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Congrès international de l'enseignement des sciences sociales
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- CONGRES INTERNATIONAL
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- PARIS
- 30 Juillet — 3 Août 1900
- PROGRÈS A RÉALISER
- QUANT A LA NATURE ET A LA DISTRIBUTION DES ENSEIGNEMENTS
- EN SUISSE
- Par Georges RENARD
- Professeur au Conservatoire national des Arts et Métiers ancien professeur à l’Université de Lausanne
- PARIS
- ANCIENNE LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE ET Cie
- FÉLIX ALCAN, ÉDITEUR
- 108, BOULEVARD S AINT - GE RM AIN, 108-
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- Ancien professeur à l'Université
- Professeur au Conservatoire National des Arts et Métiers
- GEORGES RENARD
- de Lausanne
- SUISSE
- RAPPORT POUR LA SUISSE sur la première question du programme d’études (§ 2).
- UNIVERSITÉS, ÉCOLES SUPÉRIEURES, ÉCOLES SPÉCIALES
- PROGRÈS A RÉALISER
- QUANT A LA NATURE ET A LA DISTRIBUTION DES ENSEIGNEMENTS
- Il ne s’agit point ici de décrire ce qui est ; il s’agit d’esquisser ce qui devrait et pourrait être dans un pays républicain et démocratique, soucieux d’éviter à la fois le lent enlizement de la routine et les violentes secousses des révolutions. Il convient ainsi de dresser en pleine lumière l’idéal, mais en le rattachant à la réalité, de façon qu’il n’en soit que le prolongement et le perfectionnement. Quand et comment pourront s’accomplir les réformes désirables, c’est le secret de l’avenir que nul ne saurait dévoiler. Notre tâche n’est pas de le dire, elle est seulement d’indiquer ce qui nous paraît juste et possible ; même enfermée dans ces limites, elle est assez considérable pour que nous ne l’abordions pas sans réclamer l’indulgence nécessaire à quiconque s’engage dans une voie non frayée.
- Je veux être aussi court que faire se peut ; cependant, si bref que doive être cet essai, je le partagerai en trois parties :
- 1° Moyens d’assurer la liberté de l’enseignement social.
- 2° Distribution générale des matières enseignées.
- 3° Plan d'études pour chacune des branches.
- I. — Moyens d’assurer la liberté de l’enseignement social
- La démonstration d’un théorème de géométrie, une expérience de physique et de chimie peuvent être conduites avec une parfaite impartialité ; la science est en pareil cas vraiment impersonnelle comme elle doit l’être. Malheureusement, il n’en est plus de même dès qu’on touche à l’enseignement des sciences sociales. L’exposé et surtout
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- l’appréciation d’une série d’événements historiques ou d’un système d'organisation économique changent singulièrement suivant les personnes et reflètent avec une fidélité fâcheuse et presque inévitable la divergence de leurs opinions politiques, religieuses ou philosophiques.
- C’est là une grave difficulté qu’il faut envisager en face. J’avoue qu’elle est moindre en Suisse que partout ailleurs. Grâce à de vieilles traditions de large tolérance, grâce à un respect de la liberté de penser qui est entré depuis longtemps dans les mœurs, grâce aux concessions mutuelles que les partis sont accoutumés, à se faire par suite de la constitution fédérative du pays, il est ordinaire de voir représentées dans les Universités les tendances les plus diverses ; il n’est pas rare de voir un professeur de talent nommé ou même appelé par un gouvernement qui n’a pas les mêmes idées que lui sur les grands problèmes de la vie sociale. Le cas d’un maître arraché de sa chaire, parce qu’il professe des doctrines contraires à celles dont l’État s’inspire pour le moment, paraîtrait monstrueux.
- Cependant, comme on ne peut toujours compter sur la largeur de vues des hommes qui se succèdent au pouvoir, il est bon de chercher à réduire au minimum le péril résultant de l’incurable division des convictions humaines. La question m’a beaucoup préoccupé jadis ; j’ai essayé de la résoudre au mieux de la dignité des maîtres, de l’intérêt des élèves et de la société entière. On me pardonnera de répéter ici, en l’abrégeant, ce que j’ai écrit ailleurs à ce sujet i : je n’ai pas trouvé depuis lors de solution meilleure. (Je rappelle que je parle seulement de l’enseignement supérieur.)
- «... Faut-il admettre en fait, sinon en théorie, une vérité officielle ? Maintenir dans les chaires une histoire d’Ëtat, une philosophie orthodoxe, une économie politique estampillée ? Faut-il soumettre l’enseignement à la domination, je ne dis pas même des majorités, mais des puissances sociales qui propagent, aux frais delà nation entière, les doctrines favorables à leur suprématie ?
- « Faut-il dire au contraire : — Point d’enseignement public ! La société n’a rien à faire en ce domaine. Laissons chacun libre d’enseigner, chacun libre d’apprendre ce qu’il lui plaira. L’enseignement est pure affaire privée.
- « Il semble bien que l’on soit pris entre les deux branches de ce dilemme. Et pourtant, non. Ni l’une ni l’autre solution ne nous paraît satisfaisante.
- « La première est mauvaise, parce que les idées enseignées au nom de la nation entière ne sont souvent conformes qu’aux convictions d’une partie, parfois même d’une petite minorité de ses membres. C’est établir un privilège, c’est-à-dire violer l’égalité au profit des uns et aux dépens des autres, que de donner ainsi une consécration
- 1. Le régime socialiste, pp. 92-98 (Paris, Alcan, 1898).
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- officielle et exclusive à certaines doctrines. C’est encore violer le droit de l’enfant à la vérité, en abusant de sa faiblesse pour implanter en lui des opinions qui peuvent être erronées et fausser sa pensée durant toute sa vie. Ce système est admirablement calculé pour entretenir la domination d’un homme ou d’une classe ; il fait des sujets dociles, non des hommes libres.
- « L’autre solution ne me semble pas meilleure. Supposez l’enseignement abandonné à l’initiative individuelle, fourni sans contrôle par la famille ou une association quelconque : la liberté intellectuelle de l’enfant est menacée plus gravement encore. Si les parents demeurent maîtres absolus de son éducation, je crains sur son esprit une pression d’autant plus puissante que l’élève est naturellement prédisposé à subir la suggestion affectueuse de ceux qui lui sont le plus proches. Gare alors aux préjugés héréditaires, qui sont la négation même du progrès scientifique ! Gare surtout à ce qu’on peut nommer la séquestration morale dans un milieu étroit et fermé, où l’air du dehors ne pénètre pas, où la vision des choses réelles peut être lamentablement déformée ! J’estime qu’il y a un véritable abus de pouvoir dans cette espèce de claustration familiale, qui trop souvent empêche une intelligence bien douée de choisir en connaissance de cause parmi les doctrines qui se combattent.
- « Mais, à côté de la famille, peuvent exister des associations qui se chargeront de distribuer la science à la jeunesse. L’avouerai-je ? Cela ne me rassure pas du tout. Qu’est-ce qui me garantit que ces associations respecteront mieux le droit qu’a l’adolescent de se faire sur toutes choses son opinion personnelle?... Il y aura, je le veux, des associations opposées l’une à l’autre. Ici, tout sera disposé pour faire de bons catholiques, là on professera la haine ou le dédain de toute religion ; tel établissement sera de couleur socialiste, tel autre sera voué aux partisans du laissez faire, laissez passer. Libre concurrence entre les écoles rivales ! Les élèves n’auront qu’à choisir entre elles.
- « Le malheur est que l’on choisira pour eux ; que, n’ayant ni l’âge ni le savoir nécessaires pour exprimer une préférence fondée en raison, ils seront, dès le début, sans même avoir été consultés, parqués en des compartiments séparés. Entre eux plus de solidarité, plus de contact ! Plus de communauté d’aspirations ou de souvenirs ! Et, comme conséquence, ou bien un émiettement social qui fera de tous ces individus sans lien une poussière d’atomes tourbillonnant au gré du vent, ou bien la guerre civile en permanence merveilleusement préparée par des écoles qui seront comme autant de petits mondes à part, d’où les différents groupes sortiront avec des principes contradictoires et des haines réciproques.
- « Je crois qu’on peut trouver une solution plus heureuse du problème. Il faut pour cela se rappeler deux choses : que le droit de tout être humain, arrivant à l’âge adulte, est de choisir librement entre
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- les diverses doctrines que les hommes ont élaborées ; et que la société a, par suite, le devoir de mettre ses membres en état de réaliser cette liberté idéale.
- « Comment la société fera-t-elle en sorte que tous ses membres, aux environs de la vingtième année, puissent ' comme on dit, entendre toutes les cloches et réunir ainsi tous les éléments de décision qui leur permettront un choix raisonné ?
- « Il va de soi, d’abord, que tout empêchement économique à l’accès libre des sources du savoir devra disparaître... La société devra ensuite, non plus se prononcer sur les diverses doctrines et accorder une sorte de monopole à l’une ou à plusieurs d’entre elles, mais étendre sur toutes sa protection, leur assurer indistinctement le droit de vivre, leur garantir la lutte franche et loyale au grand soleil. Elle n’a point à favoriser, pas même à proclamer la victoire de l’une ou de l’autre ; comme les hérauts d’armes, au moyen âge, dans les tournois de chevalerie, elle a pour fonction de veiller à ce que les conditions du combat soient les mêmes pour tous les combattants et dûment observées.
- « Cette conception du rôle de la société est de nature à modifier la situation de ceux qui enseignent comme de ceux qui étudient.
- « Dans les universités entretenues aux frais de la communauté, toute doctrine importante devrait avoir sa place marqüée ; dès qu’un certain nombre da personnes (nombre qui serait fixé par la loi) réclamerait l’enseignement de telle doctrine leur tenant à cœur, une chaire serait créée et le titulaire en serait désigné par les « demandeurs ». On peut être ainsi certain que le professeur désigné serait un des meilleurs champions de la façon de voir destinée à être représentée par lui. En revanche, dès qu’un enseignement ne répondrait plus à un besoin réel, il pourrait être supprimé, sitôt que la proposition en serait faite sous une forme qu’il serait aisé de régler ; il suffirait d’interroger la nation à ce sujet et de compter les voix qui en demanderaient le maintien. Il s’établirait ainsi entre les doctrines et le nombre des chaires où elles seraient enseignées un équilibre aussi parfait que possible, une proportion variable conforme à la répartition des membres de la société entre les diverses croyances.
- «... Ce système aurait l’avantage d’organiser ce que les églises, les académies, les gouvernements, organes de résistance, ont jusqu’ici enrayé de tout leur pouvoir : l’innovation, l’invention des idées. Toute doctrine neuve échapperait au risque d’être étouffée par la tradition, entravée dans son essor par la routine. Car, sans compter qu’elle pourrait toujours être professée hors des établissements publics, elle y obtiendrait droit de cité, sitôt qu’elle aurait conquis le nombre d’adeptes requis pour figurer à côté des autres branches d’enseignement déjà reconnues.
- « Voilà pour la liberté des professeurs. Voici maintenant pour celle des élèves :
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- « Afin que leur choix fût vraiment libre entre les théories opposées, ils devraient être astreints à en connaître au moins les principes; et l’on pourrait obtenir d’eux la preuve de cette connaissance, en inscrivant toutes ces matières aux programmes des examens. Le jury, complété, pour plus de sûreté, par des membres pris en dehors du corps enseignant, comprendrait des représentants de toutes les opinions, de façon à offrir toutes les garanties d’impartialité, et il va de soi que, sur tous les points en litige, pleine liberté serait laissée aux jeunes gens interrogés de se déclarer pour ou contre ou de suspendre leur jugement. Le jury constaterait seulement s’ils ont bien ou mal étudié ce qu’fis devraient savoir, mais, suivant une formule déjà usitée quand une Faculté délivre un- diplôme de docteur, sans se prononcer sur les opinions des candidats.
- « Les universités deviendraient ainsi des écoles de tolérance mutuelle. Non seulement étudiants et étudiantes apprendraient à passer leurs idées au crible de la discussion et à respecter l’indépendance et la dignité de la pensée dans leurs adversaires ; mais, si divisés qu’ils pussent être ensuite par les conclusions auxquelles ils aboutiraient, ils garderaient de la fréquentation des mêmes leçons, de leur vie dans un même milieu, un tenace sentiment de camaraderie et de fraternité.
- « Craindrait-on de voir ainsi les jeunes esprits, perdus dans le chaos des idées contradictoires, se reposer paresseusement sur le mol oreiller du doute ? Ce danger, alors comme aujourd’hui, pourrait exister pour les intelligences et pour les caractères sans consistance ; mais d’abord il serait moins grave que cette infatuation orgueilleuse de l’adolescent, frais émoulu de ses études, qui se cantonne dans une opinion apprise sans prendre la peine de considérer les faces multiples de la vérité ; il serait compensé par l’indulgence et la modestie, compagnes ordinaires du scepticisme sincère ; mais, de plus, la nécessité de choisir entre les doctrines diverses, si elle était pour les faibles un fardeau pesant, serait pour les forts un exercice salutaire et tonique ; les convictions ne seraient plus suggérées par le hasard ou dictées par l’intérêt ; elles seraient sérieuses, raisonnées, fondées sur une connaissance approfondie des faits. Il se formerait ainsi une véritable élite. Est-ce que, de nos jours déjà, un homme supérieur ne doit pas avoir fait, comme disait Sainte-Beuve, le tour des choses de la vie ? Est-ce que, avant de s’engager dans une voie définitive, il ne doit pas avoir fouillé et suivi du regard les routes si divergentes ouvertes à sa pensée ? Le conflit des diverses théories n’est à redouter que si l’on nie à la raison humaine tout pouvoir de discernement... Quiconque est convaincu que la vérité, comme le soleil, se fait connaître à sa clarté, ne peut que souhaiter entre les doctrines qui prétendent la posséder une libre et loyale concurrence où la victoire est assurée au rayonnement lumineux le plus intense... »
- On peut trouver difficiles à réaliser les mesures que je propose
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- pour donner à toutes les doctrines la liberté de se produire, pour organiser la neutralité de l’État en ce domaine, pour faire de lui le garant de ce que les Anglais appellent le fair play entre les manifestations les plus contraires de l’esprit humain. Mais plus les peuples apprendront à se gouverner eux-mêmes, plus ces procédés deviendront praticables, et, en Suisse déjà, par l’exercice du referendum et du droit d’initiative, les citoyens s’accoutument à trancher des questions aussi complexes et aussi délicates.
- En tout cas, je demande qu’on mette et maintienne à l’ordre du jour la recherche des moyens propres à empêcher l’enseignement social d’être un enseignement de classe, de parti ou de secte ; et, si l’on découvre d’autres moyens plus simples et plus pratiques pour atteindre ce but, je me déclare prêt à m’y rallier.
- II. — Distribution générale des matières enseignées
- J’arrive à la distribution générale des matières qui doivent faire partie de cet enseignement.
- Je ne discuterai pas s’il faut les faire rentrer dans l’une ou l’autre des Facultés existantes ; j’estime en effet que la division traditionnelle en Facultés *, legs trop pieusement gardé du moyen âge, ne répond plus à la réalité des choses. Elle a le grand tort de laisser de côté des branches de connaissances très importantes, les beaux-arts, par exemple, et en particulier les sciences sociales qui sont condamnées à s’éparpiller et à se caser où elles peuvent. Elle a le tort plus grave encore de classer les matières enseignées d’après des principes différents : la Faculté de médecine est, à vrai dire, une des écoles techniques qui devraient dépendre de la Faculté des sciences ; la Faculté des lettres, qui comprend l’histoire et partant l’histoire des religions, se trouve en conflit sur ce terrain avec la Faculté de théologie, etc. L’Université de Zurich, avec une sage hardiesse, a déjà brisé ces vieux cadres et n’enferme plus professeurs et étudiants dans ces compartiments mal faits qui craquent de toutes parts.
- Il siérait de procéder à une nouvelle classification de toutes les matières enseignées. Je n’ignore pas qu’elle devrait reposer sur une classification des sciences et que cette base préalable n’est pas encore solidement assise ; mais il suffit, pour l’objet que je poursuis ici, de déterminer le contenu de ces mots un peu bien vagues : Enseignement des Sciences sociales.
- Si l’on distingue deux groupes de Sciences : Sciences du monde extérieur et Sciences de l'humanité, groupes auxquels la biologie sert de lien et la philosophie de couronnement commun, on voit claire-
- 1. Cinq suivant le système français (lettres, sciences, droit, médecine, théologiel, quatre suivant le système allemand, où sciences et lettres sont réunies sous le nom de philosophie.
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- ment que les sciences sociales sont en dehors du premier, qui comprend les sciences mathématiques, physiques et naturelles, et qu’elles font partie intégrante du second. Mais, dans ce dernier groupe, il faut distinguer encore deux catégories de sciences : celles qui s’occupent de l’homme individuel, considéré dans ses fonctions corporelles ou mentales, telles la physiologie, la psychologie, la logique, etc... ; celles qui étudient l’homme dans ses fonctions d’être vivant en société et qui méritent dès lors le titre de sociales.
- Seulement à quoi reconnaître celles-ci ? Comment définir le fait social, qui est la matière première des sciences du même nom ? Il me paraît qu’on peut tenir pour fait social toute relation des hommes avec les hommes. Les sciences sociales comprendraient donc à ce compte l’étude de toutes les relations inter-humaines.
- Mais ces relations sont de différents genres. Il en est qui sont, pour ainsi dire, plus sociales que les autres, j’entends plus essentielles à la vie d’une société. On ne peut guère concevoir une société sans un minimum de ces relations-là, qui d’ordinaire se cristallisent en organisations durables et rigides, tout au moins en usages souvent aussi impératifs que des lois. Ce sont les relations économiques, politiques, civiles et morales.
- D’autres, sans manquer d’importance assurément, sont plus souples, plus libres, ne s’imposent pas à tous les membres d’une société, peuvent à la rigueur être regardées comme répondant à des besoins moins vitaux, moins indispensables. De ce nombre me paraissent être les relations religieuses, esthétiques, scientifiques.
- De là suit qu’il y aurait deux groupes de sciences sociales : les unes le seraient entièrement, exclusivement, parce qu’il n’y est question que des rapports existant ou pouvant exister entre les hommes ; les autres le seraient seulement à demi, parce que les matières, qui en font l’objet, impliquent autre chose que ces rapports. Ainsi la religion, qui est sociale par ses rites et ses institutions, est en même temps une tentative d’explication des mystères qui nous entourent, un effort pour rattacher l’homme à des puissances surhumaines. Ainsi les beaux-arts et les lettres, qui cherchent toujours à plaire et parfois à exercer une action, qui sont modifiés par le milieu humain où ils évoluent et qui le modifient à leur tour, ont par là même un côté sociologique ; mais l’étude des procédés qu’ils emploient pour atteindre le beau a un autre caractère. Ainsi encore les sciences physiques et naturelles travaillent sur des choses et des êtres vivants qui sont situés hors de l’humanité ; mais une découverte, une invention peuvent avoir des répercussions sociales d’une extrême gravité qui ont leur place marquée dans la sociologie.
- III. — Plan d’études pour chacune des branches d’enseignement. On voit les branches multiples d’enseignement qui résultent de la
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- définition posée. Comment parcourir le champ immense de chaque discipline ainsi distinguée ?
- A mon avis, il faut dans chacune étudier trois choses :
- Ce qui est — Ce qui fut — Ce qui peut ou doit être.
- Un exemple éclaircira ma pensée. Je suppose qu’on veuille enseigner l’économique.
- Il faut commencer par la description aussi exacte, aussi complète que possible de ce qui existe : statistique, géographie commerciale et industrielle, densité de la population, proportion des villes et des campagnes, législation ouvrière, théories régnantes et acceptées pour vraies par les différents groupes dans les divers pays du monde, etc. Voilà une première partie de la science.
- Il faut après cela suivre dans le temps l’évolution des faits et aussi des systèmes qui ont prétendu les expliquer ou contribué à les produire. L’histoire n’est pas une science sociale proprement dite : elle est l’instrument commun dont toutes les sciences sociales ont un égal besoin. C’est elle qui doit révéler les lois suivant lesquelles varient les phénomènes ou s’enchaînent les causes et les effets.
- Il faut enfin faire la critique du présent et du passé et tâcher de construire une théorie capable de servir de guide pour créer l’avenir conformément aux principes de l’utile, du possible et du juste. Science pure et science appliquée rentrent dans cette catégorie.
- Considérons une autre branche, le droit civil, si l’on veut. L’enseignement qui le concerne sera établi sur le même plan.
- 1° Partie descriptive, positive, actuelle.
- 2° Partie historique.
- 3° Partie critique et théorique, qui est toujours, en une certaine mesure, idéale.
- Je crois qu’il y aurait avantage à classer toutes les matières d’enseignement social d’après cette ordonnance uniforme. Faut-il encore un exemple ? On pourrait appliquer la même distribution à l’étude des relations morales.
- 1° État des mœurs. — Ce qui se fait et ce qui se prêche.
- 2° Histoire des usages et des systèmes de morale qui ont été en faveur tour à tour ou à la fois. Lois qui se dégagent de cette étude.
- 3° Critique des théories et des pratiques d’autrefois et d’aujourd’hui. Exposé des principes qui doivent régir les rapports des hommes considérés comme personnes morales avec les autres hommes.
- Une Faculté ou un Institut de sciences sociales formerait de la sorte un ensemble harmonieux et combiné pour fournir une instruction complète.
- Du reste, il y a lieu de distinguer les sciences et la pratique qui en dépend *. Parmi les élèves, quelques-uns sans doute se voueraient
- 1. Voir à ce propos deux très intéressants articles deM. LéonWalras -.Delà, culture et de l’enseignement des Sciences morales et politiques. (Bibliothèque universelle. Lausanne, juillet et août 1879).
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- uniquement à l’avancement de la science et pourraient se contenter de l’enseignement théorique ; les autres se diviseraient en sections techniques, où les cours de culture générale indispensables à tous seraient complétées par les études spéciales nécessaires à telle ou telle carrière.
- Ils pourraient s’y préparer à l’administration, aux finances, à la profession de journaliste ou d’avocat, aux fonctions politiques, etc. Des examens constateraient quelles parties de l’énorme domaine ouvert devant leur curiosité ils auraient particulièrement explorées.
- Telle me paraît être dans ses grandes lignes l’économie rationnelle d’un enseignement des sciences sociales qui voudrait être méthodique et intégral. On me dira que le plan proposé s’éloigne fort de ce qui existe actuellement, surtout en certains pays. Je le reconnais et je le regrette. Mais assez d’autres sans moi auront, je pense, indiqué les réformes prochaines qui peuvent améliorer ce qui existe ; il m’a semblé bon que quelqu’un essayât de montrer l’idéal lointain, sans lequel, après tout, ne sauraient s’orienter ceux qui entendent marcher de l’avant. Car ce n’est pas tout de cheminer d’une allure lente et prudente ; encore faut-il savoir en quel sens on doit se diriger, si l’on veut que cette marche pas à pas soit sûre et profitable.
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- CONGRES INTERNATIONAL
- PARIS
- 30 Juillet — 3 Août 1900
- L’ENSEIGNEMENT
- DES SCIENCES SOCIALES
- EN ESPAGNE
- Par Rafaël ALTAMIRA
- Professeur à l’Université d’Oviedo
- PARIS
- ANCIENNE LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE ET Cie
- FÉLIX ALCAN, ÉDITEUR
- 108, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 108
- 1900
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- “BIBLIOTHEQUE
- du conservatoire national'
- des A UT S &. L L i
- N° du Catalogue.....
- i Prix ou Kslimalion. Entrév, le.....-..
- RAPPORTS GÉNÉRAUX SUR L’ENSEIGNEMENT DES SCIENCES SOCIALES DANS LESQUELS IL EST SURTOUT QUESTION DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
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- ESPAGNE
- H. RAFAEL ALTAMIRA
- Professeur à l’Université d'Oviedo
- L’ENSEIGNEMENT DES SCIENCES SOCIALES
- EN ESPAGNE
- Comme bien d’autres enseignements modernes, celui des Sciences sociales est tout à fait rudimentaire en Espagne. Ce n’est qu’en élargissant un peu le concept, et surtout en ne se bornant pas aux cadres officiels de notre enseignement public, qu’on peut parler quelque peu de l’existence de ces études chez nous. Et tout d’abord, il faut écarter le groupe de l’enseignement populaire, qui ne se trouve pas organisé chez nous, à la façon, du moins, de ce qu’on voit à l’étranger.
- I. — Enseignement supérieur. — On a parlé pour la première fois, en 1894, dans un projet de réforme de la Faculté de Droit, de créer un cours de Sociologie. Ce n’est cependant qu’en 1899 qu’une chaire de sociologie a été ajoutée aux études du doctorat de la Faculté de philosophie et lettres (Madrid). Elle a été confiée à M. Sales y Ferté, ancien professeur de l’Université de Séville et auteur d’un Traité de sociologie, le seul qui ait été publié jusqu’ici en Espagne. M. Sales n’a pas eu encore le temps de développer son enseignement à Madrid.
- Sans être officiellement vouées aux études sociologiques, les chaires de MM. Giner de los Rios et Azcârate à la Faculté de Droit (doctorat) de Madrid, ont certainement un sens qui rentre dans l’ordre des matières qui nous occupent. M. Giner a étudié à diverses reprises, dans son cours de « Philosophie du Droit », des sujets sociaux, tels que le socialisme, les théories anarchistes.
- M. Azcârate, qui est chargé de la « Législation comparée », a consacré souvent ses conférences à l’évolution de certaines institutions sociales, telles que la famille, la propriété, au point de vue juridique. D’autres professeurs font de même dans les Facultés de Droit de Salamanque, Grenade, Oviedo : par exemple, M. Dorado dans son cour de Droit criminel ; M. Vida dans le Droit politique ; M. Buylla dans l’Economie; M. Posada dans le Droit politique...
- Mais, comme on le comprend bien, ce sont plutôt des manières
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- d’envisager les sujets, des méthodes suivies par la libre initiative des professeurs, que des enseignements consacrés par le programme officiel.
- A Oviédo existe aussi, depuis quelques années, une « École pratique d’études juridiques et sociales » dirigée par les professeurs MM. Buylla, Posada, Sela et moi-même, et formée par des élèves de la Faculté de Droit. Elle est divisée en quatre sections : Economie et finances ; Politique et sociologie ; Questions internationales et Eüstoire du Droit. A la première on a fait l’étude de l’ouvrier menuisier à Oviédo, d’après la méthode monographique de Le Play et du Maroussem, et maintenant on s’occupe de discuter les doctrines socialistes. A la seconde on a fait des travaux sur la Sociologie de Spencer et Fouillée.
- A la troisième on a étudié en 1898-1899 le fait de la colonisation dans tous ses rapports. A la quatrième j’ai engagé les élèves dans des recherches sur les coutumes juridiques anciennes et modernes des Asturies, en faisant des enquêtes personnelles chez les paysans et dans les petites villes.
- II. — Enseignement secondaire et primaire. — Rien à signaler, malheureusement, dans ces deux ordres d’enseignement public. A l’enseignement secondaire le ministre du Fomento (Instruction publique, Agriculture, Travaux publics), M. Groizard tâcha d’introduire un cours de Droit usuel et un certain sens sociologique dans quelques matières. Mais sa réforme fut vite remplacée par d’autres plans moins développés.
- L’enseignement de la sociologie ne figure, d’après mes renseignements, que dans les cours cl’une institution privée, YInstituciôn libre de ensenanza, créée à Madrid en 1876 et qui a été, depuis lors, le centre pédagogique le plus caractérisé chez nous dans le sens moderne. Elle comprend les deux degrés, secondaire et primaire, réunis dans un seul, continu, de « culture générale » formé par plusieurs classes de programme concentrique. La sociologie y est enseignée depuis les premières années, et d’après cette méthode : à la classe inférieure (maternelle) on fait de simples causeries avec les enfants au sujet des choses qui leur sont familières ou de leurs questions, rien que pour attirer leur attention sur les faits sociaux dont ils sont témoins tous les jours : offices, professions, corporations, autorités publiques, fabriques, marchés, églises, écoles, etc. De temps en temps, une visite rapide à des établissements publics, avec très peu d’explications, même en se refusant, pour ne pas encombrer, à répondre à toutes les interrogations que font les élèves. Dans les classes suivantes, on systématise peu à peu les faits, en les groupant et en faisant ressortir de plus en plus l’idée de société qui leur donne de l’unité. Les visites (excursions) sont plus fréquentes et les élèves commencent à en faire de petits rapports. A la classe supérieure, on fait déjà un cours systéma-
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- RAFAËL ALTAMIRA.
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- tique mais élémentaire, avec peu de contenu. Les excursions sont aussi plus fréquentes et organiques, avec des explications. Le procédé d’enseignement est tout à fait oral, au moyen de causeries, suivies d’un bref résumé fait par un élève, et des notes écrites, que chacun rédige librement (pendant huit ou dix minutes) dans son cahier. Ces extraits écrits sont lus à la séance suivante et corrigés publiquement par le professeur. Pas de livre ni de travaux à la maison. Le programme de ce cours est dressé d’après le plan suivant : Introduction : idée de la sociologie. Partie générale : la société, ses éléments, fonctions, etc. Partie spéciale : 1° sociétés totales (famille, commune, nation ; 2° sociétés spéciales (classement d’après le but). On se préoccupe toujours de rattacher les remarques aux problèmes sociaux contemporains.
- III. — L’initiative privée a pourvu aussi aux besoins scientifiques de ce genre en fondant à 1 ’Ateneo de Madrid (société littéraire et scientifique) des cours supérieurs (fermés avec inscription libre et à peu près gratuite) dont quelques-uns sont de caractère socio-logique. M. Azcârate y a donné un cours sur le concept de la sociologie tout en exposant critiquement les ouvrages de Spencer et Mackenzie, un autre sur le plan et un troisième sur la Philosophie sociale. M. Sales y Ferré a donné aussi quelques conférences sur des sujets sociologiques ; M. Posada, sur la « Théorie de l’Etat, d’après les doctrines sociologiques modernes » ; M. Alas sur les « Théories religieuses dans la philosophie contemporaine », et M. Salillas sur 1’ « Anthropologie criminelle ».
- A l’Association de la Presse (Madrid) M. Azcârate a ouvert aussi un cours de sociologie (avril 1900).
- IV. — Une revue de droit et sociologie (Revista de Derecho y sociologia) a été fondée, en 1895, par M. Posada avec le concours de plusieurs professeurs et écrivains ; mais elle n’a pas dépassé la première année de sa publication. A Madrid paraît maintenant une Revue catholique des questions sociales dont le sens très restreint a éloigné jusqu’ici la collaboration de tous les sociologues renommés.
- La maison éditoriale Espaiîa moderna, publie une bibliothèque de jurisprudence, philosophie et histoire, dans laquelle plusieurs traductions des ouvrages sociologiques de Spencer, Guyau, Kidd, Tarde, Fouillée, d’Aguanno, Giddings, etc., ont paru. Une nouvelle « Bibliothèque de philosophie et sociologie » vient d’être inaugurée à Madrid. Elle annonce surtout des traductions de livres étrangers.
- V. — Il faut aussi, et tout particulièrement, citer les concours de droit coutumier et d’économie populaire ouverts par l’Académie des Sciences politiques' et morales. D’après le programme très large, publié — et dont les bases se trouvent dans les excellents travaux de M. Costa, un de nos sociologues et historiens les plus illustres, — les travaux qui sortiront de ces concours seront vraiment des monographies sociologiques, au point de vue du droit, de
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- l’enseignement des sciences sociales.
- l’économie et de l’organisation sociale en Espagne. A ce sujet nous avons déjà une littérature tout à fait originale, qui pourrait offrir aux sociologues étrangers des points de vue nouveaux et très riches.
- Nous sommes, on le voit bien, tout au commencement des études sociologiques. Tout ou presque tout est à faire chez nous-à ce sujet, mais rien de solide ne pourra être édifié dans cet ordre sans être fondé sur un développement large et sérieux de l’enseignement des Sciences sociales dans nos établissements publics. Pour arriver à cela, il faudra d’abord fonder des cours aux Facultés de Droit et Philosophie (pour les élèves de seconde année dans la période de la licence) et aux écoles normales centrales (instituteurs et institutrices). Ce n’est qu’après avoir formé un corps enseignant nombreux, qu’on pourra aborder l’inclusion de ces études dans l’enseignement primaire et secondaire, avec l’espoir d’y réussir.
- La création d’un enseignement social international ne pourra donc que bénéficier tout particulièrement aux pays qui, comme l’Espagne, sont en retard dans cet ordre. Il pourrait offrir à nos élèves, à nos candidats au professorat, un centre de perfectionnement pour leurs études et des facilités pour fréquenter les Universités et collèges libres étrangers. Il serait, enfin, le lien qui unirait d’abord tous les Espagnols qui cultivent ces sciences et ferait associer leurs travaux, d’une façon plus régulière et complète qu’au-jourd’hui, aux travaux des collègues d’autres pays. Les membres espagnols du Congrès de l’enseignement des Sciences sociales devront, à mon avis, porter tous leurs efforts vers l’accomplissement de ce projet.
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- CONGRÈS INTERNATIONAL
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- PARIS
- 30 Juillet — 3 Août 1900
- ÉDUCATION TECHNIQUE
- EN ANGLETERRE
- Par Sir W. de W. ABNEY
- PARIS
- ANCIENNE LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE ET Ci0
- FÉLIX'ALCAN, ÉDITEUR
- 108, BOULEVARD S AI NT - GE RM AIN, 108
- 1900
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- ANGLETERRE
- SIR W. DE W. ABNEY
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- ÉDUCATION TECHNIQUE
- L’histoire du développement de l’Enseignement des Sciences et des Arts en Angleterre est inséparablement unie à la naissance et au développement du département gouvernemental de South Ken-sington-Londres, qui est chargé d’administrer ces branches de l’Enseignement.
- Ce département s’appelait récemment encore département des Sciences et des Arts, mais maintenant il est rattaché au « Board of Education » nouvellement créé.
- L’intervention du gouvernement dans la question de l’Enseignement public s’est produite en Angleterre bien plus tard que dans la plupart des autres pays d’Europe.
- Les deux grandes et anciennes Universités d’Oxford et de Cambridge, eurent pratiquement la haute surveillance de l’Enseignement en Angleterre jusque vers le milieu du xix® siècle. Ces Universités formaient des professeurs pour les principales écoles publiques où se préparaient non seulement les futurs étudiants des Universités, mais tous ceux qui aspiraient à une haute situation dans les professions savantes, ou voulaient entrer dans une carrière publique. Les meilleurs élèves des écoles publiques venaient à l’Université, après avoir acquis dans les écoles toutes les connaissances nécessaires pour réussir dans la carrière universitaire.
- Leur instruction était essentiellement classique et ce n’est que récemment que l’on songea à répondre aux besoins d’une classe de jeunes gens qui ne voulaient pas briguer les honneurs universitaires et à qui, par suite, les études sérieuses des mathématiques et des sciences était plus nécessaire qu’une instruction seulement classique et littéraire.
- Ainsi naquit la « Section moderne » des écoles publiques anglaises et des écoles de grammaire ; cette bifurcation permettant aux enfants qui n’avaient pas l’intention d’entrer à l’Université d’étudier les mathématiques, les sciences naturelles, les langues vivantes, et de consacrer une portion de plus en plus considérable de leur temps à des études qui pouvaient leur être utiles pour le commerce ou l’industrie.
- Tout d’abord, l’Enseignement moderne fut regardé de très haut
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- l’enseignement des sciences sociales.
- par les professeurs des vieilles écoles. Fidèles aux traditions classiques, ils considéraient que l’étude des langues mortes était la seule introduction profitable à des études sérieuses et constituait la meilleure des gymnastiques intellectuelles.
- Le résultat fut que l’Enseignement moderne fut un peu dédaigné, et réservé souvent aux élèves moins brillants, et ce n’est que très lentement que l’on s’est rendu clairement compte de l’importance de ce genre d’enseignement.
- En Allemagne et un peu en France, on a fondé des écoles répondant aux besoins des diverses classes de jeunes gens ; en Allemagne, la « Gymnasial-Schule » pour les élèves voulant faire leurs études classiques et entrer à l’Université, et la « Real-Schule », pour ceux qui se destinent au commerce ou à l’industrie.
- Mais cependant, il y a encore partout un certain cachet d’infériorité attaché dans bien des cas à l’Enseignement moderne.
- Pour l’Enseignement public, en général, l’Angleterre disposait surtout d’écoles paroissiales confiées aux diverses organisations religieuses ; mais, dès le début de ce siècle, on se mit à fonder des écoles pour les enfants pauvres, sous les auspices de la « National Society », de la « British and Foreign School Society » et d’autres sociétés analogues.
- Les écoles de fondation religieuse furent appelées « Voluntary Schools », pour les distinguer des « National Schools » fondées sous les auspices de la « National Society » et des « British Schools » dues à l’activité de Joseph Lancaster.
- En 1834-seulement, le gouvernement commença à accorder aux écoles élémentaires des crédits sur la caisse du Trésor. Ces subsides ne s’élevaient, au début, qu’à 20 000 livres par an.
- Le décret sur l’Enseignement ou « Education Act » de 1870 inaugura une ère nouvelle. De cette époque date l’organisation de l’Enseignement primaire anglais, sous les auspices de l’État.
- Le régime des « School Boards », créés à cette époque, a établi l’Enseignement primaire sur des bases solides et rationnelles.
- Pour étudier l’origine du « Department of Science and Art », qui s'est surtout occupé des autres Enseignements que de l’Enseignement primaire, il nous faut nous reporter à l’année 1835.
- Une commission de la Chambre des Communes fut chargée de rechercher « les meilleurs moyens de répandre la connaissance des Arts et des éléments du Dessin parmi le peuple (surtout parmi la population manufacturière du pays) ».
- Le rapport de ce comité concluait en faveur de la création d’écoles de dessin et, le 1er juin 1837, une École officielle de dessin fut ouverte à « Somerset House » dans les locaux occupés auparavant par la <• Royal Academy ».
- Quatre années plus tard, en 1841, on décida d’ouvrir un crédit annuel pour la création et l’entretien d’écoles de dessin dans les dis-
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- tricts manufacturiers. Lors de la première grande Exposition de Londres, à Hyde Park, l’Angleterre possédait déjà 17 de ces écoles.
- La subvention accordée par le parlement aux écoles de dessin et gérée par le « Board of Trade » s’éleva, pour l’exercice 1851-52, à 15 055 livres sterling.
- A la suite d’une nouvelle enquête officielle sur le fonctionnement de ces écoles, qui n’était pas entièrement satisfaisant, on eut recours à. un nouveau système et en 1852 fut fondé un « Department of Prac-tical Art », sous la direction d’an surintendant général, Mr Cole, et d un conseiller des Arts, Mr Richard Redgrave.
- Les attributions de ce nouveau Département furent étendues l’année suivante, en 1853, et on créa une « Science Division », de telle sorte que depuis cette époque le Département reçut le nom de « Department of Science and Art ».
- Ce Département dépendit du « Board of Trade » jusqu’en 1856, date à laquelle fut créé, par décret du Conseil, le Département de l’Instruction publique, sous l’autorité du Lord Président du Conseil de l’instruction publique.
- Ce nouveau Département se chargea alors de deux enseignements distincts, l’Enseignement primaire et l’Enseignement des Arts et Sciences.
- Des crédits pour l’Enseignement des Arts et des Sciences furent accordés par le gouvernement pour les écoles et classes dépendant du département. Cependant, bien que le principe des subventions fût un principe admis, il n’y eut pas de système de crédits réguliers avant 1859.
- De cette année datent les premiers examens pour le professorat, et à partir aussi de cette année, le nombre des « écoles et classes scientifiques » augmente rapidement.
- En 1862, on comptait 70 écoles avec 140 classes et 2 543 élèves et un budget de 2 666 livres. Dix ans plus tard, cette somme s’élevait à 25 201 livres et en 1898 à 169 604 livres y compris les subventions aux écoles normales.
- Pour l’Enseignement artistique également, les crédits accordés par le gouvernement furent de plus en plus élevés.
- On jugera par les chiffres suivants des subventions accordées pour l’Enseignement artistique dans les diverses écoles et classes : pour 200 écoles artistiques avec 53 classes supplémentaires, 44 700 livres.
- Pour 1284 classes artistiques 27 412 livres, et pour l’Enseignement artistique dans les écoles normales, 1 449 livres.
- Les élèves des écoles primaires reçoivent aussi des prix de dessin, et les dépenses totales basées sur le résultat de leurs examens s’élèvent à 118 253 livres, mais ces crédits ne furent plus gérés par le « Department of Science and Art ».
- Une modification importante fut introduite dans la façon de distribuer les crédits officiels en 1896. Auparavant on se basait, pour la
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- l’enseignement des sciences sociales.
- fixation du montant de ces subventions, sur les résultats des examens annuels qui avaient lieu dans toute l’Angleterre aux mois de mai et de juin ; d’après les nouveaux règlements, on tint compte jusqu’à concurrence d’un certain chiffre du nombre des auditeurs de chaque cours régulier. On fixa pour les cours de sciences un tarif minimum de 2 pence par heure par élève dans les classes élémentaires et de 4 pence par heure dans les classes supérieures pouvant être versés après rapport d’un inspecteur constatant que l’enseignement de l’école et son matériel sont satisfaisants et que le nombre des élèves dans chaque classe n’est pas trop élevé pour que l’enseignement soit profitable.
- Ces subventions peuvent atteindre un maximum de 6 pence pour le degré élémentaire et de 1 schilling 4 pence pour le degré supérieur.
- Ces chiffres peuvent même être plus élevés pour l’Instruction pratique dans les laboratoires particuliers.
- On a établi aussi certains considérants et des tarifs plus forts sont appliqués aux écoles qui possèdent un cours complet d’Enseigne-ment réparti sur trois années ou plus. Le nombre de ces écoles scientifiques relevant du département atteint maintenant 187.
- Pour l’Enseignement artistique, le tarif va de 1/2 penny à 8 pence par heure et par élève, d’après le groupement des sujets d’études.
- Il existe aussi des subventions pour les travaux des élèves dans les écoles et classes d’art, subventions qui peuvent aller jusqu’à 3 livres par élève ; et pour certains sujets, on accorde d’après le résultat des examens des primes variant de 1 livre jusqu’à 6 livres.
- Les élèves des écoles de sciences et des écoles d’art obtiennent des bourses, et les écoles d’art reçoivent des donations en faveur des élèves-professeurs et des élèves qui ont obtenu des allocations, des bourses d’études, etc.
- Le « Department of Science and Art » a, en outre, des examens et des subventions aux écoles de Science et d’Art, l’administration du « Victoria and Albert Muséum » et autres institutions de ce genre.
- Il y a aussi dans sa direction le « Royal College of Art » et le « Royal College of Science » destinés primitivement à la formation de professeurs, le « Geological Survey » et le « Muséum of Practical Geology », les Muséums d’Ëdinburg et de Dublin, le « Royal College of Science » de Dublin, la « Royal Hibemian Academy », et la « Royal Zoological Society » d’Irlande.
- Une autre section de l’Instruction publique qui a été jusqu’à un certain point placée dans la direction du « Department of Science and Art », est la section relative à l’Enseignement technique. Dans le décret de 1889 sur l’Enseignement technique, il est stipulé que ce département devra être juge et arbitre dans tous les cas où des difficultés sa présenteraient dans l’application du décret ; une autre clause ajoute ceci : « Dans l’Enseignement technique, rentreront l’Enseignement des branches de la Science et de l’Art subventionnées par le
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- « Department of Science and Art », et tout autre Enseignement (sans en excepter les langues vivantes, le commerce et l’agriculture, reconnus légalement par le département dans une minute présentée au Parlement et portant une note de l’autorité locale attestant que tel ou tel Enseignement est nécessaire dans la région ».
- On le voit, le département est juge sans appel toutes les fois où il s’agit de déterminer quel est le genre d’Enseignement technique qui convient le mieux à telle ou telle région, ou de savoir si les mesures prises par des autorités locales pour assurer l’Enseignement dans leur localité sont suffisantes, ou si telle ou telle école ou institution a droit à recevoir une subvention, enfin dans tous les cas que peut présenter l’application du décret.
- Le décret sur les impôts locaux (taxes et contributions indirectes), porté en 1890 a donné un grand développement à l’Enseignement technique en Angleterre. En vertu de ce décret, une somme de 3/4 de million a été mise chaque année par le Trésor à la disposition des Conseils de Comités administratifs de Comtés et de « County Bo-roughs » pour faciliter l’application du décret sur l’Enseignement technique.
- Ce décret autorise les Conseils de Comté et de « County Borough » et autres autorités reconnues comme autorités locales par les « Public Health Acts », à lever dans leur circonscription administrative une taxe de 1 penny par an, en vue des dépenses de l’Enseignement technique.
- En 1891, fut porté un décret autorisant les autorités locales à distribuer des bourses sur les fonds de l’Enseignement technique.
- Presque toutes les sommes produites par l’application du décret de « Local Taxation », et dont le total atteint à présent 850 000 livres par an, sont employées dans des buts d’enseignement et un grand nombre des autorités nommées précédemment, particulièrement dans les districts manufacturiers, ont levé une taxe additionnelle en vertu du décret de 1889.
- Un grand nombre d’écoles techniques importantes et d’autres écoles ont été fondées, et le nombre des élèves de ces écoles a plus que doublé en ces dix dernières années.
- Lorsque l’on parle de l’Enseignement technique en Angleterre, il faut mentionner d’une façon toute particulière le système d’examens technologiques appliqué par les « City and Guilds » de Londres.
- En 1878, un certain nombre des plus importantes « City Livery Companies » de Londres s’entendirent avec la corporation de la « City of London » pour fonder l’Institut des « City and Guilds of London » pour l’avancement de l’Enseignement technique.
- Cette Société, outre la construction d’une « Central Institution » à South Kensington, se chargea des plans d’examens établis par la « Society of Arts », établit un collège technique à Finsbury et plusieurs autres écoles.
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- Actuellement, les examens technologiques ne portent pas sur moins de 67 branches d’Enseignement technologique dans toutes les parties du Royaume-Uni, et il est certain que ces examens ont contribué dans une grande mesure à faire progresser l’Enseignement technique.
- La tentative de décentralisation qui a fait mettre à la disposition des autorités locales de fortes subventions pour encourager cette branche de l’Enseignement a été couronnée de succès et a éveillé l’attention du public non seulement pour l’Enseignement technique en particulier, mais pour les diverses branches de l’Art et de la Science qui sont en rapport intime avec cet Enseignement.
- C’est surtout grâce au système étendu de cours sur ces derniers sujets d’enseignement, rendu applicable par les subsides si longtemps fournis par le gouvernement, que l’établissement d’un Enseignement technique tel qu’il existe aujourd’hui a été rendu possible.
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- PARIS
- 30 Juillet — 3 Août 1900
- L’ENSEIGNEMENT POPULAIRE SOCIAL
- ÉTAT ACTUEL
- TOYNBEE HALL (GRANDE-BRETAGNE) Par Ernest AVES
- PARIS
- ANCIENNE LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE ET C*8
- FÉLIX ALCAN, ÉDITEUR
- 108, BOULEVARD S A INT - G ERM ATN, 108
- 1900
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- DU CO.U
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- L’ENSEIGNEMENT POPULAIRE SOCIAL
- ÉTAT ACTUEL
- TOYNBEE HALL
- Lorsqu’on me fit l’honneur de me demander un rapport pour le congrès actuel, on me pria de traiter ce sujet de l’enseignement populaire social en m’occupant de la classe des « non étudiants », c’est-à-dire de ceux dont l’occupation principale est de gagner leur vie par des travaux manuels ou des travaux de plume.
- Il m’a semblé, par suite, que le sujet de mon travail serait l’étude de l’œuvre accomplie par les cours du soir dans les écoles primaires, les conférences organisées par les soins de l’extension universitaire, dans les colonies universitaires, les polytechnicums, par des comités d’enseignement ou des sociétés coopératives.
- J’ai été tout d’abord effrayé par l’ampleur du sujet, par la multitude des sources où il me faudrait puiser des renseignements, les formes multiples de ces enseignements, l’absence de toute direction, en autres termes l’absence de tout système et de toute coordination dans les efforts.
- Mais dès le début une autre difficulté se présentait : dans quel sens interpréter le mot « social » ?
- Il va sans dire que je ne vais pas m’embarquer dans la voie attirante mais épineuse des définitions.
- Je veux simplement dire que trouvant la signification de ce mot un peu obscure quand il est associé à l’idée d’enseignement scientifique, j’ai commencé mon travail en partant de ce qui me semblait l’interprétation la plus juste, mais je me suis rendu compte que plus d’une fois il me serait impossible d’établir une distinction parfaite entre les sciences sociales et la pratique sociale.
- Je me souviens de ce chapitre d’un auteur célèbre sur les serpents d’Islande : « Il n’y en a pas », écrit-il simplement. La seule réponse véritablement exacte que j’aurais pu, moi aussi, faire à cette question : l'enseignement populaire social, était la suivante : il n’y en a pas.
- Mais je me souviens aussi d’un passage d’une comédie de Molière et de même que M. Jourdain faisait de la prose sans le savoir, il s’est trouvé que dans un grand nombre de cas, les autorités publi-
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- l’enseignement des sciences sociales.
- ques ou privées avaient, quand elles s’étaient chargées de telle ou telle question d’administration pédagogique, sanctionné ou organisé certaines branches d’instruction populaire pouvant présenter un grand intérêt pour ce congrès. Dans tous les efforts qui ont été accomplis pour continuer l’instruction du peuple au delà de la période scolaire, on remarque en dépit des différences de plan et d’exécution une certaine communauté de buts et d’intentions.
- Presque partout on a cherché à empêcher l’enlizement moral qui suit trop fréquemment la période scolaire dès que les élèves ont quitté l’école, partout on a cherché à prolonger ou à renouveler cette période de la vie studieuse, à compléter le bagage intellectuel soit de l’adulte, soit de l’adolescent. Mais ces divers buts ne créent pas des différences entre les enseignements populaires qui, d’ailleurs, portent sur des sujets assez variés : science, langues vivantes, histoire, etc., et l’enseignement populaire qui fait le sujet des études de notre congrès. Ces enseignements ont, eux aussi, un caractère social, mais il ne faut pas méconnaître l’importance de l’enseignement des sciences sociales.
- Beaucoup d’excellentes gens feront, par exemple, grand cas d’un enseignement portant sur l’architecture, qui se montreraient parfaitement indifférents ou même hostiles à l’organisation de cours dirigeant l’esprit des élèves vers l’observation et l’analyse de la construction sociale de la société.
- D’autres encourageraient l’organisation de cours de correspondance commerciale en français ou en allemand, qui verraient des inconvénients à ce qu’on fît aux élèves des conférences sur les théories de Le Play ou autre sujet de ce genre.
- L’enseignement populaire social exige qu’on veuille reconnaître les avantages, non seulement de l’éducation en général, mais de l’étude large et intelligente de certains groupes de sujets économiques : histoire économique des différents pays, usage des statistiques, histoire de la législation industrielle, du socialisme dans ses différentes formes, des Trade Unions et des sociétés de coopération commerciale ; le développement de la vie municipale et l’histoire du gouvernement local, le problème du paupérisme, les principes de l’hygiène, la réaction sur la vie sociale et l’appréciation du beau dans la peinture et la sculpture, les divers mouvements sociaux en Angleterre et à l’étranger, les méthodes d’étude historique et comparative qui permettent de les étudier. Cette liste pourrait être continuée longtemps encore, mais décrire l’état actuel de l’enseignement donné dans un groupe comme le précédent, dans une communauté moderne et gouvernée libéralement, serait déjà une tâche trop vaste, même en supposant que l’on ait tous les matériaux sous la main. Heureusement cela n’est pas nécessaire.
- Dans ces dernières années je me suis occupé de très près des
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- mesures qui ont été prises dans ce sens sans aucun système suivi, à peine d’une façon bien consciente, mais heureusement on peut faire beaucoup de choses fort utiles sans se rendre parfaitement compte des rapports qu’il y a entre elles et des principes plus larges, et appliquer quelques-unes des idées qui ont dû diriger la pensée des fondateurs du Collège des Sciences sociales.
- J’ai donc été charmé qu’on me demandât de traiter la question au point de vue spécial du quartier de East End de Londres et de l’œuvre qui a été accomplie à Toynbee Hall.
- Mon travail ainsi limité me permettait cependant d’aborder çà et là l’étude de mouvements importants dont Toynbee Hall peut être considéré comme le vrai microcosme.
- TOYNBEE HALL
- Toynbee Hall est la première de ces colonies universitaires et sociales dont le nombre est actuellement suffisant pour expliquer sinon pour justifier entièrement l’expression de « Settlement Move-ment ». L’historique de l’établissement de Toynbee Hall a été fait plus d’une fois et n’a pas besoin d’être refait une fois de plus.
- Il a été construit en 1884 et comme la mort de Arnold Toynbee coïncida avec les débuts de cet établissement on lui donna le nom de celui qui avait le mieux exprimé les espérances et les désirs des promoteurs de l’œuvre.
- Toynbee Hall est situé dans Whitechapel, quartier parfaitement choisi, car il est facile aux personnes inoccupées tout le jour dans les quartiers est et nord-est ou dans la Cité de s’y rendre et de regagner ensuite leurs domiciles dans les quartiers de l’est ou du nord.
- A cause de la facilité des communications avec ce quartier et de la prépondérance de l’élément israélite dans la population tles environs, le Hall recrute ses auditeurs dans un immense secteur de Londres. Malgré les associations du Hall avec ses voisins immédiats juifs ou non juifs, grâce aux écoles, grâce à son administration locale, grâce à un ou deux clubs, grâce aux conférences et concerts qui ont lieu en été dans les cours intérieures et dans les salles, la colonie n’a pas borné sa sphère d’action à un quartier déterminé, et on y vient aussi bien de la Tour que de Whitechapel.
- Par sa construction Toynbee Hall est une entreprise purement privée, placée sous la direction d’un conseil élu par ses membres souscripteurs.
- Ses dépenses d’entretien en tant que « Residential club » sont couvertes par le montant des pensions et des loyers de ceux qui y habitent, les « Residents ». En tant que centre d’éducation et d’ac-
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- tivité sociale, il reçoit aussi le produit de donations et de souscriptions de personnes s’intéressant à l’œuvre.
- Le premier directeur fut Cannon Bamett qui, par ses excellentes idées et son dévouement infatigable, rendit beaucoup de services au « Settlement ».
- Il y a une moyenne de 16 résidents, et le logement pour 20 personnes en comptant les visiteurs qui viennent habiter Toynbee Hall pour moins longtemps que les résidents.
- Presque tous les habitants de la maison sont des gradués d’Oxford ou de Cambridge. La présence des résidents donne au Hall son caractère bien défini de « colonie », et le plus gros de la tâche est accompli par ces résidents aidés par le groupe nombreux des assistants non résidents.
- Les dépenses annuelles des diverses sections de l’œuvre publique s’élèvent à la somme de 2 500 livres sterling. Comme l’a écrit Warden lui-même,' « il n’est pas facile de dire en peu de mots ce que c’est que Toynbee Hall ». Il serait insuffisant de dire que c’est le centre d’éducation où se rencontrent chaque semaine des milliers d’étudiants. Il ne suffit pas non plus de dire que c’est un cercle de University-men associés en vue du bien commun.
- C’est plutôt devenu la raison sociale d’une société comprenant des gens de toutes classes, de toutes religions, de toutes opinions, qui se proposent de faire profiter le quartier de East London des meilleurs progrès du siècle.
- Toynbee Hall n’a pas été fait, il s’est fait. Ses classes, ses conférences, ses cours d’enseignement commercial, ses bâtiments, bibliothèque, salle d’exposition, Wadham House et Balliol House, tout cela est né à la suite du bon accueil fait par les gens de East London à un petit groupe d’universitaires venus parmi eux pour leur apporter leur science et remplir leurs devoirs de bons voisins.
- Avec un ou deux traits qui leur sont particuliers, les « Settle-ments » sont un des nombreux exemples que l’on peut donner de l’importance attachée au développement de l’individu à quelque classe qu’il appartienne. L’intelligence et la moralité sont, pour une communauté la plus grande des richesses, et on reconnaît de plus en plus la nécessité de donner plus de force et de profondeur à ces deux qualités. Un jour peut-être on en arrivera à cette conviction que l’éducation de beaucoup d’enfants devrait commencer et non finir lorsqu’ils quittent l’école.
- extension universitaire et colonies universitaires
- La citation précédente de Warden indique la plupart des moyens employés par la colonie pour accomjplir son œuvre d’enseignement. En premier lieu se placent les conférences, classes, et les lectures.
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- Dans l’organisation de tout cela, Toynbee Hall s’est dès le début associé à l’œuvre de l’extension universitaire, branche du développement de l’activité universitaire formée il y a dix ou douze ans, alors qu’on ne songeait pas encore aux colonies universitaires, et que l’on confond souvent avec elles, bien que leurs buts et leurs plans diffèrent beaucoup.
- Il existe des sociétés d’extension universitaires ressortissant à Cambridge, qui a inauguré cette forme démocratique de diffusion de l’enseignement par les Universités, avec Oxford, avec Victoria. Il y a aussi à Londres une société spéciale qui n’est en rapport avec aucun corps enseignant, quoique par son organisation elle soit intimement unie à Oxford et à Cambridge. Toutes ces sociétés enseignent par le moyen de conférences, tandis que, comme nous l’avons vu, ce qui caractérise la colonie universitaire, c’est un lieu de résidence au milieu d’un quartier ouvrier occupé par des hommes instruits et de bonne volonté.
- Aussi, bien que entre les deux mouvements il n’y ait pas nécessairement de liaison, Toynbee Hall a été, dès le début, le principal centre d’extension universitaire dans East London, et les trois ou quatre cours de l’extension universitaire ont toujours occupé une place importante sur le programme annuel des conférences.
- Les classes et lectures ont souvent été un complément de ces cours d’extension, étant destinées parfois à un petit groupe d’auditeurs désireux de continuer leurs études sur un sujet particulier, ou complétant les classes où chaque conférencier de l’extension corrige les devoirs qui lui sont remis, répond aux questions posées par les auditeurs, et sous forme de conversation discute plus à fond que dans ses conférences certains points particuliers.
- Puis on a formé quelques classes pour de petits groupes choisis d’auditeurs dont les études étaient plus sérieuses, ou qui avaient plus particulièrement besoin d’être encouragés.
- Ainsi, de plusieurs façons, l’œuvre d’extension universitaire a influencé d’une façon générale l’œuvre de la colonie universitaire. On a beaucoup tenu à ce qu’il existât des relations personnelles très étroites entre professeurs et élèves.
- Cela a diminué le nombre de ces derniers, surtout dans les séances de lectures, et tandis que le nombre des auditeurs des cours d’extension universitaire variait entre 50 et 200, le nombre des auditeurs n’a pas dépassé ici 10 ou 12.
- Les matières enseignées ont toujours eu un caractère non utilitaire, c’est-à-dire n’ont pas été choisies en vue d’une utilité directe au point de vue d’un commerce ou d’une profession. « Enseigner la vie plutôt que les moyens de vivre » tel a été le mot d’ordre suivi dans une grande mesure.
- Par des conférences de vulgarisation, par des « petits cours » on a cherché à constituer d’abord un public.
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- l’enseignement des sciences sociales.
- Les redevances scolaires ont été fixées à des prix minimes, mais il est plus difficile de demander à la grande masse du peuple de faire un effort intellectuel ou de sacrifier de rares loisirs que de payer des droits d’inscription.
- Le recrutement des auditeurs est intéressant.
- Avec un bon professeur, on peut toujours faire salle comble en enseignant à des prix minimes la sténographie, la correspondance commerciale ou les langues vivantes, cause de l’utilité générale de ces objets d’enseignement. Mais la valeur de ces matières lorsqu’il s’agit d’éducation est faible. Il vaut mieux les enseigner au point de vue strictement commercial, c’est pourquoi elles ont été exclues des programmes de Toynbee Hall.
- Les conférences sur les principes des sciences comme la chimie ou l’électricité trouvent pas mal d’auditeurs dans les classes ouvrières, même abstraction faite de leurs applications techniques. Mais quand ii s’agit de littérature, d’histoire, les ressources de curiosité intellectuelle de la classe ouvrière sont vite épuisées, et ceux qu’attirent de telles conférences sont de pures exceptions.
- Il semblerait que l’importance pratique de l’étude des sciences sociales, que nous avons mentionnée au début de ce rapport, exciterait davantage l’intérêt, mais cela n’a pas été le cas. Peut-être se rendait-on compte que sur de tels sujets l’expérience de la vie journalière vaut mieux qu’un enseignement scolaire.
- En tout cas, c’est un fait certain que bien peu de personnes se sentent attirées par l’étude systématique des questions sociales ou économiques ; d’autre part, ceux qui s’y intéressent s’occupent souvent déjà de questions pratiques, applications ou propagande, ce qui fait que leur action est plutôt celle de propagandistes que d’étudiants. On a remarqué que, tandis que les conférences sur des sujets sociaux, politiques ou économiques, intéressent toujours et attirent le public, un enseignement suivi portant sur ces matières n’a qu’un succès fort limité.
- Par suite, un très petit nombre des conférences et des cours organisés à Toynbee Hall sont consacrés aux sciences sociales, quelque large sens que l’on donne à ces mots.
- L’atmosphère de Toynbee Hall porte certainement beaucoup à la méditation sur ces questions, mais eomme cela a lieu, d’ailleurs, dans le mouvement d’extension universitaire et même dans les Universités, le nombre des étudiants qui se consacrent spécialement à cette étude est très minime.
- La question de l’extension universitaire sera discutée dans un congrès spécial, mais il faut attirer l’attention sur la façon dont beaucoup d’étudiants négligent des questions qui semblaient devoir exciter un immense intérêt.
- A Londres et dans les faubourgs de la ville, des cours ont été-organisés sous les auspices de la London society sur certaines
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- branches de l’économie politique, et un entre autres sur le développement de la vie civique.
- Mais c’est là une exception, et la grande majorité des cours de l’année 1898-1899 portaient sur l’histoire, la littérature et les sciences naturelles.
- Le rapport du syndicat de Cambridge pour la même année fait les mêmes constatations : sur les 119 cours de l’année, dit-il,
- 44 portaient sur des sujets scientifiques, 36 sur des sujets historiques,
- 28 sur des sujets littéraires, et 11 sur des questions d’art, d’architecture et de musique. Une question d’histoire peut bien, il est vrai, être traitée à un point de vue sociologique et étudier plutôt le développement d’une forme spéciale de la vie sociale que celui d’une nation considérée comme unité politique. De même un cours, par exemple, sur « la vie et la santé » peut être rangé sous la rubrique : Sciences sociales. Mais ce sont là des exceptions et, en fait, aucune des matières enseignées ne répond à l’enseignement visé par notre congrès.
- Ce n’est pas que l’on se soit abstenu de toute tentative de ce genre. Mais les offres dans ce sens n’ont pas rencontré de demande. On remarque la même lacune dans le rapport de la société la plus récemment fondée, qui est en relation avec l’université de Victoria. Seul le rapport de la délégation d’Oxford signale ce fait, et encore très superficiellement.
- D’après le rapport pour l’année 1897-1898, 2 cours sur 145 ont porté sur l’Histoire économique et la science politique. Le rapporteur expose dans les termes suivants la diminution de l’enseignement économique révélée par les résultats de l’année.
- « Lorsque commença à se préciser le mouvement de l’extension universitaire, on était persuadé que, dans les grands centres industriels, le sujet qui intéresserait le plus les ouvriers serait l’économie politique. L’expérience tendrait à démontrer le mal fondé de cette hypothèse. Quoique le succès de cet enseignement ait diminué de façon indiscutable, la nécessité en est cependant plus pressante aujourd’hui que jamais. »
- L’année suivante où, sur 155 cours, 4 portaient sur l’économie et la science politique, le rapporteur se contente d’écrire : « L’économie politique est encore extrêmement négligée. »
- Il espérait cependant que, grâce aux liens plus étroits qui allaient exister entre l’Université et l’Union coopérative, on pourrait compter dans l’avenir sur un public plus nombreux.
- l’enseignement et le mouvement coopératif
- Entre Toynbee Hall et la direction du mouvement coopératif il y a toujours eu des relations étroites et cordiales, qui se sont manifestées surtout en ces dernières années par des conférences
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- L ENSEIGNEMENT DES SCIENCES SOCIALES.
- périodiques à propos de questions d’intérêt commun aux deux groupes, et par des relations personnelles entre les leaders des deux mouvements.
- Parmi toutes les organisations ouvrières de notre pays, l’organisation coopérative est peut-être la seule qui se soit inquiétée sérieusement de créer un enseignement, et bien que ses promoteurs aient plus discuté qu’agi positivement, ils n’ont jamais perdu de vue l’idée primitive, qui était de faire de ce mouvement un puissant facteur d’instruction (an educational force).
- Il faut d’autre part se féliciter de ce que, dans une société dont le but originaire est de faire profiter ses membres des avantages de l’association, on ait placé en premier rang les avantages moraux et intellectuels de l’instruction.
- Par suite de ce mouvement et du but qu’il s’est proposé, la majeure partie de l’œuvre pédagogique qu’il a réalisée s’est inspirée des méthodes coopératives, des enseignements de l’histoire économique, et des principes de l’association industrielle.
- Un nombre croissant de sociétés coopératives accordent des subventions pour les besoins généraux de l’enseignement, et, en 1898, le montant de ces subventions s’élevait à un total de 53 000 livres sterling. Mais une partie minime de cette somme seulement est consacrée aux dépenses nécessitées par un enseignement systématique ; car jusqu’ici la majeure partie de l’œuvre pédagogique réalisée se compose moins de cours suivis que de conférences, souvent avec des projections. Il semble aussi que l’intention de plusieurs de ces sociétés, en accordant ces subventions, soit d’encourager le développement des sentiments sociaux, tout au moins dans des formes simples et saines, plutôt que de chercher à répandre véritablement l’instruction proprement dite. Cependant certaines sociétés font beaucoup pour l’instruction, surtout le comité d’enseignement du United Board.
- Ce comité publie chaque année un long programme très soigneusement dressé, donnant la liste des conférenciers sur le concours desquels on peut compter, signalant certains avantages dont peuvent profiter les membres de la coopération au point de vue de l’instruction, et contenant un plan d’études avec l’indication des meilleurs manuels à consulter sur les sujets enseignés dans les classes organisées par le Board. Des récompenses et des certificats sont délivrés aux meilleurs élèves de ces cours.
- Lorsque l’on a dressé les dernières listes de conférences, on a attaché une importance toute particulière à la question de l’habitation aux points de vue social, légal et sanitaire.
- Nous ne pouvons pas dire exactement, chiffres en main, comment ces programmes ont été appliqués dans la pratique, mais la plupart des conférences projetées ont été faites.
- Nous possédons les chiffres des élèves ayant assisté aux classes
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- organisées par le United Board et ces chiffres ne sont pas très satisfaisants.
- Le total des classes organisées en 1898 sous les auspices des 656 sociétés accordant des subventions pour frais d’enseignement a été de 52 seulement, et le nombre total des auditeurs a été de 1114. Et même, sur ces 1 114, 620 n’assistaient qu’aux classes purement utilitaires de comptabilité, les 494 autres auditeurs se décomposant ainsi :
- 339 pour les classes consacrées à l’étude de la coopération ;
- 101 pour les classes d’histoire industrielle ;
- 54 pour les classes d’enseignement civique.
- En 1899 le nombre des auditeurs des cours de coopération et d’histoire industrielle était encore plus faible.
- En dépit de ces chiffres peu satisfaisants, en dépit même de l’apathie intellectuelle dont certaines personnes se plaignent, et de l’intérêt de plus en plus vif que les membres de la coopération prennent aux entreprises purement matérielles, les quelques enthousiastes qui se trouvent parmi eux constituent cependant une force appréciable, et empêchent le mouvement de se détourner par trop du souci des intérêts intellectuels au moment où la marche en avant s’accentue avec le plus de ténacité et d’opiniâtreté sur le terrain industriel. :
- On reprend sans cesse le thème de l’instruction, et les efforts accomplis par les promoteurs d’œuvres coopératives, non seulement pour assurer le succès de leur propre entreprise, mais pour associer les membres de la coopération aux tentatives pédagogiques faites par ailleurs, surtout au mouvement d’extension universitaire, montrent bien quel idéal un grand nombre des coopérateurs se sont proposé de réaliser.
- l’enseignement des sciences sociales
- ET L’ENSEIGNEMENT PRIMAIRE
- Il ne faut pas oublier que presque toutes les divisions de la science sociale peuvent être considérées comme appartenant aux divisions supérieures de l’éducation populaire.
- Peu de sujets intéresseraient les tout jeunes gens et aucun de ces sujets ne pourrait être enseigné utilement, si les élèves ne possédaient pas d’abord une bonne éducation générale.
- On pourrait répéter ici une phrase de 1’ » avertissement » publié par le « Education Department » et faisant allusion à son programme d’enseignement, contenu dans l’ouvrage Vie et devoirs du citoyen. « Ces sujets sont difficiles à enseigner, excepté lorsqu’on aura affaire à des élèves d’un certain âge, et qui ont l’habitude de lire et de réfléchir intelligemment sur les affaires publiques. »
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- l’enseignement des sciences sociales.
- Ce qu’il y a d’important à retenir donc, c’est non seulement que les écoles primaires pourront rendre des services dans la question qui nous occupe, mais encore que l’influence de l’école devra être prolongée par des moyens appropriés.
- On y tend d’une façon bien imparfaite, mais qui chaque jour se complète, et les cours du soir et cours professionnels de jadis cèdent la place à des foyers d’instruction mieux équipés et organisés d’une manière plus complète, quoique pas plus riches souvent au point de vue des influences personnelles qui s’exercent par eux.
- Le principal de ces centres d’instruction, ce sont les cours de persévérance du soir dans les écoles primaires. Mais malheureusement leurs bons effets sont compromis par la limite d’âge par trop basse où cesse la contrainte de l’enseignement obligatoire. On pourrait raisonnablement espérer obtenir le relèvement de cette limite d’âge, mais toute proposition tendant à prolonger la contrainte scolaire légale pour l’élève ayant quitté l’école primaire, et dépassé l’âge réglementaire, serait condamnée à un échec. Cependant il y aurait beaucoup à dire d’un projet de prolongation de la période d’instruction primaire obligatoire appliquée concurremment à un système de la demi-journée de travail. Quoi qu’il en soit, actuellement, on travaille beaucoup à organiser dans toute l’Angleterre des cours de persévérance, et cette œuvre prend des proportions de plus en plus considérables.
- Mais jusqu’ici l’organisation n’est pas très brillante, et le nombre des auditeurs est bien maigre.
- D’après les statistiques scolaires pour l’Angleterre et le pays de Galles, on comptait au 31 août de l’année 1898 environ 5 millions et demi d’enfants inscrits sur les registres des diverses écoles. Sur ce nombre, 1 200 000 étaient âgés de moins de 6 ans ; 750 000 seulement avaient dépassé l’âge de 12 ans'.
- Pour la même année, le nombre des élèves assistant aux cours de persévérance du soir était seulement de 435 000.
- Un tiers de ces derniers, y compris les élèves du London School Board, suivaient les classes pour lesquelles il n’y avait à payer aucune rétribution scolaire.
- Le nombre de ces élèves, d’après les totaux de l’année, avait augmenté de 165 000 depuis 1895.
- Sur le nombre total des élèves en 1898, on comptait :
- 47 010 élèves ayant plus de 21 ans ;
- 48 000 ayant entre 18 et 21 ans ;
- 220 000, c’est-à-dire plus de 50 p. 100, entre 14 et 18 ans ;
- 119 000, soit 27 p. 100, au-dessous de 14 ans.
- Comme plus d’un demi-million d’enfants quittent l’école chaque année, le nombre de ceux qui abandonnent à ce moment toute instruction doit être très considérable en dépit des efforts accom-
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- plis de divers côtés dans un but d’instruction, et dont les chiffres cités plus haut ne tiennent point compte.
- Ce congrès n’a pas à s’occuper de la majorité des cours de l’école du soir, cependant il pourra être instructif d’en résumer les résultats d’après les données officielles.
- L’enseignement porte surtout sur les matières élémentaires : lecture, écriture, arithmétique. En 1898, 127 518 élèves suivaient les cours d’arithmétique, 81 556 ceux d’écriture et de composition, 58 270 ceux de lecture et d’écriture combinées, 42 345 ceux de lecture et de récitation.
- Ces chiffres montrent la quantité d’élèves qui viennent aux écoles du soir pour entretenir ou perfectionner leurs notions sur les matières élémentaires.
- Parmi les autres sujets pour l’enseignement desquels ces écoles reçoivent une subvention, la couture est le plus populaire. L’année dernière 59159 femmes ou jeunes filles suivaient les cours de couture.
- Ensuite viennent les cours de géographie, qui réunissaient 47 532 auditeurs, puis les cours de sténographie avec 47 302 élèves. Ensuite la musique vocale, avec 37 086 élèves ; ensuite, et dans l’ordre suivant, venaient les cours de comptabilité, d’arpentage et d’économie domestique.
- Cela montre le but tout pratique poursuivi par les écoles du soir.
- Enfin venaient les cours suivants, rangés d’après le nombre des élèves : histoire, arithmétique commerciale, leçons de choses, ambulances, géographie commerciale, français, algèbre, instruction civique, chimie, anglais, physiologie humaine, physiographie élémentaire, hygiène, électricité et magnétisme, physique élémentaire, agriculture. Un nombre relativement minime d’auditeurs étudiaient Euclide, l’horticulture, la mécanique, l’histoire commerciale, la lumière et la chaleur, la botanique, l’allemand, le latin et la navigation.
- De ces divers sujets, celui de l’instruction civique intéressera spécialement notre congrès.
- Un manuel détaillé du maître, écrit par Mr Acland il y a quelques années, et introduit dans le code de réglementation des écoles de persévérance du soir, attribuait une nouvelle tâche à l'Instruction Department.
- Les cours d’instruction civique étaient suivis en 1898 par 7187 auditeurs.
- Nous extrayons du règlement des écoles de persévérance du soir pour 1899 le résumé suivant du plan d’études de l’instruction civique :
- « La.nation et l'Êtat. — Leur signification. — Responsabilité du gouvernement représentatif.
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- 1. — LE GOUVERNEMENT REPRÉSENTATIF
- 1° Le gouvernement local. — Le village et la paroisse. — Les districts scolaires. — La Poor Law Union. — Districts relevant des conseils de district. — Bourgs et comtés, etc.
- Attributions de ces corps : impôts et dépenses. — Hygiène. — Ecoles, écoles du soir. — Bibliothèques publiques. — Galeries de peintures et musées. — Enseignement technique. — Les indigents.
- — Routes. — Constructions. — Terres. — Police et justice.
- B. — Gouvernement central.
- 1° La couronne et les deux chambres du Parlement. — Fonctionnement du système parlementaire.
- 2° Le système judiciaire.
- 3° Le gouvernement exécutif. — Les attributions et les pouvoirs du pouvoir exécutif.
- C. — Devoirs des citoyens vis-à-vis du gouvernement local et du gouvernement central.
- 1° Le droit de vote, le devoir de voter.
- 2° Impôts et contributions.
- 3° L’hygiène publique.
- 4° L’instruction. — Devoirs des parents. — Devoirs des enfants.
- — Influence de l’école sur le caractère et l’intelligence. — Ce que l’on perd de puissance et d’argent en quittant l’école trop tôt. — L’instruction technique. — Son importance pour les travailleurs.
- — L’enseignement supérieur et les Universités. —L’école et le collège ne sont que le commencement de l’éducation du citoyen.
- 5° Mesures en vue de soulager la pauvreté.
- 6° La nécessité de l’ordre et du respect de la loi.
- 7° L’esprit public et l’opinion publique.
- 2. — l’empire
- 3. — LA VIE INDUSTRIELLE ET SOCIALE ET SES OBLIGATIONS
- Les grandes industries en Angleterre, leur importance et leur développement. — Les changements produits par l’emploi des machines.
- Associations de travailleurs.
- 1° Les Trade Unions. — Leur histoire et leur oeuvre. — Contestations et grèves. — Arbitrages et conciliations.
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- 2° Associations coopératives de travailleurs. — Leur œuvre dans la distribution du travail et la production.
- 3° Sociétés amicales. — L’économie et l’épargne.
- L’importance des associations volontaires dans l’éducation du citoyen adulte.
- L’État et le travail. — Lois sur le travail des manufactures. — Lois sur le travail des mines. — Le travail des femmes et des enfants. — Les travaux dangereux. — L’hygiène et la santé des travailleurs.
- Renseignements sur la situation des travailleurs. — Le Labour department et le Board of Trade.
- Le gouvernement et les municipalités en tant qu’entrepreneurs.
- Les docks, les arsenaux, les travaux publics.
- Les services rendus par les revendeurs, marchands, manufacturiers, et autres personnages produisant ou distribuant les marchandises.
- Importance pour le pays d’une organisation puissante, honnête et intelligente de toutes les formes d’affaires ou d’industrie.
- Effets désastreux du manque d’organisation ou des fraudes. — Le devoir de toute communauté d’encourager tout effort raisonnable des travailleurs pour améliorer leur condition, et développer leur intelligence. — Tout ce qui compromet le résultat de ces efforts ou les empêche d’aboutir est au détriment de la nation et ne peut que conserver et augmenter la pauvreté et l’ignorance.
- Un noyau d’ouvriers valides et habiles, droits et confiants en eux-mêmes, est une source de puissance pour le pays.
- L’accomplissement loyal des obligations domestiques de l’existence est la meilleure préparation à l’accomplissement des devoirs envers la cité et la nation.
- Les devoirs civiques commencent dans la vie de famille. Ils augmentent par suite du commerce et des affaires que l’on fait ou du métier que l’on prend.
- Tout en gagnant leur vie, hommes et femmes sont utiles à leurs concitoyens et à leur pays.
- Faire partie de sociétés autonomes est un des meilleurs moyens d’éducation civique.
- De même que l’intelligence, l’honneur et la vertu sont nécessaires au bonheur et au bien-être de la famille, le patriotisme est un élément indispensable de la vie nationale et sociale.
- Nous devons reconnaître que nos responsabilités publiques sont des devoirs au même titre que les obligations personnelles ou familiales.
- Nous ne pouvons attendre une justice parfaite et une adminis* tration impartiale, si nous n’accomplissons pas avec intelligence les devoirs publics qui incombent à tous.
- Tant que nous n’avons pas accompli notre devoir, nous n’avons
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- pas le droit de nous plaindre si nous sommes victimes d’une injustice dans les affaires publiques. »
- DE DIVERS FACTEURS SECONDAIRES DE L’ÉDUCATION
- Les chiffres donnés plus haut, et qui montrent l’âge assez bas auquel la majorité des enfants cesse de fréquenter les écoles publiques, et la grande quantité d’enfants qui, une fois sortis de l’école, restent en dehors de tout enseignement, font voir toute l’importance des divers moyens permettant de lutter contre l’envahissement de l’ignorance et l’apathie intellectuelle.
- Beaucoup de gens travaillent dans ce sens, soit par le moyen des School Boards publics, soit en s’associant aux efforts de sociétés particulières.
- Les principales de ces sociétés sont : la National Society (de l’église d’Angleterre), la British and foreign school Society, leWes-leyan Committee of Education, le Catholic school Committee. On en compte bien d’autres encore, mais l'Union of Lancashire and Ches-hire Institutes et la Yorkshire Union méritent une mention spéciale.
- La première de ces organisations date de soixante ans ; et d’après ses statuts elle se propose de développer l’instruction primaire, secondaire et technique parmi les membres des instituts de l’union et d’assurer le fonctionnement efficace de ces instituts.
- Elle a fondé des examens. Elle délivre des certificats, organise des expositions et distribue des récompenses.
- Elle donne son appui pour l’organisation de conférences publiques. Enfin, au point de vue des avis et des conseils, elle offre tous les avantages de l’association.
- Car on peut dire que le principal rôle de l’union est de donner des conseils, des encouragements et de stimuler les efforts.
- A cette union sont affiliées plus de 410 institutions de différentes espèces comprenant un total de 151000 membres.
- On peut donc, en comparant cette liste avec les statuts de l’union, se rendre clairement compte du changement dont nous avons déjà dit un mot, d’ailleurs, et qui s’est produit dans la forme que prend actuellement l’enseignement populaire.
- Voici le texte même du règlement :
- « L'union comprendra toutes les institutions professionnelles, toutes les associations ouvrières, sociétés d'encouragement mutuel, instituts d'enseignement, lycéums, athénéums, sociétés de sciences usuelles, écoles techniques, instituts littéraires, écoles de persévérance du soir, associations chrétiennes de jeunes gens, et autres sociétés du Lancashire, du Cheshire et du North Derbyshire, et toutes les écoles organisées sous les auspices d’un conseil de comté
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- ou d’un conseil de Cownty Borough dans les limites géographiques que l’on fixera en temps nécessaire. »
- Les statuts, dans la forme qu’ils ont actuellement, ont été votés en 1894, et gardent la même liste, quoique mise au courant, des associations admises à constituer l’union.
- A l’heure présente, les 410 instituts constituant l’union sont tous, sauf 15 ou 20, des écoles techniques ou des écoles de persévérance du soir, et ces instituts sont, pour la plupart, rattachés à quelque corps administratif, soit School Board, soit Conseil de Comté.
- En 1898, sur 34 264 travaux remis aux examinateurs sur divers sujets, 158 seulement provenaient d’élèves des cours d’histoire, 162 portaient sur l’enseignement civique, et 13 sur l’économie politique. L’Union du Yorkshire dont le nom officiel est, il faut le faire remarquer, Yorkshire Union of Mechanics' Institutes, mais qui, dans son rapport, a adopté le nom plus complet et plus moderne de : Yorkshire Union of Technical and Educational Institutions and Yorkshire Village Library, remonte à une date plus ancienne que les associations du Lancashire et du Cheshire.
- Elle poursuit à peu près le même but, mais a peut-être des horizons plus vastes. En effet, il est dit dans ses statuts que « l’union est fondée en vue de contribuer à l’avancement de la littérature, des sciences et des beaux-arts ».
- Il semble y avoir là un plus grand effort pour renouveler la forme surannée des instituts et surtout, il y a quelque chose de très particulier dans la Yorkshire Union : c’est la Yorkshire Village Library.
- Cela existait déjà dans l’union des comtés voisins, mais sur une bien plus petite échelle.
- La plupart des villes d’Angleterre possèdent maintenant une bibliothèque publique, et dans ces bibliothèques il ne sera bientôt plus trop difficile d’obtenir des livres.
- Mais, dans les villages, le stock de livres mis à la disposition du public est plus maigre.
- Une admirable organisaton a comblé cette lacune et toutes les associations affiliées à la Yorkshire Union peuvent recevoir tous les trois mois une caisse de 50 volumes.
- Cette organisation rend surtout des services dans les petites associations rurales, et le catalogue de la Union Library contient plus de 40 000 volumes circulant dans environ 200 villages.
- Il est difficile de dire d’une façon précise ce que vaut cet enseignement muet, mais il est indubitable que dans les villages où ils passent, ces livres, même sans que leur lecture soit accompagnée de conseils d’un maître, exercent au point de vue du développement et de l’ouverture de l’intelligence, une aussi grande influence que les œuvres d’enseignement organisées.
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- TOYNBEE HALL. — LES VOYAGES COLLECTIFS
- Revenons maintenant à Toynbee Hall. Les diverses sociétés d’enseignement qui se sont groupées autour de la colonie méritent d’être mentionnées, car elles constituent à beaucoup de points de vue des traits distinctifs de l’existence de Toynbee Hall.
- Ces organisations, parmi lesquelles on remarque deux petits clubs économiques, ont dû leur essor aux étudiants eux-mêmes qui ont été réunis par l’attrait d’intérêts communs.
- Ces sociétés sont démocratiques et autonomes dans leur organisation et leur constitution intérieure, et se distinguent surtout ainsi des classes intérieures de Toynbee Hall.
- Le but de ces sociétés est surtout dans leurs réunions périodiques, mais quelques-unes d’entre elles, spécialement la Antiqua-rian Society et la Natural History Society, dressent un programme fort étendu de visites et d’excursions dans Londres ou dans les endroits des environs qui peuvent offrir un certain intérêt à leurs membres.
- Même, cette dernière société entreprend en été des voyages assez longs, en appliquant le principe des voyages coopératifs d’études inaugurés par le Toynbee Travellers' Club il y a une quinzaine d’années.
- Les origines de ce club sont bien connues, il a eu bien des imitateurs, et son exemple a provoqué la formation en Angleterre de plusieurs sociétés importantes.
- Quelques personnes qui s’étaient attachées à l’étude de la vie et des œuvres de Mazzini voulurent un jour visiter les lieux de l’Italie dont le nom est intimement associé à celui de ce personnage. Mais l’attrait de ce voyage, et les avantages d’économie que l’on vit à l’entreprendre en bande aussi nombreuse que possible, leur attirèrent pas mal de compagnons de route, et, au lieu du pietit groupe primitif des 10 Mazzinistes, ce fut une expédition de 80 personnes des deux sexes qui, au printemps de 1887, partit de Toynbee Hall pour faire en Italie le premier de ces voyages en coopération.
- A leur retour, le Club fut formellement constitué, et depuis lors il n’a cessé d’avoir dans la colonie une grande influence pédagogique et sociale.
- Toutes les excursions organisées par le Club sont précédées de conférences sur les endroits que l’on se propose de visiter, et on donne aux membres une bibliographie soigneusement préparée pour les guider dans le choix de leurs lectures. Presque toujours les membres du Club ont pris l’Italie pour but de leurs voyages. D’autres fois, ils se sont dirigés vers la Suisse, la France, les Pays-Bas ou l’Allemagne. Deux fois enfin, le Club enhardi par ses succès a poussé ses excursions jusqu’en Espagne et en Grèce.
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- TABLEAU DES EXCURSIONS POUR L’ANNEE 1892-1893
- Date.
- Rome. Pâques, 1892 . . . France (nord), juillet, 1892. Venise. Pâques, 1893. . . Flandre, Mai, 1893 . . . .
- Nombre
- Durée, des voyageurs. Dépense par voyageur,
- 18 jours 55 L. 13 18 s. 1 d.
- 10 jours 30 L. 5 13 s. 6 d.
- 18 jours 32 L. 11 18 s. 10 d.
- 8 jours 27 L. 3 5 s. 8 d.
- (Ces chiffres comprennnt toutes les dépenses nécessaires sauf le second déjeuner.)
- Pour indiquer clairement le but instructif que le Club n’a jamais perdu de vue, il suffira de dire que le second voyage indiqué par notre tableau fut entrepris en vue d’étudier les objets se rapportant à la Révolution de 1789.
- A Paris, les excursionnistes trouvèrent un guide obligeant et éclairé dans la personne de M. Emile Corra. A Rome également ils furent guidés dans leurs courses par l’obligeance de nombreux amis, Italiens ou Anglais.
- La préparation des excursions de cette année occupa quatorze réunions, qui eurent lieu à Toynbee Hall, et où des rapports furent lus par, entre autres, l’évêque de Londres, Dr. Creighton, et M. Frédéric Harrison.
- Le Dr Rawson Gardiner fit aussi deux conférences particulières en vue du voyage qu’on se préparait à faire à Rome, sur le rôle de Rome dans l’histoire du monde.
- Voici pour 1892 la position sociale des 153 membres du Club :
- Femmes. Hommes. Total.
- Services civils : Postes » 10 10
- Services civils : autres sections » 8 8
- Employés et vendeurs 3 14 17
- Domestiques : mariés 13 » 13
- Domestiques : célibataires 5 » 5
- Divers : Architectes (2), vannier, relieurs (2), brossier, maçon, élève pharmacien, infirmière, instituteur d’école maternelle, journalistes (2), conférenciers (2), bibliothécaire, imprimeurs (2), reporter, sculpteur, secrétaire, boutiquiers (4), avoués (2), clercs d’avoué (2), horloger, sculpteur sur bois 7 23 30
- Professeurs : London School Board. . . 45 16 61
- Divers , 9 » 9
- 82 71 153
- En 1899, le Club comprenait 234 membres.
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- l’enseignement des sciences sociales.
- LES RÉSIDENCES
- On a accordé aux deux sexes, sans faire la moindre différence, les divers avantages qu’offre la colonie sous le rapport de l’instruction.
- Jusqu’ici le fardeau de l’œuvre d’organisation a été supporté par les hommes, et cependant on a vu que, en maintes occasions, l’influence et la collaboration des femmes pouvaient rendre des services estimables.
- Pour une seule chose on ne s’est occupé que des hommes, à savoir, dans l’organisation des deux résidences universitaires adjointes à la colonie.
- Dans ces deux résidences sont maintenant logés cinquante étudiants. Chacun a sa chambre particulière, et a, en outre, la jouissance de la salle à manger et de la salle de lecture communes.
- Le fait d’être logé près de Toynbee Hall assure aux occupants de la résidence de nombreux avantages sociaux et pédagogiques, et leur permet d’avoir sous la main une excellente bibliothèque. Le prix des chambres, service compris, est de 7 à 8 shillings par semaine, et l’administration intérieure de la maison est gérée par les étudiants eux-mêmes.
- Ces deux maisons s’entretiennent elles-mêmes, et le principe de leur fondation a été de fournir un lieu de résidence à des personnes gagnant leur vie, et dont le revenu annuel peut descendre à un minimum de 75 livres. Les conditions requises pour être admis à profiter des avantages de la résidence sont, de présenter de bonnes références, et de s’engager à suivre un des cours d’enseignement du programme fixé par le Conseil de direction.
- La surveillance générale des étudiants est confiée à un censeur des études, qui est nommé par le Conseil de Toynbee Hall. Dans ces hôtelleries d’étudiants, bâties à côté d’une colonie universitaire et apportant un peu de la vie collégiale dans ce pauvre quartier de East London, quelques personnes ont rêvé de voir l’embryon d’universités populaires de l’avenir. Mais il ne faut pas trop compter sur un développement de ce genre, en partie à cause de la situation choisie, et aussi parce que les nécessités du quartier avoisinant demanderaient une dépense trop grande de pensée et d’activité de la part des hommes qui viendraient y habiter.
- En tout cas l’établissement de ces résidences présente, presque autant que celui de la colonie à laquelle elles doivent l’existence, un immense intérêt social et pédagogique.
- RUSKIN HALL
- En ces deux dernières années, une application toute différente du principe des « Settlements » a donné naissance, à Oxford, à un
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- autre genre de résidence universitaire, Ruskin Hall, sur une base plus classique, et poursuivant un but qui intéresse plus directement notre congrès.
- La définition de ce Hall est un collège pour les travailleurs. Il peut loger vingt-cinq étudiants. Les chambres sont toujours occupées, et à peine un des locataires est-il parti que plusieurs candidats se présentent pour le remplacer.
- Le prix de la résidence, nourriture, logement et leçons est de 31 livres par an, soit 12 shillings 6 pence par semaine.
- Le Hall d’Oxford ne peut servir qu’à des hommes pouvant abandonner leurs travaux et consacrer leur temps à faire leur éducation.
- Mais son œuvre est complétée par trois autres institutions :
- 1° Par le Ruskin Hall correspondance School, où ont déjà passé 1500 étudiants et qui a pour but : « De leur faciliter l’étude de questions d’intérêt politique et social », sous la direction de professeurs d’Oxford.
- 2° Par un système de conférences organisées dans tout le pays.
- 3° Enfin, par l’établissement d’autres résidences universitaires où des étudiants puissent vivre sans être forcés d’abandonner leurs occupations.
- Des halls de ce genre existent déjà à Manchester, à Birmingham et à Birkenhead, et l’on se propose d’en établir d’autres.
- Le but pédagogique particulier de Ruskin Hall et de toutes les ramifications de cette œuvre est d’instruire des hommes qui travaillent, ou qui, cessant momentanément de travailler, reprendront cependant plus tard leurs métiers respectifs, des faits généraux de l’histoire nationale, et spécialement de l’histoire des institutions politiques et sociales de l’Angleterre.
- L’histoire industrielle, l’histoire des divers mouvements ouvriers comme, par exemple, le Tradè-Unionisme et la coopération, seront placés au premier rang des sujets d’études.
- Le mouvement inauguré par la fondation de Ruskin Hall a donné naissance à beaucoup d’enthousiasme et a suscité d’ardents prosélytes. Des relations très étroites se sont déjà établies entre le Hall et un grand nombre d’organisations ouvrières, avec le mouvement coopératif, avec les Trades’ Councils et avec les Trade Unions.
- L’association intime de ces dernières et du Hall est peut-être ce qu’il y a de plus caractéristique dans ce mouvement ; c’est, comme on l’a dit récemment, ce qu’il y a de plus intéressant, et ce qui permet de concevoir le plus d’espérances. .
- Cinq ou six des leaders des Trade Unions sont membres du Conseil du Hall, et la propriété du collège est confiée en fidéicommis aux organisations ouvrières.
- Par l’accueil cordial qu’elles ont réservé à Ruskin Hall, et par
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- l’enseignement des sciences sociales.
- les relations étroites qu’elles entretiennent avec lui, les Trade Unions se seront départies d’une façon heureuse de l’indifférence dont elles avaient fait preuve jadis en tant que corporations vis-à-vis des questions d’éducation.
- enquêtes et recherches
- Pour ce qui est des enquêtes et des recherches, j’ai peu de choses à dire de leur influence au point de vue de l’éducation populaire.
- Dans la majorité des cas elles doivent être une œuvre individuelle, bien que pour toute enquête sur des phénomènes contemporains plusieurs individus puissent être mis à contribution pour recueillir les documents, préparer la besogne, ou même et surtout pour donner des renseignements personnels.
- De cette façon, on peut diriger l’attention de beaucoup de gens sur un nouveau domaine de la pensée. On peut les amener à considérer des faits habituels et familiers d’un point de vue tout nouveau, et à leur donner une signification toute nouvelle.
- Voici, par exemple, quelques-uns des sujets sur lesquels des enquêtes ont été dirigées par Toynbee Hall :
- Des rapports de la charité privée et de la charité officielle.
- Les cantines scolaires.
- L'emploi d'enfants des écoles pour certains travaux.
- Refuges et habitations communes.
- L'œuvre de l'armée du salut.
- L'immigration étrangère et les Israélites dans East London.
- Le budget des dépenses domestiques dans les classes ouvrières.
- Les industries du bâtiment et de l'ameublement à Londres.
- La question des sans-travail.
- Les loyers et l'entassement de la population.
- L’étude de la plupart de ces questions n’a pas dû manquer d’exciter l’intérêt général dont nous parlions il y a un instant. Mais faire naître de la curiosité pour de nouvelles questions, cela n’est pas tout à fait de l’éducation ; cela peut y mener ; cependant il ne faut pas confondre les deux choses. Les lecteurs trouveront une description complète et claire des méthodes à suivre dans les recherches et enquêtes sociales et économiques, dans le rapport présenté à ce congrès par le professeur Hewins, directeur de la London School of Economies.
- AUTRES CENTRES
- On a déjà parlé d’autres œuvres d’enseignement qui fonctionnent dans East London, comme les expositions industrielles du People’s Palace, qui encouragent les artisans à acquérir un plus haut degré d’habileté technique, et à s’intéresser plus intelligemment au développement des industries ; l’excellente musique que l’on fait à ce
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- même People Palace, à Oxford House, à la colonie universitaire de Bethnal Green, et dans des proportions plus modestes à Toynbee Hall même ; les écoles d’arts et métiers où l’on cherche à élever la dignité du travail manuel, et à donner une allure plus artistique aux"objets fabriqués.
- Dans d’autres quartiers de Londres il existe encore d’autres centres d’enseignement populaire, le Working Men's College, le premier en date, le Morley College, et d’autres colonies comme Mansfield House, dans Canning Town, le Bermondsey Seulement, le Passmore Edwards Seulement, la colonie féminine de South-wark, qui tous mériteraient d’être mentionnés. Mais quel que soit l’intérêt de leur oeuvre les dimensions de mon travail m’obligent à une brièveté qui est loin d’être de l’indifférence.
- Quant au groupe des établissements connus à Londres sous le nom de Politechnics il en sera question, si je ne me trompe, dans le rapport de Mr Sidney Webb.
- l’art et son influence
- En songeant aux expositions d’art annuelles de Whitechapel, et à l’ouverture prochaine d’une galerie permanente et d’un Musée dans le même quartier, je me sens amené à parler de l’influence sociale et pédagogique de l’art, à propos surtout de ce qui se fait à Manchester, grâce au musée d’art de cette ville.
- Aucun milieu n’était plus favorable au développement de l’influence instructive de la peinture et des autres formes de l’art pictural, surtout des formes qui se produisent dans les grands centres ; dans aucune autre ville le besoin ne se faisait plus sentir d’une exposition systématique des œuvres d’art, que dans cette grande cité manufacturière, qui, ajoutons-le, se distingue déjà par l’admirable organisation de toutes espèces de cours du soir.
- L’œuvre du musée de Manchester date de 1877, et on peut dire qu’elle a créé la méthode la plus grandiose et 1a. plus systématique qui ait jamais été appliquée dans une grande ville pour apprendre à la masse du peuple à comprendre et à admirer le charme de la nature et les formes les plus belles et les plus intéressantes du travail humain.
- Le musée contient les collections suivantes : collection de peintures avec texte explicatif, montrant le développement de l’art pictural à ses diverses époques, depuis les troglodytes jusqu’à nos jours. Collection de tableaux retraçant l’histoire de la sculpture et de l’architecture. Collections reproduisant l’histoire et l’évolution des procédés des arts d’imitation comme la gravure sur bois, l’estampe, la gravure à l’eau-forte, la lithographie. Cette collection comprend aussi des ouvrages décrivant les procédés, les divers outils spéciaux, etc. Des tableaux représentant les plantes sauvages
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- et les plantes cultivées, des arbres, des papillons, des oiseaux et autres animaux. Des paysages, des plus beaux sites des environs de Manchester et d’ailleurs. Des tableaux représentant les parties les plus intéressantes de la surface de la terre, volcans, déserts, plages et falaises. Tableaux de scènes historiques et d’actions héroïques, portraits de personnages historiques et de célébrités locales. Images pour les enfants, contes illustrés. Échantillons de sculpture, de tissus, d’ouvrages métalliques, de'poteries, de verreries, objets simples destinés à guider le peuple dans le choix des objets de ménage.
- A ajouter à cela, 250 collections de tableaux pédagogiques qui sont prêtés gratuitement aux écoles primaires de Manchester.
- « Le programme tout entier de notre musée d’art de Manchester, écrit Mr T. C. Horsfall, le trésorier du musée, est basé sur cette conviction que l’action sociale de l’art peut être très puissante et très profitable. L’œuvre accomplie dans le musée et à propos du musée (les causeries sur les peintures, faites aux enfants des écoles pendant les classes et aux visiteurs adultes) constituent des efforts pour faire servir l’art à des buts pédagogiques. »
- Cet emploi systématique d’un musée d’art choquera peut-être le sens esthétique des critiques sévères, et le côté moral et même didactique de cet enseignement semblera peut-être, par la place qu’on leur donne, peu favorable à la compréhension complète de la beauté.
- Mais, étant donné le but poursuivi, il est certain que la méthode manchestérienne, que cette nouvelle « École de Manchester » est dans la bonne voie.
- Quelques phrases du rapport du musée pour 1898-1899 indiqueront son but pratique. Comme les habitants de nos villes élisent le Conseil municipal qui les gouverne, les abus à réformer dans ces villes ne pourront l’être que quand la majorité des habitants aura désiré, cette réforme. On ne peut faire naître ce désir chez la majorité des habitants qu’en leur expliquant que ces abus sont précisément des abus. Il faut leur faire savoir qu’il est possible de réaliser des conditions meilleures, et pourquoi la réalisation de ces conditions est en effet désirable.
- « Une modification de l’état de nos villes assez profonde pour donner la santé physique, mentale et morale à la majorité de ses habitants ne peut être que le résultat d’un système d’éducation et d’instruction leur révélant ce fait, qu’il peut y avoir une vie parfaitement saine, et leur faisant désirer de vivre ainsi. » « Pour cela, ajoute le Manuel du Musée, les collections du musée ont été choisies et expliquées *, 1° de façon à permettre à des gens absolu-
- 1. C’est ainsi qu’on fait un grand usage de notices descriptives et explicatives imprimées. Outre ces notices spéciales à chaque tableau, il y en a d’autres se
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- ment ignorants en art d’acquérir des connaissances et des habitudes nécessaires pour devenir sensibles aux meilleures influences des œuvres d’art ; 2° connaissance, ajoute à son tour le rapport, de la beauté de la nature, connaissance des belles œuvres de l’homme et des nobles existences humaines. »
- CONCLUSION
- Dans cet opuscule, j’ai essayé comme on me l’avait demandé d’esquisser quelques-unes des phases de l’œuvre pédagogique d’une colonie universitaire dans le quartier de East End de Londres, et d’exposer quelques-unes des tentatives plus importantes qui ont été faites pour donner aux classes des non étudiants quelque chose de l’esprit « étudiant », de façon à leur faire mieux comprendre l’organisme social et industriel dont ils font partie, et se rendre compte plus clairement de la continuité de l’existence de cet organisme.
- L’instruction permet de donner aux gens des vues sociales plus justes, et ces idées justes leur permettent, à leur tour, de mieux comprendre leurs droits et leurs devoirs.
- Tout cela, cependant, nous a menés fort loin, et j’espère que malgré la variété des sujets que j’ai effleurés on ne m’accusera pas d’être trop souvent sorti de la question ; ce congrès, en effet, s’est donné un sujet fort ample à discuter, et je suis rassuré, d’ailleurs, par la foule des questions inscrites au programme du collège libre des Sciences sociales sous les auspices duquel nous avons été en partie réunis.
- rapportant à certains groupes de tableaux. Voici, par exemple, la notice relative aux paysages : « Chacun devrait apprendre à goûter la beauté d’un beau paysage, cette jouissance est une des plus grandes et des plus saines qu’il puisse y voir. C’est une foule de pensées et de sentiments délicieux qui tiennent nos esprits et nos cœurs en une activité bienfaisante. Elle nous aide à nous intéresser aux livres dont beaucoup, et des meilleurs, sont consacrés à des descriptions de paysages, aux tableaux qui en représentent, et à nombre de belles productions des hommes, étoffes imprimées, tentures, gravures, travaux sur métaux contenant des reproductions de beaux sites pris parmi les paysages du pays. Cela est très utile également à ceux qui veulent devenir de bons dessinateurs.
- A Manchester, quiconque veut se donner un peu de peine peut apprendre à aimer les beaux paysages, car tout autour de la ville on trouve des sites magnifiques à une distance de quelques milles. Si la plupart des habitants de Manchester aimaient les beaux paysages, ils pourraient, en faisant appliquer des règlements sur la prohibition des fumées, avoir bientôt dans la ville de beaux arbres et de belles fleurs.
- Pour apprendre à aimer les paysages, nous devons aller aussi souvent que possible dans les belles contrées et essayer de voir la beauté des bois, des champs, des nuages et du ciel bleu. Nous devons nous attacher aussi à remarquer la beauté de formes et de couleur des arbres, des fleurs, des gazons, des oiseaux et autres belles choses que nous pouvons rencontrer à la campagne. De même nous devons étudier, en cherchant à y trouver de la beauté, tous les tabeaux représentant ces objets ou ces paysages. Le monde est plein de beauté, et pour être heureux il faut que nous percevions cette beauté. Il serait aussi fou de ne pas apprendre à voir cette beauté qu’il le serait, par exemple, dans le cas où nous aurions besoin, pour nous acheter de la nourriture, de l’argent que nous avons placé à la caisse d’épargne, de ne pas apprendre les moyens de retirer cet argent.
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- APPENDICE
- La liste suivante pourra peut-être être utile à quelques membres du Congrès désireux d’obtenir de plus amples renseignements au sujet des institutions que j’ai mentionnées.
- Cambridge Local Lectures Syndicale (Address : R. D. Roberts Esq. Seeretary, Syndicate Buildings, Cambridge).
- Oxford University Extension Delegacy (Address : J. A. R. Mariott Esq. Seeretary, Examination Schools, Oxford).
- London Society for Extension of University Teaching (Address : Dr. Kimmins, Seeretary, Charterhouse, London, E. C.).
- Victoria University Extension Committee (Adress : P. J. Hartog Esq. Seeretary, Victoria University, Manchester).
- The Educational Committee of the Cooperative Union (Address : J. C. Gray Esq. Seeretary, Long Millgate, Manchester).
- The Union of Lancashire and Cheshire Institutes (Address : John T. Coles Esq. Seeretary, 1 Princess St., Albert Square, Manchester).
- The Ÿorkshire Union and Yorkshire Village Library (Address : F. Curzon Esq. Seeretary, Victoria Chambers, Leeds).
- Toynbee Hall (Address : The Warden, Toynbee Hall, 28 Commercial St., Whitechapel, London, E.).
- Oxford House (Address : The Warden, Oxford House, Bethnal Green, London, E.).
- Mansfield House (Address : The Warden, Mansfield House, Canning Town, London, E.).
- Bermondsey Seulement (Address : The Warden, Bermondsey Seulement Farncombe St., Bermondsey, London, S. E.).
- Passmore Edwards Seulement (Address : The Warden, The Settlement, Tavistock Place, London, W. C.).
- University Settlement, Manchester : (Address : The Warden, 17 Manor St., Ardwick, Manchester).
- Women's University Settlement (Address : The Warden, 45 Nelson Square, Blackfriars, Road, London, S. E.).
- The Working M.en"s College (Address : The Seeretary, 46 Great Ormond St., London, W. C.).
- . Morley Memorial College (Address : The Seeretary, Morley College, Waterloo Bridge Road, London, S. E.).
- Buskin Hall (Address : The General Seeretary, Ruskin Hall, Oxford). The Education Department, Whitehall, London, S. W.
- The School Board for London (Address : The Clerk, School Board The National Society (Address : The Rev. the Seeretary, The National Offices, Victoria Emhankment, London, W. G.). On peut s’adresser également à d’autres School Boards, par exemple :
- The Clerk, Offices of the School Board, Manchester.
- The National Society (Address : The Rev. the Seeretary, The National Society, Broad Sanctuary, Westminster, London, S. W.).
- The Catholic School Committee (Address : The Seeretary, 42 Gerrard St., Soho, London, W. C.).
- The British and Foreign School Society (Address : The Seeretary, 115 Temple Chambers, Temple Avenue, London, E. C.).
- The Wesleyan Education Committee (Address : The Seeretary, Wes-leyan Training College, Horseferry Road, Westminster, London, S. W.).
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- CONGRÈS INTERNATIONAL
- DE
- PARIS
- 30 Juillet — 3 Août 1900
- SUR LA CRÉATION d’un
- ENSEIGNEMENT SOCIAL INTERNATIONAL
- EN SUISSE
- Par X. S. COMBOTHÉCRA
- Avocat
- PARIS
- ANCIENNE LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE ET Cie
- FÉLIX ALCAN, ÉDITEUR
- 108, BOULEVARD S ATNT - GE RM AIN, 108
- 1900
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- X. S. COMBOTHÉCRA
- SUISSE
- Avocat
- N° (!i! (lalllIo.'UH'...
- l’rix ou Lslitnulion.. Ei/Jn’i\ le..........
- SUR LA CRÉATION
- d’un
- ENSEIGNEMENT SOCIAL INTERNATIONAL
- SUISSE
- La Suisse ne pourrait voir la création d’un enseignement social international qu’avec grande satisfaction. Le champ des sciences sociales étant très vaste, leur enseignement international seiait le meilleur moyen d’unir les peuples entre eux toujours plus étroitement. L’isolement des enseignements crée des préventions entre les différentes nations, et tel pays regarde avec dédain l’enseignement de tel autre. Au lieu de se contrecarrer, les divers établissements universitaires doivent s’entr’aider.
- Jusqu’à présent on a réagi contre l’isolement par des voies peu sûres. Les étudiants des différents pays vont suivre des cours à l’étranger. Il y a en Suisse des élèves de tous les pays. Les étudiants allemands, en particulier, fréquentent les Universités des différents cantons pour un ou deux semestres et ensuite retournent dans leur pays. Les étudiants suisses vont en Allemagne, en France ou ailleurs. Les étudiants français, dans une proportion moindre, commencent à aller à l’étranger.
- Le déplacement des étudiants ne suffit pas à lui tout seul pour opérer avantageusement le choc des. idées et la fusion des principes. Le déplacement des professeurs eux-mêmes nous paraît fort utile et nécessaire.
- L’enseignement international devra réunir les forces éparses en vue du développement intellectuel et du bien-être de tous. Élèves et professeurs par un enseignement international se trouveront plus instruits, moins routiniers, moins particularistes. Le progrès d’une branche donnée de la science, qui prend un développement supérieur dans un pays, ne restera pas ignoré pendant de longues
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- années dans les autres. Chaque pays contribuera au progrès et le progrès sera un dans le monde civilisé.
- Pour ne parler que du droit public, nous avons pu constater que pendant longtemps son développement prenait une direction scientifique merveilleuse en Allemagne, alors qu’en France il n’était même pas enseigné dans les établissements d’instruction publique. Il a fallu de grands efforts pour que l’on se mette en France à étudier le droit public sérieusement. Et maintenant qu’on l’étudie, certaines idées par trop autoritaires, en honneur en Allemagne, sont adoucies et corrigées.
- La coopération scientifique devenant générale, de plus en plus active, les résultats seront plus probants, les discordances pourront être anéanties et les malentendus dissipés.
- Il y a plusieurs manières de concevoir un enseignement international des sciences sociales.
- On pourrait créer une École internationale où chaque État adhérent enverrait un certain nombre de professeurs qui y enseigneraient d’une manière permanente. L’entreprise serait par trop considérable pour pouvoir être réalisée d’emblée. Puis une seule École ne suffirait pas. Il faudrait alors en créer plusieurs : au moins une École dans chaque pays. Cela ne nous paraît pas praticable. Ce système, d’ailleurs, n’atteindrait peut-être même pas le but visé. Les professeurs réunis et établis dans un même endroit finiraient probablement par former un cénacle qui risquerait fort de s’isoler du reste du monde.
- Nos préférences sont pour un enseignement social international au moyen d’une École dont le personnel, recruté dans le monde entier, se composerait d’un élément permanent et d’un élément temporaire sans cesse renouvelé.
- Rien n’empêcherait de créer plus tard plusieurs Écoles du même genre dans différents pays. Mais pour un début, il nous semble que toute l’attention du congrès doit se concentrer sur la création d’une seule École. Et comme l’initiative de la création d’un enseignement social international est partie de Paris, il est nature] de commencer par la capitale de la France. Nulle part, du reste, on ne trouverait plus d’avantages qu’à Paris. Le collège libre des Sciences sociales déjà existant n’aurait qu’à être perfectionné, pour que notre but soit atteint, si déjà la création de l’École des Hautes Études sociales ne semblait l’avoir rempli.
- Le personnel permanent de l’École internationale se composerait non seulement de professeurs français, mais aussi de professeurs étrangers. A côté de ces professeurs permanents, français ou autres, on appellerait des professeurs temporaires qui viendraient de l’étranger pour un ou deux semestres. Enfin les professeurs permanents de l’École de Paris iraient pour un ou deux semestres dans les autres pays.
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- De la sorte, il y aurait à Paris un groupement permanent des savants, qui seraient constamment stimulés et tenus en éveil, soit par le déplacement des professeurs ordinaires de l’Ecole, soit par la venue des professeurs du dehors.
- L’Ecole de Paris s’emploierait également à provoquer et à organiser un échange de professeurs entre établissements universitaires des différents pays. Le professeur qui quitterait momentanément son pays serait suppléé par un professeur de l’Ecole de Paris ou par un professeur de l’établissement étranger auquel un professeur de l’Ecole parisienne aurait été envoyé. De cette façon, par l’absence momentanée du professeur titulaire d’un des établissements, l’enseignement de telle ou telle branche, non seulement ne souffrirait pas mais, au contraire, recevrait un stimulant nouveau.
- La question de la langue présente certaines difficultés. D’une manière générale, le professeur pourrait être laissé libre de faire son cours dans la langue qui lui conviendrait le mieux. Il tâcherait d’enseigner dans la langue qui serait comprise par le plus grand nombre possible des auditeurs et préférerait, suivant les cas, le français, l’allemand, l’anglais ou l’italien.
- Nous croyons que les échanges du personnel enseignant seront faciles. Les professeurs qui se déplacent seront les premiers à profiter de leur séjour à l’étranger, tout en contribuant au progrès du pays où ils vont enseigner. Le nouveau milieu qu’ils visiteront leur fournira de nouvelles ressources pour les travaux qu’ils auront à entreprendre. Dans une localité, il y aura une bibliothèque qui attirera le penseur, dans une autre, il y aura une industrie qui préoccupera l’économiste, dans une troisième, il y aura un enseignement qui intéressera le pédagogue, et ainsi de suite. L’activité d’une race, l’originalité d’un peuple et la variété des différents milieux éclaireront l’esprit du chercheur.
- Pour réaliser le système d’enseignement social que nous indiquons, nous proposons au congrès de demander à l’École des Hautes Études sociales ou au collège libre des Sciences sociales de devenir l’École internationale dont nous poursuivons la création.
- Après avoir complété son personnel permanent, l’Ecole s’adresserait aux différents établissements étrangers pour demander leur adhésion en vue des échanges des professeurs. Une fois l’adhésion obtenue, la direction de l’Ecole indiquerait chaque année le roulement des professeurs dans les divers établissements.
- La question financière, tout en étant très grave, ne nous paraît pas insoluble.
- En ce qui concerne l’étranger, chaque centre fournirait sa part des dépenses. Chaque établissement adhérent pourvoirait aux frais supplémentaires du professeur déjà rétribué qu’il enverrait à l’étranger. Les établissements qui n’auraient pas de ressources
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- l’enseignement des sciences sociales.
- propres demanderaient des subventions au gouvernement de leur pays. Puis des associations se formeraient pour aider les établissements qui voudraient envoyer des professeurs à l’étranger.
- En définitive, par le système que nous indiquons, il se créera un foyer de sciences sociales dans un centre qui répandra ses rayons lumineux dans tout le monde civilisé ; et, en retour, ce foyer sera fortifié, dans son intensité, par des rayons venant de tous les points du globe terrestre.
- En effet, un centre existera où les étudiants de tous les pays trouveront le milieu le plus approprié à l’acquisition de notions vastes, dépourvues de particularisme et vraiment scientifiques. D’autre part, professeurs et étudiants, retrempés dans ce milieu, en retournant chez eux, initieront au progrès ceux qui n’avaient pas pu quitter leur pays. Les sciences sociales, délivrées ainsi de toutes entraves, propageront la vérité dans l’univers entier.
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- CONGRES INTERNATIONAL
- âl
- DE
- PARIS
- 30 Juillet — 3 Août 1900
- CRÉATION
- D’UN ENSEIGNEMENT SOCIAL
- INTERNATIONAL
- EN BELGIQUE
- Par H. LA FONTAINE
- Sénateur
- PARIS
- ANCIENNE LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE ET Cie
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- t BIBLIOTHEQUE
- du conservatoire national
- BELGIQUE
- H. LA FONTAINE
- Sénateur
- N° du Catalogue....
- j Prix ou Estimation
- /g
- J
- CRÉATION D’UN ENSEIGNEMENT SOCIAL
- INTERNATIONAL
- Une double question se pose et s’impose. Quels sont, dans le programme à tracer d’un enseignement social international, les sciences et les arts qui constituent à proprement parler un enseignement social ? Quels sont les procédés à préconiser pour mettre un tel enseignement à la portée du plus grand nombre possible d’individus ?
- A la première question je répondrais volontiers par la phrase de Térence : nihil humani a me alienum puto. C’est la thèse de l’enseignement intégral qui s’affirme sur le terrain international, avec plus de vigueur et plus de nécessité encore que sur le terrain des divers enseignements nationaux.
- La cause de tous les préjugés, de toutes les haines, de tous les malentendus, de tous les crimes internationaux a pour facteur essentiel l’ignorance, chez la plupart des hommes, des conditions sociales des peuples qui les entourent, et à plus forte raison de ceux qui vivent à leurs antipodes.
- Pour ne prendre qu’un exemple actuel, il suffit de songer à la lutte formidable qui met aux prises en Asie le peuple le plus paisible et le plus antimilitariste du monde, avec les meurtriers engins de notre prétendue civilisation européenne. Cette guerre terrible, conséquence lamentable de la rapacité des capitalistes occidentaux, a pour origine certaine la méconnaissance du développement social de la Chine. Si, au lieu d’imposer par la force et la terreur, à des populations arriérées, nos idées et nos mœurs, on avait formé des séminaires sinologues et si on avait mobilisé, vers la Chine, au lieu de négociants avides et de soldats, des hommes de science et de bonne volonté, il est probable que les sacrifices immenses de sang et d’or, que l’Europe va se trouver obligée de faire, auraient été épargnés.
- Il faut donc qu’un enseignement social international soit intégral
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- L’ENSEIGNEMENT DES SCIENCES SOCIALES.
- avant tout, et intégral dans le sens le plus large de ce mot. La spécialisation à outrance, qui caractérise les études supérieures de la plupart des pays, devra, dès lors, en être bannie avec soin. La sociologie, du reste, avons-nous besoin de le rappeler, est la dernière des sciences constituées et elle s’appuie sur toutes celles qui se sont constituées avant elle.
- Un enseignement social international sera, dès lors, doublement intégral, intégral quant au temps, intégral quant à l’espace. Et si l’on veut le caractériser et dégager ce qui doit différencier cet enseignement de tout autre, ce sera précisément cette intégralité quant à l’espace. Ce sera l’enseignement encyclopédique et synthétique par excellence.
- Il serait hardi de vouloir tracer ici un programme détaillé d’un tel enseignement, car si cet enseignement est nécessairement encyclopédique et synthétique, il y a lieu toutefois d’en restreindre le programme, pour l’excellent motif que le cerveau humain ne peut absorber qu’une quotité limitée de notions et d’idées.
- Mais quelle sera cette restriction ? Y a-t-il lieu de limiter le nombre des domaines qu’il faudra explorer, ou y a-t-il lieu de limiter l’exploration à faire dans chacun de ces domaines ? C’est évidemment à cette dernière méthode qu’il y aura lieu de s’attacher sous peine de revenir peu à peu à la spécialisation à outrance que nous avons critiquée plus haut.
- Pour qu’une telle limitation ne soit pas préjudiciable, il faudra veiller jalousement à ce que l’enseignement conserve son caractère scientifique et ne dégénère pas en un enseignement de vulgarisation, sans valeur et sans portée. Et à ce point de vue, pour assurer à un enseignement social international toute son efficacité, il y a lieu de préparer les hommes à le recevoir dès les stades primaires et secondaires de l’enseignement. Or la condition la plus essentielle pour qu’il en soit ainsi, c’est que les hommes parviennent à se comprendre et que chacun de leurs mots ait un sens bien net, bien clair et bien précis. Nous estimons donc que le soin le plus grand doit être apporté à renseignement des langues vivantes et des terminologies scientifiques, dès les premières notions qui en seront données aux élèves des écoles les plus inférieures.
- Enfin il importe de bien persuader aux hommes qu’ils n’ont jamais fini d’apprendre, qu’il n’y a d’enseignement ni primaire, ni secondaire, ni supérieur, mais qu’il n’y a qu’un seul enseignement qui commence dès que nous ouvrons les yeux à la lumière et qui finit à l’heure où nous nous endormons dans la tombe. Tous nous avons à apprendre de tous, et chacun de nous ne devrait pas avoir d’ambition plus haute que celle de s’instruire pour instruire les autres à son tour.
- Les cours d’adultes, les universités populaires, les instituts des
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- hautes études trouvent leur raison d’être et leur justification dans cette nécessité pour le cerveau humain de se nourrir de connaissances toujours nouvelles et de revivifier sans cesse ses cellules.
- Et dès lors la vastitude d’un enseignement qui doit englober toutes les sciences et tous les arts, interroger tous les temps et s'adresser à tous les peuples, peut ne plus sembler un obstacle à sa réalisation pratique.
- Et ici se pose tout naturellement la seconde question que nous avons formulée. Par quels procédés répandre cet enseignement et le mettre à la portée de tous? Faut-il que ceux qui professent viennent vers ceux qui étudient? Faut-il, au contraire, que les élèves aillent vers les professeurs ?
- Nous estimons que les deux moyens ont leurs avantages et leurs inconvénients, et qu’il y a lieu de les préconiser l’un et l’autre.
- Si l’on se place au point de vue économique, il est certain que l’échange du personnel enseignant entre les divers pays nécessitera de moindres dépenses que le déplacement des étudiants. Mais l’obligation d’une part pour le professeur de parler des langues qui ne lui sont pas familières peut nuire considérablement à son enseignement, et d’autre part l’interpénétration des peuples se réalisera plus lentement si leurs élites estudiantines n’entrent pas en relations directes et journalières.
- Autant l’enseignement itinérant nous semble utile à l’intérieur de chaque pays, autant, au point de vue international, il nous semble de moindre efficacité, tout au moins en ce qui concerne les matières qui constituent les éléments traditionnels des études dites supérieures. Il y a d’autre part à considérer qu’un enseignement des sciences sociales exige l’étude sur place de nombreux phénomènes, et que rien ne vaut la vue et la constatation personnelle pour se former une idée exacte des choses et des hommes. Toute description est fatalement incomplète, comme la plante desséchée d’un herbier.
- Un moyen tout naturel est indiqué, du reste, pour rendre le déplacement des étudiants aussi peu coûteux que possible : c’est d’une part l’équivalence à établir entre les diplômes délivrés par les diverses Universités, c’est, d’autre part, l’échange de famille à famille des jeunes gens en situation de se livrer à des études suivies.
- Loin de notre pensée, pourtant, l’idée de condamner tout déplacement de membres des divers corps professoraux. Dès qu’un savant professe une science spéciale ou plutôt s’ingénie à dégager une vérité nouvelle, il y a un intérêt considérable à ce que sa parole, plus active et plus persuasive toujours que le livre, puisse être entendue par des hommes, auxquels leurs occupations ou leur situation de fortune ne permettent pas de se déplacer aisément.
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- l’enseignement des sciences sociales.
- C’est évidemment en matière sociale surtout, que la venue d’un professeur, aux idées originales et suggestives, peut avoir une influence énorme sur les événements.
- Un moyen toutefois de concilier, et l’utilité d’un tel enseignement, et le déplacement tout au moins temporaire d’un certain nombre d’étudiants libres de leur temps, serait de constituer en des centres judicieusement choisis des écoles internationales de sciences sociales, où des professeurs venus des contrées les plus diverses, sans être astreints à des voyages continuels et fatigants, souvent nuisibles à la continuité de leurs propres études, pourraient s’adresser à un public nombreux.
- C’est cette préoccupation, jointe à l’idée de donner à tout l’enseignement universitaire un caractère plus social, qui a inspiré les fondateurs de YUniversité Nouvelle, créée à Bruxelles en 1894, et intitulée par eux Ecole libre et internationale d’enseignement supérieur. Cette école a compris, dès son origine, un Institut des Hautes Etudes dont la portée était précisée par ses promoteurs de la manière suivante : « Aujourd’hui le savoir positif tend à exercer une action de plus en plus considérable sur toutes les branches de l’activité humaine, depuis la production industrielle jusqu'à l’élaboration des lois et à l’organisation politique des sociétés, et les liens qui unissent toutes les sciences particulières apparaissent de plus en plus nettement. Une vue d’ensemble synthétique, à la fois spéculative et pratique, du domaine intellectuel est donc indispensable à ceux qui veulent exercer une action sociale réfléchie, comme à ceux qui veulent aborder d’une façon pleinement rationnelle l’étude d’une branche particulière des connaissances humaines. C’est l’acquisition de ce savoir synthétique que l’institution nouvelle désire faciliter à quiconque participera à son activité scientifique. Son programme embrasse à la fois les sciences descriptives, préparatoires, leurs résultats les plus généraux et leurs méthodes ; l’exposé philosophique des sciences abstraites, depuis les mathématiques jusqu’à la sociologie ; enfin l’aspect pratique du savoir, la philosophie et l’histoire des beaux-arts, des arts libéraux et des arts industriels. »
- Ce programme n’a évidemment pas été réalisé d’une manière /complète, mais dès la première année il a été fait appel à des hommes venus des pays les plus divers et la fréquentation des cours par un public cosmopolite, chaque jour plus nombreux, témoigne éloquemment en faveur de l’œuvre si audacieusement entreprise.
- L’expérience acquise et les résultats obtenus permettent d’affirmer que YUniversité nouvelle et spécialement son Institut des Hautes Etudes constituent une des formes pratiques d’un enseignement social international.
- Les moyens de répandre un tel enseignement sont donc mul-
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- tiples, et il y aura lieu d’adapter au milieu sur lequel un tel enseignement devra agir l’un ou l’autre des modes que nous venons d’esquisser.
- Quoi qu’il en soit de cette question complexe, nous sommes convaincus que l’enseignement tout entier devra s’imprégner de plus en plus d’idées sociales et nous pouvons entrevoir une époque, que nous voulons espérer prochaine, où tout enseignement, comme toute étude, aura pour mobile unique et pour principe fécond le développement pacifique et fraternel des collectivités humaines1.
- 1. Voir aux annexes la liste des cours donnés pendant les six premières années d’existence de l’Université nouvelle par des professeurs de nationalités étrangères.
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- l’enseignement des sciences sociales.
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- NOMS
- Reclus (Êlisée) . . . Reclus (Élie)......
- Zanardelli ........
- Roberty............
- Ferri (Enrico). . . .
- Kavalevski (Maxime)
- Robin (Paul) Galiment . . Gumplovicz . Hamon . . . Joseph. . . .
- Pétrucci
- Treille..........
- De Nittis . . . .
- Loriot (Étéocle).
- Sollier .........
- Fiore (Pasquale)
- Seignobos. . . .
- Padoa..............
- SlGIlELE..........
- Folkmar (Daniel) . Falkmar (Mme). . . Morice (Charles). .
- ISAÏEFF...........
- Barchardt..........
- Boborykine
- Anitchkof.
- 27 étrangers.
- ORIGINE. 1894-1895
- 1895-1896
- 1896-1897
- 1897-1898
- 1898-1899
- 7
- 1899-1900
- France.
- Italie.
- France.
- Italie.
- Russie.
- France.
- Allemagne.
- France.
- Allemagne.
- Italie.
- France.
- Italie. France. Italie.
- France.
- Italie.
- Italie.
- Amérique.
- France.
- Russie.
- Allemagne.
- Russie.
- Histoire de la géographie. Philosophie des Mythes.
- Langue espagnole. Langue portugaise.
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- Esthétique positive.
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- Histoire de la philosophie Hygiène coloniale. Les poisons de l’organisme.
- Économie du crédit.
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- Histoire de la sculpture de la première Renaissance en Italie.
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- Rôle de l’État belge dans l’histoire de la vie politique contemporaine. Logique mathématique.
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- Constitution de l’éthique.
- Le crime et la question sociale.
- Fin des régimes aristocratiques.
- Histoire du travail au moyen âge.
- Histoire des doctrines politiques.
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- Considérations sur la vie privée des anciens Grecs.
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- Les partis politiques en France.
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- Psychologie collective.
- Éléments de l’anthropologie philosophique.
- Éducation positive.
- Éducation aux États-Unis.
- Psychologie esthétique.
- L’égoïsme, l’altruitisme et l’intérêt de la classe.
- Histoire sociale de la Grèce antique.
- Les bases scientifiques du socialisme.
- Évolution du roman russe contemporain.
- La poésie russe contemporaine.
- 4 cours.
- 6 cours.
- 9 cours.
- 11 cours.
- 16 cours.
- 20 cours.
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- CONGRES INTERNATIONAL
- DE
- PARIS
- 30 Juillet — 3 Août 1900
- ÉTUDE SUR LA SITUATION ACTUELLE
- ET SUR LES
- PROGRÈS A RÉALISER EN SUISSE
- DANS LES ENSEIGNEMENTS PRIMAIRE ET SECONDAIRE
- Par Édouard V1TTOZ
- Professeur à l’École Vinet à Lausanne
- PARIS
- ANCIENNE LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE ET Ci0
- FÉLIX ALCAN, ÉDITEUR
- 108, BOÜLEVARD S AINT - G E RM AIN , 108
- 1900
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- SUISSE
- EDOUARD VITTOZ
- Professeur à l'École Vinet à Lausanne
- BIBLIOTHEQUE
- du conservatoire national
- des A HT S & U UT HUI S
- No du Catalogue........
- Prix ou Lsluna-lion----
- Entrer, le..........
- J
- ÉTUDE SUR LA SITUATION ACTUÈLE 1
- ET SUR LES
- PROGRÈS A RÉALISER EN SUISSE
- DANS LES ENSEIGNEMENTS PRIMAIRE ET SECONDAIRE
- A MONSIEUR LE PROFESSEUR RENARD, A LAUSANNE
- Vous m’avez demandé il y a trois mois, Monsieur, de répondre à quelques-unes d’entre les questions que pose, à ses raporteurs de divers pays, le Comité du Congrès international des Sciences sociales. C’est en général tâche malaisée que de dire ce qui s’est fait ou ce qui se fait en Suisse dans le domaine de l’enseignement public ; mal aisée surtout, que de faire la synthèse des opinions émises au sujet des progrès à réaliser. En éfet, en matière d’organisation de l’instruction primaire et secondaire, chacun de nos vingt cinq Etats est absolument maître chez lui, ou peu s’en faut ; d’autre part, s’il est un domaine où confédérés de langues diverses, ou simplement de cantons divers, aient souvent peine à envisager les mêmes choses à peu près sous le même angle — encore que les divergences dans la façon de penser et de sentir soient beaucoup moins grandes entre nous qu’il n’y peut paraître aus yeus d’un observateur superficiel — c’est bien celui de l’enseignement.
- Néanmoins, Monsieur, j’aurais pu, dans le cas particulier, vous
- L Simplifications adoptées corne programe minimum et provisoire de propagande par la * Société suisse de réforme orthographique ».
- 1° Remplacement par s de tout x final ou prononcé s. — 2° Remplacement de x par s ou z dans les adjectifs et substantifs numéraus. — 3° Remplacement par t Ce toute autre consone finale employée aujourd’hui à la troisième persone et supres-sion de toute consone muète devant l’s final des deus premières persones. — 4° Supression de l’une des consones redoublées dans toutes les formes des verbes en eler et en eter et dans la formation des féminins, ceus en sse et eiUe exceptés. — 5° N’atacher d’ailleurs, sauf dans ces deus cas, aucune Importance au doublement de la consone, lorsqu’il n’exerce pas d’influence sur la prononciation. — 6° Supri-mer les traits d’union dans les Invariables, qui s’écriront en un ou plusieurs mots ; dans les noms de nombres ; dans les noms composés d’un verbe et d’un nom, ou d’un invariable et d’un nom, qui s’écriront en un mot ; dans d’autres cas encore ad libitum.
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- l’enseignement des sciences sociales.
- doner imédiatement la réponse suivante, indiscutable dans sa brièveté :
- Dans aucun canton suisse, les autorités scolaires ne se sont préoccupées jusqu’ici ni de ce qu’on peut entendre sous le nom d’enseignement des sciences sociales, ni de doner à tel ou tel enseignement une tendance essentièlement sociale ;
- Aucun des quatre principaus journaus pédagogiques suisses (Educateur, Suisse universitaire, Schweizerische Lehrerzeitung, Bündner Seminarblatter) n’a, à ma conaissance, publié d’article se raportant directement à un « enseignement social » ou à un « enseignement des sciences sociales » ;
- Et je ne sache pas que ces matières aient jamais fait, en Suisse, l’objet de discussions publiques, oficièles ou non.
- Afin de doner cependant plus de valeur à ma réponse, j’ai tenu à me documenter auprès des autorités et du corps enseignant. D’où l’envoi de deus circulaires adressées : l’une, à nos vingt cinq directeurs d’instruction publique, qui ont presque tous obligeament répondu par la comunication de nombreus imprimés ; l’autre à tous les professeurs et instituteurs que je conaissais ou que l’on m’avait signalés corne particulièrement compétents en la matière. Le succès de cète seconde démarche a été beaucoup moins satisfaisant, quoique l’un des homes les plus répandus en Suisse dans le monde de l’enseignement, M. le directeur Guex, ait bien voulu doner l’autorité de sa signature à cète lètre, publiée d’abord dans le journal l'Educateur i.
- 1. En voici la partie principale :
- Nous vous serions grandement reconaissants, Monsieur et honoré colègue, de vouloir hien nous faciliter la besogne, soie en nous indiquant des ouvrages et articles de journaus ou de revues publiés sur la matière, soit en colaborant à notre travail par une étude plus ou moins aprofondie du sujet, qui vous permète de répondre avec quelque détail et le plus tôt possible, à tout ou partie des questions suivantes :
- 1° Cornent se donent, dans les écoles primaires et secondaires (à tous les degrés) de votre canton, l’enseignement :
- a) De la morale (s’il y existe un enseignement de la morale proprement dit) ?
- b) Du civisme (instruction civique, Vaterlandskunde) ?
- c) De l’histoire nationale ?
- d) De l’histoire générale ?
- e) De la géographie ? _
- Et quel but se propose-t-on dans l’enseignement respectif de ces diverses branches d’étude ?
- 2° L’enseignement de quelqu’une de ces branches a-t-il subi dans votre canton, en ces dernières anées, des modifications notables, qui corespondent à un changement dans le point de vue auquel on l’envisage et dans le but qu’on se propose en le pratiquant ?
- Si oui, a-t-on cherché ou cherche-t-on à taire de l’enseignement dans son ensemble, ou de l’enseignement de certaines branches en particulier, essentièlement ou incidement, un moyen d'éducation sociale ?
- 3° Avez-vous eu l’ocasion de voir quelqu’une des branches susmentionées enseignée autrement qu’elle ne l’est ordinairement dans votre canton ? Si oui, que pensez-vous du but qu’on se propose en ce faisant, et des résultats obtenus ?
- 4° Auriez-vous, sur ces diférents points, des idées personèles et des vœus à émètre ? Estimez-vous, entre autres, que l’enseignement des branches mentionées
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- Ce demi-échec n’est, d’ailleurs, pas pour nous surprendre ; nous nous y atendions même. Outre que la fin du semestre d’hiver, et, pour beaucoup, de l’anée scolaire, est peu propice à une consultation de ce genre, nous y voyons la confirmation de ce que nous disons à la fin de notre circulaire : non seulement la question de l’enseignement social n’a pas été posée encore chez nous ; mais, même à titre privé, on ne s’est guère avisé d’en aborder l’étude.
- Serait-ce indiférence à l’endroit des questions générales d’éducation ? Non point. Je n’en veus pour preuve que les nombreuses discussions engagées dans la plupart de nos cantons, et depuis plusieurs anées, sur cète autre question, plus générale et plus compréhensive encore : l'enseignement éducatif.
- Je serais même porté à croire que plus d’un colègue, en lisant notre circulaire, se sera étoné qu’on pût s’ocuper d’enseignement social autrement que corne d’un chapitre de l’enseignement éducatif : former l’individu en vue du rôle qu’il aura à remplir dans la société, considérer l’enfant avant tout corne un membre de cète société, n’est-ce pas, en éfet, l’un des buts essentiels que se propose l’instituteur quand il s’éforce de faire de l’enseignement éducatif ? Celui qui raisone ainsi est absolument dans le vrai ; mais il néglige tout un côté de la question : il fait de l’enseignement social corne un pendant de l’enseignement moral ; oubliant que, s’il peut sufire, pour former F « être moral », de lui inculquer de bons principes et de faire l’éducation de ses facultés intélectuèles et morales (on ne va d’ordinaire pas au delà dans nos écoles : voir plus loin quelques lignes à ce sujet), on ne forme pas. F « être social » sans lui enseigner un certain nombre de choses qu’il doit savoir, donc aprendre :
- Nous pouvons résumer corne suit cète longue introduction :
- 1° Quoique les cantons suisses n’aient guère abordé jusqu’ici le problème qui nous intéresse, ils ofriront, me semble-t-il, un excé-lent champ de propagande à ceus qui entreprendront d’y provoquer un mouvement d’opinion en faveur d'un enseignement social; les esprits y sont assez généralement préocupés depuis quelques anées de tout ce qui touche aus questions d’éducation et d’enseignement, pour que des éforts dans ce sens ne laissent persone indiférent.
- 2° Mais il y aura lieu d’insister sur le fait que la question de l'enseignement des sciences sociales ne rentre pas tout entière dans cèle de l'enseignement éducatif, si l’on entent par là seulement un enseignement qui vise à l’éducation des facultés morales et inté-
- cidessus, ou de quelqu’une d’entre èles en particulier, puisse et doive être orienté plus nètement que ce n’est le cas maintenant dans le sens de l’éducation sociale de l’individu ï
- 5° Estimez-vous que, outre les branches d’étude en question, il en soit qui se prêtent particulièrement à cette éducation sociale de l’individu ? Si oui, quèles sont-èles, et cornent voudriez-vous les voir enseigner ?
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- 4 l’enseignement des sciences sociales.
- lectuèles, abstraction faite des conaissances que doit aquérir l’individu.
- Après quoi, Monsieur, j’en suis venu à me demander si je pou-rais prétendre à être l’un de ces promoteurs, corne votre ofre et mon acceptation paraissent l’indiquer. Car, j’ose à peine l’avouer — étant donés surtout les termes dans lesquels, à la fin de la circulaire susmentionée, je parle des expressions « sciences sociales » et « enseignement des sciences sociales », qui « s’expliquent suflsa-ment d’èles-mêmes » — je ne suis pas parvenu à me mètre parfaitement au clair sur ce qu’il faut entendre par les dites expressions. Passe encore pour la première : je ne serai peutêtre pas trop embarassé pour me ralier à une définition au moins aproximative des « sciences sociales » ; mais que faut-il entendre exactement par un enseignement des sciences sociales, si l’on veut en faire une rubrique spéciale et nouvèle à ajouter à nos programes scolaires pour les degrés primaire et secondaire * ? Ou bien ce terme ne servirait-il qu’à réunir sous une dénomination comune un certain nombre de branches d'étude figurant déjà dans nos programes et qui se prêtent particulièrement à la formation de l'être social ? \ M’en tenant à cète dernière acception, je me permétrai désormais de faire abstraction de ce terme : « Enseignement des sciences sociales », soit parce qu’il ne répont pas, pour moi, à une réalité nètement déterminée, soit parce que, dans l’intérêt même de la propagande que je me ferai peutêtre un devoir d’entreprendre dans mon pays, je crois prudent de m’en tenir aus expressions, plus intéligibles à un chacun, pour le moment du moins, d'enseignement social, ou même d'éducation sociale.
- Quelques mots maintenant au sujet des branches d’étude, actuè-
- 1. Je ne suis d’ailleurs pas seul à me poser cète question, à en juger du moins par les doutes que j’ai entendu exprimer au cours de certains entretiens, et par les lignes suivantes de l’un de mes corespondants : « Chaque société a son génie propre, son tempérament, son caractère, ses formes d’activité, ses traditions et d’autres propriétés encore. La science sociale se propose-t-èle pour but d’aborder tous ces points, de les aprofondir et de les déterminer ? Se propose-t-èle en outre de rechercher les lois naturèles de leur évolution, et corne une morale sociale propre à faciliter cète évolution dans son jeu normal ? — Mais encore, qu’est-ce qu’une société dans sa notion tangible ? ou qu’est-ce qu’un peuple, si l’on adopte la synonymie ? Car, dans l’enseignement primaire et secondaire, il faut se tenir en garde contre les abstractions et sérer de près la réalité, pour être intéressant et faire œuvre utile. »
- Un autre instituteur pense, en se plaçant uniquement au point de vue du pro-grame, « qu’il ne faudrait pas faire des sciences sociales une branche d’étude spéciale ; car l’instituteur qui comprent son devoir social poura dans tout son enseignement faire ressortir les grandes idées de solidarité, de fraternité qui doivent animer tous les homes. » J’ai déjà dit plus haut que, se placer à ce point de vue, c’est, à mon sens, négliger tout un côté de la question ; néanmoins, je le répète, rien ne m’a démontré jusqu’ici la nécessité de faire figurer dans nos programes cète rubrique nouvèle : « enseignement des sciences sociales », même en l’interprétant autrement que ne le fait mon second corespondant.
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- lement inscrites dans nos programes ausquèles je viens de faire alusion parce qu’èles me paraissent se prêter particulièrement à céte œuvre d’éducation sociale, en même temps qu’à l’aquisition de conaissances que l’on peut ranger sous le titre de sciences sociales.
- a) Nous n’avons guère d’enseignement de la morale proprement dit, ni par conséquent de leçons de morale tèles qu’on en fait en France. La question a été discutée chez nous en ces dernières anées : on s’est prononcé, en général, en faveur de leçons de morale fréquentes, mais faites incidemment, au cours de leçons de français, d’histoire, d’histoire biblique (nous disons souvent : leçons de religion), d’instruction civique, etc., toutes les fois qu’une ocasion propice s’en présentera d’èlemême, ou qu’on aura su la provoquer ; mais cela, sans plan préconçu, sans programe déterminé, surtout sans programe imposé.
- J’avoue ma préférence pour cète méthode, surtout depuis que j'ai eu l’avantage d’assister, dans les écoles et les lycées de Paris, à de nombreuses leçons de morale : quelques-unes m’ont laissé sous l’empire d’une profonde admiration, d’une vraie émotion, mais d’autres étaient, hélas ! trop propres à me confirmer dans ma défiance touchant les cours de morale à l’usage de la jeunesse. Corne ce n’est pas ici le lieu d’exposer soit les arguments d’ordre pédagogique, soit les constatations de faits sur lesquels se fonde cète défiance, je me borne à dire que je voudrais cependant retenir quelque chose du système français : sans, s’astreindre à suivre un programe déterminé par lui-même, sans surtout qu’il soit astreint à suivre un programe imposé, le maître devrait aborder chaque anée, mais quand et corne bon lui semblerait, un certain nombre de sujets qu’il importe de traiter avec la jeunesse, et qui se prêtent particulièrement à des leçons à la fois captivantes, instructives et hautement éducatives. Il lui sera d’ailleurs toujours aisé d’ « amorcer » quelque causerie, quelqùe lecture, quelque entretien sur des sujets tels que : les devoirs envers les parents, envers soi-même, envers le prochain, envers les animaus, sur la franchise, sur le courage moral, etc. ; raison de plus pour qu’il n’y manque pas.
- b) L'enseignement civique est compris chez nous de façons fort diverses. On ne le néglige dans aucun de nos cantons ; mais on le ratache souvent à l’enseignement de l’histoire et de la géographie nationales, qui lui servent de base, mais qu’il sert aussi à compléter, dont il peut même être considéré corne le couronement. Érigé en branche d’étude spéciale, ou compris corne je viens de le dire, tantôt cet enseignement s’adresse à des élèves de 12 et 13 ans déjà, tantôt on le réserve aus dernières anées de la scolarité, même aus classes supérieures des gymnases (16-18 ans).
- Ici, on vise uniquement, par les leçons d’instruction civique, à doner à l’élève quelques conaissances pratiques destinées soit à le
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- l’enseignement des sciences sociales.
- renseigner sur la manière dont son pays est administré, soit à lui faciliter l’acomplissement de ses devoirs de citoyen ; là, on en fait un enseignement plutôt éducatif, qui répondrait peutêtre mieus que tout autre au titre d’enseignement moral et social. Certains maîtres sont assez heureus, assez habiles, pour poursuivre avec succès le dernier de ces buts, alors que le programe les invite à se préocuper avant tout du premier. D’aucuns même se font un devoir d’aborder dans des classes de jeunes filles certains problèmes de civisme, quoique leur programe soit absolument muet à cet endroit, et que nos autorités scolaires ne se soient encore, que je sache, nule part résolues à suivre sur ce point l’excélent exemple de la France.
- Quel que soit celui des deus buts susindiqués que l’on cherche à ateindre, il me paraît hors de doute que parfois on fait trop, d’autres fois pas assez. Et il y aurait certainement une campagne intéressante à entreprendre en Suisse en matière d’enseignement civique ; les instituteurs sont nombreus à tenir pour désirable qu’on en fasse de plus en plus, mais avec tact et mesure, un enseignement vraiment éducatif, social, si l’on veut ; pour désirable, tout au moins, qu’on fasse disparaître de certains programes une foule de notions qui s’adressent uniquement à la mémoire des élèves, et dont les unes ne présentent pour eus aucun intérêt quelconque au moment où l’on cherche à les leur inculquer, dont d’autres ont moins leur raison d’être encore, puisque la très grande majorité des citoyens n’ont jamais aucune ocasion d’en tirer le moindre profit.
- Je tiens à ne pas quiter ce sujet sans signaler ici un livre d’une haute portée morale et sociale, en même temps que d’une grande valeur pédagogique, mais destiné aus élèves âgés et au corps enseignant : le Manuel d'instruction civique de M. Numa Droz, à l’usage des écoles primaires supérieures, des écoles secondaires, etc.
- c) Même grief que cidessus, quant à l’enseignement de l'histoire nationale et surtout de l'histoire générale : trop souvent on en fait essentièlement ou exclusivement un exercice de mémorisation plus ou moins intéligent. Mais si nous avons beaucoup à réformer sur ce point, on s’en rent compte un peu partout à la fois, et cète question sera probablement l’une de cèles que discuteront le plus, d’ici à quelques anées, professeurs et instituteurs suisses. Il faut donc que les promoteurs d’un enseignement social se tiènent prêts à faire valoir leurs arguments sur le parti imense qu’on peut tirer, à ce point de vue, de l’enseignement de l’histoire, tant nationale que générale ; ou mieus encore d’un enseignement de l’histoire où l’on se préocupera moins de faire ce départ, nécessairement un peu factice.
- Mais la lute sera rude sans doute ; car ils sont encore nombreus chez nous les parents, les membres des autorités, les instituteurs même pour qui, aprendre l’histoire, c’est se mètre dans la tête le
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- plus possible de dates, de faits ,sans égard à leur importance, sans égard surtout à leur importance relative, à cèle qu’on peut leur atri-buer en les envisageant au point de vue des progrès de la civilisation, de l’évolution sociale, ou au point de vue de l’éducation inté-lectuèle et morale de l’individu.
- Combien plus vivantes, plus fécondes pouraient être nos leçons d’histoire, si tous les maîtres s’éforçaient d’élaguer tel détail qui ne prouve ni n’aprent rien ; tel fait d’intérêt secondaire, qui n’est à aucun titre l’aneau d’aucune chaîne, ou qui n’ajoute ni en force, ni en pitoresque à l’ensemble de faits plus importants auquel il se ratache ; tel événement qui, pris en soi-même, paraît être d’importance, mais qui mérite à peine une mention s’il est en quelque sorte un hors d’œuvre, s’il constitue un phénomène sans portée ; tèle notion enfin, qui peut être d’intérêt capital pour l’historien de profession et lui paraître tel dans son enseignement, mais dont la conaissance ne contribuera qu’à surcharger sans profit aucun la mémoire de l’enfant. Des exemples ? Quel écolier, quel ancien écolier surtout, n’en citerait à profusion !
- Oui, combien nos leçons d’histoire seront plus vivantes, plus fécondes, le jour où tous les maîtres posséderont la culture perso-nèle et professionèle qui leur permétra d’élever leur enseignement à cète hauteur, et de lui doner cète incontestable portée éducative ! Si toutefois ils en viènent, en même temps, à voir les choses sous cet angle là, ce à quoi j’en conais qui se refuseraient à l’heure qu’il est, malgré la supériorité que leur donent leurs qualités pédagogiques et leur valeur personèle ; si toutefois ils en viènent à penser, corne c’est le cas de quelquesuns d’entre eus déjà, que l’histoire politique, pas plus que l’histoire litéraire, n’a droit, dans l’enseignement primaire et secondaire, à être étudiée pour èle-même — exception faite peutêtre pour l’histoire politique et litéraire nationales, — du jour où beaucoup en viendront à considérer l’étude de l’histoire, tout au moins de l’histoire générale, dans ces deus degrés scolaires, essentièlement corne un moyen d’éducation inté-lectuèle, morale et sociale, la révision des programes et des méthodes sera plus qu’à moitié faite.
- d) Il y aurait moins à réformer en Suisse quant à l’enseignement de la géographie. Tout d’abord, parents et instituteurs sont bientôt unanimes à faire fi d’une géographie scolaire qui consiste en une sèche et interminable énumération de noms, de produits ,de chifres divers, de renseignements stériles parce qu’ils ne constituent qu’un fouillis de détails sans lien entre eus, partant sans intérêt corne sans valeur éducative.
- Puis, on a déjà beaucoup travaillé, dans la plupart de nos cantons, à vivifier l’enseignement de la géographie, qui vise à la fois à fournir un minimum de conaissances indispensables, mais présentées intéligemment, et à devenir de plus en plus un moyen de
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- l’enseignement des sciences sociales.
- dévelopement intélectuel : en Suisse alemande depuis assez longtemps, en Suisse française depuis quelques anées, on cherche presque partout à apliquer les principes de Pestalozzi, de Froebel, de Herbart, et autres grands pédagogues qui ont vu dans l’enseignement de la géographie l’un de ceus qui se prêtent le mieus à la culture de certaines facultés : observation, représentation, jugement ; la mémoire n’y jouant heureusement plus qu’un rôle tout à fait restreint.
- A mon sens, on en pourait tirer bien davantage encore. D’abord, il y aurait lieu de déveloper considérablement l’enseignement de la géographie physique corne moyen d’éducation intélectuèle, et cela dès les premières anées dé la scolarité : question qu’il serait au reste déplacé de traiter avec quelque détail à propos d’enseignement social.
- Puis, quant à l’éducation sociale, en même temps qu’intélec-tuèle de nos élèves, on ne saurait atendre trop, de leçons ayant trait soit à des questions ethnographiques de tout ordre, soit à l'organisation politique et économique des sociétés 1 ; èles doivent être le complément indispensable des leçons d’histoire tèles que peuvent les rêver les promoteurs d’un enseignement social ; peutêtre même revêtent-èles, à ce point de vue, une portée plus grande encore, et je ne serais pas éloigné de dire avec un colègue : « La géographie est la science sociale par excélence ; car, tandis que l’histoire exalte surtout les grands coups d’épée, les conquêtes violentes, les agrandissements téritoriaus dus à l’abus de la force et au mépris du droit, la géographie glorifie l’émulation pacifique, la lute de l’home contre la nature, et èle constate et explique la prospérité des peuples labo-rieus et entreprenants. L’enseignement de la géographie tent à devenir le principal facteur de l’éducation sociale 2... »
- Seulement, la question méthode me paraît avoir en pareilles, matières une importance considérable; et je voudrais dire ici en
- 1. L’un de mes corespondants insiste sur la nécessité de créer dans nos écoles des cours d'Économie politique et sociale, qu’il croit prudent, dans l’intérêt même de la propagande qu’il fait dans son canton, de dénomer Economie nationale. Malgré l’excélence de ses arguments en faveur de cète inovation, malgré mon désir de voir ses idées adoptées par nos autorités scolaires, je me garderais d’aler si loin que lui : pour l’économie politique, corne pour la morale, je voudrais qu’on s’en tînt à des entretiens ocasionels ; et je ne vois pas, par exemple, de question d’économie politique que l’on ne puisse faire rentrer directement, soit dans la géographie nationale ou générale, soit dans quelque autre branche d’étude, ainsi que l’expérience en a été faite.
- 2. Deus indications bibliographiques à ce sujet :
- a) Le Buletin de la Société de géographie de Neuchâtel vient de publier une étude de M. le professeur de Girard sur « l’enseignement de la géographie dans les colèges » ;
- b) Je n’ai guère eu l’ocasion de juger par moi-même si Genève a des écoles particulièrement bien organisées et un enseignement conçu d’une, façon particulièrement intéligente ; mais, je tiens à le dire ici, aucun d’entre les nombreus imprimés que j’ai reçus des diverses autorités cantonales ne m’a intéressé autant que les notices publiées en 1896 sur l’école professionèle et sur les Ecoles secondaires genevoises.
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- quelques mots ce que j’ai indiqué seulement à propos de l’enseignement de la morale. Quand il s’agit de géographie physique, de géographie économique, d’ethnographie, d’économie politique, de morale, de civisme, plus encore que de la plupart des autres branches d’étude, dans les degrés primaire et même secondaire, je me défie, pour ma part, soit de la leçon faite ex cathedra, soit d’un cours complet, imprimé ou dicté, que l’élève doit « aprendre ». Je ne sais : mais le statu quo, c’est-à-dire presque rien en ces matières, serait encore, me semble-t-il, préférable à un enseignement qui ne consisterait pas, avant tout, en une colaboration du maître et des élèves, en un échange de vues et d’idées, aboutissant en quelque sorte à la découverte par ceusci, et à la mise en lumière d’un certain nombre de faits, très restreint sans doute, mais dont la possession implique un travail singulièrement fructueus. Ah ! c’est certain : à ce compte, on ne va pas vite en besogne ; mais quel profit pour l’intéligence, que l’aquisition d’une poignée de conaissances faite dans ces conditions là !
- L’expression de ces divers points de vue m’a valu, dans mon pays, quelques marques d’assentiment, mais ausi bien des objections, bien des sarcasmes même : car ils heurtent incontestablement les notions courantes au sujet de l’enseignement, de la leçon. Cependant je ne me ferais pas faute de m’y arêter davantage encore, si je n’étais certain, ici, « d’enfoncer des portes ouvertes » : ce n’est pas, en éfet, aus compatriotes des Vidal la Blache, des Demolins, des Marcel Dubois, et des remarquables élèves qu’ils ont aprendra ce que réserve à la génération prochaine l’étude de la déjà fournis au corps enseignant secondaire français, qu’on géographie faite corne l’entendent ces hardis initiateurs.
- Resterait à rechercher les avantages que peuvent ofrir, au point de vue de l’éducation sociale, certaines autres branches d’étude encore. J’ai entendu recomander les sciences naturèles, par exemple : mais je dois avouer mon incompétence sur ce point.
- Quant à l’enseignement de la langue maternèle, quant aus leçons de lecture et de « composition » (rédaction) surtout, je renonce à dire tout ce qu’on en peut tirer au point de vue qui nous ocupe ; ce serait peutêtre sortir absolument du champ qui m’est tracé ; ce serait, en tout cas, abuser par trop de l’ocasion qui m’est oferte de déveloper quelques idées sur des sujets qui m’intéressent vivement, ou de répéter ce que d’autres ont fort bien dit.
- Il est temps de résumer cète étude, et d’ajouter quelques thèses à cèles dans lesquèles j’ai cherché cidessus (p. 3, thèses 1 et 2) à condenser certaines constatations de faits.
- Voici cornent je les formulerais :
- 3° Quelque définition que l’on done de la science sociale, ou des
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- sciences sociales, il n'y a pas lieu d'en faire une rubrique spéciale à ajouter aus programes actuels de l’enseignement primaire et même secondaire.
- 4° Dans tout son enseignement, l’instituteur peut faire œuvre d’éducation sociale ; les branches d'étude actuèlement inscrites dans tous ou dans certains programes et qui se prêtent le mieus à cète éducation en même temps qu’à un enseignement social sont : la morale, le civisme, l’histoire et la géographie.
- 5° Il est préférable que la morale ne fasse pas l’objet d’un cours spécial comportant un programe déterminé ; èle se prête plutôt, dans les degrés primaire et secondaire, à un enseignement oca-sionel et essentièlement pratique.
- 6° Il est désirable qu’on précise, en Suisse, le sens et la portée de l'enseignement civique, et qu’on vise de plus en plus à en faire, un enseignement éducatif et social.
- 7° Un remaniement complet de l’enseignement de l'histoire nationale, et surtout de l’histoire générale, s’impose dans la plupart de nos écoles, au point de vue tant de la méthode que des programes : ceusci devant être alégés, cèlelà vivifiée, assez pour que cet enseignement done les résultats éminents auquel il pourait prétendre quant à l’éducation intélectuèle, morale et sociale.
- 8° La géographie est la branche d’étude qui se prête le mieus à l’aquisition de conaissances sur l’organisation politique et économique des sociétés ; il ne donera tous les bons résultats qu’on est en droit d’en atendre à divers égards, que si les réformes dont il a été déjà l’objet en Suisse sont poursuivies hardiment au point de vue de la méthode corne des programes.
- Une observation encore, en matière de conclusion.
- L’adoption et la mise en pratique de plusieurs d’entre les voeus formulés cidessus impliquerait plus et mieus encore qu’une refonte des programes et un renouvèlement des méthodes : èle ne serait possible qu’en suite d’une modification profonde dans la conception même de l’enseignement, dans la conception du rôle de l’instituteur et de ses relations avec ses élèves ; d’une modification profonde dans tout notre système d’examens — déjà violemment batu en brèche d’ailleurs — de notre système d’inspectorat, et peutêtre même d’apréciation du travail au moyen de chifres abondants et dépourvus de toute souplesse ; d’une certaine modification aussi, par conséquent, dans le mode de préparation scientifique et profes-sionèle du corps enseignant.
- Si nos voeus devaient être pris en considération, et si la question devait être posée sur le térain que je viens d’indiquer, je ne pense pas que la Suisse restât en arière à ce point de vue : ce qu’elle a fait déjà dans ce sens répont de ce qu’èle serait capable de faire encore, le jour où èle le jugerait utile.
- Puisse ce moment ne pas tarder trop. Et puissent ces modesties
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- pages contribuer pour leur faible part à en hâter la venue. Je vous serais alors doublement reconaissant, Monsieur, de la confiance que vous m’avez témoignée en me fournissant l’ocasion de vous les adresser.
- Edouard Vitxoz, professeur à l’école Vinet.
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- CONGRES INTERNATIONAL
- DE
- I’—I DES urnes SOCIALES
- PARIS
- 30 Juillet — 3 Août 1900
- ÉTAT ACTUEL
- DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
- DES SCIENCES SOCIALES
- EN BELGIQUE Par Ernest MAHAIM
- Professeur ordinaire à l’Université de Liège
- PARIS
- ANCIENNE LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE ET Cie
- FÉLIX ALCAN, ÉDITEUR
- 108, BOULEVARD S AI NT - G E RM AIN , 108
- 1900
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- BELGIQUE
- ERNEST MAHAIM
- Professeur ordinaire à l'Université de Liège
- ÉTAT ACTUEL
- f BIBLIOTHEQUE DU CONSERVATOIRE NATIONAL ( ! e s A î 1T S & AI UT 2 E11S
- IN» tlu Cntnlogue........
- Prix ou Estimation........
- Entrée, le.............
- VL
- DE
- L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
- DES SCIENCES SOCIALES
- EN BELGIQUE
- L’économie politique fut longtemps seule à représenter le groupe des Sciences de la société dans l’enseignement supérieur belge. Il est vrai que la Belgique peut s’honorer de lui avoir donné asile dans ses Universités bien avant la France : elle figure au programme des Facultés de Droit dans les deux Universités de l’État (Gand et Liège) depuis 1830. Les Universités libres (Bruxelles et Louvain) l’inscrivirent également au nombre des cours de la Faculté de Droit à leur fondation, en 1834.
- On la retrouve aussi en 1836 sous le nom, remarquable pour l’époque, d’économie sociale (plus tard, d’économie industrielle), parmi les cours de l’École des Mines, des Arts et des Manufactures, annexée à la Faculté des Sciences de l’Université de Liège. L’institut supérieur de commerce d’Anvers, l’École des Mines de Mons, les Écoles polytechniques annexées aux Universités de Bruxelles et de Louvain possédèrent un cours analogue, toujours élémentaire, depuis leur fondation.
- Il y avait bien aussi un « doctorat en sciences politiques et administratives )> d’abord légal, puis purement scientifique, mais il ne comprenait, en dehors de l’économie politique, que des matières juridiques.
- Non seulement le cours d’économie politique n’avait pas grand développement, mais il était rangé dans la catégorie des « cours à certificat », c’est-à-dire de ceux qu’il suffisait de suivre, plus ou moins : il ne faisait pas partie de l’examen. La loi du 20 mai 1876 supin
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- l’enseignèment des sciences sociales.
- prima ces cours et inscrivit l’économie politique au nombre des matières obligatoires du doctorat en droit b
- L’insuffisance de l’enseignement politique fut signalée de bonne heure, entre autres par le Recteur de l’Université de Liège, M. Tra-senster, qui y consacra son discours de rentrée en 1884. En 1888,. M. Van der Rest, alors recteur de l’Université libre de Bruxelles, demandait la création d’une école de sciences sociales. S’il faut signaler, en dehors des vœux et des projets 2, les premières extensions de l’enseignement de la science sociale, je crois que l’honneur en revient à M. Victor Brants, qui installa, en 1885, à côté de son cours obligatoire de la Faculté de Droit (Université catholique de Louvain), un cours pratique (facultatif) où la méthode des séminaires allemands était appliquée, ainsi qu’un cours facultatif de science sociale dans ses rapports avec la question ouvrière 1 2 3.
- La loi du 10 avril 1890 sur la collation des grades académiques, qui modifia les programmes des cours en modifiant les matières des examens légaux, ne changea rien à l’enseignement des sciences sociales dans les Universités de l’État, mais, dès ce moment, la réforme était considérée comme urgente.
- Ce furent les Universités libres qui donnèrent l’exemple : en 1891, l’Université libre de Bruxelles ouvrait son École des sciences sociales 4 et, en 1892, l’Université catholique de Louvain, son École des sciences politiques, dont le principe avait été approuvé par l’Assemblée des catholiques tenue à Malines en 1891, sur un rapport excellent de M. Van den Heuvel.
- Un arreté royal du 2 octobre 1893 opéra dans l’enseignement supérieur officiel la réforme attendue : l’ancien doctorat en sciences politiques et administratives fut supprimé et remplacé par trois licences et doctorats spécialisés, le nombre des cours et des professeurs, considérablement augmenté.
- Depuis lors, les Universités libres ont successivement modifié et augmenté les cadres de leur enseignement pour les mettre en harmonie avec celui des Universités de l’État. La création, en 1894, de l’Université Nouvelle de Bruxelles, avec son Institut des Hautes Etudes, apporta un nouvel élément d’émulation. Si bien qu’aujour-d’hui la Belgique possède, en dehors des Écoles techniques et des
- 1. On sait qu’il n’y a pas de « licence » en droit en Belgique. Le grade de docteur s’obtient après trois épreuves à la suite d’une « candidature » en droit. Une thèse écrite n’est pas exigée du récipiendaire. Le diplôme de docteur est nécessaire pour l’inscription au barreau et l’entrée dans la magistrature.
- 2. Voir Hulin et Mahaim -.La réforme de l’Enseignement supérieur et les Sciences sociales. Liège, 1889. — Voir aussi dans l’Almanach de l’Université de Gand pour 1892, la discussion au Congrès universitaire libéral d'un « vœu en faveur de la création dans les Universités de l’État d’une Faculté de sciences sociales. »
- 3. Voir Béants, Coup d’œil â vol d’oiseau sur les écoles d'Êconomie politique en Belgique. Revue générale, août 1899.
- 4. Voir dans l’Almanach de l’Université de Gand pour 1890, l’article consacré à cette école.
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- instituts supérieurs de commerce, cinq écoles supérieures d’enseignement des sciences sociales.
- UNIVERSITÉS DE L’ÉTAT
- (Gand et Liège)
- L’enseignement spécial des sciences sociales dans les Universités de l’État n’a été modifié depuis 1893 que sur des points de détail. Il a fourni, à cette époque, aux Universités libres, des exemples, qu’elles se sont empressées d’imiter ; mais, depuis lors, il n’a peut-être pas su profiter, de son côté, des améliorations successives introduites par l’enseignement libre.
- Il est rattaché à la Faculté de Droit, sans y former une École distincte et indépendante.
- Il comprend trois licences et doctorats : en sciences administratives, en sciences politiques, en sciences sociales.
- La première est destinée aux jeunes gens qui veulent se préparer à la carrière administrative ; la seconde est organisée plutôt en vue de la carrière diplomatique, et la troisième a pour, but surtout de donner à ceux qui n’ont pas pour objectif un diplôme professionnel, un complément d’instruction politique et sociale.
- L’examen de licencié, de chacune de ces trois catégories, comprend des cours obligatoires, plus deux cours choisis librement par le récipiendaire dans le programme de la Faculté de Droit (par conséquent y compris celui des autres licences) ou de la Faculté de Philosophie. Dans la pratique, la plupart des élèves choisissent comme cours à option des cours des autres licences.
- Les cours obligatoires de la licence en sciences administratives, sont :
- 1° Le droit administratif (institutions provinciales et communales des principaux États et matières spéciales) (trois heures pendant un semestre).
- 2° L’histoire parlementaire et législative de la Belgique (deux heures, un semestre).
- 3° La science financière (une heure, toute l’année).
- 4° La statistique (deux heures, un semestre, et une heure, l’autre semestre).
- 5° Des exercices pratiques d’économie politique (deux heures, un-semestre).
- Les cours obligatoires de la licence en sciences politiques sont :
- 1° Le droit constitutionnel comparé (trois heures, un semestre).
- 2° Le droit des gens (matières spéciales) (trois heures, un semestre).
- 3° L’économie et la législation coloniales (deux heures, un semestre).
- 4° L’histoire diplomatique de l’Europe depuis le Congrès de. Vienne (une heure et demie toute l’année).
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- l’enseignement des sciences sociales.
- Les cours obligatoires de la licence en sciences sociales comprennent, outre la science financière et les exercices pratiques d’économie politique que nous avons déjà cités :
- 1° Le régime du travail en législation comparée (une heure toute l'année).
- 2° L’histoire économique (matières spéciales) (deux heures, un semestre).
- 3° Les institutions civiles comparées (une heure et demie, un semestre).
- 4° Des matières spéciales d’économie politique (une heure toute l’année).
- Dans chaque section, on s’est attaché à faire la part la plus large possible à la méthode inductive, notamment à l’histoire, et tous les cours importants : économie politique, science financière, statistique, droit des gens, sont doublés de cours pratiques où les élèves doivent produire des travaux personnels.
- Une licence en sciences commerciales et consulaires, créée en 1897 et qui vient d’être réorganisée i, est venue fournir aux étudiants en sciences sociales, un nouveau choix de cours à option : géographie industrielle,' transports et outillage commercial, droit maritime, produits commerciaux, etc.
- Les trois licences sont accessibles sans conditions aux docteurs en droit, qui peuvent y obtenir leur diplôme après une année d’études. Les jeunes gens qui sont porteurs d’un grade académique ayant demandé une année d’études doivent passer l’exainen de candidat en sciences politiques, qui leur demande une année de préparation. Pour les jeunes gens n’ayant pas fait du tout d’études universitaires, la candidature en sciences politiques demande deux années, et comporte deux épreuves.
- Cette candidature se compose de matières de philosophie et d’histoire, ainsi que de matières juridiques élémentaires.
- Le doctorat qui couronne chacune des trois licences s’obtient par la rédaction d’une dissertation, dont l’impression n’est pas exigée, mais qui doit être défendue publiquement avec cinq autres positions prises par le récipiendaire dans les matières de l’examen.
- Le nombre des étudiants qui fréquentent les cours des licences n’est pas considérable ; il n’a jamais atteint la dizaine à Liège et varie d’ordinaire entre quatre et huit ; je crois qu’il a encore été inférieur à Gand. Ces diplômes, auxquels aucun avantage matériel n’est attaché, n’attirent qu’une élite de jeunes gens travailleurs 2. La ma-
- 1. Je ne crois pas utile d’en décrire l'organisation, qui sort du cadre de ce rapport, l'enseignement supérieur commercial ne devant pas être confondu avec l’enseignement social.
- 2. On a bien vu, lors de la création de la licence en sciences commerciales et consulaires la force de ces préoccupations utilitaires. La simple perspective de pouvoir demander un poste de consul y a attiré dix fois plus de jeunes gens qu’il n’y a de postes à conférer.
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- jorité est formée par des docteurs en droit, ceux qui consentent à retarder d’un an leur entrée effective au barreau. Les licences ne sont pas organisées comme à Bruxelles pour être fréquentées par des étudiants qui font, en même temps, leurs études régulières.
- Mais si le nombre des élèves est restreint, on a souvent à se louer de leur travail. L’Université de Liège n’a délivré encore qu’un diplôme de docteur en sciences sociales, mais après une dissertation do premier ordre, fruit d’un séjour à l’étranger.
- UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES
- L'École des Sciences politiques et sociales de l’Université libre de Bruxelles comprend actuellement deux sections :
- A. —La section des sciences politiques, qui comporte :
- 1° L’histoire parlementaire et législative comparée (une heure par semaine toute l’année).
- 2° L’histoire diplomatique de l’Europe (une heure, un semestre).
- 3° Le droit des gens (deux heures, un semestre).
- 4° Le droit constitutionnel comparé (deux heures toute l’année).
- 5° Les institutions civiles (deux heures, un semestre).
- 6° La science des finances (deux heures, un semestre).
- 7° La statistique (deux heures, un semestre).
- 8° L’économie politique (matières spéciales) (deux heures toute l’année).
- 9° La colonisation et la politique coloniale (deux heures, un semestre).
- B. — La section des sciences économiques :
- 1° L’histoire des doctrines économiques (deux heures, un semestre).
- 2° L’histoire économique (une heure, un semestre).
- 3° La géographie économique (une heure, un semestre).
- 4° La législation ouvrière (deux heures, un semestre), plus l’économie politique (matières spéciales), — la statistique, — La science des finances, — la colonisation et la politique coloniale, qui sont communes aux deux sections.
- Le règlement prévoit la création' d’une troisième section, celle des sciences sociales, qui comprendrait notamment les cours suivants : sociologie générale, y compris la méthodologie des sciences sociales ; histoire des doctrines sociologiques, particulièrement au xix0 siècle ; statistique et applications générales ; calcul des probabilités ; géographie comparée ; biologie dans ses rapports avec les sciences sociales ; anthropologie et ethnologie ; psychologie ; psychologie des peuples ; histoire comparée des religions ; histoire comparée du langage ; histoire comparée de l’art.
- En outre, il se fait dès à présent trois cours facultatifs : notions de biologie en rapport avec les sciences sociales (une heure, un se-
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- l’enseignement des sciences sociales.
- mestre), principes généraux de l’évolution religieuse (une heure, un semestre), et droit politique général (une heure, toute l’année).
- Les examens conduisent aux grades de licencié et de docteur en sciences politiques, de licencié et de docteur en sciences économiques ; la licence et le doctorat en sciences sociales ne sont pas encore institués.
- Le grade de licencié s’obtient à la suite d’un examen portant sur toutes les matières obligatoires de la section correspondante, mais le récipiendaire peut répartir les matières de l’examen en deux ou trois épreuves, comme il l’entend, ou passer l’examen en une fois.
- Les conditions d’admission à l’examen sont extrêmement larges : il suffit :
- 1° D’avoir été inscrit pendant deux ans en qualité d’élève de l’École ;
- 2° De justifier de la connaissance de cinq branches d’études parmi un tableau de vingt branches, dressé dans le règlement et qui comprend précisément les matières élémentaires des candidatures en philosophie et en sciences. Il suffit en somme d’avoir fait une année d’études universitaires quelconques pour avoir accès à l’examen de l’École.
- En outre, il faut remarquer que, si l’examen est subi en plus d’une épreuve, les deux conditions précitées ne sont nécessaires que pour être admis à l’épreuve finale : de sorte, par exemple, qu’un étudiant en droit ou un élève ingénieur pourraient présenter une ou deux épreuves de l’examen de licencié, sans réunir la condition relative aux cinq branches ; celle-ci ne serait exigée que pour la dernière épreuve.
- Le but de ces dispositions est évident : il s’agit de permettre aux étudiants de mener de front les études de l’École et celles de la Faculté à laquelle ils appartiennent, sans prolonger leur séjour à l’Université. Cela n’empêche pas, naturellement, les élèves qui ont du temps à consacrer à ces études de les prolonger au delà de leurs études professionnelles.
- ' Le grade de docteur s’obtient par la rédaction d’une thèse, manuscrite ou imprimée, qui doit être défendue publiquement ainsi que cinq points spéciaux désignés par le récipiendaire dans le cadre des matières de sa section.
- A côté des élèves réguliers, l’École admet des auditeurs libres, qui peuvent suivre, contre une légère rémunération, un ou plusieurs cours.
- L’École de Bruxelles, grâce entre autres à l’ingénieuse élasticité de ses conditions d’admission, a obtenu un succès considérable, étant données les conditions générales des études universitaires en Belgique. Certains cours ont un nombreux auditoire. Deux ou trois diplômes de docteur ont été délivrés après des dissertations remarquables. Un séminaire d’Économie politique, dont les travaux sont
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- publiés dans la Revue de VUniversité, a été ouvert cette année : une vingtaine d’élèves s’y sont fait inscrire.
- UNIVERSITÉ CATHOLIQUE DE LOUVAIN
- L'École des sciences politiques et sociales de l’Université catholique de Louvain porte à son programme en 1900 les cours suivants :
- 1° Droit public belge (matières spéciales) (une leçon par semaine toute l’année).
- 2° Économie politique et sociale (matières spéciales) (une leçon par semaine toute l’année).
- 3° Droit public comparé (une leçon de deux heures).
- 4° Droit privé comparé (une leçon par semaine).
- 5° Science financière (une leçon par semaine).
- 6° Droit international et colonial (une leçon par semaine).
- 7° Histoire diplomatique et politique commerciale (une leçon par semaine).
- 8° Droit commercial (législation commerciale comparée) (une leçon par semaine).
- 9° Statistique (une leçon pendant un semestre).
- Les matières spéciales de ces cours changent chaque année, de manière à former un cycle complet tous les deux ans.
- En outre, trois cours pratiques sont installés : celui d’économie sociale, celui de droit public et de science politique, et celui de politique internationale et coloniale.
- Depuis cette année-ci, un savant étranger en renom vient faire à l’École des conférences sur une question d’actualité. C’est M. Georges Blondel, professeur à l’Université de Paris, qui ouvre la série, par des conférences sur la transformation politique et économique de l’Allemagne au xixe siècle.
- L’École confère le grade de licencié et de docteur en sciences politiques et sociales et celui de licencié et de docteur en sciences politiques et diplomatiques.
- Pour être admis à la licence, il faut :
- 1° Etre docteur en droit ou candidat en sciences politiques ;
- Et 2° avoir suivi durant deux années au moins les cours de l’École.
- La candidature en sciences politiques, qui ouvre la porte de l’École, n’est accessible qu’aux jeunes gens ayant obtenu un grade académique ayant exigé une année d’études au moins, ou ayant subi une épreuve préparatoire comprenant des matières de philosophie et d’histoire. La candidature elle-même consiste en un examen sur des éléments divers du droit et l’économie politique.
- Pour obtenir l’un des grades de licencié, il faut subir un examen portant au moins sur neuf des branches indiquées au programme,, mais l’élève a, dans certaines limites, le choix de ces branches.
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- l’enseignement des sciences sociales.
- Comme il reste nécessairement deux ans à l’École, il peut doubler les matières de l’examen pour l’une ou l’autre catégorie.
- Chaque licence se complète par un doctorat qui consiste dans la présentation d’un travail imprimé et une défense orale de ce travail.
- L’École de Louvain a obtenu un grand succès, qui va croissant : 49 élèves', dont 47 élèves! réguliers, y étaient inscrits en 1898-1899. Cela tient, à coup sûr, au talent et au prestige de ses professeurs, mais aussi à la nature de sa population universitaire. L’Université de Louvain attire, de tous les points de la Belgique, les fils de toutes les familles catholiques riches. Il lui est moins difficile de trouver parmi eux une élite de jeunes gens disposés à passer deux années, — la plupart du temps après quatre ou cinq autres années de droit — à faire des études qui ne mènent pas à un diplôme professionnel. Il lui est aussi possible d’imposer, pour l’obtention du doctorat, une thèse imprimée et un voyage à l’étranger de plusieurs mois. En octobre 1899, treize thèses avaient été publiées, dont quelques-unes de réelle valeur scientifique ; l'École avait conféré huit diplômes de docteur en sciences politiques et sociales, un de docteur en sciences diplomatiques et consulaires, et cinq de licenciés en sciences politiques et sociales.
- Il faut ajouter que, comme les séminaires allemands, l’École possède depuis deux ans une bibliothèque spéciale, formée par des dons et une cotisation annuelle des étudiants. C’est.un précieux auxiliaire des cours pratiques, qui fait jusqu’à présent défaut aux Universités de l’État.
- UNIVERSITÉ NOUVELLE DE BRUXELLES
- L’Université Nouvelle de Bruxelles, qui est entrée dans le monde en 1894 avec tant de bruit, et dont les parrains ont si hautement fait la leçon aux « vieilles Universités » libres ou officielles t, présente, à son programme, une collection extrêmement riche de cours de sciences politiques et sociales.
- La Faculté de Droit délivre un diplôme de docteur en sciences politiques et administratives, dont les matières correspondent, à peu près, à celles du doctorat en sciences politiques des Universités de l’État. Une thèse est exigée.
- Mais la nouvelle Université comprend aussi une Faculté des Sciences sociales, où, d’après le programme, vingt-cinq cours sont faits par une quarantaine de professeurs. Certains cours ont jusqu’à sept titulaires.
- Le programme n’indique pas les heures des cours ; on n’en connaît donc pas la longueur. Ils se font, il est vrai, à l’Institut des. Hautes Études, — école internationale où des savants étrangers, de
- 1. Voir notamment les articles d’Edm. Picard, dans la Société nouvelle (1894), le Journal des Tribunaux (1894) et l’Humanité nouvelle (1897).
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- ER. MAHAIM.
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- grande renommée dans des sciences très diverses, viennent faire des séries de conférences. C’est une tentative originale et très heureuse, qui a admirablement réussi, et que l’Université de Louvain vient d’imiter.
- Le doctorat en sciences sociales comporte :
- 1° Quatre semestres d’études ;
- 2° Un ou deux examens, au choix des étudiants, sur les branches suivantes : géographie, biologie générale, psychologie générale, démographie, statistique comparée, économie sociale et histoire de l’économie sociale, histoire de la philosophie, histoire et philosophie du droit, sociologie criminelle, histoire des doctrines politiques, sociologie générale et méthodologie, philosophie générale des sciences.
- 3° La présentation et la défense d’une thèse.
- « Des séminaires sont annexés à la Faculté pour la préparation des thèses et de travaux particuliers sous la direction des professeurs. »
- Il ne m’appartient pas de porter une appréciation générale sur l’enseignement supérieur des sciences sociales en Belgique, encore moins de comparer entre elles les diverses écoles. Je ne puis manquer, cependant, de signaler deux traits communs des plus heureux. C’est d’abord l’abandon des programmes invariables : ceux-ci régnent encore dans les Facultés de Droit, mais, dans les sections de sciences sociales, partout l’élève a, dans certaines limites, la liberté de choisir ses matières et de se spécialiser. C’est ensuite l’institution des cours pratiques, où l’étudiant doit se livrer à des travaux personnels. Plus d’air et plus de lumière sont entrés dans l’antique forêt des études supérieures. Il n’y a plus qu’un espoir à exprimer : c’est que le souffle de progrès qui a passé par là gagne aussi les études régulières professionnelles, et permette ainsi à un plus grand nombre de jeunes gens de s’engager dans les voies nouvelles qui viennent d’être ouvertes.
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- CONGRÈS INTERNATIONAL
- DE
- PARIS
- 30 Juillet — 3 Août 1900
- L’ENSEIGNEMENT
- DES SCIENCES SOCIALES
- EN ITALIE
- Par Alfredo NICEFORO
- PARIS
- ANCIENNE LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE ET Cie
- FÉLIX ALCAN, ÉDITEUR
- 108, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 108
- 1900
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- ITALIE
- M. ALFREDO NICEFORO
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- L’ENSEIGNEMENT DES SCIENCES SOCIALES
- L’enseignement est réparti en Italie comme dans toutes les autres nations en trois grandes divisions : primaire, secondaire, supérieur. A l’enseignement primaire appartiennent les écoles élémentaires ; au secondaire, les lycées, les écoles techniques et les écoles normales ; au supérieur, les Universités et les Instituts supérieurs.
- Les sciences sociales commencent à peine à être enseignées dans certaines branches des écoles secondaires. Ainsi dans les lycées il n’y a pas trace de cet enseignement, et c’est seulement dans les Instituts techniques que deux années sont consacrées à l’enseignement des rudiments de l’économie politique. Cet enseignement consiste dans la donnée des notions élémentaires de la science et ne constitue qu’un enseignement de second et troisième ordre. Dans les écoles normales, d’où sortent les maîtres élémentaires, on enseigne aussi pendant une année des éléments d’économie politique, lesquels forment une sorte de catéchisme aride et froid, sans aucune importance et sans aucune valeur pratique, que l’étudiant case dans sa mémoire mécaniquement.
- C’est seulement dans les Universités que les étudiants apprennent à connaître d’un peu plus près les sciences sociales. Dans chaque université il existe des cours d’économie politique, de statistique, de science des finances, de science de l’administration, etc. Mais ces cours durent tous une année seulement à raison de trois heures par semaine, et on leur donne une importance bien moins grande que celle que l’on accorde au contraire aux sciences juridiques, enseignées dans lesdites universités, et dont l’enseignement, souvent, dure deux ou trois années consécutives.
- Il n’existe qu’un seul Institut spécial pour l’enseignement des sciences sociales, à Florence, appelé Institut des Sciences sociales, et fréquenté particulièrement par ceux qui se destinent à la diplomatie. Cet Institut a cependant une valeur scientifique assez limitée. Avant tout, pour y entrer, il n’est pas nécessaire d’avoir fait des études très approfondies, et on peut obtenir un diplôme sans diffi-
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- l’enseignement des sciences sociales.
- culté après trois ans d’enseignement. De plus les qualités mêmes de ceux qui fréquentent cet Institut l’empêchent de prendre un développement scientifique efficace. Les étudiants n’ont pas pour but la culture scientifique et le développement de la science, mais simplement la conquête d’un habit galonné d’ambassade ou de consulat, et, quand ils l’ont conquis, ils laissent leurs études et ferment leurs livres.
- Ce qui manque complètement en Italie, ce sont les universités populaires et instituts privés pour la popularisation ou l’enseignement des sciences sociales. Seulement, à Turin, le professeur Cognetti de Martiis a ouvert aussi à. l’Université un Laboratoire d'économie politique, qu’il a créé de sa propre initiative, et dans lequel les étudiants de bonne volonté sous la direction du professeur de Martiis, développent et étudient des thèmes intéressants de science sociale et surtout d’économie politique et de statistique.
- Il y a aussi des Académies, où dans quelques sessions l’on s’occupe de sciences sociales, comme l’Académie des Lincei, l’Académie Lombarde, l’Académie Napolitaine, etc., mais ces Instituts, non seulement n’ont aucun caractère didactique, mais de plus ont le défaut, commun à toutes les académies, d’être une réunion de fossiles et d’orthodoxes, fermée à toutes les idées nouvelles et produisant une science vieille et poudreuse, n’ayant aucune valeur pratique.
- Comme on le voit, l’enseignement des sciences sociales est très négligé en Italie. La grande masse de la jeunesse italienne passe par les lycées et arrive aux universités sans avoir la moindre notion sur les sciences sociales. Puis, dans les universités, non seulement cet enseignement est à peine suffisant, mais il n’occupe qu’une place secondaire dans les études universitaires.
- La raison de l’abandon dans lequel l’enseignement officiel laisse les sciences sociales, en Italie, est celle-ci. Les sciences sociales représentent la culture moderne et la culture de l'avenir, et l’Italie, au contraire, comme malheureusement ses sœurs latines, s’est momifiée dans la contemplation et l’idolâtrie de l’enseignement du passé.
- Du haut des chaires officielles, on enseigne, non pas des sciences modernes, mais des sciences vieilles et décrépites. De cette façon la science qui représente l’esprit moderne est laissée au second rang, et on oblige les jeunes gens à passer leur jeunesse entière dans l’étude littéraire et inutile du grec, du latin, des vieilles disciplines juridiques qui représentent l’antiquité.
- L’Italie officielle ressemble un peu en cela à ces descendants dégénérés et idiots des grandes familles patriciennes, qui se consolent de leur impuissance présente en vantant et en contemplant la gloire de leurs aïeux. Et parce que l’Italie eut un passé glo-
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- rieux d’histoire grecque et latine, elle continue aujourd’hui à contempler ce passé en cherchant à lui donner une vie nouvelle. Elle ne s’aperçoit pas des changements qui se sont produits dans la civilisation et ne comprend pas que vouloir ressusciter aujourd’hui, dans le siècle de l’électricité et des sciences positives, dans le siècle de Darwin, de Spencer, de Comte et de Lombroso, les vieilles manies de la poésie latine et grecque, c’est comme vouloir ressusciter un mort et le faire lutter dans la vie avec les vivants.
- L’idéal, autant pour les hommes que pour les nations, consiste à regarder l'avenir et non pas le passé en se complaisant en lui. Celui qui regarde le passé s’arrête, et tombe en décadence. L’Italie est atteinte dans sa culture officielle par une terrible maladie que j’appellerai la maladie du latinisme. Elle éloigne et écarte de l’enseignement officiel tout ce qui est sciences modernes, parmi lesquelles les sciences sociales occupent une si grande place — et elle s’obstine à propager du haut des chaires, d’énormes doses de culture vieille — la culture latine inutile, vieille et dangereuse. Voilà la maladie et voilà l’erreur ; l’Italie ressemble à ces damnés de l’enfer de Dante qui, condamnés à avoir les yeux dans la nuque, regardent toujours derrière eux et marchent à rebours.
- Il s’ajoute à tout cela une nouvelle considération, laquelle montrera davantage le maigre profit que peut donner, en Italie, l’enseignement actuel des sciences sociales. Dans les sciences sociales comme dans toute autre science moderne, il existe deux courants — le courant métaphysique, qui se rattache à la vieille logique du moyen âge et à la philosophie des couvents et des spiritualistes — et le courant positif, qui est ouvertement révolté contre les vieilles et vides doctrines, et qui se rattache à la méthode de Comte et de Spencer. Or la grande majorité des professeurs de sciences sociales dans nos universités appartient à la Vieille école métaphysique et forme une espèce de caste qui dispense les chaires seulement à ceux qui ont les mêmes idées qu’eux.
- Enrico Ferri, avec son regard aigu de criminaliste, a appelé ces castes qui se sont emparées aujourd’hui de l’enseignement officiel italien du nom de camorre scientifiques, et la camorra, comme on le sait, est une association criminelle qui existe dans les basses et hautes classes napolitaines. Ces castes sont non seulement maîtresses de l’enseignement officiel, mais trouvent encore un puissant appui dans le Conseil supérieur de l'Instruction publique, qui est -une espèce de sainte inquisition et où domine plus que partout ailleurs l’esprit de vieillerie et de métaphysique. Et aussi bien les camorre scientifiques que le Conseil supérieur de l'Instruction publique ont su empêcher qu’on enseignât officiellement la sociologie criminelle, qui est parmi les plus jeunes et les plus fortes
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- sciences sociales, et à laquelle ils n’ont pas voulu reconnaître le titre de science, mettant même en doute son existence.
- Ainsi, l’Italie est tombée dans cette erreur d’obliger les jeunes gens à absorber l’unique aliment intellectuel d’une culture de luxe telle que l’étude minutieuse et l’anatomie de ces grands fossiles, le monde grec et le monde latin ; tandis qu’elle néglige de leur servir une nourriture plus essentielle, c’est-à-dire l’enseignement des sciences modernes, soit expérimentales, soit sociales, vraiment utiles dans la lutte quotidienne pour la vie *. Cela nous rappelle ce mot d’une princesse de Versailles, qui, apprenant que le peuple se plaignait et se soulevait parce qu’il n’avait pas de pain, s’écriait naïvement : « S’ils n’ont pas de pain, qu’ils mangent de la brioche ! »
- Tout ce que nous venons de dire devrait, semble-t-il, nous conduire à des conclusions pessimistes touchant l’enseignement des sciences sociales en Italie. Mais, au contraire, nous sommes fermement convaincus que la crise aura un terme, et que, les temps étant changés, l’Italie pourra prendre, parmi les nations, un des rangs les meilleurs dans l’étude et la diffusion des sciences sociales. C’est qu’à côté de la science officielle de l’Italie d’aujourd’hui, — science, qui, ainsi que nous l’avons vu, a une bien faible existence, — il se dresse une science extra-officielle, pour ainsi dire, qui est très florissante et du sein de laquelle l’avepir prendra son essor triomphal. Il y a en Italie une foule admirable de studieux et de penseurs qui sont tenus à l’écart des universités, des chaires et de la direction de l’Instruction publique, à cause de leurs idées politiques et scientifiques. Ceux-là cultivent les diverses branches des sciences sociales avec tant de vigueur et de hardiesse que le jour où ils pourront conquérir dans l’enseignement, aux Universités, et au Conseil supérieur de l’Instruction, la place qui leur est due, ils détermineront une poussée vigoureuse dans l’enseignement des sciences sociales et dans l’instruction vraiment moderne en Italie. Qu’il nous suffise de rappeler parmi ces* penseurs : Cesare Lombroso, Enrico Ferri, Scipio Sighele, S. Ottolenghi, Adolfo Zerboglio, M. A. Vaccaro, pour la sociologie criminelle ; Guglielmo Ferrero, Giuseppe Sergi, Pietro Chimienti, Napoleone Colajanni, Ettore Ciccotti, Enrico de Marinis, etc., pour la sociologie ; Augusto Bosco, Maffeo Pantaleoni, Arturo Labriola pour la statistique et l’économie politique, et tant d’autres qui ont fait plus d’honneur à l’Italie avec un seul de leurs ouvrages scientifiques que n’en ont fait tous les grands prêtres de la science officielle avec des années et des années d’enseignement vide et stérile.
- Ceux-là, ce sont les jeunes — jeunes non pour les années, mais pour les idées — et les autres, ce sont les vieux. Or les poètes
- 1. Voyez à ce sujet l’excellent ouvrage de M. Giuseppe Sergi, La Decadenza dette Nazioni latine. Turin, 1900.
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- peuvent, tant qu’ils veulent, couvrir la vieillesse de fleurs ; il n’en reste pas moins vrai que les vieux ne savent pas faire autre chose que ruminer, tandis que les jeunes savent créer. Et comme les vieux ont donné à l’Italie un enseignement vieux qui regarde le passé, il viendra un temps où les jeunes, une fois leurs places conquises, sauront donner à l’Italie un enseignement moderne, jeune, qui regarde et comprenne l’avenir. N’est-ce pas une vertu des jeunes que de penser à l’avenir tandis que c’est une faiblesse des vieillards que de penser au passé ?
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- CONGRES INTERNATIONAL
- OQ
- DE
- PARIS
- 30 Juillet — 3 Août 1900
- L’ENSEIGNEMENT TECHNIQUE
- EN IRLANDE
- Par Horace PLUNKETT
- Vice-Président du Ministère de l’Agriculture et de l’Enseignement technique pour l’Irlande
- PARIS
- ANCIENNE LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE ET Cie
- FÉLIX ALCAN, ÉDITEUR
- 108, BOULEVARD S A INT - G E RM A IN , 108
- 1900
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- DU CONSERVATOIRE national des AliTS & MÉTÏE11S
- IRLANDE
- HORACE PLUNKETT
- Vice-Président du Ministère de l’Agriculture et de l'enseignement technique pour l’Irlande
- N° du Catalogue
- Prix ou Estimation
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- L’ENSEIGNEMENT TECHNIQUE
- EN IRLANDE
- Au mois d’avril dernier, un Acte du Parlement a établi pour la première fois un « department » du gouvernement chargé de l’administration de l’enseignement technique pour l’Irlande. Ce « department » ou ministère, pour employer le mot français correspondant, est appelé ministère de l’Agriculture et de l’Enseignement technique pour l’Irlande.
- Jusqu’ici l’enseignement en Irlande, en dehors des Universités, relevait administrativement de deux départements : le Conseil de l’Instruction publique et le conseil de F « Intermediate Education ».
- Le premier s’occupe exclusivement de l’enseignement primaire et n’a que des rapports indirects et relativement insignifiants avec l’enseignement technique.
- Le second administre le fonds des subventions aux écoles d’enseignement secondaire et encourage particulièrement les études littéraires ou scientifiques. Pendant quelques années, un crédit limité a été ouvert au département des Sciences et Arts de « Soulh Kensington » en faveur de l’instruction technique en Irlande, mais les conditions administratives de ce pays, et c’est là une des réformes que se proposait d’opérer l’Acte de cette année, ont pendant longtemps empêché l’emploi utile des crédits rangés dans ce chapitre.
- Jusqu’en 1900 l’Irlande a été absolument dépourvue de tout système sérieux de cet enseignement pratique qui a été reconnu partout ailleurs si avantageux pour les intérêts de l’agriculture et de l’industrie.
- Il est intéressant, cependant, de voir un « département pour l’Irlande » être un des premiers en Europe à élaborer clairement un plan d’enseignement technique agricole.
- L’historique de cette tentative est contenu dans un rapport officiel d’un ancien commissaire résident de, l’instruction publique en Irlande. Déjà, en 1838, le conseil de l’Instruction publique, dont nous avons déjà parlé, établissait près de Dublin une école nor-
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- male, où les instituteurs pouvaient étudier l’agriculture. De cette façon on introduisait l’enseignement de l’agriculture dans les écoles primaires. Cette idée d’un enseignement agricole pratique dans les écoles primaires fut favorablement accueillie par le pays. Une commission d’enquête réunie en 1843 fit bon accueil au projet et recommanda l’établissement d’écoles spéciales d’agriculture.
- Les' sociétés d’agriculture et des personnalités en vue exprimèrent leur approbation et cette question passionna le pays. En 1848 l’Irlande adoptait une institution qui a actuellement tant d’importance dans l’enseignement agricole sur le continent : les tournées accomplies par des agronomes qui se rendent dans les fermes pour conseiller aux cultivateurs telle ou telle modification dans les méthodes de culture, font entreprendre des drainages, etc.
- Le Conseil de l’Instruction publique, encouragé par l’opinion publique, donna plus de développement à ses plans primitifs. Il établit vingt fermes modèles et affecta des sommes considérables à la construction de maisons, de fermes et à l’achat de matériels agricoles. Mais ces tentatives se produisirent précisément à l’époque où la doctrine du « laissez faire » se répandait le plus en Angleterre. On protesta à Liverpool contre les mesures prises par le Conseil de l’Instruction publique d’Irlande ; on protesta qu’il n’était pas admissible pour l’Etat de former des agriculteurs et des fermiers aux frais du Trésor. Tous les secrétaires d’Etat quand ils vinrent en Irlande manifestèrent leur hostilité à cette idée. Le Trésor fit une opposition sérieuse et le Conseil de l'Instruction publique cédant aux circonstances dut renoncer à son projet. Le peu d’enseignement technique donné encore en Irlande par le Conseil de l’Instruction publique n’est qu’un souvenir de ce plan ambitieux. Quelques fermes-écoles continuent à fonctionner et il reste deux fermes modèles, l’une près de Dublin et l’autre près de Cork, où l’on s’occupe surtout de la production et de l’utilisation du lait.
- Telles étaient, lors des vacances parlementaires de l’année 1895, les conditions où se trouvait l’enseignement agricole en Irlande. Sur la proposition d’un membre irlandais du Parlement, un groupe d’Irlandais appartenant à divers partis politiques se réunit et forma un comité destiné à prendre en main les intérêts commun? de l’Irlande au point de vue agricole et industriel. C’est ce qu’on appela le « Comité de vacances ». Il fit une enquête approfondie sur les méthodes employées pour utiliser les crédits publics accordés à l’agriculture, à l’industrie et à l’enseignement technique dans ies différents pays d’Europe. Dans un rapport où il consigna les résultats de cette enquête il présenta un projet de législation de cette matière. Le gouvernement actuel accueillit ce projet avec bienveillance et le secrétaire, pour l’Irlande, M. Balfour, qui a toute la largeur de vues et l’activité d’un véritable homme d’Etat, résolut de
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- présenter un bill donnant valeur légale au rapport du Comité de vacances. En 1898, M. Balfour fit adopter un Acte établissant un système de gouvernement local en Irlande, en vertu duquel chaque comté sera pourvu d’un conseil analogue dans ses fonctions à un conseil général français, bien que différent dans sa constitution, et chaque municipalité irlandaise d’une autorité locale semblable.
- L’année suivante, on présentait un bill ordonnant la création d’un nouveau département de l’agriculture et de l’enseignement technique.
- Ce département a été constitué de façon à être en harmonie avec le système des gouvernements locaux. Il a été modelé sur les ministères de ce genre existant dans les pays d’Europe. Le décret stipule que le département dépendra d’un Conseil de l’Agriculture dont les membres seront choisis pour les deux tiers par les nouveaux conseils de comté et pour un tiers par le département. Le premier secrétaire pour l’Irlande est président du département, mais le chef parlementaire direct du département ou ministre en est le vice-président.
- Du département relèvent maintenant certaines fonctions qui appartenaient à plusieurs anciennes divisions du gouvernement irlandais, y compris celles qui avaient rapport aux décrets sur les épizooties, à l’administration de la pêche, et les fonctions du Conseil de l’Instruction publique en ce qui concerne les écoles d’agriculture restées ouvertes.
- Avec les crédits affectés à ces départements et ceux qui lui appartiennent en propre, le nouveau département pourra, chaque année, disposer de 160 000 livres sterling en faveur de l’agriculture, des industries rurales et de l’enseignement technique.
- Une des clauses du décret porte la création d’une commission consultative de l’enseignement où siégeront des représentants des autres conseils de l’enseignement.
- Le but de cette commission est de mettre autant que possible le nouveau système en harmonie avec le mécanisme entier de l’enseignement du pays.
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- CONGRÈS INTERNATIONAL
- DE
- PARIS
- 30 Juillet — 3 Août 1900
- ÉTAT ACTUEL
- DE
- L’ENSEIGNEMENT DES SCIENCES SOCIALES
- EN SUISSE
- UNIVERSITÉS, ÉCOLES SUPÉRIEURES, ÉCOLES SPÉCIALES
- Par A. SUTER
- Docteur en Droit
- PARIS
- ANCIENNE LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE ET Cie
- FÉLIX ALCAN, ÉDITEUR
- 108, BOULEVARD S AINT - G E RM AI N , 108
- 1900
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- A. SUTER
- SUISSE
- BIBLIOTHEQU DU CONSERVATOIRE NA
- Docteur en droit
- des AHTS &. MK La
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- L’ENSEIGNEMENT DES SCIENCES SOCIALES
- EN SUISSE
- UNIVERSITÉS, ÉCOLES SUPÉRIEURES, ÉCOLES SPÉCIALES
- Il existe en Suisse cinq Universités complètes, qui sont, d’après leur rang d’ancienneté : Bâle, Zurich, Berne, Genève et Lausanne. En outre, Fribourg possède une « Université catholique » à laquelle il manque une Faculté de médecine et la liberté scientifique, puisque l’enseignement s’y trouve placé sous la férule des Dominicains.
- Enfin l’Académie de Neuchâtel se compose de quatre Facultés : Faculté de lettres, de sciences, de droit et de théologie protestante.
- En fait d’école spéciale, il y a l’Ecole polytechnique fédérale à Zurich qui comprend, à côté de diverses écoles spéciales, telles que : Ecoles d’architectes, d’ingénieurs, de chimie, d’agriculture, etc., une section générale de philosophie et d’économie politique.
- Dans aucun de ces établissements d’instruction supérieure l’enseignement des sciences sociales n’occupe une très grande place et nulle part, sauf à l’Université de Genève, il n’a été concentré en une faculté spéciale.
- Il n’y a pas lieu de s’en étonner outre mesure. Le caractère même de science est encore contesté à nos connaissances sur l’organisation et les conditions de développement des sociétés humaines, malgré l’importance et le nombre toujours croissants des ouvrages de sociologie. Ainsi on lit dans le petit Petit Dictionnaire politique et social qu’a fait paraître, en 1890, M. Maurice Block, membre de l’Institut de France, à l’article sociologie : « Existe-t-il une science sociale ? On peut répondre carrément : non ». Sans discuter de pareilles assertions, il est permis d’en conclure que les sciences sociales no sont pas encore sorties de la période des tâtonnements, car personne ne s’aviserait de contester le caractère de science aux mathématiques, par exemple, à la chimie ou à la physique. La science sociale
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- l’enseignement des sciences sociales.
- étant encore relativement si jeune, l’enseignement n’en peut guère avoir atteint une grande extension, pas plus en Suisse qu’ailleurs.
- Je m’en vais passer rapidement en revue les cours qui, dans les programmes des huit établissements d’instruction supérieure de la Suisse, peuvent être considérés, à la rigueur, comme constituant un enseignement des sciences sociales, et pour cela j’examinerai successivement l'esprit, la matière et enfin la distribution de cet enseignement.
- ESPRIT DE L’ENSEIGNEMENT
- Les Universités situées en Suisse sont toutes des institutions cantonales et se trouvent sous le contrôle exclusif des autorités cantonales. La législation fédérale a respecté complètement l’autonomie des cantons dans le domaine de l’instruction publique. Aucune loi, aucun règlement communs ne régissent donc ces universités. Aussi une grande diversité peut-elle régner et règne-t-eile en effet dans l’organisation, la distribution et les tendances de l’enseignement supérieur.
- Un trait cependant est commun à toutes nos universités, sauf à celle de Fribourg, c’est l’indépendance complète de l’enseignement vis-à-vis de l’État ou de quelque autorité que ce soit. Il n’y existe aucune trace de doctrine officielle et même dans le choix du personnel enseignant, les gouvernements cantonaux se laissent en général guider uniquement par l’intérêt de la science et de l’enseignement, autant du moins que le leur permet l’exiguïté des ressources budgétaires à leur disposition.
- Des gouvernements cantonaux, accusés par les économistes de tendances socialistes pour avoir introduit l’impôt progressif sur le revenu et sur les successions, la gratuité du matériel scolaire, l’assurance obligatoire contre l’incendie, par l’État, etc., ont appelé aux chaires d’économie politique de leurs universités de purs individualistes, des adversaires convaincus de toute intervention de l’État dans le domaine économique. Tels M. le professeur Pareto, à Lausanne, M. le professeur Pantaleoni, à Genève.
- D’autre part, des gouvernements nullement suspects de socialisme ont nommé des professeurs qui se proclament eux-mêmes socialistes marxistes. Tel M. le professeur Reichesberg, à Berne.
- A chacune de nos universités, il y a, en général, à côté du professeur ordinaire d’économie politique appartenant soit, comme à Lausanne et à Genève, à l’école des économistes libéraux procédant d’Adam Smith et de Jean-Baptiste Say, soit, comme à Bâle et à Zurich, à l’école de politique sociale appelée souvent socialisme d’État, un professeur extraordinaire ou des agrégés (privat-docent) professant des doctrines plus avancées au moyen de cours spéciaux de sociologie, d’histoire des systèmes économiques, etc.
- Cette grande liberté, partant cette diversité dans l’exposition des
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- théories et des notions sur les sociétés humaines, semble présenter, sinon une garantie, du moins des conditions favorables à un sain développement de cet enseignement. Dans ce domaine des connaissances sociales, les théories scientifiques sont presque toujours, consciemment ou inconsciemment, influencées par l’intérêt de telle ou telle classe de la société.
- Si une tendance plus ou moins exclusive et uniforme arrive à prévaloir dans cet enseignement, la recherche de la vérité risque d’être faussée au profit d’une classe sociale ou d’un parti politique dominant. En Suisse, les étudiants désireux de se former une opinion par eux-mêmes sur ces graves questions ont, en général, l’occasion d’entendre plus d’une cloche. S’ils savent en profiter pour ne pas se laisser attirer dans une petite chapelle de classe, c’est là un grand bien.
- Une autre circonstance devant agir favorablement sur l’esprit de l’enseignement social en Suisse, me paraît être celle-ci. Dans un pays de vieille démocratie comme la Suisse, où chacun s’intéresse à la chose publique, où tout citoyen est appelé souvent à voter, et par conséquent à se former une opinion sur des lois d’une grande importance sociale, professeurs et élèves dans l’enseignement supérieur sont naturellement enclins à s’intéresser surtout au côté social de toute science se rapportant à l’homme.
- Nous sentons vivement la vérité si bien formulée par M. Fouillée dans la préface de son dernier et remarquable ouvrage1 : « Plus nous allons, plus toute science devient indivisiblement pratique et théorique, à tel point qu’elle ne peut plus se désintéresser des applications sociales et économiques. Les sciences morales, en particulier, se socialisent de plus en plus. »
- C’est pourquoi l’on peut constater, surtout aux universités de Berne, de Zurich et de Genève, la tendance à concevoir et à traiter dans un esprit social toutes les sciences qui s’y prêtent, telles que : droit, philosophie, morale, pédagogie, hygiène, histoire, etc., suivant ainsi inconsciemment l’exemple donné par un autre grand philosophe français, en appliquant cette méthode à l’esthétique, à la morale et à la religion dans ses ouvrages : L'art au point de vue sociologique, Essais d'une morale sans obligation ni sanction et l'Irréligion de l'avenir (M. Guyau).
- MATIÈRE DE L’ENSEIGNEMENT
- A toutes les hautes écoles de la Suisse, il y a des cours d’économie politique théorique et appliquée.
- Toutes ces écoles, sauf Lausanne et Neuchâtel, ont également un cours spécial de science des finances.
- Les universités de Genève et de Berne seulement offrent un cours de sociologie proprement dite.
- 1. M. Fouillée. La France au point de vue moral, préface. (Paris, F. Alcan).
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- l’enseignement des sciences sociales.
- A Genève, ce cours est donné par M. le professeur Vuarin, économiste bien connu, entre autres, par sa collaboration à la Revue d'Eco-nomie politique, dirigée par M. Gide.
- A Berne, le cours de sociologie est professé par M. le Dr Ludwig Stein, professeur de philosophie. Outre des études philosophiques, M. Stein a écrit un grand ouvrage : La Question sociale à la lumière de la Philosophie 1, qu’il suffit de parcourir pour se rendre compte de l’esprit hardiment réformateur, mais toujours évolutionniste, de son enseignement sociologique.
- Tout en repoussant pour la société future le collectivisme, qui lui paraît un saut trop brusque pour pouvoir trouver place dans l’évolution de l’humanité, il cherche une synthèse entre l’égalité et la liberté et croit pouvoir y arriver au moyen de la socialisation du droit, la monopolisation par l’État de toutes les forces productives nouvelles (produits du sous-sol, forces motrices des cours d’eau, etc.), et d’un système de production basé en partie sur la propriété privée fortement muselée, en partie sur la propriété collective, le tout devant aboutir à un type social plus élevé de l’individu et de l’humanité.
- La principale science auxiliaire des sciences sociales, la statistique, qui est plutôt une méthode scientifique qu’une science, est également enseignée dans la plupart de nos universités.
- A côté de ces matières que l’on pourrait appeler les sciences sociales par excellence, il y a d’autres disciplines qui n’appartiennent à ce domaine social que par certains côtés et qu’on peut ranger sous la rubrique : enseignement des sciences sociales, ou non, suivant que le professeur chargé de les enseigner met surtout en lumière ce côté social ou au contraire bej néglige.
- C’est le cas pour le droit, la philosophie, l’histoire, quelque peu même pour la géographie, l’anthropologie, la psychologie, l’hygiène, la pédagogie.
- En ce qui concerne le droit, les cours suivants contribuent certainement en partie à l’enseignement des sciences sociales :
- A Berne : Philosophie du droit, par M. Stein.
- A Zurich : Théorie générale du droit, par M. Freichler.
- Et probablement aussi les cours suivants :
- A Fribourg : Droit naturel, par M. Jaccoud (en français).
- A Fribourg : Droit naturel, par M. Lampert (en allemand).
- A Lausanne : Encyclopédie du droit, par M. Raguin.
- A Neuchâtel : Encyclopédie du droit, par M. de Meckenstock.
- Enfin la grande tâche législative de l’unification du droit civil et du droit pénal pour toute l’étendue de la Confédération impose à l’enseignement du droit en Suisse l’étude comparative des différentes législations cantonales et de celles des pays qui nous entourent, avec le souci constant de la création d’un droit nouveau, qui doit être une
- 1. Dr Ludwig Stein, Die sociale Frage tm Lichte der Philosophie. Stuttgart, 1897.
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- synthèse ou un compromis entre les droits existants et, si possible, un progrès à leur égard à tous. Il est évident que dans ces circonstances, le point de vue social doit jouer un grand rôle dans l’enseignement actuel du droit en Suisse. La rédaction d’avant-projets pour le code civil et le code pénal fédéral a d’ailleurs été confiée à des professeurs de nos universités. M. Eugène Huber, professeur à Berne, est l’auteur d’un avant-projet de code civil suisse hardiment novateur, en ce qui concerne entre autres les droits de la femme, le droit successoral, le droit hypothécaire, et toutes les réformes proposées tendent à plus de justice, à une moindre inégalité sociale. L’on peut donc être certain que les cours que donne M. Huber à l’Université de Berne sur le droit des obligations, l’histoire du droit suisse, la politique législative ne négligent pas le point de vue social.
- De même pour l’enseignement de l’histoire, les sujets et les périodes historiques traités de préférence nous indiquent la prédominance des préoccupations sociales chez les professeurs chargés de ces cours. Je cite au hasard : Luttes sociales et agraires de la République romaine. Histoire de la Réforme et la Révolution française. La Révolution française de 1830 et 184-8. Histoire contemporaine de 1870 à 1880. Histoire de la civilisation. Histoire de la civilisation en Suisse. Histoire des idées démocratiques. Histoire de l'instruction publique en Suisse. Cuba, Porto-Rico, les Philippines : la fin d'un empire colonial. Les Anglais dans l'Afrique du Sud. Les Etats-Unis : le pays, les mœurs, la civilisation, et ainsi de suite.
- Quant à la philosophie, il est plus malaisé de découvrir dans les programmes universitaires des indices que l’enseignement philosophique se préoccupe de science sociale ; il paraît être plutôt tourné vers la logique et l’histoire des systèmes philosophiques et métaphysiques.
- DISTRIBUTION DE L’ENSEIGNEMENT
- La plupart des universités suisses ont encore conservé les vieux cadres des Facultés traditionnelles et y casent tant bien que mal ce qu’elles possèdent en fait d’enseignement des sciences sociales. Cependant l’Université de Zurich, tout en rangeant encore ses professeurs dans les quatre Facultés suivantes : A. — FacvClté théologique,
- B. — Faculté des Sciences de l'Etat (au lieu de Faculté de Droit),
- C. — Faculté de médecine et D. — Faculté de philosophie, divisée en une section de philosophie, philologie et histoire et une section de sciences naturelles et mathématiques, a adopté pour ses programmes de cours une nouvelle classification par sciences. Cette innovation comporte une sanction en ce sens qu’il y a un grade de docteur spécial pour chacune de ces divisions. En voici la liste : Sciences théologiques. — Sciences juridiques et politiques [« Rechts-und Staats-wissenschaften »]. — Sciences médicales. — Philosophie et pédagogie.
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- L ENSEIGNEMENT DES SCIENCES SOCIALES.
- — Philologie, archéologie et histoire de la littérature. — Histoire et ses sciences auxiliaires, histoire de la civilisation et de l’art. — Mathématiques et sciences naturelles. Un pas de plus a été fait par TUniversité de Genève pour rendre hommage aux sciences sociales : on y a institué une Faculté des Lettres et des Sciences sociales et comme sanctions une licence ès sciences sociales et un doctorat en sociologie.
- Le programme de cette Faculté pour le semestre d’été de 1900 est composé, en fait de sciences sociales, comme suit :
- M. Matteo Pantaléoni, professeur ordinaire.
- Economie politique. — Théorie du commerce international et
- questions pratiques qui s’y rattachent....................4 heures.
- Statistique. — Démographie...................................2 heures.
- Conférences économiques. — L’économie politique pure est
- réservée au semestre d’hiver................................2 heures.
- M. Louis Vuarin, professeur ordinaire.
- Systèmes politiques. — Le moyen âge..........................2 heures.
- Economie sociale. — Assurances libres et obligatoires. L’Etat
- éducateur. Principes directeurs en économie sociale. . . 2 heures. Conférences sociologiques, préparant à la licence ès sciences sociales.............................................: : 2 heures.
- M. Paul Duproix, professeur ordinaire.
- Pédagogie. — Psychologie comparée de l’homme et de l’enfant. 2 heures.
- La science et l’éducation au xixe siècle....................1 heure.
- Méthodologie................................................1 heure.
- Conférences de pédagogie.......................................1 heure.
- M. Eucène de Girard, professeur extraordinaire
- Systèmes sociaux...............................................1 heure.
- Conférences d’histoire économique..............................1 heure.
- COURS DE PRIVAT-DOCENTS.
- M. L. Winiarsky, docteur ès lettres. Economie sociale. — Les bases économiques de la science
- sociale. Sociétés historiques............................1 heure.
- Economie politique pure.—Théorie mathématique de l’échange,
- de la production, de la capitalisation et de la monnaie. . . 1 heure.
- Dans la division des sciences juridiques et sociale^ de l’Université de Zurich, la chaire d’économie politique est occupée par M. Herk-ner, qui donne également le cours de science des finances.
- M. Herkner est socialiste modéré et a écrit un ouvrage sur la question ouvrière qui est encore à présent cité comme l’un des meilleurs sur la matière (par exemple par M. Werner Sombart, professeur à. Breslau, dans son livre sur le socialisme).
- M. Goldstein, privat-docent, y donne un cours sur la question
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- ouvrière : Législation protectrice de l’ouvrier, et un cours sur : la Politique agraire commerciale et sociale.
- Dans un séminaire des sciences politiques, les mêmes professeurs traitent les matières de leurs cours d’une façon plus approfondie.
- La seule vraiment ancienne Université de la Suisse, la vénérable haute école de Bâle, fondée en 1460, réorganisée en 1818, a gardé sans y rien changer les quatre Facultés traditionnelles des Universités allemandes : Facultés de théologie, de droit, de médecine et enfin de philosophie, divisée en section philologique-historique et en section de sciences naturelles et mathématiques.
- La Faculté de Droit ne comprend que des cours purement juridiques, sauf un cours de M. le professeur Speiser, directeur des finances du canton, sur la législation fiscale.
- La seule chaire de sciences sociales est reléguée dans la Faculté de Philosophie et est occupée par le professeur Ph. Korak. Sa collaboration à la modeste revue économique suisse : Les feuilles suisses pour la politique économique, organe des professeurs d’économie politique de Zurich, Bâle et Berne, dirigée par M. le professeur Rei-chesberg à Berne, prouve que le professeur bâlois aussi se rattache plus ou moins au socialisme dit d’État ou de la chaire.
- Mais rien dans le sobre programme de ses cours ne l’indique. En voici le contenu :
- 1° Economie politique générale..................
- 2° Science des finances.........................
- 3° Histoire des doctrines et de la littérature économiques depuis Ad. Smith........................
- 4° Questions importantes concernant le mouvement économique..................................
- 5° Au séminaire d’économie sociale : Exercices pratiques. Excursions, etc........................
- 4 heures par semaine. 2 heures par semaine.
- 2 heures par semaine.
- 1 heure par semaine.
- 1 heure par semaine.
- A l’Université de Berne, la distribution de l’enseignement des Sciences sociales est différente. La division en Facultés est la même qu’à Bâle, mais les sciences sociales, sauf la sociologie et la philosophie du droit, sont rattachées à la Faculté de Droit. Elles ne s’y trouvent pas déplacées, car presque tout l’enseignement du droit à Berne est fortement pénétré d’esprit social, c’est-à-dire de tendances progressistes et réformatrices.
- J’ai déjà mentionné le professeur Huber, auteur de l’avant-projet de code civil fédéral.
- Le prédécesseur du professeur actuel de droit pénal, le professeur Stooss, maintenant à Vienne, a rédigé un avant-projet de code pénal fédéral dans un esprit également assez novateur. Le titulaire actuel, M. Gretener, qui vient aussi d’accepter un appel d’une grande Université de l’Allemagne, a fait dans son dernier cours de droit pénal l’exposé et la critique de l’école criminaliste positive italienne, l’école essentiellement sociologiste de Lombroso et de Ferri.
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- l’enseignement des sciences sociales.
- M. le professeur A. Reichel, qui donne un cours de droit fédéral des faillites et un cours de procédure civile bernoise, est un socialiste militant, mais la matière un peu aride de ses cours ne se prête peut-être guère à des incursions dans le domaine des doctrines sociales.
- M. le professeur Hilty, qui enseigne le droit public fédéral et le droit des gens, est un écrivain distingué, historien et moraliste. Il ne cesse de prêcher le retour à la simplicité et la virilité des vieux Suisses et ne manque pas une occasion de démontrer qu’une saine démocratie ne saurait subsister dans une société corrompue par l’injustice sociale, ni coexister avec le luxe et la pléthore de richesses en haut de l’échelle sociale et la misère imméritée des salariés.
- M. le professeur de Salis expose dans son cours d’histoire du droit public fédéral le développement parallèle du droit administratif fédéral et de l’organisation sociale du peuple suisse.
- Enfin voici les cours de science sociale proprement dite :
- M. Oncken, professeur ordinaire (partisan du libéralisme économique mitigé par une intervention modérée de l’Etat), donne trois cours :
- 1° Économie politique théorique et pratique.
- 2° Les questions fondamentales de la politique commerciale.
- 3° Comptes-rendus de la littérature économique récente.
- M. Reichesberg, professeur extraordinaire (socialiste avancé) a trois cours :
- 1° Politique industrielle et commerciale.
- 2° Introduction à la statistique administrative.
- 3° Questions actuelles de politique sociale.
- Cours de privat-docents :
- Dr Schmidt : Questions fondamentales de politique économique. Statistique générale.
- Dr Geiser : Histoire du droit bernois : la piopriété foncière, le droit communal et les lois sur l’assistance publique. Comptes rendus de la littérature juridique et économique de la Suisse.
- A l’Université de Fribourg, le cours d’économie politique est donné en français par M. Jaccoud, en langue allemande par MM. Ruhland et Beichel, qui donnent aussi des cours sur l’arithmétique politique et les assurances et sur la politique agraire. Tous ces cours sont compris dans la Faculté de Droit.
- A l’Université de Lausanne, le cours d’économie politique de M. le professeur Pareto figure au programme des cours à la fois dans la Faculté de Droit et dans la Faculté des Lettres L
- A l’Académie de Neuchâtel, les cours d’économie politique de M. Junod font partie de la Faculté de Lettres. Le programme des
- 1. Il y a eu, il y a sept ou huit ans, un projet pour organiser un cours méthodique d’enseignement social; une série de conférences à ce sujet a eu lieu entre les professeurs de la faculté des lettres et de la faculté de droit. Ce projet n’a pas abouti. Le cours de littérature française de M. Georges Renard est fait surtout au point de vue sociologique.
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- cours indique un cours principal : Économie politique. Production et répartition des richesses. Questions agraires et ouvrières, et deux cours d’une heure chacun sur l’Histoire des doctrines économiques, et la Démographie.
- Enfin l’École polytechnique fédérale à Zurich possède une section de philosophie générale et d’économie politique, composée de cours facultatifs, où l’enseignement est distribué de la façon suivante :
- A. — Cours de mathématiques, d’histoire naturelle et de technique, complétant en partie le programme des écoles professionnelles.
- On y trouve entre autres les cours suivants : Anthropogéographie. Problèmes de l’hérédité chez l’homme. Développement de l’homme. Hygiène générale.
- B. — Cours philosophiques et économiques :
- 1° Littérature et langue.
- Cours de langues et d’histoire de la littérature et de la civilisation. Allemand, français, italien, anglais, russe.
- 2° Sciences historiques et politiques.
- Cette division comprend des cours d’économie politique, de science financière, d’économie industrielle pratique donnés par M. Charton en langue française, et des cours analogues en langue allemande de M. Platter, ces derniers à tendances franchement socialistes.
- CONCLUSIONS
- En somme, voici les conclusions qui se dégagent de ce rapport :
- 1° Esprit large, admettant la coexistence dans une même université de doctrines divergentes et même opposées aux opinions qui régnent dans le gouvernement de chaque canton.
- 2° Matières d’une richesse assez grande et croissante. Enseignement ne craignant pas de toucher aux sujets les plus actuels et même parfois les plus brûlants. On pourrait souhaiter une part plus grande faite à l’enseignement soit de l’histoire, soit des sciences auxiliaires de l’histoire et surtout de la philosophie.
- 3° Distribution très variée de canton à canton. Il manque en général un lien entre les différentes branches de l’enseignement social. Pourtant il faut signaler, à Zurich, un effort pour briser l’antique division en quatre ou cinq Facultés, à Lausanne, un projet qui est resté sur le papier, et à Genève, une sanction donnée à ces études spéciales par la création des grades de licencié et docteur ès sciences sociales.
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- CONGRES INTERNATIONAL
- DE
- PARIS
- 30 Juillet — 3 Août 1900
- L’ENSEIGNEMENT
- DES SCIENCES SOCIALES DANS LES ÉCOLES
- PRIMAIRES
- AUX ÉTATS-UNIS
- Par Henry W. THURSTON
- Directeur de la section des sciences sociales et économiques à l’École normale de Chicago
- PARIS
- ANCIENNE LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE ET Cie
- FÉLIX ALCAN, ÉDITEUR
- 108, BOULEVARD S AINT - GE RM AIN , 108
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- ÉTATS-UNIS
- HENRY W. THURSTON
- tirocteur de la section dos sciences sociales et économiques à l'Kcolo normale do Chicago
- X(l du alog'in
- Prix mi i’.slimillion le.....................
- L’ENSEIGNEMENT DES SCIENCES SOCIALES
- DANS LES ÉCOLES PRIMAIRES
- I. — NÉCESSITÉ DE CET ENSEIGNEMENT
- La nécessité d’enseigner les sciences sociales dans les écoles primaires d’une démocratie s’est révélée plus tard que la nécessité de les enseigner dans les écoles secondaires. Cependant cet enseignement est logique et indispensable.
- Cela a été démontré d’une façon extrêmement sérieuse et approfondie par M. Edmond J. James, professeur à l’Université de Chicago, dans son ouvrage intitulé : Le Rôle des Sciences politiques et sociales dans l'Education moderne; leur importance pour la préparation à la vie civique dans un Etat libre 1.
- L’auteur établit un parallèle entre les sciences sociales d’une part, et les sciences naturelles de l’autre. De même que l’étude des sciences physiques, dit-il, est entrée dans notre système d’éducation, par l’Université, et en passant dans les collèges et les écoles secondaires a pénétré jusque dans l’enseignement primaire sous le titre d’histoire naturelle, de même les sciences sociales devront être canalisées à travers tout notre système universitaire.
- M. James dit en propres termes : « Les sciences politiques et sociales ou pour mieux dire, l’étude des questions examinées par ces sciences, doit servir de moyen d’éducation et d’instruction à tous les degrés de notre système universitaire, depuis l’Université jusqu’au Kindergarten. La politique et l’économie politique, ces mots étant entendus au sens le plus large, ou autrement dit l’étude des questions relatives à ces sciences doit faire partie constitutive des programmes d’enseignement, ce mot étant entendu au sens le plus large également, de notre système de préparation intellectuelle politique et industrielle (p. 361). »
- Il y aurait à citer une étude importante de cette question, la monographie intitulée : Préparation à la vie civique, par M. J. W.
- 1. Annals of the American Academy, vol. X.
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- 2.
- l’enseignement des sciences sociales.
- Jenks de l’Université de Cornell, publiée dans un supplément au second annuaire de la National Herbart Society 1896 ; et différents travaux sur le même sujet par MM. E. J. James, C.-C. van Lieu, J. W. Jenks, Frank Mc Murry, Louis Galbreath, H. M. Slauson, O.-T. Bright, Frank Dixon, dans le supplément du 3e annuaire de la même société, paru en 1897.
- Ajoutons que pendant ces dix dernières années l’intérêt des éducateurs en général, et à un degré moindre, l’attention des penseurs s’est porté.e sur le problème d’une préparation plus rationnelle des garçons et des filles aux devoirs et aux responsabilités inévitables des citoyens dans une démocatie représentative, et ce qui est plus nécessaire encore à une existence intelligente et vraiment sociale en commun selon le régime des villes modernes.
- Comme la cause de cet intérêt qui s’est manifesté pour l’éducation sociale était la conscience de l’incompétence politique et de la vénalité de beaucoup d’électeurs, le résultat a été un effort fait dans certains quartiers pour faire donner l’instruction civique dans les écoles primaires. Autant que je sache, cet effort a d’abord été accompli par l’initiative individuelle de professeurs, principaux ou surveillants, en différentes parties du pays, mais actuellement, cet enseignement est en train de s’organiser sur une plus grande échelle.
- Par exemple, les Régents de l’État de New-York exigent véritablement que les candidats aux diplômes des High Schools de cet État, d’où sortent la plupart des instituteurs primaires, passent un examen élémentaire des questions d’enseignement civique.
- La ville de Chicago, Illinois, exige aussi de la part des candidats aux postes d’instituteurs primaires et de directeurs d’écoles, une certaine connaissance de ces questions.
- Dans l’État de North Dakota, également, les candidats au certificat d’instituteur local (county teacher) doivent passer un examen d’instruction civique, et les candidats au certificat d’instituteur d’État (State certificate) un examen d’instruction civique et d’économie politique.
- Il est probable que, ailleurs, les conditions d’admission sont les mêmes et que, en tout cas, ces mesures se généraliseront. En fait, quoiqu’on ait peu satisfait aux nécessités nouvelles d’une meilleure éducation sociale, les personnes qui pensent, se convainquent de plus en plus que cette nécessité est inhérente à notre vie démocratique américaine, et doit nécessairement par suite s’exprimer de quelque façon. Même maintenant, il sera peut-être vrai de dire que la grande question qui se pose pour les États-Unis, ce n’est plus de faire sentir cette nécessité d’une meilleure éducation sociale, mais de donner sous une forme neuve et vivante cette éducation socia-lisatrice (socializing éducation) dont nous sentons déjà nous-mêmes le besoin.
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- II. — CE QUI A ÉTÉ FAIT
- Pendant longtemps, on a cru généralement aux États-Unis, que le système de l’école publique per se était, pour des raisons vagues, capable de préparer tous les enfants à la vie civique dans une démocratie. Lorsque, en divers milieux, on eut commencé à douter fortement de la vérité de cet axiome, les premiers efforts accomplis dans le but de donner une meilleure éducation sociale aux enfants, eurent pour résultat d’établir un enseignement nettement politique. La méthode appliquée tout d’abord consista à introduire dans les classes supérieures des écoles primaires, en passant par le collège et l’école secondaire, le système d’analyse, de dissection de la constitution fédérale, que l’on appliquait couramment dans l’enseignement supérieur. On croyait par cette analyse remplacer cette éducation sociale, appelée préparation à la vie civique, que le système des écoles publiques à lui seul était impuissant à donner.
- Mais cet enseignement, dans les quelques rares écoles qui l’avaient organisé, n’était donné que dans la 6e et la 7e classes, classes jusqu’auxquelles vont fort peu d’élèves des écoles primaires. Voici le résumé des réponses données par cinquante personnes originaires de douze États, mais appartenant pour la plupart à l’enseignement secondaire. Quelques réponses s’appliquent aussi aux écoles primaires et treize s’appliquent exclusivement à ces dernières.
- En lisant ce résumé des réponses reçues, on pourra se faire une idée du but des méthodes et des résultats de l’enseignement de la science civique dans les écoles primaires et les écoles secondaires.
- RÉSUMÉ
- 1° L’enseignement de l’économie politique n’et organisé, comme enseignement particulier, dans aucune école.
- 2° La science civique est enseignée dans plus d’écoles secondaires que l’économie politique, et dans les écoles qui offrent à la fois les deux enseignements, les cours d’enseignement civique sont plus fréquents en moyenne que les cours d’économie politique, et suivis par un plus grand nombre d’élèves.
- 3° Les auteurs des réponses ont une préférence marquée pour les méthodes qui obligent à consulter divers livres, et qui encouragent l’étude des faits spéciaux, locaux, économiques et politiques, et portent à la discussion ; en un mot pour les méthodes qui tentent d’établir une relation entre les questions étudiées et le milieu immédiat où vivent les élèves, plutôt que de Se borner à une étude à coups de manuel de la théorie sociale et économique.
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- l’ensëignement des sciences sociales.
- 4° Les auteurs des réponses montrent une connaissance peu approfondie des effets d’une instruction civique sérieuse sur la conduite civique des élèves des écoles publiques. Cependant ils admettent que, en général, une idée claire des faits de la vraie vie civique, aura pour résultat de faire bien pratiquer les devoirs de la vie civique.
- 5° La plupart des réponses se rendent compte assez bien de l’importance de l’enseignement scolaire pour préparer les jeunes gens à devenir de bons citoyens, mais dans quelques cas, il est démontré, avec beaucoup de preuves à l’appui, que l’enseignement actuel prépare plutôt à la vie dans le sein d’une démocratie que dans celui d’une autocratie.
- 6° Les opinions sont très diverses sur la capacité des étudiants à organiser leurs clubs, leurs associations sportives, etc., etc.
- 7° Peu de réponses accordent beaucoup de valeur à ces associations volontaires comme préparation à la vie civique démocratique.
- 8° Les questions portant sur la part prise par les élèves dans la vie civique et en général, de la communauté ont été soit passées sous silence, soit mal interprétées, parfois traitées en simple plaisanterie.
- On s’est peu attaché à montrer les rapports pouvant exister entre la vie scolaire et la vie de la communauté prise dans son ensemble.
- 9° Toutes les réponses concordent sur ce fait que la préparation à la vie civique est un fait d’importance capitale aux États-Unis, surtout maintenant. Plusieurs expriment la conviction, peut-être l’espoir plutôt, que le système d’enseignement par l’école publique aura une influence favorable au point de vue de l’amélioration de la vie civique, mais certains expriment aussi la crainte que cette préparation de l’école ne se laisse entraîner vers la polémique et la politique de politiciens au lieu de se borner à l’enseignement des principes civiques 1.
- Pour obtenir plus de renseignements sur les méthodes et l’enseignement des sciences civiques, et quelques données sur la façon dont elles sont enseignées dans les différentes classes des écoles primaires, une seconde enquête a été faite. Soixante-quinze personne ont répondu de vingt-deux États différents.
- Trente-cinq réponses provenaient de personnes faisant partie de l’enseignement élémentaire, et plusieurs autres, de personnes ayant enseigné dans ces écoles. De ces réponses, il résulte que l’enseignement civique formel a reçu droit de cité dans nombre d’écoles primaires de la majorité des États du Nord et de quelques États du Sud.
- 1. Ceci est emprunté à un article que nous avons publié en octobre 1898, dans la School Review, University of Chicago Press, Chicago, sous le titre : An Inquiry Relatlng to Training for citizcnship in the Public Schools.
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- HËNRŸ W. ÏHURSÏON. 5
- Voici dans quelles classes est donné cet enseignement dans les écoles d’où nous avons reçu des réponses :
- Pour 20 écoles dans la 8e classe ;
- — 9 — 7e et 8e classes ;
- — 6 — 6e, 7e et 8e classes ;
- — 2 — 5e, 6e, 7e et 8e classes ;
- — 3 — dans toutes les classes1.
- En somme toutes ces réponses démontrent que ce que soutenait le profeseur James (dans l’ouvrage cité plus haut), à savoir, que les questions des sciences civiques et d’économie politique devraient être enseignées dans toutes les classes des écoles publiques, a été déjà, en ce qui concerne l’enseignement civique, appliqué dans au moins quelques écoles et qu’on a une tendance à faire la même chose pour un certain nombre d’autres écoles.
- Au cours de cette enquête nous avons encore posé la question suivante :
- A quel âge les élèves doivent-ils commencer l’étude de la science civique ?
- 12 personnes ont répondu que l’instruction civique devait être donnée dans toutes les classes ;
- 3 qu’elle devait être donnée à l’occasion d’autres enseignements dans la lre classe, et d’une façon formelle dans les 6e, 7e et 8e classes ;
- 4 désignent les classes de la 3e à la 86 classe ;
- 1 désigne les classes de la 4e à la 8e ;
- 3 désignent les classes de la 5e à la 8e ;
- 9 désignent les classes de la 6e à la 8e ;
- 6 fixent l’âge minimum à dix ans ;
- 5 fixent l’âge minimum de 12 à 14 ans ;
- 2 limitent cet enseignement à la High School ;
- 2 disent que l’enseignement civique ne doit être donné que lorsque les élèves sont déjà arrivés à l’adolescence.
- Pour ce qui est des méthodes : 11 personnes préconisent la méthode ora'le ;
- 2 conseillent l’emploi d’un livre ;
- 5 conseillent les études pratiques ;
- 6 conseillent les études d’après les faits du jour ;
- 10 conseillent les études relatives au gouvernement de la maison, de la cité et de l’école ;
- 2 veulent qu’on se place à un point de vue moral ;
- 3 veulent qu’on explique d’après la vie scolaire, les privilèges et le droit de propriété ;
- l. Les résultats de cette enquête n’ont encore été publiés nulle part.
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- l’enseignement des sciences sociales.
- 1 veut que cet enseignement soit uni à celui de l’histoire et de la géographie ;
- 1 conseille d’enseigner la science civique par l’étude des métiers et professions, et 4 par l’étude de biographies.
- Quelque chose qui fait espérer une amélioration de l’éducation sociale politique, c’est la publication récente de plusieurs manuels qui sont beaucoup plus en rapport avec l’intelligence des enfants que tous les livres écrits jusqu’ici.
- Mentionnons parmi ces ouvrages :
- 1° Willoughby, The Rights and Buttes of American citizenship (American Book C°, New-York).
- 2° Forman, First Lessons in Civics (American Book C°).
- 3° Dole, The Young Citizen (D. C. Heath and C°, Boston).
- L’usage intelligent de livres de ce genre, complété par de nombreuses observations, et l’étude des attributions spéciales et des formes de l’organisation politique locale, avec laquelle l’enfant °e trouve en contact bien des fois, ne peut que produire des citoyens richement doués au point de vue de la conscience et de l’intelligence sociales. Que cette éducation revête un caractère plus vivant en faisant faire à l’enfant un pas de plus, et elle donnera à ce dernier une intelligence sociale et des habitudes sociales. Il s’agit d’obtenir sa coopération active pour faire de la communauté scolaire, une communauté idéale. Il faut socialiser ses jeux, ses réunions ses sociétés ; il faut faire de tout cela comme une petite cité ; en un mot, il faut le socialiser par rapport à tout groupe dont il se trouve être un membre.
- En plusieurs villes des Etats-Unis on a fait dans les écoles primaires des tentatives de ce genre. Mais en général cela ne va pas bien loin parce que les professeurs capables de conduire cette œuvre à bonne fin, ne sont pas nombreux.
- Des faits énoncés plus haut, des renseignements obtenus à la suite des enquêtes dont j’ai parlé, et des faits que j’ai pu relever moi-même par des observations, des conversations, ou des échanges de correspondances, on peut conclure comme suit :
- 1° La nécessité d’une bonne éducation sociale portant à la fois sur les habitudes et sur l’intelligence de l’élève moyen de nos écoles primaires, aussi bien pour ce qui est des simples questions locales que des affaires publiques, est inhérente à notre idéal et à nos institutions, et commence déjà à prendre forme et à être donnée et reçue d’une façon intelligente aux États-Unis.
- 2° Les efforts faits jusqu’ici dans le but de donner cet enseignement social dans les écoles primaires, se sont bornés entièrement à enseigner la morale civique dans les 7e et 8° classes, dans un nombre très restreint de ces écoles.
- Aucun effort n’a été fait pour introduire un enseignement régulier de l’économie politique dans les écoles primaires. On ne trouve
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- HENRY W. THURSTON.
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- d’enseignement social bien compris que dans les écoles ou les établissements universitaires dirigés par des hommes extrêmement amis du progrès.
- 3° Le chaos est la méthode qui domine. La plupart des professeurs continuent il est vrai, à analyser et à discuter soigneusement la constitution fédérale et l’organisation des États, mais peu d’entre eux se préparent à assumer la tâche nouvelle de créer une pédagogie développant la bienveillance sociale, des habitudes sociales, l’intelligence sociale.
- Ces derniers professeurs se servent de la vie scolaire en commun au point de vue actif, des jeux de l’enfant et des associations volontaires qu’il organise, du rôle concret des corps politiques locaux avec lesquels l’enfant se trouve en contact de tous côtés, et enfin, des grands faits généraux de la dépendance réciproque des différents métiers au point de vue industriel, pour faire graduellement de l’enfant un être social, dans ses actes, ses desseins, son intelligence.
- De l’extension en quelque sorte contagieuse de ces quelques cas, encore sporadiques, de bon enseignement social, dépend le progrès futur de l’enseignement rationnel des sciences sociales dans les écoles primaires des États-Unis.
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- CONGRÈS INTERNATIONAL
- DE
- PARIS
- 30 Juillet — 3 Août 1900
- LE DÉVELOPPEMENT
- DE L’ÉDUCATION COMMERCIALE
- A LONDRES
- Par Sidney WEBB
- Membre du « London County Council »
- PARIS
- ANCIENNE LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE ET Ci0
- FÉLIX ALCAN, ÉDITEUR
- 108, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 108
- 1900
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- GRANDE BRETAGNE
- M. SIDNEY WEBB
- Membre du « London County Council »
- LE DÉVELOPPEMENT
- N<> du Cnt.aloirui'____
- , prix ou K.sliuuiüon
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- DE
- L’ÉDUCATION COMMERCIALE
- A LONDRES
- SES EFFETS
- sur l’organisation méthodique d’un ENSEIGNEMENT DES SCIENCES POLITIQUES ET ÉCONOMIQUES
- Bien que l’Angleterre n’ait pas médiocrement contribué au développement des sciences politiques et économiques, il n’y eut guère, cependant, jusqu’à ces dernières années, d’enseignement vraiment organisé dans cette matière. Il y a vingt ans, — un siècle après l’ouvrage d’Adam Smith, Wealth of nations — il n’existait en fait aucun cours de science politique ou économique dans les établissements d’enseignement primaire ou secondaire. Sur tout l’ensemble des Universités, il y avait tout au plus une douzaine de professeurs qui abordassent ces matières et quelques-uns d’entre eux seulement s’y consacraient tout entiers. A l’exception de la Société royale de statistique, qui ne touche qu’un côté de la question, il n’existait en Angleterre aucune société, aucun périodique de caractère scientifique qui s’occupât de sciences politiques et économiques.
- Un grand changement s’est opéré, ces dernières années. Des éléments de sciences politiques et économiques sont, à l’occasion, enseignés dans les écoles primaires et les établissements d’enseignement secondaire. Le nombre des professeurs d’Université qui s’adonnent à Ces sciences s’est considérablement accru. Des sociétés nouvelles, de nouveaux journaux prouvent que le nombre de ceux qui s’intéressent à ces problèmes croît de jour en jour.
- Il semble que ce changement doive être attribué à deux causes principales. C’est d’abord la conviction de plus en plus répandue que les difficultés politiques et sociales de notre époque, sont dues, en
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- grande partie, à des causes tout économiques et que c’est par la solution de ces problèmes économiques qu’on arrivera à les lever ; c’est ensuite cette découverte tardive que les sciences politiques et économiques sont la base de tout système d’éducation commerciale supérieure. En fait, le grand développement que vient de prendre en Angleterre l’enseignement des sciences économiques a été surtout provoqué par le besoin toujours croissant de disposer d’un meilleur système d’éducation commerciale.
- C’est le caractère de ce changement que je me propose d’examiner dans le présent rapport.
- Voilà quelques années, il était courant d’affirmer qu’il n’existait point d’éducation commerciale en Angleterre. Même en 1893, au moment où M. James fit un rapport à VAmerican Banker's Association sur l’organisation de l’éducation commerciale dans les diverses contrées de l’Europe, il lui fut, en fait, permis de ne faire aucune mention du Royaume-Uni, par la raison que rien d’analogue ne s’y trouvait1. Un pareil rapport ne serait plus complètement exact, — à supposer qu’il ait jamais pu l’être, — ainsi que nous le verrons dans un instant. Il n’en est pas moins vrai que tout étranger qui nous observe de ce point de vue, reste stupéfait du contraste qui éclate entre le mouvement d’affaires, démesuré et toujours croissant, de l’empire britannique et l’absence de toute mesure prise pour assurer une éducation technique à ceux qui en sont les agents.
- La principale cause de cette imperfection est, sans aucun doute, un préjugé enraciné dans l’esprit de l’homme d’affaires anglais : il se figure qu’il n’y a et ne saurait y avoir aujourd’hui d’« éducation commerciale » comparable à celle qu’un homme « attrape d’instinct » (picks up) dans le maniement quotidien des affaires. Jusqu’à ces toutes dernières années, il ne serait jamais venu à l’idée du commerçant le plus avisé de s’inquiéter, pour son fils, d’un système spécial d’éducation commerciale. Il l’envoyait, par exemple, à Oxford où généralement le jeune homme étudiait les classiques anciens, ou bien il lui ouvrait l’entrée de ses propres bureaux quand le jeune homme avait 16 ans et lui faisait, à ce propos, quitter le collège plus tôt que de coutume.
- Depuis la conférence ouverte par la Chambre de Commerce de Londres en 1887, ce corps de magistrats a travaillé de la façon la plus persistante aux progrès de la question et l’on ne saurait trop
- 1. Voir The Education of Business men in Europe, rapport à l’Association des Banquiers américains, par M. E. J. James (New-York, 1893, 232 pages). —- Voir également trois autres rapports de l’American Bankers Association intitulés • The Education of Business men. I, II, III (New-York, 1891-1893). C’est grâce à la courtoisie que j’ai rencontrée au département de l’Éducation et à l’admirable bibliothèque qu’on Tient récemment d’y annexer sous la direction de M. M. Sadler, qu’il m’a été permis de consulter certains ouvrages cités dans ce rapport. Je demeure également l’obligé de la Bibliothèque Britannique des Sciences politiques (10, Adelphi Terrace, Strand, à Londres), où les étudiants peuvent consulter une collection gigantesque de documents officiels et d’autres ouvrages introuvables ailleurs.
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- apprécier ses précoces et persévérants efforts. D’autres Chambres de Commerce ont, depuis, repris l’entreprise et su entreprendre des recherches pleines de promesses h Toutefois, jusqu’à ces tout derniers temps, toutes les tentatives faites pour créer un système méthodique d’éducation commerciale échouèrent, ou, pour être plus exact, il n’y en eut point qui exerçât sur le simple homme d’affaires une influence appréciable et de nature à lui faire prendre le sujet en considération.
- J’attribue cette lacune, déjà ancienne, et non encore entièrement comblée, à l’absence de toute idée nette sur ce qui nous manque.
- Voici maintenant ce qu’on essaye de réaliser en Angleterre :
- 1° Une instruction commerciale plus développée, non une meilleure éducation commerciale. « L’Anglais jouit de la meilleure éducation commerciale du monde », entendais-je dire un jour à un Allemand fort distingué, « ce dont il manque, c’est une instruction plus approfondie en matière commerciale ». La distinction est fondamentale et c’est faute de l’avoir comprise qu’est née en grande partie l’indifférence ou l’hostilité de l’homme d’affaires à l’égard de l’éducation commerciale. Ceux qui tracent des programmes de ce qu’ils appellent l’Éducation commerciale, ne mettent pas en doute un seul instant qu’il n’y a point de meilleur entraînement, pour un homme d’affaires, que de se jeter dans les affaires elles-mêmes. Ils ne songent point à substituer l’École au comptoir du commerçant ou telle éducation académique à l’apprentissage de la Cité. Les écoles d’apprentissage n’ont rencontré aucune faveur en Angleterre, pas plus dans le commerce que parmi les métiers manuels. L’Anglais estime que les écoles professionnelles ne sont pas le substitut de l’atelier, mais son complément. De même les programmes proposés pour l’éducation commerciale n’entendent pas préparer pratiquement l’homme d’affaires, mais lui apprendre certaines choses, qu’il ne saurait, sauf exception, « attraper » à la Cité. Sans doute il peut, à la rigueur, S'1 passer de ces connaissances ; il peut prendre à son service quelqu’un qui y suppléera. Mais, en règle générale, la véritable source où il devra puiser les connaissances requises, sera quelque école méthodiquement organisée.
- 2° Il faut distinguer dans l’Éducation commerciale trois degrés distincts :
- Il y a, premièrement, l’instruction des jeunes gens, avant qu’ils ne se lancent dans la vie d’affaires.
- Secondement, toutes les dispositions prises pour assurer aux jeunes apprentis l’occasion de suivre des cours du soir.
- 1. Voir l’instructif Compte rendu sur l’Ëducatlon commerciale en Angleterre fait à la Chambre de Commerce de Sheffield par M. J.-J. Findlay, en 1891, et le Rapport sur l’Education commerciale présenté à l’Association des Chambres de Commerce, en 1887. — Voir également les Rapports sur l’Education commerciale à la Conférence internationale d’Edueation technique tenue à Londres, en juin 1897.
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- Troisièmement, et c’est peut-être le côté le plus important de la question, il y a ce que l’on pourrait appeler l’Enseignement commercial supérieur, que réclame chacun des « officiers » de notre grande armée de commerçants, sinon, hélas ! en même temps, tout « soldat dans le rang », un peu ambitieux.
- 3° Nous sommes en train d’introduire une plus grande variété dans nos établissements d’enseignement secondaire et quelques-unes de ces innovations, délibérément, préparent à la carrière des affaires.
- En dépit des améliorations introduites dans les écoles fréquentées par la classe moyenne, depuis que Matthew Arnold a déploré leur insuffisance, un grand nombre d’entre elles n’en ont pas moins encore le grave défaut de ne pas savoir au juste, selon moi, à quels résultats elles veulent arriver. Je n’ai pas la prétention de savoir quel sera le programme scolaire qui préparera nos jeunes gens, avec le plus de succès, à devenir employés ou commerçants, ingénieurs civils ou banquiers, actuaires ou pharmaciens. Un pareil programme ne serait peut-être pas en rapport bien direct avec leur futur métier. Mais je ne saurais croire que le meilleur programme préparant à chacune de ces carrières prise à part, puisse être le même que le meilleur programme préparant à tout le reste-et en même temps à une carrière* universitaire.
- L’idée qu’une « bonne culture générale », puisée à l'étude des littératures anciennes ou modernes soit une préparation suffisante, sinon la meilleure, à toute espèce de carrière, ressemble fort à une survivance du moyen âge.
- C’est ce qu’en ces dernières années on a de mieux en mieux reconnu en Angleterre.
- On estime maintenant qu’on doit, de toute façon, établir une distinction bien nette entre des études qui se terminent à 15 et 16 ans, et celles qui doivent être poursuivies jusqu’à 22 et 23 ans. Et pourtant, la tradition qui veut qu’en Angleterre l’éducation soit une et indivisible est encore si forte, que la grande majorité de nos middle schools continue à suivre les traces de nos higli schools, préparant en général à des examens du même genre et suivant par conséquent un programme très analogue, un peu moins varié seulement, en raison du moins grand nombre d’heures accordé à chaque exercice. Cette confusion du Gymnasium et de la Realschule, du « Lycée » et de « l’Ecole commerciale », ne peut que nuire à la fois à l’un et à l’autre genre d’études poursuivi. Il devrait y avoir place, chez nous, pour des écoles qui n’auraient que faire de s’intituler Écoles commerciales ou de porter tel autre caractère de soi-disant infériorité, mais qui devraient renoncer entièrement à tout ce qui rappellerait les méthodes appliquées dans l’Université aux études classiques ou scientifiques, qui s’interdiraient de suivre ses programmes traditionnels et dresseraient un plan d’études délibéré-
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- ment basé sur les besoins des jeunes gens destinés à devenir employés de commerce, à 15 ou 16 ans U
- Je sais que cette proposition sera mécomprise, comme entraînant une trop précoce « spécialisation », l’abandon de toute culture générale, et ainsi de suite. Ce que je réclame n’entraîne pourtant rien qui doive rendre le programme d’études plus étroit. Il s’y trouve impliqué, au contraire, une recrudescence de culture très considérable, avec le bénéfice d’une conception plus large de l’existence, en un mot <t une vue plus complète et plus réelle de la vie » que ne sauraient l’avoir ou la soupçonner même la moyenne des professeurs actuels, condamnés à un champ d’expérience trop étroit.. Une des plus grandes difficultés en cette matière est sans doute le manque de professeurs suffisamment préparés, mais ce que je réclame ne signifie en somme que ceci : l’abandon de la tradition et des préjugés de la scholastique en faveur d’une adaptation meilleure et plus raisonnée des moyens aux fins ; ce que je préconise n’a pour objet que de faire porter avec plus de méthode un plus grand effort dans le problème qui consiste à rendre trois ou quatre années de la vie d’un jeune homme le plus fécondes possible.
- Je ne prétends point indiquer quelle forme ce projet d’études devra adopter dans chaque cas particulier, ni comment il faudra s’y prendre pour lui donner la plus grande efficacité possible sans que la personnalité tout entière de l’homme en souffre. Nous avons, en Angleterre, la tranquille habitude de nous inspirer beaucoup de l’expérience des autres nations.
- Le County Council de Londres a envoyé six professeurs de choix prendre part aux travaux de plusieurs écoles de commerce, en Allemagne et en France, avec l’intention d’introduire plus tard dans les écoles anglaises ce qu’ils y auraient trouvé de meilleur. Nous avons surtout admiré les Ecoles supérieures de commerce des principales villes de France et en particulier leur programme délibérément dressé en vue de former le meilleur homme d’affaires, partant le plus cultivé. Ce programme exclut, en effet, entièrement le grec et le latin, ce qui permet de réaliser, dans les autres matières, des progrès très considérables 1 2.
- On tente en ce moment, à Londres, une expérience de ce genre. Le Conseil de Comté de Londres a créé à 1’ « University College » de Gower Street une bonne école d’enseignement secondaire, délibéré-
- 1. C’est une grossière erreur de croire qu’un pareil programme ne comporterait que sténographie et tenue de livres, et qu’on se plairait simplement à faire des transactions commerciales imaginaires, comme on l’a tenté (en y renonçant plus tard à ce que je crois) dans certains Instituts commerciaux allemands. L’inimitable école d’agents de change décrite par R. L. Stevenson dans ses Wreckers présente à peine une parodie plus violente de la question.
- 2. Pour avoir la liste complète de ces écoles et des écoles similaires, voir l’Annuaire de l’Enseignement commercial et industriel par Georges Paulet (Paris, pp. 700) et l’Enseignement commercial et les Ecoles de commerce en France et dans le monde entier par Eugène Léatjty (Paris, 1886, p. 778).
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- ment et exclusivement destinée à former l’employé ou l’homme d’affaires le meilleur et, par suite — qu’on me permette de le répéter — la plus cultivé. Dans cette étude nous suivons, dans une certaine mesure, l’exemple de l’école fondée à Paris dès 1863, par la Chambre de Commerce de Paris k
- 4° L’instruction commerciale spéciale des jeunes employés fait partie des études poursuivies dans les institutions qui ouvrent des cours du soir. Mais ce dont on aurait, sous ce rapport, le plus besoin, c’est de la collaboration et des encouragements des patrons.
- Londres est, par excellence, la ville des employés de commerce : non seulement parce qu’elle en compte un beaucoup plus grand nombre que toute autre grande ville, mais encore parce que la proportion de ces employés, par rapport à la population tout entière, est probablement plus élevée que partout ailleurs. En ce qui concerne les cours du soir, où ils apprennent l’économie politique, la géographie commerciale, l’allemand, le français, l’italien, l’espagnol et le portugais aussi bien que l’arithmétique, la tenue de livres, l’écriture à la machine et la sténographie, de sérieuses dispositions ont été prises, dans plus de vingt institutions publiques réparties dans les différents quartiers de la métropole, et comptant, dans ces seules matières, près de 20 000 étudiants 2.
- Mais 20 000 étudiants ne représentent qu’une minime partie des jeunes gens (hommes et femmes) de 15 à 25 ans, résidant à Londres, et j’ai peur qu’il faille en conclure que la majorité ne s’intéresse guère qu’à jouer au cricket ou à faire de la bicyclette, après la journée de travail. De là vient que nous sommes très dépassés par les employés allemands. «Je préférerais de beaucoup avoir des commis anglais,— me disait le chef d’une des plus grandes maisons de la Cité — et pourtant, mes bureaux sont pleins d’Allemands. L’employé anglais fait son ouvrage, mais le bureau fermé n’y pense plus et semble n’avoir d’intérêt que pour le sport ».
- Si les patrons songeaient à faire savoir qu’ils verraient volontiers leurs employés suivre les cours du soir et qu’ils en tiendraient compte pour l’avancement, ce nombre de 20 000 étudiants serait bientôt quadruplé.
- 5° Dans l’enseignement des langues vivantes en particulier, l’Angleterre s’est laissé dépasser à la fois par l’Allemagne et la France, aussi bien sous le rapport de la méthode que de la variété. Tous ceux qui ont quelque compétence en la matière, s’accordent à reconnaître
- 1. Notice on the Commercial Instruction organtsed by the Paris Chamber of Commerce. (Rapport fait à l’exposition de Chicago en 1893). Paris, 1893, pp. 192. Voir aussi Industrial Education de Sir Philip Magnus. (Londres, 1888).
- 2. Voir le sixième rapport annuel du département de l'Education technique au Conseil de Comté de Londres (Londres, 1889) et le Rapport du sous-comité spécial du Conseil de Comté de Londres sur l’Education commerciale. Londres, 1899. Ces rapports ne mentionnent point les cours du soir pour adultes du School Board de Londres, où l’on apprend l’écriture à la machine, la sténographie, des éléments de français, etc.
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- que nos professeurs de langues étrangères soit dans les écoles ordinaires, soit dans les classes du soir, ont beaucoup à apprendre de l’Allemagne, sous le rapport de la méthode pédagogique. Tous les témoignages confirment que Londres est de beaucoup en arrière sur Berlin et Paris, quant au nombre des langues vivantes qu’on y enseigne actuellement. L’Angleterre a plus de relations avec l’Orient qu’aucun autre pays ; mais les jeunes employés de la Cité ou les voyageurs de commerce qui chercheraient à apprendre le grec moderne, le turc, le persan, le malais, l’arménien, le chinois, le japonais, l’annamite, la langue hindoue, pour ne point parler du russe, du hollandais et du norvégien, trouveraient des difficultés considérables pour se faire instruire, à prix modérés, et aux heures qui leur conviennent. Il existe bien une école des langues orientales, instituée par 1’ « Impérial Institute » et rattachée à 1’ « University College » et au « King’s College » ; mais jusqu’à présent elle n’a pu réunir qu’un nombre insignifiant d’étudiants, dont la plupart, d’après mes informations, n’appartiennent même pas au commerce i. Mais avec l’établissement d’une nouvelle Université à Londres, cette branche de l’Éducation commerciale a reçu, cette année, une impulsion nouvelle.
- 6° La plus grande lacune de notre éducation commerciale supérieure a été jusqu’ici le manque de ressources offertes à l’homme d’affaires, s’il veut acquérir une instruction supérieure en matière commerciale.
- Il n’y a pas encore longtemps, en Angleterre, nous n’avions rien qui correspondît à l’« École supérieure de commerce » de Paris, pour les étudiants de 16 à 20 ans. De même nous n’avions rien de comparable à l’« École des Hautes Études commerciales », qui se propose de donner à des jeunes gens de 19 à 22 ans, ayant déjà achevé leurs études dans les lycées, l’occasion de se perfectionner, pendant deux ans, dans les matières dont la connaissance est indispensable aux banquiers et aux négociants.
- Pareillement, nous n’avons pas eu, jusqu’à ces derniers temps, en Angleterre, quoi que ce soit qui correspondît à l’Ecole libre des sciences politiques de Paris. Mais on ne pourrait plus nous faire ce reproche maintenant.
- 7° La London School of Economies and Political Science de Londres, considérée comme école supérieure de commerce.
- Nous possédons, depuis peu, à Londres, les éléments d’une future École supérieure de Commerce. Créée sans tapage en 1895, cette institution nous présente déjà une expérience d’un grand intérêt. L’« École des Sciences politiques et économiques » de Londres fut fondée par un petit groupe de gens qui crut possible de faire naître, parmi les hommes déjà lancés dans les affaires et la vie pratique, le désir d’être instruits des applications concrètes de l’économie politique aux
- 1. Cf. Das Commercielle Bildungswesen in Œsterreich Ungarn de Franz Glasseb (Vienne, 1893, 422 pages).
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- l’enseignement des sciences sociales.
- questions commerciales et financières, ainsi qu’aux questions d’administration publique. Déjà la Chambre de Commerce de Londres avait, à titre d’expérience, demandé à M. Cunningham de faire un cours d’histoire commerciale et ce cours avait été régulièrement suivi par un auditoire attentif, composé de jeunes hommes d’affaires. On poursuivit l’expérience, on l’étendit d’une façon systématique et elle devint partie intégrante d’un ensemble de cours réguliers soumis à la direction du professeur W. A. S. Hewins, M. A. Grâce à l’intervention du Conseil de Comté de Londres, la nouvelle « École » fut mise en rapport avec la Chambre de Commerce de Londres, qui, très volontiers, mit ses locaux à sa disposition pour une partie des cours, et de toute façon encouragea l’entreprise.
- Cette école achève maintenant sa cinquième année d’enseignement ; au cours de cette année, elle a compté plus de 400 étudiants, hommes et femmes, âgés au minimum de 17 ans et appartenant surtout à deux catégories distinctes. Les plus nombreux sont des employés, des gérants, des jeunes gens occupés, d’une façon générale, dans les banques, les maisons de commerce, les assurances, l’administration des chemins de fer ou l’administration publique (service de l’État ou service municipal). La minorité est composée d’étudiants <( postgradués » au nombre de 60 à 70, qui se sont spécialisés dans l’Économie politique et qui viennent, soit des universités anglaises, soit des universités du monde entier, de Moscou à Chicago, de Buda-Pesth à Tokio. Parmi les étudiants qui sont hommes d’affaires et dont je m’occupe spécialement ici, se trouvent quelques « patrons » (principals), banquiers ou commerçants, actuaires et courtiers d’assurances, administrateurs de Compagnies de chemins de fer ou chefs de quelque important service public. Mais la majorité se compose naturellement de jeunes gens de condition subalterne et c’est pour leur faciliter la tâche que le plus gros de l’ouvrage est fait entre 6 et 9 heures de l’après-midi. Une ou deux grandes maisons ont payé, pour leurs employés, les frais d’inscription — très peu élevés du ieste Deux Compagnies de chemins de fer, la « Great Western » et la « Great Eastern Company » ont fait de même et il est probable que d’autres suivront leur exemple.
- Le programme de l’École comprend : histoire et géographie commerciales ; théorie et pratique des opérations de banque, des cours, des échanges de valeurs étrangères, droit commercial, histoire économique et industrielle des principaux pays ; histoire et variation des taxes, y compris l’étude des tarifs douaniers ; théorie et pratique de l’administration des chemins de fer en Angleterre et à l’étranger ; histoire et état actuel de la législation ouvrière et du trade-unionisme ; méthode et interprétation des statistiques, avec une étude spéciale des avantages de la statistique en matière de commerce, finance, administration, chemins de fer, sans oublier des cours méthodiques d’économie politique. Il y a également des sections de
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- sciences politiques (comprenant l’étude des constitutions étrangères et de leur administration municipale) et de paléographie pour les historiens 1.
- A côté de l’École, a été fondée une admirable bibliothèque spéciale, la « British Library of Political Science ».
- 8° L’influence qu’exerce l’Éducation commerciale sur l’enseignement des Sciences politiques et économiques est de les rendre concrètes et bien spécialisées.
- Il est facile de voir que cette fusion de l’Éducation commerciale avec les Sciences politiques et économiques est destinée à amener certaines modifications dans la manière d’étudier et d’enseigner ces matières. Il y a quelques années, éclata en Angleterre une violente réaction contre la méthode abstraite et purement théorique de l’Économie politique selon Ricardo, Mill, Cairnes et les économistes français les plus autorisés. Au cours de cette réaction, on commença par s’attacher de préférence — ce fut par exemple le cas d’Ashley, de Cunningham et d’Hewins — à la méthode historique suivie par Roscher, Schmoller et tant d’autres économistes allemands. Mais on se met maintenant à associer à cette méthode historique les inductions fondées sur l’étude concrète des faits sociaux. Le professeur Marshall combine, avec succès, ces deux méthodes.
- Les recherches de Charles Booth, David Schloss, Llewellyn Smith, Clara Collet et A.-L. Bowley — et peut-être m’est-il permis de citer aussi celles que nous avons faites, ma femme et moi — procèdent essentiellement et dans des proportions beaucoup plus fortes que ce n’a été le cas, jusqu’à présent, des méthodes employées par les biologistes. L’organisme social ou telle de ses parties mise à l’étude, est observé très sensiblement de la même façon que le biologiste étudie une plante ou un animal. Sans doute, l’expérience directe demeure impossible — en sociologie on ne saurait appliquer la méthode de vivisection — mais d’un autre côté, le sociologue dispose de certains moyens qui manquent au biologiste, comme l’analyse comparée de documents écrits d’intérêt social, tels que : arrêtés, comptes rendus et procès-verbaux, comptes de caisse, etc. 2.
- L’usage de ce qu’on pourrait appeler la méthode biologique dans les sciences politiques et économiques — c’est-à-dire l’étude des faits concrets — structure et fonction de l’organisme social actuel, tel qu’il est et tel qu’il a été, facilite la grande spécialisation réclamée pour toute éducation supérieure d’homme d’affaires. Et de même l’éducation commerciale, qui relève de l’Université, doit être forte-
- 1. Cette institution a été reconnue par quelques autorités allemandes, comme Ecole supérieure de Commerce. Voir la description qu’on en a faite dans l’ouvrage intitulé : Kaufmânnisches Fortbildungs Schulwesen (Brunswick, 1896, vol. II, p. 356).
- 2. Voir la préface à Industrial Democracy de Sidney et Béatrice Webb, Londres, 1898.
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- ment spécialisée. Chaque catégorie d’« affaires » réclame un traitement à part.
- Il est tout à fait inutile de parler d’« employés » et d’« hommes d’affaires » en tant que tels. Il faut en finir avec ce monde immense des employés et hommes d’affaires qui semble aux étudiants des Universités constituer une classe à part et homogène. Les négociants, les armateurs, les agriculteurs, leurs courtiers et leurs commis peuvent, à la rigueur, former un grand groupe. Mais les commis d’assurance, les actuaires, les comptables de toute administration publique, qui sont bien, à Londres, au nombre de quelques milliers, demandent une instruction toute différente.
- La grande armée de ceux qu’emploie l’administration des chemins de fer, depuis les gros chefs qui président au transit, jusqu’au plus petit commis de la Railway Clearing House (sqlle de virements des Compagnies), réclame, de son côté, une autre espèce d’instruction. Les commis des banques et des autres maisons de finance ont à leur tour des besoins spéciaux. Il y a enfin les dix mille employés de toute nature, occupés dans les diverses branches de l’administration publique et pour qui il faut instituer un programme d’études à part. Et il est probable qu’il y a encore beaucoup d’autres groupes distincts qui ont, eux aussi, besoin d’un traitement distinct.
- Aussi longtemps que nous avons offert à tous ces groupes indifféremment des cours tout généraux d’Êconomie politique, comme équivalent d’une Éducation commerciale véritable, ils ne s’y sont point intéressés et les sciences politiques ont périclité. Mais présentez à tel de ces groupes un programme défini et spécialisé, basé sur les besoins de l’heure présente, et l’expérience démontre que les plus capables, les plus studieux et les plus ambitieux de nos jeunes gens se mettent à prendre un intérêt tout intellectuel à leur travail et à désirer en savoir plus long, dans leur partie, qu’ils n’en peuvent apprendre au bureau. C’est cette découverte qui, plus que toute autre circonstance, a donné un nouvel élan à l’Économie politique à Londres.
- Il en résulte que ce besoin d’une éducation commerciale supérieure extrêmement spécialisée, du type que j’ai décrit, tend à détourner les jeunes gens de la lecture d’ouvrages purement abstraits, comme ceux de Cairnes et de Fawcett. L’enseignement des Sciences politiques et économiques à Londres est destiné à devenir de plus en plus concret et spécialisé et à ne plus s’occuper que des faits actuels intéressant la structure et le fonctionnement de l’organisme social.
- 9° L’économie politique est considérée maintenant comme une science concrète et formant la base de toute éducation commerciale supérieure.
- La réorganisation de l’Université de Londres, heureusement terminée maintenant, démontre que l’opinion a fait un grand pas pour admettre : 1° que l’Éducation commerciale est un sujet d’étude digne
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- de l’Université 1 et 2° que les sciences politiques et économiques font expressément partie de la science proprement dite. Pendant les négociations entreprises pour la réorganisation de l’Université, le Conseil du Comté de Londres insista fortement sur l’opportunité qu’il y aurait à organiser à part l’Education commerciale supérieure. Il s’offrit en même temps à verser une forte subvention annuelle pour faire face aux frais nécessaires. A la même époque, on déclara de toutes parts, de la façon la plus énergique, qu’aucune Université moderne ne pouvait plus se permettre de ne point faire des sciences politiques et sociales une branche à part de son programme, et que désormais l’économie politique ne pouvait plus, sans contradiction intime, faire partie de la Faculté des Lettres.
- D’autres vœux furent émis en faveur d’une organisation officiellement reconnue d’études supérieures et de recherches toutes scientifiques dans ces matières, et de la possibilité accordée aux étudiants en économie politique d’y acquérir des grades (licence et doctorat), — B. Sc. and. D. sc.).
- Ces vœux ont été exaucés. La nouvelle Université de Londres comprend huit Facultés : Lettres (Arts), Science, Droit, Médecine, Théologie, Musique, Mécanique (Engineering) et Sciences politiques et économiques comprenant : commerce et industrie.
- C’est la première fois qu’en Angleterre on a reconnu le « commerce » et 1’ « industrie » comme sujets dignes de l’Université et c’est le premier exemple des sciences politiques et sociales considérées comme « Faculté » spéciale. Plus significatif encore est le fait d’avoir détaché ces matières de la psychologie, de la philosophie et de la métaphysique qui restent rattachées à la Faculté des Lettres, et d’avoir fait rentrer les étudiants en économie politique parmi les étudiants ès sciences, en leur garantissant en même temps la possibilité d’acquérir des grades dans leur partie équivalents aux grades des Facultés des Sciences. Nous pourrions rappeler ici la fameuse « loi des trois états » d’Auguste Comte. Tout à la fin du xviii® siècle, on peut dire que les sciences économiques étaient encore dans l’état théologique. Au xixe siècle, l’étude de ces sciences a été confondue avec celle des sciences de l’esprit et de la morale et
- 1. Le fait de n’être pas officiellement reconnues par l’Université a été signalé par M. E. J. James, comme étant le principal défaut des écoles d’éducation commerciale établies en Europe. « Qu’est-ce donc qui manque à cette éducation économique (commerciale) pour que les étudiants s’y portent davantage ? C’est simplement la sanction qui couronne les études universitaires. Il ne suffit pas d’ouvrir les portes des, écoles de commerce pour permettre aux étudiants d’y entrer, il faut aussi leur ménager des portes de sortie. On ne fera aucun progrès, en cette matière, tant qu’on n’aura pas donné satisfaction à ceux qui, très légitimement, réclament la mise en faveur véritable de l’Education commerciale, et tant qu’on n’aura pas mis cet enseignement sur le même pied que l’éducation classique. » L'Education de l’homme d’affaires en Europe par M. E. J. James (New-York, 1893, P. 155). Dans toutes les Universités belges de l’Etat, par décret royal du 19 septembre 1896, on peut acquérir un grade ès sciences commerciales et consulaires, ces sciences étant attachées à la Faculté de droit. (Moniteur belge, 2 octobre 1896).
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- c'est ce qu’on pourrait appeler, sans trop d’impropriété, l’« état métaphysique ». La nouvelle Université de Londres sépare, d’une façon significative, l’économie politique de la philosophie et la met au rang des sciences concrètes, reconnaissant ainsi inconsciemment qu’elle est arrivée à l’« état positif ».
- Une autre réforme où la nouvelle Université ne fait guère que suivre l’exemple de Paris est la délivrance d’un grade de « docteur ès sciences » aux « gradués » des autres Universités qui viennent à Londres pour des recherches scientifiques ou des études spéciales. Il sera désormais possible aux « gradués » des autres Universités, de venir à Londres faire également des recherches dans l’ordre économique, d’étudier les problèmes politiques et sociaux et; après un an ou deux d’études sérieuses faites sous les auspices de la « Faculté d’Êconomie politique », de présenter une thèse, sur un sujet de leur compétence, et si le travail est jugé suffisant, d’acquérir un grade de docteur sans examen. Nous espérons que cette circonstance encouragera les étudiants ès sciences politiques et économiques des pays étrangers à visiter l’Angleterre et à profiter des facilités incomparables qu’elle offre à quiconque étudie le développement industriel et social des peuples. Il n’existe peut-être pas de méthode plus féconde pour faire progresser les sciences politiques et économiques et hâter une entente cordiale entre les nations, qu’un pareil échange réciproque d’étudiants entre leurs Universités respectives.
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- L ENSEIGNEMENT MORAL SOCIAL
- DANS L’ENSEIGNEMENT SECONDAIRE
- EN FRANCE
- Par Marcel BERNÉS
- Professeur de Philosophie au Lycée Louis-le-Grand
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- Dü CONSERVATOIRE NATIONAL Il des AUTS & SiÊTIEilS |
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- LIVRE II
- ENSEIGNEMENT SECONDAIRE ET ENSEIGNEMENT PRIMAIRE SUPÉRIEUR
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- FRANCE
- M. MARCEL BERNÉS
- Professeur de Philosophie au Lycée Louis-le-Grand
- L’ENSEIGNEMENT MORAL SOCIAL
- DANS
- L’ENSEIGNEMENT SECONDAIRE EN FRANCE
- I
- OBJET ET CONDITIONS DE L’ENSEIGNEMENT MORAL-SOCIAL
- 1° La plupart de ceux qui, dans le public ou parmi les hommes du métier, s’occupent de l’éducation au point de vue social s’accordent à reconnaître la nécessité d’un enseignement moral et social. Beaucoup en font la condition principale d’une culture complète, c’est-à-dire exactement appropriée aux besoins dominants de notre époque. Quelques-uns seraient disposés, semble-t-il, à subordonner la formation de l’intelligence et le développement du goût à cet enseignement qu’ils regardent comme une préparation plus directe à la vie. Ceux mêmes qui restent convaincus de la haute valeur d’une . culture principalement intellectuelle et esthétique insistent communément sur la grande vertu morale d’une telle culture et sur la possibilité de l’adapter1 à notre milieu, c’est-à-dire au fond sur l’intérêt social qui s’y attache.
- Si nous réfléchissons un moment sur ce que doit être en principe cet enseignement moral-social, nous ne serons pas surpris de la faveur dont il jouit, des espérances qu’il provoque, des nombreuses tentatives qui sont faites pour en préparer le développement. Par lui, on veut munir l’enfant des idées indispensables à la conduite de la vie, l’aider à se diriger comme individu, comme homme, comme membre de groupes divers, plus ou moins étendus, tels que la famille ou la nation. Il ne suffira pas, pour cet objet, de lui faire connaître l’esprit humain en général avec ses besoins
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- universels et ses fonctions permanentes ; il ne suffira même pas de lui indiquer les conditions communes de l’organisation de la famille ou de l’Etat, et de lui en énumérer, en les définissant, les grandes articulations. On devra, de plus, lui montrer les tendances actuellement dominantes de la vie morale et sociale, les bases présentes de la moralité, les grands problèmes que nous posent l’économie sociale et la politique. On devra, enfin, lui rendre sensibles les idées qui peuvent nous conduire dans la solution de ces problèmes.
- Enseignement de la morale individuelle et sociale en général ; enseignement économique et juridique ; enseignement civique : c’est tout cela qu’on réunit sous le nom commun d’enseignement moral-social.
- 2° Un enseignement moral général a toujours été, dans une société civilisée, le premier objet de la formation de l’esprit. Mais un enseignement social, plus détaillé, plus spécial, plus concret, est devenu aussi nécessaire que cet enseignement moral toutes les fois que la société a tenté de s’établir sur d’autres fondements que l’autorité ou que la tradition, et qu’elle a elle-même subordonné tout ou partie des rapports sociaux à l’action consciente de tous ses membres. Alors, en effet, les conditions de la vie sociale deviennent moins simples ; car il ne suffit plus de préparer l’individu à ne pas porter atteinte par ses actes à l’ordre établi, ou d’en faire, pour ceux qui ont charge de maintenir cet ordre, un instrument facile à manier : il faut encore lui inspirer le désir et lui fournir les moyens de contribuer lui-même, soit à la conservation sociale, soit même au progrès de la société, en vue de son adaptation plus parfaite à des conditions idéales, congues et senties en commun par tous ou par le plus grand nombre.
- Ces conditions ont été réalisées dans la Grèce antique ; et aussitôt elle a cherché un enseignement moral approprié : les Sophistes, qui ont essayé de le lui fournir, n’ont pas su le fixer, et la faiblesse de leur tentative est devenue l’une des causes de la rapide décadence des cités grecques. Les mêmes conditions se retrouvent sous une forme plus compliquée dans les sociétés modernes, et particulièrement dans notre pays, dont les institutions, depuis 1789, sont explicitement fondées sur les idées de liberté et d’égalité. Aussi, chez nous, se sont fait de nouveau sentir les besoins qu’avaient déjà sentis les anciens Grecs ; et, à mesure que les années s’écoulent, et que s’éloignent les événements qui rendaient comme constamment présents à la conscience les principes de la société nouvelle, il paraît de plus en plus nécessaire de les maintenir fermement dans la pensée de tous par un enseignement approprié.
- Ces idées ont grandi simultanément chez tous les peuples de l’Europe ; mais, chez nos voisins, elles ont souvent rencontré une action encore très forte du sentiment religieux ou des pouvoirs politiques établis ; elles se sont glissées insensiblement dans les
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- fondements mêmes de la société, sans les ébranler ; et c’est par un travail tout intérieur qu’elles les ont, au moins en partie, renouvelés : la transition s’est effectuée sans crise, sans que parût même .sérieusement menacée l’existence de l’ordre social antérieur. Aussi n’a-t-on pas jugé nécessaire en général de modifier le système de l’éducation, en vue de l’adapter aux idées nouvelles. Chez nous, au contraire, soit en raison des tendances critiques de l’esprit national, soit à cause de l’instabilité du pouvoir politique et de la faible autorité de l’idée religieuse, ce changement s’est manifesté par de vives oppositions et a donné lieu à de véritables crises ; et, en retour, comme une sauvegarde nécessaire contre les dangers que court la société dans ces transformations, on a songé à préparer les individus par une éducation appropriée à cette nouvelle constitution sociale que la raison avait définie et proclamée et que repoussaient de toutes leurs forces l’autorité constituée et la tradition. De là, le caractère d’urgence qu’a' revêtu chez nous la question de l’enseignement moral-social, la vertu que nous lui attribuons en général, les espérances que beaucoup fondent sur lui.
- Ce n’est pas d’aujourd’hui, d’ailleurs, que la question s’est posée ; et déjà notre système d’enseignement porte les marques de cette préoccupation si commune chez les hommes de réflexion : bien des matières y ont été introduites qui se rapportent très directement à la culture morale-sociale. De plus, surtout pour notre enseignement secondaire, qui repose plus encore sur l’état d’esprit des maîtres que sur la lettre des programmes, il faut ajouter que le souci de donner cette culture est déjà beaucoup plus constant qu’on ne croirait à lire seulement les programmes officiels des études.
- Toutefois, beaucoup jugent que ce qui existe n’est pas encore suffisant, et réclament une nouvelle et plus apparente extension de l’enseignement moral-social.
- Ayant à rapporter l’état actuel de la question nous aurons d’abord à indiquer et à bien faire comprendre ce qui déjà existe de cet enseignement moral-social dans les études secondaires ; nous interrogerons ensuite les réformateurs, tout en faisant remarquer que plusieurs enfoncent des portes déjà plus qu’à demi ouvertes, ou bien, faute d’une suffisante connaissance de la nature et des conditions de l’enseignement secondaire, donnent à leurs propositions une forme qui les rendrait parfois plus nuisibles qu’utiles. Restant dans le domaine, de la pratique, nous n’aurons pas à tracer un plan de reconstruction systématique de tout notre enseignement secondaire, en vue d’y faire dominer un enseignement moral-social aujourd’hui sacrifié ; et peut-être de légers changements de forme nous sembleront-ils suffisants pour développer et préciser ce qui existe dès à présent, et pour en tirer tout le profit possible et désirable.
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- l’enseignement des sciences sociales.
- II
- l’enseignement moral-social dans les programmes actuels
- DE L’ENSEIGNEMENT SECONDAIRE
- 1° Nous parcourrons les programmes de l’enseignement secondaire des garçons et des jeunes filles.
- A. ENSEIGNEMENT SECONDAIRE DES GARÇONS
- Il se divise aujourd’hui en deux branches : 1° L'enseignement classique, enseignement de culture générale exclusivement, qui se termine à 17 ans en moyenne, et dont l’idée maîtresse est d’employer à la formation de l’esprit les études qui semblent le mieux faites pour lui donner de bonnes habitudes de travail et de méthode, du goût, et de l’initiative intellectuelle ; 2° l'enseignement moderne, qui dure un an de moins ; secondaire, parce qu’il vise aussi une culture générale de l’esprit, mais que le souci plus direct de la préparation professionnelle dispose à choisir certaines études, telles que celle des langues vivantes ou celle des sciences appliquées, comme moyens de cette culture générale, ou bien mêle de cours destinés à fournir des notions d’utilité immédiate. C’est là, du moins, la définition approximative la moins inexacte que l’on puisse donner de ces deux enseignements, souvent remaniés, modifiés par des emprunts mutuels, par l’introduction, dans le premier, de préoccupations utilitaires ou par le développement, dans le second, d’études purement désintéressées. Pour l’objet qui nous occupe, il suffira de noter que certaines questions qui figurent aux programmes de l’enseignement moderne et qui manquent dans ceux de l’enseignement classique n’ont été introduites dans le premier que sous l’influence du principe utilitaire.
- a) ENSEIGNEMENT CLASSIQUE.
- Relativement aux questions morales-sociales, comme sur la plupart des points, les indications fournies par les programmes de l’enseignement classique sont très générales : aucun chapitre spécial n’y est consacré à l’étude de telle ou telle branche distincte des sciences sociales, comme l’économie politique et le droit. L’enseignement moral-social s’y présente sous deux formes : il est analytique et critique dans le programme de morale en Philosophie et en Mathématiques élémentaires ; il est historique dans le programme d’histoire commun à ces deux classes. De plus, il tient tout entier dans les programmes de ces classes, qui sont les deux branches de la bifurcation établie après la Rhétorique, et dans la dernière année de l’enseignement classique, entre la voie qui mène aux
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- études littéraires, juridiques ou médicales, et celle qui conduit aux études scientifiques.
- Examinons rapidement ces programmes :
- 1° Le programme de morale en Philosophie est ainsi conçu :
- Principes de la morale. Conscience, bien, devoir. Examen des. doctrines utilitaires. Responsabilité, sanction.
- Les devoirs. Devoirs envers soi-même : sagesse, courage, tempérance. Dommages,, causés par l’alcoolisme à la race, à la famille, à la société, au pays.
- Devoirs envers nos semblables : 'le droit et la justice, la charité.
- Devoirs particuliers envers la famille : l’éducation.
- Devoirs envers la patrie : obéissance aux lois. L’éducation des. enfants. L’impôt. Le vote. Le service militaire. Dévouement à la. patrie.
- Les rapports de la morale et de l'économie politique. Le travail. Le capital. La propriété.
- Influence de l’alcoolisme sur l’appauvrissement et le plus souvent sur la misère de l’individu et de la famille. Effet sur la richesse publique. Ce (que l’alcoolisme coûte à la France. Autres effets : criminalité, suicide, accidents du travaiL
- On voit que la part faite par ce programme à la morale spéculative ou même à la morale purement individuelle est, en somme, assez restreinte. La morale sociale y figure sous différentes formes : morale humaine, morale domestique, morale civique.
- Sur ces différents points, le programme donne des indications sommaires ; mais ce sont des têtes de chapitres que les professeurs, doivent développer selon les nécessités de l’enseignement. Le programme a même été, dans la dernière révision d’ensemble, en 1884, déjà simplifié selon ce principe très juste qu’il ne doit contenir que des directions d’ensemble. Récemment un écrivain i s’étonnait qu’on eût fait à cette époque une réforme à contresens, en supprimant le chapitre spécial intitulé Notions d'économie politique. Il y a là une erreur de fait : on a spécifié, lors de cette simplification, que les questions qui disparaissaient comme questions distinctes, subsistaient, en réalité, dans le cours ; et c’est ainsi que tous les principes de l’économie politique restent contenus dans ces trois mots : le travail, le capital, la propriété. Il en est de même des principes du droit, qui n’ont jamais fait l’objet d’un chapitre distinct, mais qui se trouvent impliqués sous cette rubrique : le droit et la justice.
- N’oublions donc pas que des programmes détaillés ont souvent pour résultat de multiplier les formules et les règles à apprendre,
- 1. M. A. Bertrand.
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- les mots et non les faits, et de noyer les idées essentielles sans accroître la vertu pratique de l’enseignement ; ce n’est qu’en vue d’une immédiate application, ou lorsqu’il s’agit d'acquérir des notions superficielles qu’on peut procéder ainsi ; ainsi plus nous nous éloignerons d’un enseignement approfondi, lentement éducatif, plus les programmes se compliqueront ; ils sont singulièrement plus longs sur les mêmes objets dans l’enseignement primaire que dans l’enseignement secondaire. Mais cela ne veut pas dire que l’enseignement secondaire s’en tienne aux généralités : concentrant son effort sur quelques points, le professeur a d’autant plus d’occasions et de facilités pour éclairer sa pensée par des exemples concrets, empruntés aux questions du présent : comment, par exemple, trai-terait-il de la question du travail, du capital, de la propriété, sans poser quelques-uns des problèmes relatifs à l’organisation économique des sociétés modernes ?
- Il faut même ajouter que, s’il y a dans le programme que nous examinons quelque chose d’anormal, et qui porte la marque d’une origine tout empirique et occasionnelle, ce sont les longues indications qu’il consacre à une question très spéciale, celle de l’alcoolisme. On peut dire que l’arrêté qui a récemment introduit cette question dans les programmes n’a pas rapproché l’enseignement de la morale de la vie réelle, et n’a pas accru sa valeur sociale : car l’exemple de l’alcoolisme est un de ceux qui, depuis longtemps, se présentent le plus naturellement à l’esprit du professeur de philosophie, lorsqu’il se propose de faire connaître les obstacles que rencontre dans l’individu ou dans la société l’application des principes moraux. Si cette modification avait eu un effet sensible, elle aurait simplement rapproché l’enseignement de la morale en philosophie de celui qui se donne à l’école primaire, c’est-à-dire qu’elle l’aurait abaissé de quelques degrés en faisant appliquer à des jeunes gens munis déjà d’une culture élevée des méthodes d’instruction suffisantes, à la rigueur, lorsqu’il s’agit d’enfants qui n’ont reçu encore et ne recevront plus tard qu’une culture plus sommaire.
- Cet exemple nous montre qu’il ne faut pas juger trop vite de la valeur d’un programme, par les mots et les formules qui s’y rencontrent, et sans tenir compte du sens que ces mots prennent dans leur milieu, ou de la valeur qu’ont ces formules pour les maîtres chargés de les développer.
- 2° Le programme de morale en Mathématiques élémentaires n’est pas, en dépit des différences de forme, sensiblement différent d’esprit de celui de la classe de philosophie : il est seulement déjà un peu plus détaillé sur les points qu’il retient, c’est-à-dire qu’il suppose que les questions étant un peu moins approfondies, il devient nécessaire de fournir explicitement aux élèves un plus grand nombre de notions définies, afin de retrouver partiellement en étendue ce qu’on perd en profondeur. On peut remarquer, d’ail-
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- leurs, que, par ce caractère, ce programme nous rappelle ses origines : il a été fait, en réalité, pour l’enseignement moderne, et même pour l’ancien enseignement spécial ; et c’est pour cette raison aussi qu’on n’y retrouve pas les indications relatives aux questions économiques inscrites au programme de philosophie, l’économie politique faisant, dans cet enseignement, l’objet d’un cours distinct.
- Nous reproduirons simplement ici ce programme sans y ajouter de commentaires :
- Les faits de l'ordre moral. Leurs caractères propres ; la liberté, la responsabilité. La personnalité morale.
- Les fins de la vie humaine. Le bonheur, l’utilité, le devoir ; Platon, les Stoïciens, Kant.
- L'individu. Devoirs envers la personne morale. La dignité humaine.
- La famille. Sa constitution morale. Esprit de famille. L’autorité dans la famille.
- La société. Le droit et les droits. Respect de la personne dans les autres hommes. L’esclavage, le servage, les abus de pouvoir. Respect de la personne dans ses croyances et ses opinions, liberté religieuse et philosophique, tolérance. Respect de la personne dans ses biens. Principe de la propriété.
- La justice et la charité. Formes diverses de la charité. Le dévouement.
- La patrie, la nation, ce qui la constitue. La puissance publique. L’État et les lois. Fondement de l’autorité publique. Le gouvernement. Devoirs et droits des gouvernants.
- Sanction de la morale. Dieu. La religion naturelle.
- 3° Si l’on concède que ces programmes contiennent déjà les principes d’un enseignement moral-social très fructueux, et même très étendu, on peut penser, cependant, qu’à cet enseignement il ne faut pas seulement donner pour base la réflexion et l’analyse, mais aussi l’histoire, et qu’il ne prend toute sa valeur d’enseignement civique que si les idées qui l’inspirent et les questions qu’il pose sont expliquées par leurs origines et par leur rôle dans le passé.
- Lisons donc les programmes d’histoire contemporaine, communs aux deux classes de Philosophie et de Mathématiques élémentaires. Voici ce qu’on y trouve comme conclusion.
- Développement et transformation des principes de 1789.
- Liberté politique. Régime constitutionnel ; principales formes de gouvernement dans le monde actuel.
- Liberté religieuse. Liberté des cultes, suppression des religions d’Etat
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- Respect de la personnalité humaine. Abolition de la traite, de l’esclavage, du servage.
- Idées démocratiques et questions sociales. Suffrage, instruction populaire, service militaire obligatoire. Socialisme ; organisation du travail.
- Mouvement intellectuel. Esprit d’observation dans la littérature et dans l’art. L’érudition. Les sciences.
- Industrie et commerce. Généralisation de l’emploi de la vapeur et de l’électricité. Multiplication des voies de communication à travers le monde. Protection et libre-échange. Traités de commerce et conventions internationales. Expositions universelles.
- Expansion de la civilisation européenne. Exploration. Distribution des principales langues européennes à la surface du globe.
- Résumé du rôle de la France dans l'histoire politique, sociale et intellectuelle depuis 1789.
- Il y a là tout un enseignement civique, où se retrouvent les grandes questions sociales du temps présent, et qui doit donner à l’élève comme la base concrète des réflexions que l’enseignement philosophique lui permet, en même temps, de traduire en idées générales et en principes d’action.
- Enfin, nous ferons remarquer que l’enseignement classique retient jusqu’au bout à peu près tous les enfants qui le reçoivent ; si bien que la population scolaire des deux classes de Philosophie et de Mathématiques élémentaires n’est pas sensiblement inférieure à celle de la classe de Sixième classique. Placer ainsi l’enseignement distinct et régulier de la morale dans la dernière année du cours d’études, c’est donc le donner à tous dans les conditions les plus favorables de pleine maturité d’esprit et de jugement. Or nous ne devons pas oublier que ce qui fait la valeur de cette morale, c’est que ses principes sont fondés en raison ; ils ne doivent pas agir à la façon d’une autorité purement traditionnelle par l’habitude ou par la crainte, mais entraîner l’adhésion de toute pensée qui réfléchit.
- h) enseignement moderne.
- La classe finale, la Première, dans la section des lettres, contient le cours de philosophie, et par suite l’enseignement de la morale, selon le programme que nous avons analysé. Dans les deux sections scientifiques se retrouve le cours de morale de la classe de Mathématiques élémentaires. Les trois sections, enfin, suivent le cours d’histoire contemporaine et d’enseignement civique dont nous avons parlé plus haut.
- Mais voici des différences.
- Dans la classe de Quatrième moderne, on fait un cours de morale pratique, dont voici le programme :
- Notions préliminaires. — Premières données de la conscience.
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- Devoirs domestiques. — Devoirs des enfants envers les parents. Devoirs des parents envers les enfants. Devoirs des frères et sœurs.
- Devoirs sociaux. — Respect de la vie humaine. Respect de l’honneur et de la réputation. Les outrages, la calomnie, la médisance. Condamnation de la calomnie et de l’envie. Respect de la propriété. Le vol et la fraude sous toutes ses formes. Caractère sacré des promesses et des contrats. Équité. Reconnaissance. La bienfaisance : l’aumône, l’obligation d’assister ses semblables dans le péril, le dévouement, le sacrifice. Devoirs de l’amitié. Respect de la vieillesse, des supériorités' morales. Devoirs à l’égard des animaux. Devoirs réciproques des maîtres et des serviteurs.
- Devoirs civiques. — La patrie et le patriotisme. L’obéissance aux lois, le respect des magistrats, l’impôt, le service militaire, le vote.
- Devoirs personnels. — Devoir de conservation personnelle. Le suicide. Principales formes du respect de soi-même ; tempérance, prudence, courage. Respect de la vérité : sincérité vis-à-vis de soi-même. Devoir de cultiver et de développer toutes nos facultés. Le travail ; sa nécessité, son influence morale.
- Devoirs religieux et droits correspondants.
- Programme très détaillé, on le voit ; table des matières d’une sorte de catéchisme laïque analogue à ce qu’est l’enseignement moral à l’école primaire. R s’agit ici, en effet, d’enfants jeunes encore, auxquels on ne peut guère demander de comprendre et d’approfondir, et qu’il faut se contenter de promener à travers les idées qu’on veut leur faire connaître, en leur montrant beaucoup de choses, de façon qu’il leur reste dans l’esprit quelques impressions. Ce cours est un legs de l’ancien enseignement spécial, plus court que l’enseignement moderne, et qui, de tendances presque exclusivement pratiques, était comme un intermédiaire entre l’enseignement primaire et l’enseignement secondaire. Dans l’enseignement moderne, en 1891, il a été avancé d’une année, mais conservé, malgré la présence du cours de morale en Première : la principale raison de ce maintien, c’est sans doute que l’enseignement moderne ne garde jusqu’au bout qu’un nombre relativement très faible des élèves qu’il avait en Sixième ; la plupart font quatre ans, cinq ans au plus, et ne vont pas jusqu’en Première : il peut donc être utile de leur donner, en dehors de cette classe, un enseignement moral approprié à leur âge.
- Jusqu’ici, nous n’avons rien trouvé dans l’enseignement moderne qui n’eût son équivalent dans le classique. Tout au plus nous a-t-il paru que dans le moderne les programmes gagnaient un peu en étendue, et perdaient en profondeur, ayant pour objet une culture moins complète, et, par sa clientèle, sinon par la conception qui a présidé à ses derniers remaniements, des visées plus directement professionnelles.
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- Nous ne pouvons qu’être fortifiés dans cette opinion, si nous examinons maintenant les programmes extrêmement développés des cours de droit et d’économie politique, en Première (lettres et sciences).
- Ces programmes sont trop étendus pour être reproduits ici en détail : en voici les grandes divisions.
- Droit. — Introduction : Le droit. Le droit naturèl et le droit positif. La morale et le droit. Divisions du droit.
- 1° Droit public : 1. Droits garantis aux citoyens. — 2. Les pouvoirs publics. — 3. Organisation administrative. — 4. Organisation judiciaire. — 5. Idée générale du droit criminel.
- 2° Droit civil : 1. Les personnes et la famille : nationalité. Constitution de la famille. Protection des incapables. Constatation des principaux faits de la vie civile. Notion de la personnalité civile. — 2. Les biens : la propriété. Droits de créance. Moyens de crédit. — 3. Les successions. — 4. Comment on définit les droits.
- Economie politique. — Introduction : But : rapports avec les autres sciences, divisions.
- 1° Production de la richesse. Les éléments de la production : la terre et les agents naturels, le travail et l’industrie. Le capital.
- 2° Distribution de la richesse. La propriété. Les conventions : le fermage, la part du capital, la part de l’entrepreneur, la part de l’ouvrier. La question de la population.
- 3° Circulation de la richesse. L’échange. La monnaie. Le crédit. Le commerce intérieur et extérieur.
- 4° Consommation de la richesse. L’épargne. Le luxe.
- 5° Application de l'économie politique à la législation fijiancière. Impôt, budget.
- Si l’on songe que nous ne donnons là que des têtes de paragraphe, on sera un peu effrayé de l’abondance des matières que représente ce programme ; et on se demandera comment il est possible, en une heure et demie (en moyenne) par semaine, de donner cet enseignement, et surtout de le développer dans l’esprit qu’indique la note qui s’y trouve jointe, et que voici : « Le professeur évitera de donner à l'enseignement un caractère trop abstrait. En ce qui concerne le droit, il devra s'attacher à familiariser les élèves avec les institutions juridiques et avec les principes généraux qui dominent la législation. En économie politique, il initiera les élèves, dans la mesure que leur âge comporte, à la connaissance des faits économiques et sociaux, en insistant sur les lois générales qui s'en dégagent. » On sait, en effet, que nos programmes ne sont pas seulement indicatifs, mais impératifs, sinon en ce qui concerne l’ordre à suivre, du moins pour ce qui est des sujets à traiter : et la seule définition de toutes les notions indiquées, en dehors de tout
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- effort pour en dégager le sens et les principes, peut prendre largement tout le temps disponible : or qu’y a-t-il de plus abstrait et de moins utile qu’une série de formules définissant successivement chacun des rapports juridiques et chacun des faits économiques ?
- Si l’on veut vraiment donner l’esprit du droit et de l’économie sociale, c’est-à-dire former des esprits capables de se diriger aisément dans les études juridiques ou économiques qu’ils pourront avoir besoin de poursuivre ; ou simplement, comme citoyens, de se faire une opinion juste sur les conditions principales de la vie sociale, ce n’est assurément pas ainsi que l’on procédera ; mais plutôt on choisira un ou deux points qu’on étudiera plus à fond, en s’appuyant sur eux comme sur des exemples pour faire comprendre et sentir les principes. L’enseignement ainsi conçu existe, nous l’avons vu, dans la classe de Philosophie ; et il est donné dans cette classe aux élèves de Première moderne (lettres) qui la suivent, comme aux élèves de l’enseignement classique.
- Aussi est-il impossible que ces cours de droit et d’économie politique soient autre chose qu’un ensemble de notions très sommaires données dès l’école à des jeunes gens qui, pour la plupart, ne les retrouveront pas dans la suite, comme objet d’études personnelles plus approfondies (l’enseignement moderne n’ouvre pas l’accès des facultés de droit), et auxquels il importe de donner quelques clartés de tout. Nous n’y pouvons voir un instrument de culture, même de culture sociale. De fait, cet enseignement est en beaucoup d’établissements confié à un avocat, et il se réduit souvent à apprendre et à répéter un manuel. S’il est complet, nous croyons qu’on n’en peut guère espérer d’autre résultat ; s’il. se réduit à quelques questions et les approfondit, il fait double emploi avec certains chapitres du cours de philosophie.
- B. ENSEIGNEMENT SECONDAIRE DES JEUNES FILLES
- L’objet de cet enseignement diffère à la fois de celui de l’enseignement classique et de celui de l’enseignement moderne : moins approfondi que le premier, et visant moins le développement de l’initiative intellectuelle, il n’est pas, comme le second, traversé d’un courant utilitaire, et fait pour donner un certain nombre de notions d’application immédiate. Il est naturellement adapté à la condition de la femme et à son rôle dans la société, et destiné à lui permettre de tenir dignement sa place dans la famille, qui est son vrai milieu, ou dans le monde, en lui donnant, sur des notions simples et bien choisies, une culture moyenne assez étendue, mais sans confondre avec cette culture une érudition superficielle. La récente révision des programmes de cet enseignement (1897) a eu pour but principal de corriger sur plusieurs points ce défaut auquel échappent difficilement des programmes rédigés par des hommes de haute
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- culture, mais qui n’ont pas toujours la pratique ou le sens de l’enseignement, et appliqués par des maîtres qui ne voient pas toujours d’assez haut, et s’astreignent ou même sont trop poussés à s’astreindre à la lettre des programmes.
- L’enseignement moral-social est ici représenté par un cours de morale, en troisième et en quatrième année ; en cinquième année, par un cours de psychologie appliquée à la morale et à l’éducation et par quelques notions de droit usuel.
- 1° Morale. 1. — Le cours de troisième année est purement pratique : « Il doit, dit la note placée en tête des programmes, se proposer de provoquer la réflexion, d'éclairer et de fortifier le sentiment, de développer le sens de la vie morale. Méthodique et suivi quant au fond, ce cours sera varié de forme, entremêlé de lectures et de récits, et animé par la part directe que les élèves seront invités à y prendre. » Et, comme procédé pratique pour arriver à ce résultat si désirable, on indique la dictée à l’avance d’un sommaire sur lequel les élèves seraient appelées à réfléchir. Pour mieux marquer le caractère éducatif et concret de cet enseignement, on ajoute qu’il est désirable qu’il soit donné par les directrices.
- Nous ne reproduisons pas le programme lui-même : il est analogue, dans son contenu, à celui de la Quatrième moderne ; il en diffère seulement parce qu’il insiste sur les devoirs de la femme. (Rôle de la femme et de la jeune fille au foyer domestique. La charité chez l’enfant et la jeune fille. Les devoirs des femmes pendant la guerre. Lés vertus féminines.)
- 2. — Déjà plus élevé et plus théorique, le programme de morale en quatrième année est encore très concret dans son esprit. Il comprend deux parties : l’une théorique, très courte, l’autre historique, plus étendue, mais singulièrement améliorée depuis 1897 par la substitution à des leçons critiques sur les systèmes de la lecture et du commentaire des plus belles pages des moralistes.
- Voici ce programme :
- I. — La conscience morale et l’idée de devoir. Part à faire au sentiment, à l’intérêt, au désir du bonheur dans la vie morale. La vertu. La responsabilité morale. Les sanctions. L’idée du droit. La personne humaine et ses principaux droits.
- II. — Les grandes idées morales et les grands moralistes. Moralistes anciens. Socrate : les lois non écrites ; la famille ; le travail ; la Providence. Platon : le sentiment de l’idéal ; la justice, le châtiment : Aristote : la vertu et le bonheur, l’amitié, les vertus pratiques, l’éducation. Les Stoïciens : Epictète, Marc-Aurèle : le devoir, la liberté, la force d’âme, l’amour des hommes.
- Moralistes modernes. Montaigne, Descartes, Pascal, Bossuet, Nicole : pages choisies. La philosophie morale au xviii® siècle : le
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- droit, la justice, la tolérance. Kant : le devoir absolu, le respect, la personne morale, le mensonge, les croyances nécessaires impliquées par la vie morale. La philosophie morale au xixe siècle : l’humanité, la solidarité.
- 2° Psychologie appliquée à la morale et à l'éducation. Le cours de psychologie ainsi entendu a une portée vraiment morale et sociale : le rapport de la commission de 1897 le distingue nettement et justement du cours de psychologie dans les lycées de garçons ; celui-ci, plus approfondi, est mêlé de questions scientifiques et métaphysiques, ou de problèmes historiques. Il ne tient pas toutefois dans ces questions ; et, pour se rendre compte de tout ce qui a trait à l’enseignement moral-social dans les lycées de garçons, on doit ajouter à ce que nous avons déjà dit que le professeur de philosophie insiste, dans toute la psychologie, sur ses conséquences pratiques et sur ses conditions sociales : ce sont là pour lui des exemples qui éclairent et précisent les idées générales et les principes auxquels il remonte. Dans l’enseignement des jeunes filles, la partie théorique de cet enseignement disparaît, comme dépassant le niveau de culture désiré : « Toute psychologie scientifique, toute métaphysique est exclue » ; on ne retient que les idées « d'un caractère pratique, celles qui peuvent servir à une étude élémentaire de la vie de l'âme en vue de la morale et de l'éducation de soi-même et des autres. Apprendre à connaître les formes si diverses que revêt la vie morale selon les individus, compléter de façon un peu plus méthodique, mais guère plus abstraite, ce côté de l'éducation littéraire, c'est là le résultat auquel vise le programme. »
- Aussi, bien qu’il soit très détaillé, ce qui ne nous permet pas de le reproduire en entier, ne peut-on pas lui reprocher un abus de formules. Les indications qu’il donne doivent uniquement servir de canevas aux professeurs, qui n’ont pas en mains des livres faits pour eux : et la liberté leur est laissée d’adapter ce programme à leur mesure personnelle : l’essentiel est de le rendre vivant, non de le traiter en entier, également dans toutes ses parties.
- Ces indications sont le meilleur moyen, si elles sont suivies, de parer aux défauts d’un programme très détaillé. Cependant, maintenant que des livres ont été faits, et qu’il ne s’agit plus d’un enseignement tout nouveau, nous croyons qu’on éviterait plus sûrement la mauvaise application du programme en le réduisant de beaucoup.
- Voici ses principales divisions :
- I. La conscience.
- II. Différents aspects de la vie de l'âme. Le cœur, le caractère et l’esprit.
- III. Le cœur. Inclinations personnelles, inclinations sympa-
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- thiques, inclinations supérieures ; développement des inclinations ; les passions, les émotions.
- IV. Le caractère. La physionomie morale de chaque personne, le degré de l’énergie et de la volonté, l’habitude.
- V. L'esprit. Qualités et défauts de l’esprit. Les sens, la mémoire, la loi d’association, l’imagination. Les facultés intellectuelles : abstraction, généralisation, raisonnement, raison. L’éducation de l'esprit. L’expression, la parole et l’écriture. L’erreur.
- VI. Conclusion. Action du physique sur le moral et du moral sur le physique.
- B° Notions de droit usuel.
- « Ce cours, dit une note jointe au programme, doit avoir un but essentiellement pratique. Le professeur s'interdira les discussions abstraites, les commentaires et les analyses qui ne conviennent qu'à des juristes. Après avoir établi le caractère et l'autorité de la loi, pour en inspirer le respect, il développera surtout les points dont la connaissance peut être plus particulièrement utile à une femme. »
- Le programme lui-même est beaucoup moins étendu que celui de la première moderne ; nous ne le donnerons pas cependant, la commission de 1897 ayant exprimé le vœu qu’il fût encore simplifié. Il vise en somme, surtout, à donner à la femme quelques notions d'ensemble sur le droit, et particulièrement sur ses droits. Il insiste, en effet, sur les points suivants : à propos de la famille et de la condition des personnes, sur le mariage, les conventions matrimoniales, la puissance paternelle, la tutelle : à propos des successions, sur les donations entre époux, les partages d’ascendants : à propos des obligations, sur l’hypothèse légale des femmes mariées.
- L’esprit dans lequel ces programmes ont été récemment remaniés est excellent : il est très nettement spécifié que les programmes sont un simple cadre qui doit rester très souple et qui perd toute sa valeur, dès que chaque partie en est également développée, lorsque toutes, par conséquent, sont développées d’une façon insuffisante, purement didactique et abstraite. Il est à souhaiter que les maîtresses chargées de donner cet enseignement soient formées elles-mêmes dans cet esprit, et puissent dominer d’assez haut leur enseignement pour éviter les formules qui ne sont que des formules, et le systématisme qui, quelle qu’en soit l’inspiration, dessèche et stérilise des leçons qui doivent rester vivantes pour être vraiment efficaces.
- 3. — Cette rapide revue des programmes nous permet déjà de conclure que l’enseignement moral-social tient plus de place qu’on ne le croit parfois dans notre enseignement secondaire ; et que, diversement adapté aux fins différentes de l’enseignement classique, ou de l’enseignement moderne, ou de l’enseignement des jeunes filles, il est, ou peut être très développé partout.
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- De plus, il suit des remarques que nous venons de faire que l’étendue d’un programme ne peut donner la mesure réelle de son importance ; si, par exemple, pour la morale pratique, le droit, l’économie politique, les programmes de l’enseignement moderne sont beaucoup plus détaillés que ceux de l’enseignement classique, ce détail même facilite et quelquefois impose une étude plus superficielle, plus purement verbale de ces questions. Prenant les programmes actuels de morale en philosophie et développant les indications qu’ils renferment, les appuyant sur des faits, sur l’analyse des questions concrètes, hors desquelles les idées se soutiennent mal, le professeur qui sait son métier doit en tirer un ensemble très important de notions élémentaires relatives à tous les grands problèmes moraux et sociaux.
- Il est vrai que, à côté de ces notions bien comprises et assimilées, il est parfois nécessaire, surtout dans l’enseignement moderne, de faire une place à des indications plus sommaires, et comme à une énumération d’idées 'sur lesquelles on n’exerce pas très solidement la réflexion. Mais cette fâcheuse nécessité n’existe que dans la mesure où l’enseignement n’est plus proprement secondaire, c’est-à-dire destiné à donner aux esprits une culture générale et approfondie, mais se trouve assujetti à des besoins de pratique immédiate, par conséquent déjà professionnel et réduit à procéder plus hâtivement et de façon plus imparfaite.
- III
- l’enseignement moral-social diffus dans l’enseignement secondaire
- Les conclusions qui précèdent nous amènent à élargir la question. Nous nous sommes jusqu’ici restreint de propos délibéré à l’examen des parties de nos programmes qui contiennent un enseignement moral-social direct et régulier ; mais nous venons de dire que l’importance de cet enseignement ne se mesure pas à l’étendue des programmes, et dépend aussi, soit de la pensée qui préside au développement de ces programmes, soit de l’enseignement lui-même, c’est-à-dire à la fois de la maturité et de la liberté d’esprit des élèves et de l’aptitude du maître à dominer son sujet, de sa science autant que de son zèle et de son habileté pédagogique.
- Ces remarques nous rappellent que l’enseignement dont nous parlons n’existe pas et ne doit pas seulement exister dans les cours qui lui sont spécialement et expressément consacrés. La morale n’est pas distincte de la vie ; et les problèmes sociaux ne se posent pas dans des cas que l’on aurait d’avance définis ; ce qui est vrai d’une science abstraite ne l’est plus ici : sens moral et sens social
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- sont d’usage quotidien, d’application constante, et peuvent et doivent, dès lors, pénétrer tous les enseignements, parce que l’un comme l’autre a des rapports directs avec les objets de tous les enseignements.
- Il y a donc un enseignement diffus des choses de cet ordre ; et c’est par lui que tout d’abord les idées morales et sociales ont pris une large place dans les études secondaires. Souvent on a pu croire, quand on en a réglementé l’étude, qu’on la créait de toutes pièces : c’est là une profonde erreur ; et tous ceux qui connaissent non pas seulement l’Université d’aujourd’hui, mais celle d’hier, savent quelle grande place tenait, au milieu de circonstances parfois défavorables, dans ses préoccupations et dans son action quotidienne sur les élèves, le souci du maintien et de l’expansion continue des idées libérales et rationnelles en matière morale et sociale.
- Nous devons donc définir les divers modes de cet enseignement diffus, et indiquer les raisons de son efficacité.
- On admet volontiers la vertu de l’enseignement diffus, soit pour le développement de la moralité individuelle, soit pour la formation de la réflexion ; et, comme la force sociale dépend dans une large mesure de l’état de la moralité individuelle, ainsi que des bonnes habitudes de la pensée, on admet aussi une action indirecte de tout renseignement sur la formation de l’homme social. Tout ce qui exige l’effort, tout ce qui en donne la pratique et le goût, tous les exercices scolaires qui ne reposent pas seulement sur une machinale répétition de mots ânonnés sans être compris, préparent la pensée et l’homme à toutes les initiatives, et ont ainsi une haute vertu morale et sociale.
- Mais ce qu’il faut dire surtout, c’est qu’une classe n’est pas une salle où, à heure dite, un monsieur vient s’asseoir en chaire devant un groupe d’enfants, fait une leçon, ou en fait réciter une, distribue quelques avertissements et quelques punitions, puis, quand sonne l’heure, se lève et s’en va. Une classe est une chose vivante, où l’esprit du maître ni celui des élèves ne sont pas toujours tendus vers le cours à faire ou à écouter, vers l’interrogation à poser ou vers la réponse à donner, où il se fait, où il peut se faire, d’autant plus que les programmes sont moins touffus et moins tyranniques, où il s’est fait autrefois, où il se fait encore maintenant un échange plus familier d’idées, où les cours laissent place à de fréquentes digressions, qui ne sont pas seulement un délassement pour l’esprit, mais un profit de premier ordre, et qui, du programme et de ses indications générales, de la formule apprise, du texte expliqué et des idées ou des sentiments qu’il exprime, des événements de l’histoire, inclinent insensiblement vers des leçons très fructueuses de morale pratique, vers toutes les questions qui touchent à la vie, à l’homme, au présent même.
- Dirigées par de libres esprits, qui n’ont pas eux-mêmes à faire
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- un effort pour apprendre ce qu’ils ont à enseigner, et qui, capables de s’élever beaucoup plus haut que leur enseignement, ont, au contraire, un effort à donner pour ajuster constamment leur science au niveau d’esprit de leurs élèves, les classes ne sont pas exceptionnellement, elles sont toujours une préparation directe à la vie morale et sociale.
- Et l’enseignement qu’elles donnent est tel que rien n’y pourrait suppléer ; que vaudraient des cours de morale ou de sciences sociales, si l’esprit de l’enfant n’était préparé de longue date à se poser déjà, sans les avoir rapprochées encore entre elles, organisées, bien définies, les questions morales ou les questions sociales ?
- Le professeur de philosophie, qui peut choisir un ou deux exemples pour rendre bien sensible la portée des principes qu’il expose, verrait son action singulièrement diminuée, moins profonde et moins durable, si l’idée qu’il énonce et l’exemple qu’il cite n’en évoquaient dans la pensée de l’élève mille autres que lui ont fait entrevoir auparavant le professeur de lettres ou le professeur d’histoire. Quelques-unes des réformes faites, beaucoup des réformes proposées dans ces vingt dernières années ont eu le défaut de pousser à la stricte et uniforme application de programmes, trop détaillés, de généraliser trop tôt les cours réguliers, qui deviennent alors très facilement de simples répertoires de formules, de diminuer aux yeux des enfants la valeur d’exercices, tels que les exercices littéraires, qui pouvaient développer chez eux les idées, par la voie du sentiment et peuplaient leurs esprits d’impressions encore naïves, mais appropriées à leur âge et propres à servir, le moment venu et la réflexion mieux mûrie, de point d’appui solide à des idées vraiment vivantes.
- De telles réformes ne peuvent que nuire à l’enseignement moral-social ; et si même on le développait beaucoup plus qu’il ne l’est, en lui consacrant des cours suivis, on l’aurait singulièrement affaibli, si on ne développait aussi, si on ne favorisait par tous les moyens cet enseignement diffus, .qui seul peut le préparer, qui doit toujours, lorsqu’il s’agit d’une morale fondée en raison, le précéder et en insinuer les principes dans les âmes en les faisant découvrir dans des cas particuliers, quand il n’est pas encore possible d’en faire comprendre la valeur rationnelle et l’universalité.
- Notre première conclusion sera donc que, si l’on juge notre enseignement moral-social insuffisamment efficace, un des meilleurs moyens de remédier au mal et d’en accroître la vertu, serait de le fondre plus complètement avec le reste des études, surtout au début, et de diminuer la part des enseignements qui se donnent en leçons suivies. Placés trop tôt, ces enseignements, à moins de qualités d’esprit exceptionnelles chez les maîtres, aboutissent à mécaniser et comme à figer l’intelligence de l’enfant, et la laissent moins propre à recevoir plus tard une sérieuse culture morale et.
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- sociale. Parmi ces enseignements prématurés et déplacés, nous rangerions en particulier les cours distincts sur les problèmes de la morale théorique et pratique.
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- MODIFICATIONS PROPOSÉES DANS L’ENSEIGNEMENT MORAL-SOCIAL
- L’exposé qui vient d’être fait, tout en faisant connaître l’état actuel de l’enseignement moral-social dans l’enseignement secondaire, nous facilitera notre tâche dans l’examen des réformes que l’on propose d’apporter à cet enseignement, en vue de le rendre plus complet et plus efficace.
- Il serait trop long d’analyser ici les innombrables propositions qui ont été faites à ce sujet, non seulement dans les ouvrages ou les revues de pédagogie, mais dans la presse quotidienne, dans des brochures ou dans des conférences qui s’adressent au grand public. Au surplus, cette abondance de matériaux, si elle atteste l’intérêt que l’on prend un peu partout à cette question, n’en pourrait guère préciser la position, ni avancer la solution ; et trop souvent, les idées suggérées, non pas seulement par des publicistes amateurs, mais par des lettrés ou par des philosophes, en même temps qu’elles marquent un vif désir de progrès, témoignent d’une très imparfaite connaissance de ce qui existe et aussi de ce qui est possible dans un enseignement secondaire : ce sont, en général, des solutions trop simples pour être applicables, des théories ingénieuses et subtiles qui se heurtent à de véritables impossibilités de fait.
- Il ne suffit pas d’avoir proclamé l’importance des problèmes moraux et sociaux pour avoir prouvé qu’un enseignement régulier et organisé de 1r morale et des sciences sociales doit être introduit partout, et qu’il faut, en quelque sorte, étaler tout le long de nos classes une suite de leçons doctrinales destinées à imprimer fortement dans l’esprit des élèves la connaissance des principes moraux ou juridiques ou des lois générales de la science économique.
- On n’aura pas encore justifié cette réforme quand on aura dit combien les jeunes gens, même après de fortes études, se montrent ignorants et parfois dédaigneux de certaines vérités morales et sociales élémentaires, qu’un homme cultivé, d’esprit libre, regarde avec raison comme des connaissances de première utilité et d’application constante.
- Nous croyons assurément que nombre de difficultés disparaîtraient, ou seraient sensiblement atténuées dans la vie nationale, si tout homme instruit possédait et acceptait quelques notions morales et sociales que la raison justifie ou que l’expérience constate ; et nous voyons bien que l’ignorance de ces notions ferme à un trop grand nombre de Français toute une série de questions
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- qu’ils doivent cependant concourir à résoudre, comme hommes et comme citoyens ; qu’elle les rend même indifférents à de redoutables vices sociaux, et fait d’eux le jouet des illusions décevantes et des erreurs que ne cessent de répandre les exploiteurs intéressés de la crédulité publique.
- Mais nous ne devons pas oublier que toutes ces constatations ne sont qu’une partie des facteurs du problème ; et que, si elles suffisent à le poser comme un problème de très haute importance, elles ne suffisent pas à nous en donner la solution.
- Pour prendre conscience du mal présent, pour s’apercevoir des lacunes de nos connaissances morales et sociales, il suffit d’observer sincèrement les faits ; pour corriger tout cela, il faut d’abord savoir exactement quelles sont ces idées dont l’absence cause le mal ; et déjà cette connaissance est malaisée. Sur quelques principes généraux l’accord sera facile entre tous ceux qui réfléchissent ; mais sur beaucoup d’autres il y a désaccord ; et ce premier travail de définition et de sélection, destiné à préciser les solutions, à séparer celles sur lesquelles on s’entend de celles que l’analyse laisse indécises et variables, ne se fait pas sans beaucoup de réflexion, et n’est pas à la portée de tous.
- Supposons même que nos moralistes et nos philosophes l’aient mené à bonne fin : quand nous connaîtrons le but idéal à proposer, nous n’aurons pas encore la moindre lumière sur les moyens qu’il est possible de mettre en œuvre pour s’en rapprocher. On peut bien décréter que les principes généraux de la morale ou de la vie sociale seront tels ou tels ; on peut décréter aussi qu’on passera tant d’heures à les enseigner et qu’on les enseignera de telle manière. Mais ce qu’on ne peut décréter, c’est que les enfants de tel âge seront capables de comprendre cet enseignement ; c’est qu’il produira sur eux tel effet déterminé, et qu’il leur donnera tel degré de culture, telles opinions sur tel point donné. Or, c’est précisément ce dernier point qui est pratiquement le plus important, puisqu’on ne veut pas seulement définir un idéal, mais obtenir, en s’appuyant sur cet idéal, des résultats. Et il faut bien dire que c’est ce point aussi que publicistes et théoriciens oublient le plus souvent ou discutent le plus légèrement. Il est vrai qu’en général ils sont assez mal préparés à l’étudier, et ne peuvent guère le traiter ; il leur manque la connaissance directe et prolongée de l’enfant et la pratique de l’enseignement. Un système social fondé sur l’autorité, désireux seulement d’assujettir les individus à des règles d’action imposées par contrainte, peut bien obtenir des résultats, sans se préoccuper beaucoup du choix et de la valeur des moyens qui y conduisent : il traite les âmes comme des choses, et ne craint guère d’en étouffer la spontanéité, d’en décourager l’initiative. Mais ce procédé simple est en opposition directe avec nos conceptions morales et sociales, avec toutes les raisons qui font à
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- nos yeux l’importance de la question, et qui nous font sentir vivement la nécessité d’un enseignement moral-social. Ce qui nous le rend indispensable, c’est que nous voulons fonder l’ordre social sur l’action consciente des membres de la société ; et, dès lors, c’est précisément leur initiative qu’il faut préparer et ménager avec le plus grand soin. C’est ce qui fait que les systèmes tout faits sont, à notre point de vue, singulièrement inefficaces ; et qu’en élevant aussi haut que possible la science de nos maîtres, afin de pouvoir compter sur leur indépendance, nous devons en dernière analyse nous en remettre à leur expérience d’éducateurs du soin de nous indiquer et les moyens qu’on peut employer pour développer l’éducation morale et sociale et la mesure dans laquelle on peut espérer par cette éducation améliorer notre situation morale et remédier à ses imperfections.
- Seulement, dès que nous posons la question en ces termes, nous sortons des théories trop simples destinées à détruire le mal jusque dans ses racines, et nous leur substituons des solutions progressives, moins simples, d’une moindre perfection logique, et qui plus modestement visent à corriger quelques défauts plus graves que d’autres ou plus faciles à reprendre.
- Nous laisserons donc de côté, sans grand regret, les plans de réforme, curieux parfois en eux-mêmes, qui ne reposent pas sur le souci et l’expérience personnelle de l’enseignement secondaire, et, tout en faisant remarquer que ces plans ne sont pas toujours inutiles et qu’ils peuvent suggérer des idées intéressantes, nous demanderons ces idées aux hommes compétents qui ont pu les mettre au point, pour les faire passer dans la pratique.
- Ici notre tâche sera facilitée par les discussions et par les votes du congrès des professeurs de l’enseignement secondaire qui, en 1899, avait inscrit à son ordre du jour la question de l’éducation morale dans l’enseignement secondaire.
- La discussion a paru d’abord assez confuse ; et quelques-uns des assistants ont pu croire qu’on était en présence de deux courants d’opinion tout à fait opposés ; d’un côté l’opinion dominante dans l’Université d’hier, confiante dans l’instruction pour donner à l’esprit un certain nombre de hautes qualités morales, et peu désireuse de fortifier cette culture morale par des moyens plus directs ou par une véritable éducation sociale ; de l’autre, l’opinion d’une partie de la jeune Université, convaincue de la nécessité de développer l’éducation morale laïque et rationnelle et du devoir de former les enfants qui lui sont confiés à leur rôle de citoyens d’un pays libre, désireuse, par conséquent, de voir préparer directement les maîtres à cette haute tâche d’éducateurs sociaux.
- Les deux thèses une fois définies, les exposés faits par ceux qui critiquaient l’esprit trop conservateur à leur gré de la première, ou par ceux qui, au contraire, dénonçaient le caractère utopique et
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- décevant de la seconde, ont encore exagéré cette opposition ; et on a pu croire que ceux-là désiraient qu’on établît dans toutes les classes un enseignement régulier et suivi de la morale et des sciences sociales ; que ceux-ci, au contraire, repoussaient toute réforme, et demandaient même qu’on revînt sur une partie de ce qui a été fait déjà en ce sens.
- Il a suffi que le malentendu fût signalé pour modifier, sinon les impressions nées de la discussion, du moins les résultats et les votes ; et c’est ce qui fait que des deux côtés on s’est attribué la victoire, et félicité des grosses majorités qui consacraient en résolutions précises un certain nombre d’idées importantes. Au fond, c’est que tous étaient d’accord pour reconnaître l’importance de l'enseignement moral-social, et pour en désirer le développement ; et c’est que la plupart pensaient aussi : 1° que cet enseignement tient aujourd’hui déjà une très large place dans nos classes, non pas seulement parce que la culture intellectuelle elle-même le soutient directement, mais parce qu’il est l’âme de nos leçons, et qu’il inspire constamment les relations d’un professeur avec ses élèves ; 2° qu’un enseignement détaché, réglementé, presque forcément abstrait des questions morales et sociales, irait, s’il se produisait prématurément, à l’encontre du but proposé et compromettrait, au lieu d’y aider, cette culture raisonnée, intelligente de l’être moral qui est le principal objet de l’enseignement secondaire.
- Cette dernière constatation s’est exprimée d’une façon très nette dans la formule suivante : Le Congrès repousse l'institution de cours théoriques réguliers et d'un enseignement spéculatif et critique dé la morale en ce qui concerne les classes inférieures à la Philosophie, à la Première Moderne et aux Mathématiques élémentaires.
- Mais, en affirmant aussi que la matière de l'enseignement et la manière dont il est donné doivent être orientées de plus en plus dans le sens d'une éducation morale et sociale, le Congrès a voulu indiquer quelques-uns des moyens qu’on pouvait mettre en œuvre pôur réaliser ce vœu ; et ses votes presque unanimes ont bien montré le vif désir d’amélioration qui se joignait ici à un grand sens des conditions de la pratique sdolaire.
- Les indications données se ramènent à trois points :
- 1° Dans les classes de Philosophie, Première Moderne, Mathématiques élémentaires, l’enseignement théorique de la morale et des questions sociales doit être développé.
- 2° A partir de la classe de Quatrième, des conférences de morale d’un caractère essentiellement pratique doivent être instituées en dehors des classes régulières.
- 3° On devra associer autant que possible les élèves à des œuvres de mutualité scolaire, tout en évitant tout ce qui ressemblerait à de la contrainte.
- Nous pensons que ces diverses résolutions pourraient servir de
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- base à des réformes pratiques de l’enseignement moral-social. Aussi, dans nos conclusions, nous nous contenterons de les développer et de les préciser, en nous aidant, pour le premier point, des réflexions que nous a suggérées l’analyse des programmes actuels ; pour les deux autres, des indications que peuvent fournir les quelques expériences qui ont déjà été tentées dans certains établissements d’enseignement secondaire.
- V. — CONCLUSIONS
- 1° L'enseignemenl moral direct.
- a) Sur ce point nous nous associerons d’abord aux conclusions du Congrès des professeurs, et nous pensons qu’il y aurait avantage à proscrire, avant la dernière année du cours d’études, tout enseignement séparé et général des questions morales et sociales. Avant l’âge où l’enfant peut commencer de réfléchir avec profit sur les principes de cet ordre, il faut pour que l’enseignement moral-social soit vraiment efficace, et pour qu’il en reste autre chose que des mots, qu’il soit étroitement lié aux exercices et à la vie même des classes. Ce sont des sentiments qu’il faut éveiller ; il sera bien plus malaisé d’y parvenir par des leçons suivies (surtout si elles sont données par un maître spécial), que par l’action intermittente de tous les maîtres : la formule ne doit pas être proscrite ; mais il faut que l’occasion la suggère, non qu’elle aille au-devant et qu’elle s’impose en forme de leçons : un enseignement diffus est celui qui réalise le mieux toutes les conditions désirables. Les indications que donnent à cet égard les programmes de l’enseignement des jeunes filles sont un premier pas dans cette voie, un exemple à suivre ; et nous voudrions que tout en développant ces idées dans les instructions, on fît disparaître le cours spécial de morale pratique en Quatrième moderne, ou qu’on le reportât en Troisième, en le réservant aux nombreux élèves qui achèvent leurs études avec cette classe, c’est-à-dire à ce qu’on appelle la Troisième moderne B.
- Dès à présent, le degré de culture et l’indépendance d’esprit du personnel enseignant assurent à cet enseignement diffus une place considérable : toute réforme qui, en simplifiant les programmes, accroîtrait la liberté qu’a le maître de se mouvoir dans les limites qu’ils lui indiquent, toute mesure qui réduirait au strict nécessaire la réglementation administrative uniforme du travail des classes, développeraient encore le rôle de cet enseignement, en laissant plus de loisir pour ces digressions utiles et pour ces échappées instructives vers la vie que tous les enseignements, surtout l’enseignement littéraire, rendent possibles à chaque instant.
- Enfin, nous admettons volontiers avec M. Alfred Fouillée que la tâche des professeurs se trouverait facilitée, si tous avaient reçu à
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- 'l’Université une très large culture philosophique et sociale. On pourrait dire que, dans l’état actuel des esprits, tous la prendraient, si elle était mise à leur portée ; et qu’il y aurait lieu de mieux organiser pour cet objet, notre enseignement supérieur; pour y parvenir, des créations nouvelles de chaires ne seraient pas très nécessaires ; mais il y faudrait une meilleure utilisation des ressources qu’il possède dès maintenant.
- b) Dans la classe de philosophie et celles qui lui sont assimilées, il devient possible, et utile par conséquent, de commencer, sous une forme élémentaire, l’étude analytique des questions morales-sociales. Cette étude figure déjà aux programmes ; on peut chercher les moyens d’en assurer le complet développement ; nous ne pensons pas que ces moyens soient très compliqués, ni surtout qu’ils exigent de profonds remaniements dans les programmes.
- Nous posons en principe, en effet, qu’il s’agit de donner un enseignement sérieux et raisonné, mais élémentaire, et que cet enseignement perdrait son efficacité en se dispersant sur un trop grand nombre de points. Il faut que par l’examen assez approfondi de quelques sujets, dans le choix desquels une latitude assez grande doit être laissée au professeur, on développe chez l’élève le goût des questions morales et sociales, et qu’on lui en donne déjà l’intelligence générale.
- Les programmes actuels de morale en philosophie pourraient être conservés presque sans changement, en y ajoutant seulement une indication spéciale relative aux principes de droit ; et en y joignant une note qui en montrerait l’esprit, et définirait la nature à la fois théorique et pratique de cet enseignement : ces légers changements rendraient superflue l’étude distincte des éléments du droit et de l’économie politique, sur un programme analogue à celui de la première moderne ; et, une fois assurée la valeur sociale, juridique, économique de l’enseignement moral en philosophie, nous n’hésiterions pas à retrancher les cours spéciaux relatifs à ces questions, ou à les réserver comme cours supplémentaires à ceux qui, sans faire plus tard d’études de droit, auraient besoin d’acquérir des notions sommaires sur les grandes questions du droit" et de l’économie politique.
- Pour assurer l’efficacité de cette petite réforme, il suffirait d’alléger un peu le programme de philosophie sur d’autres points ; aujourd’hui il est difficile de consacrer plus de deux mois à l’étude spéciale de la morale en philosophie. D’un autre côté, la métaphysique est déjà réduite à sa plus simple expression, et tient en général en quelques leçons à peine ; les questions qu’elle pose ont, quoi qu’on pense de la possibilité de les résoudre, assez de généralité et assez d’intérêt pour qu’on ne puisse les supprimer tout à fait. L’histoire de la philosophie est limitée à des notions plus que sommaires sur les plus grands philosophes. Restent la psychologie
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- et la logique : dans l’étude de la psychologie on pourrait réduire quelques développements de caractère surtout analytique dans la psychologie de l’intelligence, et aussi éviter soigneusement l’introduction des études trop spéciales et des sujets de simple curiosité ou de pure érudition. De la logique, on peut dire que la partie formelle a déjà été réduite au strict nécessaire : mais il y a parfois dans nos cours une tendance à développer un peu à l’excès la logique des sciences, qui serait traitée plus utilement, et de façon plus pratique, sauf pour des questions très générales, dans les cours mêmes de sciences en philosophie.
- La plupart de ces simplifications sont dès aujourd’hui possibles, sans aucun remaniement des programmes, grâce à la liberté que les programmes laissent au professeur de philosophie, et que les inspecteurs compétents se plaisent à faire aussi large que possible.
- Le seul obstacle sérieux que l’on rencontre, c’est qu’à l’heure actuelle, la date tardive de la session du baccalauréat de novembre, la date avancée des concours et de la session du baccalauréat de juillet restreignent presque partout le cours de philosophie à une durée utile de huit mois (15 novembre-15 juin). Une meilleure organisation des examens, avec des jurys siégeant pendant les vacances, par exemple, permettraient de gagner au moins un mois ; et ce gain pourrait profiter en entier à l’enseignement moral-social, qui pourrait ainsi se développer dans toute son ampleur, et produire plus de résultats qu’à l’heure actuelle.
- 2° L'enseignement par les conférences et l'enseignement par lés œuvres.
- a) Des conférences ne risquent pas, comme des cours réguliers, de substituer une besogne machinale à un travail actif et intelligent ; elles ont, par leur caractère exceptionnel, l’attrait de l’imprévu ; et l’auditeur, même jeune, y apporte ainsi des dispositions très favorables au résultat qu’on en attend. Si l’auditeur s’y donne plus facilement tout entier qu’il ne se donnerait à un cours régulier, on peut en dire autant du conférencier. On peut faire un cours avec conscience, avec zèle ; on ne le fait pas toujours avec la même passion, parce qu’on n’en aime pas également toutes les parties, et aussi parce que c’est la tâche journalière, et qu’il s’y mêle la préoccupation de tout le travail et de toute la discipline de la classe. Une conférence ne se fait plus dans les mêmes conditions ; et de plus, telle que nous la comprenons, elle est choisie librement, elle est voulue par celui qui la donne, et non pas imposée d’avance par un programme. Elle appuie donc l’étude d’une question particulière, concrète en général, sur la double initiative et la bonne volonté mutuelle de celui qui la fait et de ceux qui l’écoutent.
- Nous pouvons, en nous appuyant sur les tentatives déjà faites, prendre une première idée de quelques-unes des formes les plus utiles que pourraient prendre ces conférences.
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- Le premier essai de ce genre que nous connaissions est celui qu’a fait en 1891, au lycée de Caen, M. Malapert, alors professeur de philosophie dans cet établissement. Ces conférences ont été réunies récemment en volume, sous ce titre : Aux jeunes gens. Quelques conseils de morale -pratique. S’adressant aux élèves qui étaient à la veille de quitter le lycée au terme de leurs études, le conférencier leur donnait sous une forme simple, mais dans une pensée élevée et très sage, des conseils sur les principaux devoirs qu’ils allaient avoir à remplir, dans leur vie d’étudiant et de jeune homme, comme soldats, comme citoyens, comme hommes enfin.
- C’est là une œuvre intéressante et fort utile de morale pratique. L’écolier qui va quitter les bancs du lycée a bien entendu parler de ce que sera sa vie du lendemain ; mais la comparant au présent qui dure depuis longtemps déjà pour lui, il se la représente aisément en imagination comme une ère de liberté sans règle : il est bon qu’un avertissement lui soit donné d’avance, et que cet avertissement lui soit donné, non seulement par sa famille, mais aussi par ses maîtres, dont l’influence est différente et, à çet âge, souvent plus grande que celle de la famille.
- Toutes les fois que dans un établissement le chef de la maison, le professeur de philosophie, ou tout autre maître dont l’autorité morale est fermement établie jugeront utile de répéter cet essai, nous croyons qu’il ne peut avoir que d’heureux résultats. Peut-être seulement faudrait-il éviter de le reproduire d’année en année ; attendues d’avance, ces conférences perdraient vite une bonne part de leur action. Elles sont, d’ailleurs, plus utiles une année qu’une autre, plus nécessaires dans un milieu que dans un autre, et ne sont qu’un des types réalisables de conférences morales et sociales.
- Un autre type, plus compréhensif, d’entretiens de ce genre a été réalisé plus récemment, en 1898-1899, au collège de Nantua ; il nous est connu par la publication, actuellement inachevée, de la série des conférences de M. Savey-Cazard, professeur de philosophie au collège.
- Ces conférences s’adressaient à un public plus étendu que les précédentes, à tous les élèves en âge de les comprendre et de s’y intéresser. Le but poursuivi était de les appeler à réfléchir sur les principales questions de la vie morale et sur les devoirs qu’elle impose à chacun, de leur faire comprendre même le pourquoi des études. M. Sâvey-Cazard s’était chargé des principes ; ses conférences étaient consacrées à définir le but et les divers objets de l’éducation : éducation du corps, de l’intelfigence, de la sensibilité, de la volonté ; ainsi qu’à faire connaître les principaux obstacles qu’elle rencontre : alcoolisme, abus du tabac, jeu, débauche, oisiveté.
- D’autres conférences plus spéciales, faites par différents professeurs, complétaient la série. Voici quelques-uns des sujets : l’éducation en Angleterre, la politesse, 'la tolérance, etc. Le principal du
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- collège avait fait une conférence préliminaire sur l’éducation en général.
- Ce second gssai est encore intéressant, quoiqu’il ait sur certains points un tour déjà plus systématique. Des élèves de philosophie, par exemple, devraient, par le cours même qu’ils suivent, posséder sur l’éducation la plupart des notions développées dans la première partie des conférences de M. Savey-Cazard. Nous ne croyons pas que la meilleure forme de ces conférences consiste à superposer aux cours réguliers un autre cours simplement ouvert à un plus grand nombre d’auditeurs et qui ne donne pas matière à des devoirs ou à des interrogations : et c’est surtout en instruisant, d’ailleurs, que le professeur peut et doit appeler l’attention de l’élève sur le rôle de 1’enseignement qu’il lui donne, et sur sa place parmi d’autres.
- Mais les conférences du collège de Nantua, celles de M. Savey-Cazard, en particulier, n’ont pas toutes cette forme ; elles ont souvent des sujets plus particuliers, plus délimités (par exemple celles qu’il réunit sous ce titre : Les ennemis de l'éducation) : et celles-là ne sauraient être trop encouragées. Elles pourraient être consacrées, en particulier, à faire connaître aux élèves des œuvres sociales d’une portée très haute, œuvres d’assurance ou d’assistance, œuvres de mutualité (l’assistance par le travail, les économats dans l’industrie, etc.), qui intéressent directement des jeunes gens dont quelques-uns seront, par leur situation même, en mesure de participer activement au développement de ces œuvres. M. Ch. Bioche, professeur de mathématiques, a donné, cette année même, au lycée Louis-le-Grand, à Paris, un exemple de ce que pourraient être ces conférences. Ouvertes à ceux qui peuvent les comprendre, faites par des maîtres qui auraient déjà étudié par ailleurs la question qu’ils exposent, et ne parleraient pas pour parler, mais pour instruire les autres sur des questions qui leur sont familières à eux-mêmes, ces conférences seraient d’une haute portée morale et sociale. Souhaitons qu’on en favorise partout le développement par un large appel aux initiatives individuelles.
- b J Ces conférences, par les sujets tout pratiques qu’elles développent, forment une première transition naturelle de l’enseignement à l’action. L’éducation morale et sociale ne s’achève, comme toute éducation, que si l’on agit soi-même ; et, dans la mesure où il est possible d’initier les jeunes gens à l’action par l’action elle-même, il est tout à fait désirable qu’on le fasse.
- Mais l’âge de nos élèves, les nécessités de l’instruction, et aussi la prudence imposée par les divisions politiques et sociales du temps présent, limitent beaucoup le champ des essais possibles, et excluent surtout une organisation générale et systématique : car ce qui est possible dans telle ville de l’est ne le sera pas dans une ville de l’ouest de la France ; et les conditions locales peuvent seules indiquer la meilleure marche à suivre dans chaque établissement.
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- Nous indiquerons seulement deux méthodes, qui ont été l’une et l’autre appliquées. L’une d’elles consiste à provoquer, en dehors même des classes, entre élèves des classes supérieures, des discussions sur certaines questions bien délimitées d’ordre moral et social, le maître qui assiste aux discussions intervenant seulement pour exclure certains sujets, et en accepter d’autres ; ou pour résumer une discussion un peu confuse et pour l’empêcher de dévier. Nous ne croyons pas la méthode aisément applicable dans les établissements très peuplés ; elle devient moins difficile dans de petits lycées ou dans les collèges, où la réunion libre de plusieurs classes ne donne pas encore un auditoire trop nombreux et trop indiscipliné. M. C. Hémon a fait, en 1899, au lycée de Yesoul, où il était professeur de philosophie, une tentative de ce genre, qui, nous a-t-il dit, lui a donné des résultats intéressants (exemples des sujets traités : le devoir social, la paix perpétuelle, le droit au travail, ia peine de mort ; la mode, les conventions sociales et l’imitation, l’idée de sacrifice, etc.). La discussion s’ouvrait sur un court exposé de vingt à vingt-cinq minutes. Dans ces discussions, le plus difficile et le plus nécessaire est d’éviter que l’élève ne parle que pour le professeur, qui assiste à son exposition ; et que les thèses contraires ne soient défendues que pour la forme, et comme par des avocats désignés d’office, ce qui rendrait le débat purement scolastique et artificiel. Les conditions dans lesquelles on peut employer cette méthode se rencontrent donc assez rarement ; car il n’y faut pas seulement un public qu’on ne trouve pas partout, ni tous les ans, mais un maître à la fois convaincu, capable d’exercer une grande action sur le travail des élèves, et qui possède l’art de s’effacer quand il convient et de ne pas intimider la pensée encore mal assurée des jeunes gens, qu’il aide à se diriger eux-mêmes. Enfin, il ne faudrait pas que de ces exercices résultât pour ceux qui les ont pratiqués une assurance déplacée et la conviction trop arrêtée qu’ils sont déjà capables de trancher toutes les questions souvent si délicates et toujours si complexes de la vie morale et sociale.
- Aussi pensons-nous qu’on peut attribuer une efficacité plus grande à un autre procédé, qui est cependant plus limité encore dans ses formes ; nous voulons parler de la participation directe des élèves à des œuvres de valeur sociale. C’est ce qu’a indiqué le congrès des professeurs de 1899, en n’oubliant pas cette sage restriction, qu’il faut éviter ici tout ce qui ressemblerait à de la contrainte. Plusieurs essais ont été faits déjà dans nos établissements d’enseignement. L’un des plus soutenus et des plus intéressants par les résultats acquis est celui qui se poursuit au lycée de Caen, depuis plusieurs années, dans une société d’assistance par le travail, administrée en commun par les maîtres et les élèves du lycée L
- 1. Voir VEnseignement secondaire du 1er février 1899 : la Société de bienfaisance du lycée Malherbe.
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- l’enseignement des sciences sociales.
- Ces brèves indications pourront suggérer l’idée d’autres tentatives analogues ; elles ne visent pas à être complètes, et ne tendent pas à montrer que ce qui se fait aujourd’hui soit suffisant ; mais nous avons pu voir, du moins, que l’enseignement moral-social dans l’enseignement secondaire est, grâce à des initiatives locales, qui sont ici les meilleures, en plein développement. Que ces essais soient connus, qu’ils se généralisent et prennent dans chaque endroit les formes que le milieu, le caractère de la population scolaire, les qualités du personnel rendent les plus utiles ; et l’on peut être sûr d’obtenir des résultats que ne donnerait pas un remaniement profond des programmes de l’enseignement.
- Sans prétendre donner des formules parfaites ét suffisantes, nous résumerons nos conclusions dans les propositions suivantes :
- 1° L'enseignement moral-social doit être tenu pour l’un .des objets les plus généraux et pour l’une des fins essentielles des études secondaires. Pour s’adapter à la nature de ces études, il doit se fonder avant tout sur l’étude analytique approfondie de quelques questions, et non devenir une revue très complète et forcément superficielle de tous les problèmes moraux et sociaux. Il est destiné à exercer l’intelligence et à former la réflexion sur ces problèmes, non à donner des formides et des solutions toutes faites.
- 2° En conséquence, Venseignement direct et suivi de la morale individuelle et sociale ainsi que des principes généraux de l’économie politique et du droit doit être placé exclusivement dans la dernière année du cours d’études (classes de Philosophie, Première moderne, Mathématiques élémentaires).
- 3° Avant ces classes, et dans les trois ou quatre années qui précèdent, on évitera de donner cet enseignement au moyen de cours, ou de conférences régulières établies suivant un programme général défini d’avance et uniformément appliqué chaque année dans toute la France.
- 4° Mais sous forme d’enseignement diffus, dans l’étude de l’histoire, dans l’explication des textes, dans le choix des devoirs, dans tous les exercices scolaires et dans toutes les circonstances de la vie quotidienne des classes, une part doit être faite à la culture morale et sociale.
- 5° Cet enseignement diffus des idées morales et sociales est, depuis longtemps déjà, une des préoccupations dominantes des maîtres de l’enseignement secondaire; afin de leur permettre de diriger plus sûrement et de coordonner autant que possible leurs efforts en ce sens, ceux qui se destinent à l’enseignement recevront tous à l’Université une forte culture philosophique, morale et sociale.
- 6° En même temps, toutes facilités seront données aux maîtres pour s’entendre dans chaque établissement en vue de donner chaque année des conférences consacrées à l’exposé des questions particulières de morale pratique ou de pratique morale et sociale. Ces conférences seront ouvertes, selon les sujets, à tout ou partie des élèves de l’établissement, à partir de la classe de Quatrième.
- 7° Enfin, dans la mesure du possible, et sans en faire l’objet d’aucune contrainte, les élèves des hautes classes seront associés à des œuvres de charité et de mutualité scolaire.
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- Xd? 1/ W-45
- CONGRÈS INTERNATIONAL
- DE
- PARIS
- 30 Juillet — 3 Août 1300
- NOTE SUR
- L’ENSEIGNEMENT POPULAIRE SOCIAL
- EN ALLEMAGNE Par Henri HAUSER
- Professeur à l'Université de Clermont-Ferrand
- PARIS
- ANCIENNE LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE ET Cie
- FÉLIX ALCAN, ÉDITEUR
- 108, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 108
- 1900
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- ALLEMAGNE
- HENRI HAUSER
- Professeur à l’Université de Clermont-Ferrand
- f BIBLIOTHEQUE
- DU conservatoire national
- des ARTS & MÉTIERS
- N° du (lîitaloîjrue.........__...—
- Prix ou Ksiiniiitiori........—.............
- fp......................-..... J)
- NOTE SUR
- L’ENSEIGNEMENT POPULAIRE SOCIAL
- EN ALLEMAGNE
- MM. les professeurs Jodl, de Vienne, et Rein, de Iéna, ont bien voulu m’adresser les renseignements suivants :
- La Deutsche Gesellschaft für ethische Cultur, d’accord avec la société suisse analogue dont le siège est à Zurich, s’est attachée à traiter, sous la forme d’une « extension universitaire », les questions de morale sociale et particulièrement celles qui présentent un caractère sociologique. Les principales leçons ont paru sous ce titre : Ethisch-socialwissenschaftliche Vortrags-Kurse L Ce sont les leçons de MM. :
- Hôffding (Copenhague) : Les principes de la morale.
- Penzing (Berlin) : Les premières notions morales des enfants.
- Ëgidy (Berlin) : Sur l’éducation.
- . Sombart (Breslau) : Le socialisme et le mouvement social au XIXe siècle.
- Reich (Vienne) : Le mouvement des Universités populaires.
- Staudinger (Worms) : Contributions à la pédagogie du peuple.
- Tônnies (Kiel) : Les faits fondamentaux de la vie sociale.
- Ces leçons o'nt été faites en 1896. Depuis, la tentative n’a jamais été renouvelée.
- M. Rein a présenté récemment un rapport à l’assemblée, tenue à Heidelberg, de la Deutsche Gesellschaft für Verbreitung von Volksbildung. Ce rapport est actuellement à l’impression.
- 1. A Berne, chez A. Siebert.
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- CONGRÈS INTERNATIONAL
- DE
- PARIS
- 30 Juillet — 3 Août 1900
- RAPPORT SUR L’ENSEIGNEMENT
- DES
- SCIENCES SOCIALES EN RUSSIE
- A MOSCOU
- Par A. TGHOUPROV
- Professeur à l'Université
- PARIS
- ANCIENNE LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE ET Cie
- FÉLIX ALCAN, ÉDITEUR
- 108, BOULEVARD S A INT - G E RM A IN, 108
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- MOSCOU
- A. TCHOUPROF
- Professeur à l’Université
- bibuothIqul
- DU CONSERVATOIRE NATO des AUTS & MÉFILI
- RAPPORT SUR L’ENSEIGNEMENT
- N° du Catalogue.........-...
- I Prix ou Estinialion_______
- l Entrer, te................
- DES SCIENCES SOCIALES EN RUSSIE
- D’enseignement sociologique proprement dit, il n’en existe point dans nos écoles, tant supérieures que secondaires.
- Mais il n’en est pas de même quant aux sciences sociales concrètes, telles que l’économie politique pure ou appliquée, la science des finances et la statistique.
- En commençant notre aperçu par l’école primaire, nous devons constater ce fait, que quelques notions économiques y sont communiquées aux élèves non par la voie de l’enseignement oral, mais par des lectures faites en commun par le professeur et les enfants des deux sexes qui suivent son cours. C’est à cela que se borne l’initiation de la majeure partie de nos populations rurales aux lois sociales et aux rapports nécessaires de l’individu avec l’État.
- Quant à nos écoles secondaires ou gymnases, le statut scolaire de 1804 y avait introduit l’enseignement de l’économie politique, de la statistique, du droit naturel et du droit des gens. Mais déjà, à la fin du règne d’Alexandre Ier, alors que commença la formidable réaction, dont le ministre Arakcheiev devint le principal chef, on ne garda de toutes ces disciplines scientifiques que la statistique, laquelle, depuis 1844, fut à son tour réunie à la géographie. C’est ainsi que les sciences sociales disparurent entièrement du programme de nos gymnases et qu’à l’heure qu’il est un jeune homme de 18 à 19 ans qui ne pourrait ou ne voudrait point continuer ses études dans quelque institution d’enseignement supérieur, est réduit à la nécessité de faire soi-même son éducation sociale, ce qui, d’ailleurs, n’est devenu faisable que dans ces dernières années, grâce au grand nombre de livres et d’opuscules traitant de questions économiques et sociales, que les principales maisons d’édition livrent au public à un prix très réduit. La majorité de ces écrits ont d’ailleurs été traduits de l’allemand, du français ou de l’anglais sous l’œil de quelque savant ou érudit russe, toujours prêt à se charger du travail ingrat de la révision, la plupart du temps à titre gratuit.
- Disons maintenant quelques mots de nos écoles secondaires tech-
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- l’enseignement des sciences sociales.
- niques. On y enseigne sinon la sociologie, du moins les éléments de la science économique et la statistique, cette dernière faisant partie du cours d’histoire et de géographie commerciale. — Ce que je viens de dire est la règle de toutes les sections de commerce qui existent dans la majorité de nos écoles réales secondaires, c’est-à-dire celles où les langues mortes ne font point partie du programme d’enseignement. On se contente d’ailleurs de faire deux leçons par semaine d’économie politique et uniquement l’année de sortie. Ceci ne permet point de donner une grande étendue à l’exposition des principes fondamentaux de la science économique. On préfère traiter plus à fond des questions d’application.
- Une étude plus approfondie des mêmes matières se fait dans les écoles de commerce proprement dites. C’est ainsi que dans une école de Pétersbourg, surnommée école de Pierre (le Grand), on a organisé des leçons d’économie politique aux deux cours supérieurs. Le nombre de ces leçons est de deux par semaine. On fait encore l’année de sortie un cours d’histoire du commerce et du droit commercial.
- A l’Académie pratique des sciences commerciales, à Moscou, on enseigne également, l’année de sortie, l’économie politique trois fois par semaine. L’histoire du commerce et la statistique de l’industrie forment à leur tour le sujet de conférences; la statistique n’est d’ailleurs traitée que comme une branche de la géographie commerciale. Le même plan d’études est suivi dans une école commerciale, récemment fondée à Moscou par le comité de la Bourse sous le titre d’école d’Alexandre III.
- Dans les écoles techniques proprement dites on fait, l’avant-dernière année, une leçon d’économie politique par semaine et deux leçons de géographie commerciale, y compris la statistique industrielle, et l’année de sortie on enseigne deux fois par semaine l’économie politique appliquée, en la rattachant à la législation existante sur le commerce et l’industrie. — Dans les écoles secondaires agricoles, les deux dernières années les élèves suivent des cours d’économie et de législation agricoles.
- Nous passerons maintenant aux écoles supérieures, où les sciences sociales concrètes sont généralement enseignées sur une grande échelle, tant dans les Universités que dans les écoles supérieures spéciales (techniques, agronomiques, juridiques, etc.).
- Dans les Universités russes, l’enseignement de l’économie politique remonte à l’époque de leur fondation. Dans la plus ancienne, celle de Moscou, la statistique devint le sujet de conférences à commencer de 1773. Le statut universitaire de 1804 plaça au nombre des sciences obligatoires pour les examens l’économie politique et la statistique. Depuis cette année, leur enseignement devint de règle. Dans la première moitié du siècle, on enseigna ces sciences à la Faculté de philologie et d’histoire, mais depuis le statut univer-
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- sitaire de 1863, leur enseignement se fit à la Faculté de droit. D’après le statut universitaire moderne, celui de 1884, ces sciences doivent être traitées d’une façon assez étendue. On fait quatre heures par semaine d’économie politique, quatre de finances, deux de statistique, quatre de droit administratif, dans lequel entre également l’économie politique appliquée.
- En ce qui concerne l’économie politique en particulier, les professeurs s’attachent surtout à en faire connaître les doctrines généralement reçues. L’histoire de ces doctrins, ainsi que du régime économique, vient en second ordre. Le professeur de statistique expose ordinairement l’histoire de cette science, sa méthode et la démographie. Dans la plupart des Universités, en dehors de ces leçons réglementaires, nous trouvons encore des séminaires d’économie politique et de statistique en tout conformes au modèle allemand.
- Quelques professeurs de droit administratif donnent un tel développement à la partie économique de leur science, que souvent celle-ci acquiert dans leur exposition le caractère d’une politique sociale. La personnalité du professeur influe beaucoup sur la façon d’exposer toutes les matières si diverses qui font partie de cette science encore mal délimitée. Les uns donnent plus de développement à la théorie, les autres à l’histoire et à la politique économique. Durant les quinze dernières années on a créé, à côté des cours sus-mentionnés, un enseignement spécial dont se sont chargé des professeurs agrégés (on les connaît en Russie sous le nom allemand de privat-docenten). Grâce à un pareil système, on a pu enseigner à Moscou une année l’histoire des faits et des doctrines économiques aux xvme et xixe siècles, une autre l’économie agricole, une troisième l’économie industrielle.
- A l’Université de Pétersbourg on traita de même la question de la législation ouvrière, l’économie agricole, l’histoire économique, l’organisation des institutions de crédit, l’histoire économique de la Russie moderne, etc.
- Passons maintenant à l’enseignement supérieur spécial ; les sciences sociales concrètes sont également appelées à en faire part. C’est ainsi que dans l’école de jurisprudence établie à Pétersbourg on fait, durant une année, deux leçons ,d’économie politique, deux de la science des finances et trois de droit administratif (y compris l’économie politique appliquée). Ce programme est suivi de près par l’Académie militaire de jurisprudence, dont le siège est également à Pétersbourg.
- Au lycée d’Alexandre Ier, à Pétersbourg, l’économie politique est enseignée quatre fois par semaine durant la première année d’études, le droit administratif, les finances et la statistique également trois fois, ce qui forme en tout onze leçons d’enseignement économico-social. Ces mêmes disciplines scientifiques sont aussi ensei-
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- l’enseignement des sciences sociales.
- gnées, quoique d’une façon moins large, dans les écoles supérieures techniques.
- Comme exemple, citons le programme de l’Académie agricole à la Nouvelle Alexandrie (en Pologne, gouvernement de Liublin) : statistique, deux leçons par semaine pendant deux années consécutives, les éléments de l’économie politique dans leur relation avec le droit, trois fois par semaine pendant une année ; l’économie agricole, cinq fois par semaine, également pendant une année, celle de sortie.
- A l’institut polytechnique de Pétersbourg et à l’école technique de Moscou l’économie politique est enseignée l’année de sortie deux fois par semaine, tandis que dans les instituts polytechniques nouvellement créés à Kiev et à Charkov le nombre des leçons s’élève à trois et l’économie politique est enseignée en même temps que la statistique. Le programme de la section agraire de ces écoles contient également trois heures d’économie et de statistique agricole, avec séminaire.
- A ‘Varsovie on enseigne, à l’institut polytechnique, la seconde année d’étude, quatre fois par semaine l’économie politique et une fois la statistique.
- A Riga, dans une école analogue, l’économie politique est enseignée dans toutes les sections, mais surtout dans celle du commerce où, en dehors des doctrines économiques, on expose encore l’histoire du régime économique, la science des finances, l’histoire du commerce, la géographie et la statistique commerciales.
- Il suit de ce court aperçu que dans nos facultés on attache une grande importance aux sciences économiques. Et tout de même, leur enseignement n’est pas au niveau de la science moderne. Son principal défaut est l’insuffisance du nombre des leçons. Grâce au développement pris par l’économie politique, de nos jours, il est impossible de traiter toutes ses matières en quatre leçons par semaine et cela durant une seule année. Aussi le professeur se voit-il contraint de n’exposer que les éléments de cette science. Il lui est impossible de faire l’histoire des doctrines autrement que d’une façon superficielle et de traiter de l’application des lois économiques aux diverses questions que soulève l’étude du régime actuel de l’agriculture, de l’industrie et du commerce. Dans les écoles spéciales, on donne plus d’extension à ces diverses branches, mais par manque de temps on néglige quelque peu l’exposition des théories économiques.
- Quant à la statistique, la même raison empêche le professeur de s’étendre comme il le devrait sur les exigences de la méthode ou d’aborder le problème si vaste et si important de la statistique in. dustrielle et agricole. D’ailleurs il ne pourrait en être autrement, une fois que les sciences économiques ne sont traitées que comme un appendice de la jurisprudence et des sciences techniques, alors
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- qu’il serait urgent d’en faire le sujet d’un enseignement spécial. L’économie politique et sociale a pris un tel développement que la nécessité s’impose de revenir, sinon à l’organisation, du moins à la pensée directrice de ces vieilles facultés allemandes, connues sous le nom de Facultaten der Cameral Wissenschaften. Lorenz Stein s’est déjà prononcé dans ce sens, il y a bientôt vingt-cinq ans. Il a fait appel au gouvernement et au public en les engageant à créer des collèges de sciences sociales. Les exigences de la vie pratique militent en faveur d’une pareille création, les institutions existantes d’enseignement devenant de moins en moins capables de donner la préparation voulue à ceux-là mêmes qui. un jour, seront appelés à l’application des lois économiques. Comment, en effet, un inspecteur de fabrique, un directeur de banque, un gérant dans une Compagnie de chemins de fer, un agent d’assurance ouvrière ou d’assistance publique ou encore un administrateur des finances municipales pourra-t-il trouver une préparation suffisante dans un cours annuel très sommaire et plutôt théorique que pratique, auquel se limite, de toute nécessité, l’enseignement d’un professeur ne disposant que de trois à quatre leçons par semaine ? Tout nous porte ainsi à créer de nouvelles facultés de sciences sociales, dans lesquelles la jurisprudence, l’histoire et la politique viendraient compléter l’enseignement des doctrines et des faits économiques.
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- CONGRÈS INTERNATIONAL
- DE
- PARIS
- 30 Juillet — 3 Août 1900
- L’ENSEIGNEMENT SOCIOLOGIQUE
- EN ALLEMAGNE
- Par Paul BARTH
- Professeur à Leipzig
- PARIS
- ANCIENNE LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE ET Cie
- FÉLIX ALCAN, ÉDITEUR
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- " BIBLIOTHEQUE ^ DU CONSERVATOIRE NATIONAL des AUTS & îiiÉTIEilS
- LIVRE PREMIER
- UNIVERSITÉS, ÉCOLES SUPÉRIEURES ÉCOLES SPÉCIALES
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- ALLEMAGNE
- PAUL BARTH
- Professeur à Leipzig
- L’ENSEIGNEMENT SOCIOLOGIQUE
- EN ALLEMAGNE
- On ne peut guère parler d’un enseignement sociologique en Allemagne qu’à propos des Universités. Les établissements de l’enseignement secondaire (lycées préparant au baccalauréat classique et moderne, ainsi que les écoles professionnelles) ne font pas de l’étude des faits économiques et sociaux un enseignement spécial ; les notions qu’on en donne ne forment qu’un chapitre de l’histoire universelle, de l’histoire littéraire ou de l’histoire religieuse. Mais même dans les universités de langue allemande, il n’y en a pas une, soit en Allemagne, soit en Autriche, soit en Suisse, qui possède une chaire de sociologie proprement dite, pas plus parmi les chargés de cours que parmi les titulaires. Ce sont, au contraire, partout les représentants de sciences plus anciennes, voisines ou parentes de la sociologie (philosophie, sciences politiques, ethnologie, etc...) qui font entrer l’étude des théories sociales dans leurs cours. Encore ne le font-ils pas tous ; mais un certain nombre du moins agissent de la sorte, si bien qu’il n’y a guère d’universités qui soient totalement dépourvues d’enseignement sociologique.
- Tout d’abord, il y a un certain nombre de titulaires ou de maîtres de conférences qui annoncent et font des cours sous le titre précis de : « Cours de sociologie ou de philosophie de l’histoire ». Je veux ici donner un aperçu de ce qui s’est fait depuis le semestre d’été 1894 jusqu’au semestre d’hiver de cette année (1899-1900) L
- A l’Université de Berlin, M. G. Simmel a, dans ces six dernières années, fait presque chaque semestre un cours de sociologie (sociologie générale, psychologie sociale ou exercices pratiques de sociologie).
- A Bonn, M. E. Gothein a fait également, pendant l’hiver 1898-99, un cours de sociologie : « Introduction à l’étude de la vie politique et sociale des temps présents. »
- 1. J’emprunte mes renseignements aux programmes publiés dans les catalogues de chaque Faculté. Je n’ai pu vérifier si tous les cours annoncés ont réellement été laits.
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- A Breslau, pendant l’hiver 1896-97, M. W. Sombart a étudié les théories de l’État et de la Société, du point de'vue du matérialisme de l’histoire.
- A Fribourg en Brisgau, pendant l’été 1895, M. E. Grosse a fait un cours sur les problèmes fondamentaux de la sociologie, et pendant l’hiver 1896-97, sur les différentes formes de la famille, et M. H. Rickert (hiver 1898-99) sur la philosophie de l’histoire comme introduction aux sciences mentales.
- A Greifswald, M. E. Bernheim a parlé : 1° pendant l’hiver 1894-95, de l’origine des religions, de la famille, de l’État, et de quelques autres problèmes concernant l’histoire de la civilisation. — 2° Pendant l’été 1899, de l’évolution de la Social Démocratie et de la conception matérialiste de l’histoire.
- A Halle S./S., M. Th. Sommerlad a, pendant l’hiver 1898-99, fait un cours sur l’origine, l’essence et la signification de la conception matérialiste de l’histoire, et M. R. Stammler (hiver 1894-95), sur la théorie de la question sociale.
- A Heidelberg, M. H. Scherrer a fait chaque semestre, à raison de deux heures par semaine, un cours de sociologie i.
- A Iéna, M. R. Eucken a, pendant l’hiver 1895-96, parlé de quelques problèmes concernant la philosophie de l’État et la philosophie de l’histoire.
- A Kiel, M. F. Tônnies a, pendant l’été 1896, fait un cours de statistique des faits moraux et dirigé, pendant l’hiver 1896-97, des exercices pratiques de sociologie. Pendant l’hiver 1897-98, il a parlé de la philosophie des sciences politiques et, en été 1898, fait un cours d’introduction à la sociologie. Enfin, pendant l’été 1899, il a parlé des éléments de la sociologie.
- A Kônigsberg, M. J. Walter a, pendant l’hiver 1895-96, fait un cours sur « les bases d’une philosophie de l’histoire ». M. O. Gerlach a fait, pendant l’été 1896, des conférences pratiques d’économie politique (explication de Stammler) et un cours sur l’économie politique et le droit du point de vue du matérialisme de l’histoire ;#pendant l’hiver 1899-1900, il a parlé de la philosophie sociale.
- A Leipzig, P. Barth, l’auteur du présent rapport, a fait, pendant l’hiver 1895-96, un cours sur la philosophie empirique de la Société et de l’histoire et, pendant l’hiver 1898-99, sur les problèmes des sciences historiques et de la philosophie de l’histoire.
- M. E. Brandenburg, pendant les hivers 1897-98, 1898-99 et 1899-1900 a parlé de la Conception matérialiste de l’histoire.
- A Munich, on pourrait peut-être regarder comme cours de sociologie les cours de M. W. Riehl, mort en 1897. Voici les sujets traités : Systèmes de l’Économie et des Sciences politiques. — Histoire de la Civilisation à l’époque de la Réforine, aux xviii® et xixe siè-
- 1. Ou du moins, il l’avait annoncé ainsi.
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- clés, etc. Peut-être pourrait-on mentionner encore le cours que M. G. de Hertling a fait, pendant l’été 1899, sur les Rapports de l’État, de la Société et du Droit.
- A Strasbourg, M. W. Windelband a fait, pendant l’été 1897 et l’été 1899, un cours sur Comte et le Positivisme, et M. P. Hensel (été 1898) sur la Science sociale et l’Histoire.
- A Erlangen, Giessen, Gôttingen, Marburg, Munster, Rostock, Tü-bingen, Würzburg, il n’a pas été fait de cours de sociologie, pendant la période mentionnée.
- En ce qui concerne les Universités autrichiennes, on pourrait peut-être citer Innsbruck où, pendant l’été 1895, M. K. Ueberhorst a fait un cours sur les théories modernes de la philosophie de l’État. M. R. de Scala y a fait un cours sur la philosophie de l’histoire dans l'antiquité.
- A Vienne, M. L. Hartmann a fait, pendant l’été 1895, un cours d'introduction à la Sociologie historique.
- Dans les autres Universités autrichiennes, où les cours se font en langue allemande, à Prague, à Graz, à Czernowitz, nous ne trouvons pas de cours de sociologie enregistrés.
- En Suisse, c’est l’Université de Berne qui offre le plus grand nombre de cours de sociologie : M. L. Stein, en effet, en fait un presque à chaque semestre.
- A Zurich, M. L. Fôrster a fait, pendant l’hiver 1898-99, un cours sur la philosophie sociale de K. Marx et, pendant l’été 1899, M. J. Ruh-land un cours d’introduction à la Méthodologie des sciences sociales.
- A l’Université de Bdle, il n’est pas fait de cours de sociologie.
- Tous ces cours, qui peuvent être rangés directement sous le titre de « Sociologie », n’épuisent pas cependant en entier l’enseignement sociologique. Théories et faits se rapportant aux questions sociales sont souvent enseignés sous les titres suivants : Histoire, Anthropogéographie, Sciences politiques, Sciences de l’État, Philosophie du Droit et Histoire de la Philosophie du Droit, Ethnologie, Histoire de la Civilisation, Pédagogie, Histoire de la Pédagogie.
- Une revue consacrée exclusivement à la sociologie n’existe pas encore en Allemagne. Mais les revues des sciences politiques embrassent aussi les faits sociologiques, surtout la Zeitschrift für dis gesammte Staatswissenschaft, dirigée par A. Schaffle et la Zeitschrift für Socialwissenschaft, dirigée par J. Wolf. Parmi les revuês philosophiques, c’est particulièrement la Vierteljahrschrift für wissenschaftliche Philosophie, dirigée par P. Barth, qui prête attention aux problèmes de la sociologie.
- Pourquoi la sociologie est-elle encore tellement en retard, en Allemagne ? A l’époque où Comte fondait la sociologie en France, régnait en Allemagne la métaphysique de Hegel et, avec elle, sa philosophie de l’histoire, qui n’offrait pas de constructions beaucoup plus har-
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- dies que le système de Comte. Mais cette philosophie de l’histoire ne pouvait se rattacher qu’à la métaphysique de Hegel et non aux sciences positives déjà existantes, tandis que Comte rangeait sa sociologie dans un système général des sciences. La méfiance à l’égard de la métaphysique qui peu à peu se répandait et qui devait aboutir à la chute de l’école hegelienne, atteignit par la suite la philosophie de l’histoire unie à cette métaphysique. Comme la conception métaphysique de la philosophie de la nature, elle semblait plutôt nuire à l’investigation, en l’égarant, que lui être favorable. On voulait avant tout étudier les faits, sans idée préconçue. Dans les sciences naturelles on est revenu, depuis longtemps, de ce mépris de tout système général philosophique. Pour l’histoire, on est resté à la conception précédente. Les historiens allemands se méfient encore de toute théorie de l’histoire, partant de toute sociologie. Quant aux philosophes, ils y trouvent, pour la plupart, trop peu de résultats certains et préfèrent, en général, s’abstenir, plutôt que de collaborer à ses progrès. Toutefois, chaque année, les bases de la sociologie deviennent plus solides, sa méthode plus exacte et plus féconde en résultats, et de plus en plus il lui sera possible d’expliquer le passé et de faire pressentir l’avenir. Aussi j’ai la conviction qu’elle gagnera chaque année, en importance, dans les universités allemandes.
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- CONGRÈS INTERNATIONAL
- DE
- PARIS
- 30 Juillet — 3 Août 1900
- LE
- MOUVEMENT DES « ARTS ET MÉTIERS >»
- EN ANGLETERRE
- Par J. COBDEN-SANDERSON
- PARIS
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- FÉLIX ALCAN, ÉDITEUR
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- ANGLETERRE
- H. COBDEN-SANDERSON
- DU COUSiU!'
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- ATOME N \ T ION AL j
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- Prix ou Intima lion.................
- Entrer, le.....................
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- LE MOUVEMENT DES «ARTS ET MÉTIERS >»
- EN ANGLETERRE
- Le mouvement essentiellement anglais des « arts and crafts » peut être défini de différentes façons. On peut l’associer au grand mouvement d’idées qui caractérise ce siècle, et le définir un effort pour les ramener toutes sous l’influence de l’art considéré comme l’expression suprême, la plus haute et la plus noble, de la vie humaine ou bien l’on peut le définir une renaissance du travail manuel en opposition avec le travail de la machine.
- On insisterait ainsi sur la valeur du travail humain qui risque de se perdre si on lui substitue un mode d’exécution seulement habile et non plus artistique, ou si l’on substitue à l’homme une machine compliquée.
- On pourrait aussi fondre les deux définitions et dire que ce mouvement tend à réunir toutes les activités du siècle d’après une idée de la vie interprétée par rapport à l’art, interprétation qui devrait s’étendre à toutes les idées de science et de réorganisation sociale qui s’appuient sur elle aussi bien qu’au sentiment de la beauté dans les oeuvres de la main humaine.
- Aucune de ces définitions n’est adéquate ni ne peut être proposée avec autorité. Chacune d’elles a ses apôtres, il y a bien d’autres définitions encore. Les unes s’attachent seulement aux facilités qu’il faut accorder aux ouvriers pour faire de la réclame, exposer leurs œuvres et les vendre. Mais ici, comme partout ailleurs, nous avons des raisons de croire que, en dehors de tendances purement individuelles ou de groupes, il existe un mouvement intellectuel qui donne à ce mouvement général toute son importance.
- Quel est donc ce mouvement intellectuel? Voilà la plus intéressante question à se poser. C’est cette question que nous allons présentement essayer de résoudre dans ses grandes lignes autant, du moins, que le permettent les limites de cet opuscule.
- Le mouvement des « Arts and crafts » en Angleterre est, à mon avis, du moins, — je ne veux pas affirmer davantage, — une partie d’un grand mouvement, innomé et indéfini, qui tend à exprimer et
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- interpréter la vie, en détail et dans l’ensemble, au point de vue de l’art. Le mouvement particulier qui est conduit par la société d’exposition des « Arts and crafts » a son origine dans la réaction qui se produisit il y a douze ou quinze ans contre l’exclusivisme de l’Académie. L’Académie, qui prétendait être une académie d’art, exila de ses galeries toutes les formes d’art qui ne rentraient ni dans la peinture, ni dans la sculpture, ni dans l’architecture. Alors se forma la société intitulée : « Arts and crafts exhibition society » en 1888. Dès l’automne de cette année avait lieu une exposition des arts et métiers et d’où étaient bannies toutes les formes d’art reçues aux expositions de l’Académie. Cette exclusion n’était pas une simple représaille. On ne pensait pas non plus que, l’Académie exposant les beaux-arts, il fût inutile de les exposer aussi à côté des arts décoratifs. Cette exclusion résultait de la conception fondamentale de l’Art adoptée par la société, à savoir, que le rôle fondamental de l’art était l’expression belle de la vie, sans limite de lieu, ni de temps, ni de circonstance, que, en outre, la vie étant un tout homogène, ses différentes parties devaient être considérées dans leurs rapports réciproques, ainsi que dans leurs rapports avec l’ensemble, et interprétées de cette façon par l’art. Cela est vrai, quelque importance que l’on donne à l’idée de la vie. Il importe peu que l’on fasse rentrer dans cette idée les phénomènes de l’univers matériel de l’histoire de l’homme, etc., ou qu’on restreigne cette idée à la vie d’un seul Etat ou d’une ville, ou d’un simple individu dans une maison construite par lui-même. La condition essentielle est l’idée de rapports et d’un ensemble.
- L’art exposé à l’Académie, sauf quelques exceptions, admises dans un but tout spécial, était l’art sans relations, « isolé ». Et cette différence, en outre des modes d’exposition et des détails d’organisation, séparait nettement les expositions de l’Académie et celles de la société des « Arts and crafts ». Le nouveau mouvement partait de cette idée de l’union de tous les arts dans l’art lui-même et dans l’expression de la vie considérée comme un tout.
- Tels sont en quelques mots l’origine et le but de la société d’exposition des « Arts et Métiers », et du mouvement qu’elle représente. Mais, comme je l’ai déjà dit, ce mouvement n’est qu’une manifestation d’un autre mouvement plus important qui embrasse toutes les activités du xixe siècle. Ce mouvement constitue un immense effort pour mieux comprendre la méthode et la matière de la vie, et faire servir les forces et les idées révélées et éveillées par les recherches et les expériences de la science au progrès de la civilisation, supprimant les conditions amoindrissantes de temps et d’espace et permettant à l’humanité d’exécuter de grandes et fécondes combinaisons et d’affirmer sa souveraineté par des moyens dont elle n’aurait pu disposer à aucune époque antérieure.
- Voici les rapports entre les deux mouvements : partout où se
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- produit le mouvement vers la science et l’industrialisme, il détruit et ensevelit dans sa marche en avant les débris des formes de vie et de pensée qui ont été créées à des époques plus anciennes, les anciennes conceptions et les anciennes ambitions. L’autre mouvement, celui de l’art, cherche à modifier le mouvement vers la science et l’industrialisme en insistant sur la valeur de la vie en tant que vie, à faire de ce mouvement un mouvement de réflexion sur les moyens de vivre considérés comme des fins possibles de la vie, et à les exprimer sous la forme la plus noble et la plus agréable.
- Ce qui explique le manque d’accord qui s’est produit jusqu’ici entre les deux mouvements c’est l’extrême rapidité avec laquelle a avancé le mouvement scientifique et industriel dans toutes les directions.
- On n’a pas eu le temps matériel d’arriver à des points de vue un peu élevés, et les leaders de ce mouvement n’ont pas voulu admettre qu’il y eût une autre conquête à faire que celle du monde matériel, ou d’autres jouissances que les jouissances matérielles, que l’entretien de la santé et la diffusion de la richesse considérée comme instrument de plaisir. Le génie imaginatif ne faisait pas défaut, mais était tout entier consacré à la littérature, genre où il a, il est vrai, rendu bien des services, et aux beaux-arts.
- Mais il faisait défaut dans la conduite des affaires ou dans les parties délicates de l’industrie. D’autre part, la sensibilité de l’imagination faisait trop défaut au peuple pour permettre et rendre possible aucun raffinement dans l’architecture, le commerce, la science et la politique.
- Cette époque a été l’époque des matérialistes ; l’Architecte et le Tapissier spéculatifs lui ont laissé leur empreinte. Et l’accord entre ces deux tendances n’est pas fait.
- Mais parallèlement au grand développement industriel et scientifique, au grand courant de pensée rétrospective embrassant les origines du monde et de la civilisation, parallèlement à l’Architecte spéculatif et aux « arts appliqués » enseignés dans les écoles de dessin, s’est manifesté et se manifeste encore un développement du sentiment architectural qui, né dans les œuvres de deux ou trois peintres ou dessinateurs s’est élevé graduellement à une force consciente, a formulé les revendications de la vie réclamant son droit à la beauté aussi bien qu’à la science et à la richesse, et a cherché à faire régner maintenant comme par le passé l’art sur toutes les sphères de la vie industrielle et scientifique moderne.
- Dans cet idéal, il y a deux choses distinctes : 1° l’idéal considéré comme un tout ; 2° l’occasion qu’offre l’idéal de réaliser les principaux détails au point de vue artistique. Nous disons que l’idéal dans son ensemble est nécessaire pour l’exécution des détails d’une façon grande et artistique et devrait être lui-même une œuvre d’art sur laquelle l’imagination du peuple pourrait travailler constam-
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- ment dans une méditation délicieuse et muette. Chaque détail devrait contribuer à produire cet état méditatif, et de la vue de l’ensemble naîtrait ce calme sacré. L’on pourrait voir comme en un miroir l’ensemble de l’existence de l’homme et de Dieu, l’univers. Tel est en quelques mots ce mouvement, tel est, d’après moi, l’esprit du mouvement qui a produit la renaissance en Angleterre des « Arts et Métiers » et à la tête duquel s’est placée la société des « Arts and crafts ».
- La société, fondée en 1888, a eu pour présidents MM. William Morris et Walter Crâne, le président actuel.
- Le but particulier de la société est de faire prévaloir les principes de l’art tels que nous les avons définis précédemment et de créer un lieu d’exposition et de vente pour les objets d’art de second ordre qui entrent intimement dans la vie publique et privée et contribuent à la parer de raffinement et de distinction.
- Les grandes œuvres d’art, qui expriment la vie d’un peuple et décorent ses villes et son pays, n’ont pas besoin de cela. Il leur suffit d’être exposées sur le marché du monde devant le monde lui-même. Mais cela, la Société espère le réaliser par le triomphe de ses principes.
- La qualité de membres est réservée aux ouvriers de tous les arts décoratifs et travaux manuels et les expositions aux seules productions contemporaines de ce genre.
- Toute œuvre doit être soumise préalablement à un jury et le règlement exige que chaque travail porte les noms des exécutants responsables, des dessinateurs et de l’exposant. Ce règlement a eu une grande importance, car il relève la situation de l’ouvrier, en faisant de son travail une œuvre personnelle et individuelle.
- Pendant ces trois premières années les expositions avaient lieu annuellement, mais depuis 1890 elles n’ont eu lieu que tous les trois ans.
- On a pensé que, comme manifestation d’art et aussi pour augmenter le nombre et la quantité des objets exposés, il valait mieux exposer tous les trois ans que tous les ans.
- Mais le nombre d’œuvres de valeur a tellement augmenté chaque année que l’on songe à revenir à l’ancien système d’une exposition annuelle.
- Il est extrêmement intéressant de faire remarquer l’influence profonde de ces expositions sur le goût artistique, et plus important encore de montrer l’éclosion de nouveaux métiers ou la réviviscence d’anciens métiers qui étaient tombés en désuétude, l’enthousiasme des ouvriers et la beauté de dessin et d’exécution des œuvres créées.
- Ce mouvement a étendu son influence à toutes les classes de la société. On a fait aussi des progrès immenses dans l’adaptation du dessin et du mode d’exécution à la matière que devra travailler l’ouvrier.
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- Ç’a été là une réforme fondamentale, car les architectes et les ornementalistes modernes avaient par trop pris l’habitude de ne pas tenir compte des matériaux employés, de dessiner en l’air, et d’appliquer après coup le dessin à des matériaux qui auraient dû être l’expression intime de ce dessin. Ce mouvement a également donné naissance à de nombreuses écoles d’art et à l’ouverture d’expositions artistiques en Angleterre, sur le continent et en Amérique. L’école centrale des Arts et Métiers fondée par le conseil de l'enseignement technique de Londres est une conséquence directe de l’œuvre de cette société et exerce une grande influence sur toutes les industries manufacturières de la métropole.
- Tout cela n’est cependant qu’un prélude du grand changement qu’on se propose d’introduire dans l’expression de la vie entière.
- Tant que les idées qui constituent le tribut de notre époque au total de la vie n’auront pas été purifiées et dirigées vers quelque grande fin digne d’exciter les plus nobles émotions de l’humanité, le grand art ne sera pas encore né. Ce sera la tâche de ce double mouvement de science et d’industrialisme d’un part, d’art d’autre part, d’activer cette purification et de découvrir la fin adéquate, de chercher à l’art un moyen d’expression digne et de le guider dans les chemins éternels de la Beauté et de la Paix.
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- Y)fA£ U
- CONGRÈS INTERNATIONAL
- DE
- PARIS
- 30 Juillet — 3 Août 1900
- L’ENSEIGNEMENT
- DE L'ÉCONOMIE POLITIQUE PURE
- ET DE LA MÉCANIQUE SOCIALE
- EN SUISSE
- Par le Dr Léon WINIARSKY
- Privat-Docent à l’Umversité de Genève, membre de l'Académie américaine dos sciences sociales et politiques
- PARIS
- ANCIENNE LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE ET Cic
- FÉLIX ALCAN, ÉDITEUR
- 108, BOULEVARD S AINT - G E RM A IN , 108
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- SUISSE
- à l'Université de Genève, membre de l'Académie américaine les sciences sociales et politiques
- D' LÉON WINIARSKY
- Privat-Docent
- L’ENSEIGNEMENT
- DE L’ÉCONOMIE POLITIQUE PURE
- ET DE LA MÉCANIQUE SOCIALE
- Toute science a deux parties : une partie rationnelle, pure, qui étudie la forme la plus générale et abstraite des phénomènes respectifs et une partie appliquée qui étudie leur forme concrète et détaillée. La distinction rigoureuse entre ce s deux parties, acceptée dans les sciences physiques, tend de plus en plus à s’introduire dans le domaine des sciences sociales.
- Pour l’enseignement, cette distinction est de première importance en habituant pratiquement les étudiants aux nécessités logiques d’une méthode vraiment scientifique et en leur facilitant la conception claire et méthodique des faits. Elle les prépare en même temps au travail indépendant et personnel en leur fournissant des procédés d’investigation sûrs et nécessaires pour toute recherche productive.
- Des logiciens de premier ordre comme MM. les professeurs Ad. Naville, Goblot et d’autres, nous montrent avec raison qu’il est désormais impossible d’opposer la méthode de la physique, de la psychologie ou de la sociologie à celle des mathématiques aussi absolument qu’on le faisait autrefois. Les procédés du physicien, du psychologiste ou du sociologiste ressemblent toujours plus à ceux du mathématicien, à mesure qu’ils se perfectionnent.
- Toutes les sciences ont une partie abstraite qui étudie les rapports entre des concepts. Ces sciences de lois ont du reste un point de départ expérimental. Les mathématiques ont eu au début une phase tout empirique ; ce n’est qu’avec le développement ultérieur qu’elles ont pris une apparence de plus en plus aprioristique : les constructions rationnelles refoulent dans l’ombre les données d’observation, qui n’en existent pas moins.
- Dès maintenant, dans certaines parties de la physique, la construction rationnelle a un rôle non moins grand que l’observation. Le développement de la psychologie et de la sociologie va du même côté. De telle façon que sans diminuer l’importance de la partie
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- historique et descriptive qui se base principalement sur l’observation, il faut reconnaître le rôle de premier ordre de la partie, abstraite et rationnelle. Il est d’une bonne méthode logique et en même temps d’une bonne méthode d’enseignement d’introduire et de maintenir strictement cette distinction.
- Parmi les sciences sociales, c’est l’économie politique qui, la (première, a introduit cette distinction de la façon la plus rigoureuse, en acceptant pour la partie rationnelle la forme mathématique.
- Cournot en fut le vrai fondateur, pour avoir dans ses Recherches sur les principes mathématiques de la théorie des richesses (1838) nettement indiqué en quoi consistait l’application des mathématiques à l’économie politique, pour avoir posé la courbe de demande d’une marchandise en fonction décroissante du prix et pour en avoir déduit la théorie mathématique du monopole.
- En 1854, Gossen, dans son Entwicklung der Gesetze des menschli-chen Verkehrs, pose une autre courbe, celle de Y intensité du dernier besoin satisfait en fonction décroissante de la quantité consommée de marchandise et il en tire la formule du partage autoritaire de deux marchandises entre deux individus en vue du maximum absolu d’utilité, par l’égalité des intensités des derniers besoins satisfaits de chaque marchandise chez les deux individus (partage communiste).
- En 1862, levons pose la même courbe que Gossen et il en tire la formule du troc libre de deux marchandises entre deux individus impliquant la proportionnalité inverse chez chaque échangeur des intensités des derniers besoins satisfaits (final degree of uiïlityj aux quantités troquées des marchandises (partage individualiste).
- Enfin, en 1873, M. Walras expose, dans un mémoire intitulé Principe d'une théorie mathématique de l'échange, la théorie de l’échange économique de deux marchandises entre un nombre quelconque d’échangeurs. Pour cela il introduit dans le problème, en qualité d’inconnues à déterminer, les prix des deux marchandises (que levons avait remplacés par les rapports inverses des quantités échangées). Puis, de la courbe d’utilité de Gossen, il déduit les courbes de demande et d’offre, en vertu de la condition de satisfaction maxima des besoins, exprimée dans une formule identique à. celle de levons.
- De telle façon, M. Walras trouve rationnellement la courbe de demande, posée empiriquement par Cournot, et aussi la courbe d’offre. Et enfin il détermine les prix courants d’équilibre,. en vertu de la condition d’égalité, de l’offre et de la demande effectives, par l’intersection de deux courbes de demande et d’offre.
- Dans ses « Éléments d’économie politique pure », M. WTalras a tiré successivement des principes mathématiques ci-dessus indiqués : 1° la théorie de l'échange d’un nombre quelconque des mar-
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- chandises entre elles ; 2° la théorie de la production de ces marchandises considérées comme produits résultant de la combinaison de services de capitaux producteurs entre eux ; 3° la théorie de la capitalisation ou de la production des capitaux neufs et, enfin, 4° la théorie de la monnaie, soit la théorie de la détermination des prix des produits, services et capitaux en une marchandise servant non seulement d’étalon pour la mesure de valeurs, mais aussi d’intermédiaire d’échange. Enfin, de toutes ces théories prises ensemble, M. Walras tire une théorie d’équilibre économique général.
- Ainsi la statique économique fut définitivement constituée. Il reste encore à faire la dynamique économique. C’est dans cette voie que se sont engagés quelques économistes, comme M. Petten en Amérique.
- D’autre part, quelques écrivains comme MM. Wicksteed, Barone, Clark, Montemartini, complètent la théorie de l’utilité marginale par une théorie de la productivité marginale qui constitue en même temps le point de départ d’une théorie de la distribution des richesses. Une grande activité règne dans ce domaine de la science, comme le prouve la liste des économistes-mathématiciens : Marshall, Edgeworth, Launhardt, Lehr, Auspitz, Lieben, Wicksell, Rossi, Giddings, Fisher, etc. Il faut y ajouter les représentants de l’économie pure qui s’appuient sur la déduction sans recourir aux mathématiques, comme Menger, Wieser, Sax, Bôhm-Bawerk, etc.
- Suivre pas à pas tout ce mouvement, en exposer le progrès dans les phases successives et les résultats acquis, c’est le problème que nous nous sommes posé dans un cours que nous faisons depuis six ans à l’Université de Genève.
- De plus, entraînés par l’exemple de l’économie politique pure, et convaincus que c’est dans cette voie que la science sociale devra nécessairement s’engager pour aboutir à une constitution définitive, nous avons tenté d’appliquer les mêmes méthodes d’investigation et de raisonnement dans tous les autres domaines de la sociologie générale et abstraite.
- C’est ainsi que nous sommes arrivés à la conception que la théorie de l’équilibre peut être étendue des phénomènes économiques à tous les phénomènes sociaux : politiques, juridiques, moraux, esthétiques, religieux et scientifiques, les deux modes de partage Gossenien et Jevonien s’adaptant très bien au régime communiste des sociétés primitives, et au régime individualiste des sociétés historiques.
- En étendant les résultats acquis par l’économie politique pure à la science sociale, nous sommes arrivés à la constatation que les équations fondamentales de M. Walras —exprimant, pour un échangeur, l’équivalence des quantités offertes et des quantités demandées des diverses marchandises à certains prix et la proportionnalité des intensités des derniers besoins satisfaits à ces prix —
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- peuvent être déduites des équations générales du mouvement de Lagrange et nous avons montré analytiquement de quelle façon cette déduction peut être faite. Ayant fourni les équations de l’équilibre social, nous avons fondé les bases de la mécanique sociale — dans sa partie statique — sur le principe de Lagrange, celui du minimal effort ou de l’énergie maximale, c’est-à-dire sur le principe qui sert de base à la mécanique cosmique.
- Passant ensuite à la partie dynamique du problème, nous avons donné une définition de l’énergie sociale-biologique dans ces deux formes : potentielle (faim et amour) et kinétique (économique, politique, juridique, morale, esthétique, religieuse et scientifique). Ceci nous amena à l’application des principes de la thermodynamique, dont le troisième, celui de Clausius, explique en même temps la spiritualisation progressive de tout agrégat social fermé et la baisse de son potentiel. C’est la dissipation de l’eutropie qui s’effectue dans le monde social, comme dans le monde physique.
- Enfin, nous avons montré de quelle façon le principe du moindre effort et de l’accélération de vitesse explique la différenciation et l’intégration progressive des agrégats sociaux par leur adaptation toujours plus parfaite au milieu naturel et artificiel. Tout ceci fait l’objet d’un cours de mécanique sociale que nous faisons sous le titre de : « Bases économiques de la science sociale », parallèlement à notre cours d’économie politique pure. — En effet, le point de départ de nos recherches fut, comme nous l’avons montré, l’économie politique pure, à laquelle nous ramenons toute la science sociale, en la ramenant elle-même à la mécanique.
- Dans notre cours, nous ne nous contentons pas de la partie abstraite et pure, mais nous la faisons suivre des applications aux sociétés primitives et historiques par une étude détaillées des faits.
- Les résultats de nos recherches en mécanique sociale pure ont été publiés dans la Revue philosophique (mars 1898) sous le titre : « Essai sur la mécanique sociale », qui contient trois parties : 1° L’équilibre économique et social; 2° les transformations de l'énergie sociale, et 3° la dynamique sociale.
- Une année après la publication de notre travail, nous avons été heureux de constater l’apparition de deux livres de grande valeur, celui de M. le professeur Hanrion : Leçons sur le mouvement social, et de M. le professeur A. Lalande : La Dissolution opposée à l'évolution dans les sciences physiques et morales. Ces travaux, tout en différant sur certains points de nos conclusions formulées dans la Revue philosophique (mars 1898) s'inspirent des mêmes principes et tendent dans la même direction, vers une application de la mécanique et de la thermodynamique à la science sociale.
- En 1899, nous avons appliqué ces principes à la théorie de la famille et de la propriété, publiée dans la Rivista italiana di Socio-logia (novembre 1899). Nous avons montré que c’est la famille et la
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- propriété qui se trouvent à la base de la société et que toutes les autres institutions en constituent la superstructure. Enfin, au courant de cette année, nous analysons plus profondément (dans la Revue philosophique, février-mars 1900) certains points de notre théorie et nous montrons de quelle façon on peut appliquer des méthodes quantitatives à la mécanique sociale, en vue de la création d’une sociométrie.
- Certains de ces travaux ont suscité l’intérêt à l’étranger et ont été traduits en polonais (Athenaeum de Varsovie), en allemand (Soc. Monatshefte de Berlin) et en russe (Revue Scientifique de Saint-Pétersbourg). Ils ont été analysés, entre autres, dans la Rivista Italiana di Filosofia1 par M. le professeur Groppoli qui, tout en reconnaissant la nécessité d’une science générale et abstraite de la société, voudrait lui conserver le titre de sociologie pure. Mais je préférerai le titre de mécanique sociale, que j’ai donné à cette science, d’autant plus que M. le professeur Lester Ward, de l’Université de Columbia, l’auteur de Dynamic Sociology, suit maintenant la même voie et présente au Congrès International de Sociologie de cette année un mémoire intitulé : Social Mecanics.
- Telles sont les étapes de la carrière parcourue jusqu’ici par la « mécanique sociale ». En l’enseignant depuis six ans à l’Université de Genève, je ne pense pas qu’elle puisse remplacer la sociologie descriptive et comparée, représentée chez nous avec tant d’autorité et de maîtrise par M. le professeur L. Wuarin, mais je pense qu’elle peut devenir une discipline indépendante et complémentaire, se rattachant en même temps aux mathématiques, à l’économie politique et à la sociologie.
- J’ai tenu à renseigner le Congrès sur cette tentative isolée et la première dans son genre. Quant à l’économie pure, elle est déjà enseignée dans une vingtaine d’universités (en Angleterre, Amérique, Allemagne, Autriche et Suisse) et il serait désirable que cet exemple fût suivi par celles de la France. Je suis heureux d’ajouter que l’enseignement de ces sciences, qui pourraient paraître arides, intéresse les auditeurs, dont le nombre va en croissant.
- 1. Mars-Avril 1900.
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- CONGRÈS INTERNATIONAL
- DE
- PARIS
- 30 Juillet — 3 Août 1900
- L’ENSEIGNEMENT DES SCIENCES SOCIALES
- EN HONGRIE
- Par le Dr Ladislas GOPCSA
- Secrétaire au Ministère des Cultes et de l’Instruction publique
- PARIS
- ANCIENNE LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE ET Cie
- FÉLIX ALCAN, ÉDITEUR
- 108, BOULEVARD S AI NT - G E RM A IN , 108
- 1900
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- HONGRIE
- D' LADISLAS GOPCSA
- Secrétaire au Ministère des Cultes et de l'Instruction publique.
- du conservatoire national
- a îîts & y.is'nüKS
- ENSEIGNEMENT DES SCIENCES SOCIALES
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- En Hongrie, l’enseignement des sciences sociales est donné dans les deux Universités (Budapest, Kolozsvàr), à l’École polytechnique (Budapest) et dans les dix Écoles de droit Pozzony (Presbourg), Kassa, Nagy-Vârad, Eger (Erlau), Pécs (Fünfkirchen), Mârmaros-Sziget, Debreczen, Kecskemét, Sdrospatak, Eperjés.
- 1° A l’Université de Budapest, ces doctrines sont enseignées par quatre professeurs titulaires et par cinq privat-docents. Les quatre professeurs titulaires font les cours suivants : science financière et droit financier (quatre heures par semaine), théorie de la Cour des Comptes (cinq heures), économie politique (quatre heures), statistique (quatre heures). Parmi les privat-docents, deux font des cours de statistique, un, un cours d’économie politique et un, un cours de science financière.
- 2° A l’Université de Kolozsvâr-Clausembourg, les sciences sociales sont représentées par trois professeurs : droit hongrois des finances (quatre heures par semaine), statistique (quatre heures), économie politique (cinq heures).
- 3° A l’École polytechnique (arts et métiers ou École centrale), on enseigne l’économie politique (quatre heures par semaine), les finances (deux heures), la comptabilité économique et industrielle (quatre heures par semaine).
- 4° Écoles de droit (nommées Académies de droit).
- Pozsony (Presbourg). — Deux professeurs enseignent les sciences sociales ; l’un l’économie politique, la théorie et le droit des finances (huit heures par semaine), l’autre la statistique (cinq heures).
- Kassa (Cassovie). — Deux professeurs ; l’un pour l’économie politique (cinq heures) et le droit des finances (cinq heures), l’autre pour la statistique (deux heures).
- Nagy-Vârad (Grosswardein). — Deux professeurs ; l’un enseigne l’économie politique (six heures), l’autre le droit des finances (cinq heures).
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- Eger (Erlau). — Deux professeurs. Économie politique (cinq heures). Droit des finances (cinq heures). Statistique (une heure).
- Pécs (Quinquecclesiae). — Deux professeurs. Économie politique (cinq heures). Droit des finances hongroises (cinq heures). Statistique (deux heures).
- Mârmaros-Sziget. — Deux professeurs. Économie politique (cinq heures). Droit des finances (cinq heures).
- Debreczen. — Deux professeurs. 1° Économie politique hongroise (trois heures). Économie politique générale (quatre heures). 2" Statistique de la Hongrie (cinq heures). Statistique des autres États européens (trois heures).
- Kecsremét. — Deux professeurs. Théorie des finances (cinq heures). Statistique de la Hongrie (cinq heures).
- Sârospatak. — Un professeur. Économie politique (cinq heures). Droit des finances hongroises (cinq heures).
- Eperjes. — Deux professeurs. Économie politique (cinq heures). Droit hongrois des finances (cinq heures).
- II
- Outre les Universités et les Écoles de droit, il n’existe actuellement en Hongrie qu’un seul établissement : le Lycée libre (Szabad Lyceum), où les sciences sociales soient enseignées. Ce lycée — oeuvre post-scolaire — s’adresse principalement aux classes laborieuses (ouvriers et employés des chemins de fer de l’État ; ouvriers ot employés industriels ; la classe moyenne) ; ce sont principalement les professeurs des lycées qui y font des conférences. Dans l’année 1899-1900 ce lycée, qui existe depuis 1883, a donné à Budapest :
- 1° Pour les ouvriers de chemins de fer, vingt-huit conférences auxquelles assistaient 2 680 auditeurs.
- 2° Pour les ouvriers industriels, treize conférences (à chaque conférence, de 100 à 150 auditeurs).
- 3° Pour la classe moyenne, cent cinq conférences avec 4 458 auditeurs. Parmi ces conférences, les sciences sociales en ont occupé treize avec 404 auditeurs.
- Le Lycée libre a organisé également des conférences dans certaines villes de province (Zombor, Temesvâr, Szabadka, Papa, Pozsony, Lôcse, Székely-Udvarhely).
- Le Lycée libre a 26 membres fondateurs et 530 membres ordinaires. Son président est Alexandre Wekerlé, ancien président du Conseil, le secrétaire en est Laurent Hegedüs, député.
- Le ministre de l’Instruction publique, M. Jules de Wlassics, a convoqué dernièrement une conférence pour instituer en Hongrie l'Extension universitaire qui fonctionnerait à côté du Lycée libre, avec l’aide des professeurs d’enseignement supérieur.
- Budapest, le 16 juillet 1900.
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- CONGRES INTERNATIONAL
- DE
- PARIS
- 30 Juillet — 3 Août 1900
- CRÉATION
- D’UN ENSEIGNEMENT SOCIAL
- INTERNATIONAL EN FRANCE Par Dick MAY
- Secrétaire générale de l’École des Hautes-Études
- PARIS
- ANCIENNE LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE ET Ci8
- FÉLIX ALCAN, ÉDITEUR
- 108, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 108
- 1900
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- FRANCE
- DIGK MAY
- Secrétaire général de l'École des Hautes Études sociales
- i^o Ju Catalogue.....
- 1 prix ou PsUniation
- CRÉATION D’UN ENSEIGNEMENT SOCIAL
- INTERNATIONAL
- Ceci ne peut pas être un rapport. Les termes mêmes de la question soumise au Congrès : Création d'un enseignement social international, écartent toute idée d’enquête menée sur des réalités définies, ou de compte rendu portant sur des expériences réalisées. Tout au plus, mon ami, M. Lafontaine, a-t-il pu nous indiquer l’importance de la question mise à l’étude en nous expliquant la répartition et l’attribution des chaires à l’Institut des Hautes Etudes de Bruxelles : et il n’est, je crois, aucun de nous qui ne soit prêt à applaudir aux succès partiels d’essais tentés, dans les conditions les plus défavorables, au hasard des bonnes volontés à émouvoir et des concours à garder ou à ramener.
- C’est cette participation de l’aventure quotidienne à l’organisation d’un enseignement social international que je voudrais éliminer, ou tout au moins réduire autant que possible par la présentation du projet que je me permets de soumettre aux délibérations du Congrès. La rédaction de ce projet n’était pas une tâche tout à fait aisée, et je ne vois pas bien aujourd’hui comment j’aurais essayé de le concevoir il y a quelques mois. J’ajoute en toute humilité que, lorsque j’ai demandé à la Commission d’organisation l’addition au programme de ce quatrième point, je ne me rendais pas un compte exact de ce que je demandais, ni de la difficulté de mener à bien le projet que j’espérais voir émerger de la discussion. En étudiant de plus près les données du problème, en réduisant de plus en plus le nombre des solutions possibles, au cours des dix-huit mois écoulés depuis la rédaction du programme, j’ai fini par formuler pour ma propre édification deux séries d’observations, dont voici le résumé :
- 1. — S’il est un enseignement dont la diffusion large s’impose, et dont l’unité mondiale — si j’ose m’exprimer ainsi — soit de nature à préoccuper les éducateurs aussi bien que les sociologues de tous les pays, c’est certainement celui qui cherche à se constituer depuis quelques années par le concours de la science sociale
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- et de l’action. Il ne s’agit nullement, — est-il besoin de le dire ? — d’asseoir une grammaire ou un catéchisme, ni de mettre à la disposition d’une scolastique nouvelle le fil d’or des règles générales insinuées parmi les perles éparses des exceptions autorisées. Le but, infiniment plus simple, serait de produire au jour et de mettre en valeur les conclusions tirées, n’importe où, par quelques rares observateurs, de la théorie et de la pratique des sociétés. Conclusions provisoires et partielles, études lentes et difficiles, personnel scientifique assez restreint, personnel enseignant plus limité encore ; ne serait-il pas opportun de faciliter les études par l’échange des hypothèses, par le rapprochement des conclusions, par l’association des personnes, par la perpétuelle mise en circulation d’expériences, qui doivent s’appliquer, et d’idées, qui doivent s’adapter, sous peine de devenir des expériences de laboratoire et de rester des idées d’académie ? Tout ce qui s’intitule social doit être avant tout humain, et tout ce qui est humain doit se concevoir, ou se prévoir international. Or, toutes les bonnes volontés d’une élite universelle sont, dès maintenant, acquises à la création d’un enseignement social international.
- 2. — La grosse affaire est de localiser cet enseignement, de lui donner —: non des méthodes qui le gêneraient dans sa souplesse et sa variété, — mais un centre d’organisation matérielle, une assise tangible sur un sol déterminé, des bancs, une chaire et un toit...
- L'Ecole des Hautes Études sociales * s’est fondée récemment pour étudier, dans leur extrême complexité, l’ensemble des questions sociales. A l’enseignement purement théorique donné jusqu’ici à l'Institut des Hautes Etudes de Bruxelles comme à l'Institut Cesare Alfieri de Florence et au Collège libre des Sciences sociales de Paris, à l’enseignement plus spécialement économique et politique de l'Ecole libre des Sciences politiques de Paris et de l'École dés Sciences économiques et politiques de Londres, elle veut substituer un enseignement plus nettement et directement social, nullement hostile à la théorie (qui conserve une place considérable à son programme), mais largement ouvert à l’étude immédiate et réelle de ces « questions sociales » que les besoins et les souffrances de l’être humain, l’éternelle et douloureuse aspiration de l’homme au bonheur posent, impérativement, à la conscience anxieuse des sociétés. L'Ecole des Hautes Etudes sociales aborde résolument, à sa section de morale, ces problèmes d’éducation et de direction, dont la solution, depuis quelques années, semble se dérober aux recherches de l’Occident européen. A sa section sociale proprement dite, avec son ensemble d’exercices préparatoires à l’enseignement populaire,
- 1. École de Morale. — École Sociale. — École de Journalisme.
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- DICK MAY.
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- avec ses études d’organisation ouvrière, avec ses cours pratiques d’hygiène et d’assistance sociale, de « coopération » et de « mutualité », avec son union de professeurs, d’ouvriers et d’étudiants associés à une tâche commune, elle plonge dans les réalités mêmes de la vie sociale. Sa troisième section enfin ne se contente pas d’étudier dans ses origines ou sa législation spéciale ce fait social de premier plan, qui est le pouvoir prépondérant de la presse à notre époque : elle tâchera de démêler et de définir les conditions de préparation professionnelle et d’éducation pratique par lesquelles le journaliste du xxe siècle, sûr de son travail, fier de son indépendance, conscient de sa dignité, vivra dorénavant de sa profession sans trafiquer ni de sa plume, ni de son nom, ni de sa pensée.
- L’École dispose de vastes locaux et d’une administration familiarisée avec les détails matériels d’organisation. Peut-être pourrait-elle mettre un bureau à la disposition de la Commission permanente internationale, dont je propose la nomination au Congrès. Peut-être pourrait-elle ouvrir ses salles de cours et sa bibliothèque aux maîtres de tous les pays, qui témoigneraient le désir d’y professer durant les mois d’été, à partir de Pâques, et jusqu’à la rentrée de novembre. Et, si je m’exprime au conditionnel, n’ayant point de titre à m’exprimer autrement, j’ai du moins tout lieu d’espérer qu’une demande adressée au directeur de l’École serait accueillie avec bienveillance...
- PROJET
- Article premier. — Le Congrès international de l’enseignement social se réunit tous les deux ans. Le siège de chaque session est fixé, à la session précédente, par un vote du Congrès.
- Art. 2. — Une Commission permanente internationale gère les affaires du Congrès, dans l’intervalle des sessions. Cette Commission siège à Paris, dans les locaux de l’École des Hautes Études sociales, avec le consentement (réservé) du directeur et du Conseil de Direction de l’École. Elle choisit son bureau parmi ses membres, qui sont soumis à chaque session du Congrès à la réélection.
- Art. 3. — Un enseignement social international est créé, à Paris, à l’École des Hautes Études sociales (sous les mêmes réserves). Les propositions seront transmises par la Commission permanente à la direction de l’École.
- Art. 4. — Des enseignements analogues seront organisés dans tous les pays qui en feront la proposition. La Commission permanente se charge de transmettre les propositions et de faciliter la circulation internationale du personnel enseignant.
- Art. 5. — La création d’un fonds international est mise à l’ordre du jour, et confiée aux soins de la Commission permanente.
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- PARIS
- 30 Juillet — 3 Août 1900
- NOTE SUR
- L’ENSEIGNEMENT SOCIAL A L’IJNIŸERSITÉ
- POPULAIRE DE VIENNE
- EN AUTRICHE
- Par Henri HAUSER
- Professeur à l’Université de Clermont-Ferrand
- PARIS
- ANCIENNE LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE ET Ci0
- FÉLIX ALCAN, ÉDITEUR
- 108, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 108
- 1900
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- AUTRICHE
- HENRI HAUSER
- Professeur à l’Université de Clermont-Ferrand
- Ksi inuil ion
- L’ENSEIGNEMENT SOCIAL
- A L’UNIVERSITÉ POPULAIRE DE VIENNE (AUTRICHE)
- Aux questions que je lui avais posées sur renseignement populaire social en Autriche, M. le professeur Jodl a bien voulu me répondre en me faisant envoyer, par le secrétariat des Wiener volhsthümlichen Hochschulkurse, les rapports et les programmes de cette institution pour les années scolaires 1895-96, 1896-97, 1897-98, 1898-99, et les programmes de 1899-1900 1. C’est à l’aide de ces documents que j’ai rédigé les quelques lignes qui suivent.
- Henri Hauser.
- L’Université populaire viennoise est une émanation directe de l’Université de Vienne 2. Les cours ont lieu cependant en dehors du bâtiment central de l’Université, soit dans des instituts universitaires, soit dans des salles d’école, soit dans des locaux d’associations ouvrières. Ils sont faits par des professeurs, privat-docents, adjoints et assistants de l’Université, et exceptionnellement par d’autres personnes, sous la direction d’une commission élue par l’Université et dans son sein. Le président de cette commission est M. le professeur Anton Menger.
- L’objet de l’Université populaire est « l’ensemble des domaines scientifiques qui se prêtent à une exposition populaire ». Quoique les statuts excluent formellement « les cours sur des questions qui se rapportent aux luttes politiques, religieuses et sociales du temps présent », l’enseignement social est loin d’être banni de l’Université
- 1. Les Berichte über die volksthilmlichen Universitdtsvortrâge im Studienjahre... paraissent annuellement à Vienne, chez Ad. Holzhausen, imprimeur-éditeur de l’Université. Les Programme der volksthilmlichen Universitatskurse paraissent quatre fois par an (les cours sont divisés en quatre séries). Chaque série se vend 10 kreuzer.
- 2. Voir le Statut fiir die Einrichtung volksthilmlichen Universitdtsvortrâge dur ch die Wiener Universitdt.
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- 2 l’enseignement des sciences sociales.
- populaire. Nous avons relevé, sur les programmes, tous les cours qui présentent nettement un caractère social, sans parler des nombreux cours d’histoire, d’anthropogéographie, de morale qui contribuent à former un enseignement populaire social.
- Dès la première année, le Dr Fr. Tezner commençait un cours, qui a été repris régulièrement pendant les années suivantes, sur le <( Droit constitutionnel autrichien ». Ce cours, sous sa forme actuelle, comprend six leçons1 2 : la séparation des pouvoirs, l’organisation ministérielle, le « self-government », le contrôle parlementaire, le pouvoir judiciaire, la monarchie austro-hongroise. Un cours sur les « Fpndements du droit autrichien » et un autre sur « la Démographie » furent également professés dans la première série (novembre-décembre) ; dans la seconde (janvier-février), à la continuation du cours de droit constitutionnel s’ajoutait un cours sur « la Procédure en matières civile et pénale ».
- L’année suivante apparaissent des leçons sur « le Jury », sur « l’ancienne et la nouvelle constitution de l’industrie en Autriche », sur « la Libération des paysans et l’affranchissement du sol en Autriche », sur « la nouvelle Procédure civile », sur « les Droits généraux des citoyens ». En 1897 apparaît « l’Histoire de l’économie politique : concepts fondamentaux et antiquité ». En 1898-99, « l’Histoire économique jusqu’à la fin du moyen âge », « la naissance de la Science économique », la « Procédure civile ». Ces cours ont été suivis respectivement par 52, 21, 35 auditeurs, celui de droit constitutionnel (droits généraux des citoyens) par 39 2.
- En parcourant les programmes de cette année, nous rencontrerons :
- a) Six leçons sur « Questions juridiques de la vie journalière ». Le professeur (privat-docent Dr Gustav Walker) examine les bases du droit privé 'actuel, le droit de mariage, les droits des parents et des enfants, la situation sociale et juridique des enfants illégitimes, la plainte en séduction, la recherche de la paternité en droit français, dans la pratique allemande, en droit prussien, en droit autrichien ; la tutelle, le contrat de travail, le contrat de louage, le prêt et l’usure, le droit de coalition, la procédure civile, le droit corporatif ouvrier, la procédure d’exécution. -Ce cours a eu lieu deux fois, en octobre-novembre et en janvier-février.
- b) « Les efforts pour le maintien de la paix internationale », trois leçons du privat-docent Dr Strisower : 1° la paix comme idéal (le désir de la paix à travers l’histoire et au xixe siècle, les apologies de la guerre) ; 2° efforts politiques en faveur de la paix (l’idée de l’équi-
- 1. Le programme vendu aux auditeurs donne, pour chaque cours régulier, un syllams de quelques pages qui résume à l’avance les principaux points de chaque leçon.
- 2. Chiffres Inférieurs à ceux donnés pour les cours de sciences (électrotechniqùe 160 ; anatomie 270), de médecine (premiers secours, 180), d’histoire de l’art 169.
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- HENRI HAUSER.
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- libre, la direction de l’Europe par les grandes puissances 1 2 3 4) ; 3° efforts moraux en faveur de la paix (littérature pacifique au xviii® siècle, le programme pacifique et la propagande pacifique au xixe siècle, les actes officiels et les résultats. Le but final : l’idée du désarmement et du tribunal arbitral). Il me semble qu’avec ce cours, l’Université populaire viennoise entre en plein dans la définition d’un enseignement populaire social 2.
- c) « Histoire de l’Économie politique (Économie nationale) », par le professeur Karl Grünberg.
- d) « Droit pénal : les différentes espèces de crimes », Dr Lôffler.
- e) « Procédure pénale », par le même.
- f) « Droit constitutionnel autrichien », voyez plus haut.
- g) <( Éléments de l’histoire économique de l’Allemagne », six leçons du privat-docent Dr Kurt Koser. Après un exposé général des formes générales de l’évolution économique, le professeur étudie la période qui va des temps préhistoriques à l’époque carolingienne, puis le développement économique du Xe au xive siècle (colonisation intérieure, civilisation urbaine, révolution économique du xne au xrve siècle, rôle de l’argent), les crises sociales du xve et du xvie siècles (les sociétés, la banque, l’élévation des prix, le prolétariat urbain, les groupements sociaux dans les villes, les paysans, la révolution sociale de 1525), la chute et le relèvement de l’économie sociale allemande du xvie au xviii6 siècle ; il termine par un aperçu rapide sur l’évolution économique au xixe siècle 3.
- h) « Droits généraux des citoyens », voyez plus haut.
- Cela fait donc, en tout, pour quatre séries de leçons qui durent d’octobre à Pâques4, huit cours qui rentrent directement dans le programme d’un enseignement populaire social. Certains de ces cours éveillent chez les auditeurs un intérêt assez constant pour qu’on puisse les rééditer tous les ans ou tous les deux ans. L’un d’eux (le droit usuel) a même pu être professé deux fois dans un même semestre. Il y a donc là une tentative très sérieuse.
- On remarquera que si certains de ces cours ont pour sujet des matières déjà familières à un auditoire populaire et présentant pour lui un intérêt pratique immédiat, d’autres s’élèvent au contraire à des questions d’une haute généralité scientifique.
- Il est à noter que dans les tentatives d’extension faites par l’Université en dehors de Vienne, on ne voit pas encore figurer de cours se rapportant à un enseignement social.
- 1. L’autèur, prudemment, parle de la Prusse en 1856 et de l’Italie en 1867, mais ne va pas plus loin ; par respect sans doute pour l’article des statuts qui exclut les questions brûlantes.
- 2. Au programme est annexé une courte bibliographie de six numéros.
- 3. La courte bibliographie (cinq numéros) qu’il donne est légèrement critique.
- 4. Les leçons se font en général le dimanche après midi.
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- CONGRES INTERNATIONAL
- DE
- Mlil
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- 30 Juillet — 3 Août 1900
- DES SCIENCES SOCIALES
- DANS
- LES ÉCOLES SECONDAIRES ANGLAISES
- Par Michaël SADLER
- Directeur de l’Education Department Library
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- M. MICHAËL SADLER
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- DES SCIENCES SOCIALES
- DANS
- LES ÉCOLES SECONDAIRES ANGLAISES
- 1° En Angleterre il n’y a pas d’uniformité dans l’enseignement secondaire. L’Etat ne publie pas de programmes faisant autorité dans toutes les écoles secondaires publiques. Aussi il y a dans ces écoles une grande variété de types, et il n’y a d’unité stricte ni dans les matières enseignées, ni dans les méthodes d’enseignement.
- Il faut donc se garder de généraliser lorsqu’on parle de l’enseignement secondaire anglais. On ne peut rien affirmer de façon générale qui s’applique à toutes les écoles. Autant d’écoles, autant d’études diverses, autant de points de vue différents.
- Dans ce rapport nous esquisserons seulement les traits généraux de l’enseignement des sciences sociales. Nous signalerons également les exceptions dignes de remarque.
- 2° Il faut tout d’abord définir ce qu’on entend par « Sciences sociales ». Sur cette question les opinions diffèrent.
- D’aucuns entendent par là à peine quelque chose de plus que les doctrines d’économie politique. Pour d’autres le mot a un sens plus étendu et embrasserait la morale, la philosophie politique ; les « grandes généralisations de la biologie et de la psychologie » que Herbert Spencer déclare nécessaires « pour l’interprétation rationnelle des phénomènes sociaux » ; l’histoire et la théorie économiques ; l’histoire du développement social et national, la littérature, l’art, etc., dans leur influence sur les idéaux de vie; l’étude du fonctionnement et des méthodes du gouvernement central et local, et des devoirs du citoyen.
- 3° Peu d’élèves, garçons ou filles restent à l’école secondaire au delà de la dix-neuvième année. La plupart d’entre eux quittent l’école beaucoup plus tôt.
- On comprend, par suite, que pendant la durée de leurs études à l’école, ils ne puissent étudier d’une façon détaillée ni systématique les sciences sociales. Leur expérience de la vie est trop limitée ,
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- leur jugement trop peu mûr. Puis ils seraient rebutés par bien des sujets que leur âge ne leur permet pas de comprendre ou fâcheusement influencés par les idées, fausses d’aventure, d’un professeur ayant conquis leur admiration.
- Et même, si les élèves avaient l’âge nécessaire pour se livrer à une étude sérieuse des sciences sociales, le temps leur manquerait étant donnée la quantité des matières étudiées dans les écoles secondaires anglaises. D’autre part, il est fort possible, sans sortir des limites ordinaires de l’enseignement secondaire, d’intéresser les jeunes gens et jeunes filles, aux problèmes généraux de la science sociale, de leur signaler poui'plus tard des sujets à creuser, et même (mais de façon très restreinte) de leur donner quelques renseignements détaillés sur telle ou telle partie d’un sujet.
- Presque tous les élèves intelligents prennent position en sortant de l’école secondaire, vis-à-vis des questions sociales.
- Mais cette théorie qu’ils adoptent résulte-t-elle de ce qu’on a professé ou de ce qu’on n’a pas professé devant eux les sciences sociales ? Il est permis d’hésiter.
- Cela dépend plutôt, selon nous, du ton général de l’école, des tempéraments individuels, et des courants de la philosophie sociale de l’époque, que de leçons qu’on aura pu leur faire sur la « science sociale ». N’oublions pas non plus que sur des esprits impressionnables, un enseignement un peu partial portant sur des questions de controverse morale ou sociale, peut produire de fâcheux effets et même une réaction violente.
- 4° Dans les Mémoires d'un révolutionnaire, le prince Kropotkine dit combien il serait important d’avoir parmi les professeurs d’une école, un homme qui, au lieu de se confiner dans les bornes é'troites d’un même sujet, pourrait, au cours de son enseignement, « réunir les diverses sciences historiques et humanitaires, les unifier grâce à une large conception humaine et philosophique, et éveiller quelques idées élevées dans les cerveaux des jeunes gens. Il y aurait la même chose à faire, ajoute-t-il, pour les sciences naturelles. Il ne suffit pas d’enseigner la physique, la chimie, l’astronomie, la météorologie et la botanique. Il faudrait présenter aux élèves une philosophie des sciences naturelles, une vue générale de l’ensemble de l’univers. La philosophie et la poésie de la nature, les méthodes de toutes les sciences exactes, et enfin une conception généreuse de la vie de la nature devraient faire partie de tout enseignement. »
- Dans ce programme idéal rentrerait naturellement une introduction aux sciences sociales. Mais elles sont bien rares les écoles secondaires anglaises où les différentes parties du programme soient fondues en une grande synthèse intellectuelle et morale comme celle décrite par le prince Kropotkine. Puis, une question se pose. Dans l’état actuel des connaissances, trouverait-on en dehors de certains corps religieux, ou de certaines familles unies par de
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- communes sympathies sociales et morales, une entente suffisante sur les principes de la foi et de la vie, pour permettre l’introduc^ tion dans les programmes d’une école secondaire, d’une telle synthèse dominante des idées intellectuelles et morales ? Peut-être ce défaut de synthèse des diverses idées contenues dans les sujets d’enseignement est-il quelque chose de plus sérieux qu’on ne le pense généralement. Nous pensons que c’est là l’une des causes principales d’une certaine diminution de l’intérêt intellectuel qui a été remarqué par de nombreux observateurs dans les écoles secondaires anglaises. Mais il y a d’autres causes qui nous échappent, et nous sommes loin de penser qu’on puisse y remédier artificiellement en formulant un certain nombre de propositions générales et en les enseignant, fût-ce éloquemment, aux jeunes gens des deux sexes. Spiritus ubi vult spirat. Ce serait cependant un fâcheux résultat du caractère transitoire de la pensée contemporaine en matière morale et sociale, si les maîtres et maîtresses des écoles secondaires redoutaient de communiquer à leurs élèves quelques idées générales sur le but et la conduite de la vie dans les conditions actuelles de la recherche scientifique et de la croyance religieuse. Certains critiques ont dit que « la plus grande et la plus dangereuse erreur de quelques professeurs secondaires anglais, c’est de borner trop leurs efforts à faire des enfants qui leur sont confiés des élèves satisfaisants moralement, intellectuellement et physiquement au point de vue de l’école et capables de satisfaire aux examens de sortie ».
- Mais ce n’est pas là l’opinion générale ; beaucoup de gens sont plutôt d’avis de ne pas diriger trop tôt l’esprit des enfants vers les problèmes de la vie.
- Notre opinion personnelle est que l’intérêt accordé par les jeunes gens et les jeunes filles des écoles aux questions politiques et sociales dépend bien moins de ce que disent ou ne disent pas les maîtres, que des. courants d’enthousiasme ou de découragement social qui se manifestent dans le monde en dehors de l’école.
- 5° Mais sans aller bien loin, peut-on, dans les conditions actuelles, donner aux garçons et aux filles des écoles secondaires, quelques idées plus claires et plus substantielles sur l’économie sociale et les fonctions du gouvernement central et local?
- Sur ce point les opinions sont fort différentes.
- Un certain nombre de professeurs hommes et femmes sont très partisans d’organiser, dans des limites restreintes, l’enseignement de la science sociale dans les écoles secondaires.
- D’autre part, beaucoup de professeurs expérimentés s’y refusent, alléguant notre manque d’unanimité à propos des principes nécessaires de tout ordre social, et aussi parce qu’ils ne croient pas bon
- 1. C. C. Cotteril. Sur le caractère général de l’éducation scolaire dans les treize Essays on Education, p. 147.
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- l’enseignement des sciences sociales.
- de préoccuper les esprits des jeunes gens de théories discutables aussi bien au point de vue économique qu’au point de vue moral.
- Ces professeurs pourraient dire : « Nos élèves, auront, il est vrai, à vivre sous les conditions imposées à tous les citoyens par la démocratie politique, et par l’organisation capitaliste de l’industrie.
- « Mais l’une et l’autre, semble-t-il, sont à une phase de développement rapide, à une phase de transition. Faut-il donc dans l’intérêt de mes élèves en particulier et du pays enseigner à l’école des questions économiques et politiques :
- « 1° En admettant la permanence d’une organisation politique qui nous semble personnellement transitoire.
- « 2° Ou bien en élevant des doutes sur la sagesse d’une organisation acceptée par des personnes d’une plus grande expérience que nous.
- « 3° Ou en démontrant l’immoralité et l’injustice des conditions sociales dont les parents de nos élèves se contentent apparemment ?
- « Ne vaut-il pas mieux nous borner à instruire nos élèves dans des branches de la science sur lesquelles il n’y a pas de telles divergences d’opinions, former ainsi leur jugement et leur goût, grâce à une discipline faite de moins de controverse, et les préparer ainsi à affronter l’existence bravement et honnêtement, en donnant à leur esprit l’acuité et l’indépendance nécessaires pour trancher les questions plus graves ? »
- Pour quelque raison que ce soit, il y a en Angleterre assez peu d’écoles secondaires où l’économie politique rentre d’une façon importante et bien tranchée dans les programmes d’études.
- Aux examens locaux de l’Université de Cambridge une question d’économie politique est donnée à traiter aux candidats qui le désirent. A Oxford on donne de même des sujets : 1° de politique ; 2° d’économie politique.
- Beaucoup de jeunes gens et jeunes filles des écoles secondaires se présentent à ces examens.
- Dans l’appendice E on trouvera quelques-uns des sujets de politique et d’économie politique proposés à ces examens. Aux examens de l’Université d’Oxford, pour les candidats « seniors » le programme qui définit le. genre des sujets à poser sur l’économie politique exige du candidat : « La connaissance générale des théories économiques relatives à : 1° la production ; 2° la distribution ; 3° l’échange ; 4° la consommation de la richesse ; 5° le rôle économique du gouvernement. Le candidat doit aussi prouver qu’il connaît : 1° les lois d’augmentation et de diminution de la richesse, les théories de la population, le principe de la division du travail, l’origine et le développement du capital.
- « 2° Les théories de la rente, de l’intérêt, des gains et des salaires.
- « 3° Quelques généralités sur les théories de la valeur et leur application au commerce international.
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- 4° Le rôle de la monnaie, et les opérations de banque et de crédit.
- « 5° Les impôts, le but et les difficultés du socialisme.
- « Les candidats doivent également prouver qu’ils sont au courant de la situation économique actuelle. »
- Au même examen (c’est-à-dire pour les « seniors »), les candidats peuvent demander à être interrogés sur la politique élémentaire, telle qu’elle est traitée dans l’ouvrage de Lewis On tlie Use and Abuse of some political Terms.
- Les candidats des deux sexes sont admis aux examens locaux de seniors d’Oxford sans limite d’âge ; cependant aucune mention honorable ni distinction ne pourra être accordée à la suite des examens de l’année 1900 à tout candidat né avant le 1er juillet 1881.
- Aux examens locaux d’Oxford pour juniors, et auxquels peuvent se présenter des candidats des deux sexes sans limite d’âge, sauf la restriction déjà signalée pour les candidats nés avant le 1er juillet 1884, les candidats peuvent demander à être examinés sur la politique élémentaire telle qu’elle est traitée dans le livre de Strachney Industrial and Social Life and the Empire.
- La statistique ci-après montre que ces sujets ne sont pas demandés par un grand nombre de candidats :
- EXAMENS D’OXFORD 1° Seniors a. Politique.
- 1898 ......... candidats examinés 15
- 1899 ......... — — 10
- b. Economie politique.
- 1898 ......... candidats examinés 59
- 1899 ......... — — 42
- Nombre total des candidats seniors ayant obtenu les diplômes à la suite des examens d’Oxford dans les deux années précitées :
- 1898 ............. 1355
- 1899 ............. 1281
- 2° Candidats juniors
- Politique élémentaire.
- 1898 ......... candidats examinés 44 reçus 10
- 1899 ......... — — 36 — 31
- Nombre total des juniors ayant obtenu le diplôme à la suite des examens locaux d’Oxford :
- 1898
- 1899
- 9
- 3 393 3 037
- reçus 10 — 6
- reçus 53 — 41
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- l’enseignement des sciences sociales.
- Examens locaux de l’Université de Cambridge Seniors
- Economie politique.
- 1898 ........... nombre des candidats 136
- 1899 ........... — — — 116
- Nombre total des candidats seniors qui se sont présentés aux examens de l’Université de Cambridge pour les deux années indiquées :
- 1898 ............. 2191
- 1899 ............. 2 215
- Parmi les questions posées sur d’autres sujets dans les examens précédents et les examens du même genre, ainsi que dans les examens scolaires d’Oxford et de Cambridge se présentent quelques questions particulières relatives à certains points de la science sociale. Nous donnons dans un appendice un choix de ces sujets.
- 6° Le lecteur trouvera dans un appendice de ce rapport un programme d’enseignement de la science sociale suivi à l’école secondaire de garçons William Ellis, Gospel Oak, Londres N.-W.
- Ce programme est d’autant plus intéressant pour les personnes qui s’occupent de la question, que le fondateur de cette école, Mr William Ellis (1800-1881), fut un chaud partisan de l’introduction de l’enseignement social dans les programmes scolaires. Dans un de ses ouvrages Mr Ellis exprimait sa pensée de la façon suivante :
- « J’appelle éducation une application sérieuse de moyens bien choisis pour donner à tous une connaissance des lois de l’univers et de leur importance pratique dans les besoins et les nécessités journalières de l’existence, connaissance leur donnant la claire conviction que l’unique condition du bonheur est pour chacun d’être en accord parfait avec ces lois ; pour communiquer à tous une habileté manuelle, musculaire, intellectuelle, leur permettant d’augmenter et de perfectionner leurs connaissances et de les appliquer à l’occasion ; pour faire naître, en tous, des habitudes d’observation, de travail, de prévoyance, en l’absence desquelles les meilleurs dons intellectuels sont presque inutiles.
- <( Une telle éducation continuée de génération en génération donnerait des sujets connaissant et pratiquant les devoirs de la vie sociale, travaillant et économisant pour leur existence présente et future, et luttant pour le plus grand profit de tous.
- « Un peuple ayant reçu une telle éducation ne serait plus seulement animé de l’espoir vulgaire de réussir, du désir vain et illusoire de s’élever au-dessus des autres, mais il aurait conscience de ee qu’il y a de sacré dans le devoir à accomplir, dans l’engagement à tenir.
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- « Et de cette façon, le désir de bonheur et de gain, mobile de nos actions et de nos efforts, serait dominé et maîtrisé par un sens supérieur du devoir, et pourrait atteindre ainsi sa véritable fin. »
- Extrait de E. K. Blyth Life of William Ellis.
- Dans une lettre écrite en 1859 à la commission de l’Education populaire du duc de Newcastle, Mr Ellis demandait que les élèves des écoles fussent initiés aux phénomènes de la vie industrielle et aux conditions du succès’ industriel et instruits à fond sur : 1° les sources de la richesse : l’industrie, la science, l’habileté et l’économie.
- 2° Les rapports entre le capital et le travail, les obligations réciproques du patron et de l’ouvrier, du maître et du domestique et les circonstances qui modifient le taux des salaires et des profits.
- 3° L’importance du respect dû à la propriété, la nécessité d’un gouvernement et de lois imposant ce respect lorsqu’il ne s’impose pas autrement.
- 4° Les avantages de la division du travail et les responsabilités nouvelles qui en dérivent, les causes et les effets des fluctuations des valeurs, la nécessité absolue de l’honnêteté, de la persévérance, de la ponctualité, de l’ordre et de la patience pour permettre aux échanges de se faire d’une façon satisfaisante.
- 5° L’usage de la monnaie ; les causes et les conséquences des fluctuations des prix et des salaires ; la funeste folie des luttes de l’offre et de la demande, de l’organisation de syndicats, de grèves, etc., d’empêcher l’emploi des machines et autres améliorations dans les méthodes de production, des migrations de capitaux et de bras d’une région dans une autre où l’on espère trouver de plus forts profits.
- 6° L’utilité du crédit pour la distribution des capitaux entre les mains de ceux qui sont le plus capables d’en faire un bon emploi ; le rôle des banques et des banquiers; les responsabilités nouvelles créées par l’usage du crédit, les causes des faillites, des paniques commerciales et des cessations de travail. Les précautions à prendre pour atténuer ces maux L
- Dans l’histoire de l’enseignement en Angleterre au xixe siècle, on peut dire que Mr William Ellis a été l’apôtre de l’enseignement de la science sociale. Pour soutenir ses revendications et appliquer pratiquement ses principes, il a dépensé beaucoup de talent, d’argent et de patience. Il professait la plus vive admiration pour l’économie politique de James Mill, et fut profondément influencé par la philosophie de Bentham.
- Mais, comme le fait remarquer un biographe : « L’économie sociale, telle que Ellis l’a développée, est l’union des principes de l’économie politique telle que l’avaient comprise ses prédécesseurs
- 1, E. K. Blyth. Op. Clt., p. 204.
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- l’enseignement des sciences sociales.
- avec les principes de la morale et de la religion. Son but est d’inculquer des motifs d’action, adaptés aux phénomènes dé la société moderne, les seuls qui puissent amener une amélioration permanente du bien-être national *. »
- Grâce à l’amabilité de M. le directeur Cumberland j’ai pu faire suivre ce rapport d’un appendice donnant un plan d’enseignement de la science sociale, appliqué à l’école secondaire qui porte le nom de William Ellis.
- A l’University College School de Gower Street à! Londres furent créés, en 1858, des cours de science sociale grâce aux efforts de William Ellis. On expose, dans ces cours, « les doctrines élémentaires de l’économie politique dans le sens le plus large du mot, dans son influence non seulement sur la production et la distribution de la richesse, mais sur les conditions du succès industriel et du bonheur social, et sur les obligations pratiques de chaque individu envers les autres ».
- Le directeur d’University College School, Mr J. L. Paton m’a déclaré que ces cours continuaient à fonctionner mais sans posséder de programme régulier. Voici les manuels en usage :
- 1° Pour les juniors :
- Mrs Fawcett : Political Economy.
- S. Jevons : Primer of Political Economy.
- 2° Pour les seniors :
- A. Marshall : Economies of Industry.
- F. Walker : Political Economy.
- A la North London Collegiate School de jeunes filles, dans San-dall Road, N. W. (on donne l’enseignement civique ou rôle du gouvernement central et local), on enseigne les théories de l’offre et de la demande et l’histoire économique.
- Grâce à l’amabilité de la directrice Mrs Bryant, doctoresse ès sciences sociales, j’ai pu joindre à ce rapport trois programmes de ces cours d’enseignement.
- Mrs Bryant me fait savoir que ces leçons ont un caractère très élémentaire et sont faites dans des classes déterminées, une fois par an, jamais dans deux classes à la fois. Les leçons sur le gouvernement local et le gouvernement central alternent tous les ans.
- A la High School de jeunes filles de Manchester la directrice Miss Burstall m’écrit que l’enseignement « civique » est semblable à celui de la N. L. Collegiate School. Une année on étudie le gouvernement local et l’année suivante le gouvernement central.
- 8° Dans beaucoup d’autres écoles secondaires pour les deux sexes, l’économie politique et l’enseignement civique rentrent dans les programmes réguliers de renseignement des hautes classes. Mais il est inutile que j’ajoute rien aux exemples donnés plus haut. Je
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- 1. Blyth. Op. cit., p. 127.
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- dois à l’obligeance de Mr H. Bompas Smith, directeur de la Queen Mary’s School, à Walsall, les observations suivantes basées sur son expérience personnelle de l’enseignement de la science sociale dans les écoles secondaires.
- Ces observations indiquent d’une manière frappante l’avantage de mettre l’enseignement économique au nombre des sujets d’étude réguliers des écoles secondaires, surtout dans les districts industriels. Je voudrais signaler surtout la prudence avec laquelle Mr Bompas traite des questions sujettes à beaucoup de controverses, telles que les grèves, prudence qui contraste avec la façon dogmatique et ex parte dont W. Ellis, à une époque où l’enseignement de la science économique ne datait pas encore de bien loin, parlait de ces questions dans le passage cité plus haut :
- ENSEIGNEMENT DES SCIENCES SOCIALES A QUEEN MARY’S SCHOOL, WALSALL
- Le but de cet enseignement est 1° d’exciter l’intérêt pour le mouvement social actuel ; 2° de donner quelques notions sur les principes généraux du commerce.
- On prend pour base de l’enseignement un manuel succinct d’économie politique, complété par des explications orales et l’exposé des diverses doctrines ; on conseille aussi aux enfants de lire des morceaux choisis d’autres auteurs et on leur donne des questions à traiter à la maison.
- On voit des enfants de 17 ans s’intéresser vivement à des questions qui sembleraient plutôt appropriées à des garçons en âge de quitter l’école, ou l’ayant déjà quittée, surtout lorsqu’ils se préparent à embrasser une carrière commerciale.
- Trois points sont à signaler : 1° Il est bon de donner toujours des exemples pris dans les conditions locales, le commerce local pour montrer toujours ainsi l’application de la théorie à la pratique.
- 2° Quand un enfant aura un sujet à traiter, sa lecture devra être assez étendue pour qu’il puisse connaître les diverses théories, mais cependant bornée à certains points précis, afin d’empêcher son esprit de s’égarer.
- 3° Les questions très discutées, socialisme, grève, bimétallisme, apparaîtront constamment. La méthode adoptée consiste à exposer aussi impartialement que possible la thèse et l’antithèse, l’opinion du professeur ne devant être jamais considérée que comme une opinion parmi cent autres. L’élève voit, de cette façon, les deux côtés de la question et sent qu’un jour il lui faudra prendre décisivement parti.
- 9° Mais outre le nombre certainement croissant des cas où l’économie politique et les « civics » sont enseignés dans les classes
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- L’ENSEIGNEMENT DES SCIENCES SOCIALES.
- comme partie régulière du programme, il faut se souvenir que dans presque chaque école secondaire d’Angleterre on enseigne jusqu’à un certain point la science sociale, soit à des élèves pris en particulier, soit incidemment au cours de leçons d’histoire ancienne ou moderne, de géographie, etc.
- L’importance de cet enseignement dépend de beaucoup de circonstances, des sujets auxquels le maître s’intéresse particulièrement, de la nature du sujet, des aptitudes spéciales de l’élève et du but qu’il se propose.
- Pour éviter tout malentendu, il faut faire remarquer ici que l’enseignement classique, tel qu’on l’entend dans les grandes écoles secondaires anglaises n’exclut pas des parallèles et comparaisons utiles entre les conditions politiques sociales et économiques du monde moderne et du monde ancien. Tout professeur intelligent faisant étudier à ses élèves Thucydide, Tacite ou Cicéron, trouvera beaucoup d’occasions d’exciter leur intérêt pour la politique et de développer leur jugement. Le Dr Arnold de Rugby évitait toujours avec soin toute allusion à ses propres principes politiques au cours de ses leçons, et dans de rares occasions seulement ses sujets de composition effleuraient des questions de polémique politique i.
- Il voulait avant tout habituer ses élèves à se former eux-mêmes un jugement personnel et à apprécier l’entente morale au milieu des divergences intellectuelles.
- Mais le Dr Arnold était un chaud partisan de l’éducation classique dans son sens le plus large parce que : « Les auteurs classiques, en l’absence complète de ces noms et de ces associations d’idées particulières qui modifient pour toujours notre jugement dans les questions actuelles, discutent parfaitement les grands principes de toutes les questions politiques, civiles ou religieuses, avec la plus entière liberté, l’éloquence la plus attirante et la plus profonde sagesse *. »
- Dans beaucoup de grandes écoles publiques, les élèves peuvent lire comme matières complémentaires, des livres traitant d’économie politique ou d’autres branches de la science sociale.
- D’autre part, dans les hautes classes on donne souvent comme sujets de composition des questions intéressantes au point de vue social.
- Au cours des leçons sur la littérature anglaise on traite souvent des sujets analogues.
- De plus, dans toutes les écoles anglaises existent des sociétés de discussion, qui, dans leurs réunions étudient une grande variété de questions sociales, politiques et économiques.
- Enfin, bien que l’Ethique ne fasse pas partie des programmes, d’une façon régulière, il n’y a guère d’école secondaire anglaise où
- 1. Dr Arnold. Sermons, vol. III. Préface.
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- on n’étudie pas l’Ancien et le Nouveau Testament, ou, tout au moins, le directeur ou la directrice ne fasse quelques simples exposés sur la vie et les devoirs, ce qui constitue encore une forme dogmatique mais efficace d’enseignement moral. Ceux qui étudient l’enseignement secondaire anglais savent tous quelle importance eurent dans l’œuvre pédagogique du Dr Arnold les sermons qu’il prêcha dans la chapelle de l’école de Rugby. Depuis l’automne de 1831 jusqu’à la fin de sa vie en 1842, il prêcha presque chaque dimanche de l’année scolaire. « Il suffit de lire ses sermons, dit son biographe Stanley, pour comprendre l’histoire de son esprit et la méthode de son école.
- « Mais il fallait l’entendre ; étant là plus qu’ailleurs lui-même, concentrant toutes ses facultés, toute son âme sur un seul objet, combattant face à face le mal contre lequel il ne cessa de lutter. Ce n’était pas le prédicateur ou le clergyman qui, en montant en chaire, dépose toutes ses pensées et ses habitudes journalières.
- « Il restait l’universitaire, l’historien, le théologien, appuyant sans exagération, mais avec conscience et clarté, tout ce qu’il disait, sur les plus graves principes du passé et du présent. Il restait l’instructeur, le professeur, mettant seulement dans son enseignement plus de gravité et d’énergie.
- « Simple et sérieux il tâchait de gagner les autres à ses convictions, à son dégoût du péché, à son amour de la bonté, à sa croyance en cette foi dans laquelle il voulait vivre et mourir. Il serait difficile de décrire, sans paraître exagérer, l’attention avec laquelle il était écouté par les plus jeunes enfants1. •»
- L’importance que donnent à la chapelle de l’école beaucoup d’universitaires anglais de l’époque présente est hautement indiquée dans un poème récent de M. Henry Newbolt intitulé Clifton Chapel.
- Dans ce poème, un père conduit son fils pour la première fois à l’école où lui-même a été jadis écolier. Tous les deux entrent dans la chapelle :
- « Voici la chapelle ; ici, mon fils, — ton père a pensé les pensers de la jeunesse — et a entendu les paroles dont une à une — le contact de l’existence a fait une réalité. — Ici, un jour qui n’est pas bien loin — toi aussi tu converseras avec de nobles mânes — de la vaillance et des vœux guerriers — que tu as fait devant le Dieu des armées,
- « De mettre la cause au-dessus de la gloire, — d’aimer la tâche plus que la récompense — d’honorer tout en l’abattant — l’ennemi qui s’avance avec des yeux courageux, — de regarder une vie de lutte comme une vie bonne, — d’aimer la patrie qui t’a donné nais-
- 1. Stanley. Life of Arnold, vol. I, p. 171.
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- sance — d’aimer plus encore la confraternité qui unit les braves de tout l’univers.
- « Mon fils, ce serment est le tien : pour fin — il est Celui, qui a créé cette terre de lutte — qui a donné à Ses enfants la douleur pour compagne — et qui fit de la mort la plus sûre espérance de la vie. — Aujourd’hui, en ce lieu, le combat commence, — tu fais partie du grand compagnonnage — l’école et toi vous ne faites plus qu’un — et la race sera ce que tu auras été. »
- 10° Toutes les grandes écoles secondaires anglaises entretiennent une mission dans un quartier pauvre d’une grande ville. Ce lien personnel entre l’école et un quartier indigent est un moyen d’intéresser un grand nombre d’enfants aux problèmes sociaux et permet à quelques-uns d’entre eux de se rendre compte personnellement de la situation du quartier, siège de la mission. Il y a souvent des associations de ce genre entre une école de filles et quelques branches du travail social dans un grande ville.
- Dans quelques écoles on enseigne aux filles la façon bien entendue d’exercer la charité sociale.
- 11° Quoique les statistiques manquent sur ce sujet, il est probable que l’enseignement restreint, mais pratique, de branches importantes de la science sociale s’introduit de plus en plus dans les écoles secondaires de garçons et de filles. Les programmes ont une tendance marquée à s’occuper de sujets sociaux, mais ne semblent pas vouloir faire de cet enseignement (peut-être à cause des nécessités des examens) autre chose qu’un essai, accidentel, exceptionnel. Lorsque l’on étudie des questions sociales et économiques, on s’attache à éviter les terrains des controverses politiques et sociales et à ne pas les discuter avec passion lorsque des allusions s’imposent. Il ne faut pas oublier que les plus grandes écoles secondaires anglaises sont des boarding schools et que l’on tient bien plus dans l’enseignement secondaire à former le caractère de l’élève qu’à lui donner beaucoup d’instruction.
- Un des plus fameux directeurs d’école de l’Angleterre, Mr Thring, écrivait en 1867 : « Un bon caractère et un esprit droit sont les choses qui peuvent le moins s’enseigner. On ne rend pas les enfants ou les hommes bons, braves et loyaux en leur apprenant les moyens de l’être, mais en les élevant d’une façon bonne, brave et loyale, en les plaçant dans un milieu propre à faire naître ces sentiments et à les développer inconsciemment. Car tout bon sentiment est d’autant plus parfait qu’il est plus inconscient1. »
- Il est clair que l’enseignement ainsi compris suppose un idéal moral et social. Mais dans les meilleurs établissements secondaires anglais, cet idéal est compris dans les traditions de la commu-
- 1. Education and School, p. 24.
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- nauté plutôt qu’exposé explicitement par les professeurs dans un cours suivi de leçons.
- Ces traditions sont d’ailleurs constamment rajeunies par l’adjonction d’éléments nouveaux. En fait, ce qui prouve le mieux la force de cette tradition c’est qu’on ne sent pas le besoin de donner aux élèves un enseignement direct de ce sujet. Mais il est évident que la tradition sera utilement complétée ou corrigée non seulement par des sermons ou allocutions sur des sujets de morale et des entretiens amicaux entre maîtres et élèves (élément très important d’éducation dans les écoles secondaires anglaises), mais par un enseignement direct de la classe ou par l’enseignement individuel des problèmes économiques et sociaux. Cependant, on remarque à l’heure présente dans certains esprits une incertitude et une hésitation en ce qui concerne les problèmes fondamentaux du bien-être social, capables d’empêcher pour un certain temps le développement rapide de l’enseignement de la science sociale dans les écoles secondaires. Les lois du progrès humain et les principes de l’économie sociale sont des questions beaucoup moins simples que ne le croyaient les penseurs d’il y a soixante ans. Le problème est très complexe et abonde en éléments très délicats, aussi bien spirituels qu’économiques et matériels. Puis, en Angleterre, on aime assez à rester dans les chemins connus tant qu’une nouvelle voie n’est pas parfaitement ouverte.
- Plus violente, encore, a été la révolte contre les formes plus matérialistes de philosophie sociale.
- Mais, en général, l’Angleterre a adopté vis-à-vis de ces questions une attitude qu’on a très justement appelée « attitude centre gauche ». Ni enthousiasme révolutionnaire, ni réaction violente ; la pensée anglaise s’est avancée lentement et prudemment sur le terrain des questions sociales et l’enseignement de ces questions dans les écoles secondaires anglaises suivra probablement le même exemple. Mais il est peu probable que l’enseignement de l’économie politique et des questions analogues joue autre chose qu’un rôle extrêmement restreint dans les programmes de nos écoles secondaires. C’est, par exception seulement que des élèves pourront s’attacher à l’étude de ces questions. Car la plupart des parents et des éducateurs anglais penseront avec le Dr Arnold que « l’absence de toute notion de politique ou d’économie politique et même une fausseté complète de jugement sur ces questions n’a qu’une importance relative, pourvu que cette ignorance n’enveloppe pas un mauvais principe de moralité. Donnez à l’enfant, autant que possible, un grand désir de s’instruire. C’est plus tard, seulement, qu’il pourra être mis à même d’atteindre aux principes de la sagesse et de les appliquer... L’essentiel, ce n’est pas de faire des enfants des prodiges de science ; notre devoir, c’est de développer leurs facultés à l’âge le plus propice, d’exciter en eux le désir de devenir
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- meilleurs, et d’attendre avec confiance que Dieu bénisse les résultats *. »
- 12° On arriverait cependant à un résultat fâcheux, si en restreignant l’enseignement de la « science sociale » aux éléments de la théorie économique de l’histoire industrielle, et à de brefs aperçus sur l’organisation du gouvernement central et local, on habituait jeunes gens et jeunes filles, à un âge où l’esprit est facilement impressionnable, à considérer les forces purement économiques ou commerciales comme l’explication unique et nécessaire de tous les problèmes sociaux.
- Il y aurait peu de bons résultats à attendre d’une forme d’enseignement susceptible de faire voir sous un angle faux les divers éléments, spirituel, égoïste, matériel, du développement des nations ou des individus composant ces nations.
- On peut faire mieux employer aux enfants les quelques années consacrées à l’instruction qu’en préoccupant leurs esprits d’idées doctrinaires sur la société ou en les encombrant de faits relatifs à la vie commerciale et aux principes du gouvernement civil.
- Les hommes les plus utiles à leur pays et à leur génération ne sont pas ceux qui ont appris à l’école à connaître tous les rouages de l’administration, tout en restant ignorants des buts et devoirs du gouvernement, et à considérer comme fin dernière de la vie la course à la fortune plutôt que l’accomplissement du devoir. Ici, comme dans toutes les divisions supérieures de l’éducation, presque tout dépend des tendances de l’éducateur, de ses lumières intellectuelles et de son exemple personnel. Corruptio optimi pessima.
- APPENDICE I
- UNIVERSITÉ DE CAMBRIDGE EXAMENS LOCAUX (SENIORS) ANNÉE 1897
- Économie politique.
- 1° Le total des biens d’une communauté est-il modifié lorsque les membres de la communauté échangent entre eux les objets utiles qu’ils ont en leur possession ? Si, par exemple, un menuisier donne une table à un charpentier en échange de lait et de beurre, leur richesse totale réciproque sera-t-elle modifiée par cette opération ?
- Est-il nécessaire que l’une des deux parties perde à l’échange pour que l’autre y gagne ?
- 2° Exposer le rapport entre le prix de revient d’un objet et sa valeur d’échange. Peut-on dire que le prix d’un programme de concert représente la valeur de son prix de revient?
- 3° Etablir la distinction entre le salaire réel et le salaire nominal.
- 1. Dr Arnold. Miscellaneous Works. « Use of the Classics », 1834, pp. 358-360.
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- Le taux des salaires représente-t-il le prix du travail pour l’employeur ?
- Donner les différentes raisons pour lesquelles le salaire pour un travail donné varie selon les lieux.
- 4° Définir et expliquer ce qu’on entend par capital. Quelles sont les principales influences susceptibles de produire une augmentation de capital ?
- Quelles sont parmi ces influences celles qui s’exercent plus puissamment aujourd’hui que jadis?
- 5° Expliquer ce qu’on entend par « loi de décroissance des revenus » appliquée au sol.
- Si l’on compare la quantité de blé (ou d’autres grains) produite à l’époque actuelle par un acre de sol anglais avec la quantité produite à une époque moins récente, on constate que de génération en génération le sol anglais n’a cessé de produire davantage. Comment concilier ce fait avec la loi précédente, faut-il voir là un fait en contradiction avec cette loi ?
- 6° Que signifie l’expression : telle monnaie est monnaie légale ? Citer des exemples tirés des diverses monnaies anglaises.
- 7° Comment un pays paye-t-il les marchandises importées d’autres pays ?
- Le fait que les Etats-Unis ont pendant plusieurs années importé plus de marchandises qu’ils n’en ont exporté prouve-t-il que les Etats-Unis aient contracté des dettes vis-à-vis des autres pays du monde ?
- 8° Citer ou résumer celui des « Canons of Taxation » de H. Sam. Smith où il pose les principes de la justice dans l’impôt.
- Apprécier la justice d’un impôt proportionnel au revenu de chaque contribuable, modifié de la façon suivante (income-tax anglais) : les revenus ne dépassant pas 400 livres ne sont taxés qu’à partir de 160 livres. Les revenus entre 400 et 500 livres ne sont taxés qu’à partir de 100 livres.
- année 1898 Économie politique.
- 1° Expliquer et commenter la signification des termes : fortune personnelle, capital auxiliaire, objets de consommation. A quels autres termes ces termes s’opposent-ils ?
- 2° Expliquer pourquoi l’utilité d’une quantité donnée de marchandise varie suivant la quantité que l’on possède déjà de cette marchandise.
- 3° Comment a lieu la production de la richesse et quels sont les principaux agents de production? Expliquer pourquoi certaines choses se vendent plus cher, et d’autres moins cher, lorsqu’elles sont produites par plus grandes quantités ?
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- L’ENSEIGNEMENT des sciences sociales.
- 4° De quels éléments se composent les bénéfices commerciaux? Jusqu’à quel point est-il vrai de dire que la moyenne des bénéfices dans des commerces différents tend à s’égaliser ?
- 5° Pour évaluer le bien-être économique d’une classe de travailleurs quelles sont, en dehors du chiffre de leurs salaires, les données dont la connaissance est absolument nécessaire ?
- 6° Des différents rôles de la monnaie. Comment le crédit peut-il se substituer à la monnaie ?
- 7° Expliquer les avantages du commerce à l’étranger ?
- 8° Quels seraient les effets probables d’une taxe levée sur les propriétaires des exploitations agricoles proportionnellement au revenu de ces exploitations ? Examiner le cas où : 1° les propriétaires ne payent pas les dépenses pécuniaires de l’exploitation ; 2° où le revenu du terrain bâti est ou n’est pas soumis à l’impôt.
- UNIVERSITÉ D’OXFORD EXAMENS LOCAUX (SENIORS) 1898
- Politique élémentaire.
- 1° Quel est d’après Seeley (a) le sujet (b) le but de la science de la politique ?
- 2° Exposer et critiquer la classification des différentes formes de gouvernement d’après Seeley.
- 3° Quelle est d’après Seeley l’influence exercée par les rapports d’un Etat avec les nations étrangères sur sa constitution ?
- Appuyez votre réponse sur des exemples historiques.
- 4° Expliquer de façon précise la distinction entre Etats organiques et Etats inorganiques.
- 5° « Le ministre n’est pas le serviteur du Parlement mais son roi. Il n’exécute pas les désirs des autres mais les siens propres. »
- Expliquer cette sentence et dire jusqu’à quel point elle peut s’appliquer aux gouvernements actuels.
- 6° Dans certains pays le pouvoir qui soutient le gouvernement est latent et n’a pas d’organe. Dans d’autres pays le pouvoir qui fait le gouvernement, possède un organe grâce auquel il peut agir régulièrement et légalement.
- Expliquer cette phrase et donner des exemples.
- 7° Quel est le sens primitif du mot « aristocratie », quelles sont les idées fausses qu’on a fait rentrer dans ce mot ?
- Questions d'examen portant sur divers problèmes de la science sociale.
- 1° Un essai sur le patriotisme.
- 2° Essai sur l’Angleterre en 1837 et en 1897.
- 3° Essai sur la presse.
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- 4° Expliquer et commenter cette parole de Burke : l’esprit de liberté est probablement plus fort dans les colonies anglaises que chez aucun autre peuple du globe ?
- 5° A quels abus le Reform Bill de 1832 a-t-il porté remède ?
- 6° Montrer d’après l’histoire du Sud Africain les avantages et les désavantages d’une Chartered Company ?
- 7° Expliquer pourquoi le Cap entre les mains des Hollandais n’a jamais eu comme colonie qu’un faible développement?
- 8° L’industrie de la laine en Angleterre ; les principaux centres, les lieux de production de la laine brute et les marchés où on l'expédie à l’état manufacturé ?
- 9° Pourquoi les colonies anglaises du Sud Africain sont-elles parfaitement adaptées aux besoins de la colonisation européenne ?
- 10° Quels sont les principaux chantiers de constructions maritimes du Royaume-Uni ?
- 11° Que savez-vous de la loi sur l’intérêt, de la loi de Malthus, du socialisme chrétien?
- 12° Comparer les avantages et les désavantages respectifs des Trade Unions et des Coopérations en tant que favorisant le progrès économique des classes ouvrières.
- 13° La loi de décroissance des revenus. Son importance au point de vue des autres théories économiques et de la pratique.
- 14° Expliquer les maximes suivantes :
- a) De tous les bagages l’homme est le plus difficile à transporter (Adam Smith).
- b) La valeur dépend complètement du rapport entre l’offre et la demande (Walker).
- c) Le capitaliste est le pouvoir moteur dans la production moderne (B agehot).
- 15° Définir les termes suivants : fonds des salaires, incidence de l’impôt, libre-échange, propriété paysanne.
- 16° Montrer, d’après le livre II de Thucydide, l’importance de la puissance maritime dans le monde grec.
- PROGRAMME
- De l'enseignement de la science sociale appliqué à l'école secondaire de garçons William Ellis, Gospel oak, Londres.
- Je n’ai pas eu en composant ce programme la prétention de corriger les leçons progressives d’Ellis. J’ai voulu seulement les arranger et les grouper de la façon que l’expérience m’avait démontré être la plus efficace. Pour rendre ces leçons déjà concrètes plus concrètes encore, je les ai fondues autant que cela a été possible avec les leçons d’histoire, de géographie et de sciences naturelles. Par
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- l’enseignement des sciences sociales.
- exemple, la leçon (n° 36) permet d’emprunter des exemples à la physique et à la chimie ; de même la leçon (n° 83) sur les lois de l’univers. La leçon (n° 30), sur les échanges commerciaux, peut être étudiée avec l’aide de la carte et du manuel de géographie.
- Beaucoup de leçons peuvent être appuyées d’exemples tirés de l’histoire et de la géographie des régions étudiées et prêteraient à des études plus intéressantes encore si les manuels n’étaient pas encombrés de détails parfaitement insignifiants.
- J’ai jugé à propos de commencer par une série de leçons montrant que bien que toutes les choses nécessaires à l’homme existent sur la terre où dans la terre, elles sont absolument inutiles sans le travail, et que de même, les facultés humaines capables de se développer dans tous les sens ne peuvent cependant le faire que par le travail. Partant de ce principe que le travail humain est d’absolue nécessité, je passe aux associations de travailleurs et à leur dépendance mutuelle. Les connaissances historiques que possède l’enfant, en histoire et en géographie, lui montrent que cette association et cette dépendance se sont développées au point de devenir internationales. Leçons 1 à 8, 14, 20, 29, 32, 69.
- Du travail résultent la richesse et la propriété qui sont étudiées avec les différents problèmes qui s’y rattachent. (Leçons 9, 10,11,12, 13, 14, 15, 16, 17, 26, 79, 80, 66, 67, 68, 70.) La richesse diminuant sans cesse par suite de l’usage qu’on en fait, il est nécessaire de la renouveler d’une façon égale et constante. Ici, vient alors la question du capital (18, 19, 23, 25, 27, 39, 45, 46, 60, 63) et la question du travail (20, 21, 24, 29, 30, 40, 42, 64, 65).
- La question du travail amène celle du salaire et des gages (17, 21, 24, 25, 59).
- Arrivé à ce point il m’a semblé à la fois inutile et difficile de chercher un ordre rigoureusement logique ; cependant, j’ai toujours donné les sujets plus ou moins dans l’ordre suivant :
- Les produits (35), etc. ; l’offre et la demande (34, 35, 43, 44) ; les prix (38, 31) ; la valeur (33) ; les bénéfices (23, 24, 25, 27) ; vente et revente (41) ; revenus (27, 28) ; échanges (30, 31, 40, 41, 42, 43, 44) ; la monnaie (37, 50, 52, 54, 57) ; le crédit (48, 49, 50, 51, 54, 57) ; le taux de l’échange (52) ; l’intérêt (61, 62, 64) ; importation et exportation (52, 53) ; émigration et immigration (63, 43, 44) ; assurances (53) ; impôts (71, 72, 73, 74, 75, 76).
- Il est impossible de professer les leçons ci-dessus en restant fidèle à l’esprit de l’œuvre d’Ellis sans étudier toujours le côté moral de la question.
- Mais, jugé à propos de réserver pour les élèves plus âgés l’étude de questions purement morales comme celle du paupérisme et de ses remèdes (56, 57, 58) ; du gouvernement (71, 95, 98, 100) ; de la loi (83, 84, 96, 97, 99) ; de l’éducation (12, 83) ; de la conduite...
- Parallèlement avec ces questions j’ai cherché pour les élèves
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- de 15 à 17 ans à conserver le plus de temps possible à l’étude sérieuse de questions d’économie politique.
- Mars, 1900.
- X. R. Cumberland, directeur.
- North London Collegiaxe School (filles).
- Programme de douze leçons sur la théorie de l’offre et de la demande.
- I. — Premiers principes : Désir et effort. — Utilité et inutilité. — Rapport des besoins et de l’activité. — Les biens et leur classification. — La Richesse. — Consommation et production. — Offre et demande.
- II. — Limitation des besoins. — Rapport inverse de l’utilité et de la qualité des biens. — Rapport de l’utilité et du prix. — La demande : tableaux et diagrammes. — Utilité totale. — Accroissement marginal demandé. — Utilité marginale. — Elasticité de la demande.
- III. — Satisfaction des besoins par les efforts faits dans ce but, par l’abstinence, ou remise à plus tard de leur satisfaction. — Exemple d’un homme satisfaisant lui-même à tous ses besoins. — Robinson Crusoé et les débris du naufrage. — Inutilité croissante de l’effort et de l’abstinence. — Rapport de l’inutilité et du prix coûtant. — Inutilité totale. — Augmentation marginale fournie. — Inutilité marginale. — Perte. — Tablaux et diagrammes de l’offre.
- IV. — L’échange. — L’emploi de la monnaie dans les échanges. — La vente et l’achat, le producteur et le consommateur. — Riens divisibles et indivisibles. — Les prix de l’offre et de la demande dans le premier cas. — Les marchés et le cours des marchés. — Comparaison du commerce des marchés avec les simples échanges.
- V. — Exemple tiré du marché au beurre ou aux grains d’une ville donnée. — Equilibre temporaire de l’offre et de la demande. — Sources autres que le marché, passage des prix du marché aux prix normaux. — Prix de revient. — Frais de production.
- VI. — Détail des frais de production. — Exemples : la viande, le miel, le pain, les vêtements, les bicyclettes. — Les nécessités de la production : terre, capital, travail, capacités particulières.
- VII. — Fertilité de la terre. — Diminution des revenus de la terre, le capital et le travail. La cultue. — La rente.
- VIII. — Le capital et ses sources. — L’accroissement de la richesse. — L’accumulation du capital. — L’épargne et ses causes. — Influence de l’épargne sur la fluctuation du taux de l’intérêt.
- IX. — Le travail. — L’accroissement des travailleurs. — Santé et force. — Habileté. — Intelligence. — Caractère. — Conditions hygiéniques de la vie et du travail industriel.
- X. — Organisation industrielle. — Division du travail. — Spécialisation des machines. — Développement des moyens de production. — Production en grand. — Les affaires.
- XI. — La puissance productive de l’homme augmente en raison directe du travail qu’il fait. — Revenus croissants du travail et du capital. — Lois d’équilibre des revenus. — Exemple de tableaux d’offre normale. — Equilibre normal de l’offre et de la demande. — Prix normaux. — Diagramme. — Revenus du consommateur.
- XII. — Résumé du cours et exemples nouveaux si on dispose du temps nécessaire.
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- 20 l’enseignement des sciences sociales.
- Programme de onze leçons sur l’histoire économique.
- I- — Signification du terme « histoire économique ». — Division en périodes :
- 1° Des origines à 1066. — L’immigration des Danois Anglais et Normands. — Les missionnaires romains. — Flamands. — Consolidation de la nation. — Extension du commerce.
- II- — De 1066 à 1216. — Domesday Book. — Origine des manoirs. — Leur organisation. — Leurs rapports avec la vie paroissiale et municipale. — Les villes dans le Domesday. — Leur responsabilité fiscale. — Leur juridiction.
- III. — Les villes et les corporations. — Le commerce et ses restrictions. — Corporations ouvrières et corporations marchandes. — Leur origine, leurs coutumes et leurs abus.
- IV. — Période de 1216 à 1500. — L’agriculture et son importance en Angleterre au moyen âge. — Apparition d’une classe de salariés et de fermiers. — Exemples de prix.
- V. — Commerce et manufactures. — Le commerce de la laine. — Son importance politique et sociale. — Manufactures anglaises. — Influence des corporations sur le commerce. — Leur décadence.
- VI. — Quatrième période de 1500 à 1760. — Changements économiques. Les domaines. — Dissolution des monastères. — Déclin de l’agriculture.
- — L’élevage des moutons. — L’agriculture aux xvne et xvm” siècles.
- VII. — Le développement du commerce extérieur. — Le commerce et la guerre. — La guerre et les prix. — Le commerce colonial.
- VIII. — Cinquième période. 1760. —' Révolution industrielle. — Les grandes inventions. — Le développement des grandes cités. — Le système des usines. — Réglementation des usines. — Nécessité de cette mesure.
- IX. — L’agriculture moderne. — Les effets de la loi sur le blé. — L’accroissement des possessions étrangères.
- X. — Histoire d’une ou de plusieurs de nos grandes compagnies ou corporations.
- XI. — Nos banques. — Leur origine. — Lombard Street et la banque d’Angleterre.
- Programme de dix leçons sur le gouvernement local.
- I. — Le rôle du gouvernement. — Distinction entre le gouvernement central et le gouvernement local. — Vue générale du fonctionnement du gouvernement local à Londres et dans les provinces.
- II. — Le gouvernement des bourgs. — Villes corporatives et leurs privilèges. — Les fonctionnaires. — Les conseils municipaux et leurs attributions.
- III. — L’hygiène publique. — Autorités sanitaires urbaines et rurales. Conseils de district. — Leur élection et leurs fonctions.
- IV. — Gouvernement) des comtés. — County Councïl. — County borough. — Sa constitution et ses attributions.
- V. Le conseil de comté de Londres. — Grandes lignes de son œuvre passée.
- VI. — Gouvernement paroissial du pays en général. — Les conseils paroissiaux. — Leurs attributions.
- VIL — Le London Government A et de 1889.
- VIII. — Impôts locaux. — Comment on se procure de l’argent pour faire face aux dépenses du gouvernement local.
- IX. — L’assistance publique. — Les Boards of Guardians et leur rôle.
- — Le principe de l’assistance. — Ses diverses formes. — Le Workhouse.
- X. — L’instruction. — Ecoles élémentaires : distinction entre les volon-tary schools et les boards schools. — Éducation libre. — L’œuvre du London technical éducation board.
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- CONGRÈS INTERNATIONAL
- DE
- PARIS
- 30 Juillet — 3 Août 1900
- A QUOI DOIT SERVIR ET COMMENT FAUT-IL ORGANISER
- L’ENSEIGNEMENT DES SCIENCES SOCIALES
- PARTICULIÈREMENT DANS LES UNIVERSITÉS BELGES
- Par Émile WAXWEILER
- Chargé de cours à l’Université libre de Bruxelles
- PARIS
- ANCIENNE LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE ET Ci0
- FÉLIX ALCAN, ÉDITEUR
- 108, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 108
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- BELGIQUE
- ÉMILE WAXWEILER
- Chargé de cours à l’Université libre de Bruxelles
- A QUOI DOIT SERVIR
- ET COMMENT FAUT-IL ORGANISER
- L’ENSEIGNEMENT DES SCIENCES SOCIALES
- PARTICULIÈREMENT DANS LES UNIVERSITÉS BELGES?
- I. — Comparaison entre l’enseignement des sciences sociales
- DANS LES UNIVERSITÉS DE L’ÉTAT ET DANS LES UNIVERSITÉS LIBRES DE BELGIQUE
- Nous ne pourrons nous occuper, dans cet aperçu comparatif, que des deux Universités de l’État, de l’Université libre de Bruxelles et de l’Université catholique de Louvain. Ce sont, en effet, les seules qui existent en Belgique, V « Université nouvelle » n’ayant pas été assimilée par la commission d’entérinement des diplômes à une Université au sens légal du motet- devant, par suite, être considérée non comme un établissement de l’enseignement supérieur, mais comme un Institut de hautes études.
- Pour les détails d’organisation dans les diverses universités, nous renvoyons au rapport de M. Mahaim.
- a) Grades. — Les grades conférés rentrent dans la catégorie des diplômes scientifiques prévus par l’article 6 de la loi du 15 juillet 1849, c’est-à-dire qu’ils ne confèrent aucun droit en Belgique 2.
- Ces grades sont la Licence et le Doctorat pour chacun des groupes suivants :
- UNIVERSITÉS DE L’ÉTAT
- 1. Sciences politiques.
- 2. Sciences sociales.
- 3. Sciences administratives.
- 1. Voir l’avis motivé de cette commission dans le Rapport triennal sur l'Enseignement supérieur pour 1895-96-97, pp. 161 et sq.
- 2. Les grades académiques sont énumérés à l’article 1 de la loi du 10 avril 1890. Les droits attachés à ces grades, c’est-à-dire les professions pour lesquelles un grade académique est légalement exigé," sont déterminés au chapitre ni de la loi du 15 juillet 1849 et au chapitre v de la loi du 10 avril 1890.
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- l’enseignement des sciences sociales.
- UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES
- 1. Sciences politiques.
- 2. Sciences sociales i.
- 3. Sciences économiques.
- UNIVERSITÉ CATHOLIQUE DE LOUVAIN
- 1. Sciences politiques et sociales.
- 2. Sciences politiques et diplomatiques.
- 3. Sciences politiques et diplomatiques.
- Les modes de collation des grades sont sensiblement identiques : les licences se confèrent après examen sur des matières déterminées ; pour les doctorats, au contraire, il faut présenter une dissertation originale et subir une épreuve publique sur ce travail. A l’État et à Bruxelles, on exige que la dissertation soit accompagnée de cinq thèses ; à Bruxelles, ces thèses doivent, de plus, être étrangères au sujet de la dissertation.
- b) Cours. — En faisant abstraction de la répartition des cours entre les divers grades auxquels ils préparent, on peut dresser la nomenclature générale qui figure à la page ci-contre :
- c) Importance et durée des études. — A l’État, chacune des licences comporte six ou sept cours et un an d’études ; à Bruxelles et à Louvain, huit ou neuf cours et deux ans d’études.
- Quant aux doctorats, l’Université de Bruxelles, seule, exige un intervalle d’une année entre l’obtention du diplôme et l’examen antérieur de licencié : cette disposition a pour but de donner au docteur toute la maturité d’esprit et la valeur scientifique désirables.
- d) Conditions d'admission. — Une différence importante sépare à ce point de vue l’Université libre de Bruxelles des trois autres. Dans celles-ci, l'enseignement des sciences sociales est réservé aux seuls juristes : en effet, le diplôme de licencié n’y est accordé qu’aux jeunes gens qui ont ou terminé leurs études de droit, ou passé l’examen de candidature en sciences politiques (13 ou 14 coursé), lequel ne comprend, sauf une ou deux, que des branches essentielles de la candidature et du doctorat en droit.
- Au contraire, à l’École de Bruxelles, les licences sont accessibles aux élèves de toutes les facultés : seulement, il faut justifier, soit par un examen spécial, soit par un diplôme universitaire antérieurement conquis, de la connaissance de cinq branches d’études prises parmi les matières principales du grade de candidature dans les diverses facultés. Ces cinq branches sont choisies par le récipien-
- 1. Cette section n’est pas encore complètement organisée.
- 2. Voir la liste de ces cours au Rapport de M. Mahaim.
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- Economie politique spéciale. ra. la.
- Statistique. Id. Id.
- Science des finances. Id. Id.
- Histoire diplomatique de l’Europe. Id. Id.
- Droit constitutionnel comparé. Id. Id.
- Droit des gens. Id. Id.
- Institutions civiles comparées. Id. Id.
- Législation du travail. Id. (Id. 2)
- Régime colonial et législon du Congo. Id. (Id. 2)
- Histoire parlementaire et législative Id. 3 (Id. 2)
- de Belgique.
- Histoire économique. Id. -—
- Droit administratif comparé. Id. —
- — Géographie économique. (Id. 2)
- — Histoire des doctrines économiques. —
- — Histoire comparée des religions. —
- — Biologie en rapport avec les sciences
- sociales.
- — 5 (Sociologie générale *.) —
- — (Histoire des doctrines sociologiques*.) —
- — (Application générale de la statis- —
- tique *.)
- — (Calcul des probabilités 4.) —
- — (Géographie comparée*.) —
- — (Anthropologie *.)
- .— (Ethnologie *.) —
- — (Psychologie des peuples*.) -
- — (Histoire comparée du langage*.) —
- — (Histoire comparée de l’art*.) —
- — — Questions politiques belges.
- — 6 — Droit commercial et maritime.
- — 6 — Politique commerciale et législation
- consulaire.
- 1. Nous ne tenons pas compte des deux « cours à option » que les étudiants peuvent choisir dans d’autres facultés.
- 2. Le cours, tout en figurant au programme, n’est, quant à présent, donné qu’alternativement avec un autre ; en 1899-1900, les cours ainsi marqués n’ont pas été professés.
- 3. Et : histoire parlementaire et législative générale.
- 4. Cours encore non professés.
- 5. Un cours de sociologie est donné pour l’examen de candidature en sciences politiques, préalable à l’admission aux licences.
- 6. Sans faire partie du programme obligatoire ces deux cours pourraient être suivis « par option » dans la section des Sciences commerciales et consulaires.
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- daire ; toutefois, certaines d’entre elles doivent nécessairement figurer parmi les matières présentées, savoir : pour la licence en sciences politiques, l’encyclopédie du droit et l’économie politique ; — pour la licence en sciences économiques, l’économie politique ; — pour la licence en sciences sociales, la psychologie, l’histoire moderne et l’histoire contemporaine.
- A Bruxelles, le critérium d’admission est donc celui-ci : quiconque possède les connaissances d’un candidat en philosophie, en droit, en sciences, etc., est présumé capable d’aborder les études sociales h
- e) Nombre et organisation des épreuves. — Ici encore, l’Université de Bruxelles se distingue des trois autres. Dans celles-ci, il n'y a qu'une seule épreuve portant sur l'ensemble des cours, tandis qu’à l’École de Bruxelles, le récipiendaire peut passer sa licence en une, en deux ou en trois épreuves, et répartir entre elles à son gré les divers cours ; de plus, à Bruxelles; aucune époque n’est fixée pour les épreuves.
- Ces dispositions ont pratiquement une grande portée, en ce qu’elles permettent à un étudiant d’une faculté quelconque de mener très aisément de front ses études régulières et ses études sociales : il distribue ses épreuves de licence de manière à présenter les cours difficiles à l’époque où il est le moins occupé dans sa Faculté, et, comme la connaissance des cinq branches réglementaires n’est requise que pour l’épreuve finale de licencié, il peut déjà présenter plusieurs cours dès les premières années de son séjour à l’Université. Nous connaissons ainsi des élèves-ingénieurs qui se sont fait inscrire à l’École dès leur seconde année d’études ; ils présentent successivement, en deux épreuves, six cours de la licence en sciences économiques et réservent deux cours pour une troisième épreuve à passer à la fin de leur cinquième année, parce que la connaissance de l’économie politique, enseignée dans cette année seulement, est nécessaire pour obtenir le grade de licencié. Il est certain que, réparties de la sorte sur une suite d’années, et laissées pour une bonne part au gré de l’élève, les études sociales s'achèvent pour ainsi dire sans que celui-ci s’en aperçoive.
- Dans les Universités de l’État et dans celle de Louvain, ce parallélisme ne serait naturellement possible que pour les étudiants en droit 2 ; mais, en fait, ceux-ci ne pourraient pas en profiter, car, l’ensemble des cours devant faire l’objet d'une seule épreuve, il leur
- 1. Il faut ajouter que l’Ecole de Bruxelles est accessible aux auditeurs quelconques moyennant un simple droit d’inscription de 15 francs ; mais ces auditeurs ne sont pas admis aux examens.
- 2. A strictement parler, ce parallélisme ne serait même pas possible du tout dans les Universités de l’Etat, puisque l’article 4, alinéa final, de l’arrêté du 2 octobre 1893 porte que la durée des études pour chacune des licences est de un an ; mais un arrêté du 27 octobre 1897 prévoit une dispense dé ce délai dans certaines conditions.
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- serait fort difficile de la préparer concurremment avec leurs études régulières.
- f) Résumé comparatif. — Pour comparer les divers régimes dans leur ensemble, il faut envisager séparément le cas d’un jeune homme aspirant à être licencié ou docteur, sans autre diplôme, et le cas du jeune homme qui veut ajouter ce titre à un autre grade académique. Pour simplifier, nous considérerons seulement la licence : le doctorat demanderait quelque temps de plus (à Bruxelles un an au moins).
- 1er cas. — En sortant de la rhétorique d’un Athénée, l’étudiant passera :
- A l'Ëtat : trois ans (deux pour la candidature en sciences politiques, un pour la licence).
- A Bruxelles : trois ans (un pour l’examen préalable *, deux pour la licence).
- A Louvain : trois ou quatre ans (un ou deux pour les examens préparatoires 2, deux pour la licence).
- 2e cas. — Tout en faisant ses études universitaires, un étudiant pourrait suivre les cours de sciences sociales et devenir licencié :
- A l'État et à Louvain, s’il fait des études de droit,
- Et s’il consacre quelques mois après la fin de ces études à la préparation de son examen de licence,
- A Bruxelles, sans condition.
- g) Résultats obtenus. — Il résulte des renseignements que nous, avons recueillis que chacune des Ecoles libres de Bruxelles et de Louvain a, pendant la seule année académique écoulée, compté autant d'élèves que chacune des deux Universités de l'Etat pendant les sept années 1893-1900 prises ensemble 3 ; à Bruxelles, il y a eu en un an 44 inscriptions et à Louvain 49, tandis que le total des sept années est 50 pour Gand et 35 pour Liège.
- Pour expliquer cette différence, il faut évidemment, en dehors du caractère confessionnel de l’Université de Louvain qui lui permet, de recruter sa population sur toute l’étendue du pays, considérer que des initiatives ont plus de chances de réussite dans des établissements libres que dans des universités officielles : liberté de propagande, esprit de solidarité, etc. Mais il faut aussi signaler cette-circonstance, qu’à Bruxelles comme à Louvain, la plupart des cours se donnent l'après-midi, à des heures convenant aux étudiants-
- 1. Cette durée d’un an n’est pas obligatoire ; l’élève pourrait étudier les cinq branches requises en moins de temps, et concurremment avec celles de la licence.
- 2. La durée n’est pas réglementée, mais comme l’examen préparatoire proprement dit et celui de la candidature en sciences politiques comprennent quatorze branches, il est vraisemblable qu’un an ou deux seraient normalement nécessaires.
- 3. La population totale moyenne des quatre Universités est : Louvain : 1600,. Bruxelles et Liège, 1 300, Gand, 650.
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- inscrits à d’autres facultés et aux personnes déjà sorties de l’Université- Enfin, pour l’École de Bruxelles, dont le développement est particulièrement significatif, vu la date récente de sa réorganisation!, il n’est pas douteux que les nombreuses facilités précédemment notées doivent attirer les étudiants.
- h) Effets légaux des grades. — A ce point de vue, les quatre Universités sont mises sur le même pied, en tant que les grades délivrés impliquent les mêmes études.
- Jusqu’à ce jour, les diplômes de licencié et de docteur ne confèrent à leurs porteurs que des avantages très restreints. Pour la carrière diplomatique, les docteurs et les licenciés en sciences politiques ou administratives sont assimilés aux docteurs en droit pour l’admission à l’épreuve dite « examen diplomatique », qui donne accès au poste de secrétaire de légation de 2e classe (arrêté royal du 12 décembre 1897). Les études étant moins, longues qu’au droit — trois ans au lieu de cinq — on conçoit qu’elles attirent un grand nombre de ceux qui se destinent à ces fonctions.
- Mais quand on songe, pour nous servir des termes mêmes d’un document officiel1 2, aux « aptitudes et qualités personnelles.requises pour faire partie du corps diplomatique », on aperçoit combien est illusoire, pour la masse des jeunes gens, la sanction légale donnée aux études sociales.
- Elles ne conduisent même pas à la carrière consulaire : bien que le département de l’Jntérieur et de l’Instruction publique semble, par un arrêté récent3, vouloir mettre les docteurs en sciences politiques, administratives et sociales sur le même rang que les docteurs en droit et les ingénieurs, le département des Affaires étrangères continue.à favoriser ces deux seules catégories de diplômés pour le recrutement des vice-consuls rétribués4. Cela est d’autant plus étrange que l’ensemble des études représentées par les diplômes successifs de candidat en sciences politiques, licencié et docteur en sciences politiques, administratives ou sociales, et licencié du degré supérieur en sciences commerciales et consulaires, constitue un programme parfait d’aspirant-consul. Pourquoi faut-il encore que le fétichisme juridique fasse préférer un docteur en droit à un jeune homme ainsi préparé?
- II. — VŒUX ET RÉFORMES
- De nombreuses modifications s’imposent dans l’organisation actuelle de l’enseignement des sciences sociales en Belgique.
- 1. L’école a reçu son organisation actuelle en 1897, grâce à la généreuse intervention de M. Ernest Solvay, l’industriel bien connu.
- 2. L’arrêté royal précité du 12 novembre 1897.
- 3. Arrêté royal du 31 octobre 1899 réorganisant la licence du degré supérieur en sciences commerciales et consulaires.
- 4. Arrêté royal du 13 janvier 1897 concernant les diplômes donnant accès aux fonctions de vice-consul rétribué.
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- Elles se résument en ces quelques propositions :
- L’enseignement des sciences sociales est d’intérêt public;
- Dès lors, il faut y attirer le plus grand nombre possible de personnes ; .
- A cet effet, il faut en élargir et en faciliter l’accès,
- Multiplier les effets légaux des diplômes, ' Adapter le programme auxnécessités réelles.
- Que l’enseignement des sciences sociales soit d’intérêt public, ce n’est point ici qu’il faut le démontrer. Voilà longtemps qu’Êmile de Laveleye écrivait que « la plupart des maux dont souffrent les sociétés proviennent de leur ignorance en cette matière. Rivalités des peuples, guerres à coups de tarifs douaniers, entraves au commerce, imprévoyance des ouvriers, antagonisme entre les ouvriers et les maîtres, abus de la spéculation, charité mal entendue, impôts excessifs et mal assis, dépenses improductives des États et des villes, autant de causes de souffrances provenant d’erreurs économiques *. »
- Bien plus, les sciences sociales seules peuvent donner ce dont les démocraties ont besoin : « l’apprentissage civique », si l’on ose ainsi traduire la juste expression de M. le professeur E. J. James de Chicago, the training for citizenship 2. il est invraisemblable que l’on apprenne aux enfants comment est organisée une communauté d’abeilles et qu’on laisse les hommes dans l’ignorance des lois de leur propre milieu. L’hygiène publique et privée devient une connaissance courante, et l’hygiène sociale est à peine soupçonnée ! Jamais un éleveur se résoudrait-il à soumettre ses bêtes aux expérimentations empiriques que les politiciens infligent à la société ?
- Qui contestera que le fonctionnement des institutions modernes repose essentiellement sur l’action de l’opinion, c’est-à-dire, en fait, sur l’orientation que les meneurs donnent aux entraînements impulsifs des foules ? Ce qu’il faut, donc, impérieusement, c’est une pléiade d’hommes aptes à retrouver dans l’évolution sociale les fils conducteurs de l’histoire et à dégager les actions et les réactions des phénomènes. Les uns parleront à la tribune du Parlement, les autres dans les chaires des Universités ; celui-ci se servira du journal quotidien, celui-là de la revue périodique : tous fourniront à la masse, qui ignore et ne pourrait savoir, des faits et des arguments. Car ce serait pure utopie, dans l’état présent des choses, de vouloir rendre chacun capable de disserter sur le mono- ou le bimétallisme, sur le libre-échange ou la protection, sur l’organisation parlementaire ou la législation directe. La lumière continue
- 1. E. de Laveleye : Éléments d’Économie politique.
- 2. Cf. E. J. James : The place of the polillcal and social sciences in modem éducation and their bearing on the training for citizenship in a free State (Annals of the American Academy of political and social science, 1898). M. James a écrit sur ce sujet de nombreux et décisifs articles.
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- à venir d’en haut, si la puissance vient d’en bas : à des démocraties, il ne faut pas seulement des citoyens ; il faut encore et surtout des semeurs d’idées.
- Voilà le but à atteindre.
- Mais il faut regarder les réalités en face.
- Par sa nature même, l’enseignement des sciences sociales ne peut conduire à aucune profession déterminée, en dehors de celle de professeurs de ces sciences. Par suite, il apparaît comme un luxe, réclamant une dépense de temps, d’efforts et d’argent1 ; par suite aussi, il reste l’apanage d’une minorité... Ainsi, plus on le développe, moins il devient utile !
- Le mal est patent et il n’existe pas en Belgique seulement.
- Pour y remédier, le premier moyen est d’ouvrir tout larges les cours de sciences sociales aux étudiants de toutes les facultés, et non plus seulement aux juristes.
- Les rapports entre le droit et les sciences dites sociales sont incontestables, mais il faut distinguer entre les diverses parties du droit. Pourrait-on sérieusement soutenir qu’il n’est pas possible de comprendre les phénomènes sociaux si l’on ne connaît pas le droit civil des personnes et des biens et le droit successoral, le droit public, le droit administratif et le droit des gens, le droit naturel, l’encyclopédie du droit et l’introduction historique au droit civil ? Toutes ces branches figurent cependant à l’examen de candidat en sciences politiques, préliminaire à celui de licencié dans les Universités de l’État et de Louvain, — et nous devrions y ajouter les Institutes, les Pandectes, le droit pénal et la procédure, pour les docteurs en droit qui, seuls, partagent avec ces candidats le privilège d’être dignus intrare !
- La plupart de ces branches comprennent des matières qui sont sans utilité, même indirecte, pour l’économiste, d’autant moins qu’elles sont enseignées au point de vue national : le doctorat en droit tend à foiuner des juristes belges, et, par suite, ce n’est pas le droit civil, le droit administratif, le droit pénal des nations qu’on y étudie, mais bien les divers droits de la Belgique.
- Et, de la sorte, le mal est double. Car, rien ne serait plus indispensable à l’intelligence de l’évolution sociale qu’une connaissance très nette des formes juridiques et de leur influence sur le développement économique. « Quelle énorme importance, disait Roscher, à la législation dans tout État avancé, non seulement pour sa formation économique, mais encore pour la simple compréhension des phénomènes 2. » A un point de vue plus général, c’est ce que pense
- 1. En moyenne, dans les quatre Universités, les seules études de licencié comportent huit branches, deux années d’études et 300 francs de frais.
- 2. Cité par M. W. Hasbach dans le Jahrbuch de M. Schmoller, 1900, p. 149. La question des rapports entre le droit et les sciences sociales a fait récemment l’objet de vifs débats en Prusse, à propos de la réunion aux facultés de droit des cours de Staatswissenschaften, actuellement donnés, en général, aux facultés de philosophie. Voir à ce sujet l’article précité.
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- M. le professeur A. Wagner, quand il se rallie à l’opinion de Rod-bertus demandant1 que l’économiste commence son étude du salaire, de l’intérêt, de la rente, en reconnaissant que ce sont là des éléments fixés var le droit.
- Que les fervents de la prépondérance du facteur économique dans l’histoire ne se récrient pas : il ne s’agit pas de nier la subordination des faits juridiques aux causes économiques, mais simplement de vouloir accepter l’influence réciproque, sans laquelle l’économie politique reste une science suspendue dans le vide.
- Or, pour posséder cette vue juridique des choses sociales, il faut une tout autre préparation que celle des études traditionnelles de droit. C’est par des cours d’histoire du droit, de droit public comparé, de droit naturel, de philosophie du droit, que devrait passer l'aspirant-licencié en sciences sociales : et si nous nous servons de ces vocables, nous n’entendons point leur conserver le sens pédagogique qu’ils empruntent aux programmes actuels ; la terminologie est accessoire, ainsi que le nombre de cours, d’ailleurs. Ce qui importe, ce sont les leçons où l’on démêlera cette trame juridique des phénomènes économiques, où l’on dégagera le rôle des idées et des besoins dans les transformations du droit, où l’on montrera la persistance des relations juridiques établies, longtemps après l’effacement des causes qui les avaient fait naître. Il va de soi que, suivant la spécialité des études, la part accordée à ces cours serait plus ou moins grande : mais, du moins, tout diplômé en sciences politiques, administratives, économiques ou sociales, comme on voudra les appeler, aurait été instruit dans les plus essentielles de ces matières, dont aucune ne réclame des connaissances juridiques particulières.
- Le principe de l’admission générale des étudiants de toutes les Facultés étant reconnu, il suffirait de le consacrer par l’institution d’un examen préalable, en s’inspirant du critérium admis à l’Université libre de Bruxelles, à savoir une culture spéciale correspondant à l’un quelconque des grades de candidature en philosophie, en droit, en sciences, etc.
- Un second moyen de remédier au mal signalé est d’organiser les cours de sciences sociales non pas comme s’ils devaient se suffire à eux-mêmes et constituer un groupe indépendant, mais en vue de faciliter leur fréquentation par des étudiants poursuivant en même temps d’autres études.
- Cela est de la dernière évidence : puisque les diplômes de sciences sociales ne peuvent conduire yer se à aucune carrière, il faut bien permettre à l’étudiant de les prendre à titre complémentaire 2. Dans cet ordre d’idées, on peut recommander la multiplicité et
- 1. Rodbertus : Zur Erkenntniss unserer staatswissenschaftlichen Zustünde, 1842.
- 2. L’exemple de la plupart des pays allemands est à méditer : le regretté H. Saint-Marc a très bien montré dans son Étude sur l’Enseignement de l'Economie poll-
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- la liberté des épreuves, la fixation des heures de cours en dehors de l’horaire habituel, les facilités d’inscription et de dispense d’interrogation sur des matières figurant à des examens antérieurs.
- Mais ces deux moyens d’élever le rendement de l’enseignement des sciences sociales resteront sans grand effet, aussi longtemps que l’État n’aura pas augmenté le nombre des effets légaux des diplômes h
- Pour la carrière diplomatique, on pourrait n’admettre à l’examen diplomatique que les licenciés et les docteurs en sciences politiques ou administratives, à l’exclusion des docteurs en droit actuellement assimilés. Même, les docteurs pourraient être admis sans autre épreuve nouvelle que celle sur « le style diplomatique et le protocole », et sur « les langues allemande, anglaise et espagnole ».
- Pour la carrière consulaire, on pourrait :
- a) Exiger — moyennant les facilités d’études indiquées plus haut — que les docteurs en droit et les ingénieurs qui jouissent de la faveur d’obtenir en un an au lieu de deux le grade de licencié du degré supérieur en sciences commerciales et consulaires, soient licenciés en sciences politiques, administratives ou économiques, et alléger d’autant l’examen consulaire, notamment pour les ingénieurs, qu’on oblige actuellement à étudier neuf cours de droit après avoir fait cinq années d’études techniques !
- b) Accorder le privilège du recrutement des vice-consuls rétribués aux licenciés du degré supérieur en sciences commerciales et consulaires, qui seraient à la fois non seulement docteurs en droit ou ingénieurs, mais aussi docteurs en sciences politiques, administratives ou économiques.
- Dans les carrières administratives, et notamment dans les administrations des Finances, du Commerce, de l’Agriculture, de l’Industrie et du Travail, les fonctions supérieures (à partir du grade de chef de bureau), pourraient être accordées de préférence aux diplômés des sciences sociales. Les titulaires des cours de sciences sociales devraient d’ailleurs être, en règle générale, choisis parmi eux.
- Mais il est une carrière où nous voudrions voir décréter l’obligation des études sociales : c’est celle de magistrat. Devant lui, viennent se poser toutes les énigmes et se dérouler tous les conflits ; s’élevant au-dessus de l’expression formelle de la loi, il doit savoir l’assouplir à des nécessités nouvelles ; devinant les problèmes de
- tique dans les Universités d'Allemagne et d’Autriche comment les cours de Staatswtssenschaften, bien que figurant à la Faculté de Philosophie, recrutent, par simple attirance, la majorité de leurs auditeurs parmi les étudiants en droit (p. ili).
- 1. Voir, dans cet ordre d’idées, le vœu émis par la Faculté de droit de l’Université de Liège (Rapport triennal sur l’enseignement supérieur, 1895-96-97', p. cxxx).
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- demain, il doit pouvoir en préparer les solutions par une jurisprudence prévoyante. Comment ose-t-on lui demander tout cela et tant d’autres choses aussi graves, alors qu’il n’a eu, pour étudier les questions sociales pendant son éducation universitaire, que les cinquante-deux heures d’un cours d’économie politique ! Cinquante-deux heures que son professeur a dû consacrer à une véritable encyclopédie économique trop vaste pour permettre une vision nette des phénomènes.
- Tout récemment, un organe juridique, le Journal des Tribunaux, relevait fort opportunément, à propos d’un gros procès financier, le manque d’adaptation de certains magistrats aux réalités de l’existence, cela « produit chez eux une sorte d’ahurissement devant des opérations qui, pour n’être pas pratiquées dans la vie civile, n’en sont pas moins normales et indispensables en affaires ». « La plupart des magistrats, faisait observer le Journal, ne semblent pas se douter de l’existence d’une science des questions financières. De lé vient cette hostilité latente entre les catégories sociales très différentes, comme le sont l’homme de robe et le marchand, celui dont les ressources sont fixes et limitées, et celui dont les gains sont aléatoires1. »
- En dehors de ce cas, que nous rapportons en raison des commentaires autorisés dont il est entouré, devons-nous évoquer les questions de la réparation des accidents du travail, de la protection de la liberté du travail en temps de grève, de la protection légale des ouvriers, de la bienfaisance publique ? En vérité, chacun des aspects de la « question sociale » peut appeler la sentence du magistrat.
- Quoi de plus naturel et de plus sérieusement urgent, — une fois les études sociales facilitées comme nous l’avons exposé, — que de réserver les postes de juges aux docteurs en droit porteurs d’un des diplômes complémentaires de licence ?
- Enfin, toutes ces réformes ne suffiront pas encore : il faut améliorer les programmes de l’enseignement social lui-même.
- En dehors des modifications aux matières juridiques, dont nous avons parlé plus haut (page 11), il semble d’abord nécessaire, à l’exemple de l’Université libre de Bruxelles, de renforcer les études dans le sens économique. L’Ecole de Bruxelles est la seule qui ait institué une licence en sciences économiques : or, il n’est pas douteux que, pour tous ceux qui ne se destinent pas spécialement à des carrières politiques, ce sont les cours d’ordre économique qui sont le plus utiles.
- A ce point de vue, le programme de l’Etat ne comprend que le cours d’économie politique (matières spéciales) et celui d’histoire économique. L’École de Louvain n’enseigne pas l’histoire écono-
- 1. Journal des Tribunaux. Bruxelles, 1900, n” du 21 juin, col. 740.
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- mique, mais elle annonce un cours de géographie industrielle et commerciale. Le programme de l’École de Bruxelles comporte à la fois ces trois cours, plus un cours d’histoire des doctrines économiques.
- C’est surtout dans la voie de la spécialisation qu’il faut entrer : de même que, dans la Faculté de médecine, on rencontre une infinité de cours — l’histologie, la physiologie, l’embryologie, la pathologie, la bactériologie, etc., — de même un enseignement des sciences sociales devrait comporter une série de branches spéciales, concourant par leur ensemble à l’étude complète de l’activité économique des sociétés. Il ne devrait plus être permis de dire que « l’on connaît l’économie politique », quand on a suivi un seul cours de cinquante leçons !
- Parmi ces cours spéciaux, il en est un qui nous semble particulièrement indispensable, et qui ne figure, à notre connaissance, au programme d’aucune école de sciences sociales, à savoir un cours élémentaire de technologie agricole, industrielle et commerciale. Plus l’étude des phénomènes économiques se rapproche de l’observation des faits, plus elle réclame la connaissance des modes de production et d’échange. Comment comprendre l’évolution économique contemporaine, si l’on n’a pas une vue sommaire des nécessités et des tendances de la technique ? Comment apprécier le rôle du génie inventif si magistralement mis en évidence par M. Tarde et si généralement négligé par les économistes, si l’on ne se rend pas compte, par exemple, de la part très grande de la science de laboratoire dans les industries chimiques, et de la prépondérance de la pratique manuelle dans les industries textiles ? Comment apercevoir la part éminente que l’économique doit faire à la ^spéculation, si l’on ignore le mécanisme du commerce et des affaires. Comment, enfin, prétendre s’occuper d’économie agraire, si l’on ne possède pas des éléments d’agronomie ?
- Cela nous rappelle la surprise que nous avons éprouvée quand, ayant engagé nos élèves à consulter l’ouvrage de M. von Schulze-Gaevernitz, Der Grossbetrieb, nous nous sommes aperçu que parmi ces jeunes gens, en majorité candidats en droit et en philosophie, aucun ne connaissait la différence entre la filature et le tissage, ni, à plus forte raison, les divers types de métiers successivement usités... En somme, où auraient-ils bien pu l’apprendre?
- D’autre part, le choix des sciences sociales proprement dites devrait être fait avec beaucoup de discernement. Sous ce rapport, il est manifeste qu’aucun des programmes en vigueur — la troisième section de l’École de Bruxelles n’étant pas encore complètement instituée — ne répond aux desiderata actuels. Par exemple, à l’État, les seuls cours obligatoires pour la licence en sciences sociales sont : l’histoire économique (matières spéciales) ; les institutions civiles comparées (matières spéciales) ; le régime du travail en
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- législation comparée ; l’économie politique (matières spéciales) ; la science financière. Par contre, la « sociologie » figure au programme de la candidature en sciences politiques, préliminaire aux études de licence, c’est-à-dire qu’un élève doit étudier la sociologie dès son entrée à l'Université... Le pauvre jeune homme qui inflige cette torture à son esprit, est profondément digne de commisération... La question reste ouverte de savoir si la sociologie, dans son état actuel, peut déjà avoir droit de cité dans les programmes universitaires, mais une chose est certaine, c’est qu’elle ne peut y figurer qu’au dernier stade des études sociales. C’est dans ce sens, d’ailleurs, que s’étaient unanimement prononcés les Conseils académiques et les Facultés de l’Etat, à la suite de leur consultation par le gouvernement1.
- Au surplus, il y a d’autres cours à créer, par exemple : la démographie, la psychologie et la morale des peuples, l’anthropologie et l’ethnologie comparées, la philosophie de l’histoire, l’histoire des systèmes sociaux, l’histoire comparée de la philosophie, de la littérature, de l’art, des religions et du langage2. Quant au cours de sociologie, il ne pourrait guère avoir pour objet que de montrer comment, suivant les paroles de M. Tarde, « la sociologie a. été conçue tour à tour comme une physique sociale, — comme une biologie sociale — et enfin comme une psychologie sociales ».
- Quoi qu’il en soit, et quel que puisse être le programme des études sociales proprement dites, quiconque aurait fait dans ce domaine des études supérieures, devrait avoir eu son attention appelée sur ce point : comment la société tient-elle debout ? quelles sont, pour nous servir de l’expression de M. Giddings, les « causes de la stabilité sociale 4 » ?
- Que si l’on craint de surcharger les programmes, on veuille se souvenir que la réussite d’un enseignement des sciences sociales dépend surtout de l’élasticité de son organisation, et particulièrement de la variété de ses cours. A cette condition seulement, l’enseignement nouveau pourra s’adapter, d’une part, aux facultés individuelles des jeunes gens et, d’autre part, aux diverses carrières qui leur sont ouvertes. Pourquoi, d’ailleurs, faut-il nécessairement que les cours s’étendent sur un semestre au moins ? Ici encore, la plus grande liberté pourrait être, dans bien des cas, laissée au professeur. La London School of Economies and Political Science fournit sous ce rapport des exemples qui méritent d’être imités : trente-neuf cours 5 étaient inscrits au programme de cette année, et ils se prê-
- 1. Cf. Rapport triennal sur l’enseignement supérieur, 1895-96-97, p. ccxxvi.
- 2. Voir à ce sujet, p. 3, le programme de la troisième section de l’École de Bruxelles ; voir aussi le programme de la Faculté des lettres et des sciences sociales de Genève.
- 3. Cf. Tarde. Études de psychologie sociale, p. 92.
- 4. Cf. la phrase de M. Giddings dans son rapport au Congrès de VAmerican Aca-demy of political and social sciences 1898 : Like-minâedness is the cause of ail social stability.
- 5. Voici quelques sujets de ces cours, dont la plupart ne comportent que six à douze leçons : Méthodes d’investigation. — L’Histoire économique de l’Angleterre
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- tent à de multiples combinaisons répondant chacune à un but particulier.
- Nous ne pouvons terminer ces considérations sur les réformes à apporter dans l’enseignement des sciences sociales, sans nous arrêter un instant au programme d’études des élèves-ingénieurs. Actuellement, il comprend l’économie politique, un cours de deux heures pendant un semestre, soit vingt-cinq leçons environ. En ces vingt-cinq heures, égarées parmi le fouillis touffu des cours techniques, le professeur parcourt au galop un traité quelconque, et il enseigne à des jeunes gens dont tous les soucis sont ailleurs, la théorie de la valeur, la loi de l’offre et de la demande, le phénomène de la rente, la réfutation du collectivisme et quelques autres lieux communs de la science.
- Où veut-on qu’il prenne le temps de pénétrer ses auditeurs de l’esprit historique, de les familiariser avec l’observation des faits, et, par-dessus tout, de leur montrer les points de contact des problèmes économiques avec leur future carrière industrielle ? Nous concédons bien volontiers qu’il n’est pas nécessaire de savpir tout cela pour faire des ponts et des chaussées ; aussi verrions-nous sans regrets supprimer l’économie politique dans cette section, où elle n’a pas plus de raison d’être qu’elle n’en aurait, par exemple, dans la Faculté de médecine. Mais pour les ingénieurs des arts et manufactures, pour les ingénieurs des mines et, en général, pour tous ceux qui se destinent à entrer dans l’industrie, quelle impérieuse nécessité il y a de suivre, à côté d’un cours sommaire d’économie politique générale, un ou plusieurs cours approfondis d'économie industrielle.
- On a beaucoup parlé, et avec raison, du rôle social de l'ingénieur i : son rôle économique n’est pas moins important. Qui, mieux que lui, peut contribuer à la bonne marche de l’entreprise en sei’-vant d’intermédiaire entre le capitaliste spéculateur et le travailleur salarié ? Voici une demande de hausse des salaires à laquelle on va se voir contraint de céder : n’y a-t-il pas moyen, pour la compensex’, d’augmenter la productivité du travail en distribuant mieux les tâches, ou en augmentant le rendement de l’outillage ? Voici un sourd mécontentement contre l’introduction du salaire à la pièce : quelles en sont les causes ? le contremaître n’a-t-il peut-être pas annoncé aux ouvriers un « rognage » intempestif du tarif
- mise en rapport avec celle des autres nations. — Questions de trade-unionisme et de législation ouvrière. — Terminologie juridique et économique élémentaire. — La réglementation de l’industrie dans le nord de l’Angleterre aux XFI' et XVIIe siècles. — Quelques questions d’exploitation des chemins de fer. — Gouvernement local. — Esprit économique du gouvernement local. — L’administration de la justice au point de vue constitutionnel. — L'Histoire de l’idée démocratique en Angleterre.
- 1. Cf. notamment : Le rôle social de l'ingénieur, conférence par M. Cheysson. Guillaumin, Paris, 1897 ; et : Mémoires de la société des ingénieurs civils de Paris, mars 1891.
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- à la pièce ? Voici une machine-outil qui ne produit pas ce qu’elle promettait : n’y a-t-il pas de mesures à prendre pour faire comprendre aux ouvriers l’erreur de leur résistance à un travail intensifié ? En vérité, les problèmes sont si nombreux qu’ils surgissent de toutes parts, pour peu qu’on y réfléchisse.
- Déjà, dans un pays dont la capacité supérieure de concurrence est, pour une si large part, due à des facteurs économiques, aux États-Unis, s’est créé le titre nouveau de Social Engineerk On y voit des industriels rechercher le concours d’ingénieurs « capables de faire produire à tous les travailleurs de l’entreprise le maximum de leurs capacités trop souvent latentes » : « Nous les paierons largement, écrivent-ils, car ils nous feront regagner bien au delà ce que nous leur donnerons. »
- La revue technique anglaise, Engineering magazine, publie de fréquents articles du plus réel intérêt 2 sur une série de questions d’économie industrielle qui se présentent tous les jours dans l’usine ou l’atelier.
- Les sujets de leçons ne.feront donc pas défaut. Surtout, que l’on ne s’abandonne pas aux suggestions de la théorie3, et que l’on prenne bien soin d’enseigner les applications de l’économique à la production manufacturière et aux échanges commerciaux. Ce n’est point, comme le public le pense souvent, « parce qu’ils ont fait des mathématiques », que les élèves-ingénieurs peuvent utilement étudier l’économie politique, — car un bon mathématicien ferait un détestable économiste : c’est tout simplement parce qu’ils ont extrêmement besoin de la connaître.
- Et ceci nous met sur la voie d’une utilité nouvelle de l’enseignement des sciences sociales : il doit être la pépinière des « capitaines d’industrie », de ces hommes d’affaires modernes qui, par leur responsabilité, leur hardiesse et leur pénétrante intelligence, sont comparables aux grands capitaines d’armées.
- Entendons-nous : l’enseignement des sciences sociales ne doit pas former des commerçants ; les Instituts et Ecoles supérieures de Commerce (les business-colleges d’Amérique) existent pour cela. Mais il doit permettre à l’élite bien douée et pouvant attendre avant d’entrer dans les affaires, d’acquérir cette largeur de vues que donne le haut enseignement, et de s’assurer en même temps une grande somme de connaissances professionnelles. Ainsi se formera « l’état-major de jeunes hommes d’affaires, intellectuellement outil-
- 1. Voir les publications de The League for social service, de New-York.
- 2. Voici les titres de quelques-uns de ces articles : L’administration des ateliers en vue du maximum de production. — L’organisation d’un atelier de construction de machines en Europe et en Amérique. — La dépréciation des installations et ses rapports avec les trais généraux. — L’Amérique et l’Allemagne comme nations exportatrices concurrentes et comme nations consommatrices.
- 3. Peut-être est-ce la crainte d’une pareille éventualité qui a inspiré la réponse négative de la Faculté technique de l’Université de Liège, consultée par le gouvernement sur le point de savoir « s’il y avait lieu d’étendre le cours d’Êconomie politique ». (Rapport triennal sur l’enseignement supérieur, 1892-93-94, p. cxxxi.)
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- lés pour développer le commerce dans le pays et à l’étranger », que l’on réclamait récemment à l’IInion syndicale de Bruxelles1.
- Nous ajouterons : ainsi se formeront des industriels qui seront de leur époque. Que de fois, en présence de l’intervention grandissante de l’État dans le contrat de travail, entend-on dans tous les pays prophétiser la fin de l’industrie ! Ne croyez pas que ce soit calcul ou exagération consciente : sincèrement, ces industriels s’imaginent que la législation les menace dans leur existence. Qu’ils aient, au contraire, assez de culture générale et d’indépendance d’esprit pour envisager froidement les conséquences de la mesure, ainsi que les moyens d’en pallier certains effets, et voici ces mêmes hommes devenus des collaborateurs précieux pour le législateur. Que de fois des patrons éviteraient des conflits avec leurs ouvriers, s’ils savaient dominer leurs intérêts immédiats pour préparer les choses inévitables, par exemple en acceptant de négocier avec des syndicats, plutôt que de feindre superbement de les ignorer ! Puis, le grand fabricant ne gagnerait-il pas à connaître l’histoire industrielle, à savoir pourquoi telle industrie a apparu ou disparu dans tel endroit, quelles mesures ont été prises à ce moment, quelles relations ces faits ont exercées sur le développement d’autres industries, à se pénétrer, enfin, de la solidarité des progrès industriels2?
- En résumé, de quelque façon qu’on l’envisage, si l’on veut faire rendre à l’enseignement des sciences sociales ce que l’on doit en attendre, il faut le rendre accessible au plus grand nombre possible d’étudiants, le diversifier et l’adapter à ses fins multiples ; pour tout dire d’un mot, il faut lui donner une organisation spéciale.
- 1. Voir comunication de M. Van Elewyck sur la création d’une faculté commerciale : Bulletin de l'Union syndicale, 21 janvier 1900.
- 2. Cf. E. J. James : A plea for the establishment of commercial hlgh schools.
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- L’ENSEIGNEMENT DES SCIENCES SOCIALES
- EN ALLEMAGNE
- Les formes de la vie de société, les réactions réciproques des divers groupes d’intérêts dans la société même, le processus très compliqué de l’économie publique, les manifestations de la vie physique et intellectuelle de la société qui affectent la forme de phénomènes collectifs, tels sont les sujets d’études des diverses sciences particulières que l’on peut désigner par le vocable commun de Sciences sociales. Ces sciences sont l’ethnologie, la démographie, la statistique morale, l’économie politique, la politique comparée, l’histoire comparative du droit, la théologie comparée. Mais tous les phénomènes de la vie sociale dans le domaine de l’économie, de la technique, des institutions constitutionnelles et juridiques, de l’évolution religieuse et morale, sont vis-à-vis les uns des autres dans des rapports étroits, que l’on ne doit pas perdre de vue si l’on veut avoir une compréhension exacte de l’existence de la société en tant que tout organisé jusqu’à un certain point.
- Il reste, par suite, dans le système des Sciences sociales encore une lacune qui devra être comblée par une science d’un caractère général et philosophique, et qui à l’heure actuelle ne vient que de naître.
- Dans ce sens, les Sciences sociales ne sont représentées en Allemagne d’une façon vraiment scientifique que dans les Universités et jusqu’à un certain point dans les écoles techniques supérieures.
- Cela tient à la nature même de ces questions, car les institutions d’enseignement secondaire n’ont pas pour fonction de contribuer au progrès de telle ou telle science, mais seulement de transmettre à leurs élèves une somme donnée de connaissances en rapport
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- avec le degré de développement intellectuel et de culture générale de ces élèves.
- Mais de même que ces établissements enseignent par exemple les éléments de la physique, leur programme pourrait comprendre les principes de l’économie politique, et un aperçu de la constitution et de l’organisation administrative au moins de notre pays. C’est ainsi qu’en France dans la classe de première de l’enseignement secondaire moderne, on consacre une ou deux heures chaque semaine à l’enseignement de l’économie publique et au droit, et que, outre cela, l’enseignement de la philosophie empiète parfois sur le domaine des Sciences sociales.
- Dans les programmes d’enseignement des gymnases allemands, des gymnases d’enseignement moderne et des écoles supérieures d’enseignement moderne, aucune division des Sciences sociales ne fait l’objet d’un enseignement particulier.
- Cependant, d’après les règlements mis en vigueur en Prusse, en 1892, l’enseignement de l’histoire dans les classes de Untersecunda et de Oberprima comporte des notions sur les problèmes économiques et sociaux de l’époque actuelle.
- Il va sans dire que les théories sociales et la critique de l’ordre social actuel doivent être exclues des classes.
- Aussi est-il enjoint dans l’interprétation méthodique qui est adjointe aux programmes d’éviter, lors de l’exposé de ces questions devant les élèves, de prendre position d’une façon déterminée, et de montrer objectivement l’évolution historique des relations entre les différentes classes, et en particulier de la situation de la classe ouvrière, et enfin le progrès constant vers le mieux et ce que toute tentative de modifier par la violence l’ordre social établi aurait de funeste.
- Le nombre très minime des heures de classe consacrées chaque Semaine à l’enseignement de l’histoire ne laisse pour ces digressions sur le terrain des sciences économiques et sociales qu’un temps absolument insuffisant. Il en résulte que dans la majorité des établissements les élèves restent pour ainsi dire complètement étrangers à ces questions.
- On ne peut guère s’attendre à voir un tel enseignement fonctionner, car le programme des établissements en question est déjà extrêmement chargé et comporte de vingt-huit à trente heures de classes obligatoires, tandis qu’en France ce nombre ne dépasse pas vingt à vingt-quatre. Cependant, pour des raisons purement pratiques, il serait à souhaiter que les élèves de ces établissements pussent acquérir des notions sérieuses sur l’organisation et le fonctionnement des assurances ouvrières obligatoires, étant donné que presque tout le monde en Allemagne, soit comme employé, soit comme employeur, est obligé de s’occuper de ces assurances.
- Il y a, en effet, en Allemagne 8 millions et demi de personnes
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- assurées contre la maladie, 12 millions ayant contracté des assurances d'invalidité ou de vieillesse, et 18 millions de personnes assurées contre les accidents.
- Les écoles supérieures de commerce sont munies d’un enseignement de l’économie politique calculé pour répondre aux nécessités pratiques. Mais ces écoles restent en dehors du cadre de l’enseignement secondaire officiel et sont subventionnées, non point par l’Etat, mais par les villes ou par des corporations particulières.
- Dans les écoles primaires on ne trouve rien qu’on puisse désigner du nom d’enseignement des Sciences sociales. Tout au plus les livres de lecture contiennent-ils quelques pages choisies se l’apportant aux institutions publiques ou économiques.
- Mais il serait bon, en tout cas, que les élèves des écoles primaires apprissent à connaître clairement ces assurances ouvrières qui auront plus tard pour eux des effets si bienfaisants.
- En ce qui concerne maintenant les Universités, on a créé un nombre de chaires ordinaires suffisant, en somme, pour l’enseignement des Sciences économiques et sociales. Outre ces chaires ordinaires, les Universités disposent encore, pour enseigner ces matières, d’un certain nombre de professeurs extraordinaires et de privat-docents.
- En Prusse on désigne toutes ces sciences par un vocable qui est en quelque sorte devenu officiel : Sciences politiques. Mais le droit constitutionnel qui, en Prusse, est rattaché à une autre Faculté ne rentre pas sous cette rubrique générale.
- En Prusse, les sciences politiques sont l’apanage de la Philoso-phische Fakultât, de même que dans les Universités de Leipzig, lena, Giessen, Erlangen, Heidelberg, Hostock.
- Par contre, on voit à Wurzbourg, Strasbourg et Fribourg en Brisgau des Facultés de Droit et des Sciences sociales qui comprennent également les chaires dont il a été question.
- A Münich et à Tübingen enfin, existe une faculté particulière d’économie politique ou de Sciences sociales qui, en dehors des Sciences sociales mêmes, étudie l’économie publique et forestière, et à Tübingen le droit public et le droit international.
- A l’Université de Berlin les Sciences sociales sont enseignées actuellement par trois professeurs ordinaires, deux professeurs honoraires, trois professeurs extraordinaires, six privat-docents.
- A Bonn nous trouvons deux professeurs ordinaires, à Breslau un ordinaire et deux extraordinaires, à Gôttingen deux ordinaires, à Greifswald un ordinaire et un privat-docent, à Halle deux professeurs ordinaires et deux privat-docents, à Kiel deux ordinaires et un extraordinaire, de même à Kônigsberg, à Marbourg un ordinaire et un extraordinaire, à l’Académie (formée de deux Facultés seulement) de Munster un extraordinaire.
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- l’enseignement des sciences sociales.
- En outre enseignent les sciences politiques dans les Universités :
- Profess. Prof. extr. Privat-docents.
- Munich 3 » 1
- Wurzbourg 1 )) ))
- Erlangen 1 1 ))
- Leipzig 2 1 3
- Heidelberg 1 1 1
- Fribourg 2 » 1
- Tubingen 2 )) )>
- Strasbourg 2 )) 1
- Iéna 1 )) 1
- Giessen 1 )) »
- Rostock 1 )) ))
- Presque chaque Université possède un séminaire plus ou moins hien organisé des Sciences sociales. Mais dans les rares Universités qui n’en possèdent pas encore, renseignement des professeurs ne se borne pas aux cours, mais comprend aussi des conférences pratiques, et les professeurs guident les étudiants dans leurs travaux personnels.
- Les professeurs de Sciences sociales sont absolument libres de choisir tels sujets de cours qui leur conviennent. Cependant il est •de tradition depuis plusieurs années, en Allemagne, que les processeurs ordinaires fassent pendant trois semestres consécutifs des cours d’économie nationale théorique, d’économie nationale pratique, de politique économique et d’enseignement financier.
- Nous trouvons, en outre, sur les programmes de cours, l’indication d’un grand nombre de conférences spéciales sur des sujets divers : histoire économique, qu’un certain nombre de jeunes docents ont choisie pour spécialité, histoire des théories sociales, socialisme et communisme, assurances ouvrières, assurances en général, politique commerciale et coloniale, les questions agraires, la monnaie et les banques, etc.
- La Statistique en tant que sujet particulier d’enseignement n’est pas représentée de façon suffisante sur les programmes.
- A Berlin, elle est enseignée par deux professeurs honoraires assistés, depuis quelque temps seulement d’un privat-docent.
- En dehors de Berlin, on ne trouve qu’à Munich une chaire universitaire consacrée, sinon exclusivement, du moins particulièrement, à la statistique. A Leipzig ont lieu aussi quelques conférences détaillées sur la statistique ; dans la plupart des autres Universités on ne s’en occupe qu’en passant ou même pas du tout.
- Une science qui n’a pas encore conquis en Allemagne la place qui devrait lui revenir, c’est la sociologie.
- On la considère encore en Allemagne avec des yeux sceptiques ;
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- son domaine, sa tâche, sa méthode, tout est encore en butte à la critique.
- On est enclin à confondre la sociologie, soit avec l’histoire générale de la civilisation, soit avec la philosophie de l’histoire.
- Cela explique que quelques conférences de sociologie, qui ont été faites à Berlin, Leipzig, Heidelberg, aient été données non par des professeurs de Sciences sociales mais par des professeurs de philosophie ou d’histoire.
- L’ancienne science de la société, comme la comprenaient R. von Mohl et L. Stein, est laissée à l’arrière-plan, la sociologie de A. Comte, de Spencer, qui est plutôt une sorte d’histoire naturelle, se heurte à de nombreuses résistances, quoique cependant elle ait été adoptée par des auteurs de valeur comme Schæffle.
- Les représentants des Sciences sociales en Allemagne ne travailleront probablement à l’avancement de cette science nouvelle que d’une manière purement empirique, et par suite tous leurs efforts procéderont des recherches de l’ethnologie, de l’histoire de la civilisation et des données de la statistique.
- Gôttingen.
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- LTOEIGIMENT DES SCIENCES SOCIALES
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- EDWARD EMORY HILL
- Professeur de morale et d’économie politique à la Hyde Park High School de Chicago.
- L’ENSEIGNEMENT DES
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- Prix OU
- SCIENCES SOCIALES
- AUX ÉTATS-UNIS
- DANS LES ÉCOLES SECONDAIRES
- Abstraction faite de l’histoire qui dans nos écoles publiques n’est guère que l’enseignement chronologique des faits les plus importants et de la biographie des grands hommes, presque tout l’enseignement formel des sciences sociales dans les écoles secondaires aux États-Unis peut rentrer sous les deux rubriques suivantes : enseignement civique et économie politique.
- Sous le titre d’enseignement civique ou de science du gouvernement civil, on entend un enseignement qui a pour but de répandre des notions exactes sur le mécanisme du gouvernement personnifié par diverses unités politiques telles que la cité, l’État ou la nation, sur l’histoire politique et constitutionnelle, de développer l’intérêt des élèves pour les questions de philosophie politique, tout en fixant dans la mémoire quelques principes fondamentaux du droit commun et du droit international.
- Sous le titre d’économie politique, rentre non seulement l’examen de questions d’économie théorique, mais encore, une vue générale de l’histoire industrielle et économique, et un aperçu de la situation économique actuelle et des tendances diverses qui se dessinent. Elle sert aussi de cadre commode pour l’enseignement des principes de l’éthique et de la sociologie, sciences dont les rapports avec l’économie politique ne sont pas toujours faciles à découvrir, mais auxquelles on serait sans cela assez embarrassé pour faire une place dans les programmes des High Schools.
- Je me propose donc dans ce rapport :
- 1° De montrer quelle place occupent l’enseignement civique et l’enseignement de l’économie politique dans les programmes de nos High Schools.
- 2° D’indiquer le caractère que revêt l’enseignement de ces questions.
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- l’enseignement des sciences sociales.
- Le dernier rapport du commissaire de l’instruction publique pour les États-Unis, contient une liste des seize plus importants sujets d’études de nos écoles secondaires, avec le nombre des élèves qui suivent chacune des branches correspondantes d’enseignement et leur pourcentage par rapport au nombre total des élèves inscrits dans ces écoles. Nous ne trouvons sur cette liste ni l’enseignement civique ni l’économie politique.
- Le fait que quatre ou cinq de ces branches dites les plus importantes de notre enseignement réunissent à peine cinq pour' cent des élèves inscrits, et deux d’entre elles moins de quatre pour cent ; le fait aussi que ce rapport ne fait même pas mention des sciences dont s’occupe notre congrès, est un commentaire muet et cependant plus éloquent qu’encourageant du rôle que joue l’enseignement des sciences sociales dans les écoles secondaires des États-Unis. Mais la situation n’est cependant pas aussi décourageante qu’elle le semblerait à première lecture de ce document.
- Lisons les rapports sur l’enseignement dressés dans les divers États. Dans le Massachusets, sur 224 High Schools, 214 ont à leur programme des cours d’enseignement civique, et 77 des cours d’économie politique.
- Dans l’État de New-York dont les écoles supérieures et académies réunissent un total de 66 342 élèves, 11 509 de ces élèves ont passé dans le courant de l’année dernière un examen sur l’enseignement civique et 3 012 sur l’économie politique.
- Dans le North Dakota, le State Board impose ces sujets d’enseignement au programme des High Schools.
- Ce sont là des exemples favorables prouvant que l’on a su attacher une certaine importance dans nos High Schools à l’enseignement des sciences sociales.
- M. Frederik R. Cow, professeur à l’école normale de Oshkosh, Wisconsin, qui a étudié d’une façon particulièrement soignée les questions relatives à l’enseignement des sciences sociales, formule les conclusions suivantes :
- « Dans les États de New-England : New-York, New-Jersey et Pen-sylvanie, l’enseignement de l’économie politique est abandonné aux collèges, et les écoles normales ne s’occupent pas du tout de ce sujet.
- 2° Dans les États du centre ainsi que dans le Missouri et le Colorado, l’économie politique est enseignée dans toutes les bonnes High Schools et les écoles normales.
- 3° Dans tous les anciens États esclavagistes et le Far West, ces questions sont en général négligées. »
- Il y a dans ces conclusions deux faits à noter :
- 1° Plus de 80 p. 100 des écoles secondaires américaines se trouvent dans les Etats nommés au cours des deux premières conclusions.
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- 2° Toutes les High Schools sauf quatre, sur lesquelles on a pris des renseignements se trouvent dans les villes dont la population est supérieure à 70 000 habitants.
- D’après les rapports envoyés sur ce sujet au comité des Dix, et provenant des points les plus divers des États-Unis, on voit que l’économie politique est enseignée dans environ 5 p. 100 des écoles secondaires de notre pays. Mais le nombre des écoles enseignant d’une façon formelle et particulière la science civique, est certainement considérablement plus élevé.
- Une autre question est le temps consacré par les programmes à l’eneignement de ces sujets et le nombre des élèves qui suivent les cours spéciaux dans les écoles où existe un enseignement de ce genre.
- Les tableaux dressés par M. Clow nous sont encore ici très précieux à consulter. D’après ses calculs le temps moyen consacré à l’économie politique est de 14,6 semaines dans les écoles normales et de 18,7 semaines dans les High Schools.
- Dans les High Schools de Chicago, où l’on s’occupe particulièrement de l’étude de ces questions, la science civique et l’économie politique sont enseignées au cours de la dernière année d’études pendant environ 20 semaines chaque.
- Le nombre des cours est de quatre par semaine et chaque cours dure à peu près cinquante minutes.
- Ces cours sont entièrement facultatifs et le nombre des élèves qui y assistent dépend entièrement de la réputation du professeur.
- L’année dernière la moitié environ de la classe de quatrième année assistait aux cours d’enseignement civique et d’économie politique. Comme la moitié environ des élèves qui entrent dans les High Schools continuent leurs études jusqu’à la quatrième année, 25 p. 100 seulement des élèves des High Schools de Chicago reçoivent un enseignement régulier des sciences sociales. Cependant ce nombre est relativement fort grand.
- Le Board of Regents de l’État de New-York dans son dernier bulletin a soumis à l’appréciation des directeurs des High Schools et académies de cet état un projet de neuf cours d’instruction pour les écoles dont le temps d’études est de quatre années. Pour les neuf cours l’histoire élémentaire des États-Unis et l’enseignement civique sont désignés pour le premier semestre de la première année.
- Dans quatre de ces projets, la science civique est étudiée pendant le second semestre de la première année, d’une façon particulière, et deux autres projets désignent pour l’étude de l’économie politique le dernier semestre de la quatrième année.
- Ces programmes ont été dressés après un examen attentif des programmes actuellement appliqués dans cet État.
- Si l'on veut y chercher une indication sur l’état actuel de la
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- l’enseignement des sciences sociales.
- question, on pourra en tirer la conclusion que presque tous les élèves de l’enseignement secondaire de New-York étudient un peu les sciences civiques dans leurs rapports avec l’histoire élémentaire des États pendant les vingt premières semaines de la High School, que quelques-uns reçoivent un enseignement particulier sur ces questions pendant la seconde série des vingt semaines, et que au cours du dernier semestre de leur séjour à la High School un nombre très restreint d’élèves, ceux qui suivent les cours dits cours juridiques et cours commerciaux, peuvent quatre heures par semaine explorer le domaine de l’histoire industrielle et s’assimiler quelques-uns des principes capitaux de l’économie politique.
- Mais ce qui est beaucoup plus important que les questions que nous venons d’examiner c’est l’intérêt que portent à ces études les élèves eux-mêmes.
- Les sujets d’études intéressent les élèves en raison directe de l’importance qu’ils revêtent au point de vue des examens ou de l’entrée dans un collège ou une université. Prenons encore comme type les écoles de Chicago.
- Les coefficients attribués à tel ou tel sujet aux examens représentent la quantité d’heures de cours pendant lesquelles il est enseigné.
- L’élève pour passer son examen de graduate doit satisfaire aux questions sur un ensemble de matières formant un coefficient total de 15.
- Sur ce total les Mathématiques doivent recevoir
- le coefficient....................................... 1,6
- Les Sciences naturelles................................ 1,6
- L’Anglais.............................................. 2,8
- L’Histoire............................................. 0,8
- Les Langues vivantes................................... 1,8
- L’Élève peut aussi s’arranger de façon à avoir :
- En Histoire....................................... 1,6
- En Mathématiques................................. 2,8
- En Sciences naturelles......................... 4
- En Langues vivantes.............................. 8,2
- Si nous rangeons l’anglais au nombre des langues vivantes, il est facile dans cette seule action d’arriver au coefficient 11 sur les 15 nécessaires pour l’obtention du titre de graduate.
- Mais pour les sciences sociales le plus fort coefficient possible ne peut pas dépasser 0,8 pendant toute la durée de l’assiduité à la High School, et l’élève n’est pas forcé de les étudier.
- Chicago cependant, comme nous l’avons montré a organisé d’une façon exceptionnellement large l’enseignement de ces sciences.
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- Mais si les programmes de nos High Schools semblent un peu avares dans la part qu’ils font aux sciences sociales, que dirons-nous des établissements supérieurs d’instruction ?
- Sur les 28 principaux collèges et universités des États-Unis, 3 seulement attribuent aux sciences sociales une importance quelconque, au point de vue de l’admission des élèves des High Schools aux cours d’enseignement supérieur qui sont supposés développer d’une façon plus large l’esprit de l’homme ou de la femme.
- Si l’élève des établissements secondaires juge l’importance d’études nécessaires à l’accomplissement parfait des devoirs d’un bon citoyen, d’après la place qu’elles occupent dans les programmes des High Schools, ou d’après les avantages qu’elles donnent pour l’admission dans les collèges et les universités, à quelles conclusions arrivera-t-il?
- Et nous autres Américains, nous irons ensuite nous étonner de ce que nos hommes instruits ne s’intéressent pas davantage aux questions politiques.
- Examinons maintenant le caractère particulier de l’enseignement des sciences sociales dans nos écoles secondaires.
- La charité, dit-on, voile une multitude de défauts, mais son manteau n’est pas cependant assez grand pour cacher tout le mauvais travail qui se fait aux États-Unis sous prétexte d’enseignement de la science civique et de l’économie politique.
- Cela n’est certainement pas la faute de ceux qui enseignent ces matières, car, à proprement parler, il n’y a pas, ou il n’y a que très peu de professeurs de science civique et d’économie politique dans nos écoles secondaires.
- Le professeur chargé de traiter ces questions, enseigne toujours autre chose en même temps.
- Le professeur de latin qui peut de temps en temps gagner une heure pourra en profiter pour faire un cours d’enseignement civique.
- Le professeur de mathématiques connaîtra, pense-t-on, assez à fond les principes de l’économie politique pour pouvoir l’enseigner d’une façon profitable à trois ou quatre moments inoccupés pendant la semaine.
- Cet état de choses vient précisément de ce que ces questions occupent, dans les programmes de la majorité de nos écoles, une place si restreinte.
- Mais même les professeurs qui s’intéressent particulièrement à ces études et qui peuvent leur consacrer la plus grande partie de leur temps ont obtenu des résultats qui sont loin d’être encourageants. Us sont les premiers pionniers dans ce domaine nouveau de la pédagogie. Ils se trouvent environnés de matériaux innombrables parmi lesquels il leur faut choisir et condenser ce qu’il y a de plus substantiel pour les citoyens futurs qui seront leurs
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- élèves, et prendre en même temps ce qui est le mieux en rapport avec les nécessités de l’état actuel de développement intellectuel de ces élèves.
- La difficulté d’un tel problème n’apparaît qu’à ceux-là qui ont eux-mêmes tenté de lui donner une solution. On a fait sur ce sujet beaucoup de manuels dont certains sont, à certains points de vue, excellents ; mais les auteurs de ces livres, autant que les professeurs dont nous avons parlé, ont manqué de méthode dans le choix des sujets traités.
- L’un d’eux étudie si en détail le gouvernement central, qu’il ne reste plus de place dans son programme pour l’étude des institutions locales.
- Un autre examine de si près le gouvernement local qu’il semble oublier qu’il est lui-même un citoyen d’une grande nation.
- D’autres se sont lancés à corps perdu dans l’histoire et la philosophie de nos organismes sociaux. D’autres se sont bornés à décrire le simple mécanisme de nos divers gouvernements.
- Pour l’économie politique les manuels ont été plus mauvais encore.
- A l’exception de un ou deux livres sans grande valeur, la plupart des manuels d’économie politique étaient des résumés à l’usage des écoles secondaires, plus ou moins copiés sans scrupule sur les ouvrages plus complets destinés originairement aux étudiants des collèges.
- En ces derniers temps, seulement, le désir de composer des manuels d’économie politique répondant aux besoins des élèves des écoles secondaires s’est manifesté sous une forme presque épidémique parmi les divers économistes.
- Ces deux ou trois dernières années ont vu apparaître les ouvrages estimés de Bullock, professeur à l’Université de Cornell, et de Thurston, professeur à l’École normale de Chicago, deux livres qui méritent d’être mentionnés spécialement. Ce sont là des résultats encourageants pour ceux qui croient que l’enseignement de l’économie politique devrait figurer pour une plus large part dans les programmes de nos High Schools.
- Il n’y a pas encore là tout ce qu’on peut espérer, mais l’indication de faits qui n’avaient pas encore été signalés.
- En résumé, nous dirons donc :
- 1° Que l’enseignement des sciences sociales, aux États-Unis, n’occupe pas encore une place très importante dans nos écoles secondaires.
- 2° Que cet enseignement n’existe que dans un nombre restreint d’écoles et que les écoles où il existe considèrent ces questions comme des sujets d’étude généralement facultatifs, s’adressant à un faible nombre d’élèves, et auxquelles on consacre peu de temps et de peine.
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- 3° Que le caractère de cet enseignement est très superficiel. Très peu de professeurs qui sont obligés de faire des cours sur ces questions, les ont étudiées particulièrement et les connaissent bien.
- 4° Enfin, que les rares professeurs qui se sont consacrés avec zèle à cette étude se heurtent à de nombreux obstacles.
- Je rapporte ici ces faits, en toute impartialité et sans pessimisme, ni découragement.
- Le mouvement qui porte ce pays à introduire dans son enseignement secondaire et élémentaire, l’étude des sciences sociales ne vient que de se dessiner.
- Mais déjà à ses débuts, il apparaît puissant et doué de tout ce qu’il faut pour atteindre à un rapide développement. Nous sommes d’autant plus portés à espérer pour son avenir, que, chaque année, de nouvelles écoles inscrivent les sciences sociales à leur programme ; d’autres écoles leur donnent sur leur programme une place plus importante que jadis.
- Leur importance est signalée continuellement, dans les réunions de professeurs, dans les journaux pédagogiques, dans la presse en général.
- Leur étude a été rendue obligatoire dans nos meilleures écoles normales ; les collèges et les universités de notre pays, qui jadis, s’étaient montrés non seulement indifférents, mais même hostiles à leur introduction dans les écoles publiques, tendent maintenant non seulement à favoriser leur enseignement élémentaire, mais à en rendre l’enseignement de plus en plus sérieux dans le but de faire défricher ce domaine par des professeurs munis d’un bagage de connaissances plus sérieuses.
- Avant de terminer, je dois encore ajouter que, outre l’enseignement officiel de ces sciences, on répand parmi les jeunes gens de nos écoles publiques la connaissance de leurs principes fondamentaux de façon accidentelle, inconsciente, dirais-je.
- Cette question particulière sera étudiée dans la seconde partie de ce rapport sous le titre suivant : l'Enseignement des Sciences sociales dans les Écoles 'primaires, aux Etats-Unis.
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- CONGRES INTERNATIONAL
- DE
- PARIS
- 30 Juillet — 3 Août 1900
- RAPPORT
- SUR RENSEIGNEMENT SOCIAL
- EN FRANGE
- Par G. DEHERME
- Président de la Coopération des idées (Université populaire du faubourg Saint-Antoine)
- PARIS
- ANCIENNE LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE ET Cie
- FÉLIX ALCAN, ÉDITEUR
- 108, BOULEVARD S A1NT - G E RM AIN , 108
- 1900
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- ! DU
- FRANCE
- M. G. DEHERME
- Directeur de la Coopération
- | N° U'i UaUiloLCit.
- des idées
- iVi.t ou Uslimalion
- (Université populaire fa faubourg Saint-Antoine).
- RAPPORT SUR L’ENSEIGNEMENT SOCIAL
- EN FRANCE1 2
- I. — HISTORIQUE
- En février 1896, paraissait le premier numéro d’une petite revue de 12 pages, la Coopération des Idées 2. Son programme était concis, mais il annonçait de vastes espoirs : « Nous voulons, disait-il, éveiller les énergies latentes... La liberté et la justice ne se décrètent ni ne s’imposent... Régénérer l’individu pour améliorer l’état social ; fortifier les volontés actives, développer le pouvoir d’inhibition pour accroître la liberté ; nourrir l’intelligence, exalter les facultés cérébrales, élargir la conscience pour qu’il y ait plus de justice en ce monde et plus de liberté : voilà l’oeuvre audacieuse que nous entreprenons, — but et moyens ». — Le premier abonné fut M. Jean Richepin.
- Le n° 2 ouvrait une enquête sous ce titre : « Quel sera l’Idéal de demain ? »
- C’est par cette enquête, continuée jusqu’en décembre 1897, que s’est formée vraiment la première Coopération des idées. Quatre-vingt-dix réponses de savants, de philosophes, d’artistes, de travailleurs furent publiées successsivement. La conclusion montrait l’accord de toutes ces réponses disparates ; elle affirmait la nécessité de l’action énergique, immédiate. On signalait, entre autres, une œuvre
- 1. Nous donnons sous ce titre des extraits d’un travail très complet rédigé par M. Deherme sur la question, mais que ses dimensions ne nous permettaient pas de reproduire intégralement. L’auteur s’est prêté de très bonne grâce à cette mutilation de son travail. [Note du secrétaire.]
- 2. Les œuvres vivantes n’ont réellement pas de commencement. Cette petite revue n’était que la continuation d’une feuille volante qui paraissait, sous ce même titre, depuis plus d’un an. Il en est de même pour le groupe d’études sociales dont nous avons entrepris l’historique. Il existait en fait depuis dix ans. C’étaient quelques ouvriers qui se réunissaient dans le sous-sol d'un marchand de vins de la rue Vieille-du-Temple pour causer de philosophie et de sociologie. Mais nous faisons commencer ce groupe au moment où. il a nettement conscience de son rôle, où il a son local à lui, où il donne des conférences tous les soirs, où il vit vraiment, où son action est efficace.
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- l’enseignement des sciences sociales.
- urgente à accomplir : les cercles ouvriers de tempérance. « Peut-être, ajoutait-on, tenterons-nous, avant peu, d’en fonder un dans le quartier du faubourg Saint-Antoine. Nous y commencerons un enseignement éthique-social. Plus tard on pourrait s’étendre aux autres quartiers. Et pourquoi pas à toute la France ? Il y faudrait fort peu d’argent, mais beaucoup de bonne volonté. C’est par la causerie, par le livre et lè journal, l’éducation syndicale, coopérative, politique, sociale, humaine à organiser. Nous reviendrons sur ce sujet ».
- On y revint aussitôt, dans le numéro suivant de janvier 1898, pour lancer l’appel qu’on va lire. Le rédacteur avait été déterminé, par un don de 100 francs de M. Maurice Barrés pour cette œuvre d’éducation : d’autre part, M. Henri Mazel le pressait fortement de commencer immédiatement cette action à l’imitation des University extensions anglaises. Voici l’appel. Nous le reproduisons intégralement, parce que c’est de là qu’est sorti tout notre mouvement actuel des Universités populaires. Nous croyons qu’un traité diplomatique n’a pas, historiquement, plus d’importance :
- LA COOPÉRATION DES IDÉES
- POUR L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET L’ÉDUCATION ÉTHIQUE-SOCIALE
- DU PEUPLE
- La Coopération des Idées pour l'instruction supérieure et l’éducation éthique-sociale du peuple, dont nous prenons, dès aujourd’hui, l’initiative, travaillera, comme son titre l’indique, à organiser méthodiquement l’éducation syndicale, coopérative, politique, sociale en un mot, du peuple.
- La troisième République a prodigué l’instruction. Chaque école construite, disait-on naïvement avec le poète, devait vider une prison. Le nombre des délinquants analphabets a diminué, il est vrai ; mais celui des délinquants lettrés a augmenté dans les mêmes proportions : le total n’a pas changé. Et l’on a dû encore construire de nouvelles prisons.
- On avait considéré l’instruction comme une fin au lieu de l’employer habilement comme un moyen.
- Nous ne croyons pas, quelque pessimisme que puisse autoriser le présent, élever. Et c’est l’instruction supérieure qui nous paraît le mieux favoriser cette éducation. Nous n’entendons pas l’instruction supérieure qui est distribuée, dans nos facultés et nos écoles supérieures, trop généreusement peut-être, à une multitude de jeunes gens, dont beaucoup seront, hélas! des « déracinés » du sol natal et du sol moral ; mais une instruction supérieure moins pédante, moins sèche, plus large, plus vivante, qui agira plus sur l’âme que sur la mémoire... Nous ne ferons pas des érudits } mais des hommes. Faire des hommes, des volontés énergiques, des consciences hautes et claires, des cœurs ardents, des intelligences saines : tel est le but.
- Nous ne croyons pas, quelque pessimisme que puisse autoriser le présent désarroi, qu’il faille justifier une œuvre semblable. Nous dirons seulement, en quelques lignes, comment elle va s’accomplir et de quelle façon on y peut contribuer.
- Tout d’abord nous ne constituerons qu’un groupe d’études, car nous ne pouvons disperser nos efforts. Ce groupe restera le type de ceux que nous fonderons ensuite dans d’autres quartiers.
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- Nous louerons une salle. Il faut être chez soi. Des bancs, une grande table, autour de laquelle s’assiéront fraternellement professeurs, bourgeois et élèves' prolétaires, quelques planches pour les livres, aux murs des maximes : voilà pour l’installation. Plus tard, avec des ressources plus grandes, on fera mieux. Il faudrait pouvoir lutter victorieusement contre les cafés, les marchands de vins, avoir de vrais cercles tempérants où les ouvriers seraient toujours certains de rencontrer des amis sincères ; on organiserait des soirées artistiques, des lectures poétiques ennoblissantes, des excursions instructives, etc. L’alcoolisme, cette lèpre mortelle, serait vaincu !
- Les élèves seront des ouvriers du quartier. Ils paieront une cotisation mensuelle de 50 centimes. Les professeurs, nous désirerions qu’ils payassent la même cotisation, ce seront tous ceux, aptes à cette fonction, qui voudront bien s’offrir. On nous a assuré que nous n’en manquerions pas. Nous sommes convaincu que, parmi les travailleurs, il en est qui, âprement, cherchent la vérité. Ceux-là viendront à nous. On les arrachera aux tentations mauvaises de l’alcool et des dissolvantes chimères. Nous en ferons des administrateurs intègres et éclairés de coopératives et de syndicats. Nous formerons ainsi une puissante élite prolétarienne,
- « noyau vivant de la future société ».
- Nous faisons appel à toutes les idées, à toutes les opinions, à toutes les croyances. Toutes, elles seront respectées. Cependant nous recommanderons surtout aux professeurs d’en dégager le fonds social.
- Notre enseignement comportera toutes les branches générales du savoir physique, biologique et sociologique : astronomie, cosmologie, géographie ; anthropologie, ethnologie, physiologie, hygiène, psychiatrie, psychologie ; linguistique, logique, esthétique, démographie, droit, économie politique, pédagogie, philosophie de l’histoire, criminologie, philosophie, éthique, etc.
- Chaque professeur choisira son sujet et le développera comme il l’entendra. On nous a conseillé le procédé suivant qui nous a paru excellent : chaque séance comprendrait trois parties de vingt minutes chacune ; la première serait consacrée à l’examen des devoirs écrits par les élèves sur la leçon précédente ; la seconde, à la causerie sur le sujet à l’ordre du jour ; la troisième, enfin, à répondre aux questions posées par les auditeurs et à la discussion. Mais ce procédé, nous ne l’imposerons pas, chacun emploiera celui qu’il croira le plus propre à éveiller la sympathie. C’est là l’essentiel. Il est nécessaire que des liens d’amitié s’établissent entre les savants et les ignorants, les riches et les pauvres. Le cerveau des uns, le cœur, des autres, l’âme de tous y gagneront. C’est de cette union sincère que nous attendons les bienfaisants résultats de notre tentative.
- Nos cours commenceront le Tr avril prochain. Ils se continueront tous les soirs de la semaine de huit à dix heures. Notre programme sera établi pour trois mois. Des affiches et des prospectus en donneront la composition avec les noms des professeurs.
- Par nécessaire mesure d'économie, nous prions instamment ceux qui ont l'intention de nous aider de nous faire connaître le plus tôt possible 1 :
- 1° Le nombre de causeries qu'ils pourront faire pendant les trois mois d'avril, mai et juin; les sujets qu'ils se proposent de traiter; les jours qu’ils préfèrent ;
- 2° Les procédés d'instruction et d’éducation qu'ils recommandent ; ce qui pourrait, à leur avis, favoriser le succès de l’œuvre et son prompt développement à Paris et en province.
- 1. Adresser provisoirement toutes les communications à M. G. Dehferme, 17, rue Paul-Bert.
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- l’enseignement des sciences sociales.
- On nous aidera beaucoup en faisant circuler cette note, en la reproduisant dans les journaux et les revues, en provoquant des adhésions, en créant un petit mouvement, par tous les moyens de publicité et de propagande, en faveur de la Coopération des Idées pour l'instruction supérieure et l’éducation éthique-sociale du peuple.
- Les adhésions affluèrent aussitôt. Les concours s’offraient de tous côtés. On avait 100 francs en caisse : on pouvait se mettre en marche.
- Une arrière-boutique est louée à l’essai 25 francs par mois, 19, rue Paul-Bert, au fond d’une cour. Deux tables achetées dans un magasin de démolitions sont mises bout à bout ; on les recouvre d’une étoffe rouge. Elles occupent le milieu de la pièce. Autour, sont les tabourets, 20 tabourets à 1 fr. 25. Au bout, une chaise pour le conférencier, achetée 0 fr. 60. Avec deux lampes d’atelier à pétrole, un tableau noir crevé, c’est tout l’ameublement.
- L’ouverture est annoncée, pour le 23 avril, par une petite affiche, du plus petit format, mais qui porte de hautes ambitions. Cent exemplaires sont apposés sur les murs du quartier. Voici le texte :
- LA COOPÉRATION DES IDÉES
- POUR L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET L’ÉDUCATION ÉTHIQUE-SOCIALE
- DU PEUPLE
- Aux travailleurs,
- Comme vous, nous sommes des travailleurs. Mais nous croyons que la vie humaine a des joies plus intenses, plus durables, plus hautes et moins onéreuses que celles des cabarets. De toutes nos forces, malgré notre ignorance et notre pauvreté, nous aspirons à la vie intellectuelle et morale.
- Voulez-vous êtes des nôtres ?
- Parmi nous, vous ne trouverez ni des pédants, ni des sectaires, ni des ambitieux ; mais, quelles que soient vos croyances, des amis sincères.
- Simplement, nous voulons êtres des hommes, c’est-à-dire plus que des instincts : des consciences, des intelligences et des volontés.
- Et cela, camarades, vous le voudrez avec nous.
- Groupe A. — 19, rue Paul-Bert. — (Tous les soirs, à partir du 23 avril, de 8 heures très précises à 10 heuresJ. — programme du 23 avril au 31 mai 1898.
- Samedi 23 avril. — M. Gabriel Séailles, directeur des conférences de philosophie à la Sorbonne : L’instruction supérieure du peuple.
- Lundi 25 avril. — M. Henry Bérenger, homme de lettres : La littérature et la politique en France depuis 1789.
- Mardi 26 avril. — M. le Dr Boissier, ancien interne des asiles d’aliénés :
- La folie, sa fréquence, ses formes et ses causes.
- Mercredi 27 avril. — M. Germain Martin, archiviste paléographe,- secrétaire du « Musée Social » : Le mouvement syndical en France.
- Jeudi 28 avril. — M. Léon Letellier, professeur de philosophie : Pêcheurs de Terre-Neuve.
- Vendredi 29 avril. — M. Henri Mazel, docteur en droit : Histoire de la civilisation.
- Samedi 30 avril. — M. Emile de Saint-Auban, avocat à la Cour : L idee du droit.
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- Lundi 2 mai. — M. Louis Marin, secrétaire de la Société de géographie commerciale : L’Homme ; les Races.
- Mardi 3 mai. — M. J.-A. Créé, médecin : La vie d’Auguste Comte comme explications de ses doctrines.
- Mercredi 4 mai. — M. Camille Léger, agrégé de philosophie au collège de Beauvais : L’amour unique considéré comme principe moral de l’union des sexes.
- Jeudi 5 mai. — M. Georges Blondel, professeur de Faculté, chargé de mission du « Musée Social » : Mouvement industriel et social en Allemagne.
- Vendredi 6 mai. — M. Emile Trolliet, professeur de rhétorique au collège Stanislas : La poésie civique en France depuis 1789.
- Samedi 7 mai. — M. le Dr Legrain, médecin en chef de l’asile de Ville-Evrard : L’alcoolisme et ses conséquences sociales.
- Lundi 9 mai. — M. Henri Mazel : Histoire de la civilisation (2° causerie).
- Mardi 10 mai. — M. Deronde, avocat à la Cour : L’ouvrier dans les révolutions.
- Mercredi 11 mai. — M. Pierre Lasserre, professeur de philosophie : La chanson française (avec audition).
- Jeudi 12 mai. — M. Alex. Séon, artiste peintre : La Beauté dans l’art ornemental. Voir. Choisir. Composer.
- Vendredi 13 mai. — M. Paul Desjardins, professeur au lycée Condorcet : Les grands livres de l’humanité (époques primitives).
- Samedi 14 mai. — M. Henry Bérenger : La littérature et la politique en France depuis 1789 (2° causerie).
- Lundi 16 mai. — M. André Jacquemont, avocat à la Cour : La Cité antique.
- Mardi 17 mai. — M. Maurice Pujo, avocat à la Cour : L’éducation artistique par quelques grands peintres : Rembrandt, etc.
- Mercredi 18 mai. — M. Camille Léger : La sincérité entre l’homme et la femme (2° causerie).
- Jeudi 19 mai. — M. le D' Boissier : La dégénérescence.* Ses causes, ses effets, moyens de la prévenir (2e causerie).
- Vendredi 20 mai. — M. Emile Trolliet : La poésie civique en France depuis 1789 (28 causerie).
- Samedi 21 mai. — M. Fleury, avocat, chargé de mission du « Musée Social » : La grève des ouvriers mécaniciens en Angleterre.
- Lundi 23 mai. — M. Ch.-M. Limousin, publiciste : La Socionomie.
- Mardi 24 mai. — M. Th. Sueur, fils : Socrate.
- Mercredi 25 mai. — M.Gaston Moch, président du comité directeur de l'Indépendance belge : Une langue internationale : l’Espéranto.
- Jeudi 26 mai. — M. Alex. Séon : La beauté dans l’art ornemental. Voir. Choisir. Composer (2B causerie).
- Vendredi 27 mai. — M. L. March, ingénieur à l’Office du Travail : Le mouvement perpétuel.
- Samedi 28 mai. — M. Arthur Fontaine, ingénieur, sous-directeur de l’Office du Travail : Les associations coopératives de production.
- Lundi 30 mai. — M. Paul Vérola, homme de lettres : Les poètes français du siècle (avec lectures).
- Mardi 31 mai. — M. Festy, chargé de mission du « Musée Social » : Les ouvriers dockers en Angleterre.
- Le soir de l’ouverture la petite salle fut comble. Cinquante à
- soixante personnes vinrent écouter la conférence de M. le pasteur
- Ch. Wagner, venu en remplacement de M. Gabriel Séailles, gravement malade. Vingt-huit personnes se firent inscrire et payèrent leur
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- première cotisation mensuelle de 0 fr. 50. La recette fut donc exactement de 14 francs.
- Le jour suivant, le public se raréfie. Il n’y a pas des adhésions tous les soirs, car on n’exige pas très rigoureusement l’inscription. Nous notons trois adhésions le 26 avril, deux le 28, deux le 30, trois le 2 mai.
- Jusqu’au 6 août le groupe fonctionne ainsi, avec une moyenne de quinze auditeurs chaque soir. Il y eut en tout, durant cette période, cent dix adhésions. On perçut cent soixante cotisations, et les recettes s’élevèrent donc à 80 francs. Nous ne comprenons pas là les souscriptions volontaires. Les dépenses totales s’élevèrent, pour cette première période, à 331 fr. 30, et les recettes à 347 francs.
- Les discussions qui suivent les conférences sont toujours courtoises quoique animées. Le contact se fait de mieux en mieux.
- L’expérience est concluante, et elle autorise toutes les espérances.
- L’été oblige d’interrompre les causeries du soir, mais le dimanche on fait quelques visites au Musée du Louvre, sous la conduite de l’excellent peintre Al. Séon, et l’on s’organise.
- On se transporte au 17 de la même rue, dans un local analogue au premier, mais qu’on loue à l’année 450 francs. On s’installe. Quelques planches serviront pour une maigre bibliothèque, quelques banquettes s’ajouteront aux tabourets...
- Mais tout cela est encore provisoire, de plus vastes projets se font jour, et dans le numéro de septembre de la revue, il est parlé, pour la première fois, de fonder des Universités populaires.
- La Revue se fond de plus en plus dans l’œuvre nouvelle. Elle en publie les communications, les listes de souscription, les appels ; elle reproduit quelques-unes des meilleures conférences.
- Le 3 octobre 1898 réouverture, avec ce programme pour le mois :
- PROGRAMME DU MOIS D’OCTOBRE 1898
- Lundi 3. — M. Gabriel Séailles, directeur des conférences de philosophie à la Sorbonne : L’instruction supérieure du peuple.
- Mardi 4. — M. le Dr Marie, de l’Institut Pasteur : La méthode expérimentale.
- Mercredi 5. — M. Théodore Monod, pasteur : Le témoignage.
- Jeudi 6. — M. Lucien Le Foyer, avocat à la Cour : De la vérité, des discussions et des moyens de s’entendre.
- Vendredi 7. — M. Elie Halévy, agrégé de philosophie : J. Bentham.
- Samedi 8. — M. Arthur Fontaine, ingénieur, sous-directeur de l’Office du Travail : Le Polytechnic Institute de Regent-street, à Londres.
- Lundi 10. — M. Gaston Moch, directeur de Y Indépendance belge, ancien capitaine d’artillerie : l’Evolution vers la paix. La guerre à travers les âges (lre causerie).
- Mardi 11. — M. Robert Dreyfus, publiciste : Le socialisme agraire à Rome.
- Mercredi 12. — M. Jules Lermina, homme de lettres : Shakespeare. Othello.
- Jeudi 13. —M. Henri Vaugeois, professeur de philosophie : Spinoza.
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- Vendredi 14. — M. Emile Trolliet, professeur de rhétorique au collège Stanislas : Rôle civilisateur de la langue française à travers l’histoire (1” causerie).
- Samedi 15. — M. Daniel Halévy, publiciste : Le Désordre par la force (lre causerie).
- Lundi 17. — M Henry Bérenger, homme de lettres : L’émancipation de l’individu.
- Mardi 18. — M. le Dr Marie : L’hygiène à l’atelier.
- Mercredi 19. — M. Camille Léger, agrégé de philosophie au collège de Beauvais : L’apprentissage de la solidarité par la vie de famille.
- Jeudi 20. — M. Louis Marin, secrétaire de la Société de géographie commerciale : Evolution de la propriété.
- Vendredi 21. — M. Henri Mazel, homme de lettres, docteur en droit : La synergie contemporaine (3° causerie).
- Samedi 22. — M. Aug. Monod, professeur au lycée Montaigne : La morale de La Fontaine et les enfants.
- Lundi 24. — M. Gaston Moch : L’évolution vers la paix. Les besoins internationaux (2e causerie).
- Mardi 25. — M. Victor Charbonnel, homme de lettres : Le socialisme en Belgique, par J. Destrée et E. Vandervelde (étude critique).
- Mercredi 26. — M. le D' Cantacuzène, de l’Institut Pasteur : Les microbes. Jeudi 27. — M. Mommenheim : Conception positive du système économique.
- Vendredi 28 . — M. Emile Trolliet : Rôle civilisateur de la langue française à travers l’histoire (2° causerie).
- Samedi 29. —- M. Daniel Halévy : L’ordre par la justice (2e causerie). Lundi 31. — M. le Dr Vaquier, médecin de l’hôpital des tuberculeux (Œuvre d’Ormesson) : L’hygiène de l’habitation (l'° causerie).
- Le discours de M. Gabriel Séailles souleva de chaleureux applaudissements. La salle, ce soir-là, fut trop petite. Il y eut cinquante-quatre adhésions. La recette fut donc de 27 francs. Le 4 octobre, il y eut vingt-neuf adhésions ; le 5, il y en a quatre, et trois le 6, et vingt le 7...
- Le groupe fonctionna ainsi jusqu’en juillet 1899, et il y eut en tout deux cent quatre-vingt-onze adhésions. Les recettes totales s’élevèrent à 664 fi\ 70, et les dépenses à 604 fr. 56.
- Comme on le voit, cela vit, se développe. En novembre et décembre on loue un piano, et l’on donne, le dimanche, des soirées musicales. De plus en plus souvent, la salle est trop petite.
- Le numéro de janvier de la Revue annonce enfin le projet de créer une Société des Universités populaires.
- Voilà trois années que la Revue paraît sans interruption. Elle a maintenant 16 pages de texte compactes sous couverture verte. Les trente-six numéros parus forment le premier volume de sa collection. Et c’est cette note qui termine le volume :
- LA COOPÉRATION DES IDÉES
- POUR L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET L’ÉDUCATION ÉTHIQUE-SOCIALE
- DU PEUPLE
- En haut comme en bas, on s’aperçoit enfin quels malentendus et quelle catastrophe prépare la séparation sociale de la pensée et de l’action.
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- L’ENSEIGNEMENT des sciences sociales.
- D’autre part, le succès de notre tentative de rapprochement et d’entente cordiale s’affirme de plus en plus. Il semble bien que l’heure est venue d’entreprendre une grande et belle œuvre, qui ne sera pas celle d’un homme, ni d’une coterie, mais de tous les hommes de bonne volonté, et, plus tard, de la nation entière.
- A cette œuvre on donnera l’étiquette et les formes qu’on voudra, on la fera présider et diriger par telles ou telles personnalités indépendantes, il n’importe. Notre modeste tentative a montré la possibilité de la réaliser • il ne reste plus qu’à l’entreprendre. Les bonnes volontés qui demandent à se dépenser ne manquent point. On nous prie de leur adresser cet appel. Il s’agit de constituer une Société, avec un Comité d’administration, des Statuts, un capital, pour la fondation d’Universités populaires dans toutes les grandes villes de France, et d’abord à Paris. Nous proportionnerons naturellement notre action aux moyens dont nous disposerons.
- On peut nous aider de toutes façons. Nous préparons d’ailleurs l’organisation d’une grande réunion privée. Nous convoquerons par lettre tous ceux qui, d’ici là, voudront bien nous faire savoir qu’ils adhèrent en principe à ce projet. Adresser momentanément les communications à la Coopération des Idées, 17, rue Paul-Bert.
- A la réunion du 12 mars 1899, il est décidé de constituer une Société des Universités populaires. Peu après un Comité est formé, des statuts sont élaborés, imprimés. Une souscription est ouverte. 15 000 francs sont reçus.
- C’est avec cette somme qu’on fondera la première Université populaire importante.
- On a quitté le local de la rue Paul-Bert le 1er juillet. C’est le 9 octobre qu’on inaugure celui du faubourg Saint-Antoine.
- On comptait sur cinq cents adhésions, il y en eut ce premier mois d’octobre 2 200. Il y en a maintenant 7 000.
- Voici la première affiche du mois et le premier programme :
- LA COOPÉRATION DES IDÉES SIÈGE SOCIAL : 157, FAUBOURG SAINT-ANTOINF
- Aux Travailleurs,
- Comme vous, nous sommes des travailleurs. Mais nous croyons que la vie humaine a des joies plus intenses, plus durables, plus hautes et moins onéreuses que celles du cabaret.
- Voulez-vous êtes des nôtres ?
- Notre ambition est grande : nous voulons la vérité, la beauté, la vie morale pour tous ; nous voulons que tous soient admis à participer à ces biens qui constituent le patrimoine propre à l’humanité : nous voulons que, comme le soleil pour tous les yeux, la lumière intelligible se lève pour toutes les intelligences.
- Nous voulons une civilisation réelle, qui ne laisse plus en dehors d’elle la majorité des hommes, une civilisation qui ne soit plus l’œuvre et le profit de quelques-uns, à laquelle tous soient appelés à concourir et à participer.
- Camarades, aspirant à employer nos heures de loisir pour notre développement physique, intellectuel et moral, ce qui veut dire pour notre
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- émancipation sociale, nous dressons, en face du cabaret et du café-concert, notre première Université populaire.
- Cette Université populaire comprendra d’abord :
- 1“ Une salle de cours et conférences pour l’enseignement supérieur populaire, où chaque soir un penseur, un savant ou un artiste, parmi les plus éminents, viendra causer avec nous des plus graves questions artistiques, scientifiques, philosophiques, sociologiques et morale ;
- 2° Un musée du soir, où défileront les chefs-d’œuvre de la peinture et de la sculpture. Les ouvriers d’art pourront aussi y exposer les plus beaux produits de leur industrie.
- 3° Une salle de spectacle, où tous les dimanches seront données des fêtes familiales, des lectures, des spectacles, des auditions musicales, etc.
- 4° Un salon de conversation et de j eux.
- 5° Une bibliothèque de lecture sur place et de prêt à domicile constamment ouverte. On y trouvera les plus importantes revues littéraires et sociales.
- A cette Université populaire seront annexés des services de consultations médicales, juridiques, économiques ; un service de pharmacie à bon marché, de placement, de mutualité, etc. Plus tard, nous tenterons de constituer des associations coopératives de consommation, de production, de crédit.
- La société libre et juste de demain sera un régime d’associations. Nous nous y préparerons.
- Nous organiserons aussi, pour les beaux jours, des excursions scientifiques, esthétiques, des visites aux musées, ou simplement des promenades amicales.
- L’Université populaire ne laissera pas en dehors de son action les femmes, les enfants, les apprentis. Le peuple sera, là, chez lui, en famille, avec des amis sincères.
- Camarades, de nos salles faites vos salles, de notre groupement faites votre groupement. En face du cabaret, où le corps se détruit, où l’âme s’avilit, nous ouvrons la Maison du Peuple, foyer de justice et de fraternité.
- Avec nous, vous voudrez être des hommes libres, des hommes de jugement sain, et prendre l’habitude de la réflexion et de la critique.
- Ensemble nous chercherons quels sont nos devoirs, et nous les remplirons. Mais nous ne négligerons pas nos droits, et, chacun prenant conscience de sa valeur et de sa responsabilité comme individu et comme membre du corps social, nous les exercerons. En un mot, nous travaillerons pour que la démocratie passe des formules stériles dont elle meurt aux réalités vivantes et fécondes de la liberté, de la justice et de la solidarité.
- Dès maintenant, nous formons un noyau vivant de la société idéale, et nous vous conjurons de vous joindre à nous.
- UNIVERSITÉ POPULAIRE, 157, FAUBOURG SAINT-ANTOINE
- (Ouverte tous les jours, sans exception, de 9 h. du matin à H h. du soir)
- Cours et conférences (avec projections, expériences, exemples, discussions) d’esthétique, de sciences,- d’économie, de philosophie, de sociologie, de morale, tous les soirs de 8 heures à 10 heures.
- Dimanches et fêtes, jeux et soirées familiales : spectacles, chants, musique, etc.
- La cotisation est de 0 fr. 50 par mois. Ce modique versement mensuel est la seule formalité à remplir pour faire partie de notre Association et profiter de tous les avantages qu’elle offre à ses membres (Voir ci-dessus).
- On s’inscrit dès maintenant au Siège Social, 157, faubourg Saint-Antoine.
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- l’enseignement des sciences sociales.
- PROGRAMME DU MOIS D’OCTOBRE 1899.
- (Séance d’ouverture le lundi 9 octobre, à 8 h. du soir).
- M. Gabriel Séailles, professeur à la Sorbonne, président de la Coopération des Idées, Société des Universités populaires, fera une conférence sur ce sujet : Education et Révolution.
- Mardi 10. — M. le Dr Jacquet, médecin des hôpitaux : L’alcool. Les alcoolisés. Les alcooliques (avec projections, 1" causerie).
- Mercredi 11. — M. Henry Bérenger, homme de lettres : La poésie sociale en France au xixe siècle (quatre leçons). — I. Lamartine. Avec le concours de M" Marie Marcilly, du théâtre du Gymnase. O. A.
- Jeudi 12. — M. Paul Desjardins, professeur de rhétorique supérieure au lycée Michelet : Le sentiment maternel interprété par les grands artistes. La causerie se fera à notre musée du soir.
- Vendredi 13. — M. Louis Vigouroux, professeur à l’Ecole d’architecture, chargé de mission en Afrique, Australasie et Amérique du Nord : La vie dans les pays neufs (avec projections).
- Samedi 14. — M. Charles Brun, agrégé de lettres : Le théâtre et la famille au xixe siècle (lre causerie).
- Dimanche 15. — Le jour : Lecture, jeux. Musée. Le soir : Musique, chants, etc.
- Lundi 16. — M. G. Urbain, docteur ès-sciences : La constitution de la matière. — I. Comment les philosophes et les savants se sont posé le problème.
- Mardi 17. — M. Robert Dreyfus, publiciste : Histoire de la Révolution de 1848 (1” causerie).
- Mercredi 18. — M. Henry Bérenger : La poésie sociale en France au xixe siècle. — II. Alfred de Vigny. Avec le concours de Mme Marie Marcilly, du Gymnase.
- Jeudi 19. — M. Emile Janvion, publiciste : L’anarchisme à travers les âges (lre causerie).
- Vendredi 20. — M. Daniel Halévy, publiciste : Les prophètes d’Israël.
- Samedi 21. — M. le Dr Leredde, médecin des hôpitaux : La décadence française. Les causes. Les remèdes (lre causerie).
- Dimanche 22. — Le jour : Lecture, jeux. Musée. Le soir : Musique, chants, etc.
- Lundi 23. — M. J. Micouleau, professeur de philosophie: : Sociologie générale. Notions et définitions (lre causerie).
- Mardi 24, — M. Henry Bérenger : La poésie sociale en France au xix" siècle. — III. Victor Hugo. Avec le concours de Mme Marie Marcilly, du Gymnase.
- Mercredi 25. — M. Jules Lermina, homme de lettres : Philosophie de l’histoire française (lre causerie). La nation française.
- Jeudi 26. — M. Victor Charbomiel, homme de lettres : Les prolétaires intellectuels. A propos du Ferment, roman social par E. Estaunié.
- Vendredi 27. — M. Emile Trolliet, professeur de rhétorique au collège Stanislas : La poésie nationale en France (lre causerie).
- SsSïnedi 28. — M. le Dr Sicard de Plauzoles : Les microbes et les maladies qu’ils déterminent.
- Dimanche 29. — Le jour : Lecture, jeux. Musée. Le soir : Musique, chants, etc.
- Lundi 30. — M. Henry Bérenger : La poésie sociale en France au xixe siècle. — IV. Sully-Prudhomme. Avec le concours de Mme Marie Marcilly, du Gymnase.
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- Mardi 31. — M. Camille Léger, agrégé de philosophie : Les principaux systèmes de morale, de l’antiquité jusqu’à nos jours. — I. Introduction : La recherche philosophique d’un idéal moral.
- Dès lors, l’histoire ne saurait se résumer. Il faudrait suivre la vie intense de l’U. P. jour par jour, et des volumes n’y suffiraient point.
- Ce n’est pas un mécanisme fixe, c’est un organisme qui se développe tous les jours, et qui a toute la souplesse, la spontanéité, la liberté des choses fortes. Tous les soirs, il y a une conférence au moins, souvent deux, et plusieurs cours de langues : anglaise, allemande, russe et française pour les étrangers ; des cours de sténographie, de photographie, d’harmonie, de chant, de diction, de musique, de couture, etc. Des oeuvres sociales s’organisent chaque semaine : colonie de vacances, ouvroir, associations diverses d’enfants, de jeunes gens, groupe théâtral. C’est le foyer ardent d’où surgiront les vraies coopératives, les associations de l’avenir.
- On a été contraint de supprimer la salle de jeux, pour les cours et l’agrandissement de la bibliothèque, à la demande même de ceux qui fréquentent à l’Université.
- La presse s’était d’abord montrée très sympathique à cette œuvre. Depuis elle a changé. C’est qu’il est avéré maintenant que l’institution ne servira pas d’instrument pour quelque parti que ce soit.
- Nous arrêtons cet historique ici, mais il sera incomplet au moment où il paraîtra. Dans ce grand local de 500 mètres de superficie, la, Coopération des Idées est déjà à l’étroit, et elle prépare la fondation d’un vaste Palais du Peuple. Une société est formée. A l’heure actuelle, on réunit les fonds. Depuis le 7 avril, la petite revue est devenue un journal hebdomadaire d’action et d’éducation sociales.
- II. — FONCTIONNEMENT
- L’administration de cette grande institution est réduite à sa plus simple expression parce que son fonctionnement est libre et varié comme la vie. Il s’adapte aux choses, aux êtres, à l’heure, aux circonstances. C’est là sa force.
- Aux débuts, rue Paul-Bert, il n’y avait pas de règlements, pas de statuts. Payait sa cotisation qui voulait. Personne n’était rétribué pour le service. La salle était balayée tous les soirs par le secrétaire. On collait les affiches gratuitement.
- L’argent n’aurait pu remplacer le trésor précieux de ces dévouements obscurs et la ferme et franche gaieté qui les grandissait encore. C’est de cela qu’est faite cette Université populaire, qui la distingue tant des autres, nées d’elle cependant. Voilà la raison la meilleure de son succès.
- On acceptait avec joie tous les concours d’où qu’ils vinssent, et ils ne faisaient pas défaut.
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- A 7 h. 1/2 on ouvrait. Un, deux, trois ouvriers entraient. Assis, ils causaient ou lisaient une des nombreuses revues éparses sur la longue table.
- D’abord ce fut, quelques jours, tout le public. Un soir même, il y eut exactement deux auditeurs. Le causeur, venu de loin, ne s’en décourageait point. Bravement, il se mettait au bout de la table, et il commençait. Une discussion amicale, mais animée suivait, et le maître apprenait autant que les élèves.
- Au faubourg Saint-Antoine on fit, brusquement, un progrès énorme. L’organisation devait être quelque peu différente, mais elle n’a rien d’administratif, de bureaucratique.
- Le propriétaire n’ayant voulu faire aucune réparation, et le local, un ancien café-concert, étant dans un délabrement complet, l’installation a coûté 15 000 francs.
- On a divisé ainsi cette vaste salle : 1° d’abord un large vestibule, qui sert de bureau d’inscription et de vestiaire ; 2° à gauche, le laboratoire de photographie, puis le bureau du secrétaire ; 3° une salle carrée, pouvant contenir cinquante personnes, qui servit d’abord de bibliothèque, et qui est présentement affectée aux conférences avec discussion, aux cours et aux réunions de Sociétés ; 4° à droite, un long couloir qui mène à la bibliothèque, au musée et à 1a, grande salle ; 5° la bibliothèque qui, pour s’agrandir, a remplacé la salle de jeux supprimée ; elle est spacieuse et bien éclairée, mais insuffisante encore ; 6° le petit musée, où l’on donne aussi des cours, et qui sert aux réunions de dames et à l’ouvroir ; 7° enfin la grande salle avec sa scène, où se donnent, tous les soirs, les conférences, et le dimanche, l’après-midi et le soir, les spectacles et concerts ; quatre cents personnes peuvent s’y tenir à l’aise. Ce chiffre est fréquemment dépassé, et souvent six cents personnes se pressent dans cette salle, elle aussi devenue insuffisante.
- Il y a 7 000 adhésions à l’heure actuelle. Ce ne sera plus exact au moment où paraîtra ce rapport. Sur ces 7 000, on compte, en chiffres ronds, 4 500 ouvriers et journaliers, 1500 employés, 1000 bourgeois, petits bourgeois, d’industrie, de commerce, de carrières libérales, dont quelques étudiants. Mais l’adhérent ne paye, le plus souvent, que s’il vient. Beaucoup sont un mois ou plus sans revenir, d’autres se font inscrire par curiosité et ne reviennent plus (les bourgeois surtout). En fait, on ne touche que 2 400 cotisations par mois ; cela couvre les frais. La Coopération des Idées ne reçoit aucune subvention. Elle ne vit pas par les libéralités des philanthropes. Ce sont les travailleurs qui subviennent aux frais considérables, par leurs cotisations mensuelles. Si ces cotisations devenaient insuffisantes, nous croyons qu’ils souscriraient volontiers le complément. C’est ainsi, d’ailleurs, que l’œuvre se développera et se transformera en un vaste Palais du Peuple.
- La Bibliothèque. — Elle est un organe important. 1 000 volumes
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- sont prêtés par mois. Nous ne comptons point ceux qui sont lus sur place. La bibliothèque se compose de 2 000 volumes, ce qui est vraiment insuffisant ; mais elle s’augmente tous les jours. Très peu de livres sont égarés, et de moins en moins. La bibliothèque est riche surtout d’ouvrages d’art et de revues. On reçoit les principales revues, et les meilleures.
- Les livres lus de préférence peuvent se diviser en trois classes : voyages, histoire, pour les enfants et jeunes gens ; romans, pour les femmes ; oeuvres sociales ou philosophiques pour les hommes. Les livres de fonds sont plus lus que dans les autres bibliothèques populaires. Ce sont eux qui dominent ici. Il y a, en effet, peu de romans : 300 environ, sur 2 000 volumes.
- Un bibliothécaire est constamment occupé. Il est aidé pour dresser les catalogues par une commission de cinq à six membres. De plus en plus des ouvriers font des dons de volumes à leur bibliothèque. Les ouvriers qui chôment viennent dans la journée, mais ils sont peu nombreux. Le soir, la salle est trop petite.
- Musée. — Toutes les salles sont des dépendances du musée, puisqu’on y expose des tableaux et des reproductions des maîtres éternels ; mais le musée est consacré surtout à la réunion des œuvres par lesquelles les maîtres de tous les temps et de toutes les écoles ont exprimé un sentiment (la maternité par exemple), une action (le travail manuel par exemple), une idée, etc. Le mystique y côtoie le réaliste, Botticelli voisine avec Rubens ; mais on ne met sous les yeux du public que de la pure beauté.
- Dans les autres salles on a exposé les belles illustrations de Jean-Paul Laurens, les Récits des Temps Mérovingiens, don de l’auteur, les magnifiques paysages du peintre Beudin, don de M. Gustave Cahen. Al. Séon y a exposé ses idéales figures de rêve et de pensée. D’autres belles choses sont exposées successivement, qui font l’éducation esthétique des habitués. Sur les murs gris, les œuvres d’art ressortent avec force.
- Cours et conférences. — Les cours se font régulièrement à date fixe par des professeurs de bonne volonté, et ils sont bien suivis.
- Le dimanche matin
- Cours de chœurs mixtes, par Mmo A. Gédalge. Cours de violon, par M. Gervais Durand.
- Le lundi
- Cours de langue russe, par M. Gadziatsky. Cours de photographie, par M. Dufresne.
- Les lundi et jeudi Cours de diction, par M. Noël.
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- Les mardi et vendredi
- Cours d’harmonie, par Mmo A. Gédalge.
- Cours de langue anglaise, par M. S. de Ricci.
- Les mercredi et samedi
- Cours de sténographie, par M. Labonne.
- Les jeudi soir et dimanche matin
- Cours de chant, par M. Bischoff.
- Le vendredi
- Cours de langue française pour les étrangers, par M. Coryn.
- Les jeudi et dimanche
- Cours de langue allemande, par M. Gurchotwich, le jeudi cours élémentaire et le dimanche cours supérieur.
- Chaque professeur s’installe comme il peut avec ses élèves, dans les salles disponibles s’il en reste, ou dans les bureaux et les couloirs.
- Les conférences et causeries ont le grand public. La première salle est affectée aux causeries. Les conférences ont lieu dans la grande salle. Il y a une conférence tous les soirs et deux causeries par semaine. Elles se font simultanément.
- Tous les sujets sont abordés. Et les plus élevés, les plus abstraits sont des plus écoutés. Quand — ce qui fut rare heureusement — quelque conférencier a cru devoir « se mettre à la portée de son auditoire », il s’est vite aperçu que sa « vulgarisation » sonnait faux et que sa philosophie n’était pas si supérieure à celle du peuple, faite de la rude expérience de la vie. Nous pourrions en citer même qui furent collés qui, par un ébéniste, qui, par un charretier, qui, par un malfrat.
- Dans la petite salle, le conférencier cause avec son auditoirë après avoir exposé son sujet. C’est exactement ce qu’on faisait rue Paul-Bert, et le public est à peu près le même.
- Dans la grande salle, cette discussion, on le comprend facilement, ne serait pas possible. Cela dégénérerait en réunion publique, sans profit pour personne. Mais les organismes puissants savent s’adapter comme il faut à leurs conditions d’existence. Si, ici, la discussion n’est plus générale, elle se fait tout de même, après la conférence, par groupes nombreux qui restent et qui causent avec animation. Ii’aspect est alors pittoresque. Cela ressemble assez à une bourse des idées. A ce bourdonnement se mêle le bruit des cours de musique et de chant.
- Un programme est publié tous les mois qui annonce pour chaque soir les sujets traités et les noms des conférenciers. Toutes les idées s’expriment tour à tour. On ne propage aucune doctrine, on ne fait aucun prosélytisme. Cela est tout nouveau en France, et peut-être
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- unique encore, et cela inquiète les esprits superficiels et tranquilles, ceux que Proudhon appelait avec un mépris justifié : les « orthodoxes ». On s’effraie aussi de l’incohérence apparente de ces programmes et du manque — voulu — de plan. C’est ce qui a contribué le plus au succès de la Coopération des idées...
- L’été, rue Paul-Bert, on faisait le dimanche quelques visites aux musées. C’était le bon peintre A. Séon qui expliquait, un jour, les beautés de l’œuvre de Léonard de Vinci, un autre, les splendeurs sereines du Poussin. On va recommencer cela cet été,’ sur une plus large échelle. On fera aussi des excursions joyeuses aux environs de Paris.
- Le Théâtre. — Quelques jeunes gens groupés par MM. Chiray, Noël et Roger ont formé une excellente troupe. Ce théâtre populaire, sans subvention, avec de vagues décors et des costumes loués à la soirée, sait donner de la vraie beauté et faire vibrer l’âme du peuple. Que ce soit le Malade imaginaire, le Cid, Tartufe, Ruy Blas, Y Aventurière ; ou Gringoire, les Flibustiers, le Gendarme est sans pitié, ou encore l’ardente Liberté de M. Pottecher, les truculents Loups de M. Romain Rolland, l’enthousiasme du public fait trembler les vitres. On s’écrase les dimanches. Et c’est la récompense de ces ardents jeunes gens, la joie qu’ils donnent ainsi. Toutes les trois semaines, ils montent une pièce nouvelle. Ce sont des travailleurs, le jour ils ont à gagner leur pain. C’est le soir qu’ils apprennent leurs rôles. Liberté a nécessité quinze répétitions, et les Loups plus encore. C’est qu’ils prennent à cœur leur tâche. Parmi les jeunes filles qui jouent, nous en savons deux, dont le talent est incontestable, qui sont à l’atelier onze et douze heures par jour, et qui prennent sur leur sommeil, non seulement le temps d’apprendre leurs rôles, mais encore de faire une partie des costumes pour diminuer les frais généraux. Le groupe de ces jeunes gens s’augmente. Ils ont la foi, le courage, le désintéressement. Ils ont le talent que donne le cœur. Ce ne sont pas des cabotins, leur jeu est de simplicité, et ils savent émouvoir de leurs propres émotions. Leur talent réel est fait de sincérité.
- Tous les dimanches sont remplis, et bien remplis. L’après-midi, on fait quelquefois la lecture des grands classiques : Horace, Andro-maque, Iphigénie, etc., entremêlée de chants et de musique. Nous devons avouer que c’est moins goûté. Ce n’est pas à cause de l’ampleur du sujet, de la gravité de la beauté pure ; mais c’est que ce sont des lectures. Du reste, elles sont assez rares. On en fait une par mois, parce qu’on veut être des éducateurs et non des amuseurs, et qu’il faut accoutumer le peuple à la Beauté, même quand elle est sans apprêts, sans cadre, même lorsqu’elle est austère et qu’elle rechigne.
- Les concerts sont très aimés. Et ce sont les plus beaux morceaux des grands maîtres qui sont le plus applaudis.
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- l’enseignement des sciences sociales.
- III. — LE PALAIS DU PEUPLE
- Nous venons de dire ce qu’on a fait. Il reste à parler de ce qu’on ?a faire. Cela expliquera mieux que tous les raisonnements la vie puissante de l’œuvre et l’enthousiasme des hommes qui la vivent.
- Le numéro de la Revue de février 1900 l’indiquait en ces termes :
- CE QUE SERA LE PALAIS DU PEUPLE
- Ce sont des pierres qui marquent les étapes successives de l’humanité. L’antiquité a dit son rêve de beauté par ses monuments. Le moyen âge a proclamé l’ardeur de sa foi et sa fraternité par les cathédrales. Et voilà des siècles que nous nous sommes remis en route vers la justice et la liberté.
- La Bourse et la guillotine ne sont que des baraques provisoires qui n’expriment qu’un régime de transition : la ploutocratie. Déjà leurs charpentes vermoulues ne peuvent plus supporter le poids de nos dégoûts.
- Ce sont les Palais du Peuple, édifiés par le peuple, qui manifesteront à jamais le triomphe de la démocratie.
- L’heure n’est pas venue, sans doute, d’élever le monument définitif qui signifiera la prise de possession de la Cité nouvelle par le prolétariat organisé et conscient. Mais, à tout le moins, celui que nous proposons et que nous réaliserons exaltera les enthousiasmes féconds du peuple, et ce sera quelque chose qu’on ne pourra plus dissoudre ni détruire.
- Notre plan idéal comporte un magnifique bâtiment de trois étages sur 3 000 mètres de superficie. C’est l’espace minimum qui sera nécessaire pour satisfaire aux besoins moraux, intellectuels et sociaux des 20 000 adhérents ouvriers que nous prévoyons.
- La façade et les sous-sols seront destinés aux magasins des coopératives, aux bains, à une salle de lecture pour les passants, à un café de tempérance et à un grand restaurant coopératif pouvant contenir 2100 personnes.
- Une agence centrale et un magasin général donneront, par les services qu’ils rendront, une extension considérable aux sociétés de consommation. Nous nous affranchirons par là de tous les intermédiaires — ceux qui s’avouent et les autres.
- Au centre sera le théâtre contenant 1 500 spectateurs. Nous ferons le théâtre populaire qu’on attend : il n’est réalisable que là.
- Une galerie spacieuse séparera le théâtre du jardin : ce sera plus particulièrement le musée.
- Dans le jardin on donnera, l’été, des concerts. Autour, seront le fumoir, la salle du repos et le gymnase. Ici on fera l’éducation physique, on travaillera joyeusement au développement harmonique du corps. On fera de la beauté humaine.
- Enfin, au fond de ce rez-de-chaussée, on installera un hall pour la récréation des enfants et des jeunes gens et une salle d’escrime.
- Au premier étage, ce seront d’abord des petits et grands bureaux et salons qu’on louerait à différentes sociétés ouvrières : cercles d’amis, mutuelles, syndicats, coopératives, sociétés musicales, etc. Ensuite viendront la bibliothèque, la salle de lecture et plusieurs salles de cours et conférences. Outre les conférences et cours du soir pour les adultes, nous utiliserons ces locaux, dans la journée, pour un véritable collège populaire, où nous donnerons aux enfants de nos sociétaires qui montreront
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- le plus de dispositions un enseignement secondaire complet, qui leur permettra, plus tard, l’accès des Facultés. Nous commencerons l’instruction intégrale du peuple : le jour, pour les enfants et jeunes gens ; le soir, pour les adultes. Il faut que le peuple ait ses ingénieurs, ses savants, ses philosophes, ses artistes. Il faut la direction aux plus capables, et non aux plus riches. Nous détrônerons l’argent.
- Le deuxième étage sera occupé par des ateliers, où sera donné un enseignement professionnel complet. Lorsque, par l’entrée en masse des fils d’ouvriers dans les carrières libérales, un médecin ne gagnera pas plus qu’un ébéniste, beaucoup de fils de bourgeois, qui font de méchants médecins, préféreront être de bons ébénistes. Nous leur apprendrons à être des ouvriers créateurs et artistes, et non pas des contremaître ratés comme font la plupart des Ecoles professionnelles.
- Nous aurons des expositions permanentes pour lesquelles l’ouvrier fera son chef-d’œuvre. Nous glorifierons le travail manuel, et il se glorifiera mieux encore, lui-même, par ses produits. Plusieurs laboratoires de chimie, de physique, etc., serviront à compléter un enseignement technique solide.
- Enfin au troisième étage, nous aurons des petites chambres, chauffées, éclairées, meublées sommairement, mais d’une rigoureuse propreté. Elles seront louées pour un'prix modique à de jeunes ouvriers célibataires auxquels la promiscuité des garnis louches est souvent funeste. Un escalier spécial desservira ces chambres.
- Voilà ce que nous allons entreprendre au faubourg Saint-Antoine. Nous croyons que ce sera travailler efficacement à l’éducation générale du peuple et à son émancipation. Comme la Coopération des Idées a fait surgir, à Paris et en province, de nombreuses universités populaires, nous sommes convaincus que le Palais du Peuple déterminera le courant d’enthousiasme puissant qui emportera le vieux monde d’iniquités.
- Tous les efforts désintéressés savent se discipliner. Ils se concentreront là.
- Avant peu, les travailleurs de Paris fêteront l’inauguration du Palais du Peuple.
- Pour préparer l’œuvre nouvelle, la revue est devenue un journal hebdomadaire qui se vend partout, et auquel les plus grands esprits de ce temps considèrent comme un honneur de collaborer.
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- CONGRÈS INTERNATIONAL
- DE
- PARIS
- 30 Juillet — 3 Août 1900
- DE
- L’ENSEIGNEMENT DES SCIENCES SOCIALES
- a l’école primaire EN FRANGE
- Par François SIMIAND
- Agrégé de l’Université
- PARIS
- ANCIENNE LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE ET Cie
- FÉLIX ALCAN, ÉDITEUR
- 108, BOULEVARD S AIN1 - G E RM AIN , 108
- 1900
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- FRANÇOIS SIMIAND
- Agrégé de l'Université
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- L’ENSEIGNEMENT DES SCIENCES SOCIALES
- A L’ÉCOLE PRIMAIRE
- Cette étude sur renseignement des sciences sociales dans les écoles primaires de France part de la considération des programmes. Il eût mieux valu, sans doute, atteindre l’enseignement tel qu’il est donné en fait ; mais pour des résultats objectifs et généraux, une enquête impersonnelle et étendue eût été nécessaire. A défaut de cette information directe (qui n’eût d’ailleurs peut-être pas suffi ou convenu), une information indirecte semblait possible, par les écrits, par les articles, par les ouvrages qui abordaient la question : cependant la très abondante littérature du sujet a été très peu utilisée, parce qu’elle est fragmentaire, de valeur inégale, et de critique compliquée, et parce que surtout elle ne concerne le plus souvent que la technologie pédagogique de cet enseignement, étude trop spéciale pour convenir à cette place. Les programmes ont l’avantage d’être un document précis et général à la fois, et d’exposer les questions de principe. Pour le sens de l’application ordinairement suivie, on pourra examiner les petits manuels et ouvrages de classe composés selon leurs prescriptions.
- I. — FAITS.
- Les matières de l’enseignement primaire sont essentiellement déterminées par un texte des lois organiques. Qu’a prévu ce texte touchant les sciences ou les connaissances sociales ? L’article 1er de la loi du 28 mars 1882 (sur l’obligation et la laïcité de l’enseignement primaire) stipule :
- L’enseignement primaire comprend :
- L’instruction morale et civique ;
- Quelques notions usuelles de droit et d’économie politique ;
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- l’enseignement des sciences sociales.
- Ainsi est défini et limité, par une disposition législative de principe, le champ de l’enseignement social à l’école primaire. De ce principe, le détail d’application a été déterminé par les règlements spéciaux (prévus par l’article 3 de la loi du 30 octobre 1886), qui établissent la répartition des matières entre les différentes sortes d’écoles primaires et entre les différents cours, qui arrêtent l’emploi du temps et fixent les programmes.
- Ecoles primaires élémentaires. — Le plan d’études actuellement en vigueur i fait de l’éducation morale une des trois sections de l’œuvre scolaire (les deux autres étant l’éducation physique et l’éducation intellectuelle). Il est utile de reproduire les termes mêmes des instructions qui définissent l’objet de l'enseignement moral :
- But et caractères essentiels de cet enseignement. — L’enseignement moral est destiné à compléter et à relier, à relever et à ennoblir tous les enseignements de l’école. Tandis que les autres études développent chacune un ordre spécial d’aptitudes et de connaissances utiles, celle-ci tend à développer, dans l’homme, l’homme lui-même, c’est-à-dire un cœur, une intelligence, une conscience.
- Par là même, l’enseignement moral se meut dans une tout autre sphère que le reste de l’enseignement. La force de l’éducation morale dépend bien moins de la précision et de la liaison logique des vérités enseignées que de l’intensité du sentiment, de la vivacité des impressions et de la chaleur communicative de la conviction. Cette éducation n’a pas pour but de faire savoir, mais de faire vouloir ; elle émeut plus qu’elle ne démontre ; devant agir sur l’être sensible, elle procède plus du cœur que du raisonnement ; elle n’entreprend pas d’analyser toutes les raisons de l’acte moral ; elle cherche avant tout à le produire, à le répéter, à lui en faire une habitude qui gouverne la vie. A l’école primaire surtout, ce n’est pas une science, c’est un art, l’art d’inciter la volonté libre vers le bien.
- Rôle de l'instituteur dans cet enseignement. — L’instituteur est chargé de cette partie de l’éducation, en même temps que des autres, comme représentant de la société : la société laïque et démocratique a, en effet, l’intérêt le plus direct à ce que tous ses membres soient initiés de bonne heure et par des leçons ineffaçables au sentiment de leur dignité et à un sentiment non moins profond de leur devoir et de leur responsabilité personnelle.
- Pour atteindre ce but, l’instituteur n’a pas à enseigner de toutes pièces une morale technique, suivie d’une morale pratique, comme s’il s’adressait à des enfants dépourvus de toute notion préalable du bien et du mal; l’immense majorité lui arrive, au contraire, ayant déjà reçu ou recevant un enseignement religieux qui les familiarise avec ridée d’un Dieu auteur de l’univers et père des hommes, avec les traditions, les croyances, les pratiques d’un culte chrétien ou israélite ; au moyen de ce culte et sous les formes qui lui sont particulières, ils ont déjà reçu les notions fondamentales de la morale éternelle et universelle ; mais ces notions sont encore chez eux à l’état de germe naissant et fragile ; elles n’ont pas pénétré profondément en eux-mêmes; elles sont fugitives et confuses, plutôt entrevues que possédées, confiées à la mémoire bien plus qu’à la
- 1. Programmes annexés à l’arrêté du 18 janvier 1887, complété par les arrêtés des 8 avril 1890, 4 janvier 1894, 9 mars 1897, 17 et 20 septembre 1898.
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- conscience, à peine exercées encore. Elles attendent d’être mûries et développées par une culture convenable. C’est cette‘culture que l’instituteur public va leur donner.
- Sa mission est donc bien délimitée : elle consiste à fortifier, à enraciner dans l’âme de ses élèves, pour toute leur vie, en les faisant passer dans la pratique quotidienne, ces notions essentielles de moralité humaine, communes à toutes les doctrines et nécessaires à tous les hommes civilisés. Il peut remplir cette mission sans avoir à faire personnellement ni adhésion ni opposition à aucune des diverses croyances confessionnelles auxquelles ses élèves associent et mêlent les principes généraux de la morale.
- Il prend ces enfants tels qu’ils lui viennent, avec leurs idées et leur langage, avec les croyances qu’ils tiennent de la famille, et il n’a d’autre souci que de leur apprendre à en tirer ce qu’elles contiennent de plus précieux au point de vue social, c’est-à-dire les préceptes d’une haute moralité.
- Objet propre et limites de cet enseignement. — L’enseignement moral laïque se distingue donc de l’enseignement religieux sans le contredire. L’instituteur ne se substitue ni au prêtre, ni au père de famille : il joint ses efforts aux leurs pour faire de chaque enfant un honnête homme. Il doit insister sur les devoirs qui rapprochent les hommes, et non sur les dogmes qui les divisent. Toute discussion théologique et philosophique lui est manifestement interdite par le caractère même de ses fonctions, par l’âge de ses élèves, par la confiance des familles et de l’État : il concentre tous ses efforts sur un problème d’une autre nature, mais non moins ardu, par cela même qu’il est exclusivement pratique : de faire faire à tous ces enfants l’apprentissage effectif de la vie morale.
- Plus tard, devenus citoyens, ils seront peut-être séparés par des opinions dogmatiques, mais du moins ils seront d’accord dans la pratique pour placer le but de la vie aussi haut que possible ; pour avoir la même horreur de tout ce qui est'bas et vil, la même admiration de ce qui est noble et généreux, la même délicatesse dans l’appréciation du devoir : pour aspirer au perfectionnement moral, quelques efforts qu’il coûte ; pour se sentir unis, dans ce culte général du bien, du beau et du vrai qui est aussi une forme, et non la moins pure, du sentiment religieux.
- Quant au programme, qui suit ces instructions générales, il indique :
- 1° Dans la section enfantine (de 5 à 7 ans), des « causeries très simples mêlées à tous les exercices de la classe et de la récréation », et l’usage de petites poésies apprises par cœur, d’historiettes racontées, de petits chants ;
- 2° Dans le cours élémentaire (de 7 à 9 ans), des entretiens familiers appuyés de lectures commentées (récits, préceptes, paraboles, fables) et des exercices pratiques ; il est recommandé notamment de redresser les notions grossières (préjugés et superstitions, croyances aux sorciers, aux revenants, etc.) ; de tirer l’enseignement des faits observés par les enfants, de procéder par voie d’exemples concrets et d’appels à l’expérience : « Les élever, par exemple, au sentiment d’admiration pour l’ordre universel et au sentiment religieux en leur faisant contempler quelques grandes scènes de la nature. »
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- 3° Pour le cours moyen (9 à 11 ans), des entretiens, des lectures avec explications, et des exercices pratiques, selon le mode d’enseignement et les moyens recommandés pour le cours élémentaire, mais avec un peu plus de méthode et de précision ; les leçons et lectures doivent être coordonnées de manière à n’omettre aucun point important d’un programme assez détaillé dont voici seulement les grandes divisions : I. L’enfant dans la famille. Devoirs envers les parents et les grands-parents. Devoirs des frères et des sœurs. Devoirs envers les serviteurs. L’enfant dans l’école. La patrie.—II. ÎDevoirs envers soi-même. Le corps (alcoolisme). Les biens extérieurs (économie, jeu, travail). L’âme (mensonge, modestie). Devoir envers les autres hommes (justice et charité, tolérance, alcoolisme). — III. Devoirs envers Dieu. Sur ce point délicat il convient de citer tout le texte :
- L’instituteur n’est pas chargé de faire un cours ex professo sur la nature et les attributs de Dieu ; l’enseignement qu’il doit donner à tous indistinctement se borne à deux points :
- D’abord il leur apprend à ne pas prononcer légèrement le nom de Dieu ; il associé étroitement dans leur esprit à l’idée de la cause première et de l’Ëtre parfait un sentiment de respect et de vénération ; et il habitue chacun d’eux à environner du même respect cette notion de Dieu, alors même qu’elle se présenterait à lui sous des formes différentes de celles de sa propre religion.
- Ensuite, et sans s’occuper des prescriptions spéciales aux diverses communions, l’instituteur s’attache à faire comprendre et sentir à l’enfant que le premier hommage qu’il doit à la Divinité, c’est l’obéissance aux lois de Dieu telles que les lui révèlent sa conscience et sa raison.
- Il est spécifié que « dans tout ce cours l’instituteur prend pour point de départ l’existence de la conscience, de la loi morale et de l’obligation ; il n’entreprend pas de les démontrer (le devoir et la responsabilité) par exposé théorique ».
- 4° Dans le cours supérieur (de 11 à 13 ans), des entretiens, lectures et exercices pratiques comme dans les cours précédents, mais, de plus, une série régulière de leçons, un enseignement de la morale en général et plus particulièrement de la morale sociale selon un programme dont voici les points saillants : 1° La famille. — 2° La société. Nécessité et bienfaits de la société. La justice, condition de toute société. La solidarité, la fraternité humaine. L’alcoolisme détruit peu à peu ces sentiments en détruisant le ressort de la volonté et de la responsabilité personnelle. Applications et développement de l’idée de justice. Respect de la vie et de la liberté humaine, respect de la propriété, respect de la parole donnée, respect des opinions et des croyances. Applications et développement de l’idée de charité ou de fraternité. — 3° La patrie. Le texte dit :
- Ce que l’homme doit à la patrie (l’obéissance aux lois, le service militaire, discipline, dévouement, fidélité au drapeau). L’impôt (condamna-
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- tion de toute fraude envers l'Etat). Le vote (il est moralement obligatoire, il doit être libre, consciencieux, désintéressé, éclairé). Droits qui correspondent à ces devoirs : liberté individuelle, liberté de conscience, liberté du travail, liberté d’association, garantie de la sécurité de la vie et des biens de tous. La souveraineté nationale. Explication de la devise républicaine : Liberté, Egalité, Fraternité.
- Enfin l’instruction officielle fait cette recommandation :
- Dans chacun de ces chapitres du cours de morale sociale, on fera remarquer à l’élève, sans entrer dans des discussions métaphysiques :
- 1° La différence entre le devoir et l’intérêt, même lorsqu’ils semblent se confondre, c’est-à-dire le caractère impératif et désintéressé du devoir ;
- 2° La distinction entre la loi écrite et la loi morale : l’une fixe un minimum de prescriptions que la société impose à tous ses membres sous des peines déterminées ; l’autre impose à chacun dans le secret de sa conscience un devoir que nul ne le contraint à remplir, mais auquel il nè~ peut faillir sans se sentir coupable envers lui-même et envers Dieu.
- L'instruction civique est rattachée à l’enseignement de l’histoire et de la géographie, et placée à sa suite dans la section de l’éducation intellectuelle. Elle n’est pas mentionnée au programme de la section enfantine. Pour le cours élémentaire elle comporte « des explications très familières, à propos de la lecture, des mots pouvant éveiller une idée nationale, tels que : citoyen, soldat, armée, patrie ; — commune, canton, département, nation ; — loi, justice, force publique, etc. ».
- Pour le cours moyen le programme indique :
- Notions très sommaires sur l’organisation de la France.
- Le citoyen, ses obligations et ses droits ; l’obligation scolaire, le se