Rapports du jury international
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- RAPPORT
- SUR
- LES PROCÉDÉS CHIMIQUES
- DE BLANCHIMENT,
- DE TEINTURE, D’IMPRESSION, D’APPRÈTS.
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- Fa* -?={*. s*
- MINISTÈRE DE L’AGRICULTURE ET DU COMMERCE.
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1878
- A PARIS.
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- Groupe V. — Classe hS.
- RAPPORT
- SUR
- LES PROCÉDÉS CHIMIQUES
- DE BLANCHIMENT,
- DE TEINTURE, D’IMPRESSION, D’APPRÊTS,
- PAR
- M. SCHUTZENRERGER,
- PROFESSEUR DE CHIMIE MINERALE AU COLLEGE DE FRANCE.
- PARIS.
- IMPRIMERIE NATIONALE
- M DCCC LXXXII.
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- Groupe V. — Classe 48.
- RAPPORT
- SUR
- LES PROCÉDÉS CHIMIQUES
- DE BLANCHIMENT,
- DE TEINTURE, D’IMPRESSION, D’APPRÈTS.
- COMPOSITION DU JURY.
- MM. Degadx (C.), président, sous-directeur des teintures aux Gobe-lins..................................................................
- France.
- Williamson (M.-D-F.-R.-S.), vice-président.......................
- SciiUTZENBEiiGER, secrétaire-rapporteur, professeur de chimie minérale au Collège de France......................................
- Meyer (E.).......................................................
- Chandelon, professeur à l’Université de Liège....................
- Weiss, fabricant de tissus imprimés, membre de la commission des valeurs en douane, membre des comités d’admission et d’installation à l’Exposition universelle de 1878................
- Blanche, suppléant, manufacturier, maire de Puteaux..............
- Persoz , suppléant, directeur de la condition des soies à la chambre de commerce, membre secrétaire des comités d’admission et d’installation à l’Exposition universelle de 1878................
- Fuancillon (J.), suppléant, teinturier, membre du comité d’admission à l’Exposition universelle de 1878.......................
- Angleterre.
- France.
- Suisse.
- Belgique.
- France.
- France.
- France.
- France.
- Les procédés chimiques de blanchiment, de teinture et d’impression varient notablement avec la nature de la libre à laquelle on s’adresse. Suivant son origine, celle-ci possède une composi-Classe 48.
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- EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1878.
- Gr. V. tion chimique et des propriétés distinctes. Les fibres végétales sont principalement composées de cellulose; la laine et la soie, au contraire, appartiennent an groupe des matières azotées, pro-téiques ou albuminoïdes. Il n’est donc pas étonnant de voir l’action des réactifs sur ces deux espèces de composés offrir des différences très accentuées. Les alcalis, par exemple, sont sans influence marquée sur la cellulose et les fibres végétales; ils dissolvent au contraire et altèrent profondément la laine et la soie. Les acides respectent la laine et détruisent le coton, le chanvre et le lin. Beaucoup de matières colorantes, celles qui dérivent de l’aniline notamment , se combinent directement à la fibrome de la soie et à la laine, et ne présentent aucune affinité marquée pour le coton.
- On conçoit, d’après ce rapide aperçu, que le traitement ne peut être le même soit qu’il s’agisse de blanchir, soit que l’on veuille teindre et colorer avec telle ou telle matière colorante. De là nécessité de partager ce rapport en trois sections, dont la première embrassera tout ce qui est relatif aux fibres végétales, la seconde traitera des fils et des tissus de laine; enfin la section III sera consacrée à la soie.
- M. Blanche, fabricant à Puteaux, et M. Jules Persoz, directeur de la condition des soies de Paris, tous deux jurés suppléants de la classe 48, ont bien voulu se charger de la rédaction des deux dernières sections.
- Le rapporteur est heureux d’avoir pu rencontrer des collaborateurs aussi compétents pour traiter avec autorité les questions importantes touchant l’industrie de la laine et celle de la soie.
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- SECTION I.
- FIBRES VÉGÉTALES, COTON, LIN, CHANVRE, JUTE, ETC. BLANCHIMENT, APPRETS, TEINTURE ET IMPRESSION.
- Depuis le moment où la fibre textile est enlevée à son lieu d’origine, jusqu’à celui où elle apparaît sous forme de tissu, ornée des couleurs les plus pures et les plus brillantes et des dessins les plus remarquables, telle en un mot que nous avons pu l’admirer dans les vitrines de l’Exposition, elle a subi une série nombreuse de manipulations variées, dans lesquelles interviennent à la fois l’art du dessinateur, le génie du mécanicien et les heureuses applications de la chimie. •;
- Le rôle de cette dernière science dans les opérations destinées à provoquer le blanchiment et à.produire une coloration des fibres est assez important pour motiver et pour justifier un examen spécial, à ce point de vue, de la grande industrie des textiles.
- D’une part, la chimie a permis d’extraire avec avantage et dans un état de pureté convenable les nombreuses matières colorantes élaborées par les êtres vivants et surtout par les végétaux, de les séparer de la masse relativement très considérable des principes étrangers, ligneux, résineux ou autres qui les accompagnent dans les tissus organisés des fleurs, des racines ou des bois et sont une gêne sérieuse pour l’application. Les extraits de bois colorants , ceux de garance, entre, autres, ont remplacé peu à peu et presque partout les produits bruts, simplement broyés, que Ton employait autrefois. Ce n’est pas tout ! Depuis que la science est entrée avec tant de succès dans la voie féconde de la synthèse, elle a fourni à l’industrie des méthodes nouvelles pour créer de toutes pièces des principes colorants bien plus riches, plus beaux et plus variés que ceux dont on disposait jadis. Ce grand mouvement, commencé en 1826 par la belle découverte de l’outremer artificiel, faite par M. Guimet (de Lyon), se dessina plus nettement à partir de 1853 , en s’adressant
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- EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1878.
- plus spécialement aux matières colorantes organiques. C’est à cette époque, en effet, que viennent se placer les premiers travaux d’utilisation industrielle de la murexyde, dont le règne fut aussi éphémère que brillant. A partir de ce moment, chaque année est marquée par une nouvelle et importante conquête. Leur histoire est enregistrée dans les rapports sur les expositions universelles antérieures. L’exposé des travaux et des progrès réalisés dans cette voie depuis 1867 trouvera sa place dans le rapport de la classe dont il formera un des plus importants chapitres. Nous n’avons donc pas à nous étendre sur ce sujet qui sort de nos attributions, mais nous devions faire voir nettement que la teinture et l’impression sont redevables à la chimie de la plupart des matières colorantes dont elles font usage pour composer leurs riches dessins et leurs brillantes nuances.
- D’un autre côté, il ne suffit pas de disposer d’une palette abondamment chargée de ces couleurs : il faut encore savoir les fixer sur la fibre, les rendre adhérentes et susceptibles de résister aux lavages. Les procédés de fixation doivent se modifier de mille manières, suivant les exigences pratiques et les nécessités variées imposées par les dessins que l’on veut exécuter. Ici encore la chimie intervient activement. Par la connaissance des propriétés des fibres textiles et des matières tinctoriales, elle fournit pour chacune d’elles les meilleures méthodes d’application. Les progrès, peut-être moins éclatants, mais d’une utilité pratique très considérable et très sérieuse, réalisés dans celte direction, nous intéressent plus particulièrement et doivent appeler l’attention du rapporteur de la classe £8.
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- BLANCHIMENT.
- La fibre textile, quelle que soit son origine, est imprégnée à l’état naturel de substances plus ou moins colorées qui ternissent son éclat et lui donnent une teinte jaune désagréable et sale; de plus les opérations mécaniques du tissage y introduisent toute espèce de poussières et de matières grasses. Ces dernières peuvent
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- BLANCHIMENT, TEINTURE, IMPRESSION, APPRÊTS. 5
- bien, il est vrai, être enlevées par un lessivage analogue à celui qui se pratique de temps immémorial dans les ménages ; mais les substances naturelles, colorantes, incrustantes et résineuses résistent plus ou moins à l’influence de la lessive. La fibre nettoyée, mais non blanchie, conserve une nuance jaune sale ou grise. Depuis longtemps, la civilisation a développé dans les centres policés des goûts d’esthétique qui ne supportent plus l’usage des toiles écrues, dont se contentent encore quelquefois les habitants des campagnes. L’art du blanchiment, lié aux aspirations naturelles de l’homme vers ce qui est beau, remonte à une haute antiquité. Nous le trouvons chez les anciens Egyptiens et les peuples de l’Orient.
- Les procédés variaient, du reste, avec la nature de la fibre.
- Les Egyptiens connaissaient l’usage des alcalis ou carbonates alcalins, de l’urine putréfiée et l’influence de l’exposition au soleil.
- Le procédé généralement employé jusqu’à la fin du siècle dernier consistait à soumettre le tissu à blanchir à l’action alternative de lessives alcalines plus ou moins caustiques et des rayons solaires. La matière incrustante, s’oxydant partiellement sous la triple influence de l’air, de l’humidité et de la lumière, devient soluble dans les bains alcalins. Chaque lessive prédispose ce qui reste de la matière colorante à subir l’oxydation; aussi les expositions sur pré et les lessivages alternatifs ne peuvent-ils être remplacés par une seule opération de chaque espèce, quelque prolongée quelle soit. L’expérience s’était prononcée depuis longtemps sur ce point. Un semblable blanchiment exigeait plusieurs mois et immobilisait pour chaque fabrique de vastes étendues de terrain.
- La Hollande et les colonies ont joui pendant des siècles d’une réputation incontestée pour la qualité supérieure du blanc de leurs tissus. C’est vers la fin du xvni0 siècle que vient se placer la découverte la plus considérable dans Tari du blanchiment, et, on peut le dire, une véritable révolution dans les procédés si longtemps usités. Cette découverte est entièrement due à la chimie. Scheele avait isolé le chlore et constaté son action énergique et destructive sur les couleurs végétales. En 1785, Berthollet, reprenant l’étude de ce corps intéressant, fut amené par diverses expériences à l’envisager, non comme un corps simple, mais comme de l’acide
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- Gr. V. muriatique (chlorhydrique) oxygéné, c’est-à-dire comme une com-binaison d’acide muriatique et d’oxygène.
- Les raisons qu’il fait valoir à l’appui de cette opinion sont tellement sérieuses, qu’aujourcThui encore on pourrait expliquer par la théorie de Berthollet la plupart des réactions chimiques dans lesquelles le chlore intervient.
- Berthollet, après avoir vérifié, au cours de ses recherches, les principaux résultats décolorants annoncés par Scheele, a pensé que l’acide muriatique oxygéné (chlore) pourrait produire le même effet sur les principes qui colorent les fils et les toiles et que l’on a pour objet de détruire ou de séparer dans le blanchiment. Par une série d’essais qu’il serait intéressant de suivre, mais dont le récit nous entraînerait trop loin, l’illustre savant constata qu’il y a avantage à substituer une solution de chlore au gaz lui-même, et que l’emploi alternatif de solutions de chlore ou de bains étendus et de lessives alcalines est préférable à une seule immersion, prolongée jusqu’à décoloration dans une liqueur chlorée concentrée. On évite ainsi l’affaiblissement de la fibre et l’odeur suffocante résultant de l’usage d’une liqueur saturée de chlore.
- r Dès que je fis usage, dit-il, de l’action alternative des lessives « et de l’acide muriatique oxygéné, j’appris qu’il n’était point nécessaire d’employer une liqueur concentrée et d’y laisser à chaque «immersion les toiles longtemps plongées; par là j’évitais deux inconvénients qui auraient rendu le procédé impossible à pratiquer: «le premier est l’odeur suffocante de la liqueur qui a découragé «plusieurs personnes qui ont tenté de s’en servir, le second est le « danger d’affaiblir les toiles, v
- On sait que depuis lors le chlore est devenu partout l’agent actif et utile du blanchiment, que sa fabrication s’est développée sur une vaste échelle permettant, par un cycle heureux, l’utilisa-lion de l’acide chlorhydrique, produit secondaire de la préparation du sulfate de soude et du carbonate de soude artificiels.
- La grande découverte de Berthollet a donc reçu la consécration de près d’un siècle de pratique, et il est inutile d’insister sur sa haute valeur. Ce n’est cependant pas à un industriel français que
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- BLANCHIMENT, TEINTURE, IMPRESSION, APPRÊTS.
- revient l’honneur d’avoir, le premier, appliqué cette invention Gr. v. toute française.
- y Cl. 48.
- Il est vrai qu’un habile et savant préparateur de Berthollet,
- Bonjour, qui avait secondé son maître dans ses recherches, s’associa à Constant, apprêteur de toiles à Valenciennes, pour y fonder un établissement destiné à mettre en usage la nouvelle méthode; mais ce projet fut traversé par les préjugés et par l’intérêt des blanchisseurs qui craignaient la concurrence d’un procédé nouveau; Constant ne put même se procurer un terrain dans la ville de Valenciennes, et après bien des pourparlers, des démarches infructueuses, Bonjour dut aller s’établir à Courtray.
- Pendant que la patrie de Berthollet reculait ainsi devant un progrès aussi marqué, les Anglais s’emparaient du chlore sans hésitation. Berthollet avait répété ses expériences en présence du célèbre Watt. Un coup d’œil suffit à cet homme de génie pour saisir toute la valeur et l’avenir exceptionnel du procédé. Bientôt après,
- Watt écrivait à Berthollet que, dans une première opération, il avait blanchi 5oo pièces de toile chez Grégor, blanchisseur à Glas-cow, et que celui-ci continuait à faire usage du chlore.
- Berthollet n’avait pas seulement posé les bases fondamentales du blanchiment au chlore et indiqué l’utilité de chlorages faibles, multipliés et séparés par des traitements à la lessive, mais il avait encore donné une théorie du phénomène ne s’éloignant que par la forme de celle adoptée de nos jours. En effet, pour lui le chlore est de l’acide muriatique oxygéné ou (CIH)O; pour nous, c’est un corps simple Cl ne différant du premier que par les éléments de l’eau. D’après Berthollet, le chlore (CIH)O, en agissant sur une matière colorante, lui cède son oxygène et repasse à l’état d’acide muriatique Cl H. Pour nous, la décoloration est aussi le fait d’une oxydation due à l’intervention de l’eau. On a Cl + H0 = ClH + 0.
- La différence des deux explications est donc de second ordre, comme il est facile de le voir.
- Tous les progrès réalisés depuis cette époque dans le blanchiment du lin, du chanvre et du coton, l’emploi dans les lessivages de la chaux éteinte, des carbonates alcalins artificiels, des savons de résine, des chaudières closes à circulation permettant de lessiver
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- Gr. v. à haute pression et à température élevée et de chauffer à la va-d" peur au lieu d’appliquer le feu directement, la substitution des chlorures décolorants et notamment des chlorures de chaux liquides et solides au chlore gazeux ou dissous, la construction ingénieuse d’une foule de machines pour laver, dégorger, essorer, tordre, sécher les écheveaux et les pièces, et partant la diminution progressive de la main-d’œuvre et des frais de revient, tout cela constitue un ensemble de perfectionnements utiles et intéressants, dont nous ne voulons en rien diminuer la valeur réelle, mais qui s’effacent en seconde ligne lorsqu’on les compare à la révolution occasionnée par la découverte de Berthollet.
- Les industriels reconnaissants ont longtemps donné le nom de Berthollet au corps qu’il avait mis entre leurs mains pour remplacer la lumière capricieuse du soleil.
- On a cherché depuis, mais sans avantage pratique, à remplacer les chlorures décolorants par d’autres oxydants.
- Après avoir diminué le prix de fabrication de l’hypermanganate de potasse, M. Tessié du Motay en a proposé l’emploi dans le blanchiment.
- La préparation de l’ozone ou plutôt de l’air fortement chargé d’ozone ayant fait des progrès réels, on a songé à l’appliquer aussi à la décoloration des tissus. Mais ce ne sont là que des essais plus ou moins intéressants et qui n’ont pas réussi, jusqu’à présent, à entrer dans le domaine de la grande industrie.
- En résumé, on peut dire que depuis longtemps le blanchiment des tissus et des fibres d’origine végétale n’a pas trouvé dans la chimié une source de perfectionnements bien abondante. Les progrès réels que nous pouvons constater résident surtout dans l’emploi plus judicieux et plus économique des anciens agents, d’une disposition plus pratique et mieux entendue des appareils, permettant de diminuer le prix de revient, tout en respectant mieux l’intégrité des tissus et les dispositions données à la fibre par le tissage. Nous nous contenterons de fournir un rapide aperçu de la marche du blanchiment qui est trop connue pour mériter de nous arrêter longtemps, et nous consacrerons plus de temps à l’importante industrie des apprêts.
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- Pour les tissus de calicot, articles de blanc et de teinture courants , on lessive à la cbaux, puis on lave et on passe en acide. Les pièces lavées de nouveau sont lessivées au carbonate de soude très légèrement caustifié, lavées, passées au chlorure de chaux, lavées, passées en acide et enfin lavées et séchées.
- Les articles de grand teint et d’impression subissent le même traitement et de plus un lessivage au savon de colophane dont les effets ont été reconnus très efficaces pour éviter les taches et les irrégularités dans la nuance.
- S’il s’agit de faire des tissus demi-blanc, on diminue l’intensité et la durée des lessives de chaux, des bains d’acide et de chlorure, de façon à moins fatiguer la fibre du coton et à lui laisser toute son épaisseur et toute sa force.
- Les écheveaux de coton sont lessivés plus ou moins longtemps au carbonate de soude, lavés, immergés en chlorure de chaux, lavés et passés en bain d’acide chlorhydrique, puis enfin lavés. Généralement ces opérations se répètent deux fois lorsqu’on veut arriver au blanc pur.
- Le lin et le chanvre sont fréquemment blanchis à l’état de fils. Ce blanchiment peut se faire à deux degrés. Dans le premier, l’élimination de la matière incrustante colorée est poussée moins loin. Le fibre garde plus de poids et plus de résistance, les fibrilles qui la composent restent collées les unes aux autres, mais la nuance jaunâtre est encore très prononcée. On donne le nom de crémage â ce demi-blanchiment. Il se compose d’un premier lessivage au sel de soude dans des cuviers couverts, suivi d’un lavage, d’un passage suffisamment prolongé en chlorure de chaux et enfin d’un passage en acide et d’un lavage.
- Les écheveaux sont mis en mouvement dans le bain de chlorure au moyen d’un taquet, de telle façon qu’une portion du fil est immergée, tandis qu’une autre se trouve exposée au contact de l’air.
- Par une immersion dans de l’eau tenant en suspension de l’ocre jaune en poudre très fine, on donne au fil de lin crémé une teinte jaune plus franche que celle qu’il conserve naturellement. Cette nuance ocrée est très recherchée et imite certains écrus. Il est évi-
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- dent que l’ocre n’adhère que superficiellement et peut être éliminé par des lavages suffisamment prolongés.
- Si l’on veut pousser le blanchiment plus loin et atteindre le blanc parfait, on répétera les lessivages et les passages en chlore, en réglant la force des bains d’après l’état du fil. Celui-ci peut céder ainsi jusqu’à 2 5 p. o/o de matières incrustantes. Il perd naturellement en force, par suite de cette élimination; aussi l’évite-t-on dans beaucoup de cas. La théorie de ces traitements est simple. La matière incrustante ne se dissout bien dans les lessives qu’après avoir subi l’oxydation par le chlore. Il est de plus à remarquer que le traitement alcalin prédispose cette matière à l’oxydation. Généralement aujourd’hui, on emploie le chlorure de chaux comme oxydant et non comme source de chlore; en d’autres termes, la décoloration s’effectue par l’hypochlorite de chaux sans le concours d’un acide mettant l’acide hypochloreux en liberté. On a la réaction : Cl2 Ca O = O + Cl2 Ca. L’oxygène se porte sur la matière colorante.
- Nous n’avons rien de bien nouveau à signaler en ce qui concerne les cuves ou chaudières à lessiver.
- Les appareils de lavage des tissus et des écheveaux n’ont pas beaucoup varié non plus. Ce sont toujours les clapots avec plus ou moins de tension, suivant que l’on a affaire à des tissus forts ou légers. Pour des tissus très légers, on emploie des clapots sans pression et même des roues à laver. Les articles décrués sont simplement lavés dans un clapot à eau chaude qui enlève suffisamment l’apprêt du tissage ou le parement nécessité par l’encollage des chaînes. Au lieu d’essoreuses à force centrifuge (hydro-extracteurs), on se sert souvent de machines à exprimer, consistant en deux cylindres, l’un' en toile, l’autre en bronze, entre lesquels passent les tissus ou les écheveaux, sous une très forte pression.
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- Gr. V
- II Cl. 48
- APPRÊTS.
- Les renseigneménts les plus utiles et les plus circonstanciés ont été fournis au rapporteur sur ce sujet par M. Lederlin, l’habile directeur de la blanchisserie de Thaon.
- Les apprêts blancs sur tissus de coton unis ont pour but soit de garnir les tissus très légers et d’augmenter leur poids, soit de donner aux tissus forts un toucher et un brillant spéciaux qui les rendent plus agréables à l’aspect et à l’emploi, et par conséquent d’une vente plus facile.
- Les apprêts des tissus légers sont composés, en général: de fécule et d’amidon, additionnés de la plus grande proportion possible d’une matière minérale telle que kaolin, albâtre, sulfate et carbonate de chaux, talc, sulfate de baryte, etc., d’une certaine quantité de savon, de suif, de saindoux ou d’autres corps gras.
- Le talent de l’apprêteur consiste à incorporer à l’empois de fécule et d’amidon la plus forte proportion de ces corps pesants et épaississants, généralement d’une valeur faible, de façon à diminuer le prix de l’apprêt employé.
- Pour les tissus légers, le prix a une très grande importance ; la consommation demande qu’on les charge considérablement; on arrive ainsi à faire plus que doubler le poids du tissu à apprêter.
- Des calicots, avant l’apprêt, ayant l’aspect de canevas, deviennent complètement lisses et ne laissent plus voir aucun de leurs interstices, ceux-ci ayant été remplis par la pâte de l’apprêt.
- Il convient d’arrêter la cuisson de la fécule au moment précis où les cellules de la matière amylacée ont été suffisamment désagrégées et gonflées, pour que chacune d’elles puisse, pour ainsi dire, envelopper et lier la plus grande quantité de matières pulvérulentes.
- Ces apprêts ou pâtes doivent être rendus parfaitement homogènes par un brassage et un broyage entre des meules ou des cylindres; puis ils sont portés dans le châssis de la machine à apprêter qui, en général, consiste en deux ou en plusieurs cylindres en bois
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- ou en métal, de diamètre plus ou moins grand, et animés d’un mouvement de rotation plus ou moins rapide, suivant le genre de tissus et celui de l’apprêt à lui appliquer.
- La pâte est entraînée parle mouvement des cylindres; la pièce engagée entre eux s’en imprègne à la fois par le mouvement et par la pression des cylindres ; cette pression demande à être réglée avec la plus grande attention, suivant les apprêts que l’on veut obtenir.
- Au sortir de l’apprêt, les pièces sont séchées; soit dans un éten-dage à air libre ou chauffé à des températures très variables (de ko à 70 degrés), suivant le toucher, la dureté ou la souplesse à obtenir; soit sur des tambours sécheurs; soit dans des chambres chaudes (hot-jlue).
- Après le séchage, les calicots sont généralement refroidis par un repos dans des locaux à température convenable, humectés par le moyen de machines qui lancent sur la pièce en mouvement une pluie d’eau aussi fine et aussi ténue que possible, déplissés, enroulés, et, suivant les genres, plus ou moins cylindrés, de façon à adoucir le toucher de l’apprêt dont généralement on tient à enlever la rudesse originelle. Cependant, pour certains genres de tissus, comme les bougrans destinés à donner de la raideur aux revers ou aux cols des habits, on laisse à l’apprêt toute sa dureté. Les opérations générales que nous venons de décrire s’appliquent à tous les apprêts blancs.
- Quand on a affaire à des tissus plus serrés, on diminue l’épaisseur et le poids des apprêts, en y incorporant moins de matières minérales et en faisant des pâtes moins épaisses.
- Ces apprêts portent néanmoins encore le nom d'apprêts chiffon; mais on les assouplit' et on les adoucit plus que ceux des tissus ordinaires, et, loin de chercher à remplir tous les interstices des fils et à empâter le tissu, ori a soin, au contraire, de n’en mettre que juste la quantité nécessaire pour gonfler le fil, tout en le laissant apparent.
- L’apprêt fleur soutenu, encore très en usage, est un diminutif de l’apprêt chiffon; il ne se compose guère que d’empois, de fécule et d’amidon.
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- Vient ensuite, pour les blancs unis, toute la série des blancs dits sous-apprêts (fleur simple ou ménage), qui doivent laisser au calicot l’aspect et le toucher du coton naturel; certains de ces tissus en sous-apprêt ne reçoivent, en réalité, aucune espèce de préparation ; on se contente de les sécher et de les lisser légèrement au sortir du blanchiment; d’autres fois, on donne un léger apprêt, destiné à gonfler et à épaissir le fil, sans qu’il y paraisse. Ce dernier résultat est très difficile à réaliser; on y arrive au moyen de procédés très divers, dans le détail desquels nous ne pouvons pas entrer ici. Qu’il nous suffise de dire que l’état du tissu avant le dépôt de l’apprêt, la température du séchage après le dépôt et le degré d’humidité doivent être surveillés avec le plus grand soin et jouent le rôle le plus important, ainsi que le degré de blancheur auquel on a poussé le tissu aux lessivages, acidages et chlorages.
- Nous venons de résumer ce qu’il y a à dire d’essentiel touchant les apprêts ordinaires sur calicots, cretonnes, croisés, etc., destinés à la chemise et en général au linge de corps.
- Encore un mot cependant sur l’apprêt moiré. Il se distingue en deux genres principaux : l’apprêt moiré simple et l’apprêt moiré double.
- Pour le premier, on fait passer deux plis superposés de la pièce entre deux cylindres. Les deux côtés exposés au métal se glacent; les deux côtés intérieurs se pénètrent et se moirent. La pièce n’est ainsi moirée que d’un côté ; elle est glacée de l’autre.
- Pour le moiré double, deux pièces sont superposées en longueur et passent entre des cylindres. Tous les plis se pénètrent, se moirent, et la pièce est moirée des deux côtés.
- Pour d’autres articles de confection, on emploie encore des apprêts d’un genre tout différent, que l’on peut désigner sous le nom général d'apprêts ramés.
- Cet apprêt s’applique non seulement à des tissus fins, comme les jaconas, les organdis, les mousselines, etc., mais aussi à des calicots ordinaires. Il a, en général, pour but d’empeser, de raidir le tissu, tout en le lissant, mais en évitant d’empâter ou de couvrir les fils, de façon à les laisser bien indépendants les uns des
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- autres et à les dégager complètement, en les faisant paraître dans toute leur rondeur et leur pureté.
- Pour ces apprêts, il est indispensable, au préalable, de griller le tissu, de façon à enlever tout le duvet du fil, opération qui ne s’applique que dans certains cas particuliers aux apprêts précédemment décrits.
- Les apprêts des tissus ramés, loin d’être pâteux et épais, sont généralement liquides, composés presque exclusivement de fécule, d’amidon, de dextrine; ils sont cuits dans des chaudières à haute pression, par conséquent au delà de 100 degrés, et pendant un temps assez long, de façon à les rendre filants et même liquides. Ils s’appliquent sur le tissu dans des machines à cylindres comme les apprêts épais. Au sortir de la machine à apprêter, on sèche le tissu sur des rames qui saisissent la pièce, dans toute sa longueur, sur le bord des lisières.
- La pièce est ainsi séchée à l’état tendu, mise à fil droit et reste dans l’état où elle est séchée. La tension quelle a subie en longueur et en largeur ne laisse subsister aucun apprêt dans les interstices, de sorte que le fil apparaît dans toute sa netteté, mais est renforcé et durci par l’apprêt reçu.
- A certains articles on fait subir en outre ce qu’on appelle le déraillage.
- Cet apprêt, appelé aussi apprêt élastique, batiste ou linon, s’obtient au moyen de la rame à briser dont voici le principe. La pièce, empesée, séchée et mouillée à nouveau, est fixée par ses deux lisières dans les pinces d’une rame, puis tendue en largeur.
- En imprimant aux bandes à pinces un mouvement de va-et-vient dans un plan horizontal, et parallèlement à elles-mêmes, analogue à celui du parallélogramme de Watt, les écartant alternativement, on provoque le frottement réciproque des fils de trame et de chaîne et, par suite, le lissage pendant la dessiccation.
- Pour article de broderie, on emploie des rames courtes et le mouvement est donné à la main, afin d’éviter les déchirures et les déformations du dessin. Assez récemment, les rames des tissus unis ont été mises mécaniquement en mouvement de déraillage.
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- Le dégagement de l’apprêt devient ainsi plus complet, et le tissu prend une souplesse et une mobilité particulières, qui ont fait donner à cet apprêt le nom d'apprêt caoutchouc.
- La rame à dérailler a souvent un autre but qui explique son nom.
- Dans tous les tissus dont la trame et la chaîne sont sans liaison, il se produit, pendant la teinture et pendant les opérations de l’apprêt, un déplacement des fils les uns par rapport aux autres, constituant des éraillures.
- Pour rétablir ces fils dans leur position première et rendre aux tissus leur aspect primitif, il faut leur faire subir ce qu’on appelle Yopération du déraillage. La rame à dérailler atteint le but, puisque la chaîne restant constamment tendue et parallèle à elle-même ou à l’axe longitudinal de la rame, la trame reçoit au contraire un mouvement de va-et-vient. Les fils, ainsi mis en mouvement les uns par rapport aux autres, retrouvent peu à peu, après un certain nombre d’oscillations, leur place primitive dans les encoches produites, tant sur la trame que sur la chaîne, par le coup de battant du métier à tisser.
- Ainsi disparaissent les éraillures. De plus, comme nous l’avons dit déjà, dans l’apprêt de certains tissus, il est bon de sécher ceux-ci, une fois qu’ils sont imprégnés d’apprêt, en leur faisant subir un mouvement d’oscillation analogue à celui décrit plus haut. C’est ce qui constitue précisément l’apprêt brisé, et de là le nom de métier à briser, que l’on donne souvent à la rame à dérailler.
- La rame fixe sert encore particulièrement à sécher les tissus façonnés, tels que piqués, reps, nattés, dont les dessins doivent être conservés dans toute leur rectitude et dans tout leur relief, et dont les côtes, comme dans les reps, doivent être relevées par une très forte tension dans le sens de la trame.
- Les apprêts de tous les tissus façonnés blancs rentrent dans l’une ou dans l’autre des catégories mentionnées plus haut. Les articles grattés ou molletonnés se distinguent des autres en ce qu’ils ne reçoivent l’apprêt que d’un seul côté, celui du dessin* tandis que l’autre, celui du poil, doit rester absolument intact.
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- Ce résultat s’obtient par une disposition spéciale de la machine à apprêter, modifiée de façon à ne déposer l’empois que du bon côté, sans même mouiller celui du poil. L’épaisseur qu’ont généralement ces tissus facilite le succès; après le séchage, on fait subir à la pièce l’opération du regitage consistant à regratter très légèrement, c’est-à-dire à relever ou à regiter le poil.
- Pour les tissus ordinaires que nous venons de mentionner, l’apprêt liquide joue le principal rôle; les opérations mécaniques qui suivent l’application de l’apprêt liquide n’ont que peu d’importance; ils en ont une plus grande dans la fabrication des façonnés, desbrillantés, des pékins, des damas, des satins, des satinés, etc. C’est par des lissages, des mouillages, des cylindrages à froid ou à chaud entre des cylindres de diverses natures, en métal, en papier, en toile, que l’on arrive à donner au tissu ce toucher et ce brillant spéciaux, cette souplesse, qui font que l’on ne distingue plus si Ton a affaire à du coton, à de la laine ou à de la soie.
- Ceci s’applique particulièrement à l’article satinette, destiné à remplacer la doublure de soie. Toutes les machines citées plus haut interviennent dans cette fabrication ; mais il en est une spéciale à ce genre, c’est la beetle ou machine à beetler. Elle se compose essentiellement d’une série de pilons en bois ou en métal, qui viennent frapper, les uns après les autres, sur le tissu enroulé autour d’un rouleau animé lui-même d’un mouvement de rotation et de translation, de façon à présenter successivement toutes les parties du tissu aux coups des marteaux. Il en résulte pour le tissu un assouplissement, et, si Ton peut s’exprimer ainsi, un ameublissement des fibres, qui leur donne toute la souplesse et l’élasticité de la soie. Le brillant développé par des cylindres spéciaux et les matières particulières qui composent l’apprêt liquide achèvent la perfection de ce genre qui se fait en tissu blanc, mais surtout avec les tissus de couleur, unis et imprimés, qui sont spécialement destinés aux doublures des robes.
- Les satinettes servent aussi pour doublures de manches, de tentures, d’édredons, en un mot, partout où s’emploierait la soie.
- La satinette de coton bien faite en a presque le brillant et a
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- le grand avantage d’être beaucoup plus résistante et surtout bien moins coûteuse.
- Les apprêts sur tissus teints et imprimés se donnent généralement de la même manière que sur tissus blancs, et ce sont aussi la fécule, l’amidon, la dextrine, le léiogomme, les gommes, qui leur servent de base. Cependant, dans presque tous on ajoute une certaine proportion de matières grasses ou savonneuses, telles que suifs, saindoux, huiles de palme et de coco, savons blancs, oléates, stéarates, etc. Ces matières grasses ou onctueuses sont nécessitées par les opérations mécaniques par lesquelles passent les pièces au sortir de l’apprêt. Le séchage se fait, comme pour les tissus blancs, soit à Tétendage ou à la hot-jlue, ou sur tambour, suivant le genre de l’apprêt et aussi suivant la nature des couleurs qui résistent plus ou moins bien à l’action de la chaleur.
- En général, on ne sèche à Tétendage que les couleurs qui ne supportent pas la température élevée des tambours à vapeur ou le contact du métal chaud. Les tissus imprimés en couleurs d’application demandent absolument à être séchés sur tambour, immédiatement au sortir de l’apprêt, pour éviter le coulage.
- Les apprêts sont fournis aux tissus au moyen de machines à cylindres recouverts de toile, entre lesquels ils passent. Certains apprêts se donnent par l’intermédiaire de cylindres gravés dans le genre des mille-points des machines à imprimer, quand il est nécessaire de ne déposer le liquide épais que légèrement et superficiellement.
- Après le séchage, les pièces sont refroidies et généralement humectées et arrosées au moyen de machines spéciales. Elles passent ensuite par des opérations mécaniques particulières à chaque genre, savoir :
- i° Les tissus (croisés, calicots, cretonnes) en apprêt glacé, par les machines a glacer ou les cylindres à friction. Dans les premières, le brillant s’obtient parle frottement d’une molette en fonte ou en acier sur le tissu; dans les deuxièmes, par la friction et la pression d’un cylindre en fonte polie sur le tissu supporté Classe 48. a
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- par un cylindre en matière moins dure, telle que papier ou toile de coton.
- 2° Les tissus en apprêt calandre, par les calandres ou mangles. Le tissu est enroulé sur un cylindre en bois dur; celui-ci se place sous un pesant chariot revêtu d’une plaque de fer poli, animée d’un mouvement alternatif de va-et-vient. Le poids et la pression de ce chariot compriment les fils et les forcent à se pénétrer les uns les aulres. La pièce étant fréquemment déplacée sur son rouleau par des enroulages et des déroulages successifs, les pénétrations se déplacent, s’entre-croisent, et ainsi se forment les fleurs ou Ycau du moirage.
- 30fcLes tissus en apprêt cylindré, par le passage entre des cylindres plus ou moins pesants et plus ou moins durs; l’apprêt devient ainsi légèrement brillant. Quand les cylindres sont légers et enveloppés de toiles ou de draps de laine, le tissu reste mat, tout en se déplissant, et la côte ou le dessin du tissu garde tout son relief.
- h° Les tissus en apprêt moiré ou satiné, par l’enroulage de la pièce autour d’un des rouleaux d’un cylindre analogue aux précédents. La pièce ainsi enroulée, on charge la pression du cylindre supérieur, et on laisse rouler les cylindres l’un sur l’autre un temps plus ou moins long. Le roulement produit en même temps le brillant et la moire par la pression et la pénétration des fils.
- 5° Les tissus pour chemises et meubles; ils rentrent dans la catégorie des apprêts cylindrés.
- 6° Enfin les satinettes, dont l’apprêtage a été décrit plus haut, à l’article Blanc, et pour lesquelles l’appareil essentiel est la beetle et où la composition spéciale de l’apprêt joue un rôle important.
- En général, tous les tissus teints et imprimés sont grillés ou même tondus pour les débarrasser complètement de tout duvet qui s’opposerait à leur brillant.
- 7° Les molletonnés sur tissus teints et imprimés et les articles ramés; ils se font comme sur les tissus blancs.
- Dans tous les cylindrages, la température des cylindres et l’humidité de la pièce jouent un très grand rôle. Les pièces
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- doivent toujours être au degré d’humidité convenable, et les cylindres sont chauffés à la vapeur ou au gaz, ou au moyen de fers rougis au feu.
- Signalons aussi l’introduction assez récente, dans l’apprêt, d’une matière mucilagineuse nouvelle. On en trouve des spécimens dans les expositions de nos produits coloniaux, et certains tissus qui figurent dans les vitrines de la classe A8 ont été apprêtés avec ce produit. Depuis plusieurs années, en effet, on fait des efforts sérieux pour introduire, dans l’industrie des tissus, l’usage de divers produits extraits des algues ou plantes marines. Ces matières sont connues sous les noms de hai-thao, ly-clia, ihao français, gélose ou algaensine Martineau. Chacune d’elles offre, au point de vue de Tapprêt, des avantages marqués, mais variant d’une espèce à l’autre. Leur application courante n’est pas encore un fait acquis, et toutes les difficultés pratiques ne sont pas levées. L’alguensine provient de la dessiccation d’une décoction aqueuse d’algues marines; elle se dissout facilement et presque sans résidu dans l’eau bouillante; les solutions se prennent en gelée par le refroidissement; employée comme apprêt, elle communique au tissu de la force, tout en lui laissant de la souplesse, et sans la raideur que donne l’amidon ou la fécule. On ne peut songer à la substituer entièrement à ces derniers produits, ni à en faire usage isolément; mais, mélangée à des épaississants ayant plus de corps, elle pourra rendre des services, surtout si l’industrie arrive à la livrer dans un état satisfaisant de blancheur, comme certains échantillons exposés permettent de l’espérer.
- En résumé, comme nous l’avons vu, chaque genre de tissu reçoit un apprêt particulier, et cet apprêt diffère non seulement par la matière qui en forme le fond, mais encore par le dosage et les préparations auxquelles le tissu est soumis, et parles métiers sur lesquels il passe. Outre la beetle, dont il a été question plus haut, «n fait, dans certains cas, usage d’un appareil fort ingénieux connu sous le nom de machine à tirer à poil. Grâce à des machines qui tirent une partie de la libre en dehors des mailles du tissu, machines pour tirer à poil, on peut réaliser les effets les
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- plus variés; en parlant d’un produit uni, on obtient des étoffes pelucheuses, molletonnées, gaufrées de mille manières, suivant les exigences de la mode.
- Tirer à poil, c’est gratter le tissu au moyen d’une brosse ou plutôt d’un chardon métallique, de manière à extraire une portion de la libre d’entre les mailles du tissu qui prend ainsi une apparence pelucheuse, devient plus épais et acquiert plus de douceur au toucher.
- Les machines à tirer à poil varient, dans leurs détails, selon la grandeur, la forme et la nature de l’effet à produire, le tirage pouvant n’être que partiel ou complet; mais elles sont toutes fondées sur le principe précédent.
- Donnons,comme exemple, la description de la machine à tirer à poil en travers, de MM. F. Delamare et Chandelier (voir Bulletin de la Société de Rouen, juillet 1878, rapport de M. Qucsnel). Le tissu est tendu entre deux rouleaux et animé d’un mouvement de translation. A cet effet, sur un bâti solidement établi, sont posés des rouleaux horizontaux, sur lesquels glisse la pièce. Celle-ci est attirée par un dernier rouleau situé au-dessous des autres, garni de cardes, et qui reçoit le mouvement de la machine; elle est maintenue tendue par un premier rouleau disposé dans le même plan horizontal que l’autre, également garni de cardes, mais en sens inverse, rouleau qu’elle doit faire tourner pendant son mouvement de translation. Un frein rend cet entraînement plus ou moins dur, et permet de régler la tension du tissu. Les rouleaux intermédiaires sur lesquels glisse la pièce sont au nombre de quatre, et disposés par paires. Dans l’intervalle moyen entre chaque paire, le tissu passe sous un rouleau médian plus gros, situé dans le plan des deux rouleaux à cardes extrêmes. Les deux rouleaux de chaque paire sont à une distance convenable Tun de l’autre; et c’est dans ces deux espaces, où la pièce se trouve tendue librement, que s’opère le travail de grattage ou de tirage à poil. Ce travail est donc double dans le même temps, et l’on peut donner deux tirages à poil successifs dans deux sens différents, suivant le mode d’enroulement des chardons. Les appareils travailleurs qui s’appliquent sur le tissu dans les
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- deux parties tendues se composent de rouleaux courts, garnis de pointes de cardes, et forment un chardon.
- Ces rouleaux, dont l’axe de rotation est horizontal et disposé dans la direction du mouvement de translation du tissu, sont en contact avec sa face supérieure et tournent dans un sens perpendiculaire à celui de translation. Dans ces conditions, il est évident que le rouleau va tirer à poil, suivant la génératrice du contact. Si on lui communique, en même temps que son mouvement de rotation autour de son axe, un mouvement de va-et-vient dans le sens horizontal et perpendiculairement au sens du mouvement du tissu, on conçoit que la génératrice de contact se déplacera de toute l’étendue du mouvement de va-et-vient, et le tirage à poil sera effectué sur toute cette surface. Enfin, si nous réunissons plusieurs éléments semblables, juxtaposés, le travail couvrira toute la largeur de l’étoffe.
- Les rouleaux-chardons et les rouleaux-nettoyeurs superposés sont fixés sur un cadre qui reçoit mécaniquement le mouvement de va-et-vient; enfin un arbre qui participe à ce mouvement détermine leur rotation simultanée.
- Cette machine, dont nous avons cherché à donner une idée aussi nette que possible, sans le secours d’une figure (voir la publication citée à cet effet), donne un travail régulier dans toutes les parties du tissu, et ne fatigue pas l’étoffe.
- Les vitesses imprimées aux divers éléments de l’appareil doivent varier avec la nature plus ou moins intense du tirage à poil que l’on veut obtenir. La vitesse de sortie du tissu varie de 6 à q mètres par minute.
- On comprend aussi qu’en modifiant convenablement la forme, la grandeur et la position des appareils travailleurs, qu’en réservant certaines portions du tissu qui se trouveraient soustraites à l’action des cardes, on puisse varier à l’infini les effets produits et l’apparence de l’étoffe.
- Le blanchiment et l’apprêt pour blanc des tissus de coton donnent lieu à une grande variété de produits changeant avec les besoins de la mode et qui se distinguent par la nature du tissu, par le degré de blanc réalisé, par la composition de l’apprêt et
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- les manipulations mécaniques auxquelles on soumet les pièces. Cette industrie se trouvait largement représentée dans la section française et manquait presque complètement dans les sections étrangères; la Russie seule a concouru avec un exposant, MM. Pous-tovaloff et Pfeiffer, dont les piqués pour couvertures étaient remarquables par la blancheur et la beauté de l’apprêt.
- La qualité supérieure des produits de toute espèce présentés par les principales maisons françaises témoigne des soins apportés dans la fabrication et des progrès réalisés dans les méthodes de travail. La section belge et la section française offraient de très remarquables spécimens de fds de lin et de chanvre crémés, ocrés et blanchis.
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- TEINTURE ET IMPRESSION.
- Le jury de la classe Zi8 a regretté de ne pas avoir eu à juger l’exposition des toiles peintes dans son ensemble, une grande partie des tissus imprimés ayant été réservée à l’examen du jury d’une autre classe. Ce n’est donc que par un nombre relativement très restreint de vitrines, tant en France qu’à l’étranger, que les jurés de la classe 48 ont pu se rendre compte des progrès accomplis dans Y impression.
- Les progrès sont remarquables à plus d’un point de vue, aussi bien en ce qui touche la teinture qu’en ce qui est relatif à l’impression. Ils tiennent, d’une part, à l’intervention des matières colorantes artificielles nouvelles, et, d’un autre côté, aux méthodes perfectionnées de fixation et de développement des couleurs sur la fibre.
- La grande multiplicité des matières colorantes de toute espèce et de toute nuance dont on dispose aujourd’hui, et dont le nombre augmente chaque année, est de nature à faciliter et à simplifier beaucoup le travail de la teinture et de l’impression. Le fabricant trouve non seulement toutes les nuances dont il peut avoir besoin pour exécuter un dessin ou un type donné; mais il est encore maître de choisir convenablement celles qui, se fixant
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- aux mêmes conditions, soit par teinture, soit par vaporisage ou encore par le moyen d’un fixateur plastique, tel que l’albumine, lui permettent d’imprimer et de fixer simultanément toutes les couleurs d’un dessin. Ainsi, par exemple, dans l’article meuble grand teint, le tissu était d’abord imprimé en mordants; ceux-ci étaient fixés par les opérations de l’exposition en cbambre chaude et humide et du passage au bain de bouse; on teignait en garance, puis on procédait à l’avivage; restait enfin à rentrer, par voie d’impression, les couleurs d’enluminage. Tout cela prenait beaucoup de temps, et une pièce blanche restait des semaines pour revenir à l’atelier d’apprêtage et de pliage. Grâce aux extraits de garance et aux couleurs d’anthracène, il suffit aujourd’hui d’imprimer à la machine à plusieurs couleurs 'et de vaporiser simultanément les nuances grand teint et les couleurs d’enluminage.
- Pour 1 es fibres végétales et notamment le coton, les couleurs grand teint offrent dans la teinture et l’impression une importance exceptionnelle. Parmi elles figurent, en première ligne, les teintes produites par les couleurs d’anthracène, par l’indigo et l’aniline. Nous nous arrêterons plus particulièrement à ces types qui ont donné lieu aux perfectionnements les plusjioinbrcux et les plus intéressants :
- Teinture et impression en garance et dérivés, en couleurs dtanilira-cène.
- Lors de l’Exposition universelle de 1867, il n’était nullement question d’alizarine artificielle. Toutes les teintures solides, les rouges, les roses, les violets, les lilas, les puces, étaient obtenues par teinture ou par impression avec les dérivés de la garance, tels que fleur de garance ou garance lavée, garancine, extraits divers. Généralement, à cette époque, on teignait avec l’un ou l’autre de ces produits, après avoir mordancé la fibre uniformément ou par places avec une préparation à base d’hydrate d’alumine ou de peroxyde de fer, ou d’un mélange de ces deux corps. La teinture était suivie de diverses opérations destinées à débarrasser les portions blanches réservées par la gravure de la
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- teinte rougeâtre quelles prennent toujours au bain colorant, et aussi à donner aux nuances l’éclat et la pureté désirables.
- Cependant, vers cette époque, on vit apparaître les premiers spécimens sérieux d’un genre nouveau, dont la réalisation avait été l’objet de nombreuses tentatives. Nous voulons parler de la fixation directe des couleurs de garance par voie d’impression et par vaporisage. L’insuccès ou le succès trop incomplet des essais dirigés dans cette voie, notamment par Persoz et par M. Albert Hartmann, de Mulhouse, tenait surtout à l’imperfection des extraits de garance utilisés. Rien n’est en effet plus difficile que d’isoler industriellement les pigments de la garance, l’alizarine et la purpurine, de les séparer des substances résineuses qui les accompagnent dans la garance, et dont la solubilité dans divers dissolvants est analogue.
- E. Kopp indiqua, le premier, une méthode très originale pour préparer l’alizarine et la purpurine â peu près pures. En utilisant ces produits, fabriqués industriellement par MM. Schaaff et Lauth, de Strasbourg, la maison Scheurer-Rott, de Thann, arrivait à réaliser les belles impressions directes de couleur de garance, si remarquées à l’Exposition de 1867. Depuis lors, le genre rouge, rose et violet solides, par vaporisage, s’est développé dans des proportions inattendues, et a remplacé presque entièrement la teinture en bain des pièces imprimées en mordant. Plusieurs causes ont contribué à cette rapide extension et à cette révolution si complète dans les procédés de fabrication. D’une part, les industriels ont eu à leur disposition, à des prix abordables, des produits tinctoriaux de plus en plus abondants et de qualité supérieure. A l’extrait deM. Kopp est venu se joindre celui de la maison Ch. Meis-sonnier, qui a joui pendant longtemps d’une vogue justifiée par la beauté des rouges qu’il donnait à l’impression.
- Rientôt après, l’alizarine artificielle, fabriquée aujourd’hui sur une vaste échelle à des prix exceptionnellement bas, a permis non seulement de substituer partout l’impression directe à la teinture, mais encore de multiplier notablement les articles rouges et violets à l’alizarine.
- D’un autre côté, on est arrivé à mieux utiliser les matières colo-
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- rantes, à tirer parti des produits secondaires qui se forment dans Gr. V. la fabrication de l’alizarine artificielle, tels que Tisopurpurine, restée longtemps sans application utile.
- Pour bien comprendre ce que nous avons à dire sur tous ces progrès très importants, il est nécessaire de rappeler en quelques lignes le rôle des principales matières colorantes dérivées de la garance ou de Tanthracène, et d’indiquer les conditions les plus favorables à leur fixation, telles qu’elles résultent de l’expérience technique et des récents travaux de M. Rosenstiehi sur cette question (Bulletin de la Société industrielle de Rouen, octobre et décembre 187b). L’alizarine chimiquement pure délayée dans l’eau distillée ne sature pas en teinture les mordants de fer et d’alumine. Pour arriver à la saturation, la présence d’un peu de carbonate de chaux est nécessaire. Si l’on emploie, au contraire, de l’eau calcaire, une partie de l’acide carbonique est déplacée à chaud ; il se forme une combinaison calcaire d’alizarine qui colore le liquide en violet. En portant celui-ci à l’ébullition, on détermine la séparation de cette laque sous forme d’un précipité violacé très ténu, et le bain ne teint plus, à moins qu’on ne fasse intervenir l’acide carbonique comme dissolvant de la laque.
- Le rendement le plus élevé comme nuance est atteint avec un équivalent de sel calcaire pour un équivalent de matière colorante. 11 résulte de cette observation que la fixation de l’alizarine pure, au moyen d’un mordant de fer ou d’alumine, réclame, pour être aussi complète que possible, le concours d’une certaine proportion de chaux, et qu’en réalité la couleur fixée au tissu est un composé ternaire à base d’oxyde de fer ou d’alumine et d’oxyde alcalino-terreux.
- Les mordants d’alumine prennent, avec l’alizarine pure, une nuance rouge violacé qui paraît équivalente au n° 0 ou 1 du violet rouge de l’échelle chromatique de M. Chevreul, avec un dixième de rabat. Les mordants de fer donnent une nuance voisine du n° 1 du violet bleu avec un à deux dixièmes de rabat. Ces nuances résistent très bien au soleil et à l’eau de savon. Ce sont surtout les teintes résultant de la combinaison de l’alizarine avec les mordants de fer qui sont recherchées. Contrairement à ce qui
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- arrive avec l’alizarine, la purpurine G14 H8 O5 teint facilement les mordants dans l’eau distillée. Les mordants de fer donnent le violet bleu n° 2 avec trois dixièmes de rabat; les mordants d’alumine se teignent en violet rouge n° h. Sous l’influence de l’eau de savon bouillante, ces nuances subissent un virage remarquable. Le rouge à l’alumine devient franchement rouge, n° 0 du rouge des tables chromatiques, et prend beaucoup d’éclat. Le rose se rapproche d’un orangé rouge clair; le violet s’affaiblit et devient plus terne. M. Rosenstiehl admet que le virage est dû à la transformation de la purpurine en un hydrate qui a été signalé par M. Schützenberger parmi les matières colorantes de la garance.
- Comme pour l’alizarine, les rendements les plus avantageux en teinture correspondent à l’emploi d’équivalents égaux de carbonate de chaux et de matières colorantes.
- Les couleurs de purpurine supportent les opérations du savonnage et de l’avivage aussi bien que celles d’alizarine; elles résistent moins longtemps à l’action directe du soleil.
- Les conclusions pratiques que l’on peut tirer de cette étude sont les suivantes :
- L’alizarine seule donne de beaux violets avec les mordants de fer. Plus un dérivé de la garance contient de purpurine libre, moins il est apte à produire du violet.
- Les rouges et les roses exigent le concours de l’alizarine et de la purpurine ou de son hydrate. La proportion des deux pigments pour l’obtention d’un beau rouge peut être évaluée à A5 parties d’alizarine pour 55 parties de purpurine. La laque formée sur le tissu renferme l’aluminium et le calcium dans les rapports Al4 Ca8.
- Les expériences de M. Rosenstiehl ont, de plus, montré que l’acétate de chaux peut remplacer avantageusement le carbonate. Pendant la teinture, une partie de la chaux de ce sel se fixe sur la laque.
- D’après ces intéressantes recherches confirmant celles de M. Camille Kœchlin sur la même question et rendant compte des observations de la pratique industrielle, les deux pigments qui jouent
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- un rôle important dans Remploi de la garance et de ses dérivés sont l’alizarine et la purpurine. Ils présentent entre eux une relation de composition très simple, relation mise en lumière par les travaux de MM. Schützenberger et Schifîert. La purpurine ne diffère de l’alizarine que par un atome d’oxygène en plus. L’alizarine artificielle ne pouvait donc se substituer au produit de culture que dans une partie de ses applications; l’impression et la teinture restaient tributaires de la garance pour tous les genres réclamant une nuance rouge vif ou rouge orangé, que la purpurine, associée à l’alizarine, pouvait seule fournir. Les progrès des synthèses chimiques ne tardèrent pas à enlever aux contrées affectées à la culture de la garance cette dernière ressource de durée pour leur industrie.
- En modifiant convenablement les conditions de la préparation de l’alizarine artificielle, on obtient des produits isomères de la purpurine qui furent livrés au commerce sous le nom d’isopurpurine; Remploi de ces dérivés ne fut pas dès l’abord aisé, et l’on ne parvint à les fixer par impression et par teinture, avec l’éclat, la solidité et la résistance au savon et au chlore réclamées pour les genres grand teint, que du moment où l’on fit intervenir, en même temps que les mordants ordinaires, certaines préparations à base de corps gras modifiés par l’acide sulfurique: sulfooléates, sulforicinates, etc.
- L’emploi et l’utilisation de ces préparations dans ce but sont surtout dues à M. Horace Kœchlin.
- D’un autre côté, M. F. de Lalande, ancien élève de l’Ecole polytechnique, réalisait, au laboratoire de la Sorbonne, la synthèse de la purpurine vraie, en oxydant l’alizarine par un mélange d’acide sulfurique et de bioxyde de manganèse ou d’acide arsé-nique. On est donc maître, à l’heure qu’il est, de tirer du goudron de houille tout ce que les racines des rubiacées peuvent fournir d’utile.
- Peu de temps après, M. Maurice Prudhomme, également ancien élève de l’Ecole polytechnique, et du laboratoire de la Sorbonne, transformait l’alizarine par une réaction aussi neuve qu’inattendue en une belle matière colorante bleue: le bleu d’alizarine ou d’an-
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- thracène; ce dernier produit vient, avec le jaune d’alizarine ou alizarine nitrée, compléter la gamme des couleurs dérivées du carbure C14H10. Le dernier mot n’est pas encore dit sur son avenir. Déjà une fabrique d’Allemagne est arrivée à le livrer à la consommation à des prix qui demandent encore à être abaissés. La beauté des nuances bleues qu’il fournit par impression et par teinture, avec les mordants de fer ou de fer et de chrome, lui permettront peut-être de rivaliser avec l’indigo. L’Exposition a offert de beaux spécimens de tissus imprimés et de fds de coton teints à l’alizarine bleue. On doit les envisager comme des essais heureux et pleins de promesses, plutôt que comme les résultats d’une industrie déjà créée.
- Le bleu d’anthracène se forme par l’action de la chaleur sur un mélange d’acide sulfurique, de glycérine et de nitroalizarine. Sa composition, qui répond à la formule C17H9Az04, montre que les éléments de la glycérine se sont fixés sur la nitroalizarine, qui a subi en même temps une réduction.
- On a :
- G14 H7 ( Az O2 ) O4 + G3 H8 O3=C17 H9 Az O4 + 3H 20 + 2 0.
- Il fournit par l’impression des bleus assez vifs et d’une nuance supérieure à celle des bleus moyens d’application obtenus avec l’indigo. Il se fixe au moyen d’un mordant d’acétate de chrome additionné de chlorure de magnésium et d’une faible proportion de ferrocyanure d’ammonium. La couleur est imprimée sur tissu préparé à l’acide sulfoléique; on vaporise pendant longtemps, et l’on savonne à basse température, après avoir passé une ou deux minutes en eau de chaux bouillante.
- Cependant les nuances ainsi obtenues perdent leur reflet bleu sous des influences acides très faibles et prennent un ton bleu violet un peu gris.
- Selon M. Witz, elles offrent une moindre résistance à l’action de la lumière que l’indigo.
- Pour la teinture, on mordance les tissus de coton ou les éche-veaux avec une préparation indiquée par M. Lamy, et qui s’obtient
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- en mélangeant des solutions bouillantes de bichromate de potasse et de sulfate ferreux.
- Eau bouillante............................ g litres.
- Bichromate............................. 147 grammes.
- Eau bouillante............................ 1 litre.
- , Sulfate ferreux............................ 190 grammes.
- Après vingt-quatre heures de repos, on filtre et Ton étend à h degrés Baumé.
- La fibre imprégnée de cette préparation est séchée pendant deux jours à l’étendage, passée en silicate de soude et lavée. On teint enfin dans un bain monté avec de l’eau pure ou avec de l’eau calcaire corrigée par addition de soude caustique; il est bon d’ajouter au bain du savon de Marseille pour faciliter la solution du bleu d’anthracène. On entre à 5o degrés, et Ton monte au bouillon. Pour donner delà solidité à la nuance, on foularde après teinture au bain gras, et Ton vaporise.
- Les progrès importants que nous venons de signaler dans la fabrication des matières colorantes et dans les procédés de fixation ont donné aux genres fondés sur les nuances dérivées de l’anthra-cène une extension considérable.
- La production journalière en alizarine sèche s’élève à près de 4,ooo kilogrammes pour l’ensemble des établissements.
- Le district de Manchester emploie à lui seul 100,000 kilogrammes de pâte à 10 p. 0/0 par mois. La fabrication du rouge turc a été plus que décuplée, et, dans un seul établissement de Glascow, elle consomme à cet effet i,5oo kilogrammes de pâte à 10 p. 0/0. Cette dernière industrie se trouvait largement et brillamment représentée à l’Exposition de 1878, aussi bien en France qu’à l’étranger et notamment dans les sections suisse, belge, anglaise et espagnole. Ses progrès et son développement sont dus non seulement à l’emploi d’une matière tinctoriale d’un prix beaucoup moins élevé que la garance, mais aussi à des procédés plus rapides que les anciens traitemenls de la fibre avec les bains blancs formés d’huile tournante émulsionnée dans une solution alcaline.
- On atteint aujourd’hui, en quelques heures de manipulations, un
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- résultat supérieur à celui qui exigeait autrefois des jours et des semaines et une main-d’œuvre coûteuse. L’intervention des corps gras modifiés par l’acide sulfurique et d’un vaporisage à haute pression a permis de substituer l’isopurpurine à la purpurine naturelle.
- Dans l’intervalle des deux grandes expositions tenues à Paris, il s’est donc produit une révolution complète et radicale dans la fabrication de tous les articles grand teint en couleur de garance.
- La matière colorante a cessé d’être empruntée au règne végétal. Les moyens employés pour la fixer ont été remplacés partout par des procédés beaucoup plus rapides, plus simples et plus économiques.
- Le nombre des genres s’est accru dans des proportions très sérieuses.
- Tout en regrettant de voir les grands centres agricoles, tels que le comtat d’Avignon, privés brusquement d’une source de richesses importantes, on ne peut qu’applaudir aux conséquences économiques générales qu’a entraînées la belle et féconde découverte de MM. Graebe et Libermann.
- Indigo. — Plus heureux que la garance, l’indigo naturel conserve ^toujours le rang qu’il doit à sa solidité et à sa résistance plutôt qu’à la beauté des nuances réalisées avec son concours. Ni l’indigotine de synthèse, qui n’a pas encore paru dans le commerce, ni le bleu d’anthracène, dont le prix est beaucoup trop élevé, ne sont prêts à l’évincer.
- Insoluble à l’état bleu dans tous les dissolvants, elle ne peut se fixer sur fibre jusqu’à présent qu’après avoir subi une réduction, une transformation en indigo blanc, soluble dans les alcalis et les bases alcalino-terreuses. C’est l’ancien procédé des Indiens. Les progrès ne portent que sur la nature des agents réducteurs dont on se sert et dont l’emploi peut plus ou moins faciliter les opérations de teinture et d’impression.
- Dans la teinture du coton, on réduit l’indigo broyé au moyen d’un mélange de chaux éteinte et de vitriol vert; l’agent réducteur
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- est l’hydrate de protoxyde de fer; l’indigo blanc, formé aux dépens de l’indigotine, se dissout dans la cuve à la faveur de l’excès de chaux; la teinture se fait à froid en passant les pièces tendues sur un cadre ou dans une cuve à roulettes.
- Malgré quelques inconvénients que présente cette méthode, le bas prix du montage n’a pas permis de remplacer avantageusement le sulfate ferreux par d’autres réducteurs. La poudre de zinc proposée par Leuchs a néanmoins donné d’assez bons résultats et a été adoptée par certains fabricants.
- Cependant le dégagement continu d’hydrogène, occasionné par le contact de l’excès de zinc divisé avec la liqueur alcaline, tend à soulever le dépôt par intervalles et empêche de travailler en bain clair. C’est là une imperfection qui a fait du tort à l’extension de cette méthode de réduction.
- Avec la laine, la teinture ne se fait convenablement qu’à une température de 60 degrés centigrades environ, et les cuves au vitriol vert ne peuvent servir.
- C’est aux fermentations réductrices provoquées par le mélange de certaines substances organiques, telles que garance, son, glucose, etc., en présence de produits alcalins, que l’on s’adresse généralement pour transformer l’indigo bleu en indigo blanc.
- Les cuves de fermentation dites cuves allemandes, cuves au pastel, etc., sont d’un maniement très délicat et exigent une surveillance continue et les soins de praticiens exercés. Aussi le travail des cuves constitue-t-il une spécialité dont les teinturiers en laine et en drap sont tributaires. La moindre négligence amène une réaction trop énergique et la perte de doses considérables de matière colorante, qui est transformée en produits trop réduits et impropres à régénérer l’indigo bleu.
- MM.Schützenbergeret de Lalande ont introduit, depuis quelques années, dans cette industrie un nouveau réducteur qui a déjà rendu de grands services pour la teinture des draps, et qui est appelé à se généraliser.
- L’hydrosulfite de soude, mis en présence de l’indigo bleu et d’une base alcaline ou alcalino-terreuse, provoque aussitôt la dissolution et la réduction de la matière colorante; cette dissolution
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- concentrée peut être ajoutée aux bains de teinture portés au degré de chaleur convenable.
- On obtient des bains clairs dans lesquels la teinture s’effectue avec la même facilité que dans tout autre bain et où les dangers de destruction sont complètement écartés. Avec les draps, on se sert de cuves à roulettes. Les pièces, après avoir circulé dans le liquide pendant dix minutes environ, sont exprimées entre deux rouleaux et passent sur des roulettes disposées au-dessus de la cuve, où elles sont assez longtemps exposées à l’air pour que l’oxydation et le déverdissage soient complets. Il ne reste plus qu’à laver et à foulonner. Les pièces de coton se traitent de la même manière.
- On a encore utilisé l’action énergiquement réductrice de Thy-drosulfite de soude dans l’impression directe de l’indigo. Une solution alcaline concentrée d’indigo blanc, additionnée d’un excès d’hydrosulfite de soude et épaissie à la gomme, peut être imprimée au rouleau sans qu’il y ait oxydation trop rapide; la liqueur a le temps de pénétrer dans la fibre et ne verdit que lorsque la pièce vient se sécher le long de la plaque chaude qui fait suite à la machine. C’est la présence d’un excès de réducteur dissous, qui agit efiicacement dans ce cas et qui permet d’imprimer impunément une des solutions les plus altérables à l’air que l’on connaisse {indigo blanc en solution alcaline}.
- Un grand nombre de pièces ont été imprimées par cette méthode par les fabricants de Normandie. La teinture des draps à la cuve à Thydrosulfite s’effectue aujourd’hui sur une grande échelle dans le département du Nord, à Lille, à Roubaix et dans les centres où se travaillent les draps. L’industrie anglaise a également adopté ce perfectionnement sur une large base. Les expositions de la maison Desca't-Leleux, de Lille, et de MM. A. Motte et Clu, d’Amiens, offraient des spécimens de drap bleu foncé teint à l’indigo réduit par le procédé de MM. Schützenberger et de Lalande.
- Noir d’aniline. — 11 se place au premier rang des couleurs solides. Découvert en 1862 par John Lightfoot, d’Accrington, il eut le privilège de fixer, dès le début, l’attention et les efforts des chimistes industriels, comme le témoignent les nombreuses publi—
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- cations qu’il a provoquées. Malgré la date déjà ancienne de son apparition, le noir d’aniline mérite que nous nous y arrêtions plus particulièrement, pour signaler les progrès continus et très sérieux réalisés dans son emploi pendant les dix dernières années.
- Nous rappellerons en quelques mots son histoire jusqu a l’Exposition universelle de 1867, et nous donnerons plus de développements aux travaux récents.
- Lorsqu’on réunit dans un même milieu liquide un sel d’aniline soluble, tel que le chlorhydrate et certains agents oxydants, on voit la solution se colorer en vert d’abord, puis foncer en teinte, en déposant une matière floconneuse d’une couleur noir verdâtre (jui peut faire prendre le tout en masse épaisse, si la proportion des substances réagissantes est assez grande. La nuance du précipité peut varier suivant les conditions dans lesquelles s’est opérée l’oxydation ; mais, une fois formé et séparé, il refuse de se dissoudre dans tous les réactifs acides, alcalins, etc. Ce dépôt, qui est la base plus ou moins achevée du noir d’aniline, se comporte donc comme une matière inerte, comparable par son insolubilité au noir de charbon; il est impropre à se prêter à des opérations de teinture et d’impression. Tout au plus pourrait-on songer à le fixer sur tissus au moyen des substances plastiques, telles que l’albumine. Le noir d’aniline ne peut donc être fabriqué à la manière des autres couleurs dérivées du goudron et livré ensuite à la consommation pour être fixé sur libre textile par l’une des méthodes usitées à cet effet.
- Pour en tirer parti, on doit le former de toutes pièces en présence de la fibre à laquelle il adhérera ensuite, grâce à son insolubilité complète. C’est ainsi que l’on a procédé dès le début.
- Avant 1860, M. Willm (Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse, t. XXX) avait constaté qu’en traitant une solution de chlorhydrate d’aniline par une petite quantité de chlorate de potasse, il se produit un précipité vert et une liqueur brune. Une feuille de papier Joseph, imprégnée de celte eau mère foncée et exposée à l’air à ko ou 5o degrés, se colore en vert foncé. Crace Calvert, Lorde et Clift cherchèrent à utiliser cette couleur verte, qu’ils appelèrent émcraldine, en la formant sur la fibre. Ils imprimaient Classe 48.
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- un mélange cle sel d’aniline, d’empois d’amidon et de chlorate de potasse. Dans ces conditions, on n’obtient pas de noir, mais un vert, passant au bleu sous l’influence des alcalis. Ligbtfoot, par une heureuse modification dans la composition de la préparation pour vert, parvint à développer la belle couleur noir bleuté connue sous le nom de noir d’aniline.
- Les éléments essentiels de la préparation à imprimer ou à plaquer pour noir de Lightfoot sont : le chlorhydrate d’aniline, le chlorate de potasse, un sel de cuivre et quelquefois un acide organique, ou mieux du sel ammoniacal. La couleur n’existe pas au moment de l’impression, mais elle se dévoloppe peu à peu sur le tissu, dans la chambre d’oxydation.
- Donnons, pour fixer les idées, une des recettes anciennes :
- Eau................. ........ 2,2 5oK' ) Cuire pour empois
- Amidon....................... 2^5 J et y dissoudre à chaud.
- Chlorate de potasse..... 5 G
- Sulfate de cuivre....... 56
- Remuer jusqu’à complet refroidissement, puis ajouter 175 gr. de chlorhydrate d’aniline. Imprimer, sécher à une douce chaleur et exposer pendant quarante-huit heures dans une chambre humide chauffée à 3o degrés centigrades. Passer dans un bain de bichromate à 6 p. 0/0 et laver à l’eau courante.
- L’emploi de ce procédé rencontra au début de grandes difficultés. La forte quantité de sels de cuivre contenue dans la couleur acide détermine l’attaque des racles et des rouleaux, et la fibre textile est toujours plus ou moins brûlée ou altérée; enfin la couleur ne se conserve pas longtemps, et le noir insoluble s’y développe à la température ordinaire, avant l’impression. On chercha de plusieurs manières à remédier à ces inconvénients, qui menaçaient la découverte au berceau. M. C. Kœchlin proposa de plaquer le tissu en sel de cuivre au lieu d’introduire celui-ci dans la couleur. M. Cordillot remplaça le sulfate de cuivre par du ferri-cyanure ammonique.
- Enfin M. Ch. Lauth eut l’heureuse inspiration de ne s’écarter du procédé de Lightfoot, qui donne la plus belle nuance du noir,
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- que tout juste assez pour éviter les graves inconvénients signalés plus haut. Il remplace le sulfate de cuivre soluble par du sulfure de cuivre précipité, susceptible de se changer par oxydation en sulfate, mais sur le tissu seulement.
- Le perfectionnement de M. Lauth rendit pratique et possible l’application de la découverte de Lightfoot. Malgré cela, l’opération du développement restait toujours une opération délicate et un peu capricieuse.
- Les choses en étaient à peu près là en 1867, et, bien que des modifications nombreuses eussent été proposées, le procédé de M. Lauth était le plus généralement suivi et adopté; il a rendu de très réels et sérieux services à l’industrie des toiles peintes.
- Le noir d’aniline ne possède pas, après l’aérage, la teinte définitive sous laquelle on le connaît. Il est verdâtre; ce n’est qu’au lavage, et à mesure du départ de l’acide, qu’il prend la pureté et l’intensité définitives. Il a alors un reflet noir velouté très riche qui passe au vert par les acides; mais les alcalis ramènent la nuance primitive. Le bichromate de potasse employé avec ménagement augmente l’intensité du noir; employé en excès, il le fait roussir. Le chlore et les hypochloritcs le détruisent.
- L’obtention du noir au moyen de ferricyanure ammonique sans sel de cuivre, sa production par l’emploi du chlorate d’ammoniaque seul, ont fait penser que les sels de cuivre, bien que favorables au développement de la couleur, n’étaient pas indispensables.
- Mais on reconnut bientôt que les conséquences tirées des résultats précédents reposaient sur une illusion. Les expériences de M. Ro-senstiehl ont en effet montré que les chlorates seuls ne suffisent pas, que le cuivre est bien nécessaire, mais aussi que la plus petite quantité suffit. Un mélange de sel d’aniline et de chlorate cl’am-moniaque imprimé sur coton avec une planche en bois ne se colore pas; mais il suffit d’y appliquer un cachet en cuivre pour voir apparaître l’empreinte en gris. Dans les couleurs aux chlorates exemptes de cuivre, le noir se forme parce que l’on imprime avec des rouleaux de cuivre.
- Des observations plus récentes ont établi que le rôle de ce métal
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- peut être rempli par d’autres éléments, quelquefois avec avantage. Les composés vanadiques entre autres possèdent à un degré très remarquable la faculté de développer le noir d’aniline, même quand on les emploie à très petites doses. L’usage du vanadium a permis de régulariser d’une façon très remarquable l’impression et la formation du noir et constitue un progrès digne d’être signalé. Dès le mois d’avril de l’année 1871, John Lightfoot, l’inventeur du noir, mentionna le vanadium comme le plus convenable pour oxyder les mélanges de noir pour l’impression. A la même époque, Robert Pinkney, de la maison Blackwood et C"', de Londres, arrivait aux mêmes résultats dans des recherches poursuivies pour améliorer une encre à marquer à base de sel d’aniline et de chlorate de soude, encre qui fut brevetée le 1 6 octobre 1871.
- L’attention a été appelée sur ce sujet par un mémoire de M. An-tony Guyard, présenté à la Société chimique de Paris en 1876. Ce mémoire a été le point de départ de très intéressantes recherches de M. Witz, publiées dans le Bulletin de la Société industrielle de Bouen (4° année, n° 4), recherches qui ont mis en pleine lumière les grands avantages résultant de la substitution du vanadium au cuivre.
- M. Witz est arrivé à employer dans l’impression une proportion de vanadium tellement minime, qu’elle annule les entraves résultant du haut prix de ce corps simple si rare.
- Il suffit de prendre une quantité de vanadium correspondant au ou au du poids de chlorhydrate d’aniline pour obtenir, par impression, une oxydation suffisante en peu de jours, à la température de 2 5 degrés centigrades. Pratiquement on peut adopter environ du poids du chlorhydrate d’aniline pour les couleurs à 80 grammes de ce sel formant un litre.
- Le sel ammoniac, considéré comme indispensable dans les noirs au cuivre, peut être supprimé sans inconvénient lorsqu’on agit avec le vanadium.
- En résumé, l’impression sur coton du noir d’aniline au vanadium, sans autre métal, offre les avantages suivants :
- Amélioration de la richesse du noir et de la netteté de l’impression ;
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- Facilité de régler à volonté la durée de l’oxydation;
- Conservation très longue de la couleur épaissie ;
- Préparation simple et économique.
- Nous arrivons à parler d’un grave défaut offert par le noir développé et achevé, et dont l’influence aurait pu être fâcheuse pour le succès de cette couleur, si l’on n’était pas arrivé à le combattre, en partie du moins: sous certaines influences, le noir d’aniline est sujet à verdir.
- Les émanations sulfureuses, si fréquentes et si générales partout où l’on brûle de la houille, modifient lentement ou rapidement, selon leur concentration, la belle nuance noir bleuté et veloutée et la changent en une teinte vert sale foncé. Il est vrai que l’altération disparaît en partie au savonnage; mais il n’en est pas moins désagréable de voir les pièces conservées en magasin se gâter partout où elles restent exposées à l’action de ces émanations réductrices.
- On savait cependant que le noir au ferricyanure ammonique, imprimé, oxydé et ensuite vaporisé pendant assez longtemps, n’était pas sujet à verdir.
- Les travaux de M. Jeanmaire, chimiste de MM. Kœchlin frères, et ceux de M. Cam. Kœchlin conduisirent à la notion que le noir d’aniline de simple aérage est un noir inachevé, et qu’on lui donne la fixité convenable et la résistance réclamée en l’oxydant davantage, soit par l’acide ferricyanhydrique, soit par le nitrate ferrique, l’acide chromique, les nitrites, l’acide sulfazotique, etc. En devenant inverdissable, le noir atteint son plus beau degré de nuance.
- L’utilisation de la réaction de Lightfoot pour l’impression des fibres animales et notamment de la laine offre plus de difficultés que sur coton. Le noir ne se développe pas aussi facilement, à moins que la laine n’ait été préalablement oxydée par le chlore ou les hypochlorites. Jusqu’à présent le noir d’aniline paraît limité dans ses emplois aux fibres végétales.
- La teinture du coton en noir d’aniline a exercé la sagacité des praticiens, et ce n’est que depuis 1870 que l’on est arrivé à réussir d’une manière pratique.
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- En 1869 , M. Ch. Lauth proposait de mordancer en bioxyde de manganèse et de teindre en sel acide d’aniline. M. J. Persoz mor-dançait en chromate de plomb et teignait également en sel acide d’aniline. Ces premières tentatives séparaient, comme on le voit, l’introduction de l’agent oxydant dans la fibre de celle de l’agent colorable, le sel cl’aniline. On a reconnu, depuis, que les deux ordres de corps peuvent être introduits simultanément dans le bain, si on place celui-ci dans certaines conditions, et que la fibre immergée est susceptible d’absorber et de fixer par une espèce d’attraction de capillarité la matière colorante oxydée et insoluble, qui se forme lentement et peu à peu.
- Il est difficile de décider, en face des opinions contradictoires publiées sur ce point de priorité, à qui appartient la première application de la méthode de teinture en noir en bain plein.
- M. Girardin (Renseignements sur la découverte de la teinture en noir d’aniline, dans le Bulletin de la Société industrielle de Rouen, 6'' année, cahier n° 5) attribue la découverte à M. Karl Stalar, de Lille (1867); mais il ne donne aucun détail sur le procédé employé.
- M. S. Grawitz revendique pour lui la propriété et la priorité de la méthode de teinture en bain plein. Les agents colorables et oxydants dont il se sert: sel d’aniline, sels ferriques, acide chro-mique, etc., sont ceux dont on avait fait usage et essayé l’emploi dès les premiers temps de la découverte du noir. La nouveauté résiderait seulement dans l’observation qu’il est possible de mélanger dans un même bain l’agent oxydant et le sel d’aniline et d’y teindre comme on le fait avec les matières colorantes en général. Le noir se fixe en même temps qu’il se développe par oxydation, et le bain reste à peu près clair.
- Nous mettrons d’autant plus de réserve à nous prononcer, que la question est encore pendante devant les tribunaux.
- D’après les recherches de M. Witz,les composés vanadiques seraient également appelés à jouer un rôle dans la teinture du coton et de la laine.
- M. Ladureau( Comptes rendus de la quatrième session de lé Association française) a proposé d’imprégner la fibre avec une dissolution de sel d’aniline mélangée avec du sel ferreux et du chlorure de man-
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- ganèse, de laisser o xyder à Pair et de passer en bichromate. Cette Gr. V. méthode n’est pas entrée dans la pratique.
- Pour expliquer le développement du noir, on a imaginé deux théories. D’après l’une, l’oxyde cuivrique ou tout autre composé qui peut le remplacer, oxyde de vanadium, par exemple, servirait d’intermédiaire entre l’acide chlorique et l’aniline. Il oxyderait l’aniline, en passant à un degré inférieur d’oxydation. Celui-ci réduirait à son tour l’acide chlorique pour repasser à l’état d’oxyde supérieur, capable de colorer une nouvelle dose d’aniline. On explique ainsi, en effet, comment de faibles doses de cuivre ou de vanadium peuvent opérer la transformation de fortes proportions d’aniline.
- Certains faits d’expérience semblaient cependant contraires à cette interprétation.
- M. Rosenstiehl admet, de son côté, que l’oxyde de cuivre agit surtout en donnant lieu à la formation de chlorate cuivrique, sel qui est beaucoup plus instable et plus oxydant que les autres chlo-r ates; l’oxyde de vanadium produirait un effet du même ordre. Il est certain que les sels cuivriques seuls ne donnent pas de noir, ce qui devrait être si la première théorie était exacte.
- Couleurs solides diverses. — Mentionnons encore, parmi les teintures solides' diverses qui ont fait leur apparition dans la classe A8, les couleurs à la galléine, à la céruléine, dont la fixation est aisée et exige le concours des mordants métalliques usités pour les couleurs végétales. Ces deux nouvelles matières colorantes ont été obtenues par l’action réciproque de l’acide pyrogallique et de l’acide phtalique anhydres.
- M. Collin a cherché des méthodes pour fixer la matière colorante bleue, insoluble, découverte il y a longtemps par M. Coupier et connue sous le nom de bleu Coupier.
- Ce produit dérive de l’aniline et possède quelques-unes des qualités de l’indigo qu’il pourrait remplacer en partie si l’on parvenait à trouver un procédé d’application pratique et économique.
- Réduite par le zinc en poudre en bain acide, elle finit par se fixer sur la laine et à communiquer à la fibre une belle teinte bleu
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- tenu en vase clos. Les échantillons présentés au jury semblaient Cl 48 1 o *)
- satisfaisants en ce qui concerne la beauté, l’intensité et la solidité
- de la nuance. L’avenir apprendra si le procédé de M. Collin est
- susceptible de passer dans la grande pratique industrielle.
- Le cachou de Laval, produit découvert par M. Bretonnière et fabriqué depuis quelques années dans la maison de M. Poirrier, par l’action des sulfures alcalins sur certaines substances organiques, cellulose, etc., est susceptible de fournir en teinture des nuances modes particulières, plus faciles à obtenir par ce moyen que par le mélange de plusieurs colorants. Il s’emploie à une température voisine de 5o à 6o degrés:
- i° Seul, pour obtenir des gris modes;
- y0 Viré par les acides et le cbromate, pour les nuances noisettes et modes plus ou moins foncées ;
- 3° Avec les sels métalliques, tels que sels ferreux ou cuivriques.
- En ce qui touche les couleurs faux teint plus ou moins vives, les progrès constatés dans la fabrication résident plutôt dans la disposition des genres, dans l’emploi de nouvelles matières colorantes mises à la disposition des industriels par les fabricants de produits chimiques, ainsi que dans des procédés nouveaux et intéressants pour fixer les couleurs.
- L’épaillage chimique de la laine, c’est-à-dire la destruction par les agents chimiques des matières végétales mélangées à la laine simplement cardée ou transformée en drap, a fait, dans ces dernières années, des progrès marqués. Deux méthodes distinctes se trouvaient représentées à l’Exposition.
- Dans la section belge, M. Müllendorf a présenté un appareil destiné à soumettre la laine à l’action du gaz chlorhydrique à une température voisine de îoo degrés.
- M. Raulin traite, au contraire, la laine, tassée fortement par de l’eau chargée d’acide sulfurique. Après imprégnation et égouttage, il fait passer de l’air chaud à travers la masse et sans la déplacer; l’acide est ainsi amené au degré de concentration voulu
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- BLANCHIMENT, TEINTURE, IMPRESSION, APPRÊTS. Al
- pour effectuer la destruction des parties végétales; le lavage à l’eau et le séchage se font dans le même appareil.
- Il en résulte que la laine n’est pas sujette à se feutrer.
- L’emploi des acides pour l’épaillage constitue une économie sérieuse de main-d’œuvre. Il est dû à Frezon, qui n’a, du reste, fait que transporter au drap et à la laine un procédé connu depuis longtemps et employé pour régénérer la laine des vieux chiffons chaîne coton.
- ScHUTZENBERGER.
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- Avant de parler des progrès et des perfectionnements qui sont à signaler dans le blanchiment et dans la teinture à l’Exposition universelle de 1878, nous croyons devoir donner un aperçu sommaire des procédés de fabrication en usage dans la plupart des manufactures. Ces procédés ne se modifient que progressivement dans une industrie aussi considérable et surtout aussi ancienne que celle qui nous occupe ; les machines et les appareils sont coûteux, et entre deux expositions successives, c’est-à-dire dans une période de dix à douze ans, on retrouve sensiblement le même outillage; nous aurons donc plus de perfectionnements que de découvertes entièrement originales à signaler.
- I
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- Lorsque les tissus sortent du tissage, ils sont imprégnés de gélatine, c’est-à-dire d’une colle connue sous le nom de parement, qui a servi à encoller les fils de chaîne afin de leur donner plus de résistance pour supporter le travail du métier. Ils sont, en outre, salis et tachés par l’huile qui provient du graissage des machines, et enfin les fibres elles-mêmes contiennent des corps gras qu’il est nécessaire d’enlever pour que les étoffes soient acceptées à la vente.
- Le blanchissage a pour but d’enlever d’abord toutes les impuretés que nous venons de signaler, puis de blanchir la matière textile dont la nuance naturelle est toujours jaunâtre.
- Le blanchissage s’applique : i° aux articles qui doivent rester tout à fait blancs; 20 aux articles destinés à l’impression, c’est-à-dire qui doivent recevoir des dessins variés de forme et de couleur,
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- hh
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- et dans lesquels des effets blancs devront presque toujours être ménagés.
- Le premier blanchissage, qui est le plus soigné et, par conséquent, le plus coûteux, porte le nom de blanc de vente; on appelle le second blanc d’impression.
- Avant de dégraisser les étoffes par les bains alcalins comme nous le verrons tout à l’heure, on commence par enlever le duvet formé par l’extrémité des filaments que le tordage des fils n’a pu maintenir. Ce duvet, qui masque le grain du tissu, se feutre très facilement ; il est donc important de le faire disparaître avant toute autre opération. Pour les blancs de vente, on emploie la machine appelée tondeuse, qui coupe les poils aussi près que possible du tissu. Pour les blancs ordinaires, on se sert de la flamme du gaz, qui grille le duvet sans altérer l’étoffe. La pièce se dégraisse ensuite en passant successivement dans des bains de carbonate de soude et de savon à une température tiède, c’est-à-dire de 2 5 degrés à ko degrés, puis dans un bain de rinçage à l’eau pure.
- Après le dégraissage, on obtient le blanchiment en soumettant plusieurs fois les pièces humides à l’action de l’acide sulfureux gazeux dans des chambres complètement fermées; le gaz sulfureux est produit par la combustion du soufre.
- On a beaucoup préconisé dans un temps l’usage des bisulfites ou de l’acide sulfureux en dissolution dans l’eau; mais ce procédé, plus lent, plus coûteux et en somme moins parfait, est à peu près abandonné.
- Lorsque les tissus sont blanchis, on les rince fortement, puis on les azuré, soit avec du bleu, soit avec du violet, suivant les tons que l’on désire obtenir. Les nouvelles couleurs dérivées de l’aniline sont maintenant employées exclusivement pour cet azurage qui est une véritable teinture légère. L’opération est délicate; il est difficile d’arriver à une nuance uniforme dans toute la pièce, et le blanc de vente, qui n’emploie en somme qu’une quantité insignifiante de colorant, se paye généralement plus cher que les teintures les plus coûteuses à cause des soins qu’il exige, car les manutentions doivent souvent être recommencées plusieurs fois.
- Après le blanchiment commence la série des opérations rela-
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- tives à l’apprêt, opérations aussi variées que le sont les tissus et qui exigent un grand matériel de machines, telles que tondeuses, foulards, fouleuses, rames, cardes garnisseuses, métiers d’apprêt, jtresses hydrauliques, etc. La maison Bourgin-Schuler, de Courbevoie, soutient dignement son ancienne réputation. Elle avait exposé une fort belle collection de tissus de tous genres en blancs très variés de tons et d’une exécution irréprochable; aucune nation étrangère n’a fait d’exposition analogue.
- Nous arrivons maintenant à une autre industrie de la classe 48, qui a une importance considérable, parce qu’elle est la clef ou mieux la porte de sortie de la plus grande partie des usines qui Lient les matières textiles ou qui tissent les étoffes : je veux parler de la teinture. Sauf les cas très rares où les tissus sont vendus en blanc, il est nécessaire de leur donner une nuance claire ou foncée, suivant les caprices de la mode; mais, en résumé, il faut toujours les teindre, car la vente ne les accepterait pas dans leur état naturel.
- La teinture, aussi ancienne que le monde, a épuisé bien des méthodes; toutes les matières tinctoriales naturelles ont été essayées et les découvertes de nuances nouvelles dans une période de dix ans seraient peu importantes, si la chimie n’était venue faire une véritable révolution dans l’art de la teinture en créant de toutes pièces des colorants nouveaux d’une vivacité inconnue autrefois et dont le nombre et la variété augmentent chaque jour; mais le mérite du teinturier est bien moins dans l’emploi de ces couleurs nouvelles, dont la découverte 11c lui appartient pas, et qui, généralement, sont d’une application tellement simple que toutes les fabriques arrivent sensiblement aux mêmes nuances et à la même vivacité, que dans l’ensemble des traitements, très nombreux et très variés, qui s’appliquent aux divers tissus et qui changent constamment suivant les laines employées et suivant les effets du tissage.
- Ces traitements appropriés à chaque sorte de tissu ont tellement d’importance qu’une même pièce teinte exactement dans la même couleur peut perdre ou gagner 1 o p. o/o de sa valeur commerciale suivant les opérations qu’elle a subies, non seulement comme apprêt final, mais encore pendant tout le cours de la fabrication,
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- Gr. V. opérations qui constituent l’art du teinturier et que nous allons
- passer en revue d’une manière succincte pour les articles de laine.
- Cl 48 A
- Quand une étoffe sort du métier à tisser, elle est grasse, tachée et garnie d’un duvet provenant des brins dont l’extrémité a échappé au tordage du fil.
- La première opération, le grillage, a pour but d’enlever ce duvet, qui se feutrerait dans les bains de dégorgeage ou de teinture et masquerait le grain du tissu.
- Le grillage se faisait autrefois par un passage rapide sur une plaque cylindrique chauffée au rouge; on a ensuite employé la flamme du gaz d’éclairage, puis celle de ce même gaz mélangé d’air, et enfin une nouvelle machine, dont l’usage s’ç$t répandu dans presque toutes les fabriques depuis deux ou trois ans, produit un grillage plus complet et plus économique en activant considérablement l’action du gaz par un courant d’air comprimé lancé dans la llamme dans des conditions analogues à celles du chalumeau. Le tissu vient se présenter devant cette flamme intense qui grille seulement les fils, quand la vitesse est maintenue de 35 à ho centimètres par seconde.
- Dégorgeage. — Après le grillage, la pièce est dégommée, c’est-à-dire débarrassée de son parement ou encollage par un passage en eau chaude, puis dégraissée dans des bains de savon et de carbonate de soude, rincée en eau chaude et en eau froide et enfin fixée. Cette opération, très variable suivant les usines, consiste à soumettre l’étoffe, tendue et enroulée avec soin et dans toute sa largeur, à l’action de l’eau bouillante pendant un temps qui peut varier de une heure à cinq heures et qui a pour but de cuire la laine et de l’empêcher de se casser en formant des faux plis que l’apprêt ne pourrait pas faire disparaître. Lorsque les tissus doivent être teints en noir, le fixage précède généralement les autres opérations.
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- TEINTURE.
- La teinture se fait toujours pour la laine à une température de 95 à îoo degrés; la soie demande une chaleur beaucoup moins grande. Il faut donc tenir compte de ces propriétés lorsqu’on doit traiter des articles qui contiennent un mélange des deux matières.
- Nous ne pouvons entrer ici dans le détail de toutes les recettes de teinture; le nombre des matières colorantes est considérable.
- Quant aux mordants qui servent à les fixer sur les tissus, la proportion est beaucoup moindre. Il n’y a guère que les sels d’alumine, de chrome, de fer et d’étain qui soient employés ; les autres produits que l’on utilise également, tels que les sulfates neutres et acides de soude, le bitartrate de potasse, le silicate de soude, le borax, les acides, etc., ne sont pas des mordants proprement dits, mais seulement des corps destinés à dissoudre les colorants, ou à régulariser leur combinaison avec les fibres textiles d’origine animale.
- La teinture se fait tantôt en un seul bain, qui contient à la fois les mordants et les colorants, tantôt en deux bains séparés : le premier contenant le mordant seul et le second le colorant. Quelquefois, comme pour les bleus d’aniline, le colorant, dissous dans un bain alcalin, se fixe à l’état incolore sur l’étoffe; puis il apparaît tout à coup dans un deuxième bain acide qui développe la nuance et la fait apparaître dans les tons les plus vifs et les plus foncés.
- La teinture est toujours suivie d’un lavage énergique en eau froide, puis les pièces sont essorées et séchées; alors commence une nouvelle série d’opérations dont nous donnerons seulement la nomenclature.
- III
- APPRÊT.
- i° L’épaillage, qui consiste à retirer à l’aide de pinces les brins de matières végétales qui sont restés mélangés à la laine malgré le peignage et qui n’ont pas pris la teinture;
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- '2° Le tondage, qui a pour but de couper les duvets qui se sont soulevés pendant la teinture;
- 3° L’arrosage à l’eau ou le gommage suivant les tissus;
- U° L’apprêt, ou passages répétés sur des métiers composés de tambours en cuivre chauffés à la vapeur;
- 5° Le pliage, suivi d’un roulage sur des planchettes et d’un empaquetage.
- Nous passons, bien entendu, beaucoup de traitements spéciaux à certains articles et qui ont cependant une importance considérable, tels que le garnissage aux chardons, le passage à la rame, l’encartage et la mise en presse, etc.
- Comme on le voit, la liste des opérations est longue, et c’est du soin avec lequel elles sont toutes appliquées que dépend le plus ou le moins de perfection de la fabrication.
- Nous n’avons pas, dans un rapport sur la classe Û8, à entrer dans Je détail des appareils mécaniques; ces outils, toujours très coûteux, varient suivant les fabriques et suivant les genres de tissus. Chaque année, on signale des perfectionnements qui ont toujours pour but ou de diminuer les frais de main-d’œuvre ou d’améliorer le traitement.
- Nous pouvons remarquer, dans l’Exposition de 1878:
- i° Une exécution très soignée et progressive des tissus légers de laine ou laine et soie;
- ti° De grands progrès réalisés dans le traitement des cachemires d’Ecosse, des mérinos, des articles armurés, des articles pour meubles, des draperies pour dames. Les effets de tissage sont parfaitement conservés; la laine a tout à la fois de la main, du moelleux et de la douceur; la fabrication française pour tous les tissus en laine peignée soutient parfaitement sa réputation, et si, dans les expositions étrangères, on retrouve des couleurs tout aussi fraîches et tout aussi brillantes, le traitement général laisse toujours à désirer. Disons en passant que les fabricants de tissus ont souvent le grand tort de ne pas se préoccuper de la constitution des lisières qu’ils font pour le cachemire d’Ecosse et qui très fréquemment se roulent dans les bains et produisent une teinture irrégulière, parce que le colorant est absorbé à la surface et ne peut pénétrer au milieu de
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- l’espèce de corde qui se produit. Le teinturier, pour éviter ce Gr. V. défaut capital, est obligé de faire coudre ensemble les deux lisières pour former un sac ou boyau longitudinal de go à 100 mètres, c’est-à-dire de la longueur totale de la pièce, puis de teindre dans ces conditions, qui n’ont pas seulement le défaut d’être fort onéreuses, mais qui produisent inévitablement des faux plis pendant l’abatage et le lavage, et nuisent à la perfection du travail. Cette dilïiculté peut être facilement évitée, puisque les tissus de certains fabricants ne se roulent jamais, tandis que, pour d’autres, le contraire a lieu avec des qualités identiques comme laine et comme croisures; cela lient aux fils de chaîne employés pour les lisières.
- Nous sommes heureux de constater que presque tous les exposants se sont occupés de rechercher des couleurs plus solides qu’en 1867, soit en écartant les matières colorantes trop fugaces, soit en cherchant à mieux fixer celles que la mode exige quand même.
- Celle tendance mérite d’être encouragée; nous n’en sommes plus, il est vrai, à l’époque où le roi Louis XIV prenait des arretés et faisait poursuivre devant les tribunaux les teinturiers convaincus d’avoir livré des étoffes faux teint, comme on poursuit aujourd’hui les laitières qui coupent leur lait ou les marchands qui falsifient leurs denrées; mais, dans l’intérêt de l’industrie, il est bon d’unir la solidité des nuances à leur beauté, et on avait trop négligé ce point au moment où la série des couleurs d’aniline a obtenu un succès de mode si considérable.
- Cette question de solidité a une grande importance soit pour les fils, soit pour les tissus qui sont appelés à être foulés, et nous avons remarqué avec beaucoup d’intérêt l’usage que Ton fait maintenant de l’indigo réduit de MAL Schützenberger et de Lalande pour remplacer dans la teinture des draps soit le sulfate d’indigo, soit le carmin, qui sont beaucoup moins solides. La céruléine et surtout Talizarine artificielle s’emploient maintenant en grande quantité sur laine, particulièrement dans la teinture des fils, et la solidité de ces nuances ne laisse rien à désirer. Il est regrettable que le noir d’aniline n’ait pu réussir; malheureusement, cette couleur, remarquable par sa beauté et par sa solidité, ne peut s’appliquer sur la laine malgré tous les efforts tentés jusqu’à ce jour.
- Classe 48. h
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- Les fibres d’origine animale désoxydent le noir et lui donnent un reflet bronzé inacceptable. Tous les échantillons présentés comme teints en noir d’aniline n’en sont que la parodie; les moins mauvais sont remontés avec du campêche qui masque leur infériorité, de sorte que le seul mérite qui leur reste, c’est d’être plus coûteux que les autres, sans être plus solides. Il est probable qu’on parviendra à surmonter les difficultés actuelles en modifiant les propriétés de la laine par un traitement préalable qui consistera à lui enlever son pouvoir réducteur.
- Les autres couleurs dérivées de la houille avaient obtenu en 1867 une vogue excessive, et cependant leur vivacité trop grande les rend peu harmonieuses. Aujourd’hui ces produits s’emploient d’une façon beaucoup moins exagérée; on s’occupe de leur donner plus de solidité et l’on est parvenu pour quelques-uns à les associer aux matières colorantes anciennes et à les utiliser dans des bains acides ou chargés de mordant. Il est probable que ce progrès se généralisera.
- Quand on compare entre elles les teintures des diverses sections de la France et de l’étranger, on est surpris de trouver partout des nuances aussi vives, des tons aussi nourris, des couleurs fraîches et d’un beau reflet; pas une maison ne peut se dire supérieure aux autres, soit pour les tons purs, comme les rouges, les violets, les bleus, les verts, les roses et les jaunes, soit pour les tons composés, comme les grenats, les marrons et les modes. Si un teinturier présente une teinte nouvelle, ses confrères la reproduisent immédiatement; il n’y a plus de procédés secrets, de mordants inconnus de tout le monde et qui restent la propriété d’une famille, comme cela avait lieu au xvie et au xvne siècle, où Colbert achetait à un Hollandais, et pour un prix très élevé, la recette du mordant écarlate. Les propriétés miraculeuses de certaines sources ont perdu le mérite exceptionnel qu’on leur attribuait pour la teinture; il suffit qu’une eau soit pure pour obtenir de belles nuances, et pei-sonne n’aurait l’idée de demander des formules à la manufacture des Gobelins. Cependant il y a une différence entre les produits exposés par tant de manufacturiers; les teintures dites de Paris, c’est-à-dire qui sont faites dans le département de la Seine, ont un
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- mérite incontestable pour certains tissus, comme celles de Reims et Gr. v. du Nord en ont également un pour d’autres; et entre les produits C1~8 des diverses fabriques d’un même département, il y a encore des différences très sensibles qui, je le répète, ne tiennent ni à la couleur ni à la vivacité des tons, mais qui proviennent des opérations nombreuses que Ton est obligé de faire subir aux tissus.
- Toutes ces opérations exigent un matériel considérable, des machines et des appareils appropriés à chaque genre de traitement, et, pour conduire ces machines et ces appareils, il faut encore un personnel exercé et rompu au travail que l’on veut produire. Le mérite des exposants qui se sont fait remarquer à l’Exposition et qui ont soutenu dignement la réputation française pour la teinture des tissus de laine consiste donc bien plus dans le traitement général des différents genres d’étoffes que dans les couleurs qu’ils ont exposées.
- Blanche.
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- SECTION III.
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- TEINTURE des soies.
- INTRODUCTION.
- Par suite de l’abstention regrettable des teinturiers en soie de l’étranger, la France s’est trouvée presque seide à représenter, à la dernière exposition, l’importante spécialité qui doit nous occuper; encore plusieurs de nos grandes maisons faisaient-elles défaut. L’Angleterre, la Suisse, avaient déserté absolument une lutte à laquelle d’ordinaire elles prennent part avec honneur. A l’exception de l’Italie, brillamment représentée par la compagnie de Côme, quelques petits Etats avaient seuls jugé à propos d’envoyer de rares échantillons de soies teintes.
- Devant l’impossibilité d’établir des comparaisons entre nos produits et les articles similaires de l’étranger, nous nous placerons dans la présente étude à un point de vue exclusivement français.
- Malgré les crises très graves que notre pays a traversées durant la période 1867-1878, on peut dire que l’industrie de la teinture des soies s’y est soutenue et même y a pris une plus grande extension. Le nombre des établissements s’est accru et quelques-uns, de création ancienne, ont acquis un remarquable développement; on peut l’attribuer à la réputation méritée dont jouissent nos soieries dans le monde entier.
- Les observations s’appliquent particulièrement aux centres industriels de Lyon, de Saint-Chamond et de Saint-Etienne. Il existe dans cette région des maisons qui atteignent un chiffre d’affaires de plusieurs millions de francs, en façon tinctoriale seulement. Les ateliers de Paris, qui travaillent surtout pour la fabrication des tissus d’ameublement, des articles nouveautés, des gazes et de la passementerie, ont une importance moindre, et, bien que dans une situation satisfaisante, ne sauraient entrer en parallèle avec les établissements précédents.
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- La maladie désastreuse qui a désolé nos contrées séricicoles aurait forcément entravé notre production, si la Chine et le Japon, l’Inde et le Levant n’avaient fourni en abondance à l’Europe une matière première sur le point, sinon de lui manquer absolument, du moins de devenir tout à fait insuffisante.
- Les teinturiers ont compris la nécessité de se rendre compte, à un point de vue scientifique, des opérations pratiquées dans leurs ateliers. Déjà quelques établissements ont joint à leurs usines des laboratoires d’études, où des chimistes de talent s’occupent de toutes les recherches pouvant intéresser la fabrication. Nous signalerons, par exemple, parmi les exposants de la classe h8, MM. Guinon, Marnas et Bonnet, Gillet et fils, Renard-Villet et Bunand, Corron et Vignat, à qui l’induslrie est redevable de progrès importants, soit comme découvertes de matières colorantes, soit comme méthodes de teinture.
- 11 est de ces maisons qui préparent sur une grande échelle, pour leur propre consommation, soit des mordants, soit des extraits tinctoriaux, afin de pouvoir compter sur la qualité et la régularité des produits qu’elles emploient.
- Les différentes améliorations qui ont été réalisées dans la teinture des soies depuis l’Exposition de 1867 portent plus particulièrement sur les opérations auxiliaires, comme il arrive, du reste, pour toute industrie qui a déjà atteint un degré avancé de perfectionnement.
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- CHAPITRE PREMIER.
- DÉGREUSAGE ET BLANCHIMENT.
- Le décreusage continue à s’effectuer par la méthode ancienne, c’est-à-dire en cuisant la soie dans une dissolution de savon.
- Bien des tentatives ont été faites, depuis la fin du siècle dernier et encore de nos jours, pour substituer à cette matière d’autres agents. On a essayé successivement les alcalis caustiques ou carbo-natés, la baryte, l’eau bouillante, avec ou sans le concours de la pression, la vapeur agissant sur la fibre préalablement imprégnée d’une solution savonneuse concentrée; différents sels alcalins, tels que le borax, les silicates, aluminates, sulfures et polysulfures, les sulfites, plusieurs acides minéraux ou organiques, des sels acides, etc.; chacune de ces matières étant employée au degré de concentration et de chaleur approprié à sa nature.
- Ces essais ont démontré qu’une infinité de substances acides ou alcalines peuvent servir au décreusage. Plusieurs d’entre elles ont même été expérimentées d’une façon industrielle, notamment l’acide arsénique, qui a fourni à MM. Gillet et fils des résultats fort intéressants.
- Toutefois, vu les inconvénients que présentent à des titres divers ces différents corps, on est toujours revenu jusqu’à présent à l’usage du savon bouillant. On ne connaît pas de produit qui dépouille plus parfaitement la soie de son grès, et lui donne du craquant, en même temps qu’elle lui conserve ses qualités de résistance et de brillant.
- A cet égard, un fait d’un grand intérêt pour la teinturerie lyonnaise a été la création de l’industrie du savon dans le département du Rhône. Cette matière y est aujourd’hui fabriquée à bas prix, à l’aide de l’acide oléique qui provient des stéarineries établies dans la région depuis une quinzaine d’années. 11 en résulte qu’on a renoncé presque complètement à l’usage du savon de Marseille, qui coûtait environ îoo francs les îoo kilogrammes; le nouveau pro-
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- T) G
- Gr. V. duit, de bonne qualité, est livré à 70 et même Go francs. A la vé-
- rité, il communique, à la soie une faible odeur; mais on la fait Cl 48 1
- disparaître en terminant la teinture par un passage dans un bain de savon à l’huile d’olive.
- Une autre cause a contribué à diminuer encore le prix du savon pour les teinturiers. On a eu l’idée, en effet, de régénérer cet agent de décreusage pour le faire servir à la teinture et encore à d’autres emplois.
- Cette régénération s’opère de façons différentes suivant les maisons. Elle a pris à Lyon assez d’importance pour qu’un grand établissement ait songé à en faire une spécialité de fabrication. M. Drevon a entrepris d’utiliser les vieux bains de cuite provenant des ateliers et même toutes les autres eaux savonneuses. La méthode suivie par cet industriel consiste à décomposer les bains à l’aide d’un acide, tel que l’acide chlorhydrique ou sulfurique, pour mettre en liberté l’acide gras, à purifier ce dernier par filtration à chaud, et à le traiter finalement par la soude et le sel marin.
- Les praticiens ont reconnu ce fait, déjà signalé par Roard, que le contact prolongé de la soie avec un bain de savon bouillant n’esl pas sans inconvénient. La fibre y reprend une petite portion de la matière colorante du grès et abandonne, au contraire, une partie appréciable de sa propre substance. Elle perd ainsi de sa solidité et de sa blancheur. Ces remarques ont conduit à abréger la durée des opérations du décreusage, qui s’effectuent maintenant d’une manière beaucoup plus rapide que par le passé. Enfin on a réduit aussi la proportion du savon et l’on a commencé à cuire les soies, tout au moins plusieurs articles, non plus dans des sacs ou poches, comme c’est encore l’usage général, mais sur bâtons, dans des barques semblables à celles qui servent au dégommage.
- Un point a fixé dans ces derniers temps l’attention des fabricants et des teinturiers, c’est la question de la charge que l’on rencontre fréquemment sur les soies écrues. Non seulement cette charge, disparaissant avec le grès, donne lieu à des mécomptes, par suite d’une diminution de poids anormale; mais, selon la nature des matières qui la composent, elle peut produire des accidents durant le dégommage. Il arrive que Je bain de savon est précipité.
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- que la fibre en sort terne et poisseuse; en un mot, que le décreu-sage est rendu dillicile ou même absolument imparfait.
- La fraude qui consiste à charger les soies écrues s’est malheureusement beaucoup répandue. Pour chercher à la combattre, la chambre de commerce de Lyon a cru devoir instituer à la condition un laboratoire où s’efiectue l’analyse de ces textiles, à la demande des intéressés.
- Parmi les matières ajoutées comme charge, figurent l’eau de chrysalides, la glycérine, les huiles grasses, le savon, la gélatine et la colle de poisson, qui ont l’avantage d’agglutiner le duvet des mauvaises soies et de leur donner une apparence unie; quelquefois des matières amylacées; enfin des substances minérales, des sels à hase de soude, de magnésie, de chaux, de baryte, d’alumine, de mercure, d’étain, etc.
- Souvent on forme dans la fibre, par la double décomposition de sels solubles, un précipité résistant plus ou moins à l’action du savon bouillant.
- Pour se renseigner sur la nature et la proportion de la charge, on procède de la façon suivante :
- D’abord on incinère dans une petite capsule de porcelaine 5 grammes de la soie à essayer, et l’on pèse le résidu. L’écart que présente son poids, comparé à la proportion normale de cendres, permet d’apprécier la quantité de surcharge minérale fixe. Ce résidu est ensuite soumis à l’analyse chimique ou à l’examen au spectroscope. Dans cette recherche, il ne faut pas oublier que, prise à l’état naturel, la soie fournit une cendre composée de sulfates, de chlorures, de phosphates alcalins et terreux, d’oxyde de fer et d’alumine.
- D’un autre côté, on essaye de retirer par voie de lavage les substances organiques étrangères et les corps inorganiques volatils. Celte épreuve, ne portant pas atteinte à la fibre, peut s’efléctuer sans inconvénient sur une centaine de grammes. La soie est d’abord desséchée à l’absolu dans des étuves, puis lavée successivement à l’eau distillée à 20 degrés et à l’eau distillée additionnée de 1 0 p. 0/0 de cristaux de soude. La différence entre les poids absolus constatés avant et après ces traitements sert à établir la
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- Gr. v. quantité de la surcharge. On peut rechercher dans les solutions les substances étrangères.
- Quelques praticiens, pour éviter l’action des sels minéraux sur le savon du bain de dégommage, prennent la précaution de manœuvrer préalablement la fibre dans une eau tiède aiguisée d’acide chlorhydrique. Une fois rincée à l’eau et dans une faible solution alcaline, elle se trouve bien débarrassée des composés terreux qui l’accompagnaient, et prête à subir le décreusage à la façon ordinaire.
- Ce traitement est extrêmement utile, lorsqu’on a affaire à des schappes, à des fantaisies, à des bourrettes, qui contiennent toujours une assez forte proportion de matières calcaires. La fibre ainsi purifiée acquiert plus de douceur et de brillant.
- La préparation du souple n’a pas changé sensiblement dans ces dernières années; mais cet article a acquis une plus grande importance par suite du développement toujours croissant de la fabrication des étoffes failles. On est arrivé à ménager mieux que par le passé le brin de la fibre.
- En ce quia trait au blanchiment, un fait capital s’est produit, c’est la solution pratique d’un problème qui préoccupait depuis longtemps les fabricants. Nous voulons parler de la décoloration des soies sauvages et de leur emploi dans divers tissus d’ameublement au même titre que la soie du mûrier.
- On confond, dans le commerce, sous la dénomination commune de soies sauvages, les produits de la filature des cocons qui proviennent de différentes variétés de bombyx ( bombyx cynthia, pernyi, my-lylta, polyphemus, cecropia, etc.). Toutes ces larves vivent à l’état de liberté, se nourrissant souvent indifféremment des feuilles de plusieurs végétaux (ricin, ailante, chêne,peuplier, etc.). Ces soies sont appelées aussi tussah, du nom de la province du Japon d’où elles ont été expédiées pour la première fois en Europe.
- Aujourd’hui elles nous arrivent particulièrement du nord de la Chine et du Bengale. Leur prix, relativement très modique, varie d’une manière sensible suivant les qualités. Ordinairement la grège tussah se présente sous forme d’écheveaux de grandes dimensions, composés de gros filaments aplatis, ayant une teinte plus ou
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- moins brune et une odeur repoussante qui ne disparaît que par la cuite.
- Lors de son introduction dans le commerce européen, on s’est borné à utiliser ce textile avec sa couleur naturelle dans la composition de tissus mixtes imitant l’écru. Pendant quelque temps, on s’en est servi, en Angleterre, pour fabriquer des vêtements d’hommes. Sa teinte brune, rebelle aux réactifs les plus énergiques, limitait son emploi. Dès i8Ag, il est vrai, M. Guinon avait étudié le grès de cette soie et indiqué le moyen de la décolorer en partie, après l’avoir traitée par un bain bouillant de soude caustique à 3 degrés Baumé; mais ce moyen laissait encore beaucoup à désirer.
- 11 y a quelques années, M. Tessié du Motay essaya d’appliquer aux lussah le procédé de blanchiment au permanganate qu’il avait expérimenté avec succès sur diverses fibres. Le résultat obtenu demeura insuffisant.
- Enfin, en 1875, le même auteur fît breveter une méthode qui ne tarda pas à recevoir une consécration industrielle; elle est basée sur l’emploi du bioxyde de baryum. Suivant la description du brevet, on prépare un bain contenant, pour 100 parties desoie sauvage, de 50 à 100 parties de bioxyde finement pulvérisé.
- On doit laver cette substance à l’avance avec un peu d’eau, pour enlever la baryte libre quelle pourrait renfermer. Le bioxyde de baryum est peu soluble; mais, à la température du bain de blanchiment (3o à go degrés centigrades), il cède peu à peu à la fibre une partie de son oxygène, même sans l’intervention d’aucun acide; on la voit, en effet, se décolorer progressivement.
- On laisse la soie environ une heure dans le bain chauffé à 80 degrés; puis on la lave et on la passe dans une eau aiguisée d’acide chlorhydrique; enfin on rince parfaitement à l’eau pure. Si la décoloration n’était pas suffisante, on recommencerait l’opération comme ci-dessus.
- Quelquefois on complète le blanchiment, en introduisant la fibre dans une solution de permanganate additionnée de sulfate de magnésie et ensuite dans un mélange de bisulfite de soude et d’acide chlorhydrique.
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- Gr. V. Durant son immersion dans le bain de bioxyde, la soie absorbe dans ses pores une certaine proportion du réactif, sans doute à l’état d’bydrate. Le blanchiment s’achève donc lors de l’introduction dans l’acide étendu. A ce moment, il se forme sur la fibre de l’eau oxygénée qui peut exercer son action décolorante de la façon la plus efficace.
- On ne saurait impunément laisser longtemps la soie en contact avec le bioxyde, car elle deviendrait terne, dure et cassante. Là réside la grande difficulté du procédé. Il est arrivé, en effet, que des parties de tussali traitées sans précautions ont été complètement brûlées.
- En suivant les indications précédentes, on réussit à décolorer suffisamment les soies sauvages pour pouvoir les teindre dans toutes les nuances claires, parfois même en blanc. Le succès de l’opération dépend d’ailleurs beaucoup de la provenance de ces matières.
- Plusieurs maisons de Lyon et de Paris tirent parti du procédé. On remarquait des échantillons fort bien blanchis dans les vitrines de MM. Guinon, Marnas et Bonnet, Renard, Villet et Bunand (de Lyon), Hulot et Berruyer (de Puteaux), etc.
- La même méthode s’applique aussi aux schappes ordinaires, généralement grises, et permet de les teindre en couleurs claires fraîches, ce qu’on ne pouvait faire après un simple décreusage à la soude et au savon.
- Aujourd’hui, les tussali servent à faire des ouvraisons variées, poils, trames et organsins. Depuis plusieurs mois, ils sont l’objet, d’une consommation importante dans la fabrication roubaisienne: toutefois leur mise en. main dans les départements du Nord ne laisse pas, dit-on, que de donner lieu à certaines difficultés.
- L’année dernière, M. Charles Girard a proposé pour le blanchiment des tussali, des schappes et du lin, un procédé qui a été appliqué industriellement par un exposant de Paris, M. Lebou-teux.
- On fait subir aux fibres la série des opérations suivantes: 1" un passage en acide chlorhydrique faible pour enlever les matières calcaires; 2° un décrcusagc au carbonate de soude ou à la soude
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- caustique à 2 degrés Baume, suivi d’un rinçage; 3° un ou plusieurs bains d’hypochlorite d’ammoniaque faible, selon la nature du textile; h° un passage en acide chlorhydrique, suivi d’un rinçage; 3° un bain d’eau oxygénée rendue légèrement ammoniacale; 6° enfin un lavage.
- L’hypochlorite d’ammoniaque se prépare en décomposant une dissolution de chlorure de chaux par un sel à base d’ammoniaque, le sulfate ouïe carbonate. Par exemple, on délaye 1 kilogramme de chlorure de chaux, titrant 100 à 110 degrés, dans 25 à 3o litres d’eau, et l’on verse peu à peu dans une barque contenant de 1,200 à 1,3oo grammes de sulfate d’ammoniaque, dissous dans 2 5 à 3o litres d’eau. Pour les soies du'mûrier et les schappes, ce bain peut être étendu au vingtième. On ajoute de temps en temps un peu d’ammoniaque, afin de l’entretenir dans un état alcalin. A la laveur de l’alcali libre, les produits d’oxydation de la couleur entrent en dissolution au fur et à mesure de leur formation.
- Le blanchiment s’opère avec lenteur et peut durer plusieurs jours. On constate fort bien, pendant l’opération, le dégagement d’une odeur analogue à celle de l’ozone.
- Ce procédé, fort économique, ne donne pas un blanchiment assuré; il laisse ou même communique à certaines soies sauvages une teinte jaune persistante. On ne l’utilise donc avec avantage que pour les articles destinés à être mis en couleurs un peu foncées. M. Girard l’a modifié dernièrement comme suit : on monte le bain décolorant eu délavant dans de l’eau du bioxyde de baryum qu’on laisse hydrater, puis un sel ammoniacal, sulfate ou carbonate; si Ton employait du chlorhydrate, il faudrait ajouter un léger excès d’acide sulfurique. Ce mélange est plus actif que l’eau oxygénée préparée à l’avance.
- On peut aussi appliquer cette méthode aux soies du mûrier; elle fournit, dit-on, avec les soies teintées et les schappes des résultats supérieurs.
- Yl. Girard a eu l’occasion de constater dans les eaux qui ont servi à laver les tussah la présence de l’indoi et d’un sel à base de propylamine.
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- Cl. 48.
- CHAPITRE II.
- TEINTURE EN NOIR.
- § iei'. — Considérations préliminaires.
- La teinture des soies en noir a acquis assez d’extension pour qu’un certain nombre d’établissements, et parmi eux quelques-uns très considérables, s’y consacrent exclusivement et en fassent une spécialité. Ceux de MM. Gillet et fils, Richard et Puthod, Vindry. J.-B. Martin et Besançon étaient seuls représentés à l’Exposition.
- 11 a été parlé plus haut de la première de ces maisons qui reçoiL de ses chefs une direction tout à fait savante; elle fait des noirs de tous genres.
- Les deux suivantes s’occupent particulièrement des souples et des noirs chargés. On pouvait voir, dans la vitrine de M. Vindry, de la trame chargée jusqu’à hoo p. o/o; ce qui équivaut à dire: qu’avec îoo parties de soie écrue, on avait produit 5oo parties de soie teinte. La maison J.-B. Martin, qui fabrique sur une très grande échelle les peluches et les velours, ne teint que des noirs cuits non chargés pour sa propre consommation.
- Quant à la maison Besançon, bien que d’une importance plus modeste, elle est depuis longtemps connue pour la teinture des noirs légers, d’après le procédé Masson.
- Nous ne reviendrons pas ici sur la question de la charge, l’ayant déjà traitée dans le rapport sur l’Exposition de 1867, et plus en détail encore dans une publication récente. Cependant peut-être est-il à propos de présenter ici deux remarques : la première, c’est que les teinturiers ne chargent la soie que sur la demande des fabricants; on aurait donc tort de les rendre responsables de cette pratique; la seconde, c’est que la charge n’a point pour but de donner du poids à la soie, mais de grossir le volume de ses brins, et qu’il y a avantage à obtenir cet accroissement de volume avec la plus faible augmentation de poids possible. Des études sérieuses
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- ont permis de se prononcer à cet égard sur le choix des meilleures méthodes à suivre.
- Cependant, quelque science que l’on ait consacrée à ces travaux, l’usage de charger les soies nous semble fort regrettable. Il a pu procurer aux fabricants de bons résultats et en apparence servir les intérêts des consommateurs peu aisés; mais il a fini par produire l’effet que l’on devait prévoir, c’est-à-dire par rebuter le public et le faire renoncer de plus en plus aux tissus de soie noire.
- On ne saurait contester qu’une autre cause de cet éloignement réside dans la préférence malentendue des acheteurs pour les tissus épais, côtelés. Ces étoffes, outre qu’elles se coupent facilement, surtout lorsqu’elles ont un grain très serré, donnent lieu à un accident, connu sous le nom de cirage, qui les fait considérer au bout de peu de temps comme hors service. Les taffetas légers que l’on employait autrefois n’offraient pas cet inconvénient et, s’ils étaient d’un porter moins flatteur, rachetaient largement cette infériorité par une plus longue durée.
- Les méthodes de teinture en noir n’ont pas changé d’une façon sensible; elles reposent toujours sur l’usage alternatif des mordants de fer et des astringents, avec ou sans fond de bleu de Prusse.
- Avant de les examiner, nous passerons en revue les différents produits en usage dans les ateliers.
- §2. — Mordants de fer.
- i° Rouille. — On appelle nitrosulfate de fer, ou plus habituellement rouille, un mordant qui résulte de l’oxydation du vitriol vert par l’acide nitrique. Ce composé occupe une place importante dans l’industrie et rend d’immenses services aux teinturiers. Il forme la base d’un grand nombre de formules de noirs sur soie, surtout pour les articles chargés. On l’emploie aussi pour les marrons, les biens marine et autres couleurs foncées. Sa préparation offre des difficultés, et oblige à observer rigoureusement certaines conditions de température et de concentration.
- Pour peu que ces précautions n’aient pas été suivies * le produit
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- devient défectueux et n’atteint pas le but proposé. S’il est trop basique, il charge davantage la soie, mais lui enlève du brillant et la ternit; s’il est acide, ou même se rapproche du sel neutre Fe2 O3, 3SO\ il n’abandonne plus de fer à la fibre.
- On admet que le rouille de bonne qualité a une composition qui correspond au mélange de Fe203, 9SO3, et de Fe2 03, SO;i. On admet aussi que, pendant sa préparation, il se forme des combinaisons isomères, car des produits conduisant à la même formule fournissent en teinture des résultats différents. L’origine de ces isomères dépend peut-être de la chaleur dégagée pendant l’oxydation.
- Le rouille est d’un emploi difficile. Il est de règle de rappliquer à froid; les cuves qui le contiennent sont installées dans un atelier maintenu à une température aussi constante que possible.
- Depuis quelques années, les fabricants de ce mordant ont fait de très grands progrès. Ils obtiennent aujourd’hui un produit d’une parfaite régularité et à peu près exempt d’acide nitrique. D’autre part, ils utilisent toute la vapeur nitreuse dégagée pendant la réaction; c’est grâce à cette disposition économique qu’ils arrivent à livrer le rouille, marquant 5o° Baumé, à 10 francs les 1 00 kilogrammes, c’est-à-dire à un prix remarquablement bas.
- O11 consomme à Lyon, sans exagération, plus de 20,000 kilogrammes de ce mordant par jour.
- Pyrolignite de fer. — Le sel s’emploie beaucoup dans la teinture en noir, tantôt comme mordant, tantôt comme substance destinée à charger.
- Dans le premier cas, on tire parti de la propriété dont il jouit, de communiquer au campêche une couleur noir bleu, qu’il est impossible de réaliser aussi bien avec les autres sels de fer. Son application est alors des plus délicates. Il est à remarquer, en effet, que le virage au bleu s’accomplit sous l’influence oxydante de l’air, par étendage, et que le tassement de la fibre, une température extérieure défavorable, une trop forte quantité d’eau laissée sur la voie, sont autant de causes qui peuvent produire de la vergeure. De là, la grande difficulté d’obtenir l’uni.
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- Le pyrolignite de fer ne s’utilise comme agent de coloration Gr. v. que pour les articles fins, et l’on en ajoute le moins possible. ci"~48
- Par contre, on en consomme une grande quantité pour la teinture de l’article très chargé, dit gros noir, qui sert de trame aux étoffes de soie communes ou comme envers des satins.
- Dans le traitement de Particle/raa^es, il contribue avec l’extrait de châtaignier à la formation du tannate de fer, composé qui constitue la totalité de la charge.
- Le prix du pyrolignite est descendu, dans ces dernières années, de i 6 ou 1q francs à î î francs les îoo kilogrammes. En outre, par suite des exigences des teinturiers, les fabricants ont amélioré le produit et le vendent dans un état plus constant.
- La nature du bois d’où dérive l’acide pyroligneux, qui sert à la préparation du mordant, n’est pas indifférente. Les acides provenant de la distillation du chêne et du hêtre sont seuls en usage pour la fabrication lyonnaise. Ceux qu’on relire des bois blancs donnent de mauvais résultats.
- Plusieurs établissements importants produisent le pyrolignile sur une très grande échelle. On peut citer notamment la maison Mollerat, à Pouilly-sur-Saône, et la société Scheurer-Kcstner et Cie, de Thann, en Alsace.
- C’est encore par milliers de kilogrammes qu’il faut évaluer la quantité de ce mordant employée chaque jour dans les ateliers de Lyon.
- 3° Acétate ou acétonitrale ferrique. — Ce sel ne remplit pas du tout le même rôle que le précédent. Il est utilisé exclusivement par les fabricants de peluches pour chapeaux, comme agent de coloration. La couleur de ces tissus ne doit pas changer sous l’action du fer à repasser; or l’acétate ferrique fournit avec le campêche un noir qui satisfait bien à cette condition.
- A tort ou à raison, on prétend qu’il faut laisser vieillir ce mordant, le conserver au moins six mois, pour qu’il produise les effets désirés.
- h° Le sulfate de protoxyde de fer, connu dans les ateliers sous le Classe A8. 5
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- nom cle couperose, rend aussi de grands services dans la teinture en noir. Souvent on le laisse oxyder à l’air pendant un certain temps avant de l’employer. Il contient alors un mélange de sel ferreux et de sel ferrique.
- 5° Le nitrate ferrique est l’objet d’une faible consommation. On l’a plus particulièrement essayé à Paris; il charge, dit-on, plus la soie que les autres préparations de fer.
- Nous dirons encore un mot de quelques autres composés métalliques utilisés dans la teinture des noirs sur soie.
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- Sels divëiis. — Le ferrocyanure de potassium contribue, avec les préparations de fer, à produire le bleu de Prusse qui forme la base de beaucoup de noirs. Ce dernier composé sert de mordant au tanin et augmente lui-même la charge dans une certaine proportion.
- Les noirs cuits et les souples fins se traitent toujours avec fond de bleu de Prusse; il n’en est pas de même pour les gros noirs et les fantaisies.
- L’application du protochlorure d’étain a eu pour l’industrie (pii nous occupe une importance considérable; on peut dire quelle a été le point de départ de l’invention du noir chargé. Ce sel permet en effet de précipiter et de fixer en grande quantité le tanin sur la fibre.
- Quant au bichlorure d’étain, on avait commencé à l’essayer, il y a quelques années, tantôt pour charger la soie, tantôt pour lui faire acquérir certaines qualités spéciales, notamment un toucher moelleux que l’on retrouve plus tard dans le tissu fabriqué. Toutefois des inconvénients sérieux en limitaient beaucoup’l’usage.
- D’une part il altère la fibre à la longue. On a observé qu’en solution à 3 o degrés Baumé, il contracte la soie d’une manière considérable, pour peu que l’on élève la température jusqu’à ko degrés. Ainsi un écheveau de î mètre de guindage se réduit à la longueur de 8o centimètres. Au-dessus de 5o degrés, la matière textile commence à se dissoudre.
- D’un autre côté, le bichlorure d’étain provoque la destruction
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- lente de certaines matières colorantes. Sur noir, son principal défaut est d’attaquer les corps gras et de réagir en conséquence sur l’huile et le savon restés sur la fibre.
- Divers accidents de fabrication avaient donc fait renoncer à peu près complètement à l’emploi de ce sel, quand des études récentes sont venues démontrer qu’il se prêtait fort bien à la charge des soies, à condition d’être appliqué à froid sur la fibre encore écrue. Chose remarquable, il la pénètre profondément et dans un temps très court. Si, après plusieurs immersions en bi-chlorure, suivies de passages en carbonate de soude, on décreuse la soie au savon, à la manière ordinaire, on l’obtient parfaitement blanche et brillante, mais avec une charge d’oxyde d’étain dont la proportion peut atteindre jusqu’à 2 5 p. o/o et même au delà.
- Enfin certains sels d'alumine et de cuivre servent à modifier les nuances des noirs.
- § 3. — Astringents.
- On distingue généralement deux catégories de tanins, les tanins verts et les tanins bleus, ainsi classés suivant la réaction colorée qu’ils donnent par le percblorure de fer.
- Parmi les premiers, le cachou seul a été régulièrement employé jusqu’ici pour les noirs cuits. Si les tanins bleus, tels que la noix de galle, la galle de Chine, le châtaignier, le dividivi, le sumac, etc., ne conviennent pas et ne sont utilisés que par exception pour ce genre d’articles, c’est parce qu’ils donnent des nuances très brunes avec le savon chaud dont on est obligé de faire usage. Le cam-pêche, qui complète tous les noirs, est insuffisant pour masquer ces bruns; mais on applique les tanins bleus à la teinture des noirs souples qui se terminent par des bains de savon à basse température (3o degrés environ).
- Cachou. — On consomme toujours en grande quantité le cachou jaune ou gambir de Singapour. Le commerce de ce produit se fait pour ainsi dire exclusivement dans la presqu’île de Malacca et par l’entremise des banquiers chinois.
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- A une certaine époque de l’année, les familles indigènes font cuire les feuilles de Yuncaria Gambir dans des chaudières, concentrent l’extrait au soleil, et le coulent en pains cubiques de 3 centimètres de côté environ. Les commissionnaires chinois ne l’acceptent que sous cette forme, pour éviter les fraudes pouvant résulter de l’addition de matières étrangères, et notamment de cailloux, dans l’intérieur de la masse. A Singapour, port d’embarquement, on mouille ce cachou et on le comprime à la presse hydraulique, afin de le réduire à un plus petit volume avant de l’expédier.
- Le cachou a subi de grandes variations de prix. Ordinairement les consommateurs européens le payaient environ 6o à 70 francs les 100 kilogrammes; en ce moment il se vend, rendu à Lyon, à raison de Ù7 à ùq francs. Le cachou brun s’emploie peu dans ce centre manufacturier.
- Extrait de châtaignier. — Cet extrait, introduit dans l’industrie par Michel, de Lyon, il y a une trentaine d’années, a pris une importance considérable. On l’utilise, non seulement pour la teinture des soies à Lyon, mais pour le tannage des peaux, en Allemagne et en Angleterre, où il s’exporte sur une grande échelle.
- Pour satisfaire aux besoins de la consommation, on a établi, dans diverses régions montagneuses, dans l’Ardèche, dans la Savoie, dans le Piémont, etc., des usines pour la fabrication de l’extrait. Cette préparation offre en apparence peu de difficultés, néanmoins elle réclame encore certains soins.
- Le prix du produit a éprouvé des fluctuations très remarquables. 11 s’est élevé, en 1871, à 5o et même 60 francs les 100 kilogrammes, pour l’extrait à 20 degrés Baumé, par suite du développement extraordinaire qu’avait pris alors l’article franges. Pendant la présente année, il est tombé à 17 et même i5 francs pour l’extrait liquide, et à ho francs pour l’extrait sec.
- Ce prix, à peine rémunérateur pour les fabricants, diffère peu de celui du cachou, bien que cette matière, également retirée des végétaux, nous arrive d’une contrée lointaine; mais le cachou est d’un chargement très commode, et les frais de son transport
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- sont compensés par l’extrême modicité de la main-d’œuvre des coolies chinois.
- Le châtaignier, associé au pyrolignite de fer, forme toujours la base des noirs chargés, souples et fantaisies. Comme nous l’avons vu, il ne s’emploie jamais en cuit.
- Astringents divers. — La noix de galle sert encore en assez grande quantité dans la teinture en noir; mais c’est un produit cher, qui vaut de i5o à /ioo francs les 100 kilogrammes.
- On lui a trouvé dans le dividivi un succédané fort utile et beaucoup plus économique, puisque son prix oscille seulement entre 3o et 5o francs les ioo kilogrammes. Mais le dividivi est deux ou trois fois moins riche en tanin, et fournit des nuances moins bleues qui ne permettent pas de le substituer en toutes circonstances à la noix de galle.
- Enfin on a recours quelquefois aussi à la galle de Chine dans des cas particuliers, par exemple lorsqu’on veut laisser apparaître un fond de bleu de Prusse.
- § A. — Classification des noirs.
- Nous devons à l’obligeance de la maison Gillet et fils les données suivantes, qui résument les principales méthodes employées de nos jours pour obtenir les noirs sur soie.
- A. — Noirs cuits perdant de 5 à 15 p. O/O.
- I. Noir pour peluches de chapeau x. — i° Acétonitrate ferrique, lavage simple sans savonnage;
- 2° Bruniture avec campêche et bois jaune; ce bain est ordinairement additionné de 1 à a p. o/o d’acétate de cuivre et de 5 à îo p. o/o de couperose verte;
- 3° Bain de savon et de campêche mélangés, dit savon campêche;
- lx° Avivage par un bain très légèrement huileux.
- II. Noir Masson pour la soie destinée à recouvrir les tresses de coton. — Cet article est exclusivement parisien et de consommation
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- limitée. M. Besançon, exposant de Paris, s’est acquis dans l’application de ce procédé une légitime réputation.
- Le décreusage s’opère dans un bain de savon contenant du eampêche. La soie peu tordue consacrée à l’usage ci-dessus se feutre moins ainsi que dans un bain de savon seul.
- On brunit par la couperose oxydée a l’air et une petite quantité d’acétate de cuivre, puis on teint au savon eampêche comme plus haut.
- III. Noir anglais. — Ce noir a joué pendant longtemps un rôle important dans la fabrication lyonnaise; mais il ne se fait plus aujourd’hui qu’en quantités restreintes.
- i° Rouille, puis savon à 85 ou 90 degrés; souvent on supprime ce mordançage, mais alors on augmente la bruniture;
- 20 Bruniture avec 5o p. 0/0 de bois jaune, 1 0 p. 0/0 de couperose et 2 p. 0/0 d’acétate de cuivre ;
- 3° Savon eampêche;
- k° Avivage.
- IV. Noir pour velours. — On suit les mêmes méthodes, mais en s’arrêtant à des tons plus clairs.
- Pour modifier les reflets, on commence aujourd’hui par appliquer un fond bien nourri de violet ou de bleu d’aniline. La teinture de cet article constitue une spécialité très délicate.
- B. — Noirs cuits rendant depuis poids pour poids jusqu’à 10 p. 0/0.
- V. Noir de Lyon datant de 1860. — Il est réservé à la fabrication des articles riches, des failles de bonne qualité. (Marque Bonnet.)
- i° Mordancer en rouille à 3o degrés Baumé; on ne donne qu’un bain;
- 20 Savonner de 85 à 90 degrés;
- 3° Bleuter avec i5 à 20 p. 0/0 de ferrocyanure et autant
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- d’acide chlorhydrique à 20 degrés Baumé; ce dernier agent s’ajoute en deux fois;
- k° Mordancer en rouille;
- 5° Cachouter avec 5o à 100 p. 0/0 de cachou à la température de 60 à 80 degrés;
- 6° Mordancer en alumine à froid ; le sel d’alumine est destiné à faire virer, au violet ou au bleu, le campêche fixé ultérieurement;
- 7° Teindre en savon campêche.
- Si le noir est trop violet, on le modifie par un peu de bois jaune; mais ce genre d’opération appartient au domaine des recettes de teinture qui varient avec les ateliers et avec les besoins à satisfaire;
- 8° Aviver.
- VI. Noir minéral datant de 18A0. — C’est un noir léger, un peu moins fin de nuance que le précédent. Il s’emploie pour l’article doublures.
- On mordance simplement en rouille. Après qu’on a formé le bleu de Prusse, on donne un nouveau rouille, et l’on introduit la soie dans un bain chauffé à 80 degrés, contenant 100 p. 0/0 de cacliou. Enfin on teint au savon campêche et l’on avive.
- G. — Noirs cuits rendant de 20 p. 0/0 à 100 p. 0/0 ou noirs lourds.
- VIT. Ces noirs se font sur organsins et trames servant à la fabrication des satins, taffetas, failles et armures diverses.
- t° Bain de rouille, puis savon; le traitement se donne depuis une fois seulement jusqu’à huit fois, suivant la charge à atteindre;
- 20 Bleu de Prusse ; les proportions de ferrocyanure et d’acide chlorhydrique varient selon la quantité de fer fixée;
- 3° Cachou de too à i5o p. 0/0, avec 10 à i5 p. 0/0 de protochlorure d’étain, à une température comprise entre 60 et 80 degrés; le rôle du sel d’étain est capital; comme nous l’avons dit, il favorise, d’une manière extraordinaire, la fixation du cachou;
- G-r. V Cl. 48
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- U° Cachou de 100 à 200 p. 0/0; sans l’opération précédente, ce second cachou ne serait pas absorbé par la soie;
- 5° Pyrolignite de fer;
- 6° Savon campêche;
- 70 Avivage.
- Nous ne décrivons que le procédé servant à produire le noir lourd ordinaire. Pour obtenir plus bleu, on renouvelle l’emploi du pyrolignite, puis on repasse en cachou et en savon campêche. On arrive à répéter jusqu’à quatre fois ces opérations. La charge n’est limitée que par les conditions de ténacité, d’élasticité et de brillant que doit réunir la fibre; cependant on peut dire qu’on ne dépasse guère 60 à 70 p. 0/0 pour les organsins cuits et 100 p. 0/0 pour les trames cuites.
- D. — Noirs rendant jusqu’à 400 p. 0/0, pour fantaisie et gros noir.
- VIII. La fantaisie s’emploie pour franges, articles de Paris et de Lyon. Le gros noir sert seulement comme trame pour satin, rubans de qualité inférieure et un peu pour faille à bon marché.
- La teinture a lieu sur écru, par des passages alternatifs en extrait de châtaignier et en pyrolignite de fer. On arrive jusqu’à quinze passages pour la charge de à00 p. 0/0. Les noirs sont terminés par des avivages avec 10, i5 et même 20 p. 0/0 d’huile.
- Sur le premier bain de châtaignier, on assouplit la trame, en ramollissant le grès par la chaleur. C’est une opération importante et qui varie un peu suivant la nature de la soie. La soie du Bengale s’assouplit facilement; celle de Chine moins bien que celle de France ou d’Italie. '
- E. — Noirs souples fins.
- IX. Ces noirs ne se font bien qu’à Saini-Chamond, à cause de la pureté exceptionnelle de l’eau du Gier, qui ne contient pas de sels calcaires et qui titre de 1 1/2 à 2 degrés hydrotimétriques seulement.
- i° Rouille;
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- 2° Carbonate de soude, 5o p. o/o, de 3o à ko degrés;
- 3° Bain de ferrocyanure;
- k° Assouplissage sur bain de noix de galle fines, de dividivi ou d’autres tanins bleus; on chauffe de 90 à 95 degrés pendant une, deux, trois heures même, suivant la nature du grès; l’ouvrier est seul juge du moment où le ramollissement est suffisant ;
- 5° On laisse refroidir, et l’on ajoute de 5 à i5 p. 0/0 de sel d’élain ;
- 6° Savon de 60 à 80 p. 0/0, de 3o à 35 degrés tout au plus;
- 70 Avivage avec 5 à i5 p. 0/0 d’huile.
- Le procédé ci-dessus est général et sert à toutes les charges en souples fins. Un passage en rouille donne de ko à 5o p. 0/0 de charge et fournit le souple léger; deux passages en rouille conduisent à 60 et 70 p. 0/0; trois passages à 80 p. 0/0; enfin quatre passages à 80 et 100 p. 0/0.
- C’est à ce genre spécial de teinture que la maison Richard et Putliod s’est attachée avec succès.
- F. — Noir crû.
- X. Ce noir est d’un usage très restreint; on le fait d’ordinaire sur poil, sans ramollir le grès, afin que le fil conserve sa raideur, et avec le moins d’opérations possible, pour que le dévidage s’effectue sans trop de peine.
- La teinture se réalise simplement par des passages en sels ferriques, puis en campêche et en bois jaune, à une basse température.
- § 5. — Observations.
- Voici maintenant quelques renseignements généraux sur l'application des agents indiqués précédemment.
- Les mordants de nitrosulfate et d’acétate ferrique ainsi que l’alun sont toujours employés à froid.
- Le bain de ferrocyanure est chauffé de 55 à 60 degrés pour les cuits, mais utilisé à froid dans le cas des souples. L’acide chlorhydrique s’y ajoute en deux fois.
- La composition du bain dit ch savon campêche varie suivant
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- le noir qu’on veut obtenir. Habituellement il est monté à raison de 5o p. o/o de savon et îoo de campéche. Il ne se donne guère que pour les noirs cuits et à une température qui peut s’élever de 5o à go degrés.
- On prépare les bains d’avivage avec î à 2 p. 0/0 d’huile pour les cuits; 5 à i5 p. 0/0 pour les souples; 5 à 20 p. 0/0 pour les fantaisies pour franges.
- L’huile est d’abord émulsionnée avec du carbonate de soude 60 ou 70 degrés, du carbonate de potasse à froid ou encore de la soude caustique. On jette le tout dans le bain et on lisse rapidement pour éviter la séparation de l’huile. A ce bain on ajoute de 4o à 60 p. 0/0 de jus de citron ou encore l’un ou l’autre des acides tartrique, acétique et même chlorhydrique; mais les acides citrique et tartrique sont préférables.
- Il est de règle à peu près générale de rincer très fortement après chaque opération de mordançage ou de teinture et d’essorer à l’hydro-extracteur pour ne pas introduire trop d’eau dans le bain qui doit suivre.
- Quant à la durée des opérations, elle varie de une à deux heures et va rarement au delà. D’ordinaire on laisse davantage la soie dans les bains de tanins; mais c’est surtout pour la commodité des manipulations.
- Le noir d’aniline s’obtient facilement sur soie, d’autant mieux que la fibre se prête sans inconvénient à l’emploi des liqueurs acides. Déjà, à l’Exposition de 186y, on pouvait remarquer dans la section suisse de beaux spécimens de ce genre de teinture. Cependant il ne s’est pas encore régulièrement introduit dans les ateliers.
- On reproche au noir d’aniline tantôt qu’il ne charge pas suffisamment la soie, tantôt qu’il lui fait perdre de son brillant et de son lustre; à cet égard les fabricants sont d’une extrême exigence. Sans doute on arrivera à atténuer ou même à faire disparaître complètement ce dernier défaut.
- Jusqu’à présent on a rencontré de grandes difficultés à teindre en noir les soies de Tussah. Les tons obtenus laissent toujours plus ou moins à désirer; en outre, la fibre semble comme par-
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- semée de petites taches métalliques d’un aspect désagréable. Ce Gr. V. défaut est désigné sous le nom de pailletage. Enfin les soies de ci_~ cette sorte ne se prêtent pas aux opérations de la charge; elles absorbent mal les mordants de fer.
- M. Moyret, de Lyon, auteur d’un Traité de la teinture des soies récemment paru, dit avoir obtenu les meilleurs résultats par le traitement suivant:
- i° Cuite à la soude caustique;
- 2° Un ou deux bains de rouille, avec fixage à la soude caustique;
- 3° Passage en prussiate de potasse pour bleuter;
- A0 Engallage en bain faible d’extrait de châtaignier;
- 5° Passage en pied de fer (pyrolignite) ; ces deux opérations doivent être répétées pour donner du fond à la couleur;
- 6° Avivage avec 6 ou 8 p. o/o d’huile d’olive.
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- CHAPITRE III.
- TEINTURE EN COULEURS.
- § 1er. — Teinture des soies en général.
- Les progrès accomplis flans cette partie, depuis 1867, n’ont pas été aussi sensibles que pendant la période précédente.
- Sans doute, le nombre des matières tinctoriales artificielles s’est accru considérablement au point de dépasser toute espérance; mais le mérite de leur découverte revient surtout à la science.
- Néanmoins il est juste d’ajouter que les teinturiers ont encouragé, autant que possible, ces découvertes et les ont même parfois provoquées. Ainsi on a vu la maison Guinon, Marnas et Bonnet produire successivement la coralline, Yazuline, la viridine, la safra-nine, etc., dérivées tant du phénol que de l’aniline, et la maison Renard-Villet et Bunand, également de Lyon, faire connaître, de son côté, le jaune et le ponceau d’Orient, la pyrosine, la mandarine, la rose bengale, Xorcelline, etc.; ces dernières matières sont dérivées soit de la résorcine, soit de la rosaniline et dues au même chimiste, M. Noelting. En conséquence, les exposants que nous venons de nommer avaient joint à leurs assortiments de soies teintes une collection de produits tinctoriaux préparés dans leurs établissements.
- Non seulement on possède aujourd’hui un choix de matières colorantes extrêmement varié, mais ces substances sont vendues dans un grand état de pureté.
- En France, c’est la maison Poirrier qui, avec le concours d’une pléiade de savants chimistes, a fait faire les plus importants progrès à cette fabrication.
- Quant à l’application de tous ces colorants, elle ne présente, en général, du moins pour la soie, que peu de difficulté, puisqu’ils se fixent directement sur la fibre. La plupart offrent des tons extrêmement vifs et brillants; mais la mode s’est fatiguée des cou-
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- leurs éclatantes, dont on avait abusé à l’origine, et fait rechercher des tons moins criards et plus doux. Le goût se porte, en effet, de préférence sur les nuances rabattues, qu’on obtient par des mélanges.
- Telle est l’abondance, la variété de ces combinaisons, qu’on ne sait si l’on doit s’étonner davantage de leur multiplicité ou de l’esprit inventif qu’il a fallu pour les dénommer. C’est en effet par milliers que les teinturiers créent, à chaque saison, des nuances nouvelles pour leurs cartes d’échantillons.
- Parmi les nombreux produits qui ont enrichi, depuis 1867, la palette du teinturier, nous signalerons seulement les principaux.
- Dans les différents tons du rouge, on rencontre la safranine, la rosenaphtaline, Yalizarine et la purpurine, Y éosine, le primerose, la roccclline, Yauréosine et la rubéosine, enfin plusieurs orangés.
- Comme son nom l’indique, la safranine fournit les nuances du carmin de safranum; mais elle est peut-être plus sensible encore à la lumière. On ne saurait constater sans surprise une telle fugacité dans une matière colorante qui résiste fort bien à l’action des acides et des alcalis énergiques. Employée à la teinture en cramoisi des damas de soie pour ameublements, la safranine a donné trop souvent lieu à de sérieux mécomptes, la couleur se trouvant passée, en grande partie, quelques semaines à peine après que le travail du tapissier était terminé. De là, des pertes matérielles considérables qu’il eût été facile d’éviter, en continuant à faire, comme autrefois, les cramoisis fins à la cochenille.
- Presque aussi fugace que la matière précédente, la rosenaphtaline, dite aussi rouge de Magdala, fournit des roses tendres d’une pureté irréprochable ; mais on ne peut l’employer à dose élevée, sans arriver à des tons rabattus peu agréables.
- Avec la rosenaphtaline, mais surtout avec l’éosine et ses nombreux dérivés, s’est répandu l’usage des couleurs dichroïques, qui produisent sur soie des effets chatoyants tout spéciaux. Un simple avivage à l’éosine permet de communiquer cette propriété à des nuances qui ne la posséderaient pas naturellement. La vitrine de MM. Corron et Vignat, de Saint-Etienne, contenait, dans une exposition très complète et fort intéressante, de beaux échantillons ainsi
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- obtenus. Mais si le dichroïsme a été parfois recherché, il est, au contraire, considéré par certaines personnes comme un défaut à éviter. En cela, tout est donc affaire de mode et de goût.
- L’éosine a remplacé à peu près le carthame dans la teinture du ponceau sur soie; elle présente cette particularité de se fixer mieux sur les fibres avec le concours des protoxydes comme mordants, par exemple avec les oxydes de plomb, de zinc, etc.; tandis que les matières colorantes anciennement connues, telles que l’alizarine, lTiématoxyline, la brésiline et autres faisant fonction d’acides, se combinent, de préférence, avec les sesquioxydes, alumine, sesquioxydes de fer, de chrome, etc.
- La maison Durand et Huguenin, de Bâle, dont nous n’avons pas ici à rappeler les importants travaux, a été une des premières à préparer cette intéressante substance.
- On obtient un fort beau ponceau sur coton en formant sur cette fibre végétale du chromate de plomb, que l’on teint ensuite en éosine. Ici le composé métallique sert à la fois de mordant et de couleur.
- La réaction qui donne lieu à l’éosine s’accomplit avec tant de facilité, qu’on peut développer cette matière colorante sur la soie même. On réalise sans peine cette expérience, en prenant une échevette légèrement chargée de fluorescéine et en la plongeant dans de l’eau de brome; la teinture est presque instantanée.
- - Une matière qui fournit un rouge plus violacé que la précédente et qui possède avec elle des liens étroits de parenté, c’est 1 ’érythrosine. Elle résulte de l’action de l’iode sur la fluorescéine. Aussi bien que l’éosine, on l’emploie à l’état de sel de potasse.
- La roccelline est surtout utilisée pour les nuances ponceau sultan, résistant au foulon. Elle s’allie avec d’autres couleurs artificielles , qu’elle rend en général plus solides, et remplace avantageusement le rouge au bois de Sainte-Marthe, ainsi que les anciennes couleurs dites à la physique.
- Les divers orangés livrés au commerce, comme la roccelline, par la maison Poirrier, rendent également de très grands services. Mélangés avec d’autres produits artificiels, ils donnent des nuances bois, marron * olive $ chocas, etc., qui ont plus de solidité que les
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- teintures au curcuma, à l’acide picrique, à l’orseille et au carmin d’indigo.
- Sous la dénomination générique de rubèosines et à’auréosines, MM. Wilm, Bouchardat et Girard ont préparé un nombre considérable de composés résultant de la réaction de différents acides diatomiques, acides oxalique, phtalique, etc., sur des phénols et cliphénols, comme la résorcinc. Ces dérivés fournissent non seulement des ponceaux et des orangés, mais toutes sortes de nuances modes, dont la teinture tirera sans doute parti. La plupart présentent un dichroïsme des plus accentués.
- Ualizarine, la purpurine, la nitroalizarine, ne sont guère employées, quant à présent, sur soie; on pourrait cependant en faire une application utile dans la fabrication des articles qui demandent une très grande solidité.
- Le produit connu sous les noms de safrosine, lutécienne, coc-cine, etc., qui est de l’éosine nitrée, fournit des tons écarlates très vifs sur laine, mais réussit moins bien sur soie.
- Les corps désignés comme ponceau R, ponceau G, bordeaux R, bordeaux G, qui appartiennent aux groupes des dérivés azoïques, sont appelés à jouer un rôle important dans la teinture.
- Nous citerons encore, parmi les rouges, le rose Ren°ale, la phloxine, la pyrosine ou. ponceau d’Orient, matières découvertes par MM. Reverdin et Noelting, dans l’établissement de MM. Monnet et C’e, à Genève; et, parmi les orangés, la tropéoline oooo, la chrysovne, etc.
- La gamme des jaunes a été également complétée. Parmi ces couleurs, le sel calcaire du binitronaphlol, connu sous les noms de jaune de Martius, jaune de Manchester, est un des plus employés. Toutefois il présente un défaut, c’est de passer à la longue par une sorte de volatilisation.
- On utilise encore les jaunes d'or ou jaunes Victoria, dérivés du crésol, la phosphtne ou chrysotoluidine, la mandarine, Vaurantia ou hexanitrodiphénylamme. Du reste, les jaunes n’offrent * en général * qu’un intérêt assez secondaire.
- Les bleus de diphénylamine de MM. Girard et de Laire ont remplacé presque partout ceux de rosaniline, découverts antérieu-
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- renient par les mêmes auteurs. On livre d’ordinaire ces couleurs aux teinturiers à l’état de sels alcalins parfaitement solubles. C’est dans la solution très peu colorée et encore alcalinisée de ces sels que l’on manœuvre la soie à teindre. La couleur n’apparaît que lors de l’introduction de la libre dans un bain acide. Pour échantillonner, il faut donc retirer, de temps en temps, de petites échevettes servant de témoins, et les essayer à l’acide.
- En dehors de ces bleus, il en est peu qui soient employés sur soie. Cependant nous ne pouvons nous dispenser de signaler le bleu noir Collin, 1 ’alizarine bleue, Yinduline, enfin le produit récemment découvert dit bleu de méthylène.
- Pour ce qui est des violets, ceux qui dérivent de la rosaniline, violet impérial et violet Hoffmann, ont été à peu près abandonnés, tandis que l’on continue à se servir du violet Perkin ou rosolane, et surtout des violets de Paris, de la maison Poirricr. Enfin un corps trouvé plus récemment, le violet de benzylc, est apprécié pour les belles nuances bleutées qu’il fournit.
- Au vert à l’aldéhyde, déjà connu en 1867 et que les teinturiers préparent encore eux-mêmes pour leur usage, sont venus s’ajouter successivement le vert à F iode et le vert de méthyle, dérivés du violet de Paris, puis le vert malachite, dérivé de la diméthylaniline. Le premier de ces produits a moins d’éclat que les suivants, mais il est incomparablement plus solide. Quant à la céruléine, elle semble devoir être employée plus particulièrement sur coton.
- Enfin le brun de phénylènediamine, ou brun Bismarck, a rendu de très grands services dans la teinture sur soie. Cette substance a été préparée, en quantités considérables, par la maison William, Thomas et I)ower, de Brentford.
- L’extrême affinité que possèdent, à l’égard de la soie, ces diverses matières colorantes artificielles a été, pour les teinturiers, un écueil sérieux. Dans le commencement, ils n’arrivaient pas sans de grandes précautions à éviter les placages et à bien unir, à cause de la rapidité avec laquelle la couleur se fixait sur la fibre, au moment où Ton introduisait les pantes dans le bain. Ils ont paré à cet inconvénient d’une manière heureuse, en teignant sur savon dans la plupart des cas. A cet effet, ils utilisent les eaux savon-
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- neuses provenant des vieux bains de cuite et contenant plus ou moins de grès. On y ajoute une faible quantité d’acide (acide sulfurique ou acétique, suivant les circonstances), afin d’empâter légèrement le bain, puis on y verse le colorant en solution. Grâce à ce tour de main, on réussit à ralentir la fixation de la couleur sur la fibre et à obtenir des tons bien unis. Pour les personnes qui ne sont pas familiarisées avec ces opérations des ateliers, il est surprenant de voir, d’un liquide trouble et grumeleux, sortir une soie brillante et parfaitement teinte.
- 11 n’y a pas lieu de recourir à cette méthode avec les bleus alcalins, qui montent lentement et dont on ne développe la nuance que plus tard par un passage en acide.
- Faut-il considérer comme un progrès la pratique fort répandue de charger les soies de couleur? Tel n’est certainement pas notre avis; mais la question a pris trop d’importance pour que nous la passions sous silence.
- Jusque dans ces dernières années, on s’était contenté de charger ces soies, pour les couleurs assez foncées, avec de la noix de galle, de la galle de Chine, du sumac; et, pour les couleurs claires, avec du sucre, mais toujours dans des proportions relativement restreintes. On augmente aujourd’hui ces charges; et, en se servant de tanins peu colorés, surtout de tanin de sumac préparé spécialement pour cet objet, on arrive, même pour des couleurs claires, à un accroissement de 25 à 3o p. 0/0 du poids de la soie cuite, et de 3o à ho p. 0/0 du poids des souples. En définitive, 011 emploie, pour toutes les couleurs en général, du tanin et du sucre, et, pour les différents tons de blanc, cette dernière substance seule. On prétend que le sucre donne à la soie, une fois tissée, ce cri particulier, ce froufrou recherché par le consommateur.
- C’est donc uniquement pour se conformer au désir des fabricants que les teinturiers en font usage, et ils sont obligés d’en avoir toujours à leur disposition d’assez grandes quantités. Dans les établissements importants, l’épuration des bains de sucre ayant servi nécessite une installation déjà compliquée; car il faut décolorer par le noir animal, concentrer les jus, revivifier le noir, etc.
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- Le principal inconvénient des tissus fabriqués avec de la soie imprégnée de sucre est que la moindre goutte d’eau suffit pour les tacher. Le liquide dissout en effet cette substance, et, en s’étendant, forme une auréole.
- Enfin, ainsi que nous l’avons dit plus haut, les teinturiers chargent souvent la soie écrue à l’aide du bichlorure d’étain. La charge résiste aux opérations du décreusage; et Ton peut, sans en tenir compte, teindre la fibre dans toutes les nuances, sauf avec la cochenille.
- Dans ces dernières années, en ayant recours à des opérations bien entendues de gazage, de glaçage et de chevillage, on a réussi à enlever aux fils de schappe et de fantaisie le duvet qui leur donnait un aspect cotonneux, et à leur faire acquérir le brillant et le toucher de la soie. La maison Guinon, Marnas et Bonnet présentait de fort beaux spécimens obtenus par ce traitement.
- La teinture des soies grèges destinées à la fabrication des gazes a conservé, à Paris, une certaine importance. Elle demande des précautions et des soins. 11 faut que ces grèges aient une consistance suffisante pour fournir un tissu présentant la fermeté requise. Un des plus habiles teinturiers de la capitale, M. Briffaud, réussit fort bien ce genre d’articles, en appliquant sur la soie, une fois teinte, un apprêt à la gélatine. Les connaisseurs ont pu admirer aussi dans la vitrine du même industriel un magnifique cercle chromatique teint sur soie de Chine, et établi d’après les données de M. Chevreul.
- MM. Hulot et Berruyer, Lebouteux, Laboré et Besançon (ce dernier dans la spécialité du noir) représentaient dignement, avec le précédent exposait, la teinturerie parisienne, qui, tout en demeurant beaucoup plus restreinte que celle de Lyon et de Saint-Etienne, se maintient néanmoins à la hauteur des progrès du jour. Le bel assortiment d’ombrés qui figurait dans la vitrine de M. Laboré témoignait, de la part de ce praticien, d’une incontestable habileté.
- Un genre particulier de teinture sur fils de grège a été proposé par un filateur d’Espagne. Les inventeurs du procédé, MM. Lopez Florès y Gomez, à Espinardo (Murcie), ont eu l’idée de teindre
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- les cocons pendant leur dévidage dans la bassine; et il est de fait qu’en employant des couleurs d’aniline, ils obtiennent directement des nuances assez vives. Pour des raisons qu’il serait trop long de développer ici, cette méthode ne nous semble pas appelée à un grand avenir. Elle n’en est pas moins intéressante par son originalité.
- § a. — Teinture sur tissus.
- Nous ne terminerons pas sans dire aussi quelques mots de la teinture des tissus de soie. Cette industrie a fait, depuis 1870, de notables progrès. Jusqu’à cette époque, on teignait presque exclusivement des foulards, des satins et des doublures dont la chaîne grège était tramée en schappe ou en fantaisie, puis des crêpes de Chine et des foulards tout soie, en un mot, des étoffes formées entièrement de matières soyeuses, tissées en écru, et dont la texture se prêtait à la cuite et à la teinture au tourniquet.
- Des tentatives ayant été faites pour fabriquer des satins et des florentines avec chaîne grège et trame coton, on commença par teindre seulement en blanc et en noir ces tissus mixtes.
- En 1871. et en 1872, on chercha à obtenir toutes les couleurs; ce problème offrait de sérieuses difficultés, vu la nature différente des textiles composants qui ont, pour les matières colorantes, des affinités inégales. La maison Grobon et Cle, de Miribel (Ain), qui s’occupait spécialement de ces articles et qui a été seule à en exposer, vit ses efforts dans cette direction couronnés de succès. Bientôt même elle réussit à teindre en nuances unies des tissus mélangés de laine et de soie. De nouveaux obstacles étaient ainsi vaincus; car ces fibres, quoique toutes deux de nature animale, n’attirent pas également bien les couleurs, et il faut de grandes précautions pour arriver à décreuser la soie en présence de la laine, sans que cette dernière soit altérée.
- La vitrine de MM. Grobon et G10 contenait des spécimens parfaitement réussis de ces diverses sortes d’étoffes. Ces Messieurs ont présenté, en outre, un article nouveau fort intéressant. Ils tirent parti de la différence d’affinité de la soie et du coton à l’égard des matières colorantes pour obtenir, dans un tissu mélangé, deux
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- nuances tout à fait distinctes. Par exemple, ils teignent la soie en couleur et conservent au coton son blanc naturel.
- Dans le genre glacé, le plus usité, le colon est teint en noir, et la soie dans des nuances vives dont l’éclat n’a souffert en aucune manière. Il y a donc là réalisation de progrès sérieux, ayant exigé de nombreuses études. Plusieurs maisons ont cherché à opérer ce genre de teinture, sans pouvoir y arriver.
- Les articles variés dont nous venons de parler sont apprêtés par M. Garnier, de Lyon, qui avait exposé aussi dans la classe US. Cet industriel s’est acquis une légitime réputation dans l’apprêt des étoffes de soie de tout genre. La méthode qu’il emploie consiste, abstraction faite des traitements mécaniques, à foularder le tissu bien sec à travers une solution de paraffine dans la benzine, et à laisser volatiliser le dissolvant. L’étoffe se trouve ainsi recouverte d’un enduit léger qui lui donne plus de brillant et de fermeté, et la préserve des taches auxquelles est sujette la soie chargée au sucre, lorsqu’elle reçoit les atteintes de l’eau.
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- CHAPITRE IV.
- MACHINES.
- Le matériel des ateliers de teinture s’est sensiblement amélioré depuis 186-7.
- La maison Gillet et fils a introduit plusieurs perfectionnements aux machines qui servent à manœuvrer les écheveaux dans les bains de mordant ou dans les barques à laver. Elle a construit également un hydro-extracteur à plateau qui permet d’essorer sur bâtons, condition importante dans la teinture en noir, où les soies ont à subir de nombreux traitements.
- On doit enfin à la même maison une machine ingénieuse destinée à laver et à battre tout à la fois les soies. Cette dernière, légèrement modifiée et vendue sous le nom d’un autre inventeur, rend de grands services dans les ateliers de Lyon et de Paris. Elle supprime une manutention longue et pénible pour les ouvriers, et procure, surtout pour le traitement de l’article dit noir au pied, une économie de façon considérable. D’après un renseignement qui nous est fourni par MM. Hulot et Berruyer, de Puteaux, une seule de ces machines, fonctionnant pendant dix heures, fait le travail de vingt-cinq ou trente hommes à la journée, et a cet autre avantage qu’elle opère d’une manière beaucoup plus régulière.
- Elle permet de charger la soie à 900 p. 0/0 dans l’espace de huit jours.
- L’appareil a la forme d’un tambour dans lequel tourne une roue «avec des palettes mobiles qui portent la soie. En arrivant à la partie inférieure du tambour, chaque écheveau entre dans un réservoir où l’eau se renouvelle constamment, et, après avoir accompli environ trois quarts de révolution, vient s’abattre vivement sur une planche fixe. Comme l’écheveau se déplace sans cesse autour de la palette qui le supporte, il se trouve successivement lavé et battu dans toutes ses parties.
- Une machine fort appréciée, qui a été adoptée dans tous les
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- ateliers, est la secoueuse de M. César Corron, de Saint-Etienne. Elle consiste en une cheville fixe recevant cl’un moteur un mouvement de rotation sur elle-même. Un chevillon, monté à l’extrémité d’un battoir, est animé, au moyen d’une came, d’un mouvement de va-et-vient. L’écheveau, placé sur la cheville et le chevillon, se trouve brusquement secoué et tendu, quand le battoir retombe par l’effet de son propre poids. A des intervalles très rapprochés, la came relève le chevillon et le laisse retomber. Pendant ce temps, la cheville, tournant sur elle-même, déplace le matteau, dont toutes les parties viennent occuper successivement des positions identiques. Il y a donc production d’un travail très régulier et, en outre, économie notable des frais de main-d’œuvre; car une secoueuse à double effet, c’est-à-dire portant quatre battoirs, conduite par une femme seule, secoue en dix heures 3oo kilogrammes de soie, qui auraient exigé précédemment le travail de cinq habiles ouvrières pendant le même temps. Par des ressorts qu’on adapte à volonté aux battoirs, on a la faculté d’augmenter ou de diminuer l’intensité de l’effort exercé sur la fibre.
- M. Corron avait exposé d’autres appareils intéressants : d’abord un hydro-extracteur à plateau, permettant de conserver la soie sur bâtons et de l’essorer à fils droits; puis une cuve disposée de façon à opérer mécaniquement la manœuvre de va-et-vient et le mouvement de lissage que nécessite la teinture des écheveaux.
- Ces deux dernières innovations, soit qu’elles laissent encore quelque peu à désirer sous le rapport pratique, soit qu’elles se heurtent à une résistance mal entendue, ont été jusqu’à présent moins bien accueillies des industriels. On voit d’ailleurs souvent un inventeur utiliser mieux que d’autres les méthodes qu’il a préconisées, parce qu’il s’y attache avec amour et passe outre à de petits inconvénients qui rebutent un étranger. Le fait est que l’établissement de MM. Corron et Vignat se sert avantageusement de ces diverses machines.
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- Gr. V
- CONCLUSION.
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- En résumé, les progrès accomplis clans l’industrie de la teinture des soies pendant la période 1867-1878, sans être très saillants, ont suivi une marche continue; mais les fabricants qui emploient la matière teinte sont mieux à même que le consommateur de les apprécier.
- On a appliqué les matières colorantes nouvelles au fur et à mesure de leur apparition, et, en les combinant, on a créé les tons les plus variés. En présence de la diminution du tissu façonné, cette multiplicité des nuances a été une des principales préoccupations auxquelles se sont attachés les teinturiers.
- En ce qui concerne les noirs, on a amélioré le traitement des soies. Les organsins et les trames, étant moins altérés par les opérations, occasionnent un déchet moindre et permettent aux ouvriers de produire avec la même quantité de matière première plus de tissu, dans un temps plus court. Il y a aussi une plus grande variété dans les tons que le teinturier en noir peut offrir à la mode.
- L’emploi des diverses machines auxiliaires, à laver, à essorer, à battre, à secouer, à cheviller, à lustrer, est devenu général et a restreint de plus en plus le travail à la main.
- Les ateliers sont beaucoup mieux aménagés que par le passé, plus sains, plus commodes, présentant moins de risques d’accidents. De grands établissements, tels que celui de MM. Renard, Villet et Bunand, n’ont pas reculé devant des sacrifices énormes, pour transporter leurs usines dans des espaces plus vastes, et se réorganiser avec des dispositions réunissant tous les perfectionnements modernes.
- Le côté scientifique, trop longtemps négligé, est enfin, nous l’avons dit,plus généralement apprécié des teinturiers, et les essais du laboratoire servent souvent de guide aux travaux de l’atelier.
- On s’occupe plus qu’autrefois du sort des employés et de leurs familles. Dans plusieurs grandes teintureries de Lyon, une
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- caisse de secours alimentée par le patron fournit à tous les ouvriers, en cas de maladie, les secours médicaux; elle assure des pensions aux veuves; enfin elle vient en aide au personnel en cas d’accidents et dans toutes les circonstances difficiles. Quelquefois enfin, et notamment chez MM. Gillet et fils, des salles d’asile et des écoles, entretenues aux frais de la maison, reçoivent les enfants des ouvriers. Ainsi Je sentiment humanitaire donne chaque jour des preuves d’une plus grande activité.
- J. Pkrsoz.
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