Rapports du jury international
-
-
- RAPPORTS DU JURY INTERNATIONAL
- L’EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1900
- p.n.n. - vue 1/484
-
-
-
- p.n.n. - vue 2/484
-
-
-
- t°%uS16. A
- MINISTÈRE DU COMMERCE, DE L’INDUSTRIE DES POSTES ET DES TÉLÉGRAPHES
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900
- À PARIS
- --------
- RAPPORTS
- DU JURY INTERNATIONAL
- Groupe XII. — Décoration et mobilier des édifices publics et des habitations
- PREMIÈRE PARTIE. — CLASSES 66 À 71
- PARIS
- IMPRIMERIE NATIONALE
- MCMII
- Page de titre n.n. - vue 3/484
-
-
-
- p.n.n. - vue 4/484
-
-
-
- CLASSE 66
- Décoration fixe des édifices,publics et des habitations.
- RAPPORT DU JURY INTERNATIONAL
- M. ARSÈNE ALEXANDRE
- CRITIQUE D’ART.
- Gn. XII. — Cl. 6(5.
- IUP ni UE RIE NATIONALE,
- p.1 - vue 5/484
-
-
-
- p.2 - vue 6/484
-
-
-
- COMPOSITION DU JURY.
- BUREAU.
- MM- Berger (Georges), député de la Seine, président de l’Union centrale des arts décoratifs (commission supérieure, président des comités et du groupe XII,
- Paris, 1900), président................................................ France.
- Fix (A.), à Vienne, vice-président....................................... Autriche.
- Alexandre (Arsène), critique d’art (comités, Paris 1900) rapporteur...... France.
- Bourgaux (Louis), menuiserie (secrétaire des comités, Paris 1900), juge au
- Tribunal de commerce de la Seine, secrétaire........................... France.
- JURÉS TITULAIRES FRANÇAIS.
- MM. Aubrun (Pierre), peinture et décoration (comités, Paris 1900), juge au Tribunal de commerce de la Seine.................................................. France.
- Bertrand (Frédéric), charpente, président du Groupe syndical des industries du bâtiment de la Ville de Paris et du département de la Seine (comités,
- Paris 1878, 1889; vice-président des comités, Paris 1900)........... France.
- Gain (Georges), artiste peintre, conservateur du Musée Carnavalet (comités,
- Paris 1900)............................................................ France.
- Cézard (Léon), doreur [Maison Gézard-Dutocq]............................. France.
- Dampt (Jean), sculpteur statuaire (comité d’admission, Paris 1900)....... France.
- Genuys (Charles), architecte du Gouvernement, sous-directeur de l’Ecole nationale des arts décoratifs (médaille d’or, Paris 1889; comités, Paris 1900).................................................................... France.
- Gruot (Henri), ancien président de la Chambre syndicale de la marbrerie
- de Paris (comité d’admission, Paris 1900), à Versailles [Seine-et-Oise]. . France.
- Jambon (Marcel), peintre décorateur (comités, Paris 1900)................ France.
- JURÉS TITULAIRES ÉTRANGERS.
- MM. Von Tiiiersch , architecte, professeur à l’École technique supérieure de Munich. Allemagne.
- Rosel (F.), meubles à Bruxelles.......................................... Belgique.
- Seligman (David W.)...................................................... États-Unis.
- Spielmann (Isidore)....................................................... Grande-Bretagne.
- Coucou (N.St.), ingénieur en chef des ponts et chaussées, commissaire spécial du Gouvernement royal, ancien secrétaire général du Ministère de l’agriculture, de l’industrie, du commerce et des domaines de Roumanie......... Roumanie.
- Jung (E.), architecte, à Winterthur...................................... Suisse.
- JURÉS SUPPLÉANTS FRANÇAIS.
- MM. Marrou (Ferdinand), ferronnerie (expert du jury, Paris 1889; comité d’admission, Paris 1900), à Rouen.................................................. Seine-Inférieure.
- Poiret (Henri), imagerie religieuse (comité d’admission, Paris 1900), juge
- au Tribunal de commerce de la Seine.................................... France.
- JURÉS SUPPLÉANTS ÉTRANGERS.
- MM. Ziegler, directeur de la Menuiserie artistique de H. Pallenberg, à Cologne-
- sur-le-Rhin................................................................
- Schmit, architecte, à Monte-Carlo.............................................
- Allemagne.
- Monaco.
- p.3 - vue 7/484
-
-
-
- p.4 - vue 8/484
-
-
-
- DÉCORATION FIXE
- DES ÉDIFICES PUBLICS ET DES HABITATIONS.
- I. — Les classifications nouvelles ne répondent pas toujours à des faits nouveaux. Ce qu’on a appelé, pour la première fois, à l’Exposition de 1900, la décoration fixe des édifices et des habitations, a existé depuis le temps où l’homme a construit la première maison et le premier temple, cette maison fut-elle une grotte et ce temple une cabane. Les peintures et les sculptures égyptiennes, les colosses et les bas-reliefs assyriens, les fresques de Pompéi, les mosaïques de Ravenne, les stalles de chœur de Rouen ou d’Amiens, les balcons de fer forgé du xvmc siècle, les boiseries sculptées des hôtels du xvme siècle, pour ne prendre au hasard que quelques types principaux, sont de la décoration fixe, c’est-à-dire des ouvrages d’art destinés à orner les surfaces principales des demeures, d’une manière moins fugitive que les meubles proprement dits, les objets d’art aisément transportables, les tentures, les tapisseries ou les ustensiles servant à la vie, même exécutés par de grands décorateurs.
- Toutefois, d’importantes industries s’étant créées en ces dernières années, pour entreprendre les décorations principales des édifices et maisons, et des spécialistes s’étant adonnés à ce genre avec un certain succès, on a pu constituer une classe à part avec leurs produits, et ces produits se sont trouvés en nombre assez considérable pour que cette classe ne fût pas parmi les moins étendues. Seulement, comme pour toute classification nouvelle qui ne repose pas sur des données absolument rigoureuses, il s’est produit un certain vague dans les définitions, et des hésitations dans l’appréciation des produits. Il sera utile de les indiquer dès le début de ce rapport, ne fût-ce que pour éviter à l’avenir des confusions et des probabilités de conflits.
- Passons en revue les différentes matières définies et brièvement appréciées quant à leur histoire dans la notice placée en tête du Catalogue général. Ce sera le meilleur moyen, à la fois, de nous rendre compte des intentions des organisateurs et de discuter les applications.
- IL — Tout d’abord viennent : les plans, devis et modèles d’exécution de décoration fixe. Rien que cette spécification indique que la décoration s’est, ou semble s’être séparée de l’architecture proprement dite. Les architectes se spécialisent; il en est d’ignorants ou dédaigneux des besoins et des ressources de la décoration. Sans cela, à quoi répondrait cette première division? De toute façon il y avait là une première source d’incertitude pour le jury, qui s’est trouvé avoir devant les yeux non seulement des dessins de ferronnerie, de menuiserie, de peinture monumentale, etc., mais encore de véritables
- p.5 - vue 9/484
-
-
-
- 6
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- épures d’architectes ; des tableaux et des dessins n’ayant rien de décoratif, des sculptures, des panneaux de peinture d’histoire qui n’avaient de décoratif que l’intention, et jusqu’à des projets de fermes ou de chalets plus ou moins imités des chalets suisses et des fermes bretonnes.
- En second lieu, la notice énonce la charpenterie. La charpenterie est-elle bien de la décoration? Certes il n’y a rien de plus louable que ce beau métier de charpenterie. Il se sert de la matière la plus saine, la plus vénérable et la plus loyale, le bois. Mais très rares sont les cas où la charpenterie décore d’une manière intentionnelle. Pendant longtemps l’horizon de Paris a été orné par les échafaudages du Sacré-Cœur. Cela formait sur le ciel un dessin à jour, à la fois bizarre et noble, que les artistes admirèrent et qui était devenu familier à tout Parisien. C’était là de la décoration pour ainsi dire involontaire, et qui disparut une fois l’édifice achevé. Toutes les fois que l’on construit à Paris une de ces immenses maisons nouvelles, il en est de même : par exemple, lors des travaux de la rue Réaumur. Il y eut là des charpenteries, des forêts géométriques réellement admirables. Mais la charpenterie apparente et à demeure dans nos habitations a disparu à peu près complètement, sauf dans quelques caprices rétrospectifs, tels que les plafonds avec solives plus ou moins imités de ceux de notre moyen âge et dans certaines maisons de campagne, inspirées des vieilles demeures ou simplement des chalets vaguement helvétiques.
- Il est fort regrettable que la centralisation dont souffre tout notre art, impose à toutes les parties de la France les mêmes styles d’architecture et jusqu’aux mêmes matériaux. Sans cela, dans nos régions forestières nous pourrions voir se perpétuer d’admirables formules de construction en charpente et s’en créer de nouvelles. Sans empiéter sur un domaine qui n’est pas le nôtre, il nous suffira de signaler deux très beaux exemples à l’Exposition universelle, qui, malheureusement, ne faisaient pas partie de la Classe 66, sans cela nous aurions plaisir à les analyser en détail : la superbe charpenterie du Palais des Forêts, Chasses et Pêches, et celle, des plus originales, du Pavillon de la Norvège.
- En ce qui concerne la Classe 66, il n’y eut absolument à juger que les chefs-d'œuvre des compagnons charpentiers, et ces véritables objets d’art, qui d’ailleurs n’étaient pas de la décoration, prouvèrent que ce n’est pas le talent qui s’est retiré de ceux qui pratiquent ce vaillant et savant métier, mais les occasions qui leur manquent de faire œuvre d’artistes.
- Vient ensuite, dans la notice du Catalogue général, la menuiserie décorée. Ici il y a peu d’ambiguïté, et nous n’avons pas de remarque spéciale à faire, sinon qu’il sera bon dorénavant, pour éviter des erreurs de classification et des discussions possibles entre jurys, de bien marquer la séparation entre le meuble proprement dit et la décoration meublante. si on peut l’appeler ainsi. Nous entendons par là ces meubles divers, sièges, supports pour objets, étagères, etc., qui adhèrent aux lambris. La mode s’en est introduite d’une manière durable, et nous avons eu l’occasion d’en récompenser des exemples remarquables, à l’étranger comme en France.
- La sculpture ornementale, qui se présente après cela, ne prête pas à confusion.
- p.6 - vue 10/484
-
-
-
- 7
- DÉCORATION FIXE DES ÉDIFICES PUBLICS ET DES HABITATIONS.
- Mais il s’en faut de beaucoup que le Jury de la Classe 66 ait été appelé à juger tout ce qui entrait dans cet ordre d’idées. On peut même dire qu’il n’a été appelé à examiner qu’une infime partie de la sculpture ornementale soit dans les sections, soit dans la décoration de l’Exposition elle-même. Sans cela, ce jury aurait eu un des rôles les plus importants de tous, tant les ornements sculpturaux étaient abondants. Ils ont été prodigués en ces dernières années, et il faut bien le dire, assez inconsidérément et avec assez peu de goût.
- Dans les attributions de notre Jury, en revanche, s’est trouvé une catégorie de «sculpture ornementale» toute particulière, l’imagerie religieuse, —et l’on verra plus loin que ce ne fut pas, pour les nombreuses œuvres qui nous échappèrent et qu’il nous eût été agréable d’examiner, une bien brillante compensation.
- La ferronnerie d’art, la décoration des toitures en plomb, en cuivre et en zinc, se définissent également d’elles-mêmes; il n’y a pas eu d’ambiguïté dans la présentation ni dans l’appréciation des exemples, d’ailleurs relativement moins nombreux qu’on aurait pensé, qui ont été présentés.
- Pour ce que le catalogue général dénomme : Peintures, décorations sur pierre, bois, enduits divers, il semble que cette désignation soit singulièrement vague. Le mot peinture a deux acceptions tout au moins, fort éloignées l’une de l’autre et qui consistent précisément l’une dans la décoration et l’autre dans le simple enduit. Or, le Jury a été appelé à examiner, pêle-mêle, des peintures décoratives qui auraient bien mieux figuré à la Section des beaux-arts, et des enduits qui n’avaient rien de réellement décoratif.
- D’ailleurs, nous signalerons en passant une erreur tout à fait courante, et dans laquelle tombe elle-même la notice du Catalogue, qui consiste à baptiser du nom de fresque toute grande composition destinée à orner une muraille. L’exemple de Puvis de Chavannes, qui est cité, a pu contribuer à répandre cette façon de parler si inexacte, car toutes les peintures de ce grand artiste sont exécutées sur toile et n’ont, par suite, rien de la nature de la fresque, c’est-à-dire de la peinture exécutée à même la muraille sur un enduit frais, mais par leur qualité mate et leurs sobres harmonies, elles en rappellent quelque peu l’aspect. Aucune fresque proprement dite n’a appelé l’attention du Jury. En revanche, il a plus d’une fois regretté que sous le nom de peinture se soient trouvés groupés des travaux si différents, et certains même absolument en contradiction avec l’idée de «décoration fixe».
- Restent deux genres de décoration dans ceux que prévoit la notice : la mosaïque en pierre ou en marbre, et la céramique. C’est évidemment par simple oubli que le rédacteur a omis d’ajouter la mosaïque d’émail, au moins aussi employée que celle de marbre, ou surtout de pierre. Quant à la céramique, le terme embrasse les produits, les tendances et les destinations les moins semblables entre eux.
- Sans insister sur l’élasticité de ces grandes désignations et sur le peu de rapport entre des objets qui empruntent le même nom, nous ferons cependant encore quelques remarques.
- p.7 - vue 11/484
-
-
-
- 8
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- III. — La première, un peu spéciale, est relative au genre même des travaux et à leur classification. Il est certain , en effet, qu’en bonne logique, si l’on rangeait dans la «décoration fixe55 la mosaïque, ce qui était fort juste, on aurait pu aussi y ranger le vitrail, qui n’est autre qu’une mosaïque transparente. Si l’on préfère l’assimiler à une peinture décorative sur verre, il aurait pu de même être compris dans la Classe 66. Mais il est évident que le vitrail forme une industrie considérable et que l’on a été obligé d’en faire une classe et de lui donner un jury à part. De même pour la céramique. Reaucoup de peintures céramiques et d’éléments de décoration sculpturale également en céramique ont été soustraits par la classification à l’examen de notre Jury.
- Ceci n’est pas pour le plaisir de discuter, mais simplement pour montrer combien la création d’une classe de décoration fixe était dans certains cas trop limitée, dans certains autres trop vague.
- Il est à craindre que, toutes les fois qu’une industrie décorative prendra un très grand essor, on ne soit amené à en constituer une classe spéciale, bien qu’elle dût logiquement rentrer dans ce qui était en 1900 la raison d’être d’une classe 66.
- La seconde remarque est d’un caractère plus général, et, croyons-nous, d’une portée plus grande. Il s’est trouvé, dans les ouvrages de marbre, comme dans ceux de céramique, des produits qui, tout en ayant été attribués à la Classe 66, n’avaient absolument rien de décoratif. C’étaient, par exemple, des blocs de marbre, ou des dalles polies, ou bien encore des carrelages céramiques tout unis, etc. La couleur des marbres pouvait être fort riche; ces carrelages pouvaient être d’une bonne technique, mais nous n’avions là pour ainsi dire que des matières premières de décoration proprement dite.
- Il en est résulté tout d’abord un préjudice pour les exposants eux-mêmes, qui dans d’autres classes auraient évidemment remporté des récompenses supérieures, puisqu’ici le caractère décoratif était négatif. Par exemple, les plaques et blocs de marbre aux industries extractives, etc.
- Mais nous abordons ici une considération des plus importantes et qui touche à des problèmes que l’Exposition elle-même n’a pas complètement résolus.
- L’organisation même de l’Exposition reposait sur ce principe, d’abord très discuté, d’un voisinage complet, d’une alliance aussi étroite que possible, pour ne pas dire absolue, des arts du décor et de l’industrie proprement dite. La division, d’autre part, entre les «beaux-arts» et les «arts industriels» se trouvait rétablie. Le Palais des Beaux-Arts ne contenait absolument que des tableaux, des sculptures, des gravures ou des modèles d’architecture, mais pas un seul bijou, pas une seule céramique, pas un seul meuble, fussent-ils des artistes qui, chaque année, au Salon remportent en ce genre les plus grands succès. Cependant, pour l’art rétrospectif, le Petit Palais présentait, juste en face du premier, une classification toute contraire , et confirmant précisément les conquêtes recommencées en ces dernières années par les grands et véritables artistes dont nous parlons.
- Mais si, aux expositions annuelles, les œuvres des artistes ne se trouvaient nullement
- p.8 - vue 12/484
-
-
-
- DÉCORATION FIXE DES ÉDIFICES PUBLICS ET DES HABITATIONS.
- 9
- déplacées parmi les tableaux et les sculptures, notamment dans les premières expositions de la Société du Champ de Mars où ce fut un vrai triomphe, elles ont en revanche, à l’Exposition universelle, fait parfois une assez étrange figure à côté des produits manufacturés, si remarquables qu’ils fussent. L’on a vu très nettement que le terme d’«art industriel 55 n’était pas absolument la contre-partie de ce qu’on appelle les ^industries artistiques». Jamais la distance n’apparut aussi considérable, que par cette démonstration, entre Y objet d’exception et Y objet de consommation. Quoi que Ton en pense, et si généreuse que soit l’idée défaire profiter la grande industrie des trouvailles du goût des artistes originaux, la transposition est impossible. Sans entrer dans une discussion et une démonstration détaillées de cette thèse, il est évident que la machine, qui est la base de l’industrie, et la répétition à l’infini, qui est son but, ne donnent qu’un souvenir approximatif et rigide du travail de la main, qui est la base de l’œuvre d’art.
- Cette démonstration a été faite, à la Classe 66, par les objets exposés eux-mêmes, et d’une façon assez saisissante. Non seulement on y a vu, à côté des produits ayant un caractère plus particulièrement industriel, des maquettes et des œuvres d’art proprement dites, mais encore, parmi les produits de l’industrie, on a pu faire une différence entre ceux qui conservaient encore une part d’exécution personnelle et ceux qui étaient exclusivement l’œuvre de la machine exacte et imperturbable. Nous en citerons simplement un exemple. Les travaux d’ébénisterie décorative ont été, dans cette classe, assez nombreux et souvent très brillants. Un des ensembles, quoique d’un assez bon goût, était exécuté entièrement par les procédés mécaniques. Le Jury a été frappé de la différence, et, malgré le mérite des modèles, n’a pu donner à la maison une des récompenses supérieures. Cette maison a refusé la médaille qui lui avait été attribuée, estimant qu’elle ne correspondait pas à l’importance de son effort et de ses sacrifices. Ainsi se trouve confirmé le fait que nous signalions tout à Theure, et c’est à cette conclusion que nous voulions arriver : il faudra, à l’avenir, classer séparément les œuvres artistiques elles œuvres industrielles, ou renoncer à la possibilité de les récompenser équitablement, car il n’y a pas de commune mesure pour des choses aussi différentes. Les blocs et les dalles de marbre, les moulures mécaniques que nous citions comme exemples, ont souffert du voisinage d’œuvres réellement décoratives qui, parfois, étaient peut être moins parfaites en elles-mêmes que ces travaux en tant que produits de l’industrie.
- Là se terminent les observations générales que nous suggère l’ensemble de la Classe 66. Nous allons maintenant parcourir les sections, étrangères et françaises, en signalant seulement ce qui peut prêter à des remarques utiles, afin que ce rapport ne soit pas simplement un palmarès commenté. Ce n’est qu’une fois ce travail fait que nous pourrons, en dehors de toute idée préconçue, soit nous féliciter de nos progrès, soit constater nos défaillances.
- YV. — Le Jury a commencé ses opérations par l'examen des sections étrangères, non seulement par courtoisie, mais encore par esprit de méthode. C’est le
- p.9 - vue 13/484
-
-
-
- 10 EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- chemin que nous allons suivre, en adoptant, comme le Catalogue, Tordre alphabétique.
- Il se trouve que l’Allemagne, qui ouvre la marche, fut justement le pays dont Tef-fort fut le plus considérable, le caractère le plus inédit et les exposants les plus nombreux.
- L’Allemagne, pour la décoration fixe, avait surtout procédé par grands ensembles. Des chambres, des salles, des salons offraient à la fois un groupement des diverses industries ou arts de la décoration et un aspect de vie intime très séduisant.
- Un plan général, parfaitement arrêté à l’avance et conçu de façon à donner l’impression d’un art de race, d’un art national rendait l’ensemble de la section des industries diverses déjà très frappant par lui-même. Cette architecture de la section était l’œuvre du professeur Hoffacker, et son goût décoratif a été des plus remarqués. La tonalité blanche y dominait, avec des rehauts de métal et l’emploi d’une polychromie discrète.
- De ce grand hall, on passait à la partie plus particulièrement consacrée à la céramique, dont nous n’avons pas à parler ici, par une sorte de porche ou de voûte d’un style tout à fait différent et non moins caractéristique.
- Cet ensemble offrait une idée très exacte de l’art cher à l'école de Munich. Le point de départ est fait de souvenirs classiques, mais l’application est tout à fait allemande, ou plus exactement munichoise. Des mosaïques de cailloutages, des frises en relief, à la fois humoristiques et mythologiques, l’emploi des tons noirâtres mélangés aux tons éclatants, des caprices tels que ceux de fontaines formées de figures de femmes jetant l’eau par le bout de leurs seins. Tels sont les éléments de ce style fantaisiste et luxueux, mais où le luxe ne va pas sans une certaine lourdeur et la fantaisie affecte des allures un peu professorales. Le talent dépensé dans cette partie était d’ailleurs considérable et le tout calculé pour faire grand honneur à notre Exposition. Le plan d’ensemble était du professeur Emmanuel Seidl, de Munich.
- Enfin, un autre ensemble avait, par son exécution, ses dimensions et sa destination même, une importance presque égale aux deux précédents. C’était la salle dite «Pal-lenberg» et située au premier étage, où elle occupait presque toute la largeur du palais et formait le fond de la section allemande. Cette salle, exécutée par la maison Pallen-berg, de Cologne, est la salle d’honneur du Musée des arts décoratifs, de fondation récente dans cette ville.
- Cette salle, où les traditions de l’art germanique s’alliaient à certaines recherches modernes de coloration, était d’un soin et d’une richesse des plus remarquables. Comme traits saillants et éléments décoratifs plus particulièrement intéressants, nous citerons les suivants. Au plafond, une grande rosace en bois ajouré et sculpté en relief méplat, formant une ronde d’anges se détachant sur un fond d’azur. Aux murailles, des tentures d’étoffe avec des broderies, si on peut les appeler ainsi, faites d’applications de cuir découpé et doré ; l’effet en était assez somptueux. Enfin, un emploi des plus importants de la mosaïque et du vitrail, tous deux admirablement exécutés. Le plan d’ensemble
- p.10 - vue 14/484
-
-
-
- DÉCORATION FIXE DES ÉDIFICES PUBLICS ET DES HABITATIONS. 11
- de la décoration était de M. Melchior Lechter, qui avait également fourni le carton d’une grande verrière de la plus riche couleur et de la composition la plus ingénieuse.
- De chaque côté du «salon de parade» de M. EmmanuelSeidl au rez-de-chaussée, et de la salle Pallenberg au premier étage, se succédaient les divers ensembles dont nous avons parlé. Nous allons citer les principaux.
- Au rez-de-chaussée, un des plus goûtés a été les deux salles contiguës, dénommées salle Bruno Paul et salle Bernard Pankok, du nom de leurs architectes. Ces deux artistes de Munich avaient recherché là, non plus le style néo-classique du salon Seidl, mais simplement un style moderne, intime, avec un emploi prépondérant des revêtements de bois, soit uni, soit relevé de marqueterie. Ici, nous voyons ce que plusieurs pays nous ont présenté, mais aucun plus brillamment, le bel effet produit par le concours de tous les arts de la décoration et de l’ameublement sous les ordres d’un architecte intelligent, qui met tous ses collaborateurs à contribution et, tout en les soumettant à un plan très arrêté, les laisse déployer tout leur talent. Nous devons déclarer que la section française nous a malheureusement peu donné d’exemples d’une pareille et aussi heureuse discipline. Ajoutons que les marqueteries et revêtements d’ébénisterie, dus aux «Ateliers réunis pour l’art dans l’industrie, de Munich55, ont montré que la main-d’œuvre, pour les arts du bois, est, en Allemagne, d’une excellente qualité.
- La salle Paul Pfann, également de Munich, le cédait à peine aux précédentes pour la belle simplicité du plan et pour l’habile exécution de l’ébénisterie, due à M. Wenzell Till, de Munich. Ce qui principalement lui donnait son caractère, c’était une série de panneaux peints, encastrés dans les revêtements de bois unis. Ces panneaux, paysages de M. Walter Georgi, méritent pour leur originalité et leur couleur attrayante une mention toute spéciale dans ce rapport.
- Nous signalerons encore, au rez-de-chaussée, les groupes suivants comme les plus remarquables :
- Salle Riemerschmied, que le catalogue allemand désignait comme « Chambre d’un ami des arts»; la décoration y était tout à fait d’accord avec l’ameublement, et il y avait entre autres une frise en stuc à reliefs, de M. Frantz Ringer, qui était d’un goût sobre et d’un motif ingénieux.
- Salle G. Olin et J. Zwiener, composée d’un très riche ameublement en cèdre de la Floride orné de bronze. La composition, inspirée du style de la Régence, n’offrait peut-être pas une très grande nouveauté, mais l’exécution était absolument de premier ordre.
- Salle professeur Gabriel Seidl, ingénieuse et décorée avec verve; remarquable entre autres par un portail de pierre, dans le goût de Cranacb, avec, pour motif, Adam et Eve et un encadrement de feuillage.
- Deux petites «niches d’une cage d’escalier» exposées par la maison Max Bodenhcim. Ces deux petits réduits, sortes de boudoirs ou de «pensoirs», suivant un néologisme
- p.11 - vue 15/484
-
-
-
- 12
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- amusant, étaient conçus avec beaucoup de recherche, emploi des tons étranges, sièges de forme bizarre et invitante, recoins capricieux, bref un spécimen curieux de tout ce qu’exigent les nerfs modernes, et montrant, semble-t-il, que l’Allemagne, sous le rapport de ces exigences, sinon maladives, du moins inquiètes, n’a rien à envier aux autres pays, qui passent pour être les plus tourmentés par ces préoccupations raffinées.
- Les salles Robert Macco et Cari Spindler, la deuxième principalement, étaient des plus remarquables par leurs marqueteries de bois des plus riches et des plus soignées.
- C’est également par la marqueterie qu’au premier étage se signala la salle Cari Spindler. Le parti de ces ouvrages mérite detre signalé. Ces marqueteries, se détachant sur des lambris unis, représentaient des paysages très simplifiés, établis par larges masses, arbres et terrains, et traités en sortes de camaïeux. Or, les éléments de ces incrustations étaient de larges morceaux de placage, où l’on tirait parti de la coloration naturelle du bois et du dessin de ses veines pour suggérer l’idée de masses de feuillage, de grandes surfaces de champs ou de routes, etc. Le procédé est analogue, pourrait-on dire, à celui de certains vitraux modernes, où le contour seul est dessiné, mais où la matière même du «verre américain» avec ses bouillonnements, ses stries et ses marbrures, complète sur l’œil et l’imagination du spectateur l’effet désiré par l’artiste, celui-ci ayant d’ailleurs très judicieusement choisi les morceaux les plus propres à cet effet.
- Un autre traitement ingénieux du bois devra être aussi indiqué à part. C’est celui que Ton remarquait dans la Salle J. Buyten et fils, ce procédé, ditxyleclypom, consiste à mettre en relief, au moyen de jets de sable, lés veinures du bois, la projection entamant les parties plus tendres comprises entre ces veinures. L’effet en était heureux, surtout avec les colorations employées par les exposants; mais, naturellement, ce procédé semble plutôt applicable à des meubles qu’à de vastes décorations.
- Enfin nous terminerons la citation des ensembles où le bois dominait, parles salles Hermann Gôtz, nous montrant la salle des mariages de l’Hôtel de Ville de Carlsruhe; Wollfel, salle de musique, en marqueterie bois, métal, ivoire et nacre, d’une harmonie sévère et d’un travail précieux; ateliers Schmidt et Muller, de Dresde; Alfred Dunsky, de Berlin; colonie des artistes de Darmstadt; Fabricants de meubles de Munich; Henri Sauermann, de Flensbourg; Schneider et Hanau, de Francfort. Tous ces ensembles, avec des tendances diverses, se distinguaient par le soin le plus scrupuleux et une émulation à bien faire, qui, dès le premier jour, surprirent le public et les connaisseurs, et préparèrent pour l’Allemagne un succès fait pour donner à réfléchir à notre industrie.
- Deux autres salles n’ont pas encore été mentionnées, étant composées surtout de matières différentes de celles qui précèdent. L’une est la salle Woltz et Wittmer, salle de bain entièrement en stuc et «marbre artificiel», le tout d’un très large dessin et d’un confortable parfaitement entendu.
- L’autre est la salle du professeur Làuger, de Carlsruhe. Ici nous sommes en présence
- p.12 - vue 16/484
-
-
-
- DÉCORATION FIXE DES ÉDIFICES PUBLICS ET DES HABITATIONS. 13
- d’un savant céramisle el d’un artiste très inventif : M. le professeur Max Làuger avait non seulement combiné cette jolie « chambre d’habitation avec cheminée pour feu découvert», mais encore, en diverses parties de l’Exposition, il avait montré des spécimens de ses revêtements, de ses fontaines murales, de ses céramiques artistiques. L’emploi des tons verts et noirs y dominait et formait une harmonie très brillante quoique sévère, et véritablement personnelle. Les œuvres de ce maître feront certainement époque dans la céramique allemande.
- L’Allemagne conviait encore le jury à juger des œuvres de «décoration fixe» au Pavillon impérial. Le succès considérable obtenu par cette création si luxueuse et si typique nous dispense d’insister longuement sur son caractère, et nous nous bornerons à signaler certains artistes à qui revient la principale part de ce succès.
- Tout d’abord, M. Radke, auteur du projet et de l’exécution du pavillon lui-même. Tout ce que nous pourrons dire de mieux de l’œuvre de ce savant professeur, c’est qu’elle était aussi pratique que pittoresque, et surtout qu’elle avait un caractère national très pur et très saisissant. Nous n’avons pas à entrer dans l’analyse du pavillon lui-même et de ses aménagements si bien entendus, à la fois au point de vue d’un palais et d’une exposition. Seulement nous devons noter le nom de deux décorateurs qui ont beaucoup contribué à son éclat : l’un pour l’extérieur, M. Bœhland, qui avait emprunté ses belles et brillantes compositions aux vieux thèmes des légendes nationales et des mythes allemands; l’autre pour l’intérieur, M. Wittig, qui avait orné la cage du grand escalier de peintures en même temps sobres, puissantes d’harmonie et riches de composition. Tout cet ensemble, grâce à la profonde discipline régnant entre les collaborateurs et à leur connaissance des traditions de leur pays, connaissance qui n’excluait pas les aspirations modernes, a été un des plus beaux que nous puissions signaler ici.
- Nous aurons terminé lorsque, revenant aux Invalides, nous aurons signalé les deux escaliers, l’un en bois, dû au professeur Riegelmann, très bien composé, et l’autre en plâtre recouvert de peintures au poncif, compositions fort agréables de M. Bodenstein.
- En résumé, nous avons vu, rien que pour cette Classe 66, une véritable renaissance des arts et des métiers de la décoration en Allemagne. La science des professeurs, la largeur de leurs idées, la modestie et l’acharnement à bien faire des ouvriers semblaient se dégager d’eux-mêmes de ces œuvres, et nous dire qu’avant de songer à remporter la victoire, il faut longuement et soigneusement l’organiser.
- V. — Nous passons maintenant à l’Autriche qui, en son genre, n’était guère moins remarquable que la puissance précédente, et qui avait déployé de très grandes qualités de séduction.
- Dégageons d’abord les caractères principaux du goût décoratif autrichien, tel du moins qu’il nous est apparu dans les deux grands ensembles, section des Invalides et Pavillon impérial.
- La tâche est d’autant plus aisée que chacun de ces ensembles avait son genre dominant: la section, très moderne et présentant les recherches les plus nerveuses des
- p.13 - vue 17/484
-
-
-
- 14
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- écoles les plus récentes; le pavillon offrant, au contraire, un style général et des types spéciaux d’une époque consacrée.
- Aux Invalides ce qui était, dès le premier coup d’œil, la chose la plus saisissante, c’était le grand escalier avec ses bois vernis, noir ou vert sombre, ses ornements de métal, ses curieuses statuettes de femmes étagées de distance en distance, avec leurs bouches ouvertes, leurs formes sveltes, et les petits cerceaux leur faisant une amusante auréole. Dès que Ton avait jeté un regard sur cette décoration, on sentait que Ton sé trouvait en présence d’un pays de luxe, de caprices gais et voluptueux, cherchant le meilleur de la vie, et tendant à la rendre agréable et brillante. Mais ce but n’exclut en aucune façon le savoir, le sérieux dans la conception et l’habileté consommée dans la main-d’œuvre.
- Aussi a-t-on très justement consacré par la plus haute récompense l’effort de M. Raumann, l’architecte général de toutes les sections autrichiennes et, en particulier, de l’escalier qui nous occupe.
- Nous devons, pendant que nous nommons cet artiste, signaler le considérable effort que représentait son œuvre dans toutes les sections autrichiennes, aux Invalides comme au Champ de Mars. Cela donnait un air d’unité des plus saisissants à toutes ces installations, si différents que fussent les motifs de décoration et les tons employés pour les tentures et les boiseries. C’est ainsi que les installations de la papeterie, avec ses boiseries grises et ses tentures violet foncé, les différentes installations des tissus avec leurs façades et leurs vitrines de bois poli (entre autres le beau motif des têtes de bélier formant le soubassement de l’entrée pour les tissus de laine ) étaient des conceptions où Ton sentait à la fois l’invention personnelle d’un artiste et le goût d’une race. Si nous signalons ceci avec détail, c’est d’abord parce que l’auteur a été parmi les titulaires des grands prix, puis parce que c’est de la décoration bien entendue, au premier chef, et que ces ensembles risqueraient d’échapper aux autres rapporteurs dans le domaine desquels ils ne rentrent pas aussi précisément que dans le nôtre.
- L’Autriche, outre cette installation générale commune à toute son exposition, présentait certains ensembles particuliers qu’il convient de signaler.
- Tout d’abord, sa grande salle d’honneur, de style un peu sévère, que décoraient de charmants bas-reliefs en bronze de M. Schimkowitz. Cette application des petits bas-reliefs en bronze encastrés dans les lambris constitue un genre de décoration très séduisant, riche et simple, et qu’il serait dommage de ne pas signaler, quoique non prévu au catalogue.
- Puis, un certain nombre de pièces ou chambres offrant, comme l’exposition allemande, des réunions complètes d’objets d’ameublement et de genres de décoration fixe. Parmi ces chambres, nous devons citer les expositions collectives :
- i° Du royaume de Galicie;
- 2° Du comité spécial pour le district de la chambre du commerce et de l’industrie, à Prague;
- 3° Du comité spécial de Salzbourg.
- p.14 - vue 18/484
-
-
-
- DÉCORATION FIXE DES ÉDIFICES PUBLICS ET DES HABITATIONS. 15
- Il y a lieu également de mentionner un intérieur viennois moderne, composé par l’architecte professeur Jos. M. Olbrich, et exécuté par un certain nombre d’industriels des plus importants, chacun pour sa partie : tapisserie, ébénisterie, verrerie, etc.
- Dans cette série, plus particulièrement, régnait la tendance que nous allons caractériser en quelques mots un peu plus loin. Mais auparavant, il nous reste à signaler deux traits également significatifs. L’un, l’importance et l’habileté des écoles officielles d’art décoratif autrichiennes, des plus habiles à copier les modèles anciens. L’autre, le soin et le zèle avec lesquels étaient organisées et aménagées les différentes parties du pavillon impérial, présentant côte à côte des spécimens de styles traditionnels (entre autres le rococo de Fischer de Erlach, ou le style Empire de la charmante salle de la ville de Vienne) et dés essais de style moderne, avec le très beau salon en bois gris rehaussé d’argent et tentures cerise, exposé par la maison Portois et Fix. L’architecte M. Fabriani, a remporté une des premières récompenses.
- La décoration de celui-ci, évidemment, se fondait un peu sur les principes en faveur dans ces derniers temps et qui consistent à employer des lignes infléchies, des entrelacs n’ayant pas de signification proprement dite. Mais ici, ce système de décoration était pratiqué avec beaucoup de sobriété et d’élégance, et le mélange de l’argent et de l’érable était d’une distinction rare.
- Ceci nous amène à la remarque principale que nous voulions faire. L’Autriche, et en particulier Vienne, a été un des grands centres de production de ce qu’on a appelé du nom anglais de «modem style», bien que l’Angleterre n’en fût pas, il s’en faut, le véritable éditeur. Ce style, qui a beaucoup usé et abusé des lignes tourmentées sur des fonds unis, a semblé moins en faveur en ces derniers temps après avoir été l’objet d’un véritable engouement. Mais c’est surtout chez nous que cette défaveur s’est accentuée, et fort méritée d’ailleurs, car ce goût ne correspondait ni à nos besoins, ni à nos traditions, ni à l’esprit même de notre race. En Autriche, au contraire, d’après les spécimens que nous en avons vus, même dans certaines exagérations, il se conciliait avec le confortable et une certaine ampleur des lignes, ainsi que par une recherche de couleurs originale et séduisante.
- Voilà à peu près ce que nous avons à dire des décorations fixes exposées par l’Autriche. Viennent ensuite, dans Tordre alphabétique, différents pays qui ne prêteront pour nous à aucune réflexion spéciale.
- VI. — La Belgique avait un certain nombre d’exposants habiles, dont on trouvera le nom au palmarès, mais aucune œuvre qui nous révélât des goûts, des tendances, des recherches différentes des nôtres. Cela est d’autant plus surprenant que la Belgique s’est beaucoup occupée du renouveau des arts décoratifs, et que, notamment à Bruxelles, la décoration de la rue a été l’objet de tentatives des plus remarquables, mais rien n’en donnait le souvenir à l’Exposition, du moins dans la classe 66.
- La Bulgarie n’avait que deux ou trois exposants, dont nous ne voyons rien à dire.
- Les exposants de la Chine et de la Corée ont montré des œuvres purement tradi-
- p.15 - vue 19/484
-
-
-
- 16
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- tionnelles, très séduisantes comme tout ce qui vient de l’Extrême-Orient, mais rien de particulier à signaler.
- Le Danemark n’avait, pour la Classe 66, qu’un ou deux exposants. Mais on sait l’intense activité de ce pays, les créations remarquables qu’il a réalisées dans les arts décoratifs, aussi ne peut-on le juger sur cette insuffisance de données à la Classe 66, insuffisance provenant évidemment du vague des définitions, vague que nous avons signalé plus haut et qui a été cause de la disproportion des envois par les différents pays, les uns exposant trop d’objets à la Classe 66, les autres n’en exposant pas assez.
- L’Espagne enfin n’avait rien envoyé à cette classe, ni qui méritât d’être signalé ici, ni qui accusât même un style national. Remarquons d’ailleurs que nous n’avons pas à nous occuper de son superbe pavillon de la rue des Nations, copié de la Renaissance.
- VII. — Nous arrivons aux Etats-Unis. Ici, au contraire, le domaine est vaste et les enseignements des plus intéressants. Ici, en s’inspirant des styles classiques, les artistes américains ont su faire du nouveau.
- De même que M. le professeur Hoffacker pour la section allemande, M. Radke pour le pavillon allemand, M. Baumann pour les expositions autrichiennes, M. Goetz était chargé par les Etats-Unis d’établir les maquettes d’ensemble pour les différentes sections de cette nation. Son travail, absolument de premier ordre, était des plus variés et des plus ingénieux.
- A cette occasion, nous pouvons maintenant formuler une observation générale qui sera parmi celles auxquelles, dans ce rapport, nous attachons le plus d’importance. L’exemple de l’Allemagne, de l’Autriche, des États-Unis enfin, nous a démontré que partout où il y a un plan d’ensemble pour la décoration de toute une section, l’exposition y gagne considérablement. De même que pour les œuvres d’art, la présentation, le cadre, augmente l’attrait de ces œuvres et, on peut le dire, les transfigure, de même les produits industriels n’échappent pas à cette règle et, dans une installation décorative bien comprise, sont assurés d’une plus-value auprès des visiteurs. Inversement, nous avons constaté que, toutes les fois qu’une nation ou une section n’avait pas prévu de décoration d’ensemble, ou n’avait procédé qu’à une installation médiocre, ou indifférente, ou encore de mauvais goût, tous les produits exposés et l’ensemble même de l’exposition s’en ressentaient. C’est ainsi que la Grande-Bretagne, cependant si remarquable, l’Italie, la Russie, l’Espagne et, nous devons le reconnaître aussi, la France dans un grand nombre de ses sections, avaient trop négligé ce point capital.
- Pour en revenir aux Etats-Unis et aux maquettes de M. Goetz, nous signalions la diversité de ces installations. D’une façon générale, on avait adopté comme principal élément les constructions en staff ou en plâtre, très finement moulées, avec profusion de détails ornementaux, mais les grandes lignes n’étaient pas altérées par la décoration. L’effet était des plus agréables qui provenait de cette blancheur mate sur laquelle les peintures décoratives ou les ornements de métal, etc., se détachaient avec éclat.
- p.16 - vue 20/484
-
-
-
- DÉCORATION FIXE DES ÉDIFICES PUBLICS; ET DES HABITATIONS. 17
- Les proportions de ces installations étaient très modestes; on n’avait nullement visé au colossal, mais au contraire au délicat, au modéré, à Tharmonieux. Nous l’avons dit, les éléments de ces décorations étaient puisés dans l’art classique /mais l’appropriation en était moderne, de telle façon qu’on n’avait pas à relever de ces [non-sens, de ces inutilités qui abondent dans les maladroits pastiches des ateliers académiques. Ce n’était pas par devoir, mais par plaisir, que les artistes américains avaient puisé dans ce répertoire.
- Nous signalerons tout particulièrement, parmi les installations des Etats-Unis, celles de l’électricité, de la métallurgie et de la marine marchande. Les collaborateurs de M. Goetz étaient : pour la première, M. Clarence Luce; pour la seconde, MM. Win-slow frères; pour la troisième, MM. Beil et Mauch.
- L’exposition de l’électricité était installée dans un véritable petit palais à jour, avec sa charmante rotonde, ses élégantes façades, ses portiques surmontés de bas-relief et de figures en ronde bosse, symbolisant de la façon la plus ingénieuse le téléphone, le télégraphe, la lumière électrique. Cette décoration était vraiment un modèle de bon goût et d’ingéniosité. La comparaison était d’ailleurs des plus intéressantes à faire entre cette installation et celle que l’Allemagne avait imaginée également pour son exposition d’électricité. Cette dernière avait inspiré aux artistes des motifs moins simples, plus empruntés aux arrangements de lignes dans le nouveau style. De toute façon, les deux exemples sont excellents à mettre en relief pour indiquer comment la science et l’art ne s’excluent point et, au contraire, se prêtent, dans une exposition universelle (ou dans un musée) un mutuel intérêt. Nous verrons encore, lorsque nous parlerons de la section française, des démonstrations saisissantes de cette idée, que les produits de l’industrie pure, de la science la plus sévère n’exigent certainement pas qu’on les présente aux regards dans un cadre de mauvais goût ou d’une sécheresse rebutante.
- La décoration de la section métallurgique des Etats-Unis était également des plus remarquables, et le Jury a d’ailleurs distingué les exécutants, MM. Winslow frères. Nous n’hésitons pas à qualifier leur travail de véritable chef-d’œuvre. Une très belle frise de bronze reposait sur des piliers de marbres relevés de colonnettes en cuivre. A cette frise étaient suspendues, de distance en distance, des reproductions en bronze des sceaux des différents États d’Amérique. D’admirables travaux de ferronnerie couraient légèrement sur le tout, et cette façade, véritable guipure architecturale de métal, montrait un ensemble des plus heureux, étant à la fois du meilleur style et d’un aspect très moderne.
- Enfin la décoration des façades de la marine marchande, conçue dans un mode analogue, offrait comme motif décoratif principal des bas-reliefs en plâtre patiné de tons de bronze vert, représentant des vues de ports, des vaisseaux au large, etc.
- La peinture décorative avait aussi un rôle assez important dans les sections des Etats-Unis. Par exemple, les façades placées à chacune des extrémités de la section des Invalides, exécutées l’une par M. Herter, l’autre par M. Koopman, et celle de la voussure qui surmontait l’entrée principale du Pavillon américain, composée par
- Gn. XII. — Cl. 66.
- p.17 - vue 21/484
-
-
-
- 18
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- M. Robert Reid, doivent être signalées. La dernière surtout offrait une réelle habileté décorative. Toutes ces œuvres accusaient une prédilection pour les tonalités claires et brillantes.
- C’est par ces ensembles plutôt que par les expositions particulières que les Etats-Unis attirèrent notre attention au point de vue décoratif. Ce que nous pourrions citer ne serait que d’honorables travaux courants, et notre citation ferait double emploi avec le palmarès. Toutefois nous devons signaler un produit qui nous paraît assez intéressant, non dépourvu d’art, et d’une application fort pratique. Nous voulons parler des et plafonds en acier estampillé» exposés par la maison Norlhrup. Ce procédé consiste à repousser des plaques minces d’acier et à les joindre de façon à en revêtir de grandes surfaces, plafonds ou lambris. De vastes salles ont été ainsi revêtues et décorées à la fois, en Amérique, bibliothèques, salles de réunions, clubs, etc., et on a reconnu comme très avantageux, hygiéniques et offrant certaines sécurités contre les incendies, ces estampages dont le relief prête, en outre, à de bons effets ornementaux. Il va sans dire que ces plaques métalliques sont revêtues de peintures ou de dorures, etc.
- Enfin, à la section américaine, nous regrettons de ne pouvoir parler des effets décoratifs qu’on pourrait tirer, pour la décoration fixe, des nouvelles matières inventées par certains artistes et industriels, tels que verres irisés, poteries aux tons éclatants ou mats. Mais nous n’avons pas eu à juger ces produits, qui cependant nous ont frappés en passant par les belles applications qu’on en eût pu faire au point de vue qui nous intéressait. Parmi les matières originales, cependant, nous ne pouvons omettre, au moins pour la simple curiosité, les «bois pétrifiés de TArizona» exposés par M. Drake and C°. Ces sortes de pétrifications aux couleurs éclatantes, au poli et à la dureté du marbre, ont été récompensées pour leur aspect flatteur, mais aucune application vraiment décorative n’en avait été faite.
- En résumé, sans pouvoir d’une revue relativement aussi limitée tirer des conclusions générales très précises quant à l’orientation de l’art décoratif aux Etats-Unis, nous en avons vu assez, néanmoins, pour constater qu’il y règne un goût très délicat, nullement banal malgré ses prédilections classiques, et une recherche de richesse simple qui détruit le préjugé d’excentricité que nous attachons trop généralement aux recherches qui se font, si activement, au delà de l’Océan.
- VIII. — La Grande-Bretagne était certainement une des puissances qui offraient une classe 66 des plus nourries et répondant le mieux aux multiples définitions qu’on pouvait faire de ce terme de «décoration fixe».
- Ce n’est pas à dire, nous devons en faire la remarque tout d’abord, que l’importance de ces efforts résidât en aucune façon dans des ensembles concertés entre exposants, comme nous l’avons vu pour les principaux pays qui précèdent. Au contraire, ce côté avait été des plus négligés, et, comme pour certaines sections françaises, les vitrines étaient même d’un style par trop neutre et pauvre. En revanche, l’initiative de
- p.18 - vue 22/484
-
-
-
- DÉCORATION FIXE DES ÉDIFICES PUBLICS ET DES HABITATIONS. 19
- chaque exposant s’était déployée, et nous avons eu de véritables surprises en pénétrant dans des installations que l’extérieur n’annonçait guère aussi luxueuses et aussi réussies.
- D’une façon générale, nous devons dire que la Grande-Bretagne s’est, pour ce qui concerne notre section, affirmée un des pays demeurés en possession des meilleures techniques et d’une main-d’œuvre très sérieuse, mais à tout prendre peu innovatrice. En somme, Ton a donné un nom anglais aux plus récentes recherches ou exagérations de ia décoration appliquée aux intérieurs, mais le modem style est apparu à l’Exposition, du moins pour la Classe 66, une création de l’Allemagne, de l’Autriche ou même de la France, beaucoup plus que de l’Angleterre elle-même. Les idées mêmes d’un Morris, d’un Walter Crâne, qui sont un peu à l’ameublement comme les formules des préraphaélites ont été à la peinture, n’ont rien de commun avec ce style soi-disant moderne. Et nous ferons observer, en passant, combien il est injuste de rendre les temps «modernes» solidaires de tout ce qui peut se faire de mal équilibré sous prétexte d’innovation.
- Nous parlions à l’instant du très beau mouvement créé par les préraphaélites et William Morris. Il est encore très visible dans l’exposition anglaise. En veut-on un exemple dans la céramique? Les ravissants modèles de revêtements exposés parla maison Pilkington Tile and Pottery Company, de Clifton Junction, près Manchester, étaient, les uns, exécutés directement d’après des cartons de Walter Crâne, les autres, dans ce goût décoratif si frais et si net que l’on retrouve dans quantités d’albums anglais. Les panneaux en céramique d’après Walter Crâne étaient une des plus jolies choses de la section anglaise.
- Veut-on un autre exemple dans l’ameublement? L’ensemble de pièces exposées par MM. Waring and Gillow le disputait certainement pour l’importance, l’agrément, le côté vraiment complet de la conception et la perfection du fini, aux plus remarquables que nous avons pu citer de l’Allemagne et ceux que nous citerons de la France. C’était tout un appartement entièrement décoré et meublé avec cette science du confortable que possède l’Angleterre : un salon, une chambre à coucher, une salle à manger, une salle de bains, une ravissante chambre pour les enfants, et, de plus, une cabine de yacht tout à fait séduisante et d’un luxe plein de simplicité. On aurait pu analyser les éléments traditionnels dont ces différentes décorations étaient inspirées, par exemple le style Tudor, certains styles de l’art antique, notre propre Louis XVI, mais tout cela heureusement interprété et adapté à la nature et aux besoins d’une race qui sait conserver jalousement son intégrité.
- Nous venons de dire qu’il n’y avait pas d’éloges à accorder à l’installation anglaise des Invalides ; nous pourrions en dire autant des différentes sections de la même puissance au Champ de Mars, mais non du Pavillon de la rue des Nations. La simplicité voulue et d’ailleurs pleine de goût de cette construction, à l’extérieur, a dérouté beaucoup de gens ; mais les personnes qui ont visité l’intérieur ont pu apprécier combien toutes les parties avaient été soignées, et combien l’ensemble était bien entendu au point de vue d’une décoration typique. C’est M. E. Lutyens qui était l’architecte
- p.19 - vue 23/484
-
-
-
- 20
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- général du pavillon, et nous nous croyons autorisé à le féliciter de cette création. Une observation est encore à faire : certaines personnes se sont étonnées également de la nudité de certaines parties à l’intérieur, par exemple des couloirs, ou des cages d’escalier absolument dépourvues d’ornement, simplement passées à la chaux. Mais outre que cette frugalité, que Ton peut reconnaître comme un peu excessive, crée des repos et évite une surcharge de décoration dans toutes les parties d’un édifice, il faut se rappeler que c’est là un trait de mœurs, un usage de race que Ton rencontre en Angleterre dans les plus riches habitations, et la critique n’a point de prise là-dessus. Quant aux travaux de serrurerie et d’ébénisterie décoratives, sur lesquels le jury a eu particulièrement à se prononcer, ils étaient en général excellents, entre autres ceux de MM. Thomson and C°, pour Téhénisteriedu grand escalier; Rerlram and Sons, pour la salle à manger ; Starkie Gardner and C°, pour la serrurerie de diverses pièces. Nous mentionnerons également, dans le Pavillon, la très jolie chambre qui avait été exposée par la collectivité de la ville de Bath, du goût anglais le plus sincère, en soulignant l’intérêt qu’il y a dans de telles manifestations locales.
- Outre l’exposition anglaise proprement dite, il y avait aussi celle des colonies de la Grande-Bretagne, qui a vivement excité la curiosité et l’intérêt, et qui par certaines parties relève du Jury de notre classe. La plus remarquable de ces parties fut le merveilleux ensemble de bois sculptés exposés par le Gouvernement de la Birmanie, un chef-d’œuvre de la sculpture sur bois, d’une finesse et d’une originalité extraordinaires. Mais cette originalité, purement de race, doit être rapportée au génie asiatique sans que l’Angleterre y ait aucune part.
- Revenant au Palais des Industries diverses, nous n’aurons plus à signaler comme plus particulièrement intéressant qu’un procédé décoratif analogue à celui que nous signalions plus haut aux Etats-Unis : les panneaux ou plafonds revêtus de plaques de métal ou bien simplement de carton estampillé. Dans le second cas, le carton peut être blanc ou revêtu de riches dorures en polychromies. L’effet en est heureux. Nous avons à citer deux maisons : M. Jeffrey pour le métal repoussé, et la Wall Paper Company pour le «carton pâte en ronde bosse».
- Nous ne voyons pas autre chose à dire de la décoration fixe à la Grande-Bretagne, mais nous remarquerons néanmoins que, malgré son intérêt, et sans doute pour les raisons données plus haut, celte classe ne donnait pas une idée de la considérable activité décorative qui règne en Angleterre et dont l’admirable fondation du South Kensington est la source sans cesse renouvelée et le puissant moteur.
- IX. — La Grèce, la Hongrie, la Croatie, la Slavonie, qui viennent ensuite au catalogue, ne sauraient nous fournir matière à aucune réflexion spéciale, et il nous semble préférable de ne pas commenter longuement l’exposition, d’ailleurs très importante en nombre, de la section italienne. Nous nous retrancherons derrière cette raison qu’il n’y avait là, en quelque sorte, que des produits traditionnels : verreries, marbres, céramiques, meubles, etc.; rien de cela n’offrant pour nous une nouveauté ni un enseigne-
- p.20 - vue 24/484
-
-
-
- DÉCORATION FIXE DES EDIFICES PUBLICS ET DES HABITATIONS. 21
- ment, et la plupart des modèles semblant de préférence empruntés aux époques les moins simples de l’art italien.
- Les Japonais ont compté et demeurent, par certains côtés, parmi les décorateurs les plus séduisants et les plus originaux de l’univers. Seulement la Classe 66 n’avait absolument à juger qu’un exposant, qui avait envoyé une peinture dans un style archaïque. Tout au plus pourrons-nous signaler le bon goût très simple du modèle des vitrines japonaises pour toutes les sections indistinctement : une sorte de bois de rose relevé de place en place par le traditionnel chrysanthème d’or, emblème impérial. Nous regretterons de n’avoir pas à en dire plus long ici sur ce pays d’une si étonnante activité intellectuelle.
- Le Luxembourg, le Mexique, Monaco, passeront également sans remarques générales.
- La Norvège, en revanche, pour restreinte que fût son exposition (trois numéros seulement au catalogue), se distinguait par la beauté de sa décoration d’ensemble, en bois sculpté teinté de rouge, du meilleur style Scandinave.
- De même, aux Pays-Bas, exposition très peu importante quant à la décoration fixe; mais quoique n’ayant pas eu à la juger, notons que la décoration générale des sections, de tonalité claire, était d’un goût charmant, et rappelons surtout l’admirable décoration que formait, au Pavillon des Indes Néerlandaises, les moulages des divins bas-reliefs des temples de l’école hindoue.
- Pour le Pérou, le Portugal, pas d’ensembles ni de détails qui nous fournissent de commentaires.
- La Roumanie nous a révélé une activité artistique et industrielle très notable, spécialement pour le travail dubois. L’école des arts et métiers de Bucharest, entre autres, exposait de belles décorations, d’un caractère de race très sincère; et nous signalerons aussi, à titre de curiosité, un beau travail exposé par la Direction des prisons de la même cité. Dorénavant, grâce à la Roumanie, l’expression : ^fait dans les prisons » ne pourrait plus dorénavant s’appliquer à des besognes grossières et sauvages.
- La section russe ne nous offrait pas un grand nombre d’exposants pour la Classe 66. La grande grille forgée pour le Palais d’Hiver de Saint-Pétersbourg; le Pavillon de l’Asie Russe, œuvre de l’architecte Meltzer, voilà les deux morceaux capitaux parmi ceux que nous avons eu à juger. Ajoutons à cette mention spéciale le regret de n’avoir pas eu à juger la charmante architecture du village russe du Trocadéro, où la «décoration fixe» abondait partout, et la meilleure, celle qui sort spontanément du génie des humbles et ne doit que peu de chose à un enseignement académique.
- Rien à dire des exposants, peu nombreux, de la République de Saint-Marin et de la Serbie. Mais pour la Suède, comme pour la Norvège, nous mentionnerons spécialement la belle décoration d’ensemble, en bois sculpté teinté en vert.
- La Suisse, par laquelle se termine notre revue des sections étrangères, nous a montré surtout de bons sculpteurs sur bois, d’habiles ferronniers, et surtout une bonne école de sculpture décorative, l’école de Brienz; dans ces ouvrages d’ailleurs, rien que
- p.21 - vue 25/484
-
-
-
- 22
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- d’exclusivement traditionnel. L’originale décoration de la section des industries diverses où le bois était fort bien employé était certainement de la décoration fixe, mais non soumise à notre examen.
- X. — Nous passons maintenant à la France. Le nombre plus considérable des exposants nous force à les passer en revue en les groupant suivant les matières mises en œuvre.
- C’est par le bois que nous commencerons, car il demeure le principal et le plus naturel élément de décoration dans les ensembles, et c’est lui qui donne aux intérieurs la plus belle richesse, la plus séduisante intimité. Nous avons eu quelques salles importantes à examiner, où le bois jouait le plus grand rôle, et qui nous permettaient de lutter sans trop de désavantage contre les remarquables créations étrangères signalées plus haut.
- Tout d’abord, la grande salle pour le Pavillon de l’Union des arts décoratifs. Là, nous avions à admirer sans réserves un des plus beaux efforts décoratifs de toute l’Exposition universelle, une œuvre d’art vraiment charmante et, de plus, d’un goût très français, dans le meilleur sens du mot. Sans pastiche, comme sans affectation du style tourmenté, ce bel ensemble empruntait à la décoration florale sa conception générale. L’honneur de cette création revient à M. Georges Hœntschell et à ses collaborateurs. Il n’y a pas à craindre que cet excellent travail soit perdu pour le public, puisqu’on le reverra un jour au Musée des arts décoratifs.
- Un des bons ensembles était également un intérieur «art moderne», nous dit le Catalogue, exposé par Mt\l. Plumet et Selmersheim. Ici, le parti était tout différent; il s’appuyait sur la recherche des lignes flexibles, de supports graciles que nous avons remarquée, critiquée même dans les pages précédentes. Mais MM. Plumet et Selmersheim avaient évité toutes les exagérations de ce genre de décoration. Au contraire, ils en avaient habilement mis à profit les effets de netteté et de sveltesse. De plus, le travail du bois n’avait rien à envier aux meilleurs envois de l’Allemagne et de l’Angleterre.
- Nous aurons encore à signaler, dans un style analogue, les jolis éléments d’ameublement exposés par M. Th. Lambert, avec de fines applications de cuivre découpé, d’un heureux effet sur le bois de tonalité claire; la belle porte de style classique, exposée par M. Bourgaux, irréprochable d’exécution, d’après un modèle de l’architecte P. Sedille; l’ameublement exposé par M. Guimard, qui tombait au contraire dans les excès du style tourmenté, mais qu’il faut néanmoins signaler pour son désir de nouveauté; enfin les différents intérieurs exposés par MM. Simonnet, Turck, etc.
- Ces différents numéros ne nous permettent pas d’émettre un jugement d’ensemble de quelque portée sur l’emploi du bois pour la décoration fixe à l’époque actuelle. Il faudrait, pour que l’enseignement fût complet, se livrer à une comparaison avec la section de l’ameublement proprement dit, et nous n’avons pas qualité pour cela. Tout ce que nous pouvons dire, c’est que, malgré l’envahissement des travaux à bon marché, de
- p.22 - vue 26/484
-
-
-
- DÉCORATION FIXE DES ÉDIFICES PUBLICS ET DES HABITATIONS. 23
- la camelolte et malgré le rôle prépondérant conquis par les impersonnels produits de la machine, quelques-uns de ces exemples nous ont prouvé que l’on peut encore trouver en France d’excellents ouvriers, en nombre suffisant pour exécuter de belles œuvres, lorsqu’il se trouvera un beau style et une belle pensée.
- La céramique joue de plus en plus dans la décoration fixe un rôle important. On l’a meme appliquée à des usages où il semble quelle n’ait pas grand chose à faire. Elle a été détournée d’une destination très moderne, relativement récente, et qui aurait pu donner les plus heureux effets. Croire qu’il y a quelque beauté nouvelle à retirer de l’art de terre après les Egyptiens, les Persans, les Chinois, les Japonais, les Moresques et même les Italiens de la Renaissance, est naïveté et infatuation pure. Cependant l’architecture du fer et de la brique avait amené une sorte de renouveau de la céramique décorative, un assez longtemps délaissée. M.Sédille, entre autres, ainsi que M. Formigé, en avaient trouvé de bonnes applications. Un peu plus tard, Jean Carnés, pris d’une passion sublime pour Part des Japonais et voulant devenir un émule de ces potiers parfaits, avait créé, par ses propres recherches, une adaptation des émaux mats à la sculpture décorative et à l’architecture elle-même. Ses travaux demeurèrent inachevés, mais non à ce point qu’ils ne pussent devenir matière à une imitation effrénée.
- C’est alors que l’on vit apparaître cette matière hybride que Ton baptisa du nom de grès cérame. Carriès avait rêvé des émaux doux, caressants à l’œil comme au toucher et d’harmonies atténuées, d’une délicatesse et d’une intensité charmantes. On fit, soi-disant à son exemple, des objets de formes tourmentées et banales, rêches au toucher, en même temps criardes et sales au regard. Ce dévergondage de céramique s’appliqua indistinctement à tous les usages : façades de maisons de rapport, chalets de nécessité, salles de bains ou casinos populaires. La Manufacture de Sèvres tomba dans ces erreurs et s’appliqua à propager ce soi-disant grès cérame, et Ton ne peut pas dire que, dans ses récents efforts pour le relever, ces travaux aient été de ses meilleurs.
- La méprise consistait surtout à employer ce grès exclusivement, comme matière de construction, au lieu de la mélanger à d’autres éléments qui auraient été un repos pour l’œil, tels que pierre, brique, fer, bois même. Cette céramique employée sans mélange ne montre que la sécheresse de ses arêtes et la pauvreté de son épiderme. On ne devra pas arguer de l’exemple de la grande porte conçue par Carriès, car elle faisait partie d’un ensemble, d’un hall où devait entrer quantité d’autres choses : revêtements de bois, peintures, plafonds, tapisseries, etc.
- MM. Muller, Bigot, Utschneider, et enfin la Manufacture de Sèvres (portail de l’avenue Nicolas II) étaient parmi les imitateurs les plus importants, sinon les plus heureux, des recherches de Carriès, à la Classe 66.
- Le rapporteur les cite ici indistinctement et sans se préoccuper de l’importance des entreprises ni du degré des récompenses. Il croit devoir donner son opinion sans détour, plus utile à Tart français ainsi formulée que s’il distribuait des éloges de circonstance.
- p.23 - vue 27/484
-
-
-
- 24
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- La fontaine de faïence de M. Lœbnitz n’accusait point de recherches nouvelles; mais elle était gaie à l’œil, de jolie ordonnance et d’invention spirituelle.
- Enfin, dans les produits exposés par M. Ailuaud, de Limoges, il y avait d’ingénieuses recherches des incrustations de porcelaine appliquées à la décoration.
- Tout natf tellement, la mosaïque vient, dans notre revue, à la suite delà céramique. Il eût été certainement plus logique naguère d’annexer des ateliers de mosaïque à la Manufacture de Sèvres plutôt qu’à celle des Gobelins, ainsi qu’on l’avait tenté. Nous avons vu, à la Classe 66, d’assez importants travaux de mosaïque. Tout d’abord les grands panneaux exécutés par M. Guilbert Martin sur les cartons de M. Louis-Édouard Fournier. Un examen de ces derniers a convaincu le Jury que le principal mérite du travail, sinon le mérite exclusif, revenait au mosaïste, le peintre s’étant peu préoccupé des effets à obtenir et des convenances mêmes de cet art admirable.
- Entre autres exposants nous citerons encore MM. Facchina, Zambon et Félix Gaudin comme les plus remarquables, ce dernier n’ayant pas montré des mosaïques à proprement parler, mais un grand panneau de lave émaillée d’après une composition de Grasset. Ce procédé, un peu sec, peut-être, donnerait de bons résultats pour la décoration s’il était employé judicieusement et les panneaux exécutés avec habileté.
- Nous avons eu quantité de cartons et de modèles de peinture ou de sculpture décoratives à juger qui n’étaient réalisés dans aucune des matières ci-dessus examinées. Beaucoup d’artistes des plus distingués avaient tenu à honneur de participer à la Classe 66. Nous nous bornerons à citer leurs noms, les œuvres envoyées étant des projets, des intentions de décoration, et non des décorations exécutées, et ne pouvant par suite prêter ici à des remarques utiles. C’étaient, par exemple, MM. Roll, Brémont, Lameire (ce dernier cependant exposait des aquarelles de travaux exécutés, mais sans spécimens d’exécution à l’appui), etc., pour la peinture, et MM. Injalbert, Bourdelle, Bloche, etc., pour la sculpture.
- Puisque nous venons de parler de sculpture, nous avons à signaler spécialement deux catégories d’objets qui furent affectés à la Classe 66 et qui prêtent à des observations générales.
- La première de ces catégories comprenait les statues ou statuettes en plâtre et recouvertes de patines artificielles, d’après des œuvres consacrées, copies ou moulages, ou d’après certaines fantaisies de la production moderne. En réalité, ces objets n’avaient guère de raison d’être classés dans la décoration fixe, puisque ce sont justement des pièces essentiellement déplaçables, et le plus souvent d’après des originaux non destinés à la décoration proprement dite.
- Celte industrie a^remporté d’assez grands succès naguère, alors quelle était un peu moins répandue. Les fabricants de ces fac-similé pouvaient leur donner plus de soin et produire des pièces d’une certaine finesse. Aujourd’hui, sous couleur de vulgarisation, on exécute ces moulages par quantités beaucoup plus considérables, et on les patine tant
- p.24 - vue 28/484
-
-
-
- DECORATION FIXE DES ÉDIFICES PUBLICS ET DES HABITATIONS. 25
- bien que mal. Ce serait une erreur de croire que leur diffusion dans les intérieurs bourgeois et ouvriers puisse rendre les moindres services au goût. La raison en est bien simple: les statues et statuettes que l’on vend de la sorte arrivent à ne pas plus ressembler aux originaux admirables, qu’un chef-d’œuvre musical moulu par un orgue de Barbarie ne ressemble au même morceau exécuté par l’orchestre de l’Opéra. C’est tout ce que nous croyons pouvoir dire des produits que nous avons vus de cette industrie soit pour la France, soit pour l’étranger. Quant aux œuvres, non plus classiques, mais modernes qu’exposaient la plupart des maisons, c’était encore pis, si cela est possible.
- La seconde catégorie à laquelle nous faisons allusion est celle de la décoration religieuse et des statues à décorer les chapelles et les autels. Ici, nous ne savons comment, exprimer notre stupéfaction de voir une industrie qui réponde si peu à ses traditions et aux besoins qu’elle est censée satisfaire. Dans le pays des grands imagiers, dans le pays qui a vu fleurir sur les cathédrales de Paris, de Reims, d’Amiens, de Bourges, et tant d’autres, des chefs-d’œuvre de sculpture qui ne le cèdent en rien à ceux des plus belles époques et des terres les plus favorisées; dans cette France des Beauneveu, des Michel Colombe, des Germain Pilon et de mille beaux génies, l’imagerie religieuse est arrivée à produire chez nous des figures d’une banalité, d’une crudité de bariolage qui les rendent certainement bien inférieures aux fétiches des races réputées les moins civilisées. Tantôt ce sont des pastiches affadis et inintelligents de l’art gothique, tantôt des figures d’un sentiment kmoderne», d’un réalisme puéril. Jamais une trace de goût, jamais un mérite d’exécution. Cela sent uniquement l’objet fabriqué à la douzaine, et uniquement pour la vente, idée contraire précisément à celle de zèle pour la pure beauté et de pieux désintéressement. Il est vraisemblable que si Jésus revenait sur terre, il chasserait bien vite du temple ces marchands et leur marchandise. Pour nous, sans tenir compte de l’importance des maisons ou même des récompenses qui ont pu leur être attribuées par le Jury, nous tenons à déclarer que toute atténuation dans notre critique serait un outrage à tout ce que nous admirons dans le passé comme dans le présent, et que c’est au nom même des sentiments religieux qu’il faut reprendre vivement des tendances qui porteraient atteinte à toute idée de religion chez les esprits cultivés. Seule la maison Pous-sielgue, avec l’autel de MM. Camille Lefèvre et Genuys, avait réussi à faire preuve de distinction et de goût. Le mieux que nous puissions dire des autres est de n’en rien dire.
- Nous n’avons plus qu’à dire un mot des arts du métal. Les grands ensembles décoratifs étaient peu nombreux à la Classe 66. Toutefois nous voulons signaler les mérites de goût ainsi que de main-d’œuvre de maisons ou d’artistes tels que MM. Bricard, Monduit, Marrou, Robert, Bardin, Bergatte, Fontaine, etc. Les travaux exposés par eux prouvent que l’art de forger le métal et celui de le repousser n’ont pas démérité en France.
- XI. — Une association d’idées nous reporte, involontairement, de ces travaux, pleins de mérite d’ailleurs, à d’autres spécimens de l’industrie du métal, qui, bien que n’ap-
- p.25 - vue 29/484
-
-
-
- 26
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- partenant pas à notre classe, nous ont assez vivement frappés pour que nous fassions servir à la conclusion de ce rapport les idées qu’ils nous ont inspirées. Nous voulons parler des grands ensembles exposés à la section de la métallurgie au Palais du Champ de Mars. Il y avait là des architectures surprenantes de grandeur et d’éclat faites avec des éléments bruts, ou tout au moins dépourvus de toute ornementation, capricieuse ou conventionnelle: d’énormes plaques de cuivre, de gigantesques tubes d’acier, des pièces de fer massif aux formes géométriques; tout cela formait une décoration inattendue, de l’effet le plus neuf et le plus saisissant. Il y avait là, pour tout esprit non imbu de préjugés académiques, vraiment un art nouveau. Il résidait simplement dans l’adaptation des ressources nouvelles de la science et de l’industrie à la vie actuelle.
- C’est donc par là que nous terminerons nos observations. De l’examen auquel nous nous sommes livrés il ressort que, sinon le divorce, du moins les différences de caractère s’accentuent de plus en plus entre les travaux de la main et ceux de la machine. La machine apporte avec elle des moyens d’expression nouveaux dont les artistes auraient tort de ne pas tenir compte lorsqu’ils ont recours à elle. De son côté, la machine ou ceux qui la dirigent, auraient le plus grand tort de persévérer, comme l’ont fait certains, à vouloir lutter avec l’artiste sur son propre terrain. Les essais que nous avons vus en ce genre en étaient la meilleure preuve. Une machine fabriquant un ornement classique est aussi absurde que le serait une cheminée d’usine surmontée d’un chapiteau grec, ou une locomotive décorée de figures allégoriques.
- L’art décoratif ne peut plus à l’heure actuelle se passer de logique. Il doit résolument ignorer les formules du passé, abolir les styles et ne tenir compte que de la nature avec tout ce quelle apporte de charme et de rêve, et de la science avec tout ce qu’elle pourra amener de grandeur dans les harmonies de pur calcul.
- p.26 - vue 30/484
-
-
-
- CLASSE 67
- Vitraux
- RAPPORT DU JURY INTERNATIONAL
- M. LÉON DAUMONT-TOURNEL
- PEINTRE-VERRIER
- p.27 - vue 31/484
-
-
-
- p.28 - vue 32/484
-
-
-
- COMPOSITION DU JURY.
- BUREAU.
- MM. Magne (Lucien), architecte du Gouvernement, professeur à l’École des beaux-arts
- (président des comités, Paris 1900), Président.............................. Franco.
- Benois (Albert), membre de l’Académie impériale des beaux-arts, inspecteur de
- l’enseignement de l’art décoratif au Ministère des finances, Vice-Président. Russie.
- Daumont-Tournel (Léon), peintre-verrier (vice-président des comités, Paris
- 1900), Rapporteur................................ .......................... France.
- Delon (Marcel), peintre verrier (comités, Paris 1900), Secrétaire............. France.
- JURÉ TITULAIRE FRANÇAIS.
- M. Ghampignedlle (Charles), vitraux (jury, Paris 1889; comité d’admission, Paris
- 1900)............................................................ France.
- JURÉS TITULAIRES ÉTRANGERS.
- MM. Brinckmann (J.), professeur, directeur du Lycée des arts et métiers................... Allemagne.
- Riordan (Roger), critique d’art.................................................. États-Unis.
- JURÉS SUPPLÉMENTAIRES FRANÇAIS.
- MM. Anglade (Jean-Baptiste), peintre-verrier (comité d’admission, Paris 1900)........ France.
- Delalande (Émile), artiste peintre (comités, Paris 1900)....................... France.
- p.29 - vue 33/484
-
-
-
- p.30 - vue 34/484
-
-
-
- VITRAUX.
- Les vitraux ont été, à l’Exposition universelle et internationale de 1900, constitués en classe spéciale : cette faveur était réclamée depuis longtemps par les peintres-verriers.
- Jusqu’alors, une classe unique rassemblait la verrerie, les cristaux et les vitraux. MM. Ed. Didron, Eug. Oudinot, Ch. Champigneulle, qui furent, dans cette classe, aux Expositions de 1878 et de 1889, membres des Comités d’admission et d’installation ou membres du jury des récompenses, avaient fait remarquer combien il était regrettable que les vitraux, œuvres de décoration, exigeant des connaissances spéciales techniques et artistiques, fussent compris dans une même classification avec la fabrication industrielle du verre. Ils demandaient pour l’avenir une classe, un emplacement, un jury particuliers pour les vitraux.
- Les peintres-verriers sont heureux d’avoir pu obtenir satisfaction et d’avoir pu montrer, en 1900, dans de meilleures conditions qu’aux Expositions précédentes, le résultat de leurs efforts.
- L’emplacement affecté à la Classe 67, pour la section française, fut situé sur l’Esplanade des Invalides, au premier étage d’un pavillon saillant sur le grand Palais de la Décoration et du Mobilier, en face de la rue de l’Université et perpendiculairement à la rue de Constantine.
- Cet emplacement fut imposé en quelque sorte par la nécessité de conserver les vitraux au Groupe XII, ce qui limitait le choix d’un local parmi les constructions réservées à ce groupe. Le Comité d’installation s’est efforcé de tirer le meilleur parti possible de cet emplacement.
- Le pavillon, long d’environ 45 mètres et large de 18, avait un hall intérieur, éclairé par un plafond vitré.
- On profita de cette disposition pour établir des galeries forcément étroites dans lesquelles les vitraux furent exposés; ceux qui étaient en bordure du hall recevaient la lumière du pfafond vitré.
- Les surfaces non occupées par les vitraux avaient été masquées et rendues opaques; sur ces surfaces pleines étaient exposés les cartons, dessins et maquettes. L’exposition delà Classe 67 s’étendait, en outre, aux fenêtres d’un escalier conduisant au rez-de-chaussée, à la Classe 75.
- Quelques vitraux se trouvaient exposés en d’autres parties de l’Exposition, à la Salle des Fêtes, au Pavillon de la Presse, etc. . . Nous examinerons les œuvres pour lesquelles une demande d’admission fut faite, et qui ont retenu l’attention du Jury.
- p.31 - vue 35/484
-
-
-
- 32
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- Dans quelques sections étrangères, et principalement dans la section allemande, les vitraux avaient été faits en vue de l’ornementation des salles; ils étaient ainsi présentés dans leur cadre naturel, et bénéficiaient d’une décoration d’ensemble.
- Par contre, des verrières importantes de la Russie, des Etats-Unis, des Pays-Bas, de l’Autriche, de la Suisse, étaient mal éclairées.
- Nous insistons sur le fait de la bonne présentation des vitraux, parce que l’importance en est très grande. Un vitrail est une œuvre de décoration, Remplacement pour lequel il est fait détermine l’échelle, la coloration, le caractère du dessin.
- Une Exposition universelle présente les œuvres dans des conditions souvent très différentes et défavorables. Il arrive que les vitraux ne reçoivent pas le jour directement, ne sont pas vus sur le ciel, ou bien qu’ils ont leur harmonie dénaturée par le voisinage de verdures ou d’édifices trop proches; enfin les verrières de décoration monumentale n’ont pas toujours le recul qui leur serait nécessaire.
- 11 faut évidemment faire la part des difficultés d’organisation et reconnaître que les conditions idéales d’éclairage au Nord, à plein ciel, de recul et de cadre favorables, ne peuvent être absolument réalisées dans la pratique.
- L’exposition rétrospective occupait un quart environ de Remplacement affecté à la Classe 67.
- Nous devons remercier l’Administration d’avoir autorisé, outre l’exposition rétrospective centennale prévue par le règlement général, la constitution d’une exposition rétrospective remontant à l’origine même du vitrail, et présentant des spécimens de toutes les époques.
- Les professionnels ont pu étudier avec intérêt cette collection de vitraux anciens, documents d’archéologie de grande valeur, qui constituait comme un Musée d’enseignement, source d’observations techniques très profitables.
- La collection de vitraux appartenant au Service de Monuments Historiques et à la Direction des Cultes, et que M. L. Magne eut mission de réunir depuis 1884, formait le fonds principal de cette exposition, heureusement complétée par des panneaux prêtés obligeamment par quelques peintres-verriers et collectionneurs.
- Il sera fait pour cette exposition rétrospective un rapport spécial, document qui restera comme souvenir de cet ensemble précieux d’œuvres anciennes. Les panneaux formaient une sorte de résumé de Rart du vitrail.
- Nous rappellerons brièvement les très beaux fragments de Châlons-sur-Marne, du xii° siècle, les vitraux légendaires du xm° de Chartres, de Saint-Julien-du-Sault, de Poitiers, de Bourges, de Gercy, et la rose de Châteauroux représentant le Christ glorieux présidant au Jugement dernier, figure colossale d’un caractère imposant ; l’harmonie de coloration de cette verrière est admirable par la qualité des tons, les verts variés et le bleu clair du fond.
- La progression vers un art plus dramatique et plus réaliste s’accuse au xivc siècle
- p.32 - vue 36/484
-
-
-
- VITRAUX.
- 33
- dans des médaillons de la cathédrale deSaint-Dié, la facture est plus menue, les fonds sont délicatement niellés. Au xvc siècle, le vitrail se décolore; les architectures blanches, agrémentées de quelques ornements en jaune d’argent, occupent dans la fenêtre une surface considérable; le rôle du modelé, de la peinture sur verre devient plus important.
- La fin du xvc siècle est marquée par un retour aux vitraux colorés. Une période très féconde en belles œuvres s’étend jusqu’au milieu du xvf siècle. Le peintre-verrier tend à s’affranchir des règles de décoration convenant à une surface plane, observées jusqu’alors. Il aborde de grandes compositions outrepassant les meneaux des fenêtres, abandonnant toutes les traditions de dessin archaïque pour une interprétation plus exacte de la nature. La conséquence de ce mouvement devait aboutir finalement à la décadence de l’art du vitrail. Mais, durant un demi-siècle, les œuvres ont ce charme de somptuosité, d’exubérance de vie, d’amour du beau métier qui caractérise la Renaissance.
- Des panneaux du Mans, d’Essômes, de Beauvais, des vitraux des collections Otto Vegener et Babonneau sont des spécimens intéressants et variés de cette époque.
- S’il nous était permis d’émettre un vœu, nous souhaiterions que cette belle collection de panneaux anciens fut de nouveau réunie et exposée d’une façon permanente.
- Les vitraux qui ont été prêtés par des collectionneurs vont leur être rendus; mais la majeure partie des panneaux anciens de l’exposition rétrospective appartient au Ministère des Beaux-Arts (Service des Monuments historiques) et à la Direction des Cultes. Ces panneaux pourraient être exposés soit au Musée des Arts décoratifs, soit au Musée du Trocadéro, soit dans tout autre local; nous voudrions que cette collection ne fût pas cachée, demeurant ainsi sans profit pour nous.
- Les acquisitions faites par l’État, sur la proposition de M. Magne, des vitraux de Gercy, de Beauvais, de Châteauroux, d’Essômes ont sauvé d’une destruction presque certaine des œuvres de haute valeur, très utiles à l’enseignement. Cette collection peut être enrichie de dons ou d’acquisitions nouvelles.
- On pourrait même exposer temporairement, dans certains cas, des vitraux en cours de restauration. L’enseignement serait complété par le rassemblement dans le même local de tous les documents concernant le vitrail : ouvrages, monographies, calques, relevés, photographies, actuellement dispersés partout.
- Un tel musée rendrait de grands services aux peintres-verriers, et nous pensons que tous les professionnels seraient unanimes à souhaiter sa création.
- Nous avons aujourd’hui tous les éléments nécessaires pour faire d’excellents vitraux: la technique, les procédés des anciens sont connus, et cependant la production moderne n’est pas comparable à celle des siècles passés.
- Le siècle qui s’achève laissera peu d’œuvres remarquables en peinture sur verre.
- On tient généralement aujourd’hui pour une erreur la conception d’art des artistes de Sèvres, et plus tard de Maréchal de Metz, croyant pouvoir rendre en vitrail des effets de peinture, effets de relief, de clair-obscur, de perspective.
- Ils chargaient le verre d’un modelé lourd qui assommait sa couleur et lui enlevait
- Gr. XII. - Cl. 67. 3
- irtUUEIUE NATIONALE,
- p.33 - vue 37/484
-
-
-
- 34
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- sa transparence. D’autre part, l’emploi des émaux, des verres gravés à l’acide fluorhy-drique produisait des vitraux sans vigueur et sans franchise.
- L’effort de toute une génération d’artistes fut ainsi mal dirigé.
- Quelques peintres-verriers plus soucieux des traditions s’appliquèrent trop exclusivement aux restaurations et aux pastiches d’anciens styles. Leur œuvre, toute d’érudition et de conscience, manque d’intérêt si l’on veut y chercher la manifestation d’un art personnel et bien vivant.
- Ce fut, en effet, une conséquence des études archéologiques de montrer la beauté des œuvres d’art anciennes et comparativement l’insignifiance ou l’infériorité des tentatives contemporaines et de porter le goût public vers les anciens styles. L’architecture des édifices religieux, faite en imitation des monuments anciens, invitait d’ailleurs les peintres-verriers à faire des pastiches; on suivit également pour les vitraux civils des modes rétrospectives.
- L’Exposition centennale n’a recueilli que quelques panneaux de la Manufacture de Choisy-le-Roi, de M. Coffetier, et, tout près de nous, de M. Ch. Lebayle, artiste de grand talent, qui composait des cartons et peignait sur verre avec une égale facilité. Ses vitraux présentent une exécution savante, souple et spirituelle, et peuvent soutenir la comparaison avec les plus beaux morceaux de la Renaissance.
- L’œuvre du xixe siècle, malgré beaucoup d’efforts, se ressent de l’ignorance des règles de décoration et de l’absence d’enseignement. C’est l’étude des vitraux anciens qui reste la meilleure école, non pas que nous pensions que les peintres-verriers doivent se proposer de les reproduire, de les copier dans leurs formules étroites; mais nous pouvons, de cette étude, dégager les principes toujours vrais.
- La conception la plus logique, la plus rationnelle du vitrail a été celle des premières époques : une verrière était considérée comme une mosaïque, un tapis lumineux, le décor d’une surface plane. Jusqu’au milieu du xvie siècle, dans les vitraux légendaires et dans les compositions ornementales des arbres de Jessé, ce principe fut appliqué. Nous pouvons le retenir en laissant de côté les caractéristiques de style et chercher à l’accorder avec les tendances d’art de notre temps.
- Le vitrail, art de décoration, doit rester un art conventionnel. Le peintre-verrier puisera toujours une force dans l’affirmation de la technique : verre de couleur et plomb.
- Le dessin du carton suppose naturellement la connaissance des nécessités et des ressources du vitrail. La composition doit être franchement silhouettée et bien meublée. Le vitrail a besoin d’être riche plutôt que simple.
- Un problème à résoudre est le morcellement des grandes surfaces, qui donneraient des placards d’une même couleur.
- La coloration doit être disséminée.
- Il faut sectionner les fonds, les ciels, les draperies, pour avoir en chaque endroit plusieurs élémqits de couleur. C’est la raison des jeux de fonds des verriers gothiques,
- p.34 - vue 38/484
-
-
-
- VITRAUX.
- 35
- de leurs draperies souvent coupées de bandes de couleur complémentaire. Les artistes du xvie siècle arrivaient au meme résultat par un luxe de détails exubérant; les vêtements sont chargés de bordures de perles, de galons, de riches ornements; les écharpes, h s ceintures, les revers d’étoffes contribuent à la division des grandes surfaces. Certes, le dessin est souvent d’un goût maniéré, mais il est expressif; il convient à un art de décoration tel que le vitrail ou la tapisserie, mieux qu’un dessin de grand style, noble et froid.
- La couleur est la qualité maîtresse des vitraux anciens. L’action du temps a été certainement très bienfaisante pour eux. Aux qualités bien vivantes que les artistes mettaient dans leurs œuvres s’ajoute ce charme que l’œuvre elle-même a vécu. Les restaurations, les remaniements, les casses, la peinture effacée par place, le verre altéré et dévitrifié, toutes ces déformations font quelquefois le vitrail plus plaisant. Le temps a surtout déposé sur les vitrdux une patine qui contribue beaucoup à leur harmonie. Les blancs qui font des trous dans une verrière neuve se trouvent atténués; toute la coloration s’enveloppe et se trouve unifiée.
- Mais, en faisant abstraction de cet apport, il reste encore une entente merveilleuse de la coloration. Non seulement les tons des verres sont d’une belle qualité, composant une riche palette dont les éléments s’harmonisent bien entre eux, mais le talent du peintre-verrier se manifeste dans l’excellente répartition des taches de couleur et des valeurs.
- Un vitrail doit vibrer.
- Les vitraux modernes offrent trop souvent une coloration neutre, sans opposition de valeurs. De plus, il semblerait que beaucoup de peintres-verriers craignent le blanc : ils le salissent de grisaille, ou le remplacent par des tons jaunâtres : les vitraux prennent alors l’apparence de stores.
- On a fait aussi des vitraux grisâtres, pâles, aux colorations de fresque, sans aucun ton franc. Ce parti pris ne semble pas heureux, et lorsque le programme exige un vitrail clair, il serait mieux d’adopter, en le rajeunissant quant à la conception esthétique, le parti des anciens verriers : un vitrail tout blanc, avec, par endroits, des taches de couleur. C’est la donnée des fenêtres du xive et du xve siècle, dont l’effet est bien préférable à celui d’une mosaïque générale de tons trop clairs et blafards.
- L’exposition rétrospective présente, outre les vitraux que nous avons signalés, des panneaux de vieux morceaux, débris précieux pour l’étude des factures d’exécution.
- La peinture sur verre est un art admirable, illustré par les Pinaigrier, les Engrand Le Prince, les Jean Cousin, les Linard-Gonthier.
- L’exécution ancienne, souple, variée, toujours peinte, toujours transparente, œuvre d’esprit, reflète le tempérament de l’artiste; elle est savante ou exubérante, pleine de verve ou délicate et précieuse.
- Le modelé, primitivement très conventionnel, fut poussé, à la Renaissance, dans un sens plus réaliste; il fut toujours subordonné néanmoins à la décoration d’une surface
- p.35 - vue 39/484
-
-
-
- 36
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- translucide. L’exécution n’assomme pas le verre, elle le peint, elle exalte la couleur du verre qu’elle modèle.
- Il faut reconnaître que, dans les œuvres les plus honorables de notre époque, c’est l’exécution qui le plus généralement prête à la critique; elle est trop rarement l’œuvre d’un peintre amoureux d’un beau métier; l’insuffisance d’études artistiques entraîne, avec la timidité, une facture courante, consciencieuse, mais calligraphique et sans charmes.
- Le devoir des artistes de notre temps est de ne pas considérer seulement la peinture sur verre comme un art de reproduction, mais comme un art original, comportant des qualités de facture libre et personnelle.
- Quelques peintres-verriers pensent réduire le rôle de la peinture sur verre au simple trait, ou à un modelé très sommaire. Ce serait l’abandon des traditions de notre art français, de ce métier admirable dont nous venons de parler. Tel vitrail conçu dans un sentiment très moderne pour l’emploi des ressources nouvelles, telles que les verres dits américains, peut se passer de peinture ou de modelé en grisaille; mais il semble difficile de faire une verrière de décoration monumentale, comportant des figures, sans faire appel aux ressources traditionnelles de la peinture sur verre; et lors même que le peintre-verrier aura adopté ce parti-pris d’une exécution au trait presque sans modelé, l’étude de morceaux du xii® et du xmc siècle lui sera précieuse : le trait des vitraux anciens n’est pas un report banal, il est l’œuvre d’un peintre offrant des demi-teintes, des transparences et des épaisseurs variées; jamais il ne donne, comme dans beaucoup d’œuvres modernes, l’apparence d’un trait imprimé ou obtenu par un procédé mécanique.
- Nous pouvons enregistrer une réaction très heureuse contre l’exécution poussée au noir, l’emploi des émaux, la facture banale et routinière qui étaient chez nous comme un héritage des traditions de Sèvres.
- On veut maintenant, et c’est une meilleure conception du vitrail, donner plus d’importance à la coloration et simplifier le modelé. Mais il faut observer que plus ce travail de peinture est sommaire, plus il exige de talent de la part du peintre. Si celui-ci est un artiste insuffisant, ce parti pris, traduit en formule courante, donne une exécution qui paraît indigente, un maigre travail de traits, de hachures, mangé par le rayonnement de la lumière.
- L’exposition contemporaine nous montre les efforts des peintres-verriers français et étrangers dirigés dans des voies très différentes. Les uns entendent continuer les traditions décoratives qui firent la gloire de notre art, ancien. D’autres, plus audacieux, veulent se libérer des pastiches, faire table rase des antiques formules et créer un wart nouveau », d’une entière fantaisie, en utilisant toutes les ressources que peuvent fournir les verres de fabrication moderne.
- Il semble que les peintres-verriers français n’entrent qu’avec réserve dans cette voie, ou du moins qu’ils cherchent à concilier les tendances nouvelles avec les procédés
- p.36 - vue 40/484
-
-
-
- VITRAUX.
- 37
- classiques. Les qualités de dessin, l’emploi d’une technique simple, la transparence conservée au vitrail sont la caractéristique des œuvres françaises.
- Les œuvres de certains peintres-verriers étrangers présentent des qualités de hardiesse plus grande, une recherche plus particulière des colorations, et le parti pris d’obtenir des effets décoratifs par le seul emploi des verres de nouvelle fabrication, sans user des teintes en grisaille ni même de la peinture au trait.
- Ces verres nouveaux, dits verres américains, sont d’une grande variété : verres dichroïques, opalins ou laiteux, verres présentant un commencement de dévitrificalion, pâtes colorées où les épaisseurs de matière, les coulées, les stries ou plissages donnent l’apparence d’un modelé. Ces verres ont des effets de demi-transparence et laissent passer un jour diffus et mystérieux; ils offrent des colorations mélangées très surprenantes, des tons extraordinaires, à la fois sales et riches, rappelant les harmonies des grattures de palette (1).
- L’emploi de ces verres crée une technique nouvelle. Tout est subordonné à cette matière précieuse. On peut dire que le talent du peintre-verrier est à la merci de cette matière. Le verre doit tout donner, couleur, dessin et valeur de modelé. Un morceau peut être unique, il peut être le prétexte, le point de départ d’une composition.
- L’art du peintre-verrier tel que nous le concevions autrefois est absolument transformé. Ce métier, très séduisant, ne demande pas un long apprentissage, de sérieuses qualités artistiques; il n’exige que du goût, et un choix, un approvisionnement de verres considérable.
- Le résultat est singulièrement facilité par un procédé employé couramment par les peintres-verriers des Etats-Unis et d’Allemagne, qui consiste à doubler, à tripler les épaisseurs de verre. Ces superpositions partielles n’offrent pas seulement à l’artiste la faculté de corriger la crudité de certains tons, d’arriver à la valeur et à Teffet de coloration désirés; elles permettent aussi d’obtenir des effets très enveloppés de relief et de perspective. Cela nous paraît une erreur décorative, parce qu’alors le vitrail doit être regardé, comme un tableau, d’un point de vue spécial, et n’est plus le décor d’une surface plane. Cette critique n’est, d’ailleurs, qu’une réserve de principe, ces vitraux étant en général de petite dimension et destinés à la décoration des appartements. Ce sont des œuvres d’un goût délicat, répondant à un besoin actuel, à une soif légitime de nouveauté, de modernisme.
- Mais nous croyons devoir signaler, au point de vue professionnel, ce que nous considérons comme des procédés d’une technique contestable.
- Autant les verres plaqués, colorés en couches de couleurs différentes pour obtenir une vibration du ton, un moelleux particulier, nous paraissent les produits d’une
- (1) Ces verres ne semblent pas présenter des garanties de durée analogues à celles des verres anciens, ou des verres modernes de fabrication normale, soufflés ou antiques. Leur mode spécial de fabrication, eur vitrification imparfaite peuvent faire prévoir une
- altération plus prompte, en même temps que la rugosité de leur surface, les épaisseurs de matière occasionnant des saillies et des rentrées les liyrent aux dangers des poussières accumulées et d^s végétations parasites.
- p.37 - vue 41/484
-
-
-
- 38
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- technique raffinée et précieuse, autant les superpositions de verres nous semblent un procédé banal et facile.
- Le résultat doit-il justifier toute licence dans les moyens? Quelques verriers placent devant leurs vitraux une glace en verre cathédrale qui estompe la dureté des lignes de mise en plomb. Mieux encore, cette glace apposée au vitrail est colorée : bleuâtre, elle donne une tonalité d’ensemble au vitrail; légèrement dépolie, elle fait voir la composition à travers un vague brouillard. Nous ne voudrions pas être dupes du procédé d’un peintre, qui corrigerait l’effet de son tableau en l’encadrant sous un verre fumé ou coloré destiné à lui donner une teinte d’harmonie générale qu’il n’aurait pas sans cet artifice. De même, nous estimons trop fantaisistes les procédés d’exécution de certains vitraux, et nous ne souhaitons pas qu’ils soient adoptés et employés couramment.
- Il faut bien reconnaître que les verres américains, par leurs effets de demi-transparence, leurs nuances indécises et troubles, offrent des moyens d’expression très riches mais restreints, et qu’ils semblent limiter le cercle des sujets décoratifs. Jamais, par exemple, nous n’avions tant vu d’algues, de poissons et de sirènes. C’est tout un décor d’aquarium : dans la section française, un carton de M. Ch. Boütet de Monvel, un vitrail de M. Galland, les vitraux de M. Carot pour deux lanterneaux de l’aquarium de Paris (décor justifié, celui-là); dans les sections étrangères, les vitraux de MM. Liebert et Engelbreght, en Allemagne; de M. R. Geyling, en Autriche; de la C,e Tiffany, aux Etats-Unis, sans compter le carton d’un artiste anglais exposé au grand palais des Beaux-Arts. Cette abondance de sujets aquatiques mérite d’être signalée.
- Lorsqu’il faut des formes précises, dessinées, le peintre-verrier est arrêté, principa lement pour les figures, les visages et les mains. Vouloir tout obtenir par le seul réseau de plomb oblige à se contenter d’un dessin un peu rudimentaire, quelquefois caricatural.
- Si l’on veut faire appel aux ressources de la peinture sur verre et du modelé en grisaille, il semble qu’il y ait désaccord entre les deux techniques, et que, précisément, celle qui donne le dessin et qui devrait être la plus parfaite et la plus délicate paraît sèche et dure, barbare, auprès des jolies suavités imprécises présentées par les verres qui forment l’ensemble du décor. On a pu user d’un subterfuge en recouvrant les parties modelées d’un verre demi-transparent : la peinture sur verre devient nébuleuse, telle une projection photographique mal mise au point; le problème est-il ainsi résolu?
- Un autre procédé employé par quelques peintres-verriers américains et allemands consiste à peindre les carnations avec la grisaille et les émaux, ce qui nous ramène à l’exécution de l’école de Munich et au métier des porcelainiers.
- Nous avons exposé ici, d’une façon générale, les difficultés ou les imperfections inhérentes à un mode de vitrail nouveau. Les réserves que nous avons faites sur la technique ou l’emploi de quelques moyens nous laissent toute liberté pour apprécier les qualités de composition et l’harmonie de coloration des vitraux exposés.
- Les artistes doivent se réjouir de toute l’activité développée autour des arts de décoration. Ils sont invités à abandonner des formes d’art trop usées, et à répondre aux besoins de leur temps, à chercher un style moderne. Nous en voyons quelques-uns,
- p.38 - vue 42/484
-
-
-
- VITRAUX.
- 39
- dans un besoin d’actualité et de nouveauté, adopter pour le vitrail les bizarreries, les fantaisies d’un art d’affiches; la mode a peut-être trop de part dans certaines de leurs productions; mais c’est déjà un bien que l’appel fait à plus d’originalité.
- La fabrication du verre a fait de grands progrès. Les peintres-verriers ont attendu tout ce siècle pour avoir de beaux verres, ayant les qualités des tons anciens. Nous les avons maintenant, et nous possédons, en outre, des éléments nouveaux. Peut-être même avons-nous trop de ressources. On pourrait envisager la décoration comme née de la nécessité de rendre la nature par les moyens restreints de métiers imparfaits. Les perfectionnements techniques desservent souvent l’art auquel on veut les appliquer. Nous devons maintenant opérer à rebours; au lieu d’être nécessairement restreint, c’est l’artiste qui, volontairement, doit réduire ses moyens d’expression.
- Ce n’est pas un paradoxe, car nous voyons les verrières des premiers temps, d’une intensité de couleur, d’un éclat si merveilleux, faites avec une gamme de tons très limitée; de même les anciennes tapisseries; tandis que, disposant de plus de moyens, nous sommes plus timides dans l’adoption d’un parti pris de décor.
- Cette abondance de ressources en verres de couleur permet, du moins, les recherches personnelles. Partisans de la tradition classique ou hardis novateurs, les peintres-verriers peuvent tirer grand profit d’une Exposition universelle, ou sont rassemblées des œuvres de diverses tendances, caractérisant l’esprit d’une race ou le talent personnel des artistes.
- Le vitrail civil tient une grande place à l’Exposition; c’est dans ce genre que se montrent le mieux les efforts d’originalité moderne : vitreries ingénieuses, compositions fantaisistes, paysages, recherche de dominantes de couleur et d’harmonies raffinées.
- L’Exposition présente surtout les manifestations d’un art gracieux et délicat; quelques œuvres plus énergiques, plus viriles, même brutales et d’aspect peu aimable retiendront cependant notre attention.
- L’examen du jury, pour l’appréciation de la valeur artistique des vitraux exposés, fut assez difficile : les œuvres sont de technique et d’esthétique très différentes. Chacun de ses membres dut faire abstraction de ses préférences personnelles, et juger les œuvres en acceptant l’esthétique particulière de chaque genre de vitrail.
- Le jury dut aussi, dans certains cas, tenir compte de la production connue, notoire d’un artiste, qui pouvait être représenté à l’Exposition d’une manière insuffisante. 11 eut, enfin, à établir la part de mérite des collaborateurs, dessinateurs et peintres, et des auxiliaires, coupeurs et monteurs en plomb qui lui furent signalés.
- Les exposants étrangers, dessinateurs et peintres-verriers, se sont présentés en nombre sensiblement égal à celui des exposants français.
- Les récompenses ont été à peu près également réparties, comme l’indique le tableau suivant :
- Exposants français............ 52
- Hors concours.................. 6
- Récompenses................... ho
- Exposants étrangers......... h$
- Récompenses................. h a
- p.39 - vue 43/484
-
-
-
- 40
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- Le Jury a décerné : FRANCE. ÉTRANGER.
- î grand prix 1 n
- 18 médailles d’or 7 1 1
- 2 6 médailles d’argent i5 1 1
- 18 médailles de bronze 7 11
- 19 mentions honorables 10 9
- Les récompenses décernées aux collaborateurs se répartissent comme suit :
- FRANCE. ÉTRANGER.
- 5 médailles d’or 5
- 21 médailles d’argent 9 1 2
- 19 médailles de bronze i3 6
- 16 mentions honorables 7 9
- Nous commencerons cette étude de l’Exposition de la Classe 67 par l’examen des œuvres des exposants français. Nous suivrons en général Tordre de classement des récompenses décernées par le Jury, en nous réservant de le modifier, soit pour grouper ensemble les collaborateurs, soit pour comparer des œuvres du même genre.
- Il nous semble logique et naturel de consacrer à l’exposition de MM. Appert frères, maîtres-verriers à Clichy-la-Garenne, une étude spéciale. Ces messieurs exposent, à la Classe 67, une palette de verres antiques et une autre de verres dichroïques, chenillés, tachetés et opalescents.
- M. Léon Appert a été placé hors concours par son tilre de président de la Classe 73 : Verrerie et Cristaux, et nommé expert à la Classe 67.
- Nous devons à MM. Appert la matière par excellence, le verre antique, reconstitution du verre des anciens. Encouragés dans leurs recherches par M. Louis Steinheil, M. Le-prévost et d’autres peintres-verriers, ils se sont attachés à reproduire la composition chimique des anciens verres, leur coloration et leur mode de fabrication.
- ' M. Léon Appert a rassemblé dans un petit ouvrage : Note sur les verres des vitraux anciens, les remarques les plus curieuses sur la nature et la constitution de ces verres, sur l’influence qu’avait eue pour leur coloration et pour leur conservation la composition élémentaire quelquefois un peu différente d’un verre à l’autre, mais se caractérisant pour tous par la présence constante de l’alumine et des oxydes de fer, se différenciant ainsi des verres de fabrication moderne, ordinairement employés, dans lesquels ces éléments importants sont volontairement éliminés; des observations intéressantes y sont faites également sur le mode de fabrication de ces verres, soit en manchons, soit en plateaux, et enfin sur le placage.
- La plupart des verres, depuis la fin du xive siècle jusqu’au xviT, sont à plusieurs couches de teintes différentes soudées entre elles, ou pour mieux dire plaquées les unes sur les autres, au moment de leur fabrication en manchon ou en plateau.
- p.40 - vue 44/484
-
-
-
- VITRAUX.
- 41
- L’intérêt de ces verres n’est pas tant dans la ressource qu’ils offrent de pouvoir dégager la couche inférieure par un travail de gravure (ce qui ne se faisait que rarement) ; c’est, en eux-mêmes qu’ils sont merveilleux, offrant des dégradations de tons et des délicatesses de teintes surprenantes. La lumière, en traversant plusieurs milieux de coloration et d’intensité différentes, éprouve un effet de réfraction tout autre que celui qui se produit quand elle traverse une lame de verre de même intensité colorante, mais formée d’une seule couche de même teinte dans toute son épaisseur.
- MM. Appert ont droit à la reconnaissance de tous les peintres-verriers pour avoir reconstitué ces verres précieux. Ils ont dû surmonter mille difficultés, faire des recherches longues et coûteuses : leur meilleure récompense est certainement leur satisfaction de savants et d’artistes.
- Nous avons donc la palette ancienne. Il nous reste à émettre le vœu que les peintres-verriers s’entendent pour demander aux verriers la fabrication constante et courante de ces beaux verres et qu’ils abandonnent l’emploi des verres de tons communs, de coloration brutale ou grise, d’aspect plat et sans vibration, qui encombrent le plus souvent les casiers.
- Pour obtenir de beaux vitraux, nous ne pouvons mieux faire que d’adopter les tons anciens(1), ces tons puissants et de délicieuse harmonie, bleus, verts, jaunes, pourpres, plaqués ou dans la masse, et ces rouges plaqués en couche mince ou en lamelles formant des veines chatoyantes.
- Ces tons sont ceux que MM. Appert nous montrent dans le panneau de verres antiques qu’ils ont exposé. Il semble que le peintre-verrier soit assuré de faire de belles harmonies en les employant.
- Leur palette de verres américains offre un égal intérêt.
- Nous conservons le nom de verres américains, qui est l’appellation courante, à tous ces verres de fabrication nouvelle, donnant des effets particuliers de demi-transparence, de coloration diffuse, de matière curieusement travaillée, quelquefois rugueux, dépolis, dévitrifiés, dont les peintres-verriers se servent pour les décorations modernes.
- MM. Appert apportent dans la fabrication de ces verres spéciaux plus de mesure que les verriers étrangers : c’est que l’on demande toujours en France que le verre ait comme qualité essentielle la transparence; les verres simulant les agates, les marbres, sont séduisants certes, mais leur opacité rend chez nous leur emploi assez rare.
- Nous voyons, dans le grand panneau exposé, une belle variété de verres clienillés , et de tons opalescents; quelques-uns sont solides et puissants; d’autres offrent des couleurs mêlées, et comme baignées l’une dans l’autre, avec des passages d’une délicatesse extrême. Nous trouvons enfin plusieurs échantillons de rouges veinés splendides.
- Ces verres sont trompeurs quelquefois. Ils sont eux-mêmes une œuvre d’art et leur
- ()) Il est curieux d’observer que les couleurs de verres modernes, obtenues par des oxydes autrefois inconnus ou non employés, sont discordantes; tels: les bleus Isly, bioxyde de cuivre; les verts criards oxyde de chrome; les roses à l’or, oxyde d’or.
- p.41 - vue 45/484
-
-
-
- 42
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- emploi est difficile. A les voir, on s’enthousiasme, on rêve de paysages féeriques, de ciels mouvementés, de cascades, de fleuves aux eaux troubles, d’apparitions fantastiques , de fleurs merveilleuses. Mais, pour constituer un vitrail, il faut découper ce rêve en morceaux de verre et les sertir en plomb; le décor vague et imprécis qui charmait se trouve alors souligné brutalement par le réseau du métal.
- Il faut s’être trompé pour revenir à une technique plus rationnelle, et pour reconnaître que la matière, si belle quelle soit, ne peut constituer, à elle seule, une œuvre complète.
- Les verres de MM. Appert n’en sont pas moins des éléments d’extraordinaire richesse, et nous verrons, dans le cours de cette étude, l’excellent emploi qu’ont pu en faire les exposants français.
- Les exposants hors concours comme membres du Jury, titulaires ou suppléants, sont MM. E. Delalande, dessinateur; L. Daümont-Toürnel, M. Delon, J.-B. Anglade, peintres-verriers.
- L’exposition très variée des maquettes et des cartons de M. Emile Delalande dénote une connaissance approfondie des anciens styles. Fortement documenté et, de plus, pénétré de l’esthétique des différentes périodes du moyen âge et de la Renaissance, il sait être, selon les besoins, grave et sévère, maniéré et délicat, souple et abondant.
- Les peintres-verriers trouvent en lui un collaborateur précieux pour les travaux de restitution archéologique, et apprécient hautement son talent.
- Nous aurons à examiner plusieurs verrières des ateliers de MM. Gaudin, Bégule, Hucher, Haussaire, de Reims, exécutées d’après ses cartons.
- Passé maître dans cet art d’imitation ou plutôt d’assimilation, connaissant le chiffre particulier à chaque époque, M. Delalande présente des compositions bien ordonnées, ingénieuses et riches de détails : c’est un excellent arrangeur, qui sait atténuer l’austérité ou la férocité de l’art ancien, et trouver l’accord de ces styles barbares avec le goût moderne.
- Une Vierge xne siècle, des figures d’apôtres pour Notre-Dame de Mantes, un Saint Michel xiif siècle, une Sainte Lucie xve siècle, joliment drapée, attestent la diversité et la souplesse de son talent. Le Miracle de Cana met en scène un grand nombre de personnages à des plans différents; le style est un peu bonhomme, dans le goût de certaines œuvres du xvie siècle; les vêtements damassés et la profusion des détails donnent de l’agrément au sujet.
- M. Delalande excelle dans la composition des petits médaillons. Son sens du vitrail s’y révèle par l’ingénieuse disposition des figures dans un petit espace, l’harmonie des lignes et des silhouettes, et le goût des accessoires qui meublent et animent les compositions (médaillons xiiic siècle : légende de Sainte-Barbe ; médaillons xvic siècle : suite de vitraux destinés à la chapelle d’un asile d’aliénés. Notons particulièrement le Repas au réfectoire, d’une présentation très heureuse). On sent qu’en dessinant son carton, l’artiste voit le vitrail, il le voit coupé et monté : le plomb accusera telle forme,
- p.42 - vue 46/484
-
-
-
- VITRAUX.
- 43
- tandis que telle autre sera peinte sur le fond. M. Delalande pense toujours à la technique, aux procédés de traduction de son œuvre, et aux vraies qualités verrières que doit avoir le vitrail.
- Son esprit curieux apparaît dans le soin apporté à enrichir les compositions de détails et d’éléments intéressants, mais l’entraîne quelquefois aussi à certaines bizarreries : dans la Vocation de saint Pierre, l’apôtre a des poissons peints en ornements sur sa robe. Nous nous rappelons un Saint-Jean Evangéliste, à Notre-Dame de Mantes, dont le vêtement est orné d’aigles, comme une figure héraldique. Nous retrouverons chez M. Grasset le même côté de rationalisme un peu subtil dans la figuration symbolique des accessoires.
- Nous signalerons enfin, dans l’exposition de M. Delalande, un carton très moderne représentant une nature morte, les Apprêts d’un repas frugal, décor discret, silhouetté dans une vitrerie en rectangle, fait avec esprit et pour être rendu sur verre très sim-
- M. Marcel Delon expose un vitrail d’appartement, d’après un carton de M. L.-O. Merson : deux petits anges aux formes graciles, séparés par un bouquet d’iris. Les deux enfants donnent une silhouette très jolie : signalons l’heureuse pondération des masses, la distribution facile des coupes. Ce vitrail est une œuvre de goût, remarquable par la simplicité des moyens employés. La coloration présente une harmonie délicate du rapport des chairs avec les draperies jaune clair et le fond bleu.
- Le modelé est souple et savant; l’exécution fait grand honneur à M. Escarré.
- Nous retrouvons avec plaisir un petit panneau exposé déjà au Salon de la Société nationale des beaux-arts, un coq d’une belle couleur, puissante et gaie, tirant parti des ressources des verres américains.
- Dans la Classe de l’Ameublement, la vitrerie d’une véranda de salle à manger, dans le pavillon Kriéger, est également l’œuvre de M. Delon : décor tout blanc, d’une grande distinction, que nous sommes heureux de savoir acquis par le musée des arts décoratifs de Hambourg.
- M. J.-B. Anglade n’est représenté à l’Exposition que par une demi-coupole de la Salle des Fêtes.
- L’ordre adopté dans ce rapport ne nous permet pas d’examiner ensemble tous les vitraux du palais de M. Raulin. En fait, les quatre demi-coupoles des niches de la Salle des Fêtes sont distinctes les unes des autres et séparées par un espace immense. Elles ne peuvent se voir d’ensemble, et l’architecte a laissé la plus grande liberté à chacun des quatre verriers, MM. Anglade, Carot, Galland et Daumont-Tournel. Le seul programme était de représenter le Nord, le Midi, l’Orient et Y Occident, par un décor reproduisant la flore de ces contrées. Des oiseaux, à l’exclusion des autres animaux, pouvaient animer ce décor. Chacun a compris ce programme d’une façon différente.
- Le vitrail de M. Anglade représente le Midi. La composition très simple est à division de rectangles : c’est une grande végétation, dominée par deux palmiers. Des oiseaux divers, groupés ou disséminés, étalent la richesse de leurs plumages. Le vitrail
- p.43 - vue 47/484
-
-
-
- A4
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- est exécuté en verre cathédrale. Les couleurs sont bien réparties : quelques nuages roses rappellent un peu trop la couleur et la valeur des montagnes d’horizon. La bordure nous semble aussi un peu sommaire.
- M. L. Daumont-Tournel expose en collaboration avec ses fils Emile et Henri-Charles, des vitraux et des mosaïques vitrifiées.
- La Vierge et l’enfant, traduction en vitrail d’une Madone de Carlo Criveili, est d’une exécution minutieuse. La robe damassée de la Vierge, à deux tons de jaune d’argent, donne une note très riche et discrète en même temps.
- Un vitrail pour l’église Saint-Antoine de Compiègne, la Résurrection, n’a pas un caractère très franc et marque une certaine indécision. Cette verrière pourra gagner à quelques changements, par exemple à l’introduction de quelque couleur dans les trois figures du haut, et à la substitution d’un ton plus clair et plus rompu au bleu dur du ciel. Ce vitrail paraît trop simple, comme fait pour être vu à une grande distance ; il manque de détails qui amuseraient l’œil et seraient motifs à coloration plus variée. L’exécution timide n’offre pas par endroits une valeur de noir suffisante.
- Une demi-coupole de la Salle des Fêtes, le Nord, est exécutée en verre antique avec quelques verres américains dans les parties solides des terrains. C’est un paysage présentant des végétations un peu fantaisistes des contrées septentrionales; au fond, des glaciers se détachent sur un ciel gris. La coloration est gaie, malgré la presque exclusion du rouge. Le verre est très peu peint, et l’effet est obtenu par le jeu des verres de couleur mis en plomb.
- La mosaïque vitrifiée est une nouvelle technique du verre, permettant des effets curieux. Les spécimens exposés ici : Dante dans la forêt, Sainte Catherine de Sienne, trois têtes dans un même cadre, avaient déjà figuré aux Salons de la Société nationale des beaux-arts de 1 S93 et des années suivantes.
- L’École normale d’enseignement du dessin était hors concours, son directeur, M. A. Guérin faisant partie du Jury de la Classe 4. (Enseignement spécial artistique.)
- L’école exposait à la Classe 67 quelques cartons, œuvres d’élèves, concours et travaux d’atelier, et aussi quelques vitraux exécutés.
- L’art très personnel de M. E. Grasset influence visiblement les élèves. Nous retrouvons les mêmes contours, les mêmes formes stylisées, la même transposition en grisaille des harmonies d’Extrême-Orient. Les compositions touffues et abondantes, le parti très net de présenter un décor sur un fond sont l’application logique des règles rationnelles du vitrail et des arts de décoration; mais elles nous paraissent avoir été réduites en procédés artificiels. La stylisation, qui est le grand principe de l’Ecole, donne forcément à tout élément décoratif la même facture.
- Les jeunes gens dépensent beaucoup d’ingéniosité à ces travaux. Nous relevons parmi ces cartons de vitraux un décor fourni par le champignon stylisé, un paon, la figure du Verseau. . . Ces thèmes divers sont rendus de façon assez heureuse, avec la préoccupation de composer une mosaïque de couleur. Nous pensons que la direction donnée
- p.44 - vue 48/484
-
-
-
- VITRAUX.
- 45
- aux études est trop absolue et ne développe pas suffisamment l’initiative des élèves : nous cherchons vainement ici les défauts et les qualités d’œuvres jeunes : diversité de tempéraments, maladresses, manque d’équilibre, mélange d’audaces et de timidités; ces œuvres sont parfaites, d’un joli arrangement, mais uniformes, sages et méthodiques.
- L’enseignement de l’école Guérin est propre à orienter le talent des jeunes gens vers les arts de décoration; il est naturellement général et théorique et ne peut qu’éveiller la curiosité des élèves. Mais, d’une part, ces travaux d’école ne répondent pas à un programme défini, comme s’ils devaient être réellement utilisés, et, d’autre part, l’enseignement pratique n’existe pas. Le vitrail demande à être étudié dans un atelier de peinture sur verre. Il y a , pour devenir verrier, à apprendre un métier, une technique particulière, et des ressources variées d’exécution.
- Nous ne pouvons qu’enregistrer les promesses que donnent les œuvres exposées ici, et attendre que l’éducation pratique développe les qualités personnelles des jeunes artistes.
- Nous retrouvons plus loin, sous le nom des exposants, les vitraux exécutés par les élèves de l’Ecole.
- Le Jury a décerné un seul grand prix à M. Luc-Olivier Merson. C’est un hommage rendu à l’artiste éminent qui fut l’un des premiers à se passionner pour l’art du peintre-verrier, et qui sut rendre aisée l’exécution de ses cartons, en conformant ses compositions aux nécessités techniques du vitrail.
- Le talent de M. Merson se recommande par la pureté du dessin, l’harmonie des lignes, une plénitude de formes toute classique, autant que par un sentiment tout particulier de la grâce.
- L’œuvre de M. Merson est considérable. Nous rappellerons la Danse des fiançailles dont le dessin est au musée du Luxembourg, — vitrail de M. E. Oudinot, pour M. Van-derbilt; — les charmantes compositions de rondes d’enfants et de sujets de Gargantua; un carton représentant la communion de Jeanne d’Arc—vitrail de M. E. Champigneulle à Saint-Jacques de Compiègne; — trois apôtres d’un grand style pour l’église de Mon-tereau — vitrail exposé par M. Gaudin en 1897 à la Société nationale des Beaux-Arts.
- M. E. Oudinot avait exposé en 1889 deux vitraux d’après les cartons de M. Merson : la Religion, et les Disciples d’Emmaüs, vitrail acquis par le Musée des Arts décoratifs. Nous en avons à la Classe 67 la maquette de coloration et le dessin au cinquième d’exécution, œuvre précieuse, pleine d’expression et de sentiment.
- M. L.-O. Merson est encore représenté à l’Exposition par un vitrail de M. Gaudin : Jésus enfant au milieu des docteurs, et par un vitrail d’appartement exécuté dans l’atelier de M. Delon, et dont nous avons déjà parlé.
- L’artiste tempère sa force d’une exquise suavité, enveloppe sa science d’un grand charme d’émotion naïve. Son talent, souple et délicat, convient essentiellement au
- p.45 - vue 49/484
-
-
-
- 46
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- vitrail; les peintres-verriers sont heureux de proclamer en M. Merson le continuateur des grands maîtres de la Renaissance.
- A côté de M. Merson, il faut nommer MM. Ehrmann, L. et A. Steinheil, J.-P. Lau-rens, Joseph Blanc, Grasset, Besnard, Lerolle, Maignan, artistes dont les projets et cartons de vitraux accusent des caractères différents.
- Nous rappellerons que quelques artistes ont envoyé des maquettes et cartons au Grand Palais des Beaux-Arts. Nous avons remarqué les œuvres de MM. Lionel Royer, 0. Guillonnet et Jacquesson de la Cheyreüse, ainsi que des relevés intéressants de vitraux anciens de Chartres et de Reims exposés par MM. Vasnier et Margotin dans la section d’architecture.
- M. Eug. Grasset est l’artiste qui personnifie le mieux en France les tendances nouvelles. Il a eu chez nous une action très marquée sur l’art décoratif, analogue à celle de W. Crâne et de W. Morris en Angleterre.
- Le point de départ de son esthétique est dans l’étude des arts du moyen âge indiquée par Viollet-le-Duc comme la meilleure école de logique et de rationalisme. Ce sont ces principes que M. Grasset a su avec un sentiment très personnel, appliquer à des œuvres modernes.
- Lorsqu’un besoin naturel de réaction contre le décor modelé, sans interprétation décorative, se fit sentir il y a une quinzaine d’années, l’attention se porta de suite sur le brillant illustrateur des Quatre fils Aymon. Les œuvres de M. Grasset présentent de prodigieuses qualités d’assimilation, une connaissance particulière des anciens styles byzantin, celtique, roman et gothique. Amoureux des détails, et des formules archaïques, il s’attache à morceler les compositions, à les meubler d’accessoires, d’ornements, en accusant les contours d’un trait ferme.
- Comme professeur M. Grasset veut maintenant combattre l’archéologie : il faut bien reconnaître cependant que nul ne fut mieux que lui habile assimilateur des formules anciennes, et qu’il sut de ces résurrections tirer un art personnel, bien à lui, témoins ses compositions pour les fenêtres absidales de l’église de Merville, les vitraux de Saint-Lô, et la suite des vitraux de Jeanne d’Arc.
- A côté de ces œuvres rétrospectives correspondant au style particulier des édifices religieux, M. Grasset fait pour les décorations civiles des compositions d’un très joli sentiment, d’une brillante fantaisie, conçues pour l’emploi des verres de fabrication moderne. On se souvient du Saint-Georges exposé par M. Bégule en 1889, du panneau décoratif exécuté dans les ateliers de M. TifFany, exposé à l’Art nouveau, rue de Provence, du Printemps et de Y Automne exposés par M. Gaudin en 1894 à la Société nationale des Beaux-Arts.
- Nous aurons à examiner ici dans l’exposition de M. Gaudin, de nombreux vitraux faits d’après les cartons de Al. Grasset : la Chasse au sanglier, les figures de Jeanne d’Arc et de saint Michel, un petit vitrail : Harmonie, et un autre très considérable au pavillon de la Chambre de commerce.
- p.46 - vue 50/484
-
-
-
- VITRAUX.
- 47
- M. Grasset expose à la Classe 67 des maquettes et des cartons pour l’église de Merville. Le projet des cinq fenêtres de l’abside est d’une harmonie puissante. La fenêtre centrale représente la Trinité; à la partie inférieure, un ange porte un vase de fleurs. Les fenêtres de côté sont décorées dans la partie supérieure des animaux symboles des Evangélistes, et dans le bas de quatre autres animaux fantastiques, parmi lesquels un paon et une salamandre, dont nous ne comprenons pas bien la signification.
- Les cartons de saint Dominique recevant le Rosaire, de l’Apparition du Sacré-Cœur, de la Vision de saint François et de la Mort de saint Joseph sont des manifestations d’art très réaliste. Le morcellement des pièces nous semble indiqué avec quelque exagération.
- L’œuvre la plus considérable de M. Grasset est l’ensemble du projet des verrières de Jeanne d’Arc (concours d’Orléans, 1895).
- Toutes les qualités de l’artiste se manifestent dans cette suite admirable qui présente un caractère de grande unité, produit A’un art très savant et très étudié. M. Grasset a vécu son sujet; l’exactitude des costumes, des accessoires ne l’ont aucunement gêné; on ne voit pas l’effort, la maladresse, le démarquage du document : tout paraît aisé et naturel. Tout est excellemment compris pour le vitrail : l’échelle des personnages, leurs attitudes vraies et bien lisibles, leur disposition étagée, la clarté des compositions au milieu d’une apparente complication, l’attention étant toujours attirée sur l’héroïne.
- M. Grasset a adopté la convention du style gothique sans concession au goût moderne; c’est ainsi que ses figures sont comme plaquées sur un décor, et ne donnent pas d’ombre portée sur le sol; la coloration des maquettes est si bien comprise que l’on ne s’arrête pas à cette naïve singularité. Les valeurs et l’effet sont donnés par les taches de couleur. La coloration est gaie : beaucoup de blanc, beaucoup de tons rompus et sombres formant une heureuse opposition à quelques tons vifs. Il faut signaler aussi le goût ingénieux de l’artiste dans la composition des à.-jours des fenêtres, meublés de figures allégoriques et d’attributs convenant au sujet de chaque verrière.
- Ges maquettes du concours d’Orléans sont une œuvre complète et de belle tenue. Le Départ de V aucouleurs, Jeanne présentée à la cour de Charles VII, la Délivrance d’Orléans, Jeanne faite prisonnière, le Bûcher sont particulièrement remarquables; toutes présentent les mêmes qualités de composition et de coloration, et les mêmes qualités décoratives essentielles au vitrail.
- M. Marcel Magne expose les maquettes et les cartons de vitraux exécutés par M. Ch. Leprévost à l’église Notre-Dame de Bougival, et à Notre-Dame de Sainte-Croix, à Bordeaux.
- Les cinq fenêtres de Bougival représentent VEnfance de la Vierge, la Présentation de la Vierge au Temple, l’Annonciation, la Naissance du Christ, et 1 ’Assomption. Les fenêtres, de forme romane, étaient très étroites. M. Magne a pris le parti de faire une œuvre moderne, appliquant seulement certains principes essentiels : décor lumineux encadré d’une bordure, la mise en plomb très accusée, le travail de peinture sur verre réduit à une grande simplicité. A part cela, liberté absolue; l’œuvre est franche et hardie. L’ar-
- p.47 - vue 51/484
-
-
-
- 48
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- tiste a laissé de côté tout bagage archéologique. Et c’est ce dont il faut grandement le louer, car l’habitude de faire des pastiches en accord avec le style des édifices fut assurément néfaste : le peintre-verrier a été amené à abdiquer toute personnalité, à perdre toute initiative; son œuvre n’est pas de son temps, ne suit pas le mouvement artistique, l’évolution des autres arts.
- Certes, il faut reconnaître l’utilité des études archéologiques : les peintres-verriers y ont appris leur métier et le sens décoratif spécial au vitrail; mais maintenant il conviendrait de faire des œuvres personnelles, comme ont fait autrefois les artistes du xv° et du xvie siècle dans les monuments plus anciens. L’esprit seul vivifie, et l’esprit c’est l’œuvre de l’artiste, naturelle et exempte de conventions étroites.
- L’œuvre de M. Marcel Magne ne se ressent donc d’aucune formule archaïque; elle est empreinte d’un sentiment très délicat de naïveté, de grâce simple et facile. Les compositions sont bien comprises pour étager les personnages; les figures ont une attitude naturelle sans emphase et sans trivialité. M. Magne a pu, sans gêne, introduire des portraits dans ses compositions. Les formes sont nettement écrites pour la mise en plomb ; nous relèverons seulement quelque complication dans la partie supérieure des fenêtres : les petits anges inscrits dans les cercles n’ont pas bien la liberté de leurs mouvements.
- Les fonds de paysage de la Présentation et de Y Adoration des Mages sont très plaisants. Le décor des bordures, heureusement variées, est inspiré directement delà nature: ce sont des œillets, des roses, des lis, avec leur feuillage de coloration conventionnelle.
- Les maquettes présentent un parti très franc de coloration à dominante bleue et violette; presque pas de rouge; une mosaïque d’harmonie puissante et douce.
- Les maquettes des fenêtres de l’église Notre-Dame de Sainte-Croix de Bordeaux ont les mêmes qualités; le rouge y joue un rôle plus important.
- Les sujets des trois fenêtres sont : Notre-Dame de Sainte-Croix protège les pêcheurs, console les affligés, sauve les mariniers en danger.
- Nous trouvons là un curieux mélange de réalisme et de symbolisme, de choses vraies, d’apparitions et d’éléments de pure ornementation qui déroute quelquefois, les compositions étant très tassées. Ainsi, dans la troisième fenêtre, l’éclair derrière la croix ne se comprend pas bien ; on le prend d’abord pour un motif ornemental; de même, les lambourdes de plafond de la chambre mortuaire du deuxième vitrail. Ces critiques sont de détail. Les auréoles fleuries de la Vierge se confondent avec les crucifix fleuris et les bordures; nous aurions préféré les auréoles d’un seul ton ou ornées d’un décor différent.
- Notons, dans la fenêtre de Bougival, un essai intéressant : pour rendre la transparence des ailes des anges lorsqu’elles se détachent sur un fond solide autre que les parties du ciel, M. Marcel Magne fait passer le fond en filets minces coupant ces ailes dans le sens de leur forme. Ce procédé de division du ton, imité — croyons-nous — des mosaïques anciennes, n’a donné ici qu’un effet neutre, à cause des colorations trop discrètes, mais il conviendrait très bien à de grandes ligures d’une coloration violente.
- p.48 - vue 52/484
-
-
-
- VITRAUX.
- 49
- Les vitraux exposés auprès des cartons et des maquettes montrent les qualités verrières de M. Ch. Leprévost. Il s’est appliqué à rendre exactement la coloration indiquée par l’artiste.
- Les vitraux de Bougival donnent une harmonie de tonalité bleue et violette de grande unité, très douce, vibrante et égayée par endroits par les petits paysages et par les chevelures des anges. Ceux de Bordeaux sont d’harmonie plus hardie, plus colorée.
- Il est agréable de voir une œuvre moderne rendue en observant une telle franchise de procédé, en affirmant surtout le caractère de mosaïque du vitrail. Il semble cependant que le morcellement des pièces est peut-être excessif et contraste avec les parties plus grandes des figures et des vêtements; les bordures sont très subdivisées, et, pour être tout à fait de son temps, le dessinateur aurait à chercher l’économie en même temps que la franchise des moyens.
- Nous louerons M. Leprévost d’avoir conservé ses vitraux clairs, sans atténuer leur éclat par aucune salissure artificielle. Il faut laisser au temps le soin de corriger la vivacité trop grande des blancs et des tons clairs.
- L’exécution laisse transparents les beaux verres employés à la confection de ces verrières; le travail de modelé par teintes plates est très souple : c’est l’œuvre de M. Th. Laumonnerie, excellent artiste dont nous verrons tout à l’heure l’exposition personnelle.
- Dans ces vitraux de Bougival et de Bordeaux, il est difficile de dégager les mérites de M. Leprévost de ceux de M. Magne. Celui-ci a conçu une décoration moderne et peu banale ; le peintre-verrier lui a apporté le secours de ses connaissances techniques, sa grande conscience professionnelle : de leur collaboration est sortie l’œuvre la plus importante de la Section française, celle qui manifeste le plus les qualités de goût, d’harmonie, de distinction de notre art français.
- M. Marcel Magne expose encore les cartons de verrières exécutées pour le pavillon de la Grèce, verrières blanches où le plomb dessine des compositions florales tirées de l’eucalyptus, du ricin, du tabac. Un encadrement discret de feuilles colorées de vigne vierge forme transition entre le bois apparent des plafonds ou bâtis et la fenêtre blanche.
- En utilisant le verre opalisé pour les fleurs et les fruits, le verre coulé pour les feuilles dont les nervures sont redessinées par la grisaille claire, le verre transparent pour les fonds, M. Magne, secondé encore pour l’exécution par M. Leprévost, a réalisé une œuvre décorative d’une grande richesse par des moyens très simples.
- M. Jac. Galland a rassemblé en un vaste panneau d’exposition des sujets religieux variés, d’échelle différente et sans aucun lien entre eux. On y voit un grand crucifix d’or, des figures de sainte Marie-Madeleine et de Jeanne d’Arc, un Père éternel, des anges, des vases de fleurs, des attributs sacerdotaux et des coins d’ornementation pseudo-romane; en bas, le Christ mort entouré d’anges éplorés.
- Tous ces sujets et motifs auraient gagné à être isolés; car, pris séparément, on y trouve des qualités d’ouvrages bienfaits, une exécution consciencieuse et de jolis tons Gn. XII. — Cl. 67. k
- IMPRIMERIE NATIONALE .
- p.49 - vue 53/484
-
-
-
- 50
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- cle verre: l’ornementation de bordure courante qui les encadre donne à l’ensemble une fâcheuse tonalité d’un jaune verdâtre.
- M. Galland montre un talent plus personnel dans ses autres œuvres. La coloration de ses vitraux est puissante et harmonieuse; des effets de grande richesse sont obtenus par l’emploi très heureux des verres américains; l’émail vient aviver certains tons; des cabochons et des verres taillés sont enchâssés dans la mise en plomb.
- Les procédés classiques de la peinture sur verre, employés pour le modelé des figures, ne s’accordent pas bien avec cette technique. L’exécution, très habile, paraît sombre et un peu monotone par un travail régulier de hachures.
- Le vitrail Mater admirabilis, malgré quelques lourdeurs de coloration et de modelé, est une œuvre opulente et splendide. La tapisserie du trône, le vêtement damassé et à plis abondants de la Vierge donnent à ce vitrail un caractère de somptueuse magnificence.
- Deux grands panneaux décoratifs représentent des poissons et un superbe coq, une poule et des poussins dans un paysage hardiment traité. Ces vitraux offrent un très beau parti pris de coloration. La technique est simple et exempte de tout subterfuge. Un panneau représentant un enfant avec une guirlande de fleurs, fragment d’une grande décoration, est aussi très réussi.
- Notons l’emploi très heureux du jaune d’argent pour les vêtements, les ornements, les bordures : c’est un élément précieux dont M. Galland use largement; il obtient des jaunes allant jusqu’au rouge et des tons brouillés par la métallisation d’un effet très curieux. Chacun des vitraux exposés ici présente d’une façon différente les applications du sel d’argent. Dans le vitrail de la Vierge, ce sont des ornements damassés sur un vêtement bleu, et la très jolie bordure en verre blanc laiteux à dessin d’entrelacs sur un fond jaune rouge. La bordure du vitrail des poissons est un décor jaune d’argent et grisaille, où la peinture noire donne par contraste l’impression d’un ton bleu.
- Un autre vitrail, exposé déjà au Champ de Mars, représente une femme debout devant une table, regardant des fleurs : la figure a une fière élégance. La coloration est exquise. La robe blanche de la femme est enrichie d’ornements d’or pâle; son écharpe rose, le tapis bleu de la table sont aussi décorés de nielles dorées; le paravent qui forme fond est dans une gamme sombre, jaune et rouge. Seule, la chevelure n’est pas d’un ton assez soutenu; l’harmonie d’ensemble est puissante et très distinguée.
- M. Galland a encore une deipi-coupole à la Salle des fêtes : l’Occident. Cette verrière, décoration en émail, semble une riche étoffe des Indes; à la hauteur où elle est placée, la délicatesse du travail disparaît, et les formes ne sont pas assez silhouettées.
- Nous voudrions, pour finir, signaler les intéressantes décorations de M. Galland en opaline, emploi du verre en revêtements de murs. M. Galland y déploie des qualités extraordinaires de coloriste; mais ces produits ne sont pas exposés à la classe 67 et sortent du cadre de noire étude.
- M. Félix Gaudin a exécuté le grand plafond lumineux de la Salle des Fêtes. Cette coupole ne mesure pas moins de i,Aoo mètres superficiels. C’était donc un travail
- p.50 - vue 54/484
-
-
-
- VITRAUX.
- 51
- considérable que seul peut-être, parmi les peintres-verriers français, M. Gaudin pouvait entreprendre. Il a déployé une activité d’organisateur remarquable; il a su résoudre toutes les difficultés de montage des panneaux et de pose, et s’est trouvé prêt pour l’inauguration de l’Exposition. Les panneaux, posés à plat, sont soutenus par un grillage, et M. Gaudin a trouvé un système extrêmement ingénieux d’armature faisant corps avec les panneaux. *
- Des verres de toute nature entrent dans la composition de ce vitrail, en majorité du verre cathédrale fourni par la verrerie de Jeumont. L’emploi de ce verre s’imposait pour conserver la translucidité, tout en masquant l’aspect des fermes du vitrage de l’immense Galerie des Machines.
- La composition, indiquée par M. Raulin, architecte de la Salle des Fêtes, représente d’une façon décorative et ornementale le Soleil au centre, irradiant ses rayons dans toute la coupole. Les rayons se partagent en flammes, en fusées, en étoiles, donnant une coloration chaude de tons dorés. Le plafond est coupé par des arcs de cercle se rejoignant en quatre points, aux bords de la circonférence, et figurant une voie lactée de tonalité violette et bleue. De grandes figures, composées par M. Ehrmann, décorent cet espace : ce sont des femmes aux vêtements flottants, portant des cornes d’abondance et des vases d’où s’échappent les étoiles qui constellent la voie lactée.
- M. Gaudin semble avoir apporté quelque timidité — bien compréhensible — dans la coloration de son œuvre. La coloration aurait pu être plus soutenue, présenter des oppositions plus vibrantes, particulièrement dans la dernière zone, à la périphérie. M. Gaudin a préféré faire une œuvre calme, de belle tenue, ayant des qualités d’unité. N’oublions pas d’ailleurs que le grillage, nécessité matérielle, contribue à griser toute l’harmonie du vitrail.
- Les figures de M. Ehrmann ont un grand style. Les attitudes sont variées et très mouvementées. Les vêtements offrent une grande surface d’un seul ton, de même valeur que le fond, et modelé en noir par la grisaille. Au point de vue verrier, nous aurions préféré que les figures fussent très découpées, le dessin des draperies mis en plomb et modelé en couleur par une gamme de tons variés. Nous pensons que l’effet eût été plus hardi et plus neuf. Mais l’artiste a craint, sans doute, que de joyeuses harmonies fussent trop localisées et ne fissent trou dans l’ensemble : il s’est borné aux ressources ordinaires de la peinture sur verre.
- Tel qu’il est, ce vitrail, de dimension exceptionnelle, est une œuvre bien décorative et d’un excellent effet, qui fait le plus grand honneur à M. Gaudin.
- Ce travail, très important, a absorbé toute l’activité du peintre-verrier et l’a empêché d’exposer à la Classe 67 un vitrail que nous attendions : une fenêtre pour l’église de Montmorency représentant les exploits de Mathieu de Montmorency à la bataille de Bouvines, d’après un carton de M. E. Grasset. Cette verrière n’a pu être prête pour l’ouverture de l’Exposition. M. Gaudin a néanmoins une exposition très importante et très variée de vitraux faits d’après des compositions de MM. Merson, Grasset et De-lalande.
- p.51 - vue 55/484
-
-
-
- 52
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- La verrière Le Christ enfant retrouvé par ses parents dans le Temple au milieu des Docteurs, rappelle le sentiment profond et délicat que M. Merson apporte dans ses compositions religieuses. Le vitrail nous paraît de coloration et d’exécution un peu sourdes : la muraille, les sièges, le sol présentent une grande surface grise. L’attention est attirée par l’harmonie curieuse des verres opalescents du dallage.
- Un grand vitrail incolore en style du xne siècle, d’après les dessins de M. Delalande, a déjà figuré à l’Exposition de Chicago et au Salon du Champ de Mars. Au centre est le Christ docteur, figure archaïque d’une jeunesse éternelle; autour de lui sont disposés en croix les attributs des Evangélistes; en bordure, un arbre de Jessé, très fourni et ingénieusement disposé. Ce vitrail incolore, à plusieurs tons de verdâtres, jaunâtres et bleuâtres, est artistement patiné : l’harmonie nacrée, un peu froide, est très délicate.
- Les vitraux dont M. Grasset a composé les cartons ont aussi figuré déjà aux expositions de la Société nationale des Beaux-Arts. Nous regrettons de ne pas revoir ici les gracieuses figures du Printemps et de l’Automne.
- Le vitrail Harmonie est exécuté en verres cathédrale et opalescents ; très sobre de couleur, il est encadré d’une jolie bordure.
- Les figures de Jeanne d’Arc et de saint Michel sont d’un archaïsme modernisé qui manque un peu de franchise. Les compositions sont très symboliques. La Jeanne d’Arc guerrière, par exemple, tient son étendard et foule aux pieds le léopard anglais : on voit, au bas, des silhouettes de lances qui évoquent les combats et les victoires; comme fond, l’arbre en fleurs, un rayon lumineux traversant des nuages pour rappeler les visions célestes, et les flammes du bûcher. Tous ces accessoires, léopard, arbre, etc., sont stylisés; ce qui l’est moins, c’est la figure même de l’héroïne. Il y a quelque désaccord entre les parties peintes et modelées avec souplesse, et les autres parties dont l’interprétation est plus conventionnelle. Certains détails d’exécution devraient être faits plus précieusement, par exemple les fleurs de lis de la bordure, attribut pour lequel il existe une stylisation classique et traditionnelle.
- La Chasse au sanglier est une composition tumultueuse et pittoresque, très morcelée pour former une mosaïque de couleurs. Au premier aspect, tout est confus et enchevêtré; il faut examiner l’œuvre longtemps et en détail pour y découvrir dans tous les coins des choses plaisantes.
- La coloration présente certaines hardiesses, des accords de tons sur tons qui donnent une harmonie nourrie; il y a cependant abus des tons neutres et manque de blanc et de couleurs vibrantes. La même gamme se retrouve dans la bordure. Nous constatons qu’une couche de peinture uniforme a été passée derrière les tons clairs du vitrail pour en unifier l’effet et pour empêcher la vue du vitrage de la fenêtre. Certes, il est peu agréable de voir un vitrail partie sur le ciel et partie sur un fond opaque, de voir surtout des bâtis de bois couper une composition; mais cet à-plat de peinture est plus funeste encore : il donne à l’œuvre l’aspect d’un store. On reconnaît par endroits, là ou ce badigeon a été écorché, le ton du verre antique, de brillant et joyeux éclat.
- La conception de vitrail qui nous est présentée ici est un peu absolue : elle exalte
- p.52 - vue 56/484
-
-
-
- VITRAUX.
- 53
- la composition et la coloration, mais réduit à presque rien le rôle du peintre sur verre. L’exécution est monotone et la meme partout : les terrains lointains ont les mêmes détails que ceux du premier plan; la facture est toute en petits traits, menue et égale.
- Nous avons encore à examiner un grand vitrail exposé au Champ de Mars, au pavillon de la Chambre de Commerce de Paris, Le Travail, par l’Industrie et le Commerce, enrichit l’Humanité.
- La composition est simple, mais encombrée d’accessoires. Trois figures. Le Travail, représenté par un idéal forgeron appuyé sur son enclume, surveille l’accord de l’Industrie et du Commerce, personnifiés par deux femmes. La figure du Commerce, en robe jaune, est assise; l’Industrie, belle jeune fille debout, lui présente un globe de verre; son vêtement bleu est semé de besants qui sont des engrenages, sa coiffure en est ornée également. Dans un grand désordre sont déposés sur le sol des lettres, une presse à copier et des ballots de marchandises. Le paysage au ciel d’or nous fait voir un fleuve jaune, des bateaux, un remorqueur, une grue, une locomotive quittant une gare, et, à l’horizon, toute une ville industrielle aux cheminées d’usines qui fument. Cette partie supérieure de la composition est très heureusement traitée.
- Une large bordure encadre le sujet central. Des femmes à chevelure uniformément rouge, vêtues de tuniques jaunâtres, représentent — des inscriptions aident à la clarté du sujet — la richesse, l’indépendance, la force, la prospérité, les chemins de fer et la navigation, le télégraphe et le téléphone, le gaz et la lumière électrique; elles sont accrochées, en des poses variées, à une robuste guirlande de plantes diverses, aux fruits rouges, dont le nom est écrit sur le filet extérieur : pommier, thé, cacao, vigne, betterave, etc.
- Cette seule description montre suffisamment combien M. Grasset a dû dépenser de talent et d’ingéniosité pour se tirer d’un programme aussi ardu et ingrat. L’œuvre est curieuse à ce titre, et aussi par son modernisme. Constatons dans le coloris l’absence de blanc, remplacé par des gris et des jaunâtres, et la même exécution impersonnelle que nous avons déjà signalée.
- Une médaille d’or a été décernée à M. Lucien Bégule, le distingué peintre-verrier lyonnais.
- Cinq vitraux de genres différents sont exposés à la Classe 67.
- C’est d’abord la Légende de la licorne, de M. E. Delalande. Nous empruntons à M. l’abbé Bouxin (Etude sur la cathédrale de Laon) l’explication symbolique de cette fable : «Les auteurs anciens, les bestiaires du moyen âge, nous apprennent que la licorne ou monocéros était un animal fabuleux, à corps de cheval, à pieds d’éléphant, à tête de cerf et armé sur le front d’une corne unique. Douée d’une force étonnante, elle ne se laissait prendre vivante que par une vierge, qui seule avait le pouvoir de la charmer et de l’enchaîner. De tout temps, la licorne fut regardée, à cause de sa prodigieuse vigueur, comme le symbole de Jésus-Christ, qui est tout puissant, et la vierge qui l’attire et s’empare d’elle, comme la figure de la bienheureuse Vierge Marie, qui,
- p.53 - vue 57/484
-
-
-
- 54
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- par son incomparable pureté, attira le Fils de Dieu en ce monde et eut l’insigne honneur de devenir sa mère. »
- La composition présente au centre l’Annonciation, un peu écrasée par l’encadrement. C’est celui-ci, il est vrai, qui est le sujet du vitrail. C’est un décor ingénieux de missel, une chasse fantastique parmi des rinceaux au feuillage de chêne et de marronnier. Le vitrail est traité en style du xve siècle; quelques tons très clairs, jaunâtres, verdâtres, constituent une grisaille colorée. Les figures et les ornements se détachent sur un fond jaune éclatant. Ce ton de fond est partie en verre américain, partie en verre soufflé taché de jaune d’argent. L’exécution est faite avec grand soin.
- La Chasse de saint Hubert, carton de M. Grasset, est un vitrail de toutes couleurs. Le sujet a un charme séduisant. Le cavalier, le cerf, les chiens, le paysage aux masses sévères et aux luxuriantes frondaisons évoquent tout un passé de légendes religieuses et poétiques si complaisamment traitées par les anciens maîtres. La composition de M. Grasset nous montre ses habituelles qualités de décorateur et de verrier. Le vitrail, sobrement modelé, est une franche mosaïque, de couleurs harmonieuses et bien réparties.
- Le vitrail de Loïse Lahhè, poétesse lyonnaise, retient le spectateur par l’élégance de la composition et la délicatesse du dessin. La figure se détache en clair sur un fond de paysage aux lignes harmonieuses. Un arbre, des fleurs, un paon aux belles colorations complètent le décor du premier plan.
- Les autres vitraux exposés par M. Bégule (le Sacré-Cœur, sainte Anne) se font remarquer par une facture irréprochable, d’une perfection presque monotone.
- Nous retrouvons maintenant M. Th. Laumonnerie , dont nous avons déjà parlé à propos de l’exécution des verrières exposées par M. Leprévost.
- M. Laumonnerie est un de nos plus habiles peintres sur verre, possédant toutes les factures classiques : un vitrail d’appartement traité en grisaille, des portraits d’enfants, le portrait de M. Leprévost, des têtes d’étude, morceaux d’exécution intéressants, des petits vitraux suisses et des médaillons Renaissance d’un métier facile et spirituel attestent la diversité et la souplesse de son talent.
- L’artiste montre sa réelle personnalité dans d’autres œuvres plus modernes. Il ne cherche pas, dans les verres spéciaux qui ont apporté un si grand bouleversement dans notre esthétique verrière, un moyen facile de composer un vitrail par le seul choix intelligent de riches matériaux. Certes, il aime le verre, mais il aime aussi le travail d’ouvrier; il obtient de l’emploi de l’acide fluorhydrique des effets surprenants.
- L’œuvre capitale de son exposition est intitulée : Souvenir déautomne. C’est une figure dans un paysage avec une bordure d’encadrement. Le ciel jaune, les arbres violets, le rapport du sol brun et des feuilles mortes composent une harmonie douce et calme, aux tons chauds et discrets; la nature est interprétée simplement et décorativement. La robe verte de la jeune femme est d’un ton solide et laiteux dans lequel le peintre-verrier a dégagé, à l’acide, des ornements blancs; le. verre n’est mordu qu’à moitié, et le décor, délicieusement nuancé, se silhouette à peine, donnant un effet extrêmement
- p.54 - vue 58/484
-
-
-
- VITRAUX.
- 55
- délicat et distingué, de technique précieuse. Les rapports de couleur sont très justes. Le vitrail est traité en matière transparente : quelques traits de grisaille suffisent pour accentuer le dessin.
- Dans la bordure dominent le bleu et le vert. M. Laumonnerie semble rechercher cette harmonie; il la présente encore dans un vitrail d’appartement, des iris, où le bleu est adopté comme ton conventionnel des feuillages.
- Un grand Saint-Jean, inspiré du tableau d’Albert Dürer de la Pinacothèque de Munich, est exécuté sans peinture. Les vêtements, le fond, l’encadrement sont dessinés par le plomb ; les carnations seules sont peintes et modelées. Ce vitrail offre un mélange un peu brutal de verres antiques et de verres américains. Le manteau rouge se modèle puissamment par une gamme variée de verres découpés, mais le ton bleu de la robe paraît trop cru. L’œuvre demanderait à être vue à une grande distance pour être bien jugée. Cependant, nous pensons que cette tentative intéressante ne peut constituer une formule vraie du vitrail. M. Laumonnerie est trop excellent peintre-verrier pour vouloir méconnaître l’utilité de la peinture en grisaille, quand ce ne serait que pour engraisser par endroits le dessin du réseau de plomb et pour donner à l’œuvre une tenue d’ensemble, une unité de technique indispensable.
- Nous avons encore à examiner des paysages, petits tableaux obtenus par la mise en plomb de morceaux de verres américains choisis avec art. Pour rendre des effets de nature, un ciel nuageux ou pluvieux, la mer, des falaises, des terrains, M. Laumonnerie assemble des verres en utilisant leurs veines, leurs stries, leur nature opaline; quelquefois il use —avec quelle dissimulation ! — des ressources de la gravure ou de la peinture sur verre pour compléter l’effet désiré : il importe que le métier soit caché, que tout paraisse obtenu uniquement par la variété de fabrication des verres employés. Le résultat est amusant et fort prisé des amateurs.
- Signalons enfin un paravent la Vigne, où sont rassemblées toutes les qualités de l’artiste : disposition ingénieuse du décor, harmonie des lignes, métier souple et facile.
- Dans la classe du mobilier*sont encore deux vitraux de M. Laumonnerie, exécutés d’après des compositions de M. Simas. C’est un décor de forêt, aux colorations chaudes, sur lequel sont semées des devises d’un aspect un peu archaïque.
- Une maquette de M. Marcel Rouillard retrace, en compartiments de vitraux légendaires, la vie publique du Christ. Le vitrail, destiné à la cathédrale de Châlons-sur-Marne, a été exécuté par M. Leprévost; il complète une série de vitraux du commencement du xvie siècle, et l’artiste s’est attaché à rester dans le caractère de l’époque. Il n'a pas hésité à prendre à Albert Dürer la composition du Noli me tangcre, et nous ne l’en blâmerons pas, parce que ces emprunts sont dans la tradition des artistes de la Renaissance et que ce n’est pas de sa part paresse ou manque d’originalité, mais l’affirmation de son but et un contrôle pour s’efforcer de donner à ses compositions personnelles le style et l’esprit des œuvres du xvic siècle.
- p.55 - vue 59/484
-
-
-
- 56
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- L’exposition cle M. RouiHard eût été plus complète s’il nous avait montré quelques cartons. Il s’en est défendu, les estimant trop peu faits, chargés de repentirs, de corrections sur calques, d’indications trop sommaires ; pour lui, ce n’étaient pas des œuvres à montrer au public.
- Nous regrettons cette réserve.
- Si l’onlretrouvait les cartons qui ont servi aux peintres-verriers du moyen âge et de la Renaissance, on n’y verrait vraisemblablement que des indications de construction. Lorsqu’un artiste a confiance dans son collaborateur, qu’il le sait capable de trouver une interprétation intelligente, il peut se dispenser de faire sur papier un travail inutile, un rendu. En fin de compte, le carton n’est que le thème; l’œuvre est le vitrail. Plus une œuvre d’art prend sa forme définitive, plus elle doit se corriger, se perfectionner; et pour cela l’exécutant doit et avoir du talent et garder une certaine liberté.
- C’est pour bien affirmer ce principe que nous aurions souhaité avoir à la Classe 67 des cartons inachevés de M. Rouillard et d’autres artistes. Nous avons vu, à un salon du Champ de Mars, un vitrail de M. Carot, destiné à l’Hôtel de Ville, et, à côté, le carton de M. Besnard, simple notation exquise et spirituelle, œuvre enlevée rapidement , laissant une part très large à la personnalité du traducteur. L’artiste n’avait pas craint que le verrier pût trahir son œuvre. L’examen comparatif du carton et du vitrail présentait un grand intérêt : on avait le sentiment que la collaboration ainsi entendue était féconde, que chacun apportait sa part de talent à l’œuvre commune.
- Nous comprenons cependant qu’un artiste veuille donner à son dessin une forme parfaite, finie, lorsqu’il désire l’exposer. Cela est surtout nécessaire pour un carton de restitution archéologique, comme celui de M. Eugène Fauquet.
- A la fois dessinateur et peintre-verrier, ce consciencieux artiste possède admirablement les styles et s’est fait une juste réputation parmi les professionnels dans ce genre spécial. Son carton, pour une fenêtre de la cathédrale du Mans, est du pur xne siècle. Les médaillons, bien remplis, les ornementations sévères ont le caractère des belles œuvres de cette époque.
- Il expose également un vitrail Renaissance : le Martyre de saint Laurent, destiné à l’église Saint-Antoine de Rochefort, à la Ferté-Bernard. Le voisinage des panneaux du xvie siècle exposés à la section rétrospective nous servira à appeler l’attention de M. Fauquet et des peintres-verriers en général, sur l’intérêt qu’il y aurait à réclamer des verriers la fabrication de verres de couleur reproduisant la palette ancienne. Quelques tons crus, notamment des verts et des pourpres, comparés aux mêmes couleurs des panneaux anciens prêtés par M. Babonneau, font regretter que nous n’ayons pas l’emploi assuré et courant de beaux verres antiques analogues à ceux des anciennes verrières.
- Nous remarquons que les inscriptions au bas du vitrail sont peintes à l’envers du verre. Ce nous semble une subtilité si c’est pour adoucir la sécheresse du trait, et une chose illogique quant à la difficulté du travail calligraphique.
- M. Émile Ader avait fait annoncei au Catalogue une grande verrière Regina confes-sorum, destinée à la basilique de Fourvière, à Lyon. Cette œuvre importante n’a pu être
- p.56 - vue 60/484
-
-
-
- VITRAUX.
- 57
- achevée pour l’ouverture de l’Exposition. L’artiste n’est représenté ici que par un petit panneau, deux figures dans un paysage des bords de la Bièvre. Il se dégage de l’œuvre une impression très fraîche, d’un modernisme aimable.
- Le peintre-verrier a trouvé une exécution spéciale, très fantaisiste, très souple,pour rendre des effets de nature subtils et vaporeux. La coloration est délicate et remarquable par l’observation juste des valeurs et des plans; le verre garde partout sa transparence. M. Ader montre qu’il peut se jouer de toutes les difficultés, grâce à sa connaissance parfaite de toutes les ressources du métier.
- L’Orient, est le thème développé par M. Henri Carot, dans une demi-coupole de la Salle des Fêtes. Deux oiseaux et un massif de chrysanthèmes constituent tout le décor. La composition paraît trop grande d’échelle pour être vue des gradins et de la galerie. Le vitrail est exécuté en verre-cathédrale et simplement peint au trait.
- M. Carot a fait toute la vitrerie de la salle d’auditions et de concerts de la Classe 17 (Champ de Mars). Une ornementation courante décore toutes les haies, quelques-unes de forme assez ingrate. Un vitrage plus important montre des petits amours jouant dans des guirlandes de fleurs sous un vélum tendu : vitrail un peu décoloré, dont il est difficile d’apprécier les qualités d’exécution à la hauteur où il est placé.
- M. Carot a disposé, dans deux fenêtres de cette salle, les vitraux qu’il avait exposés en 1891 au salon de la Société nationale des Beaux-Arts, vitraux très intéressants qui lui avaient valu d’emblée le titre de sociétaire.
- Nous sommes heureux de les revoir ici et de pouvoir les analyser.
- Ils sont exécutés en verre américain et en verre cathédrale et reproduisent des compositions de MM. Besnard et Lerolle, que le peintre-verrier a eu le talent de traduire fidèlement, en respectant la personnalité de chacun de ces artistes.
- Les sujets sont très modernes. Le Buffet est le titre de la composition de M. Besnard. Des femmes, des jeunes tilles et des messieurs sont rassemblés autour d’une table chargée de fruits et de rafraîchissements. Toute une partie nature morte a dû amuser énormément l’artiste et le peintre-verrier : c’est un assemblage de très belles couleurs donnant décorativement le ton et la valeur des objets; les verres gravés, les applications de jaune d’argent y sont utilisés avec adresse. Les personnages sont exécutés au trait un peu brutalement, avec des accentuations très fortes. L’œuvre affirme une volonté très nette de tirer tout l’effet uniquement de l’harmonie des couleurs des verres, sans user du modelé. La coloration est franche et gaie.
- La Toilette, de M. Lerolle, est traitée avec plus de souplesse; les moyens de traduction sont plus raffinés.
- M. Carot sait employer les verres dits américains sans qu’ils fassent trou dans le vitrail. C’est qu’il ne leur demande pas d’effets exagérés d’éclat et de puissance; il les harmonise au contraire avec le verre coulé ou cathédrale, et les accorde avec l’exécution en grisaille.
- Un modelé transparent enveloppe les figures, relevé de touches de peintre d’une facture bien moderne : notons particulièrement la tête de l’enfant comme un excellent
- p.57 - vue 61/484
-
-
-
- 58
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- morceau. Pour donner plus de fondu à son travail d’exécution, le peintre-verrier a appliqué dans certains cas le modelé et les traits sur la face extérieure du verre ; les vêtements, le vase de fleurs et tout le mobilier, la table, la lampe, la psyché sont excellemment rendus. L’harmonie est très douce; l’enfant, en robe rouge, et coiffée d’un chapeau vert sombre donne, avec le vêtement noir de l’homme, la note vigoureuse nécessaire.
- Ces vitraux, vieux de près de dix ans déjà, sont les plus modernes delà Section française ; ils attestent les qualités de goût et de mesure alliées à la plus exquise fantaisie.
- M. Carot a fait également la vitrerie de deux lanterneaux de l’Aquarium de Paris (Cours-la-Reine, dans l’espace qui sépare les deux grandes serres de l’Horticulture). Ces vitraux sont faits pour donner dans la journée un effet extérieur, sans transparence, et la nuit un effet lumineux également agréables. L’intérêt de cette décoration en verre réside surtout dans la difficulté, heureusement résolue, du montage de panneaux cintrés; au sommet de chaque lanterne, deux panneaux se rejoignant constituent une sphère, qui s’éclaire le soir intérieurement. Rappelons que M. van der Poorten a obtenu, comme collaborateur, une médaille de bronze.
- M. Henry Coulier a exposé dans l’escalier de l’ancienne Galerie des machines, faisant face à l’Ecole Militaire, un vitrail qui attire notre attention.
- Ce vitrail se trouve placé à côté du Char du Soleil, qui avait valu, en 1889, à Mme veuve Lorin, de Chartres, une médaille d’or.
- M. Coulier a pris pour thème : le Poète. «Une tradition rapporte que Dante eut l’idée de son Enfer en errant dans les ruines du Colisée. 33 Ce sujet aurait pu présenter dans les cercles de l’Enfer correspondant aux étages des gradins du cirque, une composition pittoresque ; M. Coulier a préféré l’entendre d’une façon moins littérale et plus large. Dante est touché au front par une ligure ailée, la Muse ou le Génie; il est entouré de visions rappelant les épisodes principaux de son poème : ce sont la panthère et Virgile, Francesca de Rimini couchée sur le sol et laissant échapper le livre d’amour; on voit plus loin les tombes embrasées des hypocrites. Au premier plan se tient, à l’entrée de l’Enfer, une femme bleue, énigmatique, enlacée de serpents. La composition paraît décousue : les ligures sont isolées et n’ont pas de lien entre elles ; mais de cela même résulte une impression de simplicité.
- Il est regrettable que l’œuvre ne soit pas terminée. La bordure n’est pas faite, et l’encadrement ancien de la baie, vert clair, sert mal la composition.
- La coloration a des qualités peut-être excessives de franchise et de vigueur. L’exécution est large et offre un grand intérêt pour nous. Le verre est absolument dépouillé dans les lumières; le modelé, énergique et brutal, est quelquefois trop poussé au noir; mais il présente des factures variées, appropriées à la nature différente des objets. M. Coulier emploie des grisailles très fluides et d’une belle qualité, un ton rouge de «Jean Cousin 33 très pur. Ces grisailles modèlent diversement les verres de couleur, avivent certains tons, modifient même leur coloration : la panthère, les troncs d’arbres, les architectures, les carnations sont autant d’exemples montrant les ressources de la pein-
- p.58 - vue 62/484
-
-
-
- VITRAUX.
- 59
- ture sur verre. Nous signalerons particulièrement l’emploi des teintes plates qui donnent ici un modelé solide et hardi, atténuant quelques imperfections de dessin.
- Ce vitrail est l’œuvre personnelle d’un artiste, dont le talent ne peut être accepté qu’en bloc, av*ec ses qualités et ses défauts.
- Trois fenêtres du Pavillon de la Presse sont décorées de vitraux de M. Albert Gsell. Ce sont des scènes rustiques, vendanges, repos, danses champêtres et baignades, d’un caractère simple et original. Les petites compositions des seconds plans sont très bien traitées. La coloration est en verres clairs; il manque peut-être quelques taches puissantes qui auraient donné une harmonie plus variée. Ces vitraux sont largement peints, d’une facture souple, qui ne manque pas de saveur ni d’esprit et qui est bien appropriée aux sujets.
- M. Gustave Dupin, de Versailles, expose une Tête de Christ, d’après la description que Lentulus, consul romain, envoya au Sénat; ce document servit à fixer le type adopté par les artistes byzantins et devenu traditionnel. L’œuvre de M. Dupin a un caractère d’énergie excessif, la mise en plomb accuse fortement les traits; la chevelure et la barbe sont découpées dans un verre rouge gravé.
- Le grand paysage de Madagascar, d’après le carton du commandant L. de Mondésir, est une belle œuvre décorative. C’est, une immense végétation, d’un beau style, et qui reste réaliste. Le motif principal est fourni par un gigantesque bananier, présentant une belle variété de verts, — quelques-uns un peu crus — la note est puissante et richement accompagnée par d’autres colorations de plantes exotiques. Tout est énorme et robuste : de grandes feuilles ont des nervures blanches mises en plomb. La composition est bien tachée par des valeurs sombres; les fleurs des végétations fournissent quelques points rouges.
- Le premier plan est fermé par un rideau de joncs d’un excellent effet; plus loin, une île, langue de terre aux harmonies vert clair et jaune. A l’horizon se silhouettent des montagnes roses et violettes. Le ciel bleu est coupé de nuages orange.
- La bordure aux fleurs de liane, d’une grande simplicité, forme un très bel encadre ment à la composition. Le fond noir lui donne un aspect très coloré et très particulier.
- AL Dupin a eu le tort de passer sur son vitrail transparent un ton de peinture générale pour masquer la vue des bâtiments du Trocadéro. Ce procédé semble être une tradition chez beaucoup d’excellents peintres-verriers.
- Nous revenons au vitrail d’église avec le Mariage de la Vierge, exposé par M. Hucher fils, du Alans. La composition dans le style du xve siècle, est de M. Delalande. Cette verrière est d’un aspect agréable. L’ordonnance en est simple; le dessin est précieux, avec des formes maigres assez élégantes, mais quelques figures n’ont pas bien le caractère des types de l’époque. La coloration est harmonieuse; elle paraît manquer de blancs et n’a pas assez de ces belles valeurs sombres qui tachent si énergiquement les vitraux de la fin du xve siècle. L’œuvre est très honorable et se distingue par le souci de la vérité archéologique, la richesse des damas et le soin de l’exécution.
- C’est encore de M. Delalande que sont les cartons de plusieurs vitraux exposés par
- p.59 - vue 63/484
-
-
-
- 60
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- M. Haussaire, de Reims. Les compositions destinées à l’église Saint-Pierre de Neuilly sont du xiie très modernisé. Les figures ont une apparence grêle, d’un gothique de convention. La coloration est sans vigueur, quelques verres américains contribuent à donner à ces vitraux un caractère fantaisiste.
- La Messe de saint Martin et le Repas de saint Martin chez l’Empereur sont des œuvres bien supérieures (exposées à la Classe 66, Arts religieux). Les compositions sont ingénieuses, bien meublées; les figures ont un caractère expressif; les verrières sont colorées dans une bonne gamme et exécutées avec un soin attentif.
- Deux autres fenêtres sont des productions plus courantes. Dans l’une, le Christ chasse les vendeurs du Temple. La composition est animée et ne manque pas de style : un personnage est emprunté à Lesueur. La coloration est soutenue et hardie, mais un peu lourde. L’autre fenêtre représente une Adoration des Mages.
- M. Haussaire, de Lille, expose un petit panneau qui est au tiers ou au quart le projet d’une grande verrière : Le Couronnement de la Vierge. Nous n’insistons pas sur le caractère illogique de cet essai : un vitrail, plus que toute autre œuvre décorative, n’existe que dans sa dimension réelle.
- La Décoration est précisément le titre d’un vitrail civil intéressant; c’est une grande composition de décorateur, d’un dessin facile. La tonalité générale est tendre et agréable ; elle gagnerait peut-être à avoir une opposition plus forte dans les deux taches de couleur rouge et bleue des grandes draperies.
- M. Dandois est un homme d’un autre âge. 11 apporte au travail d’exécution une conscience excessive digne des peintres-verriers suisses et hollandais du xvne siècle.
- Il fait appel, pour ses vitraux, d’une minutie extraordinaire, à toutes les ressources de la gravure et des émaux. Un grand paysage fantaisiste, aux plantes multicolores, encombré d’oiseaux, de papillons, de rongeurs, de grenouilles, offre un séduisant ragoût de couleurs. M. Dandois est un patient chercheur. Il a inventé un montage spécial pour la restauration des petits panneaux anciens. Il a inventé les vitraux stéréoscopiques, superposition de deux verres peints chacun sur les deux faces, ce qui permet des effets de plans et de perspective : il expose dans ce genre des médaillons-proverbes du xvn° siècle, des chasses, un décor sous-marin. Il expose enfin un vitrail sur mica vitrifié, curiosité plutôt scientifique.
- Signalons également ses relevés de vitraux anciens, poussés à un degré de perfection inouï, reproduisant, avec tous leurs détails de facture, des fragments de toutes les époques.
- M. Léon Fargue a une merveilleuse palette d’émaux, qu’il applique aux vitraux d’appartement. Il expose une grande végétation, décor léger, peint sur verre cathédrale découpé en rectangles; un autre vitrail représentant un paon blanc, et surtout trois petits panneaux carrés d’une seule pièce, entièrement couverts d’émail, d’une somptuosité magnifique. L’émail, ainsi employé, est une belle matière, et constitue une décoration du verre bien spéciale. M. Fargue sait habilement opposer les valeurs, et distribuer les tons éclatants.
- p.60 - vue 64/484
-
-
-
- VITRAUX.
- 61
- M. Louis Trf'zel expose également des émaux. Un grand panneau représentant des poissons, un crabe et des végétations sous-marines est d’une belle couleur.
- M. Trézel expose encore un Saint-Hubert, vitrail d’église tout noir, et des vitraux civils extrêmement fantaisistes. C’est d’abord une femme qui tient un corbeille de fruits et regarde un paon; composition et coloration ont le caractère un peu factice d’une illustration ou d’une affiche. Est-ce une gageure que cet autre vitrail qui montre une dame en grande toilette et un monsieur en habit noir dans une loge, assistant à une scène de cirque, avec un décor de féerie?
- De telles fantaisies ne peuvent se justifier, même par une exécution très habile. Mieux vaut, semble-t-il, s’appliquer à l’étude des compositions et de la bonne technique des vitraux.
- M. Henri Robin a envoyé trois panneaux d’une exécution solide et robuste, une Salomé, une Judith bien réalistes, et une Glorification de Jeanne d’Arc un peu ampoulée.
- Le Jury a décerné un rappel de médaille d’argent à M. Ch. J. Vantillard pour ses vitraux d’appartement. Ce peintre-verrier reste fidèle au vitrail de genre, aux ornementations compliquées, aux petits sujets exécutés en émail. Tout cela est peint avec délicatesse et préciosité.
- Il nous reste à voir dans la section française beaucoup d’œuvres intéressantes.
- M. Ch. Pizzagalli cherche les combinaisons de techniques variées; son exposition mérite un examen attentif.
- La peinture sur verre y est représentée par un vitrail grisaille : une figure bien drapée dans un encadrement de bordure Renaissance.
- Une Mauresque offre un mélange des procédés de la peinture sur verre, de la gravure, des émaux et l’emploi des verres américains. Le panneau représentant un paon est au contraire très franc de procédé : l’assemblage harmonieux des verres de couleur simplement mis en plomb donne un résultat excellent ; des cabochons ajoutent à la richesse du décor. La bordure a quelques tons trop vifs.
- M. Pizzagalli exécute en «mosaïque de verre » des panneaux d’ornementation d’une jolie couleur, montrant un intelligent métier de mosaïste. La disposition des cubes de verre est adroite et digne d’éloges.
- Une grande figure de Christ est d’un caractère barbare et imposant, qui s’accorde bien avec cette technique. L’encadrement est agréable, les quatre médaillons, Symboles des Evangélistes, sont particulièrement bien interprétés. Un dernier vitrail représente une femme dans un parterre de fleurs. Le mélange de verres américains, de verres gravés à l’acide et des procédés de mosaïque et d’exécution en peinture donne ici un résultat moins heureux. La figure traitée en mosaïque paraît grise parce quelle se détache sur un fond clair et uni, et tout le devant de la robe, en verre américain d’un seul ton, paraît trop nu à côté des détails voisins. Signalons la jolie harmonie du bouquet de fleurs.
- p.61 - vue 65/484
-
-
-
- 62
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- M. Pizzagalli expose également des maquettes de vitraux qui présentent, dans un décor un peu menu, de nombreux emprunts faits aux compositions des maîtres italiens.
- MM. Audra et Thomas, de Valence, ont envoyé une grande verrière : le Paradis terrestre. Le carton vaut mieux que le vitrail : des valeurs y sont indiquées que le peintre-verrier n’a pas observées; l’abondance, le grouillement amusant du dessin ne sont pas parfaitement rendus. Le vitrail est inégalement coloré, malgré certaines parties très riches (^l’oiseau dans la partie supérieure) ; la composition n’est pas lisible, les ailes du démon, par exemple, sont du même ton que le tronc d’arbre, les feuillages ne se silhouettent pas sur le ciel; enfin, l’exécution est trop simplifiée et les figures manquent d’expression.
- Les vitraux d’église : Jésus doctor et la Vierge offrent des défauts analogues: il y a là une exagération de facture sommaire, même pour des vitraux devant être vus à une grande distance.
- Un petit vitrail de M. Echivard, du Mans, est exécuté avec une conscience infinie : c’est le portrait d’un enfant appuyé aune balustrade, avec un fond de parc. L’ensemble manque de simplicité; chaque chose est faite pour elle-même, très précieusement. L’artiste a commis une erreur décorative, en variant tous ses chrysanthèmes (délicatement travaillés à l’acide) et en adoptant pour les feuillages plus de dix verts différents. Il n’est pas nécessaire d’étaler tant de ressources, ni de mettre des détails dans toutes les parties d’un vitrail. Quelques peintres-verriers conservent comme une tradition de vertu professionnelle ce souci de perfection.
- C’est ainsi que M. Antoine Bernard, de Grenoble, expose une Muse des Alpes d’une exécution irréprochable, compliquée à plaisir d’ornements enlevés à l’acide dans les draperies, d’émaux dans le rendu du paysage. Son panneau d’ornements et de fleurs est aussi d’un travail trop appliqué. Un vitrail d’église, médaillons du style xmc siècle modernisé est finement travaillé, dans une harmonie douce et délicate. Les couleurs bleue et rouge donnent une note peu agréable dans le vitrail de N.-D. des Grâces, et empêchent d’apprécier les qualités de l’œuvre.
- Le vitrail du xiie siècle de M. Louis Tabouret est d’une harmonie puissante ; les couleurs sont heureusement réparties et d’une belle qualité, sauf un pourpre clair et quelques bleus clairs. Les médaillons sont bien composés, le caractère du style bien observé.
- L’ Annonciation de M. Julien Vincent est la reproduction en vitrail d’une gravure du xvie siècle. Ce panneau est habilement exécuté en grisaille et jaune d’argent. L’artiste, pour faire valoir les figures de l’ange et de la Vierge, a passé une teinte sur tout le reste de son vitrail : c’est une mise à l’effet qui marque une préoccupation inconnue des anciens verriers.
- M. Fernand Rosey expose un Sacré-Cœur et un Christ en croix, œuvres consciencieuses d’une facture peut-être trop appliquée et des vitreries modernes ingénieusement combinées. Signalons également un décor japonais de M. Dupleix, de coloration gaie,
- p.62 - vue 66/484
-
-
-
- VITRAUX.
- 63
- sauf le fond bleu de la vitrerie qui aurait d’ailleurs gagné à être coupée simplement en rectangles.
- De M. Augustin Bruin : le Repos après l'étude, vitrail pour la villa scolaire du vn° arrondissement à Saint-Germain-en-Laye. Le sujet n’a pas été traité avec toute la fantaisie désirable et l’exécution est un peu poussée au noir. Une fenêtre de salle à manger est un décor discret de vitrerie simple, avec un encadrement à dominante bleue.
- Le Saint Martin de M. Georges Beltrand est un envoi très intéressant. L’œuvre a des qualités de franchise et de jeunesse. La gamme de couleur est très heureuse : notons particulièrement le violet clair du manteau du mendiant, ton très fin et délicat; la tête du cheval et sa crinière tressée est un morceau superbe.
- Il faut regretter seulement que le bas du vitrail ne soit pas très lisible. On comprend mal le mouvement du pauvre, agenouillé et à moitié recouvert du manteau que le saint partage avec lui. Mais M. Beltrand est un verrier; son essai est une œuvre sincère et pleine de promesses.
- Les Quatre Saisons de Mmc Juliette Milési, de l’école Guérin, sont des figures gracieuses rappelant les illustrations d’almanachs du Kate Greeneway. La coloration paraît un peu triste et monotone, mais une couche uniforme de peinture doit y contribuer pour une large part. Quelle idée d’éteindre ainsi la transparence du verre! Notons la
- préoccupation de tout styliser, les arbres, les nuages, les flammes du foyer de l’hiver.
- Ce procédé donne une facture identique à toutes choses, et, cleplus, la coloration présente les mêmes tonalités pour les nuages du ciel que pour les terrains et les objets solides, ce qui entraîne quelque confusion. Les panneaux d’impostes— fleurs et fruits — sont bien tachés. Les animaux des impostes du bas, symbolisant les saisons, rappellent l’encadrement de la Chasse de M. Grasset.
- Nous connaissions déjà, pour l’avoir vu au salon de la Société nationale des Beaux-Arts, un vitrail de M. Bourgeot représentant une femme courant dans un champ de fleurs. La coloration est puissante et d’une belle harmonie. Les tons du ciel et de la montagne de fond demanderaient seulement à être plus à leur plan. Ce vitrail est bien exécuté, avec un curieux et délicat travail de gravure à l’acide. M. Bourgeot a peut-être eu tort d’envoyer deux autres vitraux : une vitrerie compliquée et une fenêtre représentant une femme et un enfant dans un jardin. La composition semble banale et la technique imparfaite : la robe rouge de la femme, gravée de points blancs, est retouchée à froid.
- La composition de M. Gustave Lorain, —un Concert de jeunes filles —est un peu ramassée, et grande d’échelle dans le cadre. Les figures ont un sentiment gracieux; certains rapports de tons sont jolis. Le carton montrait quelque inexpérience de la technique du vitrail par l’indication de coupes à rentrées et saillies dangereuses qui ont été corrigées dans l’exécution du panneau.
- Mentionnons, parmi les vitraux de M. Joseph Guillemin : un seigneur et une dame moyen âge au balcon qui ont dans leur lourdeur un certain caractère, et un curieux médaillon xvs siècle, Y Adoration des Mages; les petits vitraux et vitreries de MM. Brière et
- p.63 - vue 67/484
-
-
-
- 64
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- G. Fiévet; et de M. Emile Moïse, une nouveauté: un décor de fleurs se détachant à vide sur un réseau grillagé, vitraux n’inlerceptant pas la circulation de l’air; enfin un petit vitrail suisse de M. Marius Tamoni, d’une excellente facture.
- Terminons par les petits chefs-d’œuvre de verres gravés à la molette de M. Fromont, un petit sujet xvme siècle, un extraordinaire paysage sur verre bleu, et le Beau Navire, jolie fantaisie souvent répétée. L’artiste déploie une rare virtuosité dans ce métier, d’une saveur particulière.
- En dehors de la classe 67, nous devons mentionner la belle vitrerie très originale de composition et de couleur exécutée par M. Socard dans le pavillon de MM. Plumet et T. Selmersheim; et les vitraux de M. de Feure exposés dans le pavillon de M. Bing, quatre figures d’une élégance raffinée rendues sans peinture.
- L’examen des vitraux des sections étrangères est plein d’intérêt et particulièrement instructif. Certaines œuvres sont curieuses par leur caractère, leur style national; d’autres très hardies sont des manifestations originales d’art moderne; nous voyons enfin des pays, jusqu’ici sans tradition verrière, chercher à prendre dans les vitraux une place importante.
- L’Allemagne, l’Autriche, les Etats-Unis, la Suisse sont surtout brillamment représentés. Constatons l’absence de vitraux belges et la rareté des vitraux anglais. Nous aurions souhaité voir les efforts faits par les peintres-verriers de ces deux nations, parce que la lutte entre les traditions et les tendances plus nouvelles y entretient comme chez nous une active émulation.
- Nous examinerons les vitraux des exposants étrangers en groupant, autant que nous le pourrons, les œuvres d’esthétique semblable.
- L’Allemagne l’emporte de beaucoup sur les autres nations par le nombre de ses exposants.
- Il convient d’abord de féliciter les organisateurs de l’exposition allemande pour le goût et l’attention qu’ils ont apportés dans la présentation des œuvres. Les vitraux sont merveilleusement installés dans le cadre qui leur convient le mieux, de sorte que leurs qualités décoratives sont bien mises en valeur.
- Les œuvres de décoration monumentale sont exposées dans le pavillon de l’Allemagne, rue des Nations, avec le recul nécessaire; les vitraux destinés à la décoration des habitations privées sont répartis à l’exposition du mobilier, sur l’Esplanade, dans deux galeries étroites et dans des chambres; les vitraux religieux sont dans une petite chapelle bâtie en annexe.
- Nous commencerons par l’examen des vitraux classiques.
- Observons que les Allemands salissent artificiellement leurs vitraux, sans mesure, au point de leur faire perdre toute transparence. Les blancs n’existent plus et toute la tonalité est grisée et culottée. Cette patine est même une teinte de grisaille cuite et vitrifiée, de sorte que, si les œuvres doivent durer quelques années, le temps apportant lui-même sa collaboration, les vitraux finiront par être tout à fait opaques. Cette salis-
- p.64 - vue 68/484
-
-
-
- VITRAUX.
- 65
- sure est quelquefois passée avec art. MM. Binsfeld et Jansen laissent tomber des gouttes d’eau sur la teinte encore fraîche, pour obtenir comme des pustules et des éclaboussements.
- Nous avons fort critiqué ces procédés artificiels chez nos nationaux; nous ne pouvons que constater qu’ils sont employés d’une façon à peu près générale en Allemagne.
- Le professeur Fritz Geiges expose, pour l’hôtel de ville de Fribourg en Brisgau, un grand vitrail qu’il a dessiné et exécuté lui-même. La grande épopée religieuse du moyen âge, la justice et le gouvernement pacifique, les combats sont célébrés dans chacune des trois baies de la fenêtre. La décoration comprend trois zones. C’est d’abord, comme soubassement, une rangée d’écussons aux armes parlantes, puis une partie centrale qui présente en buste, séparés par de grandes armoiries d’Etats, les grands hommes qui incarnent la grandeur religieuse, politique et militaire. Le vitrail est coloré puissamment; le dessin des figures est expressif, un peu réaliste. Dans la partie supérieure, des sujets en grisaille : la construction d’une cathédrale, la justice rendue par un souverain, le siège d’une ville, compositions pittoresques et bien comprises.
- M. A. Lüthi, peintre-verrier à Francfort-sur-le-Mein, expose au pavillon de l’Allemagne, à la place d’honneur, le Triomphe de la Paix et du Travail. C’est une grande fenêtre dont les petites baies formant encadrement sont décorées d’armoiries dans une lourde végétation blanche, verdâtre et jaunâtre, chargée de grisaille.
- Le sujet central est une composition archaïque rappelant les Triomphes des artistes allemands du xvi0 siècle. On voit un jeune guerrier à cheval au milieu d’un cortège de femmes et d’enfants portant des fleurs et des fruits, et les attributs des arts de la paix, des livres, des instruments de musique, etc.. . La composition est bien ordonnée et somptueuse. Le vitrail mérite moins d’éloges.
- Le parti pris d’accuser franchement le dessin par le plomb est excellent, mais toutes les valeurs sont confondues dans une harmonie discordante; il y a surtout des verts bien criards.
- Le vitrail ne présente pas de silhouettes, pas d’effets, pas de plans. L’œuvre dénote un effort énorme, une grande conscience, qui se révèlent par la profusion des détails (ornements partout, fleurettes gravées dans les terrains); il est regrettable que ces qualités soient desservies par une coloration brutale et une exécution noire (1L
- Le vitrail de M. J. C. Spinn, de Berlin, est aussi conçu dans une note archaïque; des figures de femmes (muses, arts libéraux?), bien drapées, d’une élégance un peu lourde, sont rassemblées dans un paysage aux formes stylisées. Nous trouvons une naïveté un peu affectée dans le découpage des feuillages des arbres. Cette verrière est colorée en verre antique et présente une recherche de belles harmonies, principalement dans les deux baies extrêmes, par l’accord heureux de tons vifs et de tons rompus.
- Au point de vue technique, la multiplicité des coupes nous semble exagérée, et trop absolu le procédé de sections droites dans les draperies.
- (1) Un autre vitrait — Il était une fois.— a été placé tardivement à une grande baie d’escalier, à l’Es-
- planade des Invalides. Son exécution est identique à celle que nous venons d’étudier.
- fin. XII. — Cl. 67.
- NATION Al
- p.65 - vue 69/484
-
-
-
- 66
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- M. Spinn a fait la vitrerie de la porte d’entrée du pavillon de l’Allemagne, décoration massive d’un grand caractère.
- M. Spinn expose aussi, à la chapelle de l’Esplanade, le Christ et quatre apôtres, petites figures genre xvc siècle, d’une facture un peu sèche, justifiée d’ailleurs par la tradition archéologique ; ces vitraux sont malheureusement encadrés de bordures peintes en émail, sans franchise.
- Le pavillon de l’Allemagne nous montre encore des vitraux et un curieux plafond en verre opalescent de l’Institut royal de Charlottenbourg.
- Les vitraux, exécutés d’après les cartons de M. Schaede, représentent trois figures volantes, la Religion, la Justice, la Patience, d’un caractère intéressant : môme la raideur des mouvements, la disposition bizarre des ailes et des banderolles leur donnent un certain style ; mais le dessin ne se prête pas bien aux coupes pour la division des grandes surfaces. Ces figures se détachent sur un fond de vitrerie, végétation légère, aux fleurs représentées par des cives violettes. La tonalité générale est rose, et cette unité d’harmonie est d’un effet agréable.
- Le plafond en verre opalescent s’éclaire à la lumière électrique. C’est un décor découpé très ingénieux, représentant le Soleil et les signes du zodiaque. La disposition est originale, et la coloration très réussie.
- Un vitrail de M. Melchior Lechter se trouve dans une grande salle de l’exposition allemande, à l’Esplanade des Invalides. La composition Fons artis est très symbolique : deux femmes, la Beauté et la Vérité, sont auprès d’un puits, abritées sous la massive frondaison rouge d’un arbre aux branchages bleu vert. Dans les baies de côté s’avance un cortège d’hommes et de femmes portant des bannières. L’œuvre a un caractère de grande énergie et de simplicité voulue. L’esprit est dérouté par ces végétations aux couleurs extraordinaires, par ces hauts candélabres solennels, mais ce symbolisme paraît convaincu. L’aspect de la verrière est grave ; le travail à l’acide, les verres taillés enchâssés dans la mise en plomb, les verres repiqués à plomb vif pour mettre un rubis aux bagues des doigts, toute cette technique compliquée étonne et commande le respect. Le dessin est lourd et l’exécution sombre : le peintre-verrier allemand semble rechercher un travail particulier de grisaille grattée, qui produit sur des verres dont la surface est pleine de bouillons, une sorte de modelé-salissure d’un aspect curieux. Remarquons que le vitrail de M. Melchior Lechter n’offre nulle part de trait noir de grisaille, mais les teintes sont très foncées ; la peinture recouvre tous les verres, jusqu’à l’opacité.
- En général, les vitraux conçus dans la formule classique sont très chargés de peinture. Cette constatation fait comprendre le succès de la réaction provoquée par l’école nouvelle, qui ne veut plus de modelé, plus de grisaille, et qui se glorifie de pouvoir s’en passer. Ce sont ces vitraux, accusant des tendances très audacieuses vers des formules modernes, qui ont le plus attiré l’attention des visiteurs.
- L’emploi de verres américains est tout récent en Allemagne ; il prit surtout un grand développement après l’Exposition de Chicago. Le professeur Hans Christiansen se spé-
- p.66 - vue 70/484
-
-
-
- VITRAUX.
- 67
- cialisa l’un des premiers dans la composition de cartons conçus pour la nouvelle technique.
- Il expose sous son nom, avec la collaboration de M. Endner, un vitrail décorant la salle de la colonie des artistes de Darmstadt. Un homme et une femme nus, soutenant trois énormes couronnes jaunes, se silhouettent sur un fond de verdure sombre et sur un ciel aux nuages roses; au bas de la fenêtre , un enfant joue avec des papillons. Les chairs modelées et émaillées sont recouvertes d’un verre opalescent moucheté, d’un aspect lourd et bizarre.
- Nous préférons les autres œuvres exécutées sur les cartons de l’artiste, non pas le vitrail de chapelle exposé par MM. Liebert, d’un symbolisme alambiqué, mais le paysage d’un parc animé par les cygnes, de tonalité bleue, mystérieuse, œuvre d’une très belle tenue, et le grand paysage exposé par M. von Poschinger, et la composition du Lohengrin, exécutée par M. Engelbrecht. M. Ghristiansen s’y montre parfait décorateur, subordonnant son dessin à une technique spéciale. Ces cartons ont été merveilleusement rendus par les peintres verriers. Les verres opalescents donnent des harmonies profondes et soutenues, d’un charme pénétrant.
- MM. Otto Fischer, Hans Unger, Karl Gross, Paul Lang, Emile Proch, Auguste Loos, Hans Pfafï ont, avec M. Christiansen, fourni les cartons des vitraux exposés par MM. Liebert.
- La composition de M. Otto Fischer — Vineta — est inspirée d’une poésie de H. Heine. Vineta est une ville jadis engloutie. Les marins entendent quelquefois les bruits de la cité ensevelie, dont la vie se continue active au fond de la mer. Des appels séducteurs ont entraîné dans les flots un jeune homme qui étreint une sirène à chevelure d’or. Un défaut de perspective dans le dessin de la sirène fait tort à cette belle composition.
- Les figures sont peintes et modelées; les poissons, les algues, la ville sont rendus seulement par les valeurs différentes des verres, et le réseau de plomb. Il y aura toujours un défaut d’équilibre dans ces vitraux présentant des parties modelées et d’autres qui ne le sont pas, parce que ce sont deux formes de techniques différentes. Ce qui n’est pas modelé est plus interprété, plus ornemental que ce qui l’est. Les artistes allemands sentent tellement bien ce défaut qu’ils veulent le masquer par l’apposition d’un verre ou d’une glace : nous l’avons constaté déjà pour les figures porte-couronnes de M. Christiansen. Ici, dans le sujet de M. Fischer, c’est un verre cathédrale placé devant le vitrail qui a pour office de noyer le modelé et la dureté des plombs. Ce verre, légèrement bleuté, donne en outre une harmonie générale, une atmosphère particulière.
- Ces vitraux ( Vineta, la composition religieuse de M. Christiansen et le paysage aux cygnes)^sont exécutés avec des superpositions de verres. C’est encore le cas de la danseuse bleue, faite d’après le carton de M. Unger.
- L’artiste s’était donné comme programme de rendre les formes par la seule matière transparente et le serti métallique. Il n’a pas osé le poursuivre jusqu’au bout, car nous voyons un léger modelé et des traits pour la figure et les mains, et alors nous nous
- 5.
- p.67 - vue 71/484
-
-
-
- 68
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- demandons quelle nécessité il y avait de sectionner si cruellement les poignets, les doigts, les seins.
- En somme, ce procédé de vitrail sans peinture nous semble illogique, appliqué à des figures. Il oblige Tartiste à faire des tours de force puérils, pour un résultat très imparfait, ainsi que l’attestent la danseuse, les figures du Christ et de la Vierge — cartons de M. Pfalf, —un autre panneau représentant un groupe de trois figures, et aussi le Lohengrin de M. Engelbrecht.
- Un seul petit panneau est une œuvre charmante, exceptionnelle, que nous louerons sans réserves : c’est une sirène venant affleurer la surface de l’eau et cueillir une fleur de nénuphar. Mais, pour cette petite merveille, que de déceptions!
- Le paysage s’accommode mieux des conventions de ce genre de vitrail. Nous avons déjà parlé de la belle verrière de MM. Liebert et Christiansen ( Vue d'un parc au boi'd d’un lac) où l’effet du soir est si excellemment rendu. Signalons encore un petit paysage d’hiver d’une très belle interprétation, un vrai chef-d’œuvre.
- M. Karl Engelbrecht, de Hambourg, nous montre également un grand paysage avec des cygnes, d’une coloration claire et gaie, obtenu sans superpositions de verres. Dans le vitrail de Lohengrin, d’après le carton de M. Christiansen, c’est encore le paysage qui est la partie remarquable : un arbre rose offre avec les tons du ciel une harmonie exquise. Nous ne chicanerons pas M. Engelbrecht sur l’emploi de fils métalliques qu’il appose sur les verres pour se dispenser de les découper; nous ne voulons pas nous étendre plus longtemps sur la technique : nous voulons plutôt féliciter Tartiste pour les belles qualités décoratives de ses œuvres, pour la franchise de ses colorations et pour ses efforts dans une voie nouvelle.
- Ses vitraux d’ornementation aux décors fantaisistes et ses vitreries en style «coup de fouet» marquent aussi ses constantes recherches. Mais nos préférences nous ramènent à son paysage lumineux et de si belle harmonie qui peut soutenir la comparaison avec celui de MM. Liebert et Christiansen. Ce sont, dans leur genre, deux œuvres parfaites.
- Un superbe paysage de M. von Poschinger — carton de M. Christiansen, exécution de M. Endner — présente des premiers plans bien grands d’échelle ; mais le ciel, les arhres sombres, le ravin sont admirablement traités. L’harmonie est vigoureuse et puissante. L’ornementation qui forme soubassement (seul reste d’une grande vitrerie disparue) est intéressante par la recherche des dominantes de couleurs.
- Signalons les installations d’appartements et de chambres où sont rassemblées et bien présentées des œuvres diverses. Quelques salles sont éclairées par des vitreries ingénieuses et des paysages de petite dimension.
- Dans la chapelle sont exposés des vitraux d’église, un Saint-Jean (xne siècle), de MM. Binsfeld et Jansen, de beau caractère, et une fenêtre de M. Otto Vittali, un Christ en croix, dont les bras disparaissent dans une bordure sinueuse, composition encombrée d’attributs symboliques.
- Deux armoiries Luce Floreo sont obtenues par la superposition de trois verres, rouge,
- p.68 - vue 72/484
-
-
-
- VITRAUX.
- 69
- bleu et jaune, partiellement gravés à l’acide. M. Maréchal, de Metz, et plus récemment M. Bettannier nous ont montré en France des applications de ce procédé.
- M. Karl Geyling, de Vienne, était un fidèle de nos expositions.
- Il nous paraît piquant, pour marquer la transformation de l’art du vitrail, de rappeler qu’il avait exposé, en 1867, des verrières destinées à l’église Saint-Epvre, de Nancy (don de l’empereur François-Joseph). Quelle évolution depuis cette époque!
- Les peintres-verriers autrichiens se sont, eux aussi, engagés dans les voies nouvelles. Les successeurs de Karl Geyling exposent au Champ de Mars (61s, tissus, vêtements) une très grande verrière, certainement la plus mal éclairée de toute l’Exposition ; nous le regrettons, parce que l’œuvre est considérable et intéressante.
- Le vitrail est disposé dans un cadre d’armature aux courbes fantaisistes. La composition de M. Veith est opulente : elle représente la Glorification de l’industrie des tissus et célèbre le luxe de la parure. Les carnations, découpées en verres colorés, sont seules modelées en grisaille; les vêtements, l’architecture, le paysage sont découpés dans des verres antiques et opalescents, sans peinture. Les peintres-verriers paraissent avoir prodigué dans cette œuvre les éléments les plus riches et les plus variés ; les taches de couleur constituent une harmonie puissante : mais il est impossible de l’apprécier convenablement, à cause des reflets, des opacités, des transparences inégales occasionnés par la présentation défectueuse.
- Cette composition est accompagnée d’un joli encadrement d’arbustes, de plumes de paon et de papillons; elle est complétée par tout un décor de façade, ingénieux et de goût distingué.
- Les mêmes méthodes ont été appliquées pour deux panneaux exposés à l’Esplanade des Invalides, dans une salle de la Section autrichienne, réservée à l’École des Arts décoratifs de la ville de Vienne.
- Deux sirènes bleues, aux chevelures jaune et rouge, folâtrent avec des poissons, parmi les coraux et les végétations marines ; une autre vient de plonger et se présente de dos, la tête en bas ; elle est d’un ton fauve bien extraordinaire, que donne un verre opalescent moucheté. La composition est très animée, habilement coupée par les tiges de plantes et les ondulations des vagues.
- Il n’y a pas trace de peinture; le'plomb seul dessine les contours et le dessin intérieur. En vérité, le procédé est insuffisant, et, malgré l’immense talent dépensé par les peintres-verriers, le résultat est bizarre. L’imagination doit compléter les sobres indications du verre et du plomb pour voir le dessin de poissons, de chevelures, de têtes et de mains : chaque partie du vitrail est un rébus. Nous regrettons que le procédé trop primitif allie un dessin trop sommaire à une harmonie exquise et raffinée.
- M. Louis Tiffany et la Compagnie Tiflany, MM. Lamb, Lathrop, de New-York, et la California art glass Bending and Cattwg Works, de San-Francisco, représentent les vitraux américains à l’Exposition de 1900.
- p.69 - vue 73/484
-
-
-
- 70
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- Nous ne voyons rien malheureusement du maître La Farge, qui avait obtenu chez nous, en 1889, un si prodigieux succès.
- Les peintres-verriers des Etats-Unis exposent des compositions très classiques, très sages; ils se sont abstenus de nous montrer des œuvres fantaisistes analogues aux vitraux que nous avons vus chez M. Bing, rue de Provence, et, en 1895, à l’exposition de la Société nationale des beaux-arts. Ces vitraux étaient exécutés avec une maîtrise incomparable sur des cartons de nos artistes les plus hardis : MM. Besnard, Maurice Denis, Grasset, Ibels, Toulouse-Lautrec. . . La fantaisie des compositions s’accordait bien, à notre avis, avec la fantaisie de la matière; la technique du vitrail américain créait ainsi des œuvres de mode, au goût du jour, quelque chose comme un art d’affiche, un art moderne ayant sa logique.
- Lorsqu’il n’a pas ce caractère un peu combatif et révolutionnaire, le vitrail américain se borne à la reproduction réaliste de paysages, de natures mortes, de poissons, de fleurs, et la matière, merveilleuse, donne seule une interprétation décorative.
- Les peintres-verriers américains usent de tous les procédés possibles pour obtenir un résultat extraordinairement riche et varié : superpositions de verres, emploi de verres plissés offrant des coulées de matière d’épaisseur considérable, glaces dépolies ou verres cathédrale estompant les affirmations trop dures du vitrail; tous ces moyens sont légitimes : le moindre souci des peintres-verriers américains est de conserver au vitrail la transparence.
- La technique étant admise, on ne peut qu’admirer ces manifestations d’art prodigieusement subtiles et précieuses : le panneau des poissons, les fleurs de magnolia, les iris, les natures mortes et les petits paysages exposés par la Compagnie Tiffany. Signalons aussi un paravent à trois compartiments, décor de fleurs, de poires et de raisins d’une perfection surprenante : les verres les plus extraordinaires sont enchâssés dans une monture métallique, véritable travail d’orfèvrerie.
- La Compagnie Tiffany expose également un grand vitrail d’église, une Annonciation, composition de M. Wilson, vitrail en verres opalins donnant une harmonie blanche et nacrée. Les plis des vêtements sont obtenus par des plissages du verre qui présentent un modelé en relief, comme les lithophanies, par les différentes épaisseurs de matière. Les carnations de la Vierge et de l’ange sont peintes à l’émail.
- M. Louis Tiffany expose personnellement deux très grands panneaux. Dans l’un, les saisons sont figurées par quatre médaillons de fleurs et de fruits. Un encadrement énorme, ornements grêles entrelacés, de couleur indécise, paraît hors d’échelle avec le sujet.
- L’autre est une composition mystique, une vision céleste au centre d’un halo nébuleux, avec des fleurs au premier plan. L’artiste américain a voulu enfermer son rêve dans la matière : sa tentative nous semble une erreur. Nos anciens vitraux sont plus orthodoxes; les sujets religieux y sont virilement affirmés, et, cependant, nous donnent, plus que la vague composition de M. Tiffany, une impression mystérieuse et idéaliste vraiment forte et saine.
- p.70 - vue 74/484
-
-
-
- VITRAUX.
- 71
- Si Ton étudie cet art français du moyen âge., essentiellement religieux, nulle architecture n’est plus étudiée et plus rationnelle, milles statues ne sont mieux construites, nuis vitraux d’une technique aussi simple. Les artistes veulent aujourd’hui obtenir des effets mystiques, par des procédés à côté, en dehors de la technique naturelle de la matière qu’ils emploient. Sculpteurs ou peintres et peintres-verriers ont besoin de nuages, de rayons de gloire, de fleurs, de symboles, et ont la préoccupation évidente de masquer tout le côté matériel de leur œuvre. Nous voyons bien dans l’œuvre de M. Tiffany la tentative d’une expression religieuse nouvelle; mais ce lyrisme, cette poésie, cherchées aux dépens de la technique simple du vitrail, nous semblent choses chimériques.
- MM. Lamb exposent un grand vitrail, La Religion entre l’Eglise militante et l’Eglise tnomphante, exécuté avec tout le luxe que permet la matière des verres américains. La richesse est excessive et produit presque de la monotonie; la résultante de toutes ces belles couleurs est ramenée à un effet gris. Certaines parties sont d’un rendu admirable et qui étonne les professionnels, en particulier la draperie de la Religion, modelée en verre et soulignée par une mise en plomb extérieure. Le dessin niellé de l’auréole, obtenu par une mise en plomb recouverte et voilée par un verre opalescent, est aussi un résultat curieux. Les carnations sont la partie la moins réussie de ce vitrail. Elles sont émaillées et lourdes; et ce métier appliqué s’accorde mal avec le métier large et enveloppé des draperies.
- Les deux figures de M. Lathrop, Jonathan et David, sont bien construites; le plomb semble avoir alourdi les contours. L’exécution est uniforme; la coloration offre un parti pris de cafnaïeu jaunâtre.
- Deux vitraux de la Compagnie américaine de San-Francisco, California art Glass Works, nous ramènent aux vitraux colorés. Signalons surtout un magnifique dragon japonais, très découpé, d’une harmonie puissante et joyeuse.
- MM. Heaton, Butler et Bayne nous montrent une verrière, L’Ascension, conçue dans la tradition pseudo-xv6 siècle qui est le type du vitrail classique anglais. L’œuvre a les qualités nationales habituelles, le soin apporté à l’exécution matérielle, le principe des carnations blanches, et, dans la coloration, l’emploi de certains tons neutres très particuliers. L’harmonie est délicate, le travail de peinture minutieux, trop détaillé même dans les chevelures et les vêlements à plis multiples : les peintres-verriers anglais se font un scrupule de ne pas laisser sans peinture la plus petite partie de leur vitrail. La même conscience les incite à prodiguer les ornements, les damas dans les draperies, et les damas gravés dans les verres rouges, d’une préciosité excessive si la verrière doit être placée à une certaine hauteur.
- Les cartons qui accompagnent le vitrail de MM. Heaton, Butler et Bayne nous paraissent bien poussés au noir. Les maquettes sont ingénieuses, composées en plusieurs compartiments de sujets. Les figures ont un caractère préraphaélisme un peu alangui, d’un joli sentiment.
- p.71 - vue 75/484
-
-
-
- 72
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- Le Camp du Drap d’or est le titre de la composition exposée par M. George Wragge dans les impostes d’une fenêtre du salon du Pavillon royal. C’est une longue théorie de beaux seigneurs, magnifiquement vêtus. Ces panneaux sont exécutés avec finesse, mais trop poussés au noir.
- Nous avons également vu, au Pavillon royal, des armoiries d’une facture délicate et spirituelle.
- Notons encore, à l’exposition de l’Australie, un Bon Pasteur d’une facture irréprochable, très britannique.
- La chapelle du Pavillon de la Hongrie est décorée de vitraux, grands personnages dans des encadrements d’architecture, dans la tradition du moyen âge.
- M. Mossmeyer, de Florence, a exposé au Pavillon royal d’Italie quatre panneaux, reproduction consciencieuse des célèbres vitraux de Jean d’Udine, à la Chartreuse de Florence.
- MM. Linster et Schmit (Luxembourg) ont exposé des vitraux modernes, exécutés en verres soufflés et coulés. On voit des moissonneurs, des vignerons, des tonneliers, des fondeurs se livrant à leurs occupations. Les compositions naturalistes et triviales ne sont pas traitées décorativement. Le dessin présente quelque intérêt par l’étude sincère de certaines physionomies et de certains types; mais les vitraux sont d’une- exécution lourde, et semblent des tableaux sur verre. Il convient de dire qu’ils étaient très mal éclairés.
- Une grande composition allégorique est présentée par M. Jan Schouten, de Delft, dans la section hollandaise. Ce vitrail constitue le groupe principal d’une verrière commémorative destinée à la nouvelle église d’Amsterdam.
- L’auteur du carton est M. Othon Mengelberg. La reine Wilhelmine est assise sur un trône, entourée de figures symboliques, la Religion, l’Agriculture, la Force, les Beaux-Arts. La composition est classique; au point de vue verrier, elle présente de grandes surfaces, notamment dans le rideau du trône, et certaines draperies, qui font dans le vitrail des taches trop importantes et pas assez morcelées. Le dessin est aussi alourdi par les plombs. La coloration est vigoureuse, comme il convient à une œuvre décorative de cette importance, et le modelé exécuté largement.
- Les maquettes et cartons de M. A. Le Comte sont des œuvres originales et ingénieuses. La composition des deux panneaux décoratifs Le Feu et La Lumière est un peu étrange : nous ne comprenons pas ces zigzags qui traversent les baies et passent du jaune au gris en coupant les figures.
- Le carton de La Nuit est d’un bel arrangement, avec une recherche d’expression intéressante chez Tenfant effrayée. Le vitrail est aussi d’un effet excellent. Les vitraux d’appartement représentant des enfants sont plaisants et d’une curieuse facture.
- Nous aimons moins les figures de saint Paul et de saint Augustin, exécutées d’après des œuvres de Rembrandt et de Botticelli. MM. Schouten et Le Comte savent certainement combien ces transpositions sont illogiques et peu verrières.
- p.72 - vue 76/484
-
-
-
- VITRAUX.
- 73
- Nous apprécions mieux leur talent de décorateurs, lorsqu’ils l’emploient à des œuvres de fantaisie, dans les compositions ingénieuses de leurs vitraux civils, et dans les paysages franchement silhouettés du Feu et de la Lumière, — ou des ports de Rotterdam et d’Amsterdam, exposés au Champ de Mars.
- Faut-il parler du vitrail de M. Rouvy, de Dordrecht, inspiré par la destruction de Jérusalem, de M. A.Klughardt? Quelle imagination dans ces déformations capricieuses, et dans cette harmonie furieuse de rouge, jaune et vert!
- La Société des glaceries et verreries du Nord, de Saint-Pétersbourg, expose un vitrail religieux, qui est la reproduction d’une miniature du moyen âge. Le sujet,de style archaïque, est une vision de l’Apocalypse. Les personnages sont de taille variée, selon leur hiérarchie céleste ou selon le caprice de l’artiste. La composition représente une chevauchée d’anges superbement cuirassés d’or, combattant une troupe de démons à visages grimaçants. Dans un coin, au bas de la fenêtre, est saint Jean noblement drapé dans un manteau, dans l’attitude traditionnelle des images byzantines et russes.
- Le vitrail est en verres antiques et opalescents, d’une chaude harmonie rouge et or. Adossé à une cloison, il est éclairé artificiellement, et produit un effet saisissant.
- La Société des glaceries et verreries du Nord entreprend tout ce qui concerne la fabrication des glaces et du verre. Ce n’est que très récemment quelle s’est essayée à la fabrication des verres de couleur, et qu’elle a monté un atelier de peinture sur verre. Elle nous paraît devoir remplir en Russie le même rôle que, chez nous, au milieu du siècle, la manufacture de Choisy-le-Roi, dirigée par M. Rontemps. On sait que nous devons à M. Bontemps les premières recherches intéressantes sur la fabrication des verres de couleur, et par suite, les premiers progrès dans l’art renaissant des vitraux.
- Les peintres-verriers de la Société des verreries du Nord, bien outillés, largement approvisonnés de verres de toute nature, stimulés parle désir de créer un art national, sont appelés à prendre dans l’avenir une place très importante. Les encouragements ne leur manqueront pas, et les fenêtres des somptueuses églises russes leur offrent un champ immense pour déployer leurs efforts et manifester leur talent. Le style religieux russe, attaché aux traditions byzantines, se prêtera excellemment au décor merveilleux des vitraux.
- Les peintres-verriers suisses ont envoyé, à l’Exposition, des œuvres de caractère très différent.
- La plus importante est une fenêtre à quatre lancettes, exposée par MM. Kirsch et Fleckner, de Fribourg, d’après les cartons de M. Jozef Mehoffer.
- Ce vitrail est destiné à l’église Saint-Nicolas de Fribourg et fait partie d’un ensemble assez considérable pour lequel un concours fut ouvert en ces dernières années.
- Cette fenêtre est mal présentée : non seulement le vitrail ne reçoit pas le jour
- p.73 - vue 77/484
-
-
-
- là
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- direct, mais il est éclairé par devant; les tons foncés paraissent absolument noirs à cause de cet éclairage défectueux qui fausse la coloration. Enfin, la partie supérieure est cachée et opaque.
- Cette verrière est une œuvre intéressante, robuste et faite en dehors de toute archéologie. Les panneaux sont très subdivisés et forment une mosaïque de verre d’une harmonie puissante : certains accords de tons sont très curieux.
- La composition présente quatre figures : saint Sébastien, harmonie bleu vert et violet; saint Maurice, rouge et vert très sombre; sainte Catherine, rouge et jaune; sainte Rarbe, rouge et jaune à damas noirs. La coloration est chaude; le bleu en est exclu, du moins le bleu franc et limpide.
- Les fonds derrière les personnages sont d’une très belle couleur : ce sont des paysages et de petites compositions sur un fond de ciel violet; des anges emportent les âmes des martyrs, et un vol de corbeaux noirs, un peu macabre, traverse toute la fenêtre.
- Les ouvertures de la fenêtre sont considérées comme des trous que l’artiste a décorés en tapis : on cherche des lignes de construction; il semble bien y avoir un couronnement d’architecture, et des colonnettes contre les meneaux, mais où est la base? Les pieds des personnages sont perdus dans des bouquets de fleurs, pas de sol. On ne sait où les figures commençent : les fleurs recouvrent tout.
- Au bas de la fenêtre, les mêmes saints sont nus et suppliciés, offrant des raccourcis bizarres. Un ange auprès de chaque martyr attend son dernier souffle.
- Nous ne pouvons discerner ici la part de chaque collaborateur. Le jury leur a décerné une même récompense. M. Mehoffer a obtenu une médaille d’or comme MM. Kirsch et Fleckner. Leur œuvre n’est pas banale; elle est audacieuse, surtout dans la coloration : nous voyons des chevelures noir bleu, vertes, etc. . . Ces artistes ont un goût prononcé pour les oppositions violentes et les harmonies extraordinaires qui donnent un caractère très moderne à leur vitrail.
- Nous trouvons les coupes multipliées à l’excès, et certaines sections désagréables. Le dessin est peint au trait, brutalement, sans facture particulière; le modelé, en général très léger, joue le rôle d’une salissure; quelquefois il contrarie les formes, par exemple dans la tête de saint Maurice. Cette brutalité de dessin donne aux figures un caractère sauvage.
- Il nous est impossible de dégager ce qu’il y a peut-être d’artificiel dans ce style. L’œuvre est volontairement barbare et d’une hardiesse excessive; ce que nous pouvons du moins apprécier, ce sont ses qualités de franchise, d’originalité et d’harmonie.
- M. Frédéric Berbig, de Zurich, nous ramène à une conception du vitrail bien différente. Sa verrière d’église est une composition du xvme siècle, à médaillons et encadrements de style emphatique. Le parti pris de coloration en grisaille bleue ne nous semble pas très heureux pour une œuvre décorative. L’exécution est grise et couvre le verre partout.
- M. Ad. Kreüzer, expose une composition historique du xvi® siècle et un vitrail religieux : Dieu le père, entouré en bordure de petites figures — Christ et apôtres —
- p.74 - vue 78/484
-
-
-
- VITRAUX.
- 75
- exécutées en émail, d’une facture spirituelle et bien touchée, qui ne convient peut-être pas parfaitement au sujet.
- M. Walter Jaggli-Froehlich expose quantité de petits vitraux suisses armoriés, d’une facture jolie et précieuse, d’un métier savoureux, reproduisant des vitraux anciens.
- M. Rob. Giesbrecht montre également des vitraux copiés du xve siècle — une Vierge, un diacre — et surtout des armoiries d’une exécution parfaite.
- Le talent déployé par les peintres-verriers suisses dans la reproduction de ces petits vitraux est absolument remarquable. Ils défendent énergiquement, contre les revirements de la mode, ce genre de tradition nationale, au risque d’encourir le reproche de n’être que d’adroits imitateurs.
- Nous connaissions M. Albert Muret par ses envois à la Société nationale des Beaux-Arts. Nous nous rappelons surtout son Cavalier exposé en ces dernières années. Les deux panneaux que nous voyons ici — VHistoire et la Légende — ne répondent pas à ce que nous espérions.
- Dans l’histoire sont rassemblés les héros et hommes célèbres de la Suisse : nous ne reconnaissons que Guillaume Tell et les réformateurs. La légende est une sarabande de sorcières et de diables, d’une originalité plutôt romantique. Ces vitraux sont d’aspect lourd, colorés et peints sans délicatesse. Le travail de grisaille est d’une facture rêche et peu aimable.
- Nous avons achevé l’examen des vitraux de l’Exposition universelle internationale de 1900.
- La mission que nos confrères nous avaient confiée était délicate : nous n’avions d’autre autorité que celle dont ils nous avaient investi, et cependant nous avons cru pouvoir dire des œuvres tout ce que nous pensions, sans restrictions. Quelques critiques paraîtront dures et sévères peut-être : nous les avons formulées sans parti pris, dans l’intérêt même des artistes que nous estimons le plus, lorsqu’ils nous paraissaient s’être trompés. Toujours, nous avons eu en vue la préoccupation de la bonne technique du vitrail, sa logique, sa vérité décorative.
- Cette vérité peut revêtir des formes diverses, depuis les réminiscences archaïques jusqu’aux brillantes fantaisies les plus audacieuses.
- Nous ne voudrions pas enfermer l’art du vitrail dans une formule, quelle quelle soit, ni dans une admiration étroite des arts du passé. Le peintre-verrier doit suivre l’évolution des arts de son temps et faire des œuvres modernes, en usant de toutes les ressources qui lui paraissent bonnes à employer.
- L’artiste pourrait être un ignorant, insoucieux des pastiches et des éruditions; s’il a vraiment le sens du verre, s’il envisage le vitrail comme un art de décoration, il fera des œuvres que l’on pourra sûrement rattacher aux traditions anciennes : plus tard, elles deviendront classiques à leur tour.
- p.75 - vue 79/484
-
-
-
- p.76 - vue 80/484
-
-
-
- CLASSE 68
- Papiers peints
- RAPPORT DU JURY INTERNATIONAL
- M. PETITJEAN
- p.77 - vue 81/484
-
-
-
- p.78 - vue 82/484
-
-
-
- COMPOSITION DU JURY.
- BUREAU.
- MM. Gillou (Emile), papiers peints (jury, Paris 1889 ; président des comités, Paris 1900), président de la Chambre syndicale des fabricants de papiers peints,
- Président...................................................................
- Graul , directeur du Musée d’art industriel, Vice-président...................
- Petitjean père (Joseph), papiers peints (comités, Paris 1900), ancien membre du Conseil municipal de Paris, ancien adjoint au maire du xi” arrondissement,
- Rapporteur..................................................................
- Evette (Armand), ingénieur des arts et manufactures, papiers de fantaisie (hors concours, Paris 1889 ; secrétaire des comités, Paris 1900), Secrétaire...........
- JURÉ TITULAIRE FRANÇAIS.
- Follot (Félix), papiers veloutés (comités, jury, Paris 1889; comités, Paris
- i900).............................................................
- JURÉS SUPPLÉANTS FRANÇAIS.
- Desfossé (Eugène), papiers peints [Société anonyme des anciens établissements
- Desfossé et Karth] (comité d’installation, Paris 1900), Suppléant.........
- Germanaz (Victor), dessinateur industriel, Suppléant........................
- France.
- Allemagne.
- France.
- France.
- France.
- Finance.
- France.
- p.79 - vue 83/484
-
-
-
- p.80 - vue 84/484
-
-
-
- PAPIERS PEINTS.
- APERÇU GÉNÉRAL SUR LA CLASSE.
- Situé aux Invalides, le Groupe XII avait été réservé à la Décoration et mobilier des édifices publics et des habitations; c’est dans ce groupe qu’avait naturellement pris place (Classe 68) l’exposition des papiers peints (France) qui avait été précédemment rangée, aux Expositions universelles de 1878 et de 1889, dans la Classe 22.
- Placée au premier étage du Palais des sections françaises, l’exposition des papiers peints, des papiers de fantaisie et des industries qui s’y rattachent, ainsi que des stores, occupait un large emplacement à côté de la papeterie et de la maroquinerie.
- Pour y accéder, en arrivant par le pont Alexandre III, il fallait traverser la Classe du Meuble et gravir le grand escalier à double montée. Une fois rendu, le visiteur trouvait en face de lui l’exposition de la maison Leroy et, à sa droite, les panneaux et la vitrine de MM. Follot. Il passait devant les vitrines de MM. Putois et Le Mahieu, Vacquerel, placées vis-à-vis et de chaque côté du large passage courant tout autour de la classe. Dans ces vitrines étaient renfermées plus particulièrement les expositions du papier de fantaisie.
- En continuant sa route sur la gauche, il apercevait une haute rotonde au milieu de laquelle M. Guimard avait placé un petit meuble chevalet qu’il avait spécialement construit. Sur les pans de murs, un grand nombre de dessinateurs et décorateurs, tels que MM. Lameire, Schmitt, Troublé et Méchin, avaient exposé leurs travaux.
- Sur la droite, un long couloir conduisant à la Classe des tapisseries des Gobelins contenait les nombreux tableaux des élèves de l’école Guérin. A sa sortie de la rotonde, le visiteur suivait la galerie et apercevait la vitrine des maisons Jacques Sauce, Descbamps, Richter, Olive et l’exposition de M. Jouanny. Chemin faisant, il contemplait les panneaux de la maison Gillou, puis ceux de la maison Grantil, en face desquels, au milieu de la galerie, avaient été exposés dans une vitrine basse les produits des fabricants de couleurs, de bronzes et de vernis; un peu plus loin, une haute vitrine contenait les travaux des graveurs et des fabricants de feutres.
- Là, un grand pont rejoignait l’exposition du papier peint à celle de la maroquinerie. L’emplacement accordé à notre classe n’étant pas suffisant pour satisfaire toutes les demandes, le Comité d’installation s’était vu dans la nécessité de faire dresser un épi au centre de ce pont. L’Administration s’inquiéta de cette modification, car ce large pan de bois coupait en deux l’immense galerie et nuisait à l’esthétique de l’ensemble.
- Gr. XII. — Cl. 68. 6
- l’IUUEIUE NATIONALE.
- p.81 - vue 85/484
-
-
-
- 82
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- Elle eut même l’intention de le démolir; mais, ne pouvant loger notre classe dans un cadre trop restreint, elle dut le tolérer. De chaque côté de l’épi étaient collés les panneaux de la Société des anciens établissements Desfossé et Karth et ceux de la maison Petitjean. A l’angle, en retour, se trouvaient les dessins de MM. Sins, Tétrel et Gros-Renaud.
- En revenant sur ses pas, le visiteur passait devant le meuble-panneau de M. Mérou, puis pénétrait dans une autre rotonde réservée à M. Ruepp. Ce dernier exposant l’avait demandée pour lui seul afin d’en faire un élégant salon. Il en avait tapissé les parois, décoré le plafond, garni les fenêtres de stores et le sol d’un épais tapis. Encadrés avec goût, ses dessins étaient placés le long des murs; des fauteuils et des chaises meublaient pe salon qu’ornaient encore des statues et des bustes dus au ciseau de l’artiste, M. Godet. A sa sortie de la rotonde, le promeneur pénétrait dans l’Exposition cen-tennale, classée dans deux galeries; et, devant ses yeux se déroulaient alors les progrès successifs de l’industrie du papier peint. Là se terminait la Classe 68 ; le visiteur la quittait pour entrer dans celle de la papeterie.
- Placée, en 1878 et en 1889, au rez-de-chaussée, l’installation de notre exposition s’était, cette fois, faite au premier étage. Jamais emplacement ne fut mieux choisi, car pour juger des effets des tentures il est nécessaire d’avoir de la lumière. On peut encore ajouter que le cadre de la Classe 68 était vaste et parfaitement approprié. Il le fallait d’ailleurs, si l’on veut bien considérer que le nombre des exposants qui s’étaient fait inscrire était de beaucoup plus élevé que ceux des expositions précédentes. Disséminées un peu partout, les autres nations se trouvaient généralement situées dans leurs sections respectives. Nous avons eu à examiner les produits des principales nationalités étrangères, où se fabrique aujourd’hui le papier peint. Neuf puissances étaient représentées : l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, l’Italie, le Japon, le Portugal, la Russie, la Suède.
- Il nous est permis de regretter qu’aucun fabricant de Belgique, pays où les papiers peints et les papiers de fantaisie tiennent une large place, ne soit venu nous montrer les progrès obtenus. Il nous aurait été agréable de voir aussi quelques exposants de l’Espagne et du Brésil où se sont installées, depuis quelques années, plusieurs manufactures.
- RÉPARTITION DES EXPOSANTS.
- Le Comité d’admission avait décidé dégrouper, à cette Exposition, les industries des papiers peints et des papiers de fantaisie. Comme aux Expositions précédentes, les stores nous avaient été adjoints, sans doute parce qu’ils sont décorés aussi bien sur papier que sur étoffes. Il avait encore résolu de rattacher les industriels qui collaborent à notre fabrication et qui nous fournissent leurs produits que nous utilisons et transformons. Seuls les fournisseurs de papier n’y furent pas acceptés puisque nous savions bien que nous les rencontrerions à la Classe 88.
- p.82 - vue 86/484
-
-
-
- PAPIERS PEINTS.
- 83
- Le nombre des exposants était de io5. Il se décompose comme suit :
- ! français................................................... 5 à
- étrangers................................................... k 2
- non classés................................................. 9
- Total.......................................... io5
- Si l’on veut placer par catégories les différentes industries qui ont exposé, on obtient les résultats suivants :
- „ , . de papiers peints. . .
- fabricants , . ,r » x . .
- ( de papier de fantaisie
- Dessinateurs......................
- Décorateurs.......................
- Fabricants Graveurs.
- de couleurs et vernis. de bronzes en poudre,
- Ide draps et feutres
- de machines.......
- de stores.........
- Exposants non classés..........
- 20
- i5
- 20
- 18
- 10
- 1 k
- 2 2 h 9
- Total
- io5
- Si l’on compare ces chiffres à ceux de 1889, nous constatons que notre Classe avait 67 exposants déplus.
- On se rappelle que l’Exposition de 1889 avait groupé :
- Fabricants Etrangers.
- de papiers peints. . . de papier de fantaisie de stores..............
- 11 exposants. 6 5
- 16
- Total
- 38
- Il est vrai de dire que les industries qui fournissent leurs produits à celle du papier peint ont contribué, pour une bonne part, à grossir le nombre des exposants. Nous rappellerons que c’est à l’Exposition de 1878 que le papier peint a eu, pour la première fois, une salle spéciale et qu’alors 6A exposants avaient répondu à l’appel du comité d’admission. Il est permis de regretter que les détaillants, exclus par les règlements, n’aient pu prendre part à cette Exposition. Si quelques marchands eussent exposé, il nous eût été un plaisir de revoir nos produits tels qu’ils seront appliqués dans les habitations auxquelles ils sont destinés et de juger ainsi du talent d’artiste que déploie un habile décorateur pour embellir un appartement.
- Mais avant de passer en revue chacune des expositions diverses, il est bon de rappeler succinctement l’historique du papier peint.
- p.83 - vue 87/484
-
-
-
- 84
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- FRANCE.
- PAPIERS PEINTS.
- Il ne nous appartient pas, en effet, de retracer en détail l’histoire de notre industrie. Nous nous bornerons simplement à marquer les principales étapes qui coïncident justement toujours avec un nouveau progrès de la science.
- C’est seulement au début du xvne siècle que l’on commença à fabriquer le papier peint, c’est-à-dire du papier décoré destiné à orner les murs de nos habitations. Les dominotiers-enlumineurs, nos prédécesseurs directs, imprimaient avec des pochoirs et des planches que plus tard Papillon, un habile ouvrier graveur, se mit à utiliser; mais ils ne fabriquaient que des fragments de papiers décorés servant à embellir un dessus de cheminée ou une partie de mur.
- C’est en 161 o que nous trouvons, à Rouen, une fabrique de papiers peints. Le François, qui en était le propriétaire, imprimait au pochoir et employait déjà la laine pour faire des papiers veloutés. On possède encore de ses pochoirs portant des dates de 1620 à i63o.
- La création de l’impression des papiers peints est donc bien française.
- En i634, Lanyer, à Londres, s’était fait délivrer une patente pour des tentures qu’il appelait Londriniana. Il y expliquait le moyen qu’il avait trouvé pour fixer la laine, la soie, sur diverses substances, telles que le papier, le coton, la toile, le cuir.
- Grâce à l’emploi de la planche, Jean Papillon, ouvrier graveur à Rouen, donna, dès 1688, à la fabrication française une vigoureuse impulsion. De 1700 à 1767, plusieurs manufacturiers s’installèrent à Paris et restèrent en même temps dominotiers-enlumineurs. Les Anglais nous vendaient, à cette époque, beaucoup de papiers peints, principalement des papiers veloutés. Les guerres avec l’Angleterre arrêtèrent cette importation. Un mercier parisien, Robert, fabriqua des papiers décorés selon les moyens alors connus en France. Un Anglais, nommé Arthur, créa, rue de l’Arbalète, à Paris, une manufacture où il appliqua le système de fabrication de son pays. Tous deux s’étant communiqué leurs différents procédés s’associèrent et leur maison devint florissante. En même temps, vers 1760, Réveillon élevait une fabrique de papiers au hameau de Courtalin-en-Brie et une manufacture de papiers peints à la Folie-Titon, près du faubourg Saint-Antoine. Doué d’une vive intelligence et d’un goût raftiné, il imprima sur papier des dessins composés par les grands maîtres de la peinture de l’époque qui ne craignaient pas de mettre leur talent au service de l’industrie. Louis XVI autorisa Réveillon à donner à sa maison le titre de Manufacture royale de papiers peints. Chacun sait que ce fabricant fut accusé, à tort ou à raison, de ne pas servir la cause du peuple; sa fabrique fut envahie le 29 avril 1789 et saccagée le lendemain par une bande de forcenés, parmi lesquels bien peu de ses ouvriers se trouvèrent mêlés. Cette scène de
- p.84 - vue 88/484
-
-
-
- PAPIERS PEINTS.
- 85
- pillage fat le début de la Révolution qui annonçait une ère d’émancipation et de progrès. A cette époque, plus de trente industriels s’occupaient, à Paris, du papier peint. Ils fabriquèrent alors des emblèmes républicains et des figures allégoriques représentant la Liberté, l’Égalité, la Fraternité, que le peuple, flatté dans ses convictions, achetait avec empressement.
- L’Empire arrive. Les maisons Dufour, Zuber, Jacquemart, Dauptain, se disputent l’honneur de livrer les dessins du meilleur goût et d’apporter des améliorations constantes dans leur fabrication. Tout le monde emploie le papier de tenture,, la classe moyenne aussi bien que les bourgeois, suivant en cela l’exemple de l’Empereur lui-même qui avait fait spécialement dessiner ses armes et tapisser ses appartements. Aussi partout s’élevèrent des fabriques occupant un personnel considérable. Jusqu’alors, le papier était fabriqué en feuilles; pour former un rouleau, il en fallait 2 A que des femmes raboutaient. En inventant le papier continu, Louis Robert fit faire un grand pas à notre industrie. Dès 1827, Zuber, à Mulhouse, avait tenté des expériences avec des cylindres gravés en creux ; mais il n’avait pu encore avoir que de tout petits quadrillés ou diagonales. Ce n’est que plus tard, en i83o, que Newton, perfectionnant ce procédé, put alors obtenir l’impression des dessins; il prit un brevet à Londres.
- Vers 1837, un Français, Bissonnet, qui était charcutier de son état, s’empara d’une invention de son camarade Marchais, ouvrier en papiers peints, et construisit une petite machine à une couleur, qui était actionnée à la main. Ce système avec impressions en relief devait, seul, se propager en France. Pendant ce temps, en Angleterre, des essais suivis étaient pratiqués et, vers 18A9, une dizaine de machines, mues à la vapeur, y imprimaient le papier continu.
- En France, les Délicourt, Desfossé, et tant d’autres, perfectionnaient la fabrication à la planche et produisaient d’admirables décors. De i85o à 1860, plusieurs fabriques avaient différentes machines à imprimer à la main; ce n’est qu’après 1860 que furent introduites les premières machines à 8 couleurs, qui permettaient d’avoir des papiers peints à bon marché. Ce fut à l’Exposition de 1867 que l’on put juger des résultats obtenus. Un peu avant, cependant, étaient apparus deux nouveaux articles qui eurent une grande vogue pour l’exportation : les frappés dorés et les cuirs repoussés, ou papiers en relief.
- Au point de vue de l’impression mécanique, la France avait repris, en 1878, le premier rang; elle exposait des dessins en 2A couleurs. En 1889, elle conservait la première place avec ses décors de 2 mètres de hauteur, imprimés à la machine et sans raccords. Depuis cette époque, l’industrie du papier peint s’est bien maintenue dans notre pays par la réputation de ses produits, bien que le nombre des fabricants ne soit plus que de 2 5. Elle occupe un personnel de plus de 3,ooo ouvriers ou employés; à sa disposition, elle a plus de 200 machines et 200 tables à imprimer qui débitent annuellement près de 32 millions de rouleaux, pour une valeur de 16 à 18 millions de francs.
- Après 1889, la machine a fait des progrès de plus en plus marqués, au détriment
- p.85 - vue 89/484
-
-
-
- 86
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- de la planche qui, cependant, jouit, depuis quelques années, d’une plus grande faveur. Nous espérons que la fabrication à la main reprendra une place importante.
- Depuis lors, aussi, deux nouvelles pâtes à papier ont eu un certain succès : l’une, imitation de toile avec le chiné du jute, donne un dessous fort employé dans les escaliers, entrées, salles à manger. L’autre, imitant les papiers à tontisses de laine et dénommée veloutine, sert à remplacer les papiers veloutés par d’autres qui ont l’avantage d’être meilleur marché, de ne pas retenir la poussière et d’être aussi plus faciles à imprimer et à coller.
- Le goût s’est aussi transformé ; vers 1896, les Anglais répandirent en France une très grande quantité de leurs papiers aux teintes pâles, bien connues sous le nom de genre Liberty. A ce moment déjà, Fart nouveau prenait, en France, un grand essor. Nos fabricants n’hésitèrent point à l’employer ; ils firent d’abord des frises et des papiers peints de peu de couleurs, avec bordures bien assorties. Aujourd’hui, ils sont parvenus à produire, avec des dessins modernes, des effets décoratifs marqués d’un cachet bien français. Quant aux tentures de purs styles, elles sont toujours recherchées par la clientèle étrangère, qui peut difficilement trouver ces genres ailleurs que chez nous.
- Pendant ces dernières années, on employait surtout des papiers de tenture à dessins dont le motif se répétait ; bien que ce genre soit toujours de vente courante, on revient à la décoration qui était en vigueur dans la première partie du siècle. Ce que l’on recherche aujourd’hui, c’est d’éviter le plus possible la répétition d’un motif. On y parvient par des frises avec dessins assortis et par de grands décors, qui sont livrés à un prix des plus modiques. Nous sommes heureux de constater qu’ils tenaient la place principale dans la Classe 68. La fabrication française n’y était surpassée par celle d’aucun autre pays; depuis 1889, elle tient toujours la tête, avec des impressions à la machine de 2 mètres de hauteur et d’une seule venue.
- Malgré la hausse légère des prix qu’a subie le papier peint en 1899, Par su^te de l’augmentation des matières premières, notre article sera, pendant longtemps encore, le produit le plus économique pour orner les murs. Il restera aussi le plus sain, car, au contraire des étoffes, il ne retient ni les poussières, ni les microbes. Aussi, l’industrie du papier peint ne pourra-t-elle que prospérer. Elle offre à ses ouvriers un salaire élevé. La moyenne d’une journée de dix heures des imprimeurs à la machine est de 8 à 1 2 francs; celle des hommes de peine, rouleurs et divers manœuvres, varie entre k et 6 francs. Les jeunes gens gagnent maintenant de 1 fr. 5o à A francs. Au point de vue de l’hygiène, tous travaillent dans les conditions les meilleures, grâce aux lois nouvelles. Les vieilles fabriques insalubres n’exislent plus, et de grandes précautions sont prises dans toutes les usines pour protéger la vie du personnel.
- Dans la fabrication du papier peint, les nations voisines sont loin d’être restées stationnaires ; les industriels s’y sont surtout appliqués à perfectionner leur outillage et à obtenir ainsi une énorme production à bon marché, ne laissant plus à la France que l’exportation d’articles spéciaux dans les qualités fines.
- Nos exportations qui étaient de 1,853,558 kilogrammes en 1889, de 2,003,890 ki-
- p.86 - vue 90/484
-
-
-
- PAPIERS PEINTS.
- 87
- logrammes en 1892, de 1,855,61 8 kilogrammes en 1895, sont restées à peu près stationnaires avec 1,585,787 kilogrammes en 1899.
- Seul, le prix moyen du kilogramme exporté a sensiblement baissé : de 2 fr. 2 5 qu’il était en 1889, il n’est plus maintenant que de 1 fr. 61.
- Les importations ont subi une marche ascensionnelle continue; elles étaient:
- kilogrammes. kilogrammes.
- 1889...................... 26/1,209 1895....................... 523,oo5
- 1892...................... 337,4o8 1899....................... i,iao,4i5
- Sans vouloir nous y étendre longuement, nous dirons que la cause d’augmentation des importations est attribuée, en grande partie, à notre esprit libéral : nous laissons entrer le papier peint en France à raison de 10 francs les 100 kilogrammes, pendant que presque tous les pays où nous exportons nous ont été fermés par des droits excessifs.
- Maintenant que nous avons examiné l’état général actuel de notre industrie, nous allons passer en revue les maisons qui ont apporté leur concours à l’exposition de notre Classe.
- A Paris, l’exposition de la maison Isidore Leroy s’offrait aux regards charmés, sur une longueur de 3i mètres et une hauteur de 5 m. 5o. L’ensemble frappait, non seulement par son ampleur, mais encore par sa richesse de coloris et sa composition ordonnée par des maîtres tels que MM. Tardif et Bigaux; il était formé de huit panneaux différents de styles comme de tons; l’art nouveau y coudoyait, en effet, les styles Louis XIV et Louis XVI, même dans les boiseries qui leur servaient de cadre.
- Au centre, le panneau principal : La Cueillette des oranges, attirait l’attention ; la composition en était due à M. Louis Bigaux. Au milieu d’un champ d’orangers, sept jeunes filles, exquises de grâce, cueillaient les fruits d’or dont elles remplissaient d’élégantes corbeilles; en leurs robes fort simples, elles paraissaient encore plus jolies; leurs pieds menus foulaient, dans l’herbe où elles se jouaient, quelques lleurettes qui étaient bien leurs compagnes naturelles. Au loin, de légères ondulations estompaient l’horizon et complétaient, par une tonalité plus sombre, ce tableau d’où s’exhalait un sentiment de poétique rêverie. Encadré par une large bordure, ce sujet était réellement décoratif; il mérite de prendre la place d’un tableau de maître dans nos demeures.
- De chaque côté se trouvaient deux panneaux faïence de même tonalité : celui de gauche représentait des cygnes glissant parmi des iris sur l’eau calme d’un lac; l’autre, qui lui était symétrique, nous montrait de blanches mouettes aux ailes étendues planant au-dessus de vagues aux mouvantes ondulations.
- A la droite de ce panneau, nous avons remarqué deux dessins en art nouveau, d’une bonne conception, qu’accompagnait un cuir repoussé. Ils avaient pour pendant, à gauche, un magnifique panneau central de trois lés, où apparaissait un joli vase Louis XVI, de chaque côté duquel se trouvait un trumeau d’un lé, séparé de la faïence aux cygnes et d’un autre dessin imitation cuir repoussé par des boiseries en noyer du plus élégant effet.
- p.87 - vue 91/484
-
-
-
- 88
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- M. Leroy qui exposait seul pour la première fois, a voulu dépasser les grands succès que son père avait obtenus dans les expositions précédentes. Il y a pleinement réussi ; aussi éprouvons-nous un vif plaisir à le féliciter de ce résultat.
- La maison Grantil, fondée à Metz en 1838, fut plus tard transférée à Châlons-sur-Marne, où elle se trouve actuellement.
- Son exposition se composait de sept panneaux dans un grand encadrement de plantes marines traitées en art nouveau.
- Au centre se détachait le sujet principal, les Ondines, dû à la composition de M. Turner. Coiffée d’algues, une ondine aux ailes de libellule tenait dans ses mains un coquillage; elle le présentait à une de ses sœurs qui se disposait à le prendre. A leur entour, d’autres ondines se jouaient dans les vagues, tandis que des oiseaux venaient se poser sur la tige flexible d’un roseau que l’une d’elles courbait.
- Ainsi étaient réunis les filles des eaux et les fils de l’air dans ce décor d’une grande hardiesse.
- D’une belle conception, ce panneau n’en était pas moins remarquable par son ampleur; il mesurait 3 m. 5o de haut sur 2 m. 65 de large et était composé de vingt-cinq morceaux collés.
- De chaque côté, et comme pour le faire ressortir, se trouvaient deux petits panneaux d’un même dessin de pissenlit sur fond bleu. Plus à droite, Ton voyait une imitation de cuir repoussé d’allure orientale; pour lui donner encore plus de développement, on l’avait décoré d’un beau soubassement de fleurs stylisées.
- Deux autres panneaux de dessins déjà connus venaient ensuite. A l’extrême gauche, un papier peint moderne terminait l’exposition de la maison Grantil.
- Tous ces panneaux, au-dessus desquels couraient des frises de bon goût, étaient séparés par des encadrements en art nouveau, dont les ornements avaient en général le mouvement de la ligne d’Horta. Nous ne voulons pas oublier de rappeler l’acte patriotique que M. Grantil père accomplit après la guerre, en abandonnant la ville de Metz pour venir s’établir à Châlons-sur-Marne et conserver ainsi sa nationalité française.
- PAPIERS DE FANTAISIE.
- L’industrie du papier de fantaisie était représentée par i5 fabricants, dont 10 français et 5 étrangers. Depuis quelques années, elle a pris dans notre pays la place importante qu’elle mérite. Nous ne sommes plus tributaires de nos voisins. De nombreuses usines se sont installées dans toute la France, et surtout à Paris, Lyon, Bordeaux ; d’autres villes en possèdent aussi.
- Quelques-unes de ces usines s’en tiennent uniquement à la fabrication du papier couché pour éditions; d’autres, plus puissamment outillées, font en outre les couchés or et argent, les satins, les marbrés, pour la reliure, le cartonnage et l’article de Paris.
- p.88 - vue 92/484
-
-
-
- PAPIERS PEINTS.
- 89
- L’origine de cette industrie est intimement liée à celle du papier; bientôt aux riches couvertures en cuir, on substitua des reliures en fort papier sur lesquelles on collait un papier blanc décoré à la main; plus tard, au xvme siècle, les papiers marbrés prirent une grande extension, mais ce n’est qu’au début du xixe siècle que les papiers de fantaisie commencèrent à être très répandus lorsqu’ils furent appliqués au cartonnage et au paquetage de toutes sortes d’articles.
- L’Allemagne lui donna, dans la deuxième partie du siècle, une vigoureuse impulsion. Grâce à des perfectionnements mécaniques qui permirent aux industriels allemands d’avoir du papier d’excellente qualité, des couleurs et des collants à très bas prix, ils purent livrer à bon marché des articles supérieurs dont ils inondèrent l’Europe.
- Après 1870, plusieurs usines commencèrent à s’installer en France. En 1878 et en 1889, six d’entre elles prirent part à l’Exposition. Depuis cette époque, le papier de fantaisie a surtout été produit dans notre pays. Des maisons françaises deviennent les émules des fabriques étrangères.
- Parmi celles qui ont exposé, nous signalerons les plus méritantes :
- M. Grillet, à Paris. — Par des soins constants et son outillage perfectionné, cette maison est parvenue à prendre une place importante dans l’industrie des papiers de fantaisie. En contemplant son exposition, les yeux étaient agréablement frappés de l’ensemble du plus chatoyant effet. Deux bobines de papier couché déroulaient leurs feuilles sans fin que maintenaient de petites baguettes simulant une accrocheuse.
- Des spécimens de différents journaux illustrés, imprimés sur le papier de cette maison, étaient épars dans la vitrine ; ils nous montraient les gravures dont l’encre ressortait admirablement sur la finesse de son couchage.
- Nous y avons surtout remarqué les fort belles publications de luxe tirées en couleurs : le Figaro, l'Illustration, le Théâtre, les affiches Olibet, divers almanachs illustrés.
- MM. Prioux et Münier, à Bessé-sur-Braye. — MM. Prioux et Munier fabriquent des papiers couchés sur des pâtes qu’ils font eux-mêmes dans leurs deux usines contiguës. Le chiffon sert toujours de base dans leur fabrication du papier. Connaissant intimement leur matière première, ils sont parvenus à produire, pour éditions de luxe, des papiers couchés d’un fini irréprochable.
- En plus d’une grosse bobine de leur papier Idéal bicolore, leur exposition nous montrait un papier chromolitho tiré en seize couleurs, d’un repérage précis ; des images religieuses d’une grande finesse et des similigravures fort bien venues.
- M. Keller-Dorian, à Lyon. — Dans sa vitrine, se trouvaient élégamment disposés des spécimens d’impression entaille-douce très fine, pour le cartonnage de luxe. Divers modèles de sacs à bonbons montraient le papier manufacturé. Un étalage de différents dessins modernes où se révélait le goût français et quelques jeux de fond sur couchés or et imitation de peau, faisaient bien voir que nous avions à faire à un habile praticien.
- M. Rebouis, à Paris, successeur de M. Bure. — La maison Rebouis s’était fait remarquer par la bonne exécution du gaufrage des papiers couchés et tout spécialement de deux imitations de cuir d’une tonalité sobre et mate.
- p.89 - vue 93/484
-
-
-
- 90
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- Cette maison a appliqué avec succès au papier les procédés galvanoplastiques inventés par M. Bure pour le gaufrage des peaux.
- M. Reydet, à Paris. — M. Reydet avait présenté des papiers or et argent; il nous a montré l’application qu’on en fait dans la confiserie par des dessus de boîtes et de belles bordures découpées en dentelles. Cette maison lutte avec avantage,surtout pour les qualités supérieures, avec les manufactures allemandes qui, jusqu’ici, avaient le monopole de cette fabrication.
- MM. Chartier, Marteau frères et Boudin, à Paris.— Des papiers marbrés, des jeux de fonds et des papiers couchés pour la carte à jouer avaient été présentés d’une manière agréable par MM. Chartier, Marteau frères et Boudin, qui sont devenus acquéreurs depuis peu de l’ancienne usine de M. Lacoste.
- M. Coquillard, à Epernay. — M. Coquilla’rd s’est spécialisé récemment dans le papier de fantaisie qui se rapporte surtout au surbouchage du champagne; sa vitrine laissait apercevoir des fonds satins, des papiers étains et dorés, d’autres bronzés, vernis, de différentes nuances. Quelques-uns imprimés, d’autres gaufrés étaient aussi destinés aux absinthes, liqueurs et à quelques produits alimentaires.
- DESSINATEURS.
- A l’époque où seule l’impression à la planche était employée, tous les dessins pouvaient être exécutés, et des maîtres tels que Huet, Fragonard fils, Laffitte ne dédaignaient pas de s’occuper de notre industrie. Naturellement, selon la manière dont ils étaient traités, ces dessins exigeaient une dépense plus ou moins importante.
- Dès que l’impression à la machine a été adoptée, les dessinateurs en papiers peints sont devenus des spécialistes. Dans leurs ateliers, on trouve des modèles qui ont l’avantage d’être essentiellement pratiques. Bien combinés, leurs originaux demandent une gravure moins dispendieuse et conservent, imprimés, leur excellent effet.
- Nous sommes heureux de constater que Paris reste toujours le grand centre où se créent les belles nouveautés.
- Dans notre Classe, quinze dessinateurs français avaient exposé; il est bon de faire ressortir les qualités propres à chacun d’eux :
- M. Ruepp, à Paris. — Si d’autres classes ont eu de brillantes expositions particulières de dessinateurs, la nôtre était privilégiée, grâce au salon magnifiquement décoré par M. Ruepp. Aussi le Jury a-t-il décidé de décerner à M. Ruepp, qui exposait pour la première fois, une médaille d’or avec félicitations. Dans ce salon avaient été groupés des dessins pour papiers peints.
- Ce dessinateur nous présentait des originaux à plusieurs raccords, en des panneaux encadrés permettant de se rendre compte de l’effet produit par les papiers de tenture, une fois collés sur les murs. Différents genres de styles modernes d’une élégante fantaisie étaient représentés dans des salles à manger, des chambres à coucher, des boudoirs, des études pour décors.
- p.90 - vue 94/484
-
-
-
- PAPIERS PEINTS.
- 91
- Quelques-uns de ces dessins avaient leurs frises assorties; on pouvait encore admirer quelques spécimens de frises isolées.
- Le plafond, peint et exécuté par des artistes de la maison, était une heureuse application des ornements nombreux offerts par la branche et la fleur du gui.
- Les rideaux, les tapis, les étoffes murales, même les fauteuils et les chaises avaient été fabriqués d’après les cartons dessinés dans les ateliers de M. Ruepp. Rien qu’établi depuis vingt ans seulement, ce dessinateur a obtenu, par la hardiesse de sa conception, une réputation bien méritée.
- M. Bigaux, à Paris. — De l’examen des trois petits tableaux qui formaient l’exposition de M. Rigaux se dégageait nettement l’impression que nous avions à faire à un artiste de talent. Nous avons admiré la pureté des lignes de ses dessins exécutés dans un style moderne délicat et bien français. Du reste, M. Bigaux avait collaboré brillamment à l’exposition de M. Leroy; nous regrettons que, absorbé par ses multiples travaux, il ne puisse consacrer à notre industrie une plus grande partie de son temps.
- M. Tetrel, à Paris. — Cette ancienne maison, qui est bien renommée dans notre industrie , avait exposé des dessins fort pratiques. Elle présentait la maquette du décor de la Société des anciens établissements Desfossé et Karth, qu’elle a dessinée et dont on pouvait voir l’exécution à proximité.
- M. Gros-Renaud, à Paris. — Dessinateur de grand mérite, M. Gros-Renaud dirige un atelier où sont exécutés tous les genres auxquels il prend la plus grande part. Les deux projets de papiers peints qu’il exposait étaient de tonalités très harmonieuses. L’un d’eux, fort lumineux, donnait l’illusion de la vie des plantes et des fleurs pendant une chaude journée d’été. C’est à M. Gros-Renaud lui-même que nous devons le décor La Journée, d’une grande hardiesse de conception.
- M. Sins, à Paris. — Ce dessinateur est connu parles travaux pratiques qu’il exécute pour papiers peints et étoffes. L’exposition de M. Sins nous montrait quelques originaux, les uns préparés pour notre industrie, les autres exécutés sur étoffe; ces derniers, ainsi qu’un grand tableau de peinture artistique étaient en dehors de notre compétence. Il nous plaît de constater que les dessins pour papiers peints étaient soigneusement mis au point.
- M. Mey, à Paris. — M. Mev présentait différents genres de modèles qui pourraient être exécutés en papier peint. Autour de la Clôture brisée, tableau qui dénotait un bon talent de coloriste, avaient été placés plusieurs dessins de styles divers. Cette Clôture brisée, qui n’était pas destinée à notre industrie et que nous n’avions pas à juger pour cette raison, offrait en premier plan des roses trémières d’une belle venue qu’il serait facile de mettre au point pour un dessin de papier de tenture.
- M. Guimard, à Paris. — Dans un cadre de fantaisie composé avec la ligne «coup de fouet55 qu’il emploie si bien, M. Guimard nous montrait quelques spécimens de ses tentures. Voulant réaliser ses idées particulières, cet architecte avait fait exécuter lui-même dans notre industrie des dessins spéciaux pour cadrer avec les constructions modernes dans lesquelles il déploie son esprit innovateur.
- p.91 - vue 95/484
-
-
-
- 92
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- M"c Chevreton, à Paris. — Cette artiste, dont la main ne manque point d’habileté, avait exposé plusieurs dessins. Dans le nombre, nous en avons reconnu qui étaient déjà dans le commerce.
- MM. Troublé et Méchin , à Paris. — Ces dessinateurs pour notre industrie nous avaient soumis des originaux dont l’un avait déjà trouvé pratiquement place dans notre Classe. Quelques photographies nous montraient des ensembles de travaux de bonne composition qui étaient déjà exécutés.
- M1!e Hervegh, à Paris. — Quatre dessins modernes dénotant déjà une certaine habileté laissaient deviner qu’ils étaient de la main d’une femme.
- MM. Thierry et Studd, à Paris. — Ces deux dessinateurs avaient exposé un grand nombre de papiers et cretonnes bien mis au point et de fabrication courante.
- DÉCORATEURS.
- Appelés autrefois fabricants de papiers peints, les décorateurs étaient surtout rattachés à notre industrie lorsque la fabrication se faisait seulement à la planche. Us ne peignaient du reste que sur le papier. Par la suite, d’habiles artistes décorèrent les étoffes et même les toiles. Leurs travaux et particulièrement leurs paysages aux vives couleurs trouvaient une facile application dans les salles de cafés et hôtels; ils étaient livrés à un prix à peine plus élevé que celui de l’impression. De i84o à 1867, il s’en fit une énorme exportation dans les deux Amériques.
- Dans l’Asie orientale et surtout en Chine, en Corée, au Japon et dans notre protectorat de l’Annam, on fait à la main des papiers de tenture qui rentrent plus dans le domaine du décorateur que dans celui du fabricant.
- Depuis quelque temps, surtout en Angleterre, il est de mode d’employer de grosses pâtes en relief et de peindre ensuite sur le mur ce papier, une fois collé. Ce genre de décoration a sa place tout indiquée dans les décorateurs à la main.
- M. Mérou, à Paris. — Cette maison, déjà ancienne, a conservé sa bonne réputation sous la direction du propriétaire actuel. A la fabrication des devants de cheminée, M. Mérou a adjoint avec succès la peinture sur papier et sur étoffe, à laquelle il a rendu l’appréciable avantage d’être lavable. Depuis quelque temps, il livre aussi des papiers vitraux qui rivalisent déjà avec les produits similaires de l’étranger.
- Le meuble spécial sur lequel il avait élevé son exposition était composé de panneaux mobiles fixés à un montant. On y voyait des dessins artistiques représentant des scènes champêtres, des idylles et d’autres sujets parmi lesquels deux gracieuses jeunes filles de pêcheurs présentant aux passants leur éventaire de poissons.
- MM. Schmitt et fils, à Paris. — Les dessins exposés par MM. Schmitt formaient un ensemble bien réussi. Leur panneau principal, Jeunes filles couronnant un faune, était des plus gracieux avec son sous-bois d’une verdure très soutenue, laissant percevoir une éclaircie à l’horizon. Un cerné découpait les personnages et modernisait le sujet. Spé-
- p.92 - vue 96/484
-
-
-
- PAPIERS PEINTS.
- 93
- cialistes dans la peinture décorative sur étoffe et sur papier, MM. Schmitt sont d’excellents artistes, depuis les longues années qu’ils s’occupent de ces genres.
- MM. Dieutegard' et Lamboley, à Paris. — Artistes de talent, MM. Dieutegard et Lamboley font de la peinture décorative sur papier, toiles, étoffes, etc. Leur toile Gobelin Louis XV, qui figurait à l’Exposition, était d’une grande finesse d’exécution. Les figures y étaient gracieusement dessinées. Hâtivement fabriqué, leur grand panneau central avait été de ce fait un peu négligé; on y reconnaissait cependant que seule une main expérimentée pouvait l’avoir combiné et peint.
- FABRICANTS DE COULEURS ET VERNIS.
- Il y a quelques années, en examinant les prix des couleurs pour les industries de papiers de tenture et de fantaisie, nous étions obligés de reconnaître que, pour la qualité ordinaire, les tarifs en France étaient beaucoup plus élevés que ceux de nos voisins, mais qu’ils étaient égaux pour les produits supérieurs. Aujourd’hui, plusieurs maisons françaises sont arrivées à livrer des couleurs d’excellente qualité à des prix qui défient toute concurrence.
- Il en est de même pour nos vernis qui sont très recherchés, non seulement en France mais encore à l’étranger. Il est maintenant facile de se procurer chez nous les matières premières qui leur servent de base : nos huiles du Nord et nos essences de térébenthine du Midi alimentent la plus grande partie de cette fabrication. Quant aux gommes que nous étions obligés d’acheter sur les marchés anglais et hollandais, elles commencent à être fournies par nos colonies et surtout par le Sénégal, Madagascar et la Nouvelle-Calédonie.
- MM. Jacques Sauce et Cie, à Paris. — Cette maison de vieille réputation a conservé, à part sa fabrication de couleurs et encres d’imprimerie, une spécialité pour la laine et soie en poudre servant aux veloutés, cheviottes et soies. Dans sa vitrine s’étageaient différentes séries de coupes contenant des couleurs, des laines, des cheviottes, des mordants et du blanc métallique. Une rosace d’échantillons faisait voir des papiers soie de divers fabricants.
- MM. Richter , à Lille. — Ces industriels avaient simplement exposé quelques spécimens de leur fabrication et principalement des bleus en poudre que nous savons si appréciés.
- M. Croulard, à Paris. — Dans des bocaux, des coupes et des tubes en cristal, nous avons remarqué la beauté et la qualité des produits de la maison Croulard, qui étaient présentés avec infiniment de goût. Nous n’avons pas à en faire l’éloge, tant ils sont justement appréciés depuis de longues années dans les industries des papiers de tenture et de fantaisie.
- M. Sancy, à Paris. — La maison Sancy, qui est fort ancienne, a toujours maintenu son excellente réputation pour la livraison très régulière et la bonne qualité de ses produits. En sa vitrine, elle nous soumettait, dans de longs flacons, les spécimens variés de ses vernis et dans des coupes les gommes qui servent à leur préparation.
- p.93 - vue 97/484
-
-
-
- 94
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- MM. Olive frères, à Paris. — La façon dont MM. Olive frères avaient disposé leurs produits faisait le meilleur effet. Dans leur vitrine, on voyait leurs différents échantillons de papiers de fantaisie; sur un fond de draperie en peluche, un arc-en-ciel montrait la gradation des multiples nuances obtenues dans leur fabrication de couleurs pour papiers de tenture et de fantaisie. Nous signalerons aussi leurs couleurs permanentes en félicitant MM. Olive de l’heureuse réussite qu’ils ont eue dans cette fabrication. Dans leur exposition de papiers de fantaisie, nous avons remarqué des articles qui étaient d’une exécution parfaite, notamment des papiers couchés et gaufrés pour cartonnages de luxe et des imitations de peau d’une très belle venue.
- M. Leroy (Lucien), à Montreuil-sous-Bois. — M. Leroy, parles efforts constants qu’il a toujours apportés à sa fabrication et après être allé étudier chez nos voisins d’outre-Rhin, a trouvé les moyens de produire des couleurs à des prix minimes qui aident notre pays à lutter sur les principaux marchés contre la concurrence étrangère. Par la qualité de ses produits et sa spécialisation aux industries du papier peint et du papier de fantaisie, il s’est acquis une réputation justement méritée.
- Dans sa vitrine, les différentes nuances de ses couleurs, coquettement disposées dans des bocaux et des coupes, faisaient le meilleur effet. Les étiquettes qui en indiquaient la désignation aidaient encore à l’effet décoratif de l’ensemble.
- MM. Benda et frère, à Paris. — Fabricants de couleurs et de blanc métallique, MM. Benda ont amené à un rare degré de perfection leurs produits, qui sont surtout employés dans la fabrication des papiers de tenture et de fantaisie. Leurs rouges, jaunes, verts et autres nuances avaient été exposés dans des bocaux bien ordonnés. D’ailleurs, ces industriels ont, depuis longtemps, acquis une réputation justifiée par l’assiduité avec laquelle ils s’occupent de leurs affaires, autant que par la valeur de leurs articles.
- M. Detourbe, à Paris. — D’une maison qui était spécialisée à deux ou trois produits, M. Detourbe en a fait une très importante s’occupant de plusieurs matières employées dans les fabriques de papiers peints et de papiers de fantaisie. Par ses vernis, ses couleurs, ses mordants et ses huiles d’excellente qualité, livrés à des prix modiques, il a aidé les industriels à lutter contre la concurrence étrangère. Nous savons avec quel soin il étudie lui-même les modifications qui lui sont demandées. M. Detourbe est un chercheur que rien ne décourage.
- Son exposition présentait une collection de bocaux, de coupes, de tubes remplis de ses divers articles. On y voyait encore tous les produits manufacturés par différentes industries. Reflété par des glaces, l’ensemble offrait un aspect des plus agréables.
- M. Bre^ant-Croüzet, à Méru. — Les blancs surfins, pulvérisés, concassés ou en pains, qu’avait exposés M. Brébant-Crouzet, étaient les plus beaux et les plus soignés que nous connaissions. Cette maison s’est toujours attachée à fournir des blancs très lavés et bien séchés.
- M. Poulet, à Auxon. — La maison Poulet présentait des blancs en pains, de formes et de dimensions différentes, des blancs en poudre plus ou moins fins, ainsi que des blancs concassés pour la livraison en vrac.
- p.94 - vue 98/484
-
-
-
- PAPIERS PEINTS.
- 95
- FABRICANTS DE BRONZES EN POUDRE.
- Pendant longtemps, l’Allemagne et tout particulièrement les villes de Nuremberg et de Fürth avaient le monopole de la fabrication du bronze en poudre. Nous avons la satisfaction de constater que deux usines, en France, produisent cet article qui est si couramment employé.
- C’est un Français, Couvier, associé à Conrad Pickel de Fürth, qui, en 1781, parvint à fabriquer de la poudre de bronze. Ce nouveau produit, qui a l’apparence de l’or, ne trouva une grande application qu’au commencement du xixe siècle, lorsque le papier peint prit un grand essor en France, en Angleterre et plus tard aux Etats-Unis. Sa fabrication fut surtout rendue pratique après les heureuses modifications apportées par J. Brandeis qui, en i85o, reçut un privilège pour l’exploitation, dans le royaume de Bavière, de son invention.
- Au lieu d’utiliser des déchets de bronze par de longues préparations, Brandeis avait, en effet, trouvé le moyen de travailler directement le métal avec une graisse quelconque et dans un très court laps de temps. Depuis lors, cette fabrication s’est largement développée; le bronze en poudre est maintenant employé dans un nombre considérable d’industries.
- Société française des couleurs métalliques, à Charleval. — Pour la première fois, nous avons eu à juger une manufacture française de bronzes en poudre. Grâce à M. Dupont, le directeur de la Société française des couleurs métalliques, nous avons pu examiner, dans une vitrine, des coupes de bronzes différents, des lingots bruts, du clinquant et des feuilles battues qui ressortaient fort bien sur une peluche verte. Sur une tablette, on apercevait en des bocaux les bronzes employés le plus couramment. Malgré les luttes acharnées que lui ont livrées les usines de Nuremberg, et aussi malgré la difficulté de former des ouvriers pour une industrie qui n’existait pas en France, cette fabrique a prospéré et elle est parvenue, par la persévérance de M. Dupont, à livrer des produits aussi parfaits que ceux de nos voisins. Si cette société égale les maisons étrangères dont elle est devenue l’émule pour les bronzes et les ors Taux, elle les surpasse pour l’aluminium.
- GRAVEURS.
- L’art de la gravure est plus ancien que l’industrie des papiers de tenture. Les premières planches gravées en bois étaient une simple xylographie qui remonte à peu: d’années après la découverte du papier. De 1 516 à 1519, sous la direction de Peu-tinger, 17 habiles graveurs exécutèrent 18 5 planches en poirier de 0 m. 37 de haut sur une largeur de 0 m. 36 à 0 m. Zi 2, formant un ensemble de 5 A mètres de développement pour la Marche triomphale de Maximilien, dessinée par A. Dürer et Burg-mair.
- Ce fut Jean Papillon qui, vers 1680, appliqua la planche gravée à l’impression du
- p.95 - vue 99/484
-
-
-
- 96
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- papier peint qui se faisait auparavant au pochoir. Pendant la plus grande partie du xvme siècle, les planches n’étaient que du bois découpé dont on laissait en relief la partie imprimante. Plus tard, l’on se servit du cuivre qui formait les parties fines ou les traits délicats, trop fragiles lorsqu’ils sont en bois.
- Les premiers essais de fabrication mécanique se firent avec des rouleaux en cuivre à simples rayures ou gravés en creux. Lorsque, après l’invention de Bissonnet, plusieurs machines fonctionnèrent en France, des cylindres en bois gravé furent tout d’abord appliqués. A ce moment, chaque cylindre était garni, au centre, d’un arbre fixe en fer qui servait aie maintenir sur les coussinets de la machine. Aujourd’hui, le cylindre est percé dans sa partie centrale d’un trou dans lequel on introduit un arbre mobile, ce qui permet de le placer sur des machines de différentes largeurs.
- Dans les cylindres gravés en bois, on adapta bientôt du cuivre dans les parties délicates, puis la gravure fut tout en cuivre et feutrée pour les formes mates. Plus tard, le procédé à bois bridé, imaginé par M. Heilmann, permit d’obtenir des cachets de plomb pour les dessins se répétant. On pensa aussi à utiliser des cylindres en plâtre moulé sur lesquels furent cloués les cachets de plomb.
- Depuis quelque temps, des cylindres en papier sont également employés ; dernièrement, on en a essayé en verre gravé aux acides.
- Nous souhaitons la meilleure réussite à l’inventeur qui dotera notre industrie d’un système de gravure à bon marché et qui facilitera ainsi la création d’un nombre plus considérable encore de nouveaux modèles.
- M. Dournel, à Paris. — Dans sa vitrine, M. Dournel avait présenté des gravures de différents genres et de toutes dimensions. Un cylindre de o m. 3i de circonférence était posé au-dessus d’un autre de 2 mètres; il semblait un lilliputien à côté du géant qui eût pu l’absorber quarante-deux fois. Plus loin, un cylindre de 0 m. ho, en plomb, se dressait au-dessus d’un cerné de cuivre de 0 m. 60, d’une très grande finesse. Monté sur un cylindre de 1 mètre, un cerné de plomb sur bois lui faisait pendant. Diverses vues de l’Exposition y étaient clouées et, grâce au plomb spécial dont elles étaient formées, des détails extrêmement délicats avaient pu être obtenus. Derrière ces cylindres, deux panneaux en montraient la perfection du travail ; ils représentaient l’Exposition de 1900 et une scène de danse dans le genre Watteau. Des clichés et des tilleuls divers étaient épars; ils étaient séparés par des échantillons de lamelles de cuivre, découpées par un procédé spécial et implantées dans le bois pour servir à des imitations de reps, de grains d’étoffe ou de peau et de grain? de fantaisie. D’une largeur de 1 m. 80, quelques cylindres en plomb pour toiles cirées démontraient que M. Dournel est d’une haute compétence dans tous les genres de gravures en relief pour impression.
- M. Cholet, à Paris. — Sur un fond de papiers peints imprimés dont cette maison avait exécuté la gravure, se détachait, en forme de médaillon, une grande planche gravée où étaient mentionnées les différentes industries pour lesquelles travaille M. Cholet. Des rubans de Saint-Etienne et des mouchoirs portant imprimées les vues de différents monuments de l’Exposition garnissaient la vitrine centrale. Deux vitrines
- p.96 - vue 100/484
-
-
-
- PAPIERS PEINTS.
- 97
- latérales contenaient des cylindres de cernés en bois et cuivre, en plâtre et plomb appartenant à différentes maisons de notre industrie, ainsique des échantillons de papiers peints qu’ils avaient servi à fabriquer. Dans la gravure, M. Cholet a su maintenir l’excellente réputation que lui avait léguée son père.
- M. Vérité, à Saint-Denis. — Graveur pour impressions, M. Vérité nous soumettait quelques spécimens de tilleuls et de clichés d’une grande finesse, parmi lesquels un chœur de chapelle gothique habilement exécuté. Des cylindres et des planches indiquaient les différents genres de travaux destinés aux manufactures de papiers peints, de soieries, de mouchoirs et d’étoffes diverses.
- M. Plain, à Ballancourt. — M. Plain excelle dans la fabrication des cylindres à gaufrer et à repousser. Il avait soumis à notre appréciation plusieurs échantillons de papiers et étoffes gaufrés, d’incrusta. Quelques plâtres donnaient en relief l’empreinte de dessins; deux moires, Tune en diagonale et l’autre en ligne droite, se présentaient en deux fragments de cylindres qui projetaient leurs reflets de bronze. Nous devons ajouter que M. Plain, qui grave aussi pour la bijouterie, avait encore exposé un modèle de cylindre, pour bracelet, qui était du meilleur effet.
- FABRICANTS DE DRAPS ET DE FEUTRES.
- Sous le nom de draps ou manchons, on désigne les draps foulés qui s’imbibent facilement d’une couleur s’appliquant sur la planche ou le cylindre ; ils sont livrés en pièces à plat, pour l’impression à la planche, et en manchons sans couture, pour la machine.
- D’un tissu plus serré que celui des draps, les feutres sont employés dans la gravure pour les parties d’un dessin ayant de larges touches de couleurs; ils les prennent mieux et les impriment plus régulièrement. Un fabricant de draps et un fabricant de feutres représentaient ces industries.
- MM. Dolfus et Noack, à Valdoie. — Installée avant la guerre, à Mulhouse, cette maison y resta mais continua ses relations avec les fabricants français. Récemment, elle a monté une nouvelle usine à Valdoie-Belfort, où elle a introduit les derniers perfectionnements dans sa fabrication des manchons.
- Sa vitrine nous montrait des spécimens de laines serrées, épaisses et rases, dont les différentes qualités sont employées dans nos industries.
- MM. Fortin et fils, à Clermont. — Les côtés et le fond de la vitrine de MM. Fortin et fils étaient garnis de bandes de feutres, de toutes sortes de dimensions. Au milieu, parmi les feutres en rouleaux, apparaissait un cylindre pour papiers peints gravé en cuivre et en feutre. Dans notre industrie, nous savons depuis longtemps que les produits de MM. Fortin sont fort appréciés.
- n. XII. — Cl. 68.
- 7
- l'RlUEIUE NATIONALE.
- p.97 - vue 101/484
-
-
-
- 98
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- FABRICANTS DE STORES.
- Pour atténuer la lumière parfois trop crue du jour, on se sert aujourd’hui de stores de différentes natures. On en fabrique en bois, en jute, en étoffe plissée, en étoffes brodées dites stores flamands, et même en verre; mais ceux que nous avions à examiner étaient peints sur du papier et du calicot.
- Dans ce genre, notre pays fait surtout des stores bien décorés et d’un prix élevé qui ont à subir la concurrence d’articles secondaires et à bas prix.
- Trois fabricants de stores avaient exposé. Il nous est un plaisir de signaler leurs œuvres :
- M. Bellan, à Paris. — Empiétant sur la Classe de la papeterie, qui était voisine de la nôtre, M. Bellan en avait décoré de ses stores une partie des larges fenêtres. Nous devons mentionner spécialement le portrait grandeur naturelle de notre éminent Commissaire général, M. Picard. Peint sur toile, ce tableau était encadré d’une large moulure; son effet par transparence lui donnait un cachet original. A d’autres fenêtres, divers stores représentaient des sujets variés : une chasse, de jolies fleurs, une Vierge grandeur nature, le tout parfaitement exécuté.
- M. Bassan, à Paris. — Les stores présentés par la maison Bassan disaient clairement tous les soins quelle apporte dans sa fabrication. Nous avofis la satisfaction de citer particulièrement l’un d’entre eux ; au bord d’une route, une. gracieuse fillette déposait des fleurs au pied d’une statue de la Vierge. Artistement peint, ce store faisait ressortir la candeur de l’enfant et les jolies teintes des fleurs.
- M. Leroy (Charles), à Paris. — Ce fabricant, d’une réputation mérit&e, avait exposé quelques bons spécimens parmi lesquels nous citerons un store où une femme agenouillée implorait une sainte Vierge qui lui apparaissait en vision. Une consécration au genre humain avait permis un groupement de personnages historiques qui, parfaitement éclairés, se détachaient bien les uns des autres.
- Nous ne voulons pas terminer le compte rendu de la section française nt commencer celui des sections étrangères, sans exprimer nos remerciements à MM. Lâmeire, Jouanny et Edme Colty qui ont bien voulu honorer notre Classe en nous envoyant quelques spécimens de leurs travaux.
- FABRICATION ÉTRANGÈRE.
- Allemagne. — Pendant les sept années qui viennent de s’écouler, l’Allemagne a vu s’effectuer prodigieusement son développement économique.
- L’industrie du papier peint y a suivi ce mouvement de progrès général et pris une extension considérable. Dans toutes les parties de l’Empire, des manufactures se sont élevées ; aujourd’hui on y compte environ 65 fabricants. Tout d’abord ils se sont appli-
- p.98 - vue 102/484
-
-
-
- PAPIERS PEINTS.
- 99
- qués à produire des articles bon marché 5 par la suite ils ont apporté un plus grand soin dans leur fabrication.
- Protégés par une admirable organisation commerciale mise en vigueur par le Gouvernement, les fabricants de papiers de tenture ont profité des immenses avantages que leur ont fournis la marine, pour leurs exportations, et les banques populaires, en escomptant à six mois de date les effets pour les pays les plus éloignés.
- Des industriels en si grand nombre ne devaient pas trouver suffisant l’écoulement de leurs produits dans l’empire allemand et les pays d’outre-mer. Ils les firent pénétrer en Belgique, en Angleterre, en France, en Espagne, en Italie et réalisèrent ainsi un chiffre d’affaires très élevé.
- En ce qui concerne notre pays, il nous est permis de constater que l’importation allemande a pris une progression ascendante :
- kilogrammes. kilogrammes.
- 1889......................... 3o,93i I 1895.......................... 195,060
- 1892...................... 98,160 I 1899............................. 578,146
- En regard de ces chiffres, il est bon de placer ceux de notre exportation :
- kilogrammes. kilogrammes.
- 1889...................... 99,117 I 1895.......................... 166,478
- 1892........................ 255,725 I 1899.......................... i59,638
- Il n’est peut-être pas inutile de faire observer que l’Allemagne est particulièrement privilégiée. Pour tous les papiers peints quelle fait entrer en France, elle paye un droit de 10 francs par 1 00 kilogrammes. Pour les articles que nous y envoyons, nous payons 22 fr. 50 et 3o francs. Et ce droit d’entrée s’élève, pour quelques-uns, au chiffre exorbitant de 87 fr. 5o.
- Aussi faut-il souhaiter de voir un jour ces deux tarifs devenir égaux; dès lors il sera plus facile de nous rendre compte des progrès accomplis dans les deux pays.
- En passant, nous devons signaler l’entente qui existe entre presque tous les fabricants et marchands allemands. Ils ont formé un syndicat. Ce Tapeten Ring surveille attentivement et sauvegarde les intérêts de tous les membres, laissant chacun libre d’agir pour l’exportation.
- Un journal mensuel, le Tapeten Zeitung, fort bien rédigé et très répandu, s’occupe de donner aux intéressés des renseignements d’une très grande utilité.
- Disons maintenant quelques mots des manufacturiers qui avaient exposé :
- M. Schütz, à Dessau. — En sa fabrique de papiers peints, M. Scbütz réunit presque tous les genres de notre industrie. Son exposition se chargeait de nous le montrer. Nous y avons remarqué des papiers cuirs repoussés, patinés, dont les dessins d’une bonne valeur avaient été spécialement étudiés pour la décoration murale. Leurs reliefs, bien accusés, n’avaient pu être obtenus que par une presse très puissante. Ces cuirs
- 7-
- p.99 - vue 103/484
-
-
-
- 100
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- étaient d’une bonne fabrication et les raccords de leurs lés étaient parfaits. Nous en signalerons plusieurs :
- L’un, les roses du maréchal Niel stylisées, dont les fleurs, en or brillant avec cernés en or rouge, ressortaient admirablement parmi des feuilles éparses et teintées en bleu acier. Un autre cuir était formé de tulipes or qui se dressaient sur leurs tiges que leurs feuilles encadraient. Dessiné sur un jeu de fond vermicelle, l’ensemble était bien combiné.
- Les dessins cbeviottes, soies, veloutés, nous ont permis de constater une innovation apportée par M. Schütz qui, au moyen d’une seule planche, a pu obtenir l’effet qu’on ne peut avoir qu’avec deux. Des panneaux mobiles fixés à des colonnes et des cartes d’échantillons permettaient de voir facilement des papiers peints de différentes qualités : bon marché, mi-fin, veloutine et avec fonds.
- On s’est mieux rendu compte encore que M. Schütz est un industriel, qui se livre à de continuelles recherches sans regarder à la dépense, par une application de rideau de tulle collé sur papier et décoré, ainsi que par une grosse toile d’emballage enduite d’une matière spéciale et couchée or faux. Estampée d’un dessin en relief et décorée à la main, cette toile laissait apercevoir le lissage qui formait jeu de fond.
- Il est très fâcheux que M. Schütz ait été forcé de se contenter du maigre emplacement qui lui était dévolu et qu’ainsi il n’ait pu montrer, avec toute l’ampleur désirable, une exposition aussi complète.
- Société d’Aschaffenbourg. — Société par actions pour la fabrication des papiers coloriés, cette importante manufacture nous soumettait, dans des vitrines bien ordonnées, différents échantillons de papiers de fantaisie, unis et gaufrés. On pouvait y remarquer des impressions en taille-douce, des coloris et des camaïeux modernes, des imitations de bois et de petites cretonnes parfaitement rendues. Le tout était irréprochable et d’une fabrication soignée dans les plus petits détails.
- Société des papiers métalliques de Munich. — Dans deux vitrines, d’un bon style moderne, aux bois simples et bien charpentés, cette usine avait exposé les différentes sortes de papiers couchés or, argent, étain, en couleurs et ton pur. En outre, le papier de fantaisie nous était soumis manufacturé en bandes découpées, en motifs estampés, soit isolés, soit en une décoration d’ensemble. Ainsi avons-nous pu y voir réunis la matière première et les produits fabriqués par cette importante société.
- MM. Flinsch et C,c, à Offenbach-sur-Mein. — Celte maison, qui s’est spécialisée dans l’industrie des papiers de tenture et de fantaisie, est bien connue en Allemagne ; sa réputation n’est plus à faire. La routine y est abandonnée pour des recherches d’améliorations constantes. Si nous avons regretté de ne pas voir figurer dans son exposition une de ses machines à imprimer le papier peint, on pouvait y remarquer une calandre massive et bien ordonnée, et, plus loin, une machine à coucher à deux bobines destinée à produire un bon travail et un grand rendement.
- M. Kleinewefers, à Crefeld. — Cet industriel s’est spécialisé dans les machines ainsi que dans la gravure pour gaufrage. Il fabrique des outils massifs. Son exposition nous montrait des machines à gaufrer pour étoffes de grandes largeurs; les industries des
- p.100 - vue 104/484
-
-
-
- PAPIERS PEINTS.
- 101
- papiers peints et de fantaisie n’y étaient représentées que par des échantillons d’un travail bien fini.
- Enfin, M. Gabelsberger, de Munich, nous avait soumis ses articles courants de papiers pour cartonnages et reliures.
- Autriche-Hongrie. — Cinq manufactures de papiers peints sont maintenant établies en Autriche, occupant un personnel total de i4o ouvriers ou employés. Leurs 18 machines et leurs quarante tables à imprimer fabriquent annuellement environ 1,800,000 rouleaux pour une valeur de 800,000 kronen d’argent (833,000 francs).
- Il est facile de se rendre compte par ces chiffres que notre industrie, bien qu’établie depuis peu dans ce pays, arrivera bientôt à s’y développer.
- Les articles français sont toujours fort appréciés par les habitants qui ont un goût artistique très ralïiné.
- Si l’Autriche a seulement envoyé en France 19 kilogrammes en 1890, elle a vu croître ses exportations qui se chiffraient, en 1899, par 1,537 kilogrammes.
- Par contre, nous lui ayons livré :
- kilogrammes. kilogrammes.
- 1889....................... 4,911 1895......................... 45,995
- 1892....................... 10,077 1899......................... 10,875
- A l’Exposition de 1889, un seul fabricant de papiers de tenture avait présenté ses divers échantillons; à celle de 1900, aucune manufacture autrichienne n’était représentée; un décorateur de Zagreb avait tenu cependant à honneur de nous soumettre ses travaux :
- M. Bauer, à Zagreb. —M. Bauer avait exposé un paravent bien décoré qui a retenu l’attention du Jury.
- États-Unis. — Les considérations qui étaient présentées en 1889, dans le rapport de notre Classe, restent les mêmes aujourd’hui. Il nous est un grand plaisir de constater que nos relations commerciales, avec cette République sœur, sont devenues plus actives, sans avoir cependant repris l’importance qu’elles avaient autrefois, entre i84o et 1860. En 1866, date à laquelle les droits prohibitifs n’existaient pas, notre exportation s’élevait à 3i,ooo kilogrammes; en 1889, elle n’était plus que de 19,53.9; en 1892, elle s’élevait à 23,977; en 1895, à 24,962, et en 1899, à 45,799.
- Malgré leur système de fabrication par quantités énormes et à très bon marché, les Etats-Unis ont seulement importé en France :
- 1890................................................................. 819 kilogr.
- 1894............................................................... 5,749
- 1899................................................................ 6,617
- Sur les 40 manufactures de papiers peints qui y prospèrent, une seule était venue représenter la grande République américaine. Il faut espérer que dans les futures expo-
- p.101 - vue 105/484
-
-
-
- 102
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- sitions universelles de Paris, un plus grand nombre d’entre elles ne craindront pas de traverser l’Océan pour nous montrer les progrès qu’elles auront réalisés.
- MM. Campbell William et Cie, à New-York. — La maison Campbell avait décoré de papiers peints les murs et les plafonds qui abritaient une exposition collective d’ameublement. Les papiers qui ornaient les deux chambres à coucher avaient été fabriqués dans les tons pâles du genre américain, en repoussé blanc et en imitation de tulle. Un fleuron servait de décoration à la salle de billard.
- Grande-Bretagne. — L’Angleterre, qui fut un pays libéral par excellence, tend aujourd’hui à fermer ses portes à la concurrence étrangère par des moyens détournés.
- Il s’y est formé un trust, association à fort capital de tous les fabricants; les membres imposent leurs conditions aux marchands qui sont obligés, le plus souvent, d’avoir les articles nationaux et de limiter la vente des papiers peints étrangers, facilement reconnaissables à leur largeur et à leur longueur. On sait que l’usage du système métrique n’est pas adopté en Angleterre et, tandis que nos papiers ont 8 mètres de long sur o m. 5o de large, ceux de nos voisins d’Outre-Manche ont une longueur d’environ il mètres (12 yards), sur une largeur de 0 m. 55, avec des impressions de 0 m. 52 à 0 m. 53 de large. Malgré le trust, le nombre des rouleaux exportés a peu varié, mais leur valeur, qui était en moyenne de 2 fr. 25 le kilogramme, en 1889, est maintenant tombée à 1 fr. 60.
- Voici d’ailleurs les fluctuations que nos exportations ont subies depuis quelqi
- années : kilogrammes. kilogrammes.
- 1889 267,267 1895 202,Ol3
- 1892 257,301 1899 255,68l
- Par contre, les industriels anglais ont envoyé en France :
- kilogrammes. kilogrammes.
- 1889 • • 9°>69a I 1895 79>744
- 1892 .. 66,123 1 1899 221,932
- Dans ces derniers chiffres, les papiers japonais qui ont pris, ces derniers temps, une extension considérable, entrent pour une grande part ainsi que l’article lavable dit «Sanitary» qui est peu fabriqué en France.
- Ce genre sanitary, imprimé par des cylindres en cuivre gravés en taille-douce, ressemble beaucoup à la lithographie; vu à une certaine distance, il n’a pas l’effet décoratif du papier peint, mais il est très répandu en Angleterre pour des raisons climatériques. Plusieurs sortes de pâtes à papier moulées et conservant de forts reliefs y sont également très employées pour des tentures riches. Une fois collées sur les murs, le marchand les fait décorer sur place pour les accorder plus facilement avec l’ameublement. L’exposition des papiers peints anglais était située aux Invalides, dans l’annexe de l’Angleterre (ter étage).
- p.102 - vue 106/484
-
-
-
- PAPIERS PEINTS.
- 103
- MM. Jeffrey et C‘e, à Londres. — L’exposition de la maison Jeffrey appelait et retenait l’attention par des dessins de tentures en tous genres, sans ordonnance, mais d’une bonne exécution. Au-dessus des divers panneaux courait une frise dans laquelle un lion semblait poursuivre une colombe parmi des roses entrelacées. Au milieu se détachait une banderole où s’étalait cette devise : «The wilderness schall blossom as the rose». Adroite et à gauche se dressaient des liasses de dessins ordinaires avec leurs frises fabriquées à la planche ou à la machine dans les goûts et les coloris convenant à nos voisins d’Outre-Manche. Il nous a été encore donné de voir quelques panneaux en cuivre véritable sur fond vieil or, réchampi brun, d’une fabrication courante ainsi qu’un dessin sur or faux, avec réchampi vert, représentant des perroquets perchés sur des branches de grenadiers ressortant bien; les reliefs y étaient d’une bonne venue.
- Un peu plus loin, dans un salon moins grand, nous avbns remarqué de tout petits panneaux de feuilles de métal raboutées et repoussées sur des plaques minces de cuivre rouge ou de cuivre jaune en imitation de vieux bronze.
- Deux frises d’environ o m. 60 de haut y faisaient particulièrement bon effet. L’une était Renaissance; l’autre, en Louis XV modernisé, représentait les trois Grâces qui se jouaient avec des guirlandes de rubans et de fleurs aux accompagnements de la lyre et de la flûte.
- Par l’ensemble de ses articles, la maison Jeffrey et Cio, qui a déjà participé à nos précédentes expositions, nous a de nouveau montré qu’elle réserve une large part à la fabrication des tentures très riches.
- Société de l’Anaglypta, à Hollins-Darwen. — La Société de l’Anaglypta a la spécialité de fabriquer des tentures en relief avec une grosse pâte de papier comprimé au moyen de laquelle d’ailleurs sont obtenus des effets remarquables. A son exposition, nous avons tout d’abord vu un panneau formé d’un dessin de paon dont les plumes stylisées lui servaient de contre-fond ; il était patiné en imitation de vieux bronze et de grès flambé, ces deux genres s’alliant assez bien.
- Le même dessin se retrouvait dans une imitation de céramique d’une tonalité vert tendre et dans un panneau de trois lés en ton de vieux cuivre rouge.
- Un dessin Renaissance espagnole, dans une coloration cuir clair, faisait bon effet dans sa simplicité de tons à côté de caissons pour plafonds dont les reliefs étaient autant accusés que s’ils eussent été en bois ou en plâtre. Il nous a été permis de remarquer aussi plusieurs motifs de styles différents formant panneaux pour lambris de diverses hauteurs et combinés pour faire, selon les besoins, des pilastres ou des trumeaux.
- Ce qui nous a le plus frappés, c’est une très riche montée d’escalier où le lambris rampant était composé d’un beau motif en style moderne et décoré en ton bronze du meilleur effet. Au-dessus, en tenture, se trouvait le dessin du paon que nous avons déjà signalé, mais en une tonalité bronze vert et surmonté d’une frise décorée d’un dessin en art nouveau. Au plafond s’entrelaçaient des couronnes avec une rosace toujours en vieux bronze. Après la montée d’escalier venaient divers compartiments représentant des bureaux,
- p.103 - vue 107/484
-
-
-
- 104
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- des salons, des salles à manger, tapissés de tentures de formes et de styles décoratifs différents. La Société de TAnaglypta démontrait parfaitement qu’on peut, avec son produit, obtenir les décorations les plus somptueuses, à la condition de ne pas regarder à la dépense.
- MM. Essex et C“, à Londres. — La maison Essex avait exposé son panneau principal en effets jaspés. Il représentait un prêtre en prières tranquillement assis à l’ombre d’un arbre symbolique au-dessus duquel planait en une frise une nuée d’hirondelles bleues.
- U tournait le dos à
- Un autre abbé vêtu de noir
- Qui lui ressemblait comme un frère,
- pour nous servir de l’heureuse comparaison qu’Alfred de Musset a placée dans sa Nuit de Décembre. Il faut des convictions particulières pour décorer une salle ordinaire avec une tenture de ce genre qui ne peut, à notre avis, être appliquée que dans une chapelle ou un lieu de prières.
- A la droite de ce panneau se trouvait un dessin de hiboux exécuté en tonalité rouge et vert rompu. Deux de ces oiseaux de nuit étaient régulièrement répétés parmi des feuilles et des lignes symétriques. Cette tenture est tout indiquée pour orner le bureau ou le cabinet de travail d’un amateur qui n’aime pas les spectacles riants. De l’autre côté, un dessin en ton faïence représentait un oiseau de paradis aux ailes éployées en forme de lyre.
- Nous avons, en outre, remarqué une colonne à panneaux mobiles composés de modèles variés et, dans des liasses d’échantillons, un grand nombre de dessins et défrisés presque tous exécutés en jaspé et identiquement inspirés. Le genre de la maison Essex nous a paru fantaisiste et plein d’originalité.
- Watson Foster Company, à Montréal. — Dans une large vitrine et comme en un étalage de marchand, des papiers peints en tous genres étaient drapés. Différentes frises assorties à leurs papiers ainsi que d’autres isolées, teintées en couleurs pris-mées, genre disparu aujourd’hui en France, étaient d’une bonne fabrication. Des dessins courants assez bien rendus démontraient l’impression soignée d’une usine qui fabrique les genres usités aux Etats-Unis.
- MM. Bankart, à Bromsgrove; Bertram and son, à Londres; Bromsgrove guild of applied arts, à Bromsgrove. — Ces trois maisons, qui s’occupent de la décoration, avaient exposé des travaux qui faisaient bonne figure dans notre classe.
- Italie. — Trois fabricants de papiers peints représentaient l’Italie. Leurs expositions se trouvaient aux Invalides, palais des sections étrangères (ier étage).
- Nous avons regretté que, faute de place, les exposants n’aient pu donner plus d’ampleur à leurs panneaux.
- L’article bon marché y était plutôt représenté; nous savons pourtant qu’il y a, en Italie, une fabrique qui possède des machines imprimant jusqu a vingt-quatre couleurs.
- p.104 - vue 108/484
-
-
-
- PAPIERS PEINTS.
- 105
- Les quatre principaux pays qui produisent notre article : l’Allemagne, l’Angleterre, la Belgique et la France, livrent à l’Italie une grande partie des papiers peints quelle emploie; pour notre part, nous y avons exporté les quantités suivantes :
- kilogrammes.
- 1889...................... 110,024
- 1892...................... 115,4 78
- kilogrammes.
- 1895........................... 69,324
- 1899........................... 60,898
- Ces chiffres diraient assez, si on ne le savait déjà, que les manufactures de ce pays fournissent aujourd’hui une quantité de plus en plus grande à leur clientèle italienne. Elles n’exportent pour ainsi dire pas; elles ont expédié en France :
- kilogrammes. kilogrammes.
- 1890............................. 249 I 1895................................ 3,079
- 1892............................. 720 I 1899................................ 683
- Dans la répartition des récompenses, nous avons tenu à comprendre les exposants de l’Italie; nous espérons que cet encouragement sera pour eux un précieux stimulant et les incitera à obtenir une fabrication toujours mieux soignée.
- MM. Barone et fils, à Turin. — MM. Barone et fils avaient installé un grand bâti de menuiserie bien décoratif; fixée à la partie supérieure, une tringle à anneaux y supportait un panneau relativement important sur lequel était collé un simple semis. Dans six cartes d’échantillons, ils avaient également présenté des papiers peints de vente courante fabriqués à la planche et à la machine.
- M. Donvito, à Naples. — La maison Donvito, qui fabrique le papier peint courant, avait soumis à l’appréciation du Jury un panneau d’un dessin à un lé, en style pompéien, avec figures à la planche, qui était encadré d’une grecque; puis une petite hermine à paillettes d’or sur fond satin blanc, ainsi qu’un dessin courant cerné or, à la machine et à la planche.
- M. Valabrega, à Turin. — Dressée sur un chevalet, une carte d’échantillons, ornée du nom de la maison Valabrega, contenait des dessins à la planche et à la machine, ainsi que plusieurs veloutés. On ne pouvait guère faire, dans notre industrie, une exposition plus réduite.
- M. Vogliotti, à Turin. — Les enseignes et les lettres de la maison Vogliotti étaient d’une bonne exécution, et, ce qui est le point essentiel, d’une lecture facile. La plupart des lettres étaient sous verre; quelques-unes, cependant, se présentaient sur imitations de bois et de marbres, mais toutes avaient été l’objet d’un travail soigné.
- Japon. — Parmi tous les chefs-d’œuvre qui composaient la section japonaise des Invalides, le papier peint faisait bonne figure ; il est resté toujours l’admirable article que nous avions déjà vu aux Expositions de 1878 et 1889. Les genres de décoration de l’Occident qui se répandaient déjà, en 1889, dans ce pays ouvert à peine depuis quarante ans aux étrangers, y avaient pris une plus grande extension. Au contact des styles européens, celui des Japonais, autrefois copié fidèlement sur la nature qu’ils mo-
- p.105 - vue 109/484
-
-
-
- 106
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- difiaient naïvement dans ses formes, s’était complètement transformé. Les papiers de tenture y restent toujours les mêmes; ce sont des papiers-cuirs généralement polychromes sur fond d’or, fournis en rouleaux de o m. 80 à 1 mètre de large et 1 o mètres de long. Ils étaient autrefois l’exploitation exclusive de l’imprimerie impériale, mais aujourd’hui chacun est libre de les fabriquer. L’industrie de ces papiers occupe un nombre considérable d’ouvriers et d’ouvrières qui sont de véritables artistes.
- Trois maisons représentaient l’industrie japonaise :
- M. Horiki, à Miyé-Ken. — La maison Horiki avait présenté une variété de dessins imitation cuirs repoussés ; ils étaient analogues à ceux que nous voyons couramment et que nous désignons sous le nom de cuirs japonais. Cependant, nous avons eu le plaisir de constater que les articles de cette maison étaient toujours d’un excellent effet décoratif.
- M. Takei, à Guifu. — Dans son exposition, M. Takei avait placé des papiers de fantaisie dont les genres sont particuliers à la fabrication japonaise. Un d’entre eux méritait une mention spéciale : il était composé de fibres de bois tellement minces dans leur application sur la feuille, qu’elles n’avaient pas plus d’épaisseur qu’une couche ordinaire de couleur.
- M. Ito, à Tokio. — M. Ito fabrique des papiers gaufrés en imitation de maroquin. Parmi les articles qu’il avait exposés, nous avons remarqué des portefeuilles, des porte-cigares, des porte-cigarettes, d’un bon effet, et qui, fabriqués avec un papier de riz japonais, doivent faire relativement un long usage.
- Portugal. — Les papiers peints fabriqués en Portugal sont entièrement livrés dans l’étendue du royaume. Les tarifs douaniers prohibitifs qui protègent cette industrie ne peuvent, cependant, empêcher de pénétrer les articles de luxe que Ton n’y trouve pas sur place. Seuls, ils y ont encore accès, car les papiers de tenture y sont produits de plus en plus. C’est pour cela que nos exportations qui étaient de 3o,463 kilogrammes en 1889, de 8,087 kilogrammes en 1892, de 7,309 kilogrammes en 1895, sont restées à 8,217 kilogrammes en 1899.
- Nous souhaitons que, comme le font espérer les résultats de la dernière année, nos transactions reprendront une marche ascensionnelle et que nos chiffres d’affaires atteindront à nouveau ceux des bonnes années 1897, 1898 et 1899.
- Une seule fabrique figurait dans notre Classe :
- Companhia industrial productora de Papeis pintados , à Lisbonne. — La Compagnie industrielle de production de papiers peints avait présenté des articles d’une fabrication courante.
- Russie. — La fabrication du papier peint, en Russie, a trouvé des auxiliaires précieux en nos contremaîtres, coloristes ou directeurs, qui ne craignirent pas de s’expatrier pour initier plusieurs manufacturiers russes aux secrets de notre industrie. Aujourd’hui, il y a dans ce pays 2 3 fabricants qui occupent environ 2,000 ouvriers ou em-
- p.106 - vue 110/484
-
-
-
- PAPIERS PEINTS.
- 107
- ployés. Les i32 machines et les 3oo tables à imprimer fabriquent annuellement 2/1 millions de rouleaux pour une valeur de 3,100,000 roubles, soit 1 1,4.7 0,000 francs.
- Malgré cette importante production, nos exportations pour l’article riche ont augmenté. Elles étaient de :
- 1889,
- 1892,
- kilogrammes.
- 1,59/i 1895
- 17,509 1899
- kilogrammes.
- 21,091
- 16,119
- ayant même atteint en 1897 le chiffre de 31,175 kilogrammes; il faut espérer que, grâce aux excellents rapports amicaux qui unissent nos deux pays, les droits prohibitifs de douane sur les papiers peints diminueront et que bientôt nos relations d’affaires prendront une importance croissante.
- Cela dit, nous allons signaler les produits des différents exposants :
- MM. Efime Krotoff et fils, à Moscou. — Dans un grand cadre à double face, en chêne sculpté et en style russe, la Société Efime Krotoff et fils avait collé sur une des faces un dessin fabriqué à la planche qui représentait un paysage à deux lés avec sujets : on y apercevait une troïka et un montreur d’ours reliés par une verdure. D’une fabrication courante, ce panneau était assorti d’une bordure en coloris avec ses quatre coins. Plus loin se trouvait une soierie frappée à petits motifs, dans le genre Balin ; elle était composée de feuilles de chêne et de glands en or ; fabriquée avec le plus grand soin, elle faisait un bon effet avec sa bordure et ses coins. L’autre face était entièrement occupée par un décor à l’huile formé d’arabesques en style russe sur un fond or avec lambris assortis.
- Des cartes d’échantillons permettaient d’examiner les genres divers que fabrique cette excellente maison.
- MM. Schouleikine et Egorov, à Moscou. — A l’intérieur comme à l’extérieur, un petit salon avait servi à recevoir sur ses murs les spécimens de la manufacture Schouleikine et Egorov. Coquettement décoré en style russe, ce salon avait été élevé en un bois noir qu’agrémentaient des ornements sculptés et couchés en vieux bronze. De chaque côté de l’entrée, deux tableaux indiquaient d’une façon très pratique où avait été prise la composition décorative des différents panneaux exposés. On pouvait y lire, par exemple, pour le premier décor :
- «Style russe ; ornements tirés des collections de l’école Stroganoff, de Moscou. Edition du professeur Zaikine et travaux des étudiants pendant leurs excursions dans les différents musées, palais et églises. Les objets sacrés, les vêtements des Tzars et les peintures d’églises et palais de diverses villes russes anciennes ont servi de modèles. »
- Ainsi renseigné, le public examinait plus attentivement ce décor d’une bonne harmonie de couleurs et où des formes légères et lourdes se mariaient assez agréablement.
- Nous devons encore citer un dessin formé d’ornements qui ont été copiés sur les broderies de la tsarine Sophie (xvn® siècle). De forme bizarre, l’oiseau gamayone qui en était le motif principal, a été tiré d’une légende russe.
- p.107 - vue 111/484
-
-
-
- 108
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- Nous ne devons pas oublier, non plus, un décor style Louis XIV à trois planches de hauteur (1 m. Ao) et un autre dessin représentant une couronne Empire à deux che-viottes pailletées sur fond bronze argent. Ces deux panneaux avec bordure, coins et lambris assortis, formaient un bon ensemble.
- Nous ne terminerons pas sans exprimer nos compliments à MM. Schouleikine et Egorov pour la manière, à la fois pratique et élégante, avec laquelle ils avaient présenté leurs produits.
- M. Sandoudski, à Helsingfors.— Sur un pylône octogonal en menuiserie, M. San-doudski avait placé 8 panneaux de papiers peints différents et collés sur la largeur d’un lé, en longues bandes de 3 m. 5o. A côté d’un dessin velouté et de trois dorés ordinaires, se trouvaient quatre Sanitary courants. Sous chaque lé, une carte d’échantillons de chacune de ces fabrications montrait des spécimens de même genre que le montant collé.
- Ecole de Saint-Pétersbourg. — Parmi tant de dessins qui s’offraient à nos regards, nous en avons vu huit qui concernaient spécialement le papier peint. On a bien vite deviné que le professeur de l’école de Saint-Pétersbourg a des notions très exactes de notre industrie. Les élèves placés sous sa direction avaient mis en pratique leurs idées personnelles ; leurs travaux ne nous ont paru ni inspirés ni corrigés par le maître, qui se borne à les diriger.
- École de Moscou. — Les originaux de papiers peints exposés par cette école étaient d’un caractère plus spécial que ceux de l’école de Saint-Pétersbourg. Seul, le style russe y était représenté ; il avait été amené à un haut point de perfection ; mais ce n’étaient que des dessins d’un même genre, bien que parfaitement traités. Nous aurions été heureux d’y rencontrer aussi d’autres styles et des dessins de fleurs.
- Suède. — Bien qu’exportant énormément le bois, la Suède en consomme cependant une grande partie pour la fabrication du papier qui est une des plus importantes industries de ce pays. Les pâtes qu’on y fabrique pour le papier peint ont toujours conservé une excellente réputation pour leur solidité et leur épaisseur. Nous regrettons de n’avoir pas eu à examiner les papiers de tenture; seule une société, qui exploite un papier spècial et très résistant, nous présentait des imitations de cuir.
- Pourtant sept usines sont établies en Suède; elles y occupent 220 ouvriers et produisent annuellement pour 1,207,000 couronnes ( 1,689,800 fr.).
- En 1898, elles ont commencé à nous livrer leurs produits. En 1899, elles nous ont vendu 16,682 kilogrammes. Ces résultats sont dus assurément aux faibles droits d’entrée qui facilitent trop l’introduction dans notre pays des marchandises étrangères.
- Société anonyme des usines d’Alstermo, à Alstermo. — La pâte spéciale que fabrique la société d’Alstermo, servait de base à des imitations de cuirs en relief, styles Louis XIII et Japonais. Les cuirs qui nous ont été soumis avaient été décorés à la main.
- p.108 - vue 112/484
-
-
-
- PAPIERS PEINTS.
- 109
- EXPOSITION CENTENNALE.
- Les merveilleux panneaux que nous avons eu à juger nous ont montré l’état présent du papier peint qui rivalise avec les riches tentures. Ils sont le résultat des progrès incessants de notre industrie dont on pouvait se rendre Lien compte en prêtant un peu d’attention à la Centennale.
- A cette exposition, en effet, l’on voyait les perfectionnements successifs qui avaient été apportés dans notre fabrication.
- La Centennale était divisée en deux parties : l’une se trouvait dans la grande galerie; l’autre dans une salle voisine, à droite.
- Des spécimens de papiers peints, appartenant à différentes époques, étaient épinglés le long des murs, dans un ordre méthodique. Dans les vitrines, des échantillons plus rares et des documents divers avaient été exposés. Nous pouvons dire que, grâce à M. Follot père qui l’avait organisée et à la collaboration de plusieurs collectionneurs : MM. Desfossé, Germanaz, Petitpas entre autres, notre Centennale faisait ressortir les améliorations importantes et continues de notre industrie, depuis le premier fabricant de papiers peints en France, Le François, de Rouen, jusqu’à la fin du xixe siècle.
- Au-dessus des panneaux, les noms des principaux fabricants étaient inscrits en gros caractères.
- On pouvait y lire : Le François, 1610. — Jean Papillon, 1 688. — Aubert, 1 -75o. — Réveillon, 1770. — Jacquemart, 1791. — Jean Zuber, 1800. — Joseph Dufour, 1810. — A. Le Roy, 1820. — Mader père, 1825. — Dauptain fils, i83o. — Delicourt, i8A5. — J. Desfossé, 1855. — P. Gillou, 1860.— I. Leroy, 1867.'— H. Grantil, 1872. — P. Balin, 1875.
- Tous les travaux présentés étaient classés par ordre de date, si bien que le visiteur le moins initié pouvait suivre la marche incessante de notre industrie vers la perfection.
- Dans la première vitrine, un grand tableau le renseignait sur ses débuts.
- Le blason de la corporation des Peintres et taillières ymagiers, à Paris, attirait ses regards.
- Au-dessous, on pouvait lire :
- « L’industrie du papier peint en France date du commencement du xviT siècle.
- «En 1610, Le François, dominotier enlumineur à Rouen, fabrique des écrans pour meubles et des papiers veloutés pour tentures.
- «Les dominotiers enlumineurs, imagiers, sculpteurs et tailleurs de cruchefis composaient la soixante et unième corporation classée par Etienne Boileau, prévôt des marchands vers 1260. Ils avaient une bannière donnée par Louis XI, en juin 1/167. Ils étaient exempts du guet et des impôts, l’industrie étant d’art et de luxe, et travaillaient pour honorer la sainte église ainsi que le roy, les comtes et les gentilshommes.
- «Ils étaient régis par les statuts et règlements corporatifs des années i586-i6i8— 16/19-1686.
- p.109 - vue 113/484
-
-
-
- 110
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- «En 1608, les imagiers, graveurs, enlumineurs voulurent créer une corporation spéciale ; le prévôt de Paris rend une sentence qui conclut à la non-érection des enlumineurs en communauté, etc.
- «En 1688, Jean Papillon, graveur, invente la planche à imprimer en bois et, dès cette époque, l’industrie de la gravure et celle de la tenture prennent un essor qui ne doit plus se ralentir.
- «Malgré les planches, certains papiers pour écrans, meubles et tentures sont encore enluminés à la main jusqu’en 1790.55
- A côté, figuraient des vues de différentes villes et d’autres dessins enluminés, tels que : La prière au saint Ange gardien, la mort de la vierge Marie, etc.
- On voyait ensuite se succéder des dessins imprimés chez Aubert, Arthur et Robert, Réveillon, un fragment de paravent Louis XV (1770), édité chez Daumont, graveur à Paris, plusieurs panneaux dessinés par J.-B. Fay et imprimés en 1787 chez Réveillon, ainsi que le dernier lampas imprimé dans la manufacture royale de Réveillon en 1789
- (n°7°3)'
- Nombreuses étaient les pièces historiques qui concernaient cette maison :
- i° Un exposé justificatif pour M. Réveillon, écrit à la Bastille; 20 un mémoire écrit par Réveillon à la Bastille (29 avril 1789); 3° une médaille donnée par l’Assemblée nationale à Réveillon en 1792, pour remplacer celle en or donnée par le roi Louis XVI en 1786 et disparue pendant le sac de sa maison, le 28 avril 1789.
- On pouvait aussi remarquer des feuilles de papier manufacturé à Courtalin-en-Brie, dans sa fabrique de papier blanc et destinées à former un rouleau (2A feuilles); dans le filigrane on lisait : Gourtalin n° 5.
- Plus loin, dans d’autres vitrines, étaient présentés des dessins imprimés chez Jacquemart, Legrand à Paris, Montrille à Besançon; dans la dernière se trouvaient les gravures des principaux décors exécutés en papiers peints, de i8iAài889,et parmi lesquels il faut citer :
- Le Parc français, par Jacquemart; Psyché et Cupidon, par Joseph Dufour, 1815; Décor chinois, Panneau de tapisserie Gobelins, plafond l’Aurore, par Zuber; Décor Cachemire, par Lapeyre, Drouard et Cie; Tableaux de chasse, Ornements style Louis XIV, les Fables de La Fontaine, par Delicourt; Décor colons, les Quatre Saisons, Décor Elysée, par Delicourt, Campsmes et Garat; Décor Louis XIV, par Isidore Leroy (Exposition de Vienne, 1 87 3); les décors Le jugement de Salomon, de Leroy; Décors Téniers et les Ibis, de Petitjean; décor la Tontisse, de Jouanny, 1889.
- Le long des murs était fixée une bonne partie des œuvres les plus remarquables parmi lesquelles nous pouvons mentionner :
- Une tenture à paillettes d’or Jin, exécutée pour le premier président de la cour d’Orléans (1825), chez Jacquemart; Une frise imprimée pour le sacre du roi Charles X, en 1825, chez Jacquemart; L’écusson du roi Charles AT (1825), de Dufour et Leroy; un camée, Sainte-Hélène, et 12 lés du décor Renaud et Armide, imprimés chez Leroy (1828); La pêche miraculeuse, camée imprimé chez Dufour et A. Leroy; fragment de
- p.110 - vue 114/484
-
-
-
- PAPIERS PEINTS.
- 111
- décor, Paul et Virginie, de J. Dufour (1820); un camée, Vue de Rouen, imprimé chez H. Le Roy (1828); un fragment du décor de la Psyché, dessiné par Laffitte, exécuté en 181 A, par J. Dufour (i,5oo planches); Les mois, de Fragonard fds, imprimés chez J. Dufour, en 1808; un fragment de 8 lés des Incas, décor imprimé en i832, chez H. Le Roy; Rébecca, Le Templier, la Dîme, tableaux imprimés chez Delicourt en i8A5; l’Eldorado, décor imprimé en i8Aq chez J. Zuber et Cle; la Jeunesse, d’après Ch. Muller, peint par Dusance, exécuté par Delicourt en 1855 ; les Prodigues (le Pierrot), peint par Couture, imprimé chez Desfossé en i85A; Décor Louis XVI exécuté chez Bezault en 1867; partie d’un décor imprimé en 1867 chez Gillou et Thoraillier; motif d’un décor imprimé à la machine, chez Isidore Leroy, en 1878; les Fables de La Fontaine, décor imprimé chez Hoock frères; motif du milieu du décor Louis XVI, imprimé à la machine, par Isidore Leroy, en 1878; spécimens de la fabrication Balin, de 1872 à 1880.
- LES COLLABORATEURS.
- Pour exécuter toutes ces merveilles, les fabricants ont été aidés par des collaborateurs qui ont aussi puissamment contribué au développement incessant de notre industrie.
- Nous avons été particulièrement heureux d’apprécier les services qu’ils ont rendus à l’exposition de notre classe et d’en récompenser quarante.
- Nous espérons que les médailles qu’ils ont obtenues stimuleront leur zèle et leur dévouement et qu’ils contribueront plus encore à maintenir bien haut la réputation de notre industrie.
- EXPOSANTS HORS CONCOURS.
- En passant en revue toutes les industries qui avaient été groupées dans notre classe, nous avons eu la vive satisfaction de signaler le mérite des exposants comme aussi celui de leurs collaborateurs.
- Il en est d’autres, dont nous n’avons pas encore parlé; ce sont ceux qui ont été mis hors concours comme membres du Jury. Notre rapport serait incomplet si nous ne consacrions quelques mots à leurs travaux :
- MM. Gillou et fils, à Paris. — De l’ensemble des panneaux Louis XV et Louis XVI que liait un gris clair faisant ressortir les papiers peints exposés par MM. Gillou, se détachait au centre le décor principal en une demi-rotonde divisée en trois parties par un montant léger en staff.
- Des fleurs d’arum jaillissaient gracieusement d’une base composée d’un large manteau de feuilles qui les soutenait. Un fuyant laissait apercevoir des cygnes qui s’ébattaient dans un petit lac aux eaux tranquilles. Imprimé à la planche, ce décor dont les détails parvenaient à faire un tout élégant était surtout remarquable par la fraîcheur de ses tendres coloris.
- p.111 - vue 115/484
-
-
-
- 112
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- A gauche et à droite, 8 petits panneaux encadraient des lés de papiers peints de différentes fabrications.
- D’ailleurs, dans notre industrie, cette maison aborde tous les genres.
- Nous pouvons citer les deux panneaux qui touchaient à celui du centre. Iis se faisaient pendant avec des dessins différents mais d’une même valeur de teinte. L’un, qui représentait un bouquet de fleurs d’aubépine, était enguirlandé de papillons; l’autre, avec le même bouquet, était entouré de fleurs légèrement teintées. Une frise où étaient rappelés les motifs de ces deux dessins, papillons et fleurs, courait au-dessus des trois lés collés.
- Plus loin, de simples roseaux en imitation de faïence, étaient surmontés d’une frise composée de canards se jouant dans les mêmes plantes.
- Il nous faut mentionner également un dessin à la machine, bouquet de géraniums, pour la puissance de son coloris violent, agréable et non heurté. Un genre moderne à petits motifs en coloris atténués, était assorti d’une frise où des femmes étaient reliées entre elles par une guirlande de fleurs. Une tapisserie à la planche avec un ligné en diagonale, imitait à la perfection l’étoffe; il fallait s’en approcher de bien près pour reconnaître que c’était un papier peint. Un salon jaune, et un cuir repoussé moderne, sorte de fleurs de lotus, complétaient cette exposition qui représentait la fabrication soignée par une maison fondée depuis quatre-vingt-six ans.
- MM. Follot et fils, à Paris. — Dans une grande vitrine avaient été placés avec soin des papiers veloutés et des cheviottes unies et gaufrées. Nous y avons encore vu plusieurs dessins sous le nom de papier incrusté. C’est là, dans notre industrie, une appellation correspondant à un genre nouveau pour la maison Follot qui est universellement connue. Au-dessus de la vitrine, nous avons remarqué trois petits panneaux ordinaires : l’un velouté bleu, un autre en velouté vieil or avec une petite frise Louis XVI; le troisième était une imitation de velours à rayures vertes avec un champ plus foncé.
- A droite de la vitrine, se trouvait un panneau de velouté feutre repsé avec un petit montant frappé par moitié au bord des lés. Bien qu’exécutée en art nouveau, la gracieuse frise du haut se rapprochait, par sa forme, du style gothique. Un ornement japonais en acajou découpé, servait de base à ce panneau.
- A la gauche de la vitrine était collé un velouté frappé, en ton vieux rose qui était, — sans doute intentionnellement, — la copie fidèle d’une étoffe, car on y trouvait au bord des lés des maigreurs de dessin qui laissaient des rues qu’auraient certainement évitées un dessinateur en papiers peints.
- Société anonyme des anciens établissements Desfossé et Karth, à Paris. — Suivant les traditions de M. Desfossé père, l’ancien chef regretté de cette excellente maison d’impressions à la planche, les successeurs avaient tenu à apporter à notre grand tournoi international les plus beaux spécimens de leur fabrication.
- Leur décor central, composé de 17 lés à double combinaison, était intitulé la Saison des jleurs. D’une exécution pratique et de bonne vente, il nous montrait une des difficultés toujours vives dans dans notre industrie : le personnage.
- p.112 - vue 116/484
-
-
-
- PAPIERS PEINTS.
- 113
- Nous devons dire que toutes les femmes et tous les enfants qui cueillaient des Heurs dans un immense parc aux lointains horizons, étaient aussi bien rendus qu’au pinceau libre. Un cerné général découpait leurs traits ainsi que les différentes parties de ce panneau qui était d’un bon ensemble. Huit autres petits panneaux nous soumettaient des genres divers de fabrication; deux étaient composés par moitié d’un lé de cuir véritable, estampé et décoré sur fond doré, et, d’autre part, d’un lé de papier-cuir repoussé , décoré de la même manière. Séparés par une lanière, les deux lés collés aux raccords ne laissaient deviner qu’à un œil exercé lequel des deux était en cuir ou en papier.
- Nous devons encore citer un dessin imitation de velours, d’une très bonne exécution et une superbe draperie Empire en fond velouté, rehaussée d’ornements dorés qui étaient une des belles résurrections des draperies fabriquées par nos aïeux.
- On pouvait encore remarquer un dessin Empire à couronnes de roses en coloris frappé sur un fond vert, d’une agréable tonalité; un Louis XVI teinté en rose ton sur ton; un petit décor de fabrication courante, formé de fleurs et feuillages du pavot et enfin un décor déjà connu, la Glycine, frise tombante qui méritait par son effet artistique de figurer à l’Exposition.
- M. Vacquerel, à Paris. — Toutes les spécialités de l’industrie des papiers de fantaisie étaient réunies dans l’exposition de M. Vacquerel, comme elles le sont dans son importante manufacture dirigée par MM. Evette et Germain, ses gendres.
- Les papiers couchés unis, lissés et vernis, cuir veau, unis, gaufrés, or, argent, bronzes de toutes nuances, étaient classés dans sa vitrine. Se détachant très bien sur un fond de rouleaux de gaufrages artistiques, un arc de triomphe pyramidal permettait de montrer ces multiples fabrications que nous avons retrouvées sur une grande variété des objets manufacturés qui étaient aussi offerts à l’attention des visiteurs.
- MM. Putois et Le Maiiieu, à Paris. — Ces deux associés compétents, MM. Putois et Le Mabieu, dirigent une fabrique de papier de fantaisie qu’ils ont installée d’après les procédés les plus perfectionnés pour soutenir avec avantage la lutte contre leurs concurrents étrangers. Leur exposition nous présentait des gravures diverses, bois, cuivre, simili, d’un relief bien accentué dont les détails se détachaient admirablement sur leur papier couché (émail).
- Au fond étaient placés des rouleaux de papiers marbrés pour couvertures de registres, des cornets en papiers couchés or et argent, des cuirs gaufrés en rouleaux, des fonds unis couchés de toutes nuances, puis un papier spécial en bobines et en feuilles pour diagrammes. Tous ces spécimens nous montraient la grande variété des genres de fabrication de cette importante maison.
- MM. Deschamps frères, à Robert-Espagne. — Cette maison a la spécialité des bleus d’outre-mer; sa fabrication avec un grand colorant et sa livraison régulière lui ont valu une réputation universelle. MM. Deschamps sont, en effet, de très grands exportateurs de leurs produits sur tous les marchés du monde.
- Leurs bleus étaient exposés dans des bocaux symétriquement placés ; leurs différentes teintes ressortaient agréablement sur une peluche vieil or.
- Gh. XII. — Cl. 68.
- 8
- rniMEiut
- IONALL.
- p.113 - vue 117/484
-
-
-
- 114 EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- Ecole normale d’enseignement de dessin, à Paris.— Dans une galerie spécialement réservée aux travaux de cette école, un grand nombre de dessins avaient été exposés. De bonnes tentatives de moderne, dont certaines fort bien réussies, y avaient été faites. Nous avons pu reconnaître souvent la forte impulsion donnée par l’habile professeur M. Grasset, qui en dirige le cours. Son originalité personnelle se retrouvait souvent dans les travaux de ses élèves. Peut-être ces dessins n’avaient-ils pas été assez préparés pour la vente commerciale et les combinaisons de la gravure qui peuvent être seulement indiquées par un fabricant compétent.
- M. Graul, à Leipzig. — M. Graul représentait l’Allemagne comme membre du Jury. Bien que n’ayant pas exposé, il nous a particulièrement aidés dans nos travaux, grâce aux connaissances approfondies qu’il a acquises à la direction du Musée commercial de Leipzig. En lui, nous avons trouvé un collaborateur aussi aimable qu’instruit.
- M. Germanaz, à Paris. — Il nous est un plaisir de rappeler aussi le nom de M. Germanaz, dessinateur dans notre industrie, dont la compétence bien connue nous a été des plus précieuses dans les opérations du Jury.
- Nous ne voulons pas terminer ce rapport sans déclarer que, de l’ensemble de la Classe 68, se dégageait nettement l’impression que les industries des papiers de tenture et de fantaisie, comme aussi celles qui en sont les indispensables auxiliaires, progressent constamment et poursuivent avec ardeur la réalisation d’un mieux idéal.
- La beauté des décors et l’excellente qualité des produits qui les accompagnaient proclamaient bien haut les efforts continus, les patientes recherches et l’incessant labeur de tous les fabricants, ainsi que le talent des graveurs et le bon goût des dessinateurs qui savent si bien marquer leurs œuvres d’un cachet artistique.
- Il nous est permis d’affirmer que la Classe 68 a brillamment coopéré à la magnificence de l’Exposition universelle qui fermait un siècle finissant et annonçait une ère de grand espoir et de nouveaux progrès.
- Paris, avril 1901.
- Le Rapporteur,
- J. Petitjean.
- Le Président de la Classe 68 est heureux de féliciter M. Petitjean pour son rapport si intéressant, si documenté et si équitable.
- M. Petitjean, en sa qualité de membre du Jury des récompenses de la Classe 68, 11’a pu concourir, et le Président croit de son devoir de lui décerner les éloges auxquels il a droit pour sa magnifique exposition.
- L’ensemble des panneaux de cette exposition était entouré par une boiserie style Renaissance, en noyer clair. On y remarquait notamment : i° un dessin pour salon, style Louis XV, repoussé à la plaque; 2° un dessin pour salle à manger, style nouveau,
- p.114 - vue 118/484
-
-
-
- PAPIERS PEINTS.
- 1 I 5
- également repoussé; 3° un décor art moderne, avec coins et montants haut et bas, les coins du bas pouvant au besoin former corbeille au milieu du panneau.
- Dans la partie supérieure, un pendentif formant également partie de milieu. Le tout représentant un panneau charmant, très pratique et absolument nouveau comme genre. Cette décoration était fabriquée à la planche.
- Enfin, la maîtresse page de l’exposition, le décor La Journée, fabriqué entièrement à la machine.
- Cette composition de 16 lés, mesurant a mètres de haut chacun, comprenait 183 cylindres. Cette décoration était certainement une des plus remarquables de l’exposition de la Classe 68.
- Le Président adresse toutes ses félicitations à M. Petitjean qui a su mener à bien cette œuvre magistrale et signale avec plaisir le mérite du fabricant et la conscience du Rapporteur.
- Le Président de la Classe 68,
- Emile Gilloü.
- p.115 - vue 119/484
-
-
-
- p.116 - vue 120/484
-
-
-
- CLASSE 69
- Meubles de luxe et meubles à bon marché
- RAPPORT DU JURY INTERNATIONAL
- PAR
- M. POL NEVEUX
- sous-bibliothécaire à l’école nationale et spéciale des beaux-arts
- G il XII. — Cl. 69.
- I.UPI11MUUE NATIONALE.
- p.117 - vue 121/484
-
-
-
- p.118 - vue 122/484
-
-
-
- COMPOSITION DU JURY.
- BUREAU.
- MM. Ciievrie (Auguste), président de ia Chambre syndicale de l’ameublement (comités, Paris 1889; président des comités, Paris 1900), président. . .
- Donaldson (George) [jury, Paris 1889], vice-président......................
- Pol Neveux, critique d’art, sous-bibliothécah’e à l’École nationale et spéciale des beaux-arts (comité d’admission, Paris 1900), rapporteur...............
- Roux (Paul), vice-président de la Chambre syndicale de l’ameublement (vice-président des comités, Paris 1900), juge au Tribunal de commerce de la Seine, secrétaire.........................................................
- JURÉS TITULAIRES FRANÇAIS.
- MM. Beurdeley (Alfred), ébénisterie d’art (comités, Paris 1900)...............
- Damon (Alfred), meubles et tapisserie [ancienne maison Krieger et Damon, Damon et Colin, successeurs] (comités, grand prix, Paris 1889; comités, Paris 1900).............................................................
- Fournier (Charles), doreur sur bois (comité d’admission, Paris 1900), président de la Chambre syndicale des doreurs, miroitiers et ornemanistes.
- Locquet (Henri), administrateur du Garde-Meuble national (comités, Paris 1900).............................................................
- Majorelle (Louis), meubles (comité d’admission, Paris 1900), à Nancy (Meurthe-et-Moselle)....................................................
- Pérol (Félix), meubles [maisonPérolfrères](comités, Paris 1889; comités, Paris 1900), adjoint au maire du xue arrondissement.....................
- Sandier (Alexandre), architecte, directeur des travaux d’art à la Manufacture nationale de porcelaine et à l’École d’application de la céramique (comités, Paris 1900), à Sèvres (Seine-et-Oise)...................................
- JURÉS TITULAIRES ÉTRANGERS.
- MM. Poesseanrciier (A.), meubles, à Munich....................................
- Tiionet (Ch.), à JBistritz..............................................
- Kimbel (Francis), secrétaire honoraire de la Chambre de commerce américaine.................................................................
- de Thek (André).........................................................
- Aimone (Victor).........................................................
- Araki (Mayumi)..........................................................
- Cuypers (J.), ingénieur civil et architecte, à Amsterdam................
- Meltzer (Théodore), meubles,à Saint-Pétersbourg.........................
- France.
- Grande-Bretagne.
- France.
- France.
- France.
- France.
- France.
- France.
- France,
- France.
- France.
- Allemagne.
- Autriche.
- États-Unis.
- Hongrie.
- Italie.
- Japon.
- Pays-Bas.
- Russie.
- 9-
- p.119 - vue 123/484
-
-
-
- m
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- JURÉS SUPPLÉANTS FRANÇAIS.
- MM. Moulin (Pierre-Félix), meubles, vice-président du Conseil des prud’hommes
- de la Seine (bâtiment)......................................... France.
- Rémon (Georges), architecte décorateur (médaille d’or, Paris 1889; comités,
- Paris 1900).................................................... France.
- JURÉ SUPPLÉANT ÉTRANGER.
- M. Toledo (D. Firmin), meubles....................................... Espagne.
- p.120 - vue 124/484
-
-
-
- MEUBLES DE LUXE ET MEUBLES À BON MARCHÉ.
- AVANT-PROPOS.
- Lors de sa première réunion et aussitôt après avoir constitué son bureau, le Jury de la Classe 69 décida, à l’unanimité, que le rapport déposé en son nom serait l’exposé impartial de ses travaux et que l’auteur en devrait prudemment bannir toute conception générale, toute préférence esthétique personnelle. Nous nous efforcerons donc de nous conformer ici à la décision de nos collègues, décision à laquelle nous nous étions d’ailleurs formellement associé. A notre sens, un rapport d’exposition ne saurait être une œuvre de bataille, un article de revue ou le chapitre d’un livre, dont le signataire, sans souci de blesser des susceptibilités légitimes, commenterait avec ses passions les décisions prises et tenterait de substituer ses propres théories aux multiples jugements d’une réunion d’artistes. Il ne faudra donc voir ici qu’un compte rendu fatalement plus préoccupé des détails et plus prolixe dans les descriptions que les procès-verbaux de notre secrétaire, mais non moins impartial et non moins impersonnel.
- Nous ne saurions donc, sans violer dès le début la règle tracée, prendre ici position dans la querelle qui, au cours de l’Exposition universelle, a violemment divisé tous les fervents, tous les militants de l’art décoratif : les tentatives qui ont été révélées parles exposants français et étrangers ont-elles, dans leur ensemble, constitué un progrès appréciable pour l’industrie du meuble, profitable et sain pour le goût public, et l’avenir est-il réellement gros du style attendu et promis? Le Jury de la Classe 69 n’avait pas à solutionner ce problème. Et si par une invraisemblable hypothèse une telle opération avait été exigée de lui, nous estimons que le seul empiétement sur les attributions de trois ou quatre autres jurys aurait pu lui permettre d’accomplir sa tâche. Les classes de la décoration fixe, du bronze d’art, de la tapisserie, des meubles de luxe et à bon marché se sont en effet partagé, bien souvent au hasard, l’ensemble d’une production qui était appelée à former un tout indissoluble. On a vu des intérieurs complets, sans plafonds ni boiseries et comprenant presque uniquement des pièces transportables jugés par la Classe 71, des meubles où les cuivres jouaient un rôle accessoire jugés par la classe du bronze d’ameublement. Des ensembles comportant des revêtements de menuiserie, de marqueterie, ont été, par contre, examinés par la Classe 6 9, qui a eu également à se prononcer sur les sièges garnis de cuir, alors que ceux recouverts d’étoffes et de tapisseries lui étaient généralement soustraits. Et comment pourrions-nous formuler un jugement d’ensemble sur l’évolution du meuble, alors que dans la section française, par exemple, nous n’avons pas eu à
- p.121 - vue 125/484
-
-
-
- 122
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- examiner les œuvres de novateurs aussi considérables que MM. Charpentier, Hoents-chel, Baffier, Carabin, Dampt, Gaillard, Bigaux, Genuys et Simonet, Plumet et Sel-mersheim, et tant d’autres. Nous pourrions multiplier à l’infini ces remarques. Aussi n’avons-nous le droit que d’énumérer ici les œuvres récompensées, de les examiner individuellement et judicieusement comme l’a fait notre Jury, et devons-nous trouver dans le classement imposé à notre art une nouvelle raison de nous abstenir de jugements généraux.
- Nous ne saurions, au surplus, mieux résumer la question qu’en renvoyant nos lecteurs jaloux de compter les coups échangés aux écrits des belligérants. Avec de brillantes qualités littéraires et une belle ironie nationale, l’attaque a été menée vaillamment par toute une phalange d’écrivains traditionalistes : MAI. Gabriel Hanotaux et Paul Adam, dans le Journal; André Hallays, dans les Débats; Robert de laSizeranne, dans la Revue des Deux-Mondes ; Arsène Alexandre, dans le Figaro.
- On s’est également courageusement comporté dans le parti delà défense où l’on a surtout multiplié des arguments techniques, architecturaux, très troublants et très solides. Il faut lire de ce côté les chaleureux plaidoyers de MM. Genuys et Magne, dans la Revue des Arts décoratifs ; Gustave Soulier, dans Art et Décoration; Jacques, dans Y Art Décoratif. Et tandis que M. Louis de Fourcaud, dans la Revue de Y Art ancien et moderne, ne se mêle à la bataille qu’en philosophe avisé, prodiguant les plus sagaces conseils, on entendra avec fruit les discours colorés, du très noble isolé qu’a voulu rester en cette mêlée AI. Emile Gallé. Répudiant les lombrics et les ténias, les pseudo-varechs et les vermicelles affolés, il défendit avec une incomparable maîtrise nos modernes adaptations françaises de la nature. Nous n’avons pas de style au xxe siècle? Qu’en savez-vous? La volonté de créer des formes nouvelles s’est manifestée à l’Exposition en efforts indéniables, w Lorsqu’un style se forme, rien ne nous en avertit, le style se crée graduellement, sans que l’affirmation en soit évidente à tous. »
- Nous en tenant à cette sage citation, nous ne nous permettrons pas d’insister davantage sur les polémiques d’hier. Tout ce que nous pouvons dire, c’est que notre Jury, en se montrant sévère pour ces billevesées, pour ces gesticulations incohérentes et saugrenues que réprouvent également tous les écrivains que nous venons de citer, a montré pour les tentatives raisonnées et patientes un intérêt passionné.
- Tout ce qui a présenté un caractère sérieux et réfléchi a été équitablement récompensé. Sans nous livrer à des spéculations lointaines ni à des discussions didactiques, nous n’avons eu qu’une même pensée : être justes. Et si nous avons péché, vis-à-vis des recherches qui nous étaient soumises, ce fut seulement par indulgence. Car il vaut mieux se tromper que de décourager une initiative loyale. Renan n’a-t-il pas dit : «L’esprit de l’homme n’est jamais absurde à plaisir, et chaque fois que les productions de la conscience apparaissent dépourvues de raison, c’est qu’on n’a pas su les comprendre» ?
- p.122 - vue 126/484
-
-
-
- MEUBLES DE LUXE ET MEUBLES A BON MARCHÉ.
- 123
- FRANGE.
- Il fausse refuser très nettement à céder, en rendant compte de la section française, au défaut capital de notre race. En politique, en art, en littérature, nous croyons être spirituels en nous dénigrant perpétuellement nous-mêmes. Chacun de nous s’en va de par le monde, prodiguant à ses concitoyens son ironie native, accablant les gens qui travaillent d’ordinaire à ses côtés et qui le valent, des critiques violentes, souvent injustes et toujours excessives. Si bien qu’à l’étranger on n’entend guère dire du mal de la France que par les Français eux-mêmes. Les peuples voisins nous considèrent encore, à juste titre, comme la patrie essentielle de la raison et du bon goût : il faudrait veiller à ce qu’un jour, par une erreur que leur patriotisme ferait presque excusable , ils ne (missent par croire à nos flagorneries médisantes.
- Nos collègues étrangers du Jury n’ont cessé de proclamer sans coquetterie , sans vaine courtoisie, l’évidente supériorité de la section française du meuble. Rendons-nous donc à la raison, et reconnaissons avec eux cette incontestable suprématie dans la tenue des recherches nouvelles, dans la probité avec laquelle nous maintenons la tradition des styles que créa notre race, dans cette perfection et ce fini qui font de nos ouvriers les premiers artisans du monde.
- La réunion de nos meubles a été d’un effet très saisissant, d’une maîtrise plus affirmée qu’en 1878 et 1889. Peut-être pourrions-nous à la rigueur reconnaître que de retentissants coups de pistolet n’ont pas été tirés et que de-ci de-là des manifestations nettement imprévues ne se sont pas produites. C’est dans son ensemble qu’il faut juger la section. Chez nous, nul souci d’étonner, aucune volonté de forcer violemment, et par des moyens plus ou moins grossiers, l’attention des gogos. Aucun rastaquouérisme artistique; rien que la satisfaction de montrer le patient et sûr labeur accompli. Toutes les qualités qui sont l’essence même du génie français, nos artisans et nos fabricants les ont mises en œuvre : l’équilibre, la pondération, la grâce. Et l’on peut, sans être par trop taxé de fol enthousiasme, appliquer à nos galeries les vers de Charles Baudelaire :
- Là tout n’est qu’ordre et clarté,
- Luxe, calme et volupté.
- Les tentatives nouvelles ne se sont pas ressenties des influences étrangères Les théories anglaises, viennoises ou belges n’ont pas troublé l’esprit de nos exposants. Ceux qui ont tenté de renouveler notre art l’ont fait en évoluant dans l’esprit de notre terre, resté invinciblement fidèle au culte de la nature. Ils sont demeurés dans la tradition des maîtres de notre moyen âge et ils ont loyalement étudié des formes pour la raison, pour l’humeur et les habitudes françaises. Et, comme Ta écrit M. Magne, «si, dans notre pays, le mobilier renouvelle ses formes par une interprétation originale de la flore appliquée au travail du bois », si nous avons les premiers affirmé notre goût « pour la coin-
- p.123 - vue 127/484
-
-
-
- 124
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- position rationnelle des meubles, pour la décoration s’harmonisant avec la constitution fibreuse et les assemblages du bois n, « si l’unité des efforts permet d’augurer la formation d’un style », on peut affirmer que «nous avons ouvert la voie aux nations voisines».
- Il a également suffi de parcourir attentivement les sections étrangères pour nous convaincre que dans l’exécution des meubles de style, nos fabricants demeuraient nettement les premiers. Le pays qui a donné au monde des lignes immortelles n’est pas près de déchoir et les descendants des Boulle, des Crescent, des Riesener et des Jacob ont gardé dignement l’héritage de leurs ancêtres.
- Et quels ouvriers ont su parvenir à cette surprenante maîtrise d’exécution que l’on chercherait vainement ailleurs ? Où a-t-on éprouvé, autre part que chez nous, cette curiosité ravie et qui fait que l’on se penche sur les plus minces détails d’un meuble? Où le connaisseur a-t-il cédé au plaisir d’ouvrir un chiffonnier dont les portes glissent aisées, silencieuses; de faire jouer les tiroirs d’un secrétaire ou d’une commode; de caresser longuement les douces moulures d’une table ou l’harmonieux dossier d’un siège ? Nous avons pu aussi nous étonner de trouver chez les sculpteurs d’autres nations une habileté de main qui n’était peut-être que le fruit d’un geste héréditaire. Nous avons pu constater la facilité et la fantaisie banale, nous n’avons pas trouvé ce goût irréprochable de nos modernes «huchiers» obéissant à leur imagination, ou interprétant avec une belle probité archéologique, les coffres, les bahuts et les chaises de notre xv° siècle et de notre Renaissance.
- Nous devons le répéter bien haut : partout, la comparaison nous a rassérénés et nous a donné confiance.
- I
- Rien qu’il nous soit impossible de rédiger ici un palmarès complet et que forcément nous soyons obligé d’oublier quelques exposants,— qui ne nous tiendront pas rancune, — nous sommes contraint, pour essayer de mettre un peu d’ordre et de clarté dans notre exposé de la section française, d’en diviser l’étude en trois parties.
- Dans la première, nous nous occuperons des meubles dits modernes; dans la seconde, des meubles de style, alors que nous rangerons dans la troisième les meubles de fantaisie et à bon marché, les billards, les coffres-forts, les installations de bureaux, de cuisines, de cabinets de toilette, etc.
- Parmi les meubles qui se distinguent par le dessein systématique de rompre avec le passé ou par l’interprétation plus libre des formules accréditées, nous trouvons tout d’abord les envois de MM. Damon et Colin (hors concours). Ils exposent une salle à manger à laquelle est jointe une décoration de véranda-fumoir. De cet ameublement, dont les pièces principales ont été acquises par les grands musées d’Europe, se dégage une grande impression de richesse, de confortable et de bonheur. La matière employée est le chêne de Hongrie, verni et marqueté. Les buffets-étagères sont ornés de pan-
- p.124 - vue 128/484
-
-
-
- 125
- MEUBLES DE LUXE ET MEUBLES À BON MARCHÉ.
- neaux de marqueterie où se confondent des pommes, des cerises, des poires et des grenades entrouvertes ; les ferrures sont de cuivre rouge, plutôt hollandaises de forme et peut-être un peu importantes à notre gré. La cheminée, dont les montants marquetés représentant des pommes de pins, forment armoires, est ornée d’une frise rectiligne où des fruits, nèfles, poires, grenades, pommes, abricots, sont sculptés en plein relief. La table, que décore au milieu une couronne de branches de mûrier, repose sur quatre pieds qu’enserrent et caressent de longs épis de blé et des reines-marguerites. Les fauteuils et les chaises aux lignes à peine infléchies sont ornés aux angles de fleurs très sobrement indiquées, presque immatérielles, tandis que de charmantes broderies s’étalent sur les velours bleu pâle. Tout autour de la pièce, au-dessus de grandes tiges verticales, court une large frise faite de panneaux de marqueterie où, sur des fonds de branchage, s’érigent les iris et les tournesols, les houblons et les épis de maïs, où s’étalent les ananas et les melons, les aubergines et les citrons.
- De la gaieté émane de cet intérieur si doré, si heureux. Et le parti pris de simplicité qui y règne séduit et ravit l’esprit. Des lignes très franches, de délicates moulures horizontales contrariées dans la seule mesure indispensable, par de frêles lignes verticales, toutes végétales, donnent à ces meubles un équilibre charmant en même temps qu’un accent de solidité robuste. On songe à d’antiques menuiseries gothiques qui seraient rajeunies par le gai mariage du cuivre et de la marqueterie. Cette dernière est d’une exécution très libre, suffisamment noyée et confuse, et c’est à tort, selon nous, qu’on lui a reproché d’être un peu découpée à l’anglaise, comme des morceaux d’étoffes : utilisée autrement, toute la magistrale menuiserie perdrait de sa tenue sobre et crâne. Cette salle à manger, très significative, datera dans l’histoire de notre mobilier.
- Un peu plus frêles sont les meubles de la véranda. C’est qu’ils sont décorés par une fleur fragile, le muguet, qui se retrouve sur la banquette en ogive, sur la petite table à trois pieds, dans tout ce délicat intérieur qu’éclaire une grande baie où grimpent les pampres, où les raisins se groupent symétriques.
- MM. Damon et Colin exposent aussi des meubles de style superbes : un grand mé-daillier LouisXIV, une vitrine et un petit cabinet Louis XV,un grand bureau, des paravents, quatre fauteuils Louis XVI en Aubusson, tout cela d’un style impeccable et d’une exécution sûre. Pas un anachronisme, pas une faute de goût. Les cuivres, les laques, les «Wedgwoodr1 sont impeccables. Nous ne regrettons que la présence de deux grandes gaines Régence, trop chargées et qui ressemblent à des armoires.
- L’effort réalisé par M. Louis Majorelle (hors concours) a été considérable. S’il demeure patent que l’artiste nancéen doit la genèse de ses idées premières à son illustre concitoyen Gallé, si comme lui il a considéré que le culte passionné de la nature était la source unique, il faut reconnaître qu’il a tout fait pour affirmer et développer sa personnalité propre et qu’il a réussi dans cette périlleuse entreprise. Il n’y a plus désormais entre le maître et le disciple que le lien des idées générales. Tout en se confinant dans le thème floral, M. Majorelle s’est évertué à développer et à simplifier en les accentuant, les lignes d’Emile Gallé. Son exposition, si savante par la recherche,
- p.125 - vue 129/484
-
-
-
- 126
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- si opulente par le choix des matières employées est, en dépit de certaines exagérations dans les arcs-boutants et dans les couronnements, une des plus nobles manifestations d’art décoratif exposées aux Invalides. Elle témoigne d’une volonté devenue très consciente, d’une imagination vivace, unie à des idées architecturales, souvent discutables, toujours intéressantes et sérieuses.
- Ses envois consistent en une chambre à coucher, une salle à manger et un cabinet de travail. La chambre à coucher est en noyer massif et tous ses panneaux sont ornés de marqueteries. Les tons sont donnés par l’amarante, le thuya, l’ébène vert et surtout l’ébène macassar. Partout, des incrustations de nacre luisent doucement sur les fonds un peu sévères, tandis que des nervures de tiges, aux jolies colorations olivâtres, arrondissent les montants, enguirlandent les encadrements, donnent le profil des supports. Le lit, dont les lignes du chevet semblent figurer un grand oiseau nocturne ouvrant ses larges ailes et symbolisant le sommeil, l’armoire à glace, la commode et surtout la table à coiffer d’une forme si captivante, tout cela est d’une couleur reposante, d’une somptuosité discrète, d’un rythme délicat, sans raideur comme sans langueur. La salle à manger a peut-être moins d’unité. La table, évidée au centre pour laisser surgir une ample jardinière, manque un peu de simplicité et de sveltesse. Mais on ne saurait trop admirer ce grand buffet de chêne aux lignes frustes, d’une rusticité si joyeuse et si savante et que décore un savoureux chef-d’œuvre de marqueterie, représentant la cueillette des pommes. Le cabinet de travail est, à notre sens, la pièce la mieux réussie avec ses deux incomparables meubles, que se sont disputés les musées du monde, son svelte bureau de palissandre dont les pieds et les angles figuraient des nénuphars aux fleurs naissantes, aux larges feuilles aplaties; et ce petit bahut un peu sombre, ce bahut au nid d’aigles, aussi sobre par l’unité, aussi complet d’équilibre que les modèles du genre que nous légua le xvi° siècle. L’exposition de M. Majorelle est un des plus beaux succès de l’ébénisterie française.
- La salle à manger de MM. Pérol frères (hors concours) est d’une conception et d’un goût parfaits. C’est une œuvre d’une très sûre originalité, qui a, par surcroît, ce mérite précieux de garder cet équilibre de sérieux et de charme, toujours si cher au goût français. C’est un ameublement tout ensemble gracieux et solide, riche et intelligent.
- Les lignes droites dominent dans ces meubles en acajou chromaté, poli et verni. Les lentilles d’eau constituent l’élément décoratif et rien n’est plus joli à l’œil que l’éparpillement habile, sur le bois sombre, des feuilles menues exécutées en cuivre doré. Les sièges sont recouverts de joli cuir dont la nuance aquatique contribue à l’harmonie de ce charmant intérieur, d’une si claire franchise d’art et d’une si scrupuleuse exécution. C’est là du modernisme très sain.
- MM. Pérol-frères exposent aussi une chambre à coucher à bon marché, de style moderne. Les panneaux y sont ornés de marqueteries très harmonieuses où les iris se mêlent aux pavots.
- M. Leglas-Maurice , de Nantes (grand prix), qui s’adonne avec tant d’autorité à la
- p.126 - vue 130/484
-
-
-
- 127
- MEUBLES DE LUXE ET MEUBLES À BON MARCHÉ.
- spécialité des ameublements de paquebots, a exposé le fumoir du transatlantique la Savoie. Cet envoi constitue un des ensembles les plus remarquables qu’ait eu à examiner le Jury. Il consiste en une grande boiserie circulaire, en bois de chêne, épousant la forme de la proue, à laquelle des divans sont adossés et qui encadre les hublots; une glace et deux peintures décoratives représentant des paysages français complètent la décoration.
- Au-dessus d’une frise où alternent les feuilles de marronnier, de chêne et de houx se range une série de panneaux de fleurs très artistiquement groupées et très habilement enlevées. Ils sont séparés par des silhouettes d’oiseaux de proie et d’oiseaux de nuit, des émouchets et des hiboux, branchés dans une attitude hiératique, telles les statues deperviers de l’antique Egypte. La table, les fauteuils et les chaises ont pour motifs des racines et des fleurs, et les velours verdâtres qui recouvrent les sièges et les divans sont pavés de très fines guipures. Nous le répétons, tout cet ensemble est séduisant, harmonieux, capable degayer l’existence monotone des interminables traversées.
- M. Galle (Emile) [grand prix] est un noble poète. Dans notre siècle revivent en lui ces artisans de la Renaissance qui, possédant toutes les techniques, les pratiquaient toutes avec une gloire égale; céramiste, verrier, marqueteur, ébéniste, sculpteur, il a réalisé des œuvres qui, dans les musées, et chez les amateurs de toutes les nationalités, font honneur à notre patrie. Théoricien, il a fougueusement défendu ses idées, tantôt par ses œuvres, et tantôt par une «plume de fer» qui, elle non plus, «n’est pas sans beautés». C’est un précurseur et tout le monde reconnaît qu’il a été chez nous le grand initiateur des idées naturistes. Et c’est ainsi qu’un de nos collègues de beaucoup de talent, et qui a remporté à l’Exposition un grand et légitime succès, nous déclarait que, sans lui, il n’aurait jamais songé à marcher à la conquête des formes nouvelles.
- Il semble, d’ailleurs, que nous ayons été en majorité d’accord au Jury, avec Emile Gallé, pour penser que conformément à nos traditions, l’art nouveau français vivrait de la seule inspiration de la nature. Peut-être quelques-uns d’entre nous ont-ils été parfois inquiétés par les conceptions architecturales de Gallé, et peut-être ont-ils pensé que parfois, chezlui,les notions s’égarent. «A coup sûr, — a écrit M. deFourcaud, — il n’y a rien de plus expressif que la fleur, si fertile en motifs ornementaux, à travers ses états multiples, mais est-il bien prouvé qu’une plante puisse fournir des types à la construction statique; a-t-on besoin de demander au végétal la forme d’une chaise ou d’une table?» Ce n’est pas ici le lieu d’entamer une discussion, où, personnellement, nous serions tout disposé à reprendre, pour notre compte, les arguments du maître de Nancy. Bornons-nous à constater que le Jury n’a pas hésité à accomplir œuvre de justice en attribuant la plus haute récompense à Emile Gallé, pour son œuvre intégrale et pour le rayonnement quelle a eu de par le monde.
- On ne décrit pas une exposition de Gallé. Disons simplement qu’il s’est affirmé, en 1900, le merveilleux marqueteur que l’on sait, tour à tour peintre attendri des fleurs et évocateur de clairs paysages de rêves. Il nous montre un petit salon, une
- p.127 - vue 131/484
-
-
-
- 128
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- salle à manger renouveau, où le buffet de frêne symbolise la Charmille, où la table symbolise la Sève, la floraison de Tonne en avril. Toute une série de sièges, de guéridons, de bureaux, d’étagères, de petites commodes exécutées avec l’imagination des maîtres d’œuvres gothiques, le choix multiple et raffiné des matières employées, cher aux vieux Florentins : fantaisies suggestives et prenantes dont les champs, les arbres, les insectes, la forêt, la montagne constituent toujours les leit-motivs. Autant de poèmes champêtres, savants ou naïfs, toujours émouvants et toujours probes et qui nous font évoquer ce moderne Palissy, «se pourmenant par les champs, comme l’auteur des rustiques figulines, la tête baissée, pour contempler les œuvres de nature».
- Un grand prix a également été décerné àM. Schmit, qui expose une salle à manger moderne en noyer et en poirier, où prédomine l’influence de van de Velde. Elle comporte un grand buffet, une table très mouvementée, un autre buffet plus petit et une vitrine en érable incrusté. L’œuvre est très soignée et très étudiée dans ses détails, mais dans l’ensemble, les lignes droites y sont un peu déformées par le voisinage de colorations trop accentuées. Au surplus, le dessinateur a-t-il eu tort de céder aux idées belges et anglaises, en voulant ajouter des superfétations plus ou moins pratiques à certains meubles : une table à écrire n’est-elle pas accrochée aux flancs du grand buffet? On nous permettra de préférer l’admirable chambre à coucher qui, lointainement d’ailleurs, semble se rattacher au style Delafosse. Le pavot et la rose ont été choisis comme éléments décorateurs, et chaque pièce, — le lit surtout, dont le panneau de pied s’unit si harmonieusement aux balcons, — est plein de rares et délicieuses trouvailles. Nous ne saurions trop vanter l’armoire à glace, avec ses panneaux de sycomore, letagère de cheminée, la chaise longue, le petit secrétaire et les sièges si heureux de mouvements. Le poirier blanc et le poirier rouge s’y marient au citronnier et au buis dans des colorations infiniment délicates et subtiles. Cette chambre est, paraît-il, l’œuvre de M. Henri Fourdinois; elle est à coup sûr d’un grand artiste. On n’en trouvera pas dans toute l’Exposition d’exécution aussi étudiée, aussi poussée; nulle part, on ne rencontrera plus de science, plus de mesure, plus de goût. Quant à la technique, ce serait lui faire offense que d’essayer de la louer : sans aucune négligence, aucune défaillance, elle se soutient en tous les points, dans l’absolue perfection.
- M. Schmit a montré également une armoire Louis XIV, en noyer, très habilement décorée, une table Louis XIV, en bois doré, un bureau et une bibliothèque Louis XVI, en acajou, tous aussi soignés d’exécution.
- C’est une salle à manger qu’expose M-J. Boison (médaille d’or); un intérieur délicat et intime qui révèle un effort considérable et un travail personnel que récompense un plein succès. L’influence lointaine du style Empire s’y révèle par de jolies lignes nettes et fières. Le buffet, la table, le dressoir, tout est d’un équilibre parfait, d’une répartition des masses distribuées avec une science consommée. L’acajou a été employé pour le corps des meubles, dont les panneaux, fabriqués avec les racines du même bois, sont du plus joli effet. Des frises élégantes, en bronze doré et argenté, découpé et gravé avec un soin minutieux, font alterner les cerises avec les chrysanthèmes, et filent, légères, le long des
- p.128 - vue 132/484
-
-
-
- 129
- MEUBLES DE LUXE ET MEUBLES À BON MARCHÉ.
- lignes droites. Les sièges sont fins, nerveux, sobres et riches tout à la fois. L’ensemble constitue une des œuvres les plus distinguées, les plus artistes, les rplus honnêtes cpie nous ait révélées notre production nationale.
- M. Dumas (médaille d’argent) expose un très joli intérieur de bibliothèque, en acajou ciré, dont la plante thème est la fleur traditionnelle, vivace et gracieuse comme une légende, l’angélique. L’architecture en est très étudiée. La cheminée, les bureaux d’angles, les sièges ont prêté à des recherches intéressantes et louables. L’entrée de l’escalier, le balcon ajouré qui court autour de la pièce sont d’une interprétation ornementale très hardie. La tentative de M. Dumas est des plus honorables et des plus louables.
- Un peintre de grand talent, M. Bellery-Desfontaines, a fait exécuter pour lui-même, par les soins de M. Bellanger, une série de meubles où la sculpture et la peinture jouent un rôle prépondérant. Une cheminée, un fauteuil, une table, une horloge, fruits d’une imagination curieuse. L’architecture y est plutôt noyée par la décoration, qui est d’une fertile venue. La table, que décorent d’amples solanées, est de beaucoup la pièce la plus intéressante.
- M. Epeaux (médaille d’argent) a pris comme motif de sa salle à manger la fleur de pommier. Il a déployé dans son œuvre un travail très tenace et très sérieux; et, en dépit de quelques erreurs architecturales, il faut sincèrement le féliciter. La cheminée et le buffet sont en acajou de Cuba, avec des fonds en bois d’or du même pays. Sur la table à découper, des céramiques, et sur la table à manger, des marqueteriesù’épètent le thème floral. On peut ne pas admirer les enchevêtrements bizarres et peut-être superflus qui régnent de-ci de-là, aux frontons notamment, mais on ne saurait trop louer le soin jaloux avec lequel les détails ont été traités : le groupement [harmonieux des fleurs est digne de tous les éloges.
- De M. Noyon, de Cherbourg (médaille d’argent), des chambres à coucher à bon marché. Les lignes très sobres, d’un joli rythme, jointes à la jolie couleur fruste et tendre du pitchpin et du camphrier, font de ces mobiliers des intérieurs de clarté et de bonheur.
- Avec une chambre à coucher Directoire, ornée de délicates peintures, M. Mercier (médaille d’argent) expose un charmant buffet de style Louis XV modernisé, où les mûres jouent un rôle décoratif des plus agréables. Le meuble est très soigné et très réussi.
- M. Rey (médaille d’argent) a envoyé une table bloc en bois polychromé, soutenue par des cariatides joliment traitées. On remarque aussi, du même auteur, une grande chaire, un siège orné d’un tournesol bien exécuté et différents meubles de style.
- Un des meilleurs céramistes de notre temps, M. Lachenal (médaille d’argent), s’est livré à des essais de linocéramique très curieux. Les meubles, un peu étranges, mais pleins de caractère, qu’il nous montre, constituent une tentative artistique plus qu’honorable. C’est une voie nouvelle que cet excellent artiste ouvre aux chercheurs.
- p.129 - vue 133/484
-
-
-
- 130 EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- M. Malard, associant ie bois et le fer forgé, expose une chambre à coucher. Les intentions d’utilité se multiplient autour des meubles : le lit se termine par un divan; l’armoire s’orne d’une pendule et de lampes électriques. Ensemble curieux, intéressant.
- M. Benouville, enfin, a recherché, avec toute sa science d’architecte, des types de mobiliers pour habitations ouvrières. Son souci principal a été, tout en conservant des formes ingénieuses et sobres, de ne laisser perdre aucune place dans les logis exigus, d’éviter tous les angles, tous les creux où pourraient s’accumuler les poussières malsaines. Il a mené à bien sa triple recherche de beauté, d’hygiène et de confortable. Nous souhaitons vivement que son idéal soit partagé par beaucoup.
- II
- Si, à l’extrême rigueur, des peuples qui n’ont ni nos traditions, ni nos goûts, ni nos mœurs, peuvent, en dépit de l’évidence, manifester des préférences pour les nouvelles formes d’art écloses sur leur sol et, partant, conformes à leurs habitudes de vie et à leur tenue d’esprit, il nous semble qu’il leur est impossible de contester la supériorité des meubles de style français.
- Nous l’avons dit, la terre qui avait vu travailler les maîtres, devait nécessairement engendrer les parfaits interprétateurs, les imitateurs accomplis. Il faut avoir été élevé dans la société des chefs-d’œuvre du xvn° et du xvme siècle français, pour être certain de ne ne pas commettre d’anachronismes ; les formes se modifiaient tous les dix ans et chaque maître avait sa personnalité marquée, et pour ne pas marier imprudemment Crescent à Riesener, Saunier à Carlin, Delafosse à Levasseur, il faut toute la sûreté archéologique de nos ébénistes. C’est chez nous que sont demeurées intactes les formes des illustres ancêtres ; c’est chez nous qu’est demeurée cette répartition habile des couleurs , cet art des teintures dont Cremer fut l’initiateur, c’est chez nous qu’est demeurée conforme aux créations d’antan, cette ciselure des bronzes si alerte pour l’œil, si pleine, si douce à la main. Kambly, Piffeti n’ont pas eu, en leurs pays, de disciples, et c’est toujours à Paris, et surtout après les merveilles montrées en îqoo, que les étrangers viendront chercher leurs meubles de style.
- Dans un délicieux intérieur Directoire où, sur les trumeaux, des paons font la roue, oùles murs sont tendus de belles soies brochées, M. Chevrie, président de notre Jury, nous montre toute une série de meubles exquis, enfants éloquents de son grand savoir et de sa très sûre technique. Ce sont là les œuvres cl’un chercheur subtil et d’un artiste infiniment délicat. Admirons d’abord cette belle cheminée Empire, en acajou, aux lignes si simples et si nettes; en haut de la glace, une douce peinture représente un amour jouant parmi les fleurs, et le long des montants, au fronton du coffre, de frêles porcelaines de Wedgwood, qu’escortent de très sobres décorations, jettent sur le sérieux du bois leur grâce et leur gaieté. Puis c’est une vitrine Louis XVI, d’une élégante silhouette, des petites tables dont l’une descend de Thomire, des fauteuils
- p.130 - vue 134/484
-
-
-
- MEUBLES DE LUXE ET MEUBLES À BON MABCHÉ.
- 131
- Louis XV et Louis XVI, des petites chaises blanches cannées qu’ornent de gracieux médaillons de porcelaines, un cabinet à bijoux enfin, chef-d’œuvre d’exécution ou l’imagination de l’ébéniste s’est complu à multiplier les tiroirs à secrets et dont les panneaux sont décorés d’admirables bronzes d’après Marin. Cette rare exposition, où Ton sent trop de modestie peut-être et trop d’horreur du tapage, nous a confirmé dans la profonde sympathie que nous avions pour Térudit, pour le raffiné qu’est notre très aimable président.
- M. Clair (Maxime) [hors concours] a exposé une très jolie série de meubles de style et de fantaisie ; de beaux sièges en bois doré ou laqué ; des armoires et des cabinets décorés de vernis Martin extrêmement soignés; des consoles, des tables, des guéridons cannelés et enguirlandés, dans la meilleure tradition du xvme siècle. Ensemble extrêmement honorable.
- M. Diiînst (grand prix) nous montre de très belles boiseries Louis XVI, aux motifs soignés, aux fines moulures d’une exécution incomparable; une bibliothèque Louis XV, en chêne, aux cuivres particulièrement pompeux et délicats, une grande toilette duchesse rococo et un cabinet Renaissance, qui a provoqué l’admiration unanime : nous nous trompons ou nous croyons bien que la main-d’œuvre a dit là son dernier mot. Nous avons rarement vu travail d’ébénisterie d’une précision plus déconcertante. M. Dienst expose également un charmant petit bureau de dame, en buis, d’une architecture Louis XV, mais moderne par la décoration florale empruntée à la pensée. Un délicieux guéridon, enfin, un guéridon à quatre pieds, décoré d’iris, également exécuté dans du beau buis auquel on a laissé sa couleur fruste, et. qui est un véritable bijou précieux et complet.
- Un grand prix a été également décerné à M. Quignon pour l’ensemble de ses envois. Nous avons récompensé là tout un exercice industriel consciencieusement rempli. Son lit et son armoire Louis XV en poirier; sa bibliothèque Louis XV, ornée de cuivres, en acajou satiné; son bureau Louis XV; sa petite table Louis XVI, si fine avec sa galerie ajourée, son cadre de glace de même époque aux sculptures si remarquables, tout cela est digne des plus grands éloges et pour le goût et pour la facture. Tout revèle une sûreté consciente qui ne laisse place à aucune défaillance, à aucune tare. La pièce capitale est un beau cabinet médaillier en poirier avec des incrustations et des marqueteries et orné de médaillons en galvanoplastie, qui fait rêver aux merveilles du vieux Golle et, plus près de nous, par son exécution infaillible, fait penser à Sauvresy, à Fourdinois.
- Avec M. Sormani (grand prix), nous voici au pays des Mille et une Nuits du meuble. Nous les retrouvons là, copiés avec talent et fidélité, ces incomparables chefs-d’œuvre des maîtres français. Il faut renoncer à vanter comme elles le mériteraient ces reproductions qui, si elles étaient légèrement maquillées, dérouteraient les plus avisés connaisseurs. Gomment louer le soin jaloux avec lequel sont choisis les bois, le fini, le gras des cuivres, le jeu velouté, naturel des tiroirs et des portes ? Les meubles qui sont là sont trop connus pour être décrits : voici le secrétaire du South Kensington,
- p.131 - vue 135/484
-
-
-
- 13*2
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- le régulateur Louis XIV du Louvre et celui des Arts et Métiers, la commo de Louis XVI de Richard Wallace, le petit bureau et la poudreuse de Marie-Antoinette qui sont à Londres, la petite table laquée et ornée de cariatides de la même reine qui est au Louvre, le bureau de Louis XIV de Chantilly, dont on a reconstitué les girandoles, le bureau Louis XIV du Ministère des finances, celui de la collection Johns, une armoire Louis XV avec des laques de Coromandel anciennes, la pendule représentant l’Amour et Psyché de l’Elysée, le cartel du Louvre, les brûle-parfums Empire du même musée, la vasque du garde-meuble. A ajouter à toute cette noble série, des compositions de la maison qui font bonne figure entre ces redoutables voisinages. L’on ne saurait mieux conclure qu’en disant que c’est là, assemblé et réalisé par des maîtres, le Salon Carré du mobilier français.
- Les mêmes perfections, nous les retrouvons chez M. Lexcellent (médaille d’or), auquel il faut adresser sans autres commentaires des félicitations à peu près identiques. Nous voyons chez lui un petit bureau de dame en citronnier marqueté, orné de bronzes, qui est un des beaux modèles de ce parfait artiste qu’est M. Beurdeley. Nous saluons aussi la commode de Riesener qui est à Fontainebleau, le bureau du Régent, en amarante, du mobilier national, la charmante cheminée du boudoir de Marie-Antoinette et sa table nacre et laque du musée du Louvre, tous visages connus d’une ressemblance si parfaite quelle en est troublante.
- Dans la tradition des Meissonnier et des Caffieri, un nouveau venu parmi les exposants, M. Linke ( médaille d’or) a exécuté une série de meubles Régence dont la somptuosité a heureusement ému le public. Un véritable tour de force a été réalisé en ce sens que, sous l’amas de tant de richesses, les lignes n’ont pas été trop écrasées et quelles ont gardé leur unité, leur svelte allure. Ces meubles Régence, d’un pompeux apparat et d’un, luxe tout seigneurial, comportent tous des allégories traduites par la marqueterie et le cuivre. Par les emblèmes, par la figure, elles expriment, dans le langage allégorique du xvmc siècle, la destination symbolique de chaque objet. M. Linke, dans ses réalisations, s’est associé comme collaborateur le sculpteur Léon Messager, dont on connaît la féconde imagination et le talent mouvementé. Citons, parmi leurs œuvres, une grande bibliothèque à trois corps décorée de six figures et ornée de rocailles, de guirlandes et denvolements où, çà et là, des fleurs, des feuillages, des racines viennent apporter le charme d’une nature ordonnée et apprêtée comme celle des parcs royaux; un ample bureau dont deux génies, la Vigilance et la Discrétion, gardent les angles, et dont le revers s’orne d’un grand paysage joyeux où le laboureur pousse sa charrue, où, sur la mer lointaine, vers le soleil couchant, glissent de grands navires. Sur une commode, Mars et Vénus se contemplent dans le mystère d’une grotte; sur une autre revivent les personnages du Barbier de Séville. Le régulateur, où le Temps marque les heures tandis que l’Amour les sonne, et dont la gaine est enlacée par des branches de pommier, nous a paru être le clou de ce fastueux intérieur. Quel que soit le jugement personnel porté par chacun sur de pareilles conceptions du luxe et sur ce quelles peuvent avoir d’inattendu en nos temps d’art réaliste
- p.132 - vue 136/484
-
-
-
- MEUBLES DE LUXE ET MEUBLES À BON MARCHÉ.
- 133
- et d’utilité pratique, on ne peut que proclamer l’étendue de l’effort entrepris par M. Linke.
- MM. Loidrault frères (médaille d’or) ont exposé d’admirables boiseries Régence, aux moulures hardies etfières, aux attributs incomparablement sculptés. Ils nous montrent également de beaux meubles Louis XV, des tables et des paravents, des sièges dorés très réussis, aux lignes fines et graciles.
- De M. Durand (médaille d’or), un élégant trumeau Louis XV en chêne, un meuble d’entre-deux de même époque sur documents anciens, des bureaux Louis XVI et une table bijoutière en citronnier. Une série de merveilleux bibelots, d’une grâce légère et d’une réalisation scrupuleuse : des baromètres, des thermomètres, de petites pendules Boulle et de minuscules étagères. Tout est parfait d’exécution et de goût.
- M. Raison-Renouvin (médaille d’or) expose une chambre à coucher Louis XIV en chêne qui constitue un des plus louables intérieurs de l’Exposition. Tout l’esprit, toute la grâce guindée et fière du grand siècle est inscrite dans ces meublés de chêne, riches et massifs, auxquels la couleur fruste du bois semble donner encore de la jeunesse et de la force : de très belles boiseries d’une technique achevée, qu’encadrent des soies mauves et des treillages, entourent cette pièce où Ton admire surtout un grand lit, une chaise longue et une jolie gaine.
- De M. Raulin (médaille d’or), des meubles en bois de rose ornés de cuivres. Une bibliothèque rocaille, un secrétaire et un meuble d’entre-deux Louis XVI décoré d’une belle frise témoignent ici des plus rares qualités. Et Ton ne saurait trop vanter un merveilleux petit bahut genre Crescent, d’une suave composition et où les bronzes sont d’une rare délicatesse.
- L’exposition de M. Je'mont (médaille d’or) est particulièrement intéressante et variée, révélatrice quelle est de ses multiples études et de sa profonde connaissance de tous les styles. Voici d’abord un petit salon Louis XVI aux meubles menus, délicats, dans une exquise décoration intérieure aux fonds verts; petites chaises, bergères étroites, tables juste assez grandes pour y placer un tête-à-tête, tout cela est d’une joliesse mièvre, d’une coquetterie dorée évocatrice des visages égayés de mouches, des hautes chevelures poudrées à frimas : un vrai décor de Baudouin. Nous remarquons encore deux belles chaires du xvie siècle en noyer, aux panneaux ornés de serviettes, des sièges Louis XIV, un curieux trône Empire, enfin, entaillé dans une bille de bois. Nous avons gardé pour la fin une banquette en bois doré qui est un petit meuble moderne d’une exécution et d’un dessin qui n’ont pas été surpassés; le géranium avec ses belles fleurs, ses tiges noueuses, en a fourni Télément décoratif, dont un parti excellent a été tiré.
- M. Eugène Brunet (médaille d’or) mérite pleinement, lui aussi, les justes louanges que nous adressions plus haut à MM. Sormani et Lexcellent. Ses qualités de recherche et d’exécution sont hors de pair. Il nous faut admirer sans réserves sa vitrine Louis XV, dont les savoureuses marqueteries à l’extérieur et à l’intérieur représentent de joyeuses danses, d’harmonieuses guirlandes d’amours: sa bibliothèque Empire, dans le goût de Thomire, qu’ornent de grands sphinx; ses vitrines où s’éploient des papillons multico-
- Gr. XH. — Cl. 69. • 10
- iriUJtCIUE NATIONALE»
- p.133 - vue 137/484
-
-
-
- 134
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- lorcs; son superbe bureau d’après Riesener; le médaillier du cabinet de Louis XIV à Versailles d’après Boulle; d’autres merveilles encore qu’à notre grand regret nous ne pouvons énumérer ici et décrire selon leurs mérites.
- M. Gueünières (médaille d’argent) expose des meubles exécutés avec soin et habileté : une bibliothèque, deux bureaux cylindres, un bahut dressoir, un beau régulateur.
- Un sens très exact des proportions et une très consciencieuse technique de l’ébé— nisterie s'affirment chez M. de Somme (médaille d’argent). Nous aimons beaucoup ses vitrines aux jolies lignes perdues, son bahut qu’ornent des mosaïques et des bronzes, son régulateur aux quatre fleurs, ses grands bureaux et surtout cette très élégante commode Louis XV aux Unes nervures, au gracieux piétement.
- AL Soubrier (médaille d’argent) a envoyé une chambre à coucher très riche en bois doré où Ton remarque surtout un grand ht Louis XV d’origine qu’ornent de belles figures peintes, une allégorie notamment où la Nuit éploie ses ailes sur un ciel constellé et paisible. Nous préférons encore ses petits meubles de cabinet de toilette Directoire, si crânes dans leur afféterie, et dont les bois de citronniers sont enrichis de porcelaines de AVedgvvood.
- C’est une œuvre soignée et d’une infinie élégance que le buffet de AL Rebeyrotte (médaille d’argent). 11 est en noyer, de style Louis XV flamand, et comporte un régulateur en son milieu parmi de rythmiques nervures et des sculptures sobres et savantes.
- Les mêmes qualités d’harmonie et de science professionnelle signalent AI. Pjgnot (médaille d’argent) auteur de grandes armoires et de beaux buffets de style.
- AI. Aux (médaille d’argent) nous montre une très agréable série de meubles de style : une table et un médaillier Louis XV, un meuble d’entre-deux Louis XIV à la marqueterie heureusement colorée et représentant un harmonieux paysage, le soleil dorant la cime de grands arbres. A citer encore deux fins bahuts, genre Crescent.
- C’est une véritable œuvre d’art que le bureau Louis XVI de Al. AIartin (médaille d’argent). L’exécution en est parfaite et les bronzes en sont délicats. Alais son auteur Ta surtout enrichi de superbes marqueteries qui dénotent un œil de peintre exercé et subtil.
- Avec son lit et son armoire Louis XVI qui rangent leur auteur dans la catégorie des fabricants de meubles de style, où il occupe une place très honorable, Al. Edme Flan-drin (médaille d’argent) a envoyé une salle à manger d’art nouveau séduisante et bien exécutée. Les marqueteries et les ferrures y figurent des fruits et l’ensemble relève assez directement de la fin du Louis XV.
- Un sculpteur décédé, AI. Cacaut, était représenté par des meubles en bois doré dérivés du Louis XIV et du Louis XV : une table, un paravent et une cheminée monumentale. Nous remarquons dans ces envois une fougue peu commune, des qualités de virtuosité et d’audace, perdues, hélas! pour jamais. Tant d’efforts et tant de courage laissaient prévoir de brillants lendemains.
- Terminons en citant les expositions très recommandables à bien des titres de Ai AI. Schamber (bureau Louis XIV et vitrines vernis AIartin); Garms (table de salle à
- p.134 - vue 138/484
-
-
-
- 135
- MEUBLES DE LUXE ET MEUBLES À BON MARCHÉ.
- manger se développant entrois plateaux superposés); Velfringer (vitrines, vernis Martin); Dennery (buffets et vitrines de style); Armand Lamrert (meubles d’art ornés de bronzes); Bruningiiausen (meubles ornés de peintures), qui tous ont obtenu des médailles de bronze.
- Passons à nos maîtres «huchiersw.
- Il existe en France, tant à Paris que dans les départements, toute une phalange d’artistes s’évertuant à faire revivre sous leur ciseau, dans le chêne ou dans le noyer, les coffres et les chaires de notre moyen âge, les armoires, les dressoirs, les tables, les lits et les caqueteuses de nos différentes écoles provinciales durant la Renaissance. Chaque région a eu, en effet, sa personnalité très franche et très affirmée : les maîtres de Normandie et de Bretagne n’ont, en effet, rien de commun avec les maîtres champenois, ceux de la Touraine avec leurs glorieux rivaux de Bourgogne et de Lyon; les Toulousains, avec leurs voisins d’Auvergne. Et les étapes furent singulièrement variées et multiples de nos vieux gainiers et coffretiers, de Jean Trupin, sculpteur des stalles d’Amiens, à Ducerceau. Quelle riche moisson de chefs-d’œuvre à reproduire et à interpréter! Nos sculpteurs contemporains n’ont pas manqué d’y appliquer leur maîtrise, et dans presque toutes les grandes villes de France il existe au moins un atelier où Ton travaille autour des modèles locaux légués par les maîtres de la petite patrie.
- Aussi notre étonnement a-t-il été grand en ne les voyant pas figurer plus nombreux à l’Exposition de 1900. La qualité, du moins, a suppléé à la quantité.
- M. Bellanger (médaille d’or) est, à coup sur, un de ceux qui connaissent le mieux les trésors de Cluny et de nos musées français. Les ateliers de Normandie et de Bourgogne, les maîtres de Bruges et de Louvain ont paru, entre tous, l’impressionner toujours. Sculpteur accompli, il a su copier avec une rare fidélité les vieux modèles et il a su s’inspirer d’eux à d’autres moments avec une perfection, une verve fertile, digne de tous les éloges.
- A l’Exposition, sur une grande crédence delà Renaissance, il a inscrit avec beaucoup de soin archéologique les principaux épisodes de la vie de Jeanne Darc. Il faut louer dans ce travail de longue patience un sentiment très juste du mouvement et une répartition adroite des lumières. Citons encore de lui des armoires Renaissance, une intéressante série de sièges allant d’une chaise d’enfant du xvi° siècle, ornée de lévriers, d’après des détails de Cluny, jusqu’à un prie-Dieu du plus franc style jésuite. A remarquer aussi dans cet ensemble si varié un petit buffet en cerisier, extrêmement délicat, conçu dans le goût des armoires normandes du xvme siècle.
- Des mérites identiques de dessin et de facture se retrouvent en M. Royer et M. Cruyeu (médailles d’argent). Le premier, qui paraît être surtout séduit par les nobles architectures de la Renaissance, a envoyé un grand cabinet, travail de mérite, orné de bonnes sculptures et flanqué de sveltes colonnettes. Puis ce sont des bahuts, des crédences, des tables, un portemanteau, etc. Le second, qui penche plutôt vers le gothique, expose de très sûres interprétations de notre xve siècle : nous avons beaucoup aimé sa grande cheminée et une charmante crédence dont les panneaux en ogive sont
- 10.
- p.135 - vue 139/484
-
-
-
- 136
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- d’un modèle parfait. Citons encore de lui une armoire Louis XVI en noyer et une curieuse table pouvant s’allonger sur des tiroirs. Les expositions de MAL Royer et Gruyen sont d’une louable tenue et leur sûreté d’exécution est des plus remarquables.
- Tantôt M. Lambert (médaille d’argent) se consacre avec grand succès à des pièces capitales comme sa cheminée et son grand bahut, et tantôt, voulant être exclusivement sculpteur, il étudie des détails, copie ou interprète amoureusement quelque fragment de caractère du moyen âge, quelque ravissant panneau de la Renaissance. Et il excelle particulièrement dans ce genre de réalisations. Parmi tant d’œuvres charmantes, nous conserverons la mémoire d’un petit couronnement de gothique flamand aussi compliqué, aussi précieusement ajouré et ouvré que ces couronnes fie joaillerie fabuleuse dont van Eyck ceint parfois ses vierges.
- Terminons en citant les noms de Al. Güilleux (médaille de bronze), auteur d’un bahut Renaissance et de bonnes pièces tournées, et de AL André (médaille de bronze), auteur d’une belle table d’architecte en noyer, ample et massive, et que soutiennent des cariatides bien dessinées; de AL Coignerai, de Rennes, auteur d’une chambre bretonne de style gothique où sont représentés des épisodes du combat des Trente.
- L’imitation des styles d’Extrême-Orient continue à avoir chez nous ses adeptes. La fraîcheur des matières employées, l’imprévu de leurs constructions avaient séduit nos pères au temps où d’heureuses tentatives n’avaient pas encore été entreprises pour rompre par des aspects nouveaux la monotonie du décor dans nos appartements, dans nos maisons, où régnaient uniformément le Louis XIV, le Louis XV et le Louis XVI. Et ces formes, anciennes entre toutes, plusieurs fois séculaires, ont conservé chez nous un franc succès, ont gardé pour une nombreuse clientèle une perpétuelle jeunesse.
- Un très ancien atelier parisien, la maison Viardot (médaille d’or), a toujours excellé dans ce genre de productions. La libre interprétation des richesses des pagodes indochinoises, des intérieurs dessinés parjOutamaro ou Hokousaï lui a toujours réussi. Dans de jolis bois blonds exotiques, M. Viardot a composé pour l’Exposition une chambre à coucher japonaise dont les grandes lignes sont des ressouvenirs de notre Louis XV : le lit, avec son ingénieux baldaquin, est particulièrement charmant, et bien que très composites, les armoires, les petits cabinets sont du plus séduisant aspect.
- De AI AL Perret et Vibert (médaille d’argent), des meubles laqués et marquetés très soignés. Dans leurs adroites constructions, c’est le bambou qui joue le rôle essentiel.
- AI. Chapon (médaille d’argent) montre une grande armoire japonaise d’une belle architecture, des petites tables marquetées très fines et une table à jeu des plus ingénieuses.
- Al. Rainfray (médaille d’argent) se limite exclusivement aux meubles de serre et de jardin. Tous ses sièges en rotin et en paille sont d’un dessin original, de formes agréables et commodes. Les colorations en sont aimables, nullement criardes, et pourtant très gaies à l’œil.
- Rien que généralement ornés de décors japonais, ce sont plutôt des meubles de fantaisie qu’expose AI. Simon-Vivenot. Chez lui, nous retrouvons tous ces menus objets chers aux intérieurs féminins : étagères, casiers à musique, jeux de tables multiples, etc.
- p.136 - vue 140/484
-
-
-
- MEUBLES DE LUXE ET MEUBLES À BON MARCHÉ.
- 137
- III
- Le temps n’est plus des mornes billards à blouses, où des lions aux visages naïfs ouvraient leurs inoffensives mâchoires de bronze pour vomir les boules ; des billards Louis-Philippe où, sur l’acajou, des marqueteries faisaient flamber les bols de punch, alignaient les aiguières et les hanaps. Où vivent-ils ? Recueillent-ils au moins, dans les hôtels encombrés des chefs-lieux de canton,les nuits de comices, des infortunés dormant alignés sur leurs vastes plateaux? Le billard s’est modernisé. Dans nos intérieurs exigus, grâce à d’habiles mécanismes, il joue, par surcroît, le rôle de table à manger, et sa construction tantôt s’inspire des lignes classiques, tantôt emprunte sa décoration aux inspirations modernes. Ceux de M. Guéret (médaille d’or) se transforment avec une instantanéité remarquable en bureaux ou tables de salle à manger. L’un est de style nouveau, agréablement décoré de marqueteries où s’élancent de grandes fleurs d’iris; le second est Louis XIV, couvert de sculptures habiles; le troisième est d’architecture orientale. Tous trois ont de jolis draps aux teintes douces : gris, gris vert et gris bleu.
- M. Poulain (médaille d’or) expose, lui aussi, trois billards de qualités identiques aux précédents, et auxquels il s’est efforcé de donner des lignes de proportions plus gracieuses que ne le comporte généralement ce meuble, plutôt laid en soi.
- De la Société W. Saint-Martin et Pallisson (médaille d’argent), des billards et des accessoires de billard de précision dans un joli intérieur aux ornementations florales. L’ébénisterie en est soignée et les draps d’une couleur grise, très reposante.
- De M. Gerderès (médaille d’argent), de beaux billards-tables Louis XVI, Renaissance et d’ornementation végétale.
- De M. Marillier (médaille d’argent), de M. Briotet, de MM. Gautier et fils, deMrae De-crette, de M. Dupuy-Venkens, des billards et surtout des accessoires de billard, des queues, des compteurs et des bandes que nous ont vantés des maîtres du carambolage. Dans notre profonde ignorance, nous les croyons résolument sur parole.
- Le cuir, matière d’art qui se prête si heureusement à tant d’utilisations multiples, a vu, ces derniers temps, sous l’impulsion donnée par nos admirables relieurs contemporains, son industrie se développer considérablement, se livrer, tant à l’étranger qu’en France, à des recherches du plus haut intérêt. Son rôle dans la décoration du meuble s’est notoirement accru, son usage s’est multiplié et sa décoration est même devenue, au même titre que naguère la dentelle ou la tapisserie, un passe-temps ou une profession féminine très à la mode.
- M. Darras (médaille d’argent) montre une charmante série de petites chaises légères, d’une construction toujours raisonnée et adroite , d’une décoration florale toujours ingénieuse et variée. Ses paravents sont très harmonieux et son portemanteau orné de libellules d’un goût très sûr. ^
- M,ne Chailley-Bert (médaille d’argent) expose, elle, simplement des panneaux de cuir;
- p.137 - vue 141/484
-
-
-
- 138
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- mais ses compositions, aux francs et simples reliefs, sont d’une composition très artistique, d’un dessin très serré et plein d’idées.
- De M. Pique (médaille d’argent), des travaux consciencieux et originaux. Ses paravents et ses encadrements de fenêtres en cuir, si réussis de couleur et si heureux dans leurs recherches nouvelles, sont très dignes d’éloges.
- Mentionnons les envois de MM. d’Hionnet, Blum et Hess, Mioeand et Verron, qui ont exposé des tentures murales, des sièges en cuir repoussé ou frappé (médailles de bronze).
- Dans cette branche de l’art décoratif, qui est appelée à grandir puissamment dans ces temps prochains, nos industriels français ont, certes, déployé de méritoires efforts. Us ne devront pas ralentir leur marche en avant s’ils ne veulent pas, ainsi que nous l’a révélé l’Exposition, se voir dépasser par leurs rivaux étrangers. Le danger n’est pas imminent, mais il existe, et c’est notre devoir de le signaler.
- La marqueterie française conserve encore l’avance dans ce pays qui a, à un si haut degré, le sentiment de l’harmonie et de la couleur, dans ce pays «peintre» par excellence. Il ne faut pas se dissimuler qu’elle est serrée de très près. Si nous n’avons eu qu’à vanter les décorations marquetées de nos meubles de style, si nous devons admirer sans réserve leur perfection d’exécution, il faut constater que nos artistes ne nous ont guère prodigué ces vastes compositions, ces amples et riches revêtements que nous remarquons chez nos voisins. Cette absence est regrettable. La marqueterie est appelée à prendre dans l’art de demain, et notamment dans la décoration fixe de nos intérieurs futurs, une place importante; ne nous bornons donc pas à lui faire jouer un rôle surnuméraire, et continuons à soigner amoureusement le petit panneau en songeant à de superbes ensembles.
- On nous objectera qu’à l’Exposition même, le maître Emile Gallé et, à côté de lui, son compatriote Majorelle, affirment leur haute personnalité par des œuvres qui satisferaient pleinement l’orgueil de bien des nations. Ce ne sont là que des individualités. On nous citera le nom d’un très bel artiste parisien, M. Chevrel. D’accord. Il n’en est pas moins vrai que dans la grande floraison d’art nouveau qui se prépare, floraison où la marqueterie, art éminemment français, aura sa large place, il nous peine de n’avoir à signaler dans nos sections et en dehors des décorations de meubles, que des tentatives, très.réussies à coup sûr, mais singulièrement fragmentaires.
- Nous avons parlé de M. Chevrel, qui a obtenu une médaille d’or, et dont le Jury a justement admiré, dans des morceaux irréprochables, les qualités de coloration et de dessin. Avec une frise imitant la tapisserie et de grands panneaux représentant des paysages flamands, M. Chevrel expose toute une série de représentations d’animaux observés avec un humour et un esprit très «lafontainien ». Chaque bête est fixée dans son attitude favorite, dans son geste pittoresque-: témoin ce lapin à l’œil naïf, ce corbeau qui mange gravement des cerises, et surtout ce merveilleux canard à l’allure railleuse et bon enfant. Mentionnons une carpe de bronze qui semble remonter les torrents des estampes japonaises, et une vue de la rade de Cherbourg, où le bleu pâle de l’eau et*le mauve des lointains sont d’une si rare justesse.
- p.138 - vue 142/484
-
-
-
- MEUBLES DE LUXE ET MEUBLES X BON MABCHÉ.
- 139
- Une médaille d’argent a été attribuée à M. Girod, dont deux panneaux nous ont particulièrement frappés et séduits ; l’un représentant une femme au bord d’un lac mélancolique ; l’autre, un. superbe bouquet de tournesols penchant en dehors d’un vase leurs larges figures dorées. Citons ensuite, avec éloges, les noms de MM. Faüciion, Mairel. et Guilmet.
- M. Albert Poincet (médaille d’argent) a construit des toilettes de lavabos, des meubles de cabinets de toilette : un petit divan, une table à coiffer, une armoire à glace. 11 a très heureusement soumis des architectures modernes intéressantes aux lois de l’hygiène et du confort.
- De même, M. Emile Poincet (également médaille d’argent), dont il faut remarquer la robinetterie soignée.
- Mêmes conceptions luxueuses, même choix habile des marbres chez M. Emile Tiio-massin (médaille d’argent), chez M. Kula et chez Mme Vve Grand aîné. Les toilettes marines de M. Personne sont également bien comprises.
- Dans la série des meubles de bibliothèques et de bureaux, signalons tout d’abord M. Muller (médaille d’or), dont les mobiliers d’administration ont un grand caractère de sobriété et d’élégance tranquille. Ces grandes menuiseries aux moulures très simples, où l’œil n’est distrait que par les fibres et les mailles capricieuses du chêne, ne sont nullement hostiles, ni rébarbatives d’aspect. Elles sont souverainement pratiques et agréables.
- Les bibliothèques tournantes de M. Terquem (médaille d’argent) sont connues du monde entier du travail. Leur auteur s’est habilement évertué à en modifier l’aspect officiel en les concevant dans des styles divers : gothique, Louis XV, Louis XVI et Empire.
- MM. Fèret, Chouanard et Scherff sont les ingénieux inventeurs de meubles dignes d’occuper l’attention des bibliothécaires et des pédagogues.
- Après l’étude, le jeu; autre travail. Avec une imagination féconde, orientée vers le confort, une très belle technique d’ébéniste, M. Balny (médaille d’argent) a construit toute une série de tables de jeu, capables de rendre le vice plus doux encore, et dont on aura bien de la peine à se lever.
- Les robustes menuiseries de M. Rigaut (médaille d’argent) réalisent des meubles de cuisine alléchants. Nous ne connaissons pas de savants laboratoires de gourmets plus réussis.
- MM. Ciiarlier et Guenot ont obtenu une médaille d’or avec leurs coffres-forts dont les merveilleuses serrures évoquent le souvenir des fermetures compliquées, si artistiques, des vieux coffres de fer de l’ancienne France. Avec beaucoup de goût, ils ont modifié la forme de ces meubles redoutables, les ont heureusement habillés, leur ont donné l’aspect tantôt des cabinets incrustés d’ivoire de la Renaissance, tantôt de meubles japonais et tantôt de meubles modernes.
- Aux murs de la section française de la Classe 69 étaient accrochés de-ci de-là les aquarelles d’intéressants projets. M. Rémon (hors concours) figurait dans ses envois des intérieurs somptueux, d’une harmonie et d’un goût exquis. On s’est arrêté longuement
- p.139 - vue 143/484
-
-
-
- l/iO
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- devant ses œuvres comme devant celles de MM. Foussier (médaille d’argent), Milvoy, d’Amiens, et Tugot.
- Une médaille d’or a enfin été décernée, d’acclamation, au Patronage industriel des enfants de l’euiénisterie , qui en est à sa 33e année d’existence. Tous les fervents du meuble connaissent cette œuvre d’une si noble portée sociale et artistique. On sait avec quelle compétence et quelle autorité les cours professionnels y sont professés et quels heureux résultats sont donnés par les concours de fin d’année auxquels prend part la phalange laborieuse, studieuse et inquiète de nos ouvriers futurs.
- Nous avons remarqué là des modèles de meubles, une table à coiffer et des petits sièges en noyer, de formes charmantes. Nous ne saurions donc trop féliciter le conseil d’administration pour la continuité de son zèle, etM.Boison , son président, pour ses vaillants efforts, pour son long désintéressement et sa patriotique opiniâtreté.
- Souhaitons de bon cœur, au patronage, prospérité et grandeur; souhaitons que les jeunes gens qui y étudient comprennent l’intérêt social à profiter largement des leçons qui leur sont si généreusement prodiguées, et que, ce faisant , ils accroissent un jour notre patrimoine commun de richesses, d’art et de pensée.
- COLONIES FRANÇAISES.
- L’Ecole professionnelle de Tananarive (médaille d’argent), organisée par les soins intelligents du commandant de Mondésir (médaille d’argent), et où professe M. Lavergne (médaille d’argent), a fait preuve d’initiatives et de recherches personnelles de beaucoup plus intéressantes et plus louables que nombre d’établissements similaires d’Europe. Dans des bois indigènes, précieux et rares, elle a exécuté une chambre à coucher très remarquable. Le lit est déformés très simples, avec'des montants carrés et un fronton en ovale où se déploient de grandes palmes en éventail. Les pieds et les côtés sont ornés defeuillages sobres, traités en marqueterie jaune sur des fonds rouges et brunâtres. Le ciel, un peu moins heureux, peut-être, est formé d’un dais construit en palmes ajourées. Les rideaux et le dessus du lit sont en soie du Betsileo, écrue et brodée de singes blancs et noirs. L’école expose aussi une table longue, toute marquetée de ouistitis, et dont les pieds sont formés par l’amusante descente de quatre singes. Ce sont encore ces animaux, d’ailleurs étudiés avec beaucoup d’humour, qui, mêlés aux végétaux, décorent, de leurs robes blanches et fauves, six jolies chaises aux dossiers très harmonieux. Ces amusantes constructions, ces décorations exotiques si ingénues et d’une si charmante saveur exotique, ont valu à l’école de Tananarive, au commandant de Mondésir et à M. Lavergne, les chaleureuses félicitations du Jury.
- Le comité’ local du Tonkin a obtenu une médaille d’or pour ses beaux meubles annamites si consciencieusement exécutés, en bois de trac et de gù, incrustés de nacre. Ces pagodes, ces lits de fumeurs d’opium, ces banquettes,ces cabinets et ces plateaux, pour être conçus selon des formes archaïques bien connues, n’en sont pas moins infiniment remarquables par leur richesse et leur sûreté d’exécution. Il faut adresser ces
- p.140 - vue 144/484
-
-
-
- MEUBLES DE LUXE ET MEUBLES À BON MABCHÉ.
- 141
- mêmes éloges à M. Vitèrbo, d’Hanoï (médaille d’argent),qui a exposé, entre autres spécimens intéressants, une admirable série de paravents. M. Viterbo a également entrepris , avec beaucoup de courage et de ténacité, d’introduire en Indo-Chine la fabrication des meubles européens, si nécessaire aux besoins de la colonisation.
- Nous ne pouvons énumérer ici tous les autres producteurs de meubles annamites qui ont intéressé le Jury, et nous ne pouvons quitter les colonies françaises sans signaler les très honorables envois de quelques industriels d’Algérie et de Tunisie.
- p.141 - vue 145/484
-
-
-
- 142
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- PAYS ÉTRANGERS.
- ALLEMAGNE.
- A proprement parler, il n’existe pas, en Allemagne, de mouvement décoratif analogue à celui que les préraphaélites, les Burne-Jones, les Walter-Crane et les Morris ont créé en Angleterre, comparable à celui provoqué en Belgique par les Horta et les van de Velde. Il y a vingt ans, la situation en Allemagne était bien tranchée, et deux influences seulement étaient aux prises : Munich, d’une part, tenant fidèlement pour la Renaissance nationale du xvie siècle; Berlin, de l’autre, exaltant le Louis XIV de Schlüter, le rococo et le baroque. Sur le terrain de l’ameublement des intérieurs royaux, seigneuriaux ou bourgeois, la bataille reste toujours engagée entre les deux traditions rivales, lesquelles n’ont plus, à vrai dire, conservé de places fortes. Tandis que la Renaissance s’enlise chaque jour davantage, empêtrée dans ses lourdes formes, dans le mauvais goût de ses pâteuses ornementations, l’art du xvne et du xviii6 siècle subit l’influence des modèles français, s’épure et s’ennoblit.
- Mais ce n’est pas l’interprétation des styles anciens qui est la note dominante de l’exposition allemande; elle brille surtout par son effort obstiné à créer un art moderne. Pour être justes, nous devons reconnaître que l’Etat a tout fait pour que ce but soit atteint. Dans tous les centres industriels, des écoles d’art décoratif ont été créées et admirablement organisées, et il n’est pas jusqu’à la plus petite bourgade qui n’ait vu se fonder une école de dessin et de modelage. La lutte n’est plus entre Berlin et Munich : Hambourg, Carlsruhe, Darmstadt, Dresde, sont entrées en lice. Le mécénat s’est manifesté partout avec une ferveur efficace ; tous les artistes se sont mis de la partie ; exemple à méditer, les peintres et les sculpteurs du plus grand talent sont venus à la rescousse des architectes et des industriels. Examinons le résultat obtenu. Tantôt les tendances se sont affirmées du côté de la stylisation de la fleur, et les meubles ont emprunté les contours légèrement courbés des plantes. Tantôt on a réveillé habilement les anciennes industries paysannes ; des essais modernes ont pris source dans les formes les plus simples, et des meubles ont été réalisés, aux contours anguleux de charpentes, aux colorations vivantes des bois frustes. On retrouve à l’origine de toutes ces recherches le culte des vieilles menuiseries du moyen âge, conservées pieusement dans les musées rhénans. Et cette influence peut-être involontaire, mais à coup sûr indubitable, du gothique, en dépit de hardis mariages de couleurs, se manifeste par une tristesse profonde, engendrée par les formes courtes, ramassées, et par la liturgique pénombre qui règne sur les intérieurs. Ce qui manque encore à l’art allemand, c’est la discipline, mère de
- p.142 - vue 146/484
-
-
-
- MEUBLES DE LUXE ET MEUBLES À BON MARCHÉ. 143
- la simplicité, c’est le goût souverain qui, seul, conduit à la juste interprétation du décor.
- L’unité est totalement absente. Et comment existerait-elle? D’une part, comme l’a très bien fait observer notre confrère Thiébault-Sisson, l’Allemand ne se révèle pas comme créateur, «il semble s’assimiler plutôt et recréer à son usage les imaginations et les formes qui ont pris naissance, par un jaillissement spontané, chez les autres a. D’autre part, comment marcherait-on vers un idéal net, déterminé, indivisible, dans un pays où l’esthétique varie de ville à ville, où tant de talents rivaux et tant decoles rivales sont en perpétuels conflits artistiques, où Darmstadt tient pour les lignes et les colorations anglaises, alors que Francfort affirme ses préférences pour la distinction et la grâce des styles français?
- Nous n’en devons pas moins accorder notre estime à ces ateliers qui ont fait preuve de tant de volonté tenace, qui ont réalisé le plus colossal effort de travail et d’initiatives qu’il nous ait été donner de constater dans les sections étrangères.
- Adéfaut d’un art très pur, très unifié, nous.avons rencontré de remarquables trouvailles, une ferme décision d’assimiler les formes aux besoins, des arrangements tout personnels, des colorations harmonieuses, douces et chaudes, une exécution souvent parfaite dans la sculpture sur bois. En un mot, nous devons être pleins de respect pour l’entrain fiévreux avec lequel les artisans allemands ont essayé de secouer «l’apathie séculaire 55.
- Le salon exposé par la Réunion des Fabricants de meubles de Munich a été dessiné par M. Pôss en bâcher (hors concours), qui a collaboré avec MM. Kollmayer, Otto Fritzche, Michaël. Tout est élégant, tout est naturel dans cet intérieur aux jolies lignes simples, satisfaisantes pour l’œil et pour l’esprit. C’est de l’art très raisonné et très clair sans superfétations puériles. Les divans qui courent parallèlement aux bibliothèques sont recouverts d’un drap gris violet, où de grands iris se déploient en arabesques ; les bois sont d’une teinte un peu sombre, et les banquettes, les bibliothèques, le bureau, ce petit buffet aux panneaux de thuya et cette table qui repose sur des arcatures ornées de feuilles de vigne, tout concourt à un ensemble très reposant et très intime. La décoration est fournie par des applications de cuivres soignées et délicates, et par de riches sculptures aux minces reliefs, où la flore et la faune alternent heureusement. Nous garderons le souvenir de grands oiseaux branchés dans les frises, de la poursuite d’un lièvre par un renard au-dessus de la grande banquette. Deux horloges, dont l’une est de M. Ringer, complètent ce mobilier; elles ont belle allure avec leurs encadrements végétaux, leurs cadrans délicatement ouvrés et leurs gaines grandes ouvertes où se promène librement le balancier. (M. de Rerlepsch, architecte.)
- Dans l’intérieur de la maison Ruyten, de Dusseldorff (médaille d’or),les meubles se poursuivent autour delà pièce, — bibliothèques, divans, étagères. — Ils sont en cèdre teint et poli, et la décoration est d’une couleur rouge assez imprévue, nullement désagréable. Les lignes sont rompues par des colonnes et des arcatures très décoratives, mais la disposition des panneaux est beaucoup plus agitée et troublée et les portes des
- p.143 - vue 147/484
-
-
-
- 144
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- bibliothèques notamment sont ornées d’entre-croisements bien superflus. La cheminée, qui semble être le centre de ce cabinet de travail, est d’un joli travail de cuivres et la chute du large manteau sur les landiers géants est d’une allure assez majestueuse. Ce que nous préférons de beaucoup dans ce très curieux intérieur, ce sont ces larges surfaces où toute la décoration réside dans les veines naturelles du bois, chimiquement colorées avec goût. L’ensemble est d’une note très moderne et d’une logique de formes remarquable.
- D’après les dessins de M. Albricht, M. Gluckert (médaille d’or) expose un salon où éclatent toutes les préférences esthétiques de Darmstadt. Ici, l’influence anglaise règne en maîtresse. Ce sont des bibliothèques, des vitrines, des sièges et des divans où l’érable se marie assez heureusement au gris mauve des draps. Le tout est disposé sous une grande arcature un peu triste. Tantôt les lignes carrées dominent, comme dans le canapé, et tantôt elles se tordent suivant des imitations florales, bizarres et tourmentées, comme dans ce large support sur lequel est placé un petit bronze et qui semble une tige décapitée. Les panneaux sont d’un travail «curieux, formés la plupart du temps dans les parties hautes de marqueteries de glaces où symétriquement des losanges à biseaux sont enchâssés côte à côte et cerclés de cuivres dorés. On s’habitue à l’aspect de cet intérieur, qui n’est certes pas le fruit d’études hasardeuses. Mais, en dépit de la recherche très sincère du confortable, on persistera à en déplorer les lignes lourdes et maniérées, les recherches d’une naïveté trop subtile.
- M. Hemmelheber (médaille d’or) a exécuté d’après les dessins de l’architecte Hermann Gôtz la décoration et le mobilier de la salle des mariages de l’hôtel de ville de Karlsruhe. Il y a dans son œuvre un désir très marqué de grandeur, de puissance et de richesse. La conception générale dérivée de la Renaissance allemande, témoigne de certaines gaucheries et de beaucoup de lourdeurs architecturales, mais on ne saurait nier la noblesse archaïque de cette décoration officielle à la fois pompeuse et souriante. La grande porte, l’estrade, les fauteuils ,1e pupitre, certains panneaux où fleurissent l’églantier et le lis, sont pleins de jolies trouvailles de détail, et l’on ne saurait trop louer l’impeccable exécution des sculptures, des marqueteries et des ferrures.
- Un des intérieurs les plus réussis est le délicieux petit salon du marqueteur Robert Macco (médaille d’or). [M. Süssenbach, architecte; M. Weigel, ébéniste]. 11 renferme notamment deux vitrines étagères aux belles lignes droites, qui témoignent d’un sentiment très profond de l’équilibre des masses. Ces deux meubles de proportions charmantes, ornés de cuivres très sobres, sont de vrais chefs-d’œuvre de goût et de sens pratique. Nous aimons aussi beaucoup le petit bureau de dame aux formes végétales, le canapé si bien construit, mais nous prisons moins le piano. Tous ces meubles sont en racine d’orme et ornés de marqueteries absolument remarquables, où fleurissent, s’entrelacent très simplement les fuchsias, les glycines et les acacias. Le Jury a beaucoup admiré ce travail sans prétentions, d’une science de si bon aloi, d’un art si bien portant d’où étaient bannies toutes les superfétations maladives, toutes les originalités douteuses.
- p.144 - vue 148/484
-
-
-
- MEUBLES DE LUXE ET MEUBLES À BON MARCHÉ.
- 145
- M. Kümmel (médaille d’or) n’a envoyé que deux petites vitrines en acajou. Mais comme elles sont charmantes ! L’une s’orne de feuilles de chêne et l’autre est marquetée de branches de lilas. Deux modèles d’élégance et de grâce svelte.
- L’art moderne de Munich se manifeste surtout dans une série de pièces situées à gauche du vestibule d’honneur. Voici M. Obrist (médaille d’or) avec ses curieuses armoires à livres, M. Pankok (médaille cl’or) avec son dressoir en acajou moderne, dune construction rendue intéressante par l’emploi de courbes très osées, mais ou l’on relève des renflements discutables. M. Pankok nous montre aussi une étagère à musique qui rappelle la Tour Eiffel, et un grand canapé en noyer dont les bras, reproduisant de vieilles souches torturées, se rapportent mal aux lignes du dossier. Là encore la main-d’œuvre est d’une indiscutable adresse.
- M. Riemerschmid (médaille d’or) expose une énorme construction aux fins multiples, qui comporte un bureau, une étagère et deux fauteuils géants. Tous ces meubles, accolés les uns aux autres par les hasards d’une tératologie de cauchemar, semblent se regarder avec ahurissement et colère. Ici le bizarre, le mauvais goût, s’associent à l’im-pratique, alors que le style semble hésiter entre la basse Renaissance et l’art annamite. Au surplus, l’exécution est parfaite.
- M. Bruno (Paul) (médaille d’or) a été, semble-t-il, plus heureux avec son rendez-vous de chasse, oii du moins l’orme met sa fraîche coloration paysanne, ses jolies notes heureuses et décoratives. Un petit buffet aux lignes droites très simples et très rustiques est orné de sobres panneaux où se déroulent des serpents; les sièges aux courbes originales ont leurs bras terminés par des pattes d’animaux et sur le revêtement des murailles, fait de carrés de bois d’essences multiples, s’alignent des cornes de brocards et des massacres de cerfs. Peut-être chaque meuble pris isolément est-il médiocrement pratique; l’ensemble n’en demeure pas moins séduisant et joyeux, animé d’un sens avisé de la vie rustique.
- M. Peter (médaille d’or) a exécuté, en chêne, d’après les dessins de M. Walson, un canapé-étagère aux sculptures tristes, et qui supporte une sorte de dais habité par les cliats-huants et les sphinges. Cette imagination boffmanesque admise, on ne peut nier les qualités architecturales de la composition.
- MM. Voetz et Wittmer, de Strasbourg (médaille d’or), nous montrent une salle de bains monumentale, où tout est incomparablement étudié et soigné, architecture et détails. C’est là une œuvre toute nouvelle qui, ayant été justement admirée, demeurera d’un profitable exemple. Les auteurs y ont réalisé le problème d’accommoder à nos goûts modernes les commodités et les agréments de la vie antique. C’est la piscine, le sudarium romain pour les gens du xx° siècle. La jolie disposition du grand bassin, la coloration blonde des mosaïques et des marbres, le mobilier en bois naturel rose et mat, les cuivres de la robinetterie, les grands nénuphars de bronze qui ornent les portes, tout dans cette installation est à louer et à retenir.
- L’architecte Riegiïlmann, de Charlottenbourg (médaille d’argent), a exécuté des
- p.145 - vue 149/484
-
-
-
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- 146
- meubles en chêne sculpté, une table, des escabots et des sièges d’une belle solidité rustique et dont l’originale interprétation décorative est empruntée à la flore et à la faune. Des lézards courent parmi les raisins, des écureuils descendent des frondaisons des ormes pour former les bras des fauteuils. A vrai dire, ces meubles n’eussent pas dû être jugés à part, car ils ne sont que le complément de cet escalier monumental, pour lequel M. Riegelmann a été justement récompensé par une autre classe. Nous avons le droit de louer ici sans réserves, en dépit d’une exécution un peu sommaire,cette balustrade magistrale dont les panneaux sculptés à plein bois, sont séparés par des potelets ornés de figurines. Les scènes dechasses qui les ornent, si spirituelles et si vivantes, demeureront dans l’esprit de tous comme une des manifestations les plus pittoresques de la nouvelle école allemande. De même cette frise d’animaux à jour en métal, où se promène et se joue, admirablement observé, tout le petit monde des bois et des fontaines, les rats et les mulots, les loirs et les belettes, les salamandres et les grenouilles.
- AvecM. Bodeniieim (médaille d’argent), nous laissons le charme des champs pour pé-néti’er dans la métaphysique. Et cette métaphysique est bien celle de Schopenhauer et de Hartmann. Sur les dessins de l’architecte Werlé, il a composé deux petits salons, deux asiles de méditation et de refuge pour des contempteurs de ce bas monde et des chercheurs d’absolu. Autour de grands poêles, dont le rayonnement n’inspirera jamais ni une nouvelle Raison Pure ni un nouveau Zarathoustra, sont groupés des meubles aux lignes courbes, des banquettes, des sièges, des petites tables aux sculptures végétales. Le violet sombre est la tonalité choisie et il semble que Ton se soit ingénié à accumuler dans ces cabinets du Néant toutes les couleurs et toutes les formes capables d’engendrer les désespérances définitives et les désenchantements robustes. Ceci dit, constatons que lamain-d’œmre est des plus soignées, que l’exécution est parfaite et que les matières employées sont souvent recherchées avec bonheur.
- Avec du chêne teinté de vert, et habilement gravé, M. Bertscii (médaille d’argent) a construit une banquette très agréable d’allures, et un grand buffet flanqué d’étagères. De son compatriote et collaborateur, AI. Till (médaille d’argent) de petits meubles de luxe, bahuts, chaises et tables en chêne, le tout d’une jolie harmonie et d’un goût délicat. De AIM. Udluft et Hartmann (médaille d’argent), des canapés bien compids, des sièges soignés et un encadrement pour une de ces redoutables cheminées mu-nichoises aux allures de locomotives, que nous rencontrons trop souvent dans cette section.
- AI AI. Siebert et Aschenbach (médaille d’argent) nous montrent un salon de musique tout en blanc et noir, aux panneaux d’ébène semés de nacre comme un di’ap des morts. Si le confortable est absent de ces meubles funèbres, du moins les lignes en sont, elles, d’une sobriété très rythmique.
- Le professeur Stuck (médaille d’argent) a dessiné pour sa villa de Alunich,—pays des monuments à la grecque, — des meubles qui ne seront pas dépaysés au milieu des architectures doriques qu’ils décoreront. Rigides et secs, ils s’érigent en des lignes
- p.146 - vue 150/484
-
-
-
- MEUBLES DE LUXE ET MEUBLES \ BON MARCHÉ.
- 147
- pompéiennes, imperturbables, et leur ébène s’orne d’incrustations de nacre et, par malheur, aussi de bronze doré. C’est là évidemment la réalisation d’un rêve qui n’est pas à la portée de tous, mais qui n’en demeure pas moins respectable.
- Après avoir mentionné les très intéressants envois de M. Schaupp et des ateliers Stroebele (médaille d’argent), terminons cette nomenclature des modernistes allemands en complimentant M. Spindler, collaborateur de J.-J. Graff, à Gebwiller. Marqueteur, le peintre alsacien a réalisé un ameublement de salon où Ton retrouve Tin fluence de notre école nancéenne. L’architecture y est plus simplifiée et plus rudimentaire, et les panneaux y sont simplement divisés par des encadrements circulaires de noyer patiné. Mais on ne saurait trop louer les qualités d’arrangement de la marqueterie : les compositions en sont d’une aisance gracieuse et d’une verve facile et fertile tout à la fois. C’est un profil bien agréable à regarder au milieu d’un grand bahut que celui de cette jeune femme respirant une jacinthe dans une attitude un peu botticellesque, et ils sont d’une coloration exquise et d’un arrangement bien artiste, ces fruits et ces fleurs qui ornent ce grand piano si délicat et si soigné. Nous ne pouvons, sans empiéter sur le terrain d’autrui, nous attarder ici à décrire ces grands panneaux qui revêtent les murs, et où s’étalent de poétiques allégories dont les sujets nous sont expliqués par des légendes inscrites sur les frises. N ous regrettons les légendes.
- Une reconstitution très complète et très méticuleuse nous est donnée par M. Sauer-mann, de Flensburg (médaille d’or). C’est un charmant intérieur Renaissance où, comme dans certains de nos mobiliers provinciaux de cette époque, les fuseaux jouent un rôle prépondérant, prodiguent leurs alignements symétriques et graciles. Des sculptures rehaussées de peintures et de dorures égayent encore le chêne par une flore curieuse, admirablement traitée et par une polychromie tout à fait ravissante. Et il semble que ces bahuts, ces banquettes fixes, ces ixes aient tout à la fois la souplesse et le fini des meubles riches et l’ingénuité, la gaieté des meubles paysans.
- Un grand prix a été décerné à M. Friedrich pour son cabinet de la Renaissance italienne en ébène. Ce travail, merveilleusement soigné, est d’une exécution incomparable, et il semble impossible de pousser à un plus rare degré Tart de l’incrustation d’ivoire. C’est d’une virtuosité que rien n’égale et qui défie toutes les épithètes.
- La même récompense a été attribuée à M. Groschkus pour son mobilier de salle à manger en palissandre. Le style semble, à travers de multiples emprunts et de notoires incertitudes, se rattacher à notre Louis XV. De grandes cariatides d’une anatomie irréprochable ornent le buffet, tandis que des ivoires colorés rehaussent le dressoir et le régulateur monumental. Les sièges pesants, d’une richesse confuse, sont recouverts de cuirs verts. Le Jury a voulu avant tout récompenser dans cet ensemble si fastueux, d’un luxe à la fois et si triste et si fort, l’absolue perfection de la main-d’œuvre.
- M. Zwiener (médaille d’or) a introduit à Berlin, et non sans succès, l’industrie toute française du meuble de style. Ce sont, à peu de chose près, nos modèles et nos
- p.147 - vue 151/484
-
-
-
- 148
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- lignes que nous retrouvons dans cet impérial mobilier Louis XIV et Régence. C’est l’inspiration des chefs-d’œuvre de Caffieri et de Crescent, que nous retrouvons dans ce lit de milieu, dans ce cartel, dans cette armoire à trois portes, dans ces commodes où rayonne le soleil symbolique. C’est le meilleur éloge que nous puissions faire de M. Zwiener pour ses interprétations élégantes et somptueuses, pour ses cuivres si ar-tistement fouillés et si moelleusement traités.
- Une médaille d’or a été votée à MM. Schneider et Hanau pour leur intérieur de salon où des bibliothèques sont reliées à un trumeau de cheminée, où la table ornée de fleurs peintes repose sur des chimères de bronze et où une porte traitée avec goût met des lignes charmantes. Les fauteuils, la console, se réclament plus manifestement encore que les autres meubles de notre Louis XVI.
- C’est le Louis XIV de Scldüter qui a sollicité M. Hoffmann (médaille d’argent). Ses meubles de salon, d’ailleurs soignés, sont d’un luxe exaspéré, confondant, d’où toute sobriété paraît avoir voulu être bannie.
- Dans ce genre, signalons aussi les meubles de haut luxe de M. Finck, de Karlsruhe (médaille d’argent) et les meubles de salon Louis XIV, garnis d’étoffes rouges, de M. Taubert (médaille d’argent).
- N’oublions pas enfin le joli coffret en chêne marqueté de fruits et de fleurs de M. Maybacii (médaille d’argent) et les grandes chaises de M. Attenkofer (médaille d’argent) copiées d’après des modèles de la Renaissance et qui sont d’une très crâne exécution. Avec M. Hulbe (George) que nous n’avons pas jugé, M. Attenkofer représente très dignement l’industrie allemande du cuir.
- Résumons-nous brièvement. Ce qui distingue surtout l’exposition allemande, c’est l’aptitude manifeste qui s’y révèle, non tant pour les inventions nouvelles ni pour les créations rationnelles que pour les travaux qui réclament avant tout une laborieuse conscience, une volonté minutieuse et persévérante.
- Il est indiscutable que dans les arts... accessoires, si nous pouvons ainsi parler du bois, du métal, du cuir, les progrès de l’Allemagne ont été hors de pair. Dans la sculpture, dans le travail de l’ivoire et de la nacre, dans la marqueterie notamment, où, à côté de MM. Macco et Spindler et tant d’autres, nous regrettons de n’avoir pu parler de M. Wolfel, elle nous a révélé des arlistes d’une imagination fertile et d’une technique absolument maîtresse.
- AUTRICHE.
- L’exposition de la section autrichienne décèle une continuité d’efforts très suivie, une homogénéité de tendances très établie et très aflirmée. Les artisans autrichiens, plus que les artisans allemands et anglais, semblent avoir étroitement collaboré pour la création d’un style personnel et national. Les tendances manifestées si curieusement dans ces dernières années par les architectes viennois ont pris corps, et leurs réalisations pseudo-classiques ont abouti à la création d’un style d’apparat qui sied à merveille aux
- p.148 - vue 152/484
-
-
-
- 149
- MEUBLES DE LUXE ET MEUBLES À BON MARCHÉ.
- décorations fastueuses, aux pompes des résidences royales et des expositions. C’est là du néo-Empire un peu ronflant et dont la tenue générale manque parfois de logique et de grâce. Mais, par contre, nous ne saurions trop louer la volonté de délicatesse et d élégance, le tact et la finesse de goût qui ont été apportés dans l’exécution des détails. Il y a eu dans ce sens, en Autriche, un raffinement de recherches dont on chercherait vainement l’équivalence dans aucun autre pays. C’est ainsi qu’il faut vanter sans réserves ces douces trouvailles de couleurs, ces exquises harmonies grises que présentent les bois et les étoffes. Une richesse suave et discrète préside aux applications de bronze repoussé figurant des scènes de la vie antique, aux broderies d’un dessin très original et très significatif, à ces motifs de décoration moderne empruntés à la vie végétale et composés avec un sens si architectural. Et s’il nous était permis d’établir ici des rapprochements peut-être un peu lointains, nous dirions que dans ses détails l’art autrichien du meuble nous apparaît, à nous autres Français, tout imprégné des idées et des rêves décoratifs de notre maître orfèvre René Lalicpie : même utilisation de la faune et de la flore, même vision des formes humaines serties dans les décors végétaux, même mariage des énigmatiques profils féminins avec les sombres feuillages et les mystérieuses floraisons.
- Parmi les trop rares exposants autrichiens dans la section du meuble que le Jury de la Classe 69 a été appelé à juger nous citerons :
- MM. Portois et Fix (hors concours), qui ont exposé au pavillon impérial un très beau mobilier de salon d’une richesse un peu chargée, d’un faste massif très imposant et très noble. Les broderies extrêmement soignées, habiles interprétations de dessins anciens, en ont été très justement admirées.
- MM. Thonet frères (hors concours) dans l’industrie des bois courbés créée par eux ont fait preuve, pour nous doter de formes nouvelles, d’une fécondité d’imagination et d’une fantaisie libre, vraiment surprenantes. Utilisant le bois du hêtre ils ont réalisé de charmants buffets ornés de vitraux et tout parés de branches d’olivier, des bibliothèques, des paravents, des rockings, des berceuses, des sièges légers. L’intérêt de ces créations originales s’augmentait encore du contraste avec les modèles anciens, chronologiquement classés depuis i84o dans une rétrospective très amusante. Mais, plus que les formes nouvelles mêmes, ce qu’on 11e saurait trop louer MM. Thonet d’avoir innové dans leur industrie si accessible à tous, ce sont ces colorations subtiles, délicates, qu’ils ont répandues sur leurs meubles.
- M. Kohn (grand prix), spécialisé dans les mêmes productions que MM.Thonet , a droit aux mêmes éloges. On a justement admiré sa chambre à coucher où le noir du bois se mariait si adroitement au gris des tentures, où se rangeaient un gentil petit lit, une chaise longue très confortable et une armoire à glace aux lignes droites doucement incurvées. Et aussi ce salon en bois rouge et velours gris bronze où se déployait un superbe paravent et où les pieds des sièges étaient ornés de cuivres très sobres.
- M. Imbkr (médaille d’or) a exposé un salon Louis XIV aux volutes bien pesantes,. aux lignes retombantes assez barbares. Son bahut, sa console, ses grands fauteuils sont»
- Gn. XII. — Cl. 61). 11
- IEIUE NATIONALE».
- p.149 - vue 153/484
-
-
-
- 150
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- d’un goût allemand très affirmé. L’exécution de cès meubles est, par contre, soignée et attentive et la marqueterie est heureusement nuancée.
- De M. Antoine Pospischil (médaille d’or), une salle à manger en acajou. Une table massive, un buffet dont les portes basses sont armées de vastes boucliers de cuivre, des sièges dont les dossiers courbes jurent un peu avec les autres meubles. Les lignes sont droites, simples et tristes, et l’on retrouve un peu partout cette profusion de petits carrés de cristal biseauté que semble affectionner l’art viennois contemporain. A signaler aussi de ravissants encadrements de photographie en acajou. Effort architectural manifeste et réalisation des plus louables.
- Une médaille d’or a été attribuée à la Collectivité de Galicie pour ses meubles paysans, fruits d’un art national, traditionnel, très stationnaire, mais très respectable. Les formes byzantines s’allient aux colorations orientales sur les étagères, les chaises et les armoires patiemment décorées et gravées selon d’ingénieuses fantaisies populaires.
- MM. Irschiek etJüngl, de Graz, ont chacun exposé un bahut marqueté de la lin de la Renaissance allemande. Tous deux ont réalisé ce travail avec habileté et minutie et se sont vu attribuer des médailles d’argent.
- M. Ungethüm a reçu une médaille d’argent pour son grand bahut d’ancien style viennois aux lignes droites, rigides et qu’ornaient d’intéressantes applications de cuivre repoussé figurant des fleurs et des oiseaux nocturnes. Cet artiste a exposé un fauteuil de meme style, un paravent orné d’une riante tapisserie et une petite étagère vitrine fermée par des carrés de cristal biseautés.
- De M. Niedermoser (médaille d’argent), une série de petits meubles pâles en bois courbé exécutés sur des dessins austro-belges, un peu secs, un peu grêles, mais agréables de tonalités.
- Nous regrettons vivement de ne pas pouvoir décrire ici et vanter suivant ses rares mérites l’intérieur tchèque exposé par la Chambre de commerce de Prague qui est dans Tordre traditionnel Télément capital de l’exposition autrichienne. L’œuvre la plus intéressante selon les recherches nouvelles nous échappe également, rangée quelle a été dans la classe de la décoration fixe : c’est ce beau salon de yacht en noyer sombre, à rehauts d’argent, dessiné par l’architecte Olbricht et réalisé par M. Ludwig Schmidt. Nous ne pouvons ici que saluer avec une sympathie profonde ces deux envois considérables qui font le plus grand honneur à T art décoratif autrichien dont ils résument tout ensemble le gracieux passé et les très intelligentes tendances.
- Une médaille d’or a été attribuée à T École des arts décoratifs de Sarajevo (Bosnie-Herzégovine). Grâce aux courageux efforts de MM. Otto de Szentgyôrgyi et du professeur Storch, dont l’initiative a créé cette école, Tart bosniaque jadis opprimé par les influences orientales liguées avec les influences italiennes a repris toute sa vitalité et devient créateur. On a utilisé, pour l’industrie du meuble, l’incrustation et le damasquinage et les tentative sont été couronnées d’un plein succès. Le joli bahut, les petits meubles ouvrés comme des bijoux qui nous ont été présentés en sont la preuve et, au double point de vue de l’ornementation et de l’exécution, sont dignes de toutes les approbations.
- p.150 - vue 154/484
-
-
-
- MEUBLES DE LUXE ET MEUBLES À BON MARCHÉ.
- 151
- BELGIQUE.
- Nous regrettons très sincèrement qne l’exposition belge ait été aussi limitée. Nous nous attendions à découvrir chez elle quelques-unes de ces œuvres modernes, dignes de la patrie de van de Velde et capables, par leur personnalité nettement tranchée, de provoquer des polémiques intéressantes et d’utiles réflexions. Nous le souhaitions d’autant plus vivement que, quoi qu’on en dise, les tendances belges sont assez proches des nôtres et qu’il eût été profitable pour tous d’être renseigné sur les tendances artistiques présentes de nos voisins immédiats. Mais aucune œuvre de combat, aucune création originale ne nous est venue de Bruxelles', et c’est tout au plus si nous avons à signaler la présence de deux exposants intéressants :
- M. Rosel (hors concours) montre un intérieur Directoire qui dénote beaucoup de savoir et beaucoup de goût. Un grand soin a été apporté au dessin et à la fabrication de ce chiffonnier en citronnier, de ce guéridon de même bois, aux fins ornements de marqueterie et de faïences genre Wedgwood, de ces sveltes chaises en bois de rose, parées de guirlandes de bronze. L’exécution a les mêmes mérites mais la composition est moins distinguée dans cette chambre Louis XV en noyer où, sur les panneaux, des peintures mythologiques s’enlèvent sur des fonds bleus.
- M. Toulet (médaille d’or) expose toute une belle série de billards tour à tour Renaissance, Louis XIV et modern-style, meubles riches et discrets, nullement tapageurs, d’une pondération et d’un équilibre parfaits.
- DANEMARK.
- Au milieu d’un très suggestif ensemble de faïences, de modèles de tapisseries, de broderies, de bronzes d’art, formant le plus esthétique ensemble, le musée des Arts décoratifs de Copenhague a exposé toute une série de meubles subtilement cherchés qui sont, pour la plupart, des fantaisies raffinées d’artistes curieux et que nous allons tenter d’énumérer ici.
- De MAL Larson frères, tout un mobilier de formes Empire très simple, paré de tentures vertes heureuses, des petits sièges originaux et un canapé divan d’un intéressant dessin. De M. Jensen Severin, une armoire à musique ornée de marqueteries aux colorations infiniment justes et qui vont vivre des pies et des bouvreuils, des geais et des loriots, des pics-verts et de splendides papillons. De M. Morsch, deux chaises en acajou, un peu lourdes, mais bien dessinées et une armoire peinte en bleu .etblanc. De MAI. Bindesboll, architecte, et Morson, ébéniste, une armoire à linge en acajou aux belles lignes longues et décorée aux angles de quatre rosaces dorées d’un très sobre effet. De M. Willmunsen, un buffet de chêne d’allure sévère et comportant des motifs de décoration remarquables. De AL Slott-AIoller, artiste peintre, un ravissant
- p.151 - vue 155/484
-
-
-
- 152
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- berceau en chêne sculpté et peint, orné d’épis se balançant sous un ciel étoilé, de fruits et d’inscriptions symboliques et embelli à son pied par un grand coq battant des ailes : un vrai joyau.
- Et parmi les meubles, entre les potiches et les bahuts, les sculptures et les sièges, une profusion de tapis et de coussins aux dessins curieux, aux colorations rares. Le Jury a été séduit par ce précieux décor d’art et il a justement attribué un grand prix au Musée des arts décoratifs de Copenhague.
- L’exposition delà maison Jensen, Severin et Andréas, de Copenhague (médaille d’or), a été, elle aussi, fort goûtée. Elle se compose d’un mobilier de salon en bois de rose enrichi de marqueteries représentant des fleurs. Les formes générales des meubles, ornés de fines galeries à fuseaux, rappellent assez notre Louis XVI. Tous, nous avons été unanimes à louer le goût discret, l’allure vraiment distinguée et aristocratique de cet ensemble, tous, nous en avons admiré l’incomparable exécution.
- Citons encore, en Danemark, le joli bureau de dame construit par M. Harald Vin-tiier, de Fredensborg (médaille d’argent).
- ESPAGNE.
- On a pu justement écrire de l’Espagne et de l’Italie quelles s se débattaient dans l’anarchie esthétique et le désir de l’ostentation quand même». Dans Tune comme dans l’autre péninsule, même habileté d’exécution, même foncière insignifiance d’idées. La contribution espagnole a pourtant été infiniment moins importante que la contribution italienne. Elle n’a comporté qu’un nombre infime d’exposants.
- M. Eciiave, de Bilbao, est l’auteur d’une chambre à coucher mauresque meublée de deux lits jumeaux et d’une armoire à trois portes. Le tout est décoré d’arabesques, de motifs gravés et dorés qui ne sont pas désagréables à regarder et qui donnent à l’œuvre une certaine personnalité.
- M. J. Lleo-Bolas a exposé une chambre à coucher d’un Louis XV très agité, toute chargée de dorures et ornée sur les panneaux de sujets Boucher assez criards; néanmoins l’exécution générale est louable.
- C’est aussi une chambre à coucher que nous montre M. Lissaraga; elle est conçue dans un style Louis XV abâtardi qui rappelle notre second Empire. Elle comporte un lit très ample, un lavabo confortable et une armoire à glaces à trois portes. Ensemble luxueux.
- De M. Ruiz Valiente , un petit bahut Renaissance bien ouvré et un gentil guéridon. Et aussi quatre belles chaises de style mauresque, ornées de broderies très décoratives.
- De M. Juan Riera y Casanovas, un autel gothique d’une architecture bien composée et des petits cabinets arabes incrustés d’un travail assez artistique.
- p.152 - vue 156/484
-
-
-
- MEUBLES DE LUXE ET MEUBLES À BON MARCHÉ.
- 153
- ÉTATS-UNIS.
- C’est au pavillon des Etats-Unis de la rue des Nations que Ton peut se donner une notion rapide des idées américaines en matière d’ameublement. Là sont réunis de vastes intérieurs, salons, salles à manger, bureaux où s’affirment nettement les préférences et les goûts d’un grand peuple. Aucun souci de décoration, aucune préoccupation du détail ou de l’enjolivement dans ces menuiseries mathématiques et irréprochables. Tables et sièges, banquettes et buffets, tout est construit suivant des lignes rigides et volontaires. C’est à peine si, de temps à autre, de discrètes moulures viennent rompre l’altière froideur des profils : il semble que la seule recherche ait consisté à rendre aussi amples que possible les grands panneaux de chêne soigneusement choisis où les fibres compliquent leurs arabesques, où les mailles s’enchevêtrent, naturellement gracieuses et bizarres. Les fauteuils et les chaises d’un agencement méticuleux, massifs et légers tout ensemble, se revêtent de cuirs aux tons hardis et les bahuts s’érigent nerveux et puissants dans un équilibre impitoyable. Le soin du pratique et du confortable semble avoir uniquement préoccupé les auteurs de ces meubles : pour leur ornementation et leur gaieté, ils s’en sont remis aux matières employées, à la nature elle-même. De telles conceptions sont trop éloignées de nous pour que nous les puissions juger valablement. Pour se prononcer en toute justice, il faudrait se répéter, ce qui est la vérité, que ce sont là des réunions de meubles usuels. Il faudrait les comparer à nos menuiseries habituelles, à nos mobiliers de gares, d’administrations et de banques, aux insignifiants intérieurs officiels où nous vivons, où nous visitons. Peut-être alors trouverions-nous ces formes hiératiques singulièrement plus originales et crânes que nos formes coutumières. Car on ne saurait se dissimuler que de ces lignes impassibles et sévères se dégage un sentiment de force et de grandeur.
- Sauf une exception, tous les exposants américains ont travaillé selon ces données, et partant on ne saurait relever parmi eux de notoires divergences d’esthétique. Aussi nous excuseront-ils si nous les énumérons un peu rapidement sans trop nous attarder à des différences de technique que nous ne pouvons étudier ici.
- Un grand prix a été décerné à la Standard fürnitüre company pour ses bureaux-ministres qui sont des merveilles d’imagination pratique et qui réalisent de véritables tours de force d’exécution. Tous sont identiques, contreplaqués en cinq épaisseurs de bois avec leurs mille tiroirs si commodément distribués, avec leurs «secrets» si curieusement cherchés et trouvés, et qui ne laissent aucune place perdue, aucun espace inutile. Les bois seuls diffèrent : tantôt c’est l’acajou qui a été employé, tantôt le chêne teinté et tantôt le noyer. On remarque aussi dans cette exposition un certain nombre de bureaux plats et des chaises de travail très ingénieuses, articulées et tournantes en chêne ciré américain.
- La Brunswick-Balke-Collender company, de New-York et Chicago, a obtenu une mé-
- p.153 - vue 157/484
-
-
-
- 154
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- daille d’or pour ses beaux billards qu’accompagnaient de curieux accessoires : des tiroirs pour les queues, des étagères à billes et des marquoirs très intelligemment machinés.
- Une médaille d’or a été également attribuée àM. Davenport pour ses meubles robustes et soignés, analogues à ceux que nous voyons au Pavillon.
- La John Widdicomb company a reçu une médaille d’argent pour ses meubles de chambres à coucher, si bien conçus au point de vue du confortable et de l’hygiène. Construits en bois d’érable, ils s’inspirent tantôt d’un Louis XIV dégénéré, tantôt du style Empire et rappellent parfois aussi notre Napoléon III. La multiplicité des colonnes, des glaces oblongues reposant sur des dauphins, donnent aux ensembles une allure un peu lourde, mais qui ne messied pas au caractère voulu pour ces intérieurs simples et riches et si l’on osait dire « abstraits n.
- Des médailles d’argent ont été également décernées à I’Ameiucan Schooll furniture company pour son mobilier scolaire qui présente un réel intérêt pédagogique; à MM. Ford, Johnson and C° pour leurs chaises d’une bonne exécution; à la Hayden company pour son mobilier de banque, style colonial, cl’une remarquable construction; à la Keyless Lock company qui a exposé au Pavillon des meubles, que nous vantions plus haut, des portemanteaux, des bureaux et des tables.
- Citons encore le nom de MM. Drake and C°, auteurs de meubles en bois pétrifié où chantaient des colorations inattendues, aussi multiples que celles des plus rares agathes.
- Il faut ranger à part MM. Girard et Cutler (médaille d’argent) dont les tentatives d’art moderne ont été très appréciées par le Jury. M. Girard qui a, nous dit-on, successivement habité Florence et Paris, semble avoir été doublement influencé dans ses recherches par les meilleurs ressouvenirs de la Renaissance toscane et de la Renaissance française : il a créé néanmoins des types personnels. Ses grands cabinets travaillés, ses petits sièges si amusants de forme, ses harmonieux panneaux de marqueterie sont dignes d’éloges, bien qu’il ait rencontré son principal succès dans la spirituelle décoration de soufflets de cheminée, parés de fins motifs sculptés et qui constituent de véritables œuvres d’art.
- GRANDE-BRETAGNE.
- Tout en rendant une haute justice aux meubles exposés par les fabricants anglais, nous devons constater que, contrairement à notre attente, la patrie de William Morris n’a pas apporté à l’Exposition universelle des conclusions nettement originales, capables d’orienter les recherches nouvelles ni d’influencer sérieusement l’art décoratif contemporain.
- Ge qui distingue avant tout la section anglaise, c’est une grande volonté de simplicité, une affirmation d’esprit pratique, une recherche savante de la commodité et de l’appropriation des meubles aux places qu’ils occupent. Qu’importe que les lignes soient dures et guindées si elles réalisent du confort : le mobilier rêvé et réalisé exclut
- p.154 - vue 158/484
-
-
-
- MEUBLES DE LUXE ET MEUBLES À BON MARCHÉ.
- 155
- tout enjolivement et tout caprice; l’apparat et le faste en sont jalousement bannis et l’imagination ne saurait y trouver son compte. S’efforcera-t-on de réaliser des dispositions inédites pour une chambre à coucher, un salon ou un cabinet de toilette : c’est invariablement la décoration du paquebot et du yacht qui donnera l’idée directrice. Nous voilà bien loin des conceptions et des exigences françaises, loin de notre esprit avide avant tout d’artifices ingénieux et séduisants, de raffinements poétiques et gracieux, loin de notre goût dont le superflu seul assure la pleine satisfaction. C’est ce qui nous incite à penser que les modèles anglais, rationnels et défendables chez nos voisins, trouveront, en dépit de la mode et du snobisme passager, difficilement place dans les sincères préférences françaises.
- Dans la très habile interprétation de leurs traditions anciennes, les Anglais ont révélé des qualités maîtresses et nous n’avons qu’à louer leurs reproductions, leurs libres traductions des styles Elisabeth, Adam', Chippendale et Scheraton. Mais nous ne pouvons à notre grand regret enregistrer comme des tentatives nouvelles leur très intéressant retour aux formes celtiques. Certes, nous devons approuver un peuple lorsque nous le voyons se retremper aux sources vivifiantes de son art original. Nous croyons fermement que l’étude des lignes primordiales, inventées à une époque où le caractère national gardait sa sève franche et ingénue, où le goût naissant était fruste, rude, mais sans alliages, crée pour nos contemporains la plus salutaire des fontaines de Jouvence. Mais encore faut-il ne demander à ces principes, à ces modèles que des prétextes à des études originales. Tout au contraire, les artistes anglais qui ont fait appel aux architectures celtiques semblent s’être complu à en accentuer à plaisir la brutalité et la rusticité archaïque. Les constructions sont demeurées aussi rudimentaires, toujours dominées par des formes rectangulaires; et la décoration, quand elle existe, se manifeste avec une barbarie facile et une archéologie presque candide. Résumons-nous en constatant que c’est dans la copie de leurs styles successifs, et surtout dans l’exécution de ces meubles Renaissance, Elisabeth et Jacobéenne, dont les formes amples et solides sont si sûrement réalisatrices de commodité et de confort, qu’ont avant tout excellé les exposants anglais de 1900.
- La maison Waring et Gillow a obtenu un grand prix pour l’ensemble de sa considérable participation. Aucun industriel, à coup sûr, n’a réalisé un effort plus considérable, ni plus varié. Cette ancienne fabrique, soucieuse de sa renommée, a voulu nous donner un résumé particulièrement complet et soigné de ses productions et le succès a pleinement répondu à son activité.
- Au Pavillon de la Commission britannique de l’Exposition, MM. Waring et Gillow nous ont montré ce long hall et ce salon, tous deux de style Elisabeth, que décoraient des cheminées monumentales et de vieux plafonds, reproductions impeccables des antiques demeures seigneuriales de l’Angleterre. Aux Invalides, après avoir traversé un vestibule décoré de riches panneaux, on pénètre dans une chambre à coucher, de style Scheraton, en bois des Indes satiné. De grandes armoires, ornées de glaces, entourent la pièce; le chevet du lit disparaît dans un renfoncement, tandis que la toilette, cachée
- p.155 - vue 159/484
-
-
-
- 156
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- dans un angle, est fermée par des portes coulissées. Çà et là, de petits meubles légers, parmi lesquels il faut retenir une charmante table à coiffer. L’ensemble est d’une simplicité extrême, d’une austérité de lignes que viennent égayer les douces harmonies brunes, jaunes, et jaune ambré des bois parfaitement travaillés. Après avoir traversé une salle de bains très confortable, on pénètre dans la nursery ouïes meubles sont inspirés de souvenirs celtiques. Si l’arrangement de la cheminée y semble un peu compliqué, par contre, il faut en louer le beau lit de chêne aux pures incrustations d’ébène. La salle à manger est de style jacobéen. Elle a fort grand air avec ses meubles majestueux, amples et bien compris. Le buffet est d’une belle architecture avec son grand dressoir encadré de robustes colonnettes, la table est bien dessinée et le velours vert des chaises se marie très heureusement à la couleur un peu sombre de ce mobilier de chêne incrusté de citronnier et d’ébène. Puis on passe dans une cabine de yacht où la disposition des meubles, généralement laqués et dissimulés dans la décoration, a été rigoureusement calculée pour montrer ce que Ton peut réunir dans un espace fort restreint. Le salon ou parloir qui termine cet ensemble est orné de meubles des différents styles Chippen-dale, Adams, mais surtout Scheraton : de petits meubles pratiques en acajou moiré, orné d’incrustations de bois de satin, un piano d’un joli profil, un guéridon qu’ornent des scènes à la Prud’hon, etc. Enfin la construction édifiée par la maison Waring était gardée à l’extérieur par de robustes armoires, par des bibliothèques et des meubles de bureaux pratiques qui témoignaient, eux aussi, par leur exécution, du goût national et de la scrupuleuse technique de leurs auteurs.
- Le Jury qui a décerné une médaille d’or à M. Henry, de Londres, a surtout apprécié son délicieux intérieur de cabinet de toilette, en citronnier, au jaune si clair et si heureux. Ces meubles Louis XVI sont d’une simplicité de haut goût et d’une main-d’œuvre tout à fait maîtresse. Nous citerons encore, du même fabricant, un buffet de salle à manger en chêne, joliment paré de grappes de raisins; un cabinet en amarante et bois de rose aux cuivres délicats; un autre, très réussi et d’un équilibre parfait, en chêne coloré orné d’inscriptions, et une table à thé, vieux chêne, d’une rare sveltesse. Nous approuvons moins les petitsbureaux qu’ornent des reproductions photographiques de tableaux de B urne Jones, et cette bibliothèque musicale où sont encastrés les portraits des grands maîtres : c’est ce qu’en critique d’art on qualifierait de style anecdotique. Nous redoutons aussi ces tables de jeux qu’agrémentent des supports de lampes, sources de distractions pour les joueurs ennemis des écorchures. Par contre, nous louons sans réserve ce fauteuil de bureau recouvert de maroquin où a été réalisée une heureuse tentative d’art moderne : avec ses bras fins égayés de petits ornements sobres et délicats, sa construction élégante, ses lignes parfaites, il est certainement l’un des sièges les mieux réussis de l’Exposition.
- MM. Howard and son ont également obtenu une médaille d’or avec deux intérieurs : un cabinet de travail meublé d’un petit bureau de chêne, une série de fauteuils et de canapés confortables, en cuir marron, et d’un grand bahut Renaissance aux fines sculptures; un salon, composé d’un charmant bureau de dame, avec des casiers en retour, décoré de marqueterie et de galeries de cuivre, de délicates vitrines, de jolis sièges
- p.156 - vue 160/484
-
-
-
- MEUBLES DE LUXE ET MEUBLES À BON MARCHÉ.
- 157
- marquetés, d’une grande bibliothèque Scheraton à trois corps. Tout cela d’une exécution parfaitement soignée.
- MM. Johnson et Appleyards (médaille d’or) sont les auteurs de la chambre à coucher du prince de Galles, au Pavillon britannique. Elle constitue un remarquable exemple de Renaissance Elisabeth, où la fabrication et le fini ont été poussés avec une rare ténacité. Les murs y sont recouverts de panneaux de chêne très sobres, le ht et la cheminée parés de colonnes et de moulures d’un équilibre sûr. Evidemment, l’ensemble est volontairement massif, mais l’interprétation de ce style ancien comporte beaucoup de force et de noblesse. La menuiserie y est parfaite et les ferrures de fer antique soigneusement étudiées. Mêmes compliments pour le cabinet de toilette. Aux Invalides, MM. Johnson et Appleyards ont exposé de beaux meubles de salle à manger conçus selon des types d’une Renaissance moins archaïque : nous noterons parmi eux un dressoir monumental en acajou, aux ornements de cuivre repoussé, d’un grand aspect décoratif. A signaler aussi des meubles de salon, des vitrines et des types de sièges variés du meilleur style Scheraton.
- C’est une très intéressante union des vieilles lignes celtiques et de la Renaissance Elisabeth qui nous est donnée par la Bath cabinet makers company (médaille d’or). Pour être plus archéologique que réellement créateur, l’effort n’en est pas moins remarquable, digne d’attention et d’éloges. Ce sont des bahuts, des dressoirs, des buffets, des bibliothèques et des corps de cheminée, géants robustes et trapus. Construits en chêne et en noyer, ils sont ornés de ferrures très originales et parfois de frises d’acier ajouré : de temps à autre, de rares sculptures représentant des végétaux forment chutes sur les frises. Meubles graves, rendus pratiques par leurs proportions mêmes, d’une architecture toujours raisonnée et jamais déplaisante, d’une menuiserie très probe et très loyale. La Batii cabinet markers company a exposé également un cabinet compor-lant une petite bibliothèque et une table à écrire ornée de marqueteries (lorales d’une remarquable composition.
- M. George Wright, enfin, a obtenu une médaille d’or pour son beau billard Louis XIV et buffet marqueur automatique si ingénieusement combiné.
- L’exposition de MM. Heal et Son (médaille d’argent) est très symptomatique. C’est chez eux que s’affirme surtout cette volonté d’interpréter ces souvenirs celtiques auxquels nous faisions allusion plus haut. S’il demeure bien établi qu’il ne faut considérer dans de tels travaux que d’intéressantes transpositions historiques, nous ne faisons aucune difficulté pour déclarer qu’en ce qui nous concerne, nous ne les jugeons nullement antipathiques. Que, bien mieux, nous préférons de beaucoup leur brutalité rustique pour la décoration des maisons de campagne, aux folles élucubrations qu’on nous soumet trop souvent. Voici d’abord toute une série de meubles mérovingiens très curieux : armoires, tables, commodes, coffres, bureaux et huches taillés à coups de serpe, où les veines des beaux bois constituent avec des ferrures barbares tout le côté décoratif. Et plus loin voici une chambre complète, meublée de lits jumeaux et de cabinets où les panneaux ont d’heureuses dispositions et où une marqueterie en damier
- p.157 - vue 161/484
-
-
-
- 158
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- rompt la monotonie clu chêne. L’exécution en est particulièrement bien traitée, et, si lointaine de nous qu’en soit la conception, nous ne pouvons nous défendre d’être séduit par cette architecture sommaire, cette mise en œuvre du joli chêne fleuri et ces étoffes claires aux rudimentaires décors. Mais nous doutons qu’un Français, fût-il passionné de médiévisme, consente volontiers à vivre, à travailler et à rêver dans de tels décors.
- Nous devons une mention spéciale aux sièges en osier de M. Ellmore, de Liverpool (médaille d’argent). Ils sont confortables et de lignes particulièrement soignées : les dossiers et les bras sont souvent de délicates trouvailles. Les colorations adroitement cherchées sont également réussies et c’est ainsi que les blancs y sont souvent relevés de jolies teintes vertes. Mobilier de serres et de jardins adroit et distingué.
- Citons enfin, avec éloges, les autres titulaires de médailles d’argent : les études d’art décoratif et les meubles artistiques de la Working ladies Guild, les billards de M. Samuel May, de Toronto, les trois beaux meubles de salle à manger de MM. Bertram et fils, MM. Ïves and C°, Powell and Powell.
- HONGRIE.
- En aucun pays, les pouvoirs publics n’ont donné à l’enseignement des arts décoratifs et à l’enseignement professionnel et manuel une impulsion plus vive, plus énergique qu’en Hongrie, au cours de ces dernières années. Sans insister ici sur l’importance des deux grands établissements de Budapesth, dont l’organisation et les programmes sont dignes de l’attention de l’Europe, l’Ecole des arts et métiers et l’Ecole des arts décoratifs, constatons que le territoire national s’est semé de laborieux centres d’étucles : à Adad, à Kolzsvar, à Szeged, à Ujpest, à Iglio, à Mares Vasarhely, il s’est fondé des écoles spéciales du bois et des métaux, lesquelles ont fourni des dessinateurs et des ébénistes qui peuplent actuellement les ateliers hongrois.
- Un mouvement nécessairement très original et très intense en est résulté dans l’art tchèque et ce mouvement s’est affirmé dans toute sa force à l’Exposition de 1900. Le point.de départ en est d’une simplicité et d’une sagesse qui sont surs garants de sa vitalité , de son épanouissement futur.
- Patiemment on a étudié les formes nationales et l’on a dégagé l’essence des idées traditionnelles ; les étapes successives et compliquées des styles byzantins ont été analysées avec un soin jaloux et Ton a noté sans négligences les lignes séculaires des meubles paysans les plus frustes, les plus barbares en apparence. Puis après avoir largement réfléchi sur ces études, les synthèses s’étant fatalement accomplies, il semble qu’on ait fait subir à la plante nationale, et d’après les idées les plus nouvelles, une culture intensive qui en a modifié l’aspect et en a très adroitement enrichi les beautés.essentielles.
- Un jeune professeui, M. Farago, membre du Jury et hors concours, semble avoir été l’initiateur de ce mouvement auquel ont pris part, à ses côtés, des hommes de valeur comme MM. Maurice Hirschler, Woegand, Joseph Fellner, R. Nadler, Beck et d’autres
- p.158 - vue 162/484
-
-
-
- 159
- MEUBLES DE LUXE ET MEUBLES À BON MARCHÉ.
- encore. Il importe de rendre ici au maître et aux disciples un témoignage de félicitations et de profonde estime.
- Indépendamment de son superbe lambrissage de la salle Saint-Etienne au nouveau palais royal, M. André de Teck (hors concours) a exposé un mobilier de bureau conçu selon les idées nationales, d’une extrême pureté de lignes et en même temps d’un savant confort. La table, les bahuts et les étagères sont en acajou et comportent une chatoyante ornementation byzantine faite de céramiques émaillées, aux chauds reflets hispano-arabes et adroitement incrustées dans le bois. Rouges, elles mettent sur le rouge du bois une note vivante, somptueuse et alerte, et engendrent des effets de colorations décoratives attrayants et imprévus. Ajoutons que les sièges revêtus de cuirs verts sont ornés d’ornements byzantins appliqués de la plus originale composition et que la main-d’œuvre de ces meubles est sans reproches.
- Nous allons passer en revue les divers exposants auxquels M. Edmond Farago et ses collègues ont prêté leur précieux concours et pour lesquels ils ont surtout dessiné ces beaux buffets si typiques aux lignes courbes inscrites dans des lignes droites, aux bois souvent teintés et décorés d’applications d’acier, à la composition née d’une interprétation florale très simple, presque naïve, et où éclate, sans que choque la surcharge, toute la multiple parure byzantine.
- M. Lengyel, de Szeged, a obtenu une médaille d’or avec son bel intérieur en chêne teinté vert, où les meubles harmonieux se revêtent de curieuses et riches ferrures. M. Maiiunka a reçu la même récompense pour sa chambre à coucher où une armoire d’inspiration plutôt anglaise forme encoignure, mais où le lit et le bahut, d’un charmant dessin, comportent des incrustations charmantes. L’intérieur de bureau hongrois de MM. Bernstein et fds (médaille d’or) mérite pour sa riche sobriété, pour son exécution impeccable les plus grands éloges ; les bois sont d’un ton très heureux et les velours des sièges, ravissants à l’œil.
- Le coffret de M. Thurnherr (médaille d’or), dont les dessinateurs furent MM. Farago et Nadler, et l’argentier, M. Mlinek, est une merveille de somptuosité et de richesse byzantine. Il est orné de sculptures en argent doré infiniment souples et soignées et il est revêtu d’un éclatant manteau d’émaux et de pierres précieuses : le bleu tout oriental des turquoises s’y marie délicatement au violet sombre des améthystes qui forment le calice de belles fleurs de rêves.
- De M. Lukatsovits (médaille d’argent), un grand buffet en acajou aux ferrures ingénieuses, aux belles lignes courbes harmonieuses. De M. Bak (médaille d’argent), un charmant petit bureau de dame finement sculpté et orné de grandes fleurs peintes. De M. Walnicek, un buffet clair, joyeux, un peu trop chargé d’ornements (médaille d’argent). De M. Kantor (médaille d’argent), une vitrine originale, très sobre dégoût et de décoration. De M. Horvarth (médaille d’or), une bibliothèque où se révèlent les mêmes qualités. De M. Biro (médaille d’argent), un joli buffet-étagère en chêne où s’étale harmonieusement une large floraison de palmes. De MM. Reisz et Porjesz (médaille, d’argent), une superbe armoire de luxe, d’une sûre unité décorative. De
- p.159 - vue 163/484
-
-
-
- 160
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- M. Keszli (médaille d’argent), un buffet aux charmantes verrières opaques délicatement irisées. De M. Czimbalmos (médaille d’argent), un bureau et une bibliothèque d’un dessin élégant et souple. De M. Zimonyi (médaille d’argent) un coffret en châtaignier, où sont très artistement massées en gerbes rondes, de frêles fleurs qui fusent, parallèles. De M. J. Varga (médaille d’argent), un secrétaire d’une belle allure, décoré avec beaucoup de soin. L’Ecole des arts et métiers de Büda-Pesth a envoyé un buffet en chêne teinté de vert, d’un sûr équilibre, dont la décoration végétale est originale et sobre, tandis que les Ecoles professionnelles de Hongrie sont représentées par de petits meubles de salon très menus et très spirituels.
- L’intérieur de MM. Gelb et fils (médaille d’or) est à coup sûr un des plus jolis échantillons de l’art moderne hongrois et l’on a beaucoup admiré les beaux meubles délicats aux bois teintés de gris et rehaussés de sculptures colorées de vert et figurant des branches d’olivier. Leurs étoffes, elles aussi, sont d’un goût charmant, ornées quelles sont de grandes libellules éployant leurs ailes hésitantes, enivrées, dans une jolie composition décorative. Mentionnons encore l’armoire à verres très ingénieuse, joliment marquetée, mais d’inspiration plutôt belge, de M. Polgar (médaille d’ar-gent).
- A côté de cette école et en dehors de ces aspirations, citons les noms de quelques autres exposants hongrois : M. Buchwald-Sandor (médaille d’or), auteur d’une intéressante chambre à coucher en cuivre d’inspiration plutôt exotique; M.Kramer, auteur d’une salle à manger d’aspect très gai et de formes solides et agréables et qui semble être le fruit d’influences tout ensemble et viennoises et anglaises; la Manufacture de bois courbé d’Ungvar (médaille d’or), qui expose une très complète et très jolie série de meubles fuselés, simples, pratiques auxquels une teinte bleu sombre donne un aspect original et séduisant; enfin M. Langer (médaille d’argent), auteur de meubles gothiques et Renaissance un* peu trop chargés, mais consciencieusement étudiés.
- Il faut terminer en consacrant une mention toute spéciale à l’exposition de la Croatie-Slavonie (collectivité d’Agram). Nous nous trouvons là en présence d’un art tout spécial, national et typique qui a toute la saveur d’une conception directe, tout l’éclat et tout le charme d’une poésie populaire. Le folk-loriste, le littérateur passionné de traditions , trouve aussi bien son compte que le curieux d’art décoratif dans cet intérieur polychrome, aux incrustations, aux peintures, aux broderies et aux ferrures si ingénues et si spéciales. L’art occidental est ici étroitement lié aux formes orientales et parmi les colorations chantantes le moucharabieh apparaît, l’art des minarets se devine. L’ensemble est infiniment agréable à l’œil et d’un intérêt de décor très saisissant. Les divers participants de cette belle exposition, MM. Budicki, Mihokovic, Postruzin, Trstenjak, Zima et Schiffer, de Zagreb et MM. Ponischil et Kaiser, d’Osiek, ont chacun reçu une médaille d’argent bien méritée.
- M. Hermann Bollé, sous la direction duquel ils ont réalisé leurs travaux et qui les a réunis, a obtenu une médaille d’argent de collaborateur.
- p.160 - vue 164/484
-
-
-
- MEUBLES DE LUXE ET MEUBLES A BON MARCHÉ.
- 161
- ITALIE.
- Pour tous ceux qui aiment profondément l’Italie et y vécurent, c’est une tache bien délicate que de formuler un jugement sincère sur la valeur artistique de la contribution numériquement si considérable de ce pays à l’exposition du meuble en 1900. Par un manque inconcevable de direction, par une coupable insouciance de toutes recherches, les merveilleux artisans, les sculpteurs subtils et adroits de cette nation en sont indolemment demeurés à démarquer les anciens styles. On ne saurait se montrer sévère s’ils s’évertuaient à copier avec une consciencieuse probité les admirables meubles de la Renaissance florentine :1e malheur est qu’ils ont voulu, pour des raisons exclusivement commerciales, multiplier à l’infini ces reproductions, tout en en rendant le prix accessible à tous. Il s’ensuit que les détails ont été fatalement lâchés et que trop souvent les modèles exposés rappellent les chefs-d’œuvre qu’ils sont censés représenter aussi lointainement que les copies faites à la grosse par un artiste inexpérimenté peuvent évoquer pour nous la Primavera de Botticelli ou la Joconde de Léonard de Vinci. Si la copie est médiocre, l’interprétation est nettement déplorable. Avec un mauvais goût impitoyable, avec une vulgarité d’inspiration et d’expression que rien n’excuse, on a dénaturé le style rocaille, le Louis XV et le Louis XVI au point de les priver de toutes formes, d’en créer des descendances monstrueuses et comiques. La romance et le trompe-l’œil se marient ici pour affirmer le triomphe du clinquant et du facile : des anges soufflés escaladent des torchères, des pages de style troubadour portent des lampes à bras tendu, des chaises s’adossent à des harpes géantes, des traîneaux Louis XIV sont transmués en rockings ! Il vaut mieux ne pas multiplier à l’infini ces exemples. Si Bouvard et Pécuchet s’étaient faits ébénistes nul doute qu’ils aient trouvé ici de quoi alimenter leur esthétique. Notre devoir est de signaler simplement les efforts, d’autant plus courageux qu’ils sont fort rares, réalisés par des artisans indépendants pour s’évader de ce fatras, pour tenter de réveiller l’art décoratif italien et de lui rendre un prestige digne de son glorieux passé, de ce passé où les artistes de tous les temps et de tous les pays continuent à tirer les plus purs et les plus nobles exemples.
- M. Aimone (liors concours) est un sculpteur d’une verve et d’une fantaisie remarquables. On a surtout goûté cette cheminée monumentale où deux reîtres forment cariatides et sur la frise de laquelle une chasse passe, colorée et traitée avec un sens du mouvement remarquable. A citer aussi un lit Louis XV de belle allure et un délicat bahut gothique. Et nous devons mentionner encore une statuette de moine lisant, pleine de caractère et d’expression.
- Un grand prix a été décerné à M. Quarti qui a exposé toute une série de petits meubles artistement ouvrés qui témoignent de sérieuses recherches personnelles et qui n’ont au reste rien à voir avec les autres productions néo-italiennes. Ses glaces, ses étagères, son paravent, son portc-cstamspes, ses petites chaises et ses guéridons sont exécutés
- p.161 - vue 165/484
-
-
-
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- 1()'2
- avec beaucoup de métier dans des bois colorés de nuances sombres, où prédominent des harmonies vertes assez heureuses. Ils comportent un emploi du verre et du cristal original et intéressant et leurs marqueteries de nacre, bien qu’un peu tristes, sont ingénieuses et adroites. Pour être un peu timides et n’avoir qu’une portée relative, ces envois dénotent un esprit renseigné et affranchi, d’autant plus respectable que le milieu où il travaille devait peu favoriser de tels efforts.
- M. Valabrega, de Turin (médaille d’or), a droit aux mêmes compliments. Il s’est courageusement engagé dans la voie ouverte par les Gaillard, les Bigaux, les Majorelle et les Gallé et il a mis au service des dogmes nouveaux de l’interprétation des Heurs et des plantes, la richesse d’exécution des artistes italiens. Son exposition prouve péremptoirement à quels appréciables et très louables résultats parviendrait promptement, grâce à l’aide de ses merveilleux sculpteurs, l’art décoratif italien, s’il était discipliné et rajeuni. Le corps de cheminée de M. Valabrega est une excellente création moderne, orné qu’il est d’une profusion de fleurs rustiques habilement groupées et traitées. Aux angles de l’étagère deux gracieuses figures penchent leurs têtes sur des marguerites symboliques, tandis que sur le trumeau central un olivier en bronze doré s’érige, délicat et fier. Un peu trop chargée encore, l’œuvre de M. Valahrega est une des plus intéressantes des sections étrangères.
- Autres médailles d’or :
- Al. Frullini est peut-être le meilleur sculpteur italien dont nous ayons eu à apprécier les envois. Il s’inspire très directement des merveilles florentines, des immortels chefs-d’œuvre des Donatello et des Robbia. Tous ses envois sont incomparablement exécutés et il faut louer son buffet-dressoir, son banc d’antichambre, son bahut aux spirituels ornements végétaux. Signalons surtout de charmants panneaux où se déroulent des théories et des danses de petits génies selon des rythmes chers à Alino da Fiesole. Ce sont là de très remarquables fragments.
- AI. Besarel, de Venise, expose des torchères, des berceaux qu’enguirlandent des vols d’anges, des hérauts d’armes portemanteaux et porte-lampes. Le moyen âge romantique est sa principale source d’inspiration. A examiner surtout dans cette exposition un bel autel en bois sculpté.
- AL Sandrone expose des bahuts, des coffres, une chaire et une commode coiffeuse Louis XVI assez intéressante.
- De AL Rossi, de Venise, une cheminée et des sièges. A noter un panneau représentant des dragons et orné de motifs d’ornement réussis et distingués.
- Avec Tos et l’ivoire, ornés, dorés et peints selon la conception des anciens coffrets italiens du xve siècle, AI. Onufrio a composé de grands meubles dont l’aspect général est froid et la couleur nettement hostile : un bahut retable et une chaire moyen âge. Le labeur d’une telle entreprise méritait pourtant d’être récompensé, c’est ce qu’a fait Jury.
- AL Pagliani s’est surtout exercé dans l’incrustation de l’ivoire et, s’inspirant des merveilles réalisées naguère dans cette branche par les ébénistes italiens, il a exé-
- p.162 - vue 166/484
-
-
-
- MEUBLES DE LUXE ET MEUBLES À BON MABGHÉ. 163
- cuté des bahuts et des tables artistiquement décorés et d’une exécution riche et sûre.
- MM. Berardi, Romanelli et Destefanis, de Turin, ont exposé de bons meubles inspirés généralement de la Renaissance florentine. Ce sont surtout des bahuts, des coffres, des chaires, des encadrements de portes dont la solidité relative et la décoration sensée détonnent parmi les scories et les superfétations ambiantes.
- Citons la chambre à coucher de M. Zen et bornons-nous à raconter les sujets de deux envois de M. Zanetti. D’abord un grand bahut où, dans une tumultueuse allégorie est glorifiée la mémoire de Verdi. Au milieu du panneau central émerge le buste de l’illustre compositeur qu’enguirlandent des vols impétueux de petits génies turbulents. Dans un angle, des musiciens acclament le maître, tandis que dans un autre se déroule une scène d’opéra où gesticulent le ténor et la première chanteuse. Bornons là notre description; on ne nous a fait grâce d’aucun détail dans ce prolixe poème sculpté qui rappelle les plus déconcertantes compositions des modernes cimetières italiens. Plus loin est exposé un grand panneau où, dans un étonnant paysage exotique, un solitaire est en extase à l’ombre d’un bananier devant une apparition d’archange, tandis que dans le ciel entr’ou-vert un orchestre de lamentables marmots exécute une symphonie sacrée ! Tant d’acharnement méritait pourtant une récompense.
- Des médailles d’argent ont été décernées à MM. Foca, Mautinotti, Rizzi, Bugatti, Clkmente, Gahgiulo, Agostini, Vannugchi, Asnaghi, Bagcetti, Tedesco, Besena et Palkari.
- JAPON.
- L’exposition du Japon comporte pour les Européens de précieux enseignements. Elle nous montre quelle supériorité s’acquiert dans l’observation à la fois large et menue de la nature et dans son interprétation méticuleuse et attentive. Elle nous enseigne aussi, comme Ta très justement fait remarquer M. de Fourcaud, qu’en se référant aux architectures, aux modèles japonais, les Européens «en ont exagéré les divisions et les subdivisions irrégulières au détriment de l’aspect solide et de cette ampleur principalement désirable, si ce n’est indispensable dans les grands ouvrages d’ébénisterie de tradition occidentale».
- Les maîtres du Japon ne conçoivent pas des meubles infiniment variés, mais ils excellent dans la sveltesse de leurs structures et dans leurs revêtements de laque. Et c’est ainsi que Ton n’admire guère aux Invalides que des paravents, de petits cabinets aux agencements subtils et amusants, et d’ingénieuses étagères, mais qui tous sont d’une richesse et d’un goût d’ornementation surprenant..
- On sait que l’industrie nationale des Japonais est celle du laque : elle leur est propre et ils mettent en elle toute leur gloire artistique. Le décor, l’opulence des tons, la distinction des formes font le prix de ces merveilles exotiques et M. Gonse nous a très bien montré jusqu’où va,le fétichisme de ce peuple pour les splendeurs réalisées à l’époque de kanakoa, du règne de Shioumoun et de Yoshimasa. Aussi les exigences des vrais
- p.163 - vue 167/484
-
-
-
- 164
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- connaisseurs de Yédo sont-elles légendaires : aucune tare n’échappe à leurs yeux, «c’est à la netteté irréprochable, à la franchise des reliefs sur leurs bords que se reconnaissent les pièces supérieures; la moindre bavochure, le plus imperceptible tremblement des lignes est aperçu par le Japonais». Eux seuls pourraient donc nous affirmer, d’une façon positive, que les laqueurs modernes ont retrouvé la facture serrée et mordante des ancêtres. Bornons-nous donc sagement, sans établir de points de comparaison, à admirer très franchement les superbes produits qui nous ont été soumis et osons déclarer qu’ils nous semblent dignes d’un glorieux passé et qu’à notre humble avis les Koetzou, les Kouansaï, les Kôrin, les Ritsouô, les Yoyonsaï et tant de maîtres illustres ont trouvé dans le Japon moderne des descendants dont ils peuvent être fiers.
- Un grand prix a été voté à M. Shirayama, de Tokio, pour son féerique paravent du laque d’or repoli sur noir, avec dessins de plusieurs tons représentant d’admirables touffes d’amarantes en feuilles oii semblent chanter toutes les gammes de nos automnes. Et la même récompense a été attribuée à M. Kishi, de Tokio, pour son étagère du laque d’or du style classique que décoraient des paysages dessinés par le peintre Ohyégawa. C’est un chef-d’œuvre de pureté et de grâce svelte, un beau bijou de grande allure, sobre et fière.
- Des médailles d’or ont été attribuées à M. Kioto Siiobikwaï, pour son étagère de laque noir décoré d’or; à M. Ikeda, pour ses étagères du laque d’or, décorées des Heurs des quatre saisons; à AI. Ouematsü, pour son étagère et son petit cabinet de laque repoli, or sur noir, décorés de fleurs d’automne; à AI. Saïto, pour son étagère en bois décoré de laque et ornée de délicates vues de Tokio ; à AL Suzuki, pour ses paravents de bois laqué avec incrustations d’ivoire, de nacre et d’écaille, où s’étalaient de larges fleurs, pivoines et chrysanthèmes, où s’enfuyaient des vols de pigeons et où planaient des aigles; à AI. Kataoka, pour son étagère aux incrustations de nacre sur laque d’or et noir, où, dans un menu paysage, des martins-pêcheurs se jouaient parmi des iris ; à AI. Ando, pour son grand paravent laqué repoli, argent sur noir, où devant un féerique décor de montagnes se dressait un grand cerf; à la fabrique de Hamamatsù, pour ses étagères de laque décoré; à Al. Kaji, pour ses délicieuses étagères de laque rouge décoré d’or où des cerisiers en fleur laissaient pleurer leurs branches dans une rivière; à AL Sano, pour ses paravents en bois naturel, décorés de laque et où des enfants étaient figurés jouant sous les voûtes de pins centenaires et touffus.
- Médailles d’argent :
- M. Tamaï , auteur d’écrans, avec incrustations sur laque représentant la déesse Kwannon ; entourée de corbeaux parmi des splendeurs d’aurore.
- AL Watanabe, pour ses paravents, écrans et étagères en laque incrusté, laque de Pékin, en bois sculpté et laqué. L’Association des laqueurs de Kioto, qui expose des paravents au laque repoli, ornés de grands personnages. AL Fugikawa, pour ses étagères de laque de couleurs; M. Kioseikaï, M. Yasuda et M. Yasima, pour leurs petits meubles de laque, de bois sculpté et leurs paravents en soie brodée.
- p.164 - vue 168/484
-
-
-
- MEUBLES DE LUXE ET MEUBLES À BON MABCHÉ. 1 (».')
- NORWÈGE.
- L’exposition de laNorwège est, à coup sûr, très émouvante par la personnalité quelle affirme et par la franchise de son caractère national et traditionnel. Chez ses exposants se reflète tout un noble passé archéologique et Ton peut lire dans les œuvres exposées le caractère et les goûts des habitants, leurs idées sur la faune et la flore et jusqu’aux lignes de leurs paysages, jusqu’aux colorations des ciels et des mers natales. El un vif sentiment de sympathie vous gagne à contempler les réalisations décoratives d(3 ce peuple qui n’emprunte rien à ses voisins et qui s’évertue à créer des formes nouvelles en n’utilisant, avec une piété touchante, que les seuls éléments architecturaux légués par les ancêtres.
- Chez M. Borgersen (médaille d’or), se révèle un sens très sûr des assemblages et de la décoration; la construction est très soignée et, comme le fait remarquer M. Magne, s’accorde avec des compositions suffisamment amples pour mettre en valeur toutes les qualités du bois. Dans ses ornements sculptés il interprète les formes archaïques des entrelacs et des têtes grimaçantes ; les volutes prennent des formes animales ; de fabuleux poissons, des bêtes aussi monstrueuses que celles figurées aux gargouilles de nos cathédrales apparaissent. Sur des bahuts, des scènes barbares et légendaires sont représentées, mais d’une façon toujours mystérieuse et discrète. Il est évident que l’artiste a longuement étudié les beaux échantillons d’art roman qui ornent le musée de Bergen : c’est de là que dérivent ses lignes et sa décoration qui nous a fait penser aussi à ces os sculptés du moyen âge, que Ton retrouve dans les collections septentrionales. La jolie table, les vastes fauteuils, les bahuts et les banquettes de M. Borgersen ont obtenu chez nous une faveur éminemment justifiée.
- M. Knag (de Bergen) est un rare coloriste. Ses deux bahuts, conçus dans le style roman national et si sobres de composition, doivent, à coup sûr, être comptés parmi le. plus précieux échantillons d’art polychrome que nous ait montrés l’Exposition. Rien, en effet, n’est séduisant comme l’harmonie discrète de ses panneaux en marqueterie , où le choix des colorations révèle Tœil d’un peintre délicat et subtil. Le premier meuble est exécuté dans des tonalités vertes et jaunes : sur le volet s’illimite une mer bordée de dunes plantées de tamarins, et sur laquelle se balancent trois grandes mouettes, les ailes éployées. Au-dessous de la porte, c’est une autre mer, une mer plus mouvementée, plus dramatique, où flottent des nefs et qu’incendient les pourpres du couchant. Le second bahut est dans des harmonies bleues et jaunes ; sur la frise s’alignent des chefs de guerriers casqués, tandis que sur les deux montants alternent en spirales des visages féminins très expressifs, et des figures de vieillards chevelus et barbus. Sur les panneaux du milieu, des bêtes symboliques s’emmêlent dans de gracieux enchevêtrements, tandis que, sur les côtés, de triomphants crépuscules éclairent des lacs, des forêts ou des mers peuplées de grands oiseaux immobiles. Nous le répétons, ce sont là des œuvres saisissantes et dignes des plus grands éloges,
- G;î. XII. — Cl. 09. 1 ?.
- p.165 - vue 169/484
-
-
-
- 166
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- Encore de M. Knag, une tablette-applique ornée de sculptures norwégiennes sur fond noir.
- L’Association norwégienne des arts et métiers (médaille d’or) a exposé une très belle salle à manger aux lignes sobres et saines. Le buffet et le dressoir sont fortréussis, avec leurs grandes ferrures vertes, sévères de dessin, s’étalant sur l’acajou habilement préparé. La décoration de la pièce comporte encore des broderies et des frises charmantes. Travail sévère et du meilleur aloi.
- L’Union de l’industrie domestique norwégienne (médaille d’argent) nous montre toute une série de petits meubles, sièges, guéridons, coffres, etc., tantôt sculptés et tantôt ornés de fleurs ou de monstres enlacés, peints de couleurs vives, rouges et bleus sombres tels des proues d’anciens navires, tels aussi certains meubles d’Oricnt. Là s’entassent aussi mille bibelots de bois finement travaillés et décorés selon des motifs archaïques : des jattes, des vide-poches, des coupe-papier, des sébiles multiples, — mille bibelots variés et pittoresques qui constituent l’ensemble le plus amusant, <>t le plus gai.
- PAYS-BAS.
- M. J.-B. Hillen, fournisseur de la cour à Amsterdam, a exposé une des salles à manger les mieux réussies de l’Exposition. Il n’est pas, en tout cas, de mobilier qui soit plus près de nos idées modernes sur la composition rationnelle des meubles, sur l’accord parfait de la décoration avec le choix des bois employés.
- Cet intérieur se compose d’un long corps de meuble en joli chêne de Hongrie, maillé et fibreux, tour à tour buffet, dressoir, divan et bibliothèque. Un petit toit recouvre les parties en creux, les unit aux parties saillantes et forme une délicate frise rectiligne, couronnée çà et là de menus chapiteaux dont le thème floral est emprunté à la reine-marguerite. De fins panneaux sculptés, spirituels et voilés, décorent ce grand meuble d’architecture si équilibrée ; dans une première série ils figurent des poissons, un bœuf, des moutons, des perdrix; et dans une seconde, des raisins et des poires alternant avec des fruits sauvages. Charmante symphonie comestible réalisée avec un naturalisme poétique.
- Les ferrures, d’une franche simplicité, sont exécutées en acier mat. La table est carrée, un peu oblongue. Les sièges sont d’une forme heureuse, et la décoration de ces meubles mobiles est encore empruntée à la reine-marguerite. Les saillies en sont ornées de très fines dentelures. L’ensemble constitue un ameublement d’art moderne luxueux et discret, d’où l’agressif et le prétentieux sont savamment bannis et où règne le sentiment de la nature le plus pénétrant.
- M. Hillen, ainsi que son collaborateur l’architecte Berlage, a obtenu une médaille d’or.
- M. Tekstra, de Leuwarden (médaille d’argent), nous montre un beau bahut en chêne marqueté de noir, de style hollandais ancien, une table de même ordre et de grands fauteuils paillés qui ont de l’allure. Nous nous trouvons là en présence de reconsti-
- p.166 - vue 170/484
-
-
-
- MEUBLES DE LUXE ET MEUBLES À BON MARCHÉ.
- 167
- tutions paysannes fort intéressantes, et appropriées à merveille à l’ameublement d’une maison de campagne.
- L’exposition collective de la Commission pour l’encouragement de l’industrie frisonne (médaille d’argent) présente les memes caractères attachants. La commission s’est proposé pour but de réveiller une antique industrie locale et de lui insuffler une nouvelle vie. Dans ce «salon de Hindeloopen», elle expose de délicieux spécimens de petits meubles, ornés de peintures ou de faïences colorées. A remarquer un beau bahut de la Renaissance hollandaise et des portes d’armoires fuselées, très délicatement traitées. Tout ce qui décore cette pittoresque installation, bibelots, meubles, ustensiles de ménage, carreaux de murs ou briques du pavé, est dû à l’industrie frisonne contemporaine.
- MM. Wisselingh et Cle, d’Amsterdam, nous montrent de curieuses tentatives d’art moderne : un cabinet de travail où Tinspiralion japonaise et annamite prédomine ; une salle à manger où régnent d’agréables marqueteries blondes ; une sorte de petit salon aux lignes droites très acceptables. Efforts curieux et louables des architectes Nieuwen-bius, Lion Cachet et Dyselhoff. »
- Citons, en terminant, les meubles modernes en bois verni, ornés de grandes fleurs peintes, très simples et de fort bon goût, dont l’architecte Cuypers (membre du Jury, hors concours) avait pittoresquement décoré son cabinet.
- RUSSIE.
- Il est manifeste qu’è l’exemple des autres peuples de l’Europe, la Russie a elle aussi été gagnée par le désir des formes nouvelles, par la volonté de se créer un art décoratif national. Par contre, si le réveil est certain, il faut bien constater aussi qu’une grande incertitude de tendances règne encore dans les réalisations qui nous sont soumises. Tantôt les novateurs semblent se réclamer des esthétiques anglaises et viennoises, et tantôt c’est au style byzantin qu’ils demandent leurs inspirations. Certains s’efforcent dé développer les anciens styles français, l’Empire notamment, tandis que d’autres font purement et simplement appel aux lignes, aux décors et aux colorations populaires.
- Nous ne doutons pas cependant qu’un jour viendra où toutes ces aspirations se coordonneront, se synthétiseront, et où la Russie, qui compte de très éminents artistes parmi lesquels il nous plaît de citer le nom de notre collègue M. Meltzer, prendra une très honorable place dans l’évolution contemporaine du meuble.
- Deux manifestations surtout sont à retenir : l’exposition des ébénistes finlandais au pavillon de cette province, et celle de la petite industrie rurale au village russe du Trocadéro. Chez les Finlandais s’affirme une préférence pour les lignes droites, pour les formes dures, qui évoque le souvenir de certains mobiliers de l’Europe centrale. Et en dépit des éléments de décoration puisés aux sources nationales qui viennent apporter à ces constructions une certaine grâce dans les détails et de très joyeuses harmonies dans les tons, l’ensemble demeure massif et sévère.
- Le mobilier de chambre qu’expose la Société Iris, de Borgo (médaille d’argent), est
- p.167 - vue 171/484
-
-
-
- IMPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- ILS
- 1res agréable à Tœil, d’un aimable aspect paysan dû à l’emploi du bois d’érable. Le bahut et la table sont d’nn bel équilibre et les sièges couverts en drap bleu d’un dessin très suffisant. Les ferrures ont été particulièrement cherchées et leurs ornementations curieuses sont traitées d’une façon intéressante. M. GARREN,le distingué architecte de ces meubles, a reçu une médaille d’argent de collaborateur.
- Les Amis des Arts manuels, d’Helsingfors (médaille d’argent), ont exécuté, sous la haute direction de M. Saarenen, une série de meubles pittoresques et d’un décor savoureux et personnel. Nous citerons particulièrement une table-bureau très réussie, ornée de belles ferrures, de pignons sculptés et de tètes humaines marquetées avec une simplicité heureuse ; un divan, dont les étoffes représentaient en broderie un frais paysage septentrional; un porte-lampes, comportant une intéressante décoration florale empruntée au nénuphar ; un grand bahut en érable, enfin, où se résumaient avec plus de volonté encore les tendances nationales : ses amples panneaux s’ornaient de riches ferrures en rosaces, s’animaient de marqueteries un peu rudimentaires où des figures de vieillards alternaient avec des profils de jeunes femmes ; l’architecture était complétée par des chapiteaux au dessin complexe et rappelant les motifs de pierre conservés en Norvège et notamment au Musée de Bergen.
- Il nous faut mentionner également les envois remarquables du Magasin d’industrie finlandaise et les coffrets de marin, si adroitement colorés, de M. Mexmontan.
- Grâce à l’intervention des pouvoirs publics, grâce à la protection de riches particuliers, la petite industrie rurale s’est développée sur certains points du territoire russe, cl’une façon notable. Le but premier a été d’assurer les paysans contre les aléas des récoltes, contre les chômages prolongés de la saison froide. Des écoles ont été' créées, des ateliers se sont ouvçrts. Et durant les longues veillées et les journées mauvaises, les travailleurs de la terre se transforment en artisans, en kouslari, façonnent à leurs risques et périls les matériaux de qualité supérieure que des protecteurs charitables et renseignés mettent à leur disposition avec des modèles et des dessins. Au point de vue humanitaire, l’entreprise est des plus louables ; les résultats artistiques ne sont pas moins dignes de tout notre sympathique intérêt.
- Chaque association possède à sa tête un directeur désintéressé, à la fois artiste et philanthrope, qui préside à tous les travaux, à toutes les tentatives. Et il est à remarquer que ce rôle est joué la plupart du temps par une grande dame, bel exemple que nous proposons à la charité de nos Françaises. C’est ainsi que l’atelier Abran:-tzevo, dans le gouvernement de Moscou, est placé sous le patronage de Mrac Mamontoya (médaille d’or). Les modèles qu’elle a fait exécuter et qui sont à coup sûr les plus intéressants figurant au village russe, sont dus aux conceptions d’artistes éminents auxquels elle a fait appel : le peintre Golovine, MUe Polénova, M. Morosov. M. Golovine a dessiné une armoire en bois avec céramique, un poêle, des rayons, un banc, réalisés d’après des thèmes populaires avec un sentiment très vif et très intelligent des colorations. Müo Polénova est l’auteur de bancs et d’armoires en tilleul ornés d’une décoration dont nous retrouvons l’origine sur toutes les antiquités du pays, décoration où
- p.168 - vue 172/484
-
-
-
- MIA ULES DE LUXE ET MEUBLES À BON MARCHÉ.
- 109
- l’art byzantin s’unit parfois au gothique pour former des ornementations symétriques, compliquées et gracieuses que rehaussent souvent, en tons très francs, des ors, des bleus et des rouges vivaces. L’atelier a encore exposé de jolis tabourets, des huches, des tables de chêne, qu’encadrent de pittoresques dentelures.
- Les petits meubles de Mrae Jacunchikova-Weber, du bourg de Troitza, ceux de la princesse Stcherbatova, du gouvernement de Moscou, sont conçus selon les mêmes thèmes populaires. De bois sculpté et peint, ces étagères, ces boîtes, ces fauteuils ont l'ingénuité d’objets de, légende. Il ne faut pas leur demander de rigoureux profils, ni des techniques trop savantes : habillés qu’ils sont de leurs vêtements paysans, voyants et précaires, ils reflètent, tout le charme de leur terroir et constituent pour nous de charmants et pittoresques bibelots. C’est bien déjà quelque chose.
- A côté de ces ateliers provinciaux, exposaient collectivement MM. Anikine, Kochelev, Morosov, Poliakov et Vaouline, presque tous auteurs de projets exécutés par les koustari. C’est dire que leurs envois procédaient exactement des mêmes poétiques inspirations (médaille d’argent).
- Un marqueteur de grand talent et dont les envois ont eu beaucoup de succès auprès des membres du Jury, M. Lackmanoff, du gouvernement de Nijni-Novgorod, expose également au village russe des mosaïques de bois, carrelages symétriques exécutés c>vec beaucoup de précision et de goût, et destinés à des tables rondes, carrées et triangu-
- laires.
- En dehors des envois finlandais, en dehors de ces naïvetés savoureuses dont nous venons de parler, il n’y a pas grand’chose à dire de la section russe dont nous devons citer les autres exposants principaux.
- Un grand prix a été voté à M. Luther, de Saint-Pétersbourg, pour ses envois très intéressants au strict point de vue industriel. M. Luther fabrique des meubles, des banquettes, des chaises, des malles, voire des pirogues, en bois jaunes ajourés et décorés par de curieux procédés purement mécaniques.
- M‘ue Mamontova et la princesse Stcherbatova exposent également à la section, des meubles décorés de céramiques barbares ou affectant des formes frustes ou massives qui m* nous font pas oublier leurs envois du village russe.
- Citons encore les cadres byzantins ornés de jolies sculptures sur bois de M. Gessel (médaille d’argent); les meubles, les cadres et les glaces Louis XV de M. Possé (médaille d’argent); les meubles capitonnés de M. Siwiine; les meubles artistiques de M. Korovine, de Moscou.
- Une médaille d’or a été décernée à I’Ecole centrale de dessin du baron Stieglitz , digne émule des institutions analogues que nous avons louées en Autriche, en Hongrie, en France, etc., qui, outre de très beaux dessins et de jolis modèles de sculptures sur bois, expose des échantillons de meubles variés et parfaits d’exécution : des banquettes et des escabeaux byzantins en bois sculptés et des reproductions de coffres anciens très étudiées et très soignées.
- Signalons enfin les aquarelles de M. Meltzer, architecte de la reconstitution du
- p.169 - vue 173/484
-
-
-
- 170
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- Kremlin, au Trocadéro, et auteur des belles grilles en fer forgé destinées au Palais impérial. Ses dessins d’intérieurs témoignent d’une science et d’un goût vraiment exquis et tout français.
- SUÈDE.
- La Société Max Sachs (médaille d’or) expose un grand bahut en acajou massif assez pesant de formes, mais infiniment précieux par sa merveilleuse décoration et par son exécution irréprochable. L’architecte en est M. Boberg. L’extérieur est en acajou foncé orné de grandes sculptures figurant des branches et des pommes de pin parmi lesquelles, dans les angles, perchent des oiseaux et s’installent des nids. Au fronton, de riches armoiries, complexes mais bien composées, s’étalent. L’intérieur est un vrai régal de marqueterie fine et blonde, admirablement inscrite et soignée : parmi des tiges et des fleurs errent des papillons et des libellules. L’ensemble est d’une belle richesse, mais donne plutôt l’impression d’un chef-d’œuvre d’artisan, où Ton a multiplié à plaisir les difficultés et les recherches, que d’un meuble-type.
- Les meubles de luxe de M. Mattson (médaille d’argent), qui décorent le salon royal du pavillon suédois, sont conçus selon des formes Empire assez gracieuses et rappellent prochainement les ébénisteries anglaises. Ils comprennent une grande table ronde, un bahut, un divan en acajou et des sièges dorés tendus de soies jaunes. Tout cela est correct et très suffisamment établi. La Société Bodafors (médaille d’argent) nous montre un mobilier de bureau gothique, des sièges de jardin et des petits meubles en sapin d’une fabrication attentive. Il nous faut mentionner encore la Société des Travaux manuels suédois, dirigée par M. Giobel, qui expose de grands et de petits coffres paysans, une banquette et une étagère modern-style.
- La Suède est un pays qui travaille, mais qui, au contraire de sa voisine la Norvège, manque d’idées directrices et semble chercher sa voie au milieu des impressions diverses quelle sollicite ou quelle ressent.
- p.170 - vue 174/484
-
-
-
- MEUBLES DE LUXE ET MEUBLES À BON MARCHE.
- 171
- PAYS DIVERS.
- Le Jury a décerné encore des récompenses tantôt méritées et tantôt décernées à titre d’encouragement et de souvenir, à un certain nombre d’exposants de Suisse, de Portugal, de Grèce, du Mexique, de l’Equateur, de Cuba (parmi lesquels il faut retenir le nom de M. José Pianca) et du Maroc.
- Il a tenu, notamment, à approuver et à féliciter I’École des arts et métiers de Bukarest (médaille d’argent) et les Ateliers de la maison de correction de Misléa, en Roumanie (médaille d’argent), dont les envois intéressants témoignent chez ce peuple d’un sentiment artistique en éveil.
- Il a accordé des médailles d’or à la Commission impériale du Centre et à la Commission impériale du sud de la Chine , pour leurs expositions extrêmement soignées. Bien que conçus selon des formes qui sont bien connues et ne se sont en rien modifiées, il n’en faut pas moins louer ces meubles qui attestent la permanence et la robuste survie d’un art et d’une pratique séculaires. Une médaille d’argent a été également décernée à l’intéressante exposition du Gouvernement coréen, à Séoul.
- Enfin le Gouvernement siamois s’est vu attribuer un grand prix pour ses meubles, qui dénotent une industrie locale assez active, pour ses petits bureaux en forme de pagodes, ses portemanteaux et ses tables de constructions assez particulières.
- Mentionnons aussi la médaille d’argent obtenue par l’exposition collective de l’Australie occidentale, où, avec un très joli buffet, œuvre de M. Howith, sont présentés des échantillons de bois fort curieux.
- p.171 - vue 175/484
-
-
-
- p.172 - vue 176/484
-
-
-
- CLASSE 70
- Tapis, tapisseries et autres tissus d’ameublement
- RAPPORT DU JURY INTERNATIONAL
- M. PAR FERDINAND LEBORGNE
- FABRICANT DE TAPIS ET D’ETOFFES POUR AMEUBLEMENT MEMBRE DE LA CHAMBRE DE COMMERCE DE ROUBAIX (NORD
- Gn. XII. — Cl. 70. i3 niPTWUEME NATION A I.K
- p.173 - vue 177/484
-
-
-
- p.174 - vue 178/484
-
-
-
- COMPOSITION DU JURY.
- BUREAU.
- MM. Legrand (Charles), lissus imprimés d’ameublement [maison Legraud frères] (hors concours, Paris, 1889; président des comités, Paris 1900), président de l’Association générale des tissus et matières textiles, membre de la Commission permanente des valeurs de douane, à Paris, président........................................................ France.
- Lessing (le docteur), professeur, conseiller intime, directeur du Musée
- royal des arts et métiers, vice-président......................... Allemagne.
- Leborgne (Ferdinand), tapis et étoffes d’ameublement (grand prix,
- Paris 1889; comités, Paris 1900), à Lannoy (Nord), rapporteur.. . . France.
- Chanbe (Léon), tissus, velours et peluches cl’ameublement (comité
- d’installation, Paris 1900), à Paris, secrétaire.................. France.
- JURÉS TITULAIRES FRANÇAIS.
- MM. Caïn (Henri), artiste peintre (comités, Paris 1900), à Paris.......... France.
- Chatel (Louis), soieries pour ameublement [maison Chatel et V. Tassi-nari] (grand prix, Paris 1889; comité d’admission, Paris 1900), à Lyon................................................................. France.
- Chovo (Félix), directeur de la Compagnie française du linoléum (médaille d’or, Paris 1889; comités, Paris 1900), à Orly (Seine)........ France.
- Cornille (Georges), soieries et velours pour ameublement [maison Cor-nille frères] (comités, Paris 1900), juge au tribunal de commerce de la Seine, à Paris.................................................... France.
- Déforge (René), broderie et passementerie pour ameublement (comité
- d’admission, Paris 1900), à Paris............................... France.
- Guiffrey (Jules), membre de l’Institut, administrateur de la Manufacture nationale des Gobelins (vice-président des comités, Paris 1900), à Paris................................................................ France.
- Simon (Henri), étoffes pour ameublement (médaille d’or, Paris 1889;
- comités, Paris 1900), à Paris........................<............ France.
- JURÉS TITULAIRES ÉTRANGERS.
- MM. Badin (Jules).................. ...................................... Bosnie-Herzégovine.
- Salanson (Gabriel), secrétaire d’ambassade en disponibilité......... Bulgarie.
- Purdon-Clarke (C.), C. P. E., directeur du Kensington Muséum, à
- Londres........................................................... Grande-Bretagne.
- Tiiiis (Jens), directeur du Musée des arts et métiers de Trondbjem .... Norvège.
- Mutters (M. J.), architecte, à la Haye................................ Pays-Bas.
- Dikran G. Kélékian (M.)............................................. Perse.
- Viterbo (César), commissionnaire.................................... Serbie.
- Folker (E. G.), attaché au Musée national de Suède.................. Suède.
- Passega (Hector), membre du Comité d’organisation de la section ottomane................................................................. Turquie.
- 13.
- p.175 - vue 179/484
-
-
-
- 176
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- JURÉ SUPPLÉANT FRANÇAIS.
- M. Clair (Maxime), tissus brodés, meubles de fantaisie (médaille d’or, Paris 1889; comités, Paris 1900), à Paris................
- JURÉS SUPPLÉANTS ÉTRANGERS.
- MM. Ablett (W. J.)........................................................
- Farago (Edmond), professeur à l’École supérieure des arts et métiers,
- à Budapest........................................................
- M"’° Semetciikine (Tatiana), supérieure du gymnase de demoiselles Alexandre, à Saint-Pétersbourg.......................................................
- France.
- Grande-Bretagi
- Hongrie.
- Russie.
- p.176 - vue 180/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- AVANT-PROPOS.
- Dans l’éblouissement des merveilles qu’a fait surgir de toutes les parties du monde cette magnifique et grandiose Exposition universelle internationale à laquelle, sur l’invitation de notre belle et chère France, toutes les nations ont tenu à honneur de participer officiellement, nous arrivons à nous demander ce que nous devons le plus admirer : ou du génie humain qui, s’affirmant sous des formes si diverses et par tant d’artistes différents, a conçu ces innombrables chefs-d’œuvre qui, dans tous les groupes, dans toutes les classes, forcent l’admiration du monde entier; ou du laborieux travail de l’intelligent artisan qui, par son habileté professionnelle, ses patientes recherches, et souvent aussi par son initiative personnelle, est parvenu à mettre à exécution ces conceptions géniales qui, de prime abord, paraîtraient irréalisables.
- Notre champ d’exploration, bien que limité à la Classe 70, nous a pourtant fourni un vaste sujet d’études, caria France, avec ses colonies et ses protectorats, ainsi que les nations étrangères, ont livré à notre examen quantité de produits divers, tous plus intéressants les uns que les autres, sous la dénomination de : tapis, tapisseries et autres tissus d’ameublement, comprenant en outre les todes cirées, linoléums, cuirs décoratifs, ainsi que les dessins industriels se rapportant à ces diverses productions que, plus loin, nous passerons successivement en revue.
- CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.
- Avant de nous livrer à l’examen approfondi des créations ou productions de chacun des exposants qui ont été jugés dignes des hautes récompenses, il nous a paru intéressant de faire un retour sur le passé, et de nous reporter à cette brillante Exposition de Paris en 1889, que, tous, à l’époque, nous pensions impossible de voir surpasser. Ceci nous permettra de nous rendre compte des progrès réalisés en l’espace de ces onze années dernières, tant par nos manufactures nationales que par les industries qui font partie du domaine qu’il nous appartenait de fouiller et d’étudier à fond.
- En 1889, la note dominante en ce qui concerne la grande industrie du tapis et de l’ameublement était orientale.
- Cédant aux besoins de la mode, à l’engouement du public qui ne rêvait que tapis et tentures aux colorations vives, aux fonds géométriques ou fantasques, produits émanant
- p.177 - vue 181/484
-
-
-
- 178
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- de la Perse, de l’Asie Mineure ou des Indes, tous nos importants industriels s’étaient ingéniés à nous montrer, en qualités de moindre valeur peut-être, mais à des prix qui défiaient toute concurrence, des tapis et des carpettes dont l’aspect des dessins et des coloris rappelait absolument celui des tapis d’Orient.
- Les étoffes pour ameublement étaient inspirées des mêmes données; le public était engoué de ces tentures orientales aux coloris chatoyants, dont il recherchait les imitations persanes ou indiennes, tant pour rideaux et portières que pour sièges (imitations dont les dessins de Karamanie fournissaient les principaux éléments).
- A l’exception de quelques dessins timidement exposés, les styles Louis XV et Louis XVI — qui, les années précédentes, avaient été si recherchés pour les étoffes d’ameublement— avaient, chez nos principaux producteurs de tapis et d’ameublement, exposants de France et de l’étranger, cédé la place aux tapis et aux étoffes de genre oriental. Ce genre comporte des formes capricieuses qui permettent, sans que l’œil s’en trouve heurté, de bizarres, mais harmonieuses combinaisons de tons chauds, qui jureraient assemblés dans des compositions de nos styles Louis XV et Louis XVI si français et qui exigent des colorations si délicates.
- De la minutieuse enquête et de l’attentive étude que nous avons faites au cours de nos visites aux divers exposants de la Classe 70, de France et de l’étranger, il nous paraît résulter que, dans l’ensemble des productions industrielles du tapis, si nous exceptons la fabrication des tapis à points noués qui, en majeure partie, reste fidèle à la tradition d’incessante reproduction des formes et des colorations chaudes si chères à l’Orient, une voie toute différente a été suivie depuis i88q.
- Nous montrerons plus loin que la même évolution s’est produite pour les étoffes d’ameublement.
- S’il est encore montré quelques productions du genre oriental, ce n’est, pour ainsi dire, que pour mémoire.
- Il est laissé aux véritables amateurs, qui savent et veulent y mettre le prix, les riches tapis cl’origine non douteuse, de Smyrne ou de Lahore (tapis à points noués), de fabrication à la main qui se fait également à Aubusson (Creuse) et à Tourcoing (Nord). Quant aux personnes dont la situation plus modeste ne permet pas l’achat de ces somptueuses carpettes orientales, et qui ne recherchent dans le tapis qu’un peu de confort, en clés dessins de fleurs ou de fantaisie, elles adoptent ces qualités de moquette établies à très bas prix au moyen de métiers mécaniques à la Jacquard dont le fabricant trouve, grâce à cette clientèle nombreuse, l’alimentation constante.
- Dans la section française, en effet, si nous examinons la fabrication mécanique du tapis à la Jacquard, nous ne voyons guère que la maison Duquesne et C10 qui, par son application à la mécanique d’un système breveté dont elle a tiré un excellent parti, nous montre encore, en de très belles qualités, des tapis de genre et de coloris tout à fait orientaux (nous aurons occasion de revenir sur cette fabrication excellente du tapis dit tapis parisien, dont l’envers entièrement recouvert de laine assure au consommateur un emploi sérieux de son tapis, ainsi qu’une très longue durée); mais encore, à côté
- p.178 - vue 182/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- 179
- de ses tapis de genre oriental, M. Duquesne cédant, lui aussi, aux tendances du jour, au flot envahisseur dont nous allons étudier la cause et le mouvement, a-t-il également exécuté des tapis du genre que nous qualifions de moderne (parce que le public le désigne ainsi), et ce mot nous amène forcément à l’étude d’une évolution qui, incontestablement, s’est produite en ces dernières années et se poursuit de façon indéniable à l’heure actuelle, tant dans la production des tapis que dans celle des étoffes pour ameublement.
- NOTES SUR L’ART dit MODERNE.
- Avant d’entrer dans le vif de cette question d’art dit moderne, qui a le don d’irriter certains tempéraments d’artistes et de connaisseurs, de commerçants et d’industriels même, dont nous admirons la valeur et le mérite autant que nous aimons à en provoquer la bien instructive controverse, nous tenons à ce que le lecteur qui se hasardera à tirer ces notes de l’obscurité poudreuse à laquelle sont généralement voués les rapports d’Expositions, trouve ici l’étude consciencieuse, l’état d’âme, si j’ose m’exprimer ainsi, de cette pléiade d’évolutionnistes qui, dans nos industries d’art décoratif, s’ingénient à l’heure actuelle à sortir des styles déterminés, pour se mettre vaillamment à la recherche et aller à la découverte d’un art ornemental nouveau.
- Nous n’ignorons pas que ce simple énoncé, près de nombre de connaisseurs éclairés, d’amateurs consciencieux et sincères, équivaut presque à une déclaration de guerre; que la seule dénomination d’art nouveau, d’art moderne, nous vaudra leur réprobation, si elle ne nous attire pas en plus la qualification de vandale; car pour beaucoup l’évolution qui se produit actuellement en dehors de tout style connu n’est considérée que comme une aberration du goût et un engouement momentané qui cesseront prochainement et qui consacreront à jamais le retour du public au goût des styles français dont nous sommes tous si justement fiers.
- Nous sommes, certes, bien loin de nier que la tendance des nations allemande et anglaise (pour ne citer que celles-là) à s’éloigner de nos styles provient surtout de ce que les derniers siècles écoulés n’ont pas chez elles (comme nous avons la gloire et l’orgueil de l’avoir chez nous) laissé l’empreinte ineffaçable, les traces indélébiles de formes caractéristiques constituant un style propre à chaque époque, à chaque période de leur histoire. N’ayant rien ou presque rien à leur actif, il est, nous a-t-on dit, tout naturel que ces nations cherchent un genre à elles, un style, si vous voulez, qui leur soit propre; mais nous, Français, qu’avons-nous besoin de nous mettre à leur remorque, qu’avons-nous à gagner dans cette voie?
- Je répondrai plus loin à ce raisonnement subtil, mais illogique.
- N’avons-nous pas, nous dit-on, l’embarras du choix pour la décoration de nos demeures et de nos mobiliers? Les études si savantes, dues aux patientes recherches de Viollet Leduc, ne nous ont-elles pas appris tout ce que l’art roman du moyen âge et le gothique du xn° au xve siècle ont de sévère et de décoratif tout à la fois?
- p.179 - vue 183/484
-
-
-
- 180
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- En style Renaissance, les châteaux d’Amboise et de Blois ne nous montrent-ils pas comment a succédé au gothique flamboyant de la fin du xvc siècle cette belle période dont nous conservons jalousement des chefs-d’œuvre impérissables?
- Puis, sous François Ier, nous subissons l’influence florentine, grâce au talent de ces inimitables maîtres, le Primatice, le Rosso, qui décorèrent Fontainebleau.
- Henri II et Catherine de Médicis nous restituent ensuite un art d’un génie bien français. Les œuvres de Philibert Delorme, Pierre Lescaut, Jean Bullant sont les pierres fondamentales de l’édifice des styles bien français qui vont se succédant sans interruption.
- Sous Henri IV, époque de transition, s’éteignent les reflets du xvi° siècle.
- L’époque Louis NUI nous amène les formes sévères dont les lignes sobres nous révèlent un style nouveau plein de noblesse et de grandeur.
- Puis, c’est la période du grand roi Louis XIV. Sous l’impulsion de ce monarque, les arts, les lettres, les sciences atteignent au plus haut degré. Ses ministres, Colbert et Louvois, impriment à cette époque un caractère grandiose que jamais n’avaient atteint les arts somptuaires de la décoration ornementale. Sous ce règne et sous la direction de Le Brun, la manufacture des Gobelins (fondée en 1601, sous Henri IV, mais définitivement établie en 1662) produit cette inoubliable série de tapisseries merveilleuses qui sont restées nos meilleurs modèles du style décoratif.
- Puis, au xviii0 siècle, les arts intimes du mobilier nous montrent comment l’élégance si raffinée du Régent transforme la rigide majesté, la symétrie des ornements, l’harmonie des lignes du style Louis XIV, en des contours capricieux, irréguliers, mais pleins de grâce qui, sous la dénomination de style rococo, nous rappellent de si exquise façon, dans ce style Louis XV, la Pompadour et ce maniérisme exagéré dont les délicieuses peintures de Boucher, de Watteau, de Vanloo nous ont laissé en tant de chefs-d’œuvre l’aimable et gracieux souvenir.
- La fin du xviii0 siècle, avec Louis XVI, reprend une correction de lignes qui s’écarte de la mignardise des formes si fort en faveur sous le règne précédent.
- L’art du mobilier atteint en grâce et en légèreté les perfections de Boulle (André), sous Louis XIV, et de dressent, sous Louis XV, avec, comme maîtres ébénistes, Riesener et Oëbeu et, comme ciseleurs, Gouthière et Thomire. Que d’ingénieuses compositions ont été produites en soieries brochées de Lyon, pour servir de tentures et de sièges à des meubles Louis XVI dus au génie créateur de ces artistes ! Qui de nous n’a longuement admiré, dans les vitrines du musée industriel de Lyon, les créations si gracieuses et si délicates de l’habile et savant artiste dessinateur Philippe de Lasalle, dont les fabricants lyonnais ont de façon supérieure interprété l’idée et si magistralement exéculé les œuvres !
- Nous avons donc à notre acquit les riches broderies de la Renaissance, les splendides brocarts de Louis XIII, les damas et les superbes velours de Gênes de Louis XIV, les soieries et les lampas de Louis XV, les taffetas brochés de Louis XVI, puis nous arrivons à la Révolution, qui dispersa toutes ces richesses.
- p.180 - vue 184/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- 181
- Sous le Directoire et le premier Empire, Napoléon Bonaparte rêve d’imposer, lui aussi, un style à son époque, et, dès lors, une réaction complète nous fait revenir aux Grecs et aux Romains; de là cette rigidité voulue des meubles et de l’art décoratif en général qui caractérise cette époque sous le nom de style Empire.
- L’art industriel, éclipsé sous Louis-Philippe, ne renaît qu’avec le second Empire pour nous ramener aux plus luxueux mobiliers et aux styles de tous les siècles écoulés, styles que depuis lors nous reproduisons sans relâche.
- Eh bien, nous dira-t-on, n’avez-vous pas là de quoi satisfaire aux goûts des plus exigeants?
- Quel besoin ressentez-vous d’un style nouveau?
- La France, répondrai-je à cette boutade, a toujours été à la tête des mouvements artistiques, littéraires ou scientifiques. Son génie créateur s’en fait gloire.
- Au moment où les nations étrangères semblent vouloir s’affranchir de sa tutelle, abandonner presque complètement ses styles, tradition des siècles passés, et rechercher un style nouveau, la France se doit à elle-même de ne pas se traîner à leur remorque, mais de prouver au monde que, dans la pléiade d’artistes qui font son illustration la plus pure, il en est qui, par leurs géniales créations, sauront, à la recherche de ce style nouveau, trouver les lignes et les formes qui le constitueront; ils y apporteront, avec l’amour de la nature, ce bon goût, cette grâce, cette clarté, ce cachet d’élégance qui font le charme de la majeure partie des créations françaises, qualités maîtresses qui, nous devons bien le constater, ont, à de rares exceptions près, fait complètement défaut dans les compositions d’art décoratif industriel que nous avons été appelé à examiner et étudier avec nos collègues du Jury, dans les vitrines des exposants de notre classe des nations étrangères.
- Encourageons donc tous nos artistes, au lieu de les rebuter, depuis l’architecte de nos palais et de nos demeures jusqu’au plus modeste dessinateur industriel; engageons-les à se mettre avec ardeur au travail, afin de ne pas se laisser distancer. Les efforts de ces vaillants pionniers feront, j’en ai la ferme conviction, reconnaître à l’étranger que la France est toujours à la tête du mouvement artistique et que, forcément, il faut recourir à son génie créateur, suivre son impulsion et adopter ses productions nouvelles, de quelque nom qu’il plaise de les parer.
- Le rôle du rapporteur (tel que nous le comprenons) n’est pas, dans le but de plaire à une coterie quelconque, de n’adresser à chacun que des louanges. Sa devise doit bien plutôt être celle du poète: «Aimez qu’on vous critique et non pas qu’on vous loue». Il doit, à notre avis, faire connaître le résultat des études approfondies qu’une longue pratique de sa profession lui permet d’avoir faites, et s’ingénier à les rendre profitables à ceux qui voudront s’inspirer de ses critiques et de ses convictions impartialement exprimées.
- Si donc les impressions que je vais essayer cl’esquisser à grands traits ne sont pas de nature à complaire à tous, qu’il soit bien entendu quelles ne sont que le compte rendu d’impressions traduites par nombre d’artistes, de négociants et d’industriels con-
- p.181 - vue 185/484
-
-
-
- 182 EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- suites, et que je suis heureux de remercier ici du concours éclairé qu’ils ont Lien voulu m’apporter.
- Si, par ce travail consciencieusement établi, j’ai pu rendre à Tun de nos industriels de l’ameublement ou du tapis le moindre service, je me trouverai largement récompensé de mes efforts.
- EVOLUTION DU TAPIS ET DES ETOFFES D’AMEUBLEMENT VERS LE GENRE MODERNE.
- La surabondance d’objets représentant en qualités de prix très dissemblables des formes et des colorations sensiblement pareilles, sinon complètement similaires, a, de tout temps, eu pour résultat de détourner le public du courant qui, jusque-là, l’entraînait vers ces choses qui avaient obtenu toutes ses faveurs.
- Le tapis et les étoffes pour ameublement, articles décoratifs par excellence, ne pouvaient échapper à cette tendance du public de vouloir, à tout prix, trouver du non-vu; car, il faut bien le reconnaître, depuis vingt ans, on lui avait servi de l’oriental à satiété, et il en était saturé. Qui sait s’il n’y reviendra pas plus tôt qu’on ne le saurait prévoir?
- Or l’Angleterre, depuis nombre d’années déjà, cherchait, avec l’école de William Morris, à s’affranchir de nos stvles et, grâce à des compositeurs, artistes dessinateurs gagnés chez eux à la cause de l’art moderne, avait produit (indépendamment de ces jolis velours de coton imprimés, d’effets soyeux et si riches, se prêtant aussi bien à la tenture décorative qu’à la garniture des sièges) de très curieuses étoffes agrémentées de dessins originaux, bizarres, et pompeusement désignées style Liberty. Bien que ces compositions, aussi audacieuses que les coloris en lesquels elles étaient exécutées, nous parussent peu compatibles avec le goût français, nous devons néanmoins reconnaître que l’Angleterre avait, avec ses étoffes modernes, produit une note nouvelle qui fit sensation en France, en Allemagne et dans toute l’Europe.
- Nos dessinateurs artistes industriels français s’inspirèrent de l’idée, avec la volonté de la franciser; et, de tous côtés, les maisons de décoration les plus en vue ne tardèrent pas à mettre sous les yeux du public, toujours avide de nouveauté, des étoffes d’aspect nouveau, n’affectant aucun style propre, mais revêtant un cachet de modernisme parfois même outrancier.
- Ce désir insatiable de nouveauté, exprimé par nombre de consommateurs, amena bientôt certains industriels à s’affranchir de toute routine les enfermant dans le cercle étroit des styles déterminés et à rechercher dans des compositions osées, qui paraissaient même risquées, pour le tapis, la stylisation de la jleur. Dans cet ordre d’idées, sans parler des essais tentés d’abord en Angleterre, en des tapis dont la coloration ne visait que son propre niarché, nous citerons comme pionnier dans cette voie d’émancipation M. Antoine Jorrand, fils de M. Jorrancl, l’un des associés de la Société Croc père, fils et Jorrand, si honorablement connue, dont le siège est à Aubusson, qui, dès 1892, sous l’influence et la poussée d’artistes amis dont il appréciait hautement les
- p.182 - vue 186/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- 183
- tendances et les efforts, composa lui-même les dessins, et fabriqua dans ses établissements d’Aubusson les premiers tapis de genre moderne qui furent mis en vente sur le marché français. (Nous aurons plus loin l’occasion de démontrer que M. Jorrand a poursuivi son idée et que les créations qu’il nous montre à son exposition, Classe 70, sont, en majeure partie, des tapis et des tapisseries d’art moderne.) Dieu sait quel tollé général ce fut lorsque parurent ces premiers tapis dus à un artiste fasciné par la nature qu’il étudie sans relâche, et qui recueille comme des trésors les admirables conseils quelle ne prodigue qu’à ceux qui l’aiment de toutes leurs forces.
- Jamais, entendions-nous dire alors, jamais le goût français ne permettra semblable aberration. On allons-nous? Que va devenir l’industrie du tapis, si, abandonnant le genre oriental et tous nos styles préférés, Louis XIII, Louis XV et Louis XVI, sans parler du Louis XIV et de l’Empire, les grands producteurs mécaniques croient devoir exécuter et espèrent nous imposer de telles élucubrations? Et chacun alors de crier à la décadence de l’art ornemental du tapis.
- Survient alors l’Exposition de Chicago 1893, suivie en 1896 par celle d’Anvers, en laquelle les tapis de fabrication française furent largement représentés.
- Déjà l’on se faisait à l’idée que peut-être l’innovation d’un genre moderne après tout avait du bon, et chacun de nos industriels du tapis et de l’ameublement commença timidement d’abord, plus ouvertement ensuite, à engager nos artistes et dessinateurs industriels à s’essayer en ce genre tout nouveau pour eux et en lequel , il faut bien l’avouer, fort peu réussirent tout d’abord.
- L’Exposition de Bruxelles en 1897 nous prouva qu’en quelques années l’idée moderne appliquée au tapis avait fait du chemin. C’est qu’en ce court espace de temps il s’était fait aussi toute une révolution dans la composition et dans la production des étoffes pour ameublement.
- Les polémiques aussi courtoises que nombreuses engagées dès 1896 entre les artistes peintres, critiques d’art et dessinateurs affirmant leur désir, nous dirons plus, leur volonté de créer de toutes pièces un art ornemental nouveau, ne nous ont-elles pas, à tous, ouvert aussi des horizons nouveaux? Ne voyons-nous pas aujourd’hui, à côté des dessinateurs de haut mérite industriel et de réputation solidement et honorablement établie, tels que : MM. Arthur Martin et Coudert, Tetrel, Gros-Renaud, Besson, Ruepp, Stiers et Dupont, etc., des artistes peintres de la valeur de MM. Guérin, Grasset, de Feure, Aubert, Lionel Peraux, Karbowsky, etc., s’intéresser à composer des dessins pour étoffes, et à faire produire par des procédés mécaniques de superbes tapisseries d’art moderne nécessitant de très ingénieuses et fort compliquées combinaisons de coloriage au moyen de fardages (fondus obtenus par le mélange des chaînes et des trames entre elles)?
- Ne sont-ils pas arrivés à produire ainsi (et à des prix extrêmement avantageux) des panneaux décoratifs étincelants de lumière, de fraîcheur et de vie?
- Ces efforts, direz-vous, constituent-ils ce style nouveau tant rêvé, tant annoncé, et qu’en clôturant cette merveilleuse et grandiose Exposition ce siècle serait si désireux de
- p.183 - vue 187/484
-
-
-
- 18/i
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- s’approprier? Les expositions et les concours de l’Union centrale des Arts décoratifs ont-ils aidé à découvrir ce style tant désiré ?
- Une recherche constante de tous vers un même but arrive forcément à produire une évolution; mais, hélas! un style ne se peut produire par un seul effort de volonté.
- L’histoire est là, (pii nous apprend qu’un style ornemental ne naît pas d’un seul coup, mais qu’il est l’effort de tout un peuple travaillant sous une direction fermement imprimée.
- Le nouveau style est en gestation; à sa recherche, nombre de dessinateurs s’égarent en des compositions qui sont bizarres, trop fantasques et nullement séduisantes; mais certains d’entre eux, s’écartant, et avec raison, du genre Liberty, qui cherchait à s’imposer en France, produisent en genres fleuris des compositions modernes, parfois ravissantes, et si ces dessins obtiennent actuellement la faveur du public, c’est qu’ils sont d’un emploi qui correspond à un besoin pour certains appartements meublés selon le goût moderne. Nous allons essayer de l’expliquer.
- I)E L’INFLUENCE DE L’ART MODERNE SUR LE GOÛT FRANÇAIS.
- Dans ce chapitre nous n’envisageons l’Art nouveau que dans ses productions industrielles susceptibles d’alimenter la grande industrie mécanique, et non dans ses produits de tapisseries artistiques de haute et de basse lisse de nos manufactures nationales qui, ne s’adressant pas au même public, à la même clientèle, feront plus loin l’objet d’une étude spéciale.
- Il est indéniable que la tendance que, depuis nombre d’années, nous avions à vouloir remonter le cours des siècles, restant pour ainsi dire absorbés dans la contemplation des styles français qui constituent ce merveilleux patrimoine artistique que nous jalousent les autres nations, mais qui ne nous procure plus aucune sensation nouvelle, avait causé dans l’art de la décoration par le mobilier une sorte d’arrêt dans la création de modèles nouveaux.
- Par les incessantes reproductions (faites en étoffes de toutes qualités et de tous prix) de dessins des xvii° et xvuf siècles, l’art industriel s’est trouvé jeté dans une voie sans issue. Si nous persistons dans ces errements, que deviendront nos plus précieuses qualités : le goût, le charme de la composition?
- C’est ce que se sont demandé quantité d’artistes français qui, depuis notre dernière Exposition de i88q, ont tenté mille efforts dans le but de faire sortir du sentier battu des formes conventionnelles les compositions destinées à être reproduites en tapis et tapisseries ou en autres étoffes d’ameublement. Certes, tous leurs essais osés, toutes leurs compositions fantaisistes n’ont pas, dès leur début, trouvé grâce devant le public habitué à d’incessantes imitations de ce qui a été fait avant nous, imitations plus ou moins habiles, plus ou moins fidèles auxquelles il était d’usage de sacrifier; mais leurs efforts n’ont pas été faits en pure perte, car si, en dehors de la Classe 70, qui nous occupe, nous jetons un coup d’œil impartial sur les produits d’ordre bien différent ex-
- p.184 - vue 188/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSES D’AMEUBLEMENT.
- 185
- posés çà et là, nous voyons, par exemple, que la joaillerie a, depuis plusieurs années déjà, effectué vers le goût moderne, vers l’art nouveau, une savante évolution très appréciée de tous; que l’industrie du papier peint est, ainsi que celle de l’impression sur étoffes, sérieusement engouée de modernisme, et nous ne pouvons nier que les œuvres des céramistes comme les ouvrages que nous montrent cette année les tapissiers et les décorateurs sont en grande partie empreints, eux aussi, de cette tendance à sortir des styles de convention.
- Ne croyez pas que nous ayons l’intention de prétendre que nos styles des xvi°, xvne et xvme siècles doivent être à jamais bannis de nos demeures pour être remplacés par un style unique dont les formes, à l’heure actuelle, ne sont même pas encore établies : loin de notre pensée une telle hérésie; mais ce que nous tenons à affirmer hautement, c’est la conviction sincère que nous avons, que si, dans son culte un peu banal pour l’art de tous les temps, le xixe siècle a hésité, le xxe aura son style né d’un accord qui s’établira entre la nature directement consultée et nous-mêmes. Ne voyons-nous pas en effet, de tous côtés, le public s’intéresser à ces productions d’art nouveau? Qui pourrait nier, par exemple, le vif intérêt que durant tout le cours de cette Exposition le public n’a cessé de porter aux produits de goût essentiellement moderne si artistement présentés par l’Union centrale des Arts décoratifs d’une part, et de l’autre par la maison Bing en les divers salons de son pavillon somptueusement érigé près de la rue de Constantine?
- Nous ne formulons pas une telle opinion sans nous être longuement renseigné près des maisons auxquelles s’adressent ces amateurs de non-vu. Que nous a-t-il été dit? En attendant que des formes nettement déterminées, tant par l’architecture de nos palais et de nos habitations que par la sculpture et l’industrie du meuble en bois, puissent constituer un style nouveau, auquel s’approprieront de riches étoffes spécialement composées et produites en vue de l’ameublement de somptueux salons, les clients, aujourd’hui, tiennent presque tous à posséder, soit à la campagne, soit en ville, en des appartements de fantaisie (boudoirs, petils salons, chambres à coucher, etc.), des étoffes en dessins d’art moderne dont l’aspect décoratif soit totalement différent de celui de leurs appartements meublés selon leur style préféré.
- La province elle-même, rebelle tout d’abord à ces dessins quelle trouvait excentriques et hors d’emploi, semble (aujourd’hui que nos productions se sont sensiblement éloignées du genre Liberty tant goûté du public anglais) leur accorder ses faveurs. Aussi le fabricant qui, dans l’ensemble de sa collection de nouveautés, n’a pas à offrir à sa clientèle, en étoffes ou en tapis de prix variés, quelques heureuses productions d’art nouveau, voit-il s’échapper pour lui de bien belles occasions d’affaires, car quoi qu’on en puisse dire ou penser, la vie fiévreuse de notre époque qui nous fait aimer les voyages fréquents en pays étrangers nous fait, au retour, éprouver cette sensation que partout l’étranger s’est jeté à corps perdu dans les créations d'art nouveau et, de là*, découle cet impérieux besoin de trouver dans des compositions françaises de délicates créations nouvelles et sortant complètement de tout ce qui nous a été montré jusqu’à ce jour.
- p.185 - vue 189/484
-
-
-
- 186
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- EXPOSÉ.
- Trouver un système de classification qui satisfasse aux intérêts de tous les exposants est chose impraticable : chaque système a ses inconvénients et peut toujours soulever des critiques. Au cours même de cette brillante Exposition, n’avons-nous pas entendu certaines personnes trouver étonnant de ne pas voir réunies à celles de la Classe 70, dans le même palais des Invalides, les étoffes d’ameublement, soieries lyonnaises, italiennes, allemandes, russes et japonaises qui faisaient au Champ de Mars le plus bel ornement, le grand attrait de la Classe 83, Groupe XIII?
- Pour elles, tout ce qui a trait aux étoffes d’ameublement eût dû se trouver concentré dans un même palais, sinon réuni en une seule et même classe; car elles n’ont pas apprécié que le principe même de cette grande leçon de choses qu’a été cette Exposition voulait, en séparant les soieries proprement dites des autres tissus d’ameublement, tenir avec les soieries pour robes, près de la section séricicole, toutes les étoffes issues de ces soies de qualité supérieure dont Lyon fait sa spécialité si universellement répandue et si justement réputée.
- Cette division, nous n’avons personnellement à la regretter que pour une critique que nous eussions certainement exercée en passant en revue l’exposition italienne où, parmi les soieries pompeusement étalées, nous avons eu occasion de remarquer deux dessins servilement copiés d’après des modèles fabriqués par deux producteurs français, qui eux-mêmes les exposaient dans leurs vitrines de la Classe 70. Ces fabricants italiens n’auraient pu invoquer l’alibi d’une rencontre d’idée relevée d’après un ancien document, car, pour approprier à leur étoffe les dessins de l’ancienne soierie dont ils étaient inspirés, nos fabricants français avaient dû recourir à des dessinateurs qui avaient ajouté à celles du document original quelques formes supplémentaires qui se trouvaient également reproduites dans les étoffes des deux fabricants italiens.
- Nos collègues du Jury savent, comme nous, combien est irréalisable le rêve de classer dans une seule et même section les divers produits d’industries similaires. Les promenades que nous avons faites à travers toutes les classes pour nous efforcer d’y trouver les produits de certains exposants, dont parfois même le catalogue ne faisait pas mention, sont trop présentes à notre mémoire pour être oubliées, et si dans notre rapport nous sommes forcé souvent de passer des Invalides aux pavillons et palais de la rue des Nations, puis de là au Champ de Mars et au Trocadéro pour y trouver nos exposants d’Algérie, de Tunisie, d’Indo-Chine ou de Madagascar, ainsi que ceux de Russie et de Finlande, du Maroc, de Guatémala ou de la Corée, il faut nous en excuser et ne voir, en ces recherches qui onf parfois été pénibles, que notre vif désir de donner, dans la mesure du possible, satisfaction à tous les exposants de notre classe.
- Nous avons, en commençant ce rapport, donné la composition de notre Jury; et s’il est pour le rapporteur un devoir agréable à remplir, c’est tout d’abord d’exprimer à ses collègues toute sa reconnaissance pour le précieux témoignage d’estime qu’ils lui ont
- p.186 - vue 190/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- 187
- fourni en lui accordant l’unanimité de leurs voix pour le nommer rapporteur de leur classe; Tentente si cordiale qui, dès notre première réunion, s’est établie entre tous les membres de notre Jury, étrangers ou français, me procure la satisfaction de remercier chacun d’eux du concours aussi éclairé qu’empressé, fourni par tous au bien-fondé des délibérations prises en commun. Tous ont tenu à apporter leur pierre à l’édifice et je suis heureux de témoigner ici à chacun de mes collègues mes sentiments de gratitude pour les renseignements et les explications qu’ils m’ont toujours si aimablement donnés, afin de me rendre moins lourde la tâche qui m’a été imposée.
- Qu’il me soit permis d’adresser à notre si affable et si sympathique président, M. Charles Legrand, un juste tribut d’hommages et de reconnaissance pour la manière libérale et si courtoise toujours avec laquelle il a magistralement dirigé nos délibérations. Je suis certain d’être le fidèle interprète des sentiments de tous mes collègues du Jury en renouvelant à notre président l’expression de notre vive gratitude et de notre entier dévouement, car tous, nous avons hautement apprécié les qualités maîtresses dont il a fait preuve, tant à la présidence des Comités d’admission et d’installation qu’à celle du Jury. La droiture de son caractère, la sûreté de son jugement, son étonnante facilité d’assimilation, jointes à cet accueil toujours si cordial réservé aux plus humbles comme aux plus fortunés de nos exposants, lui ont justement mérité toutes les sympathies.
- Notre dévoué vice-président, M. le docteur Lessing, conseiller intime de l’Empereur d’Allemagne, directeur du Musée royal des arts et métiers de Berlin, a droit, lui aussi, à tous nos remerciements pour le soin tout particulier qu’il a pris d’étudier, avec la conscience et la science de l’érudit connaisseur, chacun des produits exposés en notre classe. Ses avis précieux, ses conseils éclairés nous ont, dans bien des cas, puissamment aidés au cours de délibérations délicates; aussi suis-je heureux de lui rendre ici, au nom de tous ses collègues, un juste tribut d’hommages respectueux et de sincère reconnaissance.
- Nous rendons hommage également à notre vaillant secrétaire, M.Léon Chanée,dont l’obligeant et empressé concours de tous les instants nous a été si précieux. Les procès-verbaux de nos séances fournissent un ineffaçable témoignage de la façon si correcte dont, six semaines durant, M. Chanée a, chaque jour, et sans manquer jamais à aucune séance, rempli cette tâche si ingrate et si minutieuse de secrétaire du Jury. Nous avons tous apprécié l’admirable entrain ainsi que la joviale courtoisie avec lesquels notre dévoué secrétaire s’est acquitté de son difficile mandat; aussi les remerciements que je lui adresse au nom de tous ses collègues du Jury sont-ils aussi sincères que mérités.
- M. le Ministre du commerce, par décret du 18 août, a nommé M. Léon Chanée chevalier de la Légion d’honneur. Cette distinction honorifique, digne couronnement d’une longue et honorable carrière commerciale, a été accueillie avec joie par tous ses collègues du Jury. Nous sommes heureux de le redire ici à M. Chanée en lui renouvelant à ce sujet nos félicitations les plus cordiales.
- Qu’il me soit permis d’adresser à M. J. Guiffrey, membre de l’Institut, administrateur
- p.187 - vue 191/484
-
-
-
- 188
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- de la Manufacture nationale des Gobelins, et à M. J. Badin, administrateur de la Manufacture nationale de Beauvais, un remerciement tout spécial pour les renseignements aussi intéressants que précis qu’au cours des visites faites à leurs manufactures ces Messieurs ont eu la bonté de donner au rapporteur pour l’aider dans l’étude et dans l’exacte appréciation des produits si artistiques, tapisseries ou savonneries, exposés par nos manufactures nationales.
- Enfin je dois à mon excellent collègue, M. Chovo, l’habile et intelligent directeur de la Manufacture française de linoléum, un tribut tout particulier d’hommages et de reconnaissance, car avec la modestie sous laquelle M. Chovo sait si habilement dissimuler son savoir cet aimable collègue a eu l’extrême obligeance de se charger de fournir au rapporteur toutes les notes intéressant les produits exposés en notre classe sous la dénomination de linoléums, toiles cirées, cuirs repoussés ou factices, etc., articles en lesquels la haute compétence de M. Chovo a pu être appréciée de tous ses collègues durant le cours de nos visites aux exposants de notre classe. Aussi prions-nous M. Chovo de recevoir ici, avec les remerciements de tous ses collègues, l’assurance de notre bien sincère et bien profonde reconnaissance, ainsique nos félicitations les plus chaleureuses au sujet de sa nomination de chevalier de l’Ordre de la Légion d’honneur. Cette haute distinction dont le Ministre du commerce Ta récemment honoré est la digne récompense d’une vie toute de travail et d’honneur; aussi nous en réjouissons-nous avec ses nombreux amis.
- Les procès-verbaux des séances de notre Jury, tout en témoignant de la parfaite entente existant entre tous ses membres, montrent aussi le soin minutieux avec lequel M. Charles Legrand et ses collègues examinèrent les produits des 509 exposants de notre classe, convoquant certains d’entre eux, écoutant leurs observations, recevant leurs lettres, les questionnant sur leur production, le perfectionnement de leurs moyens de travail, leurs progrès, leurs besoins, et étendant la même sollicitude jusqu’aux collaborateurs des exposants, dont ils demandèrent les noms pour les récompenser.
- Désirant donner à chaque exposant, français ou étranger, preuve de l’attention sérieuse avec laquelle il serait procédé à l’examen de ses produits, il fut décidé dès notre première séance qu’il n’y aurait pas de sous-commission déléguée pour la visite de tels ou tels produits exposés dans notre classe, mais que le Jury, au complet, se transporterait à l’emplacement de chaque exposant, préalablement informé de cette visite, à l’effet d’entendre ses explications et de permettre ainsi à chacun des jurés de former son opinion personnelle et de faire, séance tenante, telles demandes qu’il jugerait à propos de formuler à l’exposant, dans le but d’éclairer son jugement et d’établir sa cote en toute connaissance de cause. Aussi, lorsque après les visites faites aux exposants, les membres du Jury se réunissaient en leur salle de délibérations pour contrôler leurs notes, échanger leurs observations et faire la révision des produits examinés, puis-je afïirmer qu’il y avait entre eux entente absolue, et c’est pour le rapporteur une immense satisfaction de constater que, d’un bout à l’autre de leurs travaux, tous les membres du Jury de la Classe 70 sont restés dans un parfait accord.
- p.188 - vue 192/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AETRES TISSES D’AMEEBLEMENT.
- 189
- Leur verdict, ainsi rendu avec toute l’impartialité qu’on est en droit d’attendre d’hommes dont la haute compétence ne peut être mise en doute, n’a pas été sans causer quelques désillusions à certains exposants trop facilement enclins à croire à la supériorité des produits de leur fabrication; c’est, hélas! le fait de tout jugement de ne pouvoir causer à tous une égale joie, mais quand j’aurai rappelé que, pour apprécier la valeur des tapisseries exposées, nous avions au sein du Jury : M. J. Guiffrey, de l’Institut, administrateur de la Manufacture nationale des Gobelins; M. J. Badin, administrateur de la Manufacture nationale de Beauvais; M. le docteur Lessing, directeur du Musée des arts et métiers de Berlin; M. Cliatel, de la maison Chatel et Tassinari de Lyon; M. Purclon Clarke, directeur du Kensington Mifseum de Londres; M. le professeur Fa-rago, de l’Ecole supérieure industrielle de Budapest (Hongrie); M. Folker, attaché au Musée national de Suède; M. Thiis, directeur du Musée de Trondhjem (Norvège); que pour les velours unis et façonnés comme pour les soieries, les panneaux décoratifs, les étoffes d’ameublement et les tapis, soit a la Jacquard, soit aux points noués, nous avions MM. Chanée, Chatel, Cornille, Simon, Leborgne (tous fabricants spécialistes en ces articles), auxquels s’adjoignaient, par leur haute compétence en les tapis aux points noués, notre collègue délégué par la Perse, M. Dikran G. Kelikian; Mmo Semetchkine, déléguée par la Russie; M. Hector Passega, délégué par la Turquie, récemment nommé chevalier de la Légion d’honneur et à qui nous renouvelons nos bien cordiales félicitations; AL Guimet, délégué par le Japon; AL César Viterbo, délégué par la Serbie, et notre collègue délégué par la Bulgarie, AL Salanson, si appréciateur des tapis et tapisseries de fabrication exotique; que, pour les tissus imprimés, nous avions notre président, AL Charles Legrand, notre secrétaire, AL Chanée, ainsi que AL Ablett, délégué par la Grande-Bretagne; pour les broderies, MAI. Deforge et Alaxime Clair, tous deux fabricants spécialement réputés en ces travaux; que, pour les linoléums, cuirs artistiques ou factices, toiles cirées, nattes, etc., nous avions le concours éclairé de notre excellent collègue AL Chovo; que, pour les dessins industriels, en dehors de la compétence de AI AL Guiffrey et Badin, et de tous ceux de nos collègues du Jury qui, comme nous, ont journellement à commander des dessins pour les besoins de leur industrie, nous avions notre aimable et distingué collègue, AI. Henri Cain, dont les connaissances artistiques si approfondies, jointes à celles de nos éminents collègues étrangers, AT AI. Lessing, Farago, Folker, Thiis et Ablett, nous ont rendu les services les plus signalés; quand j’aurai, dis-je, ainsi rappelé la compétence de notre Jury, je croirai pouvoir émettre la conviction que les délibérations prises et qui forment la base de mon rapport l’ont été de telle façon quelles ne puissent laisser à qui que ce soit aucun doute sur la valeur du verdict qui a été rendu.
- Il a été recommandé au rapporteur de faire son rapport complet, sincère, sévère même pour être utile; je me conformerai donc à la volonté de mes collègues, et rendrai compte de l’examen des produits des exposants récompensés par notre Jury dans chacune des 5 catégories adoptées pour notre classement, et ce par nationalité, en commençant toujours par la France et ses colonies.
- Gn. XII. — Cl. 70.
- î h
- p.189 - vue 193/484
-
-
-
- 190
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- DE L’INSTALLATION.
- Les exposants étrangers de la Classe 70 se sont trouvés répartis dans les palais ou pavillons attribués à leurs nations respectives.
- Indépendamment des vastes salons qu’occupaient, à l’étage des palais de droite et de gauche de TEsplanade des Invalides, les Manufactures nationales des Gobelins et de Beauvais [salons dont les surfaces horizontales mesuraient 862 mètres carrés (Gobelins) et 120 mètres carrés (Beauvais), soit 982 mètres carrés, et les surfaces verticales 1,020 mètres carrés (Gobelins) et 322 mètres carrés (Beauvais), soit 1,3/12 mètres carrés] et de l’école Guérin (enseignement normal du dessin), de ho mètres carrés de surface verticale, les exposants français étaient groupés en un emplacement situé au rez-de-chaussée et à l’entrée du palais de gauche. Avec son annexe en contre-bas affectée aux linoléums, cet emplacement représentait les surfaces suivantes: horizontales, 1,777 mètres carrés; verticales, 4,348 mètres carrés. Les surfaces verticales étaient en cloisons d’une hauteur uniforme de 5 mètres.
- Le prix de surface par mètre carré était de 1 2 0 francs ; retour sur l’allée centrale, 100 francs; retour sur les allées latérales, 5o francs.
- Par une délicate attention du secrétaire de notre Jury, M. Léon Chanée, une lettre adressée sous pli recommandé à chacun des exposants de notre Classe 70, le 31 décembre 1900, de façon qu’elle leur parvînt le ier janvier 1901, leur portait un chèque leur faisant remise de 37 p. 0/0 sur l’importance des sommes par eux versées au Comité d’installation : inutile d’ajouter si ces étrennes inespérées furent bien accueillies de tous et si Ton chanta les louanges du Comité d’installation et celles de la bonne gestion du Bureau !
- Du fait de cette remise de 37 p. 0/0, les prix de surface ci-dessus mentionnés étaient abaissés comme suit :
- Le prix de surface par mètre carré, 7 5 fr. 60, au lieu de 120 francs ; retour sur l’allée centrale, 63 francs, au lieu de 100 francs; retour sur les allées latérales, 3i fr. 5o, au lieu de 5o francs.
- Si Ton ajoute aux surfaces occupées par les exposants celles réservées aux diverses allées pour la circulation (1,4/49 m. 70), le total des surfaces horizontales s’élevait, pour l’ensemble de la Classe 70, à 3,226 111. c. 72.,
- Pas plus qu’en 1889 notre Classe ne fut favorisée dans le choix de l’emplacement qui lui fut attribué. Aussi le Comité d’installation, malgré tous ses efforts, eut-il grand’-peine à satisfaire aux demandes exigées par les besoins de nombre d’exposants.
- L’espace trop restreint qui lui fut alloué le mit dans l’obligation d’adopter pour les emplacements réservés aux exposants une distribution analogue à celle qui fut si critiquée en 1889, lors de l’installation de la Classe 21 : salons ou vitrines de profondeur variable^ ayant comme fond une cloison de hauteur uniforme (5 mètres) et séparés entre eux par un passage trop étroit pour permettre aux visiteurs le recul nécessaire à
- p.190 - vue 194/484
-
-
-
- 191
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEURLEMENT.
- l’appréciation des tapisseries ou tapis, des panneaux ou autres étoffes décoratives qui ornaient ces divers salons.
- Le jour lui-même faisait défaut, car le plafond de l’étage surplombait de 12 mètres plusieurs emplacements. A certaines heures de la journée, ce manque de lumière nuisait considérablement à nombre d’étoffes dont il assombrissait les tons de façon désespérante. Aussi quantité d’exposants se virent-ils forcés, les uns de faire vitrer leur plafond, les autres de faire éclairer leur emplacement à l’électricité.
- Combien plus heureuse fut, à cet égard, notre voisine, la Classe 69 !
- Je ne puis me dispenser, pour donner l’idée de la décoration d’ensemble de notre Classe, de rappeler qu’un dôme fut, un peu tardivement, édifié au milieu de l’allée centrale, d’après la maquette et par les soins de l’architecte, M. d’Espouy.
- Dans la Classe 7 0, nous avons eu à examiner les produits de 5 0 9 exposants, ainsi répartis :
- France............................................... 7 5 )
- r , • , , . , r 180 exposants.
- Colonies et protectorats............................. 100 ) r
- Nations étrangères............................................ 329
- Total...................................... 509
- Treize d’entre eux étaient placés hors concours en leur qualité de membres du Jury des récompenses; c’étaient MM. Léon Chanée, Maxime Clair, Félix Chovo (administrateur de la Compagnie française du linoléum Nairn), Georges Cornille (de la maison Cornilie frères), René Deforge, Ferdinand Leborgne, Charles Legrand (de la maison Legrand frères), Henri Simon.
- Ces huit membres représentaient le Jury français de notre Classe 70. Les jurés étrangers ont été mentionnés déjà au commencement de ce rapport.
- Les suivants, ayant été nommés membres du Jury des récompenses dans d’autres classes, se sont trouvés de droit hors concours dans la nôtre ; tel était le cas de MM. J. Godet, membre du Jury de la Classe Al ; G. Motte-Bossut fils, membre du Jury de la Classe 80; H. Saint frères, membre du Jury de la Classe 81; A. Gue'rin, directeur de l’Ecole normale d’enseignement du dessin (Classe A); R. Ramlot, représentant du Siam à la Classe 8A.
- Il a été attribué :
- Grands prix......................................................... i5
- Médailles d’or........................................................ 67
- Médailles d’argent...................................................... 87
- Médailles de bronze..................................................... 88
- Mentions honorables..................................................... 77
- 334
- Total des récompenses.
- p.191 - vue 195/484
-
-
-
- 192
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- Il convient de faire de suite la remarque que, si 1 y 5 exposants n’ont pas obtenu de récompense, cela tient à ce qu’il nous a fallu prendre en considération la demande, formulée par écrit, par laquelle MM. les Commissaires généraux d’Espagne et de Chine nous ont traduit le désir exprimé par leurs nationaux de ne pas concourir, demande à laquelle nous aurions pu ne pas faire droit, mais que, par déférence pour les commissaires généraux de nations étrangères, nous avons préféré satisfaire ; puis, en second lieu, à la quantité d’exposants étrangers qui, après enquête, ayant été reconnus comme n’étant pas les fabricants des produits exposés, n’avaient droit à aucune récompense; et, enfin, à nombre d’exposants de nattes informes ou de morceaux de tapis insignifiants qui ne permettaient pas au Jury de formuler une opinion de nature à motiver la moindre récompense.
- p.192 - vue 196/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT,
- 193
- RÉCOMPENSES ATTRIBUÉES PAR LE JURY ET LEUR RÉPARTITION ENTRE LES DIVERSES NATIONS.
- NOMBRE DE RECOMPENSES DECERNEES PAR LE JURY DE LA CLASSE y O.
- PAYS. NOMBRE des EXPOSANTS. grands prix. M D’OR. ÉDAILLE D’ARGENT. s DE BRONZE MENTIONS HONORABLES. TOTAUX.
- 4 France 75 8 25 27 l6 2 78
- COLONIES ET PROTECTORATS.
- Algérie 63 // 1 6 l8 »7 Zl2
- Côte d’ivoire 1 II II II // 1 1
- Etablissements français dans l’Inde 1 // n U II // II
- Établissements français dans l’Océanie i II n II 1 II 1
- Iudo-Chine 9 U n 1 7 U 8
- Madagascar et dépendances .. 1 // n 1 // II 1
- Mayotte et Comores 1 II u II 1 n 1
- Nouvelle-Calédonie et dépendances 2 // II u 1 n 1
- Réunion 1 h fl II U n fl
- Sénégal et dépendances 1 u u // 1 u 1
- Tunisie 23 // u 1 2 2 5
- Soudan annexé 1 n n // 1 n 1
- nations étrangères.
- Allemagne 29 II 7 k 7 3 21
- Autriche 7 1 1 II 1 n 3
- Belgique 6 u 1 u n n 1
- Bosnie-Herzégovine 2 1 // n fl n 1
- Bulgarie *9 u 2 3 h 2 11
- Chine 3 u // // n u II
- Corée 1 u u n n 1 1
- Cuba 1 II n n fl n //
- Danemark 3 II n u 1 1 2
- Equateur 7 II u « U 7 7
- Espagne h 1 1 // n // 2
- États-Unis 11 // 3 3 u 1 7
- Finlande 10 II 1 à 1 u 6
- Grande-Bretagne h 2 k 9 1 u 16
- Grèce 7 II u 2 1 a 3
- Guatémala 1 II // H u 1 1
- Hongrie 11 II h 2 6 h 16
- Croatie-Slavonie 9 n II 2 II II 2
- • A reporter 3A8 i3 5o 65 70 Ô2 2^0
- p.193 - vue 197/484
-
-
-
- 194
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- PATS. NOMBRE des EXPOSANTS. GRANDS PRIX. M D’on. ÉDAILI.E D’ARGENT. s DE BRONZE MENTIONS HONORABLES. TOTAUX.
- Report 348 i3 5o 65 7° 42 24o
- Italie 1 2 n 2 II 2 2 6
- Japon 3i // î 2 3 *7 23
- Maroc i i // II n II 1
- Mexique 11 // î II u 1 2
- Norvège. ......... 9 // 4 2 // 3 9
- Pays-Bas 4 // î 3 n n 4
- Perse 6 H 2 i u u 3
- Portugal i5 II // n 3 3 6
- Roumanie 23 // 1 2 4 2 9
- Russie 27 II 2 6 6 5 *9
- Serbie 7 II 1 2 u n 3
- Siam i II // 1 n n î
- Suisse 3 n // 1 u 2 3
- Turquie 8 1 II II n II i
- Suède 3 // 2 2 n II 4
- Totaux 5og i5 6 7 CO 88 77 334
- RECOMPENSES ATTRIBUEES AUX EXPOSANTS.
- Grands prix..........
- Médailles d’or.......
- Médailles d’argent...
- Médailles de bronze. . .
- Mentions honorables.. . .
- ( France | Étranger ::::: ;i i5
- ( France et colonies
- ( Étranger 4i j 67
- ( France et colonies 36 j 87
- | Étranger 5i 1
- ( France et colonies 48 j
- ’ ( Étranger | 88
- ( France et colonies
- ' ( Étranger.... 55 77
- Total 33!
- RÉCOMPENSES ACCORDÉES AUX COLLABORATEURS, CONTREMAITRES ET OUVRIERS DES EXPOSANTS.
- [ France 26 \
- Médailles d’or . . | Suède . 1 > 28
- ( Espagne 1 )
- ( France et colonies 73 )
- Médailles d’argent. . . \ Étranger i3 j 86
- A reporter................. 11 4
- p.194 - vue 198/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- 195
- Médailles de bronze. Mentions honorables.
- Report................... ii h
- France et colonies 109 j
- Etranger 119
- France et colonies........ 53 j
- Etranger. i3 j 66
- Total....................... 299
- TABLEAU RÉCAPITULATIF DES RÉCOMPENSES
- DÉCERNÉES AUX COLLABORATEURS.
- NATIONS. GRAND PRIX. MÉDAILLES , MENTIONS HONORABLES. TOTAUX.
- D’OR. D’ARGENT. DE BRONZE.
- F rance Il 26 70 1 o5 /l? 2/18
- Algérie. II // 9 2 6 10
- Madagascar II II 1 2 // 3
- Autriche.. II n t II II 1
- Belgique II n 9 5 3 10
- Bosnie-Herzégovine II u 1 11 h 5
- Croatie n u II II 3 3
- Etats-Unis n u n 2 II 9j
- Finlande n n n II II II
- Grande-Bretagne u n 9 1 n 3
- Hongrie n n 1 II II 1
- Italie H n n 1 1 2
- Serbie u n u II 2 2
- Siam u u 9 U • H 2
- Suède n 1 h 1 II 6
- Espagne n 1 II II II 1
- Totaux u 28 8G 119 66 999
- RECENSEMENT PROFESSIONNEL FAIT EN 1896.
- INDUSTRIES.
- NOMBRE
- TOTAL
- UES PERSONNES
- occupées.
- NOMBRE
- TOTAL
- des
- établissements où travuilli nt plus de 5 personnes.
- RÉPARTITION de ces
- ÉTABLISSEMENTS
- d'après
- LE NOMBRE DES PERSONNES
- occupées.
- 0
- à
- 50.
- 50 Plus
- h de
- 500. 500.
- DÉPARTEMENTS
- où
- SONT OCCUPÉES LE PLUS DE PERSONNES.
- Proportion p. 100
- DU PERSONNEL TOTAL.
- Fabrication de tapis,moqueiles,( 6,000
- carpettes, etc. )
- Fabrication spéciale de tissus ( d’ameublement. j 6,000
- Tapisserie en jonc, nattes, etc. | 60
- Fabricalion de toiles cirées, etc. j 5oo
- Fabrication de linoléums, de\ 600
- cuirs factices, etc. )
- 60
- 38
- 33
- 2 h 28
- Nord........ 35
- Creuse...... 3i
- Nord........ 89
- 3 2 //
- 17 ih 3
- 1 ô 10 U
- u h
- , Seine..... 71
- n ’ Cher...... 12
- ( Eure........ 10
- 1 Seine..... 58
- Jura........ i3
- Rhône....... 11
- p.195 - vue 199/484
-
-
-
- 19G
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- CLASSEMENT DES PRODUITS À EXAMINER.
- La diversité des produits exposés dans notre Classe était des plus intéressantes. Nous avions, en effet, à examiner, à côté des tapisseries de nos manufactures nationales, celles de l’industrie privée, les tapis de toutes provenances, les étoffes d’ameublement, les linoléums, les cuirs repoussés et enluminés, les toiles cirées de tous pays, les nattes et enfin les dessins industriels.
- Pour résumer notre travail, nous l’établirons en cinq catégories bien distinctes :
- «
- lrc CATÉGORIE. --- LES TAPISSERIES.
- J. Manufactures nationales. — Les Gobelins; — béarnais.
- II. Industrie privée. — Tapisseries d’Aubusson.
- III. Nations étrangères.
- 2e CATÉGORIE.-------LES TAPIS DE PIED.
- I. Tapis à points noués et tapis ras, genre Aubusson.
- II. Tapis moquette laine, fabriqués à la Jacquard, en velouté et en bouclé.
- III. Tapis Jacquard, fabriqués en jute ou en coton.
- IV. Tapis de sparterie et nattes diverses.
- 3e CATÉGORIE. ------ LES ÉTOFFES POUR AMEUBLEMENT.
- I. Tissus unis et classiques. — Velours, pannes, peluches, unis et façonnés.
- II. Tissus de crin unis et à la Jacquard.
- III. Tissus mélangés fabriqués à la Jacquard.
- IV. Tissus imprimés.
- V. Tissus brodés, brocliés-brodés, passementeries.
- VI. Toile peinte en imitation de tapisserie.
- 4e CATÉGORIE. ------ LES TOILES CIRÉES.
- Toiles cirées, linoléums, cuirs artistiques et factices.
- 5e CATÉGORIE. ------ LES DESSINS INDUSTRIELS.
- Composés en vue de l’ameublement, du tapis, de l’impression et de la broderie.
- p.196 - vue 200/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- 197
- PREMIÈRE CATÉGORIE.
- LES TAPISSERIES.
- L’année 1900 comptera, dans les annales de la tapisserie, parmi les dates les plus mémoraLles de son histoire, car jamais jusqu’ici aucune Exposition n’avait pu, comme celle qui vient de se clôturer, réunir et montrer à nos yeux éblouis les amoncellements de merveilles que nous avons eu la bonne fortune et la grande joie d’admirer cette année.
- Grâce, en effet, aux généreux envois de nations amies, telles que l’Espagne et la Belgique; grâce aussi aux prêts obligeants de musées, d’églises et d’amateurs éclairés, détenteurs de tapisseries anciennes dont ils nous ont donné la vue, jamais, pouvons-nous dire, plus merveilleux ensemble de richesses n’a figuré dans l’enceinte d’une exposition, ni ne nous a plus authentiquement prouvé les titres de noblesse de cet art par excellence qu’est Part de la tapisserie.
- Rien avant les croisades, en effet, l’art de tisser les tapisseries était en honneur chez les peuples d’Orient, et, bien antérieurement à Père chrétienne, il se produisait, à l’aide de métiers dont les peintures de l’hypogée de Beni-Plassan (Haute-Egypte) nous ont laissé le modèle primitif, des tentures aux riches dessins et aux brillantes couleurs.
- L’usage du fuseau et de la navette était certainement familier à l’homme dans des siècles qui ne nous ont laissé aucun document historique, car nous trouvons qu’au temps de Jacob (1700 ans av. J.-G.) les Egyptiens connaissaient Part de tisser une toile excellente; d’un autre côté, les -étoffes enduites de cire dans lesquelles on enveloppait les morts au temps des premiers Pharaons prouvent que cette industrie avait atteint un étonnant degré de perfection, 2,000 ans peut-être avant que Jacob eût tissé la robe polychrome qui fut à la fois la cause des malheurs et de bétonnante prospérité de son fils Joseph.
- La description que Y Exode fait des tentures qui déc oraient l’intérieur du temple de Jérusalem peut nous convaincre que dès la plus haute antiquité on savait , par la combinaison des fils de diverses couleurs, produire des tissus imitant la peinture. Telles de ces étoffes, brodées à l’aiguille avec un fil de soie, de laine et d’or, avaient reçu le nom (Yopus plumarii (ouvrage de Partisan), parce quelles sortaient de l’atelier du tisserand qui les fabriquait en combinant, à l’aicle de nombreuses navettes, des laines et des soies diversement coloriées.
- A Babylone, on décorait les temples des dieux et les palais des rois de tentures historiées. Les femmes babyloniennes excellaient, au dire d’Apollonius, dans la confection de ces étoffes somptueuses.
- Philostrate nous apprend qu’on voyait dans le palais des souverains d’Assyrie des
- p.197 - vue 201/484
-
-
-
- 198
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- tapisseries lissées d’or et d’argent, qui retraçaient les fables grecques d’Andromède, d’Orphée, etc. Les fameuses tapisseries qui, du temps de Metellius Scipion, furent vendues 800,000 sesterces et qui, plus tard, furent achetées par Néron, pour couvrir les lits de ses festins, au prix exorbitant de 2 millions de sesterces (environ Ai2,000 fr.), étaient de provenance babylonienne.
- Les Mèdes, les Perses, les Phéniciens étaient célèbres dans l’antiquité par leur habileté à fabriquer de riches tissus coloriés.
- La Grèce et Rome recherchèrent avec empressement ces tissus précieux. Homère, à chaque instant, fait mention d’ouvrages de ce genre. La tapisserie de Pénélope qui retraçait les exploits d’Ulysse est demeurée célèbre. Hélène, pendant le siège de Troie, travaillait à une broderie représentant les combats des héros qui s’égorgeaient à cause d’elle.
- Ovide décrit également les procédés de la tapisserie, tenture très appréciée des Romains ; sous Théodose, un historien nous montre les jeunes Romains de la décadence occupés à faire de la tapisserie. Les tapis attaliques, ainsi nommés parce qu’ils avaient été légués au peuple romain par Attale, roi de Pergame, étaient, paraît-il, d’une magnificence incomparable.
- Dans ce rapide historique de la tapisserie, nous ne ferons que mentionner, d’après les vestiges dont nos musées conservent de si précieux spécimens, les tapisseries que les Coptes ont tissées durant toute u-ne période qu’on s’accorde généralement à circonscrire entre le ive et le xn° siècle. Le Musée industriel de Lyon et le Musée de Cluny à Paris possèdent, en effet, dans leurs vitrines, quelques fragments de tapisseries coptes des premiers siècles de notre ère, et le Musée des Gobelins en conserve précieusement d’autres qui proviennent de l’hypogée d’Akmim, découvert en 18 8 5 ; ils nous montrent que le goût des étoffes historiées remonte à une date extrêmement reculée.
- Dès les premiers siècles du moyen âge, nous voyons des étoffes brodées ou tissées employées à la décoration des églises ; sous Chilpéric, en 5 8 A, Grégoire de T ours en fait souvent mention dans ses récits.
- Nous savons, d’après un petit recueil publié en i632 sous le titre de Stromatourgie, par Pierre du Pont, maître tapissier sous Henri IV, qu’après la victoire de Poitiers, que Charles Martel remporta en y32 sur les Sarrazins, quelques-uns de ceux-ci se fixèrent en France et y implantèrent l’art de tisser les tapis.
- La basilique de Saint-Denis reçut, en dons royaux, de superbes tapisseries. On cite notamment celles dont la reine Adélaïde, femme de Hugues Gapet, fit présent en 987 : ces tentures étaient, dit-on, travaillées de sa main royale.
- «De ces tissus aux tapisseries historiées, dit M. Lacordaire, dans son ouvrage De l'origine des tapisseries réunies aux Gobelins, la transition a pu s’effectuer silencieusement pendant une longue période, à l’ombre des cloîtres et des cathédrales, auxquels ce genre de décoration intérieure est si parfaitement approprié. »
- Un fragment de correspondance échangée en 1025 entre un évêque italien du nom
- p.198 - vue 202/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- 199
- de Léon et Guillaume IV, comte de Poitou, atteste qu’à cette époque les tapisseries de Poitiers jouissaient d’une grande renommée.
- «C’est seulement au xue siècle, dit Paul Lacroix (Les Arts au moyen âge), après le retour des croisades, qui avaient mis les Occidentaux à même d’admirer et de s’approprier les merveilleux tissus d’Orient, que l’usage des tapisseries, en se propageant beaucoup plus encore dans les églises, passa dans les châteaux. Au xne siècle on tendait autour des lits des tapisseries qui les enveloppaient comme une tente. Vers le xne et le xme siècle, sous l’influence des mœurs orientales, l’usage de s’asseoir sur des tapis s’était introduit dans les cours de l’Occident.
- Au xiv° siècle, les salles des châteaux furent presque toutes entièrement tendues de grandes tapisseries à franges, assez éloignées des murs pour qu’on pût se cacher dans l’espace ainsi ménagé. «Ces vastes pièces, dit M. Viollet-Leduc, étaient trop peu sûres pour la vie intime; cela explique pourquoi dans les châteaux on réservait souvent, près des grandes pièces, de ces réduits étroits où Ton pouvait s’enfermer lorsqu’on voulait se livrer à quelque entretien secret, n
- Nous apprenons de Pierre du Pont qu’en i3o2, sous Philippe le Bel, un édit parut qui adjoignit les tapissiers de haute lisse aux Sarrazinois, et ce n’est, en effet, qu’au xive siècle qu’on rencontre pour la première fois l’expression de tapisserie en haute lisse.
- Les ouvrages de M. de Barante et ceux de M. le comte de Laborde, Les Ducs de Bourgogne, édités à Paris de 18/19 à 1852, nous font connaître le développement considérable des industries de luxe et le progrès des arts dans les Flandres, pendant la période séculaire qui comprend la domination de la maison de Bourgogne. Nous y voyons qu’au xive siècle Arras, Bruxelles, Tournai, Audenarde, Lille, dans les Flandres, produisaient avec succès des tapisseries de haute lisse.
- Les tapisseries exécutées à Arras aux xive et xve siècles acquirent la réputation la plus méritée. Tel fut le succès qu’obtinrent en Italie les tapisseries d’Arras qu’on donna dans ce pays le nom à’arrazzi à tous les ouvrages de ce genre provenant d’une fabrique quelconque des Flandres.
- Les arrazzi fabriqués pour le Vatican d’après les cartons de Raphaël, en 1515— 1516, sont justement célèbres. Ces tapisseries, dont les sujets sont empruntés au Nouveau Testament et aux actes des apôtres, occupent au Musée pontifical une galerie particulière désignée sous le nom de Galerie des arrazzi. C’est le peintre flamand Bernard van Orley, disciple de Raphaël, qui fit exécuter et qui dirigea la fabrication de ces célèbres tapisseries tissées à Bruxelles par Pierre van Aelst et ses compagnons. Les cartons de Raphaël eurent un sort moins heureux. Abandonnés dans quelque recoin d’une fabrique après l’achèvement des arrazzi, ils furent achetés, d’après les conseils de Rubens, par Charles Ier, roi d’Angleterre de 1625 à 16A0, qui chargea un certain Cleen ou Gleyn de les reproduire par la tapisserie. Puis on les relégua de nouveau dans l’obscurité. Les recherches ordonnées par le roi Guillaume III (1689-1702) pour les découvrir ne furent qu’en partie couronnées de succès. Sept cartons seulement furent retrouvés, mais ils étaient tellement avariés qu’une réparation parut indispensable. Ce
- p.199 - vue 203/484
-
-
-
- 200
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- travail délicat fut confié à un peintre anglais, Kook, qui s’en acquitta avec talent. Tels qu’ils sont aujourd’hui ces sept tableaux sont, de l’avis général, un des plus beaux ornements du South Kensington Muséum, comme ils l’étaient autrefois de la galerie d’Hampton-Court ; ce sont ceux qui représentent la Pêche miraculeuse, Jésus instituant Pierre vicaire de son Eglise, la Mort d’Ananias, Saint Paul à Lystre, le Faux prophète Elymas, Saint Paul à l'Aréopage et la Guérison des boiteux.
- Ce Cleen ou Cleyn de Rostock, auquel nous venons de faire allusion plus haut, était l’inspecteur des travaux d’une manufacture de tapisseries et de tapis que Jacques 1er fonda en Angleterre, à Mortlake, dans le comté de Surrey, entre îGo3 et 1625. La direction en fut confiée à sir Francis Crâne, et c’est, ainsi que nous venons de le signaler, sous Charles Ier qu’on y exécuta en tapisserie les sept fameux cartons de Raphaël, autrefois conservés à Hampton-Court et actuellement au Kensington Muséum.
- Au sujet de ces fameux cartons de Raphaël qui n’ont cessé de passionner les amateurs d’art les plus érudits, nous nous faisons un véritable plaisir de rappeler l’article sensationnel que notre éminent ami M. Victor de Swarte, aujourd’hui trésorier-payeur général du département du Nord, lit paraître, le 10 avril 1891, dans le numéro i3 (A0 année) de la Grande Revue, Paris-Saint-Pétersbourg.
- Sous ce titre, les Tapisseries flamandes du Vatican et les cartons de Raphaël, et à propos des peintures de la collection Louckhmanoff, exposées alors au palais du Louvre, M. Victor de Swarte, dans un brillant article dont nous regrettons de ne pouvoir citer que quelques extraits, nous apprend (page 81) que Pierre van Aelst, le maître-tapissier flamand qui, sous la direction de van Orley, exécuta les superbes tapisseries conservées au Vatican dans la Galleria degli arrazzi, reçut du pape Léon X, en récompense de ses beaux travaux, le titre de tapissier pontifical qu’il conserva sous Clément VIL
- Quant aux sept panneaux sur toile qui étaient exposés en 1891, à la salle du Manège, au palais du Louvre, et dont l’énumération correspond à celle que nous avons mentionnée plus haut, M. de Swarte nous dit : «Ces tableaux sont peints à la détrempe, et de nombreux personnages ont été l’objet de retouches peu adroites.
- «Ils ont été trouvés par M. A.-D. Louckhmanoff dans la succession de son père, lequel les avait achetés, en 181 5, à la dernière survivante de la famille Jagoujinski, qui mourut à l’âge de 10 h ans, dans sa propriété située non loin du monastère de la Sainte-Trinité.
- «Ces trésors, au dire du professeur Schevyreff, se trouvaient abandonnés dans un hangar. On se rappelait bien dans la famille avoir ouï dire que ces cartons avaient été jadis achetés par le comte Jagoujinski à Rome et restaient dans sa famille.
- «Ces toiles représentent les mêmes sujets que les cartons sur papier qui existent au South Kensington Muséum (auparavant à Hampton-Court), à Londres, et qui avaient été acquis par les soins de Rubens, en 16 3 0, pour le compte de Charles Ier. »
- Après avoir cité l’appréciation sur les cartons de Loukhmanoff, de M. Paul Tchistiakoff, membre de l’Académie des beaux-arts de Saint-Péterbourg et professeur de peinture historique, admettant que, si ces tableaux ont été copiés d’après les cartons, c’est, en
- p.200 - vue 204/484
-
-
-
- 201
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- tout cas, sous la direction de Raphaël, à Rome, et avant leur envoi en Flandre que ces copies ont été faites, M. de Swarte ajoute que le peintre français Machard, qui a beaucoup étudié Raphaël à Rome, se croit en droit d’affirmer que la main du grand maître est indiscutablement visible dans l’exécution de nombre de figures, et qu’à son avis, malgré les retouches inhabiles qui les ont détériorées en certains endroits, ces œuvres peuvent être considérées comme authentiques, exécutées sous ses yeux, sous sa direction, et empreintes de la facture personnelle de Raphaël. MM. Benjamin Constant et le sculpteur Godebski partagent à peu près, nous dit M. de Swarte, l’opinion de M. Machard. En terminant, M. de Swarte mentionne que, si l’on compare la gamme des tons, c’est-à-dire le nombre de nuances diverses d’une même couleur (le vert, par exemple), on remarque dans les cartons du Kensington Muséum onze tons, alors qu’on n’en constate que cinq dans les tableaux de la collection Loukhmanoff. Or on sait que Raphaël ne peignait jamais ses maquettes de tapisserie que d’après un procédé sommaire qui le portait à se contenter de cinq tons de vert, ceux du médium, à l’exception des notes se dégradant dans le noir ou dans le blanc.
- D’autre part, M. Coindet, ancien président de la Classe des Beaux-Arts de Genève, fait remarquer (p. 136 ), dans son histoire justement appréciée de la Peinture en Italie, que Raphaël a peint ses cartons à la détrempe ; or ceux qui sont en Angleterre, ayant été dessinés sur papier, n’ont pu être exécutés d’après ce procédé, tandis que les maquettes exposées au Louvre en 1891 étaient bien à la détrempe.
- Le sentiment d’un amateur d’art aussi éclairé que M. Victor de Swarte était, à notre avis, intéressant à mentionner au moment où nous avions à signaler les tapisseries exécutées d’après les cartons de Raphaël. Nous allons maintenant reprendre notre historique au point où nous l’avons laissé.
- Sous ce titre, Les Tapisseries de haute lisse, histoire de la fabrication lilloise du xiv° au xvme siècle, M. J. Houdoy, alors archiviste de Lille, a publié en 1871 un ouvrage des plus intéressants. Ses documents, recueillis en poursuivant des recherches dans le riche dépôt des archives départementales, émanent de la Chambre des comptes à Lille. Nous en relevons quelques extraits qui nous aideront à continuer l’historique commencé.
- « On sait qu’au xve siècle, dit M. Jules Houdoy, les tapisseries étaient, pour ainsi dire, la seule décoration des appartements; aussi les ducs de Bourgogne, dans leur existence un peu nomade, faisaient-ils toujours voyager avec eux leurs tapisseries, dont la garde était confiée à un officier de leur maison. Elles servaient, dans les résidences qu’ils occupaient successivement, à dissimuler la nudité des murs.
- k La ville de Lille, où résidèrent si souvent les princes de la maison de Bourgogne, Lille était, chaque année, le théâtre des joutes somptueuses de YEpinette et vit se tenir dans ses murs le premier et le cinquième chapitre de la Toison d’or en iA32 et 1A3 y, ainsi que le fameux banquet du Faisan en iâ53, dont les mémoires d’Olivier de la Marche racontent les splendeurs en décrivant les merveilleuses tapisseries que Philippe le Bon fit sortir de son garde-meuble pour parer la salle du festin. »
- p.201 - vue 205/484
-
-
-
- 202
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- «Il est possible, il est même probable, ajoute M. J. Houdoy, que la prise d’Arras par Louis XI, qui fut la cause de la disparition à peu près complète dans cette ville ravagée de l’industrie célèbre qui, pendant longtemps, avait fait la gloire de la capitale de l’Artois , ait eu pour résultat de faire affluer dans les murs protecteurs de Lille les hauts tisseurs de cette malheureuse cité. Nous voyons, en effet, que, par ses lettres patentes en date du 21 décembre i48o, Maximilien, duc de Bourgogne, avait, après la perte d’Arras, autorisé temporairement l’exercice à Lille du stil et métier de sayelterie, jusqu a ce que la dite ville d'Arras fut revenue à son obéissance, et qu’en date du 2 5 mars 1481 il confirma par de nouvelles lettres l’établissement définitif et sans condition de cette industrie à Lille, réservant toutefois aux étrangers établis dans ladite ville le droit de retourner à Arras avec leurs métiers dans le cas où cette ville retomberait en son pouvoir.
- «A cette époque, deux corporations distinctes de tisserands existaient dans la châtellenie de Lille, Tune dite de sayetteurs, l’autre de bourgetteurs. Ces corporations, toujours en procès en raison du rapprochement des étoffes que les bourgetteurs faisaient trop analogues à celles des sayetteurs, ne se fondirent en une seule corporation que dans la seconde moitié du xvme siècle; mais en 1544 survint un règlement stipulant que les bourgetteurs seraient tisserands d’ouvrages à la tire, haute et basse lisse, ou au pied, et que les sayetteurs ne produiraient que toutes étoffes autres que la tapisserie. »
- Si nous nous étendons si longuement sur cette fin du xv° siècle, si nous signalons l’apparition de cette double industrie de la sayetterie et de la bourgetterie mentionnée dans les comptes de la ville de Lille de 1478 à i4q5, c’est que, de Lille où elle était d’abord presque exclusivement concentrée, elle s’étendit peu à peu, et malgré les protestations des Lillois, dans toute la châtellenie et qu’après avoir entièrement disparu de la ville de Lille, qui fut son berceau, elle finit par faire des bourgs de Tourcoing et de Roubaix deux villes qui figurent aujourd’hui parmi les principales villes industrielles de la France.
- Parmi les tapisseries anciennes de la couronne d’Espagne, S. M. la Reine régente, qui prend un si grand intérêt à toutes les questions artistiques, a eu l’heureuse idée de faire présenter à l’Exposition de 1900 quelques-unes des plus belles tapisseries que possède la Maison royale.
- Grâce à Sa Majesté, le Pavillon royal d’Espagne, dont l’architecture et les motifs rappelaient la plus pure Renaissance espagnole, était, à l’intérieur, décoré de tapisseries de la plus grande richesse.
- Nombre de ces tapisseries dans un état de conservation des plus rares appartiennent au xvT siècle ; nous en ferons mention plus loin.
- Du xve siècle, nous avons admiré au rez-de-chaussée de ce pavillon quatre très riches pièces de tapisseries tissées d’or, de soie et de laine, représentant l’Histoire de la Vierge et les différents mystères de sa vie, tels qu’ils sont décrits dans les saintes Ecritures, son Couronnement et la Nativité de Notre Seigneur. Ces scènes multiples nous sont présentées dans des panneaux que divisent d’élégantes arcatures et de fines coionnetles de style
- p.202 - vue 206/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- ‘203
- ogival toutes incrustées de pierres précieuses. Ces superbes tapisseries ont été exécutées dans les Flandres à la fin du xve siècle, mais fauteur des cartons en est malheureusement inconnu, ainsi cpie le lieu où elles furent tissées. Quant à leur origine on sait quelles proviennent de Jeanne (la Folle) et que l’empereur Charles-Quint, son fils, les tenait en si grande estime, qu’à l’époque de son abdication à Bruxelles, en 1556, il ne voulut pas s’en séparer et les fit transporter avec lui dans sa retraite du monastère de Yuste (Saint-Just, en Estramaclure).
- Pleines de calme et de grandeur, ces tapisseries, si harmonieusement coloriées et d’une clarté si grande dans la simplicité de leur composition, comptent certainement parmi les plus merveilleuses de toutes celles qui ornaient le Pavillon royal d’Espagne.
- De même travail, cl’or, de soie et de laine sont les tapisseries suivantes :
- Naissance de saint Je an-Baptiste. Cette tapisserie est la première d’une série de quatre, intitulée Histoire du Saint précurseur. Elle est de travail flamand de la fin du xve siècle et fut acquise, plus tard, par Philippe II.
- La Messe de saint Grégoire le Grand, de même origine et de même époque ; cette tapisserie fut envoyée par la princesse Jeanne (la Folle) à sa mère, la reine Isabelle la Catholique.
- ' Jésus sur le chemin du Calvaire. On croit que cette tapisserie, tissée d’or, de soie et de laine comme celles ci-dessus, a été faite vers la fin du xv" siècle, à Bruxelles, où elle fut acquise, en i52Ô, par la princesse Marguerite d’Autriche, tante de l’empereur Charles-Quint.
- De la même époque et tissée des mêmes matières nous avons remarqué au premier étage de ce pavillon : le Couronnement de la Vierge. Cette tapisserie, tissée à Bruxelles, représente la Vierge assise sur un trône et couronnée par deux anges. Elle tient sur ses genoux l’Enfant divin et lui offre un rosaire. A ses côtés se tiennent saint Joseph et un autre saint qui présente à Jésus la couronne d’épines.
- Une autre tapisserie de soie et laine, tissée à Arras, dans les premières années du xv° siècle, nous montre deux personnages se tenant la main et adossés à un dais dont les tentures sont relevées par des anges. Les personnages représentés sont la célèbre fille de Galéas Visconti, Valentine de Milan, et son mari le duc d’Orléans, frère du roi de France, Charles VI.
- Nathan reproche à David son crime. C’est la troisième et dernière pièce d’une suite intitulée Histoire de David et de Bethsabée, tissée en Flandre à la fin du xve siècle sur les cartons d’un peintre inconnu de ce pays.
- Cette suite fut acquise par les rois catholiques en Espagne, probablement à la foire de Médina del Campo, où affluaient les tapissiers flamands.
- Deux riches tapisseries tissées d’or, de soie et de laine, à la fin du xve siècle, dans les Flandres. On les attribue aux cartons d’un peintre de l’école de Roger van der Weiden. Admirablement conservées toutes deux, ces tapisseries représentent des sujets tirés des
- p.203 - vue 207/484
-
-
-
- 204
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- saintes Écritures, se rapportant à la mission divine de la Sainte Vierge. Elles proviennent du roi Philippe le Beau et de sa femme, Jeanne la Folle.
- De toutes ces tapisseries, comme de celles de la meme époque exposées dans l’admirable reproduction de l’hôtel de ville d’Audenarde, dont la Belgique avait fait son pavillon national en cette même rue des Nations, Ton ne peut cpie regretter vivement de ne point connaître le nom ni des peintres qui firent les cartons, ni des tapissiers qui en firent l’exécution.
- Le Golgotha, pièce de tapisserie flamande du xv° siècle (collection de M. L. de Somzée) sur 8 m. 90 de largeur, exposée au Pavillon de la Belgique, est dans les mêmes conditions.
- Comme 011 le verra plus loin, cette lacune fut comblée dans le siècle suivant, grâce à une ordonnance édictée par Charles-Quint, en i5ô4.
- Avant d’aborder l’étude des tapisseries du xvie siècle, nous allons emprunter encore à l’histoire de la fabrication lilloise, de Jules Houdoy, le passage suivant :
- Nous sommes entrés dans la période brillante de la Renaissance. Les peintres flamands qui, au début du xive siècle, avaient été les initiateurs de la peinture à l’huile, vont à leur tour étudier en Italie dans les célèbres écoles de Florence, de Venise et de Rome, et rapportent dans les Flandres le goût des grandes compositions décoratives. Bernard van Orley, qui avait été admis parmi les disciples de Raphaël, compose à son retour dans son pays de nombreux cartons de tapisseries; successivement peintre olliciel de Marguerite d’Autriche, puis de Marie de Hongrie, gouvernantes des Pays-Bas, c’est sous son influence, sans nul doute, que Marie édicta, en 1 538, la première ordonnance émanée de l’autorité souveraine pour réglementer la fabrication clés tapisseries, laissée jusque-là sous la surveillance des corporations et des magistratures locales.
- Comme le dit l’ordonnance de la reine Marie, la fabrication des tapisseries était pour les Flandres une si grande source de profits et de célébrité que Charles-Quint sentit bientôt le besoin de réglementer cette fabrication d’une manière complète et définitive; et, en 1 5Ô4, parut une réglementation sous ce titre : Ordonnance, statut et édict sur le fait et conduyte du stil et mesher des tapisseries. Cette ordonnance, rédigée en quatre-vingt-dix articles, mentionne à l’article icr, les villes de Louvain, Bruxelles, Anvers, Bruges, Audenarcle, Enghien, Bins, Ast, Lille, Tournai comme étant, à l’époque, les principaux centres de fabrication des tapisseries dans les Flandres.
- Quant à Arras qui avait été, au moyen âge, le véritable centre de cette industrie, l’ordonnance de Charles-Quint ne la mentionne pas. Ceci confirme pleinement l’opinion des auteurs qui affirment que la prise de la ville par Louis XI avait presque complètement anéanti la fabrication des tapisseries à Arras.
- Mais de cette ordonnance il est un article intéressant à signaler, pour son importance au point de vue de la recherche des auteurs (peintres et tapissiers) des tapisseries anciennes; le voici :
- Article XLI. Que le maislre ouvrier faisant telle tapisserie, ou la faisant faire, sera tenu de faire
- p.204 - vue 208/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- 205
- ouvrer sur l’un des bouts ou au fond de ladite tapisserie sa marque ou enseigne; et auprès d’icelle, telles enseignes que la ville ordonnera : afin que par telles enseignes et marcq soit cogneu que ce soit ouvrage de ladite ville et d’un tel maistre ouvrier, et venant au prix de vingt et quatre pattars susdicts et au-dessus.
- C’est donc à dater de la seconde moitié du xvie siècle qu’on a chance de retrouver la marque de fabrication indiquant l’origine des tapisseries, quand des ignares ou des vandales n’en ont point coupé ou avarié les bordures d’encadrement, ou les parties du bas où généralement ces marques sont tissées.
- Parmi les nombreuses tapisseries du xvic siècle, toutes tissées d’or, de soie et de laine, dont le Pavillon royal d’Espagne nous a donné la vue, nous citerons :
- Histoire de Rome; Romulus et Remus. Ces deux tapisseries ont été achetées à Anvers, en 1 55o, par Philippe II.
- La Cène, riche tapisserie, faite à Bruxelles, par le célèbre Pierre de Pannemaker et achetée en 15 31 par l’empereur Charles-Quint. On attribue à Bernard van Orley les cartons de cette tapisserie.
- Jésus apparaissant à la Madeleine et aux saintes femmes. Cette tapisserie flamande des premières années du xvie siècle a appartenu à la princesse Marguerite d’Autriche, tante de Charles-Quint.
- La descente du Saint-Esprit sur les Apôtres, tapisserie flamande sans marque de provenance.
- Deux riches tentures de lit, du milieu du xvie siècle. Belle décoration de grotesques, dans le goût italien. On croit ces tapisseries de provenance bruxelloise; elles viennent du lit de la princesse Marguerite, duchesse de Parme, fdle naturelle de Charles-Quint.
- Saint Gérôme faisant pénitence, tapisserie acquise en Flandre par Philippe II; son exécution remonte au milieu du xvie siècle.
- La Passion de Notre Seigneur Jésus-Christ. Cette suite de quatre tapisseries, la plus richement tissée d’or de toutes celles de la Couronne, fut achetée à Bruxelles en i5ûo, par Marguerite d’Autriche, gouvernante des Pays-Bas, et léguée par elle à son neveu Charles-Quint. On attribue à Quentin Matsys les cartons de cette suite remarquable.
- Le dais de l’empereur Charles-Quint. On s’accorde à trouver cette œuvre d’art comme l’une des plus merveilleuses de l’exposition espagnole. Elle est composée de deux tapisseries dont l’une, celle du fond, d’une finesse remarquable, représente : la Rédemption du péché originel; et Tautre, celle de la partie supérieure du dais : Dieu le Père et le Saint-Esprit entourés de séraphins.
- Ces deux œuvres exquises, dont on attribue les cartons à Quentin Matsys, ont été exécutées par Pierre de Pannemaker, de Bruxelles. Elles furent acquises vers 15 2 0, pour Charles-Quint, par Marguerite d’Autriche, gouvernante des Pays-Bas.
- Gn. XR. — Cl. 70.
- 5
- p.205 - vue 209/484
-
-
-
- 206
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- La Justice, tapisserie flamande qui fait partie d’une suite de neuf pièces, intitulée : Les Llonneurs ou Les Vices et les Vertus.
- Cette composition magistrale dont on ne trouve, sur aucune des neuf pièces qui la composent, ni le nom du tisseur, ni celui du peintre, figure à l’inventaire de l’empereur Charles-Quint, en i5ââ, avec l’indication qu’elle a été achetée à s Civile », qu’on a traduit par « Séville ».
- Histoire des Vices et des Vertus. La suite à laquelle appartiennent ces deux belles tapisseries exposées au premier étage du Pavillon espagnol a été exécutée dans les Flandres à la fin du xvT siècle, et provient de l’empereur Charles-Quint.
- Elles représentent, toutes deux, le triomphe de la vertu et les récompenses accordées par la Grâce aux plus dignes.
- D’après le catalogue espagnol, ces tapisseries sont d’auteurs inconnus; pourtant, M. Jules Houdoy, dans l’ouvrage cité déjà, dit (p. 65) :
- D’après M. Alfred Michiels, le savant historien de la peinture flamande, les greniers des palais royaux de Madrid possèdent des tapisseries anciennes en telles quantités, que l’on en couvrirait la route de Madrid à l’Escurial, c’est-à-dire une bande de dix lieues de long, et il cite parmi ces richesses accumulées, des tapisseries tissées sur des dessins du célèbre Rogier van der Weiden; entre ^autres, une série de tableaux représentant les Vertus, une série représentant les Péchés capitaux, et huit morceaux non moins précieux et d’une exécution admirable retraçant les sinistres visions de Y Apocalypse.
- Serait-ce à cette Histoire des Vices et des Vertus que AL Alfred Michiels aurait fait allusion ?
- Enfin, la Conejuête de Tunis. Cette grande tapisserie de 5 m. 2 5 de haut sur 7 m. o5 de large, exposée au rez-de-chaussée à droite, représente l’empereur Charles-Quint passant son armée en revue, devant Barcelone, au moment de s’embarquer pour Tunis, en i535.
- Cette pièce est la deuxième d’une suite de douze tapisseries tissées d’or, de soie et de laine, faites à Bruxelles, par ordre de l’empereur, en i5A6.
- Elles furent exécutées par Guillaume de Pannemaker, d’après les cartons du peintre Jean Vermay, qui avait accompagné l’expédition.
- Ces cartons appartiennent aujourd’hui, les uns au duc de Saxe-Cobourg et Gotha, les autres à l’empereur d’Autriche.
- Si nous avons réservé pour la fin de cette énumération des tapisseries exposées par l’Espagne celle intitulée : La Conejuête de Tunis, c’est que, pour cette suite de tapisseries, M. Jules Houdoy, dont nous avons déjà cité le nom plus haut, a fait paraître, en 1873, sous ce titre, Tapisseries représentant la conejuête du Royaume de Thunes par l’empereur Charles-Quint, une brochure en laquelle la commande et l’exécution de ces tapisseries sont exposées avec tous les documents à l’appui (documents appartenant au fonds de la Chambre clés Comptes de Lille, et trouvés par lui en certaines liasses jusqu’alors non explorées) [Archives départementales du Nord; Liasses de la Chambre des Comptes].
- p.206 - vue 210/484
-
-
-
- tapis, Tapisseries et autres tisses d’ameublement. 207
- Cette brochure nous donne non seulement le détail de la suite des douze pièces composées par Jean Vermay et exécutées par Guillaume de Pannemaker, mais encore le détail des poids d’or, d’argent et des soies ainsi que l’énumération des couleurs des soies teintes à Grenade et employées à l’exécution de ces tapisseries, la convention passée avec Jean Vermay, l’ordonnance de Marie de Hongrie, la quittance de Jean Vermay avec signature autographiée, la convention passée avec Guillaume de Pannemaker, et enfin le procès-verbal de réception.
- Avant de donner le détail de la liste des couleurs auxquelles il est fait allusion ci-dessus, M. Jules Houdoy, dans cette brochure (p. 7), dit :
- Il est intéressant de reproduire cette note pour faire connaître les ressources dont disposaient les hauts lissiers du xvi” siècle.
- Depuis le xme siècle, l’industrie de la teinture avait fait d’importants progrès et pourtant la haute lisse était loin encore d’avoir à son service les innombrables nuances que possèdent aujourd’hui les ouvriers en tapisseries.
- Aussi l’on s’est demandé avec raison si précisément l’emploi presque exclusif de quelques couleurs de teintes franches n’était pas ce qui avait fait la supériorité, au point de vue décoratif, des tentures du xve siècle, et si les conquêtes de la teinture, en donnant une facilité plus grande pour imiter l’œuvre des peintres, n’ont pas fait sortir l’art du tapissier de sa voie rationnelle ; et il termine sa brochure en exprimant ce vœu (que de son vivant M. Jules Houdoy aurait été si heureux de voir accompli) : «Nous aurons peut-être un jour le plaisir de voir les épreuves de l’œuvre de Jehan Vermay et de Guillaume de Pannemaker. »
- Ayant, en notre qualité d’industriel habitant cette région des Flandres où l’art de la tapisserie fut longtemps si prospère, rendu ce tribut de reconnaissance à l’homme érudit, au chercheur lettré qu’était cet enfant de Lille, M. Jules Houdoy, dont la joie eût été si grande s’il avait pu admirer en cette Exposition les merveilleuses tapisseries qui nous furent envoyées d’Espagne; ayant, d’autre part, fait longuement ressortir l’origine fla*-mande de ces nombreuses tapisseries dont l’Espagne nous a donné la vue, nous allons maintenant esquisser à traits rapides l’histoire plus simple et plus rapprochée de nous des tapisseries de haute et de basse lisse, depuis le xme siècle jusqu’à nos jours.
- Aux siècles précédents, les ateliers célèbres de Bruxelles, d’Anvers et d’Audenarde avaient eu pour modèles les compositions sévères de Rogier van der Weiden, d’Albert Durer, de Lucas de Leyde, de Van Orley, de Michel Coxien, de Jules Romain et de Raphaël lui-même (voir Félibien, t. II, p. 452).
- C’est un fait éclatant et sur lequel il faut insister, car il démontre l’incomparable renommée dont jouissaient les manufactures flamandes; tous les grands peintres de toutes les écoles travaillèrent à l’envi pour les ateliers de haute lisse de la Flandre.
- Au xvne siècle, à l’époque où nous sommes arrivés, c’est Rubens et l’Ecole d’Anvers qui dessinent les grands cartons que doit reproduire la haute lisse, mais en même temps un nouveau genre de tapisserie apparaît. Si, des siècles durant, les tapissiers
- p.207 - vue 211/484
-
-
-
- 208
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- ont eu pour clients presque exclusifs les fabriques des églises et les corporations religieuses, les souverains et les grands seigneurs, la bourgeoisie, grâce à l’accroissement des fortunes privées dans les Flandres, put bientôt décorer, elle aussi, ses habitations de ces tentures recherchées. Mais à cette clientèle il fallait un genre nouveau, et, tandis que Rubens et ses nombreux élèves continuaient à demander à l’histoire, à la fable, à l’allégorie, les sujets pompeux où se déployaient toutes les richesses de leur imagination et qui convenaient aux palais et aux églises, Teniers et les peintres de son école créaient un art plus intime et plus vulgaire, mais qui répondait bien mieux au goût des riches bourgeois des Flandres. La haute lisse se mit donc à traduire en tentures les scènes d’intérieur, les kermesses flamandes; elle composa des verdures, des boscaiges, comme disent les inventaires du temps, animés par des personnages de petite dimension. En un mot la tapisserie, comme la peinture, créa le genre et le paysage.
- Tandis qu’en Flandre, à l’époque de la Renaissance, et avec les seules ressources de l’industrie privée, des manufactures de ces tapisseries dont le renom était universel s’étaient créées dans toutes les villes importantes, il fallut l’intervention royale pour doter la France de cette industrie de la haute lisse, quelle avait exercée au moyen âge.
- François Ier établit en effet, à Fontainebleau, sous la direction de Philibert Babou, sieur de la Bourdaisière, surintendant des bâtiments royaux, et de Sébastien-Serlio, son peintre «et architecteur ordinaire» (voir M. Lacordaire, Note historique sur la Manufacture des Gobelins), un atelier où il appela quelques ouvriers de haute lisse.
- Le Primatice, que le roi avait fait venir d’Italie, dessina, d’après le témoignage de Félibien, quelques compositions pour la manufacture royale, à laquelle François Ier donna en plus pour modèles les spécimens les plus remarquables de l’industrie flamande, entre autres les Batailles de Scipion, exécutées d’après les cartons de Jules Romain (cartons qui existent encore au Louvre, dans les galeries des dessins).
- Henri II conserva la manufacture créée à Fontainebleau et en établit une seconde à Paris, dans l’hôpital de la Trinité.
- Catherine de Médicis continua sa protection à ces établissements, et la Bibliothèque nationale possède les remarquables dessins composés par Henry Lerambert, où cet artiste retraça, sous l’emblème d’Artémise et de Mausole, l’histoire même de Catherine. Ces compositions furent reproduites par les manufactures royales, pendant de longues années.
- Henri IV voulut, à son tour, relever cette industrie que les troubles qui précédèrent son avènement avaient singulièrement amoindrie. Il établit des ateliers dans la maison des Jésuites, à Paris, puis dans la galerie du Louvre, et enfin, au mois d’avril 1601, il installa un atelier de tapisseries sur les bords de la Bièvre, dans une partie des bâtiments antérieurement occupés par la famille des teinturiers en écarlate, du nom de Gobelin.
- C’est à ce premier établissement que notre manufacture nationale de tapisseries doit le nom de Manufacture des Gobelins.
- En cette même année (1601), Henri IV interdit, sous peine de confiscation, l’entrée
- p.208 - vue 212/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT. 209
- des tapisseries étrangères et, par ce moyen, il assura à Marc de Gomans et à François de la Planche, les deux fabricants flamands les plus renommés, qu’il avait appelés à Paris, un marché étendu où, sans crainte de concurrence, ils pourraient développer leur industrie.
- Un certain nombre de fort belles tentures remonte à cette première manufacture : Y Histoire d’Artémise, Coriolan, des sujets tirés de Simon Vouet, des scènes de la Jérusalem délivrée et une Histoire de Constantin, dont les cartons avaient été peints d’après les esquisses de Rubens, pour les tapissiers parisiens.
- Cet atelier primitif prolongea son existence sous Louis XIII, avec des formes diverses, jusqu’au règne de Louis XIV.
- En 1662, Jean Janssen d’Audenarde, avec l’aide de nombreux Flamands, commença dans cette résidence, et pour le compte de Louis XIV, la fabrication des tapisseries. Parmi les artistes renommés qui prêtèrent leur concours au développement de la célèbre manufacture, nous citerons J.-B. Monnoyer, peintre de fleurs, né à Lille, où encore aujourd’hui une rue porte son nom.
- Enfin, c’est au cours de l’année 1667, qui vit la réunion de Lille à la France, que Louis XIV signa l’ordonnance qui fondait aux Gobelins la Manufacture royale des meubles de la Couronne. Colbert en confia la haute direction au peintre Charles Le Brun.
- Nous empruntons les renseignements qui suivent, à la notice du catalogue de l’Exposition de 1900, sur les œuvres exposées par les Manufactures nationales de l’Etat.
- Sous l’habile direction de Charles Le Brun, les ateliers de tapisserie tinrent toujours la première place en la manufacture. Leur plus grande prospérité date de cette époque et se prolongea jusqu’en 169/1.
- La détresse du Trésor public mit alors en question l’existence même de la Manufacture, mais elle ne tarda pas à sortir de cette période critique et les travaux reprirent une nouvelle activité.
- Les changements du goût avaient apporté de sensibles modifications dans le travail des tapisseries. Aux modèles pompeux de Le Brun et de Mignard avaient succédé des compositions à dimensions plus modestes, où la grâce remplaçait l’ampleur et la magnificence. Du commencement du xvme siècle datent les Triomphes des Dieux, la Tenture des Indes, les Portières des éléments et des saisons, les Mois grotesques, les Enfants jardiniers.
- En 1688, Jean de Melter, de Bruxelles, vint établir à Lille la fabrique de tapisseries que devait continuer Guillaume Wernier, qui épousa sa fille en 1700. C’est cette manufacture, nous apprend Jules Houdoy (p. 98 de sa Fabrication lilloise), qui pendant la plus grande partie du xvm° siècle, à la brillante époque des Gobelins, devait produire les belles tapisseries que nous admirons encore au Musée de Lille et dans nombre de familles du Nord.
- C’est vers le début de ce siècle qu’on se mit à reproduire d’anciennes tentures flamandes, comme les Mois Lucas, les Chasses de Maximilien, les Fruits de la guerre, Y Histoire de Scipion, sans préjudice des sujets antiques et modernes interprétés par Jou-
- p.209 - vue 213/484
-
-
-
- 210
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 19Ô0.
- venet, Antoine et Charles Coypel, J.-F. de Troy, auxquels furent adjoints plus tard Oudry, Boucher, Restout, Natoire, Pierre, Vien, Lagrenée, etc.
- Les tentures d’Esthcr, de Jason, de Don Quichotte, les Chasses de Louis XV, les Opéras, les Amours des Dieux, resteront au nombre des chefs-d’œuvre de l’art décoratif parvenu à son expression la plus raffinée.
- Sous la Révolution, les ateliers de tapisserie furent sérieusement menacés; ils échappèrent heureusement aux graves dangers de cette période troublée, et le Consulat puis l’Empire leur assurèrent une nouvelle prospérité.
- Une modification capitale fut alors apportée à l’organisation du travail. Les tapissiers, qui travaillaient précédemment aux pièces, reçurent un traitement fixe, et les Gobelins furent rattachés, sous l’Empire, à l’administration de la liste civile. Depuis 1870, la Manufacture nationale de tapisseries et de tapis relève de la Direction des Reaux-Arts.
- On copiait, sous l’Empire, les tableaux des peintres de lecole de David, retraçant les hauts faits de l’armée française. La Restauration revint aux épisodes de l’histoire de l’ancienne monarchie, exécuta deux portraits de Marie-Antoinette d’après Mrae Vigée-Le Brun, et commença la reproduction de la Galerie de Médicis, par Rubens, continuée sous le règne de Louis-Philippe. Une des tentures les plus originales du second empire fut la suite des Cnuj sens, destinée au Palais de l’Elysée et détruite presque complètement par l’incendie de 1871.
- Depuis un certain nombre d’années, l’atelier des Gobelins a entrepris de réagir contre l’abus des couleurs, l’exagération du modelé et la mollesse de l’exécution. Il cherche à mettre la belle technique appliquée au début du xvic siècle au service des modèles fournis par les artistes contemporains. Il ne dépend pas de lui que ces modèles exécutés par les chefs de l’école française soient bien appropriés à leur destination.
- Un effort considérable a été également tenté pour réduire les tons employés à la décoration des tapis et se rapprocher, autant que possible, des inimitables modèles de la Perse et de l’Asie Mineure.
- Un important atelier de réparation et de rentraiture a été adjoint, depuis un certain nombre d’années, aux ateliers de haute lisse et de savonnerie.
- La Manufacture des Gobelins, qui ne travaillait jusqu’à ces derniers temps que pour le Chef de l’Etat ou le Garde-Meuble national, est employée maintenant à décorer les édifices des principales villes de France, comme on l’a vu à l’Exposition de cette année, par les panneaux ou les meubles destinés au palais de justice de Rennes, à la salle des mariages de Thôtel de ville de Bordeaux, au tribunal de commerce de Saint-Etienne et de Rouen.
- Elle exposait en même temps plusieurs tapisseries exécutées pour des particuliers, sur l’autorisation expresse du Ministre de l’instruction publique et des beaux-arts.
- Deux écoles de dessin, un cours technique de tapisserie et de tapis, un atelier de teinture dont la fondation remonte au règne de Louis XIV, et un admirable petit musée rétrospectif, complètent le merveilleux ensemble de la Manufacture nationale des Gobelins.
- p.210 - vue 214/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- 211
- NOTICE
- SUR LA MANUFACTURE NATIONALE DE BEAUVAIS.
- Vers 16 84, nous dit Jules Houdoy dans son Histowe de la fabrication lilloise (p. 88), la ville de Beauvais, si célèbre encore aujourd’hui par sa Manufacture, attira chez elle la fabrique de Blommart, établie à Lille en 1677, Par l’appat d’avantages plus considérables; mais à la nouvelle de son départ des concurrents se présentèrent pour bénéficier des subsides que lui faisait la ville, et c’est à cette cause que la ville de Lille doit l’établissement, dans cette cité, de la manufacture des Pannemaker, qui y travaillèrent avec succès pendant cinquante années environ.
- La Manufacture de Beauvais date du règne de Louis XIV; elle fut établie par un édit du roi, en 1666. Colbert voulut, par cette fondation, implanter en France un art dont jusqu’alors la Flandre avait le monopole.
- Le premier privilège en fut concédé au sieur Louis Hynart, tapissier de Paris. Ses débuts ne furent pas heureux, et ce fut seulement sous la direction de son successeur Béhagle, Flamand d’origine, que la Manufacture de Beauvais prit une véritable importance.
- L’entrepreneur recevait chaque année, moyennant certaines conditions, des subventions de l’Etat; il était tenu, entre autres obligations, de faire tisser annuellement une tapisserie destinée au roi. Il ne pouvait exécuter des travaux particuliers qu’avec l’autorisation royale, qui n’était jamais refusée; dans la pensée des fondateurs, en effet, la nouvelle manufacture était destinée à répandre partout en France le goût de la tapisserie et du luxe quelle apporte dans l’ameublement.
- Pendant longtemps, les Manufactures des Gobelins et de Beauvais produisirent le même genre de tapisseries. Aujourd’hui, chacune est renfermée dans son domaine spécial. La spécialité de Beauvais consiste en tapisseries pour meubles, canapés,causeuses, fauteuils, écrans et tabourets, feuilles de paravent, dessus de portes et panneaux de tentures décoratives.
- Alors que la tapisserie des Gobelins, dite de haute lisse, se fabrique à l’envers sur un métier vertical, la tapisserie de Beauvais, dite tapisserie de basse lisse, se fabrique à l’envers sur un métier horizontal à peu près semblable à celui employé par les femmes.
- Les anciens métiers étaient en bois, mais, depuis une trentaine d’années, ils sont remplacés avec avantage par des métiers en fonte qui offrent plus de solidité et surtout tiennent moins de place. Les métiers sont montés sur un axe pivotant, qui permet à l’artiste tapissier de basculer son ouvrage et de pouvoir ainsi se rendre compte, à l’endroit du tissu, de l’effet et de la bonne exécution de son travail.
- Le tissu de la tapisserie, appelé chaîne, est formé de fils de coton cordonnés retors, tendus au moyen de rouleaux placés à chaque extrémité du métier; la tension de la chaîne est telle que chaque fil qui la compose peut supporter séparément le poids de
- p.211 - vue 215/484
-
-
-
- 212
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- 1 kilogramme. Deux pédales, placées sous le métier, mises en communication au moyen de petits nœuds liés avec chaque fd de la chaîne et manœuvrés alternativement par l’artiste tapissier, lui permettent d’ouvrir la chaîne et de faire sa passée ou cluitée (la trame), c’est-à-dire de prendre avec ses couleurs (soie et laine) dévidées sur de petites navettes les fils nécessaires à la reproduction du modèle qu’il veut imiter.
- L’emploi de la laine dans la fabrication de la tapisserie est limité aux ombres et aux demi-teintes : les clairs et les rehauts sont en soie. L’artiste a toujours, au-dessous de sa chaîne, le décalque, au trait ou au lavis, du modèle qu’il reproduit ; ce dessin lui permet de se tenir, pour le contour des objets, dans la proportion exacte du modèle.
- Les effets du coloris s’obtiennent par le mélange de deux tons réunis qui, employés avec d’autres tons également mélangés et combinés au moyen de la hachure, permettent d’obtenir tous les tons de la palette du peintre.
- La direction de la Manufacture de Beauvais compte des artistes éminents, et nous citerons particulièrement le plus célèbre, Oudry (Jean-Baptiste), peintre du roi Louis XV et professeur de l’Académie de peinture, qui donna à cet établissement une célébrité qu’il a su conserver. Parmi les tapissiers, quelques-uns ont été de véritables artistes; leurs œuvres sont restées l’admiration des connaisseurs, et leurs noms tissés en bas d’une tapisserie en augmentent la valeur.
- Les tapisseries s’exécutent actuellement dans quatre ateliers, dontl’un est spécialement affecté aux élèves ; un chef d’atelier et trois sous-chefs surveillent l’exécution artistique des travaux.
- Les élèves tapissiers suivent jusqu’à 2 5 ans les classes de dessin.
- Une commission de perfectionnement est instituée près de*la Manufacture de Beauvais.
- NOTICE
- SUR L’INDUSTRIE PRIVÉE DES TAPISSERIES D’AURUSSON ET DE FELLETIN.
- Depuis la disparition des ateliers des Flandres, c’est à Aubusson et à Felletin que s’est centralisée la fabrication de la tapisserie à la main.
- Les procédés employés pour la fabrication de ces produits, dont nous aurons occasion de rendre compte en passant en revue les diverses tapisseries des exposants de notre Classe, ces procédés, disons-nous, sont les mêmes que ceux utilisés par la Manufacture de Beauvais. Ce sont des tapisseries de basse lisse produites sur un métier horizontal.
- Ainsi que nous le verrons plus loin, les fabricants d’Aubusson et de Felletin excellent à reproduire les documents les plus purs des xvf, xvif et xvm° siècles ; de même qu’aux Gobelins et à Beauvais, ils prennent généralement soin de hausser les tons des tapisseries qu’ils produisent, en prévision des décolorations ultérieures. Mais à côté de ces reproductions de tapisseries anciennes ces fabricants hardis n’hésitent pas à sacrifier aux tendances modernes vers lesquelles le public, actuellement, paraît attiré. Nous en aurons la preuve un peu plus loin, au cours de ce rapport.
- p.212 - vue 216/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- 213
- La vogue, qui depuis quelques années s’est reportée sur la tapisserie, a rendu très florissante cette industrie d’Aubusson. Les commandes abondent en ces ateliers; ils subviennent aux besoins d’une importante consommation nationale, et exportent leurs produits dans le monde entier.
- Le travail de l’artisan constituant la principale valeur de la tapisserie, le prix de la main-d’œuvre s’est très sensiblement amélioré, surtout à Aubusson.
- Par suite, les salaires et les conditions du travail sont très satisfaisants dans toute la région. Aucune grève ne s’y est produite depuis dix ans. Cependant, le long apprentissage nécessaire à la formation de nouveaux ouvriers ne permet d’accroître que très lentement ce personnel d’élite.
- Nous allons maintenant procéder à l’examen des tapisseries qui ont été soumises à noti% Jury.
- I
- MANUFACTURES NATIONALES.
- MANUFACTURE DES GOBELINS.
- (grand prix.)
- Au risque d’encourir les reproches de M. J. Guiffrey, dont la modestie n’a d’égale que l’érudition, nous ne saurions entreprendre la description des tapisseries et des tapis dont la Manufacture des Gobelins nous a donné la vue sans auparavant adresser à l’habile et savant administrateur de notre Manufacture nationale nos sincères félicitations pour la direction qu’il lui imprime, et nos remerciements les plus chaleureux pour l’incessante obligeance avec laquelle il a, au cours de nos examens (et ce pour chacun des produits exposés), fourni au rapporteur les explications techniques si intéressantes à recueillir lorsqu’il s’agit de rendre compte de l’exécution de produits d’une telle valeur.
- Nous apprécions hautement et admirons sans réserves, la logique persistante qui mène M. Guiffrey à s’affranchir complètement et à s’écarter, pour la production des tapisseries, de l’imitation de la peinture. Ge mode d’exécuter la tapisserie en copiant servilement le tableau avait été inauguré à la Manufacture et mis en faveur vers le milieu du xvine siècle par le peintre Oudry. Il est aujourd’hui reconnu, sinon généralement admis, que c’était là une grave erreur. L’Exposition qui vient de se clôturer nous a surabondamment prouvé combien M. Guiffrey, dont le sentiment artistique est si connu, est dans le vrai en dirigeant ses artistes tapissiers de haute lisse vers la voie précédemment suivie et qui aurait dû n’être jamais abandonnée, celle du véritable principe décoratif auquel nous devons les superbes tapisseries des xve et xvie siècles.
- Pour qui a vu et a pu étudier avec l’intérêt quelles comportent les magnifiques ta-
- p.213 - vue 217/484
-
-
-
- 214
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- pisseries tissées cl’or, de soie et de laine que, dans leurs pavillons respectifs de la rue des Nations, l’Espagne d’une part, la Belgique de l’autre, nous ont montrées au cours de cette Exposition, il ne fait aucun doute que, bien qu’exécutées avec un nombre restreint de couleurs (mais de couleurs d’intensité profonde), ces tapisseries du xve et du xvT siècle constituent les modèles du genre dû aux cartons des peintres Bernard van Orley, Jean Vermayen, Van der Weyden, Quentin Matsys, etc., et, en partie à l’exécution des célèbres tapissiers Guillaume et Pierre de Pannemaker, de Bruxelles : ce sont bien là les plus riches et les plus précieux spécimens de tapisserie décorative qu’il nous ait été donné de voir jusqu’à ce jour. C’est précisément vers ce genre que, depuis des années, M. Guiffrey tend à diriger l’exécution des tapisseries de la Manufacture des Gobelins; nous l’en félicitons très hautement, et passons à l’examen des produits exposés par la Manufacture. 4
- L’exposition de tapisseries et de tapis de la Manufacture des Gobelins présentait , en 1900, plusieurs particularités dignes de remarque. Pour la première fois, une partie des tentures paraissait devant le public dans le milieu pour lequel elles avaient été exécutées, et l’éclat des dorures et des peintures reproduisant la première chambre du palais de justice de Rennes relevait d’une façon très heureuse les panneaux allégoriques inspirés par les modèles de MM. J. Blanc et Bidau. Cet ensemble opulent et harmonieux formait le centre et comme la pièce capitale de l’envoi des Gobelins.
- Tout autour de ce motif principal se groupaient des œuvres inspirées par les tendances les plus diverses, prouvant à la fois la virtuosité et la variété de talent des modernes tisseurs de haute lisse : un double but a été poursuivi depuis la dernière Exposition universelle par la direction des travaux de la Manufacture : d’abord la simplification du modelé, aussi bien dans les chairs que dans les draperies, et par suite, une réduction considérable du nombre des tons employés ; en second lieu, la substitution de couleurs franches et d’oppositions vigoureuses aux colorations grises et ternes usitées depuis de longues années. Cette double réforme, réclamée à diverses reprises par les commissions spéciales à la suite des Expositions antérieures, a donné naissance à la copie de Y Audience du Légat, une des pièces les plus vantées de Y Histoire du Roi, Un des artisans les plus habiles de batelier de haute lisse a su reproduire les tons primitifs relevés sur l’envers de la pièce originale avec soixante-dix-neuf couleurs seulement. Or, dans la tenture en question, sont réunis les objets les plus divers exigeant toutes les ressources de la palette du tapissier, et en même temps, avec des gammes très restreintes, on obtenait une franchise d’effet remarquable.
- Si cette simplicité de moyens ne se retrouve pas dans La Sirène et le Poète, tissé sur le modèle de M. Gustave Moreau, c’est qu’ici les tapissiers ont eu à lutter avec des difficultés bien propres à faire ressortir leur incomparable habileté. Le modèle sans doute pourrait encourir le reproche de ne pas répondre exactement aux conditions de la tapisserie décorative ; mais l’intensité de ses colorations puissantes a du moins permis de montrer les infinies ressources de la laine et de la soie quand il s’agit de rendre les aspects les plus brillants des êtres et des choses.
- p.214 - vue 218/484
-
-
-
- 215
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- Les Débuts d’un tournoi au moyen âge, d’après M. Jean-Paul Laurens, destinés aux Archives nationales, se rapprochent delà technique des vieux tisseurs du commencement du xvic siècle. Il y a là un sérieux effort pour restreindre autant que possible les demi-teintes, pour n’employer que des tons francs, pour éviter de donner à une tenture murale l’apparence d’un tableau. Ce n’est pas que les tapissiers d’aujourd’hui soient moins habiles que leurs prédécesseurs à rendre toutes les délicatesses d’un tableau, quand on le leur demande; seulement une règle très judicieuse adoptée par les Gobelins leur interdit de travailler d’après des modèles qui ne soient pas composés et exécutés en vue de leur mode spécial de décoration.
- Le Portrait de Marie-Antoinette, d’après Mme Vigée-Le Brun, permet de juger si, dans le genre de travail aujourd’hui proscrit par le goût, nos tapissiers sont inférieurs à leurs devanciers. Il a fallu des circonstances impérieuses pour qu’on mît sur le métier un ouvrage de cette nature, tandis que les scènes gracieuses de Boucher, les Aminte et Sylvie, Vertumne et Pomone, L’Aurore et Céphale, dont l’Exposition présentait des interprétations remarquables, rentrent dans ]a catégoria de ces peintures décoratives du xvme siècle, dont le caractère aimable, la couleur claire et harmonieuse séduiront toujours les amateurs mondains, moins sensibles au grand style des œuvres du xvie siècle. Parmi les quarante et quelques tapisseries exposées, il convient de signaler encore la magistrale composition de M. Eiirmann, destinée au vestibule de la grande galerie de la Bibliothèque nationale. Cette scène synthétique oii sont groupés les personnages représentant les Sciences, les Arts et les Lettres en France au moyen âge, fait voir une entente remarquable de l’art décoratif. La bordure est parmi les meilleures qu’on ait composées depuis longtemps.
- La scène oii M. Rochegrosse a figuré Y Expansion française en Afrique marque une tentative hardie pour emprunter à la vie moderne des inspirations nouvelles. La donnée est conçue d’une manière originale ; les demi-teintes sont supprimées, les couleurs juxtaposées sans modelé, avec des contours fermes accusant le dessin suivant une des lois essentielles de l’art décoratif. Aussi la tapisserie offre-t-elle un résultat fort original qui réunit l’éclat et la vivacité du coloris à la fermeté du dessin.
- Les Armes de la République, de M. Joseph Blanc, comme le Couronnement de Molière, rentrent plus que la tapisserie de M. Rochegrosse dans la tradition classique.
- L’auteur y fait preuve d’une sérieuse entente de la composition et d’une sûreté impeccable de dessin. Avec un peu plus de vigueur dans les colorations, les Armes de la République mériteraient des éloges sans restriction.
- Les tapisseries exécutées d’après M. Albert Maignan , pour le tribunal de commerce de la Seine, la Chambre de commerce de Saint-Etienne, le palais du Luxembourg, font honneur aux peintres et aux tapissiers. On y voit la'préoccupation constante de se rapprocher, par la vivacité des tons et l’allure du dessin, des chefs-d’œuvre du xviic siècle. Les bordures, d’une invention souvent très heureuse, méritent une attention particulière.
- p.215 - vue 219/484
-
-
-
- 216
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- U Institution du mariage civil, d’après M. Georges Claude , pièce destinée à l’hôtel de ville de Bordeaux, et la Scène de la tragédie de Zaïre, par le même auteur, où se reconnaissent plusieurs des artistes de la Comédie-Française, accusent un talent délicat, un joli sentiment de la couleur. La scène de Zaïre, surtout, est tissée avec une maestria et un talent qui défient toute comparaison ; dans le panneau où M. Maurice Leloir a réuni les illustres héroïnes du Roman au xviue siècle, l’auteur a déployé toutes les ressources d’un art charmant, qu’il connaît comme personne, et dont la grâce fait pardonner l’inévitable mièvrerie.
- Les Scènes de la me de Jeanne d'Arc, par M. J.-P. Laurkns, soutiennent honorablement le voisinage de ces admirables panneaux de la Vie de saint Remi, exécutés entre les années i520 et i53o. N’est-ce pas le plus bel éloge qu’on puisse faire d’une œuvre moderne, les tapisseries de Saint Remi réunissant toutes les conditions de l’art décoratif appliqué à la tapisserie ?
- L’installation de ces œuvres anciennes dans une exposition toute moderne a eu pour but de mettre sous les yeux du public les résultats obtenus dans l’atelier de réparation et de rentraiiure des Gobelins. Cet atelier existe depuis de longues années; mais il a reçu depuis peu une extension considérable, et il est dès maintenant en mesure d’entreprendre la restauration des tentures appartenant à l’Etat, tentures dont le délabrement lamentable a été à maintes reprises signalé par la presse. L’exemple des tentures de Reims prouve que ce travail de conservation sera conduit avec toute la prudence et toute l’habileté désirables dans notre Manufacture nationale.
- On voyait, à l’exposition des Gobelins, un cadre renfermant un échantillon des opérations de l’atelier de teinture (6 jolies gammes de nuances dégradées du foncé au clair). Cet atelier est chargé de la teinture de toutes les laines et soies mises en œuvre soit dans l’atelier de haute lisse, soit dans celui de la Savonnerie, ou même à la Manufacture de Beauvais. Les teinturiers modernes sont restés fidèles aux procédés anciens de leurs devanciers; il est utile de le constater. Ils n’emploient que les couleurs végétales : gaude, indigo, garance avec la cochenille ; les matières colorantes tirées de la houille , l’aniline avec tous ses dérivés, sont rigoureusement proscrites jusqu’à ce qu’on soit mieux assuré de leur solidité.
- L’atelier des tapis installé à Chaillot dans une fabrique de savons sous Henri IV, développé par Louis XIV, et en dernier lieu transféré dans les bâtiments des Gobelins, en 1826, expose trois tapis et, pour la première fois, les tapis de la Savonnerie sont montrés sous leur vrai jour, c’est-à-dire étalés à terre, et non pendus le long du mur.
- Ces spécimens d’un art qui a jeté dans notre pays le plus vif éclat trahissent la préoccupation de réduire le nombre des couleurs au strict nécessaire. On sait que les tons employés par les Orientaux du temps jadis, dans leurs admirables chefs-d’œuvre, étaient des plus restreints. Ici, dans le premier tapis à rinceaux et à fleurs sur fond bleu vert, exécuté d’après un modèle de M. Libert, plus de deux cent cinquante couleurs ont été employées, tandis que, dans le second tapis du même artiste, destiné comme le
- p.216 - vue 220/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT. 217
- premier au palais de l’Elysée, on ne compte pas plus de soixante-quinze tons différents, et déjà l’effet est beancoup plus franc, parce que l’ornement clair s’enlève sur un fond sombre. Cette opposition manque un peu au tapis rouge à dessin persan, de M. Binet, mais ici l’auteur du modèle s’était imposé le programme de n’employer que des à plats avec un très petit nombre de couleurs franches. Vingt-cinq tons, tous très vifs, lui ont suffi pour donner l’aspect d’une mosaïque dont les verts et les rouges produisent une harmonie claire et gaie.
- Certains critiques voudraient qu’on renonçât définitivement à la tradition française, et qu’on oubliât les enseignements de l’époque de Louis XIV, pour se rapprocher des modèles de l’art oriental ; d’autres prétendent, avec quelque raison, que la copie restera toujours inférieure à l’original, et qu’il y aurait imprudence à renier les grands souvenirs du passé. La vérité, comme toujours, est entre les opinions extrêmes. Tout dépend d’ailleurs du talent de l’artiste ; pour la tapisserie comme pour le tapis, les artisans des Gobelins ont prouvé qu’ils étaient à la hauteur des tâches les plus ardues et qu’ils sauraient comme autrefois produire les plus belles œuvres si on leur donnait des modèles dignes de ceux des peintres anciens.
- MANUFACTURE NATIONALE DE BEAUVAIS.
- (grand prix.)
- Qu’il soit tout d’abord permis au rapporteur d’exprimer à M. J. Badin, l’habile administrateur de la Manufacture nationale de Beauvais, sa vive reconnaissance pour le soin obligeant et empressé qu’il a pris de lui fournir, à la Manufacture même, tous les renseignements nécessaires à l’étude approfondie de l’exécution des fines tapisseries de basse lisse, dont Beauvais garde jalousement l’ancienne et si justifiée réputation.
- La virtuosité professionnelle des habiles tapissiers que nous avons vus au travail nous a surabondamment prouvé que, pour ces artistes de talent, rompus à toutes les finesses, à toutes les exigences de l’art qu’ils professent, il n’est pas de difficultés qu’ils ne sachent surmonter, sous l’intelligente direction et sous la constante surveillance de l’homme de savoir et de talent qu’est leur excellent administrateur, M. J. Badin.
- Ayant déjà mentionné, d’autre part, la fondation en 166A de la Manufacture de Beauvais, son mode de production, la succession de ses travaux depuis 166A jusqu’à nos jours, nous ne reviendrons plus sur ce sujet, et prierons le lecteur de se reporter à l’exposé que nous en avons fait en commençant ce chapitre : Les Tapisseries.
- Avant de procéder à l’examen des tapisseries exposées par la Manufacture de Beauvais , nous croyons devoir éclairer le lecteur sur la marche que suivent les compositions ou peintures des tapisseries avant d’être exécutées par les artistes tapissiers de la Manufacture.
- Ce n’est pas, comme beaucoup le pensent, l’Administrateur lui-même qui décide du choix des modèles à exécuter, mais bien une Commission spéciale à qui est dévolu ce soin délicat.
- p.217 - vue 221/484
-
-
-
- 218
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- Cette Commission, chargée d’examiner les modèles ou peintures, de les accepter ou de les refuser, est composée de : MM. Roujon (H.), membre de l’Institut, directeur des Beaux-Arts, président; Gérôme, membre de l’Institut, artiste peintre ; Daumet, membre de l’Institut, architecte; Dutert, architecte, inspecteur général de l’enseignement du dessin et^cles écoles des manufactures nationales ; Havard (H.), inspecteur général des Beaux-Arts; Lechevalier-Chevignard, professeur à l’Ecole nationale des arts décoratifs; Ballu (Roger), inspecteur des Beaux-Arts.
- C’est donc sous la responsabilité d’hommes éminents, dont nul ne saurait méconnaître ni le talent, ni la haute compétence en matière artistique, que se fait le choix des compositions qui s’exécutent ensuite sous la haute surveillance de M. Badin, l’administrateur de la Manufacture nationale de Beauvais.
- Chacun sait qu’après avoir, pendant nombre d’années, produit plus particulièrement les pastorales, le genre allégorique, les animaux, la spécialité de Beauvais consiste aujourd’hui en tapisseries pour meubles, canapés, causeuses, fauteuils, chaises, écrans et tabourets, feuilles de paravent, dessus de portes et panneaux pour tentures décoratives.
- C’est ainsi que, dans les salons occupés à l’étage du palais de droite de l’Esplanade des Invalides par les Manufactures nationales de Sèvres et de Beauvais, nous avons été appelés à examiner des tapisseries exposées en panneaux et trumeaux, d’autres montées en meubles dont la composition d’ensemble est due à M. Mangonot, et divers panneaux exécutés en tapisserie de finesse extrême, d’après les cartons de M. Zuber.
- Le meuble de M. Mangonot, exécuté en vue de la décoration du salon du Ministère des affaires étrangères, était composé des pièces de tapisserie dont voici le détail :
- 2 grands panneaux ; 2 grands trumeaux ; 2 panneaux moyens ; 2 petits trumeaux d’entre-fenêtre; 5 dessus de porte représentant l’Europe, l’Asie, l’Afrique, l’Amérique et l’Océanie ; 3 canapés; 8 fauteuils ; 12 chaises ; 1 écran.
- Hâtons-nous de dire que la composition de cet ensemble a été subordonnée à la décoration architecturale du salon auquel ces tapisseries sont destinées. Pour les sièges notamment, il a fallu utiliser d’anciens bois exécutés sous le second Empire, et ces meubles sont malheureusement d’un style bâtard, bien peu fait pour mettre en relief les tapisseries de valeur dont on les a recouverts.
- Certains critiques ont pris à partie ce meuble de salon Ornements et fleurs, sur fond orangé; ils ont blâmé l’intensité voulue des couleurs vives employées à sa production, oubliant sans doute que la violence des tons s’atténuera forcément avec le temps. Notre Jury, en examinant impartialement l’ensemble de cette composition, a trouvé que ce qui a pu prêter à la critique de ces tapisseries est surtout l’emploi des bleus si francs qui, par opposition au ton orangé du fond, donnent aux ornements cette apparence de dureté, surtout dans les tapisseries dont les meubles sont garnis; car ici, le fond orangé uni disparaissant presque complètement, ce sont les ornements bleus qui, suivant les contours des bois de ces meubles, attirent trop l’attention au détriment des motifs principaux, fleurs variées, coloriées avec vigueur et si délicatement exécutées.
- p.218 - vue 222/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- 219
- De la composition elle-même, qui n’a été exécutée qu’après avoir été soumise au Conseil de perfectionnement de la Manufacture, il n’y aurait eu que des éloges à adresser à l’artiste qui l’a conçue, comme aux tapissiers qui l’ont exécutée, car l’ordonnance en est excellente et nous sommes persuadé que ces tapisseries, avec les cinq dessus de porte rappelant les cinq parties du monde, feront au Ministère des affaires étrangères l’admiration de tous ceux qui seront appelés à les y voir figurer.
- Quatre panneaux représentant les Quatre Saisons, d’après les peintures de M. Zuber, devaient garnir les murs d’un salon unique; malheureusement ces tapisseries ont été, au dernier moment, exposées dans deux pièces mal éclairées par un jour de face et un jour frisant, et il est certain que ce jour contrarié donnait une lumière fausse qui nuisait à la coloration de ces tapisseries.
- L’idée fort originale qu’a eue M. Zuber de représenter les Quatre Saisons au moyen de vues prises en chacune des saisons, au jardin du Luxembourg, a été très appréciée de tous. Chacun s’est plu à louer le sentiment de vérité qui se dégage de chacune de ces quatre compositions :
- Le Printemps avec ses oiseaux, ses fleurs et ses personnages énamourés de la nature;
- L’Eté avec ses fleurs variées si délicieusement exécutées ;
- L’Automne et ses chrysanthèmes si naturellement jetés sur un banc.
- L’Hiver avec ses effets de neige et la vue de la fontaine de Carpeaux si habilement reproduits; tous ces paysages attirent l’attention parleur aspect de vibrante réalité et dénotent, de la part de M. Zuber, une connaissance approfondie de l’art de la peinture. Nous disons de l’art de la peinture, car il a semblé à notre Jury que, pour avoir ainsi multiplié ses tons comme à plaisir, M. Zuber a laissé aux artistes tapissiers, dont sûrement il connaissait le talent, le soin d’exécuter avec une ingéniosité de grand mérite les difficultés dont il paraît avoir volontairement hérissé ses compositions; et ceci est tout à l’honneur des tapissiers de la Manufacture de Beauvais, car ils ont, en surmontant toutes les difficultés, prouvé que leur art n’est pas en décadence, et que, sorties de leurs mains, les tapisseries de Beauvais restent toujours fidèles à leur ancienne renommée et dignes de l’admiration du monde.
- Un dernier panneau, d’après une peinture de M. Zuber et destiné au lycée de Beauvais, nous montrait, en tapisserie exécutée de façon magistrale, une vue de Beauvais dont l’ensemble témoigne de l’incomparable virtuosité des artistes tapissiers qui en ont opéré le tissage.
- Cette variété de productions, tout en nous prouvant la souplesse du talent de ces habiles tapissiers formés par la Manufacture, nous a démontré en outre la possibilité pour eux d’exécuter de main de maître toutes les œuvres que des artistes éminents trouveront moyen de composer en vue de leur exécution en tapisserie.
- p.219 - vue 223/484
-
-
-
- 220
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- II
- INDUSTRIE PRIVÉE. — TAPISSERIES D’AURUSSON.
- La tapisserie, cet art si essentiellement français, qui, il y a dix ans à peine, avait paru n’être plus autant en faveur auprès de la riche clientèle à laquelle elle s’adresse, la tapisserie, disons-nous, a reconquis et au delà le terrain quelle avait dû céder aux étoiles de fantaisie; le public, comme un enfant gâté et capricieux, lui avait un instant boudé, mais ne pouvant en aucune autre étoffe retrouver la délicatesse, le charme, le cachet d’élégance qui sont comme la caractéristique de la tapisserie, il lui est revenu avec un louable empressement. Sa vogue est aujourd’hui plus grande que jamais, et c’est justice, car jamais produit meilleur ni plus artistique ne fut mis à sa portée.
- Après avoir rendu compte du résultat de l’étude que nous avons faite des tapisseries de nos manufactures nationales, nous allons maintenant poursuivre jusqu’en les sections étrangères l’examen des tapisseries d’Aubusson et de genre Gobelins, dues à l’industrie privée.
- GRANDS PRIX.
- MM. Braquenié et C‘e, à Paris.
- C’est à l’unanimité des membres de notre Jury, et pour ainsi dire par acclamation, que le grand prix a été voté en faveur de MM. Braqdenié et Cie.
- Les superbes tapisseries qu’ils nous ont montrées, tant dans leurs salons de notre classe française que dans celui qu’ils occupaient dans la section belge du palais de droite de l’Esplanade des Invalides, méritaient hautement cette récompense. Tel a été l’avis du Jury, et le Rapporteur est heureux d’avoir à constater que le public a pleinement ratifié ce verdict.
- Les tapisseries artistiques que la maison Braquenié et C!e fabrique de temps immémorial à Aubus-son et à Felletin (Creuse), ainsi qu’en ses ateliers de Malines (Belgique) jouissent ajuste titre d’une réputation universelle. Grands prix à l’Exposition de Paris en 1878, ainsi qu’à celle de Paris en 1889, en suite de laquelle M. Edgar Defosse-Braquenié, l’un des associés de la maison, fut nommé chevalier de la Légion d’honneur, MM. Braquenié et Gie se maintiennent au premier rang et occupent la première place dans l’industrie privée de la tapisserie. Leur exposition en 1900 marque une nouvelle étape de progrès continu et fournit la preuve la plus convaincante de l’habileté de direction ainsi que des connaissances techniques de ces praticiens passés maîtres en leur art depuis de longues années.
- Une revue rapide des pièces principales exposées par MM. Braquenié rappellera au lecteur le souvenir des heures agréables passées à l’examen des produits de leurs manufactures.
- Indépendamment des reproductions de tapisseries anciennes exécutées de main de maître et dont nous nous entretiendrons plus loin, MM. Braquenié et Cic, tenant à prouver la souplesse du talent et la virtuosité professionnelle des artistes tapissiers auxquels ils en ont confié l’exécution, nous ont montré diverses compositions modernes des plus hardies, hérissées de difficultés de fabrication fort habilement surmontées, et dont l’exécution est absolument remarquable.
- L’une de ces compositions, Fêtes vénitiennes, spécialement exécutée pour la maison Braquenié par
- p.220 - vue 224/484
-
-
-
- 221
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- M. Jaccfues Wagrez, occupait avec un vaste triptyque le centre d’un des salons et le décorait de façon somptueuse. Ue coloris brillant, la tonalité générale très soutenue de cette tapisserie ont été, de même que son exécution très soignée, particulièrement en faveur auprès de nombreux visiteurs qui ne cessaient de stationner devant celte œuvre capitale.
- Deux autres compositions modernes dues au pinceau de M. G. Dubufe, qui en a fait les cartons spécialement pour MM. Braquenié, décoraient l’un des salons d’angle du vaste emplacement occupé par ces messieurs et représentaient, l’une, la Danse antique, l’autre, la Danse moderne.
- Tout en reconnaissant les grandes difficultés d’exécution de ces compositions de coloris très clair et d’une finesse excessive de modelé, nous devons avouer que ces tapisseries sont, de toutes celles qui nous ont été soumises, les compositions dont notre Jury s'est montré le moins enthousiaste.
- Par contre, Hallali de sanglier, d'après un carton original de M. Gélibert, a sans aucune hésitation provoqué l’admiration générale; quel mouvement! quelle vie! dans cet assaut de la bête par la meute acharnée. Tout cet ensemble plein de vigueur et de vérité méritait de chaudes félicitations pour son exécution magistrale. Ue Jury ne les a pas marchandées à MM. Braquenié et Cio, je me fais grand plaisir à le redire ici.
- Continuant l’énumération des principaux panneaux dont les salons de la maison Braquenié et G,c étaient ornés, nous citerons :
- Un panneau reproduisant le portrait de M“c de Pompadour, par Latour, dont l’original, au pastel, fait partie de la collection du Louvre;
- Deux panneaux reproduisant des tapisseries anciennes des Gobelins, appartenant à la série des Maisons royales. Ces tapisseries tissées de soie et d’or représentent, l’une, le Château de Blois, l’autre, le Château de Saint-Germain;
- Deux autres panneaux reproduisant d’anciennes tapisseries des Gobelins de la série dite des Grands Dieux, de Claude Audran. L’une de ces tapisseries représente Vénus et l’autre Jupiter;
- Un panneau reproduisant l’une des tapisseries anciennes de la série des Chasses de Louis XV, exécutée aux Gobelins, d’après des cartons de J.-B. Oudry.
- Toutes ces tapisseries, d’une exécution on ne peut plus soignée, montrent le degré de perfection atteint par la maison Braquenié, pour la reproduction des tapisseries anciennes : l’imitation est si conforme aux modèles qu’elle permet de confondre les copies avec les originaux; c’est assez dire combien l’illusion est complète.
- Mais continuons notre nomenclature :
- Trois panneaux, d’une grande finesse de point, reproduisant des tapisseries anciennes de Beauvais, de la série des Fables de La Fontaine, d’Oudry, ornaient de façon charmante le salon d’angle faisant face à celui que décoraient les compositions modernes de G. Dubufe. Le jour, faisant malheureusement défaut, ne permettait pas d’apprécier comme elles le méritent ces tapisseries si fines, perdues dans cet angle obscur;
- Une tapisserie reproduisant le tableau de Fragonard, la Liseuse, qui fait partie de la collection Lacaze au Musée du Louvre;
- Une tapisserie exécutée d’après le tableau de F. Boucher de la galerie du Louvre, Toilette de Vénus;
- Une tapisserie exécutée d’après le tableau deP.-P. Rubens du Musée du Louvre, Portrait d’Hélène Fourment et de ses deux enfants;
- Une tapisserie, Amours, d’après F. Boucher;
- Une tapisserie, Vase de fleurs, d'après Van Dael;
- Un tableau des plus intéressants et devant lequel les visiteurs ne manquaient pas de s’extasier ex posait une suite de quinze photographies représentant des panneaux de tapisseries en cours d’exécution pour S. M. l’empereur de Russie.
- Ce n’était pas une des moindres attractions de l’exposition de la maison Braquenié, car ce tableau Gh. XII. — Cl. 70. i 6
- IMPRIMERIE NATIONALE.
- p.221 - vue 225/484
-
-
-
- 222 EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- prouve qu’à l’étranger comme en France MM. Braquenié et C‘e voient leurs produits prisés par l’élite de la société.
- Si nous passons à l’examen des meubles somptueux qui garnissent les salons de la maison Bra-quenié, nous remarquons qu’ici plus encore, s’il est possible, que dans les panneaux que nous venons d’énumérer, le souci de l’exécution’ parfaite jusqu’en ses moindres détails a été la constante préoccupation des habiles artisans de ces magnifiques tapisseries. Par l’infinie variété des nuances employées, par leur savante combinaison des mélanges et des hachures, ils sont parvenus à rendre les plus subtils modelés de la peinture.
- Qui n’a gardé le souvenir de ce joli meuble à fleurs, dans le genre Baptiste Monnoyer, qui a soulevé l’admiration de tous les visiteurs?
- D’autres ameublements sollicitaient et retenaient l’attention par le charme des compositions autant que par le fini de leur exécution : ils reproduisaient en des styles variés, Louis XIV, Louis XV, Louis XVI, des ameublements de salons admirablement exécutés, d’après d’anciennes tapisseries des Gobelins et de Beauvais.
- Dans le salon d’angle de gauche, nous avons remarqué un meuble sur fond cramoisi, reconstitution d’une tapisserie du premier Empire, dont l’exécution nous a vivement intéressés, car elle prouve le degré de perfection atteint par la maison Braquenié dans la réfection de meubles anciens. Dans ces sièges, en effet, certaines parties sont constituées par l’ancienne tapisserie originale, d’autres ont été refaites dans les ateliers de la maison, et bien qu’utilisées dans un même meuble l’œil le plus exercé aurait peine à distinguer la copie de l’original.
- De nombreux écrans, paravents, banquettes et tabourets, tant en tapisserie qu’en point velouté de la Savonnerie, complétaient avec les tapis dont nous ferons mention plus loin l’harmonieux et ravissant ensemble de l’exposition de la maison Braquenié, dans la section française de la Classe 70.
- Section belge. — Dans celle section voisine de la Russie, qui occupait l’extrémité du palais de l’Esplanade des Invalides réservé aux sections étrangères, MM. Braquenié et Gu avaient, comme dans la section française, exposé en une sorte de trilogie une immense tapisserie dont les trois panneaux ornaient de façon charmante toute la cloison formant le fond de leur salon. Ces trois tapisseries, exécutées d’après des cartons composés spécialement pour la maison Braquenié par M. Willem Geels, représentaient trois scènes différentes aussi remarquables par la limpide clarté des sujets que par la coloration vigoureuse et l’exécution si soignée de cette pièce capitale. La tapisserie centrale représentait les EnfanIs de chœur de Véglise Saint-Rombaud a Malines, chantant devant Marguerite d’Autriche ; celle de gauche, un Baptême au xvc siècle, et celle de droite, un Mariage à la même époque.
- Fixée à la cloison de gauche, une grande tapisserie, Sujet de chasse, reproduisait une ancienne tapisserie de l’époque de la Renaissance; sur la cloison opposée, quatre panneaux nous montraient des tapisseries, dans le genre toujours recherché des anciennes verdures flamandes.
- Enfin, pour compléter l’ameublement de ce salon, MM. Braquenié avaient exposé deux meubles importants composés chacun de six fauteuils et d’un canapé; de ces ameublements (tous deux dans le style de la Régence), l’un, sur fond bleu, était d’une grande finesse de point; l’autre, sur fond vieux rose, reproduisait des sujets tirés des fables de La Fontaine.
- De même que dans l’énoncé des produits exposés par la Manufacture nationale des Gobelins nous n’avons pas séparé les tapis dont nous avions à faire mention des tapisseries produites par la Manufacture, nous mentionnerons également en suite des tapisseries de MM. Braquenié les tapis en point de la Savonnerie, ainsi que ceux en soie que cette maison avait exposés dans ses salons de la section française de l’Esplanade des Invalides.
- Nous avons remarqué, parmi les produits exposés en point de la Savonnerie, divers grands tapis de laine fine et de points serrés ainsi que nombre de coussins, de tabourets et de banquettes dont les heureuses compositions et les colorations harmonieuses nous ont paru, à tous, des plus intéressantes. Deux autres tapis entièrement en soie se faisaient remarquer par leur extrême finesse autant que par
- p.222 - vue 226/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- 223
- l’harmonie des couleurs utilisées à leur production. Ces tapis, reproductions d’anciens dessins persans de la plus grande valeur, ont été hautement appréciés par notre Jury. Nous avons pu, en effet, constater que l’ensemble des produits exposés par MM. Braquenié et C!e, témoigne non seulement de l’habileté professionnelle des artistes qui composent leurs dessins, et de l’ingéniosité des artisans qui les exécutent, mais encore et surtout du talent et de l’intelligente activité des chefs de la maison qui impriment une si savante direction à leurs importantes manufactures.
- M. Edgar Defosse-Braquenié, qui était le rapporteur du Comité d’installation de notre Classe, a été, par décret du 18 août de cette année, promu officier de la Légion d’honneur.
- S’adjoignant au grand prix que lui avait attribué notre Jury, cette haute récompense est venue sanctionner notre verdict et couronner dignement les efforts et les travaux de cette ancienne et si intéressante maison.
- A MM. Braquenié et Cie, qui nous ont prouvé la marche incessante de leur maison dans la voie du progrès, nous sommes heureux d’adresser ici nos plus sincères félicitations au sujet de celte haute distinction honorifique si justement méritée. Cette maison, dont la fondation remonte à 18-2 h, fut connue sous la raison sociale Braquenié frères jusqu’en 1876, époque à laquelle MM. Edgar Defosse, Philippe Daulzenberg et Louis Braquenié fondèrent, sous la raison sociale Braquenié et Cic, la société actuelle dont nous venons de mentionner les produits. Indépendamment des récompenses obtenues à toutes les expositions depuis 1844, et de tous les grands prix obtenus partout où cette maison a concouru depuis les Expositions de Paris en 1878 et 1889, nous relevons dans le palmarès que déjà en 1873 la rosette d’officier de la Légion d’honneur avait été attribuée à l’un des MM. Braquenié. Une seconde fut attribuée en 1878, lors de l’Exposition de Paris, au titre étranger, à M. Dautzen-berg, pour la superbe exposition de tapisserie faite par la maison Braquenié et Cie dans la section belge. C’est donc une troisième fois que la maison Braquenié se voit, en la personne de M. Edgar De-fosse , attribuer cette haute récompense honorifique : nous l’en félicitons bien sincèrement.
- MM. GR. et L. Hamot, à Paris.
- Cette ancienne et très importante maison, grand prix de 1889, a depuis lors marqué chaque étape de ses incessants progrès d’un nouveau succès s’affirmant par un grand prix obtenu à chacune des expositions auxquelles elle a pris part. Nous n’avons pas à vanter ses produits; ils sont si répandus dans toutes les hautes sphères de la société, tant française qu’étrangère, qu’à peine est-il besoin de mentionner que la perfection de sa fabrication de tapisseries artistiques lui a, de tout temps, valu cette réputation si justement méritée.
- Ne pouvant nous étendre aussi longuement que nous le voudrions sur chacune des superbes tapisseries qui ont fait l’admiration de tous les visiteurs, nous passerons successivement en revue les pièces capitales qui ont plus spécialement fixé l’attention du public connaisseur.
- Tout d’abord voici, dans le premier salon près de l’allée centrale, une tapisserie de composition moderne dont le carton original dû à M. G. Dubufe est exposé au Grand Palais. Cette tapisserie d’une incomparable finesse de point, et dont la coloration si délicate a nécessité les plus patientes recherches ainsi que l’habileté professionnelle d’artistes consommés, est d’une exécution merveilleuse. Elle fait honneur à la maison qui a su s’imposer et accumuler comme à plaisir des difficultés de fabrication presque insurmontables qui entraînaient forcément une dépense considérable. Nous aurions mauvaise grâce à prétendre que le sujet de cette composition, Conversation au bois, n’ait soulevé aucune critique. A côté d’admirateurs sans réserve, il s’est trouvé nombre de visiteurs feignant de ne pas comprendre ou ne comprenant réellement ni la poésie du sujet, ni le contraste voulu du rêve de l’artiste compositeur. Opposant aux difficultés de l’exécution des chairs de la jeune femme nue étendue sm* un nuage celles non moins arides des personnages de premier plan, en toilette de ville, l’artiste s’est
- p.223 - vue 227/484
-
-
-
- 224
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- plu à accumuler dans un superbe paysage de perspective admirablement étudiée mille difficultés d’exécution qui ont été surmontées de main de maître.
- Nous voyons, exposés dans ce même salon, deux magnifiques panneaux de fleurs d’après les cartons de M'ne Madeleine Lemaire, puis deux meubles composés chacun d’un canapé et deux fauteuils exécutés en tapisserie fine, d’après les cartons originaux de M. Morand et de M. Wirth et montés sur des bois composés et dessinés par les mêmes artistes.
- Pour qui sait apprécier l’énorme difficulté qu’il y a à créer des modèles absolument modernes qui puissent bien s’exécuter en tapisserie tout en donnant un bon résultat décoratif, il n’y a pas à contester l’effort des plus louables qu’a nécessité la mise en exécution de ces pièces capitales.
- Dans la multitude de tapisseries exposées par la maison G., R. et L. Hamot, nous remarquons encore, d’après des modèles anciens, des tapisseries de fabrication aussi fine et aussi soignée que celle des plus belles, sorties aux xvu® et xviiic siècles, des ateliers des Gobelins et de Beauvais.
- Nous signalerons entre autres : deux suites de panneaux, d’après Boucher; un panneau, d’après Leprince; un panneau, d’après Gillot; un portrait, d’après Rubens; un tableau, Chien en arrêt, d’après Oudry; divers meubles de styles Louis XIV, Louis XV, Louis XVI.
- Dans toutes ces tapisseries, l’on s’est ingénié à reproduire avec fidélité la coloration due à l’action du temps qui en a augmenté la richesse et la variété. Nous ne saurions passer sous silence les tapis de Savonnerie que nous ont montrés MM. G., R. et L. Hamot.
- Outre deux superbes tapis exécutés d’après les modèles de la Manufacture des Gobelins des xvnc et xvmc siècles, des banquettes et des tabourets, des feuilles de paravent, ces messieurs ont exposé un magnifique tapis de soie, sur fond or, d’après un modèle persan du xvie siècle, dont le coloris chatoyant autant que l’exécution parfaite ont charmé tous les visiteurs.
- Enfin, en broderie au crochet, une fenêtre, deux canapés et un dessus de lit complétaient l’ensemble de la très belle et très intéressante exposition de la maison G., R. et L. Hamot.
- Aussi le Jury n’a-t-il eu aucune hésitation à lui attribuer sa plus haute récompense, un nouveau grand prix qui, se joignant aux précédents, prouve que la maison G., B. etL. Hamot persévère dans la voie du progrès.
- Le Gouvernement a ratifié cette décision en accordant h M. René Hamot, par décret du 18 août, la croix de chevalier de la Légion d’honneur, distinction justement méritée et qui, en 1892, avait été obtenue par M. G. Hamot pour sa participation à l’exposition de Moscou dont il avait été l’un des commissaires rapporteurs, comme il le fut encore à l’exposition de Chicago en 1893.
- Ces distinctions honorifiques si justement attribuées à MM. G. et R. Hamot prouvent la haute et artistique réputation de cette si ancienne maison; nous sommes heureux d’exprimer ici la vive satisfaction avec laquelle a été accueillie par nous la nomination dans l’ordre de la Légion d’honneur de M. René Hamot, qui était le secrétaire du comité d’installation de notre Classe. Nous lui adressons, à cette occasion, nos félicitations les plus cordiales et les plus sincères.
- Fondée en 1770, la maison que dirigèrent longtemps MM. Duplan et Hamot prit, lorsque M. Du-plan se retira des affaires, la raison sociale G. et R. Hamot; ce ne fut qu’en 1899 que, s’adjoignant comme associé M. L. Hamot, la société adopta la raison sociale actuelle G., R. et L. Hamot.
- Indépendamment des grands prix obtenus par MM. Hamot et déjà mentionnés plus haut, cette maison a, depuis 1860, obtenu les plus hautes récompenses à toutes les expositions auxquelles elle a pris part.
- MM. Croc père, fis et Jorrand (A.), à Aubusson (Creuse).
- Fondée en 1825 par M. Croc père, continuée et développée par M. Croc fils, cette maison est aujourd’hui dirigée par le gendre de ce dernier, M. A. Jorrand, qui s’est adjoint comme collaborateurs et intéressés ses quatre fils et son gendre.
- p.224 - vue 228/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- 225
- Présentée dans son ordre d’importance, la fabrication de MM. Croc père, fils et Jorrand comprend les divers produits suivants : i° moquette Jacquard mécanique en rouleaux, foyers et carpettes: 2° veloutés à dessins libres dits chenille, haute laine de o m. 70 à A mètres de largeur; 3° tapisserie Aubusson en panneaux et en meubles: 4° le tapis genre Savonnerie aux points noués (ce dernier produit, de faible importance).
- Nous aurons occasion de mentionner plus loin, au cours de ce rapport, les deux premiers produits ci-dessus énoncés que cette maison fabrique à l’aide de métiers mécaniques.
- Nous ne nous occuperons ici que des tapisseries et des tapis en point de Savonnerie que MM. Croc père, fils et Jorrand nous ont montrés dans l’emplacement de 20 mètres de façade occupé par eux dans notre classe du Palais de l’Esplanade des Invalides. Notre strict devoir est d’exprimer avant tout le regret que nous avons éprouvé en voyant les très intéressants produits de cette maison exposés dans l’emplacement de notre classe le moins favorisé sous le rapport de l’éclairage.
- Le manque d’espace ayant empêché MM. Croc père, fils et Jorrand de nous montrer leurs tapisseries pour meubles, nous n’avons pu en apprécier l’exécution, mais nous avons eu l’occasion d’examiner avec la plus minutieuse attention un superbe panneau en tapisserie, de composition bien moderne, d’après les cartons de M. Antoine Jorrand fils, à qui nous sommes heureux d’adresser nos félicitations bien sincères.
- Printemps aux fleurs, gaieté aux cœurs, telle est la devise tissée dans le haut de ce panneau qui, encadré d’une très jolie et fort intéressante bordure d’un genre gothique modernisé, représente une théorie de jeunes femmes ou de nymphes se jouant au milieu d’une gaie prairie émaillée de hautes fleurs stylisées d’un effet décoratif des plus réussis.
- Elève de M. J.-P. Laurens, médaillé du salon de 1898, M. Antoine Jorrand fils a traduit avec grâce et avec un véritable sentiment artistique les corps si souples des jeunes femmes qu’il nous a présentées dans sa composition. Quant aux fleurs, iris, tournesols ou renoncules, elles ont été traitées de façon bien moderne et ornemanisées de très heureuse manière.
- Certains ont critiqué la gracilité de ces corps de jeunes femmes, trouvant que comparée à la simplicité, à la naïveté voulue des fleurs, l’interprétation d’ensemble manquait de cohésion.
- Tel 11’a pas été l’avis du Jury qui préfère voir nos artistes français se livrer à des compositions modernes du genre de celles de M. Jorrand qu’à des exagérations mystiques dont la Norvège et la Suède notamment nous ont montré des tapisseries dont nous aurons à nous entretenir un peu plus loin.
- Cette tapisserie, composition de M. A. Jorrand fils, a été, ainsi qu’une autre composition pour carpette Jacquard que nous mentionnerons en son temps, récompensée d’une première prime au concours de l’Union centrale des arts décoratifs. Ce témoignage de haute appréciation fourni par cette société qui a pour président M. Georges Berger a été chaudement approuvé par notre Jury qui, à l’unanimité, a décidé, après délibération, d’atlribuer à M. Antoine Jorrand fils, personnellement, une médaille d’or en récompense des intéressantes compositions modernes dont il a, le premier, pris l’initiative pour la fabrication des tapis.
- En tapis exécutés en point de la Savonnerie, fabrication à laquelle MM. Croc père, fils et Jorrand n’ont pas l’intention de donner un grand développement, nous n’avons eu à examiner que deux grands tapis, l’un sur fond crème, l’autre sur fond réséda; tous deux, de composition franchement moderne, nous ont prouvé que dans tous les produits de sa fabrication cette maison apporte les soins les plus attentifs à leur parfaite exécution.
- Médaille de iic classe en 1855, médaille d’argent en 1867, médaille d’or aux expositions de Paris en 1878 et en 1889. M. Jorrand père fut nommé chevalier de la Légion d’honneur en suite de l’exposition de Chicago, en 1893. Le grand prix que notre Jury a attribué cette année à MM. Croc père, fils et A. Jorrand pour l’ensemble des produits de leur fabrication si variée vient dignement couronner une longue carrière industrielle toute de travail et d’honneur.
- Aussi le rapporteur est-il heureux d’être, auprès de cette maison, l’interprète des sentiments du Jury pour la prier d’agréer les cordiales félicitations de chacun de ses membres.
- p.225 - vue 229/484
-
-
-
- 226
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- MÉDAILLE D’OR.
- M. Bernaux (Edouard), à Aubusson et à Felletin (Creuse).
- M. Ed. Bernaux, ancien artiste des Gobelins, est professeur chef des ateliers à l’Ecole nationale des arts décoratifs à Aubusson. Son exposition de Paris en 1889 bû a valu une médaille d’or et M. Bernaux fut, dans !a même année, promu officier de l’Instruction publique. La manufacture qu'il fonda en 1879 occupe actuellement 155 ouvriers dont 120 à Aubusson et 35 à Felletin, et le chiffre d'affaires de sa maison s’élève à 3oo,ooo francs. M. Bernaux, qui occupait au centre de notre classe un vaste salon garni d’ameublements en tapisserie fine dans les stjles Louis XIV et Louis XVI, avait orné la cloison formant le fond de cet emplacement de divers panneaux de tapisserie. La pièce capitale, celle qui parait avoir été le grand effort de AI. Bernaux en son exposition de cette année, est un immense panneau, Le char de l’Aurore, reproduction d’une des fresques du palais Respigliosi, d’après Guido Réni. Est-ce parce que le recul nécessaire à l’appréciation de tapisseries d’une telle importance faisait ici complètement défaut, ou bien est-ce parce que cette tapisserie n’a pu être placée à une hauteur en rapport avec les dimensions des personnages qu’elle nous présentait? Toujours est-il que l’impression qui se dégageait de la vue de ce grand panneau n’avait rien d’agréable. Les chevaux attelés au char paraissaient de bois, les personnages, trop charnus et les bras de certains d’entre eux, d’une longueur démesurée. Certes, la vigueur de coloration tenue très intense, l’exécution très soignée delà tapisserie étaient à prendre en considération, mais l’interprétation n’a pas paru, à notre Jury, à la hauteur de ce qu’on peut attendre du talent de M. Bernaux.
- De combien était supérieure à cette tapisserie celte autre grande pièce, Le Marchand d’oiseaux à Venise, que M. Bernaux avait exposée en 1889!
- Hàtons-nous d’ajouter (pie d'autres panneaux plus petits, exposés cette année, ont été beaucoup plus favorablement appréciés.
- De ce nombre était cette gracieuse tapisserie, Idylle, en laquelle le jeune couple taquinant un faune était traité de façon supérieure.
- La Gaule, dans son expression martiale, était une tapisserie allégorique qui nous a vivement intéressés. Cet autre panneau, Perroquet, dans un paysage exotique, était de tons chatoyants et vigoureux, d’une grande vérité et d’une belle exécution.
- Enfin, une tapisserie reproduisant une ancienne verdure flamande était aussi des plus attrayantes.
- E11 meubles garnis de tapisseries en soie d’une finesse extrême, nous avons admiré un ameublement Louis XVI ovale nous montrant, d’après Boucher, de ravissants amours d’une exécution délicate et parfaite. Ce meuble, tissé en point d’une finesse excessive, était du prix de 70,000 francs.
- Un autre ameublement Louis XVI modernisé, composition de M. E. Bernaux, nous a paru d’une grâce charmante.
- Deux autres meubles Louis XVI, l’un de genre Watteau, l’autre d’après Boucher, nous ont, ainsi que des fauteuils Louis XIV, prouvé que dans ces genres différents M. Bernaux sait joindre au charme et à la grâce de ses compositions l’harmonie des couleurs et qu’il arrive, avec l'aide d’habiles collaborateurs, à produire des tapisseries d’une exécution parfaite.
- Toutes les compositions (peintures et modèles) utilisées par M. Bernaux pour la production de ses tapisseries sont exécutées à sa manufacture. Un atelier spécial de teinture fournit aux artistes tapissiers toutes les nuances de soie ou de laine nécessaires à l’exécution des tapisseries. En un mot, les manutentions préparatoires de même que le tissage des produits sortant de la manufacture, tout se fait dans les ateliers de M. Bernaux. Ceci démontre péremptoirement les soins apportés par ce fabricant à l’exécution de toutes ses tapisseries. Pour l’ensemble de son intéressante exposition, notre Jury a attribué une médaille d’or à M. E. Bernaux.
- p.226 - vue 230/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- 227
- MÉDAILLES D’ARGENT.
- MM. Laiiou et Cornet, à Paris.
- Celte maison, dont nous aurons à mentionner plus loin les intéressants produits qu’elle nous a montrés en lapis aux points noués, fabrique aussi, àFelletin (Creuse), des tapisseries pour panneaux et pour sièges dont elle nous a soumis divers spécimens.
- Un panneau en tapisserie de soie aux points fins nous montrait, à la droite de l’emplacement occupé par MM. Laiiou et Cornet, une composition, Le Printemps, due à M. P. Legrand. Tout en reconnaissant très soignée l’exécution de cette tapisserie, notre Jury en a vivement critiqué les personnages dont le corps paraissait démesuré eu égard à la tête beaucoup trop petite. Leur pose trop maniérée leur donnait un aspect guindé et, bref, ces personnages semblaient n’êlre pas accoutumés à porter les vêtements de seigneur et de princesse dont le peintre et le tapissier les avaient revêtus. Le panneau de droite, très joli paysage d’après une peinture de M. A. Sauzay, Le Giboin à Rangi-port, nous a paru à tous beaucoup plus intéressant; bien qu’un peu mou et manquant de nerf, l’ensemble de ce paysage aux perspectives bien observées n’était pas sans cbarme : c’est une belle reproduction d’un tableau, c’est tout ce que notre Jury a pu en dire en souhaitant que puisqu’ils nous ont prouvé qu’ils ont d’habiles ouvriers tapissiers, MM. Laiiou et Cornet trouvent à leur confier à l’avenir l’exécution de compositions plus originales. Un meuble, composé d’un canapé et de deux fauteuils, nous montrait en tapisserie de soie, de style Louis XIV, la reproduction d’un ancien meuble de l’époque, dont le fond vieux bleu imitait bien l’ombré ou dégradé de fond qu’on remarque souvent dans les anciens ameublements faits en tapisserie.
- Enfin, toujours en tapisserie fine et en soie, un joli petit écran à personnages sur fond clair complétait la démonstration que MM. Lahou et Cornet ont faite en tapisseries de leur fabrication. Tenant à leur montrer que, tout en critiquant certains de leurs produits, notre Jury s’était rendu compte des efforts tentés par MM. Lahou et Cornet pour arriver, en l’espace de quelques années, à pouvoir exposer des produits de fabrication irréprochable en tant qu’exécution, une médaille d’argent a été attribuée pour l’ensemble de leur production à MM. Lahou et Cornet qui, pour la première fois, prenaient part à une exposition.
- M'e la Supérieure générale des Franciscaines , à Paris.
- C’est à l’étage du pavillon des missions catholiques, au Trocadéro, que, dans une vitrine, se trouvait exposé un petit tableau exécuté de très habile façon en tapisserie fine, par une religieuse de l’ordre des Franciscaines.
- Notre Jury a été unanime à constater qu’il serait difficile de rendre avec plus de vérité dans l’expression, avec plus de fini dans l’exécution, le sujet choisi par cette artiste aussi habile que modeste. Ecce homo, tel était le tableau qui nous a été soumis et qui, tout en ne nous montrant que le visage du Christ, nous a vivement frappés par l’accent de vérité dont était empreinte cette composition.
- Aussi le Jury, en attribuant une médaille d’argent à la Supérieure,générale des Franciscaines, a-t-il tenu à accorder une médaille de bronze à son habile collaboratrice, sœur Mi0 Généreuse.
- p.227 - vue 231/484
-
-
-
- 228 EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- M. Pruneau (Albert), à Paris.
- M. Pruneau, dont nous aurons à signaler plus loin la fabrication de tapis à points noue's, a certainement fait un grand effort et s’est imposé de lourds sacrifices pour garnir le salon qu’il occupait dans notre Classe des trois grands panneaux en tapisserie fine et de l’ameublement complet qu’il y avait exposés.
- Le panneau principal, qui occupait toute la cloison du fond de son emplacement, pouvait s’intituler Danse des nymphes. Celui de droite représentait une Diane chasseresse et celui de gauche, une Confession au faune.
- L’ameublement, composé d’un canapé et de quatre fauteuils, était garni de tapisseries dont les sujets s’harmonisaient avec ceux des panneaux que nous venons de mentionner. Cet ameublement a été vendu par M. Pruneau au cours de l’Exposition.
- L’ensemble de ces compositions était dû aux cartons de M. Lepin.
- La critique que, d’emblée, notre Jury a faite de l’ensemble de ces tapisseries a porté sur ce qu’à force de vouloir paraître délicat dans sa façon de colorier ses sujets l’artiste n’a pas laissé la moindre vigueur à sa composition. Bien que les figures, très soigneusement exécutées, nous aient montré de gracieux minois, ces nymphes dansant dans la prairie paraissaient anémiées, les voiles légers dont étaient drapés leurs corps gracieux n’avaient pas de couleur, la prairie elle-même semblait triste.
- Que, pour céder aux caprices d’une mode changeante, les producteurs d’étoffes de fantaisie pour meubles soient amenés parfois à fabriquer des étoffes de tons rompus, nous voulons bien l’admettre parce que nous savons que leurs tissus n’étant pas de bien grande durée ni de prix bien élevés, la clientèle qui les achète les remplacera par d’autres au premier vent de fantaisie nouvelle. Mais lorsqu’il s’agit d’un produit aussi sérieux et d’un prix aussi élevé que la tapisserie fine, le fabricant, à notre avis, doit toujours avoir en vue la durée qu’on exige d’un produit de telle valeur et l’exécuter dans une coloration qui puisse ne s’atténuer qu’après de longues années.
- M. Pruneau n’a pas paru, au Jury, partager cette manière de voir, car les tapisseries qu’il lui a soumises ont été avec de grandes difficultés de fabrication, nous eu sommes persuadé, exécutées en des tons si doux que déjà ils semblent passés, et ceci, allant à l’encontre des idées énoncées par la majorité de notre Jury, ne nous a pas permis d’accorder à M. Albert Pruneau une récompense supérieure à la médaille d’argent.
- D’autres tapisseries, écrans, coussins, paravents, exécutées par M. Pruneau, nous ont montré que ce fabricant qui, pour la première fois, prenait part à une exposition, apporte les plus grands soins à l’exécution de ses tapisseries. M. Pruneau a, dans ses manufactures, des ateliers de peinture, une teinturerie spéciale et occupe, ainsi que nous le disons plus loin en signalant ses tapis aux points noués, un personnel de lào ouvriers, dessinateurs, teinturiers et tisserands.
- MEDAILLE DE BRONZE.
- M. Sargiron ( P. ), à Paris.
- Si l’exécution d’une tapisserie présente par elle-même de grandes difficultés, ces difficultés ne sont pas moindres lorsqu’il s'agit d’en effectuer la réparation. Reconstituer le sujet tel qu’établi par la composition originale, en refaire le point exact en rassortissant les laines de façon à ne laisser à l’œil aucune trace de la réparation faite, telles sont les charges qu’on impose au réparateur de tapisseries, et M. Sarciron est passé maître en cet art.
- Appréciant l’habileté des réparations faites aux tapisseries qui lui ont été soumises, notre Jury a récompensé d’une médaille de bronze M. Sarciron qui, en plus de sa manufacture d’Aubusson, occupe à Saint-Germain des ateliers de ravivage et de lavage de tapisseries.
- p.228 - vue 232/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- 229
- MENTION HONORABLE.
- M. Delarbre (Léonard), à Paris.
- Avant le passage du Jury, ce fabricant de tapisseries avait fixé sur les produits par lui exposés une pancarte ainsi libellée : « Artiste indépendant, refus de toute récompense». Trouvant qu’un fabricant qui prend part à une exposition n’a pas le droit de se récuser après coup par l’exhibition d’une simple pancarte, et que, conformément au règlement, il doit laisser au Jury d’examen toute liberté d’apprécier ses produits et de les juger, notre Jury a considéré comme nulle la protestation de M. Delarbre et a procédé quand même à l’examen de ses produits.
- Parmi les tapisseries exposées, une Ecole arabe nous montrait des enfants dont les visages disproportionnés aux corps et les traits grimaçants n’offraient absolument rien d’agréable. Une autre tapisserie désignée La Chine moderne avec personnages chinois et 'européens, un train de chemin de fer arrivant en gare, etc., était fort prisée par l’artiste qui, franchement, s’est montré fort indépendant dans cette composition, qui a fait sourire certains membres de notre Jury. D’autres tapisseries reproduisaient, les unes, des fleurs, les autres, des fauves.
- Pour toutes ces productions, M. Delarbre revendique avoir trouvé, par le mélange de plusieurs Ions, la suppression des hachures; il prétend en outre que cette innovation est des plus heureuses eu raison de ce que, à son avis, elle favorise le fondu et le dégradé des couleurs employées. Le Jury n’a pas voulu contredire M. Delarbre et a tenu à lui attribuer une mention honorable pour l’ensemble de ses productions si indépendantes.
- III
- NATIONS ÉTRANGÈRES.
- GRANDE-BRETAGNE.
- GRAND PRIX.
- Morris ( William) Company, à Merton (Surrey).
- Dès l’entrée dans le Pavillon royal britannique de la rue des Nations, dont l’heureuse disposition autant que la richesse et la variété des produits exposés ont fait l’admiration générale, nous trouvons, dans un vestibule rectangulaire, éclairé d’un demi-jour bien compris pour les mettre en valeur, les superbes tapisseries que cette maison a exécutées d’après les cartons de Burne-Jones (Sir Edward).
- Cet artiste si habile, mort dans toute la plénitude de son talent, il y a trois ans à peine,«était adonné à l’étude des colorations puissantes si propres à donner l’illusion de la vie ; parmi les peintures exposées au salon du Pavillon royal britannique, qui n'a remarqué les six toiles, véritables chefs-d'œuvre dus au pinceau de ce peintre de talent qu’était Sir Burne-Jones ; nous citerons, entre autres, Laus Veneris, Saint Georges, Y Amour et Psyché (un très joli portrait de Sir Edward Burne-Jones par son fils Sir Philip Burne-Jones rappelait avec charme le noble artiste dans son atelier). Mais jamais, croyons-nous, il 11’avait encore atteint au degré de perfection que nous montrent les tapisseries que MM. Morris and Gy ont exécutées dans leurs ateliers particuliers, avec une réelle maestria.
- p.229 - vue 233/484
-
-
-
- 230
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- Nous regrettons que les catalogues n’aient point donné de notes explicatives détaillant chacune des scènes ainsi représentées en tapisseries.
- Nous en énumérons les sujets, tirés du cycle breton (Les Chevaliers de la table ronde).
- Chacun sait que les chroniqueurs font remonter au ve ou au vie siècle les aventures du roi légendaire du pays de Galles, Arthur ou Arthus dont les prouesses ont donné naissance au cycle cité plus haut. Parmi les plus fameux chevaliers célébrés dans les poèmes du moyen âge, se trouvent Lancelot du Lac, Gawaine et surtout Perceval le Gallois. La légende nous montre ces chevaliers à la recherche du Saint-Gragl ou Saint-Graal (coupe sacrée où but Jésus-Christ pendant la Cène et dans laquelle Joseph d'Arimathie avait recueilli le sang du Christ).
- C’est le sujet dont s’est inspiré sir Burne-Jones, et que MM. Morris and Cy ont exécuté de façon magistrale, en une tapisserie digne de tous les éloges; aussi le Jury, à runanimité de ses membres, l’a-l-il sanctionnée d‘un grand prix.
- Le manque d’espace n’a pas permis d’exposer dans ce vestibule la scène dernière, celle en laquelle le chevalier Perceval parvient après Aille obstacles à découvrir la chapelle oii se trouve caché le Sainl-Graal ; mais la série des cinq panneaux qui nous ont été montrés sulht amplement à juger l’ensemble de cette superbe composition :
- i° Le songe de Lancelot; 2° Gawaine et ses compagnons d’armes ; 3° Le départ des chevaliers ; h° La nacelle sur laquelle ils traversent les mers ; 5° Les chevaliers à table.
- Toutes ces scènes si différentes sont exécutées avec un tel souci de la vérité que l’on se trouve au regret de ne pouvoir prolonger indéfiniment leur minutieux examen.
- Les plans sont non seulement admirablement observés, mais encore la finesse du point, l’expression des personnages, l’admirable entente de la coloration, tenue volontairement très vigoureuse afin d’en conserver plus longtemps la valeur, prouvent la profonde connaissance et l'habileté d’exécution des artistes qui ont collaboré à cette œuvre capitale dont MM. Morris and Cy peuvent se montrer justement fiers. On attribue à chacune de ces tapisseries exécutées en laine, et en soie pour les parties lumineuses, une valeur de 1,000 livres sterling, soit 25,ooo francs.
- Ces tapisseries sont la propriété de George Mac Culloch esq.
- HONGRIE.
- L’industrie textile en Hongrie a les traditions les plus anciennes. Les Magyars s’occupaient déjà, pendant leurs pérégrinations en Asie, à tisser des tapis et à broder des tissus. Actuellement encore, les paysannes de celte contrée excellent à broder selon les traditions anciennes des dessins cjui varient selon la région et selon l’origine de la nationalité des habitants du pays. Cet art rustique, peut-être dix fois séculaire, est maintenant dirigé par des artistes qui orientent vers les voies modernes le talent si curieux de ces paysannes. Nous aurons plus loin, en mentionnant au cours de ce rapport la fabrication des tapis aux points noués, à signaler que, pour le tapis aussi bien que pour la tapisserie, la caractéristique des compositions des artistes hongrois réside en une curieuse entente, en une savante combinaison de motifs de caractère national avec d’autres déformés absolument modernes. Ces compositions semi-hongroises, semi-modernes, affectent une note pittoresque; elles nous ont montré l’imagination inventive de ce peuple qui, dans ses productions modernes même, reste fidèle h ses traditions séculaires.
- p.230 - vue 234/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- 231
- MÉDAILLE D’OR.
- Société pour l encouragement de lindustrie domestique , à Presbourg (Poszoni).
- Indépendamment des. tapis que nous signalerons plus loin-, cette jeune société, qui occupe une vingtaine d’ouvrières formées en ses ateliers, nous a montré dans Pun des salons du rez-de-chaussée de la Section hongroise de l’Esplanade des Invalides un bel ameublement composé d’un grand canapé et de quatre fauteuils. La tapisserie fond bleu, genre reps Gobelins qui recouvrait ces meubles, affectait les formes de ce style hongrois modernisé, auquel nous venons de faire allusion. La coloration vigoureuse des motifs de cette composition était harmonieuse et la fabrication si soignée de cette tapisserie a vivement intéressé notre Jury. Toutefois, nous croyons devoir engager cette Société à utiliser, pour le tissage de ses tapisseries, une laine moins douce et moins duveteuse. Une laine plus sèche, à notre avis, éviterait le toucher un peu flasque que nous avons constaté et ne pourrait qu’avantager la tapisserie elle-même, en lui assurant une solidité et, par suite, une durée plus grandes.
- Dans un salon voisin, se trouvait exposé, sous une vitrine, un petit panneau exécuté en tapisserie. Le sujet, qu’on pourrait intituler Travaux des champs, montrait, exécutés à teintes plates, des paysans occupés à travailler la terre. Malgré sa simplicité extrême, ce petit tableau plein de vie et de vérité a été très apprécié. Aussi notre Jury a-t-il tenu à attribuer une médaille d’or pour l’ensemble des produits exposés par la Société pour l’encouragement de l’industrie domestique.
- MÉDAILLE D’ARGENT.
- M'"° Kovalski ( Charlotte), à Mémet-Elemer (Torental).
- Nous avons remarqué diverses compositions originales et bien modernes, dues au talent des artistes Paul Horli et Jean Vaszary. Ces tapisseries, en reps Gobelins, et tissées en laine douce, reproduisent des scènes champêtres dont les à plats, rehaussés d’une sertissure qui les met en valeur, sont de très bonne venue.
- Parmi les sujets qui ont le plus particulièrement retenu notre attention, nous citerons le Berger gardant ses moutons et surtout le Retour à la chaumière après le travail.
- Bien que traitée avec la plus grande sobriété de tons, cette dernière composition était d’un effet charmant. Sous un ciel embrasé des rayons du soleil couchant, se détachent en silhouettes un paysan et sa femme, chargés tous deux de leurs outils de travail ; ils cheminent adossés, se rendant au village dont on aperçoit dans un lointain paysage les modestes masures s’éclairer des premiers feux du soir. Celte petite poésie rustique, touchante dans sa simplicité, a été admirablement exécutée dans une coloration chaude, pleine de charme et de vérité, Mn’° Kovalski a de sa propre initiative établi, en 1891, un atelier en lequel elle-même a formé à cette fabrication de tapisseries des femmes de la campagne auxquelles elle imprime une orientation artistique où le moderne s’allie heureusement aux traditions hongroises. Aussi notre Jury, en adressant ses félicitations à M'"° Charlotte Kovalski, l’a-t-il récompensée d’une médaille d’argent.
- MÉDAILLES DE BRONZE.
- Mme Roosz (Madeleine), M. Istvanffy (Étienne), Mmc Lang (Anne),
- Mme Mikolits (Séréna).
- Sur la demande que par lettre datée du 7 juillet 1900 M. Ed. de Miklos, commissaire adjoint de la Hongrie, a adressée au Président de notre Jury, nous nous sommes rendus à la Section hongroise
- p.231 - vue 235/484
-
-
-
- 232
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- du Champ de Mars, Groupe XIII, et avons examiné les produits des quatre exposants ci-dessus désignés. Les tapisseries qui nous ont été soumises, les unes exposées en panneaux ou tentures, les autres, en rideaux ou portières, sont sur fond blanc, en gros reps Gobelins, des reproductions de motifs hongrois et orientaux, enlevés en coloration vive, dont la netteté des formes et la fabrication régulière ont paru à notre Jury mériter une médaille de bronze à chacun de ces exposants.
- MENTION HONORABLE.
- M,e Kabay (Daniel), à Budapest.
- Pour son genre de tapisserie Perse, façon gobelins, dont quelques spécimens nous ont été montrés, une mention honorable a été accordée à M"'c Daniel Kabay.
- NORVÈGE.
- Les productions de la Norvège en tapisseries et en tapis ont été pour tous une véritable révélation. Cette nation, dont l’Exposition de 1889 ne nous avait montré aucun produit se rattachant à Part ornemental de la décoration, a réalisé depuis lors de considérables progrès. Sous l’habile impulsion d’hommes de talent , d’artistes mis à la tête d’écoles d’art industriel qui se sont fondées de tous côtés, la Norvège s’est mise avec ardeur au travail, et les onze ans qui nous séparent de l’Exposition de 1889 nous la montrent aujourd’hui ayant franchi l’ingrate période des débuts, en pleine possession d’un talent très original dont nous aurions mauvaise grâce à contester la valeur.
- L’art textile en Norvège remonte aux temps les plus reculés de son histoire.
- Les poèmes mythiques et les vieilles légendes historiques dites les Sagas témoignent que cet art a été, de temps immémorial, pratiqué en Norvège.
- Les œuvres produites avec un goût essentiellement national par les paysans de plusieurs contrées de la Norvège allaient disparaître, cédant pour ainsi dire la place aux produits fabriqués mécaniquement, lorsque quelques initiateurs patriotes se mirent à la tète d’un mouvement tendant à relever cet art national.
- Nous citerons au premier rang l’artiste peintre bien connu M. Gerhard Munthe, qui a donné la plus grande impulsion à ce mouvement. C’est à lui que revient l’honneur d’avoir créé un style vraiment national dans Part moderne de la Norvège, et ce, grâce à sa connaissance spéciale de Part ancien et à son talent créateur si suggestif.
- Ses compositions, inspirées en partie de l’ancienne histoire nationale de la Norvège, mais surtout du monde fabuleux des légendes et des chansons anciennes de cette contrée, ses compositions, disons-nous, sont fantastiques et constituent un art moderne très personnel, en quelque sorte archaïque, et très intimement relié aux traditions norvégiennes; aussi M. Gerhard Munthe jouit-il en Norvège d’une véritable célébrité.
- Les noms de Mmes Frida Hansen, Munthe et de Mlle Augusta Christensen méritent d’être cités aussitôt après celui de M. Gerhard Munthe, car toutes ont su se perfectionner dans les méthodes techniques de la fabrication des tapisseries. Ainsi que nous aurons occasion de l’apprécier plus loin, le rôle de Mme Frida Hansen et de Mlle Christensen a
- p.232 - vue 236/484
-
-
-
- 233
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- été d’exécuter avec un réel talent et une connaissance technique des mélanges à utiliser les compositions de M. Gerhard Munthe.
- Devant des progrès si promptement réalisés, l’Etat n’a pas hésité à confier la direction artistique de cette fabrication à trois musées norvégiens des arts décoratifs parmi lesquels le musée de Trondhjem, habilement dirigé par M. Jens Thiis que nous avons eu l’honneur de compter au nombre de nos collègues du Jury et que nous remercions, ici, des renseignements précis qu’il a bien voulu fournir au rapporteur.
- Dans les tapisseries soumises à notre examen, l’on sent qu’on a cherché à faire valoir ce qu’il y a d’essentiellement norvégien en ces compositions, de façon que le caractère national puisse être apprécié à ce double point de vue, technique et artistique.
- Ces genres gobelins norvégiens diffèrent beaucoup de la fabrication française. Ils sont tissés en laine forte, très épaisse et très serrée. C’est un gohelin rustique, naïvement décoratif, composé d’un nombre restreint de couleurs vives et fait de lignes très simples, en un mot, un gobelin en parfaite harmonie avec l’habitation norvégienne, ses murs sobres et ses cloisons en bois.
- La fabrication norvégienne des tapisseries peut se classer comme suit :
- i° La tapisserie en carreaux. — Les lignes en sont toutes horizontales ou verticales, jamais diagonales ni courbes, genre spécialement ornemental : genre Aaklade.
- 2° La tapisserie à sujet. — Ce genre gobelin de haute lisse est moins primitif et se prête mieux aux compositions à personnages : genre Billedmr.
- 3° Tapis points noués. — Genre tapis de Smyrne : genre Flosvar.
- Dans les tapis norvégiens anciens, on trouve presque toujours un mélange de tons de la laine dans la même couleur. Ces nuances de tons sont en partie voulues et en partie jetées au hasard ; elles rendent en tous cas le coloris plus vivace et plus
- Ces nuances de tons, produites par le mélange des bouts de laine, M1Ie Christensen les utilise à dessein, nous a dit M. Thiis, pour obtenir un coloris vif et souple comme le coloris de la palette du peintre.
- Au lieu de teindre la laine en d’innombrables nuances, on ne se sert que de trois ou quatre couleurs primitives en plus des couleurs naturelles. De cette façon, le mariage des tons ressort plus énergiquement et plus franchement que dans l’effet produit par les teintes mêmes du fil. C’est la théorie de la décomposition des couleurs dans la peinture. moderne, appliquée à la méthode du tissage : chaque brin de laine est filé spécialement pour la place qui lui est destinée, comme chaque nuance est préparée spécialement pour le coup de pinceau du peintre.
- Ce mode de travail lent et délicat explique le prix élevé de certaines tapisseries exposées.
- Nous aurons occasion d’y revenir en rendant compte de quelques tapisseries que nous allons maintenant passer en revue.
- p.233 - vue 237/484
-
-
-
- 234
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- MÉDAILLES D’OR.
- Aktieselskabet ( Det Norske Büledvoevcri}, à Christiania.
- Dès l’entrée des salons occupés par cette Société, dans la Section norvégienne située à l’étage du palais de l’Esplanade des Invalides, l’œil était agréablement récréé par la variété des tapisseries aux colorations séduisantes, dont les compositions franchement modernes n’étaient pas exemptes de charme.
- L’attention était tout d’abord attirée par quantité de tapisseries diaphanes et double face, présentées sous formes de portières; les compositions de ces portières, toutes modernes, font le plus grand honneur à Mme Frida Hansen à qui elles sont dues ; elles révèlent une connaissance approfondie des ressources de l’art de tisser les tapisseries et démontrent que l’on peut, au moyen de tons à plat, et avec un nombre très restreint de couleurs vives, mais harmonieusement disposées, produire des effets décoratifs les plus ravissants.
- Ces portières tissées en tapisserie diaphane étant les seules que nous ayons vues ainsi fabriquées au cours de cette Exposition, et constituant une réelle nouveauté, nous allons en deux mots en donner l’explication. Ces tapisseries sont destinées à servir de portières décoratives à des appartements se communiquant entre eux. Elles sont tissées à jour, de manière à permettre d’apercevoir, étant dans un appartement, ce qui se passe dans l’autre. A cet effet, le tissage, qui s’en opère comme pour toutes ces tapisseries sur métiers de haute lisse, ne fait reproduire sur la chaîne laine de ces tapisseries que les formes constitutives du dessin, et laisse libres les fds de chaîne, aux endroits qui devraient être tissés en un ton uni qui en serait pour ainsi dire le fond.
- Comme on en peut juger par cette explication sommaire, ce sont des tapisseries dont on tisse seulement le dessin et pas le fond, et c’est par les interstices de la chaîne laissée libre que l’œil peut, à travers l’étoffe, percevoir ce qui se passe du côté opposé à celui par lequel il regarde. Il faut pour cela des compositions bien étudiées, bien comprises en vue de cette fabrication. Notre Jury, tout en regrettant que ce mode de production entraîne un prix élevé pour la vente de ces tapisseries, en a admiré l’habile disposition et n’a pas ménagé ses félicitations à M'no Frida Hansen au sujet de cette création nouvelle dont de nombreux spécimens nous ont été soumis en des colorations variées et fort amusantes.
- Les cloisons de cet emplacement étaient, du haut en bas, garnies de panneaux de tapisserie dont l’exécution ne laissait rien à désirer.
- Sur la cloison de gauche, nous avons remarqué deux grandes tapisseries exécutées en point demi-fin, d’après les compositions de l'artiste? M. Gerhard Muntlie.
- Sous ce titre Le Hierosolymitain, roi de Norvège, extrait des Sagas royales du chroniqueur Snone Sturlisson, la croisade de Sigurd nous montre deux scènes capitales : l’une, Le roi Sigurd et Bau-'douin de Jérusalem, l’autre, L’entrée de Sigurd à Constantinople.
- L’exécution de ces tapisseries, faite à teintes plates, leur coloration vigoureuse en un nombre restreint de couleurs, les reliefs savamment combinés en fils d’or, dénotent l’habileté de l’artiste qui a créé les compositions, ainsi que l’ingéniosité professionnelle de l’artisan qui les a exécutées en tapisserie.
- A la cimaise, se trouvaient exposés d’autres panneaux qui, plus larges que hauts, représentaient l’un, Les vierges sages et les vierges folles, l’autre, La danse de Salomé.
- Ces compositions dues à M,no Frida Hansen relèvent tout particulièrement de ce genre mythique et légendaire cher aux Norvégiens ; elles dénotent la souplesse du talent de M"10 Frida Hansen qui, ainsi que nous l’avons vu plus haut, sait se prêter aussi bien aux compositions rappelant les légendes de
- p.234 - vue 238/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AETRES TISSUS D’AMEUBLEMENT. 235
- son pays qu’aux compositions modernes pour portières, et même pour tapis, comme nous le montrerons au chapitre traitant des tapis de pied.
- En plus des produits que nous venons de mentionner, la Société Aktieselskabet avait exposé, en tapisserie, quantité de coussins de composition moderne et de coloration charmante, d'autres de genre héraldique très habilement exécutés. Aussi, notre Jury, tenant à prouver combien il apprécie les efforts tentés en Norvège pour relever l’art national des tapisseries en cette nation, a-t-il accordé une médaille d’or à la Société Aktieselskabet det Norske Billedvoeveri.
- Nordenfjeldske kunst industmmuseum, à Trondhjem.
- Les tapisseries exposées par ce musée sont produites dans une école et dans un atelier de tissage sous la direction de Müo Augusta Christensen, et suivant les principes artistiques de M. Gerhard Munthe. Le but poursuivi est de régénérer dans l’art nouveau les traditions séculaires de la Norvège.
- Nous allons rendre compte des résultats que cette jeune école a su obtenir en deux ans de travail, grâce à l’intelligente direction de M110 Augusta Christensen dont nous avons mentionné déjà les recherches relatives à l’emploi des couleurs à utiliser pour le meilleur tissage des tapisseries.
- A l’exception de deux copies exécutées d’après des modèles anciens, toutes les tapisseries exposées par le musée sont produites d’après des cartons du peintre M. Gerhard Munthe : elles représentent toutes des sujets appartenant au domaine surnaturel de la fable et de la légende nationale.
- Les tapisseries de genre à sujets qui nous ont été montrées, représentent :
- 10 Les filles de l’aurore boréale et les trois princes amoureux métamorphosés en ours blancs. L’effarement de ces trois filles dont les cheveux se hérissent à la vue de cette cruelle métamorphose est très bien exprimé et fort bien traduit en cette composition mythique dont ont fait l’acquisition le Musée de Hambourg et la collection Engel Gros à Bâle ;
- 2° L’oiseau sage et le vieux roi dans le bois de châtaigniers ;
- 3° Les métamorphoses du fils du roi que le sorcier a changé d’abord en oiseau de nuit, puis en ours ;
- 4° L’angoisse de l’obscurité de trois petites fdles qui écoutent les bruits mystérieux des êtres fantastiques qu’on voit enlacés dans la bordure d’encadrement. C’est dans cette dernière tapisserie surtout que l’attention du Jury a été attirée par le mode de travail préconisé par M1Ic Christensen : nous avons remarqué en effet que les laines ont été, au tissage, mélangées de plusieurs tons pris dans la même gamme de couleur, pour produire le coloris désiré sans avoir, pour cela, besoin de recourir à l’emploi d’un grand nombre de couleurs.
- En dehors des tapisseries uniquement ornementales, le genre désigné tapisserie à carreaux était représenté par les compositions suivantes :
- i0 II y avait une fois vingt-quatre bonnes femmes qui s’en allaient à la queue leu leu; 2° A travers la nuit cl les flots; 3° Les quatre canards; h° Une paire d’élans ; 5° Les poissons dans les flots.
- Quelques-unes de ces tapisseries ont été exécutées parles élèves de l’école; d’autres, par les mêmes avec la collaboration de la directrice. D’autres enfin sont l’œuvre de M1Ie Christensen elle-même.
- Les cartons de M. Gerhard Munthe, et les tapisseries exécutées d’après eux, par M1Ie Christensen, ont déjà obtenu des médailles d’argent et d’or à diverses expositions, Stockholm, Bergen, Venise. Ces tapisseries figurent maintenant, non seulement dans les musées nationaux de Christiania, de Bergen et de Trondhjem, mais encore à l’étranger, dans les musées de Hambourg, de Budapest, de Venise, de Stockholm ainsi que dans la collection de M. Engel Gros, à Bâle (Suisse).
- Voulant témoigner à l’artiste qui a composé ces œuvres, aussi bien qu’à l’atelier du musée qui les a exécutées, la flatteuse appréciation des divers produits qui lui ont été soumis, notre Jury n’a pas
- p.235 - vue 239/484
-
-
-
- 236
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- hésité à récompenser d’une médaille d’or l’ensemble des tapisseries exposées par la Nordenfjeldske Künst Ixdustrimuseum.
- La laine employée à la fabrication de ces tapisseries est fdée à la main et teinte dans les ateliers de la Société, au moyen des couleurs végétales, d’après des recettes originales dues aux recherches de Mme Ffida Hansen.
- MÉDAILLES D’ARGENT.
- MM. Arbo, Faye-Hansem , Trygvesdatter, Kiangenberg, à Christiania.
- Dans un petit salon situé à l’étage du palais de l’Esplanade des Invalides, ces exposants nous ont montré, exécutés en gros reps Gobelins, diverses tapisseries décoratives aux tons chauds et lumineux. Ces tentures, à l’exception de quelques-unes qui étaient inspirées du genre oriental, étaient pour la majeure partie d’entre elles des compositions modernes de riche coloration, de belle exécution et d’un emploi très pratique pour rideaux et portières. Aussi notre Jury a-t-il tenu à récompenser d’une médaille d’argent les produits de ces exposants.
- Union de la petite industrie domestique et puilanthropique, à Christiania.
- Dans un pavillon central, vdisin de l’exposition dont nous venons de nous entretenir, nous voyons, devant un petit métier vertical de haute lisse, une ouvrière occupée à tisser une bande de tapisserie dont les trames de laine habilement crochetées s’entrecroisent de telle manière que les points lâchés ne puissent laisser le moindre fil de laine non lié. Il nous a été montré, dans ce pavillon, une fort intéressante variété de tapisseries, des tentures Gobelins (ce terme reviendra souvent sous notre plume, car il est pour ainsi dire consacré dans toutes ces contrées pour désigner le point de reps, imitant celui des Gobelins). Ces tapisseries, généralement traitées en vue de leur emploi pour rideaux-portières, offraient aussi de jolis spécimens de compositions pour meubles et pour coussins. Les motifs, tantôt orientaux, tantôt de caractère national, étaient enlevés en des colorations chaudes, originales et parfois bien différentes de celles chères aux Orientaux. Notre Jury a surtout été charmé par l’entente de l’harmonie des couleurs dont témoignaient les produits exposés, car malgré la vivacité des nuances employées l’ensemble en était harmonieux et récréait la vue.
- D’autres tentures, fond reps gobelins, avaient leur dessin en relief sur ce fond, au moyen d’un velours d’autre ton fait aux points noués; elles produisaient un effet décoratif des plus riches et des plus heureux. Des sièges garnis de cette meme étoffe nous ont également paru fort intéressants.
- Enfin, fixés aux cloisons, divers panneaux de tapisserie dus à la composition de M. Gerhard Munthe retenaient l’attention par la rêverie romanesque ou la féerie des sujets racontant des légendes de ces pays norvégiens, dont Gerhard Munthe s’est fait une véritable spécialité. L’extrême variété des dessins, la netteté de leurs formes, l’harmonieuse coloration et la bonne exécution des tapisseries exposées ont favorablement impressionné notre Jury, qui a attribué une médaille d’argent à cette Société pour l’encouragement de l’industrie domestique qui, subventionnée par l’Etat, a contribué largement depuis sa fondation (qui remonte à dix ans d’ici) au relèvement de l’ancien art textile de la Norvège.
- MENTIONS HONORABLES.
- Mlle Meidell [Karen), à Christiania.
- D'après un dessin du capitaine Poulsen, dessin inspiré du conte norvégien de Asbjomsen, Mlle Meidell a exécuté, en forme de petit tableau, une tapisserie simplement mais très gentiment
- p.236 - vue 240/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT. ‘237
- traitée à teintes plates. Désirant encourager Mlle Karen Meidell à persévérer dans cette fabrication artistique, dont Aase la gardeuse d’oies lui a permis d’apprécier le mérite, notre Jury a accordé une mention honorable à MUo Meidell.
- Mlu Siqveland (Johanna), à Christiania.
- Sous forme de petits carrés pour coussins et tabourets, MUe Siqveland avait exposé sous vitrine quelques tapisseries rappelant l’ancien style national norvégien, que notre Jury a récompensées d’une mention honorable.
- M'ne Arctander [Katrina), à Lofthus (Hardanger).
- D’après un sujet tiré de Y Art à Pompei, Mme Arctander avait exposé, sous forme de grand panneau décoratif, une tapisserie reproduisant, sur fond vieux rouge, une Flore dont nous ne pouvons malheureusement pas faire l’éloge. Sa pose guindée, son visage à peine visible, et par-dessus tout la coloration du sujet en bleu de plusieurs tons sur ce fond rouge, tout cela a été sévèrement critique par le Jury, qui n’a voulu retenir de ce panneau que le souvenu' de sa bonne exécution en tapisserie demi-fine. C’est avec l’espoir que Mmc Arctander sera mieux inspirée à l’avenir dans le choix des compositions qu’elle voudra exécuter en tapisserie que notre Jury lui a accordé une mention honorable.
- ALLEMAGNE.
- Le superbe et artistique catalogue officiel que l’Allemagne a fait luxueusement éditer à l’occasion de sa participation à l’Exposition de Paris 1900 est une véritable encyclopédie en laquelle chacune des Classes qui composent les dix-huit, groupes de notre Exposition a pu puiser des renseignements précis sur les origines mêmes des produits exposés, sur les évolutions auxquelles ils ont donné lieu au cours de ce siècle, ainsi que sur leur état actuel, tant au point de vue de leur fabrication industrielle qu’à celui de l’esthétique de laquelle ils relèvent.
- En ce qui concerne les Arts décoratifs (Groupe XII, en lequel est comprise notre Classe 70), c’est le vice-président même du Jury de notre classe, M. Julius Lessing, conseiller intime, directeur du Musée royal des arts et métiers de Berlin, qui, avec l’autorité de ses connaissances et de son talent, a fait le résumé précis de l’état d’âme de l’Allemagne durant ce siècle, en tout ce qui se rattache aux industries décoratives.
- Cette étude consciencieuse ne pouvant malheureusement être transcrite ici dans son entier, nous engageons vivement le lecteur désireux de s’instruire à lire avec attention l’intéressant article, qu’à titre d’introduction aux produits exposés par l’Allemagne en les Classes 66 à 71, M. Julius Lessing a fait paraître au Catalogue officiel (voir Arts décoratifs, fol. 328 à 3 3 à). Nous regrettons de n’en pouvoir donner ici qu’un résumé succinct.
- L’industrie décorative en Allemagne, en ces trente dernières années, a été l’objet de soins méthodiques embrassant toutes les branches. Au milieu de ce siècle, on 11e s’en Gn. XII. — Cl. 70. 17
- II»1\IHEtllE NATIONALE.
- p.237 - vue 241/484
-
-
-
- 238
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- préoccupait qu’en ce qui concerne les constructions monumentales. Dans la vie bourgeoise, on se contentait, de formes sobres qui, par l’industrie naissante due aux machines et aux fabriques, ont. été dirigées du côté de la simplicité et de la ligne droite.
- De 1870 à 1880, l’activité de l’industrie amène en Allemagne un bien-être plus grand : pour satisfaire aux besoins du luxe naissant, c’est vers la Renaissance allemande du xvT siècle que se porte le goût, du public, qui en recherche les formes fantaisistes avec ses détails d’ornements bien prononcés.
- Munich, à cette époque, exerce son influence sur l’Allemagne du Sud et du Nord, mais Berlin préfère à la renaissance allemande, un peu mièvre, le vigoureux style Louis XIV.
- De 1880 à 1890, de nombreux essais sont tentés dans les styles Louis XV et Louis XVI, styles auxquels n’était pas toujours favorable le caractère lourd que l’Allemagne leur avait donné au xvmc siècle.
- Le style gothique de la période romane garda sa place pour la construction des églises : quant à l’introduction des formes moyen Age dans les arts profanes, elle n’eut quelque suite que dans la reconstruction de vieux châteaux (burgs).
- Dès 1890, l’introduction des meubles anglais en Allemagne montra comment on peut concilier les buts pratiques avec la plus grande simplicité des formes et ce, sous une apparence commode, facile à déterminer. Les décorations anglaises, souvent prises au Japon ou empruntées à l’étude de la nature, surtout en style moderne, trouvèrent en Allemagne un vif écho. Après avoir imité les modèles venus d’Angleterre, il se produisit une véritable évolution vers la tendance qualifiée de moderne. Alors que dix ans auparavant les dessins ou modèles à exécuter en tapisseries ou étoffes se trouvaient complètement entre les mains de dessinateurs formés en vue de l’architecture, une pléiade d’artistes, peintres, sculpteurs et d’amateurs enthousiastes d’art entrèrent soudain dans ce mouvement moderne qui, maintes fois, prit une attitude belliqueuse contre les styles historiques traditionnels.
- Ce désir de produire du nouveau, à tout prix, amena fatalement l’exagération; mais l’importance des arts décoratifs s’accrut dans cette lutte et, de tous côtés, Ton ouvrit les portes des expositions d’art aux produits de cette tendance moderne.
- Nombre de ces produits firent d’abord l’effet de bizarreries inacceptables ; mais le genre de dessin moderne imitant les formes de la nature en les stylisant avec fantaisie poursuit aujourd’hui vaillamment son chemin et trouve aisément son acquéreur.
- Des industries paysannes conservées dans des contrées reculées sont reprises aujourd’hui et dirigées vers l’art moderne avec une grande intensité de vie et de développement.
- La manifestation la plus éclatante de la tendance moderne s’observe dans le nombre croissant des centres d’art créateurs, car cette tendance ouvre un vaste champ à l’invention purement personnelle.
- Tandis que, pendant des années, Berlin et Munich donnaient le ton avec leurs écoles plus ou moins académiques, Dresde, Hambourg, Carlsruhe, Darmstadt, etc., viennent
- p.238 - vue 242/484
-
-
-
- 239
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- aujourd’hui, avec des protecteurs princiers ou avec quelques groupes d’artistes indépendants, exercer une influence prédominante.
- En outre, un enseignement public propage la culture artistique jusque dans les villes moyennes des provinces.
- Toute ville d’une certaine importance a son école des Arts et Métiers, avec une bibliothèque et des collections souvent importantes, devenues des musées.
- Dans les centres de grande industrie, il y a des écoles professionnelles et, dans les petites villes, au moins des écoles d’apprentissage avec des classes de dessin et de modelage.
- Sans être arrivé encore, ni pour les meubles, ni pour les étoffes décoratives, à établir des types fixes, déterminés, l’on s’efforce d’adapter jusqu’aux plus petits détails une forme spéciale à chaque besoin. C’est là, et non pas dans les accessoires d’ornements, que doit s’exprimer le sentiment artistique moderne.
- Dans l’art textile, les tissus suivent actuellement, en Allemagne, la mode internationale ; les dessins se sont affranchis de l’imitation historique ; ils sont généralement de grandes dimensions et empruntés à l’étude de la nature.
- Pour les ornements d’église, on a repris avec succès les superbes modèles du moyen âge, mais les tissus d’ameublement en soie et laine adoptent, pour la plupart, de légers modèles de fleurs stylisées s’adaptant aux formes modernes par excellence.
- Les tentures murales en tapisserie se font maintenant à Berlin (voir Ziescb, exposant de notre Classe 70) au moyen »de procédés de tissage semblables à ceux de haute lisse employés à la manufacture des Gobelins français. Un genre de tapisserie plus simple, basé sur le mode de tissage des paysans du Nord et spécialement sur celui des travaux suédois, a pris une situation indépendante très répandue. Il a son centre de fabrication à Scherrebeck en Holstein. Cette manufacture produit, en des modèles libres, des tapisseries affectant le genre des affiches modernes. Nous aurons occasion de signaler ces produits en rendant compte de l’examen qu’en a fait notre Jury.
- Avant de procéder à cet examen, nous considérons de notre devoir de signaler au lecteur le très intéressant article consacré, par M. le docteur Paul Seidel, à la collection Frédéric le Grand (voir Catalogue officiel, fol. 65 à 69).
- Cette collection incomparable, exposée au pavillon de l’Allemagne de la rue des dations, dans les salles de représentation de la Maison allemande, par ordre de S. M. l’Empereur d’Allemagne, a été admirablement dépeinte par M. le docteur Seidel, et les termes en lesquels M. Seidel fait remonter à la France la reconnaissance de l’Allemagne, pour l’impulsion quelle a reçue d’elle au xvm° siècle, sont trop flatteurs pour notre pays pour que nous résistions au plaisir de les transcrire ici même.
- Au folio 66, M. Seidel s’exprime ainsi :
- S. M. l’Empereur a gracieusement donné la permission de faire, dans ses collections, un choix grâce auquel les salles de représentation de la Maison allemande ont pu être décorées d’une manière absolument digne et artistique. Ces objets sont encore d’un bien plus haut intérêt lorsqu’on se rend compte de l’importance qu’ont eue l’art et le goût français sur le développement artistique de l’AUo-
- 7-
- p.239 - vue 243/484
-
-
-
- 240
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- magne au xviii” siècle; ils deviennent, non seulement un hommage pour Frédéric le Grand, l’ami et le protecteur des sciences, de la philosophie et des arts français. mais ils sont encore une démonstration glorieuse de l’histoire des arts du peuple français.
- Et plus loin, au folio 69 :
- Abstraction faite de sa valeur historique et artistique, cette collection peut être aussi considérée comme une preuve de la reconnaissance que la nation allemande garde à la France, pour l’impulsion qu’elle a reçue d’elle au xviii' siècle.
- Dans l’ensemble des merveilles exposées en ces salles de représentation de la Maison allemande, la célèbre collection provenant des manufactures des Gobelins et de Beauvais , qui se trouve en la possession de l’Empereur d’Allemagne, n’était représentée que par deux portraits, celui de Henri IV et de Louis XVI. Ce dernier se distingue par la perfection du travail technique, et tous deux sont remarquables par leurs cadres dorés et sculptés avec un grand art. Le prince Henri mentionnait , dans une lettre envoyée de Paris à son royal frère, ces tapisseries comme des cadeaux du roi de France.
- Nous allons maintenant procéder à l’examen des tapisseries qu’ont soumises à notre Jury d’examen les divers exposants allemands.
- MÉDAILLE D’OR.'
- MM. Ziesch (JF.) el Cle, à Berlin.
- Dans le salon impérial de la section allemande du palais de droite de l’Esplanade des Invalides, se trouvaient exposées plusieurs tapisseries dont le point fin rappelle exactement celui des Gobelins : l’aspect en est le même et la fabrication en est des plus soignées.
- Une délicate attention de cet exposant lui a fait, parmi tant d’autres tapisseries sortant de ses ateliers, choisir pour les deux pièces capitales qu’il tenait à nous montrer deux gracieuses compositions de notre inimitable peintre français François Boucher. L’une, mesurant 4 m. 27 sur 3 m. 80, occupait toute la cloison de gauche; l’autre, de 2 m. 96 sur i m. 72, formait le panneau central du même salon. Ces copies, aimables reproductions de peintures décoratives du xvm° siècle, sont toujours, pour le public mondain, plus séduisantes que les tapisseries du xvi” siècle, et ce, en raison du charme qui se dégage de ces compositions gracieuses, de leur clarté lumineuse, ainsique de l’heureuse harmonie de leur coloration. Ici, cependant, notre Jury a fait la juste remarque que ces reproductions, bonnes en temps que reconstitution des sujets, laissaient à désirer sous le rapport de l’exacte appropriation des couleurs.
- Elles manquaient en effet de vigueur et enlevaient à ces tapisseries cet aspect de gaieté, de fraîcheur lumineuse que possèdent les modèles, et dont ces copies ne donnaient qu’un pâle reflet.
- Dans un angle un peu sombre de ce même salon, à droite, au-dessus de meubles garnis de riches étoffes, un panneau, Emblèmes de Musique, d’après une peinture du professeur Erwald, nous a plu par la belle ordonnance de sa composition, par sa bonne coloration, ainsi que par son exécution très soignée.
- A l’étage de ce même palais, MM. W. Ziesch et Gie avaient en outre exposé, en panneaux se faisant pendant, deux tapisseries de 2 m. 68 sur 1 m. q5, en point demi-fin. Le sujet, Cupidon lutinanl une Nymphe ailée, était traité avec une bonne entente de la coloration. Les physionomies étaient expressives et agréables, et dénotent l’habileté professionnelle des tapissiers qui les ont exécutées. Mais, dans
- p.240 - vue 244/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT. 241
- le panneau de droite, les jambes de Gupidon nous ont paru critiquables par les dimensions qu’on leur a données.
- Nous avons, par contre, admiré sans réserve l’exécution de deux larges bordures, Guirlandes de fleurs et de fruits, tapisseries de l’époque de la Renaissance, dont la composition et la coloration nous ont paru des plus réussies.
- Un grand album nous a montré, en outre, de nombreuses photographies de grandes pièces de tapisseries produites par MM. W. Ziesch et Cl8, que le manque d’espace ne leur a pas permis d’exposer.
- M. Ziesch, tisseur d’art de S. M. l’Empereur d’Allemagne et de S. A. R. le grand-duc de Meclden-bourg-Schwerin, s’occupe en outre de la réparation des tapisseries de valeur. Récompensé déjà d’un diplôme d’honneur en 1888, pour la réintroduction en Allemagne du tissage des tapisseries fines du genre Gobelins, M. Ziesch a obtenu, en 1896, la grande médaille d’État, en or, et notre Jury a ratifié ces distinctions en attribuant une médaille d’or à MM. W. Ziesch et Cic, pour l’intéressant ensemble de leurs productions en tapisseries fines.
- MÉDAILLES D’ARGENT.
- Ecole de tissage artistique de Scuerrebeck (Schleswig-Holstein).
- A l’étage de la section allemande, au palais de l’Esplanade des Invalides, en un salon spécial dans l’angle reculé duquel est monté un petit métier de haute lisse, sur lequel une dame, professeur de l’Ecole, tisse elle-même une tapisserie, nous remarquons, exécutés en point demi-fin de reps Gobelins et tissés en laine douce, une multitude de petits panneaux, compositions modernes, féeriques et légendaires.
- Certaines de ces compositions sont très amusantes dans leur originalité ; la simplicité de leur coloration, faite de teintes plates rehaussées d’un point de sertissure, explique très nettement, à la façon des affiches modernes dont Ghéret a été l’innovateur, le sujet des scènes que l’artiste a voulu reproduire.
- Nombreux, d’ailleurs, sont les artistes qui apportent à l’École le concours de leur talent. Nous citerons notamment MM. Otto Eeckman, professeur à Berlin; Hans Ghristiansen, professeur à Darmstadt, autrefois à Paris; Hans Thoma, de Francfort; Sperling, de Berlin; Heinrich Yogeler, de Worpswede; M"e Hahn, de Hambourg, etc.
- Nous mentionnerons, parmi les tapisseries dont les compositions ont plus particulièrement retenu l’attention de notre Jury : Conte de fées, par Otto Eeckman; La Belle au Bois dormant, par Heinrich Vogeler; Moulin dans la bruyère, par Alfred Mobrbutter; Le Poulailler, par M11' Hahn.
- Cette dernière tapisserie, par l’originalité de sa composition, par son habile arrangement et par l’intensité d’une coloration très harmonieuse dans sa vigueur, a reçu de notre Jury un témoignage de son approbation.
- De même que dans les pays Scandinaves c’est ici encore le désir de relever une industrie rustique, dont seuls les habitants de certaines contrées avaient conservé l’antique tradition, qui amena un pasteur du Schleswig-Holstein, M. Jacobsen, à fonder l’École qui s’est si rapidement développée à Scberre-beck. Grâce au concours empressé d’artistes séduits par les tendances modernes que nous avons signalées plus haut, I’Ecole de tissage de Scuerrebeck est aujourd’hui en pleine prospérité. Les laines employées pour la production des tapisseries sont fournies par des moutons élevés par la maison. Elles sont filées dans les ateliers de l’école et y sont teintes à l’aide de procédés exclusivement végétaux, ce qui permet de garantir la solidité des nuances à l’action de l’air et de la lumière la plus intense.
- Le tissage de ces tapisseries se fait à l’aide de l’ancien métier vertical, sans aucun appareil méca-
- p.241 - vue 245/484
-
-
-
- 242
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- nique ni navette, par la seule habileté de l’ouvrière qui saisit chaque fil. de laine et l’entrelace artiste-ment entre les fils de chaîne, pour reproduire ainsi, par le tissage, le dessin-modèle de l’artiste. Par l’effet du crochetage des laines entre elles, ces tapisseries présentent un envers parfait; elles sont pour ainsi dire à double face. Détail particiüier : au lieu du peigne de fer généralement employé pour le serrage, le tassement des laines au tissage, l’Ecole préconise l’emploi d’une simple fourchette, trouvant que la courbure des dents de cet ustensile facilite le serrage des trames, de même que son manche en rend le maniement plus aisé.
- Notre Jury a récompensé d’une médaille d’argent les tapisseries de l’École de tissage de Scherre-beck. Nous examinerons plus loin les tapis que cette même École avait exposés.
- Mlles Brinksmann (Ida et Carlotla), à Hambourg.
- La très intéressante tapisserie en genre gros Gobelin norvégien exposée par M"05 Brinksmann était malheureusement placée sur une rampe d’escalier dérobé menant à l’étage de la section allemande, et c’est grand dommage, car elle méritait vraiment l’attention des connaisseurs.
- Cette tapisserie, de h mètres de longueur sur 3 de largeur, est, en gros reps de quatre côtes au centimètre, la reproduction d’une ancienne broderie du xivc siècle. Elle représente, en bandes transversales chargées d’inscriptions et de quantité d’écussons qui se produisent alternativement avec les personnages, l’histoire légendaire de Trystan et Yseult.
- Avec un nombre très restreint de couleurs, MUcs Brinksmann ont exécuté cette tapisserie de la façon la plus décorative. La bordure du haut sur fond rouge, celle du bas sur fond ivoire, portaient des fleurs dont le traitement naïf complétait fort heureusement l’ensemble de cette ravissante reproduction d’une broderie du xiv° siècle, appartenant au couvent de Wienhausen, près Celle.
- Cette tapisserie, destinée à l’ancien château de Marienbourg-für-Nogar, méritait toutes les félicitations du Jury. Le rapporteur est heureux d’être ici l’interprète de tous ses collègues et de rappeler qu’une médaille d’argent a récompensé M"'5 Ida et Garlotta Brinksmann de leur travail si artistement exécuté. M11'1 Brinksmann sont les filles du distingué directeur du Musée des arts décoratifs de Hambourg. Ses nombreux achats au cours de cette Exposition ont amené souvent M. Brinksmann à Paris, où son caractère si sympathique lui a attiré de nombreux amis.
- MÉDAILLE DE BRONZE.
- Société Lette, à Berlin.
- Cette société n’a exposé, dans notre Classe, que quelques petites tapisseries, sortes de compositions modernes du genre de celles de l’Ecole de Scherrebeck. La démonstration faite par cette société a été jugée insuffisante par notre Jury, qui lui a attribué une médaille de bronze.
- SUÈDE.
- Nous devons à la vérité de reconnaître que, dès 187A, et par conséquent avant la Norvège, la Suède a fondé, ainsi que nous le verrons plus loin, une première société destinée à reprendre, en y appliquant les procédés plus modernes de tissage, Tari rustique des tapisseries que, seules et d’après des traditions séculaires, quelques vieilles femmes de la campagne continuaient encore a exercer.
- p.242 - vue 246/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- 243
- Cet art manuel comprenait maintes manières de travailler ; il variait depuis le tissage à haute lisse jusqu’à toutes espèces de tissus et de broderies, le tout fait suivant l’ancien mode des peuples du Nord, exécuté avec des laines filées et teintes à la maison ; les dessins anciens, de même que leurs coloris, nous donnent exactement l’idée des produits de l’art manuel chez les peuples de l’Orient.
- Tout l’historique que nous avons fait précédemment de l’art textile en Norvège peut avec autant de raison s’appliquer à la Suède, car pour ces pays Scandinaves dont l’histoire, au cours des siècles, s’est si longtemps confondue, les antiques traditions populaires sont les mêmes : les poèmes légendaires, les contes fantastiques ou mythologiques ont, dès les temps les plus reculés, servi de thème aux compositions rustiques que les paysannes, selon leur imagination plus ou moins inventive, s’ingéniaient à reproduire en broderies ou en tapisseries grossières.
- En Suède, coqime plus tard en Norvège, c’est dans le but de ne pas laisser disparaître à tout jamais cet art rustique et séculaire encore exercé par quelques femmes de la campagne que divers amateurs éclairés, doublés d’artistes de talent, résolurent de reprendre cet art primitif, de le rénover et de le développer dans un sens artistique moderne, tout en lui conservant, presque religieusement, l’ancien type caractéristique national. Nous verrons plus loin que, guidés par des artistes d’un goût sûr, les artisans formés par les sociétés qui se sont fondées en Suède se tiennent, pour l’exécution de leurs tapisseries, dans les limites de procédés très simples, mais qu’ils en sont réellement maîtres et qu’ils en comprennent le sentiment.
- Parmi les artistes dont les noms, au cours de cette Exposition, nous ont été le plus souvent signalés pour la vive impulsion qu’ils ont donnée à l’art de la tapisserie en Suède, nous citerons M. Karl Larson, dont le talent nous a été révélé par de très habiles compositions en vue de leur exécution en tapisserie; Mlle Sjorstrôm, dont nous avons également admiré de très intéressantes compositions, Milcs Gisberg, Wastberg et Widebeck, et bien d’autres encore ont droit aussi à nos félicitations, car l’ensemble de l’exposition suédoise des tapisseries a été très hautement apprécié non seulement par notre Jury, mais encore par Talïluence des visiteurs qui n’ont cessé, durant tout le cours de l’Exposition, d’admirer les produits suédois dont nous allons maintenant faire un rapide examen.
- MÉDAILLES D’Olt.
- Handarbetets Vanner (Les Amis des travaux manuels), à Stockholm.
- M"’6 la baronne Sophie de Adlesparre, née de Leijonhufvud, auteur connue, Mm“ Hanna Winge, l’artiste distinguée, et quelques autres dames de Stockholm, toutes entièrement dévouées à la réussite de l’œuvre qu’elles allaient entreprendre, fondèrent, en 1874, la société Handarbetets Vanner.
- Ainsi que nous l’avons mentionné plus haut, cette société, sous le titre : Les Amis des arts manuels, s’est donné pour but de perfectionner l’industrie textile domestique sous le double rapport artistique et national, et de faire revivre en Suède fart du tissage et des ouvrages à l’aiguille.
- p.243 - vue 247/484
-
-
-
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- 21i'i
- Hâlons-nous de dire que le succès le plus complet a couronné de si nobles et de si patriotiques efforts. Cette société compte des membres dans tout le pays et reçoit chaque jour encore de nouveaux adhérents; son conseil d’administration se compose de neuf dames. Une subvention est accordée par l’Etat à cette société, en considération de ses tendances patriotiques, et longue est la liste des récompenses obtenues par elle aux expositions nationales et étrangères auxquelles elle a participé depuis 1876.
- Pour donner une idée de l’importance de la société Handarbetets Vanner, il nous suffira de dire qu’une école de tissage et une autre de couture artistique, fréquentées annuellement par environ 200 élèves, témoignent de l’activité patriotique et du caractère d’éducation artistique de l’Association. Un grand nombre d’habiles ouvrières y ont complété leur instruction et sont occupées par la société.
- Nous ne saurions, sans entrer dans de trop longs détails, rendre compte de tous les produits que les Amis des arts manuels ont soumis à notre examen. Ils présentent la plus grande variété.
- Nous avons examiné avec le plus vif intérêt ces nombreux produits, qui, pour nous, constituaient une véritable surprise, car cette société n’avait pas pris part à notre Exposition de Paris en 1889.
- Parmi tant d’intéressants objets amoncelés dans le vaste salon occupé par cette société, à l’étage du Palais de droite de l’Esplanade des Invalides, nous avons examiné, avec un réel plaisir, quantité de tapisseries en reps Gobelins, exécutées en formes de carrés pour sièges, tabourets ou coussins, les uns en genre gothique modernisé, les autres en style Renaissance, d’autres ornés de motifs héraldiques, mais tous de fabrication parfaite et d’une harmonie de couleur des plus attrayantes.
- D’autres tapisseries montées en paravent sollicitaient et retenaient notre attention par la bonne entente des colorations et la netteté, la clarté de leur composition.
- Parmi tant de tapisseries pour rideaux ou portières dont nous aimerions à donner l’énumération, il en est une qui nous a particulièrement charmé. Elle est due à la composition de M110 Sjorstrôm; son extrême simplicité en fait tout le charme.
- Cette tenture moderne, composée de motifs où deux tons de bleu se mélangent, sans se nuire, à un ton vert un peu grisâtre sur un fond ivoire, était ravissante dans son harmonieuse coloration; aussi en conservons-nous un souvenir agréable.
- Des tapis de table et des portières brodées, nous ne pouvons nous empêcher de signaler la jolie sélection qui nous a été présentée, et notamment la portière aux effets modernes si décoratifs, due à Mlles Widebeck et Wastberg.
- Des panneaux en tapisserie plus fine méritent aussi d’être signalés pour la belle exécution qui en a été faite, car la perfection du tissage de ces pièces capitales prouve l’ingéniosité des habiles ouvrières qui savent avec un nombre si restreint de couleurs obtenir des effets aussi décoratifs. De ce nombre est la grande tapisserie due à M. Cari Larson, qui garnissait toute la cloison du fond de ce salon. Le paysage qui nous est montré est plein de vérité et de vie. Tout se tient bien en place, les pêcheurs au bord du lac, la rive à laquelle accoste une barque, le sol, la verdure, le paysage et sa perspective , enfin, sont certes très bien traités et on ne peut mieux exécutés.
- Dans un ordre bien différent, le panneau représentant sainte Brigitte de Suède avec sainte Catherine nous a montré que pour l’expression à donner aux figures les ouvrières formées par l’Ecole sont à même de traduire avec un réel mérite des œuvres d’une exécution difficile. Dans le salon du Pavillon de la Suède, de la rue des Nations, nous avons remarqué aussi quatre panneaux verdure de belle exécution, mais dont la coloration nous a paru bien terne.
- Les autres produits qui nous ont été soumis en tapisseries pour tapis de pied nous ont paru moins intéressants; nous en rendrons compte un peu plus loin au cours de ce rapport, mais nous mentionnerons dès à présent que c’est pour l’ensemble de ses productions en tapisseries que notre Jury a récompensé d’une médaille d’or la société Handarbetets Vanner (Les Amis des arts manuels).
- p.244 - vue 248/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- 245
- M. S. Giobel, à Stockholm.
- Dans le salon voisin de la société Les Amis des arts manuels nous avons examiné avec le même intérêt les nombreuses tapisseries que cet exposant nous a soumises. C’est aux mêmes artistes que sont dues les compositions des tapisseries principales qui nous ont été montrées. Ce sont surtout des créations suédoises que M. Cari Larson et M1Ic Wastberg ont composées pour M. Giobel, et nous nous plaisons à reconnaître que dans les panneaux Hiboux, Cygnes, Faisans, l’intensité des couleurs employées à leur exécution donnait à ces tapisseries un aspect de vie et de vérité qui a cbarmé notre Jury. D’autres tapisseries pour portières, paravents et coussins, ont retenu notre attention par le charme de leurs compositions autant que par leur savante et harmonieuse coloration et le fini de leur exécution; aussi notre Jury n’a-t-il eu aucune hésitation à attribuer une médaille d’or à M. S. Giobel, dont quelques fauteuils garnis de tapisseries aux motifs gothiques et héraldiques ont été hautement appréciés également.
- SERBIE.
- MÉDAILLE D’OR.
- Ville de Piiîot.
- Dans le pavillon élevé par la Serbie dans la rue des Nations, nous avons remarqué, à côté de lapis ras et d’autres à points noués que nous aurons à mentionner plus loin, une innombrable quantité de tapisseries tissées en gros reps Gobelins. La note caractéristique de ces tentures exposées par un groupe d’industriels de la ville de Pirot, nous la trouvons dans l’emploi de la laine presque blanche pour le fond de la tapisserie, tandis que pour l’enlèvement des dessins de formes orientales, presque toujqurs géométriques, il est utilisé des laines dont les couleurs sont extrêmement vives.
- Dès l’entrée dans ce pavillon, le visiteur a l’œil attiré par cette intensité de couleurs qui, malgré leur vigueur, ne cessent pourtant pas de conserver entre elles une certaine harmonie en raison de ce que les quelques nuances employées au tissage de ces tapisseries sont à même hauteur de ton.
- Les dessins qui, à l’Exposition de Paris, en 1889, laissaient beaucoup à désirer sont maintenant nets et s’expliquent clairement, mais ils continuent, selon les traditions anciennes, à conserver les motifs nationaux. Ils se tiennent complètement éloignés des compositions modernes, dont la majeure partie des autres nations nous ont montré des tentatives parfois audacieuses, mais parfois aussi ti ès heureuses.
- 11 ne semble pas que l’enseignement du dessin en Serbie ait tenté d’orienter vers les tendances modernes les artisans de cette contrée. Le fait est à noter; l’art moderne est actuellement en Serbie à l’état de lettre morte.
- Pour la fabrication si soignée des nombreux produits exposés par elle, la ville de Pirot a obtenu de notre Jury une médaille d’or, récompense qu’elle avait obtenue déjà à l’Exposition de Paris en 1889.
- ITALIE.
- MÉDAILLE D’OR.
- • Hospice Saint-Michel, à Rome.
- Dans la section italienne, à l’étage du palais de droite de l’Esplanade des Invalides, nous avons examiné avec un réel intérêt deux tapisseries fines, tissées sur métiers de haute lisse, à l’instar des Gobelins.
- p.245 - vue 249/484
-
-
-
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- 2/iG
- L’une de ces tapisseries représentait en une allégorie les aspirations de la maison de Savoie qui, avec l’aide de la France, fit l’unité de l’Italie. Cette composition, d’un heureux arrangement et d’une bonne entente de coloration, reproduisait les armes de la maison de Savoie, ainsi que sa devise : Toujours en avant la Savoie !
- L’autre sujet, qui paraît avoir été emprunté aux contes des Mille et une nuits, représentait, dans un délicieux paysage oriental, un Arabe au riche costume, endormi sous un palmier.
- Pour la belle exécution de ces deux tapisseries, notre Jury a accordé une médaille d’or à l’Ecole de l'hospice Saint-Michel.
- RUSSIE (FINLANDE).
- C’est dans le Pavillon de la Finlande dont l’architecture, la décoration, la disposition intérieure, les fresques de Galien, dont l’ensemble, en un mot, nous a donné (l’étonnante façon la preuve de vitalité et une note bien personnelle du sentiment d’art exquis de ce peuple si fidèle à ses traditions, c’est dans ce pavillon, disons-nous, que nous avons remarqué, en tapisseries et en tapis, diverses compositions modernes inspirées de la nature, dont nous allons rendre compte.
- Tout l’ensemble architectural et décoratif du Pavillon de la Finlande prouve que ce peuple, bien que hanté par le souvenir de ses légendes nationales, s’inspire de tout ce qui l’entoure, règne végétal ou animal, pour le traduire ensuite de façon ornementale, avec la nature simple qui lui est propre. Les fresques intérieures dont l’artiste Galien avait décoré la coupole quadrangulaire du campanile étaient inspirées de vieux poèmes d’une mythologie sévère et primitive, d’un caractère impressionnant. Alex. Galien, déjà regardé comme le peintre national de la Finlande, ne dédaigne pas cependant de composer des dessins destinés à l’art de la tapisserie et du tapis. C’est la raison pour laquelle nous tenions à mentionner son nom avant de passer en revu»' les produits que nous a soumis la Finlande.
- MÉDAILLE D’OR.
- Société finlandaise des amis des arts manuels, à Helsingfors.
- Cette société nous a montré, indépendamment de tapis aux points noués, de fabrication spéciale, dont nous nous entretiendrons plus loin, diverses tapisseries tissées sur métiers de haute lisse, en un point de reps Gobelins demi-fin.
- Mais l’attention de notre Jury a surtout été retenue par une tenture dont la très originale composition est due à l’artiste que nous venons de mentionner plus haut, M. Galien, qui exposait lui-même (les peintures au Grand Palais.
- Cette tapisserie sur fond gris verdâtre et dont les motifs s’enlevaient en vert et ronge de tons rompus était d’un très bel effet décoratif et d’exécution parfaite. Pour l’ensemble de son exposition de tapisseries et de tapis, la Société finlandaise des amis des arts manuels a obtenu de notre Jury une médaille d’or.
- p.246 - vue 250/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- 247
- MÉDAILLES D’ARGENT.
- Ecole de tissage de Vidorg.
- Ce sont aussi des tapisseries tissées en fond reps Gobelins que cette école nous a présentées, en plus de quelques tapis aux points noués que nous aurons à mentionner plus loin. Les dessins de ces tentures rappellent le caractère des créations finlandaises et subissent en même temps l’influence des formes orientales géométriques auxquelles ils empruntent les colorations vigoureuses. Un détail à signaler : les laines de couleur qui constituent le dessin de ces tentures sont ou assemblées en plusieurs bouts, ou filées à un numéro plus gros que celui de la trame qui en fait le fond, de sorte que les motifs ou dessins s’enlèvent vigoureusement et en relief sur le fond uni, et produisent de ce fait un effet décoratif très puissant.
- Dans ce même genre de tissage, il nous a été montré aussi quelques tapis de table dont la vue était assez agréable.
- Une médaille d’argent a été accordée à l’Ecole de tissage de Viborg. Une médaille d’argent a été, en outre, votée par notre Jury pour récompenser de son zèle et de son dévouement à l’Ecole, son babile directrice, Mllc Karoline Ronnblad.
- Ecole de tissage d'Eken as.
- Une tapisserie sur fond vert, dont les motifs, Tulipes, s’enlevaient en couleurs vives sur ce fond; une autre, à larges rayures de coloration chaude, et une troisième tenture fond rouge avec fleurs enlevées en couleurs brillantes, tissées en relief et de composition moderne, ont. également valu, pour leur belle exécution , une médaille d’argent à l’Ecole de tissage d’Ekenas.
- Société impériale finlandaise d'économie domestique, à Abo.
- Cette société nous a présenté, à côté d’autres tissus et de tapis dont il sera fait mention plus loin, une portière reps Gobelins sur fond vert à dessin polychrome tissé en laines crochetées, et divers lapis de table à dessin gros reps broché sur fond vert également Une médaille d’argent a été attribuée à cette école pour l’ensemble de ses productions.
- Ecole de travaux manuels, à Helsingfors.
- Diverses tentures produites en point de reps Gobelins, et fabriquées d’après les mêmes données que celles des écoles dont nous venons de faire mention, ont également valu une médaille d’argent à cette Ecole.
- MÉDAILLE DE BRONZE.
- Ecole de tissage de Tavastchus.
- Cette école avait exposé une variété de petites tapisseries fabriquées au métier. Voulant donner un encouragement à celte école, dont le but est de travailler à l’éducation morale des filles d’ouvriers, par l’exercice d’une profession susceptible d'augmenter leur bien-être économique, notre Jury a récompensé d’une médaille de bronze les travaux de l’école de lissage de Tavastchus.
- p.247 - vue 251/484
-
-
-
- 248
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- ROUMANIE.
- MÉDAILLE D’OR.
- Exposition collective des fabricants de tapis et d'étoffes nationales pour meubles,
- à Rucarest.
- Cette très importante collectivité de fabricants avait accumulé dans le Pavillon royal de la Roumanie de la rue des Nations une quantité considérable de produits nationaux.
- Parmi ceux qui se rattachent à notre Classe et dont notre Jury a fait un consciencieux examen, nous n’hésitons pas à reconnaître que ce sont les tapis qui nous ont le plus vivement intéressés, car, pour leur production, les fabricants roumains ne s’en sont pas tenus, comme ils Pont fait pour leurs étoiles, aux strictes traditions nationales: ils ont, au contraire, tenté quelques compositions modernes dont nous rendrons compte au chapitre traitant des tapis.
- Donner le détail, faire l’énumération des innombrables étoffes, tentures ou tapisseries, toujours en ce meme point reps Gobelins, qui décoraient l’ensemble du Pavillon roumain serait chose sinon impossible, du moins fastidieuse, car l’aspect en est le même pour toutes. Nous dirons donc que toutes ces tapisseries (dont l’examen nous a démontré l’excellence de la fabrication, mais aussi, hélas, la monotonie des motifs ou dessins nationaux) sont tissées sur fond blanc, et que les couleurs les plus vives sont utilisées pour produire, en relief très souvent, les formes constitutives du dessin. Des rayures, tantôt en long, tantôt en large, aux multiples, capricieuses mais bien chatoyantes combinaisons de couleurs, nous prouvent l’ingéniosité d’artisans habiles à produire avec un nombre restreint de couleurs les plus brillants effets. C’est bien le genre si répandu des broderies roumaines que s’ingénient à reproduire, en tapisseries, les tisserands roumains. N’v aurait-il pas, pour ces artisans si habiles à reproduire des motifs délicats, une recherche à faire (comme l’ont tentée certains de leurs collègues producteurs de tapis) dans le but d’allier à leurs charmants motifs nationaux quelques formes modernes qui, ainsi traitées en genre broderie, produiraient à notre avis un genre nouveau qui ne manquerait ni de caractère ni d’allure? Bref, pour la nombreuse et fort intéressante production de tapisseries nationales et de tapis dont nous nous entretiendrons plus loin, notre Jury a attribué une médaille d’or à cette exposition collective de fabricants de Bucarest.
- MÉDAILLES D’ARGENT.
- Administration des Domaines de la Couronne, à Bucarest.
- A côté d’intéressants tapis de pied que nous signalerons plus loin, cette société nous a présenté une grande variété de portières et de tentures en tapisseries genre gros Gobelins dont les dessins nationaux-orientaux sont exécutés en coloration extrêmement vigoureuse. La caractéristique de cette fabrication réside en son mode de tissage, qui, faisant crocheter entre elles les laines qui forment le dessin sur le fond du tissu, évite ainsi la rentraiture nécessitée généralement par les procédés usuels du tissage de la tapisserie à dessin. Une médaille d’argent a récompensé de ses produits l’Administration des Domaines de la Couronne, société fondée en i884.
- p.248 - vue 252/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- 249
- Société Furnica, à Bucarest.
- C’est à l’étage du Palais du Champ de Mars, dans la vitrine qu’occupait cette puissante société, dans la Classe 82, Groupe XIII, que nous avons pu voir, au milieu d’une quantité de jolies broderies roumaines et d’autres riches étoffes, diverses tapisseries fond reps Gobelins, aux dessins nationaux et à la coloration vigoureuse.
- Quelques tapis, que nous mentionnerons plus loin, se trouvaient également exposés dans la vitrine occupée par cette société, et c’est pour ses deux productions de tapisseries et de tapis que la Société Furnica a été récompensée d’une médaille d’argent.
- GRÈCE.
- Si nous ne pouvons, en tant que produits soumis à notre examen, nous montrer enthousiaste des tapisseries et des tapis exposés en ce superbe pavillon que la Grèce a fait édifier dans la rue des Nations, notre visite nous a du moins, procuré la bonne fortune de pouvoir admirer la souplesse du talent de l’babile architecte M. Lucien Magne, qui, en l’espace de quelques mois, trouva moyen d’ériger ce monument dont l’entière construction doit, après l’Exposition, être transportée à Athènes pour y servir de musée.
- Président du Jury de la Classe 67 en cette Exposition, M. Lucien Magne, promu le 18 août dernier au grade d’officier de la Légion d’honneur, est, de longue date, passé maître en l’art des reconstitutions de monuments historiques.
- Architecte du Gouvernement, délégué il y a huit ans pour procéder aux réparations, des ruines du Parthénon à Athènes, M. Magne était tout désigné pour faire exécuter, d’après ses plans, le Palais de la Grèce à notre Exposition de Paris î qoo.
- M. Magne mène de front, avec ses travaux d’archéologie, comme vice-président de la Société des monuments historiques de France, ses cours d’art appliqué aux métiers; ces cours sont des plus prisés par le nombreux public qui assiste chaque semaine aux conférences faites avec autant de clarté que d’éloquence par M. Lucien Magne au Conservatoire des arts et métiers où il occupe une chaire de professeur, et nous nous faisons un véritable plaisir, au moment de signaler au lecteur les produits exposés dans ce palais érigé par ses soins, d’adresser à M. Lucien Magne, avec notre plus amical souvenir, nos chaleureuses félicitations à l’occasion de la haute distinction honorifique dont il vient d’être l’objet.
- MÉDAILLE D’ARGENT.
- OvvRoiR des femmes pavvres, à Athènes.
- Dans le petit salon de droite du Palais de la Grèce se trouvaient exposées diverses tentures, tapisseries en point de gros reps Gobelins, dont les petits dessins orientaux aux vives couleurs n’offraient réellement pas un bien grand intérêt. En point plus fin, nous avons remarqué un tapis de table, fond rouge, sur lequel s’enlevait en trames d’or et d’argent un dessin de formes grecques et de belle exécution.
- p.249 - vue 253/484
-
-
-
- 250
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- Des tapis, dont nous aurons à nous entretenir plus loin au cours de ce rapport, nous ont également été soumis lors de notre visite à cette collectivité d’exposants, et notre Jury, dans le but d’encourager cette œuvre que patronne S. M. la Reine de Grèce, a tenu à récompenser d’une médaille d’argent l’ensemble des produits exposés par l’Ouvroir des femmes pauvres à Athènes.
- MÉDAILLE DE BRONZE.
- Mme Tsipoura ( Uranie), à Patras.
- C’est pour la portière orientale en reps Gobelins qu’a exposée cette tisserande haute lissière, et en raison de sa très belle exécution, que notre Jury a attribué une médaille de bronze à Mmc Tsipoura (Urauie).
- AUTRICHE.
- MÉDAILLE DE BRONZE.
- Comité pour tissage a la main, Styrie.
- Ge n’a pas été sans peine que nous avons pu découvrir, dans un petit salon écarté, à l’étage du palais de droite de l’Esplanade des Invalides, les quelques tout petits tapis pour guéridons, coussins et dessous de lampes, exposés par ce Comité. Ces produits exécutés en tapisserie gros reps Gobelins, en laine douce, représentaient, en d’agréables colorations, des compositions modernes, des Heurs stylisées dont la vue était agréable. La démonstration de ce Comité n’a pas permis à notre Jury de lui attribuer une récompense supérieuse à la médaille de bronze, qu’il lui a accordée en raison de la belle exécution des quelques produits exposés.
- p.250 - vue 254/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- 251
- DEUXIÈME CATÉGORIE.
- LES TAPIS DE PIED.
- L’histoire du tapis est si intimement liée à celle de la tapisserie, que nous avons précédemment esquissée à grands traits, qu’il semble au premier abord bien difficile d’en dégager quelques faits saillants dont le lecteur n’ait pas déjà connaissance.
- Afin d’éviter des redites toujours fastidieuses, il nous a donc paru intéressant de rechercher parmi les documents de la nation qui, le plus souvent, a tenu nos produits en échec : la Grande-Bretagne, quelques notes concernant les origines et la production du tapis, et, les comparant avec nos propres documents, d’en faire une sorte d’histoire conjointe susceptible d’intéresser ceux à qui ces recherches sont dédiées.
- Nous avons été assez heureux pour mettre la main sur des documents extraits du Magasin d'histoire naturelle et d’archéologie du comté de Wiltshire où furent fabriqués les premiers tapis anglais (vol. XXVI) et, nous inspirant des divers renseignements que nous y avons puisés, nous allons en faire une rapide énumération.
- C’est la renommée séculaire de l’industrie du tapis qui a, sans doute, amené une société d’archéologie à rechercher la liaison qui existe entre les tapis de nos industries modernes et ceux qui, se rapportant au passé le plus reculé, constituent le domaine de l’archéologie.
- Sans vouloir faire remonter l’emploi des premiers tapis à Jacob qui, 1,700 ans avant Jésus-Christ, tissa la fameuse robe polychrome de son fils Joseph, la transition entre l’emploi de toile ouvragée pour le vêtement et celui de la même toile plus forte pour la décoration paraît s’expliquer par le besoin naissant du luxe. La fabrication des tapisseries, des nattes et finalement des tapis nous semble en avoir été la conséquence naturelle. On dit que les prêtres d’Héliopolis, la Cité du Soleil, se servaient de tapis dans leurs cérémonies religieuses; des découvertes faites dans le palais des Pharaons nous font voir qu’on les employait dans un but décoratif.
- On décrit les tapis de l’âge homérique (environ 900 ans avant Jésus-Christ) comme consistant d’ordinaire d’étoffes tout à fait blanches ou de couleurs portant de beaux dessins polychromes, brodés dans certaines occasions. Mais leur emploi pour couvrir le sol, dans le sens moderne du mot, date d’une époque beaucoup plus rapprochée de nous, car un tapis était pour les Orientaux et pour les anciens Grecs une œuvre d’art que l’on se transmettait de génération en génération et dont on se servait pour s’asseoir ou se coucher, ou comme décoration de sophas, ou bien enfin comme un poêle superbe pour les funérailles. C’est ainsi qu’Adrien nous dit qu’à Pasargade (première capitale de la Perse au temps de Cyrus) on étendit des tapis de pourpre de Babylone sur le corps et sur la tombe de Cyrus.
- On peut, avec raison, en conclure que les tapis de ces temps reculés n’étaient
- p.251 - vue 255/484
-
-
-
- 252
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- autres que des tapisseries tissées avec art. On tissait probablement les tapis d’Égypte et de Rabylone en grandes pièces consistant principalement de toile, l’ornementation étant produite par Tadjonction, au moyen de la couture, de brillants morceaux d’étoffe découpée, de formes et de dessins différents. Un auteur raconte que c’était la coutume des anciens Égyptiens d’obliger toute jeune femme, lors de son mariage, à fournir au moins un tapis pour son nouvel établissement, et que Ton considérait l’apport d’un tapis de qualité inférieure comme affectant sa réputation de bonne ménagère. Une coutume analogue subsiste encore en certaines parties de l’Asie Mineure, notamment en Karamanie.
- INTRODUCTION DES TAPIS EN EUROPE
- L’introduction des tapis en Europe est, selon toute probabilité, due aux Maures, lorsqu’ils conquirent l’Espagne, et aux riches marchands de Venise qui conservèrent, des siècles durant, le monopole de ce commerce avec la Turquie. A cette époque déjà, un évêque de Tolède faisait étendre des tapis sur les parquets de son palais, mais pourtant, longtemps encore après leur introduction en Espagne, les tapis furent surtout destinés à servir de nappe, à recouvrir des sophas, ou enfin à être donnés en riches offrandes à des églises, pour être étendus au pied des autels, car, d’après certains spécimens gardés précieusement en divers musées, ce sont des tapis faits de bandes de cuir entrelacées, qui paraissent avoir été en faveur à cette époque, sinon dans la classe dirigeante, du moins dans la classe aisée de la société anglaise.
- En 1596, sous le règne d’Élisabeth d’Angleterre, fille de Henri VIII, Richard Beilasio, de Morton (comté de Durham), léguait à son neveu son meilleur tapis de Turquie, en lui recommandant d’en faire emploi pour sa longue table. L’usage des tapis pour couvrir le sol ne commença en Angleterre que sous le règne d’Elisabeth, mais encore est-il reconnu que ce n’était qu’à la cour qu’un tel luxe pouvait être déployé.
- Ce n’est pourtant pas d’Espagne, mais bien de France, ainsi que nous le prouverons plus loin, que fut introduite en Angleterre l’industrie du tapis. Les plus anciens fabricants de tapis, en France, portaient le nom de Sarrazinois, suivant ce que nous apprend Pierre du Pont, maître tapissier sous Henri IV, dans un curieux petit recueil publié en 1632, sous ce titre : k Slromatourgie, ou de l’excellence de la manufacture des tapis de Turquie, nouvellement établie en France, sous la conduite du noble homme Pierre du Pont, tapissier ordinaire du Roi es dits ouvrages».
- Voici comment s’exprime Pierre du Pont:
- H est à présumer qu’après l’entière ruine des Sarrazins par Charles Martel, en Tan 73a, quelques-uns d’iceux qui sçavoient faire de ces tapis, fugitifs, ou vagabonds au possible, réchappes de la défaite, s’habituèrent en France pour gaigner leur vie, et commencèrent à faire et établir une manufacture de tapis sarrazinois.
- p.252 - vue 256/484
-
-
-
- 253
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- De sçavoir de quelle fabrique ni de quelle me'tliode estoient faits lesdils tapis, on n’en peut juger sinon que l’on voit, par une sentence de l’an i3o2, que ces tapissiers sarrazinois sont institue's beaucoup devant les tapissiers de haute lisse, et estoient en possession dès longtemps, mais sur leur de'clin, et que lesdits tapissiers de haute lisse commençaient à naître pour ensevelir et mettre hors lesdits Sarrazinois, comme ils ont fait.
- La sentence de i3oa, sous le règne de Philippe le Bel, dont parle Pierre du Pont, eut pour effet d’adjoindre les tapissiers de haute lisse aux Sarrazinois.
- La France, au xne siècle, avait, sous le règne de Philippe Auguste, formé une importante corporation dite de Sarrazinois, composée d’habiles artisans tissant des étoffes brodées, des tapisseries et des tapis veloutés, longtemps appelés tapis à points sarrazins. Leur renommée s’étendit au loin et ainsi se propagea peu à peu dans les hautes classes le goût de l’art décoratif. Chaque contrée d’Europe s’ingénia à fonder des ateliers en lesquels d’habiles tisserands s’exercèrent, au moyen de métiers primitifs, à la fabrication des tapisseries et des tapis, mais les artisans des Flandres surpassèrent bientôt tous leurs concurrents dans la production du travail le plus artistique et le plus exquis. Pendant plusieurs siècles, du xn° au xive, ces produits furent surtout exécutés en tapisserie, bien qu’Arras, au xive siècle, fabriquât déjà, sous le patronage de la maison de Bourgogne, des tapis sarrazinois. Nous passerons donc sur toute cette période pour arriver à la fondation de la manufacture de tapisseries à Fontainebleau, par François Ier, vers 15 A o.
- Cette industrie, florissante sous le patronage royal de Henri II, de Henri IV et de Marie de Médicis, au xvic siècle, atteignit son apogée sous Louis XIV. Son ministre Colbert fonda, à Beauvais en 166A, aux Gobelins en 1667, les célèbres manufactures qui devinrent et restèrent le resplendissant foyer d’où, depuis lors, rayonnent sur le monde entier les artistiques et admirables produits de tapisseries et de tapis, car, aux Gobelins, les tapis dits de la Savonnerie furent, sous Henri IV, installés à Chaillot, dans une ancienne fabrique de savons. Ces ateliers de tapis, développés sous Louis XIV, furent, en dernier lieu, transférés dans les bâtiments des Gobelins où ils se trouvent encore aujourd’hui.
- INTRODUCTION DE LA FABRICATION DES TAPIS EN ANGLETERRE.
- L’art de tisser les tapis fut introduit pour la première fois de France en Angleterre, au temps de Henri VIII, vers i5ôo, par William Seldon. Sous Jacques Ier, qui régna de i6o3 à 1625, une petite manufacture fut fondée à Mortlake, mais cet établissement, malgré la protection royale, ne prospéra point. La direction en fut confiée à Sir Francis Crâne, et l’inspection des travaux, au peintre Cleen ou Cleyn de Rostock. Nous avons dit déjà que ce fut dans cette fabrique que, sous Charles Ier, on exécuta en tapisserie les sept fameux cartons de Raphaël, conservés aujourd’hui au Kensington Muséum. L’emploi des tapis devint graduellement plus général, mais jusqu’au milieu Gr. XII. — Cl. 70. 18
- IM 1MUMEIUE NATIONALE,
- p.253 - vue 257/484
-
-
-
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- 25/i
- du xvme siècle, ce lut un luxe très coûteux et qu’on ne trouvait que dans les appartements richement meublés des familles opulentes. Les planchers des gens moins riches étaient simplement couverts de sable blanc, ou les dames excellaient dans l’art de faire des dessins à l’aide d’un balai et d’une brosse.
- Sous Louis \I\, en i()85, la révocation de l’édit de Nantes, si fatale aux arts, aux lettres et aux sciences, qui brillaient alors en France de tout leur éclat, fut ici encore, pour nous Français, la cause d’un mal irrémédiable. Nombre d’artistes et d’habiles tisserands de tapisseries et de tapis, pour éviter la persécution, se virent contraints à quitter la France et se rendirent en Angleterre où ils furent accueillis à bras ouverts. Quelques-uns de ces artisans s’établirent à Wilton (comté de Wiltshire), où ils fondèrent une manufacture qui prospéra si bien quelle décida des gens n’ayant aucune expérience dans cette industrie à établir d’autres manufactures dans la région.
- Ceci amena la présentation au roi d’une pétition par laquelle les tisserands de Wilton exposèrent leurs griefs et la difficulté qu’ils éprouvaient de gagner leur vie par leur rart et métier»; et, en 1701, le roi Guillaume III leur accorda une charte, qui fut confirmée ou renouvelée en 1706 et de nouveau en 1725, en vertu de laquelle ces habiles tisserands se formèrent en corporation, avec la faculté de donner des certificats portant un sceau à ceux qui avaient fait au moins sept ans d’apprentissage dans la manufacture et avaient été élus membres de la corporation, et en défendant en outre à tous ceux qui n’avaient, pas reçu de certificat de pratiquer une pareille industrie dans un rayon de A milles.
- Les insignes de membre de la corporation des tisserands de Wilton consistaient en une plaque d’argent mince, mesurant 5 pouces i/y sur A, qui se porte sur le bras, avec les armes de la corporation, au centre d’une guirlande sans écusson ni devise. O11 y voit la marque de fabrique de Britannia Hall avec, en lettres, la date de 1700 et la marque de l’artiste Wa, surmontée d’une tête de cerf, abréviation de Benjamin Watt.
- Le développement, jusqu’à nos jours et sous l’égide de la royauté, de la manufacture de Wilton est dû en majeure partie à un protecteur enthousiaste, du nom de Henry, neuvième comte de Pembroke et sixième comte de Montgomery. C’est à lui qu’est due l’introduction en Angleterre de la fabrication des qualités les plus remarquables de tapis ainsi que le principe du développement de cette importante branche d’industrie en Angleterre, dont le climat froid et humide crée plus qu’ailleurs le besoin de recouvrir le sol de tapis.
- Ce gentilhomme, comme plusieurs de ses ancêtres, était un homme d’un goût très raffiné, et consacra de larges sommes à la décoration du château de Wilton. Lord Oxford disait de lui : «L’âme de Inigo Jones, auquel ses ancêtres ont accordé leur protection, semble planer sur Wilton, l’objet de sa prédilection, et avoir collaboré avec les muses qui président aux beaux-arts à parfaire l’éducation de ce gentilhomme». Pendant les voyages que, sous le règne de Louis XV, il fit en France et dans les Flandres, le comte Henry, ayant remarqué combien les tapis produits dans les manufactures de ces contrées étaient supérieurs à ceux fabriqués à Wilton, s’arrangea avec une
- p.254 - vue 258/484
-
-
-
- 255
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- société d’artistes, de contremaîtres et d’ouvriers, et les décida à l’accompagner en Angleterre, pour y fonder dans le comté de Wiltshire l’industrie qui y prospère encore à l’heure actuelle.
- Il mit à la tête des artisans qu’il avait fait venir deux Français, Antoine Duffosy et Pierre Jemaule.
- Ainsi que nous l’avons dit, l’expérience fut couronnée d’un succès complet, et, bien qu’en iy5i la mort eût enlevé aux tisserands de Willon leur noble patron, la manufacture continua à prospérer, si bien qu’en 1 y 68 occupant 8o ouvriers, ce nombre avait, à la fin du xvme siècle, considérablement augmenté, et il a depuis lors graduellement atteint des proportions telles qu’il a fallu créer à Salisbury, à Londres et à Manchester des succursales en lesquelles se fabrique à la main le réel tapis d’Axminster, qui n’est, autre que le lapis aux points noués. Les tapis d’Axminster sont ainsi désignés parce qu’ils se fabriquaient autrefois à Axminster, dans le comté de Devonshire, mais, depuis nombre d’années, l’outillage et la manufacture même d’Axminster ont été transportés à Wilton.
- FABRICATION MÉCANIQUE DU TAPIS.
- Après avoir démontré que ce sont des Français qui, les premiers, ont tissé des tapis en Angleterre, nous allons maintenant suivre la progression continue de ce produit dans cette contrée où la fabrication était appelée à prendre un développement si considérable; car, nous devons bien le reconnaître, ce n’est qu’à dater de 1880 que nos grands industriels français (mal secondés d’ailleurs par les constructeurs mécaniques, qui ne parvenaient pas, à l’époque, à lutter contre leurs puissants concurrents anglais) se décidèrent, dans le but de refouler en partie les tapis produits en Angleterre à Laide de métiers mécaniques à la Jacquard , à faire venir d’Angleterre même des métiers mécaniques du système Wilton, semblables en tous points à ceux en usage chez les producteurs mécaniques anglais les plus importants, tels que les John Crossley, les Templeton, les Hamphreys, les Southwell et autres.
- Mais, avant de passer à l’emploi de la mécanique Jacquard, nous croyons indispensable, pour faire toucher du doigt les immenses services rendus, les considérables progrès réalisés par l’application au métier de tapis de la si ingénieuse invention de notre compatriote Jacquard, de remonter à l’antique fabrication des tapis dits Wilton, telle qu’on la mettait en pratique au xvne siècle et au commencement du xviii® siècle. Nous empruntons à Y Histoire de V industrie du tapis, par Arton Taylor, les intéressantes explications suivantes.
- Dans le but d’accélérer la fabrication de tapis dont l’exécution aux points noués est forcément lente et dispendieuse, la manufacture de Wilton appliqua à cette fabrication des procédés dont le jeu nous parait aujourd’hui bien compliqué ; en voici le principe : pour tisser ces tapis, on se servait ordinairement d’un cadre disposé de telle façon que cinq sortes de couleurs, consistant en i3o bobines, pussent entrer en ligne.
- p.255 - vue 259/484
-
-
-
- 256
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- Sur chaque bobine étaient enroulés quatre fils de laine, et les bobines descendaient du cadre dans une fosse semblable à celle d une scierie à main ; les fds étaient divisés en haut par un ingénieux mécanisme de façon à les empêcher de se tordre ou de se trouver trop serrés.
- Sur chaque bobine était fixée une petite ancre qu’il fallait abaisser à toutes les longueurs de tapis de 5 pieds que le tisserand faisait. Lors de l’installation primitive de ce métier, le tisserand avait besoin de trois aides : l’un, pour retirer de la surface des fils l’aiguille en fil de fer destinée à former la boucle de laine; l’autre, pour faire sortir le dessin ou la figure qu’on introduisait dans le cordage simultanément avec le harnais (métier à la tire); le troisième, enfin, était constamment employé à retirer la laine de la bobine et, à l’aide de l’ancre, à l’abaisser dans la fosse. Ce procédé primitif fut notablement perfectionné pendant le xvmc siècle, mais l’introduction du métier Jacquard, au commencement du xixe siècle, créa une véritable révolution dans l’industrie du tapis.
- Ce fut d’abord aux métiers à bras que se fit l’application de la mécanique Jacquard, qui rendit depuis tant de services à toutes les industries du tissu. Le goût du luxe, développé par les siècles précédents, prit durant le cours de tout ce siècle un essor considérable.
- La fabrication, à l’aide d’un métier dont le fonctionnement n’exige le travail que du seul ouvrier qui l’actionne, permit une exécution plus rapide du tapis; et, par suite, un prix de vente qui rendit abordables à tous des produits qui, jusqu’alors, n’étaient accessibles qu’aux familles les plus opulentes. Bien que des fabriques françaises, à Nîmes (Gard), à Abbeville (Somme), à Aubusson (Creuse) et plus tard à Beauvais (Oise), à Tourcoing et Lannoy (Nord), aient été mises en état de produire en tapis Jacquard à la main des moquettes veloutées ou bouclées, de très belle qualité, dont nous gardons tous le souvenir, les Anglais ne tardèrent pas à s’outiller de façon à concurrencer nos produits. L’apparition de métiers mécaniques pour le tissage des draperies et des étoffes pour robes les incita à appliquer, les premiers, la jacquard au métier mécanique mû par la vapeur. Le succès qui couronna cette tentative fut tel qu’il décida de riches et puissants industriels à fonder d’importantes usines. Dès lors, un nombre considérable de métiers mécaniques produisit et répandit dans le monde entier des moquettes dont les qualités et les prix furent si appréciés qu’à un moment donné notre marché français devint, en quelque sorte, tributaire de ces produits anglais, contre lesquels nos fabricants, outillés de métiers à la main, ne parvenaient plus à lutter.
- En Belgique, Tournai, dont la manufacture royale fabriquait, à l’époque, des moquettes très recherchées, vit sa gloire éclipsée par les moquettes anglaises, et ce n’est que lorsqu’ils s’aperçurent enfin du danger, pour la France, de perdre complètement la belle industrie du tapis, que nos industriels, s’imposant de lourds sacrifices, résolurent de s’outiller mécaniquement de métiers construits en Angleterre. La lutte devenant alors égale, les moquettes françaises reprirent leur vogue première, car le bon goût de leurs compositions, l’harmonie de leurs colorations variées, les prix auxquels elles purent
- p.256 - vue 260/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- 257
- être établies, les firent préférer aux tapis anglais et leur rendirent, près de la grande masse des consommateurs, leur antique renom de belle fabrication française.
- Indépendamment de ces moquettes à grils (c’est-à-dire à plusieurs chaînes de couleurs), des tapis chenille, dits de haute-laine et coloriés à palette libre, et d’autres tapis à points tubes furent aussi dès ce moment tissés mécaniquement en toutes largeurs; mais ce qui contribua le plus à répandre largement à l’exportation et à des prix extraordinairement bas des tapis déjà réputés bon marché fut l’application au métier mécanique des moquettes bouclées ou veloutées, dont les dessins imprimés sur chaîne simulent les dessins et les coloris des moquettes fabriquées à l’aide de la jacquard, et dont la fabrication est des plus rapides.
- Ce procédé d’impression sur chaîne, innové avec succès en Angleterre dès 1855, ne trouvait en France aucun produit similaire qui pût le contre-balancer. Cette lacune est depuis de longues années déjà comblée, car la maison E. Lainé et Cie, de Beauvais (Oise), s’est largement outillée de métiers produisant, d’après des procédés analogues à ceux des Anglais, des tapis veloutés ou bouclés, à palette libre, imprimés sur chaîne, dont la réputation est aujourd’hui universellement répandue.
- Si nous jetons un coup d’œil rapide sur les autres nations qui ont soumis des tapis à notre examen, nous remarquons que l’Allemagne s’est spécialement adonnée à la fabrication mécanique des tapis imprimés sur chaîne; néanmoins, cette exposition nous a prouvé qu’en plus des tapis aux points noués dont elle s’est mise, de concert avec la Hollande et la Belgique, à faire une grande production, la fabrication mécanique de la moquette Jacquard n’a pas encore, dans ces nations, pris l’essor que nous lui avons donné en France, et que nous lui connaissons en Angleterre, en Autriche, et surtout aux Etats-Unis d’Amérique, où de nombreuses et très importantes usines mécaniques fabriquent la moquette Jacquard, sous la protection de droits de douane prohibitifs qui empêchent aujourd’hui toute exportation sérieuse de produits similaires en ce pays.
- Quant aux moquettes françaises, fabriquées mécaniquement à la jacquard, tapis ou carpettes de toutes largeurs et de toutes qualités, les produits qui nous ont été montrés par les fabricants qui ont pris part à cette exposition nous ont prouvé que l’industrie française de la moquette se tient à la hauteur de la tâche quelle a à remplir, et quelle peut aussi bien satisfaire les goûts des plus fortunés que les besoins des plus humbles.
- Leur fabrication se prête aux compositions de style aussi bien qu’aux modernes ou encore à celles de genre oriental; mais ce dernier genre étant actuellement moins demandé que par le passé, nous n’avons plus retrouvé les grandes démonstrations de dessins et de carpettes dont l’Exposition de 1889 nous avait montré tant d’habiles reproductions de tapis d’Orient.
- Grâce à leur intelligente activité, grâce aussi à l’habile collaboration des artistes dessinateurs industriels qu’ils associent à leurs incessantes créations, nos producteurs de tapis français peuvent aujourd’hui occuper dans leurs vastes usines mécaniques de nombreux ouvriers auxquels la vie est ainsi et par eux largement assurée.
- Disons en terminant que, justement préoccupés du sort des travailleurs occupés en
- p.257 - vue 261/484
-
-
-
- 258
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- leurs établissements, nos industriels français ont fondé chez eux des caisses de secours, de prévoyance, de mutualité, ainsi que des sociétés d’assurance en faveur de la vieillesse.
- Puissent nos fabricants, par ces sociétés secourables dont la Section d’Economie sociale a hautement apprécié le développement, assurer le bien-être aux déshérités de la fortune et resserrer les liens qui les unissent aux travailleurs; c’est notre vœu le plus cher, car ils auront ainsi fait œuvre de véritable solidarité humaine.
- TAPIS D’ORIENT.
- Sous cette dénomination générale, le public comprend ordinairement dans une même catégorie tous les tapis de fabrication à points noués, bien que pourtant certaines contrées d’Orient, ainsi que nous le verrons plus loin, fabriquent, en plus des tapis veloutés, certaines sortes de tapis ras genre Aubusson et d’autres d’une contexture serrée et très résistante, connus sous le nom de schumaks ou chamakis. Mais, qu’ils soient tissés en Algérie, en Tunisie ou au Caucase, en Turquie ou au Japon, en Perse ou aux Indes, tous ces tapis, dont la provenance est si aisément reconnue par l’acheteur éclairé qui en fait l’acquisition aux sources mêmes de leur production, ou par le connaisseur qui, à la seule vue cl’un tapis, sait en distinguer l’origine, tous ces tapis, disons-nous, sont d’une façon générale dénommés tapis (l’Orient.
- Nous avons précédemment démontré que, dès l’antiquité la plus reculée, il se fabriquait, par des moyens primitifs, à l’aide de métiers rudimentaires, des tissus qui, selon les circonstances, étaient indifféremment employés à la décoration ou des murs ou du sol. La tapisserie et le tapis ont donc la même origine, et, sans qu’il soit possible de préciser le lieu de provenance du premier tapis velouté exécuté aux points noués, nous savons pourtant que lorsque, en l’an 3o6 de notre ère, Constantin s’empara de Byzance et y transporta le siège de l’empire romain, cette ville, qui dès lors fut appelée Constantinople, recevait déjà de diverses régions voisines des tapis qui servaient à la décoration des palais. Sous la domination des empereurs romains et d’Orient, le luxe asiatique prit un développement considérable et gagna peu à peu Rome, la Grèce et l’Europe entière. La prise de Constantinople par les Croisés, en 190h , nous amena en France les premiers tapis de Turquie dits sarrazinois.
- Sous Constantin XIII, dit Dracosès, la conquête de cette même ville par les Turcs, en 1 à53, assura à ces derniers la prédominance sur toutes les contrées voisines, et c’est ainsi que, peu à peu, s’établit dans les tribus nomades l’usage de tisser les tapis.
- Transmise de génération en génération, cette production se généralisa et finit par s’étendre à tous les pays d’Orient. L’on se demande comment, avec les éléments si primitifs de tissage et de teinture dont ils disposaient, ces artisans nomades ont pu produire tant de pièces inimitables, dont de précieux spécimens sont parvenus jusqu’à
- nous.
- p.258 - vue 262/484
-
-
-
- 259
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- Les qualités maîtresses des tisserands de ces tapis se résument en un goût instinctif, une sorte d’intuition de l’harmonie des couleurs, et une grande simplicité de composition; en même temps, la profonde intensité des tons qu’ils emploient pour enlever leurs dessins donne à leurs tapis un aspect de grande richesse.
- De nos jours, les provenances les plus diverses, ainsi que nous avons pu le constater au cours de cette Exposition, nous assurent la production de ces tapis, car, encouragés par la vente qui s’en faisait si largement avant que la France et d’autres nations ne se missent à en entreprendre la fabrication, les producteurs orientaux, n’ayant pour ainsi dire plus d’anciens tapis à vendre aux acheteurs qui les recherchent jusque dans les contrées les plus lointaines, en reproduisent incessamment de modernes. La Turquie nous fournit les tapis de Stamboul, de Smyrne, de Gheurdes, d’Ouschak et de Koula. La Perse nous envoie ses tapis de Téhéran, de Kirman, de Sultanabad, ainsi que des Kurdes, des Schumacks et des Turcomans. Nous recevons du Turkestan les tapis de Samarkand, de Khiva, de Tachkent et de Bokhara. Du Caucase, les propriétaires-géorgiens nous envoient les tapis de Tiflis et de Batoum. De l’Afghanistan, nous tirons les tapis de Kaboul ou d’Hérat; du Béloutchistan, les tapis de la région de Kélat. Les Indes nous expédient les tapis de Lahore, d’Agra, de Kashmyr, d’Amritsar, de Madras, de Bombay, de Mirzapour et d’Hyderabad.
- Le Japon lui-même nous a soumis en son exposition des tapis de cette fabrication, exécutés à Osaka. Nous avons vu qu’en outre la Bosnie-Herzégovine, la Hongrie, la Roumanie et la Grèce, indépendamment de la Bulgarie et de la Serbie, s’ingénient, ainsi que la Finlande, à produire, comme aussi le Maroc, l’Algérie et la Tunisie, les tapis d’Orient.
- La vogue persistante de ces tapis d’Orient dont le public apprécie hautement les qualités de résistance en a fait s’accroître sensiblement l’importation en France, depuis 1889.
- Le tableau suivant en donnera l’échelle graduée de 1889 à 1900 :
- francs.
- 1889 ..................... 1,984,970
- 1890 ..................... 1,997,365
- 1891 ..................... 1,151,138
- 1892 ...................... i,a45,356
- 1893 ..................... 1,6 4 5,4 7 3
- 1894 ..................... 1,969,350
- francs.
- 1895 ...................... 1,9 41,994
- 1896 ....................... 1,989,0.34
- 1897 ...................... 1,399,114
- 1898 ...................... i,435,638
- 1899 ...................... 1,754,790
- Ces sommes ne comportent pas la majoration produite par les droits de douane et les frais de transport de la frontière à Paris.
- Nous aurions aimé faire figurer au tableau ci-dessus le chiffre des importations de l’année 1900; mais M. le Commissaire général de l’Exposition ayant exprimé le désir de recevoir fin de cette année le rapport des Jurys de classes, et, d’autre part, l’Administration des douanes ne pouvant nous fournir qu’en mars 1901 les documents sta-
- p.259 - vue 263/484
-
-
-
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- 260
- tistiques olïiciels, ainsi que la moyenne du prix par mètre carré et celle du prix du kilogramme de ces tapis importés d’Orient, nous nous sommes trouvé, par suite, dans l’impossibilité d’établir de façon certaine ces diverses indications pour 1900. Nous ne donnerons donc que pour l’année 1899 les renseignements émanant des documents statistiques fournis par la douane. •
- Perse : tapis modernes, galeries anciennes, daghestans modernes, dagh estons anciens, schu-macks. — Le prix de ces tapis en 1899 a varié de 17 à 65 francs le mètre carré. La moyenne du prix du kilogramme a été de 9 francs.
- Les imitations venant d’Autriche, de Belgique et d’Allemagne ont valu en moyenne, en 1899, 12 francs le kilogramme.
- La proportion des importations au kilogramme par pays d’origine est la suivante
- pour l’année 1899 :
- Tapis persans, environ.......................................... 53,000 kilogr.
- Tapis indiens....................................................... 4,000
- Tapis similaires venant d’Allemagne, d’Autriche et de Belgique. . . . 16,800
- Tapis venant de Turquie et d’Afrique............................ 165,000
- Tapis similaires venant d’Allemagne, d’Autriche et de Belgique. . . . A,5oo
- Total................. s43,3oo
- Turquie et Afrique. — Les lapis de ces provenances ont, en 1899, varié de i5 à 36 francs le mètre carré.
- La moyenne du prix du kilogramme a été de 6 fr. o5. Quant aux tapis cachemire des Indes, Mirzapour, Agra, la moyenne, en 1899, a été de q5 francs le mètre carré et de 10 francs le kilogramme.
- Ces moyennes de prix sont établies avant le payement des droits, c’est-à-dire quelles ne comportent pas la majoration produite par les droits de douane et les frais de transport de la frontière à Paris.
- Pour procéder à l’examen des tapis de fabrications diverses, nous en avons établi le classement comme suit :
- I. Tapis à points noués et tapis ras, genre Aubusson.
- IL Tapis moquette laine, fabriqués à la jacquard, en velouté et en boudé.
- III. Tapis Jacquard, fabriqués en jute ou en coton.
- IV. Tap is de sparterie et nattes diverses.
- I
- TAPIS À POINTS NOUÉS ET TAPIS RAS GENRE AUBUSSON.
- Si nous résumons dans ce même chapitre l’étude que nous avons faite de ces tapis de contexture et de fabrications si différentes, c’est qu’au cours de nos visites aux
- p.260 - vue 264/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- 261
- exposants des nations qui les produisent nous avons remarqué que nombre d’entre eux fabriquent ces deux genres si opposés. Aussi, dans le but de ne pas compliquer les recherches que le lecteur aurait à faire, avons-nous cru préférable de les faire figurer côte à côte.
- Nous n’entrerons pas dans les détails techniques du tissage des tapis aux points noués dont la structure est assez compliquée. Chacun, aujourd’hui, a pu voir fabriquer ce genre de tapis, soit dans certaines de nos maisons de nouveautés qui les importent d’Orient, soit au cours même de cette Exposition et dans diverses sections, par d’habiles ouvriers et ouvrières occupés au tissage de ces tapis. C’est sur un métier dont la chaîne, généralement en laine, est tendue verticalement devant lui et dont la trame, en fil de chanvre, ne sont ni l’une ni l’autre apparentes, que l’ouvrier, voyant l’endroit du tapis (et non l’envers comme cela existe pour la fabrication des tapisseries de haute ou de basse lisse), noue à la main des brins de laine ou de mohair sur les fils de la chaîne tendue devant lui, et en coupe les mèches à une certaine hauteur, de façon à former une surface veloutée.
- Ceci n’est que la genèse, le principe de cette fabrication; car chaque producteur a apporté au tissage de ces tapis des innovations particulières dont il nous serait impossible d’énoncer ici les nombreux détails.
- Ayant exposé, d’autre part, l’origine de la production de ces tapis aux points noués, nous passerons rapidement sur leur histoire, en rappelant pour mémoire que c’est d’Orient que fut introduit en Occident, à la suite des premières Croisades, l’usage de couvrir de ces tapis le sol des palais.
- On fait remonter à 782, date de la bataille de Poitiers, gagnée par Charles Martel contre les Sarrazins, l’introduction en France de la fabrication de ces tapis, dès lors désignés tapis sarrazinois. On en retrouve les traces en i3o2, sous Philippe le Bel. Sous François Ier et sous Henri II, comme sous le règne de Henri IV, de Marie de Mé-dicis et de Louis XIII, la fabrication des tapis devint une industrie florissante, mais c’est sous Louis XIV que Colbert adjoignit aux Gobelins la fameuse manufacture des tapis dits de la Savonnerie, dont nous avons eu occasion déjà de signaler les merveilleux produits.
- Dans un sens industriel, Aubusson, en 17/10, et Felletin, en 1760, donnèrent à cette fabrication une impulsion des plus grandes en en répandant les produits dans la consommation, et, de nos jours, cette production, qui s’est étendue largement, se fait en toutes [qualités, concurremment avec les pays d’Orient, par maints industriels de France et de l’étranger, ainsi que nous allons le démontrer en rendant compte des produits qui ont été livrés à notre Jury d’examen.
- A l’exception des pays d’Orient, restés, pour la majeure partie d’entre eux, fidèles à la production de tapis dont les formes et' les colorations rappellent leurs anciennes traditions, les diverses nations qui ont exposé des tapis aux points noués ont soumis à notre examen des produits dont les compositions modernes nous ont fourni un très curieux sujet d’étude. Ce sont ces produits que nous allons passer successivement en revue. Suivant le principe que nous avons adopté, nous suivrons par nationalité l’examen des tapis des exposants récompensés.
- p.261 - vue 265/484
-
-
-
- 262
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- FRANCE.
- GRANDS PRIX.
- Manufacture nationale des Gorelins, n Paris.
- MM. Braquenié et C'% à Paris.
- MM. G., R. et L. Hamot, à Paris.
- MM. Croc père et fils, et Jorrand (4.), à Aubusson.
- Les exposants désignés ci-dessus, ayant tous obtenu le grand prix pour l’ensemble des produits exposés par eux, tant en tapisseries qu’en tapis en points de Savonnerie, nous n’avons pas cru, vu la haute récompense qui leur a été attribuée, devoir séparer les produits de leur fabrication lorsque nous avons rendu compte de notre examen des tapisseries; nous prions en conséquence le lecteur de se reporter aux notes que nous avons consacrées à l’étude de ces tapis. (Chapitres I et II de la première catégorie : Tapisseries.)
- MÉDAILLES D’OR.
- MM. Moulin-Pipart et fis, h Tourcoing (Nord).
- Cette maison, dont nous aurons à signaler plus loin la production des tapis moquette Jacquard , fabriqués à l’aide de métiers mécaniques, a été l’une des premières à fonder, dans le Nord, des ateliers spécialement outillés en vue de la fabrication des tapis aux points noués à la main.
- Les soins les plus attentifs ont été apportés par MM. Moulin-Pipart et fils à l’étude de cette production qui, jadis, ne se faisait que dans les pays d’Orient, et peu à peu la bonne direction imprimée à cette fabrication fit obtenir aux produits sortant de leurs manufactures la similitude d’aspect avec ceux du Levant, une grande régularité de tissage, et une vogue justement méritée. Bien qu’occupant en notre classe un emplacement de 9.0 mètres de façade, MM. Moulin-Pipart et fils n’ont pu, en raison de la variété des produits de leur fabrication, nous montrer que quelques tapis aux points noués, mais ces spécimens étaient fort intéressants. Le tapis de genre Smyrne qui se trouvait à demi déroulé sur le parquet était, en tant que dessin et coloris, une reproduction si fidèle des tapis d’origine qu’il était, permis de le confondre avec ceux dont la Turquie nous a donné la vue. La mèche de laine, très solidement nouée et tenue très haute, donnait un velouté de grande richesse et paraissait assurer à ces tapis une durée des plus longues.
- Une autre carpette, en points plus fins, d’un genre approchant le point de Savonnerie, était fixée contre la cloison du fond de cet emplacement. Ce tapis, de style Louis XV sur fond réséda clair, encadré d’une fort jolie bordure crème, était de la composition de M. Libert, collaborateur des Gobelins, dont nous avons, plus haut, mentionné déjà les deux tapis que la Manufacture nationale a exécutés d’après ses dessins.
- Ce très intéressant dessin Louis XV, tenu volontairement en tonalité douce, nous a prouvé que l’habileté des tisserands formés par cette maison à ce genre de fabrication lui permet de satisfaire aux besoins des amateurs de tapis de style autant qu’à ceux ries personnes qui n’admettent pour les tapis aux points noués que l’incessante reproduction de formes et de coloration orientales. Pour celte fabrication si soignée, comme pour celle des tapis moquette Jacquard, que nous mentionnerons plus loin,
- p.262 - vue 266/484
-
-
-
- 263
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEURLEMENT.
- la parfaite exécution des modèles qui ont été présentés à notre Jury lui a fait décerner une médaille d’or à MM. Moulin-Pipart et fds, maison fondée en 1864, dont nous signalerons plus loin les nombreuses récompenses obtenues aux expositions précédentes.
- M. Defretin (Edouard), à Halluin (Nord).
- Ce grand producteur d’étoffes et de tapis de fabrications si diverses, dont nous ferons l’énumération aux chapitres spécialement affectés à la moquette Jacquard et aux étoffes d’ameublement, a eu surtout pour but, en nous montrant les trois tapis aux points noués qu’il a exposés dans son salon, de nous prouver que son outillage lui permet d’aborder tous les genres. C’est malheureusement tout ce que nous pouvons dire de moins désobligeant de ces trois tapis, de points variés, dont les compositions ni la coloration ne nous ont intéressés. Nous serons heureux d’enlever plus loin ce que notre appréciation peut avoir de désagréable, en rappelant que c’est pour l’ensemble de ses productions multiples que M. E. Defketin a obtenu une médaille d’or du Jury de notre classe.
- MM. Mellerio et Fossé, à Paris.
- Notre mandat nous forçant à rendre un compte exact de l’attentif examen, de l’étude et des critiques que notre Jury a faits, de tous les tapis que nous ont soumis les exposants de notre classe, nous nous trouvons amené à dire du tapis aux points noués que nous ont montré MM. Mellerio et Fossé que, malgré les soins apportés à sa production, l’exécution de ce tapis dénote un manque de pratique en l’art de tisser ce produit, une sorte d’apprentissage qui prouve un désir de bien faire (désir qui, nous n’en doutons pas, saura promptement être mis à réalisation par ces messieurs). L’impression peu agréable qu’avait produite sur notre Jury la vue de ce tapis a heureusement été effacée par l’intéressante exposition des autres produits fabriqués par cette maison. Nous les signalerons aux chapitres suivants et rappellerons simplement que c’est pour l’ensemble de leur exposition que MM. Mellerio et Fossé ont obtenu île notre Jury une médaille d’or.
- MÉDAILLES D’ARGENT.
- MM. Lauou et Cornet, à Paris et à Fresnoy-le-Grand (Aisne).
- C’est en 188A que cette maison fut fondée par M. E. Rageau, qui sous cette raison sociale la dirigea jusqu’en i8g5, époque à laquelle M. Lahou, précédemment intéressé de M. Rageau, reprit la suite des affaires, et, s’adjoignant M. Cornet comme associé, fonda la maison actuelle, sous la raison sociale Lahou et Cornet.
- Indépendamment des tapisseries dont nous avons déjà rendu compte et que cette maison fabrique à Feiletin (Creuse), MM. Lahou et Cornet ont, à Fresnoy-le-Grand (Aisne), des ateliers en lesquels se produisent les tapis aux points noués qui nous ont été soumis.
- Ayant remarqué que, pour le genre de tapis aux points noués dont les compositions reproduisent les gracieux motifs qui ont la fleur pour modèle, les fabriques autrichiennes et allemandes tenaient certaines maisons de notre marché tributaires de leurs produits, MM. Lahou et Cornet résolurent de créer à Fresnoy-le-Grand une industrie qui fut de nature à concurrencer ces tapis de fabrication étrangère. Après une période pénible dans les débuts, MM. Lahou et Cornet eurent la grande satisfac-
- p.263 - vue 267/484
-
-
-
- 264
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- tion d’arriver, grâce à l’énergie qu’ils ont apportée à leur travail, à produire en des qualités et à des prix battant ceux de l’étranger les jolis tapis dont un très intéressant spécimen occupait le centre de l’emplacement qu’ils occupaient dans notre classe.
- Ce tapis, de style Louis XVI sur fond clair, était garni de fleurs de coloration vive et gaie; l’exécution en était des plus soignées; aussi dès son apparition, l’une de nos importantes maisons de nouveautés de la place de Paris n’eût-elle aucune hésitation à faire l’acquisition de ce modèle et à remettre un ordre à MM. Lahou et Cornet. Ceci est tout à l’honneur de MM. Laliou et Cornet qui, pour la première exposition à laquelle ils prenaient part, se sont vu attribuer par notre Jury une médaille d’argent pour l’ensemble de leurs produits.
- MM. Lahou et Cornet qui, en tapis, nous ont aussi montré une très jolie galerie sur fond or et un tapis de genre Smyrne, ont actuellement 26 métiers et occupent un personnel de 56 ouvriers et ouvrières.
- M. Pruneau (Albert), à Paris.
- Ainsi que nous l’avons signalé déjà en passant en revue les tapisseries exposées par cette maison, c’est en 1886 que s’établit M. A. Pruneau, dont les ateliers d’Aubusson et de Felletin occupent un personnel de i4o ouvriers, dessinateurs, teinturiers et tisserands. Sa production annuelle s’élève au chiffre de 800,000 francs, dont s5o,ooo s’adressent à l’exportation.
- Nous regrettons que les dimensions du salon occupé par M. Pruneau, et que décoraient en majeure partie les tapisseries de sa fabrication, ne lui aient pas permis de laisser déployé et étalé à la vue de tous les visiteurs le très grand et fort joli tapis en genre point de Savonnerie queM. Pruneau a montré au Jury lors de la visite qu’il lui a faite, car ce tapis était sans contredit la pièce qui, de l’ensemble de son intéressante exposition, nous a le plus charmés. Tous les divers modèles, d’ailleurs, qui nous ont été présentés en ce genre de tapis de points plus ou moins fins, de velouté plus ou moins haut, étaient de coloration très harmonieuse fort étudiée, et dénotaient le souci qu’a ce fabricant de ne livrer que des produits d’exécution tout à fait soignée. Ainsi que nous l’avons dit au chapitre Tapisseries, le Jury, tout en tenant compte du grand effort tenté par M. A. Pruneau, n’a pu, pour cette première exposition à laquelle il prenait part, lui attribuer pour l’ensemble de ses produits une récompense supérieure à la médaille d’argent.
- MM. Gâche el fis, à Paris.
- Ce fabricant, dont nous énumérerons plus loin les produits fabriqués à la Jacquard, n’a pu, faute de l’emplacement trop exigu qui lui a été attribué, nous montrer un tapis de 7 mètres sur 5 dont des types seulement ont été soumis à notre examen; et nous le regrettons, car le tapis aux points noués, qui occupait le centre de l’emplacement de ce producteur, tapis pompeusement dénommé modem style, ne nous a paru ni de style, ni moderne; sa composition, sa coloration, sa qualité nous ont déplu à tous. S’il n’avait pu, dans les autres productions de M. Gâche, trouver une compensation à la fâcheuse impression que lui avait produite cette pièce capitale, notre Jury se serait vu dans l’impossibilité d'accorder à ce fabricant la médaille d’argent qui lui a été attribuée pour l’ensemble de son exposition et non pour son tapis aux points noués.
- M. Rombeau (/w/es), à Tourcoing.
- Pourquoi cet excellent fabricant de tapis aux points noués qu’est M. Rombeau s’est-il décidé à ne prendre dans notre classe qu’un emplacement aussi restreint que celui en lequel, près de l’escalier menant à l’étage, il nous a montré deux tapis de ce genre de fabrication?
- p.264 - vue 268/484
-
-
-
- 265
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- Tous ceux, qui, comme nous, ont suivi la fabrication de M. Rombeau savent que c’est un producteur intelligent, travailleur et des plus actifs. Nous savons que ses tapis aux points noués, qu’il établit en toutes dimensions, ont été de sa part l’objet de soins assidus depuis nombre d’années. Nous avons gardé le souvenir de sa très intéressante exposition de 1889 et des variétés de tapis en points noués qu’il avait montrées. Son tapis en points fins de mohair, reproduction d’un superbe tapis de la collection Albert Goupil, nous est encore présent à la mémoire, aussi espérions-nous le retrouver cette année avec une riche collection de ses intéressants produits.
- Les deux carpettes aux points noués, compositions orientales de coloration puissante, que nous a montrées M. Rombeau, ont certes été appréciées par notre Jury comme tapis d’exécution Irès soignée dans ses moindres détails ; mais, encore une fois, celte démonstration a été. par nombre des membres de notre Jury, trouvée insuffisante, et ce n’est pas ailleurs qu’il faut chercher la raison pour laquelle une récompense supérieure à la médaille d’argent n’a pas été attribuée à M. J. Rombeau. Nous en exprimons notre sincère regret à ce fabricant dont nous apprécions hautement la valeur et les mérites.
- COLONIES ET PROTECTORATS.
- ALGÉRIE.
- MÉDAILLE D’OR,
- Ecole professionnelle indigène d'Alger.
- C’est de 1894 que date la fondation de cette école professionnelle aujourd’hui si prospère, et c’est à i\In,° Angèle Delfau que nous devons de voir à l’heure actuelle les tapis fabriqués à Alger rivaliser avec ceux de fabrication étrangère, du moins en ce qui concerne les produits de réduction moyenne, car les tapis aux points fins n’ont pas encore été fabriqués de façon courante dans les ateliers de l’école. Sous l’habile et intelligente direction de M‘ne Delfau, l’école, qui compte actuellement 80 élèves, a formé à ce mode de tissage une cinquantaine d’ouvriers et ouvrières qui travaillent à la manufacture algérienne. Ces artisans sont payés à raison de 3o centimes les 1,000 points, ou bien lorsqu’ils sont arrivés à une grande pratique du métier 011 les rémunère de leur travail selon leur degré d’habileté.
- Au fond du salon occupé par l’école professionnelle dans le palais algérien du Trocadéro, nous avons remarqué un grand tapis de genre Smyrne, sur fond rouge très intense, dont les dimensions de 3 m. 60 sur 4 m. 5o recouvraient toute la cloison du fond de cet emplacement.
- Le point, bien que très gros, dessinait très nettement les formes bien caractéristiques de ce tapis qui reproduisait un ancien tapis de Turquie.
- On demandait de ces tapis 45o francs, soit 97 fr. 70 le mètre carré. Sur notre remarque que ce prix nous paraissait un peu élevé, il nous a été observé que le velouté de ce lapis était extrêmement haut, que le poids de la laine entrant dans sa composition était considérable et que d’autres tapis de ce même genre de fabrication, mais moins garnis de laine, étaient établis dans des conditions de vente telles que le magasin établi à Paris, 55, rue Saint-Lazare, en trouvait toujours aisément le placement.
- Un des tapis qui attira plus spécialement notre attention était exécuté par l’école, dans les dimensions de 3 mètres sur 6. Ce tapis, de points demi-fins, était une reproduction de ces dessins persans, de genre désigné tapis de prières. Bien que 110ns en ayons trouvé la coloration un peu dure, nous devons à la vérité de reconnaître que le tissage en était régulier et que l’exécution en était soignée.
- p.265 - vue 269/484
-
-
-
- 266
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- Pour l’ensemble des produits qu’exécute l’école professionnelle sur des métiers établis d’après les memes procédés que ceux dont se sert M. Guillon, de Bruxelles, notre Jury, voulant encourager cette école à persévérer dans ce genre de fabrication et à progresser dans l’exécution de ces tapis, et désirant , d’autre part, prouver à Mme Delfau qu’il appréciait ses efforts, notre Jury, disons-nous, a attribué une médaille d’or à l’Ecole professionnelle d’Alger.
- MÉDAILLES D’ARGENT.
- Nous ne saurions, sans redites fastidieuses, passer en revue chacun des tapis qui de tous côtés ornaient les galeries, les plafonds de couloirs et la balustrade du bail central du palais de l’Algérie. Ces tapis, tous de formes orientales et de coloration vive, étaient, les uns, exécutés en points de grosse mèche de laine et noués solidement; les autres, en genre reps Gobelins, permettent indifféremment leur emploi pour tapis, pour couverture de sofas ou pour rideaux et portières. Nous nous bornerons donc pour tous ces tapis à énumérer, selon le mérite que leur a reconnu notre Jury, les noms des exposants récompensés.
- Yahya Cherif Sala ben Sliman; Benablb Ouari ben Mansour; Ganah Mahmoud ben Braiiim; Commune
- INDIGÈNE DE DjELFA ; MANUFACTURE ALGERIENNE DE TAPIS d’OrIENT; ÉCOLE INDIGENE DE KALAA.
- A chacun de ces six exposants, notre Jury a accordé une médaille d’argent.
- MÉDAILLES DE BRONZE.
- Rafa Sliman ben Touhami; Belcacem ben Ali;
- Mme Saucerotte, Ecole indigène de tapis, à Constantine;
- MM. Rhamani Aiimed ben Nadji; Zaoui Cherif ben Saad; Ali ben Mohammed, Cheik du douar fia-mimine ; Ali ben Tlemçané; Si Mohammed ben Anouas; Si bou Lenouar ben Ciieik Moktar; Salaii ben Logressi; Salaii ben el Hadj Abderriiaman; Ben Kalfat Raouti ben Baciiir; Berkan Seddik ben Ali; Messaoud ben Ali; Lemouchi Saïd ben Abderrahman; Maiza Mohammed ben Touami; Messaoud ben Kadachi; Mimoüna ben Mohammed; Salhi Massaoud ben Ali.
- Pour des tapis similaires à ceux que nous avons mentionnés plus haut, ces dix-neuf exposants se sont vu attribuer par notre Jury, à chacun, une médaille de bronze.
- MENTIONS HONORABLES.
- El Hadj Lakdar ben Mohammed; Hadj Lakdar ben Trad; Ben Gana si M’Hammed ben Bouaziz; Messaoud BEN AmAR BEN ClIERIB; MoiIAMMED TaÏEB BEN BeLCACEM; SeDDIK BEN DjILAU; Si ABDELKADER BEN
- Mebarek; Si Hamed ben Ismail; Si ben Ghora ben Mohammed; Si Hadj Abdallah ben Yahia; Beddiaii Otman ben Tlili; Ben Hadj Cherif Bouzid (Douar Béni Ourlilane) ; Abdallah ben Assen; Aissa ben Slimem hala béni Ygoin; Commune mixte de Souk-Auras; Abdesselem ben el Hafsi ben Gaba; Messaoud ben Bahariz.
- Pour les divers tapis exposés par les dix-sept exposants ci-dessus mentionnés, chacun d’eux s’est vu récompenser d’une mention honorable.
- TUNISIE.
- MÉDAILLE D’ARGENT.
- Société des Industries d’art de Tunisie.
- Les tapis que nous a montrés cette Société étaient de fidèles reproductions de tapis d’Orient. Le point noué était plutôt gros que fin, mais les formes très nettement dessinées et la coloration
- p.266 - vue 270/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- 267
- extrêmement vive de ces tapis ont grandement intéressé notre Jury. Le but poursuivi par cette Société est d’ailleurs philanthropique, et, par ce fait même, méritait hautement l’attention que nous avons apportée aux explications qui nous ont été fournies.
- Depuis que la fabrication mécanique a tué la belle industrie des tissus, autrefois si florissante à 'l’unis, de nombreux ouvriers et ouvrières se trouvaient privés de travail. Désireuse de venir en aide à ce monde si intéressant de travailleurs indigènes, et soucieuse de conserver l’organisation de la famille, si puissante et si belle dans la société arabe, la Société des Industries d’art de Tunisie se donna pour mission de faire revivre celles des industries d’art qui peuvent s’exercer dans les familles indigènes et par la main des femmes. De ce nombre sont la fabrication des tapis et des tapisseries, la broderie et la peinture céramique.
- En tapis, la Société estime qu’en trois mois elle forme un ouvrier tapissier capable ensuite de tra-\ailier chez lui. La Société a mis en outre à l’étude la création d’une école semblable pour jeunes filles, mais la réalisation de ce projet rencontre de grandes difficultés en raison des mœurs arabes très rigides qui ne permettent pas aux filles de travailler hors du domicile familial. C’est pourtant lorsque l’industrie aura pénétré dans les familles indigènes qu’elle pourra les sauver de la ruine qui les menace.
- Les laines employées pour la fabrication des tapis sont des laines du pays; elles sont teintes avant d’être filées. Les couleurs, au nombre de dix, sont celles des plus beaux tapis anciens d’Orient.
- Dans ses ateliers de teinture, la Société a proscrit les teintures d’aniline, dont l’emploi a perdu la réputation des tapis de Kairouan ; elle ne se sert que des couleurs dérivées de la garance, dont elle vérifie la solidité en faisant sécher les laines au soleil. Quant aux opérations de mordançage et de teinture, elles sont, malgré leur grande difficulté, admirablement exécutées par des ouvriers arabes dont on nous a vanté l’intelligence et les soins. Notre Jury, dans le but d’encourager cette vaillante et philanthropique Société, fondée par M. J. Pillet, professeur au Conservatoire des arts et métiers, à l’École des beaux-arts, à l’École des ponts et chaussées, à l’École polytechnique, etc., et habilement dirigée par M. H. Djilani, a tenu à récompenser d’une médaille d’argent les tapis de la Société des industries d’art de Tunisie.
- MÉDAILLES DE BRONZE.
- Ahmed ben Assen Longo et Aiimed Djamal. — Tapis à gros points de haute laine, fabriqués à Cafsa.
- MENTIONS HONORABLES.
- M. Boccara et M. Guez (Victor). — Même genre de tapis mentionné plus haut.
- ANNAM.
- MÉDAILLE DE BRONZE.
- Protectorat de lAnnam.
- Indépendamment des nattes que nous mentionnerons plus loin, le Protectorat de l’Annam avait exposé en tapis ras, genre reps Gobeliiis, quelques curieux tapis de dessins bien chinois. Pour l’ensemble de cette exposition, le Jury a accordé une médaille de bronze.
- p.267 - vue 271/484
-
-
-
- 268
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- ÉTRANGER,
- GRANDE-BRETAGNE.
- GRAND PRIX.
- MM. 1)Auvergne et C'% à Kashmir et à Srinagor (Indes anglaises).
- Dans le pavillon des Indes anglaises, au Trocadéro, nous avons remarqué au premier étage une très intéressante série de tapis aux points noués, carpettes de larges dimensions, mesurant pour la plupart de 19 à 16 mètres carrés, dont la beauté nous a séduits au premier abord. Outre la perfection d’exécution dont cette excellente maison a, de longue date, mérité et justifié la réputation, nous remarquons l’entente admirable du coloris, ainsi que la régularité des teintes si diverses par elle employées. Contrairement à nombre de contrées où le souci paraît être de fabriquer des tapis dont les fonds unis sont remplis d’imperfections de teintures (ce qu’en terme de fabrique nous appelons des tons barrés), MM. Dauvergne et Cie s'efforcent de ne produire que des tapis aux nuances absolument régulières, et nous leur donnons pleinement raison.
- La laine employée par la maison Dauvergne donne à ses tapis une finesse, un soyeux des plus agréables à l’œil et au toucher. La hauteur du velouté a paru à certains membres du Jury un peu grande, vu la qualité si fine de la laine, et ils se sont demandé si cette finesse même de la laine ne serait pas cause de l’affaissement du poil, de son tassement et, par suite, d’une durée moins longue que celle de lapis fabriqués en laine plus ordinaire.
- Certains objectaient aussi à ce toucher un peu corsé du tapis manipulé à pleine main, mais notre avis est qu’il est du à la réduction si serrée des tapis qui ont été soumis à notre examen, et nous avons la conviction que la finesse du point, jointe à celle de la laine employée, doit assurer au consommateur de ces tapis un emploi de longue durée.
- Outre la superbe carpette à dessins losangés rouge et crème, sur fond marine, exposée à la gauche de l’emplacement occupé par ces messieurs, nous avons admiré celle fond rouge, en persan fleuri, qui lui faisait suite, dont la netteté du dessin et la franchise du coloris nous ont particulièrement frappés.
- Une autre carpette du même genre, sur fond gris beige, mérite aussi d’être mentionnée, de même que le tapis qui formait l’angle à droite, tapis persan dont la reproduction a déjà tenté nombre de fabricants, depuis que l’original (cet admirable tapis persan en soie, de l’époque du xv° siècle) a quitté la célèbre collection Goupil, mise en vente en 1887.
- Quand nous ajouterons qu’à cette superbe collection s’adjoignaient aussi des tapis desoie qui, faute déplacé, n’ont pu tous être déployés, nous penserons avoir suffisamment fait ressortir la valeur de cette importante maison, dont la majeure partie des produits exposés ont été vendus au cours de l’Exposition.
- MM. Dauvergne et Cic ont obtenu du Jury un grand prix, bien mérité.
- MÉDAILLES D’OR.
- MM. H. et M. Southwell, à Bridgnorth (Shropshire).
- Bien que deux tapis seulement de ce genre de fabrication aux points noués nous aient été montrés, la médaille d’or s’imposait pour cette maison, dont les superbes produits en fabrication méca-
- p.268 - vue 272/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSES D’AMEUBLEMENT.
- 269
- nique à la jacquard seront mentionnés plus loin. Ces deux tapis, que MM. Southwell désignent Axminsler, de fabrication à la main, sont : l’un, celui fond bleu, à gros point de laine cardée de qualité inférieure, du prix de 2 5 francs le mètre carré; l’autre, de réduction très line, du prix de io5 francs le mètre carré, compte dix points par centimètre carré. Ce lapis, fond rouge, porte en son centre un médaillon persan fleuri; d’une extrême finesse de point, il est à tous égards admirable. Un tapis semblable présenté à S. M. la Reine d’Angleterre, lors de son jubilé en 1897, fut, en cette circonstance, placé au pied de son trône. (Velours très épais, très profond et par suite, d’une durée extrême.)
- MM. Davee, Saiiai , Ceunda, Mule, à Amritsar (Indes anglaises).
- Parmi les tapis que nous ont montrés ces exposants, tapis de fabrication soignée et dont les nuances très régulièrement teintes, sans barres, témoignent des soins apportés à cette délicate manutention, l’attention des membres du Jury a été tout spécialement attirée par une splendide carpette de style persan fleuri. Son médaillon central vert faisait admirablement ressortir sur le rouge du fond un charmant petit dessin de Ileurs dont la coloration douce, quoique cbaucle, dénote de la part de l’artisan une grande virtuosité dans l’assemblage des couleurs, autant qu’une grande habileté professionnelle de son art de tisserand.
- Une médaille d’or a récompensé la belle exposition de cette maison.
- M K DA 1 LUES D’ARGENT.
- Ecole d art pour tapis, à Madras.
- Celle Ecole, qui a pour spécialité les travaux d'art faits à l’aiguille, a néanmoins montré eu fabrication à points noués quelques intéressants produits qui lui ont valu une médaille d’argent.
- MM. Yates and C°, limited, à YVilton ( Wiltshire).
- Cette maison est une des plus anciennes manufactures d’Europe de tapis fins aux point noués, connus et spécialement désignés en Angleterre sous le nom de réels tapis d’Axminster tissés à la main.
- La manufacture fonctionne en vertu d’une charte accordée en 1701 par S. M. le Roi d’Angleterre Guillaume III, et l’on peut voir les tapis qui en sortent dans la plupart des palais royaux d’Angleterre et du continent.
- Il est regrettable que l’emplacement occupé par MM. Yates and C° dans l’annexe, près les quinconces des Invalides, 11e leur ait permis d’exposer qu’un seul tapis, car une exposition plus en rapport avec leur importance eût mieux fait apprécier à certains de nos collègues du Jury la valeur des produits de cette si ancienne maison. Le tapis de 4 mètres sur 4 m. 5o que nous ont montré MM. Yates and C° nous a particulièrement frappé par la finesse delà laine employée, la longueur des nœuds et l’extrême solidité du tissu. Le dessin en est essentiellement anglais. La bordure sur fond vert présente une combinaison de la rose, du chardon et du trèfle, emblèmes nationaux de l’Angleterre , de l’Écosse et de l'Irlande. Le centre consiste en un enlacement de feuilles de chêne dont les divers tons de rouge contrastent heureusement avec les nuances employées dans la bordure. La sobriété des nuances utilisées (17 seulement) constitue un ensemble des plus harmonieux. Il y a,
- Gr. XII. — Cl. 70. 19
- IMPIUMEME NATIONALE.
- p.269 - vue 273/484
-
-
-
- 270
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- par pouce carré (soit par 0,02 1/2 centimètres carrés) 64 nœuds ou points, et dans son ensemble le tapis comporte 1,658,880 nœuds. Ce tapis est certainement un de ceux dont la production nous a personnellement le plus vivement intéressé. MM. Yates and C° accusent un chiffre annuel de 20,000 livres, soit 5oo,ooo Irancs.
- Nous aurions souhaité pour cette maison une récompense supérieure à la médaille d’argent qui lui a été attribuée.
- S. A. le Nizam de Hyderabad (Indes).
- Un superbe tapis, 4 mètres sur 5 mètres, fond ivoire, bordure rouge.
- Un autre, moins lin, 3 m. 5o sur 4 m. 5o, joli dessin de palmes indiennes. Un autre, persan fleuri bleu, bordure rouge, points plus gros.
- S. A. le Maharajau de Bikanir, à Rajputana (Indes).
- Ces deux Altesses avaient exposé, en points lins et en points demi-fins, en laine souple et aussi eu soie, divers tapis de style persan fleuri, dont la production a été jugée digne d’étre récompensée d’une médaille d’argent.
- Bromsgrove of Applied Arts, à Bromsgrove.
- C’est dans une chambre à coucher du Pavillon royal britannique que nous avons pu découvrir les trois petits tapis, sortes de foyers ou descentes de lit, qu’au milieu de mille autres choses cette Société a soumis à notre examen. Ces tapis, dus à la composition de M. Walter Gilbert, étaient de fabrication soignée, aux points noués en réduction demi-fine. Le fond vert uni était encadré de bordures à fleurs d’un effet sobre, bien en rapport avec la décoration du reste de cet appartement. Une médaille d’argent a été accordée à cette Société, pour les tapis exposés par elle.
- TURQUIE.
- GRAND PRIX.
- Manufacture impériale de Héréké , à Stamboul.
- Nous pouvons, sans crainte d’être contredit, affirmer que nous nous trouvons ici en présence de la plus belle exposition de tapis qu’il nous ait été donné de voir au cours de nos examens en compagnie de nos collègues du Jury. S’il est un regret à exprimer, c’est que l’emplacement occupé par cette importante manufacture, au premier étage du pavillon de la Turquie, ait été si fâcheusement situé.
- Pour avoir accès aux installations où étaient exposés les riches tapis de la Manufacture de Héréké, il fallait affronter, en effet, les appels aussi gutturaux que fréquents des marchands dc^ces mille bibelots turcs dont la salle était encombrée, et ne pas redouter l’incessante cohue des étrangers qui, attirés par la musique endiablée du café-concert turc installé là haut, se pressaient en foule pour assister à la représentation des danses du ... pays.
- Maigre ces graves inconvénients, qui ont certainement empêché une partie des visiteurs d’aller voir
- p.270 - vue 274/484
-
-
-
- 271
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- ce salon des tapis turcs, un grand nombre pourtant s’y sont rendus (nous en avons eu la preuve parles nombreuses ventes de tapis faites à des visiteurs de marque pendant le cours de l’Exposition), et ces derniers n’ont certes pas dû regretter leur visite, et moins encore leurs achats.
- Dans le fond, à droite, fixé le long du mur, le premier tapis qui attirait l’attention du visiteur était une superbe carpette de 7 m. h2 sur h m. 88, du prix de ü5,ooo francs. Cette carpette, de genre persan, avait un médaillon central constellé d’autres petits médaillons de tons variés, l’encerclant de leur chatoiement. Le fond de ce tapis, en bleu turquoise, était d’une profondeur de ton admirable. La coloration d’ensemble en était ravissante, et la triple bordure qui l’encadrait en complétait l’harmonieux et séduisant effet. Ce tapis, fait spécialement en vue de l’Exposition, est la reproduction d’une carpette du même dessin, offerte par le Sultan à S. M. l’Empereur d’Allemagne. Le point en est très fin et le poil, de laine souple et soyeuse, très haut. (Tapis merveilleux d’exécution. )
- Parmi les autres nombreux tapis de laine exposés en une grande variété de dessins et de réduc-lions, il en est (ceux à points fins) qui sont exclusivement fabriqués dans les ateliers de la manufacture; de ceux-ci se trouve le tapis exposé dans l'angle de gauche en sortant de l’escalier (persan du xvc siècle à médaillon oblong coupé de pans irréguliers). La qualité en est très belle, mais l'ensemble de la coloration nous a paru un peu dur. D’autres sont fabriqués chez l’habitant même des provinces de l’Asie Mineure; il en est un, fond uni vert à petit médaillon central, qui était de haut poil et de toute beauté.
- Quantité de petits tapis, dits tapis de prières, de coloration chaude mais bien harmonieuse, étaient répandus à profusion dans ce salon et récréaient la vue.
- Mais le véritable enchantement résidait dans l’examen des tapis exécutés en pure soie, dans les ateliers de la manufacture, par ses artistes les plus habiles. Cette profusion de richesses éblouissait littéralement les amateurs raffinés autant que les réels connaisseurs. Certains de ses tapis sont exécutés en un point si serré que leur envers même paraît être une reproduction au point le plus fin de la tapisserie à l’aiguille des formes qui constituent le dessin velouté de l’endroit. Les tons les plus délicats sont employés pour les fonds de ces admirables petits tapis de prières, qui, en chaîne soie, se vendaient au prix de 600 francs en dimensions de 1 m. ko sur o m. 80. Tous, de formes orientales , aux colorations harmonieuses, étaient exécutés de main de maître, en des fonds charmants : rose tendre, bleu nil, réséda ou crème; un autre, rappelant un persan de la collection Goupil, fond crème, médaillon vert, élait de toute beauté. Nous avons aussi particulièrement remarqué en cette série de tapis de soie un superbe tapis de prières d’un vert émeraude lumineux et profond tout à la fois, et enfin un persan fieuri, fond rouge, avec, près de chacune des bordures de côté, un cyprès aux tons verts admirablement harmonieux. C’est à regret que nous avons dû quitter cette splendide exposition à laquelle le Jury a été heureux d’attribuer un grand prix, si pleinement mérité.
- AUTRICHE.
- GRAND PRIX.
- M. Ginzkey (/.), Manufacture impériale et royale privilégiée de tapis, à Maffersdorf (Bohême).
- Ce très habile et très important producteur qu’est M. Ginzkey aime la France et ne recule jamais devant aucun sacrifice lorsqu’il s’agit d’accorder sa participation à l’une de nos Expositions; nous ne saurions trop l’en remercier. Nous avons gardé le meilleur souvenir des splendides tapis que M. Willy Ginzkey, alors membre du Jury des récompenses de la Classe 21, et par suite hors concours, avait exposés en 1889, s0lls un porche de construction originale, décoré de magnifiques tapis de mohair
- ‘9-
- p.271 - vue 275/484
-
-
-
- 272
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- qui attiraient tous les regards; aussi, est-ce avec une vive satisfaction que nous avons eu, cette année, l’occasion de le revoir et de constater dans quelle large mesure son exposition a participé à la décoration d'ensemble de la section austro-hongroise.
- Le monumental portique élevé à l’entrée de la section autrichienne du palais des Invalides a été très habilement utilisé par M. Ginzkey pour mettre en valeur, à coté des immenses carpettes qui en garnissaient les gigantesques panneaux, d’autres lapis qui, soit qu’ils fussent étalés sur le parquet, soit qu’ils fussent drapés en sorte de portières, permettaient aux visiteurs de se rendre compte de leur richesse de matières et de leur coloration, d’en examiner la variété de dessins et d’apprécier l’importance de cette ancienne maison.
- La note caractéristique de cette exposition réside dans l’application aux tapis à points noués de dessins de composition moderne. Ces dessins qui, nous le savons, ne sont pas pour plaire à tous répondent cependant aux besoins de certaine clientèle; si nous ne visons en ce moment que le point de vue commercial, nous ne pouvons que féliciter M. Ginzkey de ne s’être pas laissé attarder dans la seule reproduction de modèles orientaux.
- Parmi les quatre grands tapis de 5 mètres sur 6 mètres, qui décorent les quatre principaux panneaux du portique, il en est un qui a spécialement retenu notre attention par l’originalité de sa composition, due à l’artiste spécialiste bien connu et si apprécié en France, M.Mucha. Exécuté sur un fond rose des plus délicats, le dessin, d’une allure bien particulière dans son originalité, décrit des méandres capricieux sur lesquels une sorte d’excentrique composé de cercles aux différents centres nous montre des motifs de Heurs stylisées. Les tournesols gigantesques qui agrémentent le cercle le plus grand donnent à distance l’illusion d’immenses plumes de paon, dont le second cercle simule les tiges. La bordure d’encadrement complète, par une heureuse harmonie de tons dans des Heurs bizarres, l’aspect fantasque de ce tapis bien fait pour un appartement de décoration moderne. Tout en louant l’accord qui existe dans l’ensemble de la coloration de ce tapis, nous en aurions pourtant préféré l’exécution en une tonalité plus vigoureuse.
- Les autres tapis exposés en ces dimensions de 5 mètres sur 6 mètres nous montrent, s’enlevant sur des fonds paille et crème, de très jolies compositions où l’ornement se mélange gracieusement à la fleur. Celui qui fait pendant au tapis de la composition de M. Mucha est, avec quelques modifications nécessitées par son agrandissement, une reproduction en laine fine, et sur fond ivoire, du fameux tapis persan de soie au point fin, qui faisait l’admiration des visiteurs de la riche et artistique galerie orientale que feu M. Goupil, au prix de tant d’efforts et de savantes recherches, avait si luxueusement installée en ses appartements de la rue Chaplal. La fabrication de ces tapis est des plus soignées, le nœud en est solidement fixé. La hauteur du poil en assure le moelleux et le confort ; aussi la vogue des lapis fabriqués par cette maison est-elle justement méritée. A côté des pièces capitales dont nous venons de donner un aperçu, il nous a été montré dans le même genre de fabrication, mais en laine mohair du plus brillant effet, quantité d’autres tapis, la plupart de composition moderne et de coloration douce et harmonieuse qui font honneur à M. Ginzkey. Nombre d’autres pièces, de qualité moins belle,mais de fabrication toujours irréprochable, nous montraient en galeries et en passages des dessins tantôt orientaux, tantôt modernes, dont la coloration bien étudiée prouve de là part du producteur l’entente absolue de l’art qu’il exerce et, de la part de ses collaborateurs, l’habileté et la connaissance approfondie de leur profession.
- Cette importante maison, dont les chefs actuels sont MM. YVilly et Alfred Ginzkey, eut comme fondateur en 18A3 le père de ces messieurs, M. Ignace Ginzkey, décédé en 1876. L’établissement actuel comprend, en plus de deux filatures, des ateliers de teinture, de tissage, d’apprêt et de construction et occupe un personnel de 1,4oo ouvriers, 100 employés, 12 voyageurs. M. Ginzkey, dont la maison a des succursales dans le monde entier, fait un chiffre annuel d’affaires de 6 millions de francs, et paye en salaires 1,h50,000 francs par an.
- Au point de vue philanthropique, cette maison a été des premières à installer chez elle une caisse de retraite et de pensions, destinée à venir en aide aux vieux ouvriers et ouvrières ayant au moins
- p.272 - vue 276/484
-
-
-
- 273
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMËUBLEMENT.
- dix ans de présence dans la maison. Une société obligatoire d’assurance contre les maladies a été fondée en 1858 et produit les meilleurs résultats. Nous citerons quelques chiffres qui, tout en édifiant le lecteur, peuvent utilement servir à nombre de nos industriels français.
- Droits des assurés. — Traitement médical gratuit. Redevance de 70 p. 100 du salaire pendant la maladie jusqu’à ko semaines. Les ouvriers contribuent à la formation de la caisse à raison de 1 p. 100 et les patrons à raison de 2 p. 100 des salaires. Le capital de réserve, au 3i décembre 1899, était de à23,000 francs, alors que les dépenses, dans le cours de la même année, s’étaient élevées à 22,800 francs.
- En plus de la société d’assurance contre les accidents, une assurance en cas de maladie des femmes et enfants de la manufacture donne aux assurés les droits suivants : traitement médical gratuit. Chaque membre de la société paye k centimes par membre de famille assuré et par semaine. Les patrons payent 8 centimes. Les recettes de 1899 se sont élevées à 2,800 francs et les dépenses à 2,700 francs.
- Une société de pompiers de 120 membres, recrutés parmi le personnel de la maison, avec un orchestre composé de 20 musiciens, a été fondée en 1869.
- Une cuisine à vapeur pour les ouvriers, fondée en 1891, permet à ceux-ci des repas économiques ainsi établis : potage, 6 centimes; un plat de légumes, 8 centimes; un plat de viande, 8 centimes. Les recettes de 1899 étaient de 9,200francs; les dépenses, 11,200 francs. Le déficit (2,000 francs) fut versé par les patrons.
- Une bibliothèque et salle de lecture, contenant 5,000 volumes, est mise à la disposition du per-sonnel. Ajoutons qu’une salle de bains pour les ouvriers est actuellement en construction. C’est en soignant ainsi le corps, en développant l’intelligence de leurs ouvriers, que les patrons se réservent toutes les chances de récolter dans l’avenir les plus heureux résultats.
- Si nous nous sommes aussi longuement étendu sur tous ces détails, c’est qu’ils démontrent péremptoirement le souci qu’a cette maison de donner à son personnel toutes les satisfactions dues aux mérites des travailleurs quelle occupe. M. Ginskey a droit à toutes nos félicitations. Le Jury ne les lui a pas marchandées. Le rapporteur n’est ici que le fidèle interprète des sentiments de ses collègues, en affirmant à M. Ginzkey, nommé chevalier de la Légion d’honneur en suite de l’Exposition de 1889, que le Jury tout entier s’est montré fort heureux de lui attribuer la plus haute récompense; le grand prix qu’il a obtenu était bien mérité et lui était justement dû.
- BOSNIE-HERZÉGOVINE.
- GRAND PRIX.
- Ateliers du Gouvernement de Bosnie, à Sarajevo.
- Cet établissement, qui ne compte pas moins de 180 femmes ouvrières ou apprenties, en occupe 120 dans les locaux mêmes de l’école; 60 autres tissent chez elles après avoir fait leur apprentissage à l’atelier: le Gouvernement leur accorde, pendant cette sorte de noviciat, des bourses de 12 fr. 60 par mois.
- Dans le pavillon de la Bosnie-Herzégovine, rue des Nations, en face du Panorama nous donnant l’idée de l’animation d’un marché en ce pays ensoleillé, se trouvaient amoncelés en nombre considérable des tapis fabriqués aux points noués, soit à Kresevo, soit dans les ateliers mêmes du Gouvernement. Deux métiers, l’un à droite, l’autre à gauche de cet emplacement, étaient occupés par des ouvrières bosniaques et initiaient ceux des visiteurs encore ignorants de ce mode de fabrication à l’habileté professionnelle qu’exige le tissage des tapis à points noués. 11 faut, en effet, pour exécuter
- p.273 - vue 277/484
-
-
-
- 274
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- en tapis des fleurs, des ornements variés, suivre continuellement les indications des brefs (sortes de cartes indiquant les couleurs à tisser) des dessinateurs, en insérant à la main, dans les fils tendus verticalement devant l’ouvrière, les fils de trame qui doivent constituer le dessin. Cet exercice, qui parait simple lorsqu’on le voit exécuter par des mains expertes, est pourtant difficile. Il exige, outre la connaissance du dessin, du goîit pour l’assemblage des couleurs et un long apprentissage. Les ouvrières que nous avons vues à cette exposition s’acquittaient de ce travail avec adresse, tant pour l’exécution des tapis veloutés aux points noués que pour celle des tapis ras genre gros reps Gobelins, dont quelques spécimens nous ont été soumis.
- Les tapis qui nous ont été présentés, tous en dessins orientaux aux colorations puissantes, représentaient les diverses qualités livrées au commerce. L’exécution en est généralement bonne et le tissage régulier. Les formes du dessin paraissent particulièrement soignées, et prouvent le soin avec lequel l’École du Gouvernement forme à l’art du dessin les ouvrières qui se disposent à tisser les tapis. Certaines compositions imposées par le goût des contrées auxquelles les tapis sont destinés sont d’une touche différente, et nous avons vu certains tapis de soie, du genre dit tapis de prières, commandés par l’une des importantes maisons de nouveautés de Paris dont l’exécution, comme la coloration, était parfaite.
- Tenant compte des efforts tentés par le Gouvernement austro-hongrois qui administre ces provinces, sachant quelles difficultés il a fallu vaincre pour ressusciter dans ce pays une fabrication qui, florissante bien après la conquête musulmane, était depuis longtemps presque abandonnée à quelques familles paysannes, le Jury de notre Classe tint à honneur de prouver à la Bosnie-Herzégovine qu’il appréciait hautement le perfectionnement apporté par les Ateliers dü Gouvernement aux anciennes méthodes de fabrication, ainsi qu’à l’éducation des artisans. Aussi attribua-t-il à ces ateliers un grand prix pour l’ensemble de leur belle et intéressante exposition. Le directeur de l’école, M. Henri Hoffmann , a obtenu une médaille d’argent à titre de collaborateur, et Mllcs Maritza Andrib et Mlleka Lakman, très habiles tisserandes, une médaille de bronze.
- Au lecteur qui désirerait des documents sur l’organisation de la Bosnie-Herzégovine, sur l’état actuel de ses industries, nous l’engageons vivement à consulter le numéro 7 de la Revue générale des sciences pures et appliquées. Il y lira avec intérêt l’article consacré à l’instruction publique en Bosnie-Herzégovine, par M. Louis Olivier, à qui nous avons emprunté une partie des renseignements ci-dessus.
- ALLEMAGNE.
- MÉDAILLES D’OR.
- Vereinigte Symrna Teppich Farriken, à Berlin.
- Les tapis exposés par cette maison, tant dans les salons du premier étage de la Section allemande au Palais des Invalides que dans ceux du Pavillon d’Allemagne de la rue des Nations, synthétisent complètement la notion qu’ont les Allemands de l’idée moderne dans la composition des dessins d’art décoratif. Las de suivre les errements, les traditions du passé, ce peuple de travailleurs désire, on le sent, s’affranchir de toute entrave. Chez lui, plus que partout ailleurs, s’accuse et s’accentue la recherche du nouveau. Le désir d’harmoniser aux conditions nouvelles de la vie l’ornementation de tout ce qui rend confortable le foyer familial a fait produire aux Allemands, tant pour la décoration murale que pour les tapisseries et les tapis, des compositions modernes qui, bien qu’elles ne correspondent en aucune façon à notre goût français, empruntent à la nation même une part de son caractère, cherchant dans sa voie, suivant les aptitudes spéciales de son génie, une esthétique particulière.
- p.274 - vue 278/484
-
-
-
- 275
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- Ceci dit à titre de simple appréciation des dessins qui nous ont été montrés, nous ne contestons pas aux Allemands leur goût pour ces compositions nuageuses où d’interminables lianes s’unissent en des enlacements sans grâce et dans des colorations peu séduisantes, où le gris se mélange aux tons mode et vert en des combinaisons qui ne nous plaisent pas ; mais tout cela, paraît-il, plaît à la clientèle en vue de laquelle ces tapis sont fabriqués. C’est une manière d’art moderne très appréciée en Allemagne où l’on aime peu les tapis et les étoffes aux tons clairs. C’est, sans doute, très pratique à l’emploi. Les nuances se ternissent moins vite, et les tapis, n’ayant, jamais eu l’air d’étre nouveaux, ont de ce fait l’avantage de ne jamais paraître anciens.
- Ne voulant pas pousser plus loin notre critique au sujet des compositions et des colorations des tapis que nous a présentés cette société, nous nous ferons un plaisir d’adoucir ce que notre appréciation peut paraître contenir d’amertume en reconnaissant qu’au point de vue de la fabrication des six grands tapis que nous avons examinés rien ne laisse à désirer : Qualité de laine, régularité de teinture, profondeur du poil faisant velours, serrage à fond des points noués à la main, tous ces menus détails qui font une fabrication soignée sont minutieusement observés en toutes les qualités, quelle qu’en soit la réduction plus ou moins fine. Aussi, le Jury, tenant compte de la parfaite exécution des tapis exposés, a-t-il accordé une médaille d’or à cette importante société Vereinigte Smïrna Teppjch Fabbtken.
- Krefelder Teppighfarrik, ù Crefeld.
- Les compositions modernes des trois tapis à points noués que nous soumit cette société sont dus à VI. le professeur Laüger, à Oarlsruhe. Si le Jury a hautement apprécié la parfaite exécution matérielle des trois tapis pendus au mur du salon du premier étage, donnant sur la terrasse du Palais des Invalides, le rapporteur regrette de se trouver forcé par son mandat de critiquer les formes et la coloration si triste dont s’est inspiré le coloriste de ces tapis.
- Il en est un, surtout, dont les fleurs gigantesques de chardons sont supportées par des tiges d’une maigreur extrême et d’une longueur démesurée. L’on se demande par quel effort d’équilibre ces pauvres tiges ne se brisent pas sous le poids des fleurs énormes qu’elles soutiennent.
- Enfin, passons, et ne conservons de Krefelder Tepfichfabrik que le souvenir de la perfection de sa fabrication, puisqu’elle lui a valu d’être récompensée d’une médaille d’or.
- MÉDAILLE D’ARGENT.
- Ecole de tissage artistique de Sherrereck.
- Cette école, dont nous avons déjà mentionné les intéressants travaux de tapisserie en reps Gobe-lins, exécute aussi et nous a montré d’après les mêmes procédés de fabrication, mais en point plus gros, divers tapis ras d’une exécution très soignée. Cette école, nous l’avons déjà dit, a été récompensée de ses travaux par une médaille d’argent.
- MÉDAILLE DE BRONZE.
- M. Hozak (Karl), ù Neuendorf (Nowawes).
- En tapis à points noués à la main ce fabricant avait exposé un tapis genre Smyrne, dont la coloration imitait bien celle des tapis originaux. Un autre tapis, de même fabrication, en style Louis XV, du genre rococo, était de formes peu gracieuses et d’un ensemble de coloris trop fade. Deux autres tapis, l’un de style Empire, l’autre de composition moderne, n’ont pas été fort prisés par le Jury. Le reproche fait à ce fabricant (qui avait d’ailleurs un bien triste emplacement peu fait pour mettre
- p.275 - vue 279/484
-
-
-
- 276
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- ses produits eh valeur) est l’emploi de laine de qualité bien ordinaire et la réduction peu serrée des tapis qu'il nous a montrés.
- Un autre genre de tapis imitant le point noué nous a été soumis comme étant d’un mode de fabrication spécial, inventé par M. Hozak. C’est une sorte de tapis chenille à trois duites, dont le prix par mètre carré revient, rendu en France, à 17 francs, tous droits payés. Les largeurs produites à l’aide de ce procédé sont les suivantes : o m. 60 sur 1 m. 3o; 2 mètres sur 3 mètres; 2 m. 05 sur 3 m. 3o et 3 mètres sur k mètres.
- Une médaille de bronze a été attribuée par le Jury à M. Hozak.
- PAYS-BAS.
- MÉDAILLE D’OR.
- MM. Stevens ( PU.) et fils, à Rotterdam.
- Quel admirable choix de dessins que celui de ces grands producteurs de tapis aux points noués <pie sont MM. Stevens et fils! Quelle supérieure entente de l’harmonie des couleurs et quelle perfection de fabrication attestent les vingt-deux tapis eux points noués exposés au premier étage de l’annexe des Invalides, au-dessus de l’emplacement occupé par le Japon.
- Aussi bien dans leurs compositions modernes qu’en celles s’inspirant des données orientales, MM. Stevens excellent à donner aux produits sortant de-leur importante manufacture de Werklust un cachet artistique à nul autre pareil. Les deux carpettes d’art moderne, aux formes capricieuses, qui ont été soumises à notre examen, l’une sur fond vert, l’autre sur fond rouge, étaient tout simplement ravissantes. Combien différentes des dessins allemands étaient ces compositions à la note claire et gaie I En laine mohair, de bien jolis spécimens de tapis à haut poil soyeux ont fait les délices des visiteurs, comme aussi des membres du Jury qui ne se lassaient d’admirer la finesse du point, la régularité des teintures et la perfection de l’ensemble de celte fabrication, tant en carpettes qu’en galeries, passages et tapis de toutes dimensions. Aussi, la cote accordée à cette importante maison a-t-elle de bien près approché celle du grand prix. Après la médaille d’argent accordée à l’Exposition de 1889, espérons que la médaille d’or qui, pour cette Exposition, a été attribuée par le Jury à MM. Stevens avec une cote si élevée, sera pour ces messieurs un encouragement à persévérer dans la voie de fabrication artistique en laquelle ils excellent.
- Cette maison occupe un personnel de 320 ouvriers et ouvrières dans leur établissement et 5oo ouvriers au dehors. Elle teint elle-même ses matières laine et mohair, et produit annuellement pour i,5oo,ooo francs de lapis.
- MÉDAILLES D’ARGENT.
- Manufacture royale de Dey enter.
- Nous regrettons d’avoir à constater que cette maison qui, en 1889, s’était distinguée et avait mérité une médaille d’or n’ait pu, cette année, soutenir devant le Jury son ancienne et brillante réputation. Ce sont bien toujours les belles et si fines laines des marchés de Gueldre qui servent à la fabrication des tapis de cette manufacture; mais que dire du choix malheureux qui a été fait des tapis envoyés à l’Exposition. Les tapis de composition moderne (lys blanc, châtaignier, pissenlit) d’exécution parfaite en tant que tissage, étaient des dessins peu faits pour nous plaire.Quant à leur coloration, elle était non seulement excentrique, mais dure et de mauvais goût. La carpette Smyrne, de qualité tout à fait supérieure, est venue heureusement corriger un peu cette fâcheuse impression
- p.276 - vue 280/484
-
-
-
- 277
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- du Jury, qui, malgré son désir de ne pas abaisser la récompense que cette manufacture avait obtenue en 1889, n’a pu trouver moyen de lui attribuer qu’une médaille d’argent. La laine achetée brute est fdée, blanchie, teinte et tissée dans la manufacture. Les qualités de tapis correspondent aux prix de k\ francs la supérieure (tapis Smyrne exposé) et 3o francs, 26 francs, 20 francs, 00 francs le mètre carré pour les autres.
- Société anonyme de la Manufacture d’Amersfoort.
- L’espace réservé à cette société jouissait d’un jour très favorable, qui mettait bien en valeur les tapis exposés par elle.
- Ces tapis étaient au nombre de quatre. Leur composition bien moderne est due au talent de l’artiste Colanbrander (qui, depuis, a exposé dans la Galerie Georges Petit une superbe collection de dessins, très appréciés des nombreux visiteurs qui ont pu les examiner).
- Tous quatre, ces tapis donnaient une haute idée de la fabrication des produits de cette manufacture. L’originalité des motifs, leur coloration chaude et harmonieuse tout à la fois, ont été, autant (pie la perfection de la fabrication des tapis, l’objet de l’attention toute spéciale du Jury. Aussi a-t-il tenu à attribuer, en témoignage de sa satisfaction, une médaille d’argent à la Manufacture d’Amersfoort qui, pour la première fois, envoyait ses produits à une Exposition universelle.
- Le but de la manufacture est spécialement de pousser la vente des tapis artistiques d’après les dessins de M. Th.-A.-G. Colanbrander.
- HONGRIE.
- MÉDAILLES D’OR.
- Société pour l encouragement de lIndustrie domestique, à Poszony (Presbourg).
- Cette jeune société, subventionnée par l’Etat, compte une vingtaine d’ouvrières occupées à lisser soit les tapisseries genre Gobelins que nous avons mentionnées déjà, soit les tapis aux points noués. Le grand tapis qui nous a été montré dans l’un des salons du rez-de-chaussée de la section austro-hongroise du Palais des Invalides (dessin de M. Aladar Kriesch) rappelle exactement la fabrication des dessins originaux de Smyrne. De réduction très fine (90,000 mailles par mètre carré) et de coloration chaude bien en rapport avec les produits du pays d’origine qu’il entend rappeler, son nœud bien serré et sa hauteur du poil de laine douce (trop douce peut-être) donnent à ce tapis un très bel effet décoratif qui a favorablement impressionné le Jury.
- Un autre très grand tapis, de même fabrication, était exposé le long du mur opposé à cette section. L’étroit passage ménagé entre l’escalier roulant et la cloison même où ce tapis était exposé a-t-il été cause de ce que, par suite de ce manque de recul, on ne pouvait tout à fait bien en juger l’effet, toujours est-il que ce tapis, bien que de fabrication soignée, nous a fait moins bonne impression. C’est une reconstitution sur fond bleu clair d’un ancien tapis à grand médaillon central du xvmc siècle, faite à l’intention de Son Altesse l’archiduchesse de Presbourg. Le velouté en est très haut, mais la coloration d’ensemble nous a paru laisser à désirer.
- Le Jury a tenu à recompenser d’une médaille d’or cette jeune mais vaillante société.
- (Dans un autre pavillon de cette section, comme aussi au Champ de Mars, dans la section austro-hongroise, nous avons remarqué en composition bien moderne deux tapis dont les tons bleu et mode s’harmonisant de très heureuse façon produisaient un effet charmant et très décoratif.)
- p.277 - vue 281/484
-
-
-
- 278
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- Société anonyme des Manufactures de Torontal, à Nagy-Becskerck.
- Quand on songe que ce n’est qu’en 1890 que fut fondée la Manufacture de tapis de Torontal, on se demande comment en un si court espace de temps cette société, qui occupe aujourd’hui 35 ouvrières, est parvenue à produire avec autant d’habileté, en tant que tissage, que de talent au point de vue de la composition des dessins et de leurs coloris, la variété de tapis aux points noués qui étaient exposés dans une des allées latérales de la section hongroise aux Invalides. Le grand tapis de droite, mesurant 5 mètres sur 7, du à la composition de M. Jules Hary, est d’un dessin oriental moderne dont l’allure est plaisante et d’une coloration fort originale. Sa fabrication en points fins est d’une exécution parfaite et promet à ces tapis une solidité et une durée extrêmes. Les tapis de gauche, juchés un peu haut, montraient, d’après des compositions de MM. Paul ïlorti, Kriesh et Robert Nadler, et suivant une esthétique bien spéciale, un mélange de formes modernes avec d’autres rappelant des motifs nationaux de décoration ornementale, chers aux Hongrois. Leur coloration très vigoureuse, jointe à la bizarrerie de ces formes hybrides, nous a surpris tout d’abord, mais nous a instruits également en nous prouvant que cette jeune génération d’artistes veut, à tout prix, sortir des formes, de convention et se rendre intéressante par la recherche et la production de modèles nouveaux, L’ensemble de cette fabrication, on ne peut plus soignée, a mérité une médaille d’or aux Manufactures de Torontal.
- MENTION HONORABLE.
- Mme Jean Fadrtjsz, à Budapest.
- Le Jury, tenant à remercier Mme Fadrusz de nous avoir envoyé à l’Exposition son très joli tapis d’amateur dessiné et tissé par elle, lui a attribué une mention honorable. Ce tapis, de 1 m. 36 sur 1 m. 06, genre tapis de prière de caractère hongrois, est tissé en tout soie, en points noués très fins sur fond bleu. La bordure et les angles s’enlèvent en un joli ton crème. L’ensemble en est très harmonieux et a valu à cet amateur les félicitations du Jury.
- CROATIE-SLAVONIE.
- MÉDAILLE D’ARGENT.
- Ecole royale professionnelle de femmes, à Zagreb.
- Dans le salon où se trouvaient accumulés les produits de 9.4 exposants, le Jury a récompensé d’une médaille d’argent l’École royale professionnelle de femmes à Zagreb, pour les tapis à points noués (dont un en cordonnet de soie) qui ont été soumis à son examen.
- NORVÈGE.
- MÉDAILLE D’OR.
- Aktieselskaret (dct Norskc BiUedvœveri).
- Cette société dont nous avons déjà mentionné les très intéressantes tapisseries (diaphanes et autres) avait, dans divers salons de l’emplacement occupé par elle au premier étage du Palais des Invalides, exposé quelques tapis de pied, dont les compositions modernes, dues en majeure partie à Mlle Frida Hansen, nous ont frappé par leur extrême originalité. Leur fabrication en gros reps
- p.278 - vue 282/484
-
-
-
- 279
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- Gobelins rappelle comme contexture celle des tapis ras qu’Aubusson produisait jadis très largement. Le manque de moelleux qu’on rencontre toujours dans les tapis ras ainsi fabriqués en a généra1 e-ment proscrit l’emploi en France, où on lui préfère la savonnerie, et même la belle moquette tissée à la jacquard dont nous parlerons plus loin. En est-il autrement en Norvège?
- C’est affaire au producteur qui se livre à cette fabrication de connaître les centres susceptibles d’acbeter ces tapis. Les dessins scilles mannes sur fond mode et strobur et jeunes pousses de sapin ne sont pas, parmi tant d’ingénieuses compositions de M,no Frida Hansen que d’autre part nous louons sans réserve, de nature à nous plaire autrement que par leur originalité. C’est trop peu, aussi sommes-nous heureux de rappeler que la médaille d’or attribuée à cette société l’a été surtout pour le très intéressant ensemble de tapisseries quelle a fait justement apprécier par le Jury.
- MÉDAILLE D’ARGENT.
- Union de la petite industrie domestique.
- Dans le même point de gros reps Gobelins, dont nous venons de faire mention pour la Société Aktieselskabet, I’Union de la petite industrie domestique a exposé en tapis ras de sa fabrication quelques spécimens de caractère oriental, de coloration vive et de formes géométriques très nettes rappelant les tapis de Karamanie. Les tapisseries qu’a montrées cette société lui ont valu, nous le répétons, une médaille d’argent.
- SUÈDE.
- MÉDAILLE D'OR.
- Handarretets Vanner (Les Amis des travaux manuels), à Stockholm.
- S. Giobel, à Stockholm.
- Nous devons relater que ces deux sociétés qui, pour leurs intéressantes créations suédoises eu tapisseries, ont obtenu une médaille d’or, avaient également exposé dans leurs emplacements respectifs quelques tapis ras, en gros reps Gobelins, dont les formes et les colorations orientales n’offraient aucun caractère particulier.
- Un seul tapis fait de grosses boucles de laine, sur fond rouge, bordure grise, affectait, par son dessin enlevé en tons bleu, bois et gris, une certaine originalité et paraissait être d’une incontestable solidité. Mais nous ne saurions préconiser l’emploi de tapis à si grosses boucles de laine, car la poussière s’y introduit trop aisément et n’en peut être aussi facilement enlevée, même en battant les tapis.
- SERBIE.
- MÉDAILLE D’OR.
- Ville de Pirot.
- Pendus aux murs et mélangés aux nombreuses portières en tapisserie aux colorations de si profonde intensité que nous avons mentionnées d’autre part, les tapis que le Syndicat de la ville de Pirot avait exposés sont de cette même fabrication en très gros reps Gobelins, trame laine sèche, que nous retrouvons en Suède et en Norvège, avec une tout autre interprétation du coloris. Ici, tout est brûlant; les rouges les plus puissants forment la base de l’enlèvement des dessins, souvent exécutés sur fond crème presque blanc. Un immense tapis fond rouge, portant au centre un médaillon losangé et
- p.279 - vue 283/484
-
-
-
- 280
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- dont les angles sont garnis d’un médaillon de même genre, mais plus petit, produisait un effet très heureux dans la naïveté de son dessin. De nombreux tapis genre prière, et de même fabrication, complétaient l’ensemble de la décoration murale du pavillon de la Serbie. La ville de Pirot, nous l’avons dit, a obtenu une médaille d’or pour l’ensemble de son exposition.
- MEDAILLE D’ARGEjNT.
- MM. Muncu frères, h Paratchine.
- Ces très importants industriels, dont la variété de production s’étend à maints articles différents (bonneterie, robes, draperies), avaient, dans le pavillon de la Serbie, tout un lot de lapis à points noués que le manque d’espace ne leur permettait pas de déployer, et nous le regrettons pour eux, car nombre de visiteurs n’ont guère pu se douter qu’il se fabrique en Serbie d’autres tapis que ceux dits lapis ras genre Gobelins, dont nous venons de faire mention. Sans être encore arrivés à la perfection dans ce genre si difficile de fabrication aux points noués, MM. Muncii ont prouvé que déjà leur fabrication est sortie de la passe si ingrate des premiers débuts. Un immense tapis à gros points, dont le coloris de fond, gris et bois, ne nous plaisait guère, était d’une bailleur de poils extrême; la laine en était un peu grossière, mais l’exécution en était bien régulière de tissage. Le Jury n’a pas hésité à encourager par une médaille d’argent les débuts de MM. Munch dans l’art de lisser les tapis à points noués.
- PERSE.
- Dans le pavillon de la Perse, rue des Nations, on pouvait aisément se croire transporté sur l’un de ces vivants marchés de Téhéran, de Khirman ou de Sultanabad. Tout ici est empreint du cachet de la couleur locale. Les boutiques installées à Torientale, les marchands étendus sur leurs tapis et répondant avec cette indolence toute nationale aux questions posées par le visiteur, le va-et-vient des employés qui, plus jeunes, montrent à la vente une ardeur qu’on ne soupçonnerait pas quand on les voit au repos, occupés simplement à deviser entre eux; tout, disons-nous, décèle le monde, le milieu bien oriental dans lequel nous nous trouvons soudain transportés.
- Le Jury, dans son examen, avait de prime abord remarqué toute une série de tapis genre prière, en tout soie, dont la délicatesse de coloration, leur variété autant que leur parfaite exécution en points fins décelaient, de la part de l’artisan, une sûreté de coloris, une virtuosité de fabrication peu ordinaires; mais, hélas! ces tapis n’ayant, paraît-il, été exposés que par un intermédiaire, et non par le producteur lui-même, le Jury s’est vu à regret dans l’obligation de ne pas accorder à ces tapis la haute récompense qu’il leur réservait.
- MÉDAILLES D’OR.
- S. E. Betched el Molk, à Téhéran.
- Nous n’avons pas à vanter ici les tapis de la Perse. C’est de temps immémorial que les tapis de Perse ont acquis cette réputation universelle et justement méritée. Les Persans, Kurdes ou Turcomans se sont de père en fils et depuis des siècles transmis le mode de tisser ces tapis aux nuances inallé-
- p.280 - vue 284/484
-
-
-
- 281
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- râbles, dé laine si résistante que jusqu’aux dernières fibres un tapis, même après un bien long usage, conserve toutes les formes du dessin que l’artisan y a solidement nouées à l’aide de points très serrés.
- L’importance de production de S. E. Betched el Molk est considérable, et ses tapis sont répandus dans le monde entier. Parmi les pièces capitales soumises à notre examen, nous avons remarqué le superbe tapis en laine fine, de 6 mètres sur 3 m. 85, qui décorait le fond de cette exposition. Le fond bleu turquoise, sur lequel se détachait un dessin de caractère oriental modernisé, avait une pureté et une puissance de couleur des plus remarquables. Deux autres tapis aux points fins et en laine admirablement soyeuse pourraient, tant ils sont fins et souples, servir de portières d’appartement ; ils étaient exposés en panneaux dans l’emplacement occupé par cet exposant. De nombreux lapis de prières, amoncelés en tas et qu’on déroula devant nous, nous prouvèrent que, soit qu’ils fussent tissés en laine, soit qu’ils le fussent en soie, tous étaient de fabrication parfaite.
- Une médaille d’or a été la juste récompense attribuée par le Jury à S. E. Betcbed el Molk.
- M. Hussein Guouli Khan, à Téhéran.
- Ce que nous venons de dire de S. E. Betcbed el Molk pourrait aussi bien s’appliquer à cet exposant. Désirant éviter de fatigantes redites, nous nous bornerons à signaler, parmi les nombreux tapis exposés en qualités diverses les deux superbes tapis aux points fins et de laine si soyeuse qui servaient de portières à l’entrée principale du pavillon persan. Sauf la coloration, dont l’ensemble nous a paru un peu dur, ces tapis, admirablement tissés, avaient un cachet tout particulier par l’allure du dessin si vigoureusement enlevé sur fond bleu. L’exposition de M. Hussein Ghouli Khan a été récompensée d’une médaille d’or.
- MÉDAILLE D’ARGENT.
- S. E. Kavame ed Defter, à Téhéran.
- Un tapis de Kurdistan, en laine de qualité supérieure et d’un dessin de cachemire d’une exquise finesse de détails, ornait la cloison du fond de l’emplacement occupé par cet exposant qui paraît exécuter de préférence des motifs de genre persan fleuri. Deux autres tapis aux points fins, drapés sur les côtés, servaient de portières et montraient la souplesse de cette fabrication. Des tapis de prières en laine, d’autres en soie, amoncelés dans un beau désordre, faisaient ressortir, par la variété des dessins et des coloris, la souplesse du talent de ces habiles artisans. Deux tapis, timides essais de composition moderne que nous avons examinés, nous ont prouvé qua moins d’être guidé par des artistes spécialistes dans le genre moderne cet exposant fera bien de rester, longtemps encore, fidèle à son style national, car, pour ses tapis de caractère purement persan, il a, par de nombreux débouchés , une vente toujours largement assurée.
- Une médaille d’argent a récompensé S. E. Kavame ed Defter de son intéressante exposition.
- BULGARIE.
- MÉDAILLES D’OR.
- Istotciini-Kilini (anciennement Bogossian), à Panagurichté.
- Tout le pavillon de la Bulgarie de la rue des Nations était bondé de tapis et de portières du genre désigné reps Gobelins. Les rampes d’escalier, les murs du rez-de-chaussée et de l’étage étaient presque
- p.281 - vue 285/484
-
-
-
- 2 82
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- entièrement recouverts de ces tapis, tous de coloration des plus vives et de dessins exclusivement orientaux. Nous n’en saurions vanter que l’extrême variété, car le seul tapis vraiment original que nous ayons remarqué était celui étalé sur la balustrade de la rampe gauche en haut de l’escalier, fond blanc agrémenté d’une multitude de petites rayures en long, de colorations très vives et qui, par la bonne entente des couleurs, produisait, par des effets de trames tissées en relief, une impression très agréable. La gaîté de sa coloration, la grâce de ses tout petits dessins originaux lui donnaient un aspect plein de charme. Une variété de tapis aux points noués de genre persan, de même que les coloris, complétaient l’ensemble de cette importante exposition à laquelle le Jury a attribué une médaille d’or.
- M. Rangheloff (Zachari), à Kopilovtsi (province de Kotel).
- Les différentes sortes de tapis aux points noués produits et exposés par M. Rangueloff se distinguent par l’emploi de matières supérieurement adaptées aux qualités de tapis auxquelles elles sont destinées. A côté de tapis à haut poil et de laine relativement ordinaire, certains autres, exécutés en velouté également, mais en réduction plus fine et en poil de hauteur infiniment moindre, nous ont paru d’un lainage beaucoup plus soyeux et d’un usage meilleur. La fabrication de ces tapis, tant ceux aux points noués que ceux tissés en genre gros Gobelins, est très soignée; mais ces dessins sont l’éternelle reproduction des formes et des colorations orientales, et ne paraissent pas dénoter le moindre souci du moderne, pas plus que la moindre recherche de nouveauté. Pour l’ensemble de son exposition, M. Rangheloff a obtenu du Jury la médaille d’or.
- MÉDAILLES D’ARGENT.
- M. Balaranoff ( Ch.-J.), à Kotel.
- Dans le même ordre d’idées que M. Rangheloff, cet exposant nous a présenté quelques tapis persans aux points noués et d’autres en trame laine en gros reps Gobelins, de fabrication indigène. De ces derniers nous ne pourrions que répéter ce que nous avons dit déjà des produits similaires fies exposants de cette nationalité. Parmi les Persans, notre attention a été attirée spécialement par le grand tapis velouté fabriqué pour le prince de Bulgarie et par un très joli spécimen de tapis en velouté bas, mais serré, dont le dessin très net et la fabrication parfaite, ainsi que le lainage soyeux, ont paru an Jury mériter comme récompense une médaille d’argent.
- M. Mintcho Popov, h Tchiparovtzi.
- Les deux tapis au point de reps Gobelins tramés en grosse laine, tapis ras genre Aubusson aux dessins orientaux de coloration chaude et d’une exécution soignée, ont valu à cet exposant une médaille d’argent.
- Société industrielle et commerciale par actions, à Kotel.
- De nombreux tapis aux points noués, d’autres en gros Gobelins, traités à l’orientale comme dessins et coloration, ont valu à cette Société une médaille d’argent.
- p.282 - vue 286/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- *283
- MÉDAILLES DE BRONZE.
- Mairie de la ville de Tzaribiiod; M. Klissouroff ( Gheorgi), à Sanumaka;
- Mlle Koleva {Maria), à Sofia; Mairie de la ville de Samokov.
- Ces exposants ont obtenu pour jeurs tapis, dont quelques-uns exécutés e.) poils de chèvre, une médaille de bronze.
- MENTIONS HONORABLES.
- M. Deyanoff {Dimitre-Gheorgieff), à Panagurichté;
- M. Topaloff (Panaiot), à Slivno.
- Ont obtenu une mention honorable : le premier, pour ses tapis en poils de chèvre; le second, pour ses lapis en laine d’angora.
- BELGIQUE.
- HORS CONCOURS.
- MM. Robert Ramlot et Gie, à Termonde.
- M. Ramlot faisait partie du Jury de la Classe 84, où il représentait le Siam; il était donc exclu par ce fait des conditions du concours (il nous en a informé par lettre le i3 juillet). Nous n’avons donc pu récompenser les quelques tapis exposés par M. Ramlot.
- MÉDAILLE D’OR.
- M. Guillon (J.), à Bruxelles.
- L’habile et si intelligent industriel qu’était M. J. Guillon, décédé au cours meme de cette Exposition, nous avait, aux expositions d’Anvers (1894), de Bruxelles (1897), présenté, en de vastes emplacements somptueusement décorés, la diversité des qualités de tapis qu’il excelle à fabriquer en des dessins admirablement compris pour leur exécution aux points noués. L’espace plus restreint qui lui a été accordé cette année dans la section belge, au rez-de-chaussée du palais des Invalides, n’a pas permis à M. Guillon une aussi grande démonstration. Si nous n’avons plus l’occasion d’admirer des pièces capitales comme celles, par exemple, qui figuraient à Bruxelles en 1897, tapis de 14 mètres sur 1 o mètres, destinés à l’église Sainte-Clotilde de Paris, il nous reste néanmoins à signaler quelques Irès intéressants tapis. En première ligne, voici, couvrant tout le fond de l’emplacement occupé par VI. Guillon, un superbe tapis commandé par Mme la comtesse de Mérode et olfert par elle à la basilique de Lourdes. Ce tapis, cintré pour suivre les contours du chœur de la basilique et tissé de manière à encastrer l’autel, est du à la composition de M. A. Guillon fils. Les motifs détachés dont le fond est parsemé sont composés d’églantines et de lys (fleurs symboliques qui figurent dans les armoiries de la famille de Mérode) et sont reliés ou plutôt enlacés par les lettres A. M. ( Ave Maria). La bordure qui suit toutes les sinuosités de ce tapis simule un courant d’églantines et de muguets reliés entre eux par un feuillage d’un vert tranquille et doux, et, dans son calme, est d’un effet charmant. Peut-être aurions-nous désiré un peu plus de vigueur dans la coloration des églantines, comme d’ailleurs dans
- p.283 - vue 287/484
-
-
-
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- l’ensemble des tapis qui nous ont été soumis. Mais, bref, cette composition et son exécution en points demi-fins et au prix de 2 5 francs le mètre carré nous ont paru des plus réussies. Quantité d’autres tapis de même fabrication, rappelant tantôt l’oriental, tantôt la Renaissance, nous ont, ainsi que des tapis de prières, été montrés à profusion et en toutes qualités. Cette maison, avec 75 métiers aux points noués, occupe i5o ouvrières formées par elle à la fabrication de ces tapis, dont deux tiers sont vendus en Belgique et un tiers à l’exportation. Une médaille d’or a été la récompense de l’intéressante exposition de M. Guillou.
- RUSSIE.
- M. le gouverneur Bogolubov, à Askhabad (Transcaspienne).
- Le choix si considérable de tapis de qualité supérieure que le gouverneur d’Askhabad avait réunis dans le grand hall du palais du Kremlin, au Trocadéro, a littéralement enthousiasmé les membres de notre Jury. La netteté des dessins qui, soit indiens, soit persans, étaient tous exécutés en laine d’une finesse merveilleuse et en coloration très vigoureuse, nous a vraiment charmés.
- H nous eût été agréable de récompenser dignement cette splendide exposition, mais, sur le dire de M. le Commissaire général de la section russe que ces tapis, exécutés par maints producteurs nomades, n’avaient été apportés par le gouverneur d’Askhabad que dans le but de montrer en France !a beauté des tapis exécutés dans les provinces dont il a l’administration, le Jury l’a chaudement remercié d’avoir, par son importante exposition, permis aux visiteurs d’en admirer les merveilles et lui a exprimé son regret de ne pouvoir proclamer hors concours M. le gouverneur Bogolubov.
- MEDAILLE D’OR.
- M'"c Tchokoloff (Simon), à Moscou et gouvernement de Voronège.
- Dans le vaste salon situé dans la section russe, au premier étage du palais des Invalides, se trouvaient exposés, étendus contre les murs du fond et de gauche, des tapis aux points noués, dont le contraste avec ceux exposés au Kremlin (Trocadéro) était réellement frappant. Dans l’exposition Tchokoloff, en elfet, tous les immenses tapis étalés aux yeux des visiteurs témoignent d’un abandon complet des traditions orientales, tant par la composition des dessins que par l’assemblage des couleurs. Tout ici dénote une aspiration à sortir des sentiers battus, une recherche d’ornementation qui puise à pleins bords dans les eaux des idées modernes. Cette tendance à s’assimiler l’esprit nouveau des artistes qui, malgré les critiques acerbes dont on les abreuve, se mettent vaillamment à la recherche du non-vu, méritait d’être signalée, car elle prouve l’initiative que ces producteurs n’ont pas hésité à prendre, contrairement à nombre de nos fabricants français.
- Ceci dit pour appeler une lois de plus l’attention des Français sur la volonté dont témoignent la plupart de leurs concurrents étrangers de s’émanciper de la tutelle sous laquelle nos arts décoratifs les ont si longtemps et si étroitement tenus, nous passons à l’examen des grands tapis de la maison Tchokoloff.
- Le tapis qui, étalé au-dessus de celui reproduisant les armes de Russie, paraissait lui servir de frise est, de tous ceux que nous avons examinés, celui qui, par sa composition et l’ensemble harmonieux de sa coloration, nous a le plus intéressés. Cette frise, sorte d’immense galerie dont la composition bien étudiée nous montre une suite de paons gigantesques, est coloriée de façon très savante.
- p.284 - vue 288/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- 285
- Elle était très habilement placée, et les visiteurs qui, du rez-de-chaussée, jetaient un regard vers l’étage où elle était exposée, la prenaient bien souvent pour une tapisserie décorative.
- Le tapis du fond, celui où, sur le fond vert grisâtre, se trouvait un paon dont les plumes étalées se confondaient avec des ornements modernes, nous a paru de fabrication très belle dans son haut poil de laine supérieure, mais la coloration d’ensemble en était défectueuse et manquait d’harmonie. In autre lapis, indéfinissable en tant que dessin, nous rappelait, en des tons ombrés et dégradés, les couleurs changeantes synthétisées par les procédés électriques auxquels la Loïc Fuller doit une grande part de ses succès.
- Si c’est une étude de coloris que l’exposant a voulu nous montrer, passons.
- En tapis ras au point de gros reps Gobelins, une carpette sur fond gris beige reproduisait un vase aux fleurs débordantes, dont la coloration manquait de vigueur, et l’ensemble d’harmonie.
- De combien lui était supérieur le tapis haut poil reproduisant sur fond bleu les armes de Russie. Si le fond bleu eut été plus intense, plus profond, il nous a semblé que le motif central se fût mieux enlevé. Bref, l’ensemble de l’exposition Tcholcoloff étant des plus intéressants et sa fabrication ayant été reconnue très soignée, le Jury a trouvé qu’une médaille d’or devait être attribuée à cette maison.
- MEDAILLES D’ARGENT.
- M. Iuraguimdjanow ; M. Kadjaef iia Kadja ; M. Bagration Moiakranska ;
- Mnt de Nariciikine (/L-/V.); Mme de Paltciiikoff (Marie-N.).
- Bien que notre catalogue n’en ait point fait mention, il se trouvait dans le palais du Kremlin, au Trocadéro, un certain nombre d’exposants dont les très intéressants tapis aux points noués ont attiré l'attention du Jury. Ne pouvant, sans crainte de redites fastidieuses pour le lecteur, donner de chacun de ces tapis une description détaillée, nous nous bornerons, en en mentionnant les provenances (Boukhara, Taschkent, Askhabad et Lebedian, dans le gouvernement de Tamboff), à reconnaître (pie, bien que produits par des artisans de gouvernements différents, les dessins dont ils se sont inspirés sont tous une réminiscence des tapis originaires de l’Afghanistan, du Turkestan, de la Perse ou des Indes. Mêmes formes de persans fleuris, de figures géométriques ou de palmes plus ou moins torturées. Même interprétation de couleurs, toutes d’une vigueur et d’une intensité profondes.
- Quant à l’exécution, faite de points très serrés pour la majeure partie des tapis que nous avons eu à examiner, elle dénote, de la part de ces tisserands, une grande habileté dans ce mode de tissage. Faits de laine soyeuse dont la provenance asiatique explique la similitude d’aspect que présentent ces tapis avec ceux de Kaboul ou d’Hérat, ils sont, comme ces derniers, d’une résistance et d’une durée extrêmes.
- A chacun des 5 producteurs de ces jolis tapis, notre Jury a attribué une médaille d'argent.
- MÉDAILLES DE BRONZE.
- M. Karieu Maoulian ; M. Issa Moukamedow; M. Kan Nasarow; M. Chardomassilow;
- Association des propriétaires géorgiens du Caucase; MM Balakine frères.
- Pour d’autres tapis du même genre de fabrication que ceux que nous venons d’énoncer, mais dont l’exécution nous a paru moins soignée, une médaille de bronze a été attribuée par le Jury aux exposants producteurs dont les noms précèdent.
- MM. Balakine frères avaient, en outre, une variété d’étoiles soieries sur chaînes imprimées dont nous parlerons plus loin.
- Gn. XII. — Cl. 70. 20
- IM IM
- ;i;fUE NATIONALE
- p.285 - vue 289/484
-
-
-
- 286
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- MENTIONS HONORABLES.
- M. Kagramanow ; M. Oganow; Gouvernement de Sam ara.
- Des lapis de qualité très inférieure à celle montrée par les exposants mentionnés précédemment ont obtenu du Jury la mention honorable.
- Les tapis qu’avait envoyés le Gouvernement de Samara avaient été soigneusement placés en run des placards d’un meuble du village russe au Trocadéro; un seul, tout petit, était resté étalé sur le parquet, et ce n’est pas sans peine que nous sommes parvenus à découvrir ces produits que nous avions à examiner.
- Ces six ou huit petits tapis, produits rustiques, sont tissés en gros reps Gobelins. Leurs dessins, fleurs naïvement exécutées sur des fonds sombres, sont l’œuvre de femmes de la campagne. L’une de ces tisserandes, Mmc Samarina, a obtenu du Jury une mention honorable, en qualité d’inspiratrice des modèles de ces tapis ras.
- RUSSIE (FINLANDE).
- MÉDAILLE D’OR
- Société finlandaise des Amis des arts manuels, à Helsingfors.
- Cette Société, dont nous avons mentionné déjà les tapisseries exposées par elle, avait, dans un salon spécial du pavillon finlandais, deux tapis de composition moderne des plus originales, dues toutes deux à l’artiste M. G alleu, qui exposait lui-même des tapis au Grand Palais; elles dénotent, de la part de cet artiste, une grande connaissance technique, car on les sent exécutées en vue du bon rendement du genre velouté spécial en lequel ces dessins devaient être tissés. Frappé de l’extrême souplesse de ces tapis, dont l’emploi se prête aussi bien à la tenture pour portières qu’à la garniture de sophas ou à la décoration d’appartements comme tapis de pied, nous en avons étudié le mode de fabrication, et voici en quelques lignes le résultat de notre examen. Contrairement aux producteurs qui, dans leur fabrication aux points noués, ne tissent entre chaque ligne des nœuds faits à la main que deux trames ou duites de toile destinées à maintenir en place les formes ou dessins du tapis, et à donner à ce dernier la consistance et la solidité nécessaires, les tisserands des tapis qui nous occupent emploient le mode de tissage suivant. Après avoir noué sur toute la largeur du tapis qu’ils veulent produire le nombre de points nécessaires à la formation du dessin (points dont ils tiennent très élevée la hauteur du poil), les tisserands de cette Société tissent en toile huit et parfois dix duites de trame laine, puis ils se reprennent à tisser en gros points noués une nouvelle rangée de nœuds au poil velouté très haut, recommencent à tisser en toile huit ou dix duites de trame laine, puis vient encore une nouvelle rangée de points noués, et ainsi de suite jusqu’à l’achèvement du tapis.
- Il est évident qu’un poil velouté très haut est nécessaire à la production des tapis ainsi fabriqués, car il s’agit de couvrir entièrement par le velouté l’espace occupé par les huit ou dix duites de trame tissées en toile, ce qui ne se pourrait si les rangées de nœuds ou points constituant le dessin étaient établies sur un velouté plus bas; dans ce cas, en effet, le velours ne couvrant plus la toile unie montrerait la ficelle, c’est le cas de le dire, et produirait un effet désastreux. Ce mode de tissage exige donc pour la production des tapis des compositions largement traitées et spécialement étudiées en vue de cette fabrication. A cet égard, nous rendons hommage à M. Galien, car les tapis dus à ses compositions répondaient en tous points aux besoins de la cause. Certes, ces tapis, en tant que valeur intrinsèque, ne peuvent être comparés aux solides tapis de Turquie, de la Perse ou des Indes, mais
- p.286 - vue 290/484
-
-
-
- 287
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- leur aspect décoratif est bon, leur main-d’œuvre insignifiante et leur prix des plus abordables. A notre époque, le goût du luxe s’est répandu partout; la Société finlandaise des amis des arts manuels, par ses tapis spéciaux et de prix modiques, peut le propager à bon marché. Souhaitons-lui toute la réussite due à son travail et à l'intelligence de sa direction. Pour l’ensemble de son exposition, une médaille d’or a été attribuée à cette très intéressante Société.
- MÉDAILLES D’ARGENT.
- Société impériale finlandaise d’économie domestique.
- Cette société avait, à côté des tapisseries déjà mentionnées, exposé un grand tapis aux points noués, dessin de genre Karamanie à losanges grenat, vert et crème. Ce tapis, exécuté en laine fine et douce en haut poil velouté, nous a paru un peu terne et manquer de fermeté.
- Ecole de tissage de Viborg.
- L’École de tissage de Viborg avait tenu à nous montrer également un spécimen de sa fabrication de tapis à points noués. Sur fond rouge avec, au centre, en guise de médaillon, un grand losange polychrome, aux lignes tourmentées, ce tapis, en réduction demi-fine, rappelait en gros points les formes et les colorations puissantes des pays d’Orient.
- Nous avons dit déjà que c’est pour l’ensemble de leurs expositions respectives que ces deux sociétés avaient obtenu du Jury la médaille d’argent.
- ROUMANIE.
- MÉDAILLE D’OR.
- Exposition collective des fabricants de tapis et d>étoffes nationales pour meubles,
- à Bucarest.
- Nous avons constaté les très sérieux progrès réalisés depuis l’Exposition de 1889 par la majeure partie des producteurs des tapis ras de cette nation.
- La remarque si judicieuse que, dans son rapport sur les produits exposés en 1889 par la Classe 21, M. Victor Legrand faisait, au sujet des dessins reproduits alors par les fabricants roumains, semble avoir été prise en très sérieuse considération. Il nous est très agréable de faire cette constatation, car elle prouve que la critique si bien fondée du rapporteur de 1889, M. V. Legrand (aujourd’hui président du Tribunal de commerce de la Seine), a été hautement appréciée par certains producteurs dont elle a sûrement servi les intérêts. M. Legrand disait à l’époque (Rapport général, p.348) : Les dispositions élémentaires dénotent une occupation domestique sans aucune recherche décorative. Ce reproche amical que, cette année encore, nous pourrions formuler à l’adresse de certains producteurs qui se cantonnent absolument dans les redites de leurs traditions nationales, n’a plus de raison d’être pour certains autres. Voici, par exemple, dans le salon du fond, au premier étage à gauche, sur un joli fond rouge, un tapis ras en gros reps Gobelins, dont la composition dénote de la part de l’artiste le complet abandon des dessins nationaux et une recherche de nouveauté. Les grosses roses dont ce tapis de 5 mètres sur 5 est parsemé sont bien exécutées. Leur coloration, très difficile à rendre sur
- ao.
- p.287 - vue 291/484
-
-
-
- 288
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- fond rouge, décèle une certaine habileté dans l’assemblage et l'harmonie des couleurs; bref, l’ensemble en est des plus satisfaisants. Cet autre, dans un salon voisin, nous montre sur un fond un peu sombre des fleurs sur tiges dont les semis détachés agrémentent l’uni du fond de couleurs chatoyantes d’un très curieux effet. En dehors de ces essais vers une fabrication de genre moderne, nous avons remarqué, dans tous les autres salons, de nombreux tapis de belle exécution dont les dessins et les coloris sont de cette note vive et claire qui forme la base de toutes les étoffes nationales de Roumanie.
- C’est pour l’ensemble des tapisseries et des tapis si nombreux exposés par cette collectivité (pie le Jury lui a, comme en 1889, attribué une médaille d’or.
- MÉDAILLES D’ARGENT.
- Administration des domaines de la Couronne et Société Furnica, à Bucarest.
- C’est pour les produits similaires à ceux que nous venons de mentionner que ces deux expositions ont obtenu du Jury la médaille d’argent. La Société Furnica exposait en plus, dans sa vitrine de la Classe 82, quelques tapis ras avec application d’un point de velours, plus quelques tapis aux points noués qui nous ont paru de qualité assez ordinaire.
- Les produits des exposants dont les noms suivent n’offrent rien de particulièrement intéressant à signaler.
- MÉDAILLES DE BRONZE.
- M"‘° Aslan ( G-Hélène), à Bucarest; Direction des prisons (pénitencier de Plalaresli ) ; M. Djabourov (B.), à Bucarest; M. Ionesco (Georges), à Dorclioï.
- MENTIONS HONORABLES.
- MM. Dumitresco Domnica, à Numaesti Muxel; MUe Gradisteanu ( C.-Hélène), à Bucarest.
- MAROC.
- GRAND PRIX.
- S. M. I. le Sultan du Maroc.
- Les tapis fabriqués au Maroc, soit à Fez, à Tétouan, à Al-Kasar ou à Tanger, ont tous entre eux une grande similitude d’aspect. Exécutés avec la laine du pays grossièrement filée, ces tapis offrent plus généralement à l’œil un aspect moins fin que‘celui des tapis d’Orient dont ils rappellent beaucoup la caractéristique des dessins, mais avec une intensité de couleurs encore beaucoup plus vive. Les rouges notamment ici sont presque vermillon: aussi, pour enlever sur un tel fond leurs dessins combinés tantôt de formes mauresques et tantôt tirés de l’art arabe, leurs tisserands sont-ils forcés, pour conserver une certaine harmonie dans les tons, d’employer une gamme de nuances dont la vigueur et la vivacité sont extrêmes. C’est cette coloration un peu brutale qui frappait le visiteur dès son arrivée dans le pavillon que le Maroc avait édifié non loin de la tour Eiffel; mais peu à peu, dans ce décor plein de chaleur et de couleur locale, l’œil s’habituait et finissait par 11e pas trouver dénués d’un certain charme ces tapis vus ainsi dans le cadre qui leur convient.
- p.288 - vue 292/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEURLEMENT.
- 289
- De tout temps les Marocains ont fabriqué ces sortes de tapis. Sous la tente, en gardant leurs troupeaux , il y a quarante ans, les tapis que nous voyions de cette provenance avaient, pour la majeure partie d’entre eux, été offerts en don par de riches éleveurs de moutons à ces intrépides acheteurs de laines, qui pour les acquérir à meilleur prix allaient trafiquer directement avec eux sous la tente. Aujourd’hui les Marocains ont développé la fabrication de ces tapis, dont l’Espagne consomme une certaine quantité. Ils fabriquent les tapis en qualités diverses et excellent, dans les tapis de prières, à adapter le caractère mauresque national. Il nous en a été montré en laine comme aussi en soie; ces derniers, fabriqués en soie de qualité inférieure, étaient du prix de hoo francs le tapis de 1 mètre sur 2.
- Pour l’ensemble des produits exposés, un grand prix a été attribué à S. M. I. lu Sultan du Maroc.
- JAPON.
- MED AILLE D’ARGENT.
- MM. Füjimoto et Cie, à Osaka.
- Dans la variété de carpettes à points noués exposées par ces intéressants producteurs, il en est qui sont fabriquées en laine, d’autres en bourre de soie et d’autres enfin en coton et chanvre.
- Celles qui nous ont le plus intéressé sont ces dernières dont le coloris et le dessin franchement japonais rappelaient ces faïences japonaises aux tons bleu et blanc exposées dans un salon voisin. Les autres ont, à notre avis, le tort d’imiter trop servilement les dessins d’Orient. Combien nous aimerions mieux voir ces excellents interprètes de tous styles que sont les Japonais s’en tenir, pour ces solides tapis dont ils font une fabrication si soignée, aux compositions si ravissantes de leurs inimitables artistes japonais. Leur originalité toujours renouvelée leur assurerait, croyons-nous, un bien vif succès. Le Jury a récompensé MM. Füjimoto et C!c d’une médaille d'argent.
- MENTIONS HONORABLES.
- MM. Mita ni Iwazo, a Osaka. Tapis et carpettes eu laine et coton.
- M. Okada Yohati, à Osaka. Tapis en soie de vers de châtaigniers.
- Association des fabricants de soie de Nisuijiu.
- Tapis de soie.
- Ces trois exposants dont les produits, moins nombreux que ceux exposés par M. Füjimoto, ont paru au Jury dénoter une fabrication soignée, ont obtenu une mention honorable.
- p.289 - vue 293/484
-
-
-
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- 290
- GRÈCE.
- MÉDAILLES D’ARGENT.
- Ouvboir des femmes pauvres d’Athènes et M. Dounia (Polyæène), à Athènes.
- Les produits exposés en tapis par ces deux sociétés se trouvaient tellement entremêlés qu’en l’absence de tout catalogue explicatif (catalogue qu’on nous avait promis pour tin octobre) nous sommes forcé d’en donner une simple énumération. En gros reps Gobelins, dans le petit salon de droite, se trouvait un tapis de pied sur fond bleu avec, comme médaillon central, un immense losangepolychrome.
- Dans les angles du pavillon de la Grèce, mais fixés si haut qu’on n’y pouvait atteindre, étaient pendus huit tapis aux poinls noués, sortes de tapis de prières dont les dimensions nous ont paru être de 1 mètre sur 2 et les dessins, de genre oriental, enlevés sur fond foncé.
- Le Jury a récompensé d’une médaille d’argent chacun de ces deux exposants.
- SUISSE.
- MENTIONS HONORABLES.
- M"e Burri (Bertha), à Zurich.
- Bien que, nous l’avons dit déjà, nous n’admettions pas que des sujets à personnages soient à rechercher pour l’emploi qu’on fait généralement d’un tapis de pied, nous ne pouvons passer sous silence le tapis aux points noués que, dans un angle de la salle d’entrée de la Section suisse de l’Esplanade des Invalides, avait exposé M1'0 Bertha Burry.
- Cette composition, dont l’exécution a nécessité à Müe Burry deux années de travail ininterrompu, représente, au centre du tapis, Guillaume Tell et son Jils. Ces personnages s’enlèvent en tons bois et havane sur un fond traité en grisaille et qui donne en perspective la vue du village de ce héros dont s’honore la Suisse; celle de sa maison, de la forteresse Zuring-Léri et du torrent (Schachen) qui en baigne les pieds. Tout autour de ce motif principal sont représentées sous forme d’écussons les armes de tous les cantons suisses ainsi que deux croix fédérales; à l’exception du motif central, tout le reste de la composition est enlevé sur un fond vert réséda clair d’un ton sobre et doux qui, par le fait même de sa douceur de coloration, fait paraître trop durs, trop heurtés les tons bois et havane du personnage principal. Ce tapis, qui mesure 3 m. 60 de hauteur sur 3 m. 60 de largeur, soit i3 m. carrés, est exécuté en points serrés et en un lainage très soyeux. Le Jury, tout en regrettant de ne pouvoir accorder qu’une mention honorable à ce travail si soigné, a tenu à prouver à Mlle Bertha Burry qu’il tenait compte des peines que, malgré ses occupations de maîtresse d’école d’ouvrages d’art faits à la main, elle s’était données pour produire ce tapis-panneau que l’Exposition nationale de Genève a déjà récompensé d’une médaille d’argent en 1899.
- Mlle Notdurft Meili (B.), à Zurich.
- Fixés à la cloison voisine de l’emplacement occupé par le tapis de Mlle Bertha Burry, deux tapis aux points noués à la main étaient présentés par Mlle Notdurft Meili. L’un sur fond rouge, l’autre
- p.290 - vue 294/484
-
-
-
- 291
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- de coloration polychrome, reproduisaient tous deux des dessins de formes orientales. Le point très gros donnait à l’ensemble de ces tapis un aspect rudimentaire que ne rachetait pas la grosse mèche de laine cardée qui en rendait le velouté bien ordinaire. En point plus fin et mis en cadre, formant tableau pendu à la cloison, une composition bizarre, incompréhensible, montrait un moine jouant du violon. Plus bas, un coussin au point fin et en soie sur fond rouge avec, au centre, un motif oriental. Tel était l’ensemble de cette exposition à laquelle, à titre d’encouragement, le Jury a attribué une mention honorable.
- CHINE.
- Des tapis aux points noués fabriqués en poils de chameau, en poils de chèvre et en soie, avaient été exposés par la Commission impériale de la Chine du Centre (Shangaï) et de celle du Nord (Tien-Tsin) dans les divers pavillons et magasins chinois au Troca-déro. Mais M. le Commissaire général de Chine ayant fait connaître à notre Jury le *?désir de ses nationaux de ne pas concourir, nous avons, par déférence pourM. le Commissaire général, fait droit à sa demande et n’avons, en conséquence, pas jugé les produits exposés par la Chine.
- ESPAGNE.
- Désirant expliquer la raison pour laquelle nous ne rendons pas compte de l’examen que nous avons fait des tapis exposés par ceux des producteurs espagnols dont les noms figurent à notre Catalogue officiel Classe 70, nous reproduisons ci-dessous la lettre que le président de notre Jury a reçue de M. le Délégué général d’Espagne, en date du 1 k juin î qoo :
- Monsieur ,
- J’ai l’honneur de porter à votre connaissance que les exposants espagnols : MM. Adahal de Suivent (Lerida), Mora Vargas (Paris), Saenz de Tejada (Badajoz), Stuyck Gabino (Madrid), qui sont à la Classe 70 du Catalogue officiel, doivent être rapportés à la Classe 71 en vue des objets qu’ils exposent.
- Je vous prie donc, Monsieur le Président, de vouloir excepter de l’examen de votre honorable Jury de la Classe 70 les produits des exposants indiqués.
- Veuillez agréer, Monsieur le Président, le témoignage de ma parfaite considération.
- Le Délégué royal d’Espagne,
- Mi8 DE Y1LLALOBAR.
- A Monsieur le Président du Jury de la Classe 70.
- CUBA.
- Gonzâlo de Quesada (Havane).
- Notre Jury, s’étant transporté à l’emplacement occupé par cette nation dans l’aile gauche du palais du Trocadéro, n’a pu apprécier les produits de M. Gonzalo de Quesada, car les caisses qui devaient les renfermer ne sont pas arrivées, nous a-t-il été dit.
- p.291 - vue 295/484
-
-
-
- 292
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- II
- TAPIS MOQUETTE LAINE FABRIQUÉS À LA JACQUARD
- EN VELOUTÉ OU EN BOUCLÉ.
- TAPIS À CHAÎNE IMPRIMÉE.
- Nous avons eu l’occasion déjà, en mentionnant l’application des moteurs mécaniques aux métiers produisant le tapis, de signaler l’apparition de la moquette laine comme un des éléments ayant le plus aidé à propager dans toutes les classes de la société les idées de confort et de goût. Déjà, en 1889, M. Victor Legrand, rapporteur de la Classe 21 à l’Exposition de Paris, constatait que, grâce à la fabrication mécanique de la moquette (progrès réalisé depuis 1878), le prix en était devenu abordable à tous et constituait, par ce fait, un article de grande consommation. « L’installaiian de la fabrication mécanique du tapis en France a permis, disait M. Victor Legrand, d’opposer une digue au torrent de produits bon marché à chaîne imprimée dont les Anglais inondaient notre pays.» A l’époque, M. Legrand constatait avec regret que, bien qu’ayant franchi de nombreuses étapes dans la voie du progrès, la France restait encore tributaire de l’Angleterre pour les tapis moquette à chaîne imprimée, et de la Turquie pour les tapis à points noués.
- Ce n’a pas été l’une de nos moindres satisfactions que d’avoir pu, au cours de l’Exposition qui vient de se clôturer, constater que ces lacunes dans notre fabrication nationale des tapis sont aujourd’hui heureusement comblées et que ces deux nouvelles branches d’industrie tiennent actuellement un rang des plus honorables en France et répandent également leurs produits à l’étranger.
- La transformation mécanique de l’outillage a accompli dans la fabrication du tapis une véritable révolution. La production rapide du tapis permet aux fabricants d’exécuter promptement et avec un nombre plus restreint de cartons les ordres qui leur sont confiés. L’emploi généralisé en France, pour les métiers mécaniques du moins, de la jacquard perfectionnée en fer du système Vincenzi, permet en outre à nos producteurs une économie sensible sur les cartons de l’ancien système encore employé par nombre de leurs concurrents anglais.
- La machine Jacquard elle-même, très réduite en son modèle, permet aujourd’hui l’adaptation aisée de trois, quatre et même cinq mécaniques sur un seul métier. L’on peut, par cela même, se rendre compte de la facilité avec laquelle les fabricants arrivent à produire, en les largeurs de 3 et h mètres, des carpettes dont les dessins, sans répétition aucune d’une lisière à l’autre, permettent aux artistes dessinateurs industriels de se livrer à des compositions de la plus grande allure.
- Nous sommes loin de l’antique métier à la tire dont le fonctionnement nécessitait à l’ouvrier tisserand le concours de plusieurs aides. Ce métier a pourtant rendu de réels
- p.292 - vue 296/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- 293
- services : nous nous gardons bien de les méconnaître. Par ordonnance du roi Louis XIV, nous dit le dictionnaire de Pauchet, la première fabrication de tapis exécutés à l’aide de ces procédés fut installée à Abbeville (Somme), en 1667. Dans les Flandres, Tournai, vers la fin du xvn° siècle, excellait déjà en ce genre de production et lorsque, au commencement du xixe siècle, elle y adapta la jacquard , la réputation de ses superbes moquettes fut universellement répandue.
- Nous avons expliqué d’autre part comment, après avoir dès i834 appliqué la jacquard à la fabrication des tapis moquette, nos fabricants français (de Nîmes, d’Abbeville, d’Amiens et d'Àubusson, comme un peu plus tard ceux de Beauvais, de Tourcoing et de Lannoy) furent amenés, en 1878, à trouver dans les productions anglaises une concurrence telle que peu à peu la lutte devenant insoutenable, nombre d’entre eux prirent la résolution de s’outiller, comme les Anglais avaient été les premiers à le faire, de métiers mécaniques propres à la fabrication des moquettes à la jacquard.
- Depuis lors, nos fabricants français luttent avec succès contre leurs concurrents étrangers. Malheureusement le grand débouché qu’était pour leurs produits le vaste marché des Etats-Unis leur est aujourd’hui fermé, car les droits de douane de Ao p. 0/0 ad valorem et de 60 cents (3 fr.) par yard carré dont le bill MacKinley a imposé ces tapis forment une barrière infranchissable sous la protection de laquelle leurs concurrents américains, après s’ètre outillés largement, produisent maintenant chez eux, en de colossales usines, les moquettes dont jadis ils remettaient des ordres en Angleterre, en France et en Allemagne.
- Néanmoins les outillages français sont incessamment perfectionnés dans des ateliers de construction que nombre de fabricants ont installés dans leurs usines. Ces constantes améliorations leur permettent d’établir en toutes qualités et en toutes largeurs des tapis et des carpettes à des prix extraordinairement bas, qui en vulgarisent l’emploi en les rendant accessibles à tous. Afin de pénétrer certains centres d’exportation dont les droits de douane sont presque prohibitifs pour les moquettes laine, certains producteurs fabriquent même en coton et en jute des moquettes dont l’extrême bas prix provoque la remise d’ordres considérables en ces pays lointains où l’aspect chatoyant du tapis suffit et tient lieu de la qualité.
- Depuis 1889, le nombre des métiers mécaniques propres à la fabrication du lapis s’est considérablement augmenté en France. Le tableau ci-dessous montrera la proportion des importations comparée à celle de nos exportations de ces diverses moquettes laine jacquard , tapis chenille, ou veloutés et bouclés à dessins imprimés sur chaîne.
- TAPIS DE LAINE.
- IMPORTATIONS. francs. EXPORTATIONS. francs. IMPORTATIONS. francs. EXPORTATIONS. francs.
- 1889 2 444,586 3,46 a ,612 3,704,4/19 1895.... . . 1,514,773 2,260,875 2,502,300
- 1890.. . . 2,237,122 1896.. . . 1,691,775
- 1891.. . . 2,131,002 3,196,827 1897.... . . i,s39,i85 2,488,o84
- 1892.. . . 1,637,025 2,548,825 1898.... i,2.5o,85o 3,i 49,800
- 1893.. . . 189/1.. . . 1,14 6,7 51 1,292,233 2,34o,354 1,904,56 3 1899.. . . 9i8,85o 3,i 57,860
- p.293 - vue 297/484
-
-
-
- 294
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- Les pays d’exportation sont les suivants et pour les proportions ci-après :
- Belgique............................ 45
- Angleterre.......................... 20
- Suisse............................... 9
- Allemagne............................ 6
- Algérie.............................. 3
- p. 100.
- Italie................................. 2
- République Argentine................... 2
- Pays-Bas........................... i.5
- Brésil............................. 1.5
- Autres pays........................... 10
- Ainsi que nous l’avons dit précédemment, les métiers employés en France pour la fabrication des tapis sont généralement mus à la vapeur. Toutefois, pour certains produits difficilement exécutables à la mécanique, nombre d’industriels alimentent encore une certaine quantité de métiers à bras.
- La production annuelle d’un métier de moquette laine est d’environ i5,ooo francs. On évalue à 1,600 le nombre de métiers battant en France, soit à 2/1 millions de francs l’importance de notre production nationale en ces genres de tapis.
- Au moment de rendre compte de l’examen que notre Jury a fait des produits exposés en moquette par les industriels de toutes nations qui ont répondu à l’appel de la France, qu’il nous soit permis d’exprimer le regret que nous avons éprouvé de l’absence, non seulement de certains de nos collègues français, tels que MM. Sallandrouze frères, d’Au-busson, grand prix de 1889 » MVL J. Flipo, Ch. Herbaux, Raymond Parmentier, de Tourcoing; de MM. Parent et Bourguet, de Lannoy, dont les expositions auraient été des plus intéressantes; mais encore de l’abstention de certains fabricants étrangers dont l’importance est notoire et dont nous eussions si volontiers examiné et comparé les produits. De Grande-Bretagne, par exemple, pourquoi n’avons-nous pas revu la colossale maison John Crossley, d’Halifax, récompensée d’un grand prix en 1889? Pourquoi MM. James Templeton, de Glasgow, Hamphreys and sons, Smith and sons, Brinton, de Kidderminster, et Anderson and G0, de Durham, ne nous ont-ils pas montré leurs produits?
- Des Etats-Unis nous aurions aimé aussi une démonstration plus importante que celle qu’ont faite les trois exposants de tapis que nous avons visités en la Section américaine.
- Pourquoi MM. James et John Dobson, de Philadelphie; Bigelow Cy, à Lowel (Mass); la très importante maison Lowel Cy, à Lowel, et surtout M. Smith, de Yonkers, près de New-York, dont la colossale production est entièrement absorbée par la maison W. et J. Sloane, ne se sont-ils pas décidés à concourir? La présence de tant d’industriels qui font autorité dans la fabrication du tapis aurait été bien accueillie de tous; elle nous eût, en outre, permis d’établir d’intéressantes comparaisons entre les moquettes de ces différents producteurs dont la participation aurait rehaussé encore l’éclat de notre Classe 70.
- Nous leur envoyons à distance la sincère expression des regrets que leur absence nous a fait éprouver.
- p.294 - vue 298/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- 295
- FRANGE.
- HORS CONCOURS.
- M. Leborgne (Ferdinand}, à Lannoy (Nord).
- En raison de la situation délicate dans laquelle se trouvait le rapporteur pour mentionner les diverses productions de la maison Ferdinand Leborgne (car rien n’est plus embarrassant que de parler de soi-même), le président de notre Jury, M. Charles Legrand, a bien voulu se charger de ce soin. En lui cédant la plume, nous remercions chaudement notre président de sa délicatesse et de sa courtoisie.
- Craignant que M. Ferdinand Leborgne, obéissant à un très honorable scrupule, ne mentionne pas comme il convient et le mérite de ses efforts industriels et l’importance de sa production, le président du Jury international de la Classe 70 prend la plume en son lieu et place.
- Pour faire apprécier la place prise par notre rapporteur dans l’industrie du tapis et de l’ameublement , il nous suffit d’énumérer les produits exposés et les progrès réalisés par la maison fondée en 1845 par M. Ferdinand Leborgne père.
- Frappé des avantages que permettait l’application de la mécanique Jacquard à la fabrication de la moquette pour le tapis, M. Leborgne père voyait Tourcoing se livrer avec succès à ce genre de production dont Tournai avait, à l’époque, la réputation de posséder les meilleurs tisserands. Il se décida bientôt à faire venir de Tournai quelques ouvriers habiles à tisser les tapis à l’aide delà Jacquard, et ceux-ci, avec les apprentis dont ils firent l’instruction, formèrent à Lannoy un atelier d’où sortirent des tapis moquette laine qui furent promptement en mesure de rivaliser avec ceux de Tourcoing. Joignant h une grande habileté professionnelle un sens très pratique du négoce, M. Leborgne n’hésita pas à orienter sa fabrication vers les articles qui, s’adressant aux masses, devaient lui permettre d’augmenter incessamment sa production. Aussi ses diverses moquettes, établies aux prix les plus abordables, jouirent-elles promptement d’une réputation bien méritée.
- Encouragé par le succès, M. Leborgne père n’hésita pas à adjoindre à sa fabrication de tapis celle des étoffes pour ameublement (fabrication dont nous mentionnerons les produits au chapitre suivant), et, lorsque subitement la mort vint le surprendre en 1880, il laissa ses trois fils à la tête de deux établissements industriels importants, dont l’un (celui des étoffes d’ameublement) était outillé déjà de métiers mus à la vapeur. A cette époque, l’importation en France des moquettes de fabrication anglaise se faisait sur la plus large échelle. Désireux d’enrayer ce mouvement dangereux pour leur industrie du tapis, MM. Leborgne fils (Ferdinand, Victor et Charles),qui, en l’honneur de la mémoire de leur père, avaient formé entre eux une association sous l’ancienne firme Ferdinand Leborgne, décidèrent bientôt de s’outiller, pour la fabrication des moquettes, de métiers mécaniques construits en Angleterre et semblables en tous points à ceux dont se servaient leurs concurrents anglais. La lutte devenant ainsi plus égale, la fabrication prit, au détriment des produits similaires anglais, un tel essor, que chaque année les établissements Leborgne durent s’accroître d’un nombre important de métiers mécaniques dont la production est triple de celle des métiers à la main.
- Grâce aux 200 métiers de toutes largeurs, fabriquant mécaniquement des tapis et des carpettes jusqu’à 3 mètres de largeur sans coutures, la maison Ferdinand Leborgne, qui ne travaille que sur ordres fermes, tient dans l’industrie du tapis en France un rang des plus honorables. Grand prix de l’Exposition de Paris en 1889, chaque exposition, depuis lors, a été pour la maison Leborgne l’oc-
- p.295 - vue 299/484
-
-
-
- 296
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- casion d’un nouveau succès. Si nous passons en revue les moquettes exposées par MM. Leborgne dans le vaste emplacement occupé par eux dans la Classe 70, nous remarquons que, fidèles à ses traditions, cette maison fabrique surtout des tapis de vente courante : produits qui, s’adressant aux grandes maisons de nouveautés, forment la base de Talimentalion de ses nombreux métiers mécaniques.
- Montés sur fûts (rouleaux en bailleur simulant des pièces de moquette), se trouvent à gauche, en grande variété, des tapis au mètre en 70 centimètres de largeur, dessins de nos styles français aux colorations harmonieuses et douces. Des carpettes enroulées de meme façon nous montrent, les unes, des reproductions de dessins d’Orient, les autres, des verdures aux tons rompus ; puis ce sont, exécutés en 90 centimètres de largeur, des tapis de qualité supérieure, en genre Smyrne, aux colorations vigoureuses; sur d’autres fûts, enfin, une collçplion complète de tapis de 0 m. 90 sur 1 m. 60, désignés canapés ou dagheslans, nous montre une grande variété de dessins, dont l’allure et la coloration bien modernes sollicitent et retiennent par leur nouveauté l’attention des visiteurs. (Une partie de ces compositions est due à MM. Stiers et Dupont.)
- De chaque coté de la vitrine qui renferme les soieries pour ameublement, et qui occupe le centre de cet emplacement de *io mètres de façade, se trouvent deux carpettes de 3 mètres sur h , compositions d’art moderne qui ont été très remarquées.
- Celle de droite, composition due à M. G. Besson, montre l’heureux parti que cet artiste dessinateur a su tirer des cinq couleurs de chaîne dont il disposait pour établir ce dessin.
- Bien que ce dessin soit à retour, le savant emmêlement des feuillages et des Heurs stylisées dont il est formé ne donne pas à l’œil cette impression fâcheuse que produit généralement la vue de dessins ainsi établis; le dessin parait plus grand qu’il ne l’est réellement; la gradation des tons de verts différents s’alliant au crème et aux diverses autres nuances lattées est d’un heureux effet que complète la bordure irrégulière dont le ton ivoire forme une charmante opposition avec le vert Nil du fond de cette carpette.
- Quant à l’autre carpette de 3 mètres sur h, à 5 grils sur fond crème (celle pendue à la cloison de gauche), elle est due à la composition de M. Libert. Nous aurions désiré que cet artiste, collaborateur si autorisé delà Manufacture des Gobelius, qui exposait deux magnifiques tapis de la Savonnerie dus à sa composition, nous aurions désiré, dis-je, que M. Libert eût mieux mis en valeur dans le jeté de son dessin les ressources dont il disposait. Etant donnée la latitude qui lui était laissée de faire sa composition sur 3 mètres de largeur et h mètres de hauteur, sans aucune répétition, l’on eût pu espérer de cet artiste dessinateur plus de crânerie dans cette composition, une inspiration plus heureuse dans sa coloration, plus d’allure et de hardiesse dans la conception de ce dessin moderne qui, établi en de telles dimensions (12 mètres carrés), permettait tant d’audaces et livrait un champ si vaste aux caprices de la fantaisie.
- Il nous reste à mentionner les petites carpettes étalées sur le tapis de pied, genre Directoire en camaïeu de rouges, qui recouvrait le parquet de cet emplacement. Toutes de genre moderne, aux tons à plat relevés d’un contour qui donnait le relief aux dessins, ils étaient de coloration originale et plaisante.
- Nous 11e pouvons passer sous silence cette série de dessins de moquette fine qui, se déroulant de la cimaise au parquet, formaient une gamme de coloris harmonieusement disposés dont l’effet était des plus heureux. Cette moquette, dont la maison Leborgne s’est, de longue date, fait une véritable spécialité, se fabrique mécaniquement en 0 m. 70 et en 1 m. 3o de largeur et s’emploie largement pour la garniture de sièges aux bois non apparents. Cette très solide étoffe, qui se tisse aussi en velours combiné de bouclé, comme en imitation de Savonnerie fine, permet par sa finesse son adaptation à tous les styles. C’est ce qui explique la grande variété de dessins d’aspect si différent dont cette série montrait l’intéressante production. Nous ne croyons pouvoir mieux terminer cette nomenclature qu’en rappelant les termes dans lesquels M. V. Legrand, rapporteur de la Classe 21, en 1889, mentionnait à l’époque ces produits de moquelte fine à la Jacquard. Il disait : * Depuis fort longtemps les petits lapis d’Orient étaient très recherchés pour leur emploi comme couverture de meubles en bois non ap-
- p.296 - vue 300/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- 297
- parent : plusieurs fabricants et, en première ligne, M. F. Leborgne, se sont ingéniés à en reproduire les dessins sur une moquette de fabrication française; ils y ont réussi et ont parfaitement supplanté l'article oriental.
- rrCes articles jouissent d’un grand succès en France, en Angleterre et même en Amérique; ils ont surtout donné naissance à une foule d’autres produits de fantaisie, et font revivre sous des aspects bien différents un article éminemment français, la moquette fine de Nîmes, depuis longtemps délaissée en raison de son prix élevé. »
- La maison F. Leborgne occupe dans ses divers établissements (ameublement et tapis) un personnel de 800 ouvriers.
- En résumé, la fabrication des moquettes produites par la maison F. Leborgne comprend les articles suivants (sauf la moquette unie et de nuances inaltérables, qui s’adresse à la carrosserie et dont la fabrication des plus délicates exige encore le tissage à la main, tous les autres produits sont fabriqués à l’aide de métiers mécaniques) :
- Moquette unie, de toutes qualités et de toutes nuances pour tapis d’appartement;
- Moquette Jacquard, à 3, 4, 5 et 6 corps, pour appartements, passages, escaliers, descentes délit de toutes qualités;
- Moquette Jacquard ,3,4,5 corps ou grils pour carpettes de toutes qualités et de toutes dimensions, j usqu’à 3 mètres sur 4 ;
- Moquette Jacquard, en 90 centimètres et 1 mètre de largeur, pour appartements ou pour sophas eL canapés ;
- Moquette Jacquard, en 70 centimètres et sur 1 m. 3o, en 4, 5 et 6 grils, dite moquette fine pour ameublement, en toutes combinaisons de genres, de qualités et de matières, soie, laine, coton mercerisé, etc.
- Nous parlerons plus loin des tissus mélangés pour ameublement fabriqués par la maison Ferdinand Leborgne.
- Le Président du Jury de la Classe 10,
- Ch. LEGRAND.
- GRANDS PRIX.
- MM. Croc père, jils et Jorrand ( A.), à Aubusson.
- Indépendamment de la fabrication artistique de tapisseries et de celle des tapis aux points noués, dont nous avons eu l’occasion de nous entretenir dans les chapitres précédents, cette maison possède à Aubusson un établissement spécialement organisé pour la production, à l’aide de métiers mécaniques mus à la vapeur, de tapis moquette à la Jacquard de toutes largeurs, ainsi que de carpettes de toutes dimensions. Ces produits ont fait l’objet d’un très minutieux examen, et le Jury a bien volontiers reconnu que les soins apportés à la perfection de la fabrication, le choix heureux des dessins, le goût qui préside à la coloration, justifiaient pleinement le grand prix attribué à cette ancienne et excellente maison, pour l’ensemble si intéressant des produits par elle exposés en la Classe 70.
- C’est surtout pour la clientèle qui recherche les qualités supérieures que MM. Croc père, fils et Jorrand fabriquent les délicieuses moquettes dont leur exposition nous a donné la vue. Ces messieurs ont, jusqu’ici, refusé toujours de s’adonner aux qualités par trop classiques. Aussi les spécimens qu'ils nous ont montrés justifient-ils pleinement l’excellente réputation dont, avec juste raison, jouissent les produits sortant de leurs manufactures.
- Nous avons dit déjà que cette maison fut la première qui, dans la fabrication du tapis, se livra aux compositions modernes. Sous l’habile inspiration de M. A. Jorrand fils (dont nous avons énuméré les titres et les mérites en signalant, au chapitre des tapisseries, la si intéressante composition moderne
- p.297 - vue 301/484
-
-
-
- 298
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- exécutée d’après sa peinture), la production des carpettes à la Jacquard ne pouvait manquer d’affecter une allure d’ensemble bien differente de celle de la majeure partie des autres maisons. Aussi avons-nous remarqué avec un vif intérêt la superbe carpette Jacquard de 4 mètres sur 5, qui occupait le centre de l’emplacement de la maison Croc père, fds et Jorrand. Celte admirable composition moderne sur fond bleu, tissée mécaniquement sur un métier construit dans l’usine de ces messieurs, et breveté par eux, était traitée avec un sentiment de coloration tout à fait en rapport avec le genre du dessin, et l’acquisition qu’en a faite le Musée de l’Union centrale des Arts décoratifs nous prouve que notre Jury n’a pas été seul à louer la belle ordonnance du dessin non plus que sa coloration chaude et soutenue. Cette composition due à M. A. Jorrand fils avait d’ailleurs été récompensée d’une première prime au concours de l’Union centrale des Arts décoratifs.
- Etendus sur la cloison, près du panneau en tapisserie, deux lés d’une très jolie moquette nous montraient, sur un fond rouge, un charmant enlacement de feuillages traités en tons de verdure liés harmonieux. Une galerie fond crème avait comme motifs des feuilles de marronnier très bien enlevées en vert; la bordure fond vieux rouge en était ravissante. D’autres carpettes de composition moderne nous montraient l’une, sur fond crème, des palmes avec, comme motif central, une couronne s’enlevant en tons bleus. L’autre, de dimensions de 3 mètres sur 4, était une sorte de reproduction de prairie émaillée de fleurs dont l’ensemble nous a moins charmés.
- Sur le sol, quantité d’autres produits que le manque d’espace avait empêché MM. Croc père, fils et Jorrand de nous montrer étalés attiraient l’attention des visiteurs, car bien que présentés enroulés sur fûts ces tapis se signalaient par leurs compositions hardies autant que parleurs colorations originales. Mélangés à des moquettes Jacquard, de très jolis tapis veloutés à dessins libres, dits chenille haute laine, dont cette maison fait une production considérable, voisinaient agréablement; et des uns comme des autres nous pouvons dire que l’impression qui se dégageait de la vue de ces tapis était des plus agréables.
- Disons en terminant que les usines de MM. Croc père, fils et Jorrand sont actionnées pour leur filature de laine cardée par deux moteurs hydrauliques et par deux autres moteurs à vapeur pour leurs usines de tissage mécanique. Ils occupent un personnel ouvrier s’élevant à 5oo personnes, dont une vingtaine ont obtenu du Gouvernement une médaille d’honneur pour trente ans de services rendus à la maison.
- Quant à leur production, elle s’élève au chiffre de 1,600,000 francs.
- Pour les progrès réalisés dans leur industrie depuis 1889, MM. Croc père, fils et Jorrand ont reçu du Jury, en plus du grand prix, pour l’ensemble des produits par eux exposés, des félicitations qui, s’adressant autant à la maison même qu’à M. A. Jorrand fils, leur sont fidèlement et avec le plus grand plaisir rappelées ici par le rapporteur.
- MM. Lainé (Ed.) et C,e, à Beauvais (Oise).
- Fondée comme entreprise privée en 1839, cette manufacture, longtemps connue sous la firme Têtard, Lainé et Rupp, devint en 18701a société que, sous la raison sociale E. Lainé et Cîl!, M. Édouard Lainé administre et dirige depuis lors avec autant de talent que de savoir. Sous son habile direction, la plus grande impulsion a été donnée à chacune des diverses branches de l’industrie si complexe des tapis de tous genres produits par cette importante maison. Aussi n’est-il pas sans intérêt de rappeler succinctement la variété de ses productions.
- MM. E. Lainé et Cio fabriquent mécaniquement la majeure partie de leurs produits à l’aide de machines à vapeur, développant 900 chevaux et alimentant 45 assortiments, i5,ooo broches de filature, les machines pour apprêts de tapis, 4o tambours pour l’impression des fils de chaînes et un nombre considérable de métiers à tisser. Cette maison, qui occupe dans l’intérieur de ses établissements un
- p.298 - vue 302/484
-
-
-
- 299
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- personnel de i,4oo ouvriers, ouvrières ou enfants, et, au dehors, i5o ouvriers et 45o ouvrières, accuse un nombre de 800 métiers à tisser et une production moyenne annuelle de 7 millions, dont
- 2 millions vont à l’exportation.
- La fabrication des couvertures de laine, dont MM. Laine et G10 ont une production considérable, n’est mentionnée ici que pour mémoire, cet article n’étant pas de notre ressort et n’ayant pas été livré à l'examen de notre Jury.
- Les autres produits fabriqués par cette maison peuvent se classer comme suit :
- Tapis haute laine chenille, genre Savonnerie. Ces tapis se fabriquent, tant en dessins courants qu'en descentes de lit et carpettes de toutes dimensions, jusqu’à h mètres de largeur ;
- Tapis moquette Jacquard, en 3, 4, 5 grils (couleurs de chaîne), de toutes dimensions jusqu’à
- 3 mètres de largeur ;
- Tapis moquette Jacquard, de toutes qualités, en largeurs 0 m. 70 et 0 m. 90, pour appartements, passages, escaliers et descentes de lit de toutes sortes ;
- Moquettes unies, connues dans la consommation sous la dénomination de bistres unis;
- Tapis moquette Jacquard, Brussels, tapis en velours bouclé, spéciaux à l’exportation;
- Tapis veloutés à palette libre, impression sur chaîne. Spécialité de la maison E. Lainé et Cic, qui seule fabrique cet article en France.
- Cette maison nous a présenté dans son exposition toute cette variété de produits, mais nous avons remarqué que les compositions modernes faisaient presque complètement défaut dans l’ensemble des tapis exposés. A droite et à gauche de l’emplacement occupé par MM. Lainé et Cio, une quantité de dessins moquette Jacquard, veloutés ou Brussels, se trouvaient enroulés sur fûts formant colonnes, montrant une variété fort intéressante de dessins en d’harmonieux coloris. Dans cette démonstration, se trouvaient mélangés aux moquettes Jacquard des dessins de moquette impression sur chaîne, article que MM. Lainé et C!e sont seuls à fabriquer en France, et qu’ils poussent avec la plus grande énergie dans le but de concurrencer les articles similaires produits de longue date en Angleterre. Il y avait entre autres dessins un certain n° 673 qui a beaucoup attiré l’attention du Jury. En moquette Jacquard 5 grils, quelques très heureux dessins, composés d’immenses rinceaux enlevés en tons verts sur fond crème ivoire et produits sur deux lés avec bordure de om. 5o, ont été très appréciés du Jury.
- Le centre de ce salon était occupé par une superbe carpette désignée Savonnerie. Cette carpette en haute laine chenille de très belle qualité était d’une seule pièce et tissée dans les dimensions de h mètres sur 5. Le dessin, fleurs de fantaisie sur fond bleu, était d’une allure et d’une coloration très plaisantes. Sa parfaite exécution fait honneur à MM. E. Lainé et Cie. De chaque côté de cet immense tapis central, nous avons examiné avec intérêt la fabrication à la Jacquard de carpettes de 2 m. 80 sur h mètres qui attiraient notre attention. Ces carpettes en 5 grils étaient d’heureuses compositions de styles et de coloris français. De superbes galeries en moquette au point fin et de qualité supérieure sollicitaient particulièrement les regards. La netteté de leurs dessins orientaux, la pureté des fonds unis sur lesquels s’enlevaient les dessins méritaient leur attentif examen ainsi que les félicitations du Jury à leur producteur, car leur exécution était parfaite à tous égards.
- Des modèles variés de tapis d’escaliers étaient heureusement présentés sur quelques marches simulant un escalier garni de tapis, de dessins et de coloris harmonieusement disposés. Les moquettes unies (bistre pour appartement) étaient également représentées par une série d’échantillons dont les coloris doux et fort, heureusement choisis, donnaient une excellente idée de la façon supérieure dont cet article est fabriqué par MM. E. Lainé et Cio, qui avaient signalé comme suit les faits particuliers sur lesquels ils désiraient attirer l’attention du Jury :
- Productions de toutes pièces de la marchandise, c’est-à-dire que la laine entre en toisons, est lavée, filée, teinte et transformée en tapis.
- La maison est la seule en France qui reçoive la matière brute pour la rendre en tapis. (MM. Lor-thiois-Leurent et fils, de Tourcoing, nous ont cependant fait la même déclaration. ) Elle est la seule qui réunisse toutes les fabrications de tapis qui sont employés.
- p.299 - vue 303/484
-
-
-
- 300 EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- Une exception, toutefois, doit êlre faite, la maison Lainé ne produisant pas les tapis aux points noues.
- Elle est la seule qui fabrique en France des tapis impression sur chaîne.
- Nous terminerons en mentionnant, parmi les améliorations apportées aux machines et à l’organisation du travail, ainsi qu'au bien-être matériel de l’ouvrier :
- L’application de systèmes automatiques à toutes les machines de l’impression sur chaîne.
- Tissage et pose mécanique de la chenille.
- Le travail disposé de façon telle que l’ouvrier n’éprouve jamais de chômage; son travail moyen est de dix heures par jour, il a une heure et demie pour les repas. Un réfectoire est à la disposition des ouvriers qui habitent au loin.
- Assurance gratuite de tout le personnel contre les accidents. Société libre de secours mutuels, subventionnée par les actionnaires.
- Société coopérative de consommation.
- Section de sapeurs-pompiers.
- Pharmacies installées dans les usines.
- Un immense tableau placé au centre de l’exposition de la maison E. Lainé et Cic portait, outre les noms de ceux qui les avaient obtenues, 58 médailles d’honneur qui ont été décernées par le Gouvernement aux ouvriers comptant plus de trente années de services dans la maison E. Lainé et Cic. Ce tableau qui attirait tous les regards fait suffisamment par lui-même l’éloge delà maison Lainé pour (jue nous n’insistions pas davantage. M. Ed. Lainé qui, avant 189/1, n’avait pris part à aucune exposition, a été hors concours en qualité de membre du Jury à l’exposition d’Anvers en 189/1.
- Il a été, en 1897, nommé chevalier de la Légion d’honneur, avant l’Exposition de Bruxelles.
- Le Jury de la Classe 70 a, pour l’ensemble de leur intéressante exposition, accordé un grand prix à MM. E. Lainé et Cie.
- MEDAILLES D’OR.
- MM. Duquesne et 0e, à Paris et à Sedan.
- M. Duquesne est un très habile fabricant. Son intelligence toujours en éveil, son travail soutenu avec une persévérance jamais lassée, l’ont fait arriver au succès : il tient un rang des plus honorables dans l’industrie du tapis. Que de progrès réalisés par M. Duquesne dans la fabrication de son fameux tapis parisien qui, paraissant pour la première fois en 1889, obtint à l’exposition de cettedite année une médaille d’argent de la Classe 55 avec son métier à bras tissant du tapis en 90 centimètres de largeur!
- Le tapis parisien est un tapis dont le procédé de fabrication breveté permet l’enroulement des lils de la chaîne faisant velours, autour de la chaîne de force qui constitue le dossier ou envers du tapis. La chaîne destinée à faire velours (généralement en laine) vient donc, en couvrant par son enroulement les fds de chaîne (lin, chanvre, coton ou jute) qui forment le dossier, leur donner une résistance très grande, les garantir de l’humidité du sol, et donner en outre un envers laineux admirable, qui reproduit en une sorte de gros point de tapisserie le dessin que l’endroit nous montre en velouté.
- Cette explication très sommaire du mode de fabrication employé pour produire ce tapis suffit toutefois à indiquer les réelles et nombreuses difficultés que M. Duquesne a du rencontrer et qu’il a surmontées pour arriver à nous montrer aujourd’hui, fabriqués à l’aide de métiers Jacquard mécaniques mus à la vapeur, les très intéressants et fort jolis tapis que nous avons, en compagnie de nos collègues du Jury, admirés dans l’emplacement occupé dans notre classe par M. Duquesne.
- Hâtons-nous de dire qu’un métier mécanique du système Duquesne, monté par lui, en la Classe 77, a produit le tapis parisien pendant toute la durée de l’Exposition qui vient de se clô-
- p.300 - vue 304/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- 301
- lurer, et qu'il a valu à M. Duquesne une médaille d’or décernée par le Jury de cette classe. C’est de tout cœur que nous félicitons M. Duquesne de la réussite de ses êlforts, ainsi récompensés de deux médailles d’or si justement méritées.
- Nous nous garderons bien de passer sous silence l’intelligente collaboration que M. Henri Grosse!in , de la maison Grosselin père et fils de Sedan, n’a cessé d’accorder à M. Duquesne.
- Grâce à sa connaissance approfondie de la mécanique, M. Duquesne a pu, dans un espace de temps relativement restreint, créer de toutes pièces les nouveaux procédés de fabrication mécanique, employés par lui pour le tissage du tapis parisien. Sa fabrique de Sedan contient aujourd’hui 2h métiers mécaniques, dont h pour l’uni et 20 avec jacquard, pouvant tisser depuis 70 centimètres jusqu’à 2 111. 50 de largeur. Les largeurs plus grandes se tissent jusqu’à présent à l’aide de métiers à bras.
- La production du dernier exercice 1899 s’est élevée à 32,000 mètres carrés.
- En créant le lapis parisien, M. Duquesne s’est proposé de combattre l’importation des lapis orientaux de toutes provenances, et dans ce but, il a produit des articles aussi satisfaisants que ceux tle provenance orientale, mais de prix moins élevés.
- Tout ceci explique la raison pour laquelle le salon occupé par la maison Duquesne et Cio et décoré à l’orientale 11e nous a montré en qualités diverses que des tapis reproduisant exactement les formes et les colorations des tapis d’Orient, bien que pourtant M. Duquesne produise, en ce même point, des tapis dont les compositions modernes sont très remarquables et de fabrication également très soignée.
- Parmi les pièces capitales qui décoraient le salon de MM. Duquesne et C!e, nous avons remarqué la superbe carpette d’Orient, de h mètres sur 5 sur fond bleu, pendue à la cloison du fond, divers tapis arabes de haut poil et de coloration vigoureuse, une profusion de tapis de prières en laine , en mohair ou en soie, et, servant de portières et d’encadrement à l’entrée de ce salon, un magnifique tapis de genre Smyrne, aux tons rouge, bleu et vert, très fidèlement exécutés en une qualité supérieure du prix de 3o francs le mètre carré.
- Quand nous aurons ajouté que la contexture du tapis parisien se prête à l’emploi de toutes les matières premières, végétales ou animales, comme aussi à toutes les réductions en unis ou façonnés, ras ou veloutés, nous aurons sulfisamment démontré l’avenir qui est réservé à ces intéressants produits très appréciés déjà de la belle clientèle, tant de France que de l’étranger.
- Mentionnons en terminant le tapis ras, double face, en gros point très serré, que nous montrait M. Duquesne en un tapis désigné Aubusson parisien, et qui parait d’une solidité à toute épreuve. 11 parait que par sa fabrication rapide ce genre de tapis pourra s’établir à des prix si modiques qu’il sera bientôt en mesure de remplacer le tapis brosse, lissé d’aloès. Le Jury a chaudement félicité de leurs inventions MM. Duquesne et Cio, et leur a bien volontiers attribué une médaille d’or, récompense si justement méritée.
- MM. Movlin-Pipaut {J-B. ) cl jüs, à Paris et à Tourcoing (Nord).
- Nous avons mentionné déjà cette ancienne maison de fabrication en passant en revue les tapis fabriqués aux points noués ; nous avons le plaisir de la signaler de nouveau à l’attention du lecteur, car l’exposition de MM. Moulin-Pipart et fils nous montre une intéressante variété de tapis et de carpettes de fabrication mécanique à la Jacquard, que nous nous garderons bien de passer sous silence.
- Cette maison, fondée en 186A par M. Moulin-Pipart père, s’adonna dès sa fondation à la production des moquettes de belle qualité. Soit en uni, soit à la Jacquard, la moquette de M. Moulin-Pipart se reconnaissait aisément par le soigné, le fini de sa fabrication. Les carpettes sortant de cette maison avaient un cachet tout particulier de distinction; aussi toutes les maisons de négoce et de nouveautés recherchaient-elles les carpelles que M. Moulin fabriquait à la main, en toutes dimensions et en dessins toujours heureusement choisis et habilement coloriés. Dès l’Exposition de Paris, en 1867, cette
- Gn. XII. — Cl. 70. 21
- UII’IIIVEIUE NATIONALE.
- p.301 - vue 305/484
-
-
-
- 302
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- maison obtint pour ses débuts une mention honorable, et quand ari'iva l’Exposition de 1878 les progrès réalisés par celte maison furent si aj)préciés que le Jury lui décerna une médaille d’or pour les produits exposés par elle. Deux: des lils de M. Moulin-Pipart, MM. Albert et Emile, collaboraient aux travaux de leur père depuis 187b et 1877.
- Une nouvelle impulsion fut aussitôt imprimée à la marche ascendante de la maison, qui bientôt s’outilla de métiers mécaniques, mus à la vapeur, pour la production à la Jacquard des lapis et carpettes de tous genres. Nous la voyons figurer ensuite à l’Exposition de Paris en 1889; ses produits furent encore récompensés d’une médaille d’or. Déjà celle maison avait commencé à installer chez elle la fabrication des tapis aux points noués, quand, en i8()5, M. Moulin s’associa ses deux fils sous la firme actuelle J.-ll. Moulin-Pipart et fils. Ces messieurs, tout en donnant une orientation nouvelle au mode de négocier la vente de leurs produits, continuèrent à accroître leur production, tant celle des lapis fabriqués mécaniquement que celle des lapis aux points noués à la main (200 ouvriers sont occupés dans les établissements de MM. Moulin-Pipart et fils), et c’est ainsi que cette maison a présenté à l’examen de notre Jury la variété des lapis qui décoraient son emplacement de la Classe 70.
- Enroulés sur des colonnes montantes, nous avons remarqué de très jolis dessins de moquette Jacquard pour tapis d’appartements, dont certains, exécutés en 1 mètre de largeur, étaient des plus plaisants. D’autres, pour moquette escaliers Jacquard, en 90 centimètres de largeur, nous ont également plu. Ua série de dessins en 70 centimètres nous a paru moins heureuse; mais il nous a été observé que ces dessins s’adressent à une clientèle particulière qui s’accommode de ce genre un peu banal. Nous n’insisterons donc pas davantage sur ce point. Une très jolie carpette Jacquard, de style Louis \VI, établie en dimensions de 3 111. 5o sur k 111. 5o, produisait certainement beaucoup d’effet, mais pourquoi MM. Moulin, qui ont une telle variété de dessins, nous ont-ils montré cette carpette déjà ancienne et connue par toute la clientèle du tapis? Etalés sur le parquet, quantité de dessins de foyers et descentes de lit, de compositions indiquant une vente courante, complétaient, avec des moquettes unies pour appartements, l’ensemble de cette exposition à laquelle le Jury, tenant à prouver que la maison Moulin-Pipart et fils n’a pas démérité, a accordé une médaille d’or.
- M. Moulin-Pipart était membre du Comité d’admission et membre du Comité départemental à l’Exposition de 1900.
- m. Lohthiois-Leubent et fils, à Tourcoing (Nord ).
- Plusieurs fois, au cours de ce rapport, nous aurons à revenir sur cette très ancienne maison, car indépendamment des tapis à la Jacquard, dont nous allons nous entretenir, elle produit les étoffes pour ameublement, qui feront plus loin l’objet d’une étude attentive.
- Fondée en 1780, cette maison connue successivement sous les firmes Uortbiois-Duquesnoy et fils, Lorthiois frères, Jules et Floris Lorlhiois, devint, à partir de janvier 1898, la maison Lobthiois-Ekü-kent et fils. Ce sont les lapis que ces messieurs ont exposés en leur salon de la Classe 70 dont nous allons rendre compte au lecteur.
- Pour la production des tapis fabriqués mécaniquement, celle maison, qui fut l’une des premières à appliquer l’outillage mécanique à la fabrication du tapis Jacquard , occupe un personnel de 279 ouvriers et employés. Ua moyenne de sa production est de 9,5oo mètres de lapis par semaine. Elle possède un dégraissage mécanique de laines filées en mixte et en cardé pour tapis, une retorderie de 3,ooo broches, des pareuses et des tondeuses permettant de tondre des tapis de 3 mètres de largeur.
- Celle maison achète ses laines directement aux Indes , les fait filer, puis toutes les autres opérations se font dans ses établissements, depuis la retorderie jusqu’au tissage de la pièce et son apprêt.
- Comme on en peut juger d’après cet aperçu sommaire, la maison Uorthiois-Lcurent et fils est eu mesure de produire dans les conditions les meilleures et les plus avantageuses les tapis dont les variétés
- p.302 - vue 306/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT. 303
- comportent : la moquette unie, la moquette à la Jacquard, comprenant les lapis d’appartements, les passages ou escaliers, les foyers, canapés et coussins pour meubles ainsi que le tapis bouclé.
- Il est bien à regretter que MM. Lorlhiois-Ueurent et fds ne se soient pas décidés à occuper dans notre classe le vaste emplacement que nécessitait l’exposition de leur variété de produits, car dans le salon qu’ils avaient, avec beaucoup de goût, garni d’étoffes et de tapis, leur démonstration s’est trouvée bien à l’étroit et c’est grand dommage; les tapis exposés étaient en effet des plus intéressants, et cette maison n’aurait pu que gagner aux yeux de certains membres du Jury en leur en montrant davantage.
- De chaque côté de la vitrine de soieries qui occupait le centre de cet emplacement, des piles de moquettes Jacquard nous montraient, tantôt en des compositions modernes d’un choix très heureux, tantôt en des dessins de nos styles français, des tapis de h, 5 et 6 grils, tous coloriés avec un goût qui fait honneur au coloriste de cette maison. Ces piles ou colonnes reposaient sur un palier dont quelques marches, simulant un escalier, nous donnaient la vue de dessins d’escaliers Jacquard dont l’ensemble des coloris était très harmonieux. Sur les cloisons de droite et de gauche étaient fixées en guise de panneaux diverses moquettes exécutées en î mètre de largeur. Trois de ces tapis étaient de styles français, le quatrième était de composition moderne, et tous quatre, de qualité supérieure, étaient dus à la composition de M. Lein-Pardonneau, qui plus loin en exposait les maquettes.
- Ces tapis ont été très prisés par le Jury qui en a admiré la belle ordonnance de composition autant que la vigueur, la netteté et tout à la fois l’harmonie de leur coloration. Mais pourquoi, dans cet ensemble si harmonieux que formaient avec les étoffes d’ameublement étalées sur le parquet quelques autres tapis, canapés ou foyers, MM. Lorthiois ont-ils eu la mauvaise idée de donner comme repos, à ce charmant assemblage d’étoffes et de moquettes, la note fâcheuse que venait jeter dans ce tableau le tapis jaune en camaïeu de trois tons, qui couvrait le parquet de leur salon? Ce même tapis, qui produisait un effet tout autre dans un salon occupé par M. Ruepp, dessinateur, qui n’y montrait que des compositions modernes, faisait ici un effet déplorable et nuisait considérablement à l’ensemble de ce salon qui, sans ce tapis, eût donné une note artistique des plus agréables. Le Jury, tout en félicitant MM. Lorthiois-Leurent et fils des produits qu’ils avaient exposés, a regretté de ne pouvoir leur attribuer une récompense supérieure à la médaille d’or.
- Cette maison, déjà titulaire d’une médaille d’or à l’Exposition de Paris en 1878, s’était abstenue de concourir en 1889, mais avait à l’Exposition d’Anvers, en 1894, obtenu le diplôme d’honneur.
- M. Defretin (Edouardr), à Halluin (Nord).
- Nous n’avons fait que mentionner en passant en revue les diverses productions des tapis aux points noués les quelques tapis que M. Defretin avait exposés en ce genre de fabrication à la main. Nous sommes amené, en rendant compte des produits de sa fabrication mécanique, à signaler au lecteur l’importance de cette ancienne maison et l’extrême variété des produits qu’elle livre au commerce du monde entier.
- Fondée en 1820 par le père du fabricant qui dirige actuellement toutes ses diverses productions, la maison Edouard Defretin occupe en ses vastes établissements, d’une surface totale de 28,000 mètres carrés, i,56o ouvriers et employés. Sa force motrice est de 5oo chevaux-vapeur et le chiffre qu’elle accuse est de 5 millions de francs par an.
- En plus des tapis aux points noués déjà mentionnés et des étoffes pour ameublement -dont nous aurons à nous occuper plus loin, la maison Defretin exposait, dans la Classe 81, ses linges de table ouvrés et damassés, ses coutils pour stores et matelas, articles que nous ne citons que pour mémoire, n’ayant pas à les juger.
- Sa fabrication mécanique comprend, en tapis, les divers produits suivants :
- Tapis en moquette Jacquard pour appartements et descentes de lits en toutes qualités. Tapis en
- 21.
- p.303 - vue 307/484
-
-
-
- 304
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- chenille, dits hanta laine, en dessins courants et en carpettes de toutes dimensions. Nous commencerons notre examen par ce genre de tapis chenille, car la pièce capitale que nous a montrée M. Defretin parait avoir exigé de sa part un effort considérable pour la produire. Ce tapis, qui mesure 3 mètres sur h mètres, est une reproduction du tableau de Rubens Le Mariage de Marie de Médicis. Bien qu’en principe nous ne soyons pas partisan, pour l’emploi d’un tapis de pied, de compositions nous montrant des personnages, nous ne saurions contester que ce fabricant, qui a eu d’énormes difficultés à vaincre pour rendre avec autant de fidélité et en un point de chenille relativement gros le sujet qu’il avait choisi, s’est tiré avec honneur de ce travail hérissé de difficultés. Cette pièce, destinée à servir de tapis d’autel, est tissée sur envers souple, de façon à en permettre l’emploi comme tenture décorative. C’est, d’ailleurs, ainsi placée en panneau, que M. Defretin en donnait la vue. Ce tapis, nous a dit M. Defretin, peut être établi au prix de vente en gros de i5o francs, ce qui nous a paru un prix extraordinairement bas, étant donné que la surface veloutée du lapis est en laine et que les frais de mise au point d’une telle composition sont considérables.
- En ce même article chenille, nous avons remarqué deux carpettes en laine retorse, imitation mécanique de tapis d’Orient, eu qualité désignée points des Flandres.
- Deux autres carpettes en qualité basse, placées l’une sur le parquet, l’autre au fond et à gauche formaient, avec une série de foyers roulés de manière à donner la vue des dessins , une sorte de démonstration de marchandises de vente tout à fait courante. Une pile, à droite, représentait le même genre de tapis en dessins au mètre, et peu intéressants à Texainen.
- En moquette Jacquard, dont les dessins ne nous ont pas séduits et dont la qualité (s’adressant sans doute à une clientèle qui exige des prix très bas) nous a paru bien faible, il y avait quantité de foyers étalés un peu partout dans ce vaste salon, des passages placés sur les escaliers de droite et de gauche et, enfin, des lapis au rouleau placés en pile, sur la gauche de cet emplacement, dont la décoration d’ensemble était faite avec goût. Pour l’ensemble de son intéressante exposition, M. Edouard Defretin a obtenu de notre Jury une médaille d’or.
- MM. Mellerio et Fossé, à Paris.
- C'est de 1845 que date la fondation de celte maison. Aux fondateurs, MM. Carlhian et Louvet, succédèrent, en 1873, MM. Henri Louvet et Mellerio, et c’est à dater de 1880 que nous voyons à la tète de leurs deux industries du tapis et de l’ameublement les chefs de la maison actuelle, MM. Mellerio et Fossé.
- Deux usines distinctes sont habilement dirigées par ces messieurs. L’une à Bohain (Aisne) est spécialement affectée à la production des étoffes d’ameublement (nous aurons occasion d’en mentionner les produits un peu plus loin au cours de ce rapport); l’autre, à Persan (Seine-et-Oise), ne fabrique que les tapis. Tant en moquette Jacquard qu’en chenille haute laine, MM. Mellerio et Fossé, grâce à une intelligente direction et à une fabrication très soignée autant qu’à leur excellente organisation de vente, ont pour leurs divers produits de très nombreux débouchés. L’ensemble du personnel ouvrier occupé par cette maison, en ses deux établissements, est de 4oo personnes. La force motrice est de 300 chevaux-vapeur. Des ateliers de construction produisent chez eux les métiers mécaniques à l’aide desquels se fabriquent leurs tapis et carpettes haute laine. La teinture et les apprêts se font également dans leurs établissements. Toutes les moquettes et les tapis chenille sont tissés sur des métiers mécaniques dont les largeurs varient de 0 m. 70 à 3 mètres.
- Nous avons mentionné déjà la carpette à points noués que MM. Mellerio et Fossé nous ont présentée dans leur exposition.
- Cette maison a tenu à ne montrer dans l’emplacement occupé par elle en notre Classe que des lapis-de fabrication courante. La vente à laquelle s’adressent ses produits lui fait rechercher de pré-
- p.304 - vue 308/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEURLEMENT.
- 305
- férence les articles de grande consommation ; aussi ne voyons-nous pas ces messieurs se livrer aux compositions dites d’art moderne, car leur clientèle n’en apprécierait pas la nouveauté. Au contraire, les tapis et carpettes chenille qu’ont exposés MM. Mellerio et Fossé sont de genres fleuris et sans prétention, dont la coloration plaît à la clientèle qu’ils visitent, et nous ne saurions les blâmer de s’adonner à ce genre, puisqu’il alimente les métiers occupés à cette production mécanique. La fabrication, d’ailleurs, en est des plus soignées, quelle que soit la qualité en laquelle les dessins sont exécutés.
- En moquette Jacquard, ces messieurs nous ont montré, en tapis d’appartement, roulés sur colonnes ;i gauche de leurs salons, de charmants dessins établis en o m. 70 et en 1 mètre de largeur, de tous styles et de coloration variées. Certains d’entre eux exécutés en qualité supérieure nous prouvent que. s’il en est besoin, la maison Mellerio et Fossé sait produire les qualités les plus belles aussi bien que les qualités courantes qu’elle fabrique de préférence.
- Un article dont la fabrication est des plus difficiles et en lequel ces- messieurs excellent, c’est la moquette unie pour appartements, Nous avons vu avec le plus grand plaisir le superbe assortiment des nuances si harmonieusement disposées que ces messieurs ont étalées en leur exposition. La parfaite régularité de la fabrication, les tons les plus délicats produits en cette moquette bistre, prouvent surabondamment. les soins apportés par MM. Mellerio et Fossé à tous les détails de teinture, de fabrication et d’apprét. L’ombre au tableau (reproche tout amical que nous nous permettons d’adresser à MM. Mellerio et Fossé) a été trouvée par notre Jury dans le tapis qui recouvrait le parquet de leur salon. Son chinage bigarré manquait de repos et nuisait à l’enlèvement des divers tapis et étoffes qui s'y trouvaient étalés. Mais, passant sur ce détail, le Jury, pour l’ensemble de leur fabrication très soignée, a attribué une médaille d’or à MM. Mellerio et Fossé.
- MÉDAILLES D’ARGENT.
- MM. Gâche et jîls, à Paris.
- C’est dans l'ancienne et jadis si réputée maison Vayson, d’Abbeville, que M. Gâche père exerça son habileté technique professionnelle de la fabrication du tapis. Placé à la tête de cette maison à la mort de M. Vayson, M. Gâche se décida à transporter à Paris cette industrie du tapis; il installa d'abord des métiers à main, puis des métiers mécaniques, et dut, pour les conduire, former à Paris un personnel ouvrier qui comprend aujourd’hui 5o ouvriers et ouvrières.
- Outre sa fabrication de tapis aux points noués, que nous avons mentionnée déjà, cette maison, qui 11e prétend pas à la grosse production et qui vend directement ses tapis aux consommateurs, nous a montré, en moquette Jacquard, diverses qualités de tapis, dont les dessins.et la coloration nous ont paru laisser à désirer. Ce sont, pour la plupart, des dessins s’adressant à la vente courante, mais ceci ne devrait pas exclure des compositions exécutées le goût qui semble avoir, ici, souvent fait défaut à l’artiste qui a créé ces dessins.
- MM. Gâche et fils ont présenté au Jury un échantillon lamé or du type d’un tapis de 7 mètres sur 5, que ces messieurs avaient fabriqué en vue de l’Exposition, mais qu’ils ont dû renoncer à exposer par suite d’une modification apportée au dernier moment dans les dimensions de remplacement qui leur a été attribué dans notre Classe. Ce type de moquette présente certaines difficultés de fabrication suscitées par la présence de fils métalliques combinés avec la laine et qui, n’ayant pas la souplesse des matières textiles, se nouent et se cassent à l’enroulement. Ces messieurs sont parvenus à vaincre, en partie, ces difficultés en imaginant un ingénieux dispositif de torsion à revers. MM. Gâche et fils, déjà titulaires d’une médaille d’argent obtenue à l’Exposition de Paris 1889, se sont vu attribuer la même récompense par notre Jury pour leur exposition de cette année.
- p.305 - vue 309/484
-
-
-
- 306
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- M. Rombeau {Jules), à Tourcoing.
- Nous ne pouvons que dire derechef combien il est regrettable que ce fabricant qui, indépendamment de sa fabrication de tapis aux points noués, produit à la jacquard des moquettes fines pour tentures et pour sièges, n’ait pu, faute d'espace, nous montrer en ce dernier genre de fabrication que les portières en moquettes coton qui étaient pendues de chaque côté de remplacement occupé par lui près de l’escalier situé à l’entrée de notre Classe, car sa production est intéressante et il eût été utile pour le Jury de la juger d’après une démonstration plus importante.
- Les deux portières qui étaient exposées étaient des reproductions de motifs orientaux : la fabrication en était très soignée. Celte maison a obtenu une médaille d’argent pour l’ensemble des produits qu’elle avait exposés.
- MM. Pichebal (Alfred) et C'e, à Nîmes (Gard).
- Les produits exposés par MM. Piciieral et Clc sont des lapis d’apparence feutrée, connus dans la consommation sous le nom de tapis d’Aoignon. Ces tapis, qui se fabriquent généralement en 1 m. âo de largeur, jouissent depuis 1889 d’une certaine vogue près du public que séduisent le bas prix de ce produit et son apparence de solidité due à son épaisseur.
- Fabriqués d’abord en uni, puis en chiné, ces tapis destinés aux appartements et aux passages ont suivi la voie du progrès et c’est, aujourd’hui, ornés de dessins produits à l’aide de la jacquard que, grâce aux perfectionnements apportés à leur outillage, MM. Picberal et Clc nous ont présenté ces tapis aux dessins variés dont ils ont, depuis 1889, doublé leur chiffre de production.
- Récompensés d'une médaille de bronze à l’Exposition de Paris en 1878 et d’une médaille d’argent en 1889, c’est encore une médaille d’argent que notre Jury a attribuée à MM. Picheralet C10 pour leur exposition de cette année.
- MENTION HONORABLE.
- Mme Vve Gendron-Chauneau et Dousinelle, à Paris.
- La démonstration faite par cette maison, qui accuse une fabrication mécanique nécessitant un moteur hydraulique de 75 chevaux et qui occupe 1 ao ouvriers, a paru à notre Jury si mesquine qu’il ne lui a pas été possible de lui attribuer une récompense plus élevée que la mention honorable, pour ses vénitiennes en laine et coton, de rayures et de colorations variées, ou pour ses toiles, pour escaliers et passages, de qualités diverses. Cette maison, qui accuse avoir doublé sa production depuis 1889, et qui avait obtenu alors une médaille d’argent, aurait dû faire un effort plus en rapport avec son importance.
- ÉTRANGER.
- GRANDE-BRETAGNE.
- Ainsi que nous en avons exprimé le regret déjà, de très puissants industriels de la Grande-Bretagne dont la fabrication mécanique de tapis est universellement connue et appréciée se sont, pour des raisons que nous n’avons pas à connaître, abstenus de prendre part au grand tournoi pacifique auquel la France les avait conviés; et c’est grand dommage, carie public aurait plus aisément pu se faire une idée du dévelop-
- p.306 - vue 310/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS l)'\MEl ELEMENT.
- 307
- pement qu’a pris clans la Grande-Bretagne la fabrication du tapis, s’il lui avait été possible d’apprécier les produits de MM. John Crossley et sons, qui avaient déjà obtenu un grand prix à l’Exposition de Paris en 1889, mais, hélas, ces messieurs, de même que MM. James Templeton andC’, deGlascow; Hamphreys and sons, Smith and sons, Brinton, de Kidclermunster près Birmingham; MM. Anderson and G0, de Durham, etc., 11e nous ont pas envoyé leurs tapis, et si nous exprimons le regret de n’avoir pas eu à les juger c’est que, connaissant leur superbe fabrication, leur abstention nous a privés du plaisir d’accorder à ces importantes maisons les hautes récompenses qu’elles auraient sûrement méritées.
- D’autres exposants, qui dans d’autres Classes ont obtenu des grands prix, avaient déployé dans la nôtre de magnifiques tapis indiens, mais, n’en étant pas eux-mêmes les producteurs, nous n’avons pu que constater l’heureux choix des dessins et des coloris qui étaient étalés dans leurs vastes salons de l’étage, près des Quinconces des Invalides : tel a été le cas de MM. Waring et Gillow.
- D’autres industriels nous ont montré, en leurs tapis, de très intéressantes productions anglaises.
- Nous allons les passer successivement en revue.
- MÉDAILLE D’OR.
- MM. H. et M. Soutiiwell, limitecl, à Bridgnorth.
- Nous avons eu déjà à mentionner aux tapis à poinls noués les deux intéressants tapis Axminster à la main qu’avaient exposés MM. Soüthyvell. Nous allons, maintenant, rendre compte de notre examen des tapis fabriqués mécaniquement par ces messieurs.
- ha maison Southwell, dont la fondation remonte à 1810, possède actuellement en de vastes établissements un important outillage comprenant 120 métiers mécaniques indépendamment d’un grand nombre de métiers à la main. Elle compte 5oo ouvriers.
- Récompensée d’une médaille de bronze à l’Exposition de Londres en 1862, d’une autre médaille de bronze à celle de Paris en 1867, cette maison obtint une médaille d’or à l’Exposition de Paris en 1878 et ne prit point part à l’Exposition de Paris en 1889.
- Les types de tapis exposés par MM. Southwell donnaient au public l’idée exacte du style, des coloris et des qualités des tapis qui sont couramment vendus par eux au commerce de la plus haute classe en Angleterre, aux États-Unis et sur le continent.
- Celte maison ne fabrique pas les qualités basses ; ainsi s’expliquent les prix relativement élevés des types qui ont été soumis à notre examen et dont voici un aperçu :
- Wilton, largeur 0 m. 85 : 9 fr. 5o le mètre courant; Saxonv, largeur 1 m. ho : 20 francs le mètre courant; Axminster, largeur 0 m. 85 : 9 francs le mètre courant; Axminster oriental, largeur om. 85 : (> fr. 25 le mètre courant.
- C’est au rez-de-chaussée de l’annexe britannique donnant sur les Quinconces des Invalides que nous trouvons, pendus à la cloison de gauche, la série des huit grands tapis, pour la plupart encadrés de bordures, exposés par la maison H. et M. Southwell. Si nous en apprécions les qualités par ordre de placement, nous dirons que les tapis nos 6 et 8 représentaient la fabrication d’Axminster à la main (points noués) dont nous avons déjà rendu compte.
- Les nos 1 et 5 étaient de fabrication Axminster mécanique, produits à l’aide des métiers Wilton.
- Le n° 3 était un tapis de fabrication mécanique connu sous le nom de Saxony.
- p.307 - vue 311/484
-
-
-
- 308
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- A l’exception de ce tapis n° 3, qui représentait une galerie de î m. ho de longueur, sur 5 mètres de hauteur, dont le fond rouge, agrémenté de jolies palmes indiennes, avait, comme bordure, un champ de moquette unie, hachuré et dégradé du grenat foncé au rouge, h l’exception, dis-je, de ce merveilleux tapis Saxony, du prix de 20 francs le mètre courant, en 1 m. ko de largeur, les autres tapis nos 1 et 5, 2, k et 7 étaient tous formés de quatre lés du dessin de moquette au mètre (lés très habilement cousus au raccord), et encadrés de chaque côté, comme de haut et de bas, d’une très large bordure s’harmonisant avec le dessin du fond, de telle sorte que ces tapis cousus donnaient l’illusion de carpettes de très grandes dimensions.
- Il convient d’ajouter ici que ce mode d’employer le tapis est beaucoup plus répandu en Angleterre et aux États-Unis qu’en France, où l’acheteur d’une carpette préfère généralement celte carpette lissée d’une seule pièce et sans coutures.
- Cela tient à ce que, contrairement à nous, qui, en France, considérons la carpette comme un milieu d’appartement qu’on enlève au moindre besoin, les Anglais, meme quand ils utilisent un tapis de façon à couvrir l’ensemble du parquet de leur appartement, désirent que leur tapis soit encadré d’une large bordure qui enrichit l’ensemble de la décoration de leur demeure, et la rend d’aspect tout à fait confortable.
- Aussi les fabricants anglais ont-ils toujours soin, lorsqu’ils établissent les carions d’un dessin de tapis au mètre, de l’accompagner de plusieurs bordures de largeurs différentes qui permettent de toujours encadrer les tapis.
- En moquette Axminster mécanique, le lapis n° 1, sur fond vieux rouge strié d’un autre rouge plus foncé, nous donnait la vue d’un très joli dessin persan fleuri, encadré d’une bordure de même style: sa coloration harmonieuse, excellente au point de vue de la clientèle anglaise, aurait besoin, pour la vente française, d'être sensiblement avivée. Quant au tapis n° 5, de même fabrication, le dessin, (leurs ornementales sur fond bleu, était bien équilibré, ne manquait pas d’allure, et indiquait une fabrication très soignée.
- Il nous reste à décrire les tapis nos 2, k, 7, moquette Jacquard de fabrication mécanique sur métiers Wilton. Le tapis n° 2 était composé de quatre lés d’un dessin couronnes sur fond mode, du genre s’approchant de notre style Empire, et que les Anglais désignent Adam’h style. La bordure en forme de guirlande, qui encadrait ce tapis, était ravissante et très habilement coloriée au moyen de cinq grils ou corps de chaînes. Le tapis n° k, sur fond ivoire, était de formes orientales à points brisés, de genre Karamanie.
- Quant au tapis n° 7, il était, comme les deux précédents, établi sur quatre lés et encadré d’une bordure, mais sa réduction très serrée, la finesse de son point indiquaient sa qualité tout à fait supérieure. Sur fond mode (havane clair), de petits médaillons de tons sobres et dégradés en garnissaient le centre, et la bordure fond biscuit en complétait l’ensemble harmonieux. La laine peignée qui fait le velouté de cette moquette est de qualité supérieure et justifie la réputation qu’a, de longue date, acquise la maison H. et M. Southwell, de ne livrer à la consommation que des tapis dont les moindres détails de fabrication sont suivis avec la plus sérieuse attention ainsi qu’avec les soins les plus minutieux.
- Aussi, par la cote élevée que notre Jury a accordée à la médaille d’or dont il a récompensé celle maison, a-t-il voulu prouver à MM. II. et M. Southwell qu’il avait hautement apprécié les fort intéressants tapis soumis par eux à son examen.
- MÉDAILLE D’ARGENT.
- MM. John Bright and hrothcrs, limited, à Rochdale.
- C’est à l’étage au-dessus de l’emplacement occupé par MM. II. et M. Southwell que cette maison exposait, sous une grande vitrine, les tapis de sa fabrication.
- p.308 - vue 312/484
-
-
-
- 309
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- MM. John Buigiit and brolhers ont pris soin de nous expliquer que leurs produits, fabriquas mécaniquement à la jacquard, ne sont nullement appelés à concourir avec les tapis de qualité supérieure tels que les Axminster par exemple, mais qu’étant, au contraire, destinés à être vendus aux classes laborieuses, leurs lapis, tout en étant de dessins bien choisis et d’apparence confortable, visent surtout un prix qui soit à la portée de toutes les bourses.
- D’après l’ensemble des tapis exposés dans leur vitrine, nous voyons que c’est surtout la moquette dite Brussels, qui forme la hase de la production de MM. John Bright and brothers. Toute la cloison du fond était couverte par un tapis simulant une carpette, au moyen de trois lés (d’un dessin au mètre en 70 centimètres de large) encadrés d’une bordure. La moquette Brussels ne diffère de la moquette ordinaire qu’en ce que pour sou tissage il est employé des fers ronds ou aiguilles qui, retirés du corps de l’étoffe, laissent les fds des chaînes formés en boucles, tandis que pour la moquette veloutée les fers lancés dans les chaînes possèdent à leur extrémité un tranche-fils qui, lorsque le métier le retire automatiquement du corps de l’étoffe, ouvre les fds de chaînes étendus sur les fers et produit ainsi la surface veloutée du tapis.
- Le lapis, exécuté eu cinq grils sur fond vieux rouge, était une composition bien anglaise, nous'-montrant un ensemble de marguerites et de chrysanthèmes de coloration sombre; le dessin en était bien équilibré.
- Etalés au-dessous de cette carpette cousue, quatorze autres types de tapis de tous styles et de coloris variés nous donnaient la vue des diverses qualités produites en cette moquette Brussels par la maison John Bright et brothers limited.
- En moquette veloutée, trois foyers de qualité basse complétaient l’ensemble de cette exposition, à laquelle notre Jury a attribué une médaille d’argent.
- dette maison avait obtenu une première médaille à l’Exposition de Londres en 1851.
- MEDAILLE DE BRONZE.
- Anglo-Oriental Manvfactvm'ng Company, à Rawtenstale près Manchester.
- Dans un emplacement situé au rez-de-chaussée, faisant face à l’exposition de MM. Southwell. cette maison avait réuni en un véritable amoncellement quantités de tapis qui, bien que fabriqués à la mécanique, imitaient par leur point d’envers le tapis d’Orient.
- La qualité, pour la plupart de ces tapis, nous a paru plutôt grossière; les dessins et leurs coloris ne nous ont point charmés et il nous a semblé que ceux même qui étaient fabriqués en soie auraient pu, vu l’emploi d’une matière si coûteuse, être produits en qualité moins commune.
- Cette maison, fondée en 1898, possède un outillage mécanique comprenant à 1 métiers, occupe 80 ouvriers et accuse un chiffre annuel de livres sterling i5,ooo, soit 375,000 francs.
- 8011 exposition a été récompensée d’une médaille de bronze.
- ÉTATS-UNIS.
- Parmi les fabricants de tapis aux Etats-Unis, nous nous attendions à voir figurer les intéressants et puissants industriels suivants : Bigelow Company, de Lovvel (Massachussets), et Lowell Carpet Company, Smith, de Yonkers, près New-York, dont les produits sont entièrement écoulés par la maison Sloane.
- Malheureusement ces messieurs se sont désintéressés de la lutte, et nous ont mis dans l’impossibilité d’apprécier la qualité de leurs produits. Occupons-nous donc de ceux de leurs collègues cpii ont répondu à notre appel.
- p.309 - vue 313/484
-
-
-
- 310
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- MÉDAILLE D’OR.
- MM. W. et J. Sloane, à New-York.
- Le Jury avait espéré trouver une démonstration plus importante de cette maison, dont la puissance de production est colossale.
- Une médaille d’or a été attribuée à MM. W. et J. Sloane.
- MÉDAILLES D’ARGENT.
- MM. Ivins, Dietz and Metzger C“, ;\ Philadelphie.
- Il est vraiment regrettable que, par suite de l’emplacement si restreint attribué à la section américaine des tapis, les intéressants produits de la maison Ivins, Dietz and Metzgek G0 aient été relégués en un local bien étroit et hors du passage du public. C’est, en effet, dans les Quinconces de l’Esplanade des Invalides et dans une petite salle vitrée servant d’annexe au pavillon de la Presse des Etats-Unis, que nous avons eu à examiner quelques-uns des tapis exposés par cette maison. Nous disons quelques-uns, car, à l’exception de quelques tapis qui ont servi à couvrir le parquet des emplacements de certains de leurs compatriotes exposant des meubles dans la section américaine, la majeure partie des lapis que MM. Ivins, Dietz, Metzger and C° avaient apportés d’Amérique, sont restés dans les caisses qui les ont amenés, durant tout le cours de l’Exposition.
- Cette maison, dont la fondation remonte à i85a, a été établie sous la firme actuelle en 1892. MM. Ivins, Dietz, Metzger and C° ont un outillage de métiers mécaniques à la Jacquard du système VVilton, et occupent 5oo ouvriers. Ils accusent une production annuelle de 1 million de dollars, soit 5 millions de francs.
- Voici le résumé de l’examen des trois tapis qui ont été montrés dans le pavillon de la Presse américaine.
- Fixé sur la cloison de droite, un tapis encadré de bordure reproduisait en une moquette de laine très fine et de réduction très serrée une composition orientale de coloration chaude et de fabrication parfaite.
- Cette maison revendique pour cette production un procédé breveté aux Etats-Unis, au moyen duquel elle prétemhpouvoir utiliser, sans une sensible augmentation de prix, une laine filée, beaucoup plus fine que celle généralement employée pour ce genre de moquette. Ce tapis, qui nous a paru d’une extrême solidité, était établi à cinq grils ou corps de chaînes, mesurait 1 m. ho de largeur sur 2 m. 30 de hauteur, et est établi à la vente à raison de 12 francs le mètre carré.
- Sur le mur de face se trouvait une carpette de 2 m. 88 sur 3 m. 68. Le fond tissé d’une seule pièce était en belle moquette unie d’un ton de vert franc très heureux. La bordure qui l'encadrait était de même fond vert et le dessin qui l’ornait était une guirlande de roses très joliment coloriées en cinq grils. La couture, très habilement dissimulée, exigeait une grande attention pour ne pas croire cette carpette tissée d’une seule pièce.
- Ee mode d’emploi de cette bordure aux lattés changeants pouvait donner aux personnes peu au courant des procédés de fabrication l’illusion de dix couleurs, bien que la bordure ne comportât réellement que cinq corps de chaînes.
- v Ce tapis pouvait, nous ont dit ces messieurs, être vendu à 176 francs, en cette taille 2 m. 88 sur 3 m. 68, soit à raison de 18 francs le mètre carré, mais n’étant pas concurrencés pour ce genre de fabrication ils en ont établi le prix de vente à 260 francs, soit à 25 francs le mètre carré.
- p.310 - vue 314/484
-
-
-
- 311
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- Enfin, couvrant le parquet de cet emplacement, était étalé un troisième tapis de formes et de coloration tout à fait orientales. La fabrication en est faite sur un métier Wilton à la Jacquard; un procédé spécial employé par MM. Ivins, Dietz, Metzger and G° pour utiliser comme chaînes faisant velours des déchets de laine nous a paru trop intéressant pour ne pas être mentionné. Afin de donner de la solidité aux chaînes qui, étant en déchets de laine, n’auraient pas la résistance suffisante au tissage, ces messieurs entourent chaque fil de laine d’un fil de coton fin et solide qui, retordu avec la laine à raison d’un tour du fil de coton à chaque 3/4 de pouce du fil de laine, assure à cette dernière matière la force et l’élasticité nécessaires pour résister à l’action du battant de chasse du métier. Il est évident que le coton et la laine qui composent le même fil appelé à faire velours doivent être teints en écheveaux avant d’être assemblés. Cette opération, faite dans la teinturerie de la maisou, dénote une grande habileté, car à la vue il est impossible de s’apercevoir que ce tapis n’est pas d’un velouté pure laine. Ce tapis, encadré d’une bordure dont la couture n’est pas perceptible, mesurait 2 m. 88 sur 3 m. 68. Son prix est de 85 francs, soit 9 francs le mètre carré ou 6 fr. 3o le mètre courant en 0 m. 70 de largeur, ce qui, pour une moquette à cinq corps, est d’un prix doux, qui explique pourquoi ce produit jouit, aux Etats-Unis, d’une réputation excellente, sous le nom de célèbre Bundhar Wilton I\ug.
- Nous ne doutons pas que si cette maison avait pu faire de ses produits une exposition plus en rapport avec son importance, elle eût obtenu de notre Jury une récompense supérieure à la médaille d’argent qui lui a été attribuée.
- M. Harry Hardwick qui représentait MM. Ivins, Dietz, Metzger and C° durant cette Exposition, et qui en est le directeur technique, est l'inventeur des trois procédés brevetés utilisés par sa maison pour la production de ses tapis.
- Nous regrettons qu’une simple médaille de bronze l’ait, récompensé de ses efforts.
- M. Botany Worsted, à Passaic (New-Jersey).
- Voici encore un exposant qui n’a pas été favorisé par le choix de l’emplacement qui lui a été attribué. C’est dans le groupe XIII, section des Etats-Unis, dans le palais des Tissus, au Champ de Mars, que nous avons, à grand’peine, pu découvrir quelques-uns des produits de moquette Jacquard fabriqués mécaniquement par cette société. Dans un endroit on ne peut plus obscur, sous un escalier roulant qui donnait accès à l’étage, se trouvait exposée, en guise de panneau fixé contre la cloison, une composition de style Louis XV à personnages, que pas un des visiteurs ne pouvait voir, car ce panneau était placé hors des allées de circulation. Sa fabrication méritait pourtant d’être mise sous les yeux du public, car elle était soignée; la moquette veloutée en était bien fine, puisqu’elle avait permis de produire à la jacquard, dans une perspective de verdure, des personnages Louis XV dont, bien que produites en points veloutés, les figures ne grimaçaient pas. Un peu plus loin, en face de la fabrique de chaussures qu’un exposant américain avait installée, deux autres portières en moquette de laine fine étaient pendues à une cloison. Toutes deux reproduisaient des dessins orientaux. La fabrication en était bonne, mais la coloration en était défectueuse et sans aucune vigueur. 11 nous a été ensuite retiré de caisses en lesquelles ces produits ont dû rester durant l’Exposition quantité de tapis d’appartements, foyers, sophas, descentes de lit en moquette de qualités diverses, dont le Jury n’a pu apprécier la fabrication, car aussitôt remis en caisses il ne nous a plus été possible de revoir ces produits pour en faire l’étude attentive dont nous aurions aimé rendre compte. A cette société, qui fabrique, en plus de la moquette Jacquard, des tentures en laine et des draperies, notre Jury a attribué une médaille d’argenl.
- p.311 - vue 315/484
-
-
-
- 312
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- MEXIQUE.
- MEDAILLE D’OIE
- Etablissements San Ildefonso, S. A.
- Dans le palais du Mexique, de la rue des Nations, se trouvait, au milieu du hall central, un pavillon qu'occupaient les établissements San Ildefonso. Cette société, fondée au Mexique à l’aide de capitaux français, a pris, en peu de temps, un essor considérable. Non contente de fabriquer mécaniquement les tissus pour robes, la draperie, la bonneterie dont la vitrine de cette maison montrait les produits aux visiteurs, la fabrication de la moquette Jacquard à l’aide de métiers mécaniques a été, depuis 1897, entreprise par les établissements San Ildefonso, et le succès qui a couronné leurs efforts les a encouragés à former au Mexique des ouvriers aptes à exécuter soigneusement ces produits. Ayant fait venir de France, en même temps que les métiers les plus perfectionnés, des contremaîtres et des ouvriers déjà formés à cette production mécanique, il n’est pas étonnant que les tapis qui nous ont été soumis rappellent si directement les moquettes d’origine française. Connaissant le goût de la clientèle mexicaine, cette société ne fabrique pas les tapis de coloration délicate, aux tons clairs qui ne résisteraient pas aux rayons d’un soleil aussi ardent que celui dont jouit le client mexicain. Elle s’applique, au contraire, à produire en des compositions sans prétention, orientales ou defantaisie, des moquettes aux colorations vives qui s’acceptent dans les pays ensoleillés auxquels elles sont destinées. C’est ainsi que, dans la vitrine dans laquelle étaient exposés les tapis de cette société, nous avons remarqué, tantôt en persan fleuri, tantôt en fleurs ornementales et de fantaisie, des types de qualités diverses, exécutés sur des fonds rouge vif et bleu dont notre vente française ne voudrait à aucun prix, mais qui, au Mexique sont très appréciés. Ces moquettes, très bien fabriquées, se produisent en o m. 70 et en o m. 90. Quelques types de moquette demi-fine pouvant être utilisée en portières ont été également soumis à notre examen. Le Jury, désirant prouver aux Etablissements San Ildefonso qu’il apprécie la valeur des produits exposés par eux, a attribué une médaille d’or à cette vaillante société qui, pour l’ensemble des produits de sa fabrication, accuse, depuis 1897, un chiffre annuel de 12 millions de francs.
- III
- TAPIS JACQUARD FABRIQUÉS EN JUTE OU EN COTON.
- lions CONCOURS.
- MM. Saint frères, à Paris; établissements à Flixecourt (Somme).
- Qui ne connaît cette colossale maison, dont le siège social est à Paris, rue du Louvre, oô?
- Fondée au commencement du siècle, par les trois frères : Pierre, François et Aimable Saint, en vue de la fabrication à la main de la toile d’emballage en fils d’étoupe et de déchets de lin et de chanvre, telle qu’on produisait alors cette toile commune, cette maison, grâce à son habile direction, à son travail persévérant et à son énergie peu ordinaire, est parvenue par étapes successives, en l’espace de ce siècle qui finit, à produire en ses industries diverses mais ayant toutes la matière jute pour base, le chiffre fantastique de .89 millions de francs, chiffre d’affaires du dernier exercice de 1899.
- p.312 - vue 316/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSES D’AMEUBLEMENT.
- 313
- En poids, la consommation de jute et de chanvre pour la fabrication des produits des cinq branches de son industrie a été de 36,975,000 kilogrammes pendant ledit exercice.
- Ce simple aperçu suffit à faire ressortir l’importance de cette puissante maison.
- La maison Saint frères exposait cette année dans dix classes, et faisant partie du Jury de la Classe 81, s’est trouvée hors concours. Si, de ce fait, notre Jury n’a pas eu à juger les produits exposés dans notre classe par MM. Saint frères, et s’est par suite trouvé dans l’impossibilité de leur attribuer une récompense, il n’est pas moins du devoir du rapporteur de rendre compte de l’examen qu’il a fait des lapis et des tissus exposés par cette maison dans son emplacement de la Classe 70, et c’est avec un vif plaisir qu’il s’acquitte de son mandat.
- Les tissus pour ameublement devant être mentionnés plus loin, au cours de ce rapport, nous n'examinerons pour l’instant que les tapis exposés par MM. Saint frères.
- Cette maison, depuis un siècle, est dirigée par la famille Saint. Ces messieurs se succèdent de père en fils. La dernière société constituée en 1890, sous la raison sociale Saint frères, comprend :
- MM. Charles et Jules Saint, officiers de la Légion d’honneur; Guillaume Saint, fils de M. Charles; Henri Saint, fils de M. Jean-Baptiste, chevalier de la Légion d’honneur.
- Ces quatre messieurs sont associés et se sont adjoint comme intéressés dans les affaires de la maison : MM. Maurice et André Saint, fils de M. Charles; Gaston Saint, fils de M. Jules; Pierre Saint, fils de M. Jean-Baptiste.
- C’est en 1879 que MM. Saint frères décidèrent d’adjoindre aux produits déjà fabriqués à l’usine centrale de Flixecourt la fabrication des tapis de jute, ainsi que celle des velours et des tissus d’ameublement.
- Ce fut timidement que tout d’abord se firent ces essais de fabrication du tapis en jute, car la clientèle française, malgré le bas prix auquel s’établissaient ces tapis, se montrait particulièrement rebelle à leur achat.
- Mais MM. Saint frères ne se laissent pas aisément rebuter. Frappés de l’extension que les tapis ainsi produits en jute pourraient donner à leur commerce d’exportation, surtout en s’adressant aux contrées dont les tarifs douaniers sont presque prohibitifs lorsqu’il s’agit d’y introduire la moquette laine, MM. Saint frères dirigèrent leurs efforts vers cette voie qui leur paraissait si intéressante, et, une fois de plus, leur persévérance fut couronnée d’un plein succès. S’étant ingéniés à donner aux fils de jute employés pour leurs tapis des teintures dont la vigueur et l’intensité des nuances ne le cèdent eu rien aux teintures des fils de laine, MM. Saint frères établissent maintenant des produits dont l’aspect soyeux égale et parfois surpasse celui des tapis de moquette laine. La vente de leurs tapis permettant, grâce à leur extrême bas prix, de donner même aux plus humbles, aux moins fortunés, l’illusion d’un certain confort, c’est à cette niasse de consommateurs que s’adresse la production des tapis de jute de MM. Saint frères; ainsi se réalise ce double but : alimentation de métiers mécaniques Jacquard donnant, en même temps qu’un bénéfice à la maison Saint frères, une satisfaction à ceux dont la bourse modeste ne saurait permettre l’achat de somptueux tapis.
- Rien de surprenant donc que, dans l’ensemble des tapis exposés par MM. Saint frères, tant en velouté qu’en bouclé, en jute ou en coton, nous ne trouvions que peu de compositions modernes qui seraient incomprises delà clientèle à laquelle ces tapis s’adressent; mais qu’au contraire les dessins orientaux ou fleurs de fantaisie attirent l’attention par leurs coloris chauds et vigoureux.
- Ces tapis, 011 le sent, sont produits en vue de la vente particulière, spéciale, à laquelle ils sont destinés.
- En moquette jute 4 et 6 grils, MM. Saint frères produisent sur métiers mécaniques à la jacquard, en plus des myriades de foyers i5o sur 70, qu’ils répandent dans toutes les parties du monde, des lapis d’appartement en 70 centimètres de largeur, des escaliers, des passages et des carpettes de 1 ho sur 2 mètres et de 2 mètres sur 3 mètres. Quand j’aurai dit que, pour tout l’ensemble de leurs établissements, MM. Saint frères utilisent une force motrice de 13,275 chevaux; que par jour, leur consommation de houille est de 17/1 tonnes; que leur personnel est composé de 8,700 ouvriers et de
- p.313 - vue 317/484
-
-
-
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- 31A
- i ,200 employés; que leurs îo établissements occupent une superficie de 36 hectares couverts, j’aurai, je crois, fait apprécier à ceux qui l’ignoraient la puissance de cette maison, dont la production annuelle se chiffre par 89,207,000 francs.
- Je me ferai un devoir, en terminant, d’ajouter qu'eu plus des récompenses obtenues par leur maison à toutes les expositions, MM. Saint frères, dont deux sont officiers et un troisième associé chevalier de la Légion d’honneur, ont obtenu pour des ouvriers ayant plus de trente ans de présence dans leurs établissements 3o4 médailles d’honneur du Gouvernement et qu’ils ont, dans un but philanthropique, fondé chez eux des caisses de secours, de retraite, contre les accidents, etc.
- Hors concours aux Expositions de Paris 1878 et en 1889, ainsi qu’à Chicago en 1893, MM. Saint frères ont obtenu un grand diplôme d'honneur à l'exposition d’Amsterdam en 1883, un grand prix à l’exposition de Bruxelles en 1897 et cette dernière Exposition les retrouve une fois encore hors concours.
- MEXIQUE.
- MENTION HONORABLE.
- Compagnie manufacturière Santa Gertrudis, à Orizaba (Etat de Vera-Cruz).
- Dans un angle obscur du palais du Mexique, les produits de cette compagnie manufacturière, en ce qui concerne les tapis annoncés par notre catalogue, étaient pour ainsi dire introuvables. Après maintes recherches, nous avons découvert un meuble vitré de 1 mètre de hauteur sur 1 m. 60 de largeur, des côtés duquel sortait à droite et à gauche une manivelle actionnant une sorte de tourniquet qui, fixé sur un pivot, à l’intérieur dudit meuble, obéissait à l’impulsion de la main, et montrait à chaque mouvement imprimé à la manivelle extérieure un morceau de tapis de 70 centimètres de largeur, tendu en angle aigu entre les tiges de fer dont était formé le tourniquet. Chacun des deux tourniquets pouvait ainsi laisser apercevoir une dizaine d’échantillons. Ces types, autant que nous avons pu les juger à travers la glace peu éclairée de ce meuble, présentaient, au milieu des quelques dessins moquettes jute tissés à la jacquard, en velouté et en bouclé (dessins à 2 et 3 grils qui nous ont paru d’une rare banalité), une variété de tissus en jute armurés, sergés ou nattés, destinés à être utilisés comme escaliers ou passages. Cette démonstration trouvée tout à fait insuffisante par notre Jury ne lui a pas permis d’attribuer à la Compagnie manufacturière rrSanta Gertrudis» une récompense supérieure à la mention honorable.
- IV
- TAPIS DE SPARTERIE ET NATTES DIVERSES.
- Les herbes du sol, le jonc, le chanvre, les bambous, Taloès, le sparte ou alfa sont, avec les fibres du cocotier, les matières premières que, dès les temps les plus reculés, Thomme a utilisées en les appropriant à sa commodité personnelle.
- La natte est, de tous les tapis, le plus rudimentaire et le plus ancien. Si, comme nous le verrons au cours de ce rapport, certains industriels sont parvenus à produire avec ces éléments si primitifs des tapis réellement dignes de .ce nom, nous devons constater que bon nombre de peuples d’Afrique et d’Océanie en sont restés à la fabrication primitive dépourvue d’intérêt, tandis que d’autres, tels que le Japon, l’Indo-Ghine, le Siam, sont arrivés à produire, avec les mêmes éléments, des nattes d’une
- p.314 - vue 318/484
-
-
-
- 315
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- finesse extrême et d’une grande originalité. Nous regrettons vivement que certaines maisons, tant en France qu’en Belgique, qui excellent à fabriquer avec le sparte et l’aloès des tapis aux gros points noués, dont les dessins de coloration chaude rappellent si adroitement l’aspect des tapis d’Orient, nous regrettons, disons-nous, que ces maisons se soient abstenues de nous montrer, à l’occasion de l’Exposition, les produits de cette fabrication qui a tant progressé dans le cours de ces dix dernières années. S’ils nous ont privés de la vue et de l’étude d’un tapis fort intéressant , ils se sont bien certainement privés eux-mêmes d’une récompense qui, en attirant l’attention sur leur maison, n’eut pas manqué de mettre encore plus en valeur leur très originale et très belle fabrication. Leur abstention est donc regrettable à tous égards.
- Dans nos courses à travers les sections étrangères chez lesquelles nous avions à examiner les nattes (produit qui semble, à première vue, laisser bien peu de marge à la fantaisie), nous avons été surpris, en passant dans la section italienne à l’étage du palais de gauche de l’Esplanade des Invalides, de trouver, fixées au mur, une grande variété de nattes coloriées, de composition et d’aspect dont la fantaisie nous a charmés; mais cet exposant appartenait, nous a-t-on dit, à une autre classe que la nôtre; nous n’avions doue qu’à nous incliner et à ne pas juger les nattes produites par ce fabricant il ali en.
- ÉTATS-UNIS.
- MÉDAILLE D’OR.
- Northwestern Grass Twine C°, à Saint-Paul (Minnesota).
- C’est une herbe croissant en abondance dans les plaines marécageuses des Etats de l’Ouest : Mine-sota, Wisconsin, Dakota, etc., qui a donné naissance à l’importante fabrication des divers produits exposés par cette société, dans la section américaine du palais de l’Esplanade des Invalides. La première application industrielle en a été faite, il y a peu d’années, par MM. Wood et Lowry. Elle fut si concluante qu’elle décida la formation de la société actuelle avec un capital considérable.
- Laissant aux classes qui ont eu pour mission d’examiner les cordages, cordes, câbles ou ficelles, le soin de rendre compte des produits de ce genre qui, dans l’emplacement occupé par cette maison, voisinaient avec les tapis et les natte? que nous avons eu à apprécier, nous ne nous occuperons donc (pie de cette dernière production.
- L’herbe qui sert à la fabrication des nattes porte le nom botanique de mire grass, c’est-à-dire ff herbe de fil de fer «. Étant très haute, toute fibre et non creuse, il est évident que, comme matière, elle est plus substantielle et durable que les fibres de paille, qui sont creuses et cassantes. Très fine et très régulière, cette herbe s’enroule sur de grandes bobines et, par sa longueur, facilite son emploi au tissage.
- Assemblées en plusieurs bouts, selon la grosseur de la natte qu’on désire produire, les fibres sont retenues par un fil de coton qu’on retord mécaniquement autour d’elles, et ainsi se trouve constituée la trame qui lait l’élément principal des nattes qui nous ont été montrées. La chaîne est faite de gros coton, et, selon l’ourdissage adopté, produit par son liage en toile avec la grosse trame d’herbe des dispositions ou rayures de tons variés, dont l’effet est vraiment très heureux. Il se produit en ce genre de tapis, coloriés de maintes façons, des foyers frangés de laine en 75 sur i5o et des carpettes de 102 sur 260. Ces dernières du prix de 2 5 franc?.
- p.315 - vue 319/484
-
-
-
- 316
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- La vente s’en fait très largement aux États-Unis où l’on a remarqué que ces nattes, dont l'herbe odorante est hygiénique, peuvent sans aucun inconvénient être lavées et remises aussitôt en place.
- Durant le cours de cette Exposition, la Northwestern Grass Twine G0 à vendu considérablement de ses produits aux nombreux visiteurs qui s’y sont intéressés, car, indépendamment de son emploi pour tapis, cette herbe permet la production de nattes pour tentures murales, et cette dernière application dont nous avons vu le rendement dans le salon occupé par cette société nous a paru des plus intéressantes.
- La Northwerstern Grass Twine C° occupe un nombre considérable d’ouvriers en ses divers établissements de Saint-Paul (État de Minesota), du North Dakota, d’Oshkosh et de West Superior (Etat de Wisconsin).
- Cette Société a été récompensée d’une médaille d’or.
- JAPON.
- MÉDAILLE D’OK.
- M. Isozaki (Takasabiiro), à Okayama.
- L’esprit ingénieux et si inventif des Japonais leur fait trouver, avec des matières premières bien rudimentaires-(le jonc et la paille de riz), le moyen de produire en lapis de nattes des elfets d’une originalité extrême en même temps que d’un goût exquis.
- Sans nous arrêter à ces mille bibelots charmants, si finement et si délicatement exécutés en paille de riz, petits sacs, vases et paniers qui ne concernaient pas notre classe, mais que nous n’avons pu nous empêcher d'admirer, tout en procédant à l’examen des produits que nous avions à examiner, nous mentionnerons, d’une façon toute spéciale, les superbes nattes pour tentures murales et pour sièges que M. Isozaki excelle à fabriquer. Tantôt fabriquées en fond uni paille avec bordure d’encadrement de couleur, tantôt tissées de deux tons paille et noir (le noir formant dessin) ou encore combinées de façon à produire des dessins polychromes, toutes ces nattes, d’une finesse extrême, et dont les dispositions varient à l’infini, dénotent le soin apporté à leur production et ont véritablement charmé non seulement les nombreux visiteurs et acheteurs dont le salon de M. Isozaki était constamment bondé, mais aussi notre Jury, qui n’a pas marchandé ses éloges à l’excellent fabricant de ces intéressants produits. Les nattes pour tapis, bien qu’exécutées en jonc plus gros, mais choisi avec un soin tout particulier, ainsi que le démontre l’extrême régularité de leur fabrication, offraient la même variété dans la combinaison des dessins et des coloris; les lisières en étaient particulièrement soignées et dénotaient que les moindres détails de fabrication sont attentivement suivis par le personnel chargé de la surveillance de cette production. Aussi notre Jury n’a-t-il eu aucune hésitation à attribuer une médaille d’or aux intéressants produits exposés par M. Isozaki.
- MÉDAILLE D’ARGENT.
- Association des fabricants de nattes, à Ohila-Kén.
- C’est pour une série bien assortie de nattes des mêmes genres que ceux dont nous venons de faire mention que cette association a obtenu de notre Jury une médaille d’argent.
- p.316 - vue 320/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- 317
- MÉDAILLES DE BRONZE.
- MM. Koisumi (Kiotaro), à Fukui-Ken;
- IIanato (Hirokiti) et Asô (Sakayé), à Hiroshima-Ken.
- De belles nattes pour tentures murales et d’autres pour tapis ont valu la médaille de bronze à ces trou exposants.
- MENTIONS HONORABLES.
- Association des fabricants de nattes de Minogvn, à Shimanakén; Association des fabricants de nattes de Nomigori, à Ishikawa-kén ; MM. Kodama ( Yajlrô), Koyama (Seibei) et Moriya (Shirô), à Hiroshima-Kén; Société des fabricants de nattes, à Hiroshima; Société des fabricants de nattes, à Nantiku; Société des fabricants de nattes, à Yanagawa; Société des produits de Kiyama, à Saga-Kén; Société des produits de Tikuyo, à Fukuoka-Kéii; MM. Tsutiya (Masnshiro), à Hiroshima-Kén; Yamada (Shozaburô), à Ohita-Kén; Yuta-Ori (Goshigaïsha), h Hiôgo-Kén, et Yana-guida (Guisaburô), à Hiroshima-Kén.
- C’est aussi pour des produits similaires à ceux ci-dessus désignés qu'une mention honorable a été accordée à ces maisons.
- GRANDE-BRETAGNE.
- MÉDAILLES D’ARGENT.
- Archer s, limited, à Wakefield.
- Fondée en 1870 sous la lirmo Jessi Archer et C°, cette maison se transforma en société anonyme en 1896, sous la raison sociale Arciier’s, limited. Elle dispose pour la fabrication des nattes, paillassons, tapis-brosse, dont nous allons signaler l’innovation, de 53 métiers, nécessitant une force de 90 chevaux-vapeur, et elle occupe dans son usine de Weslgate New Mills, à Wakefield, 106 ouvriers. Les produits exposés par cette maison à l’étage de l’annexe de la Société britannique ont ceci de particulier que, contrairement aux paillassons, tapis-brosse fabriqués par leurs concurrents, les fils de chaîne qui généralement sont de la meme matière «aloès ou fibre de cocov , qui fait le velouté de la brosse, sont ici des fils de fer inoxydables qui, étant entrelacés aux extrémités de chaque tapis, empêchent les fils veloutés faisant brosse de s’échapper. Cette innovation, due à M. Archer, double la durée de ces tapis, sans en augmenter sensiblement le prix ; aussi a-t-elle un succès des plus grands près des administrations, chemins de fer, compagnies de navigation, etc. Fabriqués en fibres de cocotier, les lapis-brosse qui nous ont été montrés, soit en fond beige uni, soit à dessins coloriés, nous ont paru réunir tous les avantages revendiqués par la société Archer’s, limited.
- D’autres articles, nattes ou grosses serges pour lapis et passages, étaient exposés dans l’emplacement occupé par MM. Archer’s, limited, et ont paru à notre Jury dignes d’être récompensés d’une médaille d’argent.
- Cette maison n’avait encore pris part à aucune exposition.
- Gn. XII. — Cl. 70.
- 32
- IL NATIONALE.
- p.317 - vue 321/484
-
-
-
- 318
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- S. A. le Rajah de Cociiin (Indes).
- Pour les diverses nattes habilement exécutées avec certaines herbes et des joncs du pays, celte Altesse a obtenu de notre Jury une médaille d’argent.
- SI AM.
- MÉDAILLE D’ARGENT.
- Gouvernement du Siam.
- Dans le gracieux pavillon que le Siam avait érigé non loin de la tour Eill'el, nous avons remarqué quantité de nattes fines, dont la majeure partie se trouvaient suspendues aux cloisons en guise de panneaux décoratifs.
- Bien qu’en elle-même la fabrication de ces nattes soit faite au moyeu de procédés primitifs usuellement, employés par les tisserands indigènes de ces produits, nous avons remarqué de la part de ces derniers un effort, un désir très prononcé de ne pas reproduire éternellement les dessins géométriques que nous avons constates être partout les mêmes, quelle que soit la centrée qui les ait exécutés.
- Ici, il y a comme un parti pris de reproduire sur les nattes, qui sont au Siam d’un emploi si courant, les animaux domestiques les plus familiers. Le cheval, le coq, la chèvre, le lapin, le porc même, sont, en ces nattes fines dont la maille n’excède pas o m. 01 de largeur, tissés en un jonc de couleur naturelle, mais enlevés sur un jonc colorié, dont l’effet est des plus curieux. Quelques autres nattes faites de losanges à tout petits dessins permettent d’apprécier la finesse et la régularité des matières employées à cette production. Aussi, tenant compte de l’originalité des produits soumis à son examen, notre Jury a-t-il attribué au Gouvernement du Siam, pour ses nattes si intéressantes, une médaille d’argent.
- PORTUGAL.
- MÉDAILLES DE BRONZE.
- Commission provinciale d Angola; Commission provinciale de Macao; Commission provinciale de Mozambique.
- Exposition simplement composée de produits usuels et marchands. Les nattes que nous ont soumises les exposants ci-dessus nous montraient, en points plus ou moins fins, les diverses applications du sparte à cette fabrication.
- Ces exposants ont obtenu de notre Jury une médaille de bronze.
- MENTIONS HONORABLES.
- Compagnie du Loabo, à Lisbonne; Compagnie du Nyassu, à Lisbonne; MM. Alves, Pimenta, Sobrinuo et C'% à Porto.
- Ont obtenu une mention honorable pour des produits analogues à ceux ci-dessus désignés.
- p.318 - vue 322/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- 319
- CORÉE.
- MENTION HONORABLE.
- Gouvernement coréen.
- Les nattes fines et demi-fines de fabrication indigène, faites à la main à l’aide des fibres du cocotier, étaient, les unes, tissées d’un seul ton de paille, les autres, tissées à deux tons, et n’ont pas permis à noire Jury d’attribuer au Gouvernement coréen, pour les produits qu’il nous a soumis, une récompense supérieure à la mention honorable.
- CHINE.
- Ainsi que nous l’avons dit précédemment au chapitre traitant des tapis aux points noués, M. le Commissaire général de la Chine ayant exprimé au président de notre Jury le désir de ses nationaux de ne point prendre part au concours, il a été fait droit à sa demande. Nous ne mentionnerons ‘donc que pour mémoire les nattes diverses que la Commission impériale de la Chine du Centre (Shanghaï) et de celle du Sud (Canton) avait envoyées dans ses pavillons et dans ses boutiques de la rue chinoise du Trocadéro.
- ESPAGNE.
- La lettre que M. le marquis de Villalobar, délégué royal d’Espagne, a écrite au président de notre Jury, lettre que nous avons reproduite au chapitre traitant des tapis aux points noués, explique la raison pour laquelle nous n’avons pas eu à juger les nattes en sparte et en jonc qu’avait exposées M. Mora-Vargas (Joaquin), de Badajoz.
- FRANCE. — COLONIES ET PROTECTORATS.
- MADAGASCAR.
- MÉDAILLE D’ARGENT.
- Ecole professionnelle de. Tananarive, à Madagascar.
- Cette école, dont nous mentionnerons plus loin les intéressants tissus d’ameublement produits à l’aide d’une herbe du pays, connue sous le nom de raphia, nous a montré de nombreuses nattes faites en bambou, dont on se sert pour couvrir le sol, ou dont on fabrique les sièges (ou bandes en tenant lieu) des fdanzanes, chaises à porteurs d’un usage si fréquent à Madagascar. C’est pour l’ensemble des produits exposés par cette école que notre Jury lui a attribué une médaille d’argent.
- aa.
- p.319 - vue 323/484
-
-
-
- 320
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- INPO-CHINE.
- MÉDAILLE D’ARGENT.
- Comité local du Cambodge.
- Dans le Palais cambodgien, dont la construction si originale a tant charmé les visiteurs qui ne se lassaient d’en admirer les détails, ainsi que les vastes panoramas du sous-sol, il nous a été présenté une grande variété de nattes faites à l’aide de libres de palmier : certaines d’entre elles étaient d’une extrême finesse ; leur souplesse, égale à celle des nattes que nous avons examinées au Japon, a vivement intéressé notre Jury. Aussi a-t-il accordé une médaille d’argent au Comité local du Cambodge.
- MÉDAILLES DE BRONZE.
- Nattes fines.
- Comité colonial de l exportation, à Saigon.
- Comité local de la Cocuinchine, à Saigon. Nattes épaisses pour tapis.
- Comités locaux du Tonkin, à Bac-Ninli, Casbang, Nin-Binh et Pakha. Nattes demi-fines.
- Protectorat de l An nam.
- Nattes épaisses faites en bambou, pour tapis.
- Ces divers exposants ont obtenu de notre Jury une médaille de bronze.
- Les nattes produites par le Tonkin sont maintenant importées de préférence à celles de Chine par nombre de négociants, en raison de la différence des droits exigés en France, à l’entrée des nattes de provenance chinoise. Aussi nous est-il permis d’espérer que les nattes de nos colonies d’Indo-Chine jouiront d’un succès de plus en plus grand.
- C’est affaire aux producteurs de veiller à la parfaite exécution des nattes qui nous seront envoyées. ÉTABLISSEMENTS FRANÇAIS DE L’OCÉANIE.
- o
- MÉDAILLE DE BRONZE.
- Le prince Hinoi Pomaré, à Papeete (Tahiti).
- Au milieu des nattes assez grossières en usage à Tahiti pour couvrir indifféremment les buttes des habitants ou pour en garnir le sol, nous avons remarqué, en fibres de pandanus, une petite natte
- p.320 - vue 324/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEURLEMENT.
- 321
- carrée dont la matière blanche comme neige était fort adroitement enlacée et produisait un effet soyeux. Ce carré disposé en forme de coussin d’environ 70 centimètres carrés était agrémenté (fait que nous n’avons remarqué nulle part ailleurs) de fleurs en relief, qui lui faisaient une sorte d’encadrement. Ces fleurs, marguerites blanches, de même matière que les fibres formant la natte unie du fond, étaient d’un travail délicat que n’aurait pas renié un très habile vannier de nos contrées. L’effet produit par l’ensemble de ce coussin blanc et soyeux était vraiment charmant. Aussi a-t-il valu une médaille de bronze au prince Hinoi Pomaré, dont les autres produits en nattes étaient dénués d’intérêt.
- MAYOTTE ET COMORES.
- MÉDAILLE DE BRONZE.
- Comité local de l’Exposition.
- Une variété de nattes très fines et coloriées, faites en fibres de palmier par le6 habitants de l’archipel des Comores, a valu une médaille de bronze au comité local de l’Exposition de ces îles africaines.
- NOUVELLE-CALÉDONIE ET DÉPENDANCES.
- MÉDAILLE DE BRONZE.
- Administration pénitentiaire de lile des Pins.
- La fabrication du pénitencier de l’île des Pins, spécialement consacrée au tissage de tapis de spar-lerie et de nattes en joncs et en fibres d’aloès, ne nous a montré que des produits usuels et marchands qui ont été récompensés d’une médaille de bronze.
- SÉNÉGAL.
- MÉDAILLE DE BRONZE.
- Comité central du Sénégal, à Saint-Louis.
- Parmi les tapis de sparterie, faits de joncs ainsi que les nattes très épaisses qui nous ont été montrées , nous avons remarqué certaines nattes dont la fabrication toute particulière est faite de joncs entrelacés de bandes de cuir qui donnent à ces produits une solidité des plus grandes. Dans nombre de ces nattes, ce sont les bandes cuir qui constituent le dessin ou mieux les formes géométriques dont ces tapis sont agrémentés.
- Une médaille de bronze a été la récompense accordée par notre Jury au Comité central du Sénégal.
- SOUDAN.
- MÉDAILLE DE BRONZE.
- Administration du Soudan annexé.
- Grosses nattes en alfa.
- p.321 - vue 325/484
-
-
-
- 322
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- CÔTE D’IVOIRE.
- MENTION HONORABLE.
- Comité local de l’Exposition, à Grand-Bassam.
- Les quelques nattes indigènes grossièrement faites en alfa ont fait obtenir au Comité local de l’Exposition de Grand-Bassam, une mention honorable.
- Quelques produits qu’il nous serait difïicile de classer dans une autre catégorie termineront cette nomenclature.
- SERBIE.
- MÉDAILLE D’ARGENT.
- Syndicat des fabricants d’objets en poils de chèvres, à Vragna.
- En ce qui concerne les produits que nous avions à examiner, ce syndicat nous a montré des étoffes de serge unie très serrée, tramées mohair ; ces étoffes, destinées à être utilisées comme passages ou escaliers, sont exécutées en tons gris, en chiné ou en beige, bordure rouge, et doivent être d’une solidité à toute épreuve. Notre Jury a attribué une médaille d’argent à ce syndicat pour ses produits de fabrication très soignée.
- ÉQUATEUR.
- MENTIONS HONORABLES.
- Mlle Baraiiona (Lœtitia), à Quito.
- Par lettre du 21 juin, M. le Commissaire général de la République de l’Equateur, M. Vor-M. Rendon, attirait l’attention de notre Jury sur les produits exposés par MIlc Baraiiona.
- Nous n’avons pu que louer l’habileté avec laquelle sont exécutés, avec de simples plumes d’oiseaux, les tapis qui nous ont été soumis, et encourager par une mention honorable les lapis en plumes d’oiseaux de .M"0 Barahona.
- Comité d’organisation pour l’Exposition de igoo,& Quito ; MM. Espinosa (Roberto-J, à Quito; M"c Maldon ado (Margarita), à Latacunga; MM. Obando (Thomas), à Lata-cunga; M. Proano (Miquel A.), à Quito; Sous-comité d’organisation pour l’Exposition de igoo, à Latacunga.
- Ces divers exposants ont, pour leurs tapis mélangés de laine, de fibres végétales et de soie, obtenu de notre Jury chacun une mention honorable.
- p.322 - vue 326/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- 323
- TROISIÈME CATÉGORIE.
- ÉTOFFES POUR AMEUBLEMENT.
- Ainsique nous l’avons mentionné plusieurs fois déjà au cours de ce rapport, dès les temps les plus reculés, et bien avant notre ère, les peuples nomades, désireux d’orner les vastes tentes sous lesquelles ils abritaient leurs familles, puis plus tard de décorer leurs temples et les palais de leurs rois, ont ingénieusement approprié, en vue de ces emplois décoratifs, d’abord de simples toiles ornées de broderies polychromes; puis, à mesure que s’affirmait la prospérité de leurs tribus formées en agglomérations compactes, le besoin d’un bien-être plus grand fit s’éveiller en eux et presque instinctivement un besoin de luxe dont nous avons, plus haut, décrit les périodes en en montrant les origines. Nous ne remonterons donc plus le cours des siècles que pour esquisser en une sorte de tableau chronologique la marche progressive des étoffes décoratives, depuis l’époque de la Renaissance jusqu’à nos jours.
- La Renaissance dont le mouvement fut si favorisé en France par François Ier, qui l’importa d’Italie, nous montre que déjà bien avant la fondation de la première manufacture de tapisseries à Fontainebleau par François Ier vers i5ào, les Flandres, depuis Bruxelles jusqu’à Arras, en passant par Audenarde et par Lille, excellaient à tisser les tapisseries. A l’époque, il nous vint d’Italie des maîtres-ouvriers dont l’habileté fut reconnue pour appliquer aux tentures et aux sièges de riches broderies d’or et d’argent sur velours ou sur draps.
- Sous Louis XIII qui introduisit d’Italie en France les somptueux brocarts, un arrêt du Conseil royal du 17 avril 1627 accorda à Pierre du Pont et à Simont Lourdet «la fabrique et manufacture de toutes sortes de tapis, aultres ameublements et ouvrages du Levant, en or, argent, soye, laine », à la condition que, «dans toutes les villes du royaume où les entrepreneurs s’établiront, ils seront tenus d’instruire dans leur art un certain nombre d’enfants pauvres, à eux confiés par les administrateurs des hôpitaux 55.
- Sous Louis XIV, la fabrication des velours dits de Gênes, des soieries brochées et des riches damas de soie, prit à Lyon, à Tours et à Paris même une extension considérable. Leur fabrication faite à l’aide de métiers à la tire, encore en usage chez les Chinois, était dispendieuse et nécessitait le concours de deux et parfois même de trois ouvriers expérimentés.
- A l’aide des mêmes procédés de tissage, les merveilleux lampas brochés firent leur apparition sous Louis XV, et se continuèrent sous Louis XVI, avec les taffetas brochés aux tons changeants qui furent si fort en faveur à l’époque.
- Après la terrible secousse que la Révolution imprima en France, au double point de vue social et politique, l’application de la si ingénieuse mécanique de Jacquard, vers
- p.323 - vue 327/484
-
-
-
- 324
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- 1802, créa clans le monde du tissage une véritable révolution industrielle. Lyon, Tours, Nîmes furent les premières villes de France qui firent l’application de ce système, qui permettait au tisseur d’actionner son métier lui-même et sans le concours d’aucun aide. Ces centres conservèrent le monopole de la fabrication des soieries lancées à plusieurs lats, des velours de Gênes ou de Venise, des brocarts et brocatelles, et des lampèzes, soieries brochées ou spoulinées, en de superbes qualités appliquées à des compositions des styles les plus purs.
- Vers i84o, la région du Nord adopta à son tour la jacquard à ses diverses productions de fantaisie. Ce furent d’abord des damas de laine, des satins chaîne laine à dessins coloriés enlevés par trame laine; puis peu à peu, se familiarisant avec des matières premières encore peu utilisées en leur région, les fabricants produisirent des étoffes mélangées, des damas et des satins soie et laine, ainsi que des reps laine avec adjonction de rayures à dessins enlevés en soie.
- Pendant un laps de temps considérable, ces étoffes, aujourd’hui démodées, suffirent aux demandes du public restreint qui s’offrait le luxe de garnir d’étoffes de fantaisie l’intérieur de ses appartements. Qui de nous, en effet, ne se souvient qu’à l’époque les étoffes unies formaient la base de l’ameublement bourgeois? Les stoffs, ksorte de toile pure laine», les satins laine, les reps laine épinglés, à côtes plus ou moins fines, constituaient avec les velours de mohair uni, dits velours d’Utrechl, dont Amiens possédait le monopole de fabrication, le véritable fonds d’exploitation des fabricants d’étoffes d’ameublement. Jusqu’en 1878, dirons-nous, ces unis, auxquels s’étaient adjoints quelques éléments de pékinacles coloriées par ourdissages, jouirent de la plus grande faveur en France et à l’étranger.
- Dès 1860, Roubaix, pour la fabrication des tissus de robes et des draperies, s’était outillée de métiers mus à la vapeur. C’est vers 1871 que se fit, pour les étoffes d’ameublement, l’application de la jacquard aux métiers mécaniques. Dès lors apparurent une multitude de tissus de fantaisie d’abord mélangés de soie et de laine, puis de laine et de coton ou de coton et de jute, ou enfin composés en chaîne et en trame de tout coton ou de tout jute. Cette extrême variété de tissus produits mécaniquement mit à la portée de tous des étoffes se prêtant, à des prix modiques, à la décoration des mobiliers même les plus modestes ; aussi, dès lors, la fabrication mécanique des étoffes d’ameublement prit-elle en France un essor des plus considérables.
- L’Exposition de Paris, en 1878, révéla au monde entier la puissance industrielle de la France, à peine relevée de ses désastres, et la Classe de l’ameublement tint dans l’ensemble de l’Exposition le rang le plus honorable par les nouveautés dont ses emplacements étaient garnis. Sans parler des ravissantes soieries de Lyon et de Tours, des superbes étoffes de Nîmes, de Paris et de Bohain, la région du Nord avait présenté en de savantes combinaisons de matières de multiples étoffes mélangées où la fantaisie s’alliait au bon goût et permettait la vente, à des prix modiques, de produits simulant la richesse. De parfaites imitations de velours de Gênes, frisés et coupés, des reproductions sur métiers mécaniques de lampas, de soieries, de brocarts, de brocatelles, pa-
- p.324 - vue 328/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- 325
- rurent à l’époque comme une véritable révélation. Dans les prix les plus doux, des étoffes savamment établies en coton, d’autres en jute (matière vulgaire, qui pour la première fois, avait été appliquée à l’ameublement) prouvaient l’ingéniosité des producteurs ainsi que leur initiative inlassable. Les velours unis en lin, en i3o centimètres de largeur (dont nous signalerons plus loin l’extraordinaire développement), firent aussi leur apparition en même temps que les velours jute, qui, imprimés de dessins orientaux, alors en si grande faveur, obtinrent un immense succès, ainsi que les rideaux et les tentures murales tissées en armures diverses avec cette matière, qui jusqu’alors n’avait été utilisée qu’à la fabrication de sacs ou de toile d’emballage.
- L’Exposition de 1889 nous Prouva les innombrables progrès réalisés depuis 1878 dans la fabrication mécanique des étoffes d’ameublement. Lyon, Tours, Nîmes, Bo-liain continuent à produire au tissage à la main les somptueuses soieries et tapisseries qui font leur spécialité et leur réputation universellement répandue, tandis que d’autres centres industriels, Roubaix, Tourcoing, Lannoy, Thizy, maintenant largement outillés de métiers mécaniques, montrent aux visiteurs une étourdissante variété de produits de fantaisie.
- Grâce à l’emploi de schappes pour chaîne en place de l’organsin, et de trames soie tussah, au lieu de trames en soie des Cévennes ou de Chine, l’imitation de riches soieries se fait mécaniquement à des prix des plus abordables et en des dessins de style bien étudié. Dans le genre courant, il se fait en étoffes au mètre, en rideaux, en tapis de table, des articles tout coton dont les dessins, tantôt de styles français, tantôt de genre oriental, sont produits par la superposition de plusieurs chaînes lattées. Leur bas prix est extrême. Dans ces bas prix la note dominante est orientale; dans les genres soieries, les fabricants français se sont ingéniés à reproduire avec adresse de belles compositions de style des époques Louis XV et Louis XVI. Dans les étoffes unies, une immense évolution s’est produite depuis 1878. L’on ne voit presque plus figurer les étoffes de laine telles que reps, satins et damas; le velours de lin en i3o centimètres a pris une place prépondérante au détriment même du velours d’Utrecbt. Grâce à d’ingénieux métiers permettant le tissage mécanique rapide, deux pièces se fabriquent à la fois et permettent d’établir ce soyeux article, si répandu en France et à l’étranger, à des prix inconnus jusque-là. La teinture du velours de lin se fait sur écru et donne toute facilité au producteur de satisfaire promptement aux besoins de la vente. Voilà où en était en 1889 la fabrication des étoffes d’ameublement.
- L’Exposition de 1900 nous démontre que les onze dernières années ont été mises à profit par nos fabricants français, car malgré l’abstention de certains importants industriels dont nous aurions aimé voir figurer les produits dans notre classe (et de ce nombre nous citerons M. E. Leduc, de Paris, M. Patricot, de Thizy, MM. Camille Leroux et frères, MM. Bergerot et Dupont, de Roubaix, MM. Parent et Desurmont, de Lannoy, MM. Deffrennes-Duplouy, de Lannoy, M. Camille Descheemaker, de Tourcoing, etc.), malgré l’abstention de ces industriels, disons-nous, les produits que nous ont présentés les exposants de notre Classe 70 témoignent de réels progrès. Ils nous prouvent que,
- p.325 - vue 329/484
-
-
-
- 326
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- malgré les barrières presque infranchissables que certains pays étrangers par leurs tarifs douaniers si élevés ont opposées à l’exportation des étoffes de nos producteurs mécaniques, ces derniers ont encore développé leur outillage et forcé pour ainsi dire le passage des marchandises françaises à l’étranger, en appropriant à leur fabrication des combinaisons de matières propres à en faire accepter largement la vente à l’exportation.
- Des imitations de soieries faites pour tentures murales en coton mercerisé (c’est-à-dire manipulé de façon à donner au coton l’aspect de la soie) ont puissamment aidé à l’entrée de nombre de nos produits aux Etats-Unis, par exemple. Des mélanges de matières telles que la soie et le coton mercerisé ou simili-soie ont aussi permis d’établir à des prix fantastiques des imitations de soieries des plus intéressantes. Une innovation des plus heureuses, mise en vigueur dès 1891, par la maison F. Vanoutryve, de Roubaix (grand prix de cette Exposition, dont nous nous entretiendrons plus loin), a, nous pouvons l’affirmer sans crainte d’être démenti, causé une véritable révolution dans le mode de production des étoffes de tapisseries, non seulement en France, mais à l’étranger.
- Alors qu’en 1889, déjà, l’on utilisait à la production des étoffes d’ameublement bon marché plusieurs chaînes coloriées dont les effets de flottés rendaient seuls les dessins polychromes, les trames n’intervenant en ce cas que pour lier les chaînes et produire par places quelques effets de repos, l’innovation à laquelle nous faisons allusion permet, au moyen de combinaisons de chacune des chaînes d’un dessin de tapisserie (et il y a parfois quatre, cinq et même six chaînes de couleur) avec les deux, trois ou quatre trames que Ton veut employer, selon la richesse du dessin à produire, cette innovation permet, disons-nous, de tisser mécaniquement à la jacquard des étoffes dont la richesse est surprenante et la rapidité d’exécution très grande. Si nous ajoutons à cela que, dans le but de vulgariser l’emploi de ces étoffes ainsi produites et de les rendre accessibles à l’exportation, nos fabricants les ont bien souvent exécutées en tout coton, nul ne sera étonné du prix si extraordinairement bas auquel depuis neuf ans nous les voyons en vente.
- Des verdures, très fidèles reproductions d’anciennes tapisseries des Flandres; puis, des scènes d’intérieur, des kermesses flamandes d’après Teniers, des boscaiges, comme les désignent les inventaires des archives communales de Lille au xvn° siècle, furent tout d’abord exécutées en cette étoffe tapisserie nouvelle et jouirent d’un succès sans précédent, en raison de leur aspect de richesse allié à la modicité de leur prix; leur facile adaptation aux tentures murales, aux rideaux et aux portières fit même, à certain moment, concurrence aux étoffes imprimées, de qualité courante. Puis, progressivement, familiarisés avec les ressources à tirer de ces mélanges des chaînes et des trames, et en cela admirablement secondés par d’habiles artistes dessinateurs industriels fort au courant des multiples complications de cette fabrication, nos industriels abordèrent avec ce mode de production les genres les plus délicats et les plus décoratifs. Des panneaux de toutes dimensions reproduisirent à des prix inconnus jusqu’alors de véritables tapisseries, les unes représentant des sous-bois et des sujets de chasse , les autres des sujets
- p.326 - vue 330/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- 327
- historiques ou mythologiques, d’après les tableaux de nos anciens maîtres, puis, peu après, des compositions modernes, dues à des artistes de talent séduits par les tendances rénovatrices d’un art ornemental nouveau dans ses applications.
- Parmi les artistes dessinateurs industriels dont les connaissances techniques de la fabrication ont rendu les plus grands services à la création et à la production de ces si intéressantes étoffes, nous citerons, en toute première place, MM. Arthur Martin et Couder, qui, les premiers, mirent au jour de superbes compositions de verdures anciennes, dont certaines jouissent encore d’une vogue bien méritée. Ils furent suivis de près par M. Prosper Tetrel et par M. Gustave Besson dont les nombreux sujets pour panneaux furent très appréciés et connurent la vogue la plus grande.
- Nombreux sont les autres dessinateurs industriels qui suivirent ce mouvement de rénovation; ne pouvant les citer tous, nous donnerons une mention particulière à MAL Gros-Renaud, Ruepp, Aubert, Sins, Forrer, Stiers et Dupont, etc., dont les travaux ont aidé nos industriels dans la production de ces nouveautés.
- Une mention toute spéciale doit avec juste raison, selon nous, être faite du nom de certains artistes peintres qui n’ont pas dédaigné d’apporter, avec le concours de leur talent, une collaboration effective aux productions industrielles de nos fabricants : de ce nombre sont MM. Ghéret, Grasset, Lionel Péraux, Karbowsky, etc., dont nous aurons occasion de signaler les compositions modernes pour panneaux en tapisserie, en mentionnant les produits des exposants qui les ont exécutées.
- Cette ingénieuse combinaison des chaînes et des trames entre elles, dénomméefar-dage et utilisée en des réductions de chaînes très serrées, permet au fabricant qui consent à faire les frais de ces montages dispendieux l’application de trois, quatre et même six machines Jacquard sur un métier mécanique ; par suite, il lui est possible de produire des tapisseries dont les sujets sont rendus avec une finesse de détails, et les figures des personnages avec un bonheur d’expression dont on n’eût pas cru possible l’exécution au moyen de procédés mécaniques.
- Basées sur ce même procédé, nous voyons dans les vitrines des exposants de notre classe nombre d’autres étoffes en lesquelles le dessin enlevé tantôt sur fond coton, tantôt sur de jolis fonds soie, permet, au moyen du fardage des chaînes et des trames, des enlèvements de tons parfois vifs, parfois rompus, du plus séduisant effet. Les compositions sont des plus variées et, hâtons-nous de le dire, l’art moderne tient en ces produits une large place dans notre Classe 70, car, s’il a des détracteurs, le goût moderne, par contre, a aussi bien des adeptes, et le fabricant intelligent doit s’assurer te concours de tous et produire, selon la demande, ou de l’ancien ou du moderne, s’il veut satisfaire au goût de tous les marchés.
- Si nous nous sommes si longuement étendu sur cette fabrication à fardages, c’est quelle constitue la plus importante innovation qui, de longue date, ait été apportée à la production des étoffes d’ameublement de qualités courantes et quelle marque d’un trait saillant l’étape franchie dans la voie du progrès, depuis 1889, parla fabrication mécanique des tissus pour meubles les plus répandus à l’exportation.
- p.327 - vue 331/484
-
-
-
- 328
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- Parmi les nombreux autres produits qui ont attiré notre attention, nous signalerons, en rendant compte de l’examen que nous en avons fait, les plus intéressants de ceux de chacun des exposants de notre Classe 70. D’ores et déjà, nous dirons toutefois que notre Jury a constaté avec regret qu’en ce qui concerne les dessins et les coloris produits en étoffes mélangées, depuis 6 francs, dirons-nous, jusqu a i5 et 18 francs le mètre, en i3o centimètres de large, nos producteurs mécaniques paraissent s’être tous inspirés des mêmes documents ; d’où une sorte de fâcheuse monotonie dans Tensemhle de leur exposition. L’on sent que chacun d’eux vise la même vente, la même clientèle, les mêmes débouchés, et que tous n’osent que timidement encore tenter de s’affranchir des styles de convention toujours demandés par certaine clientèle, mais dont d’autres ne veulent plus se contenter pour des articles de ces prix moyens.
- Pour satisfaire aux demandes de compositions modernes faites par certains de leurs clients, nous avons bien remarqué que nos fabricants ont exposé maintes étoffes affirmant ces tendances nouvelles; certaines de ces productions témoignent même de très louables efforts et montrent le commencement d’une évolution qui s’affirme. Nous devons prendre la tête du mouvement, si nous ne voulons nous laisser distancer par d’autres nations dont les nombreuses écoles de dessin et d’art industriel forment dans cette voie de recherches toute une nouvelle génération, sous l’habile direction d’artistes de grand mérite, ainsi que nous avons eu occasion déjà de le démontrer, en rendant compte des produits exposés cette année par certaines nations étrangères. Mais à côté de tant d’étoffes produites mécaniquement dont la variété s’étend à tous les genres, nous avons remarqué, avec une vive satisfaction, que la fabrication faite au moyen de métiers à bras a, elle aussi, amélioré son outillage et perfectionné ses procédés de fabrication.
- Qui n’a remarqué ces admirables velours de Gênes, dignes de figurer dans les vitrines lyonnaises de la Classe 83, et exposés par les maisons Cornille frères, Félix Vanou-tryve, Marie Lévy et Lauer, Combé et Delaforge, etc.?
- Qui ne s’est extasié devant la production qui s’en faisait à l’Exposition même, sur des métiers modèles, véritables bijoux, montés par d’habiles tisserands? MM. Cornille frères, d’une part, et Marie Lévy et Lauer de l’autre, les ont fait fonctionner durant toute l’Exposition pour l’admiration des nombreux visiteurs qui s’extasiaient devant ces procédés de tissage qui leur étaient inconnus, comme aussi pour l’instruction des connaisseurs qui étudiaient ces savantes et ingénieuses combinaisons de montages permettant de vaincre les difficultés d’une fabrication aussi compliquée que celle d’un velours de Gênes, trois corps avec fond satin sur lequel couraient des fleurs et feuillages produits par des lancés de trames, indépendants du fond.
- Dans des vitrines bondées de somptueuses étoffes de soie, que de délicieuses créations n’avons-nous remarquées ? A côté des soieries affirmant les tendances modernes, des lampas lancés et brochés, des brocarts, des brocatelles voisinaient agréablement avec des soieries composées d’applications et de broderies d’une délicatesse extrême affectant les styles les plus purs et empreints du plus grand cachet d’élégance ; d’autres nous montraient de très originales applications de broderies sur des étoffes de soie
- p.328 - vue 332/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- 329
- préalablement tissées à la jacquard et disposées spécialement en vue des broderies qui en complétaient agréablement les dessins. Ces étoffes étaient désignées « brochés-brodés ». Il n’est, enfin, jusqu’aux étoffes unies qui, en ces soieries, ne nous aient révélé l’ingéniosité de producteurs toujours en éveil. Nous voulons signaler parmi ces unis «la ve-loutine», étoffe qui, par la combinaison du tissu, permet sur une même chaîne des effets irisés et nacrés, et l’« arc-en-ciel » obtenu en ce même tissu, sur chaîne blanche, au moyen d’effets de trames ayant nécessité l’emploi de deux cent vingt-cinq nuances ou combinaisons de nuances.
- De ces étoffes, comme de celles des fabriques de MM. Henri Simon (de Bohain), Saurel frères et Bertrand Boulla (de Nîmes), Combé et Delaforge (de Tours), nous donnerons un compte rendu détaillé un peu plus loin, en mentionnant les récompenses obtenues par ces diverses maisons.
- Nous verrons également plus loin les superbes produits exposés en tissus imprimés par MM.Besselièvre fils (de Rouen), à qui notre Jury a attribué un grand prix.
- Les broderies de M. Deforge, de M. Maxime Clair et de M. Béraud, qui donnaient un si beau relief à notre classe, feront l’objet de notre examen, de même que les tissus de crin dont M. J. Godet nous a montré de si intéressants spécimens.
- Mais si nous avons tenu à mentionner tous ces divers produits avant d’en aborder l’examen, c’est que nous.sommes fiers de pouvoir démontrer que, quoi qu’on ait pu dire de nos industries décoratives, l’Exposition de 1900 aura prouvé au monde entier que la France n’a pas dégénéré depuis 1889 et quelle tient encore le premier rang dans ces productions qui ont pour base la clarté des dessins, l’élégance, le charme et le bon goût.
- Nous relevons dans une statistique qui fut faite en 1898, les chiffres suivants :
- La production des tissus pour meubles en ne comptant ni les tissus de soie de Lyon, ni les tissus imprimés de Rouen et des Vosges, est de 85 millions de francs, dont 35 millions pendant la même année ont été à l’exportation.
- Cette production, en mettant à part celle de Lyon, de Rouen et des Vosges, peut s’évaluer dans la proportion suivante :
- I' pure laine... tout coton.. . coton et jute. laine et coton soie et coton. soie et laine.. pure soie.. . .
- L’exportation donnerait les résultats suivants :
- / pure laine......................................................... 5 p. 100
- l tout coton........................................................ 18
- 1 coton et jute..................................................... i5
- Tissus/ laine et coton...............,................................... 2
- j soie et coton..................................................... 43
- I soie et laine...................................................... 5
- \ pure soie......................................................... 12
- 7 p. 100 i4
- 16
- 5
- 37
- 8 i3
- p.329 - vue 333/484
-
-
-
- 330
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- Ces chiffres établissent que notre exportation, clans chacune de ces catégories d’étoffes, est sensiblement égale à la consommation intérieure de ces mêmes étoffes.
- Les principaux pays d’exportation sont : l’Angleterre et ses colonies, l’Amérique du Sud, l’Amérique du Nord, l’Allemagne, la Belgique, la Hollande.
- La production d’un métier pour tissus d’ameublement varie suivant la largeur et le montage du tissu. La mécanique Jacquard ou d’armures, les jeux de lames, le nombre et le changement de trames, la réduction du point, les spoulins, les brochés, l’adaptation de plusieurs mécaniques Jacquard à un seul métier, sont autant d’éléments qui compliquent sa marche.
- La production moyenne annuelle d’un métier est estimée à 5,ooo francs environ. Il y a en France 17,000 métiers tant mécaniques qu’à bras, tissant les étoffes pour meubles. Les salaires des ouvriers, soit pour les métiers mécaniques, soit pour les métiers à main, sont relativement élevés.
- Les fabricants de la Picardie ont trouvé des auxiliaires précieux dans les artisans de cette province qui, jusque-là,produisaient les châles brochés et façonnés; ils ont pu adapter leurs métiers (qui sont leur propriété) au tissage des étoffes pour meubles.
- Au moment de rendre compte de l’examen des produits des exposants de notre Classe en étoffes pour ameublement, nous croyons intéressant de signaler (de même que nous l’avons fait pour nos fabricants français) l’abstention de certains industriels étrangers d’importance notoire. Leurs produits, bien connus de leurs concurrents français, qui les rencontrent sur les marchés étrangers, auraient été chez nous les bienvenus ; outre qu’ils auraient contribué dans une large mesure à l’éclat de leurs sections respectives, ils auraient permis aux visiteurs, ainsi qu’à notre Jury, des points de comparaison qui, pour tous, auraient été des plus instructifs.
- Les somptueuses étoffes d’ameublement genre Lyon, envoyées par le Japon, la Russie, l’Italie, l’Allemagne et l’Angleterre ( cette dernière nation représentée par l’intéressante maison Warner and sons) ayant été exposées au palais du Champ de Mars, où elles relevaient de la Classe 83, notre Jury n’a pas eu à les juger, mais, dans les étoffes mélangées qui étaient du ressort du Jury de notre Classe, nous avons remarqué diverses abstentions regrettables que nous croyons de notre devoir de signaler.
- Pourquoi, par exemple, les Etats-Unis d’Amérique, dont les fabricants travaillent sous la protection de droits de douane ultra-protecteurs, ne nous ont-ils pas montré les étoffes produites par des maisons de l’importance de MM. Cheeney brothers, de New-Manchester (Mass.); Stead et Miller, de Philadelphie; Hoyle, Harrison and Kay, de Philadelphie; Orinoka Mills, de Philadelphie? Car enfin les seuls produits américains qui nous aient été montrés par la maison Sloane (dont l’importance est pourtant colossale), deux rideaux de style rococo, fond satin shappe crème et trois trames tussah coloriées, ont produit sur notre Jury une impression fâcheuse que n’eût pas manqué de dissiper la présentation de la variété d’étoffes que les fabricants des Etats-Unis produisent aujourd’hui dans de très importantes usines mécaniques, concurremment à nos fabricants français et à ceux de tout le continent.
- p.330 - vue 334/484
-
-
-
- 331
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- L’Allemagne aurait pu, dans nos genres courants, nous montrer aussi les productions de MM. Julius Schmidts et Cie, d’Elberfeld; Stumpf, Gross et Cie, d’Elberfeld; Vogel et Cie, de Ghemnitz ; Karl Durfeld, de Bielefeld. Ces maisons produisent, les unes, de très intéressantes brocatelles et soieries diverses, les autres, des velours lin tissés mécaniquement à double pièce; d’autres enfin, en moquette fine pour meubles, des variétés intéressantes en toutes matières, laine, ramie, coton et jute.
- D’Angleterre, nous aurions aimé voir les productions de MM. Holdsworth et C‘e, d’Halifax; Mc Créa, d’Halifax.
- De Belgique, les maisons telles que M. Jansens de Decker, de Saint-Nicolas; Mrae Vve Becker et C,e, de Gourtrai, auraient également été examinées avec le plus grand intérêt par notre Jury.
- D’Autriche enfin, la très importante maison Philippe Haas, de Vienne, qui ne nous a, en Hongrie, montré qu’un très joli brocart de soie et d’or, aurait pu, elle aussi, nous envoyer d’autres fort intéressants produits.
- Ayant ainsi signalé des absences que nous regrettons vivement, il nous reste à remercier les nombreux exposants qui ont répondu à l’appel de la France et dont nous allons maintenant passer en revue les produits qu’ils nous ont présentés.
- Pour la grande variété des étoffes pour ameublement que nous avons à examiner, nous avons adopté le classement suivant :
- I. Tissus unis et classiques. Velours pannes, peluches, unis ou façonnnés.
- IL Tissus de crin. Unis et à la Jacquard.
- III. Tissus mélangés. Fabriqués à la Jacquard.
- I V. Tissus imprimés.
- V. Tissus brodés. Brochés-brodés, passementeries.
- VI. Toile peinte. En imitation de tapisserie.
- I
- TISSUS UNIS ET CLASSIQUES.
- (velours, pannes, peluches, unis ou façonnés.)
- FRANCE.
- HORS CONCOURS.
- M. Cuanee (Léon) et 0% à Paris.
- Cette maison, qui compte plus de cinquante années d’existence, marquées de progrès incessants, nous a montré, dans un emplacement très harmonieusement disposé, une grande variété de velours d’Utrecht, pannes, peluches et velours de lin, produits par sa manufacture d’Amiens et répandus par elle dans le monde entier.
- p.331 - vue 335/484
-
-
-
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- 33'2
- Sa puissante organisation en fait une maison de tout premier ordre; aussi l’ensemble de ses opérations nécessite-t-il un très nombreux personnel, qu’on peut évaluer à près de 5oo employés et ouvriers.
- Outre la maison mère, qui a siège à Paris, rue de Cléry, 25, de nombreuses succursales établies de longue date à Lyon, Bordeaux, Marseille et Toulouse lui ont assuré, près de la clientèle de province aussi bien que près de celle de Paris, une réputation justement acquise et pleinement méritée.
- Des agences établies à Alger, Londres, Berlin, Madrid, Turin, Bruxelles, Amsterdam, New-York ont largement aidé à faire connaître et apprécier à l’étranger la supériorité de la fabrication française et ont ainsi contribué, dans la plus large mesure, à l’expansion du commerce français à l’exportation.
- Depuis plus de trente ans, MM. Léon Ghanée et Cic ont appliqué la participation aux bénéfices ; aussi cette maison s’est-elle attaché un personnel d’élite, composé de collaborateurs actifs, intelligents et dévoués.
- Dans le but d’intéresser le visiteur à cette fabrication du velours d’Utrecht dont Amiens eut si longtemps le monopole, la maison Léon Ghanée et Cie avait installé, dans son exposition meme, un métier sur lequel un de ses bons ouvriers n’a pas cessé de travailler pendant toute la durée de l’Exposition.
- Divers cylindres gravés sur cuivre et servant au gaufrage des velours ont été également montrés par la maison L. Chanée et G1C, afin de donner une leçon de choses au public et de l’initier ainsi aux diverses manipulations du produit.
- Nous sommes heureux de pouvoir, en terminant cet énoncé si succinct des mérites de la maison L. Chanée et Gie, adresser à son vaillant chef, M. Léon Ghanée, toutes nos félicitations à l’occasion de la distinction honorifique que, par décret du 18 août, M. le Ministre du commerce lui a attribuée. La croix de chevalier de la Légion d’honneur a dignement récompensé les efforts que, dans sa brillante carrière industrielle et commerciale, M. L. Ghanée n’a cessé de faire pour le bien de l’industrie française. Titulaire de nombre de récompenses, M. Chanée a été président du Jury de la Classe de l’ameublement à l’Exposition de Lyon 189Ô, a obtenu le diplôme d’honneur à l’Exposition de Bruxelles 1897 et était secrétaire du Jury de notre Classe à l’Exposition de Paris 1900.
- Aussi est-ce au nom de tous ses collègues que le rapporteur prie M. Léon Ghanée de recevoir le sincère témoignage Se la vive satisfaction que leur a causée la haute distinction dont il a été l’objet.
- MM. Motte-Bossut fils, à ^Roubaix.
- C’est en qualité de membre du Jury de la Classe 80, dont M. Georges Motte était le secrétaire, que la maison Motte-Bossut fils figure en notre Classe parmi les exposants hors concours.
- Cette maison, dont l’importance est considérable, ne s’est outillée qu’en 1897 de métiers mécaniques en vue de la fabrication des étoffes pour ameublement. Nous aurons à signaler plus loin les produits de sa fabrication en tissus de fantaisie faits à la Jacquard ; nous n’examinerons ici que sa production en velours.
- Quelques mots d’abord sur l’origine de la maison Motte-Bossut fils. C’est en 1841 que M. Louis Motte-Bossut père fonda la Société si honorablement connue sous le nom de Motte-Bossut et C,c. S’étant limité d’abord à la filature de coton dont il fit ériger à Roubaix la plus importante de la région, M. Motte adjoignit plus tard à sa filature le tissage du velours de coton genre Amiens, et lorsque en 186g se forma, sous la raison sociale actuelle, la maison Motte-Bossut fils, elle fut constituée par quatre des fils de M. Motte-Bossut : MM. Léon, Louis, Georges et Edouard Motte qui s’associèrent entre eux.
- Animés d’une activité dévorante, ces jeunes associés donnèrent à l’industrie fondée par leur père
- p.332 - vue 336/484
-
-
-
- 333
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- la plus intelligente et la plus vive impulsion. Ils augmentèrent leur filature de coton (qui compte aujourd’hui 70,000 broches), ils accrurent considérablement le nombre de leurs métiers mécaniques tissant le velours coton en leur usine de Leers (Nord) [usine qui comprend actuellement 1,000 métiers]. Ils fondèrent avec les outillages les plus perfectionnés une filature de laines fines, genre Alsace, qui compte aujourd’hui 20,000 broches. Puis ces messieurs implantèrent à Roubaix le tissage, la teinture, la coupe et les apprêts des velours satinés, velvets façon soie dont le succès est considérable ; enfin, en 1897, ils décidèrent la construction d’une usine spéciale à la fabrication des étoffes pour ameublement (usine qui compte actuellement 187 métiers mécaniques des modèles les plus récents et les plus perfectionnés). Cet outillage permet d’atteindre un chiffre d’affaires de 1,200,000 francs environ.
- Cette maison comprend donc : filature de coton, filature de laine, tissage et fabrique de velours d’Amiens, tissage de cretonnes (ces messieurs sont fournisseurs des ministères de la guerre, delà marine et des colonies), fabrique de velvets, velours de coton façon soie, avec tissage, coupe, teinture et apprêts, et enfin le tissage en lequel se fabriquent les étoffes d’ameublement.
- Répartie entre leurs différentes usines, la force totale qui actionne leurs nombreux métiers est de 3,200 chevaux. Le nombre des ouvriers occupés par ces messieurs s’élève à 2,000 et le chiffre total de leurs productions diverses s’élève à 12 millions de francs par an.
- L’on conçoit aisément qu’ainsi armés pour la lutte MM. Motte-Bossut fils aient pris la détermination de réserver dans leur fabrication d’étoffes pour ameublement une place à la production des velours pour meubles. Leur filature de coton leur ayant permis d’établir à des prix rationnels les velours coton dont, depuis nombre d’années, nous avons vu l’intéressant emploi pour dessins imprimés , ces messieurs trouvèrent de ce côté une agréable diversion aux velours de coton à côtes genre Amiens, et en développèrent la production. Leur vitrine de la Classe 70, bien que montrant plus spécialement les étoffes de fantaisie à la Jacquard, nous a donné la vue d’une variété de ces velours teints en toutes nuances : elle nous a prouvé, en outre, que MM. Motte ont adjoint à cette fabrication une production de velours de lin en 13o centimètres de largeur, fabriqués à double pièce sur métiers mécaniques des derniers modèles. Bien que celte fabrication n’ait pas encore pris chez MM. Motte-Bossut fils l’importance qu’ils se proposent de lui donner, les nombreux spécimens qui nous ont été soumis en coloris variés nous ont démontré par les soins apportés à cette production que l’ingrate période des débuts est franchie et que les velours lin que ces messieurs nous ont présentés en foutes qualités peuvent rivaliser avec ceux de leurs concurrents les plus directs.
- Par suite de l’éclairage si défectueux de notre Classe, en général, la vitrine de MM. Motte-Bossut fils, à certaines heures delà journée, ne permettait malheureusement pas de distinguer ces velours unis exposés en tentures décoratives fixées sur la cloison qui faisait le fond de leur emplacement.
- En attendant que nous signalions plus loin les étoffes de fantaisie produites par MM. Motte-Bossut fils, disons que leur maison a obtenu : une médaille d’argent à l’Exposition de Paris 18A9 ; une autre médaille à Londres en i85i, une médaille de irc classe en 1865, puis, qu’en suite de l’Exposition de Londres, en 1862 , M. Motte-Bossut père fut nommé chevalier de la Légion d’honneur; que l’Exposition de Paris, en 1867,.le récompensa d’une médaille d’argent, celle de Paris en 1878, d’une médaille d’or et, qu’enfin, pour l’introduction en France de nouveaux procédés de fabrication, la Société industrielle du département du Nord attribua à MM. Motte-Bossut fils sa grande médaille d’or, récompense la plus haute que cette Société puisse accorder à un industriel.
- MM. Saint frères, à Paris et à Flixecourt (Somme).
- Nous avons relaté déjà, en rendant compte des moquettes de jute fabriquées mécaniquement à la jacquard par cette si importante maison, que c’est du commencement du xxx' siècle que date la fon-
- Gr. XII. — Cl. 70. 2.3
- IMPRIMERIE NATIONALE.
- p.333 - vue 337/484
-
-
-
- 334
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- dation de la première Société Saint frères, depuis lors continuée de père en fils et sans interruption sous la même raison sociale.
- Sa fabrication ne comprit tout d’abord cpie la production, à l’aide de métiers à bras, de la toile d’emballage en fils d’étoupes et de déchets de lin et de chanvre, telle qu’on faisait cette toile commune au début de ce siècle.
- En 1825, ces messieurs occupaient à cette fabrication quelques centaines d’ouvriers ruraux. En i84o et 1845, ils commencèrent à tisser le jute pour remplacer le lin et le chanvre. En 1857, ils fondèrent à Flixecourt (Somme) le premier tissage mécanique de jute en France. En 1861, ils fondèrent la première filature de jute, afin d’obtenir un fil établi spécialement en vue de son emploi au tissage mécanique.
- Depuis lors, chaque année montre l’accroissement progressif et réellement fantastique de cette importante maison.
- Pour les tissus qui concernent notre Classe, nous avons dit déjà que c’est en 1879 que MM. Saint frères ont adjoint à leurs tissages de toiles pour emballage et pour sacs celui de jute pour ameublement.
- Depuis lors, MM. Saint frères ont donné à cette fabrication un extraordinaire développement. Ce fut d’abord la production de ces multiples armures dont l’emploi se généralisa pour rideaux, portières et pour tentures murales. Tantôt vendues en écru, tantôt recouvertes de dessins imprimés sur l’étoffe, ces armures jute trouvèrent aisément de vastes débouchés : l’exportation les accueillit avec la plus grande faveur.
- Puis ce fut la fabrication du velours de jute que MM. Saint frères adjoignirent à la production des articles déjà cités.
- Ce velours de jute a été, de la part de ces Messieurs, l’objet des soins les plus attentifs, et l’on peut affirmer que la fabrication qu’ils en font est des plus intéressantes en même temps que des plus importantes.
- Grâce à des procédés mécaniques perfectionnés, MM. Saint frères tissent le velours de jute, simple ou double face, sur métiers tissant deux pièces à la fois. Cette fabrication s’adresse aux divers emplois suivants : tapis de table, portières, tentures murales, imprimés ou teints.
- Ces velours qui, il y a huit ans à peine, valaient, en écru, de 6 à 7 francs le mètre en i3o centimètres de large, ne trouvaient à ce prix qu’une consommation restreinte ; par suite d’améliorations apportées à leur matériel de fabrication, MM. Saint frères arrivent aujourd’hui à les produire à raison de : 2 fr. 5o le mètre de velours jute simple face ; k francs le mètre de velours jute double face.
- Aussi la vente de ces velours s’est-elle considérablement développée en France, et surtout à l’étranger, où ce produit est des plus appréciés.
- L’exposition que la maison Saint frères a faite de ces velours jute nous a permis d’apprécier le soyeux de la matière employée à sa fabrication, de même que la perfection du tissage de cet article dont de nombreux spécimens en coloris harmonieusement disposés étaient étalés dans l’emplacement occupé .par MM. Saint frères.
- En plus de velours de jute, MM. Saint frères fabriquent aussi, à l’aide de métiers mécaniques tissant deux pièces à la fois, le velours lin en i3o centimètres. Ce genre de velours, dont la vogue est persistante bien qu’atténuée par celle du velours coton, était représenté, dans l’exposition de cette maison, par une grande variété de ces tentures aux reflets soyeux, dont deux grandes démonstrations nous montraient un riche assortiment de nuances.
- Parmi les produits exposés en tissus de jute et de jute et coton, nous avons remarqué nombre de dessins imprimés, dessins de fantaisie pour la plupart, et traduits en tous coloris. En velours jute imprimé, le panneau exposé au Centre de ce salon était d’une heureuse composition en tant que dessin de fleurs, mais la coloration en était malheureuse. Les tons durs, trop heurtés, employés à son impression, manquaient d’harmonie; aussi notre Jury a-t-il trouvé que ce panneau central nuisait à l’ensemble si intéressant de cette exposition.
- p.334 - vue 338/484
-
-
-
- 335
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- Bref, le développement de l’ensemble des tissus d’ameublement chez MM. Saint frères est tel que les prévisions pour la prochaine saison ont amené ces messieurs à décider le montage, à bref délai, de 5o métiers mécaniques supplémentaires en ces articles.
- Nous avons mentionné au chapitre Tapis les distinctions honorifiques ainsi que les nombreuses et hautes récompenses obtenues par MM. Saint frères à toutes les expositions auxquelles ils ont pris part.
- Enfin, quand nous aurons rappelé que le dernier exercice (1899) a Pr0UV(- que MM. Saint frères ont consommé, en un an, 36,975,000 kilogrammes de jute et de chanvre pour la fabrication de leurs divers produits, nous croirons avoir suffisamment démontré l’importance de celle colossale et puissante maison.
- grand; prix.
- MM. Vanoutryve (Félix) et C'\ à Roubaix (Nord)».
- C’est de 1860 que date la fondation de cette maison qui, rapidement arrivée à un grand développement, se trouve aujourd’hui placée, comme importance de production et chiffre d’affaires, à la tête de l’industrie des tissus d’ameublement, tant en France qu’à l’étranger.
- La société actuelle, établie sous la même raison sociale, date de 1880. Elle est composée de M. Félix Vanoutryve, fondateur de la maison en 1860, de MM. Edouard et Emile Rasson, tous deux associés en 1880, et de M. Auguste Vanoutryve, entré dans la même association en i88à.
- Indépendamment de l’extrême variété d’étoffes de fantaisie fabriquées à la jacquard, dont nous ferons mention plus loin, nous devons signaler ici l’extension considérable que, dès sa fondation, cette puissante maison donna à la fabrication des tissus unis et classiques.
- Nous ne rappellerons que pour mémoire la vogue extraordinaire dont jouissaient à l’époque les lainages unis pour meubles, tels que les stoffs, les reps laine, les satins laine, les satins laine et soie, ceux en soie et coton, etc. La maison Vanoutryve, qui lança grandement tous ces genres, en fit, à l’aide de nombreux métiers à bras répandus dans tous les villages environnant Roubaix, une production formidable qui s’écoulait en France et à l’étranger. Ce n’est que lors des tarifs presque prohibitifs dont le bill Mac Kinley frappa les lainages à leur entrée en douane aux États-Unis, que la production de ces tissus unis diminua d’importance. La France et l’Europe entrèrent longtemps encore pour une large part dans la consommation qui se faisait de ces produits, qui peu à peu étaient arrivés à se tisser sur métiers mécaniques.
- Bien qu’actuellement il se produise toujours de ces étoffes de lainage uni, auxquelles certaine clientèle est restée fidèle, la production de ces unis en laine a diminué dans des proportions considérables , cédant la place à d’autres produits auxquels la maison Vanoutryve a donné le plus grand développement.
- Nous citerons en toute première ligne le velours lin uni et jacquard qu’au moyen de procédés spéciaux MM. Vanoutryve et C!° produisent sur métiers mécaniques tissant deux pièces à la fois. Cet article ainsi fabriqué en écru se teint en pièce et en tous coloris. L’apprêt donne au velours lin un incomparable chatoiement de soie, et la matière végétale dont il est composé le rend inaccessible aux vers. Si nous ajoutons que par des qualités savamment étudiées cet article se produit en i3o centimètres de largeur depuis le prix de 2 fr. 35 le mètre, marchandise teinte, jusqu’aux qualités les plus belles, nous n’étonnerons personne en disant que ce seul article alimente constamment de nombreux métiers mécaniques, et que la colossale production qui s’en fait chez MM. Vanoutryve et Cie trouve un débouché facile près des clients du monde entier. Le velours lin, dont la vogue est un peu touchée par celle du velours coton, remplace en maintes circonstances le velours mohair, dit velours cVUtrechl, auquel il a porté un coup fatal.
- L’exposition de MM. Vanoutryve et Cic nous a montré en de savants arrangements le parti qu’on peut tirer de ces velours lin adroitement drapés, ainsique le chatoiement des coloris qu’on obtient
- 23.
- p.335 - vue 339/484
-
-
-
- 336
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- eu leinlure aujourd’hui avec une régularité parfaite (régularité qui faisait défaut lors de la création de cet article, qui se produisait alors à l’aide de métiers à bras).
- Quantité d’autres articles unis ou classiques, en dehors du velours de lin et des lainages mentionnés plus haut, sont également fabriqués par la maison F. Vanoulryve et Cle. Nous citerons les armures jute, jute et coton, la toile de soie, le taffetas soie, la popeline et le satin soie et coton, les reps moirés, les armures soie et coton, les mêmes en coton mercerisé (simili-soie), en plus des damas de tous styles et de toutes qualités et matières, tous tissus dont l’emploi se prête aussi bien aux. tentures murales qu’à la garniture des meubles.
- Nous aurons plus loin l’occasion de signaler d’importantes innovations apportées par la maison Vanoutryve à la fabrication des étoffes fantaisie, mais nous tenons à donner dès maintenant l’idée de l’importance de sa production, en disant que ses usines à Roubaix couvrent actuellement 4 hectares et demi de terrain; quelles sont actionnées par deux machines produisant une force motrice de i ,4oo chevaux; que g,5oo ouvriers y sont occupés, et que le chiffre annuel des affaires de la maison s’élève actuellement à plus de î 4 millions de francs. Quant aux salaires payés en l’année, ils s’élèvent à 3 millions de francs.
- Soucieuse du bien-être de ses ouvriers, la maison F. Vanoutryve a fait construire, à proximité de ses usines, deux cités bien aérées dont les loyers sont de 25 à 4o p. îoo moins élevés qu'ailleurs; elle a, dès 1891, appliqué la loi de dix heures de travail sans que le gain journalier de l’ouvrier ait été diminué.
- Récompensés d’une médaille d’argent à l’Exposition de Paris en 1867; de la médaille du progrès à Vienne, en 1878; d’une médaille d’or à Philadelphie, en 1876; d’une médaille d’or à Paris, en 1878; d’une médaille d’or à Paris, en 1889, MM. F. Vanoulryve et Cie se sont vu attribuer cette année par notre Jury la plus haute récompense, un grand prix bien justifié par l’ensemble de celte fabrication si soignée et si irréprochablement exécutée.
- MÉDAILLES D’OR.
- MM. Piquée ( François) et gendre; H. Parisoi\'-Piquêe et C e; à Pans;
- H. Parison et Cie, à Amiens.
- Nous nous trouvons ici en présence d’une maison qui, si elle est jeune au point de vue de l’application des métiers mécaniques à la fabrication des étoffes unies pour ameublement dont elle fait sa spécialité, peut cependant faire remonter son origine au commencement du xvmc siècle.
- La famille Piquée trouve en effet ses ancêtres maîtres drapiers à Rouen avant 1720, époque à laquelle ces derniers transportèrent leur commerce à Paris, où des lettres patentes conservées dans leurs archives familiales prouvent qu’ils furent admis dans la corporation des drapiers de ce temps.
- C’est en 1768 que fut fondée à Paris la maison Piquée : c’est donc depuis iÙ2 ans que cette maison s’occupe du commerce des tissus d’ameublement.
- En i85i, elle entreprit la fabrication à la main des velours d’Utrecbt.
- En 1894, elle fonda à Amiens un tissage mécanique pour la fabrication du même article.
- Enfin en 1897, grâce à des procédés qui sont personnels au chef actuel de la maison, M. IL Parison, la maison adjoignit à sa fabrication des velours unis celle des velours façonnés à la jacquard, ainsi que le lissage en uni et en façonné des velours en lin et en coton, en ramie et en soie, en largeur variant de 60 centimètres à i3o et même 180 centimètres.
- C’est à dater du ier janvier 1900 que M. Parison, associé de l’ancienne firme depuis 1885, fonda la société actuelle Parison-Piquée et Cic, à Paris, H. Parison et Cic, à Amiens.
- Le salon qu’occupait cette maison se distinguait non seulement par la beauté des produits quelle a soumis à notre examen, mais encore par le bon goût qui a présidé à l’arrangement des étoffes ex-
- p.336 - vue 340/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT. 337
- posées tant dans la vitrine centrale (éclairée à l’électricité à cause du manque de jour) que contre les cloisons de droite et de gauche de cet emplacement.
- Il nous serait difficile de détailler complètement une exposition de tissus unis ou classiques teints en pièces. Toutefois nous dirons que, soit de droite, soit de gauche, les velours étalés ou drapés dans ce salon étaient présentés avec une admirable entente du contraste des couleurs, et que l’harmonie en était toujours fidèlement observée malgré l’extrême variété des tons qui composaient le charmant assemblage des étoffes qui nous ont été présentées.
- A côté de la grande variété de nuances et de qualités dont M. Parison nous a montré des spécimens en velours uni de toutes largeurs et de toutes matières : mohair, lin, coton, ramie, etc., notre Jury a été séduit par l’aspect de richesse que donnaient à cette exposition les velours façonnés en i3o centimètres, dont de très jolis dessins exécutés mécaniquement à la jacquard en velours de lin, de coton ou de mohair et sur fonds armurés, expliquaient la vogue dont cette maison jouit en France et à l’étranger.
- La vitrine renfermait de très jolis modèles de dessins exécutés en velours de mohair et de soie, ainsi que des échantillons de velours façon Gênes, du plus chatoyant effet.
- M. Parison nous affirme être en mesure d’exécuter, si le besoin s’en faisait sentir et si cet article offrait le moindre intérêt, des velours jacquard de largeur 180 centimètres à deux fers, bouclé et coupé. Tout ceci nous prouve péremptoirement l’intelligente activité du directeur actuel de cette maison qui, en résumé, fabrique :
- Les velours mohair dits d’Ulrecht, unis, gaufrés, catis, froissés, bouclés ou frisés et façon Gênes, avec fond armuré ou fond satin ; les velours de lin et peluches de lin unis et façonnés ; les velours de coton unis et façonnés; les velours de soie unis et façonnés; les velours façon Gênes.
- Avec cette variété d’articles classiques admirablement fabriqués, M. Parison a étendu ses relations hors de France où il compte une clientèle nombreuse et ancienne; il fait visiter directement l’Angleterre, l’Allemagne, l’Autriche, la Russie, l’Espagne, les Etats-Unis, le Canada et l’Extrême-Orient (Indo-Chine, Chine, Japon, colonies hollandaises, etc.).
- Une machine de i5o chevaux-vapeur actionne les métiers mécaniques de son usine d’Amiens qui comprend i5s ouvriers, alors que 170 autres ouvriers sont occupés par la fabrication à la main. C’est donc 802 ouvriers que M. Parison occupe à ses productions diverses, indépendamment d’un personnel de 62 employés tant à Amiens qu’à Paris, dont 17 voyageurs et agents visitant la France et l’étranger.
- De sensibles améliorations ont été apportées par cette maison au sort de l'ouvrier, tant sous le rapport du salaire que sous celui de la participation graduelle de l’ouvrier aux bénéfices. Disons aussi qu’une caisse de secours aux ouvriers et ouvrières malades est alimentée à participation égale par l’ouvrier et par le patron. Enfin, de nombreuses récompenses attribuées à la maison F. Piquée et gendre, depuis 1869, nous montrent qu’à Bruxelles, en 1897, un diplôme d’honneur a été décerné à cette maison par le Jury des récompenses. Notre Jury, en raison delà très belle et fort intéressante exposition d’ensemble de MM. F. Piquée et gendre, aujourd’hui devenue Parison-Piquée et Ci0, n’a pas hésité à leur attribuer une médaille d’or bien méritée.
- MM. Lorthiois-Leureîst et fils, à Tourcoing (Nord).
- Cette maison, dont la fondation remonte à 1780, a fait déjà l’objet de notre étude lors de l’examen que nous avons fait des tapis moquette laine fabriqués à la jacquard.
- Nous aurons encore à la mentionner plus loin, pour les étoffes d’ameublement fantaisie qu’elle a soumises à notre Jury; nous n’avons donc qu’à signaler qu’en plus des produits auxquels nous venons de faire allusion MM. Lorthiois-Leijrent et fils fabriquent également en étoffes unies les ve-
- p.337 - vue 341/484
-
-
-
- 338
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- lours de lin, de coton et de jule en i 3o centimètres de largeur à l’aide de métiers mécaniques tissant deux pièces à la fois.
- Certains de ces velours sont fabriqués en rayés et en double face, et pour ces derniers produits, MAL Lortliiois-Leurent et fds nous ont fait remarquer que, selon la demande de certains clients, ils tissent ces velours double face avec la teinte d’envers complètement différente de celle de l’endroit.
- Cette fabrication, à laquelle MM. Lortliiois-Leurent et fds n’ont pas donné encore tout le développement qu’ils entendent lui imprimer, méritait toutefois d’être mentionnée comme faisant partie d’un ensemble qui nous a été montré et dont les spécimens soumis en de chatoyants coloris nous ont paru de belle exécution.
- Rappelons que c’est pour l’ensemble si varié des produits de leur fabrication que notre Jury a attribué une médaille d’or à MM. Lorthiois-Leurent et fils.
- MÉDAILLES D’ARGENT.
- M, Lefèvre-Bougon, à Amiens.
- Fondée en 1856, sous le nom de M. Bougon à qui succédèrent MM. Bougon et Lefèvre, c’est en 1876 que fut établie la société actuellement connue sous la raison sociale Lefèvre-Bougon.
- Cette maison a longtemps tenu à Amiens le premier rang parmi les fabricants de la Somme pour la production exclusive des velours en mohair dits velours d’Utrecht, qu’elle exportait largement aux Etats-Unis d’Amérique.
- Le tarif ultra-protecteur établi par le bill Mac Kinley ayant arrêté presque soudainement l’exportation de ces velours aux Etats-Unis, M. Lefèvre s’est ingénié à chercher de nouveaux débouchés. Pour notre marché intérieur il s’est attaché à fabriquer des velours de grande largeur en employant différents textiles : le mohair, la scliappe, la ramie, le coton. *
- Il a mis en œuvre trois procédés industriels ou artistiques, anciens ou modernes, s’efforçant d’attirer la faveur sur ses velours en recourant à l’impression, au tissage à la jacquard, aux effets produits par la tonte, aux applications de teintures, à la décoloration, à la pyrogravure, etc. Il a reproduit les tissus en vogue au xvmc siècle, notamment les pannes et les velours façon Gênes. Il s’attache actuellement à imiter les anciens velours diversement ciselés.
- Ces velours sont fabriqués en partie mécaniquement et en partie à la main. M. Lefèvre-Bougon a dû créer dos outillages spéciaux à chacun de ces articles.
- Sa fabrication mécanique emploie en moyenne ho métiers, et le nombre de ses ouvriers à la main varie de 100 à i5o. Sa production moyenne annuelle s’élève à 800,000 francs.
- Ses principales créations sont : les velours catis en 13o centimètres, les velours damas et enfin les velours chardin, à la jacquard, qui promettent, espère-t-il, de remplacer les petits velours de Gênes dont la contexture manque de solidité.
- Les velours catis 13o centimètres dont M. Lefèvre-Bougon revendique la création et dont son exposition nous a montré divers spécimens ont eu pour avantage de maintenir à Amiens un chiffre important d’affaires malgré la fermeture du marché américain et la suppression des principaux débouchés européens.
- Les velours coton i3o centimètres unis ou imprimés et à double face sont également revendiqués par ce fabricant comme étant dus à son initiative.
- Ces deux produits, dirons-nous, sout vraiment les seuls, avec quelques velours façon Gênes, qui aient retenu l’attention de notre Jury, car nous devons à la vérité d’avouer que, malgré les sérieux efforts prouvés par les panneaux de velours imprimés et pyrogravés dont M. Lefèvre-Bougon a fait
- p.338 - vue 342/484
-
-
-
- 339
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- une grande démonstration, nous n’avons pu féliciter ce fabricant, généralement mieux inspiré quant au choix de ses compositions, ainsi qu’en l’harmonie des colorations en lesquelles il les exécute.
- L’idée d’imiter les velours ciselés est bonne en principe, mais il faudra, croyons-nous, pour la mettre en valeur, trouver moyen d’y appliquer des compositions et des colorations plus heureuses.
- Cette ancienne maison avait obtenu une médaille de bronze à l’Exposition de Paris en 1867, une médaille d’argent à Paris, en 1878, et n’avait pas pris part à l’Exposition de Paris en 1889.
- Notre Jury a vivement regretté de n’avoir pu attribuer à M. Lefèvre-Bougon une récompense supérieure à la médaille d’argent.
- MM'. Nicolas Piquée el ses jils, à Paris et à Amiens (Somme).
- C’est sous le nom de Nicolas Piquée , fondateur de la société actuelle, que cette maison fut fondée en 1891. M. Nicolas Piquée, qui créa de toutes pièces son industrie de velours d’Utrecht, commença par h ou 5 métiers à bras et ne tarda pas à développer cette fabrication, avec l’idée bien arrêtée de 11e produire le velours d’Utrecht que suivant les anciens procédés à la main de la fabrication amié-noise qui, selon lui, donneront toujours des produits d’une finesse et d’une perfection supérieures à celles des mêmes velours tissés à l’aide de métiers mécaniques.
- C’est en 1899 que M. Nicolas Piquée s’adjoignit comme associés ses trois fils, MM. Lucien, Georges et Marcel Piquée. Hâtons-nous de dire que c’est l’aîné de ses fils, M. Lucien, qui a composé entièrement et a exécuté lui-même l’exposition que cette maison nous a présentée sous un aspect tout à fait original et nouveau. Ces messieurs, supprimant la vitrine et la présentation habituelle des étoffes en drapés ou en plissés, ont montré aux visiteurs l’intérieur d’une habitation de tisserand picard.
- Cette reconstitution attira beaucoup de monde par son côté attrayant et pittoresque. Un métier de l’ancien système à bras et manié par un excellent tisserand de velours d’Utrecht initiait les visiteurs à la fabrication soignée que nécessitent les belles qualités de velours dont MM. Nicolas Piquée et fils font une spécialité.
- Ces messieurs nous ont soumis, en effet, des velours qui ont i,5oo fils de chaîne jnohair en 60 centimètres et sur lesquels nous n’avons relevé aucun défaut de tissage.
- Çà et là, des spécimens de la production de la maison nous montraient des reconstitutions de velours anciens, des velours rayés de plusieurs tons, des velours jaspés et des catis jaspés (article dont MM. Nicolas Piquée et fils se disent les promoteurs, ce genre n’ayant jamais été abordé avant eux, en mohair) , les pannes damassées et quantité d’échantillons présentant sous des aspects nouveaux le vieux velours d’Utrecht. ».
- Nous savons qu’en outre MM. Nicolas Piquée et fils produiront aussi sous peu ces mêmes velours à la jacquard, types qui devaient être exposés dans leur emplacement, mais qui n’ont pu malheureusement être prêts à temps, nous a-t-il été dit ; la matière mohair employée par cette maison nous a été montrée en brut, en peigné et en filé, et nous devons dire que si, pour leurs qualités courantes, ces messieurs emploient une matière aussi belle, il n’est pas surprenant qu’ils trouvent le moyen d’alimenter comme ils l’accusent 16a métiers à bras pour cette fabrication de velours dont ils produisent actuellement 2,5oo pièces par an.
- . M. Nicolas Piquée est décoré de l’ordre du Christ de Portugal et a obtenu une médaille d’argent à l’Exposition de Bruxelles en 1897. Notre Jury a récompensé d’une médaille d’argent les velours que lui ont présentés MM. Nicolas Piquée et fils.
- p.339 - vue 343/484
-
-
-
- 340
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- II
- TISSUS DE CRIN, UNIS ET À LA JACQUARD.
- HORS CONCOURS.
- M. J. Godet, à Paris.
- En qualité de membre du Jury de la Classe 41, M. J. Godet s’est trouvé placé hors concours dans notre classe, et si nous le regrettons, c’est que l’exposition si intéressante des produits qu’il nous a montrés révèle une telle succession de progrès réalisés en la fabrication des tissus de crin depuis 1889 quelle lui eût certainement obtenu de notre Jury une haute récompense.
- Qui de nous ne se rappelle avoir vu dans sa jeunesse, les meubles inusables qui se fabriquaient alors en crin noir, le dessin s’enlevant par flottés de chaîne et affectant généralement une forme centrale permettant son emploi facile pour sièges de salle à manger, de bureau, etc.
- Ces tissus de crin se produisaient ainsi à l’époque à laquelle M. Godet, père du chef de la maison actuelle, fondait sa première fabrique, en 18/17.
- M. J. Godet fils, qui prit la succession de son père en 1877, donna à cette fabrication un essor considérable en même temps qu’une orientation différente : il se consacra d’une façon spéciale à la fabrication des tissus de fantaisie à la jacquard, en crin, en vue de l’ameublement.
- Ainsi que nous l’ont prouvé les très originales étoffes en crin exposées par M. Godet, l’adaptation à cette fabrication d’une matière trame, chanvre de Manille, dénommée quilot, a permis la création d’une foule de nouveautés, de fantaisies charmantes.
- Cette matière quilot est douée d’un brillant qui ne le cède en rien à la soie, tout en lui étant supérieure à l’emploi, quant à sa solidité; aussi M. Godet, qui nous a montré, en meubles garnis de cette étoffe, de ravissants petits dessins aux coloris clairs et variés, ne nous a-t-il pas surpris en nous disant que ses créations en tissus de crin pour ameublement ont trouvé les clients les plus fidèles en les compagnies de chemin de fer Paris-Lyon-Méditerranée, Orléans, Midi, Etat, en un mot toutes les lignes se dirigeant vers les pays du soleil, ainsi que toutes les grandes compagnies de navigation : Messageries maritimes, Compagnie transatlantique, Marine de l’Etat, etc., de même qu’à l’étranger, en Belgique, en Italie, en Espagne, etc.
- Ces tissus pour ameublement sont tissés à Heudicourt (Somme), au métier jacquard, sur chaîne coton, trame crin, pour le fond du tissu, et chanvre de Manille dit quilot, pour faire cette fleur soyeuse qui prend admirablement la teinture.
- La préparation du crin queue cle cheval, lequel arrive brut à la fabrique, venant des grands marchés du Havre, d’Anvers et de Hambourg, se fait chez M. Godet. Elle consiste dans le tirage au carré, c’est-à-dire à le mettre par poignées de longueur rigoureusement exacte à un millimètre près : ce travail particulier exige une sûreté de main très difficile à obtenir ; la teinture du crin et du quilot se fait également en les ateliers de M. Godet.
- M. Godet exposait, en outre, des tissus pour stores en raphia et en quilot, sur chaîne coton. Cette fabrication se fait en la fabrique de Kremlin-Bicêtre, anciennement à Petit-Ivry, près de Paris. Ces stores ont l’avantage de joindre au bon marché la souplesse, une très grande solidité et un bon tamisage du soleil sans nuire à la circulation libre de l’air.
- L’ensemble des productions qui nous ont été soumises en tissus de crin par M. J. Godet a charmé notre Jury, car cette exposition prouvait que la constante préoccupation de ce fabricant est d’améliorer toujours sa production en apportant à l’exécution de ses tissus les soins les plus attentifs.
- p.340 - vue 344/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT. 341
- M. Godet qui, de 1887 à 1897, était juge au Tribunal de commerce et-président de section, fut alors nommé chevalier de la Légion d’honneur.
- Le rapporteur est heureux de transmettre ici à M. J. Godet, avec les félicitations du Jury pour son exposition attrayante, les regrets déjà exprimés de n’avoir pu, en raison de son titre de membre du Jury de la Classe 41, qui le plaçait hors concours, lui attribuer la récompense qui lui aurait été sûrement décernée.
- III
- TISSUS MÉLANGÉS FABRIQUÉS À LA JACQUARD.
- HORS CONCOURS.
- MM. Cornille frères, à Paris.
- L’exposition de MM. Cornille frères présente le plus grand intérêt et montre les éléments les plus variés de fabrication, appliqués avec goût et distinction.
- Qu’il s’agisse, en effet, des étoffes fabriquées dans leurs ateliers de Lyon, ou de celles produites en leur fabrique de Puteaux, toutes les soieries qui étaient exposées dans l’immense vitrine de MM. Cornille frères nous ont prouvé la midtiplicité des ressources de leur fabrication.
- Cette exposition présentait l’art décoratif sous ses aspects les plus variés. Au point de vue artistique, elle réunissait, sans en avoir fait des copies serviles, les meilleurs types des genres anciens, depuis F époque de la Renaissance jusqu’à nos jours, puis des compositions modernes qui, inspirées par la nature et par la stylisation de la fleur, ont eu le talent d’éviter l’excentricité et de montrer que cette maison cherche dans la voie nouvelle ouverte à l’initiative de chacun des éléments susceptibles d’allier le bon goût au charme de la composition.
- Dans le but d’initier le visiteur à la fabrication d’un des articles les plus compliqués de la fabrication, MM. Cornille frères avaient installé dans leur emplacement un métier modèle, admirablement outillé. Ce métier comportait plus de 20,000 plombs et plus de 35,000 fils dans la largeur de 70 centimètres : il fabriquait un velours de Gênes, trois corps, avec fond satin sur lequel couraient des fleurs et feuillages produits par des lancés de trame, indépendants du foud.
- A côté de ce métier et pour compléter la partie technique de leur exposition, MM. Cornille frères avaient présenté la mise en carte, exécutée eu leurs ateliers de Lyon, d’un rideau lampas coquelicots et bleuets, qui figurait dans la vitrine et dont nous nous entretiendrons plus loin.
- Parmi les reconstitutions des genres anciens dont de nombreux dessins attiraient l’attention, nous avons particulièrement remarqué :
- i° Les velours. — Un velours Louis XIV, vieux vert camaïeu, à larges ramages sur fond canne-tillé.
- Ce même dessin était également présenté avec un fond lancé métal tel qu’on le faisait à l’époque, avec le velours en vieux bleu pâle chiné.
- Un petit velours d’un dessin très délicat imitant une dentelle crème parsemée de paillettes faites en. velours frisé, métal irisé sur fond de satin bleu pâle. Reproduction d'une robe ayant appartenu à Marie-Antoinette.
- Un velours gothique, avec frisé métal or sur fond satin mauve. Ce même velours en coloris bleu et métal or a servi à confectionner la robe d’une des rr patriciennes de Venise n au Palais du costume au Trocadéro.
- p.341 - vue 345/484
-
-
-
- 342
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- Un velours gothique vieux rouge, avec frise' mêlai sur fond salin vieux rose.
- Enfin deux velours Empire, l’iin semé de couronnes de lauriers, l'autre avec lyres et croisillons.
- 20 Les soieries. — Une variété de lampas du xvif et du xvnf siècle, dont deux dessins de Philippe de la Salle, à double motif et sur î m. ho de hauteur.
- Un rideau lampas Louis XV avec soubassement et semé fond salin avec une trame soie et une trame métal or. Ce rideau a été exécuté pour le tableau Les Visites, au Palais du costume.
- Un autre rideau Louis XVI, avec semé et bordure.
- Trois damassés Empire, exécutés pour la décoration du tableau Le Fiancé, au Palais du costume.
- Un lampas Empire à double motif, pour sièges, fond satin avec trois trames.
- Dans le genre moderne, nous signalerons :
- i° En velours. — Les Angéliques, dessin du à MUe Rault qui fait partie de l’atelier de dessin de MM. Cornille frères. Cette portière en velours coupé et frisé trois corps sur fond satin, avec chaîne fond de velours frisé, est entièrement encadrée d’une bordure de velours coupé et frisé. Cette pièce, d’un seul dessin sans aucune répétition, mesure î m. 45 de large sur 3 m. 5o de haut.
- Les Plumes, velours de Gênes colorié fond satin avec lancé couleurs, fabriqué sur le métier qui a fonctionné à l’Exposition.
- Des velours ombrés dont un velours uni ombré sur une largeur de î ho centimètres, la partie foncée se trouvant au milieu du tissu et allant se dégradant de façon très douce, du grenat foncé au rose pâle sur le bord du tissu: 2 34 nuances ou combinaisons de nuances constituent la gamme de cet ombré ou dégradé.
- Un velours chiné vert bronzé, avec un gros bouquet de pavots de plusieurs couleurs obtenues par effets de trames et se détachant en creux au milieu de ce velours; dessin de Mlle Rault, primé aux Arts décoratifs.
- 2° En soieries. — Les Orchidées, très intéressante composition de M. Alexandre Sandier, habilement exécutée en lampas broché. Ce lampas, dont le dessin est constitué par des groupements et des chutes d’orchidées de toutes espèces, nécessite quatre lancés d’effets de trame, deux lancés de fond et un broché pour chaque passée : par la combinaison des effets de liage, ces trames lancées et brochées produisent des effets de coloration et de douceur qui font de cette étoffe une pièce particulièrement intéressante. Ce dessin de î m. 5o de hauteur nécessite 84,ooo cartons pour sa fabrication.
- Parmi tant d’autres dessins attrayants, nous citerons encore, exécutés en lampas : les Tulipes, dessin de tenture murale qui, avec ses bordures, a été primé aux Arts décoratifs, lors du concours ouvert en mars dernier en vue de l'Exposition ; les Glaïeuls, les Iris, les Chrysanthèmes, les Lauriers et surtout les compositions suivantes, de M. Bohl, dessinateur attitré à la maison Cornille frères : les Roses du Bengale, les Glycines, lampas fond satin à quatre couleurs de trame. Ce dernier dessin, formant des chutes de grappes de fleurs et de feuillages traversés par des effets de vagues, est des plus harmonieux et d’un effet bien nouveau.
- Coquelicots et bleuets, rideau lampas colorié, de i m. 4o de large sur 3 m. 2 5 de haut, en lequel les différents coloris de feuillages et de fleurs sont obtenus par des tons dégradés.
- Nous signalerons, en terminant, deux étoffes unies qui, par leurs effets chatoyants, ont été hautement appréciées des visiteurs : la vclouline, produisant par la combinaison du tissu des effets irisés et nacrés sur une même chaîne, et Varc-en-ciel, obtenu en ce tissu veloutine sur une chaîne blanche, par des effets de trame ayant nécessité l’emploi de 2 25 nuances ou combinaisons de nuances.
- Comme le démontre l’énumération que nous venons de faire des soieries et des velours si variés exposés par MM. Cornille frères, ces messieurs peuvent aisément satisfaire aux besoins de toutes les clientèles et, soit qu’on leur demande des soieries modernes, soit qu’on s’adresse à eux pour des reconstitutions de soieries anciennes, leur fabrication se prête avec souplesse à toutes ces exigences. Nous avons vu que MM. Cornille frères savent les traduire toutes avec un goût exquis, et qu’en-
- p.342 - vue 346/484
-
-
-
- 343
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- lourds de collaborateurs du plus haut mérite ils apportent à leur fabrication les soins les plus attentifs : aussi l’ensemble de leurs productions mérite-t-il tous les éloges. MM. Gornille frères, dont le prédécesseur, M. Cad, avait été récompensé d’une médaille d’or à l’Exposition de Barcelone en 1888, avaient, à l’Rxposilion de Bruxelles en 1897, obtenu une médaille d’or et un diplôme d’honneur. Ils ont été placés hors concours celte année, M. Georges Cornille ayant été nommé membre de notre Jury.
- M. Leborgne (Ferdinand), à Lannoy (Nord).
- M. le Président de notre Jury ayant eu l’obligeance de suppléer le rapporteur dans le soin de rendre compte des produits de sa propre maison, tant pour les tapis moquette que pour les étoffes d’ameublement, derechef nous lui cédons la plume en le remerciant de sa courtoisie.
- Cette revue des étoffes d’ameublement à l’Exposition de 1900 serait certainement incomplète si une mention particulière n’était pas faite de celles présentées par la maison du si consciencieux rapporteur de la Classe 70.
- Le Président du Jury international des récompenses, pour ne pas soumettre la modestie de son collègue à une nouvelle épreuve, lient de nouveau à le remplacer.
- Ainsi qu’il avait déjà fait pour les lapis moquette laine, fabriqués à la jacquard, il est heureux de prendre encore une fois la plume pour signaler comme elles le méritent les étoffes d’ameublement de la maison Ferdinand Leborgne.
- Si nous remontons à l’Exposition de Paris en 1878, nous voyons que déjà, à cette époque, les produits de M. Leborgne jouissaient d’une réputation justifiée. C’est en effet à l’Exposition de 1878, où la maison Leborgne fut récompensée d’une médaille d’or, que nous avons vu pour la première fois les multiples applications que cette maison avait ingénieusement faites de la matière jute à la fabrication des étoffes pour ameublement. Cette innovation est d’autant plus méritoire que (nous pouvons plus aisément le reconnaître aujourd’hui) elle a puissamment aidé par le bas prix auquel elle avait établi ces étoffes à la vulgarisation, à la diffusion des tissus d’ameublement mis par elle à la portée de toutes les bourses.
- A l’Exposition de Paris en 1889, nous avons retrouvé la maison Leborgne plus puissamment outillée, et en pleine marche dans la voie du progrès. Elle avait adjoint à son genre primitif quantité d’articles de fantaisie, dans lesquels la schappe et les soies tussah avaient pris une place considérable, nous montrant en étoffes de prix très abordable des soieries imitant celles que Lyon et Tours produisaient en qualités supérieures. Les brocarts, les damas, les lampas, les tapisseries brochées dont de forts jolis panneaux avaient été exposés, nous montraient avec une profusion de tentures et de portières du genre oriental auquel alors le public accordait toutes ses faveurs que l’ingéniosité du fabricant égalait la souplesse de son talent pour approprier aux divers marchés auxquels s’adressait sa fabrication les genres susceptibles de motiver les grosses commandes nécessaires à l’alimentation de ses nombreux métiers mécaniques. L’exposition de M. Leborgne en 1889, tant en tapis qu’en étoffes pour ameublement, fut hautement appréciée de tous. Aussi le Jury n’eut-il alors aucune hésitation à lui attribuer un grand prix. f
- En 1900, nous voyons que M. Ferdinand Leborgne, bien que membre du Jury et rapporteur de notre Classe, a tenu à nous montrer ses produits, comme s’il allait concourir encore à l’obtention d’un nouveau grand prix. 11 n’est pourtant plus besoin pour lui de rechercher encore cette haute récompense. Hors concours à Chicago en 1893, grand prix à Anvers en i8g4, hors concours comme membre du Jury à Bruxelles en 1897, où M. Ferdinand Leborgne fut nommé chevalier de l’Ordre
- p.343 - vue 347/484
-
-
-
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- 3 A4
- de Léopold sur la proposilion du Ministre du commerce français, M. Leborgne nous montre, dans son emplacement de 20 mètres de façade sur 3 mètres de profondeur, une multitude d’applications de la jacquard à son industrie de tissus de fantaisie.
- Dans la vitrine qui occupe le centre de son salon, ce fabricant a disposé en un arrangement savamment et harmonieusement combiné tonte la variété de soieries que, depuis les damas et les lampas à trois, quatre et cinq lats, jusqu’aux taffetas aux multiples combinaisons de couleurs, son outillage mécanique perfectionné lui permet d’établir à des prix tels qu’il en trouve un facile écoulement tant en France qu’à l’exportation où il se fait représenter par des agents spéciaux. Nous avons remarqué dans cette intéressante démonstration que tous nos styles français se trouvaient représentés dans une gamme de coloris variés et en compositions comprenant toutes les époques, depuis la Renaissance jusqu’à l’Empire. L’art moderne, auquel la maison Leborgne s’est, l’une des premières, attachée sérieusement en raison de certaines clientèles qui le réclamaient, était aussi largement représenté parmi les étoffes qui décoraient l’ensemble de son salon.
- Une superbe pièce en tapisserie de soie, composée spécialement en vue du Pavillon de l’Union centrale des arts décoratifs qui en avait orné de douze panneaux son bail central, nous montrait en une magistrale composition de Karbowsky, sur 3 m. 5o de hauteur, un enlacement de couronnes de laurier en or, s’enlevant sur un fond purpurin très doux, avec, comme accompagnement, des feuilles de chêne et des églantines du plus charmant effet décoratif qui se puisse imaginer.
- Faisant pendant à ce panneau, une verdure moderne, de tendance moyen âge, donnait une heureuse idée des fondus qu’au moyen de la fabrication à fardages (mélanges des chaînes et des trames entre elles) M. Leborgne sait obtenir en ce genre de fabrication qui lui est familier. En effet, les premiers panneaux décoratifs qui aient été produits en tout coton, dans ce genre de tissage, l’ont été par ce fabricant. Ses chiens de chasse, ses sous-bois, son grand panneau Les Pêcheurs hollandais sur les bords de VEscaut, compositions de G. Besson, dont son exposition nous donnait la vue, comptent à l’acquit de ce fabricant comme des succès mémorables, car ce sont ces productions premières qui ont donné naissance à l’essor si considérable qu’a pris aujourd’hui cette fabrication artistique de panneaux décoratifs dont le bas prix n’exclut ni l’aspect de richesse ni le charme.
- Comme on le voit par cet aperçu, MM. Leborgne sont restés les innovateurs et les chercheurs ingénieux que nous avions remarqués déjà en 1878 et en 1889.
- Parmi les étoffes de qualité courante, nous citerons les étoffes en coton mercerisé « simili soie» pour tentures, les armurés soie, les moirés et même en tout coton, ou en soie et coton, quantité de compositions modernes dont l’harmonie des couleurs séduisait autant que l’originalité des dessins.
- Enfin nous dirons que pour certains clients restés fidèles au genre oriental (que MM. Leborgne ont toujours si bien approprié aux divers produits de leur fabrication), ces messieurs avaient décoré la baie qui fait face à l’allée centrale d’une superbe tenture orientale en soie, fond rouge sur lequel un dessin fantasque produisait des effets polychromes très agréablement enlevés et d’un puissant effet décoratif.
- Si nous disons en terminant que l’ensemble des usines de MM. Leborgne couvre près de 3 hectares, qu’ils occupent 800 ouvriers et que leur production annuelle s’élève au chiffre de 6 millions de francs, nous aurons, pensons-nous, donné l’idée de l’importance de cette maison qui dans ces deux industries de l’ameublement et du tapis occupe une place considérable.
- Aussi le Président du Jury international des récompenses de la Classe 70 est-il sûr d’être l’interprète de tous ses collègues français et étrangers en exprimant le regret que la croix d’honneur n’ait pas encore récompensé la maison Ferdinand Leborgne de ses efforts persévérants couronnés de succès pour faire progresser deux industries éminemment nationales et faire pénétrer dans les pays les plus lointains le bon renom du tissu d’ameublement et du tapis français.
- Le Président du Jury de la Classe 70,
- Ch. LEGRAND.
- p.344 - vue 348/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- 345
- MM. Motte-Bossut fils, à Roubaix
- Nous avons déjà dit, en mentionnant les étoffes unies pour ameublement produites par cette maison, que son importance industrielle dans la région du Nord est considérable. Nous rappellerons donc qu’en dehors des velours unis dont nous avons fait mention, MM. Motte-Bossut fils produisent des velours façonnés à la jacquard ainsi que toute la variété d’étoffes fantaisie pour meubles, comprenant les genres coton, coton et jute, soie et coton, et toutes les étoffes mélangées fabriquées à la jacquard.
- Bien que n’ayant qu’en 1897 décidé la fondation d’une manufacture spéciale au tissage des étoffes d’ameublement, MM. Motte-Bossut fils ont tenu à donner de suite un grand développement à cette industrie; c’est ainsi qu’après trois ans seulement d’existence, ayant débuté avec 75 métiers nn> caniques, ces messieurs en ont successivement porté le nombre à 90 en 1898, puis à 182 dès janvier 1900.
- La vitrine en laquelle ces messieurs avaient exposé leurs étoffes nous a montré toute la variété de leurs productions en tentures, meubles, rideaux, portières, tapis de table, coussins et soieries chaîne schappe, deux, trois et quatre lats de couleurs variées ; des damas, des moirés, des lampas de styles Louis XV et Louis XVI en tous coloris, formaient la base de cette démonstration.
- Le strict devoir du rapporteur l’obligeant à traduire exactement l’impression que le Jury a ressentie à l’examen des produits de chaque exposant, nous nous voyons forcé de dire que, dans la grande variété de tissus montrés dans leur vitrine, MM. Motte-Bossut fils semblent avoir été préoccupés de trouver avant tout l’alimentation de leurs nombreux métiers à la jacquard; c’est ainsi qu’ils se sont attachés à la reproduction d’étoffes dont les contextures étaient déjà largement répandues dans la consommation plutôt que de se livrer à la recherche d’effets nouveaux et de compositions tranchant complètement avec celles de leurs concurrents établis de longue date; aucune composition d’allure moderne ne figurait dans leur exposition. Nous devons, en atténuation de ce que cette appréciation peut, à première vue, paraître avoir de désobligeant, reconnaître que la fabrication de ces étoffes nous a paru d’exécution très soignée, et que, pour tous, il ne fait aucun doute qu’avant peu MM. Motte-Bossut fils, en industriels habitués à marcher de l’avant, montreront par des productions nouvelles que leur esprit inventif n’a pas longtemps suivi les sentiers battus.
- MM. Saint frères, à Paris et Flixecourt (Somme).
- Nous avons signalé déjà les productions si intéressantes que ces messieurs nous ont montrées en tapis moquette jute, fabriqués à la jacquard ainsi que celles en velours unis jute et lin. Nous n’avons plus à mentionner ici que les étoffes de coton .et jute fabriquées à la jacquard par MM. Saint frères en vue d’une clientèle qui n’attend d’eux que des produits à bas prix.
- L’emplacement occupé par MM. Saint frères nous en a montré un grand assortiment. L’on s’aperçoit aisément, par la régularité de la fabrication de ces tissus bon marché, que les soins les plus attentifs sont apportés à la production générale de cette maison ; quant aux dessins, il va de soi que s’adressant à la masse de consommateurs à la bourse modeste, ils sont sans prétention aucune, et que le genre moderne en est complètement exclu.
- MM. Saint frères, d’ailleurs, ne recherchent pour l’alimentation de leurs métiers mécaniques que des genres courants, classiques, se produisant rapidement et se vendant largement. L’ensemble de leur fabrication le prouve, et les merveilleux résultats obtenus par cette colossale maison démontrent suffisamment quelle ne poursuit pas un but incertain.
- p.345 - vue 349/484
-
-
-
- 346
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- M. Simon (Henri), à Paris et Bohain (Aisne).
- Successeur de l’ancienne maison Edouard Tresca, dont la spécialité longtemps affirmée par de nombreuses récompenses à toutes les expositions était à l’époque la tapisserie à gros et à petit point en trames laine, lancées et brochées, M. H. Simon, dès qu’il devint le chef de la maison qui porte aujourd'hui son nom, dirigea tous ses efforts vers la production, à Bohain (Aisne) où il a sa manufacture, de superbes lampas brochés dont Lyon et Tours avaient pour ainsi dire le monopole.
- Remplaçant par des schappes les chaînes organsin, et par des trames soie moins fines, les trames soie de Chine ou des Cévennes que les fabricants lyonnais utilisent à la production de leurs lampas, M. Simon, en s’inspirant de documents anciens des styles les plus purs, ne tarda pas à concurrencer sérieusement les produits lyonnais en des étoffes qui acquirent promptement une vogue justement méritée. La fabrication, en effet, en est non seulement irréprochable, mais encore la coloration de ces diverses compositions est admirable; elle prouve les connaissances techniques de l’habile coloriste qui les a nuancées en même temps que le bon goût du fabricant M. Henri Simon, producteur de ces charmantes étoffes dont sa vitrine nous a donné la vue.
- Disons, avant d’entrer dans le détail des étoffes exposées, que, doué d’une activité dévorante, M. Simon, contrairement aux Lyonnais, ne s’adresse qu’aux maisons de gros, s’interdisant la vente au tapissier ou au particulier, et que son commerce à l’exportation est des plus étendus.
- Rien de plus séduisant que l’exposition que nous a montrée M. Simon, et si nous exprimons un regret (regret qu’ont partagé tous les collègues du Jury dont M. Simon était membre), c’est que, faute d’espace, ses ravissants lampas dont la vitrine de face était bondée, n’étaient pas suffisamment déployés pour permettre la vue complète des dessins dont l’ensemble était si intéressant. C’était une succession de lampas brochés Louis XIII et Louis XIV dont les compositions étaient aussi heureuses que la coloration en était variée.
- La vitrine faisant face à l’allée centrale nous montrait, artistement drapé, un grand rideau lampas broché fond jaune d’ocre agrémenté de métal, dont le dessin de style Louis XVI-, très habilement exécuté et fort harmonieusement colorié, attirait et retenait tous les regards. Un fort joli tapis de table de même fabrication se trouvait étalé non loin de là, ainsi qu’un admirable rideau lampas broché Louis XIII dont le fond rose Dubarry était tout simplement ravissant.
- Tenant à prouver que sa fabrication se prête aussi bien aux compositions modernes qu’à la reproduction de nos styles français, M. Simon avait exposé, en art moderne, un rideau fond crème avec métal, dont les fleurs de gui formaient le contre-fond, alors que le motif principal était composé d’orchidées.
- Une autre composition moderne ornait le côté opposé à la vitrine. Due au talent de deux dessinateurs attitrés à la maison Simon, MM. Delespierre et Bertrand, cette composition dénommée Le Repos du soir mérite d’être spécialement détaillée, car elle a nécessité de très sérieuses recherches, non seulement de composition, mais aussi de fabrication, pour vaincre les difficultés dont son exécution était hérissée. Le but poursuivi était de produire un dessin d’art moderne susceptible de trouver son emploi dans les diverses applications suivantes : tenture, frise, rideau, feuilles de paravent, dessus déporté, dossiers de canapés, de fauteuils, de chaises, etc. Gomme il s’agissait de produire dans cette composition des personnages dont le placement permettrait les divers emplois souhaités, il a fallu d’abord établir en tapisserie par trames laine un point d’une finesse extrême; puis, pour obtenir les tons rompus rêvés par les artistes, des combinaisons de mélanges et de fondus d’une exécution des plus scabreuses. Ce n’est pas tout encore; le fond plein devant se tisser dans un sens et la frise en travers, dans l’autre, il a fallu, pour ne pas déformer les figures, et pour que ces différentes parties d’un même meuble, une fois mises en place, ne fassent pas opposition entre elles, il a fallu dans ce point fin une régularité de tissage et des soins inimaginables pour atteindre au degré de perfection souhaité pour cet ensemble dont tout un coin de l’exposition de M. Simon nous donnait la vue.
- p.346 - vue 350/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT. 3A7
- Cette importante composition, traitée en tons extrêmement clairs et doux, se noyait malheureusement un peu dans l’ensemble des autres étoffes dont les colorations étaient si vibrantes.
- Quand nous aurons dit qu’un joli assortiment de tapisseries au point fin et avec métal prouvait qu’en dehors des compositions modernes M. Simon produit également cet article en dessins Renaissance, Louis XIV et Louis XV, comme aussi en panneaux, dont un spécimen exposé au centre de cet emplacement et tissé en soie au point fiu et avec métal représentait les Fêtes à Trianon, allégorie du xvnc siècle, nous aurons, croyons-nous, fait valoir les mérites de cet habile industriel qui, par son énergie, a su former à Bohain la pléiade d’ouvriers habiles à exécuter aujourd’hui les tapisseries et lampas lancés et brochés qui forment la base de l’attrayante fabrication de M. II. Simon. Parmi les récompenses obtenues par cette maison, nous citerons une médaille d’or à l’Exposition de Paris en 1878, un diplôme d’honneur à Amsterdam en 1883, une médaille d’or à Paris en 1889, un diplôme d’honneur à Bruxelles en 1897, exposition en suite de laquelle M. H. Simon, sur la proposition du Ministre du commerce français, fut nommé officier d’académie.
- GRAND PRIX.
- MM. Vanoutryve (Félix) et C'e, à Roubaix.
- Cette importante maison se distingue par une extrême variété de productions comprenant tous les genres d’étoffes pour ameublement, depuis les prix les plus bas jusqu’aux plus élevés. L’essor quelle a donné au commerce de l’ameublement en répandant partout à l’étranger ses incessantes productions la place au tout premier rang parmi les fabricants d’étoffes pour ameublement : aussi le Jury, après examen des produits exposés par MM. Félix Vanoutryve etCie, n’a-t-il pas hésité à leur décerner le grand prix si bien justifié, ainsi que nous l’avons dit plus haut en mentionnant les tissus unis produits par cette maison.
- L’exposition de MM. Vanoutryve et Gic, lors de l’installation un-peu hâtive de la classe, «avait, aux yeux de certains membres du Jury, paru n’étre pas en rapport avec l’importance qu’on leur connaît; mais une transformation complète en fut opérée, et le sectionnement en trois salons très habilement décorés fit de l’emplacement de 20 mètres de façade sur 3 mètres de profondeur qu’occupaient MM. F. Vanoutryve et Cie l’une des principales attractions de notre Classe pour la diversité des produits exposés.
- Parmi les créations et innovations les plus heureuses dues aux recherches de MM. Vanoutryve et Cle (indépendamment de la fabrication mécanique des velours de lin, dont nous nous sommes entretenus déjà au chapitre des étoffes unies pour ameublement), nous citerons en première ligne les étoffes à rrfardagesn. Cette découverte, qui date de septembre 1891, consiste à obtenir de chacune des chaînes de couleur employées en vue de produire un dessin de tapisserie des tons se modifiant suivant la nuance de trame sur laquelle les fils de chaînes reposent. Ce simple énoncé suffit à donner l’idée de la diversité de tons que peut produire, à l’aide de la jacquard, une tapisserie ainsi exécutée, au moyen de plusieurs chaînes et de plusieurs trames. Ce procédé qui a révolutionné le monde du tissage pour ameublements, en en changeant le mode de production, a été aussitôt adopté par tous les fabricants , tant français qu’étrangers, et a rendu possible la fabrication de tous ces panneaux décoratifs imitant si bien la tapisserie et que la modicité de leurs prix met à la portée de toutes les bourses.
- Les panneaux qui sont exposés dans chacun des trois salons de la maison Vanoutryve ont été fabriqués d’après ce procédé : la chasse de Diane dans la partie de droite; la chasse au cerf dans le salon du centre, sont des reproductions de modèles anciens et donnent l’idée des tons rompus que ce genre de fabrication permet de produire avec aussi peu d’éléments; car en ces tapisseries, deux trames seulement ont suffi à produire, par leur combinaison avec les chaînes, les nombreux effets de couleur qu’elles comportent.
- La tapisserie encadrée de bordure, du salon de gauche, grand panneau de fleurs, composition mo-
- p.347 - vue 351/484
-
-
-
- 348
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- derne de MM. A. Martin et Couder, repose sur le même principe de fabrication, mais ici l’adjonction de plusieurs trames augmente sensiblement la richesse du coloris et montre qu’avec la collaboration d’un dessinateur habile et bien au courant des ressources de cette fabrication il est possible de rendre des effets simulant la palette libre.
- Parmi les compositions modernes dues à d’autres artistes et exécutées en d’autres étoffes de fantaisie, nous avons remarqué celles que M. F. Aubert, notamment, a produites de très heureuse façon; de ce nombre sont les iris blancs stylisés sur fond pourpré, les lauriers au feuillage vert franc rompu d’or sur fond vieux rose, les giroflées aux feuilles vert de mer et or sur fond ivoire. M. Bayens a, lui, très adroitement synthétisé des tiges de luzerne à panache rouge sur fond vert, et des coquelicots bien nature sur un fond vert très heureux de ton.
- Ces dessins, de composition bien équilibrée et d’un savant arrangement, étaient exécutés en des étoffes de prix moyen et nous ont prouvé que les soins les plus attentifs ont été apportés par MM. F. Vanoutryve et Cie, tant à la fabrication si soignée de ces tissus qu’à l’harmonie de leur coloration.
- Tandis que, dans le salon de gauche, toutes les étoffes exposées sont des compositions d’art moderne, celles des deux autres salons nous montrent, reproduites en la variété de nos styles français, de superbes étoffes. Les unes sont en pure soie, les autres en soie et colon; leurs dessins, choisis avec art et coloriés avec goût, démontrent le soin attentif qu’apportent MM. F. Vanoutryve et Cic à ne présenter à leur clientèle que des produits consciencieusement étudiés et supérieurement exécutés. Dus à la composition de MM. Martin et Couder, nous remarquons , entre autres dessins, trois lampas, fond satin soie à six lats de trames soie dont l’ensemble des dessins et des coloris est du plus harmonieux effet.
- Les velours de Gênes dont cette maison s’est fait une véritable spécialité, les velours de soie Meissonier, Troyon, Delacroix, aux dessins si délicats et tissés en largeur i3o centimètres, retiennent tout particulièrement notre attention. Quantité d’autres étoffes aux combinaisons ingénieuses mériteraient d’être mentionnées; nous nous bornerons à signaler, à côté des damas de soie, de soie et coton et des soieries moirées, les tapisseries à fardages au petit point qui, soit qu’elles aient été exécutées en soie et coton, en tout coton, ou même en coton et jute, dénotent de la part de ces fabricants une habileté professionnelle qui justifie pleinement le grand prix que le Jury leur a attribué.
- Indépendamment des métiers à la main, dont certaines étoffes nécessitent encore l’emploi, MM. F. Vanoutryve et Cie utilisent pour leurs métiers mécaniques, leur retorderie, leur teinturerie, ainsi que pour les diverses préparations nécessaires au travail d’un personnel composé de 2,5oo ouvriers, une force motrice de i,4oo chevaux. Un cabinet de dessinateurs metteurs en carte et un atelier pour le piquage des cartons complètent l’admirable organisation de cette puissante maison, dont les produits avaient été récompensés d’une médaille d’or lors de l’Exposition de Paris en 1889, en plus des nombreuses autres récompenses antérieures que nous avons mentionnées déjà. M. Félix Vanoutryve est, de longue date, chevalier de l’Ordre de Léopold.
- MÉDAILLES D’OR.
- MM. Lévy (Marie) et Laver, à Paris et à Puteaux (Seine).
- Dans l’ensemble si chatoyant et si harmonieusement disposé des soieries dont la maison Lévy (Marie) et Lauer nous a donné la vue en les vitrines de son exposition, l’on ne sait ce que l’on doit le plus admirer, du bon goût de cet intelligent producteur qui sait, à toutes ses créations, imprimer un réel cachet d’élégance, ou de son habileté professionuelle à exécuter en des étoffes si diverses des compositions dont certaines impliquent les plus grandes difficultés de fabrication.
- C’est en 1874 que, dans le but d’exploiter les brevets et procédés de M. Jules Imbs concernant
- p.348 - vue 352/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT. 349
- l’emploi de certaines matières textiles, bourre cle soie et autres, fut fondée la maison Marie Lévy et Lauer. M. Maurice Lauer succéda à son père en 1891 et la raison sociale resta la même.
- Cette maison occupe en moyenne 3oo ouvriers et ouvrières tant en son usine de Puteaux (Seine) qu’à Suresnes et à Bohain (Aisne) et sa production annuelle s’élève à 1,100,000 francs dont les trois quarts sont exportés en Allemagne, Belgique, Hollande, Angleterre et États-Unis.
- Ces messieurs revendiquent avoir, les premiers, créé à Paris, en 187/1, un tissage de ces soieries pour ameublement qui jusqu’alors n’avaient comme centres producteurs que Lyon, Tours et Saint-Etienne.
- Un grand nombre d’ouvriers ont été formés par eux à ce genre spécial de production, et une caisse de secours mutuels a été fondée à leur intention. En outre, les ouvriers ont une participation aux bénéfices, et tous les employés sont intéressés sur le chiffre d’affaires de la maison.
- L’exposition de MM. Lévy (Marie) et Lauer nous a montré dans une étourdissante variété de productions s’étendant depuis l’oriental et le byzantin jusqu’aux styles Louis XVI et Empire, en passant par toutes les époques intermédiaires, que c’est en artistes qu’ils ont recherché les étoffes anciennes et les broderies pour la pureté de leurs formes et la beauté de leurs coloris, en vue d’une adaptation raisonnée de la fabrication de leurs somptueuses étoffes.
- En effet, MM. Marie Lévy et Lauer avaient, à côté de damas et de brocarts aux effets des plus décoratifs, exposé maintes étoffes où l’habileté du tisserand avait été fort adroitement secondée par des applications et des broderies dont l’extrême délicatesse démontrait l’ingéniosité de la brodeuse. Une profusion de charmants dessins, exécutés en velours de Gênes de fabrication extrêmement soignée, remplissait une vitrine que les nombreux visiteurs ne se lassaient d’admirer. D’autres étoffes en taffetas de soie montraient, en de jolis dessins imprimés sur chaîne, que dans toutes ses productions la maison Lévy (Marie) et Lauer sait allier au bon goût des compositions le charme de bien harmonieuses colorations. Enfin, désirant donner au public une idée de la façon dont se produisent ces velours de Gênes dont leur maison s’est fait une spécialité, MM. Lévy (Marie) et Lauer avaient monté au centre de l’emplacement occupé par eux un métier qui, pendant toute la durée de l’Exposition, 11’a cessé de tisser un de ces ravissants dessins si compliqués de montage dont leur vitrine étalait une variété des plus intéressantes.
- Disons en terminant qu’en plus de cette fabrication de riches soieries MM. Lévy (Marie) et Lauer font exécuter également en impressions sur étoffes des dessins de la plus grande allure, et que pour ce genre aussi bien que pour les soieries, ils s’inspirent de documents anciens de la plus grande richesse.
- Parmi les récompenses obtenues aux expositions par la maison Marie Lévy et Lauer, nous citerons les suivantes: médaille d’or, Paris en 1882 aux Arts décoratifs. Paris, en 1887, année en laquelle M. Marie Lévy fut nommé officier d’Académie par le Ministre des beaux-arts; Paris en 1889 et enfin Bruxelles 1897 où un diplôme d’honneur fut attribué à ces messieurs. En présence de la si intéressante et si variée production qui lui a été soumise, notre Jury a récompensé MM. Marie Lévy et Lauer d’une médaille d’or.
- M. Bertiiand-Boulla, à Nîmes (Gard).
- Gette ancienne maison, qui, de longue date, excelle à fabriquer les tissus les plus artistiques pour ameublement, avait sans contredit l’iine des expositions les plus intéressantes de notre classe. II est vraiment regrettable que l’emplacement qui lui a été attribué ait été si peu favorisé au point de vue de l’éclairage, car le manque de jour empêchait de distinguer le fini d’exécution qui est comme la marque distinctive des nombreuses créations de M. Bertrand Boulla. Ayant pu examiner de près chacun des spécimens exposés par cette maison, nous sommes heureux, au moment de rendre compte de cet
- Gn. Xlf. — Cl. 70. ah
- IHi’MMUUF. NATION
- p.349 - vue 353/484
-
-
-
- 350
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- examen, d’affirmer que notre Jury a hautement apprécié la valeur des somptueuses étoffes que cette maison continue à produire malgré la concurrence que par des imitations de ses genres la fabrication mécanique lui suscite bien souvent, tant en France qu’à l’étranger.
- C’est en 1868 que M. Bertrand-Boulla fonda la maison qu’il dirige encore aujourd’hui. Dès ses débuts, ce fabricant s’attacha à la reproduction de soieries anciennes, s’ingéniant toujours à rendre en même temps que la pureté des formes l’exacte coloration des documents de style dont il s’inspirait. Le succès qui a couronné ses efforts nous dit assez la haute réputation que s’est acquise M. Bertrand-Boulla par la production de ses riches étoffes.
- C’est en 1870 que ce fabricant innova la production à la jacquard de ces admirables tapisseries de laine qui, imitant à s’y méprendre les points de tapisserie brodée à la main sur canevas, connurent la vogue la plus grande, sous le nom de tapisseries de Nîmes, nom qui leur a été conservé. M. Bertrand-Boulla pendant nombre d'années fabriqua ces tapisseries à gros et petit point, tant pour sièges que pour panneaux décoratifs, et cet article jouirait sans doute encore de sa vogue ancienne si les tapisseries à fardages, que les industriels du Nord ont fabriquées en tout coton, n’étaient venues les concurrencer si directement.
- Une autre tapisserie, également produite à l’aide de la jacquard et en imitation de la tapisserie d’Aubusson, a été, vers cette même époque, également innovée par M. Bertrand-Boulla, dont le tissage à la main occupe 335 ouvriers, et dont la production annuelle s’élève à près de 800,000 francs.
- Nous devons une mention toute spéciale à M,ne Bertrand-Boulla qui, dès 1867, soit durant quarante-trois ans, apporta à son mari une très active et fort intelligente collaboration. Récompensée d’une médaille d’argent de collaboration à l’exposition de Bruxelles, en 1897, en suite de laquelle M"’° Bertrand-Boulla fut nommée officier d’Académie sur la proposition du Ministre du commerce français, notre Jury lui a, celle année, attribué une médaille d’argent pour sa brillante participation aux travaux de son mari. Nous apprenons avec un vif regret que, peu de temps après la clôture de cette Exposition, la mort a ravi Mmc Bertrand-Boulla à l’affection de sa famille.
- Nous prions M. Bertrand-Boulla de recevoir ici la bien sincère expression de notre douloureuse sympathie.
- L’exposition de M. Bertrand-Boulla offrait cette année une variété des plus intéressantes de ces somptueux lampas lancés et brochés dont la fabrication si soignée, autant que les compositions qu’ils reproduisaient, retenaient tous les regards par le cachet d’élégance imprimé à ces luxueuses étoffes. A côté d’imposantes reconstitutions d’étoffes du xvn° siècle, nombre de charmants petits dessins des styles Louis XV et Lous XVI nous montraient le gracieux emploi que permettent ces riches tissus pour la garniture de meubles de salon.
- Quelques meubles d’ailleurs, garnis de ces soieries, nous donnaient l’idée de l’effet qu’elles produisent ainsi utilisées.
- La tapisserie jacquard genre Aubusson nous a été présentée également par M. Bertrand-Boulla. Tout en reconnaissant parfaite l’exécution de la tapisserie qui garnissait le canapé qui lui a été soumis, notre Jury a regretté l’emploi pour trame de fond d’une schappe duveteuse, car cette matière, prompte à se charger des poussières d’un appartement, était déjà, lorsque notre Jury a passé en revue les produits de ce fabricant, tellement ternie qu’elle enlevait à l’ensemble de cette composition de fleurs la fraîcheur de son coloris.
- Enfin, quand nous aurons dit que tant sur les cloisons que sur les chevalets, les brocarts et les riches brocalelles voisinaient avec les lampas brochés et les lampèzes aux chatoyantes couleurs, quand nous aurons fait mention de cette superbe reproduction d’une broderie du xvc siècle, qu’un tapis de table nous montrait, en fond satin or avec trames ivoire et bleu, nous aurons, pensons-nous, suffisamment démontré le côté artistique par lequel continuent à briller les productions de cette ancienne et intéressante maison.
- Récompensé d’une première médaille en 1863, d’une médaille d’or à Paris en 1878, ainsi qu’à Philadelphie en 1876, à Sydney en 1879, à Melbourne en 1880, M. Bertrand-Boulla fut nommé
- p.350 - vue 354/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- 351
- chevalier de la Légion d’honneur en suite de l’Exposition de Chicago en 1893. Enfin à Bruxelles, en 1897, M. Bertrand-Boulla obtint un diplôme d’honneur et notre Jury, cette année, lui a attribué une médaille d’or, pour l’ensemble de ses productions.
- MM. Combe et Delaforge, à Tours.
- C’est en i832 que MM. Fey et Martin fondèrent celte maison; MM. E. Démonté et Poirier leur succédèrent en 1876, et c’est en 1 898 que les chefs actuels de la maison prirent la suite des affaires sous la raison sociale Combé et Delaforge. Jeunes tous deux, tous deux doués d’une grande activité, ces messieurs imprimèrent à leur maison une vive impulsion; aussi les voyons-nous aujourd’hui à la tête d’une fabrique de soieries merveilleuses, de plus de 200 métiers à bras, occupant actuellement 160 ouvriers et ouvrières et produisant un chiffre annuel de 800,000 francs.
- Le vaste emplacement occupé par MM. Combé et Delaforge était subdivisé en deux parties. L’une d’elles nous montrait un métier monté à la jacquard en vue de la production d’un lampas broché qu’un habile ouvrier tissait devant les visiteurs fort intéressés à cette si utile leçon de choses. L’autre partie comprenait une succession de trois vitrines, remplies d’étoffes somptueuses que les salons lyonnais de la Classe 83 n’auraient pas reniées.
- Nous n’avons pas compté moins de 90 dessins constituant une multitude de montages différents et représentant toutes les difficultés du tissage sur métiers à bras, depuis les tissus simples à un lat jusqu’aux étoffes brochées comportant Ô2 couleurs, et jusqu’aux velours les plus compliqués.
- En soieries fines, des tissus unis, taffetas et satins, des damas et des brocatelles, des lampas lancés et brochés, des velours de Gènes d’une extrême finesse, sollicitaient et retenaient l’attention des nombreux visiteurs attirés par le chatoiement des coloris et par le bon goût qui avait présidé à l’arrangement de ces ravissantes étoffes.
- La présentation d’ailleurs en était habilement faite et les luxueux lampas brochés avec métal qui nous ont été soumis étalés et drapés sur trois lés donnaient de ces riches dessins Louis XIII et Louis XIV une impression de grandeur et de magnificence que notre Jury s’est plu à admirer.
- En soieries établies à l’aide de matières de soies moins fines, en schapperies pour ameublement, MM. Combé et Delaforge nous ont présenté des tissus damassés, par eux vendus au prix de 7 francs en i3o centimètres, et une grande variété d’autres étoffes produites avec ces matières, tels que les unis et armurés, les damas, les lampas fond satin à 2, 3 et U lats, les lampas brochés, des tissus de fantaisie et des velours. La caractéristique de cette exposition résidait dans la grande variété et dans l’extrême richesse des étoffes qui nous ont été présentées ; elles révèlent une grande recherche et un goût très sûr, de la part des chefs de la maison, comme aussi une grande habileté professionnelle de la part des tisserands occupés par MM. Combé et Delaforge. Nous avons vu en effet des étoffes du prix de 7 francs comme aussi d’autres du prix de 100 francs le mètre.
- Ces messieurs nous ont montré de superbes reproductions d’étoffes des xvi°, xvn° et xvmc siècles; leurs efforts tendent à aider la vieille cité tourangelle à reconquérir l’ancienne réputation du passé, alors que ses fabriques étaient si florissantes, de i45o à 1770, et notre Jury les en a félicités.
- Sous le nom de Fey et Martin, exposants en 18hk, 18A9, 1855, 1862 et 1867, ces messieurs obtinrent, en 1867, la croix delà Légion d’honneur. Sous la raison sociale Démonté et Poirier, M. Démonté, hors concours comme membre du Jury à l’Exposition de Tours en 1892, fut, lui aussi en suite de ladite exposition, nommé chevalier de la Légion d’honneur. Enfin, cette année, pour la première exposition à laquelle ils prennent part sous la raison sociale Combé et Delaforge, ces messieurs ont obtenu une médaille d’or que notre Jury a été heureux d’attribuer à l’ensemble si varié de leurs intéressantes productions.
- p.351 - vue 355/484
-
-
-
- 352
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- M. Leclercq (J.-L.), à Tourcoing (Nord).
- Nous nous trouvons ici en présence d’un jeune industriel dont l’intelligente activité ne saurait être jnise en doute. C’est en 1890 que M. Leclercq débuta dans la fabrication des étoffes pour ameublement. Ayant prudemment commencé avec quelques métiers à la jacquard, sa première installation de métiers à bras se transformables 1892, en une cinquantaine de métiers mécaniques; puis, encouragé parle succès, M. Leclercq construisit, en 1895, une vaste usine, et nous le voyons aujourd’hui à la tête d’une importante manufacture couvrant 5,000 mètres, nécessitant une force motrice de i5o chevaux de force, outillée de 1-20 métiers mécaniques dont 8 pour largeur de 2 m. 10, et 2 autres construits spécialement pour largeur de 2 m. 60 avec 6 mécaniques Jacquard de 1,320 crochets. Si nous ajoutons que le chiffre annuel de production accusé par ce fabricant s’élève à i,5oo,ooo francs, il sera prouvé, croyons-nous, que M. J.-L. Leclercq a marché à pas de géant.
- Dans la très intéressante exposition d’ensemble que M. J.-L. Leclercq nous a présentée en un vaste emplacement dont les panneaux décoratifs constituaient le principal attrait, nous passerons rapidement sur les tissus de fabrication courante tels que les fantaisies tissées en jute et coton, en coton, en coton et soie ou même en soie, dont les dessins sans prétention n’avaient rien de spécial qui pût solliciter et retenir notre attention. Nous avons vu qu’en ces articles classiques M. Leclercq, comme nombre de ses collègues, fabrique les étoffes à dessins pour tentures ou pour sièges, les rideaux et portières ainsi que les tapis de table.
- Mais où M. Leclercq s’écarte des sentiers battus, où l’on sent que M. Leclercq a voulu se faire une véritable spécialité, et nous l’en félicitons vivement, c’est dans la fabrication des tapisseries coton à fardages, en laquelle la profusion de sujets décoratifs exposés sous forme de coussins, feuilles de paravent et panneaux, nous a prouvé en même temps que l’ingéniosité de ce fabricant sa hardiesse à produire des genres modernes que nombre de ses concurrents n’ont pas osé aborder.
- Ayant sans hésitation exécuté en panneaux ce genre de tapisserie qui, pour de si importantes compositions , nécessite des frais considérables, M. Leclercq s’est tout d’abord attaché à la reproduction de tapisseries anciennes ; il y réussit complètement et nous avons pu remarquer que les divers panneaux qui nous ont été présentés en ce genre dénotent une grande habileté technique de la fabrication en même temps qu’une réelle virtuosité dans l’art d’assembler et d'harmoniser les couleurs.
- Les Scènes mannes du temps de Louis XIII, par exemple, nous montraient en deux panneaux de 2 m. 5o sur 3 m. 5o des tapisseries à fardages reliâmes et trames coton combinées entre ellesr> que nombre de visiteurs ont prises pour de réelles tapisseries de l’époque.
- Aurore el Céphale, cette autre tapisserie de 1 m. ho sur 1 m. 80, reproduite d’après une tapisserie ancienne du Garde-Meuble, affectait aussi cette simplicité de modelé, cette netteté de formes et cette coloration vigoureuse qui font la valeur des tapisseries anciennes.
- Mais non content de n’exécuter que des reproductions de sujets anciens ou déjà vus, M. Leclercq, à l’occasion de l’Exposition, et sans se laisser arrêter par les frais au-devant desquels il allait, voulut montrer aux nombreux visiteurs de notre Exposition qu’à l’égal des grandes manufactures de tapisseries il savait s’adresser à des artistes spéciaux pour leur demander des compositions originales spécialement étudiées en vue de leur emploi décoratif.
- Désireux d’affirmer ses tendances modernes, M. Leclercq, qui avait déjà créé de ravissantes tapisseries d’après des compositions modernes de Mucha : les Saisons, les Fleurs animées, délicieux sujets pour feuilles de paravent que nous avons revus avec plaisir en son exposition, M. Leclercq, disons-nous, s’adressa au maître incontesté de l’art moderne français, M. E. Grasset, et lui demanda une composition qui, sous le nom de Fête du printemps, figura en deux panneaux de 2 m. 5o sur 3 m. 5o en cette Exposition où ils furent des plus remarqués par la masse des visiteurs qui ne cessaient de s’extasier devant ces compositions limpides, claires et gaies comme un rayon de soleil. Mais bien peu de ces visiteurs ont pu se douter des difficultés qu’il a fallu surmonter pour mettre au point une
- p.352 - vue 356/484
-
-
-
- 353
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- composition de cette importance, qui nécessitait un nombre considérable de chaînes et de trames pour exécuter en point fin, et pour ainsi dire à palette libre, la peinture de l’artiste. La maquette qui se trouvait fixée au-dessous de ces panneaux nous a montré que grâce à l’habileté des dessinateurs industriels MM. Martin et Couder, grâce aussi à l’ingéniosité de M. Leclercq, les jeunes filles et les enfants qui dans cette Fête du printemps se jouent dans un paysage clair et ensoleillé ont été fidèlement reproduits par la tapisserie, en tons plats simplement contournés, mais dont l’effet ornemental était charmant, bien nouveau et absolument réussi.
- Une autre composition moderne, également très remarquée, était due à M. Lionel Péraux, ce jeune maître de la grâce féminine. Cette tapisserie, panneau de 2 m. 80 sur 1 m. 80, représentait La Musique et la Danse grecques. Il était à remarquer que dans cette composition comme dans celle de M. Grasset l’exécution en tapisserie a fidèlement rendu la richesse de la palette du peintre ; l’ensemble en était plein d’entrain, et l’on ne pouvait s’empêcher d’admirer la hardiesse de M. Leclercq qui, pour exécuter ces panneaux, a dû, sur des métiers spécialement organisés pour les recevoir, monter, pour la reproduction de Musique et Danse grecques, k mécaniques Jacquard de 1,320 crochets nécessitant 69/100 cartons, alors que pour chacun des deux panneaux Fêle du printemps il a fallu 6 mécaniques de 1,320 crochets nécessitant 66,960 carions, soit 133,920 cartons pour les deux sujets de celte attrayante composition. Les métiers sur lesquels ont été exécutées ces compositions modernes sont des métiers mécaniques établis sur 2 m. 60 de largeur. Avec ceux qui produisent les carpettes sur 3 mètres de largeur, ces métiers sont les plus larges qui soient utilisés à la Jacquard pour l’ameublement.
- M. Leclercq qui, dès 1893, a fondé en faveur de ses ouvriers une caisse de secours mutuels en cas de maladie, et qui, pour la première exposition à laquelle il prenait part, a obtenu une médaille d’argent à l’exposition de Bruxelles en 1897, s’est vu récompenser cette année d’une médaille d’or par notre Jury qui ne lui a ménagé ni ses éloges ni ses félicitations pour la production de ces intéressantes tapisseries.
- MM. Lorthiois-Leurent et jîls, à Tourcoing (Nord).
- Nous avons déjà signalé aux chapitres traitant des moquettes laine à la jacquard et des tissus unis pour ameublement les productions de MM. Lorthiois-Leurent et fils en ces articles; il nous reste toutefois à mentionner ici la variété d’étoffes de fantaisie que ces fabricants nous ont montrées en leur salon si harmonieusement orné de tapis et d’étoffes qu’ils occupaient en notre classe.
- L’espace restreint dont ces messieurs disposaient ne leur ayant pas permis de faire une grande démonstration des tissus courants tels que les jute et coton et les tout coton, dont ils ont une grande production pour tentures, rideaux, portières et tapis de table, MM. Lorthiois-Leurent et fils avaient surtout exposé leurs étoffes de genre soierie, lampas 3 et k lats, ainsi que des spécimens de leurs tissus mélangés soie et coton dont ils ont la vente facile, non seulement en France, mais encore à l’exportation et surtout aux Etats-Unis, où ils sont représentés par des agents qui visitent assidûment cette clientèle américaine.
- Parmi les soieries présentées dans la vitrine de leur salon, nous avons remarqué quelques compositions charmantes tant par l’heureux arrangement des formes constitutives des dessins que par leur coloration très harmonieusement observée. Le lampas fond satin vert, notamment, étalé au centre de cette vitrine offrait avec celle autre soierie Feuilles de marronnier, délicieusement enlevées sur fond crème, un attrait tout particulier, par la finesse des moindres détails produits par k lats de trame soie sur un fond satin ayant nécessité 19,200 fils de chaîne sur i3o centimètres de largeur.
- D’autres soieries aux tons clairs et doux donnaient à l’ensemble des étoffes présentées en vitrine un aspect de richesse, dont le bon goût a été très remarqué par notre Jury.
- p.353 - vue 357/484
-
-
-
- 354
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- D’antres produits ont également attiré notre attention; les satins, les armures, les tapisseries à fardages, en imitation des tapisseries de Nîmes et de Beauvais, dont de nombreux spécimens étaient exposés sur chevalet, nous ont surabondamment prouvé que la fabrication de MM. Lorthiois-Leurent et fils s’étend à tous les genres et sait, en compositions de tous styles, produire avec les soins les plus minutieux toutes les étoffes dont l’exécution se fait à l’aide de métiers mécaniques.
- Nous nous faisons un devoir de reconnaître, à la louange du jeune chef actuel de cette importante et si ancienne maison, dont la fondation remonte à 1780, que c’est sous son impulsion que les industries du meuble et du tapis, qu’il dirige avec une intelligente énergie, sont arrivées chez lui à une production annuelle de 4 millions de francs, doublant ainsi le chiffre d’affaires cpie cette maison faisait en 1889.
- 11 y a neuf ans, en effet, M. Jules Lorthiois fut, par suite d’une grave maladie de son père, placé à 16 ans et demi à la tête de celle grande exploitation industrielle; nous nous plaisons à reconnaître que, joignant aujourd’hui à des connaissances techniques de la fabrication un sens très pratique du négoce, ce jeune industriel ne recule devant aucun sacrifice pour faire tenir le rang le plus honorable à sa double fabrication du tapis et de l'ameublement, dont récemment encore il augmenta sensiblement l’outillage mécanique.
- Rappelons en terminant que l’usine de MM. Lorthiois-Leurent et fils, construite sur un terrain de 15,ooo mètres carrés, est actionnée par une force motrice de 5oo chevaux, qu’elle occupe 38?. ouvriers pour l’ameublement, et 279 pour le tapis. Ces messieurs ont des maisons de vente à Paris, Londres, Bruxelles, New-York, Buenos-Ayres et Constantinople.
- Cette maison, qui n’avait pris part qu’à quatre expositions, avait obtenu des médailles d’or aux Expositions de Paris 1878, de Melbourne 1881, d’Amsterdam 1883 et un diplôme d’honneur à l’Exposition d’Anvers 1894.
- Tout en prenant en considération l’importance de cette maison, ainsi que la fabrication si soignée des produits variés qu’elle nous a montrés, certains membres de notre Jury n’ont pu s’empêcher d’exprimer leur regret de n’avoir pas vu MM. Lorthiois-Leurent et fils donner à leur exposition le développement que comportait l’importance de leurs industries. Le verdict de notre Jury s’est (le rapporteur est forcé de le constater) ressenti de cette impression lorsqu’il a attribué une médaille d’or à MM. Lorthiois-Leurent et fils pour l’ensemble de leurs intéressantes productions. .
- M. Defbetin (Edouard), à Ilallum (Nord).
- Nous avons signalé déjà l’importance de cette maison lorsque nous avons mentionné ses productions en tapis. Nous allons ici passer en revue les étoffes d’ameublement que son vaste salon nous a montrées à profusion.
- C’est surtout aux articles bas prix que s’attache M. Defretin et les mncassars (petits tapis à sujets variés, tissés en coton et en métal), dont un grand assortiment nous a été soumis, représentent une des grosses productions de sa maison.
- Des tissus en jute et coton, depuis 0 fr. 84 le mètre en 1 3o de largeur, des tapisseries coton de prix doux, d’autres étoffes mélangées de coton et de soie, et enfin des tissus en chaîne schappe tramée tussah, du prix de i5 francs, étaient étalés dans le salon de M. Defretin, sur un vaste chevalet, en quantité telle qu’il était, à distance, difficile pour le visiteur d’en apprécier autre chose que la diversité des fonds sur lesquels les dessins étaient produits. Notre examen nous a démontré que ces tissus, qui visent une clientèle ne recherchant que les prix bas, 11e comportaient pour la majeure partie d’entre eux que des dessins sans prétention aucune, mais de tissage régulier prouvant les soins attentifs apportés à leur exécution.
- Fixés aux murs, quelques tissus, fond lampèze et point de tapisserie pour canapés et pour sièges,
- p.354 - vue 358/484
-
-
-
- 355
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- montraient, ainsi que divers tapis de table (dont un de genre oriental, très original avec sa frange à sequins), que M. Defretin fabrique indifféremment, selon les besoins de la clientèle à laquelle il s’adresse, ces divers articles, de même que la chenille multicolore en coton dont un rideau et un tapis de table étaient également exposés.
- Mais, de même qu’en tapis chenille, M. Defretin avait fait, en vue de l’Exposition, une pièce capitale dont nous avons fait mention déjà, ce fabricant a tenu à nous montrer qu’en ameublement il était en mesure de produire et à l’aide d’un métier mécanique, nous a-t-il affirmé, de grands panneaux décoratifs en tapisserie à fardages, du genre de celui dont son exposition nous donnait la vue.
- Ce panneau, qui occupait le centre de la cloison du fond de ce salon, mesurait 2 mètres sur 3 m. ko de largeur. Cette composition, intitulée Fêle du Printemps, était due à l’artiste dessinateur industriel, M. Prosper Tetrel, dont les connaissances des ressources à tirer de ces tapisseries établies par fardages sont d’une aide puissante pour le fabricant qui se livre à ces productions dispendieuses. Cette composition moderne, volontairement traitée en tons clairs et très doux, était sans contredit fort intéressante. Notre Jury a trouvé toutefois quelle eut gagné à être égayée par places de notes de coloration plus vive, qui lui auraient évité cette monotonie et cet air un peu anémié dont les personnages paraissaient frappés. Est-ce à la mise en carte que, dans la théorie de jeunes enfants dont ce panneau nous montrait un défdé gracieux, certains de ces enfants ont eu les déformations de bras ou de jambes que l’examen détaillé de cette tapisserie nous a fait constater?
- Cette critique faite par notre Jury, le rapporteur devait la mentionner, mais il doit aussi ajouter, pour enlever ce que cette appréciation pourrait avoir de désobligeant, qu’au point de vue de la finesse du point en lequel M. Defretin a exécuté cette pièce de tapisserie comme à celui de la perfection avec laquelle a été exécuté ce panneau décoratif, ce fabricant a causé à notre Jury une véritable surprise, car cette production nous a prouvé que, si M. Defretin a des raisons pour s’attacher aux tissus de fabrication courante et classique, il sait aussi, quand il le veut, se livrer à des productions artistiques.
- M. Defretin a tenu à nous faire valoir les difficultés presque insurmontables qu’il a dû vaincre pour produire sur métier mécanique ce panneau dont les dimensions ont nécessité l’adaptation de 5 mécaniques Jacquard de t,320 crochets, pour atteindre à la finesse du point de cette tapisserie, dont chaque centimètre comporte 84 duites (trame). Le nombre des cartons nécessités par la production de cette Fête du Printemps s’élève à i5o,ooo. Quant aux frais occasionnés par sa mise au point, si nous comprenons la composition, la peinture, la mise en carte, la lecture, le piquage des cartons et enfin l’échantillonnage et la recherche des coloris, M. Defretin les chiffre par plus de 15,000 francs, et néanmoins, ajoute ce fabricant, s’il prend pour base la consommation normale qui se fait de ces panneaux, il admet que le prix d’un tel panneau de 2 mètres sur 3 m. 4o pourra être établi par lui à raison de 100 francs, soit à i4 fr. 70 le mètre carré, prix qui, pour une telle sortie de fonds et pour un tissu aussi fin, a paru à notre Jury extrêmement avantageux.
- A M. Edouard Dufretin, qui avait obtenu une médaille d’argent à l’Exposition de Paris en 1878, et qui n’avait pas pris part à l’Exposition de 1889, notre Jury a attribué une médaille d’or pour l’ensemble de son intéressante exposition. *
- MM. Melle Rio et Fossé, à Paris.
- Indépendamment des tapis dont nous avons déjà fait l’examen, MM. Mellerio et Fossé nous ont montré, dans l’emplacement qu’ils occupaient en notre classe, diverses étoffes pour ameublement qu'ils produisent en leur usine de Bohain (Aisne). '
- Ainsi que nous l’avons mentionné précédemment, la vente que recherchent ces messieurs ne
- p.355 - vue 359/484
-
-
-
- 356
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- nécessitant pas la production d’articles de prix élevés, c’est surtout aux produits de fabrication courante et classique que MM. Mellerio et Fossé s’attachent de préférence.
- C’est la raison pour laquelle les étoiles que nous ont présentées ces messieurs répudient complètement les compositions aux tendances modernes dont leur clientèle ne s’accommoderait en aucune façon.
- Nous avons remarqué que, dans le genre classique qui s'adresse à la clientèle recherchant les bas prix, MM. Mellerio et Fossé excellent à fabriquer ces étoffes, établies en jute et coton; ils parviennent à leur donner un effet décoratif suffisant pour les personnes qui s’attachent plus à l’effet produit par le coloris que par le dessin lui-même. Dans toutes les étoffes jute et coton ou tout coton produites par MM. Mellerio et Fossé, de nombreux dessins nous ont été présentés soit en étoffes au mètre pour tentures et pour sièges, soit en rideaux et portières, soit enfin en tapis de table, tous articles pour lesquels cette maison jouit d’une réputation justement méritée, car, malgré les prix bas auxquels ces produits variés sont établis par elle, la fabrication si régulière des spécimens que nous ont présentés MM. Mellerio et Fossé nous a prouvé qu’en ameublement connue en tapis ces habiles fabricants apportent à l’ensemble de leurs productions les soins les plus méticuleux et les plus attentifs.
- Dans le salon occupé par les produits de cette maison, nous avons remarqué qu’à côté des tissus dont nous venons de faire mention MM. Mellerio et Fossé avaient exposé diverses étoffes mélangées, fantaisies de prix moyen d’un aspect des plus agréables. Des portières tissées en laine et coton, des lampas fond satin schappe, dont les dessins enlevés au point fin de tapisserie permettent l’emploi pour canapés, fauteuils et chaises, enfin, sur chevalet, des soieries à 2, 3 et k lats, nous ont montré les principaux articles en lesquels cette maison s’attache à produire les gros métrages que nécessite l’alimentation des métiers à bras de son usine établie dans un centre de fabrication où les ouvriers, très habiles tisserands, se prêtent avec souplesse à tous les genres de production.
- Rappelons qu’en leurs deux établissements de Persan (Seine-et-Oise) et de Boliain (Aisne), MM. Mellerio et Fossé occupent un personnel de 4oo ouvriers, et qu’aux expositions auxquelles ils ont pris part ces messieurs ont obtenu déjà les récompenses suivantes : médaille d’argent à Paris en 1878, médaille cl’or à Bruxelles.en 1897; notre Jury a attribué, cette année, une médaille d'or à MM. Mellerio et Fossé pour l’ensemble des produits de leur double industrie du tapis et de l’ameublement. M. Mellerio, officier d’Académie, membre de la Commission permanente des valeurs en douane, avait été membre des Comités d’admission et d’installation de l’Exposition qui vient de se clôturer.
- M. Beuchoud (Maurice), à Paris.
- La manufacture des tapisseries de Beileville, que M. L. Berchoud, le père du chef actuel de cette maison, fonda en 1853, s’était tout d’abord appliquée à la production à l’aide de métiers à la jacquard, de tapisseries dont les sujets étaient ou des personnages ou des compositions de fleurs qui, (brochées ou spoulinées, produisent les plus chatoyants effets. La tapisserie de Beileville diffère des tapisseries d’Aubusson en ce que, contrairement à ces dernières, qui, fabriquées sur métiers de basse lisse, sans le secours d’aucun appareil mécanique Jacquard ou autre, nécessitent le travail d’un habile artisan pour reproduire fidèlement et à palette libre le dessin ou le sujet qui lui est imposé, la tapisserie de Beileville, disons-nous, diffère de l’Aubusson en ce quelle emploie à sa production le métier à la jacquard, et qu’elle utilise pour le liage des points de trame un fil de coton fin qui se dissimule entre les gros fils de chaîne faisant le reps en long en imitation du point réel de la tapisserie ; elle se limite généralement à un certain nombre de couleurs, car il s’agit, pour établir cette tapisserie à un prix normal d’environ 5o p. 100 moins élevé que celui d’Aubusson, de ne pas charger par de nombreux frais de cartons et de main-d’œuvre la composition à produire.
- Une fois établie, par exemple, à l’égal de toutes les étoffes d’ameublement fabriquées à la jacquard,
- p.356 - vue 360/484
-
-
-
- 357
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- elle peut se reproduire indéfiniment à l’aide des jeux de cartons de la jacquard, amortissant ainsi les frais de production du premier modèle, tandis que, pour les tapisseries d’Aubusson, chaque modèle, lut-il reproduit cent fois, nécessite toujours les memes frais, les memes difficultés d’exécution et la même lenteur de production.
- M. Bercboud père adjoignit ensuite à sa fabrication de tapisseries celle de la savonnerie dont maints modèles créés par lui sont encore présents à noire mémoire.
- C’est en 18g4, en suite de la mort de son père, que M. Maurice Berchoüd reprit sous son nom personnel la suite des affaires de^son père, en ayant soin de conserver près de lui l’intelligent et actif collaborateur, M. Jules Berchoüd, son oncle, qui, trente années durant, avait puissamment aidé M. L. Bercboud dans toutes les créations artistiques de ses deux fabrications.
- Sous l’impulsion donnée par M. Maurice Bercboud à la production des deux fabrications artistiques dont il avait pris la direction, et grâce à l’aide d’excellents contremaîtres et ouvriers formés de longue date par son père à ces fabrications spéciales, ce jeune fabricant s’attacha à exécuter en ses tapisseries de Belleville des reproductions de ces admirables tapisseries de Beauvais du xvif et du xvm° siècle, dont nous avons vu maints spécimens, très heureusement exécutés, dans le salon que M. Maurice Bercboud occupait dans notre classe. Dans ces imitations de tapisseries anciennes, comme dans celle de style Louis XVI qui garnissait un meuble ravissant (vendu au cours de l’Exposition à la maison Mandel brothers de New-York), nous avons remarqué que M. Bercboud n’a pas hésité à utiliser pour leur production un nombre considérable de nuances, et nous devons à la vérité de reconnaître que l'ingéniosité du coloriste ne le cédait en rien h celle du tisserand, pour l’exécution de ces tapisseries qui, bien que fabriquées à la jacquard, simulaient en point fin les tapisseries artistiques dont elles recherchaient l’imitation.
- Le velours Savonnerie, fabrication à laquelle M. Maurice Berchoüd a donné également un grand essor, se produit chez lui à l’aide de procédés spéciaux permettant, aussi bien en velours plein qu’en velours en relief sur une étoffe quelconque, l’exécution à palette libre de motifs ou de sujets de tout style, tant pour coussins, sièges, trumeaux, dessus de porte et rideaux que pour panneaux décoratifs de toutes dimensions et pour tableaux reproduisant les œuvres des maîtres de la peinture.
- M. Maurice Berchoüd nous a montré, dans son salon de l’Exposition, une admirable reproduction en velours plein du Chien de chasse, d’après le tableau de J.-B. Oudry, et nous devons reconnaître que cette savonnerie très habilement exécutée et fort harmonieusement coloriée a valu à M. Berchoüd les félicitations du Jury. Contre la cloison du fond, une autre savonnerie représentant un délicieux paysage a également attiré notre attention.
- Enfin, tapissant la cloison de gauche, M. Berchoüd avait tendu une étoffe à fond de tapisserie de ton paille, sur laquelle s’enlevaient, avec une allure bien moderne, des iris sur tiges, stylisés avec art et très joliment coloriés en un, point fin de Savonnerie à relief, dont l’effet décoratif était des plus heureux.
- L’examen des produits exposés par M. Berchoüd nous a prouvé que, soit qu’on s’adresse à lui pour des compositions modernes, soit qu’on lui demande la reproduction de tableaux ou de modèles anciens, sa manufacture de tapisseries de Belleville et de velours de Savonnerie est en mesure aujourd’hui de satisfaire à toutes les exigences.
- Le personnel occupé en ses deux fabrications comprend 8o ouvriers et ouvrières, et sa production annuelle s’élève à près de 35o,ooo francs.
- Nombreuses sont les récompenses obtenues par la maison Bercboud à toutes les expositions auxquelles elle a pris part : médaille de bronze, Paris 1855; prize medal, Londres 186a; médaille d’argent, Paris 1867; médaille de progrès, Vienne 1873; médaille d’or, Paris 1889; hors concours, Chicago 189 3.
- Notre Jury a récompensé d’une médaille d’or M. Berchoüd, pour l’intéressant ensemble des produits de sa fabrication.
- p.357 - vue 361/484
-
-
-
- 358
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- MM. Saurelfrères, h Nîmes (Gard).
- Dans le salon qu’occupaient MM. Saurel frères, la plus grande variété de somptueuses étoffes se trouvait étalée; s’il est une chose à regretter, c’est que, par suite de l’éclairage absolument défectueux en cette partie des galeries de notre Classe, nombre de ces étoffes dont les cloisons étaient ornées étaient à peine visibles, et c’est grand dommage, car l’ensemble si attrayant de cette exposition, composée en partie d’étoffes ries styles les plus purs, et en partie de tissus aux compositions modernes très étudiées, méritait l’attention de tous ceux qui apprécient le charme d’étoffes décoratives si habilement exécutées.
- Cette très ancienne maison tient, à Nîmes, la première place parmi les industriels de cette région, pour la production des tapisseries, des lampèzes, des soieries brochées et des moquettes fines, genre savonnerie, fabriquées à la Jacquard ; nous avions gardé le meilleur souvenir de sa brillante participation à l’Exposition de Paris en 1889; sa création d’un ameublement lampèze à contre-fond, avec, comme motifs de dossiers et de sièges, de merveilleux arrangements de fleurs aux luxuriantes couleurs lancées et brochées, s’enlevant en point fin de tapisserie, avait, à l’époque, provoqué l’admiration générale et valu à MM. Saurel frères la médaille d’or, de la part du Jury des récompenses de la Classe 21, récompense à laquelle s’adjoignit la croix de la Légion d’honneur, que le Gouvernement s’honora en même temps qu’il honora MM. Saurel frères en accordant cette haute distinction à ces industriels de grand mérite.
- Parmi les étoffes dont, cette année, MM. Saurel frères nous ont donné la vue, l’histoire de Jeanne d’Arc, en quatorze petits tableaux ravissants, nous montrait, en un nouveau point de tapisserie soie et métal, et en réduction d’une finesse extrême, les principaux épisodes de la vie de notre chère Lorraine.
- Les personnages qui animaient les scènes de ces petits carrés de tapisserie, véritables Gobelins de soie, étaient rendus avec une rare perfection; les combinaisons de nuances, leurs fondus, nous ont prouvé le degré d’habileté du coloriste autant que celle du tisserand à qui l’exécution de ces tapisseries a été confiée. Quelques-unes de ces tapisseries montées sur de charmants cadres en bois, ou en feuilles de paravent, montraient leur mode d’emploi et produisaient un effet ravissant. Ces petits carrés de tapisserie, en dimensions de 0 m. 32 sur o m. 4o, étaient établis au prix de vente de 26 francs.
- Dans le même point de tapisserie, et dans le même genre de fabrication, il nous a été présenté un meuble Louis XIV d’une extrême richesse.
- Contre la cloison de droite, une admirable tenture de soie donnait l’illusion complète d’un véritable velours de Gênes, d’une coloration puissante et d’un admirable effet décoratif.
- L’art moderne avait aussi sa large part dans l’exposition de MM. Saurel. Deux grandes tapisseries décoratives fixées l’une à droite, l’autre à gauche de la cloison formant le fond de ce salon, nous montraient en compositions dues à M. Latenay, la première la Forêt, la seconde la Rivière; simples dans leurs formes autant que dans leur coloris, ces deux tapisseries admirablement exécutées au point fin, et en somme agréables dans leurs détails, ont paru à notre Jury manquer d’équilibre en tant que valeur des formes constitutives des dessins, qui accusaient trop les lignes horizontales chères aux compositions primitives du genre anglais Liberty.
- D’autres étoffes, compositions modernes, dues, les unes à M. Couty, les autres à M. Gillet, nous ont montré, en tapisseries fines, la première, une composition en laquelle des tulipes d’un ton jaune clair se mêlaient à des hortensias d’un bleu pâle, bien compris pour s’enlever agréablement sur le feuillage vert tendre des tulipes, feuillage qui couvrait presque entièrement le fond vert foncé qui n’apparaissait que sobrement et comme ton de repos.
- Les autres, celles de M. Gillet, présentaient, d’après la stylisation de la rose, une tapisserie fond vert grisâtre sur lequel des roses rouges, accompagnées de tiges violacées et de feuillage vert foncé,
- p.358 - vue 362/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT. 359
- étaient exécutées en coloris vigoureux. Une autre tapisserie, avec encore la rose pour motif, présentait cette fleur sons son agréable coloration de rose thé, au cœur rouge orangé, sur fond vert assez vif. Les feuilles en vert foncé, ainsi que celles de chardons qui s’y adjoignaient, donnaient, avec les tiges violacées qui encerclaient les roses,un effet décorâtbien nouveau. Ces dessins étaient admirablement équilibrés, et leur exécution, parfaite à tous égards. La frise de paons, en tapisserie brodée d’argent, qui garnissait le haut de la cloison, est également à signaler, ainsi qu’une étoffe ornée de glaïeuls et quantité d’autres produits dont l’énumération serait trop longue.
- Cet aperçu démontre d’ailleurs suffisamment, croyons-nous, la facilité avec laquelle MM. Saurel frères se prêtent à traduire en d’admirables étoffes les compositions les plus variées et toujours en des qualités supérieures où leur marque s’est de tout temps affirmée pour l’exécution la plus soignée.
- MM. Saurel frères ont obtenu une médaille d’or à l’Exposition de Paris en 1878, une médaille d’or et la croix de chevalier de la Légion d’honneur à Paris en 1889, une médaille d’or à Bruxelles en 1897, et c’est encore une médaille d’or que, cette année, notre Jury a décernée à MM. Saurel frères pour l’ensemble de leurs intéressantes productions.
- MÉDAILLE D’ARGENT.
- MM. Deffrennes-Canet (Jean) et Catrice (Ed.), à Lys-lez-Lannoy (Nord).
- C’est en 1890 que fut fondée cette maison primitivement connue sous la raison sociale Jean Deffrennes-Canet et C1'. Elle débuta dans la fabrication des étoffes d’ameublement par la production, à l’aide de métiers à bras montés à la Jacquard, d’une série de tissus tout coton, désignés articles orientaux. Les portières orientales tissées à deux chaînes et à deux trames, dont la vogue était considérable à l’époque, furent, de la part de cette maison, l’objet d’une véritable spécialité.
- Dès 1891, AI. Jean Deffrennes s’outilla de métiers mécaniques et, encouragé par le succès du à un travail intelligent et énergique, il s’adjoignit, comme associé, M. Ed. Catrice, qui était déjà son intéressé, et dès lors, sous la raison sociale J. Deffrennes-Canet et Ed. Catrice, ces messieurs donnèrent à leur industrie la plus vive impulsion.
- Amenés progressivement à accroître le nombre de leurs métiers mécaniques, ces messieurs se trouvent occuper aujourd’hui, dans une usine actionnée par un moteur de 100 chevaux de force, 186 métiers mécaniques, alors que pour certains tissus qui se fabriquent encore à la campagne ils occupent au dehors une centaine de tisserands outillés de métiers à bras.
- Vers 1891, MM. Deffrennes-Canet et Catrice, qui faisaient en ces petits tapis coton et métal de dimensions variées, et désignés macassars, une importante fabrication, eurent l’idée de rechercher en ces petits tapis la reproduction de portraits de souverains et de tableaux de maître, dont l’un surtout, Y Angélus de Millet, eut un grand retentissement et jouit longtemps d’une vogue considérable, grâce à l’extrême bas prix auquel ce petit tapis avait été établi.
- Puis peu à peu, ces messieurs étendirent leur fabrication à tous les genres, et c’est ainsi que nous les voyons à cette Exposition en possession d’une grande variété d’étoffes comprenant les jute et coton, les tout coton pour tentures murales, pour rideaux et portières, tapis de table et coussins.
- Les tapisseries à farclages pour sièges, tentures, rideaux et coussins, nous ont été montrées avec les noms des clients auxquels ces étoffes étaient vendues, et nous avons ainsi remarqué que les produits très soignés que fabriquent MAL Deffrennes-Canet et Catrice sont maintenant largement répandus en France et à l’étranger. Les soieries à base de satin schappe et à dessins enlevés par trois et quatre lats de tussah sont, ainsi que les taffetas à deux et trois trames, aujourd’hui grandement lancées par cette maison, dont la variété des étoffes embrasse toute la gamme de prix s’étendant depuis 1 franc le mètre jusqu’à 22 francs, en 1 m. 3o de largeur.
- Commençant aux dessous de lampes de o m. 21 sur 0 m. 21, et passant' par les dimensions de o m. 65 sur 0 m. 65 pour coussins et guéridons jusqu’aux tapis de tables de toutes tailles, ces mes-
- p.359 - vue 363/484
-
-
-
- 360
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- sieurs avaient exposé un grand couvre-lit en chaîne satin schappe à trois lats de tussah mesurant 2m. ho sur 2m. 8o, du prix de no francs, et nécessitant, pour sa production, 2/1,000 fils de chaîne soie. Ce superbe couvre-lit, vendu à l’une de nos grandes maisons de nouveautés, a fait l’admiration des nombreux visiteurs attirés par la priété des produits exposés dans la vitrine et sur les cloisons de l’emplacement occupé par MM. J. Deffrennes-Canet et Catrice.
- Quand nous aurons dit que les compositions modernes étalées çà et là en étoffes mélangées de soie et de colon voisinaient avec des tissus rappelant nos styles Louis XV et Louis XVI, et que ces étoffes, de même que les grands coussins, tapisseries à sujets et personnages au point fin, dénotaient les grands soins apportés à leur exécution, nous aurons clairement démontré que MM. Deffrennes-Canet et Catrice sont en mesure de satisfaire aux besoins de tous les marchés, comme aux demandes de tous leurs clients, tant pour les étoffes nécessitant les dessins de style que pour celles appelant des compositions modernes.
- Récompensés d’une médaille d’argent, à Scheweningen (Hollande), en 1892 ; placés hors concours à Chicago, en i8q3, MM. J. Deffrennes-Canet et Catrice ont obtenu de notre Jury une médaille d’argent, pour l’ensemble si soigné des produits qu’ils ont soumis à notre examen.
- MÉDAILLE DE BRONZE.
- M. Sonck (G.), à Lille.
- Cette maison, fondée en 1897, et qui accuse un chiffre d’affaires de 5oo,ooo à 600,000 francs par an, avait exposé dans sa vitrine une variété de tissus en majeure partie de genre oriental. Les écharpes, les voiles, les gazes en chaînes grège, les étamines rayées aux brillantes couleurs, nous ont montré avec des tapis de table et des portières que c’est le genre oriental dont cette maison fait sa spécialité. Pourtant, d’autres étoffes en jute et coton, coton et soie, et quelques tissus lamés d’or et d’argent, nous ont prouvé que la fabrication de M. Sonck s’attache aussi à d’autres productions. M. G. Sonck, qui, à l’Exposition de Omaka Nebraska, aux Etats-Unis, a obtenu précédemment une médaille de bronze, s’est vu attribuer par notre Jury une autre médaille de bronze pour les produits qu’il avait exposés.
- MADAGASCAR.
- MÉDAILLE D’ARGENT.
- Ecole professionnelle de Tananarive , à Madagascar.
- Nous sommes forcé de faire entrer dans cette même catégorie les tissus fantaisie exposés par cette école, bien qu’ils ne soient pas fabriqués à la jacquard; mais certains d’entre eux impliquent une idée de fantaisie qui ne nous permettait pas de les classer parmi les tissus unis.
- Ce sont les tissus connus en Europe sous le nom de raphia et fabriqués avec la matière de même nom, sorte d’herbe très haute qui croît dans le pays et dont les habitants tissent en toile, avec une certaine habileté, ces petits rideaux de rayures bigarrées rouge, or, bleu, vert et noir, qui se vendent par coupes de 2 m. 75 à 3 mètres selon la longueur des fibres; la chaîne et la trame de ce tissu sont de même matière, teinte dans le pays au moyen de produits végétaux qui donnent à ces teintures une grande solidité. Ces étoffes utilisées soit en tentures murales, soit en sièges ou en portières, font des ameublements de campagne ou de villas de stations balnéaires très coquets et d’un excellent usage.
- Déjà depuis quelque temps, l’Ecole cherche à faire progresser le tissage de ce charmant article ; elle a notamment fait imprimer sur chaîne raphia certains dessins de naïves formes orientales qui étaient
- p.360 - vue 364/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- 361
- exposés dans le pavillon de Madagascar, tout autour de l’hémicycle formé par le fameux panorama de Madagascar, dont le succès fut si grand durant toute l’Exposition, et nous ne doutons pas que, sous l’habile direction des professeurs de l’Ecole, les élèves, peu à peu formés au tissage de combinaisons plus compliquées, n’arrivent, dans un temps prochain, à produire à l’aide de la jacquard des étoffes à dessins qui, composées des matières soie, laine et coton mélangées au raphia, ne manqueront ni de cachet, ni d’originalité.
- Pour l’ensemble de son exposition, comprenant aussi des raphias brodés de soie et des nattes dont nous avons déjà fait mention, I’Ëcole professionnelle de Tananarive, à Madagascar, a obtenu de notre Jury une médaille d’argent.
- HONGRIE.
- MÉDAILLE D’OR.
- MM. Haas (Philippe) et fils, à Budapest.
- Cette importante maison, qui a siège à Budapest et à Vienne (Autriché), aurait pu nous montrer une plus grande variété de ses produits toujours si soignés. Elle avait, dans le salon royal de la section austro-hongroise, exposé un superbe dessin de brocart tissé d’or et de soie. Cette soierie, destinée à la salle Saint-Etienne du palais royal de Bude, était traitée à la manière des orfrois du xv° siècle; elle avait été utilisée ici à la tenture murale du salon royal.
- On peut la comparer par le fini du dessin et le soigné de la fabrication aux plus belles soieries que Lyon exposait dans la Classe 83. Le Jury a tenu compte de l’excellente réputation de la maison Philippe Haas et, tout en regrettant de n’avoir pas eu à examiner d’autres produits de sa fabrication, lui a décerné une médaille d’or.
- ALLEMAGNE.
- Nous aurions aimé trouver dans la section allemande de la Classe 70 les produits que nous rencontrons si fréquemment en concurrence avec les nôtres à l’étranger; mais en dehors des velours soie unis et frappés, que les fabricants de Crefeld et Christoph Andrea, de Mulheim-sur-le-Rhin, avaient exposés dans la section des soieries, Classe 83, Groupe XIII, nous constatons avec regret que les fabricants de velours fantaisie et de nouveautés pour ameublement des centres industriels d’Erbelfeld, de Chemnitz, de Crefeld ou de Barmen se sont abstenus de prendre part à ce concours.
- MÉDAILLE DE BRONZE. .
- M. Michels [Auguste), à Berlin.
- Cette maison, qui, paraît-il, possède un tissage mécanique d’étoffes de soie en tous genres, n’avait exposé dans le pavillon de l’Allemagne que quelques spécimens de sa fabrication; aussi notre Jury n’a-t-il pu lui attribuer qu’une médaille de bronze.
- MENTION HONORABLE.
- M. Mueller (A.), à Berlin.
- C’est pour les tentures murales, la garniture de soplia et les rideaux exposés dans la salle Robert Macco, de Heidelberg, que M. A. Mueller a obtenu de notre Jury une mention honorable.
- p.361 - vue 365/484
-
-
-
- 362
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- SUÈDE.
- MÉDAILLE D’ARGENT.
- M. Almgbem (K.-A.), à Stockholm.
- C’est dans le pavillon de la Suède, de la rue des Nations, que nous avons vu une très jolie étoffe de soie, dessin moderne composé de médaillons reliés par des lianes, sorte de lampas fond satin or tramé soie du même ton, qui formait les tentures décoratives du salon installé au fond de ce pavillon et qui garnissait aussi les sièges, canapés, fauteuils et chaises, dont ce luxueux appartement était orné. Pour la belle fabrication dont témoignait ce très heureux spécimen de sa production, M. Almgrem s’est vu attribuer une médaille d’argent.
- RUSSIE (FINLANDE).
- MÉDAILLE DE BRONZE.
- Ecole de tissage de Tavastcuus.
- Indépendamment des tapisseries en reps Gobelins, que nous avons déjà mentionnées, cette école nous a montré qu’à l’aide de métiers à bras ses élèves fabriquent à la jacquard quelques étoffes d’ameublement, articles ordinaires en coton et en laine, auxquels, à titre d’encouragement, notre Jury a accordé une médaille de bronze.
- GUATEMALA.
- MENTION HONORABLE.
- M. Hermanos-Niqüet, à Guatemala.
- Dans le pavillon de Guatémala, érigé près de l’avenue de Suffren, nous avons remarqué quelques étoffes qui, bien que fabriquées à l’aide de petits métiers primitifs, n’en offraient pas moins un caractère assez particulier. C’étaient, pour la plupart, des bandes au fond de tapisserie unie en reps Gobelins, agrémentées de dessins naïfs, ornements, figures ou fleurs, sujets tissés en relief, soit en hiine, soit en soie du pays, ou encore en saïba, matière soyeuse extraite des fibres d’une sorte de fougère qui croît en abondance au pied des palmiers, dans les vastes forêts de Guatémala.
- M. Hermanos-Niqüet, qui se propose d’exploiter plus largement ce genre d’industrie, a reçu de notre Jury une mention honorable pour les produits qu’il a exposés.
- IV
- TISSUS IMPRIMÉS.
- La peinture proprement dite n’a joué chez les anciens qu’un rôle secondaire, mais la peinture décorative, considérée comme le complément de l’architecture, s’était développée librement. Plus on remonte vers les temps antiques, plus on reconnaît, dit
- p.362 - vue 366/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUELEMENT.
- 363
- M. Viollet-Leduc, qu’il existait une alliance intime entre l’architecture et la peinture. Tous les édifices de l’Inde, ceux de l’Asie Mineure, ceux de l’Egypte, ceux de la Grèce étaient couverts de peintures en dedans et en dehors. L’architecture des Doriens, celle de TAttique, de la Grande Grèce et de TÉtrurie étaient peintes.
- Dans leur description de pompes royales ou de fêtes publiques, les chroniqueurs du moyen âge font mention de toiles peintes à la main, pour la décoration des rues et des palais.
- Jusqu’au xvuT siècle, on combinait la toile peinte au tissage pour les étoffes d’ameublement et les ornements d’églises.
- Le progrès des arts, l’épuration du goût, les caprices de la mode, les exigences du luxe, et surtout l’habitude du bien-être qui s’est répandu dans toutes les classes de la société, ont fait, de l’impression sur étoffes, un auxiliaire indispensable pour l’ornementation des constructions modernes.
- La première fabrique d’impression sur toile fut créée en France, à Jouy-en-Josas, en 1769, par Oberkampf, qui employa des planches gravées. Il procédait par voie de teintures successives et de rentrures.
- L’invention de la planche plate et de la perrotine assurèrent la production industrielle des étoffes imprimées pour meubles.
- L’application des cylindres gravés et du garnissage mécanique des matières colorantes développa rapidement la consommation des tissus.
- Des machines rotatives perfectionnées permettent actuellement de décorer l’étoffe de seize coloris différents, et, grâce à certains effets de gravure, on peut produire l’illusion de vingt-quatre à trente nuances.
- Le procédé à la planche n’en subsiste pas moins. Les impressions à la main, de même que celles à la mécanique, s’effectuent sur les tissus unis et veloutés, en soie, en laine, en coton, en ramie et en poil de chèvre, aussi bien qu’en lin et en jute. Ces articles fournissent de précieuses ressources à l’ameublement.
- Les principaux centres de production des tissus imprimés pour meubles sont : en France, les régions d’Epinal et de Rouen; en Alsace, Mulhouse; en Angleterre, Manchester. '
- Notre exportation s’adresse surtout à nos colonies. L’importation étrangère, en France, est assez importante.
- Dans l’impression à la machine, les prix varient entre 0 fr. 3o pour les articles de Manchester, et 2 francs le mètre pour les produits d’Alsace; dans l’impression à la planche, entre 3 fr. 5o et 8 francs le mètre.
- L’industrie de l’impression sur étoffes pour meubles a amené la prospérité dans tous les pays ou elle s’est établie par le développement quelle a donné à la filature, aux usines de produits chimiques, de matières colorantes, etc.
- Elle exige de ses chefs des connaissances multiples ; elle utilise le talent des artistes pour la production de ses modèles et le génie des savants pour la mise en œuvre de ses procédés de fabrication mécaniques et chimiques.
- p.363 - vue 367/484
-
-
-
- 364
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- Il est vraiment regrettable qu’à côté des industriels dont les tissus imprimés ont été examinés par notre Jury, nous ayons à constater l’abstention d’un certain nombre d’importants producteurs d’étoffes imprimées pour meubles, tels par exemple, que MM. Be-ringer et Zurcber, d’Epinal; MM. Scherrer et Lotli, MM. Kœchlin-Baumgartner et O, MM. Gros-Roman, etc., maisons d’Alsace ayant siège à Paris; MM. Stead Mac Alpin, de Carlisle (Grande-Bretagne), etc. . . Les fort intéressantes créations de ces importantes maisons auraient non seulement ajouté au relief de notre Classe, mais encore nous auraient permis des études comparatives que nous eussions faites avec plaisir.
- Ayant traduit ce regret exprimé par notre Jury, nous allons maintenant rendre compte de l’examen des tissus imprimés exposés par les maisons suivantes, dont la brillante participation a jeté un vif éclat dans notre Classe.
- FRANCE.
- HORS CONCOURS.
- MM. Legrand frères, à Paris, tissage à Mouy (Oise).
- Nous trouvons dans la vitrine en laquelle MM. Legrand frères ont exposé leurs produits les étoffes imprimées et gaufrées dont cette maison a fait, de temps immémorial, sa spécialité.
- Les bulletins des sociétés industrielles de Mulhouse et de Rouen ont, à maintes reprises, attiré l’attention des connaisseurs sur les procédés spéciaux à l’aide desquels MM. Legrand frères impriment et gaufrent simultanément à la planche des velours d’Utrecht de largeurs variant depuis 60 centimètres jusqu’à i m. 8o. L’harmonieux ensemble des dessins de tous styles pour rideaux, sièges et tapis, ainsi que l’extrême variété des colorations chatoyantes en lesquelles ils ont été exécutés, prouvent surabondamment le bon goût de MM. Legrand. Ils démontrent en plus la connaissance approfondie qu’ont ces messieurs de l’industrie qu’ils dirigent avec autant de succès que de savoir. Nous avons remarqué notamment la tenture en velours 180 centimètres, gaufré et imprimé rose et vert qui garnissait tout le fond de la vitrine occupée par MM. Legrand; sa coloration, loin de nuire à l'effet des produits voisins, ne faisait qu’en rehausser l’éclat. Nous nous garderons de passer sous silence un produit qui, à côté des impressions sur velours, tient dans l’industrie de cette maison une place considérable; nous voulons parler du gaufrage du drap, que par des procédés bien à eux MM. Legrand traitent de façon magistrale. On se ferait difficilement une idée de ce que peuvent annuellement nécessiter de mètres de drap ces tapis de table, ces tapis de jeux, de roulettes ou de jacquet «tric-trac» que MM. Legrand fabriquent en leur usine de Mouy (Oise) pour les répandre dans le monde entier.
- Les spécialités si habilement traitées par MM. Legrand frères leur ont d’ailleurs valu les plus hautes récompenses depuis 1867. Tous deux officiers de la Légion d’honneur, tour à tour exposants ou membres du Jury, MM. Charles et Victor Legrand ont, depuis 1867, marqué d’un nouveau succès chacune des expositions auxquelles ils ont participé. Cette exposition dernière nous a valu l’honneur de voir M. Charles Legrand président de notre Jury. C’est assez dire en quelle haute estime est tenue cette honorable maison qui, en plus de l’emplacement occupé par elle en notre classe, exposait aussi ses produits en les Classes 78 et 115, ainsi que du matériel d’impression dans le musée centennal de la Classe 78.
- p.364 - vue 368/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT. 365
- Nous nous faisons un devoir de .mentionner aussi les récompenses exceptionnelles suivantes, dont MM. Charles et Victor Legrand sont titulaires :
- Médaille d’honneur de la Société industrielle de Mulhouse;
- Médaille d’or de la Société industrielle de Rouen et de la Société d’encouragement pour l'industrie nationale;
- Médaille d’or de l’Union centrale des Arts décoratifs.
- Ces récompenses attribuées à MM. Legrand frères par des sociétés industrielles de la valeur de celles de Mulhouse et de Rouen font ressortir davantage encore les mérites que leur ont reconnus leurs concurrents directs en impression sur étoffes d’ameublement; aussi félicitons-nous bien sincèrement MM. Legrand des témoignages si précieux d’estime et de sympathique considération que leurs collègues leur ont adressés.
- Nous ajouterons que M. Victor Legrand est depuis l’année 1898 président du Tribunal de commerce de la Seine où il est entré en 1886 et que M. Charles Legrand a été élu, en décembre 1900, membre de la Chambre de commerce de Paris.
- GRAND PRIX.
- M. Besselièvre fils, à Maromme-lez-Rouen (Seine-Inférieure).
- C’est en 18 a 3 que cette maison, devenue si importante, fut fondée par M. Jean-Baptiste-Thermidor Besselièvre, grand-père de M. Besselièvre (Louis), directeur actuel de la maison si honorablement connue sous la raison sociale Besselièvre fds.
- Après de modestes débuts, commençant par l’impression à la planche et à la main, montant un peu plus tard une perrotine, M. J.-B. Besselièvre lança grandement un article spécial de teinture en rouge, qui porta le nom de garancine Besselièvre. Des établissements spécialement édifiés en vue du traitement de la garance permirent à M. Besselièvre de donner à sa garancine le plus grand essor. Son succès fut considérable et lorsque, en 1867, M. J.-B. Besselièvre céda sa maison à ses deux fils MM. Emile et Charles, la réputation la plus justement méritée était acquise déjà à la société Besselièvre fils. Sous la direction de ces messieurs, la plus vive impulsion fut donnée à l’impression des indiennes. Aussi leur usine fut-elle comprise parmi les plus importantes et porta-t-elle au loin la réputation de l’industrie rouennaise.
- C’est en 1880 que M. Louis Besselièvre, à la mort de son père M. Charles Besselièvre, prit la direction des établissements de Maromme, et c’est en 1891 qu’il reconstitua sous le nom de Besselièvre fils la société en commandite simple dont il est le seul gérant.
- Sous l’habile direction deM. Louis Besselièvre, chaque année apporta avec d’incessants agrandissements et de continuelles améliorations un sensible accroissement du chiffre annuel des affaires.
- Outillé mécaniquement des machines les plus perfectionnées, M. Louis Besselièvre ne s’est pas contenté d’imprimer des indiennes et des tissus pour robes, il adonné le plus grand développement aux tissus imprimés en vue de l’ameublement, cherchant à concurrencer les impressions d’Alsace et réussissant admirablement à imprimer à la machine les tissus pour ameublement, ayant jusqu’à 1 m. 50 de rapport en hauteur. Admirablement secondé par M. Victor Michel, chimiste de grand talent, dont les connaissances techniques n’ont d’égale que la modestie, M. Besselièvre est arrivé à résoudre toutes les difficultés de production. Aussi le voyons-nous aujourd’hui occuper en ses importantes usines de Maromme 4oo ouvriers, et produire annuellement un chiffre d’affaires de 5 millions de francs, production dont une large part s’adresse à l’exportation et répand ainsi au loin le renom de l’impression artistique de Rouen, ville que jadis, au point de vue des tissus d’ameublement, 011 ne croyait apte qu’à l’impression des articles à bas prix.
- Sans contredit, l’imposante vitrine de 2 o mètres de façade sur 3 mètres de profondeur que la mai son Besselièvre fils occupait dans notre classe a été, de l’aveu de tous, la démonstration la plus inté-
- Gn. XII. — Cl. 70. a5
- IMPMMERIE NATIONALE
- p.365 - vue 369/484
-
-
-
- 366
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- ressanteet, je dirai presque, la plus artistique de la Classe 70. La profusion d’étoffes qui s’y trouvaient exposées était telle qu’elle embarrassait presque par son extrême diversité le visiteur désireux d’étudier l’ensemble de cette superbe production.
- Cette exposition comprenait deux parties bien distinctes : l’une était rétrospective, l’autre moderne.
- Dans la partie rétrospective, M. Besselièvre avait reconstitué par l’impression les dessins ayant servi autrefois pour l’ornementation des tissus. Cette collection commençait par des documents datant des premiers temps de l’ère chrétienne pour se continuer jusqu’au xviii' siècle, et même jusqu’au commencement du xixe siècle, par l’imitation de grands dessins exécutés à cette époque par les maîtres de la décoration du tissu pour les fabriques de soieries de Lyon.
- En imitant par des artifices d’impression les effets tissés, M. Besselièvre a su conserver à ces dessins toute leur richesse, toute leur valeur; aussi étaient-ils nombreux les visiteurs qui, en examinant les étoffes exposées dans cette vitrine, se refusaient à croire quelles fussent imprimées. Ces dessins étaient exécutés, les uns à la machine à imprimer, les autres par impression à la planche, la plupart sur des tissus de coton, quelques-uns sur des tissus de laine.
- La coloration grand teint de ces étoffes avait été obtenue au moyen d’un choix judicieux par l’application de procédés empruntés à la chimie moderne.
- Parmi les cent cinquante dessins qui présentaient tous un intérêt documentaire, nous ne pouvons nous dispenser de citer :
- i° Une reproduction détoffe de l’époque consulaire, étoffe dont l’original appartient au musée de Maëstricht. L exécution en a été faite, sur reps coton, à l’aide de la machine à imprimer;
- 2° Un dessus de lit de l’époque de François Ier, reproduction d’une étoffe appartenant au musée de Cluny. Cette superbe pièce a été exécutée mécaniquement à l’aide de 8 rouleaux de î m. 5o de développement avec rentrures à la main. Le tissu était un reps de coton ;
- 3° Reproduction d’une tapisserie allemande du moyen âge conservée au musée de Cluny ;
- 4° Reproduction d’une tapisserie italienne du xvie siècle d’après les cartons d’un maître flamand de la fin du xv° siècle. Cette magnifique pièce, qui occupait la partie centrale de la vitrine de M. Besselièvre, a fait l’admiration non seulement de tous les membres de notre Jury, mais aussi des nombreux visiteurs qui, surpris par le fini de son exécution, la prenaient pour une authentique tapisserie ancienne. Elle représentait d’admirable façon Y Adoration des Mages, d’après la tapisserie conservée au musée de Cluny.
- Ces deux reproductions ont été exécutées à la planche, sur tissu reps de laine ;
- 5° Un velours de l'époque Louis XIV, copié sur un velours polychrome provenant du palais Van-dramine à Venise. Cette exécution, faite à la planche sur velours de coton, était réellement ravissante. Ici encore, à moins de î mètre de distance, il était impossible de ne pas prendre ce dessin pour un véritable velours de Gênes tissé, tant l’imitation était complète;
- 6U Deux dessins de Philippe de la Salle, époque Louis XVI, reproduction de soieries de Lyon, l’une conservée au Garde-Meuble à Paris, l’autre provenant de l’étoffe qui décore la chambre de Marie-Antoinette à Fontainebleau.
- L’exécution, faite à la planche et sur reps de coton, de ces admirables étoffes, dont le musée cen-tennal lyonnais nous montrait les originaux, a été, nous pouvons le dire, magistralement faite ; la coloration en a été observée avec une rare fidélité, et prouve la virtuosité de l’habile chimiste qui a su si heureusement harmoniser l’extrême variété des nuances nécessaires à la production de ces impressions merveilleuses ;
- 7° Reproduction de deux voiles de l’Inde, à personnages, de l’époque Louis XIV, et d’un voile de Gênes Louis XVI.
- Cette série ancienne, dont nous ne pouvons faire l’entière énumération, se trouvait continuée par la reconstitution de dessins imprimés, de la fin du xviu° siècle et du commencement du xix° siècle (dessins de la fabrication qu’Oberkampf entreprit à Jouy-en-Josas, d’après les cartons de Huet), pour
- p.366 - vue 370/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSIS D’A AJ EL ELEMENT.
- 3G7
- arriver enfin aux tissus ornés de fleurs ou de frises de décoration moderne Ainsi que nous l'avons dit plus liaut, l’exposition de M. Besselièvre nous a prouvé que s’il excelle dans la reconstitution de documents de nos styles français dont nous sommes si justement fiers, il s’attache avec non moins de goût à donner satisfaction à la clientèle qui recherche dans la stylisation de la fleur des applications en harmonie avec le mobilier moderne. Des étoffes, imprimées avec un profond sentiment artistique, des compositions revêtant un réel cachet d’élégance, un bon goût plein de charme, ont forcé même des détracteurs de l’art moderne à s’incliner devant certaines des productions modernes que M. Besselièvre nous a présentées et dont nous allons maintenant nous entretenir.
- Dans la partie moderne de son exposition, M. Besselièvre nous a présenté une grande variété de tissus imprimés, décompositions très originales parfois, parfois aussi très séduisantes par la gracilité de leurs formes et le charme de leur coloration. Parmi ces dernières, qui n’a remarqué cette exquise impression vendue aux magasins du Petit Saint-Thomas qui en avaient orné la délicieuse chambre à coucher exposée par eux en la Classe 71 ? Sur un fond blanc ivoire, de fraîches violettes, dont les tiges en s’entrecroisant donnent naissance à un feuillage vert tendre qui encercle le motif principal, ont produit avec une simplicité charmante un effet décoratif des plus heureux. Cette ravissante composition, due à Al"e Jeanne Fermey, avait été primée au concours organisé sur la demande des magasins du Petit Saint-Thomas, parmi les élèves de Mmc Joseph Chéret-Carrier-Belleuse, la si intelligente et active secrétaire du Comité des dames, à l’Union centrale des Arts décoratifs. En félicitant ici la jeune élève qui a produit cette délicate composition, nos félicitations s’adressent en même temps à Almo Chèret qu’au cours de cette Exposition nous avons maintes fois rencontrée entourée de ses élèves, leur donnant toujours avec clarté ses leçons d’art décoratif dont elle possède la connaissance approfondie. M. Besselièvre a exécuté ce dessin sur étoffe légère avec une fraîcheur de coloris et avec un sentiment artistique qui lui font honneur.
- Parmi tant d’autres compositions modernes qui nous sollicitent et dont nous aimerions à faire l’énumération, nous ne pouvons nous empêcher de signaler celles de M. V. Lelong, notamment celle en laquelle des cardères harmonieusement disposées se détachent en tons orangés sur un contre-fond mauve, accompagnées d’un feuillage vert grisâtre, le tout contourné d’un trait blanc qui, sur fond orangé très soutenu, donne au dessin un relief étonnant. Accompagné d’une frise inspirée des mêmes données qui complète cette originale composition, ce tissu par sa coloration chaude, en même temps que douce et agréable, nous a paru des plus attrayants.
- Une autre étoffe nous montrait, en une coloration qui semblait inspirée de celle dont nous venons de nous entretenir, des chrysanthèmes non torturés, mais délicieusement stylisés, et soutenus par des tiges se mêlant à des feuillages d’un effet très gracieux.
- Nous avons trouvé moins heureuse dans l’ensemble de sa coloration la frise traitée en tons trop heurtés d’une étoffe dont les plumes de paon imprimées sur cretonne faisaient le principal ornement, mais nous devons à la vérité de reconnaître que l’ensemble de l’exposition de M. Besselièvre a été l’objet de l’admiration de notre Jury, car, soit que ses compositions fussent des reproductions de nos anciens styles et mises au point par M. Prosper Tétrel pour la majeure partie d’entre elles, soit quelles fussent inspirées par des artistes gagnés à la cause de Part moderne, M. Besselièvre nous a prouvé que sa puissante production, son organisation, son outillage lui permettent, tant pour les impressions à la planche que pour celles faites à l’aide de la machine, de rivaliser aujourd’hui avec ses concurrents les plus directs de France ou de l’étranger. *
- L’exposé suivant, des récompenses obtenues précédemment et depuis 1878 par la maison Besselièvre fils, prouvera surabondamment la valeur des états de service de cette importante et ancienne maison qui fait tant honneur à Rouen :
- Paris 1878, hors concours, membre du Jury, chevalier de la Légion d’honneur; Rouen 188Û, hors concours, président du Comité général d’organisation, officier de la Légion d’honneur; le Havre 1885, hors concours, membre du Jury; Anvers 1885, hors concours, membre du Jury; Paris 1889, hors concours, membre du Jury; Anvers 189a, hors concours, membre du Jury; Lyon
- 20.
- p.367 - vue 371/484
-
-
-
- 368
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- 189/1, grand prix ; Amsterdam 1895, grand prix ; Rouen 1896, grand prix ; le Mans 1899, grand prix. Comme on le voit par cet aperçu, sur les dix expositions auxquelles la maison Besselièvre fils avait pris part, six fois elle fut placée hors concours comme membre du Jury et quatre fois elle obtint le grand prix.
- Le rapporteur est heureux de pouvoir exprimer ici la vive satisfaction qu’il éprouve à faire connaître que c’est à l’unanimité des membres du Jury de la Classe 7 0 que le grand prix a été voté en faveur de la maison Besselièvre fils, en récompense de la si intéressante exposition des tissus imprimés en vue de l’ameublement qu’elle nous a montrés en cette année 1900.
- Le Gouvernement ratifiant notre verdict a, par décret du 18 août dernier, nommé chevalier de la Légion d'honneur M. Louis-Charles Besselièvre, l’habile et intelligent directeur actuel de cette importante maison. Cette haute distinction honorifique accordée par M. le Ministre du commerce, juste récompense des nombreux services rendus à l’industrie française par M. Louis Besselièvre, a été saluée avec joie non seulement par les amis de ce grand industriel, mais encore par tous les membres du Jury de la Classe 70. Aussi le rapporteur éprouve-t-il une grande joie à adresser ici à M. L. Besselièvre, au nom de tous ses collègues, des félicitations aussi chaleureuses que méritées.
- MÉDAILLE D’OR.
- MM. Lévy (Marie) et Laver, à Paris et à Puteaux (Seine).
- Nous devons signaler qu’indépendamment des riches soieries et des somptueux velours de Gênes dont nous avons fait mention déjà, MM. Marie Lévy et Lauer font imprimer, sur leurs étoffes, certains dessins dans le sentiment le plus artistique. Ces messieurs nous ont également présenté dans la vitrine qu’ils occupaient en notre Classe des soieries imprimées sur chaîne, dont le choix heureux des dessins, autant que l’harmonieux assemblage des couleurs, offraient un coup d’œil des plus attrayants. Nous rappellerons que c’est pour l’intéressant ensemble de leurs productions que notre Jury a attribué une médaille d’or à MM. Marie Lévy et Lauer.
- MÉDAILLE D’ARGENT.
- M. Lefèvre-Bougon, à Amiens (Somme).
- Nous avons eu l’occasion de signaler, aux tissus unis pour ameublement, les divers produits en velours catis i3o centimètres dontM. Lefèvre-Bougon s’est fait une intéressante spécialité. Nous avons dit aussi que notre Jury, tout en appréciant les efforts tentés par cette maison dans le but de montrer à cette Exposition des velours imprimés et pyrogravés, 11’avait pu s’empêcher d’exprimer une opinion fâcheuse quant au choix des dessins qui lui ont été soumis, ainsi qu’à celui des coloris en lesquels ils ont été exécutés. Nous croyons donc préférable de ne pas appuyer davantage sur ce sujet délicat, persuadé que les prochaines créations de M. Lefèvre-Bougon, à qui notre Jury a attribué une médaille d’argent, enlèveront de notre mémoire la malheureuse impression que nous ont laissée les panneaux imprimés et pyrogravés dont son exposition nous a donné la vue.
- GRANDE-BRETAGNE.
- MÉDAILLE D’OR.
- MM. Turnrüll & Stockdale, limiled, h Stackstead près Manchester.
- Dans l’annexe de la section britannique, donnant accès aux quinconces des Invalides, MM. Turn-bull & Stockdale avaient présenté dans un élégant pavillon divisé en trois parties une fort attrayante exposition des produits de leur fabrication.
- p.368 - vue 372/484
-
-
-
- 369
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEURLEMENT.
- Fondée en 1881, cetle maison occupe actuellement ü5o ouvriers et accuse une production annuelle de 9 millions de mètres imprimés à la machine et bloqués à la main. Les cretonnes, les velours coton, les toiles, les satins et, en un mot, tous les tissus d’ameublement sont utilisés par ces messieurs pour leurs impressions décoratives. M. Lewis Day, chargé de la direction des produits artistiques de cette maison, e6t en même temps le créateur de la majeure partie des dessins dont il nous a été donné la vue. Nous nous trouvons ici en plein art moderne; nous ne saurions louer toutes ces compositions dont certaines affectent des formes trop fantasques si nous les examinons au point de vue du goût français; mais, à côté de ces dessins qui s’adressent plus spécialement aux marchés anglais et allemand , que de compositions heureuses, aux colorations délicates, n’avons-nous pas remarqué dans le pavillon de MM. Turnbull & Stockdale! Dans la partie de droite, nous n’avons pas compté moins de 11 dessins d’art moderne, imprimés sur ce velours coton si soyeux dont la vogue persiste depuis quelques années.
- Elégamment et fort intelligemment drapés, ces velours, tendus de la cimaise au parquet, dans le demi-cercle formé par ce pavillon de droite, permettaient aux visiteurs de se bien rendre compte de la valeur des dessins et de l’extrême variété de leurs colorations. L’assemblage en était fort harmonieusement disposé.
- La partie centrale nous montrait en impressions sur cretonnes une sélection de 18 dessins variés de styles et de coloris, et donnait une sorte de repos à l’œil par l’opposition bien comprise de ces tissus mats, séparant les deux pavillons en demi-cercle qui de droite et de gauche terminaient l’exposition de cette maison, avec des velours du plus chatoyant effet.
- La partie de gauche, faisant pendant à celle de droite, présentait également une grande variété d’impressions sur velours coton. Ces compositions de pure fantaisie étaient exécutées, les unes en gammes de tons camaïeux, de rouge, de bleu ou de vert et d’or, les autres, en fleurs stylisées et de coloration chaude; 11 dessins variés et habilement drapés nous ont prouvé que, quel que soit le genre désiré par sa clientèle, la maison Turnbull & Stockdale est outillée et organisée de façon à répondre à toutes les exigences, à satisfaire à tous les besoins, car les soins les plus attentifs sont apportés aux moindres détails des nombreuses manutentions qu’exige cette industrie de l’impression sur étoffes.
- MM. Turnbull & Stockdale qui, h l’Exposition de Chicago en 1893, avaient obtenu dans leur section anglaise les plus hautes récompenses, soit deux diplômes et une médaille, avaient en outre obtenu une médaille d’or à l’Exposition de Bruxelles en 1897. Notre Jury tenant à prouver à MM. Turnbull & Stockdale, limited, que leur exposition a été hautement appréciée en France, a attribué une médaille d’or à leurs intéressants produits.
- RUSSIE.
- MÉDAILLE DE BRONZE.
- MM. Bâlakine frères.
- A l’entrée du Palais de la Russie, au Trocadéro, MM. Balakine frères nous ont présenté en tissus de soie, tissés en petite largeur, une variété d’écharpes fond satin dont les dessins imprimés sur chaîne reproduisaient, en des colorations des plus chaudes, de très originaux motifs inspirés du genre oriental. Notre Jury a récompensé d’une médaille de bronze les produits dont MM. Balakine frères nous ont donné la vue.
- p.369 - vue 373/484
-
-
-
- 370
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- y
- TISSUS BRODÉS. — BROCHÉS-BRODÉS. — PASSEMENTERIES.
- Il nous faut remonter à l’antiquité la plus reculée pour trouver l’origine de la broderie à l’aiguille.
- M. Ernest Lefébure, fabricant de dentelles, administrateur du Musée des Arts décoratifs, fit éditer en 1887 un ouvrage intitulé : Broderie et Dentelles. Dans son intéressant travail qui comprend l’étude de la broderie depuis les temps les plus reculés jusqu’à nos jours (travail auquel nous ne saurions trop engager le lecteur à se reporter), M. Lefébure nous dit que le besoin des distinctions sociales amena les hommes à orner leurs vêtements presque aussitôt qu’ils se sont vêtus. Bien antérieurement à notre ère, nous dit-il, les Egyptiens, les Hébreux, les Phéniciens, les Chaldéens, les Perses, les Phrygiens et surtout les Assyriens employaient ce mode de décoration des tissus. Les femmes assyriennes excellaient, nous apprennent les auteurs anciens, à broder en fils colorés ou en fils d’or les étoffes de laine, et les Grecs vantaient la beauté de ces broderies asiatiques. Dans une intéressante conférence faite au Conservatoire des arts et métiers en décembre 1899 par l’architecte M. Lucien Magne, l’érudit professeur des cours d’art appliqué aux métiers, nous avons appris que l’historien grec Pausanias cite parmi les curiosités du temple de Zeus à Olympie, « ville du Péloponèse célèbre par ses Jeux olympiques », un rideau de laine enrichi de broderies assyriennes, teint en pourpre de Tvr, qu’Antiochus IV, roi de Syrie, avait donné au temple.
- Les Grecs ont, comme les Egyptiens, tissé le lin et la laine, et, parmi les spécimens que possèdent maintenant tous les musées d’Europe, il est aisé de reconnaître qu’à côté des tapisseries coptes, dont les fouilles entreprises depuis l’expédition d’Egypte nous ont révélé l’existence, nombre de ces étoffes ou bandelettes dont les Egyptiens enveloppaient leurs morts sont décorées soit par la peinture qu’on appliquait par l’impression sur la toile apprêtée, soit par la broderie.
- Les récits de certains historiens ont parfois prêté à la confusion lorsque, faisant mention des étoffes somptueuses qui décoraient les temples des dieux ou les palais des rois de l’antiquité, ils nous ont désigné comme tapisseries tissées à l’aide d’un métier rudimentaire des tentures historiées qui n’étaient autres que des toiles ornées d’applications et de riches broderies à l’aiguille. Nous avons dit déjà, en faisant un rapide historique des tapisseries, qu’à Babylone les temples des dieux étaient, ainsi que les palais des rois, décorés de ces riches tentures brodées par les femmes babyloniennes, qui, nous apprend Apollonius de Tyane, excellaient à confectionner ces étoffes merveilleuses.
- C’est l’origine de ces tissus très fins et très souples qui furent en usage en Grèce, comme dans l’empire romain. Autant qu’on en peut juger par les statues de marbre découvertes dans les fouilles de l’Acropole, le décor ne consistait qu’en broderies dessinant sur l’étoffe des ornements géométriques ou des fleurettes ; le plus souvent la déco-
- p.370 - vue 374/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT. 371
- ration ne consiste qu’en une bordure brodée de tons vifs où dominent le bleu et le rouge.
- Les broderies, qui semblent n’avoir été employées qu’avec réserve par les Grecs au temps de Périclès, surchargeaient les vêtements assyriens. C’est sûrement d’une tunique brodée qu’est revêtu le roi Assourbanipal sur un bas-relief représentant une chasse au lion.
- A partir de l’ère chrétienne, apparaissent sur les tissus des médaillons où sont figurés les jeux du cirque, courses de chars ou combats de gladiateurs. Ce sont les tissus roés ou à roues, que désignent les auteurs anciens, et dont la fabrication s’est étendue du Ier au vif siècle. On a classé ces étoffes de soie, dont le musée de Cluny et le trésor d’Aix-la-Chapelle possèdent de précieux spécimens, sous le nom d'étoffes consulaires. Elles représentent, en effet, les jeux auxquels donnait lieu à Rome Tavènement des consuls, et dont le goût passa de Rome à Byzance après la chute de l’Empire. L’étoffe conservée à Cluny est probablement d’origine byzantine et peut remonter au vi° siècle.
- L’usage des médaillons s’est maintenu jusqu’au xn° siècle; l’un des plus beaux exemples est la pièce d’étoffe de soie bleue, brodée de soie rouge, de soie jaune et d’or fin, que conserve le trésor de la cathédrale d’Autun. Cette étoffe avait servi à envelopper les reliques de saint Lazare. L’église ayant été consacrée en 1182, c’est sûrement, nous dit M. Lucien Magne, avant le milieu du xii° siècle que fut fait ce tissu sur lequel sont figurés alternativement, dans des médaillons à six lobes, dessinés par une bande brodée de soie rouge, à besants de soie jaune et d’or fin, faits au plumetis, tantôt des cavaliers, tantôt des quadrupèdes à tête humaine; sur de petits médaillons quadrilobés sont des faucons tenant dans leurs serres des animaux fantastiques. D’après le caractère des ornements, cette belle étoffe brodée paraît être d’origine persane; peut-être a-t-elle été exécutée en France à l’imitation d’une étoffe asiatique.
- Dans la superbe collection que M. Hochon nous a montrée au cours de cette Exposition dans sa vitrine du musée centennal lyonnais, nous avons également remarqué divers fragments d’étoffes du xi° et du xiii° siècle, dont le tissage était rehaussé de riches broderies de la plus haute valeur artistique.
- Les tissus d’or, les orfrois, comme on les appelait, avaient pris au xv° siècle une grande extension; les bordures et les croix tissées à part, mais le plus souvent exécutées en broderie, étaient rapportées sur les chapes et autres vêtements sacerdotaux. Une chasuble du musée de Cluny, exécutée en étoffe tramée d’or et de velours écarlate, est ainsi décorée d’une croix en broderie d’or; la variété des points de broderie y dessine les figures, les ornements et les fonds.
- Sur une autre chasuble du xvi° siècle, une croix décorée de même par la broderie est rattachée à une étoffe de soie damassée blanche et verte. Là, comme dans la précédente, des galons d’or cousus sur l’étoffe forment le cadre des figures.
- Les magnifiques broderies des chasubles conservées dans la collection Hochon que nous avons mentionnée plus haut sont appliquées sur des velours admirables où les ors bouclés du tissu luttent de richesse avec les ornements brodés.
- p.371 - vue 375/484
-
-
-
- 372
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- La broderie a d’ailleurs été constamment pratiquée, car elle donne le moyen d’enrichir les plus belles étoffes. Tantôt, comme on le voit dans le musée de Cluny, deux carrés de velours rouge sont rapportés et sertis en soie jaune sur un drap vert formant bordure et que décorent de beaux ornements d’applique en même velours, sertis en soie de même couleur. Tantôt sur un devant d’autel en étoffe de soie crème brodée au plumetis, on a fixé une bordure de velours rouge dont les ornements sont brodés en or entre deux galons.
- Sur une bande de velours bleu, un galon de soie jaune serti d’or et rattaché au fond par des fils rouges forme une combinaison d’entrelacs et de fleurettes du dessin le plus délicat.
- Parmi les plus belles étoffes brodées qui soient conservées au musée de Cluny, il faut citer une grande pièce dont le motif central est un pélican dans un médaillon encadré d’une triple bordure annulaire et se liant aux deux extrémités avec l’aigle à deux têtes, couronné et accosté de deux paons. Une large bordure rectangulaire garnie de fleurs d’œillet et d’animaux est aussi riche de couleur que le motif central. Suivant la méthode persane, les fleurs et les animaux sont dessinés par un serti isolant des tons francs posés à plat, et dont l’éclat résulte de l’opposition des valeurs.
- La broderie ainsi comprise se prête à la décoration la plus magnifique, et la direction même des points qui suivent les contours donne, suivant l’éclairage, une grande variété d’effets.
- On commençait au xvie siècle à broder sur toile à points coupés, c’est-à-dire en réservant les ornements à broder et en découpant à jour la toile entre ces ornements. Un feston accentuait les contours. Quelquefois, c’est l’ornement lui-même, fleurette ou rinceau, qui est dessiné par l’ajourage.
- On exécuta aussi des broderies à fils tirés, c’est-à-dire en retirant certains fils pour ne conserver que ceux nécessaires au point de broderie : c’est un travail analogue à celui de certaines tapisseries coptes ; puis on imagina de faire la broderie sur une. toile à larges mailles, sorte de filet sur lequel on brode en lacis.
- Sans entrer dans le détail des dentelles à l’aiguille dont le travail diffère complètement de celui des dentelles au fuseau, on peut apprécier sur un rabat en point de Venise brodé en relief le parti qu’on avait su tirer du point coupé.
- C’est par la broderie qu’avaient été décorées en France les premières tentures, celle notamment qu’on désigne inexactement tapisserie de Bayeux ou tapisserie de la reine Mathilde. Cette tenture, où est figurée la conquête de l’Angleterre par les Normands, a un développement en longueur de 70 mètres, sur une hauteur de 0 m. 5o. Le brodeur garnissait par des fils de laine les contours dessinés sur la toile, et les fixait par d’autres fils croisés.
- Il y a lieu de penser que les tapisseries antérieures au xiv° siècle n’étaient que des broderies en laine couchée sur toile, analogues à la tapisserie de Bayeux; vraisemblablement les tapissiers sarrazinois, mentionnés dans le livre des métiers d’Etienne Boileau, fabriquaient des tapis de laine épais, analogues aux tapis d’Orient et non des
- p.372 - vue 376/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- 373
- tapis de haute lisse; en effet, ainsique nous le disons au chapitre des Tapisseries, Pierre du Pont, maître tapissier sous Henri IV, nous apprend que, sous Philippe le Bel, un édit parut en i3o2, adjoignant les tapissiers de haute lisse aux sarrazinois, et un autre témoignage important vient confirmer ce dire, puisque les ouvriers «en haute lisse» sont mentionnés pour la première fois, en i3oa, par le prévôt parisien Pierre le Jumeau.
- Dans l’intéressant rapport que fit en sa qualité de commissaire rapporteur du Comité 26 à Chicago, un industriel du plus haut mérite, ravi trop tôt, hélas! à l’affection de ses nombreux amis, M. A. Warrée, établit, à son retour de l’Exposition de Chicago en 1893, un bien instructif historique des dentelles vraies. Ce très habile et fort important fabricant de dentelles, qui était en même temps le vice-président de notre Comité 21, reconnaissait la connexité qui existe, dans son point de départ, entre la dentelle à l’aiguille et la broderie. Il nous rappelle que c’est de la broderie qu’est née la dentelle, que c’est Venise, ce grand bazar de l’Orient, qui trouva dans les tissus et les fines broderies quelle en tirait l’idée initiale de la dentelle. Il nous rappelle, en outre, que si c’est en Angleterre, h Nottingham en 1807, que fut construit le premier métier de dentelle mécanique, c’est un contremaître alsacien, Josué Heilmann, qui inventa le premier métier à broder et en prit brevet en 1829. Rebuté en France, il vendit son métier en Suisse et y créa cette grande industrie dont on peut évaluer l’exportation actuelle à plus de 100 millions.
- Importée en Saxe vers 1890, elle s’y est développée avec une progression telle que M. le Dr Julius Lessing, l’éminent vice-président de notre Classe 70 en cette Exposition, mentionne en ces termes l’industrie de la broderie en Allemagne (voir Catalogue de l’Allemagne, Arts décoratifs, page 33ô) :
- « La broderie s’est brillamment développée en Allemagne ; toutes les anciennes techniques ont repris le dessus. On les possède suffisamment pour atteindre n’importe quel effet, même dans le genre moderne. La broderie à la machine est devenue beaucoup plus artistique, grâce à la machine à manivelle que l’on tourne à la main. On fabrique une masse de motifs pour meubles et pour vêtements, de. sorte que ce genre d’ornements, autrefois si coûteux, est devenu général.»
- Nous ne saurions terminer cet aperçu sommaire et bien incomplet de la broderie sans rendre cette justice à nos industriels français qu’ils sont actuellement outillés de métiers des systèmes les plus perfectionnés qui leur permettent d’exécuter soit au moyen de métiers mécaniques, soit à l’aide de brodeuses à la main d’une habileté professionnelle qui n’a d’égale que leur ingéniosité, les travaux les plus artistiques aussi bien que les broderies ou applications de fabrication rapide, s’adressant à la grande consommation.
- Notre Jury n’ayant pas eu à apprécier les merveilleuses broderies dont les vitrines du Japon; au Champ de Mars, nous ont fait admirer les hardiesses d’interprétation ainsi que la magistrale exécution, nous allons, maintenant, rendre compte des broderies dont les exposants de notre Classe 70 nous ont donné la vue.
- p.373 - vue 377/484
-
-
-
- 374
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- FRANCE.
- HORS CONCOURS.
- M. L)eforge, à Paris.
- L’élégante installation du salon que M. Deforge occupait en notre classe fut des plus remarquées durant tout le cours de cette Exposition. Le bon goût qui avait présidé à l'harmonieux assemblage des riches broderies qui nous ont été présentées, le choix si heureux des passementeries somptueuses dont la vitrine était gracieusement ornée, tout cet ensemble, en un mot, attestait hautement le cachet d’élégance et le souci artistique qui sont la marque caractéristique de celte maison.
- Fondée en 1843 par M. Deforge père, qui s’installa d’abord rue Saint-Sauveur, puis place des Victoires, cette maison prit, lors de l’Exposition de Paris en 1867, un essor considérable. M. Deforge avait, en cette Exposition, installé un atelier modèle qui fonctionnait sous les yeux du public, l’initiant par cette instructive leçon de choses à tous les détails de la passementerie. Les métiers et les moindres accessoires avaient été établis d’après les derniers perfectionnements réalisés à celte époque et avec le souci de donner aux constants progrès de la mécanique la plus ingénieuse application pratique.
- Cet atelier modèle, installé en 1867 dans la section des industries parisiennes, obtint près du public la faveur la plus légitime, et près du Jury des récompenses le succès le plus éclatant. La maison Deforge fut récompensée d’une médaille d’or et son chef fut du nombre très restreint d’artistes, de savants et d’industriels (on ne compte que 166 promotions) qui reçurent, à l’occasion de l’Exposition de 1867, la croix de chevalier de la Légion d’honneur. Ajoutons que ce fut la seule distinction de cet ordre accordée à l’industrie de la passementerie pour meubles.
- C’est en 1869 que M. Deforge fils entra dans la maison dont il devint le chef quelques années plus tard, en 1876. Sous son habile direction, sa maison ne tarda pas à figurer parmi les toutes premières de son industrie. Esprit chercheur, avide de progrès, M. Deforge eut le souci constant d’utiliser au perfectionnement de son outillage les découvertes les plus modernes de la science; aussi, dès 1883, inaugurait-il dans ses ateliers l’emploi de moteurs à vapeur qui lui permirent de joindre à la fabrication des passementeries de luxe celle de modèles courants qui furent d’une utilisation précieuse dans la décoration à bon marché.
- En 1885, M. Deforge ouvrit des ateliers de broderies sur tissus, d’où ne tardèrent pas à sortir de véritables merveilles. Les créations de sa maison que distinguait, entre toutes, un incontestable cachet artistique affirmèrent bientôt leur suprématie marquée sur les produits des maisons concurrentes, dans toutes les expositions où l’on eut l'occasion de les comparer avec eux.
- A l’Exposition d’Anvers en 189V, les modèles exposés par E. Deforge attirèrent sur sa maison l’attention générale. Les progrès qu’ils attestaient dans les procédés de fabrication constituaient une sorte de révolution dans l’industrie de la passementerie et de la broderie sur tissus. Cette remarquable exposition valut à M. Deforge un grand prix et la croix de chevalier de l’ordre de Léopold; elle contribua pour une très large part au grand succès de la section française.
- A l’Exposition de Bruxelles en 1897, le succès de la maison Deforge fut non moins éclatant; il fut d’ailleurs consacré par un nouveau grand prix bien justifié parla superbe vitrine que M. Deforge y avait installée.
- Enfin, nous retrouvons à l’Exposition de Paris, en 1900, M. Deforge plus puissamment outillé que jamais, occupant en son usine à vapeur de l’avenue Sainte-Foy, à Neuilly (Seine), 170 ouvriers
- p.374 - vue 378/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- 375
- et ouvrières, indépendamment du personnel occupé au dehors. Sa maison de vente, installée rue de Richelieu, io3, à Paris, reçoit les visiteurs et les commandes de tous pays, car le renom de sa fabrication artistique est aujourd’hui répandu dans le monde entier.
- Dans le salon si cossu qu’occupait M. Deforge, les passementeries des modèles les plus riches et les plus variés se trouvaient exposées dans l’élégante vitrine qui formait le centre de cet emplacement. Les unes, reconstitution de modèles anciens, nous montraient, dans une partie rétrospective, tout ce qui s’est fait en passementerie depuis l’an 1800. Cette reconstitution des efforts de tout un siècle offrait aux visiteurs et aux connaisseurs un vaste champ d’étude que, pour notre part, nous avons hautement apprécié.
- Les autres passementeries modernes de tous styles et de tous genres attestaient les délicates et savantes recherches qu’ont nécessitées la mise au point, la coloration et l’exécution de ces ravissants modèles dont certains révélaient le charme du plus haut goût allié au cachet le plus artistique.
- Si nous passons rapidement sur ces jolies passementeries, c’est que la partie la plus décorative et la plus artistique du salon de M. Deforge a retenu toute notre attention, et que nous tenons à fixer ici, comme un vivant souvenir, les traits saillants des admirables broderies fines dont M. Deforge nous a donné la vue.
- Nous signalerons, en toute première ligne, un somptueux meuble de salon Louis XVI dont M. Deforge avait la commande, de deux.canapés et de six fauteuils. Les spécimens qui nous ont été montrés (un canapé et deux fauteuils), bois doré du plus pur style Louis XVI, venant de Trianon et ayant appartenu à Marie-Antoinette, étaient recouverts d’une ravissante broderie extra-fine faite au point au passé. Cette broderie reconstituée par M. Deforge, d’après des documents authentiques en sa possession, a fait l’admiration générale ; elle atteste un profond sentiment artistique et une connaissance technique de premier ordre, tant par le savant assemblage des innombrables nuances qui concourent à la formation du dessin que par l’habile exécution de son travail si délicat. Ce meuble fait honneur à M. Deforge, ainsi qu’à l’habile brodeuse à qui son exécution a été confiée.
- Du côté de l’allée centrale, un superbe paravent, orné d’une broderie moderne d’après un document Louis XV, nous donnait la vue de ce point de broderie au passé rebrodé d’or.
- Sur fond taffetas, un store Empire et une paire de rideaux Louis XV nous montraient de fort intéressants motifs en broderie à double jace, tandis que près de là une feuille de paravent Louis XVI nous initiait à la broderie au petit crochet.
- Du côté droit de ce salon, un dessus de porte en broderie fine sur soie peinte, avec cadre en broderie de soie sur carte rappliquée en relief, produisait un ravissant effet décoratif.
- Un paravent à trois feuilles, de l’époque Louis XIV, représentait le genre de fabrication de galon-nage, ganse et broderie.
- En art moderne, un fort intéressant rideau montrait sur une riche étoffe tramée d’or des applications de satin et de velours, très heureusement combinées avec des broderies du plus chatoyant effet.
- Toutes ces admirables étoffes étaient habilement mises en valeur par une tenture d’art nouveau, aux tons sobres, dont les applications sur velours nous donnaient la vue d’un genre différent de tous ceux que nous venons d’énoncer.
- Bien que la maison Deforge se soit fait une spécialité des plus riches broderies, il ne s’ensuit pas quelle dédaigne la fabrication des articles courants ; nous fournirons au contraire la preuve que son outillage permet à M. Deforge d’entreprendre, quand il le veut, la production des articles courants et classiques, en disant qu’à l’occasion de cette Exposition MM. Jumeau et Jallot, s’étant rendus adjudicataires de tous les vélums destinés à la décoration des salles et des galeries de l’Exposition, ont confié à M. Deforge les broderies d’applications dont ces vélums devaient être ornés.
- Or il n’y avait pas moins de 42,000 mètres de vélums à garnir de broderies, et ce gigantesque travail fut exécuté par M. Deforge en l’espace de quatre mois. Ceci est tout à l’honneur de M. Deforge et démontre péremptoirement sa puissante organisation ainsi que la mobilité d’action de son
- p.375 - vue 379/484
-
-
-
- 376
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE I960.
- outillage perfectionné permettant, selon la demande, de faire ou des œuvres d’art ou des broderies de fabrication rapide et courante.
- Nous avons dit plus haut que M. Deforge a obtenu maints grands prix aux expositions auxquelles il a pris part. Depuis clix-buit ans membre du Conseil des prud’hommes, dont il est depuis plusieurs années déjà président de la section des tissus, M. Deforge, qui fut membre de nos Comités d’admission et d’installation, était hors concours, comme membre du Jury, et ses collègues ont hautement apprécié son jugement sûr et sa compétence en des questions parfois bien délicates à trancher.
- M. Clair (Maxime), à Paris.
- Nous nous trouvons ici en présence d’un véritable étincellement de richesses. Cette très importante maison, qui exposait dans sept classes l’extraor J inaire variété de ses productions, nous a montré, dans sa vitrine de 20 mètres de la Classe 70, tous les genres de broderies que, dans ses usines de Crépv-en-Valois, elle fabrique pour les répandre dans l’univers.
- Il n’est point de pays auxquels sa maison de vente du faubourg Poissonnière, 1 h G, n’expédie journellement, et à profusion, les produits si variés de ses fabrications diverses.
- Se pliant à tous les besoins, à toutes les exig-ences des climats sous lesquels sont appelés à paraître les coussins, sièges et tentures sortis de ses ateliers, M. Maxime Clair s’ingénie à s’assimiler le genre de décoration qui convient spécialement à chaque contrée; de là cette diversité, cette profusion de broderies que certains, parfois, seraient disposés à trouver trop riches, trop clinquantes; mais le négociant habitué à servir une clientèle qui habite les pays chauds a bientôt fait de se rappeler qu’une exposition, si on la veut faire pratique au sens commercial du mot, doit pouvoir attirer l’attention des visiteurs étrangers autant sinon plus que celle des amateurs français, et c’est ce mobile qui a guidé M. Maxime Clair dans le luxueux étalage de riches portières, panneaux, sièges et coussins qu’il a tenu à nous montrer.
- Le succès qui a couronné les travaux de M. Maxime Clair est trop probant pour que nous insistions davantage sur ce point. Son commerce si important, les 1,200 ouvriers qu’occupent ses ateliers de Crépy-en-Valois suffisent, croyons-nous, à prouver de quelle faveur jouissent, dans le monde entier, les produits de cette importante maison. Nous nous bornerons donc à donner un aperçu sommaire des différents genres de broderies exposés dans notre classe par M. Maxime Clair.
- La broderie forme chez M. Maxime Clair le complément des nombreux articles d’ameublement, qui ont fait de sa maison la plus puissante productrice en ce genre d’industrie.
- Après avoir produit en meubles en bois, tournés ou sculptés, une variété considérable de sièges et d’articles de fantaisie, il a fallu songer à les garnir au moyen d’étoffes permettant de se prêter à tous les caprices de ces meubles de fantaisie dont les formes varient à l’infini.
- La broderie, par sa mobilité d’action et de production, pouvait seule se prêter à ces exigences.• Pendant nombre d’années, M. Clair obtint un succès considérable en garnissant de broderie au point mousse les milliers de sièges qui sortaient de ses ateliers. Soixante machines à broder montées en son usine de Crépy-en-Valois suffisaient à peine à pourvoir aux besoins de sa vente.
- Le point chenille, qui suivit le point mousse, connut aussi des années de grande prospérité; mais l’innovation qui a certainement porté à son apogée cette superbe industrie de la broderie est celle qui, par des applications de tissus de colorations diverses, produit au moyen de sertissures habilement ménagées des effets d'une richesse incomparable, ainsi que nous avons pu nous en rendre compte par certaines broderies somptueuses qui étaient exposées dans la vitrine de M. Maxime Clair.
- Ici, en effet, la fantaisie peut se donner libre cours, elle a le champ libre. Les tissus utilisés pour ces applications peuvent, ainsi que leur coloration, être variés à l’infini; ils permettent des sertissures d’une richesse de coloration inouïe, et si, par un point de broderie granité, le brodeur vient
- p.376 - vue 380/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT. 377
- soutenir les contours des dessins appliqués, il est aisé de se rendre compte des multiples et riches effets que ne peut manquer de produire une broderie ainsi exécutée.
- Grâce à l’habileté des brodeuses accoutumées à ce genre de travail, certaines broderies atteignent un degré de perfection tel qu’il permet, comme en peinture, le modelé des formes et l’exécution de sujets h personnages, ainsi que l'a démontré l’exposition de M. Maxime Clair.
- M. Maxime Clair, dont les récompenses aux Expositions sont innombrables, et qui avait, lors de l’Exposition de Bruxelles en 1897, obtenu un grand prix, avait, le 16 avril de la même année, été nommé chevalier de la Légion d’honneur. Les nombreuses innovations apportées à sa puissante industrie, ainsi que l’essor donné au commerce français à l’exportation par ses produits répandus dans tous les pays du monde, ont valu à M. Maxime Clair cette haute et honorifique récompense dont nous le félicitons bien cordialement.
- MÉDAILLES D’ARGENT.
- MM. Boyer et Cie, à Paris.
- Fondée en i846 par M. G. Boyer qui prit la suite des affaires de M. Bernier, cette maison, dont le siège était à l’époque place des Victoires, dut, par suite de l’impulsion donnée aux affaires par M. G. Boyer, se transporter rue de Richelieu, 71, où, depuis lors, ses magasins ont été successivement agrandis.
- La société actuelle date de 1882; M. Boyer père lui continua son concours éclairé jusqu’en 1888, époque à laquelle son fils aîné, M. Fernand Boyer, prit part, à son tour, à la direction de la maison à titre d’associé; c’est en 1892 que son second fils, M. Gaston Boyer, prit part à son tour à la direction de la maison à titre d’associé.
- Les chefs et, tout à la fois, les directeurs actuels de la maison Boyer et Cie sont donc MM. Fernand et Gaston Boyer.
- Dès leur prise de possession de la maison, le but préconisé par ces messieurs a été de la diriger dans une voie de progrès consistant à spécialiser leur genre d’affaires, à le perfectionner, à rechercher le non-vu en améliorant le plus possible les moyens de fabrication qui permettent de donner plus de richesse aux étoffes tissées ou brochées, êt d’obtenir ainsi un effet décoratif plus artistique.'
- Les articles revendiqués par MM. Boyer comme innovés par eux, à l’appui de brevets dont des copies ont été communiquées au Jury, sont les suivants : i° soieries (brochés-brodés) ; 20 points de Hongrie; 3° points de tapisserie; 4° brochés Aubusson; 5° impression et peinture; 6° nouveau procédé d’impression sur chaîne; 70 addition au brevet anglais d’impression polychrome; 8° point noué.
- Hâtons-nous de dire qu’à l’exception du tapis aux points noués dont le métier alors en construction n’a pu être présenté à notre Jury, et dont l’échantillon, qui nous a été soumis, était insuffisant pour famé apprécier les avantages revendiqués par MM. Boyer, brevetés pour cette fabrication spéciale, tous les autres produits énumérés ci-dessus étaient représentés dans le vaste emplacement que ces messieurs occupaient dans notre classe.
- Grâce au plafond vitré que MM. Boyer avaient fait poser, l’éclairage si défectueux de la galerie en laquelle était situé leur salon a pu être sensiblement amélioré, sinon les visiteurs n’auraient pu se rendre compte du genre particulier des étoffes brochées-brodées dont ces messieurs ont fait une intéressante démonstration.
- Cette innovation appelle les quelques explications suivantes, que MM. Boyer nous ont obligeamment fournies. Une étoffe de soierie quelconque, fabriquée à Lyon, à l’aide de trames lancées et brochées, ne fournit toujours qu’un nombre limité de nuances, car le trop grand nombre de brochés augmente sensiblement l'épaisseur du tissu et offre, en outre, l’inconvénient de conserver aux moindres détails du dessin, (leurs ou sujets quelconques, le sens horizontal inhérent au principe
- p.377 - vue 381/484
-
-
-
- 378
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- même du tissage de trames lancées ou brochées. Désireux de perfectionner ces étoffes et de les enrichir, MM. Boyer, au moyen d'uu procédé de broderie qu’ils ont fait breveter, prennent une soierie lissée au préalable à la jacquard avec un nombre déterminé de trames lancées (et parfois aussi brochées); cette soierie est pour ainsi dire le canevas du dessin qu’ils veulent produire et n’en constitue que les éléments primordiaux.
- Les éléments complémentaires du dessin à exécuter sont, par eux, adjoints à l’étoffe primitive au moyen d’un métier à broder qui leur permet de faire paraître, avec une précision mathématique et à l’endroit exact où ils veulent les produire, les sujets, fleurs ou ornements destinés à compléter le dessin primitif ébauché par le tissage à la jacquard. MM. Boyer, qui nous ont présenté une extrême variété de soieries ainsi exécutées, nous affirment être arrivés au moyen de ce système dénommé brocké-brodé à user, avec quelques centaines de couleurs, moins de soie que, pour un travail similaire, n’en demanderait le tissage lancé et broché; à épargner, en outre, de la main-d’œuvre et du temps ; à réaliser, de ce fait, une économie de près de 60 p. 100 et à produire des fleurs de manière à suivre le sens des pétales en leur donnant ainsi, dans leur chatoiement, plus de variété que n’en peut produire le tissage par trames soies brochées.
- Ainsi que nous venons de le dire, de nombreux dessins de tous styles, en soieries harmonieusement coloriées sur fonds clairs, nous ont été présentés en ce genre dit broché-brodé.
- En point de Hongrie, dont une superbe pièce mesurant 24 mètres de surface était étalée dans leur salon, MM. Boyer et C,c avaient tenu à initier les visiteurs à ce genre de fabrication, et, dans ce but, avaient installé dans leur emplacement un métier qui, pendant toute la durée de l’Exposition, n’a cessé de produire, sur 3 mètres de largeur, ce genre spécial de broderie auquel de nombreux visiteurs se sont vivement intéressés.
- En points de tapissçrie fabriqués au métier, certains dessins étaient agrémentés parfois du point de Hongrie ; nous avons remarqué diverses étoffes dont la régularité de la broderie simulait à s’y méprendre le travail fait à la main par d’habiles brodeuses.
- Tenant à montrer aussi que leur* atelier de broderie à la main de la rue Dautencourt leur permet d’aborder les genres les plus compliqués, MM. Boyer et Cie nous ont présenté divers lambrequins richement brodés, et, contre la cloison formant le centre de leur emplacement, un grand panneau dont l’effet décoratif a été très remarqué.
- Cette broderie faite sur un fond faille représentait, au-dessus d’une verdure de marais, un vol de canards et d’oiseaux de marais, dont la composition très étudiée a été habilement exécutée en un coloris plein de vérité.
- MM. Boyer et Gie nous ont déclaré produire dans la fabrique de Fresnoy-le-Grand (Aisne), dont ils sont propriétaires, des soieries, des points de Hongrie et des points de tapisserie brevetés, ainsi que les principaux tissus d’ameublement tels que velours de Gênes, lampas, damas, etc.
- Pour donner une idée de l'importance actuelle de leur maison, qu’il nous suffise de dire que le chiffre des appointements et salaires payés l’an dernier par MM. Boyer et Cio s’est élevé à la somme de 158,ooo francs.
- MM. Boyer et Cic, déjà titulaires d’une médaille de bronze et d’une médaille d’or, se sont vu attribuer, par notre Jury, une médaille d’argent, les innovations revendiquées par divers des brevets soumis par ces messieurs n’ayant pas paru constituer la nouveauté sensationnelle que MM. Boyer et Cio ont cru, de bonne foi, y pouvoir affirmer.
- MM. Béraud et Cie, a Paris.
- C’est en 1862 que M. Jolifié, ami de M. Pronaz, l'inventeur de la machine à broder, fonda cette maison. M. Jolifié fut, en broderie, le créateur du point mousse, sorte de point à bouclette formant
- p.378 - vue 382/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT. 379
- relief, imitant le velours épinglé, mais avec plus de chatoiement. A partir de 1867, M. Jolifié fabriquait simultanément la broderie à la main et la broderie mécanique.
- M. Béraud, qui avait été le collaborateur de M. Jolifié, lui succéda en 1889 sous la raison sociale Béraud et Gic. Un essor considérable fut dès lors imprimé à la production de toutes les sortes imaginables de broderies et de passementeries artistiques. On cite comme dues à son esprit inventif la dentelle de Paris, genre crochet, qui, obtenue par un procédé spécial, paraît être faite à la main, bien que la finesse de son exécution semble rendre impossible sa fabrication à l’aide de la machine; la savonnerie parisienne, qui constitue une telle supériorité au point de vue de là finesse qu’elle dépasse celle du point de savonnerie fait à la main.
- Au moyen d’une nouvelle machine à broder, fonctionnant avec trois aiguilles, M. Béraud a créé un nouveau point mousse réalisant, dit-il, une économie de 75 p. 100 sur le temps et de 25 p. 100 sur la matière. U a, en outre, importé en France la fabrication de broderies turques et des stores flamands qui, employés soit comme stores, soit comme brisebise, décorent de si heureuse façon les fenêtres de nos habitations.
- Pour donner l’idée de l’importance actuelle de la maison Béraud et C!e, disons qu’elle occupe, en ses ateliers du quai de Jemmapes, n° 172, 85 métiers mécaniques de broderie, 3o marchant à l’aide de moteurs électriques, et 5 5 à l’aide de moteurs à la vapeur. Le nombre du personnel ouvrier occupé par M. Béraud est en moyenne de 2 5o ouvriers et ouvrières, et son chiffre d’affaires s’élève k 680,000 francs.
- Une ouvrière brodant k la machine produisant autant de travail que seize ouvrières brodant k la main, il est aisé de se rendre compte de l’activité qu’il faut déployer pour alimenter constamment 85 métiers mécaniques de broderie. Ajoutons qu’un atelier de peinture permet, en outre, d’apporter k certains travaux de broderie une variété d’effets et de décorations donnant satisfaction k toutes les fantaisies du goût et de la mode, et que l’atelier de dessin delà maison ne comprend pas moins de 20 personnes.
- Dans le gracieux petit salon que MM. Béraud et Cic occupaient dans notre Classe, nous avons eu la vue de tous les différents produits dont nous venons de faire l’énumération, et, soit quelles fussent enrichies de broderies k la main par le point au passé, le point bourré ou le point au crochet; soit que, par le métier mécanique, le point de ganse, le point de savonnerie, le point de chaînette ou le point mousse les aient somptueusement ornées, les étoffes qui nous ont été présentées nous ont démontré que les soins les plus attentifs sont apportés par M. Béraud k l’exécution de toutes ses diverses broderies et applications.
- La vitrine centrale comprenait un panneau décoratif, un superbe dossier de canapé et une variété de coussins, dont quelques-uns agrémentés de sujets en photographie coloriée.
- Trois superbes portières et lambrequins sur fond ivoire, fond vert et fond crème, et une autre en velours soie de couleur A an Dick étaient gracieusement drapées contre les cloisons et ont retenu notre attention, de même que quatre fauteuils aux riches broderies de style Louis XVI. Enfin, près d'un tapis finement brodé représentant le Tigre vainqueur du serpent, se trouvait un superbe écran k trois faces, alors que ça et là, un peu partout, s’étalaient de moelleux coussins aux nuances harmonieuses et chatoyantes. Sur divers de ces coussins, des fleurs étaient brodées en relief; sur d’autres, de charmantes applications de mousseline ou gaze de soie enrichissaient la broderie du motif central.
- Disons, en terminant, qu’une grande variété de riches passementeries complétait heureusement ce gracieux ensemble.
- Sous l’ancienne raison sociale Jolifié, cette maison avait obtenu une médaille d’argent k TExpositiou d’Amsterdam en 1883. M. Béraud avait obtenu également une médaille d’argent k Amsterdam en 1895, et un grand prix en participation k l’Exposition de Bruxelles en 1897. En cette Exposition française, où pour la première fois la maison Béraud et Cio exposait ses produits sous son nom personnel, notre Jury lui a attribué une médaille d’argent.
- p.379 - vue 383/484
-
-
-
- 380
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- MÉDAILLE DE BRONZE.
- Mme Seigne (H.), à Belleville.
- Fondée en 1864, en vue d’une fabrication de velours savonnerie s’appliquant spécialement à la chaussure, aux pantoufles et empeignes de mules dont la vente s’adresse surtout aux différents Etats de l’Amérique du Sud, Mme Seigne s’est efforcée d’appliquer ses mêmes procédés de fabrication à la décoration des étoffes et tentures d’ameublement, s’ingéniant à faire des reproductions de tableaux, paysages et sujets divers, et même le portrait, d’un rendement si scabreux, si difficile.
- Malgré tout le désir que notre Jury éprouvait de n’avoir à adresser à Mmc Seigne que des félicitations, le rapporteur se voit, à regret, forcé de traduire la sincère expression de ses collègues mis en présence des produits exposés dans la vitrine de M'ne Seigne. Or le canapé, le fauteuil et la chaise qui nous ont été présentés en savonnerie, de même que le panneau et les divers portraits qui ornaient cette exposition, étaient exécutés en tons si chauds, si ardents , qu’à moins de les savoir commandés par des Américains du Sud, ou pour des pays ensoleillés, nous ne pourrions admettre que de telles colorations pussent être présentées en une Classe d’ameublement, tant elles sont contraires au goût français. Persuadé que Mme Seigne, qui occupe une vingtaine d’ouvrières et qui accuse un chiffre d’affaires s’élevant à 15o,ooo francs environ, saura, quand elle le voudra, exécuter dans un sentiment artistique plus français les broderies et savonneries pour ameublement, dont la fabrication nous a paru régulière et soignée, notre Jury lui a accordé une médaille de bronze.
- ALLEMAGNE.
- MÉDAILLE D’OR.
- Mmc Mankiewicz (Henriette), à Dresde.
- A l’étage du palais de droite de l’Esplanade des Invalides, qui n’a admiré, dans le salon d’angle situé à l’aile gauche de la section allemande, les artistiques et somptueuses broderies que Mmo Mankiewicz y avait exposées? Toute la partie centrale de ce salon était occupée par un immense panneau décoratif nous donnant la vue d’un paysage des tropiques. Dans une forêt vierge à la végétation puissante et colorée des tons les plus vibrants et les plus chauds, la flore la plus variée se trouvait présentée avec une vigueur et un sentiment de vérité remarquables. Dissimulé en partie dans les épaisses broussailles s’enchevêtrant au pied des arbres, un gigantesque serpent déroulait paresseusement ses spirales aux étincelantes couleurs et donnait à l’ensemble de ce panneau une intensité de vie que notre Jury, de même que les nombreux visiteurs qui stationnaient longuement dans ce salon, ont hautement appréciée.
- Cette pièce capitale dénote, en effet, la virtuosité du coloriste autant que l’habileté professionnelle de la brodeuse à qui l’exécution en a été confiée.
- A droite et à gauche de ce panneau, une madone, Annonciation du printemps, et une autre broderie, Salve Regina, lui faisant pendant, nous ont prouvé que le talent de Mme Mankiewicz se prête avec souplesse à traiter aussi bien les sujets à personnages que ceux à fleurs, dont d’autres petits panneaux-tableaux nous ont donné la vue. Parmi ces derniers, notre attention a été retenue par une Etude de Jleurs, sorte de prairie émaillée de mille fleurs aux coloris chatoyants; des Rameaux de châtaignier et des Pavots complétaient heureusement ce ravissant ensemble de broderies qui font le plus grand honneur à Mmc Henriette Mankiewicz, à qui notre Jury a été heureux d’attribuer une médaille d’or.
- p.380 - vue 384/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- 381
- MÉDAILLE DE BRONZE.
- M. Berniieimer, à Munich.
- Nous regrettons que ce fournisseur de la Cour, producteur de broderies fuies pour tentures murales, ne nous ait pas donné la vue d’un plus grand choix de ses intéressantes productions. A en juger par le spécimen qui nous a été présenté Tapis brodé à la main d’après des originaux de l’Espagne antique, M. Bernheimer est cependant en mesure de produire de bien jolies broderies. L’insuffisance de son exposition n’a pas permis à notre Jury de lui attribuer une récompense supérieure à la médaille de bronze.
- ROUMANIE.
- MÉDAILLE D’ARGENT.
- Société Furnica, à Bucarest.
- Nous avons mentionné déjà, au chapitre des tapis, les produits que cette importante société avait exposés dans ses vitrines de la Classe 82, Groupe XIII. Nous nous faisons un devoir de signaler les étoffes brodées que la Société Furnica avait répandues à profusion dans son emplacement situé à l’étage du palais du Champ de Mars. Ces broderies roumaines, aux colorations vives, sont trop connues du public pour que nous ayons besoin d’en donner autre chose qu’un aperçu sommaire. Quelles servent à enrichir le costume national roumain ou quelles soient destinées à orner des étoffes d’ameublement pour tentures, sièges ou coussins, ces broderies faites en un point formant relief sur la toile blanche qui en constitue le fond rappellent toujours des motifs nationaux. Elles sont généralement en cordonnet de soie, de coloris chauds, et sont parfois agrémentées de broderies d’or et d’argent dont le chatoiement produit un effet de richesse très apprécié des amateurs de ce genre de travail, dont la Roumanie s’est fait une spécialité. Rappelons que c’est pour l’ensemble de ses productions que la Société Furnica s’est vu attribuer, par notre J\iry, une médaille d’argent.
- CROATIE-SLAVONIE.
- MÉDAILLE D’ARGENT.
- Couvert des Soeurs de charité, à Zagreb.
- Etant donnée l’exiguïté de l’emplacement réservé à la Croatie-Slavonie, dans une partie de l’Exposition voisine de la Hongrie, l’architecte, M. H. Bollé, directeur de l’École royale des arts décoratifs de Zagreb, ayant à cœur d’y faire néanmoins figurer tous les arts industriels cultivés en Croatie, avait pris le parti d’offrir, dans un appartement de grand seigneur, les spécimens des divers objets artistiques que l’industrie croate est à même de fournir pour la décoration d’un salon luxueux.
- 11 avait choisi, pour ce salon, le style de la nouvelle école ; pour lui donner un caractère national, il avait utilisé les motifs yougoslaves que l’on rencontre sur les bois sculptés et les tikvicas (sortes de calebasses servant de gourdes) des pâtres croates, mais il avait pris soin de le faire discrètement, pour ne paS se mettre en contradiction avec le goût moderne.
- C’est dans ce milieu qu’indépendamment de tapis dont nous avons déjà rendu compte il nous a été présenté une variété de broderies pour tentures, sièges et coussins, dues au Couvent des Soeurs de
- Gr. XII. — Cl. 70. 36
- PIUMERIE NATIONALE.
- p.381 - vue 385/484
-
-
-
- 382 EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- charité de Zagreb, dont l’école de broderie artistique jouit, jusqu’en Autriche, de la réputation la mieux justifiée.
- Ces broderies, pour la majeure partie d’entre elles, affectaient le caractère national; certaines autres servaient d’applications aux coussins et aux rideaux dont l’entrée de ce salon était orné, et toutes dénotaient que des soins attentifs avaient présidé à leur parfaite exécution. Aussi notre Jury a-t-il tenu à récompenser d’une médaille d’argent les broderies présentées par l’Ecole du couvent des Sœurs de charité de Zagreb.
- HONGRIE.
- MEDAILLE D’ARGENT.
- M. Hippl Ronay (Joseph), à Budapest.
- Parmi les diverses et très intéressantes broderies entièrement faites à la main par cet exposant, il en est deux qui ont plus particulièrement sollicité et retenu notre attention. Pour ces deux compositions absolument modernes, l’artiste avait complètement recouvert l’étoffe qui formait le canevas d’un point de broderie assez lâche qui constituait le fond sur lequel le dessin devait s’enlever. La première, dénommée Idéal, était une sorte de petit tableau représentant, sur un fond crème grisâtre, une jeune femme vue de profil et tenant à la main une rose. L’ensemble, bien que traité par tons à plat, se détachait très agréablement du fond, grâce à la savante sertissure d’une broderie d’un ton neutre, qui contournait toutes les formes du dessin. L’autre broderie reproduisait, sur un fond brodé en ton bleu, des Dahlias dont la coloration or et bois s’enlevait vigoureusement sur le fond choisi par l’artiste. L’exécution si soignée des broderies que nous a présentées M. Joseph Rippl Ronay a été appréciée de notre Jury, qui a récompensé d’une médaille d’argent ces intéressants petits tableaux.
- VI
- TOILE PEINTE EN IMITATION DE TAPISSEBIE.
- Ainsi que nous l’avons dit en mentionnant au cours de ce rapport les progrès réalisés dans l’industrie des impressions sur étoffes, la peinture décorative a, dès les temps les plus reculés, joué un rôle considérable dans l’ornementation des temples et des palais; elle constituait en quelque sorte le complément de l’architecture dès la plus haute antiquité.
- Les toiles peintes au xve siècle, et destinées à servir de modèles aux tapissiers de l’époque, sont restées d’inimitables modèles. Le dessin en est franc et fait à la volée, la couleur jetée avec adresse et sans hésitation; ce sont des tableaux d’un grand prix, indépendamment de tout intérêt historique et de tout mérite de rareté et de singularité. L’Hôtel-Dieu de Reims possède encore aujourd’hui vingt-sept de ces admirables compositions dont les sujets se rattachent : onze à des scènes des Mystères de la Passion, sept aux scènes de la Vie de Notre Seigneur Jésus-Christ, dix au Très excellent et saint mystère du Vieux Testament. Trois panneaux sont des Portraits d’apôtres.
- La peinture à l'huile a été appliquée sur des tissus et souvent combinée avec des effets de tissage sous Henri II, Louis XIII et Louis XIV ; on en trouve la preuve dans les comptes de cette époque où les toiles et les couleurs sont mentionnées.
- p.382 - vue 386/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- 383
- La grande tapisserie de Louis XIV, retrouvée aux Tuileries et conservée au Garde-Meuble, donne une idée de ce genre de peinture.
- Plus près de nous, vers 1860, une industrie nouvelle est venue prêter son concours et contribuer dans une large mesure au développement artistique de la toile peinte, en en facilitant la propagation. Nous voulons parler de la toile pour peinture de décor ppur plafonds et pour panneaux d’appartements.
- C’est en 1861, à la première exposition de l’Union centrale des beaux-arts appliqués à l’industrie, que ce nouveau produit fit son apparition. Il avait été créé depuis quelque temps déjà par M. Binant, l’un des premiers fondateurs de l’Union centrale des beaux-arts.
- L’année suivante, à Londres, à l’Exposition universelle de 1862, ces toiles, par leurs grandes dimensions sans couture, furent remarquées de nouveau, et les largeurs de 6 et 8 mètres qui y figurèrent et y furent récompensées affirmèrent la voie nouvelle qui s’ouvrait pour la peinture décorative.
- Les journaux artistiques de cette époque, le Moniteur des Arts, le Propagateur illustré, le Journal manuel de peinture, le Conseiller des Artistes, etc., signalèrent à l’attention publique la révolution que devait forcément entraîner l’usage de cet élément nouveau de production artistique.
- Les événements ont justifié ces prévisions. Aussi, depuis lors, que de travaux exécutés à l’atelier, sans fatigue, avec toutes les ressources que donnent les matériaux réunis sous la main ! Que d’œuvres importantes, en dehors même des grandes pages du nouvel Opéra, des églises de Saint-Augustin et de la Trinité, de l’Hôtel de la Légion d’honneur, etc., que d’œuvres, disons-nous, ont pu être expédiées au loin après peinture, affranchissant ainsi les artistes de l’obligation d’aller peindre sur place, à l’aide d’échafaudages presque toujours incommodes, souvent dangereux.
- En matière de progrès, tout se touche, et les innovations les plus insignifiantes en apparence ont souvent une influence sérieuse, aussi bien dans les arts que dans l’industrie. On ne saurait donc nier l’influence de telle ou telle découverte sur la marche d’une industrie quelconque. Il en est de même pour l’art décoratif; Télan était donné, dès 18 G1 ; il a suivi la marche progressive du siècle, dans des applications multiples et sous les formes les plus variées.
- FRANCE.
- MÉDAILLE D’ARGENT.
- M. Préàubert (L.), à Nantes (Loire-Inférieure).
- Nous croyons devoir mentionner ici les fort intéressantes productions de la maison Préàubert, car ses tapisseries décoratives, imprimées sur toiles préparées -en peintures spéciales ou métallisées, ont été hautement appréciées, tant par notre Jury que par les nombreux visiteurs qu’attirait l’exposition des produits artistiques de cette manufacture.
- a6.
- p.383 - vue 387/484
-
-
-
- 384
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- Cette maison, fondée en i832 et reconstituée sur un nouveau pied en 1899, exploite, en son usine de Nantes, divers procédés nouveaux et de son invention, grâce auxquels il lui est possible de produire, sans couture, les toiles tapisseries enduites ou métallisées de ses panneaux décoratifs de toutes dimentions.
- Ces panneaux, ainsi qu’une variété considérable d’écrans, de tableaux, de paravents et de dessins pour tentures murales, étaient exposés dans le salon que M. L. Préaubert occupait dans notre Classe.
- Toutes ces productions, compositions modernes artistiques et très amusantes, sont conçues avec un sentiment d’originalité et de nouveauté remarquable ; elles ont séduit le visiteur par le chatoiement des couleurs employées, autant que par le bon goût qui a présidé à leur harmonieux assemblage. De nombreux emprunts faits à la flore et à la faune marine, et exécutés par à plats, s’harmonisaient admirablement en des tonalités nouvelles et donnaient à l’ensemble de cette exposition un aspect décoratif franchement moderne et des plus heureux. Notre Jury a récompensé d’une médaille d’argent les très intéressantes productions de M. L. Préaubert.
- MÉDAILLE DE BRONZE.
- M. Stauffacher ( Jacques), à Paris.
- Nous avons le regret d’avoir à constater que, dans l’emplacement qu’il occupait dans notre Classe, M. Stauffacher n’avait pas tenté, en vue de cette exposition, l’effort auquel nous nous attendions, étant donné le succès qui avait récompensé ses produits lors des expositions précédentes.
- Depuis 1883 que cette maison est fondée, ses peintures sur tissus spéciaux, imitant les tapisseries anciennes aussi bien que les modernes, et connues sous le nom de Tapisseries d’Ormesson, avaient acquis une certaine réputation grâce à la perfection croissante dans la manière de peindre, en couleurs inaltérables, des tissus de contexture bien étudiée pour le rendement à en obtenir. Ses peintures sur toile Binant, sur reps, sur toile de soie ou même sur velours, ont connu la vogue, et nous nous demandons comment, occupant en moyenne une trentaine d’ouvriers et accusant un chiffre d’affaires de 200,000 à 3oo,ooo francs par an, M. Stauffacher n’avait fait, cette année, qu’une exposition de peu d’intérêt.
- Récompensé d’une médaille d’argent à Lyon en 189/i, d’un diplôme d’honneur à Rouen en 1896, d’une médaille d’argent à Bruxelles en 1897, notre Jury s’est vu, à regret, cette année, dans l’impossibilité d’attribuer à M. Jacques Stauffacher une récompense supérieure à la médaille de bronze.
- ITALIE.
- MÉDAILLE DE BRONZE.
- M. Borzoccuini (Auguste), à Rome.
- Dans le palais si remarqué que l’Italie avait érigé à l’entrée de la rue des Nations, il fallait gravir l’escalier menant à l’étage pour apercevoir, fixées au mur de droite, les deux toiles peintes que M. Barzocchini y avait exposées. L’une mesurait 2 mètres de hauteur sur 2 m. 3o de largeur; l’autre, o m. 80 sur 1 m. 20, et toutes deux, peintes en tons sobres sur un tissu de reps imitant le point des tapisseries des Gobelins, reproduisaient des sujets religieux, auxquels notre Jury a attribué une médaille de bronze.
- p.384 - vue 388/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- 385
- MENTIONS HONORABLES.
- Mwe‘ Cariolato (Anne et Maria), à Rome.
- C’est non loin de l’exposition des tapisseries de l’hospice Saint-Michel, à l’étage de la section italienne du palais de l’Esplanade des Invalides, que nous avons trouvé fixées à la cloison deux toiles peintes, sortes de tableaux médaillons, représentant l’une la Vierge Marie, l’autre l'Enfant Jésus. Ces peintures ont été récompensées d’une mention honorable.
- M. Menenti (Mario), à Rome.
- Les deux toiles peintes par M. Menenti que nous sommes parvenus à découvrir, au Champ de Mars, derrière le Pavillon de la Collectivité italienne des soies et soieries de la Classe 83, étaient aussi des imitations de tapisseries anciennes sur fonds reps.
- L’un de ces panneaux-tableaux mesurait 2 m. 5o de largeur sur 1 mètre de hauteur; l’autre, 1 m. 20 de largeur sur 0 m. 60 de hauteur. Tous deux reproduisaient des sujets mythologiques, auxquels notre Jury n’a pu attribuer qu’une mention honorable.
- SUISSE.
- La toile peinte sulabra, de la maison Engeli et G*6, de Bâle, sera signalée à la quatrième catégorie, ce produit se rapportant plutôt à la toile cirée qu’à la toile peinte proprement dite.
- p.385 - vue 389/484
-
-
-
- 38G
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- QUATRIÈME CATÉGORIE.
- LES TOILES CIRÉES ET LES LINOLÉUMS.
- LINOLÉUMS. — TOILES CIRÉES. — CUIRS ARTISTIQUES ET FACTICES.
- Au moment de passer en revue les intéressants produits : linoléums, toiles cirées, cuirs artistiques et factices, etc., que de nombreux exposants avaient artistement disposés en les salons qu’ils occupaient en notre classe, nous nous faisons un devoir et tout à la fois un plaisir de rappeler— car nous l’avons signalé déjà au commencement de ce rapport— que pour ces fabrications dont la technique, si. différente de celle de nos industries du tapis et de l’ameublement, mettait en défaut la compétence du rapporteur, c’est notre excellent collègue et ami M. Chovo, l’habile directeur de la Compagnie française du linoléum Nairn, à Orly (Seine), qui a bien voulu nous communiquer avec la haute compétence qu’il possède de ces industries si attrayantes les renseignements les plus précis sur les origines de ces produits, sur les progrès réalisés dans les procédés de leur fabrication, ainsi que sur l’importance des diverses maisons de toute nationalité qui, par leur brillante participation à notre Exposition, ont puissamment aidé au relief et au succès de notre Classe en y apportant un effet décoratif original et nouveau dans ses applications les plus variées.
- Nous renouvelons à notre dévoué collègue et ami M. F. Chovo tous nos remerciements pour les peines qu’il a prises dans le but de nous renseigner aussi consciencieusement qu’il Ta fait et nous allons maintenant mettre à profit les intéressantes communications que nous devons à son extrême obligeance.
- LE LINOLÉUM.
- Le linoléum est une des découvertes les plus intéressantes de ces quarante dernières années, non seulement par les capitaux qu’il a fait mettre en œuvre, mais encore par les nombreuses ressources qu’il offre à la décoration des habitations modernes.
- Avant le linoléum on avait la toile cirée, dite «de parquet», dont les défauts nombreux ont limité considérablement l’usage. La toile cirée, par son ornementation, répondait à l’idée de confort, au sentiment de luxe éphémère qu’on observe dans les demeures modestes et qui disparaît si rapidement avec l’usure du produit.
- Quand le linoléum est apparu sur le marché, il a rencontré partout un accueil favorable, car, indépendamment de ses qualités décoratives, il offrait, au point de vue de l’hygiène et de l’ameublement en général, des avantages que ne présentait pas la toile cirée.
- p.386 - vue 390/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEURLEMENT.
- 387
- C’est à un chimiste anglais, Galloway, qu’on doit l’idée première du produit nouveau qui, d’abord appelé kamptulicon, se transforma graduellement et prit, avec Walton, le nom de linoléum.
- Le kamptulicon, composé de déchets de caoutchouc et de poudre de liège, constituait un tapis chaud, hydrofuge, élastique; son avenir paraissait assuré, mais son prix de revient était si élevé que l’usage en a été forcément restreint à certaines applications et, dès lors, son essor commercial et industriel fut arrêté. Au surplus, l’emploi si varié du caoutchouc et les perfectionnements apportés à son industrie donnèrent à ces déchets une si grande valeur que la matière première du kamptulicon menaçait de faire défaut.
- C’est alors que M. F. Walton, à la suite de nombreuses expériences, résolut le problème en substituant au caoutchouc l’huile de lin, hase de la fabrication de la toile cirée. Il transforma l’huile de lin en un produit solide, qu’il soumettait ensuite à une cuisson spéciale avec addition de diverses gommes et résines; il obtint un composé élastique qu’il a fait breveter sous le nom de ciment.
- Il convient dès maintenant de fixer le principe fondamental qui différencie le linoléum de la toile cirée.
- La hase de ce dernier produit est l’huile de lin additionnée de blanc de Meudon, matière inerte; le linoléum est formé d’huile de lin, avec addition de poudre de liège, matière élastique. Le progrès était immense, et le succès a, d’ailleurs, ratifié d’une façon grandiose toutes les espérances que M. Walton avait fondées sur son invention.
- L’emploi du linoléum a pris un développement tel, les capitaux engagés aujourd’hui dans cette industrie sont si considérables et l’avenir du linoléum si plein de promesses nouvelles, qu’il paraît utile de faire connaître ici son mode général de fabrication, ainsi que les principales matières premières qui entrent dans sa composition.
- Le linoléum appliqué à chaud sur une toile de jute, au moyen de calandres puissantes, est formé de ce ciment qui vient d’être décrit et delà fabrication duquel dépend la bonne qualité du produit manufacturé, de poudre de liège et d’ocres ou d’oxydes de fer de nuance variée.
- La gomme employée à la confection du ciment est importée de la Nouvelle-Zélande; c’est une résine fossile de la famille des légumineuses.
- Cette gomme, dite kaurie, joue dans la formation du ciment le même rôle que celui quelle remplit dans la constitution des vernis.
- Quant à l’huile de lin oxydée, qui est la hase du ciment, elle peut être rendue solide au moyen de plusieurs procédés, dont deux inventés par M. Walton, un autre dit procédé Taylor, et le dernier inventé par M. Bedford.
- Le procédé Walton, le plus ancien en date, est celui qui est encore employé dans la plupart des usines de linoléum. L’huile de lin, après avoir été soumise à une cuisson partielle ayant pour but d’exciter sa capacité d’absorption d’oxygène, est ensuite oxydée complètement par l’influence de l’air atmosphérique, sur une surface immense de toiles de coton tendues verticalement. Au moyen de chariots animés d’un mouvement de va-et-vient , l’huile est répandue en couches très minces sur les toiles et s’oxyde au contact
- p.387 - vue 391/484
-
-
-
- 388
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- de l’air. L’excédent s’écoule dans une citerne d’où il est reiftonté par des pompes. On répète chaque jour cette opération jusqu’à ce que l’épaisseur de la couche d’huile de chaque côté de la toile soit suffisamment forte. A ce moment, l’opération est arrêtée et on vide l’atelier dit salle d’oxydation.
- Cette méthode d’oxydation, qui transforme complètement l’huile de lin en linoxine, est lente et exige de quatre à cinq mois par opération.
- Le second procédé Walton consiste à laisser descendre en pluie l’huile de lin, en l’exposant à l’air jusqu’à ce que le liquide huileux devienne trop visqueux pour couler. Cette huile est ensuite soumise à un battage dans une chaudière cylindrique à double fond, tandis qu’un violent courant d’air traverse la masse en lui cédant de l’oxygène. La matière obtenue est séchée et divisée en nombreux fragments qui sont à leur tour soumis à un traitement ayant pour but d’en compléter l’oxydation, ce qui demande quelques semaines.
- Le procédé Bedfort est plus simple.
- L’huile est introduite dans une chaudière cylindrique horizontale à double fond pour l’admission de la vapeur ou de l’eau selon la marche de l’opération. Le liquide est violemment agité par des baguettes d’acier fixées à un arbre, et les molécules d’huile sont constamment traversées par des projections d’air qui, cédant de l’oxygène, activent l’oxydation désirée. De la chaudière, le produit est répandu sur le sol où il se solidifie rapidement. L’opération dure une vingtaine d’heures. Après refroidissement du produit solidifié, on le place en stock, et, après une ou deux semaines, on peut l’employer à la fabrication du linoléum.
- D’après le procédé Taylor, l’huile de lin est rendue compacte par la cuisson à haute température, facilitée par insufflation d’air dans la masse. C’est le procédé le meilleur marché, mais employé par des usines spéciales. Il tend, du reste, à disparaître.
- Tous ces procédés d’oxydation rapide ont leur côté défectueux, en ce sens que l’huile oxydée continue à s’oxyder sous l’action de l’air, avant que la masse totale ne soit oxydée elle-même.
- Nous n’avons pas à entrer ici dans les considérations chimiques de ces divers procédés d’oxydation. Qu’il suffise de dire que c’est avec l’huile oxydée obtenue par les trois premiers procédés qu’on fabrique le ciment, lequel, mélangé à la poudre de liège et à la couleur, forme la pâte linoléum.
- Pour fabriquer la poudre de liège, on utilise tous les déchets résultant de la fabrication des bouchons. Ces déchets sont généralement les plus purs, bien qu’ils contiennent encore plus de 25 p. 100 de matière terreuse. On les tire de l’Algérie et surtout du littoral de la Méditerranée, où règne en maîtresse l’industrie bouchonnière.
- Les déchets sont livrés en balles pressées. Pour les transformer en poudre, ils subissent, en premier lieu, une opération dite de triage, qui a pour but d’éliminer de la masse des copeaux tous les fragments de métal, pierres, galets ou autres corps étrangers qui nuiraient à leur traitement ultérieur et à leur transformation en poudre im-
- p.388 - vue 392/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- 389
- Après l’opération du triage, les déchets passent par un appareil dénommé concasseur, qui a pour but de les réduire en fragments de la grosseur d’un pois et de séparer le liège pur des matières terreuses qui y sont incrustées. Ces fragments de liège sont dirigés et répartis entre deux meules horizontales en silex, semblables à celles employées dans la mouture de la farine de blé. C’est là où se produit l’opération finale de pulvérisation, opération délicate, qui exige une surveillance attentive et constante. La poudre passe ensuite par un blutoir où elle est tamisée au degré de finesse exigé par la fabrication du linoléum. Les particules plus grosses sont recueillies à la sortie du blutoir et repassent entre les meules.
- Jadis on brûlait les déchets de liège, aujourd’hui l’industrie du linoléum a rendu un grand service à nos contrées méditerranéennes par l’utilisation de tous les copeaux dont les prix de vente ont parfois atteint des chiffres élevés. Le commerce des déchets de liège est devenu, d’ailleurs, très important par les nombreuses applications qu’on en fait dans la marine et dans les constructions, sous forme de peinture et d’agglomérés.
- Les ocres et les oxydes de fer viennent donner à la pâte linoléum la coloration voulue jaune, verte, rouge ou brune; cette dernière, adoptée par la marine française pour les tapis linoléums qui recouvrent les ponts des navires de combat.
- Telles sont les trois principales matières premières de la fabrication du linoléum : ciment, liège et ocre.
- Le mélange de ces trois produits s’effectue dans un ensemble d’appareils broyeurs et diviseurs ; la pâte ainsi formée et qui est de couleur uniforme passe ensuite entre des cylindres lamineurs et déchiqueteurs et, finalement, se présente au calandrage sur une toile de jute, sous forme de grains d’un ou de plusieurs millimètres de grosseur. Il est indispensable que le mélange soit aussi parfait que possible pour obtenir le meilleur résultat.
- Après l’opération du calandrage, l’envers du linoléum, c’est-à-dire la toile, reçoit une couche d’enduit, rouge pour certaines qualités, jaune pour d’autres, qui sèche en quelques jours à l’étuve. De là, le linoléum, selon qu’il est destiné à être livré sous forme d’uni, passe par des séchoirs spéciaux, ou bien il est réparti en pièces de longueur déterminée aux ateliers d’impression à la main. Celle-ci est d’ailleurs exclusivement limitée aux meilleures qualités de linoléum; quant aux qualités courantes de 2 1 millim. 2 et au-dessous, elles sont imprimées à la machine.
- Mais quelle soit faite à la main ou à la machine, l’impression s’altère rapidement et finalement disparaît aux endroits soumis à la fatigue.
- C’est là le grave défaut de toutes les impressions superficielles, défaut qui a, d’ailleurs, frappé l’esprit des inventeurs; car, dès la découverte du kamptulicon, on recherchait déjà les moyens de reproduire des dessins coloriés traversant l’épaisseur du tapis.
- En 1879, M. Walton brevetait un procédé de fabrication d’un linoléum granité ou à dessin perdu. D’après ce procédé, la pâte linoléum de coloration différente est fabriquée séparément; les particules de nuance variée sont ensuite réunies dans un mélangeur, d’après une proportion quantitative déterminée. La matière ainsi mélangée est répartie
- p.389 - vue 393/484
-
-
-
- 390
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- selon l’épaisseur voulue, sur une toile cle jute, et passe ensuite par des calandres qui la fixent sur le tissu.
- En 1880, M. Leake faisait, de son côté, breveter un autre procédé de fabrication d’un linoléum incrusté où les dessins étaients reproduits au gré de l’industriel.
- On se sert de la même composition de linoléum que celle employée pour le granité.
- Sur un cadre en bronze à compartiments multiples, correspondant aux lignes ou contours d’un dessin quelconque, on place une forme découpée, sorte de plateau en zinc, dont les ouvertures ne laissent apparaître que les parties destinées à recevoir le linoléum granulé et coloré à la nuance voulue; quand le plateau repose sur le cadre en bronze, il masque les vides correspondant à ceux des autres couleurs.
- Après l’application de toutes les formes et le remplissage du cadre au moyen de la pâte linoléum, diversement colorée, on enlève le cadre, et la masse reposant sur un tissu de jute est soumise à une pression hydraulique considérable, qui réunit et soude entre elles toutes les particules de linoléum.
- Le procédé est lent; on en fait encore usage dans la fabrication des tapis incrustés, imitant le parquet et les carrelages, chez lesquels on exige une correction parfaite dans le tracé des lignes.
- Mais dans la fabrication des tapis incrustés à dessins imitant les fleurs et la tapisserie, l’esprit d’invention a eu le champ libre et tous les systèmes mécaniques ont vu le jour.
- Les plus renommés sont ceux inventés par M. Nairn, en 1897, dont le distributeur mécanique est combiné avec l’emploi de presses hydrauliques fonctionnant automatiquement, et par MM. Godfrey, Leake et Lucas, en 1891, dont le distributeur alimente une calandre fonctionnant d’une façon continue. La méthode mécanique de distribution peut varier, mais le procédé reste le même.
- Il n’y a pas lieu d’entrer ici dans l’examen de la description de tous les systèmes de fabrication d’incrusté qui ont vu le jour depuis ces vingt dernières années. Bien que les progrès réalisés soient immenses, le champ d’investigation n’en reste pas moins très vaste. On a vu, dans cette industrie, de véritables merveilles mécaniques, témoin la machine de fabrication du linoléum incrusté inventée par M. Wallon en 1890, dont le débit dépasse celui de tous les autres appareils, et qui produit des tapis à figure rectiligne que les autres fabriques font encore à la main. Mais jusqu’à présent les nuances des tapis fabriqués au moyen de cette machine sont unicolores. C’est une fabrication spéciale.
- Peut-être verra-t-on produire avec cette machine des dessins à fond multicolore, d’un effet si gracieux et à contours fins et arrondis, qui font la richesse des tapis linoléum incrustés connus aujourd’hui du public.
- En somme, l’idée générique, celle qui a dominé l’esprit des inventeurs, embrassait les données suivantes : fabrication du linoléum granulé, coloré et refroidi; distribution de chaque nuance de linoléum sur le tissu qui doit servir de base, au moyen de formes glissant sur un cadre en bronze; liaison de toutes les particules par la chaleur et la pression.
- p.390 - vue 394/484
-
-
-
- 391
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSES D’AMEUBLEMENT.
- Il est incontestable que les tapis linoléum incrustés font une concurrence sérieuse au linoléum imprimé, et, n’était leur prix encore trop élevé, ce linoléum aurait déjà disparu du marché. C’est là la loi impérieuse du progrès; la toile cirée de parquet a disparu devant le linoléum imprimé et ce dernier disparaît à son tour devant le tapis incrusté.
- Avant de clore cette étude sur le linoléum, peut-être serait-il intéressant de faire ressortir les avantages réels de ce produit manufacturé, qui a pris dans l’ameublement une place d’une importance capitale. Ses propriétés sont multiples : d’abord sa grande élasticité et son imperméabilité, puis une résistance considérable à l’usure, le caractère hydrofuge de sa composition qui lui ouvre l’accès des pièces où l’humidité et la trop grande chaleur doivent être également combattues, et enfin la grande facilité de son entretien, surtout à une époque où l’antiseptie est l’une des bases essentielles de l’hygiène dans l’habitation.
- Le linoléum est aujourd’hui fabriqué en quantités très considérables par de nombreuses usines qui se sont créées avec des capitaux importants dans le monde entier.
- L’Angleterre possède 12 usines pour la fabrication exclusive du linoléum, l’Allemagne 9, la France 2, la Suède 1, l’Italie 1, l’Autriche 1 également. Quant aux Etats-Unis, ils en ont G, établies de façon colossale.
- Ainsi qu’on le verra ci-après, l’industrie du linoléum était largement représentée à l’Exposition de 1900.
- FRANCE.
- HORS CONCOURS.
- Compagnie française du linoléum Nairn, à Paris et à Orly (Seine).
- C’est dans l'annexe en contre-bas de notre classe que M. F. Cnovo, membre de notre Jury, ingénieur et administrateur délégué de celte importante compagnie, avait fait installer l’élégant pavillon en lequel figuraient les produits de sa manufacture. Cette exposition a attiré l’attention du Jury, non seulement par la beauté, le fini et la variété des objets exposés, mais aussi par la façon si heureuse dont on les avait disposés pour être soumis à l’appréciation du visiteur.
- Toute exposition, pour être réellement instructive et intéressante, ne doit pas se borner à mettre sous les yeux un ensemble d’objets bien alignés ou artistement disposés, elle doit encore faire ressortir aux yeux de tous les applications variées auxquelles ces objets peuvent se prêter et les avantages qu’on peut retirer de leur emploi.
- C’est cette idée qui a présidé à l'installation de l’exposition de la Compagnie française, et qui lui a. donné son cachet particulier.
- 11 convient, en outre, de féliciter cette compagnie d’avoir placé sous les yeux des visiteurs les échantillons de toutes les matières premières qui concourent à la production des genres variés du linoléum. On pouvait saisir aisément les différentes phases de la fabrication, et, après avoir examiné les produits manufacturés, avoir une conception exacte de leur application dans l’habitation moderne.
- Cette compagnie est la première qui fut fondée en France en décembre 1881, et le Jury a été heureux de constater quelle y occupe encore la première place. Elle possède des brevets d’une très grande valeur pour la fabrication des tapis incrustés imitant les fleurs, la tapisserie et la mosaïque. C’est l’un des brevets les plus complets qui existe dans cette industrie.
- p.391 - vue 395/484
-
-
-
- 392
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- Ce que nous tenons à dire à la louange de M. Chovo, c’est qu’en fusionnant avec la maison Nairn, la Compagnie française, tout en supprimant une concurrence redoutable, s’est assure' la possession des brevets d’incruste' que cette maison avait pris en France. Aussi a-t-elle, en dépit de l’énorme concurrence de l’Angleterre, implanté partout son linoléum, et trouvé moyen, grâce à la perfection de sa fabrication, de le faire adopter par le Ministère de la marine, dans une quantité de constructions navales.
- La Section française de notre Classe 70 était entièrement recouverte de linoléum Nairn fourni par cette importante compagnie.
- L’usine à vapeur de la Compagnie française, située à Orly (Seine), couvre une surface de 2 hectares, emploie une force motrice de i,8oo chevaux et produit annuellement un chiffre d’affaires qui s’élève à plusieurs millions de francs.
- Récompensée d’une médaille d’or à l’Exposition de Paris en 1889, hors concours à Chicago en 1893, hors concours, membre du Jury à Lyon en 18g4, diplôme d’honneur à Bruxelles en 1897, la Compagnie française du linoléum Nairn était placée hors concours en cette exposition, son directeur, M. Chovo, qui avait fait partie de nos comités d’admission et d’installation, ayant été nommé membre de notre Jury. C’est avec une vive satisfaction que le rapporteur se fait auprès de notre sympathique collègue, M. Chovo, l’interprète de chacun des membres du Jury, pour lui exprimer avec nos félicitations les plus cordiales la joie avec laquelle, tous, nous avons accueilli la croix de chevalier de la Légion d’honneur que le Gouvernement lui a attribuée eu suite de cette exposition. Cette haute distinction honorifique est la juste récompense des services signalés que M. Chovo a rendus à l’industrie française, en implantant en France cette belle industrie du linoléum si pleine de promesses et d’avenir.
- MÉDAILLE D’ARGENT.
- Compagnie rouennaise de linoléum, au Houlme (Seine-Inférieure).
- Faisant face à l’exposition de la Compagnie française du linoléum Nairn, la Compagnie rouennaise de linoléum avait établi un vaste stand sur lequel étaient rangés les divers produits de sa fabrication, depuis l’article rrbon marchés imprimé à la machine jusqu’aux premiers échantillons de linoléum incrusté, dont la fabrication était à peine montée dans leur usine du Houlme.
- Bien que fondée récemment (en février 1897), il faut reconnaître que la Compagnie rouennaise a fait les plus louables efforts pour établir un outillage capable de produire toutes les variétés des tapis linoléum proprement dits, tapis liège et tapis incrustés. Elle a fait un véritable tour de force en arrivant à organiser une usine en deux années et à présenter à l’Exposition les premières pièces de sa fabrication ainsi que les premiers échantillons de ses tapis incrustés, fabriqués d’après la méthode Ingleby. On a reconnu dans cette œuvre la main et la haute expérience des hommes qui ont fondé les usines John Barry, Ostlerd & G0 en Ecosse, et qui, en raison des intérêts qu’ils possèdent dans l’usine française du Houlme, ont cru devoir s’abstenir de participer à l’Exposition, au titre étranger.
- Notre Jury a récompensé d’une médaille d’argent les efforts si méritants de la Compagnie rouen-
- NAISE DE LINOLÉUM.
- GRANDE-BRETAGNE.
- MÉDAILLE D’OR.
- Linoléum manufacturing company Limited, à Londres (fabrique à Staines).
- Parmi les compagnies anglaises, la Linoléum manufacturing C°, de Staines, mérite une mention particulière. Elle est la première société fondée en Angleterre, en 1864, pour l’exploitation des brevets de l’inventeur du linoléum, M. Fred. Walton, d’abord sous la raison sociale Walton, Taylor and C°,
- p.392 - vue 396/484
-
-
-
- 393
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUELEMENT.
- et plus tard sous la raison sociale indiquée plus haut, à capital limité. Après des débuts extrêmement pénibles, inhérents à toute industrie nouvelle, la Linoléum manufacturing G0 réussit à fabriquer couramment et à faire adopter par tous les consommateurs de la toile cirée le produit nouveau auquel M. YValton avait donné le nom de linoléum. Le succès qui, plus tard, couronna les elForts du promoteur n’a pas abandonné cette compagnie, et c’est elle qui, de concert avec la maison Nairn, de Kirkcaldy, marche à l’avant-garde des fabriques de linoléum. La maison Nairn a dû s’abstenir de prendre part à la lutte industrielle de l’Exposition, en raison des intérêts qu’elle possède en France, avec notre collègue, M. Chovo, dans l’entreprise de la fabrique d’Orly (Seine).
- La médaille d’or, votée avec la cote la plus haute, a justement récompensé les efforts de cette compagnie et les immenses progrès quelle a réalisés dans l’industrie du linoléum.
- MÉDAILLE D’ARGENT.
- Greenwich inlaid linoléum company Limited, à Londres.
- L’exposition de la Grennwich inlaid linoléum C° est intéressante au plus haut degré ; et n’étaient les produits exposés, elle le serait déjà par le nom de l’inventeur du procédé de fabrication des tapis incrustés.
- Il faut rendre ici l’hommage qui est dû à l’inventeur du linoléum, au chercheur infatigable qu’est M. Walton; s’il avait été permis au Jury de récompenser M. Walton lui-même, certes il lui eût attribué la plus haute récompense, non seulement pour la grande valeur industrielle de ses découvertes, mais aussi pour les services immenses qu’il a rendus en créant une industrie qui a fait la fortune de nombreuses usines et a procuré du travail à un grand nombre d’ouvriers.
- Les produits exposés sont de fabrication remarquable et ont valu à la Greenwich Inlaid linoléum G0 une médaille d’argent bien méritée.
- ALLEMAGNE.
- MÉDAILLE D’OR.
- Deutsche Linoléum Werke Hansa, à Delmenhorst.
- Dans la section allemande, le Jury a examiné avec un grand intérêt l’exposition de la Deutsche Linoléum Werke Hansa, la première fabrique de linoléum établie en Allemagne, sous la raison sociale German Company Linoléum in Delmenhorst.
- A côté des échantillons nombreux et variés des tapis linoléum unis, de fabrication bréprochable, tapis de 9 à 15 millimètres d’épaisseur, d’une grande souplesse, cette compagnie a eu l’idée ingénieuse et instructive pour les visiteurs de l’Exposition de leur indiquer la méthode de fabrication des tapis incrustés.
- Entre deux glaces solidement reliées, de près de 9 mètres de haut sur î mètre de large, était retenu un cadre simulant celui en bronze employé dans la fabrication courante des tapis incrustés et dont les contours séparaient les particules de linoléum de nuance différente. Ges particules étaient réparties dans leur casier respectif et représentaient ainsi assemblées le dessin lui-même avant l’opération finale de la pression hydraulique ou du calandrage.
- A côté, se trouvait le tapis manufacturé lui-même, parfaitement pressé, d’un grain fin, résistant et offrant toutes les conditions de bonne qualité.
- La Deutsche Linoléum Werke Hansa est une des compagnies qui a le plus fait en Allemagne pour la vulgarisation du linoléum et pour son emploi comme matériel de construction. G’est à la suite d’une enquête provoquée par le Ministère des travaux publics d’Allemagne, et qui a fait l’objet d’un
- p.393 - vue 397/484
-
-
-
- 394
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- rapport très documenté, que le linoléum a été adopté par toutes les administrations publiques allemandes. L’auteur de ce rapport, après avoir fait ressortir les avantages du linoléum et réfuté les reproches que beaucoup d’architectes lui ont adressés, a indiqué, avec une compétence remarquable, les conditions que doivent réunir les planchers destinés à être revêtus de linoléum.
- 11 faut que le sol soit uni, lisse, solide et parfaitement jointé. Puis, après une comparaison entre les divers planchers, il conseille dans les constructions neuves l’emploi du linoléum non seulement au point de vue du confort, mais aussi à celui dè l’hygiène. 11 faut limiter l’emploi du plancher de bois à certaines salles d’apparat et faire exclusivement usage du linoléum sur ciment, plâtre, bitume, dans toutes les salles de grande circulation.
- L’enquête a porté sur 191 observations et la conclusion, tout en étant favorable à tous les produits examinés, a montré une certaine préférence pour les produits fabriqués au moyen d’huile oxydée d’après le système Wallon. Nous donnerons une idée de la réputation dont jouissent en Allemagne les produits de la Werke Hansa en disant que la Section allemande des arts industriels, de même que le restaurant du Pavillon de l’Allemagne de la rue des Nations, étaient recouverts de linoléum fourni par cette puissante compagnie.
- Le Jury, appréciant hautement les produits exposés par la Werke Hansa, a décerné une médaille d’or à cette compagnie.
- MÉDAILLE D’ARGENT.
- Deutscue Linoléum und Wacustudii Company ( Compagnie allemande des linoléums et des toiles cirées), à Rixdorf.
- La deuxième fabrique allemande de linoléum, qui a tenu à participer le plus largement possible à l’Exposition de Paris, et à laquelle le Jury a décerné une médaille d’argent, est la Deutsche Linoléum und Wacustudii Company, de Rixdorf, près Berlin, fondée en 1882, presque à la même époque que la compagnie Hansa.
- La Compagnie de Rixdorf se rapproche beaucoup de la Compagnie Hansa par son importance industrielle et commerciale. On peut dire aujourd’hui qu’elle en est l’égale, aussi bien par l’importance des quantités mises en œuvre que par la puissance de son outillage et par ses intéressants procédés de fabrication.
- Tout en conservant l’ancien procédé Taylor, pour les qualités de linoléum bon marché, elle a, depuis quelques années, adopté d’autres procédés d’oxydation plus complète.
- Elle fabrique aujourd’hui des produits très estimés et qui rivalisent avec ceux de la Hansa.
- Au point de vue commercial, la Compagnie de Rixdorf a pris un développement considérable. Elle s’est acquis une renommée par les efforts, d’ailleurs couronnés de succès, quelle a déployés dans la fabrication des articles bon marché et dans leur vulgarisation.
- A côté de la fabrication du linoléum, la Compagnie Rixdorf fabrique un tapis incrusté, d’après une méthode nouvelle qui mérite une mention spéciale.
- Le Pavillon allemand, érigé dans la rue des Nations, était recouvert de cet incrusté.
- La méthode nouvelle, connue sous le nom de Rixdorfer-Patent Inlaid, est, en quelque sorte, un perfectionnement des autres procédés similaires et dont les principales qualités sont : l’emploi d’un grand nombre de couleurs, faculté de varier les dessins avec les mêmes matériaux, facilité d’imitation des points tissés, reproduction parfaite des bois madrés.
- Les dessins, comme dans les tapis incrustés, traversent l’épaisseur de la pâte linoléum.
- L’invention de cette méthode nouvelle témoigne combien est vaste le champ d’investigations et de recherches dans cette industrie encore si récente, et il faut louer le docteur Oscar Poppe, dont les efforts, après trois années de patient labeur, ont abouti à la mise au point du procédé nouveau et à la fabrication courante d’un produit fort estimé déjà sur le marché du linoléum, produit auquel, ainsi que nous l’avons dit plus haut, notre Jury a attribué une médaille d’argent.
- p.394 - vue 398/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- 395
- MÉDAILLE DE BRONZE.
- MM. Frentzel el JUs, h Eberwalde.
- Cette maison, qui figurait à notre catalogue français de la Classe 70 et que le superbe catalogue officiel de l’Allemagne désigne sous le nom de ffEberswalder Linoléum Werke, Frentzel und Sohne» , n’avait exposé en linoléum que quelques produits auxquels notre Jury n’a pas cru devoir attribuer une récompense supérieure à la médaille de bronze.
- MENTION HONORABLE.
- Fabrique de linoléum de Delmenhorst, à Delmenhorst.
- La seconde Compagnie de linoléum de Delmenhorst, connue sous la marque crAnker», n’avait présenté que deux cadres de 70 à 80 centimètres de côté, sur lesquels étaient fixés des échantillons de linoléum granité.
- L’insuffisance de cette exposition, sa présentation malheureuse, n’ont pas permis à notre Jury d’apprécier les qualités de ce produit placé sous une glace. Trouvant qu’une industrie comme celle du linoléum méritait un plus grand effort, notre Jury n’a accordé qu’une mention honorable à la marque «Anker».
- RUSSIE.
- MÉDAILLE D’OR.
- Société franco-russe kProwodnik» , à Riga.
- La médaille d’or qu’a obtenue la Société franco-russe du Prowodnik récompense non seulement les produits exposés, mais aussi l’initiative que cette compagnie a prise, en créant en Russie, en 1888, la première fabrique de linoléum. La fabrication de cette société est basée sur le système Walton qui a donné de beaux résultats.
- Les objets étaient présentés dans un cadre immense, en harmonie avec la nature de l’industrie elle-même, et leur valeur est sans contredit au niveau de ceux des meilleures compagnies étrangères.
- MÉDAILLE D’ARGENT.
- MM. Wicander et Larsone, à Liban.
- La Compagnie Wicander et Larsone , de fondation plus récente, avait une exposition très instructive et fort intéressante. Elle a présenté à l’appréciation du Jury quelques rouleaux de linoléum ordinaire et incrusté, exposés sous une vitrine élégamment disposée.
- Le linoléum incrusté, quoique d’une fabrication encore incertaine, faisaitjjreuve de louables efforts dont le Jury a tenu grand compte, en décernant à cette société une médaille d’argent avec une cote élevée.
- Elle présentait aussi des produits rrLincrusta» décorés avec goût.
- Le Jury a été particulièrement heureux de constater et de récompenser les efforts industriels déployés par cette société qui a tenu, dans un pays où l’industrie est encore à l’état naissant, à offrir au marché russe les produits les plus récents et les plus goûtés par la clientèle de l’Europe occidentale.
- p.395 - vue 399/484
-
-
-
- 396
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- ÉTATS-UNIS.
- MENTION HONORABLE.
- MM. Farr & B aile y, manufacturing company, à Camden (New-Jersey).
- Dans la section américaine, la maison Farr & Bailey, de Gamtlem, avait exposé, clans le stand de la maison Sloane, toute une série de produits concourant à l’ornementation de la vitrine de celte maison.
- Il est regrettable que cette maison n’ait pas eu une exposition indépendante ; il a été impossible au Jury, sur la vue des échantillons exposés, d’apprécier la valeur des produits de MM. Farr & Bailey. Une mention honorable leur a été décernée.
- TENTURES DÉCORATIVES ET D’AMEUBLEMENT. - LE LINCRUSTA.
- FRANCE.
- MÉDAILLE D’OR.
- Société Lincrusta-WAlton française, à Pierrefitte (Seine).
- Les applications nombreuses que le linoléum a trouvées dans l’ameublement ont amené M. Walton à rechercher le moyen industriel de fabriquer un produit qui, revêtu d’une décoration plus ou moins riche, remplacerait, dans certains cas, les tentures et les papiers employés au revêtement des murs et des plafonds. C’est ainsi qu’il est arrivé, en modifiant la composition de la pâte linoléum et en la faisant passer entre deux cylindres dont l’un est lisse et l’autre gravé en creux, à obtenir un produit à reliefs pleins, auquel il donna le nom de rrLinoléum muralis».
- En juin 1877, M. Walton faisait breveter en France un produit nouveau, fabriqué au moyen du ciment linoléum, mélangé avec de la farine de bois, au lieu de poudre de liège. La matière obtenue par ce mélange est plus plastique; elle se prête mieux au gaufrage et reproduit avec une plus grande exactitude les contours et les finesses des dessins.
- En 1880, l’inventeur complétait son premier brevet en apportant des perfectionnements à l’embossage et à la coloration des panneaux, au moyen de brosses distribuant la couleur sur la surface du tissu, tout en adoucissant les contours et les teintes, afin de faire ressortir les modulations de teinte données par le travail à la main.
- L'invention de M. F. Walton donna naissance, à cette époque, à une quantité d’applications brevetées dont le linoléum était la base et qui eurent une histoire éphémère.
- Sans compter les brevets Guichard, connus sous le nom de trSabulum Guichard» tandis que ceux de M. Walton se distinguaient par les mots rr Linoléum muralis» , on trouve le nouveau procédé de décoration dit Sylvain décor et celui dit Lino-Burgo qui eut son heure de célébrité et disparut à son tour.
- Le trLinoléum muralis» de Walton a survécu, grâce à la persistance de travail d’un ingénieur français, M. Joseph Musnier, homme doué d’un grand sens artistique, en même temps que d’une grande expérience industrielle.
- C’est à lui qu’on doit l’introduction en France de l’industrie des tentures murales, aujourd’hui si
- p.396 - vue 400/484
-
-
-
- 397
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- connues sous le nom de rrLincrusta Walton», titre qui rappelle le mot cri in», de l’huile de lin. celui de cccrusta» , harmonie de » incrusté» , et le nom de * Walton» , comme hommage rendu à l’inventeur.
- M. îVlusnier a constitué, en 1880, la compagnie qui a acheté les brevets français de M. Walton. Après des débuts difficiles, la Compagnie Lincrusta-Walton s’est fait jour parmi toutes les inventions et les procédés qui, il y a quinze ou vingt ans, cherchaient quelque popularité.
- En 1889, à l’Exposition universelle, la Lincrusla-Walton française de M. Musnier remportait une médaille d’argent. Aujourd’hui c’est une médaille d’or qui vient récompenser, en 1900, les immenses progrès que cette société a réalisés dans cette branche de l’industrie française, ainsi que la valeur vraiment artistique de toutes les décorations quelle a exposées.
- Les produits que le Jury a examinés formaient un ensemble qui dénotait une connaissance approfondie de tous les styles et de tous les genres de décoration. L’art gothique, la Renaissance, les styles mauresques, le Louis XV, le Louis XVI, sans omettre les compositions fantaisistes mais charmantes de l’art moderne, étaient représentés dans cette exposition. On remarquait surtout une double arcade mauresque revêtue de carreaux de faïence arabe et une cheminée monumentale appuyée sur un mur qui semblait tendu de vieux cuir de Cordoue et comportait, également dans le bas, un lambris qu’on aurait cru en vieux noyer sculpté.
- LES CUIRS ARTISTIQUES ET LES CUIRS FACTICES.
- L’usage des peaux d’animaux employées comme tapis de pieds et couvertures de sièges remonte à l’antiquité la plus reculée. Celui des cuirs préparés, gaufrés et dorés date du xic siècle; il fut importé à Cordoue par les Maures d’Espagne.
- Au moyen âge et à l’époque de la Renaissance, nos aïeux, aimant plus le confortable qu’on ne pourrait le croire, remplaçaient en été, par des tentures de cuir, les tapisseries de laine réservées pour l’hiver.
- Ces tentures, faites d’un cuir très lin, reproduisaient des personnages ou des ornements peints et rehaussés d’or rappelant les enluminures des manuscrits.
- Les villes de Cordoue, Lille, Bruxelles, Malines, Venise produisaient soit les cuirs martelés «corroyés au marteau sur une planche gravée », soit les cuirs damasquinés ou marquetés avec incrustations de métal, soit des cuirs empreints et écorchés ou simplement les cuirs bouillis.
- Les peaux travaillées étaient celles du veau, de la chèvre ou du mouton.
- D’après Mézeray, ce fut sous Henri IV que furent organisées, à Paris, dans les faubourgs Saint-Honoré et Saint-Jacques, deux manufactures de cuirs dorés.
- Les procédés de décor employés étaient l’estampage et le gaufrage obtenus à l’aide de matrices de bois en creux et en relief, la ciselure à main levée, la peinture, la dorure.
- Les procédés ont peu varié. Les matrices de bois ont été remplacées, de nos jours, par des matrices de cuivre permettant d’augmenter la pureté des lignes et d’effectuer des tirages plus rapides et plus importants.
- L’emploi des cylindres de cuivre gravé a contribué à abaisser le prix de revient des cuirs gaufrés.
- D’ailleurs, la concurrence est venue avec l’invention des cuirs factices qui, obtenus
- Gn. XII. — Cl. 70.
- 27
- p.397 - vue 401/484
-
-
-
- 398
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- par le mélange de matières diverses fortement comprimées et recouvertes d’enduits spéciaux, se prêtent, grâce à l’estampage, à la tenture décorative.
- Depuis 1889, il faut signaler l’apparition du cuir aggloméré obtenu par l’utilisation des déchets de corroirie provenant du dragage des peaux tannées, fortement encollées et soumises à l’action de la presse hydraulique.
- Le cuir s’emploie pour tenture murale et garniture de sièges.
- FRANCE.
- MEDAILLE D’OR.
- M. Qvenardel, à Paris.
- La maison J. Quenardel présentait une exposition essentiellement luxueuse et remarquable, non seulement par le fini, la beauté et le choix des objets exposés, mais encore par l'effort effectué dans le but de reconstituer des décorations sur cuir des temps les plus anciens. Elle avait mis sous les yeux du public des œuvres dignes des meilleurs ffgarnisseurs et enjoliveurs» de Cordoue et de Venise.
- Contrairement à certaines maisons, qui se sont appliquées à transformer cette décoration et à la mettre à la portée de tous, M. Quenardel s’est attaché à faire revivre, à conserver les méthodes anciennes de décoration, plus coûteuses, il est vrai, mais aussi combien plus artistiques, plus riches et plus intéressantes !
- Tous les sièges et les tentures exposés étaient du style le plus pur et dénotaient une connaissance approfondie de l'histoire du cuir. Un paravent, entre autres, dont les panneaux portaient en principal motif des personnages allégoriques, était (qu’on nous pardonne ce mot qui dépeint bien notre pensée) d’une joliesse exquise. Aussi le Jury a-t-il décerné à M. Quenardel une médaille d’or.
- MÉDAILLES D’ARGENT.
- M. Préaubert (Louis), à Nantes.
- Bien que nous ayons mentionné déjà à la rrToile peinte» les produits de M. Préaubert, nous signalerons encore ici celte intéressante fabrication qui, par son cachet artistique, se rattache également à la catégorie dont nous nous entretenons actuellement.
- Une médaille d’argent est venue récompenser l’exposition si intéressante de la maison L. Préaubert qui a réuni dans un ensemble harmonieux des tapisseries décoratives et des tentures murales du plus heureux effet.
- Ces tapisseries sont imprimées sur toiles, préparées en peinture spéciale ou métallisée. Certaines d’entre elles donnent l’effet d’un velours et rappellent les tentures riches de papier rrtonlisses ou veloutées».
- M. Préaubert a aussi exposé des toiles pour revêtement, unies ou imprimées, façon émail, d’un procédé de décoration très intéressant et qui se prête à toits les genres d’ameublement.
- La note dominante de cette exposition se trouve dans les nouveaux procédés de fabrication mis en œuvre pour la décoration des toiles de tapisserie, par panneaux de toutes dimensions et sans coulure.
- p.398 - vue 402/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- 399
- M. Péceeux (E.), à Paris.
- Bien qu’ayant exposé pour la première fois, M. Péchedx'n’est pas un inconnu dans l’art de la décoration ; dans différents salons ses travaux ont déjà été remarqués.
- C’est un rénovateur des anciens procédés disparus de décoration, auxquels il a apporté des perfectionnements artistiques qui lui ont valu une médaille d’argent en 1900. Le Jury a particulièrement remarqué un paravent avec personnages, en cuir gravé et martelé sur fond chamois clair, d’une exécution parfaite et d’un fini remarquable. Le travail du martelage a été fait d’une main sûre et ne présente aucun empiètement sur les contours du motif. Un panneau pour salle à manger représente une scène du moyen âge, sur cadre et fond de tenture d’une heureuse exécution; d’autres objets viennent ajouter à l’harmonie de cette exposition et sont d’un mérite réel.
- MM. Eghillet et O% à Paris.
- Dans le même genre de travail, viennent les produits exposés par MM. Echillet et Cie qui ont également mérité une médaille d’argent. Ce sont, pour la plupart, des panneaux sur maroquin métallisé, et décorés avec goût. MM. Echillet et Cie semblent avoir donné un très grand développement au travail de décoration sur cuir et étoffes estampées pour sièges, tentures, etc., d’après un procédé qui paraît être pratique. Les couleurs ainsi appliquées pénètrent dans le cuir, sont inaltérables et résistent au lavage.
- Le progrès réalisé par cette maison consiste à pouvoir établir commercialement des articles décorés et faisant relief, qui jusqu’à présent étaient restés dans le domaine du luxe. Le travail de décoration s’étend d’ailleurs, d’après les objets soumis au Jury, à une grande quantité de tissus tels que les soies, la laine, la peluche, le velours, etc.
- Ils avaient, en outre, présenté des appliques mobiles en cuir repoussé que l’on peut adapter comme décoration venant rehausser les panneaux unis et former un complément aux tentures à fond grené et de nuances diverses.
- MM. Roülleau et C‘% à Paris.
- La caractéristique de l’exposition de MM. Roülleau et Gie réside non seulement dans la décoration des produits exposés, mais encore dans l’effort industriel considérable que cette maison a fait pour utiliser les déchets de cuir et les transformer, par un travail mécanique, en un produit manufacturé, sorte de tenture murale, qui possède toutes les apparences et la solidité du cuir.
- L’inventeur du crcuir de Paris » est parvenu à obtenir un résultat industriel, toujours intéressant au point de vue de l’art de l’ingénieur, en même temps qu’un résultat commercial pratique, étant donné le bas prix de ce produit nouveau.
- Le Jury, frappé de l’idée qui s’est fait jour à l’Exposition universelle de la vulgarisation des tentures murales de simili-cuir et de cuir factice dans la décoration des habitations, à des prix relativement bas, a cru devoir encourager les initiateurs de cette industrie nouvelle, en récompensant et leur travail et le but qu’ils poursuivent.
- Il a tenu à rendre hommage aux efforts persévérants des inventeurs qui tendent- à la diffusion dans toutes les classes de la société d’un confort non exempt de luxe, par l’ornementation des habitations, au moyen de produits décorés avec goût et à la portée du grand public par leurs prix modérés.
- C’est dans cet ordre d’idées qu’une médaille d’argent a été décernée à MM. Roulleau et Cio dont les produits, pour être de date récente, n’en ont pas moins une place marquée dans le commerce des tentures murales.
- 27.
- p.399 - vue 403/484
-
-
-
- 400
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- Société anonyme française du Loréid, à Paris.
- La Société anonyme française du loréid, qui exploile'les brevets Jannin, a mérité une médaille d’argent pour les progrès considérables qu’elle a obtenus dans la fabrication des tentures dites de cuir factice. Le pégamoïd l’avait précédée dans cette voie, mais on lui reprochait de déceler un peu trop les matières premières employées dans sa fabrication. Le loréid, en se servant des mêmes matières premières, avec un traitement différent, est arrivé à produire un article souple, léger, se prêtant aisément au gaufrage et au façonnage et dont l’usage s’est étendu à des applications infiniment variées. Le loréid est un composé à base de résine et de cellulose fixé sur toile de colon, de lin ou de chanvre.
- La Société a exposé des étoffes imperméabilisées, des imitations de cuir très intéressantes, ainsi que des tentures murales à fond grené chamois clair, des sièges revêtus de loréid, très résistants et de nombreuses applications à des articles de voyage et de bimbeloterie.
- En somme, le loréid a, en quelque sorte, éliminé les différentes toiles cirées et molesquines de ces diverses applications, tout en offrant, en même temps, et un plus grand luxe au point de vue décoratif et un prix de revient comparable. C’est là le résultat pratique que le Jury a récompensé en décernant une médaille d’argent à la Compagnie du Loréid.
- MÉDAILLES DE BRONZE.
- Société française du pégamoïd, à Paris.
- La Société française du pégamoïd s’est attachée à la fabrication du simili-cuir, en enduisant les tissus d’une pâte spéciale qui les pénètre, les couvre par couches successives. On obtient ainsi un produit qui a l’apparence du cuir, se façonnant en toutes nuances et susceptible de recevoir tous les genres de grains ou de gaufrage.
- La maison s’est encore fait une spécialité d’une peinture métallisanle dénommée 'peinture aluminium.
- Les applications du pégamoïd sont très nombreuses, car le produit est imperméable, ne s’écaille pas et peut se laver. Aussi est-il employé dans l’ameublement, la carrosserie et la maroquinerie, mais on lui reproche une certaine odeur sui generis qui a fait quelque obstacle à son emploi dans certaines applications.
- Néanmoins, l’usage du pégamoïd tend à se généraliser, et le Jury a récompensé d’une médaille de bronze les efforts industriels et commerciaux de cette Société.
- M. Belvaux (Alexis), à Paris.
- Les cuirs repoussés avec bordures en relief que nous a présentés cet exposant sont l’œuvre d’un homme de mérite qui, par le travail et l’étude, est parvenu à se faire un nom dans cette spécialité artistique qui nécessite des connaissances étendues. C’est d’ailleurs, et ceci est tout à l’honneur de M. Belvaux, sous le patronage même du Ministère du commerce, qui a pris à sa charge la plus grande partie des frais de cette installation, que M. Alexis Belvaux avait exposé les divers produits auxquels, après examen, notre Jury a attribué une médaille de bronze.
- p.400 - vue 404/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- 401
- ALLEMAGNE.
- MÉDAILLE D’OR.
- M. Hulbe (Georges), à Hambourg et à Berlin.
- Dans la section allemande, la maison Hulbe présentait une exposition du même genre que celle de M. Quenardel, dont nous avons fait mention plus haut: l’on y retrouvait les mêmes connaissances de l’art appliqué, les mêmes efforts en vue de reproduire avec fidélité les compositions les plus fameuses et les plus artistiques des siècles passés.
- Ces admirables reconstitutions ont été hautement appréciées par notre Jury.
- Dans l’ensemble de tant de charmants spécimens, de tant d’objets de luxe en cuir ciselé, dont il nous a été donné la vue, nous avons remarqué un délicieux paravent qui, de l’avis unanime, dénotait une réelle perfection d’exécution. Certains coffrets, dont le travail des cuirs était d’une exécution merveilleuse et d’une finesse remarquable, ont fait aussi l’admiration générale. Ce sont tous ces divers produits qui dénotaient de si grands, de si louables efforts artistiques de la part de M. Georges Hulbe, que notre Jury a tenu à récompenser d’une médaille d’or.
- MÉDAILLE DE BRONZE.
- M. Attenkofer (Paul), à Munich.
- Bien que notre catalogue n’ait point fait mention de cet exposant, notre Jury a été appelé à examiner ses produits qui, dans la section allemande, figuraient dans l’ensemble de la décoration d’une salle dite du professeur Gabriel Seidi, Classe 66; ils consistaient en quelques chaises en cuir repoussé et doré, qui nous ont paru de belle exécution. La démonstration de M. Attenkofer ayant toutefois été jugée insuffisante, notre Jury n’a pu lui attribuer qu’une médaille de bronze.
- ITALIE.
- MÉDAILLE D’OR.
- MM. Mora frères, à Bergame.
- Au rez-de-chaussée de la section italienne, palais de l’Esplanade des Invalides, MM. Mora frères occupaient un salon gracieusement orné des mille produits qu’ils excellent à fabriquer ; ils nous ont présenté une grande variété de ces objets artistiques enluminés, repoussés, embossés et dorés, dont le travail si délicat rappelait les merveilleux et si réputés cuirs de Venise et de Cordoue.
- A côté de superbes paravents aux fines ciselures artistiques, de nombreux motifs pour sièges montraient aux visiteurs qui ne se lassaient pas de stationner devant cette intéressante exposition qu’en vue de ces différents emplois MM. Mora frères savent approprier leurs modèles aux besoins et au goût de la clientèle de maintes contrées. Des sujets pour panneaux décoratifs, d’autres pour plafonds en bois, traités les uns dans le style le plus pur, les autres empruntant à l’art moderne ses fantaisies dans ce qu’elles ont de si charmant quand l’excentricité de mauvais goût en est rigoureusement bannie, ont prouvé à notre Jury que l’art que professent MM. Mora frères n’a plus de secrets à leur dévoiler.
- p.401 - vue 405/484
-
-
-
- 402
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- Do riches coffrets, artistiques reproductions des modèles les plus anciens dans l’histoire de nos styles, complétaient cette attrayante exposition. En présence de tous ces produits, dont l’exécution a été reconnue si soignée, notre Jury n’a pas hésité à attribuer une cote élevée à la médaille d’or dont il a tenu à récompenser MM. Mora frères.
- MÉDAILLE DE BRONZE.
- M. Patarciii (Philippe), à Turin.
- Les quelques produits que M. Patarciii a présentés à notre Jury, Impressions et reliefs sur cuirs, ne nous ont pas permis d’attribuer à cet exposant une récompense supérieure à la médaille de bronze.
- DANEMARK.
- MÉDAILLE DE BRONZE.
- M,u Hassager ( C. ), à Copenhague.
- Une exposition intéressante, au point de vue artistique, était celle de M11' Hassager dans la section danoise.
- MUe Hassager, qui est l’auteur de plusieurs compositions déjà très remarquées, avait soumis à l’appréciation du Jury des paravents, des reliures et des cadres d’un goût charmant et d’un travail très délicat, qui avaient d’autant plus de mérite qu’ils étaient fabriqués par une méthode nouvelle dont Mlle Hassager est l’inventeur. Le Jury lui a décerné une médaille de bronze.
- MENTION HONORABLE.
- Mme Bra vi-Bertini (Rosina), à Copenhague.
- Les divers spécimens présentés à notre Jury par Mme Bravi-Bertini étaient des cuirs repoussés, dont l’exécution a valu à son auteur une mention honorable. Les objets présentés étaient d’ailleurs décorés avec beaucoup de goût.
- SUISSE.
- MÉDAILLE D’ARGENT.
- MM. Engeli et C‘% à Grenzach, près Baie.
- Cette maison, dont la fondation ne date que de 1897, avait exposé, au rez-de-chaussée de la section suisse, divers spécimens d’une toile peinte désignée salubra, qui se recommande à l’attention de tous par ses propriétés particulières d’hygiène et d’imperméabilité, ainsi que parla solidité des nuances utilisées à l’impression des dessins.
- Son emploi comme tenture murale est déjà très répandu, et nombreux sont les hôtels et les administrations où ce produit est largement utilisé, car, par son prix peu élevé, il remplace avantageusement la toile cirée, à laquelle on ne saurait donner un cachet aussi artistique, et le papier peint, qui, lui, ne supporte pas le lavage.
- De nombreux dessins dont la majeure partie étaient d’art moderne, nous ont prouvé par le choix
- p.402 - vue 406/484
-
-
-
- 403
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- heureux des compositions autant que par l’harmonie des colorations que cette jeune société «qui alimente, au moyen de la force électrique par transmission, 48 ouvriers », est en pleine voie de progrès.
- Déjà titulaire d’une médaille de bronze obtenue à Berlin en 1899, et d’une médaille d’or à Dresde, dans la même année, c’est par une médaille d’argent que notre Jury a récompensé la toile salubra de MM. Engeu et Cic.
- ÉTATS-UNIS.
- MÉDAILLE D’OR.
- MM. Baldwin brothers et C'e, h New-York.
- Une médaille d’or a été attribuée à ces exposants pour les cuirs enluminés et estampés qu’ils avaient exposés.
- LA TOILE CIRÉE.
- Les beaux jours de la toile cirée de parquet sont passés ; cette industrie se meurt en France. Tel est le cri des industriels français.
- Si le fait est réel en France, il l’est aussi dans les autres pays, car le linoléum tend à évincer complètement la toile cirée de ses applications comme tapis de parquet.
- Mais les usines se sont transformées, et avec les progrès de la science et les découvertes intéressantes faites dans le traitement des huiles de lin, les fabricants étrangers ont tous dirigé leurs efforts vers la production d’autres articles à base d’huile de lin, et dont la consommation a pris dans le monde entier un développement considérable.
- Dans quelle proportion les fabricants français ont-ils participé à l’évolution dessinée par les étrangers? De toutes les usines françaises qui ont transformé et complété leur outillage, quelques-unes seulement continuent à représenter la marque française, les autres se sont spécialisées dans la production de certains objets de consommation courante.
- La fabrication de la toile cirée, que les Allemands nomment Wachstuch et les Anglais Oil Cloth, s’étend à un nombre assez étendu d’articles, en général tous sur tissu de coton.
- Les uns sont légers, tels que les tissus de coton simples ou molletonnés, à envers brut ou à enduit, imitant les bois, dessins de mosaïques; ou bien le linge blanc, uni ou damassé, servant à recouvrir les meubles; ou encore ceux en couleurs, unis et à fond noir généralement. Ces tissus sont lisses ou gaufrés et servent de matière première à la fabrication de nombreux objets connus sous le nom d’articles de Paris.
- Les autres toiles cirées sont de fabrication plus forte ; elles s’emploient dans la carrosserie, dans l’ameublement, là où la résistance à l’usure doit être plus grande.
- Puis vient le genre moleskine, dont les applications sont multiples.
- p.403 - vue 407/484
-
-
-
- 404
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- AUTRICHE.
- MÉDAILLE D’OR.
- M. Giiâb jils, à Prague.
- Une médaille d’or a été décernée à la maison Grab fils, de Prague, pour ses magnifiques produits. *
- Vieille maison, où les directeurs se sont succédé de père en fils depuis 1836 et qui a réalisé au fur et à mesure des besoins de la consommation tous les perfectionnements désirables. Cette usine fabrique tous les genres de toiles cirées et de toiles-cuir.
- La bonne qualité de ses produits lui a, depuis de nombreuses années, assigné une situation enviable parmi les meilleurs fabricants étrangers.
- Depuis une dizaine d'années, elle fabrique elle-même les tissus de coton nécessaires à la production des toiles cirées de toutes les qualités, ainsi que des quantités importantes de shirtings blancs.
- L’exposition de cette maison plaisait beaucoup par la façon heureuse et intelligente dont les produits étaient présentés. Il y avait là, réunis dans un cadre gracieux, tous les articles de la fabrication de M. Grab fils, articles intéressants par leur bonne fabrication, leur souplesse remarquable et leur impression irréprochable.
- FRANCE.
- MÉDAILLE D’ARGENT.
- MM. Maréchal (Eugène) et fils, à Venissieux-lès-Lyon (Rhône).
- Dans la section française, MM. E. Maréchal et fils ont obtenu une médaille d’argent, méritée par les efforts considérables qu’ils ont faits dans l’établissement de leur usine de Venissieux (Rhône) et par la qualité des produits de leur manufacture, tels que mosaïque, nappes, taffetas gommés, toiles-cuir, etc.
- MÉDAILLES DE RRONZE.
- M. de la Lande, à Montreuil-sous-Bois (Seine).
- La maison A. de la Lande présentait toute une série de produits très intéressants par leur exécution. Elle fut une des premières maisons qui arrivèrent à rivaliser pour la nappe blanche, imitation linge, avec la meilleure fabrication étrangère qui jusque-là en avait seule le monopole.
- Une nouveauté de linge oléine a été lancée par cette maison, en 1898, et ce genre nouveau, qui donne l’illusion du linge tissé d’Alsace, doit son succès à son cachet d’élégance, à la chaleur de son coloris et à sa grande souplesse.
- Le Jury a récompensé par une médaille de bronze les efforts de cette maison.
- p.404 - vue 408/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEURLEMENT.
- 405
- MM. Soulage (/.) et frères, à Paris.
- Dans la section française encore, et ayant mérité la même récompense, on trouvait la maison Soulage et frères, qui s’est fait également une légitime et méritée réputation par ses créations dans la même industrie.
- Traitant tout ce qui a rapport à la toile cirée, la maison Soulage s’est attachée à chercher toutes les applications auxquelles la toile cirée pouvait se prêter, et c’est ainsi que nous trouvons parmi les spécialités qu’elle a lancées les devants de lavabos, les bandes de cuisine, les visières, les feutres à semelles, etc.
- Cette usine présentait des toiles cirées et imperméables, en imitation de différents marbres, et fabriquées par un procédé spécial, qui étaient d’une exécution irréprochable et d’une imitation parfaite. Elle a exposé en outre un nouvel article de sa fabrication, le rotin vernis, employé dans la confection des meubles et la garniture des chaises, fauteuils, etc.
- p.405 - vue 409/484
-
-
-
- 406
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- CINQUIÈME CATÉGORIE.
- DESSINS INDUSTRIELS COMPOSÉS EN VUE DES TISSUS D’AMEUBLEMENT, DU TAPIS, DE L’IMPRESSION ET DE LA BRODERIE.
- L’irrésistible mouvement qui s’est produit en faveur de la rénovation et du développement des industries d’art n’a pas été sans amener nos artistes, nos dessinateurs, nos compositeurs de modèles industriels à s’émouvoir d’une situation qui, tout en les intéressant, eux d’abord, et au plus haut degré, intéresse également la France entière; l’antique et beau renom de nos industries d’art n’occupe-t-il pas en effet la plus large place dans le cœur de tout Français ?
- Notre mandat ne nous permettant pas de nous écarter de la tâche qui nous a été imposée, n’ayant à envisager ici que le rôle que remplissent actuellement, auprès de nos industries d’art ornemental, les artistes dessinateurs dont la collaboration avec le producteur industriel est journalière, nous ne nous occuperons que de cette si intéressante phalange de laborieux et souvent érudits artistes, toujours à la peine, aux efforts consciencieux desquels nous nous plaisons à rendre un éclatant hommage.
- Si les siècles précédents ne permettaient qu’aux souverains, aux grands seigneurs, aux puissants du jour, aux heureux de la terre en un mot, la possession, la jouissance de ces merveilleux tapis, de ces meubles somptueux dont les riches étoffes sont gardées précieusement dans nos musées industriels ou d’art rétrospectif, et que nous avons pu, cette année, admirer à loisir dans les si intéressants musées centennaux installés dans chacun des groupes de notre Exposition, le xixe siècle par contre, grâce aux progrès réalisés dans les outillages et dans les procédés mécaniques de fabrication, grâce aussi aux perfectionnements apportés aux préparations des matières premières : soie, laine, ramie, lin, coton, jute, etc., le xix° siècle, disons-nous, a vu se généraliser l’emploi des étoffes décoratives.
- Cette diffusion des étoffes d’ameublement, des broderies, des tissus imprimés et des tapis a créé des besoins nouveaux, plus nombreux que jadis; ce sont ces besoins auxquels est donnée à nos dessinateurs industriels la dure mission de pourvoir.
- Si nous regardons en arrière, si nous envisageons l’ameublement par exemple, dans la première moitié du xixe siècle, nous voyons qu’à l’exception des villes de Lyon, de Tours, de Nîmes, de Saint-Etienne, dont le renom des riches mais coûteuses étoffes était solidement et justement affirmé, les productions industrielles, au sens propre du mot, étaient encore inconnues. Les merveilleuses compositions produites par les dessinateurs de l’époque pouvaient rémunérer leurs créateurs ; ces derniers étaient peu nombreux.
- Dans la seconde moitié de ce siècle, celle que nous visons plus particulièrement, les déplacements plus fréquents, le goût plus répandu du luxe, le désir plus grand de vivre
- p.406 - vue 410/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEURLEMENT.
- 407
- ou de paraître vivre largement ont, depuis que la jacquard a été appliquée à la production mécanique du meuble et du tapis, et que les broderies, de même que les tissus imprimés, se fabriquent à Taide de métiers mus à la vapeur et à l’électricité, donné à nos industries décoratives un tel développement que, pour suivre leurs besoins, nombre d’artistes se sont mis à l’œuvre avec une louable émulation, avec une noble ardeur que, malheureusement, le succès n’a pas toujours récompensées.
- Si nous recherchons la raison pour laquelle certains de ces artistes dessinateurs dont le nom est sous notre plume ont réussi là où d’autres ont pitoyablement échoué, nous la trouvons dans ce fait que ces artistes (souvent jalousés par des collègues moins heureux, moins bien inspirés) s’étaient initiés aux secrets des fabrications en vue desquelles ils établissaient leurs compositions ; ils en apprenaient la technique, ils s’ingéniaient à tirer des éléments dont le producteur les laissait disposer tout le parti qu’on en pouvait imaginer : en un mot, ils collaboraient avec le fabricant à des productions d’art industriel, alors que leurs concurrents non en possession de ces connaissances techniques professionnelles, indispensables à la parfaite ordonnance d’un dessin industriel, ne pouvaient que produire des compositions qui, parfois très belles en tant que dessin et coloris, rencontraient à l’encartage et à l’exécution d’insurmontables difficultés qui en dénaturaient les formes et en détruisaient l’harmonie.
- Le même fait-ne se produisait-il pas déjà aux xve et xvie siècles lorsque, pour la fabrication des tapisseries si célèbres de ces époques, les cartons qui servaient de modèles aux tapissiers flamands n’étaient pas exécutés par des artistes peintres ne se préoccupant que des effets possibles à rendre au tissage de la tapisserie ? Pourquoi les cartons de van Orley, de van der Weyden, de Quentin Matsys, ceux de Raphaël pour les célèbres Arazzi du Vatican, sont-ils restés si justement réputés, si ce n’est parce que ces artistes, ne s’inspirant que de la recherche des effets possibles à exécuter en tapisserie, n’ont pas multiplié par d’innombrables couleurs des formes, sujets ou motifs quelconques que le tapissier n’eût pu reproduire fidèlement?
- La même cause produit ici les mêmes effets. Ces artistes possédaient à fond la science technique de la fabrication des tapisseries ; de là, l’incontestable supériorité de leurs cartons sur ceux de nombre d’autres peintres dont le nom n’est même pas parvenu jusqu’à nous.
- En matière de dessin industriel, que faut-il pour qu’un dessin soit bon ? Il faut que la composition soit claire d’abord, quelle s’explique bien, que ses formes constitutives soient parfaitement équilibrées, quelle soit établie en vue de l’emploi auquel est destinée l’étoffe qui la reproduira, mais par-dessus tout il faut quelle soit habilement dessinée, avant de songer à appliquer à cette composition les couleurs qui doivent la rendre assimilable au tissu en lequel elle sera exécutée.
- Si c’est parfois faute de savoir dessiner avec toute la science que comporte cet art si difficile que certains dessinateurs éprouvent des mécomptes dont ils rendraient volontiers responsables des clients qui, à les entendre, ne sont pas à même d’apprécier leur talent, nous nous empressons d’ajouter que bien souvent aussi certains clients, produc-
- p.407 - vue 411/484
-
-
-
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- 408
- teurs peu prodigues de leurs deniers, exercent sur cette catégorie d’artistes dessinateurs une formidable pression. Qu’arrive-t-il alors? Ne pouvant, sans y perdre, employer à la composition qui lui est demandée le temps qui serait normalement nécessaire à sa parfaite exécution, le dessinateur arrive à faire ce que nous appelons un dessin lâché, mal bâti, mal équilibré; il le livre à contre-cœur, et, dans ce cas, à qui le producteur peut-il s’en prendre, si ce n’est à lui-même, si le dessin une fois exécuté ne rend pas ce qu’il en avait espéré ?
- Nous sommes loin de l’époque où le public savait se contenter d’à peu près. Le goût plus épuré, l’enseignement pratique plus développé, les publications artistiques si intéressantes qui ont surgi de tous côtés, ont, de nos jours, permis à chacun d’acquérir, avec plus de facilité qu’il y a trente ans, des notions précises de cet art décoratif dont les siècles passés ont jeté les bases impérissables en des styles les mieux définis.
- Du haut en bas de l’échelle sociale, le public étant plus instruit, ayant l’esprit plus ouvert et plus orné de connaissances artistiques, est devenu plus exigeant; aussi, pour le servir, le producteur, s’il veut être à la hauteur de la situation, se doit-il à lui-même de n’exécuter que des compositions de tout point irréprochables.
- C’est donc aux Ecoles où Ton enseigne le dessin que les jeunes gens qui se sentent attirés par cette artistique mais ingrate profession de créateur, de compositeur de dessins industriels, devront faire un stage prolongé, s’ils veulent un jour connaître le succès.
- Puisque nous touchons à cette branche si délicate de l’enseignement du dessin, qu’il nous soit permis, à titre d’industriel qu’intéresse au plus haut point la question de Tart appliqué à l’industrie, d’émettre ici une opinion personnelle.
- Nous admirons sans réserves le dévouement avec lequel des artistes du plus haut mérite professent, dans la majeure partie de nos écoles de dessin, l’enseignement d’un art qui leur a dévoilé tous ses secrets. Mais ce que nous sommes forcé de constater, non sans regret, à notre point de vue industriel, c’est que, dans toutes ces écoles, l’enseignement dirigé dans le sens de Tart le plus pur nous paraît beaucoup plus préoccupé de Tart proprement dit que de Tart appliqué à l’industrie, c’est-à-dire de Tart traité de façon à être pratiquement exécuté par l’industrie à laquelle il s’adresse.
- Or, quand une composition n’est pas établie d’une façon pratique, en vue de l’étoffe (tissée, imprimée ou brodée) en laquelle elle doit être exécutée, jamais le sentiment (si artistique qu’il puisse être) de la composition présentée n’est entièrement respecté dans son exécution en tissu. On en fait une chose tronquée dont l’effet décoratif ne produit pas l’expression rêvée par l’élève ou par l’artiste qui Ta composée.
- Il faut alors qu’un artiste dessinateur au courant des ressources dont l’industriel peut disposer reprenne le travail de seconde main ; dans ce cas, tout ou presque tout est à reconstituer, et les frais de la composition devenant trop onéreux cessent en même temps d’être pratiques.
- Ne serait-il pas logique, dans ces écoles où Ton entend former des élèves aptes à
- p.408 - vue 412/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- 409
- produire le dessin industriel, d’avoir auprès de ces éminents professeurs d’art proprement dit d’autres professeurs, des artistes dessinateurs industriels qui connaissent à fond la technique de fabrication, les ressources constitutives des éléments des chaînes et des trames, s’il s’agit du tissé ; des couleurs et de leurs multiples applications , s’il s’agit de l’impression ; des dimensions ou rapports en largeur et en hauteur des dessins à produire en vue de telle ou telle industrie ou fabrication? Ne pourrait-on, disons-nous, faire appel à ces hommes de bonne volonté? Cet appel serait sûrement entendu, car ces artistes dessinateurs, faute de trouver des élèves suffisamment préparés au dessin industriel, sont amenés à former eux-mêmes des apprentis en leurs propres ateliers. Cette idée trouvera-t-elle en un jour son application?Nous le souhaitons vivement, non seulement pour les industriels que cette question intéresse, mais encore et surtout pour tant d’élèves qui, bien guidés dans la voie que nous indiquons, trouveraient sûrement le moyen de se créer une situation enviable.
- Dans les expositions antérieures, les auteurs de dessins, de cartons et maquettes présentaient leurs projets dans la classe consacrée aux applications des arts du dessin et de la plastique.
- Cette classe ayant été supprimée de la classification de 1900, sur la demande du Cercle de la Librairie, nous apprend notre président, M. Charles Legrand dans son rapport sur les travaux du Comité d’admission, les dessinateurs, pour se conformer aux instructions de M. le Commissaire général, ont été obligés de répartir leurs compositions dans les diverses classes auxquelles elles s’adressaient. C’est là une application logique du principe que, dans une exposition, les produits doivent être classés suivant leur destination.
- Les dessinateurs considèrent que cette application leur a été défavorable, parce quelle ne leur a pas permis de mettre en valeur l’ensemble de leurs compositions professionnelles et de faire ressortir l’importance de leur personnalité créatrice, s’appliquant non seulement aux tapis, aux tapisseries, aux étoffes d’ameublement, mais aussi aux papiers de tenture, à la robe tissée ou imprimée, à la dentelle, au ruban, au mouchoir, à la chemise, au linge de table, à la mise en carte, etc.
- Ils ont été obligés, pour faire apprécier la multiplicité de leurs créations, d’exposer dans un grand nombre de classes, et cette dispersion leur a été défavorable et onéreuse.
- Nous avons vivement regretté l’abstention de certains artistes dessinateurs de premier ordre, qui, par Tapplication de leur talent, ont largement contribué au développement artistique de nos étoffes décoratives d’ameublement. Tels de ces artistes, MM. Arthur Martin et Couder, notamment, voient pourtant leurs créations recherchées par les plus importants producteurs de soieries de Lyon, de Tours et de Nîmes, comme aussi par les fabricants du Nord et par les maisons d’impression sur étoffes de France et de l’étranger. Toutefois, certaines de leurs créations nous ont été signalées par divers exposants qui les avaient exécutées en tissus.
- D’autres, ainsi que nous le disons plus haut, ont été amenés, pour faire apprécier la
- p.409 - vue 413/484
-
-
-
- 410
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- multiplicité de leurs compositions, à exposer dans diverses classes, et cette dispersion qui leur était défavorable nous a privé d’une étude comparative qui n’eût pas manqué d’intérêt.
- D’autres enfin ont été si occupés par d’importants travaux commandés en vue de l’Exposition, par des fabricants qui en présentaient le rendement en tissus, qu’ils n’ont pu participer directement à notre exposition. Toutefois, leurs créations, quand les exposants qui les ont produites ont attiré notre attention sur elles, ont été l’objet de l’examen de notre Jury et d’un vote spécial de sa part, pour des récompenses dont une liste établit le détail un peu plus loin, au cours de ce rapport.
- Si nous jetons maintenant un coup d’œil rapide sur l’ensemble des compositions qui nous ont été présentées, nous devons reconnaître qu’à côté de dessins dont les formes accusaient, de la part de leurs auteurs, une profonde connaissance de nos styles conventionnels, les tendances modernes s’affirmaient partout, mais nous devons l’avouer, avec un sentiment d’indécision très marqué.
- Si certaines esquisses dénotaient une recherche attentive de l’effet décoratif en vue duquel elles étaient créées, si par le charme de leur composition, par la grâce de leur ordonnance et la savante harmonie de leur coloration, elles étaient, dans leur présentation, d’un aspect agréable en leur fantaisie de bon goût, ces admirables esquisses d’art moderne faisaient malheureusement l’exception, car certaines autres compositions très risquées, trop risquées dirons-nous, n’offraient rien, au point de vue du goût français, qui fût de nature à retenir l’attention de notre Jury.
- Et cela s’explique jusqu’à un certain point. Sous la poussée de la demande qui leur en a été faite, bien des dessinateurs, habitués de longue date à ne produire que des compositions de style, se sont crus aptes à pouvoir, sans y être préparés, s’engager à brûle-pourpoint dans cette voie de modernisme que la vogue du jour a fait adopter par une certaine catégorie de clients ou d’amateurs. Certaine clientèle a pu, par snobisme, à l’époque où le genre Liberty tendait à s’implanter en France, trouver parfaites dans leur fantaisie burlesque des compositions qui, sous prétexte de stylisation (mal entendue), ne nous montraient, de cette chose exquise qu’est la fleur, que des formes dénaturées qui ressemblaient à tout, sauf à la fleur; mais le public sérieux, celui dont le bon goût sait distinguer, ne s’est pas attardé, dans sa recherche de fantaisies, à des compositions qui ne décelaient ni charme, ni cachet d’élégance.
- Nous tenons d’artistes éminents, dont nous gardons précieusement l’aveu, que quoi qu’il fasse le dessinateur qui, dès son enfance, s’est inspiré des données, s’est nourri de l’enseignement puisé aux meilleures de nos écoles de dessin, aux sources mêmes de l’art le plus pur, ne peut, quand il est arrivé à maturité, malgré des efforts énergiques, créer en l’art moderne des compositions qui aient l’allure, l’envolée, l’originalité de bon aloi qu’arrivent à leur donner certains jeunes dessinateurs dont les aptitudes spéciales à ce genre de créations ne leur permettraient pas, d’autre part, d’établir convenablement la moindre composition de style.
- Chacun de ces genres, chacun de ces enseignements est, pour ainsi dire, l’antipode
- p.410 - vue 414/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- 411
- de l’autre ; si tous deux nécessitent la connaissance approfondie de l’art du dessin, ils l’exigent dans des conditions différentes, c’est-à-dire avec une direction et des aptitudes spéciales.
- C’est d’ailleurs, ainsi que nous le verrons en rendant compte des expositions de nos artistes dessinateurs industriels, ce qu’ont compris, il y a plus de dix ans déjà, des artistes tels que MM. A. Guérin et Eug. Grasset, lorsqu’ils ont fondé concurremment aux écoles de l’Etat cette école de dessin connue sous le nom d’Ecole normale d’enseignement du dessin, plus communément désignée : Ecole Guérin de la rue Vavin.
- Ces ardents propagandistes de l’art nouveau, en tête desquels vient M. Eug. Grasset, avec toute l’autorité de son talent, ces ardents propagandistes, disons-nous, soucieux d’abandonner le genre de bric-à-brac archéologique inauguré depuis le xvic siècle, et désireux de se replacer en plein bon sens, comme au xve siècle, voudraient voir les jeunes gens amoureux de leur art abandonner les aspirations archéologiques, ne revenir à aucune formule, ne pas même suivre les cours d’enseignement des styles anciens, de crainte de voir s’annihiler leurs facultés créatrices dans d’éternelles reproductions ; mais, au contraire, ils les voudraient voir se livrer comme les artistes du xve siècle à l’indépendance absolue et, comme les artistes des écoles gothiques, suivre exclusivement leur imagination et non plus les livres d’archéologie.
- La théorie de M. Grasset repose sur ce principe absolu que la nature nous fournissant tous les éléments de décoration désirables, elle constitue le livre d’art ornemental qu’il faut consulter afin d’y puiser ses inspirations. Si on a le respect de la matière employée, si l’on ne fait dire au fer que ce qu’il peut dire vraisemblablement, si Ton emploie le bois comme il doit être employé, si en vue du tissu Ton tient compte du grain, du fil, de la couleur de chaque substance mise en œuvre, ce respect de la matière modifiera suffisamment les formes naturelles; cette modification logique, cette interprétation raisonnable, c’est déjà du style.
- En rendant compte de l’examen des étoffes d’ameublement exposées par M. J.-L. Leclercq de Tourcoing, nous avons signalé les intéressantes compositions que M. Grasset a faites en vue de panneaux décoratifs ; pour venir à l’appui de la thèse que nous soutenions plus haut, à savoir qu’il devient indispensable à l’artiste créateur de connaître la technique, ou tout au moins les ressources de la fabrication à laquelle il destine sa composition, nous citerons ce fait que, pour mettre à exécution ses deux créations modernes, Fêtes du Printemps, dont les maquettes de M. Grasset figuraient au-dessous des panneaux exposés, il a fallu que le fabricant les fasse mettre au point par MM. Martin (A.) et Couder, ces habiles techniciens, pour les rendre exécutables en la tapisserie à fardages en laquelle elles devaient être produites ; d’oii surcroît de dépenses que le fabricant éviterait si l’artiste créateur pouvait établir lui-même sa composition, en ne tenant compte que des ressources dont le tissu lui permet de disposer.
- Au pavillon d’art nouveau que la maison Bing avait érigé en cette Exposition, les amateurs d’art moderne ont admiré les somptueuses étoffes décoratives dues aux compositions de MM. Me Feure et Golonna. Dans maintes vitrines de nos exposants en
- p.411 - vue 415/484
-
-
-
- 412
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- tissus ou en tapis, nous avons remarqué aussi, à côté de dessins trop fantasques et mal équilibrés, de ravissantes compositions modernes sorties des ateliers d’artistes qui, n’ayant pas exposé personnellement, seront signalés ici; de ce nombre sont : MM. Martin (A.) et Couder, Libert, Besson (G.), Aubert, Couty (Edme), Karbowsky, Ver-neuil, Baeyens, etc.
- Si nous nous reportons aux sections étrangères, nous voyons que l’Allemagne, l’Angleterre, l’Autriche, la Hollande, la Hongrie, la Russie, la Finlande, les pays Scandinaves sont tous engoués d’art moderne; nous trouvons de toutes parts, à la tête des écoles de dessin ou d’art industriel, cl’éminents artistes à la recherche d’une expression nouvelle dans l’art de la décoration, et nous constatons que tous s’efforcent de la trouver, selon le génie de leur race, clans la nature, par eux traduite selon le sentiment quelle leur inspire.
- Et ceci nous rassure, car nos artistes français, en étudiant la nature dans ses lois, dans ses effets et dans ses formes, apporteront à leurs compositions, nous n’en saurions douter, des qualités maîtresses dont le bon goût sera la règle.
- Quand ils auront compris la nécessité d’attacher, dans leurs créations modernes, plus d’importance à l’établi, au jeté du dessin, à l’arrangement explicite et expressif de ses formes, nos artistes produiront des compositions tout à la fois stylisées et vivantes qui se rattacheront naturellement et directement à nos traditions nationales.
- Nous ne saurions passer sous silence les intéressantes collections d’estampes, de gravures, de dessins, d’esquisses et de cartes que l’exposition centennale du dessin avait réunies à l’étage du Palais du Mobilier et des industries diverses, non loin de la classe des papiers peints.
- Cette reconstitution des travaux d’un siècle en lequel les efforts industriels ont été si énergiques n’a manqué ni de charme ni de grandeur. Les nombreux emprunts faits à des cabinets de dessins ou à des industriels qui gardent jalousement ces précieuses reliques, à titre documentaire, ont été des plus hautement appréciés par tous et ont rendu à de nombreux producteurs les services les plus signalés; nous nous plaisons à le reconnaître et à remercier de leur louable initiative les zélés organisateurs de cette bien instructive exposition rétrospective du dessin.
- FRANCE.
- HORS CONCOURS.
- Ecole normale d’enseignement du dessin, à Paris. (Directeur : M. A. Guérin).
- Faisant suite au salon principal qu’occupait la Manufacture nationale des Gobelins, à l’étage du Palais du Mobilier et des industries diverses, se trouvait une vaste galerie tendue, de la cimaise au parquet, d’une variété de compositions modernes: c’est là que nous avons examiné et étudié l’exposition del’ÉcoLE normale d’enseignement do dessin, dont le fondateur et tout à la fois le directeur. M. Guérin (A.), s’est trouvé placé hors concours en sa qualité de membre du Jury de la Classe h.
- p.412 - vue 416/484
-
-
-
- 413
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- Fondée en 1881 par M. Guérin (A.), architecte, officier de l’Instruction publique, cette école s’est maintenue et développée en dépit de toute entrave, sous les auspices d’artistes tels que MM. Luc Olivier-Merson, Cliaplain, Nénot (de l’Institut), Puvis de Chavannes, Cazin, J. Blanc et Lameire.
- Grâce à l’impulsion donnée aux études d’art ornemental par M. Eugène Grasset, chevalier de la Légion d’honneur (ce maître en l’art moderne dont il est l’un des premiers et des plus ardents propagandistes), les cours de l’Ecole sont suivis avec un empressement et un succès toujours croissant; aussi l’Ecole Guérin, ainsi qu’on la désigne généralement, a-t-elle acquis une grande réputation.
- Chaque année, sous la direction de ce maître éminent, les élèves créent d’innombrables modèles pour toutes les branches des industries d’art (étoffes d’ameublement, papiers de tentures, affiches, dentelles et broderies, céramique, marqueterie, etc.).
- Beaucoup de ces compositions ont été exécutées sous l’habile direction de M. Grasset: une suite de planches des plus remarquables, composées et dessinées par ces mêmes élèves, a été publiée en librairie sous le titre: La plante et ses applications ornementales, et se trouve actuellement, nous nous plaisons à le reconnaître, non seulement entre les mains des producteurs industriels du tissu ou de l’impression, mais aussi dans toutes les bibliothèques spéciales, servant de modèles à des industriels français et étrangers : nos magasins de Paris montrent déjà de nombreux spécimens d’étoffes tissées ou imprimées exécutées sous l’inspiration des dessins qui ont paru dans cet intéressant ouvrage.
- Nous avons eu bien souvent, au cours de celte Exposition, l’occasion de constater, pendant nos visites aux sections étrangères, qu’en Angleterre comme en Allemagne, en Belgique comme en Suisse, en Hongrie comme en Suède et en Norvège, en Russie aussi bien qu’en Amérique, que partout enfin, existent déjà et se fondent encore de nombreuses et belles écoles d’application de l’art ornemental. Ces écoles prospèrent : si elles sont parfois subventionnées par l’Etat, plus souvent elles sont largement dotées par de riches particuliers, jaloux d’assurer à leur pays la prédominance en l’art appliqué aux métiers ou aux industries. Le nombre de leurs élèves est considérable; les résultats obtenus, très importants, se manifestent déjà dans leurs industries d’art: leur influence grandissante peut nous priver très prochainement du monopole artistique que nous possédons depuis longtemps; il est de notre devoir d’envisager sérieusement cette éventualité redoutable.
- A l’exemple de l’étranger, nous trouverons surtout le remède dans les écoles dues à V initiative privée, écoles qu’il sera indispensable de doter assez largement pour qu’elles puissent non seulement mainf tenir notre bonne réputation devant les écoles similaires mais riches que possède déjà l’étranger, mais aussi pour en développer normalement l’enseignement, et les étayer d’une organisation puissante, en leur fournissant les subsides nécessaires.
- Et ceci nous ramène à l’idée que nous émettions plus haut, au cours de ce rapport, à savoir qu’il sera, selon nous, indispensable que, dans chaque école du dessin fait en vue de l’art appliqué, il y ait, à côté du professeur qui enseigne l’art du dessin proprement dit, un autre professeur qui, en possession de la technique, ou tout au moins des ressources offertes par l’industrie en vue de laquelle le dessin est composé, pourra, lui, enseigner à l’élève le mode à employer pour établir la composition qu’il a créée, de manière à la rendre pratique, exécutable sans retouches à l’industrie (tissage, impression ou broderie) en vue de laquelle il l’aura dessinée et mise en couleur.
- Que notre critique n’offusque pas M. Guérin à qui nous portons lè plus vif intérêtI Mais ceci nous paraît si logique, si normal que — nous devons l’avouer au risque de ne pas lui être agréable — dans l’ensemble des compositions modernes exposées par les élèves de l’École, compositions dont peu recélaient une réelle originalité, nous avons cherché quelques dessins qui auraient pu, sans modifications , être appliqués à nos industries du meuble ou du tapis : nous ne les avons pas trouvés.
- Récompensée d’une médaille d’or à l’Exposition de Paris de 1889, d’un diplôme d’honneur à l’Exposition du livre en 1894, d’un autre diplôme d’honneur à l’Exposition internationale de céramique et des arts du feu, en 1896, l’École normale d’enseignement du dessin obtint deux diplômes d’honneur et six médailles d’argent à l’Exposition de Bruxelles en 1897 et fut, en cette année 1900, placée hors concours, ainsi que nous l’avons dit plus haut.
- Gn. XII. — Cl. 70. 38
- IMPRIMERIE NATIONALE
- p.413 - vue 417/484
-
-
-
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- 414
- MEDAILLES D’OH.
- M. Dubufe (Guillaume), à Paris.
- Nous irions à l'encontre de la volonté des membres du Jury de notre Classe si nous n’exprimions à cet éminent artiste qu’est M. G. Dübdfe que des félicitations au sujet du carton de tapisserie Danse moderne, qu’il avait exposé dans son emplacement, et dont MM. Braquenié et Cio nous ont montré l’exécution en fine tapisserie d’Aubusson, dans les vastes salons qu’ils occupaient en notre Classe.
- Il nous a paru que, pour un artiste de la valeur de M. G. Dubufe dont le talent fait autorité, il y avait, au point de vue de la recherche de compositions modernes, des sujets autrement intéressants et attrayants à produire que ceux dont il a composé et peint les cartons en vue de leur exécution en tapisserie.
- Nous avons vu, en effet, que si pour MM. Braquenié et Cic M. G. Dubufe a créé ses cartons Danse moderne, et, pour lui faire pendant, Danse antique, cet artiste avait peint, à l’intention de G., R. et
- L. Hamot, cette autre grande composition moderne, Conversation au bois, dont le sujet prêta tant à la controverse.
- Et, puisque nos collègues du Jury nous en ont donné la mission, que M. Dubufe nous permette de dire ici ce que beaucoup ont pensé sans oser l’exprimer; c’est que, tout d’abord, ses compositions, à force de viser à l’effet, ont nécessité un tel déploiement de couleurs claires que leur tissage en tapisserie — nous nous en tenons à l’aveu des producteurs eux-mêmes, MM. Braquenié et Hamot — a été hérissé de mille difficultés. Ces complications du travail du coloriste et de l’artisan n’ont pu être surmontées que grâce à la virtuosité prestigieuse dont ont fait preuve les habiles tapissiers (véritables artistes en leur genre) à qui l’exécution de ces modèles a été confiée.
- C’est, de l’avis de tous nos collègues, sortir de la voie rationnelle que de créer, en vue de la tapisserie, des compositions qui forcent le tapissier à reproduire, par des mélanges sans nombre ou par des trames à peine colorées, des nuances dont les tons rompus et affadis ne peuvent offrir à l’action de l’air et du temps qu’une faible résistance : les tapisseries ainsi produites paraîtront décolorées avant leur heure, et, nous le savons tous, c’est le but contraire à celui que recherche l’acquéreur de ces somptueuses et coûteuses tapisseries décoratives.
- Nous aurions mauvaise grâce à insister sur ce point délicat; mais le talent de M. G. Dubufe, affirmé en tant d’autres merveilleuses compositions antérieures, nous autorise à lui dire ici que notre Jury a trop confiance en ses connaissances artistiques pour n’être pas assuré que les critiques qu’ont soulevées ses compositions exposées en notre Classe lui feront, pour l’avenir, éviter que les tapisseries exécutées d’après ses cartons puissent, comme le cas s’est présenté ici, paraître, à distance, n’être que d’admirables peintures sur toile, au lieu de ravissantes tapisseries décoratives du plus séduisant effet.
- C’est en tenant compte de ses merveilleuses productions antérieures et en raison de son indéniable valeur artistique, tant de fois affirmée, que notre Jury a récompensé d’une médaille d’or l’oeuvre de
- M. Guillaume Dubufe.
- M, Scherrer (Jacques), à Paris.
- A défaut de quantité, nous avons eu du moins la grande satisfaction de constater la qualité, la valeur artistique réelle des trois peintures décoratives dont M. Sciierrer (Jacques) nous a donné la vue. Les deux motifs allégoriques, peints au tiers d’exécution et destinés par l’État à la décoration du monument élevé à l’Exposition, non loin de la tour Eiffel, pour les Manufactures des tabacs et allu-
- p.414 - vue 418/484
-
-
-
- 415
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- mettes, représentaient chacun une femme symbolisant, l’une, rrle Tabac», l’autre, «les Allumettes». Ces deux tableaux décoratifs, dans leur grandeur d’exécution, tels que nous les avons pu voir au Palais des Manufactures du tabac, ont fait l’objet de l’admiration des nombreux visiteurs de ce palais, comme leur reproduction en réduction avait fait celle de notre Jury dans l’emplacement que M. Scherrer occupait dans notre classe. La troisième peinture représentait La Douleur. Ce panneau avait servi de maquette pour une décoration à Mexico. L’expression de tristesse empreinte sur les traits de la jeune femme, son maintien si noble, son geste si plein de vérité en étendant le bras vers un mausolée pour y déposer une couronne, tout dans ce délicat travail révélait l’artiste décorateur si consciencieux qu’est M. Scherrer. Aussi notre Jury a-t-il été heureux de récompenser d’une médaille d’or les admirables peintures de M. Jacques Scherrer. En suite de cette Exposition, le Gouvernement, tenant à prouver en quelle haute estime il le tient, a nommé M. Scherrer chevalier de la Légion d’honneur.
- Nous nous associons aux nombreux amis de ce vaillant artiste, en lui envoyant nos plus sincères félicitations à l’occasion de la haute et flatteuse distinction dont il vient d’être l’objet.
- MM. Stiers (Ch.) et Dupont (P.), à Paris et à Roubaix (Nord).
- C’est en 1878 que M. Ch. Stiers fonda à Roubaix, et sous son nom personnel, un atelier de dessins, d’esquisses et mises en carte pour tapis et étoffes d’ameublement.
- Sa connaissance approfondie de la technique de ces fabrications le mit promptement en relief : aussi trouva-t-il près des industriels de sa région un accueil empressé dû à ses compositions et à ses cartes bien comprises en vue des étoffes auxquelles elles étaient destinées, et en partie aussi à l’extrême obligeance avec laquelle M. Stiers se prêtait aux recherches des armures, des grains, des pointés et des liages des tissus variés dont, en plus de l’esquisse, la mise en carte lui était confiée.
- Dans le genre oriental, qui fut si fort en faveur durant toute cette période qui s’étend de 1878 à 1889, M. Ch. Stiers s’était fait une véritable spécialité. Nombreuses sont les compositions sorties de ses ateliers, qui connurent la vogue la plus méritée, tant en étoffes pour ameublement qu’en tapis. L’étude approfondie qu’il avait faite de l’art ornemental cher à l’Orient, et pour lequel M. Stiers avait des aptitudes toutes spéciales, l’avait fait se pénétrer à fond du sentiment de ces artistes passés maîtres en l’art de colorier et d’harmoniser les puissantes et intensives couleurs. Aussi le succès des ateliers de M. Ch. Stiers fut-il de bon aloi.
- Lorsque, lassé des incessantes reproductions orientales dont on l’avait pour ainsi dire saturé, le public se porta vers des créations demandées à nos styles français, puis au genre moderne, M. Ch. Stiers orienta sa maison vers une autre voie.
- Ayant, dans le personnel de ses ateliers, un jeune homme de talent, M. P. Dupont, dont il avait su apprécier les mérites, M. Stiers décida de l’associer à son œuvre, et ainsi fut fondée en 1897 la maison Ch. Stiers et P. Dupont.
- Dès lors une tout autre organisation est adoptée.
- A Paris, centre même de la création, est fondé un cabinet de composition où, désormais, en plus des esquisses destinées aux industries de l’ameublement et du tapis, sont établis des dessins en vue de l’impression sur étoffes, du papier peint, de la broderie, etc.
- Sous la direction de M. P. Dupont, qui s’assura le concours d’artistes spéciaux dans chaque genre, tant pour les dessins de nos styles conventionnels que pour les compositions d’art moderne, ce cabinet prit aussitôt un tel essor qu’à l’heure actuelle le chiffre des affaires de la maison (en y comprenant celui des ateliers de Roubaix) a, depuis 1897, doublé d’importance; il s’élève aujourd’hui à i5o,ooo francs. »
- Ce fait peut s’expliquer ainsi : un stage de plusieurs années passées comme employé de fabrication
- 28.
- p.415 - vue 419/484
-
-
-
- 416
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE I960.
- dans un tissage d’étoffes d’ameublement a donné à M. P. Dupont, avec la technique du tissu, les connaissances des difficultés que les dessins créés rencontrent parfois dans leur application industrielle; il peut, de ce fait, veiller à ce que ses employés n’utilisent que les strictes ressources que permettent les tissus en vue desquels ils composent leurs dessins et à ce qu’ils ne s’écartent pas des règles qni rendent leurs esquisses exécutables.
- A Roubaix, c’est M. Ch. Stiers qui dirige, dans ses ateliers, l’encartage des dessins que les fabricants lui confient. Ce travail est exécuté par des employés du pays de fabrique, rompus aux difficultés qu’il comporte : la compétence et la grande expérience qu’une longue pratique de sa profession a fait acquérir à M. Stiers font de cet atelier de mise en carte le plus important de la région.
- Si nous nous étendons aussi longuement sur ce sujet, c’est que cette double organisation, qui ne peut produire que d’excellents résultats, justifie en quelque sorte la démonstration que nous faisions en nous entretenant des écoles de dessins industriels en général, et de l’utilité que nous signalions d’avoir à la création même des dessins des techniciens capables de diriger le travail des élèves, de façon à le rendre absolument pratique au sens industriel du mot.
- Quels avantages résulte-t-il, en effet, de la double organisation de la maison Stiers et Dupont?
- i° Contact permanent entre les dessinateurs et metteurs en carte, MM. Stiers et Dupont, et tous les divers producteurs industriels. M. Stiers est, en effet, constamment à lloubaix, où il se tient à la disposition de ses clients. M. Dupont, indépendamment de ses voyages en France et à l’étranger l'y rejoint un jour ou deux chaque semaine ;
- 2° Assurance pour les fabricants d’avoir des compositions qui, exécutées à Paris, le sont sous la surveillance pratique de deux hommes de métier, aptes à comprendre toutes les explications techniques des fabricants et, par suite, susceptibles de les aider dans leurs recherches.
- Ce sont ces résultats, hautement appréciés par notre Jury, et très importants à notre point de vue industriel, que nous tenions à mettre en relief avant de rendre compte de l’intéressante exposition que MM. Ch. Stiers et Dupont avaient faite en notre classe.
- La variété des compositions étalées dans le salon de ces exposants s’étendait à tous les genres d’industrie que nous avons mentionnés ci-dessus. Les esquisses pour étoffes d’ameublement et pour impression voisinaient agréablement avec des compositions et des mises en carte pour tapis, foyers et canapés, ainsi que pour soieries aux réductions fines dont maints spécimens étaient étalés dans les vitrines de nos industriels exposants.
- Tous nos styles français se trouvaient agréablement et harmonieusement représentés en ce salon, en lequel l’art moderne occupait aussi une large place. Parmi tant de compositions qui ont retenu notre attention, nous conservons un agréable souvenir de l’admirable et ensoleillé panneau de fleurs, fait en vue de l’impression sur étoffe, qui ornait le centre de cet emplacement. Composé de fleurs naturelles, au milieu desquelles paraissaient à peine, comme fuyant en douce perspective, deux charmants petits personnages, ce panneau et d’autres esquisses de fleurs qui nous furent présentées faisaient dire à notre aimable collègue du Jury, M. J. Guiffrey (qui ne raffole pas des excentricités que, sous couleur d’art moderne, nombre de dessinateurs nous ont présentées) : rrNon, n’appelez pas ces compositions de /’art moderne. Dites-nous que c’est de la fleur, de la belle fleur, bien dessinée, bien coloriée, et vous serez dans la vérité.»
- Nous terminerons sur cette appréciation si flatteuse qui, émanant de M. Guiffrey, administrateur de la Manufacture nationale des Gobelins, acquiert une valeur que tout commentaire ne pourrait qu’atténuer.
- Rappelons que MM. Ch. Stiers et Dupont occupent, tant à Paris qu’à Roubaix, un personnel de 48 employés; qu’ils font un chiffre d’affaires de i5o,ooo francs et que, récompensés d’une médaille d’argent à Lille en 1884, d’une médaille d’argent à l’Exposition de Paris en 1889, MM. Stiers et Dupont se sont vu attribuer par notre Jury, cette année, une médaille d’or bien méritée.
- p.416 - vue 420/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEURLEMENT.
- 417
- M. Tétrel (Prosper), à Paris.
- Nous n’avons pas à faire ici l’éloge du consciencieux et habile artiste industriel qu’est M. P. Tétrel. Les nombreuses créations, les intéressantes compositions et les fidèles reproductions de tapisseries ou d’étoffes anciennes appliquées à toutes les industries du tissage, de l’impression, de la broderie ou du papier peint, sorties des ateliers de M. Tétrel, avec le cachet artistique ef de bon goût qui est la marque caractéristique de sa maison, sont connues de tous nos industriels producteurs, comme aussi de tous les amateurs de l’art ornementai appliqué aux métiers.
- Associé à M. Paullet, c’est en 1867 que déjà nous trouvons M. Tétrel occupé à la recherche de créations de dessins industriels artistiques sous la raison sociale Paullet et Tetrel. Sous son nom personnel, M. Prosper Tétrel, dont les ateliers prenaient chaque année un développement plus considérable, s’attacha un personnel d’élite qui, sous son habile direction, produisit d’innombrables compositions, s’adressant aussi bien à la fabrication des admirables soieries de Lyon et de Tours qu’aux tapisseries brochées de Nîmes, aux étoffes mélangées des fabriques du Nord, aux broderies et aux impressions sur étoffes de France et de l’étranger.
- Il n’est pas à contester à M. Tétrel que, depuis les quarante et quelques années qu’il a fondé sa maison, sa méthode appliquée avec un indéniable talent, avec un sentiment personnel artistique très prononcé, a fait réaliser aux industries du tissage et de l’impression les progrès les plus sérieux. M. Tétrel sut exiger et obtenir de ses employés et de ses apprentis d’apporter à leurs créations cette volonté de bien faire, cette conscience du beau, qui sont le propre des vraies natures d’artistes; aussi lés compositions sorties de ses ateliers ont-elles obtenu le succès mérité par le consciencieux travail du directeur et de ses dessinateurs. Ce sont, d’ailleurs, ces brillantes qualités inculquées à ses élèves qui ont permis à nombre de ces derniers de se créer, à leur tour, à côté de leur ancien maître, une situation indépendante et enviable.
- Dans l’emplacement savamment disposé qu’il occupait dans notre classe, M. Tétrel a tenu à nous prouver, par un choix judicieux des compositions exposées, que les soieries de Lyon, les impressions aussi bien que les étoffes mélangées, et les tapisseries à fardages des fabricants du Nord lui sont également familières et n’ont pour lui plus de secrets.
- Le centre du salon de M. Tétrel était occupé par deux grandes compositions peintes en vue de tapisseries à fardages. L’une reproduisait, pour panneau décoratif, une tapisserie des Gobelins en deux grands médaillons Louis XVI à personnages ; l’autre, une tapisserie ancienne : Le camp du Drap d’or. — Entrevue de François 1er et de Henri VIII d’Angleterre. Toutes deux portaient en marge la gamme des tons à employer pour leur exécution en une tapisserie à fardages, composée de quatre chaînes et de cinq trames. Pour qui connaît les multiples difficultés que doit vaincre le dessinateur pour peindre avec justesse et pour mettre au point, de façon à la rendre exécutable en ce genre de tissu, une composition de tapisserie nécessitant l’emploi d’éléments aussi nombreux en chaînes et en trames, il faut reconnaître que l’exécution de tels travaux constitue un véritable tour de force, un casse-tête des plus compliqués.
- Mais nous savons M. Tétrel très versé dans l’art d’utiliser les ressources de cette tapisserie à fardages : les nombreuses compositions, pour panneaux décoratifs, sorties de ses ateliers toutes ces années dernières, sa série de panneaux d’après Téniers (kermesses flamandes si heureusement reproduites), ses sujets Louis XV, ses mille reproductions de tapisseries anciennes, sujets tirés de l’histoire ou de la mythologie, suffiraient à le prouver; mais n’avons-nous pas vu, exposée dans le salon que M. Defretin, fabricant d’étoffes pour ameublement, occupait dans notre Classe, cette grande composition moderne, Fêle du Printemps, tapisserie dont nous avons signalé l’exécution en rendant compte des produits exposés par M. Defretin? Encore qua son exécution au tissage, cette Fête du Printemps nous ait paru un peu mièvre et produite en des tons trop affadis, sa composition, sa combinaison des nombreuses chaînes et trames entre elles prouvent, de la paît de l’artiste dessi-
- p.417 - vue 421/484
-
-
-
- 418
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- nateur qui l’a mise ail point, sa parfaite entente du genre de tapisserie auquel elle était destinée, et cette création fait honneur à M. Tétrel, nous nous plaisons à le reconnaître.
- A côté de ces pièces capitales, que d'autres, fort intéressantes également, n’avons-nous pas vues dans ce salon, mais dont l’énumération nous entraînerait trop loin. Près de compositions du style le plus pur (deux sujets, époque Louis XV, établis en vue d’une tapisserie à k chaînes et à k trames), des dessins d’art moderne de bon aloi, des sujets tirés de la flore stylisée au goût du jour et coloriée de la plus délicate façofc, se trouvaient joints à des verdures modernes, sorte de petits paysages aux ravissantes perspectives.
- De nombreuses compositions, peintes en vue de l’impression sur étoffe, nous montraient tantôt en dessins de style, tantôt en fleurs de fantaisie, la souplesse du talent des artistes dessinateurs et coloristes employés par M. Tétrel. Nous avons beaucoup remarqué, dans l’admirable exposition de M. Besselièvre fils (imprimeur sur étoffes à Marom m e-1 ez - Rouen, à qui notre Jury a attribué un grand prix pour ses ravissantes productions), l’exécution de cette Adoration des Mages, dont M. Tétrel avait exposé la maquette, et nous devons à la vérité de reconnaître que l’artiste qui a produit la peinture a, comme l’industriel qui en a fixé l’impression sur étoffe, été à la hauteur de la tâche qui lui fut confiée.
- M. Tétrel qui, à l’Exposition de Paris en 1867, avait été récompensé d’une médaille de bronze, obtint une médaille d’argent aux Expositions de Paris en 1878 et 1889. Et, cette année, M. Tétrel, qui avait été membre de notre Comité d’admission, a été récompensé par notre Jury d’une médaille d’or à laquelle chacun a applaudi.
- M. Gros-Renaud (Edouard), à Paris.
- M. Gros-Renadd (Edouard) est un artiste dessinateur industriel de talent, doublé d’un poète. Dans toutes ses créations, en effet, depuis 1875 qu’il a établi sa maison, M. Gros-Renaud s’est ingénié à sortir des sentiers battus et à reproduire, avec poésie, et en des colorations très étudiées et tout à la fois charmantes, les rêves gracieux que lui suscite une imagination vive et féconde.
- Rien de plus intéressant que de passer une heure dans le studio de cet artiste. Vous pouvez nôtre pas séduit toujours par les compositions qu’il vous présente (c’est affaire d’appréciation ou de besoin), mais vous serez toujours charmé par la conviction que M. Gros-Renaud possède de sa puissance de création, par la chaleur avec «laquelle il vous aura exposé et développé ses idées, ses sentiments artistiques, sa compréhension de tel ou tel sujet à exécuter en peinture; et, de fait, c’est un véritable artiste.
- Bien que M. Gros-Renaud exécute indifféremment en vue du tissage des soieries, des tapisseries, des tapis, de l’ameublement ou de la broderie, les compositions qui lui sont demandées, c’est toutefois l’impression sur étoffes et l’industrie du papier peint qui ont ses préférences, en raison de la palette libre dont ces industries lui laissent pour ainsi dire la latitude. Aussi les créations en vue de ces productions sont-elles, chez lui, l’objet de toutes ses études, de tous ses soins. Toute pièce importante sortant de ses ateliers est, d’ailleurs, nous affirme M. Gros-Renaud, entièrement composée et exécutée par lui-même, sans le concours d’aucun collaborateur.
- C’est ainsi que toutes les compositions faites en vue de cette exposition et qui se trouvaient en montre dans l’emplacement que M. Gros-Renaud occupait en notre classe ont été exécutées par lui-même ; nous allons les passer rapidement en revue :
- i° Un panneau décoratif, projet de tapisserie genre Beauvais, * Effet de nuit d’été avec pavots éclairés par la lune » ;
- 20 Un panneau décoratif, projet de tapisserie genre Gobelins : «Rosier en fleurs et pavots aux couleurs éclatantes, le tout baigné de la vive lumière du soleil de midi».
- Ces deux projets ont été établis de façon à former contraste;
- p.418 - vue 422/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT. 419
- 3° Un panneau décoratif, projet d’impression à la planche : « Champ de blés mûrs avec effet d’horizon » ;
- 4° Un panneau décoratif, projet de broderie avec chardons traités en part nouveau»;
- 5° Un panneau décoratif, projet de broderie avec «soleils traités en art nouveau»;
- 6° Cinq dessins, projets d’impression en étoffe, à la machine : «Compositions modernes»;
- 7° Fragment d’un décor pour papier peint: «Les heures du jour», exécuté et exposé dans son entier, Classe 68, par la maison Petitjean;
- 8° La maquette du décor ci-dessus mentionné, composée et entièrement exécutée par M. Ed. Gros-Renaud.
- Indépendamment de ces compositions artistiques, créées en vue de son exposition dans notre classe, M. Gros-Renaud avait produit pour des industriels, qui en ont présenté l’exécution dans d’autres classes, maints dessins affectant un caractère plus classique; ces dessins étaient représentés dans les classes de tissus de Rouen, Epinal, Alsace, Russie, Angleterre, Allemagne, Etats-Unis d’Amérique, Suisse, Belgique, Hollande, Italie.
- Depuis quarante ans qu’il s’occupe exclusivement d’art industriel, M. Ed. Gros-Renaud a puissamment aidé à la réalisation de progrès dans l’industrie des étoffes décoratives, en donnant chaque année l’élan de créations nouvelles. Rompant avec les vieux clichés, avec les anciennes traditions, il a formé, grâce à de patientes recherches et à ses aptitudes spéciales de coloriste de. grand mérite, une sorte d’école de coloris, en produisant ce qu’il appelle les palettes libres, pour les compositions destinées aux étoffes imprimées. Il a permis ainsi d’obtenir en impression plus de richesse et de variété dans les coloris, sans accroître sensiblement le nombre des couleurs à graver, et cette innovation que M. Gros-Renaud revendique lui crée des titres à la reconnaissance des industriels, imprimeurs sur étoffes.
- Déjà récompensé de deux médailles d’argent, de quatre médailles d’or et d’un diplôme d’honneur. M. Gros-Renaud, qui était hors concours à l’Exposition du Mans, en 1899, et qui fut membre du comité d’admission de notre classe en cette Exposition, s’est vu attribuer une médaille d’or par notre Jury, en récompense de ses intéressants travaux.
- MÉDAILLES D’ARGENT.
- M. Hista (Louis), à Paris.
- Cet artiste peintre décorateur, officier de l’Instruction publique depuis 1894, est professeur de composition décorative à l’Ecole de céramique de la Manufacture nationale de Sèvres et aux écoles supérieures de dessin de la ville de Paris. Ayant été nommé membre de nos comités d’admission et d’installation, c’est à ce titre que M. Hista exposa, dans notre Classe, des panneaux décoratifs, des maquettes et divers projets pour la tapisserie.
- Nous nous faisons grand plaisir à reconnaître la pureté de lignes, l’impeccabilité de touche et de coloration de l’ensemble de la composition Louis XVI qui, sous forme de joli panneau décoratif, ornait le centre de Remplacement occupé par M. Hista. Cette peinture, ainsi que la majeure partie des maquettes exposées, tout en dénotant la parfaite connaissance de l’art que professe M. Hista avec sa haute compétence, ne pouvaient, nous devons le reconnaître, que se prêter à leur exécution en riches tapisseries des genres Gobelins, Beauvais ou Aubusson, mais aucune ne se trouvait établie, au point de vue delà majeure partie des industries représentées dans notre Classe, de façon à être exécutée soit en tissu fait à la jacquard, soit en impression.
- Cela s’explique par ce fait que, n’ayant pas, pour les décorations picturales dont M. Hista a la» compétence absolue, besoin de calculer le nombre de couleurs que peuvent nécessiter ses créations,
- p.419 - vue 423/484
-
-
-
- 420
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- cet artiste n’a pas, pour les compositions qu’il nous a présentées, tenu compte des ressources techniques que nos fabricants imposent à nos dessinateurs industriels.
- Ceci dit afin de rendre compte de l’impression qu’ont produites sur notre Jury les compositions exposées dans notre classe par M. Hista, nous nous faisons un devoir de mentionner divers travaux importants exécutés par cet artiste ; l’énumération suivante témoignera de l’extrême variété dont il nous a été donné la vue, au cours de cette Exposition :
- Exécution de la décoration picturale du Palais des Industries diverses (Sections étrangères — Esplanade des Invalides) ; du hall elliptique mosaïque du Grand Palais des Beaux-Arts ; de la voûte annulaire et des voûtes de pénétration de la Salle des Fêtes ; du Palais de l’Optique.
- M. Hista avait, en outre, exposé dans la galerie de l’étage de la Classe 66 diverses maquettes dont voici le détail :
- Décoration picturale du Collège de France ; de la Cour de cassation ; de l’Ecole supérieure de la rue d’Ulm; du Muséum d’histoire naturelle; de l’hôtel de ville de Saint-Germain-en-Laye; de l’hôtel de ville d’Aire-sur-la-Lys.
- Récompensé d’une médaille de bronze à l’Exposition de Paris, en 1889; promu officier de l’Instruction publique en 1894; lauréat médaille d’or des Arts décoratifs; mentionné au Salon «section d’architecture » en 1891, M. Hista (Louis) s’est vu attribuer par notre Jury une médaille d’argent.
- M. Lein-Pardonneau ( Jules), à Paris.
- Fondée en 1860 par M. Léchopier, cette maison fit tout d’abord sa spécialité de la composition et de la mise en carte de dessins créés en vue de l’industrie du tapis. M. Lein-Pardonneau, qui seconda longtemps M. Lechopier dans ses créations, devint son gendre, puis son successeur, et, dès 1890, prit la direction absolue de la maison sous la raison sociale J. Lein-Pardonneau.
- L’exposition que M. Lein-Pardonneau avait faite en notre classe, bien que fort à l’étroit dans l’emplacement exigu où elle se trouvait, ne manquait pourtant ni de charme ni d’intérêt.
- Tous les dessins présentés par cet exposant avaient été exécutés par les maisons qui les lui avaient commandés ou en vue desquelles ils avaient été composés.
- Le centre de cet emplacement était occupé par une mise en carte d’une carpette à six couleurs, qui a été exécutée par MM. John Crossley and sons, d’Halifax (Angleterre). Cette mise en carte, fort habilement exécutée et très joliment coloriée, donnait l’illusion'de la carpette même, chaque point de couleur représentant exactement un point de laine. Elle donnait bien l’aperçu des effets de coloration qu’on obtient par différentes combinaisons de lattage, et nous pouvons affirmer que les trois couleurs pleines et les trois lattées avaient été utilisées par l’encarleur de la façon la plus heureuse.
- Deux esquisses pour carpettes chenille nous montraient qu’en ce genre de fabrication la palette étant libre, le dessinateur et le coloriste peuvent obtenir les effets les plus variés. Ces carpettes ont été exécutées par MM. Mellerio et Fossé qui les avaient exposées dans leur salon, avec d’autres dessins dus à la composition de M. Lein-Pardonneau.
- Sur le plan incliné de son installation, M. Lein-Pardonneau avait exposé quatre esquisses pour tapis moquette cinq couleurs en 1 mètre de large. Elles reproduisaient des motifs des styles Louis XIV, Louis XV, Louis XVI et une composition moderne.
- Ces dessins, très habilement exécutés par M. J. Lorthiois-Leurent et fils, qui en avaient exposé le rendement dans le salon qu’ils occupaient dans notre classe, ont fait l’admiration de tous les connaisseurs. La coloration en était également très heureuse.
- Près de ces esquisses, un siège de canapé, dessiné et peint en vue de son exécution par MM. Boyer et C’\ en leur tissu brodé par eux désigné broché-brodé, nous initiait à ce genre de production dont MM. Boyer se sont fait une spécialité.
- p.420 - vue 424/484
-
-
-
- 421
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- Les feuilles et les tiges du dessin sont préalablement tissées à la jacquard. La place des fleurs est réservée à la broderie qui, sur un autre métier préparé ad hoc, vient se placer exactement à l’endroit laissé vide. Ce travail exige du dessinateur la connaissance absolue de son mode d’exécution. M. Lsin-Pardonneau n’avait pu, faute d’emplacement, nous montrer les dessins des chaises et des fauteuils qui accompagnent ce meuble, mais dans l’exposition de MM. Boyer nous avons vu exécutés bon nombre de dessins dus à cet habile dessinateur qu’est M. Lein-Pnrdonneau, et nous avons pu constater que le rendement en était très heureux.
- Bien que continuant sa spécialité de dessins et de cartes pour tapis, M. Lein-Pardonneau, qui compte parmi ses clients tous les fabricants producteurs de tapis, s’occupe aussi de compositions en vue de l’industrie de l’ameublement et de la broderie, ainsi que nous l’avons vu plus haut.
- Occupant un personnel de 18 dessinateurs, M. Lein-Pardonneau fait un chiffre d’affaires s’élevant de 85,ooo à 90,000 francs par an.
- Récompensé de deux médailles d’argent sous le nom de M. Lechopier, à l’Exposition de Paris en 1878, et de deux médailles d’argent à Paris en 1889, c’est encore une médaille d’argent que, pour son exposition de cette année, M. Lein-Pardonneau s’est vu attribuer par notre Jury.
- M. Ruepp [Robert), à Paris.
- S’il est un regret que le rapporteur puisse exprimer à M. Ruepp, au moment de rendre compte des quelques compositions que ce dessinateur industriel avait exposées dans notre classe, c’est qu’il ne se soit pas trouvé devant son emplacement lorsque notre Jury vint examiner son exposition.
- Sans doute, il eût pu, par une explication technique, par une habile présentation de l’art moderne interprété dans le sentiment en lequel il le comprend, enlever en partie l'impression fâcheuse que ses compositions audacieuses ont produite sur notre Jury, et l’amener ainsi peut-être à hausser de quelques points la cote qui lui a été attribuée.
- Nous savons bien que, dans le somptueux pavillon spécial que M. Ruepp occupait à l’étage de la Classe 68, ce dessinateur industriel a exposé en panneaux-tableaux maintes compositions modernes qui lui ont valu d’être récompensé d’une médaille d’or par le Jury de cette classe.
- Nous y avons vu personnellement qu’à côté des esquisses et des décors exposés M. Ruepp avait joint à sa démonstration une superbe collection d’étoffes exécutées en ameublement d’après ses créations modernes. Nous y avons même admiré le tapis en camaïeu de trois tons d’or, qui recouvrait le parquet de ce salon, tapis exécuté d’après sa composition par MM. Lorthiois-Leurent et fils, qui en avaient, eux aussi, recouvert le sol du salon qu’ils occupaient en notre classe.
- Mais toutes ces démonstrations faisaient défaut dans l’emplacement que M. Ruepp occupait chez nous, et, nous le répétons, les compositions exposées ont produit sur notre Jury une désagréable impression.
- L’esquisse reproduisant, dans un sentiment moderne peut-être, mais peut-être aussi un peu extravagant, le Parc de Saint-Cloud, était, en tant que composition destinée à être exécutée en tapisserie à fardages au moyen de h chaînes et de 2 trames, bien étudiée et disposée en vue du tissu qu’elle visait, mais ses formes indécises, ses tons à plat où le vert jaune des pelouses se combinait avec le ton trop violet des arbres, a été trouvé d’un goût plutôt mauvais à notre point de vue français, de même que les autres compositions exposées, y compris celle préparée en vue d’une impression sur étoffe, au moyen de couleurs nécessitant l’emploi de 12 rouleaux.
- Ayant personnellement exposé dans notre salon une tapisserie à fardages, Verdure moderne, à 5 chaînes et 2 trames, due à la composition de M. Ruepp (composition qui a été hautement appréciée par nombre de nos clients), nous nous trouvons d’autant plus à l’aise pour traduire à M. Ruepp les doléances de notre Jury au sujet de son exposition qui n’a pas été très prisée, et pour lui exprimer
- p.421 - vue 425/484
-
-
-
- 422
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- l’espoir que la prochaine exposition le verra recueillir, dans la classe de l’ameublement, la haute récompense que lui vaudront sûrement ses travaux ultérieurs.
- M. Ruepp a certainement fait de grands efforts pour introduire en France l’art moderne dans les industries de la décoration. Nombre de producteurs pourront l’attester, il a été le premier dessinateur industriel qui ait appliqué largement à l’industrie textile française ce genre moderne pour l’exécution duquel il s’est attaché d’intéressants artistes dont les aptitudes sont tout à fait spéciales à ce trmodem style n.
- Récompensé d’un premier prix à Dresde en i8g3,'d’une médaille d’or à Rouen 1896, d’une médaille d’or à Bruxelles en 1897, M. Ruepp qui, en cette Exposition, a obtenu une médaille d’or du Jury de la Classe 68, ne s’est vu, en raison de ce que nous expliquons plus haut, attribuer qu’une médaille d’argent par le Jury de la Classe 70.
- MÉDAILLES DE BRONZE.
- M. Scbaub (Fernand), à Paris et à Mulhouse (Alsace).
- Etablie à Mulhouse (Alsace), avant 1870, par le père de M. Schaub (Fernand), cette maison, dont la société actuelle remonte à 1884, fait sa spécialité de produire industriellement des compositions peintes en vue de leur interprétation en impression sur étoffes soit pour ameublement, soit pour robes.
- Depuis 1895 M. F. Schaub a fondé des ateliers à Paris, et ses deux maisons réunies (celles de Mulhouse et de Paris) occupent un personnel de 70 à 80 dessinateurs, produisant en moyenne un chiffre annuel d’affaires s’élevant à près de 400,000 francs.
- Les productions de M. Schaub, s’adressant à une clientèle internationale, ont amené ce dessinateur industriel à s’inspirer pour leur création et leur coloration des goûts de maints pays étrangers. Il n’est pas surprenant, dès lors, que son exposition ait laissé notre Jury assez froid : les esquisses qui nous ont été présentées revêtaient, en effet, un caractère peu attrayant qui n’était pas à la hauteur de ce que l’on était en droit d’attendre de l’importance de cette maison. Si quelques-unes d’entre elles pouvaient se recommander du bon classique traditionnel, nombre d’autres étaient d’une banalité remarquable qui explique le manque d’enthousiasme dont notre Jury a fait preuve à leur examen.
- Nous devons toutefois à la vérité de reconnaître que les dessins exposés, traités pour la majeure partie d’entre eux en vue de l’impression à la machine (au rouleau), étaient, de même que ceux exécutés en vue de l’impression à la main (planche plate), rigoureusement disposés sur couleurs et mesures industrielles, et que, tels que présentés à cette exposition, ils pouvaient être livrés sans retouches entre les mains du graveur.
- M. Schaub nous a exposé que le but poursuivi par lui en participant à cette exposition a été, non pas de produire de grandes pièces décoratives à effet, qui, flatteuses à l’œil, sont, à son avis, souvent trompeuses et presque impossibles à exécuter ; mais, au contraine, de ne montrer aux visiteurs que les genres de compositions que sa maison exécute journellement pour une clientèle à laquelle ces dessins donnent satisfaction.
- Tout en admettant jusqu’à un certain point le côté pratique de ce raisonnement, nous nous permettrons de dire que notre Jury n’a pas admis l’idée émise par M. Schaub, au sujet des pièces importantes de peinture décorative qui, bien composées et peintes en vue de leur exécution en impression, trouvent toujours leur acquéreur lorsqu’elles sont conçues et interprétées avec un véritable sentiment artistique qui ne va pas jusqu’à l’exclusion du sens pratique duquel M. Schaub se recommande.
- C’est à regret que, malgré l’importance de la maison Fernand Schaub, qui n’avait jusqu’ici pris part à aucune exposition, notre Jury s’est vu dans l’impossibilité de lui attribuer une récompense supérieure à la médaille de bronze.
- p.422 - vue 426/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- 423
- MM. Troublé (F.) et Méciiin (./.), à Paris.
- 11 a paru à noire Jury que MM. Troublé et Méchin aient réservé leur grand effort en vue de cette Exposition, en faveur delà Classe 68 « Papiers peints», de préférence à notre Classe 70. Alors, en effet, qu’à l’étage où se trouvait la si intéressante Classe 68, MM. Troublé et Méchin avaient exposé, dans l’angle situé près de la sortie de l’exposition de l’école Guérin, une grande variété de leurs compositions, nous n’avons remarqué dans l’emplacement bien exigu que ces dessinateurs industriels occupaient en notre Classe que quelques maquettes que notre Jury a trouvé bien exécutées, mais insuffisantes pour formuler une opinion de nature à motiver une cote élevée à la récompense à leur attribuer.
- Ces messieurs sont fournisseurs, sinon attitrés du moins habituels, de quantité d’industriels producteurs soit d’étoffes pour ameublement fabriquées à la jacquard, soit d’impressions sur cretonnes et tissus divers pour l’ameublement et pour la robe.
- Nous avons remarqué, exécutée en vue d’une soierie 5 trames avec brochés, une jolie maquette s’adressant à ce genre de rdampas brochés» dont les expositions de MM. Cornille frères, Henri Simon, Combé et Delaforge, et Marie Lévy et Lauer, nous ont donné la vue. Deux autres maquettes, disposées l’une pour une tapisserie 5 trames et des brochés, l’autre pour tapisserie 6 trames dont 3 lattées, nous ont prouvé combien ce genre de fabrication est familier à ces messieurs, habiles à tirer parti des ressources que procure ce mode de tissage de la tapisserie par trames.
- Destinées à l’impression sur étoffe, deux autres compositions nous donnaient la vue, l’une d’un dessin bien compris pour son exécution au moyen de 7 rouleaux ; l’autre, d’une peinture nécessitant l’emploi de 11 rouleaux.
- Deux projets pour portières à personnages complétaient l’exposition de MM. Troublé et Méchin, qui, bien qu’ayant été récompensés d’une médaille d’argent lors de l’Exposition de Rouen, en 1896, n’ont pu, vu l’insuffisance de leur démonstration, obtenir de notre Jury qu’une médaille de bronze.
- M. Sevray (Charles), à Saint-Mandé (Seine).
- Depuis 1862 qu’il a fondé sa maison, M. Ch. Sevray a toujours fait sa spécialité de reproduire et d’adapter à nos fabrications européennes les motifs orientaux des superbes tapis anciens tissés en ces pays du Levant. Tant que la vogue s’est portée vers ce genre dont la France et l’Angleterre exigeaient, pour la fabrication du tapis, des compositions sans cesse renouvelées, M. Ch. Sevray, s’inspirant de ces splendides collections datant des siècles passés, n’a cessé de reproduire, en vue de cet emploi , des maquettes rappelant aussi fidèlement que possible les formes et les colorations chaudes de ces admirables tapis d’Orient.
- Lorsque la vogue du genre oriental cessa en France, au point de vue du tapis moquette et de l’ameublement, M. Sevray orienta sa maison dans une autre direction. Ayant remarqué que , par un effet de la mode, la vente des anciens tapis s’est généralisée chez nous dans une telle proportion que ce stock ancien recueilli dans toutes les régions de l’Orient semble, pour le moment, à peu près épuisé, M. Sevray pressentit qu’une fabrication nouvelle s’imposait dans ces contrées devenues moins artistiques peut-être, mais plus industrieuses.
- Ayant eu connaissance que de grands entrepreneurs, en partie français, ont, dans ces pays ensoleillés, centralisé le travail dans les conditions les plus productives, M. Sevray se mit en rapport avec eux.
- 11 apprit ainsi que des dessins nouveaux étaient indispensables à celle résurrection du vieil art persan. Ayant une longue pratique de ces compositions orientales, M. Sevray se mit à l’œuvre. 11 s’en
- p.423 - vue 427/484
-
-
-
- m
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- est bien trouvé, puisque aujourd’hui c’est l’ouverture de ce débouché qui constitue presque exclusivement sa production journalière.
- Voilà la raison pour laquelle, dans l’unique maquette que nous a présentée M. Sevray (composition d’un tapis persan, à la réduction de 1/8), nous avons pu voir que ce dessinateur a esquissé, en les recomposant, quelques heureux spécimens des différents genres que nous ont légués ces grands artistes qu’étaient les producteurs de tapis d’Orient des siècles passés.
- M. Ch. Sevray qui, à l’Exposition de Paris en 1878, avait fait une démonstration plus importante, s’était vu à l’époque, récompensé d’une médaille d’argent.
- Pour l’unique maquette que M. Ch. Sevray a présentée à notre Jury cette année, ce dessinateur s’est vu attribuer une médaille de bronze.
- PAYS-BAS.
- MÉDAILLE D’ARGENT.
- MUtt Sieuwertz van Reesema et Niertrasz, à Oosterbeek.
- C’est avec un véritable sentiment artistique que M11" Sieuwertz van Reesema et Niertrasz ont exécuté les diverses compositions qui figuraient dans leur exposition de la section néerlandaise. Admirablement dessinées et peintes en vue de leur exécution en étoffes ou en tapis de production hollandaise, ces esquisses dénotaient, de la part de leurs auteurs, une telle habileté dans la mise au point, une telle sûreté dans l’assemblage et l’harmonie de leurs colorations variées, que notre Jury n’a pas hésité à récompenser d’une médaille d’argent l’intéressante exposition de M11" Sieuwertz van Reesema et Niertrasz.
- ALLEMAGNE.
- MEDAILLE D’ARGENT.
- M. Dunsky, à Rerlin.
- Ce n’a pas été sans peine que nous avons pu découvrir à l’étage de la section allemande (et dans la salle d’exposition de MM. C. Olm et J. Zwiener, qui présentaient un appartement dont les boiseries étaient faites en cèdre de la Floride) les projets de tapis et d’une couverture de lit dont M. Dunsky avait exécuté les peintures avec beaucoup de talent et de goût. Ces maquettes, ainsi que d’autres exposées un peu plus loin dans une autre salle, ont été examinées par notre Jury avec un intérêt marqué, qui s’est traduit par une médaille d’argent à l’adresse de M. Dunsky.
- En plus des artistes dessinateurs exposants de toutes les nationalités dont nous venons de nous entretenir, il convient de signaler parmi tant d’autres artistes qui, pour des raisons spéciales, se sont trouvés empêchés d’exposer eux-mêmes leurs propres créations, ceux qui ont été mis en évidence par les œuvres produites en vue de cette Exposition. Leurs compositions exécutées en étoffes pour ameublement, en tapisserie ou en tapis, ont été présentées à notre Jury avec le nom de leurs auteurs, par les exposants qui les ont produites et mises en montre dans leurs vitrines. Sur leur demande, elles
- p.424 - vue 428/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT. • 425
- ont fait l’objet d’une délibération et d’un vote du Jury à l’effet d’apprécier la valeur de ces créations et d’attribuer, s’il y avait lieu, une récompense aux artistes qui les ont composées.
- Le tableau qui suit indique, sans distinction de nationalité, les récompenses attribuées par notre Jury à ces artistes dessinateurs créateurs de maquettes.
- MÉDAILLES D’OR.
- MM. Libert [France]; Jorrand (Antoine) [France]; Grasset (Eugène) [France]; Morand [France]; Lelong [France]; — Münth (Gérard) [Norvège]; MmB Frida Hansen [Norvège] ; — Eeckmann [Allemagne] ; — Horti (Paul) [Hongrie].
- MÉDAILLES D’ARGENT.
- MIIe Rault [France]; MM. Guillaumenon [France]; Wirth [France]; Besson (Gustave) [France]; Binet [France] ; Bohl [France].
- MÉDAILLES DE BRONZE.
- MM. Langauer [France]; Barme [France]; Gros-Renaud fils aîné [France]; Moluçon [France]; Delespierre [France]; — Waszary [Hongrie]; Kriesch [Hongrie] ; — Ghristiansen (Hans) [Allemagne].
- MENTIONS HONORABLES.
- MM. Harry (Jules) [Hongrie]; Nagy Sander [Hongrie]; — MmeNisLE [Allemagne].
- TABLEAU RÉCAPITULATIF DES RÉCOMPENSES
- QUI ONT ÉTÉ ATTRIBUÉES AUX ARTISTES DESSINATEURS ET CRÉATEURS DE MAQUETTES.
- NATIONS. MÉDAILLES MENTIONS HONORABLES. TOTAUX.
- d’or. D’ARGENT. DE BRONZE.
- France 5 G 5 n l6
- Norvège a // // n a
- Allemagne 1 II 9 1 1 3
- Hongrie î // a a 5
- Suède // II // n u
- Russie // U ' // n n
- Totaux 9 6 8 3 a6
- Ces récompenses, quoique supplémentaires à celles accordées aux exposants et à leurs collaborateurs, figurent dans le total des récompenses mentionnées d’autre part.
- p.425 - vue 429/484
-
-
-
- 426
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- MUSÉE CENTENNAL DU MEUBLE.
- Nous ne saurions assez applaudir à l’idée qu’ont eue les organisateurs du musée cen-tennal en nous donnant la merveilleuse et si instructive leçon de choses qu’a été cette inoubliable exposition d’art rétrospectif.
- Tout ce que les Classes 66, 68, 69, 70, 71 et 97 des Groupes XII et XV pouvaient offrir de plus authentique et de plus attrayant en tant que reconstitution du mobilier et de l’art décoratif, comprenant la période qui s’étend de 1789 au second Empire, s’est trouvé, grâce à l’érudition, au labeur et au goût des zélés organisateurs de cette exposition, réuni dans le musée centennal qui, situé au centre du rez-de-chaussée du Palais du Mobilier, y occupait un emplacement d’environ i,4oo mètres. Nous allons succinctement en rappeler la genèse.
- Dans le rapport sur les travaux du Comité d’admission, que notre président, M. Ch. Legrand, a rédigé aux lieu et place de M. E. Defosse-Braquenié, qu’une indisposition persistante retenait alors loin de ses occupations, nous lisons que, dans sa première réunion, le Comité d’admission de la Classe 70 se préoccupa de l’organisation de l’exposition rétrospective prescrite par les règlements.
- Une sous-commission fut instituée, avant comme président M. J. Guiffrey et comme secrétaires, MM. Henri Cain et Dubufe. Les autres membres étaient MM. Badin, Ber-gerat, Gaston Deschamps, d’Espouy, Maillart, Eugène Muntz, Georges Raymond et Georges Teissier. Il apparut à la première étude que l’idée préconisée par M. le Commissaire général de faire un musée centennal servant de vestibule à chaque classe était des plus intéressantes, mais d’une réalisation difficile.
- Dans la réunion du 2 février 1898, M. Henri Cain exprima le vœu que l’exposition rétrospective de la Classe 70 ne consistât pas en de simples échantillons d’étoffes, présentés dans un ordre chronologique, derrière des vitrines, ou dans des tapis et des tapisseries installés régulièrement les uns à côté des autres. Il proposa d’organiser une série de pièces complètes, avec leurs tentures, leurs meubles, leurs bibelots ayant tout le caractère d’une époque.
- Cette idée était séduisante. Une vision du passé ainsi comprise pouvait lutter victorieusement contre les intérieurs blancs et froids d’importation exotique qui jouissent actuellement de la vogue, inspirer un renouveau au goût français, et, par l’agencement général des meubles et des étoffes, donner l’impression vive et exacte, soit de la grandeur, soit de l’intimité des intérieurs ainsi reconstitués dans leur somptuosité ou dans leur coquetterie.
- Mais, pratiquement, le vœu formulé par M. Henri Cain ne pouvait pas être réalisé par le Comité 70, qui ne disposait pas des éléments suffisants pour organiser à lui seul, sans déroger aux règlements, des intérieurs complets. II était nécessaire de provoquer une entente commune, sinon avec toutes les classes du Groupe XII, au moins avec la classe des tapissiers-décorateurs, des fabricants de meubles et de bronze, etc.
- p.426 - vue 430/484
-
-
-
- 427
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEURLEMENT.
- M. Ch. Legrand, président de la Classe 70, prit cette initiative. Sur sa proposition, il fut décidé que l’exposition rétrospective de la Classe 7 0 pourrait commencer à Tannée 1789, date véritable de l’émancipation de l’industrie française, à la suite de la suppression des corporations, des maîtrises et des jurandes.
- M. Ch. Legrand écrivit ensuite, le 7 février 1898, à chacun des présidents des classes intéressées une lettre les informant que le Comité 70 se préoccupait d’organiser de façon attrayante la section rétrospective des tapis, des tapisseries et des tissus pour meubles à l’Exposition de 1900 et émettant le vœu qu’une entente commune s’établisse pour obtenir l’attribution d’un emplacement spécial destiné à un musée centennal collectif.
- La proposition faite par le président de la Classe 70 fut accueillie avec faveur par les différentes classes du Groupe XII ; seules les classes des vitraux et du chauffage firent quelques réserves justifiées.
- Les sections rétrospectives se mettaient donc à l’œuvre lorsque, le 2 0 avril 1898, une communication non signée, d’apparence officielle, était insérée dans le journal le Temps, puis répétée par d’autres journaux et les revues spéciales s’occupant de l’Exposition de 1900.
- Cette communication avait pour but de fixer exactement les idées au sujet du rôle simultané des expositions rétrospectives d’objets d’art et des musées centennaux des classes. Le rédacteur anonyme précisait que, dans le Petit Palais édifié aux Champs-Elysées par M. Girault, architecte, serait installée l’exposition rétrospective d’objets d’art antérieurs à 1800.
- Le Grand Palais, construit aux Champs-Elysées par M. Thomas, devait abriter l’exposition rétrospective centennale des œuvres d’art ; mais pour répondre aux tendances modernes, dans cette période centennale, objets d'art et œuvres d’art seraient réunis aussi intimement que possible. Dans ce but, des salons de repos, coupant Tunifonnité des salles, donneraient pour chaque période caractéristique la physionomie de l’ensemble de l’art. par la combinaison non seulement de tableaux et de statues, mais aussi de meubles, de tentures et de bibelots.
- Un tel programme étant le projet même dont le Comité 70 avait pris l’initiative, l’émotion qu’il provoqua fut si vive, que les sous-commissions rétrospectives du Groupe XII suspendirent leurs recherches et protestèrent d’abord contre la dérogation à l’article Ao du règlement et ensuite contre le caractère inutilement blessant d’une notification anonyme adressée par la voie de la presse à des artistes, à des collectionneurs, à des critiques d’art, etc., désignés par le Ministre du commerce pour statuer précisément sur l’admission des objets d’art compris dans la période centennale qui leur était réservée, et pour donner aux musées rétrospectifs des classes des industries décoratives un caractère essentiellement artistique et non un caractère purement technologique.
- Grâce à l’intervention de M. le Directeur général adjoint de l’Exploitation, de M. Georges Berger, député, président du Groupe XII, le conflit put être écarté.
- p.427 - vue 431/484
-
-
-
- 428
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- Les sections rétrospectives de chaque classe purent donc faire appel aux richesses des palais nationaux, du Garde-Meuble et des collections particulières.
- A la suite de cet accord, M. Georges Berger convoqua en réunion plénière le Comité de groupe ainsi que les présidents des commissions rétrospectives, et M. Georges Ga-gneau, président de. la Classe des bronzes et du Groupe XV.
- Le programme proposé par le président de notre Classe 70, M. Ch. Legrand, fut, dans cette réunion plénière, adopté à Tunanimité. Nous regrettons de n’avoir pu nous procurer, près de M. Le Corbeiller et de M. Harant, le procès-verbal de cette séance qui fut si intéressante ; nous nous contenterons donc de résumer dans ses grandes lignes le programme qui y fut adopté.
- Les expositions centennales du Groupe XII et du Groupe XV, qui représentent le plus particulièrement Tart appliqué et l’art décoratif, auront lieu collectivement, dans les conditions suivantes :
- i° Reconstitution de quatre appartements, de trois pièces chacun (sa/on ou boudoir, salle à manger, chambre à coucher) des époques Louis XVI, premier Empire, Louis-Philippe, second Empire.
- Dans ces pièces de style, la décoration, le mobilier et la réunion d’objets usuels de l’usage domestique, avec d’autres servant à la toilette et à la parure de la personne, donneraient l’impression de la vie luxueuse ou bourgeoise de ces époques, avec la caractéristique de leurs élégances aux différents degrés de Tart appliqué ;
- 2° Organisation dans les espaces laissés vacants en dehors des pièces de ces appartements, d’une exposition ou d’un musée d’objets remarquables par leur allure artistique ou intéressante par leur valeur technique et documentaire au point de vue de l’histoire chronologique des métiers, qui n’auraient pas trouvé leur place dans les susdits intérieurs.
- Nous avons vu que l’Administration de l’Exposition a ratifié le programme rétrospectif adopté par le Groupe XII et le Groupe XV et quelle lui a réservé, dans le Palais du Mobilier et des industries diverses, ainsi que nous le disons plus haut, un emplacement d’environ i,Aoo mètres, admirablement situé au centre et au rez-de-chaussée de ce
- Le projet de lotissement, fort ingénieusement dressé d’abord par M. d’Espouy, architecte et membre du Comité 70, puis par M. Jacques Hermant, fut également accepté par l’Administration de l’Exposition.
- L’installation de l’exposition rétrospective, à l’encontre de celle de l’exposition contemporaine, devant se faire aux frais de l’Administration, M. Bonnier, architecte du Service général des installations, en fut chargé également.
- Pour compléter l’historique de l’installation de notre musée centennal, nous dirons que l’Administration, confirmant les déclarations des actes organiques (art. 4o du règlement général) relatives à l’organisation des musées centennaux, prit à sa charge les frais de transport, d’installation et de gardiennage des objets empruntés aux amateurs; elle assura contre les risques d’incendie et de bris accidentel pour la valeur déclarée et re-
- p.428 - vue 432/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- 4-29
- connue exacte les objets prêtés à cette condition et prit, en un mot, toutes les mesures de conservation désirables, s’engageant à organiser la surveillance la plus complète qu’on puisse souhaiter.
- Enfin, l’Administration de l’Exposition désigna M. François Carnot pour la représenter dans la commission spéciale choisie par les sections rétrospectives du Groupe XII et du Groupe XV, principalement intéressées à l’organisation collective d’un musée centennal.
- Cette commission fut ainsi composée :
- Classe 66 (Décoration fixe), M. Jambon; Classe 68 (Papiers peints), M. Lameire; Classe 69 (Meubles), M.Beurdeley ; Classe 70 (Tapis, tapisseries, étoffes), MM.H. Gain et G. Dubufe; Classe 71 (Ouvrage du tapissier), M. Le Corbeiller; Classe 97 (Bronzes), M. Mannheim.
- Les connaisseurs passionnés d’art, les collectionneurs, les amateurs éclairés qui, durant tout le cours de cette Exposition, ne cessèrent de visiter notre musée centennal, accueillirent avec la faveur la plus marquée cette merveilleuse exposition rétrospective, dont l’installation, ainsi que nous venons de le voir, créa tant de difficultés, causa tant de laborieuses recherches à ses vaillants organisateurs.
- Au milieu de tant de meubles, de bronzes et de bibelots de la plus haute valeur artistique, dont maints spécialistes ont décrit déjà toutes les splendeurs, nous passerons rapidement dans le salon central, en notant parmi les tapisseries exposées cette superbe pièce pleine de vie, intitulée Les croisés; bataille de Tolosa, magistrale composition exécutée par les Gobelins et due au pinceau de notre célèbre et inimitable peintre de batailles, Horace Vernet; une exquise savonnerie reproduisant les Armes de France, d’après Ch. Le Brun; des tapisseries de notre Manufacture nationale de Beauvais, superbes panneaux de fleurs tissés en soie, qui figurèrent à l’Exposition de Paris en 1889, et quantité d’autres pièces de tapisserie ou d’étoffes précieuses, obligeamment prêtées par le Garde-Meuble, les Arts décoratifs et des collectionneurs.
- Mais la partie la plus attrayante de cette exposition rétrospective fut, sans contredit, cette merveilleuse reconstitution d’appartements rappelant le règne de Louis XVI, le premier Empire, le règne de Louis-Philippe et le second Empire, reconstitution qui fit l’admiration de tous les visiteurs, et dont les initiateurs et les organisateurs ont pu se montrer justement fiers.
- A étudier ces huit chambres anciennes auxquelles ont été restitués les meubles, les tentures, les bibelots afférents à chacune des époques quelles font revivre, il semble que Ton feuillette des chapitres d’histoire, ainsi que Ta si bien dit M. Jules Claretie, à qui nous empruntons ces lignes. On dirait que sur ces tapis vont, non pas apparaître des ombres, mais marcher des vivants. Comme le goût français triomphe dans ces salons d’autrefois !
- Règne de Louis XVI. Salon Louis XVI. — Ce salon, d’un style très pur, évoque le souvenir d’une époque de grâce exquise et de |uxe simple avec ses tapisseries d’Aubusson, ses chiffonniers de Rie-sener, son calendrier perpétuel appendu au mur et sa petite table à pupitre, où quelque marquise, imitant la reine, va jouer le Devin du village
- 6b. XII. — Cl. 70. 29
- IMPBIUEIUE NATIONALE»
- p.429 - vue 433/484
-
-
-
- A 30 EXPOSITION UNI VE K SELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- Epoque de la Constituante, l'jyi. Chambre à coucher. — Sur un fond de tenture en toile de Jouy se détachent les tableaux, les gravures, les bustes significatifs : le roi Louis XVI, gros et gras, coiffé d’un bonnet phrygien, les « lois et décrets » et la « Déclaration des Droits de l’homme ». Auprès du lit tricolore, la table de nuit où repose le livre de chevet, le fauteuil à oreillettes et à poche, le cahier de musique ouvert sur la table, la robe de chambre jetée sur le lit, et tous les accessoires de la vie familiale, forment un étonnant fouillis. On dirait, tant le désordre ici est savamment ordonné, que l’aïeul va venir s’asseoir là et ajouter une ligne à son livre de comptes : rrai janvier: acheté une livre de chandelles».
- Salon Directoire. — Avec ses boiseries de style pompéien, sa pendule en forme d’urne, ses meubles aux cuivres ciselés en forme de lions ailés, sa lampe antique provenant de la Malmaison, le salon du Directoire nous transporte dans la Chypre factice que Barras rêvait de faire revivre à Grosbois. Sur ces fauteuils à tournure antique, M"’c Récamier a pu reposer ses formes demi-nues. . . Peut-être sur ce tapis, le jeune général, retour d’Italie, a-t-il posé scs talons de soldat victorieux, déjà imperalor, tandis que Garat chantait Plaisir d’amour ne dure qu’un moment.
- Salon Empire. — Voici le salon de l’Empire, avec son lustre de Thomire, ses sphynx ornant les meubles raides, sa harpe inévitable qui semble réclamer les doigts de Corinne, et le métier à tapisserie de Joséphine, et le je ne sais quoi de solide et de sincère qu’ont ces meubles d'acajou relevés de cuivre que la mode a presque remis à l’ordre du jour, malgré le charme un peu morbide du modem style. Les délicieuses boiseries qui encadrent ce salon sont les boiseries mêmes de l’hôtel Cambacérès. Elles ont vu passer bien des ombres. . .
- La chambre de T aima. — C’est la chambre du grand tragédien, reconstituée telle qu’elle était rue de la Tour-des-Dames. Cette pendule, ce meuble en thuya, dessinés par Percier, ce portrait de Napoléon par Gérard, toutes ces reliques qui se détachent sur le fond jaune de la pièce, ont appartenu à Talma. Le lit est celui où il mourut en 1826. Chose étrange, ce lit se détache sur un fond de glaces, de telle sorte qu’en s’endormant, en s’éveillant, le grand comédien pouvait se \jpir, non pas pour le plaisir de se contempler et de s’admirer, mais par besoin de s’étudier, de déchiffrer sur son visage les énigmes de l’àme humaine. rfQuelles belles peaux pour jouer Tibère», disait-il, mourant, en prenant ses joues pendantes entre ses doigts.
- Epoque de la Restauration (182b). Cabinet de travail. — Voici le salon de la Restauration, avec son monumental bureau qui part du tapis et monte au plafond, bureau ministre, bureau imposant d’un marquis d’Aligre. Tout est complet dans ce décor sincère, austère et triste. Charles X contemple les rideaux verts, les portraits de femmes en turban, les jardinières d’acajou, la pendule qui doit sonner les heures lourdes, les livres à reliures solides, bien rangés dans la bibliothèque. . . M. de Villèle va entrer. . . On annonce : « Monsieur Royer-Collard ».
- Règne de Louis-Philippe. Chambre à coucher. — Cette chambre du temps de Louis-Philippe, tendue de mousseline blanche et bleue, c’est toute une évocation d’une époque intermédiaire : la bourgeoisie règne et le gothique prospère: Notre-Dame de Paris triomphe dans cette chambre de 18A0. On retrouve un peu partout la cathédrale célébrée par Hugo, dans la pendule, dans les flambeaux, dans les bibelots qui ornent le bureau, dans les cadres même, à côté des gravures d’un sentimentalisme qui a sa hardiesse. Et tout le décor dit une époque calme et simple, préoccupée pourtant de littérature... Je m’imagine M. Thiers habitant un de ces salons-là.
- Salon du second Empire. — De toutes les chambres que nous venons de passer en revue, il semble que la plus proche de nous, celle qui date de trente ou trente-cinq ans, soit la plus abolie. Eli quoi, ce secrétaire en bois sculpté a appartenu à l’impératrice Eugénie, qui personnifiait le goût, incarnait
- p.430 - vue 434/484
-
-
-
- 431
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- la mode et la beauté? Oui. Et celte pendule et ces candélabres si étrangement voyants, tapageurs, qui hurleraient aujourd'hui dans le salon d’un bookmaker, ils furent, à leur heure, le comble du luxe et, pour dire le mot, du rrchic». C’est l’heure des poufs et des fauteuils crapauds, des albums et des stéréoscopes qui traînent sur les guéridons, à côté des coupes de Chine garnies de bronze doré. . . Octave Feuillet est le Balzac délicat de ces salons aux bibelots de Tahan.
- Rien que résumé dans ses grandes lignes, cet aperçu sommaire donnera toutefois nue idée du gigantesque travail auquel ont dû se livrer les organisateurs de ce musée centennal pour arriver à mener à bien cette œuvre de reconstitution archéologique.
- Les nombreux visiteurs qu’ont attirés les chefs-d’œuvre si artistiques de cette exposition rétrospective ont été unanimes à en louer la richesse et le savant arrangement. Aussi, le rapporteur est-il certain d’être le fidèle interprète des sentiments de tous ses collègues français et étrangers du Jury de la Classe 70 en exprimant, en leur nom, aux initiateurs et organisateurs de cet inoubliable musée centennal, leurs félicitations les plus chaleureuses au sujet du succès complet qui a couronné leur œuvre et en les assurant aussi de leur vive reconnaissance pour le relief qu’ont donné à la Classe 70 les reconstitutions si intéressantes dues à leur louable initiative, à leurs patientes et si savantes recherches.
- Nous sommes heureux de rappeler ici que M. François Carnot, délégué aux musées rétrospectifs de l’Exposition de 1900, ainsi que notre collègue, M. Henri Cain, chargé spécialement de l’organisation du musée centennal du Groupe XII, ont reçu la croix de chevalier de la Légion d’honneur.
- M. Charles Legrand, président des comités et du Jury de la Classe 70, déjà officier de la Légion d’honneur, a été nommé officier de l’Instruction publique.
- p.431 - vue 435/484
-
-
-
- 432
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS.
- Si, à certains esprits superficiels que seul intéresse, dans une Exposition, le côté «divertissements?? avec ses mille attractions internationales, il a plu de crier bien haut: «Mais c’est une immense foire, une perpétuelle féerie, que votre Exposition! ??, nous nous plairons, nous, et par antithèse, à proclamer plus haut encore que cette merveilleuse leçon de choses, que cette grandiose Exposition a été l’une des plus belles manifestations du génie humain dans toutes ses expressions auxquelles il nous ait été donné d’assister jusqu’à ce jour.
- Pour l’artiste comme pour l’industriel et son coopérateur ouvrier, pour l’amateur éclairé aussi bien que pour le connaisseur érudit, pour tout visiteur impartial et consciencieux, en un mot, cette éclosion spontanée des efforts de tous les peuples se traduisant par tant d’œuvres géniales au point de vue des arts appliqués, n’a provoqué qu’une immense cri d’admiration qui, d’un bout à l’autre du monde, a trouvé partout sa répercussion.
- Dans la sphère d’action où nous limitait notre champ d’examen, que de merveilles, en effet, n’avons-nous pas vues amoncelées ! Nous avons essayé d’en donner une faible idée dans l’ensemble de notre rapport, et nous avons maintenant à tirer de notre examen les déductions qu’il comporte. C’est à cette partie essentielle du rapport, et non la moins délicate, que nous allons nous attacher.
- 1° Les tapisseries. — Dans cette branche si artistique d’une industrie nationale qui nous relie si intimement aux siècles passés, c’est avec un légitime orgueil que nous pouvons aflirmer l’incontestable supériorité, tant des produits de nos manufactures nationales que de ceux de l’industrie privée d’Aubusson, sur tous ceux que nous ont présentés les nations étrangères. Parmi ces dernières, certaines nations telles que l’Allemagne, la Suède et la Norvège, la Hongrie, n’avaient pu, en 1889, s’affirmer productrices de ces riches tapisseries ; en revanche, elles nous ont présenté, cette année, de nombreux spécimens de leur fabrication, mais nous devons reconnaître qu’en dépit de grands et louables efforts, que nous avons d’ailleurs récompensés largement, l’art de la tapisserie n’a pas encore atteint chez elles ce degré de perfection que nous nous plaisons à admirer dans la majeure partie de nos tapisseries des Gobelins, de Beauvais ou d’Aubusson. Toutefois, dans le pavillon royal de la Grande-Bretagne, les tapisseries exposées par la maison William Morris étaient, nous devons le reconnaître, d’une beauté remarquable.
- Loin de nous la pensée de conseiller à nos producteurs de tapisseries de s’endormir sur leurs lauriers, tant s’en faut. Nous avons trop remarqué combien est ardent chez nos concurrents de l’étranger le désir sinon de surpasser, du moins d’essayer d’égaler nos fabrications françaises, pour ne pas engager au contraire, les administrateurs de nos manufactures nationales, ainsi que les directeurs des industries privées d’Aubusson,
- p.432 - vue 436/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEURLEMENT.
- 433
- à persévérer dans leur vigilance et à redoubler d’efforts, afin d’assurer à notre pays la suprématie dans cet art si français de la tapisserie.
- De tous côtés ces pays étrangers ont créé des écoles de dessin et de tissage, à la tête desquelles des artistes de talent s’ingénient à n’appliquer à leurs créations que des cartons dont les peintures répondent exactement à la technique de la fabrication des tapisseries à produire.
- Ils n’en sont encore qu’à l’enfance de l’art, dira-t-on, et nous n’avons pas à les redouter. Pourtant, si nous en jugeons par le chemin parcouru en ces onze dernières années par ces contrées, qui en étaient alors à rechercher dans leurs campagnes éloignées les vieilles femmes encore en possession des traditions anciennes du tissage de la tapisserie ; si nous nous rendons compte de ce que leur zèle ne peut manquer d’être stimulé encore par les récompenses obtenues en cette Exposition, nous nous demandons, non sans appréhension, ce que seront dans dix ans les tapisseries que produiront ces écoles dirigées par des artistes que Paris attire et qui s’y tiennent au courant de tout ce que l’art français produit de meilleur et de plus raffiné.
- Nous avons, heureusement pour nous, à la tête de nos manufactures nationales les administrateurs les plus vigilants. Déjà nous avons entendu M. Guiffrey, dont la haute autorité fait loi en la matière, demander que, pour les tapisseries à faire exécuter par la manufacture des Gobelins, l’on exige des artistes à qui les cartons seront commandés que, revenant aux principes mêmes de l’art décoratif si pur du xvie siècle, les compositions soient volontairement tenues sobres dans l’ensemble des couleurs employées ; qu’ils en écartent l’exagération du modelé et cette mollesse d’exécution si nuisibles à la tapisserie décorative, et qu’enfin les modèles à exécuter soient bien appropriés à leur destination.
- Tout est là, et l’exemple parti de si haut ne pouvant manquer d’être suivi par l’industrie privée, nous avons tout lieu d’envisager sans crainte l’avenir que nous réserve cette merveilleuse fabrication de tapisseries dont tout Français a le droit de se montrer justement fier.
- 2° Les tapis de pied. — Pour les tapis « à points noués n, les producteurs de la Turquie, de la Perse et des Indes restent les maîtres incontestés de cette fabrication, qui revêt, sous le doigté de leurs habiles artisans, ces chatoyantes couleurs, ce charme indéfinissable, cette poésie naïve, qui font la saveur et le prix des somptueux tapis de ces contrées lointaines. Nous avons remarqué que certains producteurs français se sont, depuis 1889, outillés en vue de cette fabrication; bien que la démonstration qu’ils en ont faite en cette Exposition ait été insuffisante pour permettre à notre Jury de fonder une appréciation définitive sur la valeur même de leurs produits, nous devons avouer, tout en appréciant les efforts tentés par eux, que leurs tapis n’ont pas généralement cette apparence de richesse, ce fini d’exécution, ce cachet tout spécial que recèlent les véritables tapis d’Orient.
- Encore que parfois les colorations par eux employées ne soient pas précisément notre
- p.433 - vue 437/484
-
-
-
- 434
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- rêve, certains producteurs étrangers d’Angleterre, d’Autriche, d’Allemagne, de Hollande et de Belgique nous ont paru plus près du but poursuivi que ne le sont, en général, nos producteurs français. Nous ne saurions trop recommander à ces derniers de surveiller de près cette concurrence si voisine, car si, grâce à eux, nous ne sommes plus tributaires des pays d’Orient pour certains genres de tapis de Smyrne ou de Perse, nous devons avouer qu’en les qualités supérieures nous n’avons pas trouvé chez nos exposants nationaux l’équivalent des produits du Levant; il faut donc, s’ils veulent nous affranchir à jamais de cette fabrication exotique, que nos producteurs français tentent de nouveaux et de sérieux efforts. Qu’ils veuillent bien écouter et suivre ce conseil qui est l’expression du sentiment de notre Jury : « L’avenir de leur industrie est en jeu v ; il nous suffira, croyons-nous, d’avoir indiqué le péril pour qu’ils s’ingénient à y parer au plus tôt.
- Nous mettons évidemment hors de cause les tapis dits de la Savonnerie. Produits somptueux, mais coûteux, de nos manufactures nationales ou d’Aubusson, ces tapis d’une finesse extrême laissent le champ libre à la palette du peintre, à l’imagination du coloriste; mais là encore, c’est à l’artiste peintre qu’il faut demander de ne créer que des compositions qui fassent valoir les maîtresses qualités d’un tapis, qualités que M. Guichard avait coutume de résumer ainsi : simplicité dans la composition, sobriété dans ses coloris, calme dans son ensemble.
- En tapis moquette. — L’outillage mécanique à la jacquard, aujourd’hui si perfectionné, a permis à nos producteurs français de montrer aux visiteurs de notre Exposition que leur industrie peut faire face à celle similaire de l’étranger partout où ne lui sont pas opposées d’infranchissables barrières qui se traduisent par des tarifs ultra-protectionnistes, notamment aux Etats-Unis d’Amérique.
- Par d’ingénieuses combinaisons de matières savamment étudiées, les sortes même les plus basses revêtent un certain cachet lorsque les dessins en ont été composés par des dessinateurs en possession du goût et de la genèse du tissu dont ils ont à utiliser les ressources. Certaines compositions que nous avons examinées au cours de nos visites aux exposants de notre classe nous ont clairement démontré qu’au moyen de faibles éléments, s’étendant en moyenne de trois à six chaînes, nos industriels du tapis moquette sont parvenus à donner, tant pour les tapis d’appartements que pour leurs carpettes de toutes dimensions, l’illusion d’un nombre de couleurs que, à ressources égales, ni les Anglais ni les Allemands n’ont trouvé moyen de surpasser.
- De bien intéressants produits exposés par la maison Saint frères nous ont montré la place considérable qu’a prise en France et à l’exportation, depuis 1 889, la moquette en jute dont cette puissante maison s’est fait une spécialité. C’est à l’actif de l’industrie française de la moquette un succès que nous tenons à signaler ici.
- Nous avons regretté qu’un plus grand nombre d’exposants étrangers n’aient pas jugé à propos de se mesurer avec nous en ce grand tournoi pacifique, mais nous avons constaté avec joie que si notre industrie de la moquette tient encore par le monde le rang le plus honorable, la moquette sur chaîne imprimée dont, en 1889, nous étions encore
- p.434 - vue 438/484
-
-
-
- 435
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- tributaires de l’Angleterre, a, depuis lors, pris en France un tel développement dans l’usine de MM. Lainé et G1!, de Beauvais (Oise), que ce produit concurrence sérieusement aujourd’hui le « brussels » de fabrication anglaise ou allemande, non seulement sur le marché français, mais aussi sur ceux de l’étranger.
- Les débouchés importants comme ceux des Etats-Unis, du Canada, du Mexique, etc., ne doivent pas nous être fermés sans que l’attention de nos industriels ne soit mise en éveil, car le danger croissant de la production mondiale met leur industrie en jeu, et il faut prévoir le jour où ces pays, qui jadis constituaient d’importants marchés pour la vente de notre moquette, auront à essayer de déverser leur surproduction, leur trop-plein chez nous.
- Il faut donc travailler sans relâche à perfectionner nos outils et, le clair génie de notre race aidant nos dessinateurs industriels à imposer au monde les créations françaises, de beaux jours luiront encore pour notre belle industrie de la moquette; nous en avons la ferme assurance.
- En tapis de sparterie, il est vraiment regrettable qu’aucun de nos fabricants français n’ait eu à cœur de montrer aux nombreux visiteurs de notre Exposition les sérieux progrès qu’a réalisés cette industrie depuis 1889. A côté des produits exposés par les nations étrangères, les tapis fabriqués en sparte ou en aloès, en imitation des points noués, par nos divers producteurs, auraient tenu un rang des plus honorables en notre Classe, nous n’en voulons douter. Leur abstention a forcé de reporter sur les pays étrangers toute l’attention de notre Jury. Cet examen l’a amené à reconnaître l’ingéniosité de certains industriels des États-Unis qui, au moyen d’herbes croissant dans les marécages, sont parvenus à produire mécaniquement des tapis d’un parfait usage et d’un aspect des plus confortables. Au Japon aussi, des tapis merveilleusement tressés, en fibres végétales, ont attiré et retenu notre attention. Ces exposants ont été récompensés d’une médaille d’or, alors que nous n’avons pif, au titre français, trouver que des nattes de Madagascar à récompenser d’une médaille d’argent; c’est réellement trop peu. Nos industriels de la sparterie ont, ici, une revanche à prendre.
- Les tapis feutres, dits d’Avignon, dénotent aussi les sérieux progrès que, depuis 1889, cette industrie a apportés à sa fabrication en adjoignant à son outillage la jacquard, qui permet de produire aujourd’hui, et à des prix modiques, des tapis à dessins polychromes d’un bon usage courant et établis en 1 m. 4o de largeur.
- 3° Les étoffes pour ameublement. — Alors que grâce aux outillages mécaniques aujourd’hui répandus partout, la fabrication des étoffes d’ameublement s’exerce dans toutes les parties du monde, pourquoi tant d’industriels étrangers dont les produits nous eussent vivement intéressés se sont-ils abstenus de participer à notre Exposition ?
- Est-ce par un sentiment de crainte exagéré, par modeste défiance d’eux-mêmes ou par indifférence enfin, que tant de fabricants, dont nous avons cité les noms au cours de ce rapport, et dont nous connaissons la puissance de production, ne nous ont rien envoyé, n’ont rien soumis à notre Jury d’examen?
- p.435 - vue 439/484
-
-
-
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- A36
- Quoi qu’il en soit, le succès de notre Exposition doit les avoir suffisamment punis de leur abstention pour qu’ils aient à la regretter aujourd’hui.
- Si, après l’étude consciencieuse que nous avons faite des produits exposés, nous osons affirmer que pour l’industrie des riches étoffes d’ameublement, la France n’a rien à envier aux nations étrangères et quelle se tient encore à la tête de cette production artistique, nous en trouvons la preuve dans ce que, malgré les tarifs prohibitifs dont certains pays frappent nos produits à leur entrée en douane, nos étoffes prennent encore le chemin de ces contrées. Elles en franchissent les barrières grâce aux combinaisons aussi ingénieuses que savantes utilisées à leur structure, aux prix relativement bas auxquels les producteurs les établissent, et surtout à leur excellente exécution comme au charme qui se dégage de leurs compositions, généralement choisies avec un goût très sûr.
- Si notre industrie de l’ameublement atteste encore la supériorité de la production française dans cette branche de l’art appliqué; si, sur ce terrain, nous restons les maîtres incontestés dans tout ce qui est d’un niveau élevé, dans tout ce qui donne la gloire, nous devons reconnaître qu’aux degrés inférieurs, dans ce que nous appelons les articles bas prix, de vente classique et courante, là enfin où se trouve, sinon la gloire, du moins la grande alimentation qui assure le profit, des nations rivales dont le prix de main-d’œuvre est moins élevé que le nôtre commencent à nous distancer.
- Nous jetons ce cri d’alarme, mais ne désespérons pas de l’avenir, car l’avenir est tout au travail, et nos industriels de l’ameublement sont de ceux que le péril stimule, mais ne décourage pas.
- Dans l’ensemble des produits exposés, à l’exception des tapisseries, des soieries riches, des velours de Gênes, des lampas brochés, et des broderies, dont certains exposants nous ont présenté de ravissantes productions, nous avons, à regret, constaté que les tissus étalés derrière les vitrines, ou dans les emplacements de nombre d’autres exposants, étaient d’une monotonie presque désespérante. Partout les mêmes étoffes, partout des dessins similaires, en colorations sensiblement pareilles, s’étalaient au regard du visiteur.
- De cette sorte d’arrêt dans la conception, dans la création de compositions de caractère et cl’allure dont certains critiques ont constaté l’effet, nous avons recherché la cause, et nous allons tenter d’en donner l’explication.
- Le xixc siècle a fait la récapitulation des siècles qui l’ont précédé : depuis cent ans, nous n’avons fait en art décoratif que l’incessante reproduction de tous les styles. Nous les avons interprétés en tissus de contexture variée, de tout prix ; nous en avons saturé le public comme nous en étions saturés nous-mêmes, et, la mode aidant, le public se trouva satisfait de ce qu’on lui présentait. Le producteur industriel ne pouvant avoir la fière indépendance de l’artiste, ne créant pas la mode, mais la suivant, le producteur, disons-nous, a constamment cédé au caprice de l’acheteur; pour lui plaire, pour alimenter ses usines, il a, dans sa fabrication, accompli de perpétuels changements qui n’étaient, en fait, que d’éternelles reconstitutions.
- C’est pour ainsi dire une conséquence logique des études historiques lorsqu’elles
- p.436 - vue 440/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEURLEMENT. 437
- sont appliquées aux arts avec excès. Déjà, en 1889, M. Guillaume, de l’Institut, la signalait à une école de dessin dont il présidait la distribution des prix. L’imaginalion de l’artiste, disait alors M. Guillaume, finit par être accablée de cette histoire de l’art. Le goût du consommateur devient limité.
- Il voit le présent et l’avenir dans le passé. Le présent, il le nie, et, ce qu’il désire pour demain, c’est la chose d’hier qu’il lui faut encore, faisant ainsi obstacle aux lois de la vie et aux effets du temps.
- G’est depuis lors que, remplis d’une ardeur que le succès n’a pas toujours récompensée, de jeunes artistes désireux de s’affranchir des traditions enseignées aux écoles d’art se mirent à la recherche d’effets décoratifs tranchant complètement avec les formes constitutives de nos styles, dont ils voulurent, à l’égal de l’école anglaise, et sous couleur d’indépendance, méconnaître jusqu’à l’histoire. De là ces premiers essais, souvent malheureux, ces compositions hybrides qui, sous prétexte de stylisation de la fleur, ne produisirent que des figures informes dont tous nous avons, avec peine, vu certain public savourer la primeur. Mais le public, nous l’avons signalé, était las de nos éternelles redites : le genre Liberty, que l’Angleterre avait réussi à lancer sur son marché, menaçait de s’implanter en France, où toujours la nouveauté, même risquée, trouve son acquéreur. Cette poussée du public incita nos artistes et nos industriels à rechercher, dans un goût plus français, ces nouveautés qu’on leur réclamait : les tendances modernes s’affirmaient; les Allemands s’y adonnaient et en demandaient la production à nos fabricants d’ameublement. Des artistes (en tête desquels nous citerons M. Grasset, qui vint, avec son superbe ouvrage : La plante et ses applications ornementales, donner une orientation nouvelle à nos créations industrielles) s’ingénièrent à rechercher dans ce que les uns appellent l’art nouveau, d’autres l’art moderne, des compositions qui ont la lleur pour principe et pour hase sa stylisation. Nous avons vu, au cours de cette Exposition, parmi tant d’essais de ces compositions modernes où l’on sent trop la recherche, que quelques artistes, pourtant, sont entrés dans une voie plus rationnelle : certains dessins, exécutés en étoffes de fantaisie, ont été particulièrement appréciés, et la faveur que le public accorde à ces créations aidant, nous avons l’assurance que la pléiade d’artistes qui, consciencieusement, aujourd’hui, se sont mis à la recherche de ces nouveautés, fourniront à nos industriels de précieux éléments de nature à les aider dans l’alimentation de leurs importants outillages.
- Ge point de départ était à noter, car si, selon ses aptitudes et son tempérament, chaque artiste trouve en son imagination des idées d’applications nouvelles dont l’originalité n’exclut pas le bon goût, nos industriels auront ainsi plus de chances, à l’avenir, d’éviter dans la production de leurs étoffes cette monotonie d’aspect à laquelle les obligeait tous, en quelque sorte, l’incessante reproduction des dessins de style que leur imposait leur clientèle.
- Nous avons vu d’ailleurs que nos producteurs de tissus d’ameublement apportent de continuelles modifications à leurs outillages mécaniques : ils s’appliquent à n’employer que les procédés de fabrication les plus perfectionnés et les plus récents, comptant
- p.437 - vue 441/484
-
-
-
- 438
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- pour nulles les dépenses souvent si élevées que nécessitent ces continuelles transformations, pourvu quelles aient chance de les mener à un résultat pratique.
- Cette perpétuelle et intelligente activité de ces hommes de métier ne peut que nous tranquilliser au point de vue de l’avenir de cette branche si intéressante de notre industrie nationale qui, si elle est bien secondée par les artistes dessinateurs industriels,' tiendra longtemps encore la tête de toutes les nations par des productions innombrables en lesquelles le cachet artistique et le bon goût français s’allieront toujours à la parfaite exécution des tissus.
- En tissus unis. —• Nos maisons françaises, malgré la concurrence allemande, tiennent encore le premier rang, et la maison F. Vanoutryve occupe, pour la fabrication de ses velours de lin, une place prépondérante parmi les producteurs les plus importants du monde.
- Les velours lin, tissés à la jacquard à simple ou à double pièce, prennent maintenant une place considérable dans notre industrie du meuble, et leur fabrication si soignée a permis à nos fabricants de les répandre largement à l’exportation, où ces produits sont des plus estimés.
- En velours de coton, à dessins polychromes, une maison que nous regrettons de n’avoir pas vu présenter ses produits à l’Exposition, la maison Camille Leroux frères, de Roubaix (Nord), fabrique sur métiers à double pièce et en \ m. 3o de largeur des moquettes fines fort intéressantes et des plus appréciées en France, en Allemagne et aux Etats-Unis.
- Les tissus imprimés jouissent de la vogue la plus méritée. Les outillages perfectionnés utilisés par des maisons rouennaises de l’importance de la maison Resselièvre fils nous sont un sûr garant de l’avenir réservé à cette belle industrie française de l’impression sur étoffes.
- Quant aux tissus brodés et aux passementeries, les maisons dont les merveilleux produits étaient exposés en notre Classe possèdent, indépendamment des outillages perfectionnés dont elles disposent, de tels collaborateurs à la tête de leurs divers services, leurs modèles sont choisis et exécutés avec un tel bon goût, que leur succès ne peut manquer de continuer à s’affirmer longtemps encore, tant en France qu’à l’étranger, où leurs produits sont hautement appréciés.
- 4° Les toiles cirées et les linoléums.— Si, dans cette industrie, la toile cirée tend à disparaître chez nous comme elle disparaît peu à peu chez les nations concurrentes, nous avons constaté avec joie que, grâce à l’intelligente activité de M. Chovo, l’habile administrateur de la Compagnie française du linoléum Nairn, la manufacture d’Orly (Seine) a supplanté en France les compagnies anglaises dont nous étions tributaires, il y a peu de temps encore. Ce succès d’une industrie nouvelle en France nous cause une vive satisfaction.
- Quant aux cuirs artistiques et factices, nous avons vu que si l’ancienne maison Que-nardel maintient toujours son antique réputation pour toutes ses admirables reconsti-
- p.438 - vue 442/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEURLEMENT.
- 439
- tutions d’un art décoratif par excellence, d’autres compagnies pour les tentures murales, les sièges, les articles de voyage et de bimbeloterie, sont venues, avec des cuirs factices, dus à des procédés des plus intéressants, nous prouver qu’ici encore l’industrie française est à la hauteur de la tâche qu’elle a assumée, et que, joignant au bon goût de ses compositions l’hygiène de ses produits, elle répand dans l’univers le beau renom de l’industrie française, même dans ses productions à bon marché.
- 5° Les dessins industriels. — Nous avons si longuement développé en tête de la cinquième catégorie de notre travail le sentiment exprimé par notre Jury en suite de l’examen si minutieux qu’il a fait des compositions exposées par nos artistes dessinateurs industriels, qu’il ne nous reste plus qu’à résumer ici nos impressions.
- Nous avons une conviction absolue de l’action prépondérante que doit exercer sur le goût du public la création des modèles qui concourent à l’ornementation de nos demeures. Nous sommes si fermement assuré que le succès de nos productions ultérieures en étoffes d’ameublement sera dû à l’habileté avec laquelle les dessinateurs industriels auront su attacher à leurs créations un cachet nouveau d’une élégance raffinée dans ses formes, tout en restant fidèles au bon goût dont toute production de l’art appliqué ne doit jamais se départir, que nous ne saurions trop engager nos artistes à se livrer avec ardeur à cette recherche de nouveautés. Leurs compositions seront suivies avec le plus vif intérêt par nos producteurs industriels, car c’est, à notre avis, de la collaboration la plus intime du dessinateur et du producteur que pourront surgir, exécutées en tissus, les plus attrayantes nouveautés.
- S’ils restent d’accord avec ce principe, que tout objet d’art mobilier doit être conçu d’abord en vue de son usage particulier, la forme pour l’usage et la décoration pour la forme, des créations nouvelles naîtront claires et précises, indiquant nettement (et le style en cela n’est nullement indispensable) la destination en vue de laquelle (salon, chambre à coucher, boudoir, salle à manger, etc.) ces compositions auront été produites.
- Notre époque a soif d’une production d’art ornemental qui réponde aux idées générales, aux exigences de la vie moderne; nous avons vu par la monotonie que nous avons signalée de la majeure partie des vitrines de nos exposants qu’il est temps de rompre avec les pastiches sans cesse renouvelés des styles anciens, si nous voulons continuer à imposer aux autres nations nos productions nationales. Il faut pour cela que nos artistes dessinateurs s’inspirent du goût qui n’appartient en propre qu’à l’élite des sociétés et qui n’est suivi par la foule qu’une fois qu’il est adopté et classé. Et nous n’entendons pas confondre ici ces deux choses si différentes^entre elles : la mode et [le goût.
- La mode, d’essence si variable, est toute de convention : déraisonnable, souvent, elle nous apparaît ridicule dès quelle a cessé d’être; chacun la connaît, la copie ou la suit.
- Le goût, au contraire, est tout ce qu’il y a de plus difficile à noter. C’est d’un courant d’opinion qui marque l’esprit d’une société que résulte le goût du public. En par-
- p.439 - vue 443/484
-
-
-
- 440
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- fait accord avec la manière de penser et cTagir d’une époque, il est le reflet des besoins, des aspirations, des émotions d’un peuple, et rend avec la plus parfaite exactitude, avec la logique la plus absolue, l’image d’une période d’histoire.
- Il faut, pour saisir les caractères du goût public, beaucoup de discernement, et c’est parce que les artistes seuls ont le génie de les fixer que nous envisageons l’avenir sans crainte.
- L’art, comme toutes choses, est soumis à des lois de marche en avant, marche plus ou moins accentuée à certains moments, mais qui ne saurait s’arrêter, car l’immobilité n’existe pas. Les nations étrangères nous ont prouvé que dans cette marche en avant leurs artistes sont engoués d’un modernisme dont ils sont encore à chercher les lignes (mal définies en général dans les dessins et les produits qu’ils nous ont présentés). Quant à nous, trop de compositions nous ont prouvé, au cours de nos examens, que le goût ne fait pas défaut à nos artistes dessinateurs industriels, pour que nous n’ayons pas la ferme assurance de les voir se tenir en avant-garde à la tête du mouvement universel des peuples en quête de cet art ornemental nouveau. Le résultat de leurs efforts sera d’autant plus apprécié que leurs débuts auront été plus pénibles.
- OUTILLAGE.
- Sans entrer dans le détail des perfectionnements apportés depuis 1889 aux procédés de fabrication du tapis et de l’ameublement, nous croyons intéressant toutefois de signaler en plus des métiers mécaniques pour velours, fabriquant deux pièces à la fois, en 1 m. 3o de largeur, ceux brevetés pour la fabrication en même largeur de soieries à double pièce, ainsi que l’ingénieuse adaptation aux métiers mécaniques de 4, 5 et 6 machines Jacquard pour la production des panneaux décoratifs en tapisserie à far-dages (fait sans précédent dans nos annales du tissage).
- Un procédé nouveau de mise en carte, à l’aide de la photographie, est également à mentionner, bien que son inventeur se soit trouvé, par des raisons spéciales, empêché d’en donner la vue et d’en montrer le fonctionnement en cette Exposition.
- Ce procédé, dû au génie inventif de M. Jan Szczepanik, deVienne (Autriche), fonctionne depuis plusieurs années déjà en Autriche, où, paraît-il, il rend de signalés services aux industriels qui utilisent la jacquard.
- Durant Tannée 1899, M. J. Szczepanik vint à Paris, et, dans un local situé rue du Faubourg-Poissonnière, ayant installé des appareils de démonstration, il convoqua, en maintes séances, les producteurs dont l’industrie était intéressée par son innovation, et, en des conférences des plus attrayantes, leur fit, au moyen de photographies expérimentales, toucher du doigt la solution du problème si curieux de la production photographique en mise en carte directe d’un dessin quelconque, faite sous leurs yeux, en l’espace de quelques minutes, alors qu’un travail similaire, fait à la main parles procédés usuels, eût exigé un laps de temps des plus considérables.
- A cette époque, il a paru à nombre d’industriels à qui ces procédés furent démontrés
- p.440 - vue 444/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- 441
- qu’en pratique ils étaient applicables surtout aux dessins destinés aux étoffes damassées, n’utilisant les ressources que d’une chaîne et d’une trame, tels, par exemple, que le linge de table, les toiles damassées pour couverture de matelas, etc.
- Quant à leur application aux articles plus complexes de nos industries d’ameublement, elle a paru à ces industriels non entièrement résolue, encore un peu problématique, malgré les assertions contraires de l’inventeur qui, tenant à fournir, en France, la preuve de ce qu’il a avancé, est actuellement en train de fonder, à Roubaix (Nord), un atelier où, non seulement ce genre d’encartage photographique sera mis en pratique, mai^ où, encore, se feront, au moyen de nouveaux procédés du même inventeur, la lecture et le perçage des cartons, à l’aide de systèmes électriques d’un perfectionnement inouï.
- Gomme ces innovations, s’il peut être prouvé quelles soient pratiques, seront sûrement adoptées par maint industriel en raison de l’économie considérable quelles feraient réaliser à ceux qui, les premiers, en feraient l’application, nous croyons utile, à l’aube du xxesiècle, de signaler l’apparition de ces procédés, comme un avant-coureur des surprises et des curieuses applications que nous réserve encore la science appliquée à l’industrie.
- Pour compléter cet aperçu, nous dirons qu’il y a quatre ans déjà un système d’encartage photographique basé sur des procédés analogues et dû à un capitaine du génie, M. Gutton, gendre d’un industriel vosgien, nous avait été présenté, mais n’avait pu, n’étant pas encore assez complet, être appliqué à nos industries de l’ameublement et du tapis. Nous donnons, toutefois, ce renseignement à titre documentaire, afin de prouver qu’un Français avait, comme M. Szczepanik, la notion de l’idée dont ce dernier inventeur paraît avoir trouvé la mise en pratique. Attendons et nous verrons ce que l’avenir lui réserve.
- ENSEIGNEMENT PRATIQUE DU DESSIN
- EN VUE DE SA DESTINATION.
- Et maintenant que nous avons résumé le travail et les impressions de notre Jury d’examen, il n’est pas sans intérêt de rappeler qu’à la veille de l’ouverture de notre Exposition certains pessimistes, prêchant la décadence de nos industries de l’art décoratif, nous voyaient déjà non seulement distancés par des nations voisines, mais littéralement écrasés sous le poids de la concurrence étrangère.
- Ce n’est pas sans une légitime fierté qu’après le travail consciencieux auquel nous nous sommes livré, nous pouvons répondre à ces pessimistes et affirmer à tous que l’Exposition de Paris en 1900 a démontré, une fois encore, la supériorité de nos produits (tant en étoffes d’ameublement qu’en tapis) sur ceux de nos concurrents du monde entier.
- Si, dans l’ensemble des produits exposés, nous avons reproché à nos industriels la trop" fréquente reproduction de modèles anciens, dont nous apprécions le charme lors-
- p.441 - vue 445/484
-
-
-
- M2 EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- qu’ils sont traduits en styles les plus purs et les plus nettement définis; si nous les avons engagés à réagir avec énergie contre cette tendance au pastiche incessant de motifs dont le public est momentanément lassé, c’est qu’à notre avis nous devons, pour certaines de nos productions, renoncer aux formules surannées, aux copies serviles.
- Il faut qu’épris d’un idéal plus conforme aux besoins, aux exigences de la vie moderne, nous provoquions dans nos industries décoratives un vigoureux élan vers ce nouvel idéal.
- . Nous devons demander à nos artistes dessinateurs, non pas des compositions où l’esprit imaginatif enfante de ces formes hybrides qui sont du plus mauvais goût, mais les engage)1 à puiser dans la nature, cette source féconde et intarissable, des inspirations où le génie français, si souple et si varié, pourra se donner libre carrière. Ils produiront ainsi des œuvres que nous jalouseront les nations concurrentes et qui, par le charme et le cachet d’élégance dont elles seront empreintes, nous permettront de les imposer au monde, séduit par les merveilles de nos créations nouvelles.
- Pour atteindre ce but tant souhaité, il est de toute nécessité que, dans les écoles de dessin ou d’art industriel ou l’on enseigne le dessin, les élèves ne soient pas seulement nourris de l’histoire de l’art, de l’histoire des styles. L’on nous dira : «Mais ces jeunes gens ont aussi des notions de technologie ! v Oh ! le joli bagage de dessinateur que donnent à ces élèves des notions d’histoire et la description de procédés industriels, dont, en sortant des écoles, ils ne sauraient faire aucune application !
- Puisque nous traitons ce sujet, si palpitant d’intérêt pour nos industries décoratives, qu’il nous soit permis d’émettre un vœu : celui de joindre à l’enseignement du dessin, dans nos écoles d’art industriel, l’enseignement pratique en vue de la destination du dessin que l’élève aura à composer.
- Au lieu, par exemple, de composer un dessin selon les règles de l’art le plus pur au point de vue du style, sans s’occuper de la branche d’industrie à laquelle son dessin s’adresse, nous voudrions que l’élève à qui cette composition est demandée trouvât près de lui un homme dont les connaissances techniques lui permissent de le guider en lui disant :
- «En vue du tisssu d’ameublement à la jacquard, vous disposez de telle hauteur et de telle largeur, il faut donc que votre rapport se trouve établi de façon à se répéter tant de fois sur la largeur demandée ; les ressources ou éléments dont vous disposez sont de tant de chaînes et de tant de trames, etc. »
- De même pour les dessins à composer en vue du tapis ou de l’impression, etc. Ainsi façonné, l’élève, au sortir de l’école, pourrait trouver aisément à se placer. Que de fois, dans nos industries, aurions-nous un poste tout indiqué pour des jeunes gens ainsi formés au dessin pratiqué en vue de son application industrielle ! Et cette idée que nous émettons, nous savons combien elle serait approuvée par ce savant, cet érudit membre du Conseil supérieur de l’enseignement technique, M. Marius Vachon, qni. chargé par le Gouvernement de missions officielles, d’enquêtes sur les industries d’art,
- p.442 - vue 446/484
-
-
-
- TAPIS, TAPISSERIES ET AUTRES TISSUS D’AMEUBLEMENT.
- m
- en franco et à l’étranger, nous fit pari, de ses regrets de voir que renseignement du dessin, en France, ne fût pas, en général, inculqué de façon plus pratique.
- Si nous insistons si longuement sur cette question de l’enseignement du dessin, c’est qu’ayant vu, au cours de nos visites aux sections étrangères, combien toutes ces contrées qui nous guettent ont, depuis ces dix années dernières, fondé d’écoles où le dessin est enseigné en vue de sa destination à l’usage, nous avons à cœur de ne pas nous laisser distancer, mais, au contraire, de former,pour la génération qui nous suit, des artistes et des collaborateurs qui, jaloux des travaux de leurs devanciers, s’ingénient à les surpasser.
- Possédant alors tous les éléments d’instruction nécessaires, ces jeunes et vaillants artistes marcheront tête haute dans la voie du progrès si largement ouverte. Grâce à eux rajeunies, nos belles industries nationales de l’ameublement et du tapis continueront à répandre à travers le monde, dans une auréole de gloire et de prospérité, le beau renom de nos fabrications françaises.
- Ferdinand UEBORG1NE.
- Après avoir pris connaissance du rapport de M. Ferdinand Leborgne, le président du Jury international des récompenses de la Classe 70 considère comme un devoir de lui adresser, en son nom et au nom de tous ses collègues, les félicitations les plus vives pour le travail si intéressant et si complet qu’il a su mener à bien.
- Il tient également à associer à ces félicitations M. Emile Prouvai, le fidèle collaborateur technique de M. Ferdinand Leborgne, pour le concours aussi dévoué que compétent qu’il a donne au rapporteur de la Classe 70.
- Ch. LEGRAND.
- p.443 - vue 447/484
-
-
-
- p.444 - vue 448/484
-
-
-
- CLASSE 71
- Décoration mobile et ouvrages de tapissier Décoration extérieure de la rue
- RAPPORT DP JURY INTERNATIONAL
- PAR
- M. CIL JEANSELME
- TA P1 SSIE H DK CO RATE U R
- Gu. XII. — Cl. 71.
- o ()
- niElUE NATIONALE.
- p.445 - vue 449/484
-
-
-
- p.446 - vue 450/484
-
-
-
- COMPOSITION DU JURY.
- BUREAU.
- MM. Jourdain (Frantz), Président, architecte, critique d’art (président des comités, Paris 1900).............................................................................
- Gallego de Rivadulla (Angel), Vice-Président.......................................
- Jeanselme (Charles), Rapporteur, tapissier décorateur (médaille d’or, Paris 1889; vice-président des comités, Paris 1900)...........................................
- Rémon (Pierre-Henri), Secrétaire, tapissier décorateur [ancienne maison Poirier et Rémon] (secrétaire des comités, Paris 1900)....................................
- JURÉS TITULAIRES FRANÇAIS.
- MM. Béguet (Léon), président de la Chambre syndicale de la miroiterie (comité, Paris
- i900)..................................................................................
- Chausson (Louis), doreur, secrétaire de la commission de la Chambre consultative des associations ouvrières de production de France...............................
- Natanson (Alexandre), publiciste (rapporteur des comités, Paris 1900)............
- Tardif (Alfred), président d’honneur de la Chambre syndicale des doreurs ornemanistes (médaille d’or, Paris 1889; comités, Paris 1900)........................
- JURÉS TITULAIRES ÉTRANGERS.
- MM. Mutiiesius, architecte diplômé attaché à l’ambassade d’Allemagne............
- Niwa (Keisuké), administrateur de l’Union centrale des exposants japonais Belloir (Paul), tapissier décorateur (comité d’admission, Paris 1900). . .
- JURÉ SUPPLÉANT FRANÇAIS.
- France.
- Espagne,
- France.
- France.
- France.
- France.
- France.
- France.
- Allemagne.
- Japon.
- Maroc.
- M. Roche (Pierre), sculpteur (comités, Paris 1900)
- France.
- p.447 - vue 451/484
-
-
-
- p.448 - vue 452/484
-
-
-
- DÉCORATION MOBILE ET OUVRAGES DE TAPISSIER. DÉCORATION EXTÉRIEURE DE LA RUE.
- Depuis l’Exposilion rie i 878, ou la maison Penon exposait avec succès une chambre dans laquelle les flots de peluche et de soie employés en rideaux et tentures ne laissaient place à aucune autre matière de décoration, et meme depuis l’Exposition de 1889 où les maisons emportant les grandes récompenses dans la Classe de la Tapisserie, présentaient déjà des expositions dans lesquelles les panneaux de boiseries venaient s’allier aux tentures pour obtenir un effet décoratif, l’art du tapissier décorateur a subi une transformation complète.
- 11 ne s’agit plus, pour l’homme du métier, de décorer une habitation en y entassant des tapis, des tentures et des rideaux, en l’enveloppant d’un bout à l’autre de tissus que les soins modernes de la propreté et de l’hygiène repoussent avec raison. L’épocpie où le tapissier tendait d’étoffes en forme de soleil les plafonds des chambres à coucher et des cabinets de toilette est heureusement passée et a fait place à une mode nouvelle où l’art est définitivement entré dans la décoration des appartements par l’emploi de matières nobles, par une recherche méticuleuse et une application exacte des styles anciens, enfin, par des essais, souvent heureux, de style moderne.
- Nous n’irons pas jusqu’à dire que les tissus ont disparu de la décoration intérieure, mais ils n’y ont plus gardé qu’une place limitée et ne sont plus employés qu’en vue d’applications utiles, c’est-à-dire pour intercepter l’air ou atténuer la lumière.
- Aussi bien verrons-nous, en examinant les expositions particulières, telle grande maison de tapisserie dont l’exposition, remarquée d’ailleurs, ne comprend ni tentures ni décors d’étoffe. Le bois, le marbre, la pierre, la céramique, le bronze, le staff meme, sont devenus les matériaux courants du tapissier décorateur qui, dans l’installation d’un appartement, ordonnera aussi bien un parquet de mosaïque qu’un plafond à caissons où le bois s’alliera aux faïences polychromes.
- C’est donc, comme nous le disions plus haut, la transformation complète d’une industrie qui nécessitera à l’avenir et pour les expositions futures un classement nouveau et plus approprié à la manière d’être et d’agir de cette industrie.
- Que voyons-nous, en effet, dans la Classe 71, dite des tapissiers décorateurs?
- Sur io3 exposants admis en France, il y a tout juste 7 tapissiers décorateurs, et le reste des exposants se compose de magasins de nouveautés, de marchands de meubles, de miroitiers encadreurs, de fabricants de literie et de dessinateurs industriels.
- p.449 - vue 453/484
-
-
-
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- 650
- Même résultat pour les maisons étrangères qui n’ont guère présenté au Jury international que des objets intéressant la miroiterie ou la literie.
- L’Allemagne et la Hongrie ont seules offert aux délibérations du Jury des expositions intéressant l’art du tapissier décorateur.
- Presque partout, au cours de son examen, le Jury de la Classe 71 s’est rencontré avec les Jurys des Classes 66 et 69. Maintes fois, dans les sections étrangères, on a présenté à son examen des produits intéressant la Classe 70. Lors de la révision du Jury de groupe, il y a eu plus de vingt récompenses décernées en même temps par les Comités 66 et 71, aux mêmes exposants, pour les mêmes produits.
- Ceci vient uniquement de ce que nous disions plus haut, que l’art du tapissier décorateur, du fait des matériaux qu’il emploie, se confond avec la décoration fixe et le travail du menuisier d’art et de l’ébéniste.
- D’autre part, la diversité des produits énumérés à la classification générale et soumis à l’examen du Jury de la Classe 71 était si grande, qu’à maintes reprises le Jury, composé cependant d’hommes du métier ou de critiques d’art et d’artistes, s’est trouvé embarrassé pour rendre un jugement équitable.
- On lui a soumis, non seulement les tentures, sièges, décors de portières et autres travaux de tapisserie qui étaient bien de son ressort, mais encore des statues et modèles en plâtre pour service religieux, des lits en fer et en cuivre, des cadres de glace en métal, et même des carreaux en papier imitant les faïences décoratives.
- Nous croyons que les lits auraient été examinés avec plus de compétence à la Classe 66, et les carreaux de papier aggloméré à la Classe 68.
- Nous savons bien que ces produits nous étaient présentés surtout au titre décoratif, mais il n’en est pas moins vrai qu’un objet présenté sous une forme agréable peut obtenir d’un jury de décorateurs une récompense que sa fabrication défectueuse ou impropre au service lui ferait refuser par le jury de sa spécialité.
- Pour en terminer, nous dirons, en toute franchise, qu’à l’avenir la Classe des tapissiers décorateurs pourrait se fondre dans les Classes 66 ou 69 et qu’il serait désirable qu’il soit fait une plus juste application de la classification générale dans la répartition des produits soumis au Jury.
- II
- Ce qui distingue l’Exposition universelle de 1900 delà dernière Exposition de 1889 dans l’art de la décoration des appartements ,- c’est la tentative, d’ailleurs plus marquée à l’étranger qu’en France, d’introduire un art moderne dans cette décoration. Nous avons bien vu, comme en 1889, les copies de meubles anciens envahir les salons d’exposition. Ces copies, si bien exécutées quelles aient été, n’ont pas eu, nous semble-t-il, la faveur du public qui s’est résolument porté vers les essais d’art moderne dont le nombre était véritablement trop restreint dans la section française.
- C’est qu’il faut un certain courage à un industriel pour exposer des sommes, souvent
- p.450 - vue 454/484
-
-
-
- 451
- DÉCORATION MOBILE ET OUVRAGES DE TAPISSIER.
- considérables, dans un genre absolument inédit et dont on ne peut aucunement prévoir l’effet sur l’esprit et le goût du public. Il est bien plus simple de piocher dans les documents classiques, les ouvrages d’art, si nombreux aujourd’hui, et les photographies de nos châteaux historiques, pour mettre sur pied un ensemble Louis XV ou Louis XVI. Il y a certainement une marque de goût et de talent dans le choix et l’exécution d’une pièce de style, mais c’est infiniment plus commode que de créer un genre, faire des modèles et, au bout du compte, risquer de soulever de nombreuses critiques et même de se tromper lourdement.
- Nous signalerons donc comme devant être appréciées et encouragées les expositions consacrées soit entièrement, soit en partie, à l’art moderne, présentées dans la section française parles maisons P.-H. Rémon, Ch. Jeanselme, Jansen, Villain et Cie, Cognacq et C‘° et Boutard.
- Dans la section allemande et dans la section austro-hongroise, ces expositions consacrées à l’art moderne, forment la presque totalité des produits qui ont été soumis à l’examen du Jury. C’est dire l’importance que deux grandes nations attachent à cette évolution de Part dans la décoration des appartements.
- Le Jury n’a constaté chez aucune autre nation cette tentative de rénovation, car il s’est refusé à voir dans le soi-disant modem style, présenté par les exposants anglais, autre chose que des copies déguisées de T Adams ou du Chippendale du commencement du xixc siècle.
- La Russie, l’Italie, l’Espagne, ont été pour la Classe 71, d’une pauvreté regrettable.
- Quant au Japon, toujours varié et brillant dans ses compositions et d’une surprenante minutie dans l’exécution de ses tapisseries et tentures, il est resté résolument japonais, ce dont le Jury ne peut lui faire de reproches après les visites si attachantes et d’un si puissant intérêt qu’il a faites dans la section japonaise.
- p.451 - vue 455/484
-
-
-
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- h 52
- FRANCE.
- HORS CONCOURS.
- AI. Ch. Jeanselme, membre du Jury de la Classe 71, a présenté plusieurs pièces décoratives indiquant les différents genres de sa fabrication et la variété de ses moyens d’action.
- C’est d’abord une reproduction du cadre de glace ornant la descente des iros classes du paquebot de la Compagnie générale Transatlantique la Lorraine. Ce cadre, qui mesure 5 m. 5o de haut, largement traité et d’un puissant effet décoratif avec ses cariatides de bronze, grandeur naturelle, est là pour donner une idée de ce que le décorateur peut faire dans les paquebots modernes.
- Puis, un bureau ministre, de style Empire, tiré de la collection de dessins ayant appartenu à la maison Jacob.
- Ce meuble, en amboine et bronzes dorés au mercure, est d’une exécution remarquable et, malgré ses dimensions, de proportions absolument justes. C’est une véritable pièce de musée.
- La maison Jeanselme a revêtu le mur du fond d’une partie de lambris exécuté en acajou ciré à deux tons, dans un style qui constitue une recherche d’art moderne et dans lequel les panneaux d’étoffe brodés de fleurs stylisées et un vitrail en marqueterie de verre viennent jeter une note harmonieuse et gaie.
- L’exposition de la maison Jeanselme est complétée par différents sièges Empire, d’une grande pureté de style, et dont les croquis proviennent de la même origine que le bureau.
- AI. P.-H. Rémon, membre du Jury de la Classe 71, présente deux pièces très différentes d’aspect et très complètes clans leurs détails.
- Soucieuse de prouver sa connaissance des styles anciens et classiques, la maison P.-H.-Rémon nous montre d’abord un salon cabinet de travail pour homme, avec boiseries chêne et or de la fin du xvn° siècle, inspirées de beaux documents du château de Bercy, ensemble harmonieux et élégant qui, sans être une copie exacte, est d’une grande pureté de style.
- La cheminée, en marbre fleur de pêcher, est ornée de bronzes ciselés et dorés au mercure, le trumeau avec glace basse contient un arrangement du beau portrait de Desportes dont on retrouve deux dessus de porte avec chiens et gibier.
- Parmi les belles pièces du mobilier : un grand bureau avec bronzes et une bibliothèque basse avec portes grillagées et panneau en laque de Coromandel au centre, de beaux fauteuils en tapisseries montées sur bois dorés; comme tout le reste, ces tapisseries ne sont point des copies serviles, mais les cartons ont été dessinés et peints spécia-
- p.452 - vue 456/484
-
-
-
- DÉCORATION MOBILE ET OUVRAGES DE TAPISSIER. A53
- lement pour la maison; un très riche paravent en Rois doré, avec velours de Gênes, dit Jardinière.
- Comme à l’époque, le sol est revêtu d’un beau parquet en chêne ciré avec incrustation d’ébène faisant ressortir un tapis d’Orient aux tons chauds et harmonieux.
- Tout autre est la deuxième pièce, plus petite, décorée et meublée comme un vestibule, suivant le goût moderne. Ici, la boiserie des murs est en acajou et péroba cirés, le ton chaud du premier faisant ressortir la couleur dorée du second.
- Au-dessus de ce lambris, une frise peinte sur toile en tons camaïeux bleu verdâtre, déroule autour de la pièce un sous-bois aux ormes et platanes printaniers.
- Dans la face du fond, est inscrit un tympan en vitrail, tandis qu’au-dessus de la baie donnant accès à la grande pièce, une large imposte en métal martelé supporte une tringle avec amorce de portières.
- Le sol recouvert d’une mosaïque avec bordure de roses héraldiques et semé de trèfles, est d’une jolie recherche comme les poignées en métal fondu des petites portes du fond.
- Le mobilier, se composant d’un grand banc placé dans la niche du fond, d’une table, d’un fauteuil et d’un porte-cannes et parapluies, révèle la même recherche sobre et la volonté du nouveau sans atteindre l’excentricité.
- Il est à remarquer que dans cette pièce sont réunies des recherches dans l’art du bois, du métal, du verre, de la peinture décorative et de la mosaïque.
- La totalité des dessins, maquettes et cartons pour l’ensemble de ces deux pièces, a été exécutée sous la direction personnelle de AL P.-H. Rémon, dans les ateliers de décoration de son frère, AL Georges Rémon, son principal collaborateur.
- AL Dufayel, membre du Jury delà Classe 110, présente une exposition importante dans son ensemble et composée de trois pièces :
- Une salle à manger Henri II, en noyer ciré, d’une exécution honnête, mais peut-être trop chargée de sculpture;
- Un salon Louis XV, en bois doré, recouvert de tapisseries d’Aubusson; au nombre des pièces décoratives figure un régulateur intéressant par son exécution ;
- Une chambre à coucher Louis XVI, en bois peint, avec les rideaux et tentures en étoffes roses et vertes. On peut reprocher à toute cette tapisserie d’être un peu trop chiffonnée, mais on ne saurait nier que cette chambre est pimpante et gaie.
- L’ensemble de l’exposition de M. Dufayel représente bien l’intérieur rêvé par le bourgeois arrivé.
- Les magasins du Bon AIarcué, dont un des directeurs est membre du Jury de la Classe 8A, présentent un salon Louis XVI, en bois doré, dont les meubles sont bien exécutés mais lourds, très lourds d’aspect. Les bois des fauteuils sont trop épais.
- Quant au petit salon style moderne, blanc et bleu, que nous montre le Bon Marché, nous espérons que ce n’est qu’un pas marqué dans une voie que le Bon Marché étudiera avec plus de soin à l’avenir.
- L’Association des Ouvriers doreurs dont le directeur, M. Louis Chausson, était
- p.453 - vue 457/484
-
-
-
- 454
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- membre du Jury de la Classe 71, a présenté un lambris doré dont la main-d’œuvre est d’une exécution excessivement soignée et qui donne une idée du bon travail courant exécuté actuellement dans les appartements.
- Nous en dirons autant de M. Béguet, membre du Jury de la Classe 71, cpii nous montre dans son salon d’exposition les modèles courants dont sont ornés les appartements modernes.
- Il est presque regrettable que M. Tardif ait été membre du Jury dosa classe, car son exposition aurait mérité, par la finesse d’exécution et le choix des modèles présentés, une haute récompense. Tout y est étudié et d’une observation de style parfaite. Les dorures à l’ancienne donneraient le change aux plus fins connaisseurs. Il y a surtout un cadre de glace ajouré, surmonté d’un trumeau, d’une finesse remarquable ; une table console dont la dorure est une pure merveille d’exécution.
- Les dessins présentés par M. Frantz Jourdain, président du Jury de la Classe 71, et par M. Georges Rémon, membre du Jury de la Classe 69, complètent la liste des exposants hors concours pour la France.
- L’intérieur Renaissance de M. Frantz Jourdain, est exécuté avec toute la science que l’on connaît à l’architecte et le talent inconstesté de l’artiste.
- Les intérieurs modernes présentés par M. Georges Rémon nous donnent l’idée d’une décoration nouvelle qui est vraiment un style nouveau et donnent la mesure du savoir et du talent de l’artiste dans ce genre si difficile.
- GRAND PRIX.
- M. Jansen nous a présenté une exposition remarquable par la recherche et le fini de l’exécution de toutes les pièces qui la composent.
- L’effet décoratif qu’il a obtenu s’est accru par l’adjonction d’une verrière qui éclaire de tons harmonieux l’ensemble de la pièce.
- Le tout est d’un style moderne parfaitement étudié, délicat et entièrement homogène, et constitue véritablement un pas en avant très marqué dans cet art nouveau étudié depuis plusieurs années par tant d’artistes éclairés et consciencieux.
- La pièce exposée est une bibliothèque-cabinet de travail cl’un écrivain, et l’artiste, pour décorer ce lieu de recueillement et cl’étude, a pris pour thème de son ornementation : la forêt. Procédant d’une idée suivie, il applique ce genre de décor à toutes les parties de la pièce, qu’il s’agisse des meubles, de la muraille, du plafond ou des Vitraux.
- Cette décoration architecturale est une adaptation de la nature à l’ornementation de surfaces, de formes ou de parties de construction bien déterminées.
- Dans les pilastres de construction, la clématite se mêle au châtaignier pour accuser la retombée des arcs et arrive, pour former le plafond, à un enchevêtrement de branches et de feuillage par les trouées duquel on aperçoit un ciel crépusculaire. La grille en fer forgé, d’un travail très curieux, qui ferme l’entrée du petit escalier, est composée de grandes graminées d’une exécution aussi approchante que possible de la nature.
- p.454 - vue 458/484
-
-
-
- DÉCORATION MOBILE ET OUVRAGES DE TAPISSIER.
- 455
- Les parties décorées des murs, représentant le châtaignier, le hêtre, le sorbier et le pin, d’une note puissante et riche, complètent l’harmonie en établissant un lien entre le ton sobre des bois et les tons accusés des vitraux.
- Au fond, la cheminée en pierre simule une hutte de bûcheron; deux cariatides, deux types d’homme de travail et d’endurance, en supportent le manteau, tandis que dans le tympan se détache un délicieux bas-relief qui symbolise la Beauté de la forêt.
- La plaque qui décore la cheminée, le landier et la marche en marbre de Languedoc encadrant une mosaïque, procèdent de la même idée et apportent leur note dans la décoration générale.
- Le bureau et la bibliothèque en lambris qui meublent la pièce, suivent dans leur composition l’idée générale; leur exécution est parfaite. Ces meubles sont en courbaril, poirier et marqueterie, ornés de bronzes finement modelés dans lesquels nous reconnaissons le chèvrefeuille, la clématite et l’angélique.
- Les étoffes employées et le tapis qui recouvre un parquet de marqueterie, sont d’un ton très doux ou plutôt d’une absence voulue de couleurs qui contribue à fondre l’ensemble dans une harmonie générale.
- Cet ensemble très étudié et très réussi a obtenu la plus grande récompense que le Jury pouvait décerner : le grand prix.
- MÉDAILLES D’OR.
- Parmi les exposants qui ont osé aborder le style moderne, et nous pouvons dire parmi ceux qui ont réussi, nous citerons MM. Villain et C,e. (Maison du Petit Saint-Thomas.) Leur exposition n’a ni l’importance ni la hardiesse de celle de M. Jansen, mais aussi elle s’adresse à une clientèle plus modeste. La chambre à coucher de style moderne, en citronnier, présente des dispositions gracieuses et nouvelles; elle est élégante par sa simplicité et d’une tonalité générale douce et agréable. La médaille d’or que MM. Villain et Cie ont obtenue est une juste récompense de cet effort.
- M. Nelson a également obtenu une médaille d’or. Son exposition comportant un emplacement très important est divisée en deux parties :
- Une bibliothèque Régence, en chêne sculpté, dont les proportions et l’ornementation sont très heureuses. Tous les meubles présentés sont étudiés avec soin, entre autres un bureau en bois de violette et bronzes, d’un effet puissant.
- Un petit salon Louis XVI, en bois sculpté peint, exécuté pour le duc de Marlbo-rough, est attenant à la bibliothèque. Les panneaux sont d’une finesse d’exécution remarquable. Tout y est harmonieux et délicat. Un bureau genre ancien, en satiné, avec son cartonnier, meuble le salon.
- On reconnaît, par l’ensemble de ces deux pièces, le talent du décorateur qui a présidé à leur installation. M. Nelson est un artiste consommé qui possède ses styles à merveille, mais nous espérons qu’un homme de sa valeur ne restera pas confiné dans les styles anciens, et nous sommes assuré de son succès lorsqu’il viendra apporter sa
- p.455 - vue 459/484
-
-
-
- 456
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- part contributive de goût et d’idées dans la définition et l’orientation du style moderne.
- Une médaille d’or a été attribuée à M. E. Constant, pour son exposition de couvrc-
- VI. Constant a pleinement réussi à introduire l’élégance artistique dans un objet mobilier qui, jusqu’à présent, n’avait pas fait l’objet de recherches et qui ne s’y prête généralement pas. Les modèles très soignés, d’une exécution parfaite, présentés par M. Constant, sont tous élégants tout en restant confortables, et c’est, avec raison cpi’ils ont attiré l’attention du Jury et des visiteurs.
- Parmi les grandes maisons de miroiterie, les maisons Brot et Guenne et Gilquin ont obtenu des médailles d’or.
- VI. Brot présentait des cadres de différents styles pour miroiterie de batiment, d’une exécution parfaite, et ses modèles de cadres indiquent un progrès énorme dans l’introduction du style dans la décoration intérieure des appartements.
- Quant à MM. Guenne et Gilquin, ils ont su présenter une exposition des plus intéressantes en offrant aux regards des visiteurs une série de petites pièces dans lesquelles ils ont fait entrer leurs produits avec des dispositions admirablement choisies pour l’œil et la décoration. Dans l’un des petits salons Empire, on pouvait remarquer une glace avec joints à biseaux, d’une exécution irréprochable.
- M. YVandenberg a offert aux regards du Jury une partie de lambris Louis XIV en chêne sculpté. Les meubles sont bien étudiés dans leur recherche d’ancien, d’une exécution excessivement soignée et dorés à la perfection, car, à vrai dire, c’est dans ce dernier genre de travail que VI. Wandenberg excelle, et, en faisant de la décoration d’appartement, VI. Vandenberg est sorti de la spécialité dans laquelle il nous a appris à l’apprécier. Rien ne saurait être plus parfait, comme exécution et comme goût, que ses encadrements pour œuvres d’art et ses dorures anciennes. C’est un art délicat et charmant dans lequel VI. Wandenberg est passé maître.
- La médaille d’or ne pouvait être mieux donnée.
- Parmi les grandes maisons d’encadrements industriels, la maison Compain et Lévy (ancienne Société de baguettes) et la maison Rajispaciter ont obtenu des médailles d’or.
- La première de ces maisons a présenté au Jury des échantillons de baguettes décorées pour encadrements. Ses procédés de fabrication ont fait faire un progrès énorme à cette industrie qui était, il y a quelques années encore, entièrement accaparée par l’Allemagne.
- Aujourd’hui, la maison Compain et Lévy peut largement faire concurrence à nos rivaux de l’étranger.
- VL Ramspacher a exposé, de son côté, non seulement des modèles très intéressants, mais encore des parties de moulures indiquant les différentes phases de la fabrication et montrant avec quel soin les bois sont choisis, les coupes faites, et avec quelle régularité les pâtes sont déposées. C’est avec plaisir que le Jury a récompensé les efforts de ces deux maisons par une médaille d’or.
- p.456 - vue 460/484
-
-
-
- DÉCORATION MOBILE ET OUVRAGES DE TAPISSIER.
- 457
- M. Dupont, dont l’industrie confine à la philanthropie, a exposé un fauteuil et un lit mécaniques pour malades et blessés.
- La médaille d’or qu’il a obtenue est très méritée, car c’est un véritable service rendu à Tbumanité que de trouver les ingénieuses dispositions qui contribuent à alléger les souffrances des malades.
- Parmi les artistes qui étudient l’art moderne, M. Bonvallet attire l’attention. Ses panneaux décoratifs, ainsi que ses dessins pour plaques de serrures, sont très étudiés et d’une construction élégante. Un paravent à trois feuilles, de tons heureusement combinés, et des dessins d’art moderne complètent une exposition qui a valu à M. Bonvallet une médaille d’or.
- M. Thézard a obtenu une médaille d’or pour ses éditions de dessins industriels. Cette récompense ne pouvait être plus méritée, car la maison propage, par ses éditions, le goût de l’ameublement français à l’étranger, et elle a fait faire, par le soin qu’elle apporte dans ses travaux, un progrès énorme dans l’édition des dessins industriels.
- MÉDAILLES D’ARGENT.
- Parmi les maisons qui ont présenté des expositions d’art nouveau, l’effort tenté par M. Cognacq (magasins de la Samaritaine) est des plus louables, et si M. Cognacq n’a pas obtenu tout le succès auquel il était en droit de s’attendre, c’est que la hardiesse et la franchise de l’artiste qui a conçu et dirigé cette installation d’art moderne ont surpris l’œil du visiteur, peu accoutumé encore à ces tons nouveaux, à ces jeux de bois différents, à toute cette ornementation si éloignée des sentiers battus.
- Une chambre à coucher en marqueterie et hêtre teinté, une salle à manger dont les lambris et les meubles sont en frêne et acajou avec panneaux de marqueterie et application d’ornements en cuivre de dessins finement étudiés, des chaises garnies de cuir orné en pyrogravure, un salon en bois peint, aux étoffes bouton d’or et mauve, font un ensemble digne d’intérêt, non seulement par son exécution soignée, mais par la voie nouvelle qu’il s’efforce d’indiquer aux décorateurs de l’avenir et qui a valu à M. Cognacq une médaille d’argent.
- La Société anonyme du Louvre a exposé un salon en bois doré, de style Empire. Meubles et tentures ont été exécutés avec un soin méticuleux, les panneaux de soie brochée ont été spécialement tissés pour les emplacements, les bois des sièges sont finement sculptés et très bien dorés.
- Cependant on peut faire à l’ensemble de ce salon un reproche : c’est de n’être pas d’une pureté de style absolue en toutes ses parties; la table et les consoles sont cTun style Louis XVI trop accentué par rapport aux boiseries et à l’architrave qui sont du style Empire le plus pur.
- Quoi qu’il en soit, l’ensemble de cette exposition est riche et d’un aspect agréable, ce qui a valu à la Société anonyme du Louvre une médaille d’argent.
- Avec M. Boutard, nous trouvons encore un essai de style moderne. La chambre à
- p.457 - vue 461/484
-
-
-
- 458
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- coucher qu’il expose comporte des lambris en marqueterie, encadrés d’un décor de rideaux en velours ciselé orange et crème. C’est assurément un effort sérieux que M. Boutard a fait et qu’une médaille d’argent est venue récompenser.
- Le salon que M. Forest nous montre est meublé de pièces variées toutes conçues dans les styles anciens. Parmi tous ces meubles, d’une exécution irréprochable, on remarque une table de salon en bois naturel pour être doré, dont le travail de sculpture est un véritable chef-d’œuvre et qui a valu à M. Forest une médaille d’argent.
- M. Bove (Léon) a présenté des couvre-lits et coussins brodés dans l’exécution desquels il s’est appliqué à rechercher le style. Il a surtout réussi dans le choix des tons employés qui donnent à ses articles un caractère d’élégance et de bon goût qui lui ont valu une médaille d’argent.
- MM. Javey et C'° ont introduit la fleur artificielle dans la décoration des appartements. Les efforts que cette maison a faits sont couronnés d’un plein succès et ont été récompensés d’une médaille d’argent. Le petit salon de treillage présenté, avec ses grappes de glycine et d’acacia fleuri, ses iris renfermant des ampoules électriques, est d’un effet très gracieux. Ce genre de décoration trouvera certainement son application dans les jardins d’hiver des grandes demeures parisiennes.
- Parmi les encadreurs d’art qui ont obtenu des médailles d’argent, nous trouvons :
- M. Vigneron qui a présenté des cadres, consoles et appliques finement sculptés et dorés. M. Vigneron s’attache surtout à la belle exécution et au fini de ses produits.
- M. Charpentier, dont l’exposition de meubles dorés, consoles et appliques est intéressante. Nous remarquons dans cette exposition un cadre Louis XV pour un éventail ancien, pour lequel M. Charpentier a apporté un grand soin dans l’exécution et l’observation de style.
- La maison Moreau et Cic, qui occupe une place importante dans l’industrie de l’encadrement, a obtenu une médaille d’argent. Les baguettes d’encadrement présentées par cette maison sont bien exécutées. Cependant on désirerait voir une maison de cette importance rechercher des modèles nouveaux et s’en tenir moins aux modèles connus. Quoi qu’il en soit, les articles que MM. Moreau et C“ ont exposés indiquent avec quel soin est menée leur fabrication.
- Les cadres en style nouveau que M. Morenvillier a montrés au Jury sont d’une recherche heureuse et harmonieusement appropriés à l’œuvre qu’ils encadrent. A côté de l’exécution très soignée, on trouve qu’un sentiment artistique incontestable a présidé à leur composition, et une médaille d’argent a été la récompense méritée de M. Morenvillier.
- Tout autres sont les cadres présentés par M. Laluyaux qui a reçu également une médaille d’argent.
- Ce n’est plus le style nouveau, mais l’art italien que M. Laluyaux recherche pour la composition de ses encadrements. Ses cadres d’ébénisterie, en poirier noirci, sont d’un travail très consciencieux et d’une exécution parfaite.
- p.458 - vue 462/484
-
-
-
- DÉCORATION MOBILE ET OUVRAGES DE TAPISSIER.
- 459
- L’exposition de M. Bay est intéressante par la diversité des modèles qu’il présente. Sa petite miroiterie de fantaisie se compose de miroirs à trois et quatre faces, de miroirs sur pieds, simples ou doubles, d’un système ingénieux, qui lui ont valu une médaille d’argent.
- La vitrine dans laquelle M. Glraüd a installé ses produits est des plus intéressantes. On y voit tous les genres de patine, depuis le vert antique jusqu’au frotté d’or moderne. Les dorures anciennes pour cadres et le bronze japonais y sont traités de main de maître, et c’est avec raison que le Jury a accordé à M. Giraud une médaille d’argent pour ses patines artistiques.
- Parmi les industriels qui viennent apporter leur part dans le travail du tapissier décorateur, nous trouvons M. Doumaux qui a reçu une médaille d’argent pour les modèles intéressants de tringles et de clous à tapis qu’il a présentés. M. Doumaux a trouvé un système pour éviter le percement des marches en marbre, d’une ingénieuse application et qui mérite d’être connu.
- M. P. Lkvy reçoit également une médaille d’argent pour ses sommiers métalliques, propres, faciles à tendre, qui doivent trouver leur emploi dans toutes les maisons soucieuses de l’hygiène et de la propreté.
- Nous trouvons, jusque dans nos colonies, des ateliers de décorateurs, et la chambre présentée par l’école professionnelle de Tananarive, qui se compose d’un lit, de sièges garnis et de tentures diverses, mérite un examen sérieux. Sans être d’une exécution irréprochable, cette chambre est d’une composition étudiée qui cherche à s’affranchir des styles européens pour se rapprocher de l’ornementation indigène.
- Cet effort a paru mériter une médaille d’argent.
- Parmi les dessinateurs industriels qui ont obtenu des médailles d’argent, nous trouvons Mlle de la Blanchetée et M. Tournayre dont les dessins industriels, soit en art nouveau, soit en styles anciens, indiquent des artistes consciencieux et érudits.
- M. Bertrand-Taillet s’adonne spécialement à l’art nouveau, et ses projets de porte monumentale sont d’un artiste qui possède au plus haut point le sens décoratif.
- M. Bertrand-Taillet a obtenu une médaille d’argent.
- Mme veuve Maincent, qui dirige une maison connue par ses éditions de dessins industriels se rapportant à l’ameublement, a présenté au Jury des dessins d’une facture nette et facile à suivre pour l’exécution.
- Mrac veuve Maincent a obtenu une médaille d’argent.
- MÉDAILLES DE BRONZE.
- Parmi les tapissiers décorateurs qui ont obtenu une médaille de bronze, nous voyons d’abord une jeune maison qui, pour ses débuts, présente une exposition intéressante.
- La salle à manger Empire que MM. Gaittet et Guittet ont installée, est étudiée et dénote un effort sérieux. Nous pourrons faire le reproche aux meubles (dressoir et table) d’être chargés de bronzes d’un ton un peu vif.
- p.459 - vue 463/484
-
-
-
- 460
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- La tenture en lampas vert et or aurait gagné à être d’un ton un peu plus atténué.
- Le salon, composé de pièces de styles différents, est luxueux, et les rideaux, en étoffe crème brochée, sont à remarquer.
- M. A. Leroy (magasins de la Maison Dorée) a envoyé une chambre à coucher de style moderne dont l’ensemble est harmonieux. Le lit et l’armoire sont d’heureuses proportions , et leur fabrication, aussi simplifiée que possible, indique l’intention de l’exposant de mettre ce nouveau style à la portée des bourses moyennes.
- M. Leroy a obtenu une médaille de bronze.
- Parmi les exposants de miroiterie qui ont obtenu cette même récompense, nous citerons M. Félix Benda, dont la maison ancienne et honorable a obtenu, aux expositions précédentes, de hautes récompenses.
- M. Benda suivra, sans aucun doute, les traces de ses prédécesseurs et nous présentera, à l’avenir, une exposition où les styles seront plus étudiés. Néanmoins le Jury lui a décerné une récompense pour sa fabrication soignée.
- La miroiterie que M. Moreau présente est plus spécialement à l’usage de la toilette. Tous ses produits dénotent un soin attentif dans l’exécution.
- Il en est de même de M. C. Arpin, dont les miroirs de style à trois volets, d’une jolie fabrication, sont également destinés à l’usage de la toilette.
- Ces deux exposants ont obtenu la même récompense.
- M. Couturier présente des cadres bien exécutés. Les modèles sont bien choisis, mais un peu connus. On regrette qu’avec sa belle exécution, M. Couturier n’ait pas cherché à produire dans l’art nouveau.
- Nous en dirons autant de MM. Royer et Guery, dont les modèles de baguettes, bien exécutés et bien présentés, sont un peu connus et ne nous donnent pas assez de nouveau.
- M. Masson expose une petite vitrine plate garnie de petits cadres imitation d’ancien, très intéressants comme reproduction.
- On remarque dans l’exposition de AI. Peyton un grand lit en cuivre, avec rideaux à la grecque et baldaquin, d’un modèle pratique et nouveau.
- Les autres lits composant cette exposition sont d’un modèle courant, mais la fabrication en est soignée.
- Nous trouvons dans l’exposition de MAI. Oppenheimer (Dai-Nippon) des meubles japonais d’une richesse extraordinaire de composition et largement ornés de sculptures qui ont valu à cette maison une médaille de bronze.
- Sans pousser aussi loin que la maison Dupont l’étude de la mécanique appliquée aux fauteuils pour malades, AI. Eliaers offre à l’attention du public des fauteuils mécaniques intéressants par leur fabrication et leur utilité pratique. Une médaille de bronze a récompensé ses efforts.
- Parmi les objets de décoration dénotant une idée nouvelle et un effort artistique, nous citerons les panneaux en pyrogravure, d’art moderne, de AI. Kalt. Ces pièces sont brillamment enlevées et de tons harmonieux.
- Dans un autre genre, le panneau décoratif de AI"'0 d’Heureux est intéressant. C’est
- p.460 - vue 464/484
-
-
-
- DÉCORATION MOBILE ET OUVRAGES DE TAPISSIER.
- 461
- une pièce en velours peint à l’huile, d’un style un peu étrange, mais qui indique une recherche. Un paravent, deux petits écrans complètent cette exposition.
- Une médaille de bronze a été accordée à ces deux derniers exposants.
- Mlle Ucland a envoyé de Madagascar des petits objets d’un usage journalier tels que : boîtes, tablettes murales, corbeilles et cadres, quelle a su rendre décoratifs et qui sont d’une exécution très soignée.
- Enfin, pour terminer la liste des médailles de bronze accordées aux décorateurs, nous citerons encore M. Rolland, dont les dessins industriels pour tissus, étoffes et papiers peints, attirent l’attention par leur composition et leur netteté, et parmi les exposants ayant obtenu la même récompense et dont l’industrie se rattache à l’art du tapissier décorateur, nous citerons M. Mesnard qui fabrique des bourrelets pour appartements, d’un modèle nouveau et d’une bonne fabrication.
- MENTIONS HONORABLES.
- M^cs (jALLOÏ sœurs, dont le goût est si connu et si apprécié en tout ce qui concerne l’iiabillement de la femme et dont la réputation n’est plus à faire, ont voulu tenter de faire de la décoration intérieure, et elles ont exposé un salon Louis XVI bleu et argent, dont les panneaux sont en tulle brodé et la corniche ornée de guirlandes de roses d’un effet gracieux. On reconnaît dans la broderie et la manière dont les rideaux et panneaux sont chiffonnés la main de la femme, mais nous n’irons pas jusqu’à dire que l’introduction de l’argent dans la décoration constitue une innovation heureuse. C’est un genre qui peut plaire à quelques-uns, mais que nous ne croyons pas devoir se généraliser.
- La tentative était curieuse, et Mmes Callot sœurs ont été récompensées d’une mention honorable.
- MM. Raymond et Cie ont exposé un fumoir arabe et une chambre en style japonais, lis ont eu l’idée heureuse d’installer un métier à tapisserie qui montre au public la fabrication des tapis en Orient.
- MM. Flech et C,e présentent des sièges, tentures et divers articles d’ameublement d’une facture courante.
- Dans la miroiterie et l’encadrement, nous signalerons les expositions de MM. Gram-mont et C10, Codoni, Hardy, Bouge et TEcole professionnelle des ouvriers doreurs.
- M. Gragnic a envoyé des lits divers imitant le bois courbé, etMmeViNOT, un décor de lit d’un joli travail.
- Les fauteuils et canapés-lits présentés par M. Ramolfo sont intéressants par leur usage pratique, et le calfeutrage des portes au moyen de caoutchouc inventé par M. De-labre mérite l’attention.
- Les petits objets d’usage courant (vide-poches, cadres, tablettes garnies d’étoffe) présentés par M“° Cottin-Penot sont gracieux et bien faits.
- Les dessins d’ensemble de M. François sont d’un artiste chercheur et consciencieux.
- Une mention honorable a été accordée à chacun de ces exposants.
- Gn. XII. —Cl. 71. ' 3i
- nii’imiuiuE nationale.
- p.461 - vue 465/484
-
-
-
- 462
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- PAYS ÉTRANGERS
- ALLEMAGNE.
- Ce qui a le plus frappé l’esprit du visiteur en entrant dans la section allemande, ce sont les progrès incontestables qu’ont faits les arts de la décoration dans ce pays depuis vingt ans. On sent la volonté de s’affranchir des styles anciens et de l’influence étrangère, de s’affirmer dans un art nouveau, de faire grand et d’attirer l’attention du monde.
- Bien que l’organisation de la section allemande ne procède pas dans toutes ses parties d’un même style, on ne saurait nier que tout y est bien ordonné, qu’aucun élément de décoration ne se heurte avec l’ensemble, et que la section tout entière présente un aspect de grandeur et de luxe calme si difficile à obtenir dans la décoration.
- M. Hoffacker, architecte de la section allemande, s’est révélé à nos yeux comme un décorateur de premier ordre, et le Jury de la Classe 7 1 lui a décerné à l’unanimité un grand prix.
- Parmi les exposants hors concours de cette Classe, nous citerons M. Possenbacher, membre du Jury dans la Classe 69.
- M. Possenbacher avait dirigé les travaux d’installation de la salle des fabricants de meubles de Munich, une chambre d’homme, de style moderne, où il était lui-même exposant.
- L’exécution des ouvrages de décoration et la participation à l’exécution de la menuiserie de cette pièce, ont été traitées dans cette salle avec toute l’autorité île M. Possenbacher en matière de décoration.
- On y voit les applications les plus nouvelles de l’art moderne; tout y est étudié et finement exécuté; les meubles en chêne avec application de pentures en cuivre et panneaux décoratifs, la cheminée en marbre avec incrustation de panneaux et trumeau sculpté, sont du meilleur goût et la composition en est remarquable.
- MÉDAILLES D’OR.
- Au rez-de-chaussée du grand atrium, nous trouvons deux expositions récompensées cl’une médaille d’or : celle de M. Paul Bruno et celle de M. Pankok. M. Bruno nous présente une salle de rendez-vous de chasse, d’une décoration entièrement nouvelle, d’une simplicité élégante et d’un goût parfait. Tout y est bien choisi et à sa place, la tonalité générale est douce et l’installation pratique.
- Le seul reproche que nous adresserons à cette exposition, d’ailleurs remarquable, c’est que la fabrication des meubles se ressent un peu trop des procédés mécaniques.
- M. Pankok nous montre un petit salon-fumoir en art nouveau. L’ensemble de la dé-
- p.462 - vue 466/484
-
-
-
- DÉCORATION MOBILE ET OUVRAGES DE TAPISSIER.
- 463
- coration murale venant faire corps avec le mobilier est une idée nouvelle qui mérite d’être signalée. L’ensemble est charmant et la répartition de la lumière, très judicieuse.
- Au premier étage de la section allemande, nous trouvons encore deux médailles d’or.
- MM. Woltz et Wittner ont agencé une salle de bain en art nouveau, d’un goût parfait et d’un esprit pratique très étudié.
- L’ancienne baignoire, si connue, est remplacée par une piscine en marbre dans laquelle on pénètre par plusieurs marches. Cette piscine, dont le plafond et les côtés forment voussure, ainsi que la salle proprement dite, est éclairée par des lanterneaux ornés d’opaline.
- Un revêtement en céramique bleue, une toilette en marbre, un divan et une armoire à glace faisant partie du lambris, complètent la pièce, à tous points de vue remarquable par son élégance, son style et l’intelligence de sa disposition.
- La Colonie des artistes de Darmstadt a présenté une salle absolument remarquable par l’ensemble et le goût qui ont présidé à l’édification de cette pièce.
- Les vitraux, les meubles, l’agencement des divans autour du poêle, tout y est bien combiné et gracieux de forme; le plafond, avec la répartition des lumières dans les frises, est d’une composition ingénieuse et pratique.
- Les glaces encadrées de M. Rœlisch dénotent une fabrication sérieuse et une recherche artistique.
- MÉDAILLES D’ARGENT.
- Parmi les exposants ayant obtenu des médailles d’argent, nous citerons en première ligne M. Seidl. La salle qu’il a présentée est en style vieil allemand très riche; les tentures murales vertes, avec encadrement de large bordure brodée de ton grenat, sont du meilleur effet; le plafond, avec ses médaillons décorés dont les motifs sont tirés des signes du zodiaque, est d’une belle composition.
- M. Bodenheim a décoré deux pièces :
- Une petite salle en art nouveau, dans laquelle la recherche des effets lumineux a été poussée au dernier point. La cheminée, avec son vitrail en art moderne, mérite l’attention.
- La deuxième salle de M. Bodenheim est un petit salon tendu de tissu bleu avec application de fleurs dans le style moderne.
- Un ensemble d’encadrement de cheminée, avec son chapiteau en art moderne, est fort joli.
- M. Bodenheim a obtenu une médaille d’argent.
- M. Pfann nous montre un cabinet de travail en style vieil allemand avec un lambris sculpté orné de frises peintes, un plafond à caissons bien ordonné ; tout y est d’une tonalité douce et uniforme; les vitraux qui décorent les fenêtres sont bien dessinés et de couleurs calmes ; l’ensemble est lumineux.
- M. Pfann a obtenu une médaille d’argent.
- 3i.
- p.463 - vue 467/484
-
-
-
- 464
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- L’atrium décoré par AL Laenger est d’une jolie composition ; sa cheminée en faïences décoratives est remarquable.
- Enfin, parmi les exposants allemands ayant obtenu une médaille d’argent et dont les travaux de broderie ou d’application sur étoffe dénotent un sens de la composition et un soin dans l’exécution des plus louables, nous citerons les Ateliers d’ouvrages MANUELS ARTISTIQUES DE LA SOCIETE LeTTE, Allh DüNSKY, Al'"* BrOUCUITSCH , AL ReICIIOLD jeune,
- I’Ecole des arts et métiers de Berlin, et AL Paul Burck.
- MÉDAILLES DE BRONZE.
- Les médailles de bronze et les mentions honorables ont été nombreuses, et nous ne saurions les citer toutes, car beaucoup d’exposants qui ont reçu des encouragements, avaient envoyé des panneaux de tentures ou tapis à la main, dont l’effet décoratif ne vaut que lorqu’ils accompagnent un ensemble; mais parmi ces récompensés nous pourrons citer AL Ubbelhode, dont le paravent à trois feuilles, en art moderne, attirait l’attention par l’effet des reliefs que le fabricant avait obtenus par application de broderies ; les baguettes dorées de Al AT. Neumann, Hennig et Cie. Le tapis de table en peluche brodée, de AL Schiffman, était de jolis dessins et de tons harmonieux.
- Tous ces exposants ont obtenu une médaille de bronze.
- MENTIONS HONORABLES.
- Alme Emma Cunow nous montre une œuvre de patience et de précision avec son tableau religieux exécuté en broderie de perles ; les napperons brodés sur toile, en art nouveau, de AlUc Herbeii, sont frais et d’un joli effet décoratif. Al. Kindler nous montre un paravent brodé à trois feuilles, d’une composition heureuse et bien exécuté. Al. Obrist a eu l’étrange idée d’exposer un meuble qui forme en même temps une bibliothèque, une table-bureau et deux fauteuils ; l’effet décoratif de ce meuble est un peu lourd et a nui aux tentures brodées dont Al. Obrist l’a encadré. Enfin AI. AIueller termine la liste des exposants récompensés d’une mention honorable avec ses rideaux en canevas brodé d’un joli dessin.
- AUTRICHE-HONGRIE.
- Après l’Allemagne, c’est en Autriche-Hongrie que les arts décoratifs ont fait le plus de progrès dans ces dernières années, au point de vue de la décoration des appartements. Plus spécialement, la Hongrie s’attache à l’art moderne, et nous trouvons parmi les tapissiers décorateurs de ce pays un grand nombre d’exposants dont les efforts ont été couronnés de succès. La Bohême a également fait des progrès remarquables. L’installation olïicielle de la section autrichienne elle-même rompt avec les errements suivis jusqu’à ce jour, elle est d’une modernité simple et de bon goût.
- p.464 - vue 468/484
-
-
-
- 465
- DÉCORATION MOBILE ET OUVRAGES DE TAPISSIER.
- M. Baumann, architecte du Gouvernement autrichien, a tiré le meilleur parti qu’il pouvait de la construction qui était mise à sa disposition, et nous ne saurions mieux le féliciter de son œuvre que de rappeler ici ce que disait de lui M. Thiébault-Sisson, le critique d’art si connu, dans l’étude qu’il a faite de l’art à l’Exposition.
- «L’architecte de la section autrichienne, dit-il, n’a nullement cherché, comme les architectes officiels de l’Allemagne, à donner un aspect monumental à son œuvre. Il s’est borné à décorer les surfaces et lès formes qu’on lui avait livrées. Au lieu de masquer, à grand renfort de staff, les fermes métalliques qui supportent le toit, le grand arc à mi-hauteur qui supporte les planchers du premier étage, il les a, au contraire, accentués; il en a fait adroitement le point de départ de l’ornementation. Et cette ornementation, dans sa sobriété, est parfaite. Rien d’heureux, sur le fond blanc des peintures, comme ces grandes draperies d’un vert mousse, réveillées par les notes d’un jaune d’or qu’un semis d’applications métalliques y répand ; rien d’imposant et de noble comme l’escalier à double révolution, drapé de même, égayé de distance en distance, sur la rampe, de sveltes figurines en cuivre rouge repoussé , par lequel on accède au salon d’honneur du premier. »
- Nous ne pouvions mieux faire, étant complètement d’accord avec lui, que de citer l’opinion d’un critique apprécié.
- Cette installation si artistique de M. Baumann a valu au Gouvernement autrichien une médaille d’or.
- Les Arts décoratifs de Prague ont fait une exposition d’ensemble de leurs principaux produits, parmi lesquels on remarque un autel, une vitrine avec frise en haut relief et un meuble d’encoignure.
- Si l’on peut reprocher à l’autel d’être un peu trop chargé de couleurs et d’être d’un style un peu banal, on ne saurait lui refuser une finesse d’exécution remarquable. D’un autre côté, la vitrine et le meuble d’encoignure en art moderne sont des plus intéressants et donnent une haute idée de la force et de la souplesse de l’enseignement technique donné à l’École des arts décoratifs de Prague.
- De son côté, la Chambre de commerce et d’industrie de Prague a organisé une exposition d’artistes et de fabricants tchèques, sous la haute direction des architectes Koula et Fanta. L’intérieur tchèque ainsi créé est des plus intéressants. C’est un cabinet de travail dont toutes les boiseries et le plafond sont en bois de pin de couleur naturelle. Les meubles qui garnissent la pièce sont en bois d’érable, ornés de plaques de bronze et d’applications d’értiaux et de cuivre repoussé; les portières sont brodées de soie et cl’or et les rideaux de fenêtres en broderie et point ajouré. Tout cet ensemble est délicat et frais, d’une combinaison heureuse et d’une harmonie parfaite.
- L’Ecole des arts décoratifs et la Chambre de commerce ont obtenu chacune une médaille d’or.
- La maison Gelb et fils a présenté au Jury un petit salon en art moderne, décoré de panneaux de broderie, dont le sujet est tiré de la feuille de marronnier; un portique en bois de frêne décoré s’harmonise avec cette fraîche décoration, et une cheminée d’un
- p.465 - vue 469/484
-
-
-
- 466
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- joli dessin vient contribuer à faire de cet ensemble une des meilleures expositions de tapisserie.
- Ce même exposant a contribué à l’installation de la grande salle de Saint-Etienne, du palais royal de Rudapest, où il a exécuté les cantonnières brodées.
- La maison Gelb et fils a obtenu une médaille d’or.
- Enfin nous trouvons encore parmi les exposants hongrois récompensés d’une médaille d’or la maison Horti et Ralogh, dont la cheminée, ornée de bronzes et d’un panneau de cuivre gravé, et le cadre de glace sculpté, sont d’une jolie composition et d’une exécution remarquable.
- Le Comité spécial de Salzbourg a pris pour tâche de nous montrer une reproduction de son vieux style national, et la salle à manger qu’il a installée est d’une perfection d’exécution remarquable. Si aucune idée nouvelle ne s’est glissée dans cette composition, on ne saurait nier que les artisans de ce travail ont en main l’habileté professionnelle nécessaire à l’exécution de tout modèle nouveau qui pourrait leur être donné.
- Le petit intérieur de cabinet de travail présenté par M. Kramer est d’un goût parfait dans sa simplicité ; la décoration en est sobre et bien répartie.
- Le meuble en art nouveau exécuté en bois teinté et décoré de vitraux, que M. Stein-bach nous montre, est bien composé et d’une jolie harmonie de tons.
- Le boudoir vieux rose, en art nouveau, installé par M. Rernstein, est élégant et frais quoique d’un dessin un peu osé dans sa nouveauté, tandis que, à côté, le salon de style hongrois, exposé par M. Lengtel, est d’un goût plus raffiné et plus calme ; c’est un bel exemplaire d’un style peu connu en France et dans lequel nos décorateurs peuvent trouver d’excellentes choses.
- Les fauteuils recouverts de cuir ciselé et frappé à la main, envoyés par MM. Hozylek et fils, sont d’une belle fabrication et d’un dessin artistique.
- Enfin les tentures et applications sur étoffe et sur cuir de MM. Cüwalla et fils sont intéressantes et trouvent une excellente application dans la décoration intérieure des appartements.
- La médaille d’argent a été accordée à tous ces exposants.
- Une médaille de bronze est venue récompenser les efforts de M. Steinsciineider pour son boudoir et son mobilier en cuivre; M. J. Rotm, pour son fauteuil capitonné, d’un travail consciencieux et régulier; MM. J. Fantusz et Krejczik, dont les cadres de glaces et les lambris dénotent un travail très soigné ; et M. Rüciiler, pour son enseigne de métal, où l’on trouve une recherche d’effet décoratif.
- Enfin, à titre d’encouragement, le Jury a décerné une mention honorable à Paula Schlesinger, dont la courtepointe en soie est d’une jolie exécution, et au Comité général du royaume de Galicie, dont l’exposition aurait gagné à être installée avec un plus grand souci de l’effet décoratif.
- p.466 - vue 470/484
-
-
-
- DÉCORATION MOBILE ET OUVRAGES DE TAPISSIER.
- /J67
- DANEMARK.
- Si les exposants danois n’ont pas été nombreux, au moins étaient-ils de qualité, car nous trouvons, parmi les exposants hors concours, le Musée des arts décoratifs de Copenhague, dont les ouvrages de tapisserie étaient des plus intéressants.
- M. Koch, architecte du Gouvernement danois, a obtenu du Jury de la Classe 71 une médaille d’or. En effet, qu’y avait-il de plus charmant, de plus délicat, que l’installation du pavillon du Gouvernement danois? M. Koch s’était simplement attaché à nous montrer une habitation danoise dans le pur style du pays, et il a réussi à nous intéresser au plus haut point. Sans être luxueux, cet intérieur est des plus confortables et admirablement distribué. On comprend que dans ce pays de brume et de froid persistants, le Danois aime son intérieur et s’attache à le rendre gai et confortable. M. Koch a pleinement réussi dans sa démonstration.
- Parmi les exposants danois, nous trouvons M. V. Kleiss, dont les cadres et les modèles de baguettes ont obtenu une médaille de bronze pour leur bonne exécution ; M. Hansen, qui a obtenu une mention honorable pour un cadre sculpté Renaissance italienne; et Mme Thora Hoffner, dont l’abat-jour en soie, joliment monté et gracieux, a mérité une mention honorable.
- ESPAGNE.
- Sans présenter une seule exposition constituant un ensemble décoratif, l’Espagne a cependant fait quelques envois qui ont attiré l’attention du Jury et mérité de hautes récompenses.
- M. Antonio Oliva nous montre des imitations d’antiquités décoratives ; ses panneaux et statuettes, destinés à orner des meubles ou des lambris, son travail d’imitation de l’ivoire et du bronze et ses cadres d’un joli style vieil espagnol, constituent un ensemble de produits artistiques digne d’éloges.
- II en est de même des produits métalliques estampés et repoussés, destinés à la décoration, exposés par M. Brosa y Sangerman.
- Le Jury de la Classe 71 aurait pu renvoyer à la Classe 68 le produit exposé par M. Hermenegildo Miralles, car ses briques en papier aggloméré semblent appartenir plus au papier peint qu’à la tapisserie, mais le Jury a trouvé dans ses imitations de faïences décoratives un essai non seulement intéressant, mais digne d’être encouragé, et, comme à MM. Oliva et Brosa, il lui a décerné une médaille d’or.
- M. Lissarraga nous a donné une idée de la fabrication espagnole en nous montrant une chambre Renaissance en noyer, d’un bon style. Le sens décoratif y est assez poussé, et son effort a paru au Jury mériter une médaille d’argent inscrite à la .Classe 69.
- p.467 - vue 471/484
-
-
-
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- /168
- Plus intéressante est la chambre exposée par MAI. Echave y Ecbevarria. Il y a là une application des anciens styles espagnols qui constitue un document utile pour les décorateurs.
- Une médaille d’argent a été attribuée à cet exposant.
- Enfin M. Ruiz Valiente a envoyé des sièges finement sculptés et garnis de broderies genre mauresque qui lui ont valu une médaille de bronze.
- GRANDE-BRETAGNE.
- Le Jury n’a pas trouvé parmi les exposants de la Grande-Bretagne l’effort décoratif ou la note d’art nouveau qu’il s’attendait à rencontrer dans un pays où l’amour du home est poussé plus qu’en aucun pays du monde. Bien au contraire, presque toutes les installations de tapisserie et de décoration des exposants anglais ont été traitées avec une simplicité voulue, simplicité poussée quelquefois à un point excessif et qui devient, dans certains cas, un manque d’imagination ou une négligence de la recherche artistique.
- Presque partout, soit dans les palais des Invalides, soit au pavillon de la Grande-Bretagne, nous avons retrouvé des reproductions de style Queen Elisabeth ou des adaptations d’Adams ou de Chippendale; la note personnelle, au contraire de la France, de l’Allemagne et de TAutriche-Hongrie, fait absolument défaut.
- Le Jury n’a pas pensé qu’il y ait lieu d’accorder aucune médaille d’or.
- Le grand salon en style Elisabeth, tendu en brocatelle rouge, de MM. Waring et Gillow, est correct; mais comme nous le disions plus haut, il ne dénote aucune initiative personnelle, et, en tant que reproduction de style ancien, il vient bien loin derrière les expositions des Remon ou des Nelson.
- Les sièges et tentures de MM. Howard and Sons indiquent un grand soin dans la fabrication, mais l’effet décoratif est bien mince.
- Le Jury a pensé qu’il ne pouvait mieux faire en donnant une médaille d’argent à ces exposants.
- L’intérieur de chambre de cottage exposé par MM. Heal and Sons était, dans sa simplicité, très original et très frais, mais son excès de simplicité lui a nui, et le Jury n’a pu lui accorder qu’une médaille d’argent.
- Les expositions de MM. Bertram and Son, de MM. Johnson et Appeyards et de la société Bromsgrove Guild of Applied Arts, étaient également honorables et montées avec soin, mais sans aucune originalité.
- Des médailles de bronze ont été attribuées à ces exposants.
- A titre d’encouragement, une mention honorable a été accordée à l’exposition collective de la ville de Bath.
- p.468 - vue 472/484
-
-
-
- DÉCORATION MOBILE ET OUVRAGES DE TAPISSIER.
- 4 fi 9
- JAPON.
- Comme nous le disions au commencement de ce rapport, les produits que le Japon a exposés à la Classe 71 étaient essentiellement conçus en style japonais, et, en cela, les exposants de ce pays ont eu raison, car ils nous ont envoyé des pièces merveilleusement traitées et d’un effet décoratif puissant, en se mettant, bien entendu, au lieu et place des artistes décorateurs japonais que leur genre de vie, leurs mœurs et leurs coutumes nationales éloignent des styles européens qui ne trouveraient chez eux aucune application.
- Le Jury n’a donc eu à examiner que des panneaux de tenture en tapisserie, en velours teint, en soie, ou meme en bambou.
- Tous ces objets sont traités avec un soin et une précision de détails exquis, la facture en est irréprochable, et l’effet décoratif obtenu ne saurait, dans ce genre spécial, être meilleur.
- Nous ne pourrons analyser chacune des expositions des décorateurs japonais, car nous nous exposerions à des redites dans la description et l’analyse des produits exposés, mais nous citerons les noms de ces artistes et, en particulier, celui de M. Jimbei Kawashima, dont la tapisserie de soie, dessinée et exécutée par l’artiste lui-même, est absolument remarquable par la finesse d’exécution, la belle ordonnance des couleurs et l’originalité du dessin. Cette pièce est aussi belle que nos plus belles tapisseries des Gobelins, et c’est à l’unanimité que le Jury lui a décerné un grand prix.
- Les tentures en velours teint de MM. Fujii (Kiosbiu) et Nishimura, les rideaux de soie damassée de M. Sasaki n’étaient pas moins remarquables par leur conception artistique et leur facture.
- Le Jury leur a donné des médailles d’or.
- Les cadres en bois ornés de dragons finement sculptés de M. Yanaghida, les tapisseries de soie finement exécutées et d’un bel effet décoratif de M. Date, leur ont valu des médailles d’argent; et de nombreuses médailles de bronze et mentions honorables ont été accordées aux autres exposants, tous artistes consciencieux et précis, dont le soin à garder intact le style national est une des meilleures qualités.
- NORVÈGE.
- Parmi les exposants norvégiens, qui, au gré du Jury, n’étaient pas assez nombreux pour la Classe 71, nous avons remarqué l’intérieur norvégien de M. Borgersen. La frise, au-dessus du lambris faisant partie de la décoration murale, représente une course de Valkyries dont l’ensemble stylisé est d’un joli effet décoratif et indique une recherche très heureuse d’art nouveau.
- Le Jury lui a donné une médaille d’argent.
- p.469 - vue 473/484
-
-
-
- 470
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- RUSSIE.
- Nous signalerons, en Russie, l’installation de la section russe dans le style moscovite que le Jury de la Classe 71 ne pouvait pas ne pas remarquer. La décoration en était simple et bien appropriée au but qu’elle avait à remplir, ornée sobrement et sans lourdeur.
- Le pavillon spécial de la Finlande était, de son côté, remarquable par le soin délicat et la conception artistique qui avaient présidé à son exécution. L’intérieur de ce gracieux édifice était aménagé et décoré avec goût dans un genre moderne où l’on trouvait toutefois des réminiscences des vieux styles roman et byzantin, mais qui dénotaient, de la part de son auteur, un sens artistique profond et délicat.
- Le Jury de la Classe 71a regretté que le règlement concernant les récompenses ne lui permît pas de comprendre au nombre de ses candidats MM. Korovine, architecte du Gouvernement russe, et Saarien, architecte du pavillon finlandais. Ils ont été, d’ailleurs, récompensés par le Jury de la Classe 29.
- En ce qui concerne les exposants de la Russie, le Jury n’a pas eu l’occasion d’examiner de grands ensembles décoratifs.
- Les dessins et croquis envoyés par les Ecoles centrales de dessin technique de Moscou et de Saint-Pétersbourg dénotent un enseignement auquel est donnée une sérieuse impulsion artistique.
- Ces dessins ont valu à la première de ces écoles une médaille d’argent; à la seconde, une médaille de bronze.
- Les autres envois d’exposants russes sont composés principalement de travaux d’encadrement, parmi lesquels un cadre sculpté, de style byzantin, exposé par M. Gesel, était d’une facture soignée et d’un bon style. Il lui a été attribué une médaille de bronze.
- Enfin MM. Abrosimov et Possé ont obtenu des mentions honorables pour leurs cadres de glaces bien traités et dorés avec soin.
- Nous terminerons ce rapport sans analyser en particulier les quelques récompenses attribuées aux pays étrangers où le Jury n’a trouvé ni ensembles décoratifs, ni tentures ou objets se rattachant à l’art du tapissier décorateur.
- Les travaux d’encadrement envoyés par les exposants de l’Italie, de la Grèce ou du Portugal leur ont valu quelques médailles de bronze et quelques mentions honorables ; les sièges exposés par M. Jolly Hübsch, du Luxembourg, ont mérité une médaille d’argent pour leur bonne exécution. Le petit salon exposé par le Patronat des apprentis tapissiers de la ville de Genève s’est vu attribuer une médaille de bronze, mais le Jury n’a trouvé chez aucun des exposants de ces pays une note vraiment personnelle ou artistique, et il a voulu récompenser et encourager la fabrication consciencieuse sans rechercher
- p.470 - vue 474/484
-
-
-
- DÉCORATION MOBILE ET OUVRAGES DE TAPISSIER.
- 471
- l’effet décoratif. Il n’a vraiment trouvé à exercer son jugement que parmi les exposants des nations qui ont été examinées au début de ce rapport. C’est la France, l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie qui se sont plus spécialement distinguées dans ce concours pacifique dont le but est de rendre la vie agréable par l’embellissement artistique et décoratif de l’habitation.
- p.471 - vue 475/484
-
-
-
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900.
- 472
- ART DE LA RUE.
- De même qu’au début de ce rapport nous avons émis le vœu que la Classe des Tapissiers décorateurs se confonde avec les Classes de la Décoration ou du Meuble, ou plutôt qu’une seule Classe concernant l’ameublement soit créée, de même nous émettrons le vœu qu’à l’avenir les expositions ayant rapport à l’art de la me, c’est-à-dire l’art qui consiste à embellir nos voies publiques, forment une classe spéciale et homogène dans le groupe concernant la décoration des édifices publics.
- Nous avons vu, en effet, depuis quelques années, grandir chez les ingénieurs et les architectes chargés de l’ordonnance de nos voies publiques, de nos squares et de nos promenades, le désir de les orner, de les embellir, de les rendre agréables; enfin d’attirer l’attention du public par des dispositions artistiques.
- On a vu naguère le Conseil municipal de Paris donner des prix aux architectes qui avaient construit les façades de maison les plus artistiques ou les plus intéressantes.
- On voit s’élever actuellement les gares du chemin de fer métropolitain dans un style nouveau où le fer et la céramique sont seuls employés. Enfin on constate partout une tendance, chez les commerçants de Paris, à faire des devantures de style à leurs magasins et à exposer des sommes souvent considérables dans le seul but d’attirer le regard par l’embellissement de leurs emplacements.
- Nous estimons donc que c’est une tendance à encourager et à développer, et qu’un comité spécial qui pourrait y donner tout son temps et tous ses soins, rechercher les bonnes volontés des fabricants et des artistes, et présenter aux visiteurs un ensemble instructif et agréable, aurait, dans une exposition, un succès certain.
- A vrai dire, le Comité d’installation de la Classe 71 s’est heurté à de nombreuses difficultés pour établir une section importante de l’art de la rue. Il a rencontré peu d’empressement auprès des artistes et des industriels qu’il a sollicités pour grouper un ensemble intéressant de kiosques, d’édicules, de fontaines et d’enseignes artistiques concernant cet art spécial, et n’a trouvé aucun concours chez les nations étrangères, peut-être surprises par cette classification nouvelle.
- C’est avec plaisir que le Jury de la Classe 71a décerné une médaille d’or à M. Bouvais Marquant, pour ses enseignes artistiques de style moderne; et des médailles d’argent à M. Jourdain (Francis), pour la décoration si amusante et si nouvelle qu’il a faite pour le théâtre des Fantoches; à M. Collin, pour sa porte monumentale; et à MM. Plumet et Sauvage, pour leurs kiosques artistiques; qu’il a encouragé MM. Numa et Morel d’une mention honorable pour leurs enseignes ; et qu’il a justement apprécié la charmante fontaine que M. Roche avait exposée, et le banc en céramique d’art, d’un dessin si nouveau, de M. Muller, que leur qualité de membres du Jury, hors concours, a, seule, empêchés d’obtenir une haute récompense.
- p.472 - vue 476/484
-
-
-
- 473
- DÉCORATION MOBILE ET OUVRAGES DE TAPISSIER.
- Si le nombre des œuvres soumises au Jury dans l’art de la rue était peu élevé, en revanche leur valeur artistique était remarquable, et nous dirons en terminant, à l’appui du vœu que nous formons plus haut de la création d’une Classe spéciale de l’art de la rue, que cette valeur est une garantie certaine de succès pour les expositions futures, car l’art de la décoration, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur des habitations, a beaucoup progressé chez les grandes nations civilisées et, nous l’espérons, il ne fera que s’accroître et s’affiner dans l’avenir.
- p.473 - vue 477/484
-
-
-
- EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1900
- 474
- MUSÉE GENTENNAL.
- MOBILIER ET DÉCORATION DES HABITATIONS.
- Les différentes Classes du Groupe XII, comprenant la décoration fixe, les meubles, bronzes, tissus et tapisseries, enfin la décoration mobile et les ouvrages du tapissier, se sont réunies afin déformer des ensembles et présenter au public clés pièces complètes, et illustrer, en quelques salons et chambres décorés et meublés de pièces authentiques, les grandes phases de l’histoire du mobilier, de 1793 à nos jours.
- Une première partie de l’emplacement réservé au Groupe XII a été organisée en un musée dans lequel les objets furent classés et présentés suivant Tordre chronologique : Louis XVI, Directoire, Premier Empire, Restauration, Louis-Philippe et Second Empire.
- Le tout en deux grandes salles reliées par un large atrium et ouvertes sur la façade par une colonnade de style corinthien.
- Derrière ces deux salles du musée, on trouve huit pièces complètes, d’abord, à droite :
- i° Un salon Louis XVI, boiseries blanches et or provenant de l’hôtel de M. Reigny (Antoine), à Lyon; cheminée et meubles du temps, sièges en tapisserie de Beauvais;
- 20 Une chambre à coucher delà Constituante, boiseries encadrant des panneaux en toile de Jouy représentant l’enrôlement des volontaires, décrets encadrés par des faisceaux de licteurs surmontés du bonnet phrygien ;
- 3° Un petit salon Directoire, avec une boiserie à la décoration multicolore et un peu mièvre de l’époque, sièges à col de cygne, etc.;
- 4° Un salon Premier Empire, boiseries aux chapiteaux surmontés de Taigle impériale, mobilier en acajou et bronzes, aux soies bouton d’or, vieux clavecin et harpe.
- A gauche :
- i° La chambre à coucher de l’illustre tragédien Talma, décoration reproduite fidèlement d’après les derniers vestiges de la pièce originale, rue de la Tour-des-Dames. Lit à alcôve tout en glaces avec rideaux de gaze de soie formant moustiquaire, mobilier original en amboine et bronzes ;
- 20 Cabinet de travail Restauration. Superbe bureau monumental ayant appartenu au marquis d’Aligre, tapis de savonnerie, tapis et rideaux reproduits d’après les documents de l’époque ;
- 3° Chambre à coucher Louis-Philippe. Mobilier complet en érable jaune et incrustation d’amarante, grands rideaux blancs en mousseline brodée avec draperies en satin de laine jaune et bleue. Menus objets du temps;
- 4° Salon Napoléon III. Tenture en damas, panneaux encadrés de boiseries blanc et
- p.474 - vue 478/484
-
-
-
- DÉCORATION MOBILE ET OUVRAGES DE TAPISSIER.
- 475
- or, glace sans tain avec store, meubles capitonnés et sièges en aubussson rappelant le mauvais goût et le faux luxe de la fin du Second Empire.
- Ce musée et ces huit pièces ont été organisés :
- Par M. Hermant (Jacques), architecte, pour la partie architecturale de la façade;
- Pour la réunion des objets prêtés, par une commission spéciale composée de délégués des diverses Classes du Groupe Xll : MM. Carnot (François), Beurdeley, Le Corbeiller, Teuré (Henri), etc.
- Tous les travaux de construction et de décoration, tant du musée que des huit salons ci-dessus, ont été exécutés par MM. Rémon (Georges), architecte décorateur, et Riîmon (P.-H.), tapissier décorateur.
- p.475 - vue 479/484
-
-
-
- p.476 - vue 480/484
-
-
-
- TABLE DES MATIERES.
- Groupe XII ( Première partie, Classes 66 À 71.)
- Classe 66. — Décoration fixe des édifices publics et des habitations.
- CLASSE 66 ..................................................................
- Composition' du Jury.......................................................
- I. Décoration' fixe. Définition..........................................
- II. Distinction entre la décoration et l’architecture.....................
- III. Réflexions relatives au genre même des travaux et à leur classification
- IV. Opérations du jury. — Sections étrangères. Allemagne..................
- \. Autriche................................................................
- \ I. Belgique .T..........................................................
- YII. Etats-Unis............................................................
- VIII. Grande-Bretagne......................................................
- Pages
- . 1 à oo
- 7
- 9
- 9
- îo el î A
- u.)
- 9.0
- 9 9.
- IX. Grèce. — Hongrie. — Croatie-Slavonie. — Japon. — Luxembourg. — Mexique. —
- Monaco. — Norvège. — Pays-Bas. — Pérou. — Portugal. — Roumanie. — Russie.
- — Saint-Marin. — Serbie. — Suède. — Suisse....................................... 25
- X. France............................................................................. 96
- XL Exposition de la Métallurgie au Champ de Mars........................................ 3o
- Classe 67. — Vitraux.
- CLASSE 67....................................
- Composition du Jury..........................
- Emplacement affecté a la Classe 67...........
- Exposition rétrospective.....................
- Considérations relatives a la peinture sur verre
- Peintres-verriers français et étrangers......
- Examen du Jury...............................
- Exposants ...................................
- 7°
- 29
- 3i
- 3 a 33 36 3 9 Ao
- Classe 68. — Papiers peints.
- CLASSE 68......................
- Composition du Jury............
- Aperçu général de la Classe
- Gr. XII. — Première partie.
- 77a 116
- 79
- 81
- 3a
- HIPRIMERtE NATIONALE.
- p.477 - vue 481/484
-
-
-
- TABLE DES MATIÈRES.
- h 7 S
- Répartition des exposants....................................................................... 82
- France.......................................................................................... 84
- Papiers peints......................................................................... 84
- Papiers de fantaisie................................................................... 88
- Dessinateurs........................................................................... 90
- Décorateurs........................................................................... cw.
- Fabricants de couleurs et vernis......... ........................................ 93
- Fabricants de bronze en poudre........................................................ <jd
- Graveurs............................................................................... go
- Fabricants de draps et de feutres..................................................... 97
- Fabricants de stores................................................................... g8
- Fabrication étrangère....................................................................... g8
- Exposition de la Gentennale.................................................................. iog
- Les collaborateurs............................................................................. 111
- Exposants hors concours..................................................................... 1 j 1
- Classe 69. — Meubles à bon marché et meubles de luxe.
- CLASSE 69 ...............
- Composition du Jury......
- Introduction.............
- France...................
- Colonies françaises. Pays étrangers :
- Allemagne. .....
- Autriche.........
- Belgique.........
- Danemark.........
- Espagne..........
- Ftats-Unis.......
- Grande-Bretagne.
- Hongrie..........
- Italie...........
- Japon ...........
- Norvège..........
- Pays-Bas.........
- Russie...........
- Suède............
- Pays divers..............
- 1 1 g 1 2 1 10.3 1 4o
- 1 h-2 148 j 51
- 101
- 102
- 153
- 154 158 161 163 iG5
- 166
- 167
- 170
- 171
- Classe 70. — Tapis, tapisseries et autre tissus d’ameublement.
- CLASSE 70....................................................................... 173 à 444
- Composition du Jury..................................................................... 175
- Avant-propos............................................................................ 177
- Considérations générales.................................................................. 177
- Notes sur l’art dit moderne....................................................... 179
- Évolution du tapis et des étoffes d’ameublement vers le genre moderne........... 182
- De l’influence de l’art moderne sur le goût français............................ 184
- p.478 - vue 482/484
-
-
-
- Exposé
- TABLE DES MATIÈRES.
- AT 9 186 1 ',1°
- De l'installation.......................................................................
- Tableau des récompenses attribuées par le Jury et leur répartition entre les diverses
- nations....................................................................... J 90
- Tableau des récompenses attribuées aux exposants. .............................. 19 A
- Tableau des récompenses attribuées aux collaborateurs............................ 19 A
- Recensement professionnel........................................................ 190
- Classement des produits à examiner............................................... 196
- Première catégorie. — Les tapisseries........................................................ 197
- L Manufactures nationales........................................................... 2i3
- ’ Manufacture nationale des Gobelins......................................... 31 3
- Manufacture nationale de Beauvais............................................. 317
- IL Industrie privée. — Tapisseries d’Aubusson. — France.......................... 220
- III. Nations étrangères.......................................................... 3 •>. 9
- Grande-Bretagne................................................................ 229
- Hongrie....................................................................... -î3o
- Norvège..................................................................... 3 3 a
- Allemagne.................................................................... 207
- Suède....................................................................... 2 As
- Serbie......................................................................... aA5
- Italie...................................................................... 2 A 5
- Russie (Finlande)........................................................... 2 AG
- Roumanie.................................................................... 2 A8
- Grèce....................................................................... 2 A9
- Autriche...................................................................... 260
- Deuxième catégorie. — Les tapis de pied .....................................................
- Introduction des tapis en Europe....................................................
- Introduction de la fabrication des tapis en Angleterre..............................
- Fabrication mécanique du tapis......................................................
- Tapis d’Orient......................................................................
- Classement des tapis à examiner.....................................................
- I. Tapis à points noués et tapis ras genre Aubusson.................................
- IL Tapis moquette laine fabriqués à la jacquard, en velouté ou en bouclé. Tapis à chaîne imprimée............................ ........................................
- III. Tapis Jacquard, fabriqués en jute ou en coton.................................
- IV. Tapis de sparterie et nattes diverses..........................'..........
- Troisième catégorie. — Etoffes pour ameublement..............................................
- I. Tissus unis et classiques; velours, pannes, peluches, unis ou façonnés...........
- IL Tissus de crin unis et h la jacquard. . . .......................................
- III. Tissus mélangés fabriqués à la jacquard.......................................
- IV. Tissus imprimés...............................................................
- V. Tissus brodés, brochés-brodés, passementeries.................................
- VI. Toile peinte en imitation de tapisserie.......................................
- Quatrième catégorie. — Les toiles cirées et les linoléums. Cuirs artistiques et factices. . .
- Le linoléum.........................................................................
- Tentures décoratives et d’ameublement; le lincrusta.................................
- Les cuirs artistiques et les cuirs factices.....................................
- La toile cirée......................................................................
- a51 20 a •253 a 55 3 5 8 960 9 Go
- 299 3ia 31 A 3 2 3 33i 3 Ao 3 A1 36a 370 38a 386 386
- 396
- 397 Ao3
- p.479 - vue 483/484
-
-
-
- TABLE DES MATIÈRES.
- /18O
- Cinquième catégorie. — Dessins industriels composés en vue des tissus d’ameublement, du
- TAPIS, DE I‘IMPRESSION ET DE LA BRODERIE................................................. AoG
- Compte rendu des expositions présentées par les dessinateurs industriels............ AoG
- Liste des récompenses attribuées aux artistes dessinateurs-créateurs de maquettes.... Ai 2 Tableau récapitulatif des récompenses attribuées aux artistes dessinateurs-créateurs de
- maquettes........................................................................ A20
- Musée centenual du meuble......................................................... A2G
- Résumé et conclusions....................................................................... A02
- Outillage........................................................................... AAo
- Enseignement pratique du dessin en vue de sa destination......................... A A1
- Classe 71. — Décoration mobile et ouvrages de tapissiers. Décoration extérieure de la rue.
- CLASSE 71........................................................................ A A5 à
- Composition du Jurv....................................................................... AA7
- Décoration mobile et ouvrages de tapissier; décoration extérieure de la rue............... AAq
- France :
- Exposants hors concours...................................................... A5-?
- Grands prix.................................................................. A 5 A
- Médailles d’or............................................................... A55
- Médailles d’argent........................................................... A37
- Médailles de bronze.......................................................... A5q
- Mentions honorables.......................................................... A G1
- Pays étrangers : Allemagne........................................................ AG2
- Médailles d’or............................................................... AG 2
- Médailles d’argent........................................................... AG 3
- Médailles de bronze......................................................... • • • AG A
- Mentions honorables............................................................. MA
- Autriche-Hongrie................................................................ ^G A
- Danemark........................................................................ Mi 7
- Espagne......................................................................... Mi 7
- Grande-Bretagne................................................................. Mi 8
- Japon........................................................................... Mi 9
- Norvège............................................................................ Mq
- Russie.......................................................................... M7 °
- Art I)E la rue..........................................................................
- Musée centennal.........................................................................
- Mobilier et décoration des habitations.................................................. ^7“'
- Imprimerie nationale. — 7225-02.
- p.480 - vue 484/484
-
-