par conféquent plus légers , plus il fera facile de les pcfer dans les bâtimens. Quant aux per-fonnes, qui ont tant d’envie que les carreaux ' de terre tfaverfent toute l’épaiffeur des murs, je leur dirai que lorfqu’elles défireront donner plus de longueur aux carreaux, il faut diminuer tin peu de leur hauteur & de leur largeur. Par exemple , s’il s’agit de conftruire en pifé un mur de clôture de fix pieds de hauteur, non compris fon foubaffement & fa couverture , rëpaiffeur de quinze pouces lui fuffira ; dans ce cas, on fera faire les carreaux de la longueur de quinze pouces, afin qu’ils faffent tous de gros murs, c’efi: - à - dire , qu’ils embraient toute la largeur de ce mur de clôture ; & toujours dans la vue d’alléger leur poids , on leur donnera lin peu moins de neuf pouces de hauteur, comme on diminuera de même fur leur largeur.
- P’après ces régies générales , je confeillé de
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- faire conftruire le moule, fig. z, conformément aux mefures qu’occupera le genre de conftruc-tion qu’on aura à faire. Ainfi , on diftribuera fur les groffes pièces de bois la largeur des carreaux qu’on aura arrêtée, & on fera la longueur des cafés, fuivant celles des carreaux qu’on voudra faire plus ou moins longs : au furplus, l’appareil des pierres pour alterner , je veux dire, pour faire pofer les carreaux, tantôt en queue dans le mur, tantôt en long fur fa face, Ôt autres moyens, préfente tant de reffources, que les gens de l’art, même les perfonnes éclairées , fans être arcnite&es , trouveront alluré-inent les proportions convenables aux carreaux, pour fervir à la bâtiffe qu’on aura defiein de faire. Il ne relie plus qu’à faire connoître comment on doit faire conftruire ces moules.
- Les deux pièces , ( poutres ou folives ) D, D, D, D. planche première , fig. 2 , doivent être de bois le plus dur , ainfi que les fépa-rations B, B , B. ; par exemple , de chêne , d'orme, de hêtre & autres, afin que les coups de pifoirs ne puiffent abattre leurs arêtes qu’après s’en être long-tems fervis : plus ces groflls pièces de bois feront longues, plus on pourra pifer un plus grand nombre de carreaux , par conféquent plus ou aura à lever toutes les fois qu’on démontera le moule : les poutres qui font deftinées dans cette planche, fig. 1 & 2, on^
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- Environ douze pieds de longueur ; 'mais il eft Îoifîble à chacun de les employer plus courtes ou plus étendues ; c’efî: la place que l’on aura fous un hangar , un appentî, dans une écurie ou autres pièces dépendantes d’une maifon de campagne, d’une ferme, d’une habitation quelconque , ou manufaéfure , oui doit déterminer le maître à faire k moule plus ou moins long; &: bien fouvent, ii arrivera que ce feront les bois qui fe trouveront dans une baffe-cour , qui décideront le pauvre habitant de faire non-feulement ce moule plus court , mais moins épais ; alors, il ne fe procurera que des petits carreaux ; mais tout au moins ii en aura pour fes bâtiffes & réparations.
- Il eft inutile de répéter que lorfqu’on voudra donner plus d’un pied de longueur aux carreaux de terre , il faut faire les iépurations B de deux pouces plus longues. Par exemple, fi on veut les cafés de quatorze pouces pour avoir des carreaux de la même longueur, les réparations ou bouts de planches, devront en avoir feize, afin de trouver un pouce de prife dans chaque rainure : rien de plus facile à comprendre. C’eft parce que j’ai été la dupe de l’ctourderie d’un menuifier qui , quoique je lui euffe recommandé de me faire ces bouts de planches de deux pouces plus longs que la longueur des
- cafés ?
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- I! ne nie relie plus qu’à faire remarquer que l’on ajoute au toifé des murs, la largeur ou l’épaiffeur avec la hauteur de toutes les faces en retour d’équerre ou de biais, foit pour les angles des bâlimens, foit pour les ouvertures des portes , fenêtres & œils -de-boeufs , foit pour les linteaux, renfoncemens pour les cheminées & tous autres objets que l’on peut faire en conllruilant un bâtiment. En voici la raifon : les ouvriers pour pratiquer tous ces ouvrages minutieux dans leurs murs, font obligés à beaucoup de foin Ôc de peine pour pofer une ou plufieurs têtes du moule & autres outils , afin de parvenir à les bien arrêter & fixer ; & je puis dire , avec vérité , que cette addition de toifé peut à peine les dédommager de la perte considérable de tems qu’ils y emploient ; je puis ajouter aufii, que ces faibles augmentations font peu conféqtientes a l’égard de là totalité de la dépenfe d’une maifon ; c’en: ce que je prouverai au moyen d’autres détails que je crois nécelfaire à donner au public qui feront accompagnés d’un devis fait fur les plans d’un bâtiment en pifé; je termine donc cet article par obferver que foit pour l’intérêt des maîtres de maifons , foit pour celui des entrepreneurs ôc ouvriers , qui fans doute s’emprefleront de faire exécuter ôc d’apprendre l’art du pifé, on ne doit point changer les règles que je viens de décrire, étant d’ailleurs delà plus grande équité de les fuivre.
- Estimations du prix que peut coûter le pisé dans chaque pays.
- Dans celui où la journée des manoeuvres vaut 30 f. & celles des compagnons maçons 45*, la toife quarrée d’un mur de pifé ( toujours entendu d’un Ecole d*architecture rurale. D
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- y (P )
- pied & demi d’épaiffeur ) reviendra à l’entrepreneur
- Uns la fourniture de fes outils à...... 3 1. 1 j f,
- Dans celui où cette journée coûte 25 f. pour les premiers & 4.0 pour les
- féconds. ............................ . 3 j
- Dans celui où ces journées valent 20 f. pour les manœuvres & 35 pour les maçons................................... 2 15-
- Dans celui où elles ne coûtent plus que 1 ç f. pour les journaliers & 30 f. pour les compagnons , la même toife
- quarrée ne reviendra qu’à........... 2 3'
- Enfin dans les pays ou dans le canton où la journée des manoeuvres ne vaut que 12 f. & celle des maçons 24 , le pife ne coûtera plus la toife quarrée que. .. 1 16
- Sur quoi j’obferverai qu’il faut ajouter à chacun de ces prix le bénéfice de l’entrepreneur , qui doit d’ailleurs répondre de fon ouvrage &. fupporter de petites pertes qui arrivent, toujours aux bâtimens, malgré les plus grandes précautions ; il faut encore ajouter à ce prix les planches de liai fon que j’ai ci-devant indiquées ; enfin ces prix donnés font fous la condition que les ouvriers prendront la terre pour faire le pife à 50 ou 60 pieds de diflance de leur moule.
- Une chofe bien remarquable dans ce genre de conf-truéfion fe découvre dans la manière de le toifer : on fe re-fio-uvient que j’ai dit qu’un mur de maçonnerie augmente de valeur lorfqu’il devient plus épais ; mais le p?fé ne fuit cette gradation de plus haut prix qu’après une forte épaiffeur telle que celle de iS pouces qui efl la plus ilfitée, & qui ell: fuffifante à prefque toutes les confiruclions , fur-tout aux murs de clôture ; ce qui eff bien confolant 8c avantageux à tous
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- ( P )
- ceux qui ont à bâtir : ainfi ces prix que je viens de donner s’appliquent tous à Fcpadieur de 18 pouces , tandis que la maçonnerie fur cette dimenfion les augmenteroit de moitié ; avantage inoui qu’a encore le précieux art du pifé fur elle.
- Preuve>
- Un mur en maçonnerie d’un pied d’épaiflèuf: coûtera la toife quarrée..................... 12 1.
- Un mur de pifé de la même épaiffeur vaudra fiii-vant le prix moyen des cinq eftimations ci-deffus 2 L 13 f. & y ajoutant les planches de liaifon , on peut compter fur 3 h la toife quarrée.
- Un mur en maçonnerie de 18 pouces d’épaifleur produira moitié plus de toifes , ce qui porte chacune, d’elles à 18 1., le même mur en pifé aufh de 18 pouces d’épaifleur ne fera pas toifé plus que s’il n’avoit qu’un pied de gros, par conféquentfon prix reliera le même à 3 1. par toife.
- 11 réfulte de cette différence que la toife quarrée d’un mur de pifé d'un pied & demi d’épaiiTeur coûte fix foi-s moins qu’en maçonnerie faite en mortier de chaux & fable , de manière que fi une maifon en pierres coutoit fix mille francs à bâtir , on cpargne-ro’t en confiruifant la même maifon en pifé, cinq mille livres; mais les pauvres habitans de la campagne, pour épargner le mortier, fur-tout ceux des villages où l’on trouve des pierres, font conftruire leurs chaumières avec un mortier fans chaux ; & par cette économie forcée, ils conftruifent des murs qui ne leur dépenfent que l’extraélion de la pierre , la voiture, où letranfport, ( fi elle fe trouve dans leur champ), les échafaudages & la main d’oeuvre.
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- ( ja)
- Évaluons cette mauvaife construction.
- Pour extraire d’une carrière la pierre néceffaîre pour un mur de 18 pouces d’épailfeur, il en coûtera environ ......................................... 2 I.
- Pour la voiturer, environ..................... 2
- Pour la main d’oeuvre du mortier , du transport des pierres , échafaudages & de la con-feétion d’un mur de 18 pouces d’épailfeur... 2
- Total de la dépenfe de cette conftrudion partoife......................................... 6 h
- La toife quarrée d’un mur en pierre , fait fans chaux ni fable , furpaffera donc de moitié la valeur d’une Semblable fait en pifé ; mais, comme je l’ai obfervé, ces bâtiffes en pierres faites avec un mortier de boue ne penvent fouffrir de comparaifon avec celle du pifé ; il n’eft abfolument que la bonne maçonnerie en mortier de chaux qui puilfe fervir de parallèle au pifé : ainfi, outre que cette vicieufe conftrudion nuit à Tétât d’un peuple éclairé & individuellement aux pof-feffeurs, elle coûte beaucoup plus que le pifé , partant elle doit être rejetée.
- A l’égard de la comparaifon que je pourrois faire du pifé avec les pans de bois, lattes & torchis,dont quantité du peuple françois font ufage , fur-tout, au nord du royaume, je ne peux mieux la faire Sentir qu’en m’appuyant d’un mémoire & de fon rapport fait par la fociété royale d’agriculture en oétobre
- 17 9°-
- « Le torchis n’eft capable tout au plus que défaire » de mauvaifes clôtures en comparaifon du pifé dont m la conftruétion peut rélifter à tout, être employée
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- (Î5)....................
- » utilement à toute efpèce de bâtiffes, Rejoindre Péco-» nomie aux formes de l’architedure.
- » J’ai bien vu ( c’eft fauteur du mémoire qui parle )
- » dans les provinces de Champagne , de Picardie, de » Normandie & autres , [ quelques mauvais murs de » jardin conftruits en ee genre; mais il faut leur don-» ner une bafe du double de leur épailfeur au fom-» met : ces murs n’ont ordinairement que 5 à 6 pieds » de hauteur; il feroit impolhble de leur faire fuppor-» ter aucune charge , iis éboulent d’eux - mêmes en » peu, de tems malgré les foins des propriétaires, un » hiver humide les détruit fans reffource.
- » En ce qui concerne le torchis des bâtimens, il «faut prefque toujours pour le foutenir une char-» pente : je vais avoir l’honneur de vous donner, MM. » une idée de la conftru&ion en torchis, telle qu’il » s’emploie dans les différentes provinces où on en » fait ufage; je vous détaillerai enfuite une partie des » inconvéniens qui réfultent de cette conftrudion vi-» cieufe & onéreufe ,& je finirai par dire deux mots fur » le pifé pour établir la comparaifon.
- » Pour conftruire une maifon en torchis, il faut d’abord » faire la carcalfe d’une charpente dont les montans » ont 3 à 4 pouces d’équariffage fur 7, 8 à 9 pieds de » long; ces montans font entretenus perpendiculaire-» ment avec des tenons par le haut & par le bas , qui » entrent dans des mortaifes percées dans des traver-» fes de 7 à 8 pouces de groffeur, & le tout eft fou-»tenu de diftance en diftance par des jambes de » force qui croifent les montans diagonalement ; fi «on conftruit plufieurs étages , la même opération » fe répète, & la folive tranfverfale qui les fépare, eft « percée également de mortaifes pour recevoir les « montans du premier étage ; tous ces montans, jam-« bages ou membrures font diftans de 12 & même de
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- "» T y pouces îes tins des autres : cette charpente ainfï » enjambée efi: arrêtée par de petites chevilies for-
- mant l’échelle, & ces dernières ne font ajuftées qu’au » moyen d’une coche que l’ouvrier torcheux fait à » chaque montant : cet ouvrage achevé , on fait le » torchis avec de la terre franche ( toute autre terre » ne vaut rien , elle ne tiendroit. pas. ) Lorfque les ou-)> vriers l’ont pétrie en boue très-claire , ils y rcpan-)) dent une quantité de paille d’avoine ou de foin , i) fuififante pour lier le tout enfemble , en la pétrif-3) fant de nouveau avec les pieds : deux ouvriers en-» fuite fe placent des deux côtés delà cloifon, & pofent » le torchis en l’entrelaçant dans les traverfes , î’alon-» gent & l’étendent du haut en bas avec les mains. » Malgré les précautions qu’on pourroit exiger des 3> ouvriers, il y a toujours infiniment de vides, & 3) toutes îes parties en font chambrées en tout fens : î) après cette opération, & lorfque la fuperficie eli à )) moitié féche , on recouvre le torchis avec un autre » mortier qui fe fait de terre franche, de chaux & de » balles d’avoine. Ce mortièrs’applique avec la truelle, 3) Ôc fert à recouvrir la furface du torchis jufqu’à l’é-» paiffeur des montans.
- » Voilà la manière de confbruire en torchis : il s’agit i) maintenant de démontrer les inconvéniens qui en » font infcparables.
- » D’abord la dépenfe irjdifpenfabîe. de la charpente » s’élève feule plus haut que le prix d’un maifon de » pareille forme conftruite enpifé, fuivant le procède 3> de M. Cointeraux, & fait une confommation conli-» dérable de l’objet auquel nous devons d’autant plus » d’attention , que nous regrettons tous ies jours cis » voir nos forets fe dépeupler & fe tarir au point de » nous en faire redouter la pénurie.
- 33 Le torchis ? Iaiflant toujours des vides dans lo**
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- » application , & contenant par fa fabrication beau-» coup de paille , occafionne le fcjour habituel des » rats & des fouris , des puces 8c des punaifes , dont » les maifons de ce genre font infectées.
- » Le torchis , à la déification fe refferrant, fe fépara » des pans de bois, & laifïe par-là circuler un air dan-» gereux qui occafionne de frequentes fluxions , des » maux d’yeux , des maladies de toutes fortes, aux » gens qui habitent ces maifons.
- »Le bois, à Ton tour, en féchant, laifïe échapper » les petites traverfes , 8c j’ai fréquemment vu des « mafles de torchis tomber d’entre les deux montans » qui le contenoient, conféquemment point de sûreté » dans fa maifon; car on juge facilement d’après cela » que rien n’eft plus aifé que la démolition fans bruit )> d’une maiTe de torchis, qui ayant 12 à ij pouces » de large entre les montans, laifïe une plqiefufhfante » pour le paffage d’un malveillant qui vouclroit s’in-» troduire.
- » Les réparations font continuelles , les bois fe pour-» riffent rapidement, la deflication , étant très-longue » par une terre pétrie ou baignée d’eau, fait qu’il efl » toujours dangereux d’habiter ces maifons trop tôt ; » la fermentation produite par la chaux 8c la balle qui » entre dans la composition du mortier de revêtement, » laifïe long-tems une odeur fétide 8c dangereufe.
- » Les pluies 8c les brouillards imbibent les parties de » paille ou de halle qui reportent peu après la conf-» truéhon , paffent entre les montans & le torchis qui » fe déjoignent, & renouvellent fréquemment une » fraîcheur funefïe dans ces cloifons.
- » Si ces maifons font confiantes depuis un certain » tems, elles deviennent très-pérüieufes , parce qu’el-» les font fujett.es à s’écrouler fans avertir , les bois » étant tous pris à mortaifes 8c tenons , & le torchis
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- >> entretenant toujours, comme je l’ai dit, l’humidité, » s’échauffent, fepourriffent intérieurement & s’échap-» pent, quoique la charpente préfente une furface » fain*.
- » Les incendies font terribles, & le feu fe commu-» nique avec tant de rapidité , que ces maifons font » dévorées parles flammes avant qu’on puiffefouvent )) y porter le moindre fecours : les bois une fois en-» flammés , le torchis s’allume , & brûle comme de « la tourbe , ce qui fait que les incendies font d’autant » plus dangereux que le feu fe concentre : & lorfque )) l’on croit être parvenu à l’éteindre, rien n’efl plus » ordinaire que de le voir reprendre avec plus devi-» gueur par le torchis farci de paille ou de foin dans » lequel il couvoit.
- » Je ne m’étendrai pas fur une infinité d’autres in-» convéniens , ni fur la lenteur & le prix exceffif » de ces fortes de conffru&ions ; l’expofé ci-defius » fuffira pour établir la comparaifon que je me fuis » proposée.
- » Le pifé fe conftruit avec toutes fortes de terres in-» différemment, pourvu qu’il n’y ait pas trop de fable : » on n’emploie dans fa conffruétion ni bois, ni chaux, » ni paille , ni foin : la manière de pifer comprime la «terre, lui donne une adhérence étonnante , fait une » feule m'afle, ne laifle circuler aucun air , ne donne » afyle à aucun infe&e, ne communique aucune odeur, « peut être habité à l’inffant. que les ouvriers en for-» tent, fans qu’on ait à craindre , ni humidité, ni va-» peurs dangereufes : il eff d’une grande économie, » d’une falubrité précieufe , d’une folidité à toute >> épreuve & fur-tout à l’abri du feu ; c’efl: une vérité « confiante , confirmée par le fait, comme il eff con-« firme que le torchis eff: une conffruélion vicieufe en » tous les points.
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- » J’ai cru devoir, Meilleurs , vous faire ces obfer-» valions pour appuyer de nouveau la fupériorité du » pifé fur tout autre genre de conftrudions économi-» ques : le pifé eft depuis long-tems employé dans » quelques cantons du royaume ; il eft ignoré dans » beaucoup d’autres ; c’eft àvous, Meilleurs, qu’il appartient de le propager, de faire celfer cette igno-» rance qui a ablorbé une prodigieufe quantité de » bois dans les pays meme où il eft fort rare, pour » conftruire à grands frais en charpente & en torchis » de frêles & infalubres habitations qu’il eft tems de » remplacer par le pifé dont M. Cointeraux fait tirer » un fi bon parti pour en conftruire des maifons qui » réunilfent tout à-la-fois l’élégance , la folidité , la » falubrité & une économie précieufe :vous avez loué » fa méthode, vous en avez donné une anaiyfe qui » fait honneur à la fociété & à l’auteur ; il me refte » à former des vœux pour la voir employer dans » toutes les campagnes de cet empire.
- j> Extrait du rapport.
- » La fociété nous a nommés, M. de Charoft & moi, » pour lui rendre compte du mémoire de M. Cautru » cle la Montagne, intitulé : Avantages du pisé sur « le torchis ^ démontréspar comparaison.
- » Les caractères de l’une & de l’autre de ces conf-» trustions ont été fi bien déterminés ; les avantages » du pifé fur les torchis, tellement démontrés ; les in-» convéniens, les imperfections 8c les dangers de ce-» lui-ci rendus fi ëvidens par le mémoire de M. Cautru » de la Montagne, que nous ne pourrions que répé-» ter ce qu’il en a dit.
- » Pour détruire les préjugés , nous engageons M. » Cointeraux de faire imprimer dans fon Traité fur
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- » l’Àrchitefture rurale le Mémoire de M. Cautru de * » la Montagne. Au Louvre, en octobre 1790. Signé i> de Bethune Charost & Boncerf.
- » Je certifie cet extrait conforme à l’original & au » jugement de la fociété. A Paris, octobre 1770.
- » Signé Broussonet , fecrétaire perpétuel. »
- Je dois ajouter à ces authenticités que les boulangers des faubourgs de Lyon préfèrent, pour mettre leurs farines , les greniers bâtis en pifé \ parce qu’ils ' ont l’expérience que les rats & la vermine ne peuvent s’introduire dans ces murs maffifs ; tandis que les autres conftmêlions leur foiirnilient, par d’innombrables joints, les moyens de fe cacher, de s’y retirer & d’y nicher.
- Mais rien au monde n’eft meilleur marché que le pifé ; c’eft bien l’article de toutes les dépenfes d’un bâtiment & de tous ceux qui compofent les devis, qui eft le moins cher. Qu’on imagine la plus chétive conftruétion que l’efprit humain puilfe faire, par exemple ,une cloifonfaite avec des planches brutes, même des échalas : eh bien ! la toife de ces mefquinés conftru&ions coûtera plus qu’une .toife de pifé. Non, rien n’eft meilleur marché que la cage d’une maifon en pifé ; 8c c’efl avec cet élément précieux ( la terre feule) qu’on bâtit de gros murs dont 1a. toife n’égale pas en valeur la moindre réparation ; c’eft donc avec ce genre fimple de bâtir qu’on loge fainement l’humanité , qu’on lui procure des commodités par des divifions d’appartemens fort peu difpendieufes, qu’on la met en sûreté par de bonnes clôtures, qu’on peut multiplier les féparations des animaux domeftiques, enfin qu’on peut faire tout ce que l’on veut à bien peu de frais.
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- Le pifé qui exclut tous les matériaux; le pifé, avec lequel on peut bâtir en tous lieux & par tout'pays, encore une fois , elL un préfent que Dieu a fait à tous les peuples : fi Fagriculture eft la bafe de toutes les fciences,îe pifé eft aufti le premier de tous les arts; mais quelques artiftes ont penfé que fon économie leur eft préjudiciable, ce qui n’eft pas. L’agriculture nuit-elle aux favans , aux artifans de tous les métiers, aux fabriques , au commerce ? non fans doute, de même le pifé ne nuira pas aux arehite&es & entrepreneurs : la richefte des bâtimens reliera pour les villes, & leur (implicite pour les campagnes ; les fabriques fe multiplieront par le pifé , & le commerce fleurira.
- Que ceux qui s’écartent des vieux ufages font à plaindre ! que mes concitoyens vantent le bien que mes difîerens & nouveaux procédés peuvent leur procurer, je n’aurai pas le chagrin de voir retarder le fruit que doit produire ce cours d’archite&ure : j’attends leur fecours & celui des autres nations, qui m’aideront à compléter cet ouvrage en multipliant leurs fouferiptions.
- Des enduits.
- Les enduits fur le pifé fe font avec du mortier com-pofe de chaux & fable , ou feulement avec du plâtre : on peut aufti les faire avec un autre mortier de chaux, argile ,. bourre ou poils , qu’on nomme le blanc-en-bourre.
- A l’égard du mortier fait avec la chaux & le fable, on ufe dans prefque toute la France, pour le fabriquer, d’un procédé très-nuifible : l’outil de bois dont on fe fert ne broie pas ou ne corroie pas la chaux avec le fable ; il ne fait que la pétrir, tout de même qpie le boulanger détrempe de la farine avec de Feau,
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- ôc la remue pour en faire la pâte : dans un bafiînf ce mauvais outil eft traîné par les ouvriers pour amalgamer la chaux avec le fable , & il ne parvient à bien faire ce mélange qu’en y ajoutant beaucoup d’eau , c’eft-à-dire, en noyant la chaux , ce qui lui fort toute fon aptitude à s’incorporer avec le fable , & qu’elle auroit, fi on la corroyoit & fi on ne la délayoit pas.
- Cet outil m’a toujours étonné par fa fingulière conftruflion ; c’efl un petit morceau de bois qui ref-femble à un moignon qui tient à un grand manche : on l’appelle improprement rabot , du mot latin rutrum dont fe font fervis Vitruve & Pline ; je lui conferverai ce nom ufité, Ôc je lui en ajouterai un autre plus fignificatif, qui fera celui de broyon. *
- Le rabot ou broyon dont j’ai fait & ferai toute ma vieufage pour broyer le mortier, doit être confiruit comme les figures i ôc 2, 3 & 4, deffinées dans la planche XI. Voy. à la fin du préfent cahier.
- La figure première repréfente le broyon vu par côté; la deuxième, vu en face : cet outil n’efl autre chofe qu’une grande pelle de fer. Voy. la fi g. troifième faite fur la même échelle , & on recourbe cette pelle , comme on le voit auffi dans la fig. quatrième.
- Pour faire faire cet outil à un forgeur, on lui dira qu’il doit donner à la longueur de la pelle 24 pouces ; à fa largeur par le haut p pouces Ôc celle du bas 2 pouces, puis il arrondira la partie inférieure. Pour plus d’éclaircilfement, on fera forger cette pelle telle qu’elle efl defiînée Ôc co}ée dans la planche XI, fi g. 2 ; ôc comme ces defiins ainfi que tous ceux que j’ai donnés ôc donnerai, feront bien réguliers ôc les échelles jufies , chacun peut fe lervir d’un compas pour prendre les mefures fur mes planches, lorfqu’il 11e faifira pas bien le difcours.
- Après avoir ainfi forgé cette pelle droite ou à plat ?
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- le forgeur la recourbera au tiers de fa hauteur, ainfî que le repréfente la fîg. 4.
- On introduit comme aux pelles ordinaires un manche dans fa douille , mais ce manche doit être plus long & avoir environ 6 pieds de longueur, que les ouvriers faverit bien diminuer iorfque cela eft nécef-faire. Comme cet outil fe dcmancheroit en le traînant, le forgeron perce deux petits troux à fa douille, dans lefquels on paiïe un ou deux doux, qui maintiennent le manche de bois avec l’outil, de manière qu’ils ne peuvent plus fe féparer.
- Voyons maintenant comment il faut se servir de ce broyon pour faire le mortier.
- Les manoeuvres maçons commencent par prendre de la chaux chacun avec une pelle dans le badin ou la foife où ils font fufée ou éteinte , & ils l’apportent fur une place nette bien balayée : après y avoir dé-pofé 4 à $ pelletées de chaux , ils y jettent deflus le double des pelletées de fable; c’efl à cet inftant que les broyeurs fe mettent à travailler. Je dois dire en paflant, qu’il faut autant de broyeurs que de manœuvres ; ordinairement pour les gros ouvrages on met trois broyeurs & trois manœuvres ; mais pour les petits un broyeur & un manoeuvre fuffifent. Je dois dire aufli que ce métier eft pénible, & que Iorfque les manœuvres travaillent, les broyeurs le repofent & réciproquement les manœuvres ; ceux-ci ayant donc apporté fur la place deftinée à faire le mortier la chaux & le fable nécefîaires fe font repofés, & les broyeurs ont commencé à les corroyer en gliflant par-deflùs chacun leur rabot, & alongeant en même tems les bras & le corps, puis en les retirant avec le broyon; c’eft donc un mouvement continuel de fe
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- baiffer Ôc de fe relever tenant l’outil incliné, ainfi qu’on l’apperçoit dans les figures i & 2, planche XII : mais il ne faut pas croire que les broyeurs puiflent retirer leur rabot, s’ils ne donnent pas un tour de main ; pour y parvenir, ils font obligés en le retirant, de 1® faire tourner par côté pour laiffer échapper le mortier qu’ils entraîneroient contr’eux , autrement ils en fe-roient trop fatigués : par cette adrefîe, ils ramènent facilement le rabot à eux ; c’efl alors qu’ils le fouîèvent un peu ôc le retournent appuyer fur le tas de chaux ôc de fable toujours en glifiant, alongeant les bras ôc le corps, puis fe relevant droit ôc faitant ce mouvement fans celle ' jufqu’à ce que les broyons aient bien corroyé la chaux & le fable ôc les aient bien prelfés contre ' 3e fol.
- Après cette opération , les broyeurs deviennent à leur tour fpeftateurs du travail, & les manœuvres relèvent avec leurs pelles le mortier étendu fur la place en tas: lorfqu’ilsTont mis autant qu’ils ont pu en forme pyramidale, les broyeurs à leur tour recommencent à corroyer , ainfi de fuite. Lorfque les ouvriers s’apper-çoivent que la chaux domine , ils y jettent de teins en tems plusieurs pelletées de fable , qui font de nouveau broyées avec la chaux jufqu’à ce que le mortier foit fait au degré qu’on le defire ; c’eft ce degré que j’in diquerai bientôt. Après que cette partie de mortier eft aiïez corroyée ôc broyée, les manœuvres la jettent avec leurs pelles dans un coin de la place nette ou balayée, ôc retournent à la foffe prendre d’autres pelletées de chaux , fur lefquelles ils jettent du fable ; les broyeurs enfuite font cette fécondé broyée de mortier , puis une troisième , même une quatrième, félon la confommation plus ou moins grande qu’en font les maçons qui l’emploient.
- Voilà la bonne manière de faire le mortier; toute
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- perfonne fans intérêt & fenfée en conviendra : elle verra dans cette pratique un outil de fer recourbé qu’un homme appuie avec les deux mains pour broyer & corroyer parfaitement la chaux avec le fable. Voy. la plan. XII. Car quel efl le but que l’on a lorfqu’on veut faire du mortier, fi ce n’eft de lier intimement la chaux avec les petits graviers ? cela efl vrai, puifque le fable n’efl autre chofe que la réunion d’une multitude de petits graviers, chacun d’eux ayant des pores ou cavités, ne s’attachera àla chaux qu’autantqu’un frottement dur & continuel fera entrer le liquide de cette chaux dans ces petites cavités & t.roux imperceptibles; ainfî pour un gros travail, tel que celui du mortier, aucun outil ne peut mieux faire cette prefîîon, & occafionner la liaifon intime de ces deux matières, que le rabot ou broyon de fer que je propofe.
- Si les bonnes méthodes ne fe font pas propagées, c’eflbien la faute des entrepreneurs & maîtres-maçons & non celles des ouvriers qu’ils emploient ; ces derniers parcourant la France, auroient pu faire changer les vieux ufages , fi on les eût voulu écouter : mais pour gagner de l’argent, ils font forcésde fuivre les routines des maîtres qui les paient. A Lyon , les maçons broient le mortier comme je viens de le décrire : à Paris, les mêmes maçons qui, au lieu de retourner à Lyon, viennent par caprice d’autres années travailler clans cette capitale, pétrifient le mortier avec le moignon de bois que j’ai ci-devant décrit : s’il veulent fe fervir du procédé qu’ils connoiflent pour le meilleur, leurs nouveaux maîtres s’y oppofent; leurs ouvriers Voient l’erreur, fouffrent en étant forcés de fe taire: je fuis donc fort heureux de pouvoir defiiller les yeux de mes compatriotes fur de pareilles fautes, & je dois m’attendre de leur part à quelque reconnoiflance.
- Le degré où la jufte proportion du mortier efi:
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- relative à l’emploi qu’on en veut faire , on di(lingue deux qualités de mortier, l’un gras, l’autre maigre; le premier fert pour bâtir, le dernier pour les enduits : les ouvriers appellent donc mortier gras , celui qui ayant une plus grande proportion de chaux, comme ijn tiers, fur deux autres parties de fable , fert à la liaifon des pierres, foit pour murs , foit pour voûtes; l’autre qu’ils nomment mortier maigre, confifte à y ajouter plus des deux tiers de fable : celui-ci eft donc utile aux enduits , mais non pas aux premières couches ; car elles doivent être faites avec le mortier gras, feulement pour la dernière couche , par la raifon que le mortier maigre empêche toutes les fentes & crevaf-fes qui arriveroient fans l’abondance du fable fur la couche fupérieure des enduits.
- Les enduits fur les murs de pifé font bien différens de ceux que l’on fait fur les murs de pierres ; en outre, il faut prendre le tems favorable pour appliquer les enduits fur le pifé.
- Si une maifon de terre a été commencée en février & parachevée en avril , elle peut être enduite dans l’automne , c’eft-à-dire, cinq à llx mois après fa conf-truérion ; d’ou il réfulte que h elle a été faite & parachevée , à la toulTaints( tems où ceflent ordinairement les travaux de la maçonnerie ) elle peut recevoir l’enduit au printems fuivant; c’eft une règle générale qui peut s’adopter dans tous les pays du monde félon leur température : par exemple, en Amérique , il eft des tems pluvieux & fecs ; dans ces contrées , on peut faire la bâtiffe en pifé avant les pluies qui font des ef-pèees d’hiver, & après on ne craint rien de les revêtir d’un enduit ; ainîi de tous les autres climats, foit de l’Europe , de l’Afie & de l’Afrique.
- La théorie de ces enduits fe tire de l’humidité né-celfaire à la formation du pifé ; c’efl pour laifïer
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- cvaporer cette humidité qu’il faut laiffer les maifons de terre nues , ou fans enduit, ainfi expofées à l’air libre pendant la durée d’un été ou d’un hiver; mais qu’on n© croie pas que ce Toit, ni la sècherelfe ni le froid qui pompe l’humidité d’un mur de terre qui a 15, 18 juf-qu’à 24 pouces d’épaifleur ; ce ri’eft que l’air & principalement celui du nord ; ainfi, foit l’été , foit l’hiver , la bife ( ou le vent du nord ) eft affez fort en France pour fécher le corps d’un mur de pifé dans tout fon intérieur : fi malheureufement on faifoit pofer l’enduit avant que la totalité de l’humide fut enlevée , on devrait s’attendre que les murs, en fuintant pour rejeter tôt ou tard l’humidité , poufferaient l’enduit, & en le détachant de leur furface , le feraient éclater partie par partie, & le feraient tomber.
- On voit qu’il eft de la plus grande conféqtience de donner aux murs de pifé tout le tems de fécher avant <jue d’y faire pofer l’enduit; niais il eft des années ou cette déification fe fait plus promptement que dans une autre ; c’eft celle où le vent du nord a été le plus confiant. Cette remarque, que chacun peut faire, réglera le tems qu’il faut attendre pour faire pofer l’enduit , 6c obligera les perfonnes prudentes , fur-tout lorfqu’une année a été fort pluvieufe, à laiffer écouler un été avec un hiver pour obtenir une parfaite déification, & faire revêtir en toute fureté d’un enduit les bâtimens de pifé. •
- Lorfqu’enfin on s’en eft affuré par un bon difcer-nement, on procède à cet enduit de la manière fui-vante.
- Premièrement on fait piquer à la pointe du marteau, ou par le tranchant d’une hachette, les murs de terre ; il ne faut pas craindre de détruire la belle furface que leur a laiffée le moule : tous les coups de pointe ou de
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- tranchant doivent être rapprochés îe plus qu’il fera pofiîble, & l’ouvrier doit les donner de haut en bas, afin qu’il refie dans chaque trou un petit repos ou enfoncement dans la partie inférieure , lequel repos retient & {“apporte l’enduit.
- Pdur ce travail, les maçons font obligés de faire un petit échafaud, 8c qui eft fort fîmple. Dans les troux qu’ont lailTés les clefs du moule ( voy. ces troux dans les pl. V, VI, VII, VIII 8c X du prem. cahier ) les ouvriers y gliffent des bouts de chevrons ou de perches , qui fortent fuffifamment en dehors pour fup-porter des planches. Tout cet échafaudage eft fait dans deux à trois minutes. C’efI après avoir piqué le haut de la maifon fur ce fimple échafaud que les maçons prennent un balai dont les brins foientroides (à cet effet, on préfère les vieux balais delà maifon) qu’ils le paffent fortement fur la fuface du mur piqué pour en chaffer tous les grumeaux 6c toute la poufîière. Après avoir ainfi préparé îe mur , ils pofent l’enduit ; mais, avant que d’indiquer cette manoeuvre, il efl né-ceffaire de dire qu’il y a pour le pifé deux efpèces d’enduits : lecrépiffage ou le ruftiquage 8c l’enduit propre ; le crépi fe fait tout fimplement en prenant une pellée de mortier, & le délayant avec de l’eau dans un baquet, après qu’on y a ajouté une truellée de chaux pure : îorfque ce crépi a etc rendu auffi clair qu’une purée de pois ou de lentilles, on l’emploie.
- L’enduit n’efl autre chofe que le mortier maigre dont j’ai ci-devant, parlé ; les manœuvres le broient dans la place nette près de la foffe à chaux , 8c delà ils le portent aux maçons fur l’échafaud où ils font.
- Telle eft la confection fort fimple de ces enduits; voyons à préfent la manière de les appliquer fur les murs de terre. -
- Pour le crépiûage , il ne faut qu’un maçon avec un
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- Manœuvré qui le fert : le maçon fur l’échafaud âfr perge de l’eau avec u n pinceau la partie du mur qu’il à piquée, balayée & bien préparée; ènfuite trempéda'ns’ le baquet Où eft le' crcp! un petit balai où petite poi* gnée fait de jones $ de buià où d’autres brins; après! quoi il jette avec fon balai ce mortier délayé sOhtrè le' mur, Ioïfqu’il a recouvert avec autant d’égalité qu’il & ,pu toùté là furface qüi eft àfà portée ; il defcend t’écha-faud plus bas, & bouche les tfoux füpérietirs des clefs du moule avec dés pierres, plâtras ou autres débris 5 il fait, la même opération pour cette fécondé échafaudée ^ redefcend j lorfqü’elle eft finie dé fuftiquer^ encore plus bas fon échafaud, ainfi de fuite julqu’aü bas de la mâifôm
- Cette âfperfion ôü ce crépifTage* fait avec tant de facilité & d’économie 5 eft cependant $ le Croira-tfon ? le meilleur êndüit que l’on petit faire fur le pifé 6c fur toutes autresconftriiétions : c’eft ateccét enduit qu’on conferve long-temS les bâtîmèns i, il n’eft pas beau * mais il eft à portée des gens peu àifés ; il ferilble que tout ce qui concourt à compléter l’art dü pifé eft par la divine providence dans les chofes les plus naturelles £ les pratiques les plus communes êc lés plus Amples.
- L’enduit s^em'pîôiè différèinrhèrit ! il faut deux? üiâ-f çons&deiix manœuvres ; les deux maçons font fût l’échafaüd ; un dès manoeuvres broie lé moftiër' maigre ,• êc l’autre le porte avec l’eaü rîéceftâire $ ett Un mot fert les maçons de toutes les petites chofes dont ils Ont befoiri à chaque inftaht;
- Un des maçons tient de la main droite la trüélle Sc dé l’autre ufr pinceau ; avec lequel il commencé d’af-rofèf d’eàu lé mtir piqué & balayé ; enfüite il appliqué quelques triiellées'de mortier qu’il étend avec la même iruêllë autant qu’il peut ' cela fait ^ il réjette d’autréé'
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- truelles & les étend encore ; il continue ainfî for* ouvrage.
- Le fécond maçon, muni aufG d’un pinceau de la main gauche, & de la droite d’un petit outil que je vais bientôt d’écrire, afperge d’eau le mortier étendu par fon. camarade, & frotte la partie qu’il a mouillée avec fon épervier.
- 11 faut favoir que les ouvriers ont*appelé épervier, cet outil qui ne confifle qUe dans une petite planche ou un carreau de bois de 6 pouces en quarré & de 8 à io lignes d’épaiffeur , voy. plan. XI , fîg. j , cet outil vu par deffus; fîg. 6,1e même outil vu par profil; fîg. 7, encore cet outil deflïné en perfpedive, enfin là poignée fig. S , où le maçon pâlfe les quatre doigts de la main dans la poignée, & le pouce qui relie dehors fert à le tenir ferme.
- C’eft donc avec cet épervier que le fëéond ouvrier polit l’enduit; fon bras droit le plus loin du mur, & fa tête quien ellfort près, lui donnent par cettepofition la facilité de vifer de l’oeil gauche les bolfes que fait le mortier , & lui indiquent de les repalfer en y frottant plus fort, de manière qu’il peut rendre la fuperficie de l’enduit fort unie & fort droite.
- Le ledeur reconnoît l’ordre de cet ouvrage : lepre-~mier maçon étend l’enduit & s’avance infenfiblement, le fécond polit & le fuit, un manoeuvre broie le mortier, l’autre le porte & fert à toutes chofes ; c’eftpar fcette pratique de perfedion, je peux le dire, que l’on fait les enduits les plus unis, les plus beaux & les plus économiques.
- Le croira-t-on ? jamais je n’ai pu faire adopter cet excellent procédé aux maîtres maçons de Grenoble dans un édifice que j’ai fait conftruire pour la communauté des Jacobins de Grenoble , & qui efl élevé en pierre de taille depuis les fondemens jufqu’au toit j car je n’ai pas fait feulement des maifons de terre
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- ou de pifé ; j’avois donné l’ordre aux ouvriers de fe fervir de l’épervier ; mais dès l’inftant que favois quitté mon bâtiment, les maîtres maçons leur faifoient re-
- f>rendre de mauvais linges ou chiffons de toile avec efquels ils frottoient les enduits : ce mauvais ufage eft la caufe que tous les murs de cette ville & des environs préfentent des ondes bien défagréables à l’oeil ; on les apperçoit encore mieux lorfque les rayons du foieil frappent les maifons, ce qui forme furies façar-des une multiplicité d’ombres qui femblent de loin qu’elles foient brutes.
- A mefure qu’on fait l’enduit partie par partie , on peut le faire blanchir par les maçons avec de la chaux tout fimplement, ce qui eft encore fort économique, puifqu’il épargne les blancs de troye, cerufe & autres: à cet effet, on délaie de la chaux dans un baquet avec de l’eau fort claire, &le manoeuvre en prend dans un pot qu’il porte aux maçons qui paffent ce blanc avec un pinceau; fi cette couleur ainfi que d’autres tiennent fur l’enduit, & ne s’en vont jamais, quoiqu’elles ne foient employées qu’avec l’eau pure, fans colle ni huile , il faut l’attribuer à la précaution que l’on a de le pofer fur l’enduit tout fraîchement fait, lequel en péchant incorpore avec lui ces couleurs, ce qui fait qu’elles durent autant que ce même enduit.
- On reconnoît que la chaux entre dans tous les ouvrages; elle fert à bâtir, elle fert aux enduits, elle fert à blanchir, & nous allons faire voir, dans l’article des peintures, qu’il entre de la chaux dans toutes les autres couleurs : les entrepreneurs , maîtres maçons & les propriétaires ne fauroient trop s’en approvifionner ; mais laraifon la plus forte de faire long-tems d’avance cet approvifionnement, & dont le ledeur ne fe doute pas, fe trouve dans des défeéhiofîtés qui arrivent aux enduits fans cette précaution. Si on a le malheur de faire
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- enduire une maifon avee de la chaux qui ne foit paj /anciennement éteinte, on efl afï’uré que cet enduit for-* meta une infinité de petites crevaffes qui font fi défa-* gréables, qu’on fe voit enfin forcé à refaire à neuf cet ouvrage. Voici comment ceia arrive : l’eau qui afufé la chaux dans une fofle, ne diffout pas entièrement tous les grains que contient la pierre à chaux •: ce n’eft qu’après un laps de tems que ces grains éclatent ; il eft d’ailleurs confiant que le four à chaux ne cuit pas parfaitement les pierres ; ces grains, que je veux dire, n’ont pas acquis allez de cuiffon pour être fufés dans lafolfe en même tems que les grolfes pierres; mais ils ont été alfez cuits pour éclater dans le tems qu’on s’y attend le moins, & pofit.ivement ils éclatent ou pétillent par l’humidîté de l’enduit; il efl à propos de mettre au jour ce qui m4eft arrivé.
- Un maître maçon de mes parens, avoit été chargé de refaire les enduits de la grande faite d’un couvent de religieufes ; il m’ordonna de faire faire d’avance le mortier fuivant fon ufage ; après trois mois , nous le fîmes employer à l’enduit des murs de cette falle : malgré notre vigilance , les religieufes fe plaignirent , nous fumes appelés, & nous reconnûmes que notre enduit étoit tout-à-fait défiguré par millions d’éclats q?a’avoient fait partir, en fufant dans cet enduit, les petits grains de chaux non fufés, lorfque pops avions employé ce pnortieiy
- Le même inconvénient vient encore de m’ar*r river dans mon École d’architeèlure rurale , fituée aux Çhampsrélyfées à Paris ; j’ai voulu me dépêcher d’em> duire quelques parties de mon mur de clôture pour paontrer au public la manière que l’on fait les enduits
- les peintures fur le pifé ; la chaux que j’ai éteinte ^tanf; trop nouvelle, a fait poufferfur rnon enduit mille gplats qui Font gâté ayeç la peinture, J’ai employé la
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- même chaux à enduire & peindre mon modèle de maifon , fait & voûté en pifé ; mais cette chaux étant plus vieille, n’a aucunement endommagé,ni ce dernier enduit, ni la peinture que j’y ai mife delliis. Voilà donc la preuve de ce que je viens de dire, 3c qui doit engager à faire éteindre de la chaux long-tems d’avance; 8c je ne doute pas, d’après ces exemples, que les entrepreneurs & maîtres maçons foigneux dans leurs ouvrages, n’aient condamment dans leurs chantiers de la chaux éteinte, qui leur fervira dans tant d’occafions ôc leur fera honneur à ces travaux.
- Je reviens au procédé de mon parent; fa méthode ctoit bonne , mais elle n’étoit. pas encore parfaite. Il faifoit éteindre de la chaux dans un badin fur le fol fait avec une ceinture de fable, & faifoit relever en tas le mortier, qu’il laiffoit ainfi expofé à l’air ; mais j’ai reconnu depuis, que l’air, ne pouvant pénétrer l’intérieur de ce monceau de mortier, laiffoit les particules de la chaux non fufées dans le même état qu’elles étoient forties du badin, & que cespaiticules pénétrées enfuite par l’humidité de l’enduit, fc fufoient apres-fs confe&ion; en pétillant, elles formoient ces crevade nombreufes, qui détruifent la beauté de l’enduit avec celle des couleurs qu’on pafiè defliis. J’ai cru pour le bien de mes lecteurs, devoir entrer dans ce long détail; ils verront par la fuite que je les ai bien fervis.
- Il réfulte de cette théorie, fruit de mes obfervations & de ma longue expérience, qu’il faut faire fondre la chaux dans une foffe pour s’en fervir une année après aux enduits & blanchiffages ; ôc je confeille à tous propriétaires que le premier jour qu’ils feront creufer les fondemens d’une maifon , ils falfent audi fufer à part de la chaux dans une fode féparée ou dans des tonneaux, à laquelle chaux ils ne loucheront pas, quelque be-foin que l’on en ait; s’ils font févères à exécuter ce
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- parti , 8c qu’ils n’écoutent point les maçons qui toujours , fous différens prétextes, emploient la chaux de
- farde, parce qu’il leur manquera dans certain jour ’autre chaux, je peux leur répondre qu’ils y gagneront amplement, foit parce qu’ils pourront faire des enduits excellens ainfi que des peintures, foit parce que ces enduits bien faits prolongent la durée du pifé, foit parce que ces revêtiffemens dérobent à tous les yeux des maifons qui ne font faites qu’avec la terre , foit enfin pour ne pas refaire deux fois les enduits, lorfque des défeéfuofités infupportables y obligent.
- L’enduit à plâtre fe fait aufîi fur le pifé, en piquant les murs & les afpergeant de l’eau : la préparation du plâtre étant connue de tout le monde, puifqu’il ne s’agit que de le gâcher dans des auges, je n’en traiterai pas longuement ; j’obferverai feulement que l’on plante quelques vieux doux de loin en loin fur les murs de pifé, comme de quatre en quatre pouces de diffance, 8c qu’on a aufii la précaution d’en placer de plus près fous toutes les moulures qui forment les encadremens des panneaux ou pilaftres, à l’effet d’y retenir le plus qu’il eft poftible l’enduit & les moulures de plâtre, qui ne fe lient pas avec le pifé auffi bien que le fait le mortier de chaux 8c de table.
- Il eft dangereux de revêtir en plâtre les murs extérieurs de pifé , parce que le plâtre craint la gelée ; d’ailleurs il n’eft pas aifé d’y peindre commedur les enduits en mortier, qui réfiftent à toutes les intempéries ; ainfi on doit conferver le plâtre pour l’intérieur des appartemens : cependant, lorfque le plâtre eft cher, c’eft une raifon de plus de fe fervir du mortier, 8c on ne peut ni ne doit employer le plâtre dans tous les cas que pour décorer quelques pièces de maîtres, tels que les Talions & falles à manger.
- Palfons maintenant à la peinture, 8c laifibns les en-
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- duits de blanc en bourre , qui ne (ont utiles que dans les pays où le fable manque ou n’a pas la qualité re-quife : ceux qui s’en fervent, favent bien l’employer. Tout ce que l’on peut leur dire , eft qu’ils peuvent en faire ufage fur les murs de pifé, en prenant les mêmes précautions que pour les enduits en plâtre , piquer les murs de terre, les arrofer, placer quelques vieux doux fur-tout fous les moulures , enfuite y étendre leur blanc en bourre.
- Des peintures sur le pisé.
- La peinture la plus belle & la plus économique eft la peinture à frefque ; c’eft celle que l’on préféré pour décorer les maifons de pifé fur-tout leur frontifpice. Elle n’eft guère en ufage dans les pays qui abondent en plâtre, ou qui manquent de bonne qualité de chaux & de fable. Cette peinture étoit la favorite des plus habiles peintres : Rome fournit encore d’cxcellens modèles pour nous engager à reprendre ce beau genre de peinture.
- Lorfqu’on veut peindre à frefque fur le pifé, on doit fe précautionner d’un peintre, &le joindre aux maçons : ceux-ci étendent l’enduit comme je l’ai indiqué , & mettent toute leur attention à le bien dreifer pour recevoir la peinture ; c’eft-ici où l’outil appelé épervier pft grandement utile pour rendre l’enduit auftî droit qu’une table de marbre.
- Dès que les maçons ont fait une partie d’enduit, ils celfent l’ouvrage pour donner le tems au peintre de la peindre : car, s’ils travaillent de fuite, le peintre ne pouvant aller aufti vite qu’eux, l’enduit fécheroit & les couleurs nepourroientplus s’y incorporer. Il eft d’une neceftité abfolue que le travail des maçons foit fu-bordonné à celui du peintre : j’ai vu aufli ce dernier
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- peindre pendant le tems que les ouvriers aboient prendre leurs repas, & lorfqu’à fon tour, il s’abfentoit, il inarquoit avant de s’en "aller aux maçons les mefures de la place qu’ils dévoient enduire , prévoyant la peinture qu’il pouvoir, faire dans la journée : toutes ces précautions font donc faites pour prévenir la def-fîcation trop prompte de l’enduit, ôc pour gagner le tems propice pour appliquer les couleurs fur fa fraîcheur.
- Je n’indiquerai pas ici le grand art de la peinture à frefque ; mais je peux toujours indiquer aux propriétaires des moyens de faire faire des- peintures ordinaires.
- Pour faire les fonds delà couleur qu’on veut donner à une maifon de campagne, il faut délayer dans un tonneau une fuffifante quantité de la chaux que fon aura eu foin de faire éteindre long-tems d’avance; il faut aufîi délayer dans un baquet, ou un grand pot, de l’ocre jaune, rouge , ou autre couleur, le tout avec de l’eau très-claire; après quoi, on verfera un pen de la couleur dans le tonneau, & on remuera la chaux & la couleur avec un bâton en la tournant & retournant à contre-fens : on prendra enfuite un pinceau que l’on trempera dans le tonneau , ôc on effaiera la couleur faite fur une planche ou contre un mur; fi elle paroît trop foncée ou trop tendre , on ajoutera ou de la chaux ou de la même couleur du pot : on répétera pîufieurs fois ces eifais , Ôc par là on arrivera au ton de couleur qu’on voudra donner au fond de la maifon : voilà la teinte faite, il ne s’agira plus que des angles Ôc des encadremens des portes ôc fenêtres pour les diftinguer du fond.
- Si le fond eft d’un jaune ou d’un rouge pâle, on peut mettre les angles & les encadremens en blanc ou en bleu; fi le fond étoit gris, on peut les peindre en
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- jaune ou en rouge foncé : c’en efl: aflez ; on trouvera „ bien ce qui efl convenable, lorfque les eflais font fi faciles & fi peu difpendieux.
- Les maçons font alfez adroits pour peindre des maifons comme la façade qui efl deffinée fur la planche V , fig. 2 , du premier cahier. Mais, lorfque les propriétaires & les entrepreneurs voudront faire peindre une maifon décorée comme celle qui efl: repré-fentée fur la couverture de ce livre , Rappelleront un peintre qui fâche faire toutes fortes de deiïïns. .
- Je dois prévenir qu’il efl poflible de peindre fur les b-âtimens en pifé de fuperbes colonnades, des niches avec les flatues dedans & toutes fortes a ornemens: je dois avertir au Ai que l’on peut faire fur les murs de clôture en pilé , à l’extrémité des allées de jardin, les plus belles perfpe&ives , les plus charmans payfages, &y peindre toutes fortes de figures humaines.& d’animaux. J’avois une fois un excellent peintre quim’avoit peint fur une maifon de terre une faulfe croifée ; il y avoit placé une figure qui fembloit lire dans la chambre, & il paroilfoit que cette figure fe trouvoit derrière les vitres , tant étoit bien peint cette compofition.
- Ces peintures à frefque, encore une fois , font plus vives, plus brillantes que toutes les autres peintures; parce que la colle, ni l’huile , qui en font fupprimées, n’en altèrent point les couleurs*
- On efl furpris de leur effet : on peut fe procurer cette jouiffance à bien peu de frais.
- Les perfonnes qui habitent la campagne ont bien de quoi fe récréer; elles peuvent s’eflayer de peindre elles-mêmes, 8c leur premier effai leur fera connoître qu’elles font peintres fans le favoir ; à cet effet, un propriétaire peut faire venir un maçon & lui faire pofer environ une toife d’enduit ; après avoir acheté de petits pinpçaux & quelques fols d’oçre, il s’amufera à
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- peindre, & s’apprendra à filer en tenant de la main gauche une règle mince & pliante d’environ trois pieds de longueur & de l’autre le pinceau qu’il fera îuivre le long de la règle.
- On voit que cela n’eft point difficile, & que l’on peut commencer à faire quelques panneaux & autres liijets comme l’on imaginera ou copiera d’après quelques deffins : ne voilà-t-il pas un vrai objet de récréation que chacun peut fe procurer dans fa retraite ? jemepropofe d’en indiquer bien d’autres dans le cours de ce traité, fi mes foufcripteurs engagentles perfonnes éclairées en leurs intérêts à multiplier le nombre des foufcriptions.
- Eh ! vous, jeunes élèves , voilà le bon moyen d’étudier l’archite&ure Sc d’en refîentir les effets en vous exerçant dans la peinture à frefque ; mais ne croyez pas acquérir toutes les connoiffances qui vous font néceflaires , fi vous ne vous adonnez de bonne heure à l’agriculture ; ce premier des arts vous eft aufli intéreflant à connoître que tous les autres que l’on a tant/vantés ; fuivez ,fuivez les cours d’agriculture rép|hdez-vous dans la campagne pour y voir travailler ; c’eft la feule voie pour devenir architetfe utile ; j’en ai fait & fais chaque jour l’expérience- en afliflant régulièrement auxféances de la fociété.royale d’agriculture.
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