Descriptions des arts et métiers
-
-
- p.n.n. - vue 1/108
-
-
-
- D E
- EN SOIE
- —1————MM—
- Par Af. MACQUER.
- M. DCC, L X I 11.
- Page de titre r1 - vue 2/108
-
-
-
- p.r2 - vue 3/108
-
-
-
- 11)
- ^-4-444'4"4u"*“4"
- 4-xxxx)(X)()üb(Xx>^x)6ooû(Xxxxxx>D(X>oo()ooayxxxxxxxxxxxxxxxv)oo(mvxx>j(xx)Oôooo(>3(v)oo(X>^m)a>»^mxxxxxxxxxxxvv>:xx)?
- ^--fr-$--^4--*~Ÿ-4-4-4'4"4''4"4'4-4'4He4'4'44'4-4-4'4-4''4-4-4'444''4'4'4''4-'44''4 4 444"44'4-4' 44"4"4"4{4'4"4'44:'4'4ï
- AVANT-PROPOS.
- I -i E s avantages de l’Art de la Teinture, & l’importance dont il eft pour le Commerce font trop connus pour qu’il foit befoin de les expofer ici. Tout le monde fçait que c’eft par le fecours de cet Art, que nous transportons fur nos habillemens & fur nos meubles les couleurs vives & brillantes, dont la nature pare avec tant d’éclat lès plus belles productions.
- Mais il eft important de faire remarquer que cet Art, quoique porté à un certain degré de perfection par la pratique de ceux qui l’exercent, eft encore rempli de beaucoup de difficultés ; il offre quantité de problèmes à réfoudre,& un grand nombre de procédés défectueux, dont on ne peut elpérer la réforme que du concours des Phyficiens les plus éclairés avec les Artiftes les plus intelligents.
- Feu M» du Fay & M. Hellotfont les premiers Sçavans qui aient porté leurs vûes fur cet objet; le travail de ce dernier a procuré au Public le Traité de la Teinture des Laines, Ouvrage, fans contredit, le meilleur & le plus complet qui ait paru jufqu à préfent fur cette matière.
- La T einture des Laines eft à la vérité la branche la plus étendue & la plus importante de cet Art ; elle peut même en êtré confidérée comme la bafe : mais celle des Soies,des Fils,& des Cotons mérite auffi une très-grande attention.
- Des circonftances particulières m’ayant déterminé il y a déjà long-.tems à m’inftruire des pratiques de la Teinture des Soies; je fréquentai l’Attelier d’un de nos meilleurs Artiftes en ce genre ; il le prêta avec le plus grand zele à tue donner tous les éclairciflèments dont j’avois befoin ; je foivis exactement le détail de toutes fes opérations, & je les rédigeai par écrit.
- Depuis ce tems, l'Académie s’étant déterminée à publier la Defoription de tous les Arts & Métiers, je crus qu’il étoit de mon devoir de lui communiquer les matériaux que j’avois for l’Art de la Teinture en foie ; elle a agréé ce travail, & m’a chargé d’y mettre la derniere main.
- Je puis aflurer qu’on trouvera dans la Defoription de cet Art toute l’e-xaélitude & la fidélité qui font le mérite eflèntiel de ces fortes d’Ouvrages. C’eft àl’Artifte intelligent qui ne m’a rien caché, qui m’a même communiqué généreufement jufqu’à fos pratiques particulières, que le Public fera
- p.r3 - vue 4/108
-
-
-
- iv A VA N VP R 0 P 0 S.
- redevable de ces avantages. Je fouhaiterois beaucoup pouvoir le nommer ïcl avec les éloges quil mérite à fi jufte titre ; mais fa modeftie me prive de cette fa tisfad:ion,& le porte à vouloir demeurer inconnu.
- D’un autre côté, M. Hellot, qui poffédoit plufieurs Mémoires & Procédés particuliers fur diverfes Teintures en Soie, s’eftfait un plaifir de me les communiquer, on les trouvera à la fin de ce Traité.
- Avant que d’entrer dans les détails dé la Teinture des Soies, il n'eft pas hors de propos de jetter un coup d’œil général fur les opérations de cet Art.
- Tout l’Art de la Teinture confifte à extraire les parties colorantes des différents corps qui les contiennent, 8c à les faire paffer fur les Etoffes, dé maniéré qu’elles s’y trouvent appliquées le plus folidement qu'il efi: pofïï-ble ; mais il n’eft pas à beaucoup près auffi facile de parvenir à ce but, que pburroiéht le croire ceux qui n’ont pas fait un examen approfondi de ce qui fe paffe dans les opérations de la Teinture.
- Ufembleroit au premier coup d’œil, que pour teindre les Etoffes, il fuf-firoit d'extraire, par l’eau, la couleur des différents ingrédients capables d’en fournir, & de plonger ou de faire bouillir dans cette eau ainfi chargée de couleur, les Etoffes (*) qu’on a deffein de teindre; mais cette pratique fi firnple & fi commode ne peut avoir lieu que pour un fort petit nombre de teintures, comme on le verra bientôt. Toutes les autres exigentdes manipulations & des préparations particulières, foit fur les ingrédients colorants, foit de la part des fubftances qui doivent être teintes.
- Pour jetter quelque jour fur cette matière,il efi: à propos d’établir d’abord plufieurs propofitions relatives à l’analyfe & aux principes des végétaux.
- Lorfqu on fait bouillir dans l’eau un végétal quelconque, il fefait une féparation des principes prochains de ce végétal ; l’eau fe décharge de tous ceux de ces principes quelle efi: en état de diffoudre, 3c laiffeles autres 'auxquels elle ne touche point.
- Les principes dont l’eau fe charge font les mucilages, les gommes, les Tels, & une matière huileufe combinée avec des fels qui la rendent mifcible à l’eau, & à laquelle je crois qu’on doit donner en général le nom de SubJ-tance favonneufe. J’appelle toutes ces fubftances confondues enfemble Matière extraCtive auf à diftinguer enfuit e plufieurs efpeces de matières
- ' ) On défignera dans ce Traité les matières à teindre, les Soies en écheveau, par le nom à?Etoffes.
- extractives
- p.r4 - vue 5/108
-
-
-
- V
- AV A N T-P R O P O S.
- extradivesluivant la nature des lubftancesqui y dominent.
- Les principes des végétaux que l’eau ne diffout point, font fes parties huileufes, réfineufes 8c terreufesles moins falines.
- Mais il eft bien effentiel de remarquer que cette féparation des principes prochains des végétaux qui fe fait par le moyen de l’eau , n’eft jamais abfolument entière & exade ; les principes huileux * réfineux & terreux auxquels elle ne touche point, recellent 8c garantirent de fon adion une certaine quantité des matières dont elle eft le dilfolvant naturel; de même l’eau extrait des végétaux, non-feulement les principes dont elle eft le dilfolvant naturel, mais encore une portion de la matière réfineufe & terreufe,qui s’y tiennent fulpendues à caufe d’un certain degré d’adhérence quelles ont avec les matières qui compofent l’Extrait; or il arrive fouvent que ces parties réfineufes & terreufes fur-abondantes à la matière extractive, s’en féparent enfuite, foit par leur défunion d’avec la matière extractive * foit par la diflipation de la partie la plus volatile de celle-ci. Delà vient que la plûpart des infufions & décodions, lors même qu'elles ont été filtrées & rendues très-claires, fe troublent enfuite & laiffent dépofer beaucoup de ces matières réfineufes 8c terreufes, fur-tout fi on les tient expofées à ün certain degré de chaleur.
- Ces notions préliminaires fuffifent pour donner une idée générale de ce qui arrive dans les differentes opérations de la Teinture.
- Parmi les ingrédients dont on fe fert dans cet Art, il y en a dont la couleur ou la partie capable de teindre, réfide dans une fubftance réfineufe 8c terreufe, de la nature de celles qui fe diffolvent en partie dans l’eau, à l’aide de la matière extradive du même ingrédient, mais qui s’en féparent enfuite d’elles-mêmes, ainfi qu’on vient de le dire ; la décodion de ces ingrédients eft donc réjino-extra&ive ; 8c fi fon y plonge ou qu’on y faffe bouillir des Etoffes, la partie réfineufe colorée s’applique d’elle-même fur ces étoffes, les teint 8c y adhéré par le fimple contad, fans pouvoir en être enfuite enlevée par l’eau , parce que ces fubftances réfineufes 8c terreufes une fois féparées d’avec la partie extradive, ne peuvent plus être rediffoutes par cette même partie, 8c à plus forte raifon par l’eau feule.
- 11 fu.it de-là, que pour teindre avec ces fortes d’ingrédients, on nabe-foin d’aucune préparation, ni de la part de l’ingrédient teignant, ni de
- la part de l’étoffe qui reçoit la teinture.
- Teinture en soie, b
- p.r5 - vue 6/108
-
-
-
- A VA N T-P R O P O S.
- Les principales fobftances de ce genre, font le brou de noix, la racine de noyer, le fumac, le fantal, & fécorce d'aune. Ces matières fournit fent facilement leur teinture dans l’eau, & cette teinture s'applique 8c adhéré aux étoffes d’une maniéré très-folide, fans le focours d’aucun mordant $ mais toutes ces matières ne donnent quune feule nuance, qui eft le fauve que les Teinturiers en laine appellent couleur de racine : ces ingrédients ne font point d’ufage dans la teinture en foie.
- Ilya d’âütres ingrédients de teinture, dont la partie colorante eft de nature tellement réfineufe, que l’eau, même aidée de leur matière extra dive, efl incapable de la diffoudre ; les principaux de cette efpece, font l’indigo, Torfèille, & le carthame ou fafran bâtard. On ne peut donc teindre avec ces ingrédients , qu’après avoir diffous d’abord leur partie réfineufe ; on y parvient en les traitant avec des matières ialines, & for-tout avec des fels alkaüs; chacune de ces matières exige des manipulations particulières, dont on trouvera le détail dans ce Traité.
- On fera feulement ici deux obfervations fur ces ingrédients, dont la teinture eft réfineufo : la première, c’eft que, comme il n’y a point de végétaux qui ne contiennent de la matière extraâive, & que cette matière a toujours quelque couleur, ces ingrédients renferment réellement deux fortes de teintures, dont l’une eft diffoluble dans l’eau, & lautre ne l’eft pas. La couleur de la matière extraéiive eft prefque toujours roufle , verdâtre & fale. Quelquefois cependant elle eft décidée & affez belle. On en a un exemple dans la fleur de carthame. L’eau diffout dans cette fleur, 8c fai enlève entièrement une couleur extraélive d’un affez beau jaune ; mais elle ne touche point à une teinture d’un très-beau rouge contenue dans cette même fleur, parce que cette teinture eft de nature abfôlümerit réfîneufer: On eft obligé de la diffoudre par un fel alkali, pour la mettre en état de -teindre les Etoffes , comme on le verra à l’article du couleur de Feu & du couleur de Cerifes.
- La 'fécondé dbfervation qu’il eft à propos de faire for les teintures réfineufes, c’éftque, quoiqu’on regarde communément les réfines comme diffdlubies dans l’efprit-de-vin, il fe trouve cependant des couleurs qui paroiffent réfineufes, en ce que l’eau ne peut les diffoudre, mais qui ne cedent point davantage à TaéHon de l’efprit-de-vin qu’à celle de l’eau,* telle eft, par exemple, la partie colorante de l’indigo.
- J’ai déjà eu occafionde faire remarquer dansd’autres ouvrages, que
- p.r6 - vue 7/108
-
-
-
- A VA N T-P R O P 0 S. Vij
- parmi les matières huileufes concrètes indilTolubles dans l’eau , il y en a qui font diffolubles dans lelprit-de-vin, & d’autres qui ne le font pas* que cette différence vient de la nature de l’huile, qui fert de bafè à ces fubflances ; que l’huile des premières eft de l’efpece des huiles effentielles, & celle des fécondés de la nature des huiles douces non volatiles. Il feroit donc à propos de ne pas confondre fous la dénomination commune de réfine, des fubflances auffi différentes ; mais faute de nom particulier, & pour abréger, j’avertis ici que je me fervirai du nom de réfine, pour tourtes les couleurs huileufes indilTolubles dans Teau.
- La matière colorante de prefque tous les autres ingrédients qui fervent à la teinture, eft de nature abfolument extradive : elle eft entièrement diffoluble dans Teau ; la gaude, la farette, la geniftrolle, & toutes les herbes qui donnent du jaune ; les bois d'Inde, de Bréfil, de fuftet * le bois jaune, & tous les bois de teinture; lagarence, le kermès, la cochenille, & beaucoup d’autres ingrédients, fourniffent Une teinture de ce genre * toutes ces drogues n’ont beloin d’aucune préparation , d’aucun diffol-vant particulier : l’eau feule dans laquelle on les fait infufer ou bouillir, en extrait très-bien toute la matière colorante. Mais fi Ton efïàie d’appliquer ces couleurs extradives fur des matières qui n’auront point été préparées, on verra bien-tôt qu’elles n’y font qu’une elpece de barbouillage qui n'eft d’aucune folidité ; l’eau feule eft capable d’enlever ces teintures de defïus les Etoffes , avec la même facilité & par la même rai-fon, quelle les a diffoutes dans les fubftances qui les contenoient originairement.
- Il a donc fallu trouver le moyen d’imprégner les étoffes qu’on vouloit teindre avec ces ingrédients, de quelque mordant qui eût la propriété de dénaturer en quelque forte leur teinture extradive, & de lui faire perdre finguliérement la facilité quelle a àfe diffoudre dans l’eau. On y eft parvenu très-heureufement, en pénétrant les matières à teindre, de plu-fleurs feis qui font propres à produire cet effet, & entre lefquels l’alun tient, fans contredit, le premier rang. Mais il eft à remarquer, que ces couleurs extradives, quoique affurées toutes par les mêmes mordants , nefe fixent point, à beaucoup près, avec la même folidité. Les unes, comme celles de la gaude, de la garence, du kermès, de la cochenille, s’affurenttellement par l’effet des mordants, quelles font en état de ré-flfter àladion de Tair, & de durer auffi long-tems que les étoffes, fans le
- p.r7 - vue 8/108
-
-
-
- vil) A VA N T-P RO P O S.
- -dégrader fenfiblement ; les autres, & particuliérement celles du bois d’Inde, du bois de Bréfîl, & de la plûpart des autres bois de teinture, ne fe fixent qu’imparfaitement ; elles s’altèrent, fe dégradent Sc s’effacent presque entièrement au bout d’un tems, plus ou moins long : de-là eft venue la diffindion entre le bon Sc 1 q faux teint.
- Ce feroit ici le lieu d’expliquer la maniéré dont les mordants agiffent dans la teinture, & de développer la caufe du bon & du faux teint ; mais ces objets ont été traités avec tant de fagacité par M. Hellot, dans fa Defçription de la Teinture des Laines, que je crois devoir y renvoyer, le Ledeur,
- Je me contenterai d’annoncer ici, que je crois poffible d’affurer tou-* tes les couleurs de faux teint ; & que ceux qui ont des connoiffances en Chymie, en étudiant le détail des opérations de la Teinture, & travaillant d’après les idées que cela leur fera naître, pourront parvenir à faire difparoître la diffindion entre le bon Sc \e faux teint ; ce qui eft certainement le plus beau & le plus utile problème, qu’on puiffe réfoudre en ce genre.
- Si, comme on en doit être convaincu par les obfervatkms qui viennent d’être rapportées, on a des difficultés à furmonter dans la teinture de la part des matières qui fourniffent les couleurs ; celles qui doivent les recevoir, en offrent qui ne font pas moins confidérables. La laine, la foie, le coton & le fil, ont chacun leur caradère particulier, Sc ne fe prêtent point également à recevoir les mêmes teintures.
- Les rouges de la garence & du kermès qui s’appliquent très-bien fur la laine, ne peuvent point prendra fur la foie. On peut dire en général, que la laine & toutes les matières animales, font celles qui fe teignent le plus facilement, Sc dont les couleurs font les plus belles Sc les plus folides; le coton, le fil & toutes les matières végétales, font au contraire les plus ingrates, Sc les plus difficiles à teindre.
- C’eff fur-tout dans fécarlatte de cochenille, que cette différence devient très-fenfible ; Sc voici une fort belle obfervation de M. du Fay à ce fujet : Si dans une même décodion de c.ochenille préparée pour teindre en écarlatte, par une quantité convenable de diffolution d’étain, on met en même-tems de la lairfe , de la foie & du coton , on ne pourra voir fans étonnement , qu’après avoir fait bouillir fuffifamment toutes ces
- matières, la laine en fortira teinte en un rouge magnifique Sc plein de
- feu,
- p.r8 - vue 9/108
-
-
-
- IX
- feu, tandis que la foie n’aura pris qu’une couleur de lie-de-vin fort terne, & que le coton n’aura pas feulement perdu fon blanc.
- Cette expérience donne lieu d’obferver une gradation bien fenfible , dans l’aptitude qu’ont la laine, la foie & le coton, à recevoir cette forte de teinture ; 8c comme la foie y tient exactement le milieu entre la laine, matière entièrement animale, & le coton, fiibftance purement végétale, il paroîtquon en peut conclure, que, quoique la foie foit le produit dun infecte, quoiqu’elle fourniffe,dansfon analyfe, les mêmes principes que les matières animales, & qu’on la regarde communément comme telle, elle n’a pas réellement tous les caractères des fubftances parfaitement ani-malifées : car il eft certain d’ailleurs, que la foie qui réfifte beaucoup moins que le fil & le coton à faction des feîs alkalis, y réfifte cependant infiniment mieux que la laine ; 8c que les Teignes 8c autres Infectes qui mangent avidement la laine , ne touchent jamais à la foie.
- On ne fera pas étonné après cela, que la plûpart des opérations de teinture foient fort différentes pour les laines, les foies , les fils & les cotons; 8c que les gens d’Art qui teignent ces différentes matières, foient partagés en plufieurs Corps , ou plutôt embraffent d’eux mêmes quelqu’un de ces objets en particulier, auquel ils fe bornent.
- Il arrive de-là que perfonne n’a une connoiffance entière de tous les procédés de la teinture. Les Teinturiers en laine ne connoiffent point, ou ne connoiffent que d’une maniéré très-vague, les pratiques des Teinturiers en foie, fil & coton; il en eft de même de ces derniers, qui fe renferment tous chacun dans fon objet. On ne peut efpérer cependant la perfection de l’Art, que de la réunion de toutes ces connoiffances, 8c de la comparaifon des différens procédés. Il eft donc bien à fbuhaiter, que les meilleurs Artiftes dans les autres branches de la Teinture, fe prêtent aufti à communiquer leurs pratiques particulières : c eft le feül moyen par lequel on pourra connoître exactement l’état actuel 8c les befoins de cet Art important.
- Teinture en soie.
- C
- p.r9 - vue 10/108
-
-
-
- <*
- \
- •V
- ï:. .
- 4
- <\ ;;
- W
- ' r
- r"
- >
- 4-
- \
- . - ’ f
- $
- /
- r*’î
- \\
- Art
- ♦
- «
- p.n.n. - vue 11/108
-
-
-
- *- f->4 *44^44444444444444-44444 4-44 44 4 4 4-4 44-f-f 4 44 444 4444444444-;
- LA
- ART
- D E
- EINTURE
- EN SOIE.
- Cuite de la Soie*
- L a Soiefbrtant de deflus ies côlons a ufte roideur & une dureté qui lui viennent d’une forte de vernis dont elle eft naturellement enduite ; elle a auflî * du moins prefque toute celle de ce pays-ci, une couleur roufsâtre*jaune , ordf* nairement même très-foncée. Cette ïoideur de la Soie ne convient point pour la plupart des étoffes,* à la fabrique defquelles elle efl: deftinée ; 8c fa nuance naturelle efl: défavorable à prefque toutes les couleurs qu'on doit lui faire
- La première des opérations de l’Art de la Teinture en Soie, a donc pour objet de lui enlever en même tems fon enduit 8c fa couleur naturelle : mais il efl atfé de fèntir que cela ne fe peut faire que par le moyen d*un diffolvant qui ait une aétion fufEfante fur le vernis naturel de la Sôie. Les Artiftes qui fe font occupés les premiers de cet objet, n’ont certainement pas eu beaucoup à choifit parmi les agents qui pouvoient remplir ces vues ; car l’enduit delà Soie efl une fùbftance d’une nature finguliere qui ne fe iaiffe attaquer, à proprement parler* que par une feule efpéce de diffolvants.
- Cette matière réfifte abfolument à Taélion de l’eau ; les diffolvants fpiritueux, 8c particuliérement l’efprit-de-vîn, loin de l’enlever, ne font au contraire que la racornir, Les acides fuflîfamment affoiblis ou adoucis pour ne point détruire la Soie même, n'attaquent fon enduit que fort imparfaitement. Enfin, il paroît qu’il n’y a que les feis alkalis qui aient fur lui affez d’action pour le diffoudre Teinture en soie, A
- p.1 - vue 12/108
-
-
-
- a DE LA TEINTURE EN SOIE.
- efficacement, quoique fuffifamment affoiblis ou adoucis pour ne point altérer fenfiblement la Soie.
- Toutes les propriétés de cette fubftance démontrent qu'elle n'eft ni une gomme, ni une vraie réfine, ni même une gomme-réfine, & qu'elle différé effentiellement de toutes ces matières ; car toutes les gommes fe diffolvent dans l’eau, toutes les vraies réfines fe diffolvent dans l'efprit-de-vin, Sc toutes les gommes-réfines peuvent être dilîoutes en partie dans l'eau, en partie dans l'efprit-de-vin : c'efl: donc probablement une de ces matières huileufes concrètes, qui different des réfines proprement dites, en ce que leur partie huileufe n'efl pas de l'elpece des huiles effentielles, mais de celle des huiles douces qui n'ont rien/de volatil, Sc qui nefe laiffent point attaquer par l'efp rit-devin. Peut-être auffi l'enduit de la Soie eft-il compofé de fubftances gom-meufes Sc huileufes, mais proportionnées Sc combinées de maniéré qu'elles fe fervent mutuellement de défenfifs contre l'aétion de leurs diffolvants propres.
- Quoi qu'il en foit, c'efl: par le moyen des fels alkalis qu’on parvient à dé-barraffer la Soie de fbn vernis, ce qui s'appelle la décreufer, Mais foit qu'on n’ait point penfé à employer à cet ufage, les alkalis purs Sc étendus dans une fuffifente quantité d'eau, foit qu'on y ait trouvé quelque inconvénient, il pa-roît que dans ces pays-ci on s'eft accordé à fe fervir pour cela de l'alkali adouci _ par de l'huile, c’eft-à-dire, du fevon. .
- Le décreujfiment ou décreufage de la Soie qu’on nomme auffi la cuite, fe fait en général par de l'eau chaude chargée d’une certaine quantité de favon; mais les détails de cette opération, Sc la quantité de favon varient, fuivant i'ufege auquel efl: deftinée la Soie, comme on va le voir.
- On cuit en deux fois les Soies auxquelles on veut donner le plus grand degré de blancheur; celles, par exemple, qui doivent relier en blanc, Sc avec lefquelles on doit fabriquer des étoffes blanches : &l'on cuit en une feule fois Sc avec une moindre quantité de fevon prefque toutes celles qu'on doit teindre enfuite en différentes couleurs, parce que le petit œil roux qui leur relie, n’empêche point que la plupart des couleurs qu'on leur donne enluite ne foient belles : on emploie néanmoins différentes quantités de favon, fiiivant les couleurs pour lefquelles les Soies font dellinées ; on fera mention à l'Article de chaque Teinture, de la quantité de fevon qui doit être employée pour la cuite de la Soie qui doit la recevoir. On va parler d’abord de la maniéré de cuire les Soies auxquelles on veut donner la plus grande blancheur ; cette cuite fe fait, comme on l’a déjà dit, en deux fois.
- p.2 - vue 13/108
-
-
-
- DE LA TEINTURE EN SOIE.
- Du Dégommage & de la Cuite de la Soie,pour le Blanc.
- La première cuite que Ton donne à la Soie deftinée à être mife en blanc $ fe nomme Dégommage, parce qu’en effet le but qu’on fe propofe dans cette opération , efl: d’ôter à la Soie la plus grande partie de fa gomme (a ).
- Pour faire le dégommage, on commence par pantimer ou pantiner les foies j c’eft-à-dire, qu’on paffe un fil autour de chaque Mateau, qui confifte en une certaine quantité d’écheveaux noués enfemble, comme on le voit en A , Plan* the 11, Fig» 2, Après cela, ôn dénoue les Mateaux, St on en joint plufieurs en-* femble pour en former une poignée dont la grofîeur & le nom varient, fuivanc les Manufaétures. A Lyon, cette poignée conferve le nom de Mateau ; à Tours elle prend le nom de Parceau ; & à Paris celui de Bonin : ces noms varient de même dans d'autres Manufactures (h).
- Cette précaution de pantimer les foies efl: nécefîaire pour telles foient plus faciles à drejfer, pour pouvoir les manier plus aifément, & pour empêcher qu’elles ne fe mêlent, ou ne fe crampiUent, comme difent les Teinturiers.
- Après cette opération, on fait chauffer dans une chaudière ovale A, Flanche I, Fig. r, une fîiffifante quantité d’eau de riviere, ou autre eau propre pour y faire fondre du favon de Marfeille, à raifon de trente pour cent du poids de la foie. On coupe le favon par petits morceaux pour le faire diffoudre plus facilement.
- Quand le favon a été fondu en bouillant * on remplit la chaudière d’eau fraîche , St l’on ferme les portes du fourneau, en laiffant feulement un peu de braize deffous , afin que le bain fe tienne très-chaud , mais fans bouillir ; parce que fi le bain bouilloit, cela feroit ouvrir & hourer la foie, fur-tout la foie fine.
- Pendant que ce bain fe prépare, on paffe les mateaux fur des bâtons, qui fe nomment lifoirs, repréfentés en B, Flanche il, Fig. 2 ; St dès qu’il efl en état, on y met les foies, St on les laiffefur ce bain de favon jufqu’à ce qu’on voie que toute la partie qui trempe efl entièrement dégommée ; ce que l’on reconnoît aifément par la blancheur & par la flexibilité que la foie prend en perdant la gomme. Alors on la retourne fur les bâtons pour faire fiibir la même opération à la partie qui n’avoit point trempé , & l’on retire du bain à mefure que le dégommage efl: fait, parce que les mateaux qu’on a retournés les premiers font toujours plutôt dégommés que les autres. La foie étant ainfi dégommée, on la tord fur la cheville pour lui faire quitter fon favon, & on la drejfe ; c’ell-à-dire,
- (a) Cette exprefllûn efl: impropre, comme on en peut juger par ce qui vient d’être dit fur la nature de l'enduit de la foie ; néanmoins on s’en fer-vira, parce qu’elle cft commode & ufitée par les gens de l’Art.
- (b) On fe fetvira dans ce Traité des termes ufî-tés à Lyon , parce que les Manufactures de cetre Ville en fait de foie font les plus confidérables Sc les plus renommées.
- p.3 - vue 14/108
-
-
-
- 4 DE LA TEINTURE EN SOIE.
- qu’on la manie fur la cheville & fur les mains, pour la démêler ou décfaftï® piller,
- Enfuite on pafle une corde dans les mateaux, pour les affujétir pendant la cuite > ce qui s’appelle mettre en cordes.
- On peut paffer jufqu’à huit ou neuf mateaux dans chaque corde, comme on le voit en A, Planche III, Fig. 2. Après cela * on met les foies dans des lacs ou poches de groffe 8c forte toile. Ces poches ont quatorze ou quinze pouces de large, & quatre à cinq pieds de long , 8c elles font fermées par les deux bouts. Elles font ouvertes par le côté, de toute la longueur de la poche. Lorlqu’on y a mis la foie, on coud cette poche tout du long avec une ficelle qu’on arrête par le moyen d’un nœud.
- On met dans chaque poche vingt-cinq à trente livres de foie. Cette opération s’appelle empocher. Voyez en F, Planche IL Fig. r>
- Lorfqu’elle eft faite, on prépare un nouveau bain de favon, femblable aü premier , c’eft-à-dire, qu’on y met la même quantité de làvon pour cent, 8c lorlque le lavon eft bien fondu, 8c qu’on a abattu le bouillon par de l’eau fraîche , on met les poches dedans, 8c l’on fait bouillir à gros bouillons pendant une heure 8c demie. Quand le bouillon veut s’enfuir, on le rabat par un peu d’eau froide. Pendant cette cuiflon, on a attention de barrer fouvent, c’eft-à-dire, que par le moyen d’unebarre, ou plutôt d’une perche, C, Planche II, Fig. 2. on remue les facs en faifant paffer deffus ceux qui étoient deffous , pour empêcher que la foie ne fe brûle, en touchant trop long-tems le fond delà chaudière : ce mouvement aide auffi à la faire cuire plus également 8c plus promptement* '
- L’opération que l’on vient de décrire s’appelle la Cuite, elle fe pratique pouf les foies qui font deftinées à relier en blanc, & fe fait dans la chaudière ronde B, Planche I > Fig. I*
- De lu Cuite des Soies deftinées a être teintes.
- Pour cuire les foies deftinées à être mifes en couleurs ordinaires , on met vingt livres de favon pour chaque cent pefant de foie crue; 8c la cuite fe fait en tout comme dans l’opération qu’on vient de décrire, avec cette différence feulement que comme on ne fait point de dégommage, on fait bouillir pendant trois heures 8c demie ou quatre heures ; ayant foin de remplir de tems en tems avec de l’eau pour avoir toujours une quantité de bain luffifante.
- Si l’on deftine les foies à être mifes en bleu > en gris-de-fer, foufre, ou autres couleurs qui demandent à être mifes fiir un fond bien blanc, pour avoir toute la beauté qu’on peut leur defirer ; on emploie pour la cuite trente livres
- de
- p.4 - vue 15/108
-
-
-
- DE LA TEINTURE EN SOIE. f
- de favon pour centpefant de foie , & l'on fait bouillir de même pendant trois ou quatre heures.
- Enfin , fi la foie eft deftinée à être mife en ponceau , cerife, 8c autres rôuges de Jàffranum, on emploie pour la cuite cinquante livres de favon pour chaque cent pefant de foie , parce qu'il eft néceflaire qu elle devienne prefque auffi blanche que celle qui doit relier en blanc.
- Quand les foies font cuites, on les jette bas, c'eft-à-dire y qu'on retire les poches de la chaudière. Pour faire cette operation, on fe fert d'une barre ou perche plus petite que la première dont nous avons parlé. On palfe cette petite perché fous le fac en appuyant fur le bord de la chaudière , & par ce moyen on louleve la poche en la pinçant.
- Pour lors, on palfe par deifous ce point d'appui une perche alfez grande pour porter lur les deux bords de la chaudière, 8c l'on retire le fac en le roulant 8c l'engageant fucceflîvement fur les deux perches, jufqu'à ce qu'il foit entièrement hors du bain, 8c auffi-tôt on le jette à terre. Il faut avoir foin que l'endroit où l'on jette les là es, en lés retirant , loit bien propre , ou même do le couvrir de toile ou de planches pour éviter les taches qui pourroient péné-* trer à travers le fac ; ou pouf le mieux, on le jette fur un Baillard en attirant à foi. Voyez la forme du Baillard D, Flanche IL Fig. 2. 8c l'opération en A, mê* jne Planche, Fig. I.
- Quand il eft fur le baillard, on le découd en tirant la ficelle après avoir défait le nœud, & l'on en retire les foies pour examiner fi elles font bien cuites* & s'il ne s'y trouve point de ce que les Teinturiers nomment improprement bifeuit, c’eft-à-dire, des places où le bouillon n’aura point fuffifamment péné^ tré ; ce qui fe voit aifément par le jaune , 8c un certain limon qui refte en cés, endroits. Si l'on y voit ce défaut, il faut les remettre à cuire, en faifànt bouillir de nouveau pendant quelque tems ; 8c quand on voit que toute la foie éft bien cuite, on jette toutes les poches à bas, comme on avoit fait la première fois#
- Après avoir dépoché, on drefle le tout fur la cheville , comme on le voit en B y Planche i, Fig. J. pour difpofer enfuite les foies à être mifes dans les couleurs qu'on veut leur donner.
- Remarques fur le Dégommage & la Cuite♦
- Il eft néceffaire d*employer le meilleur favon blanc de Marfeilie pouf la cuite des foies. Tout autre favon de qualité inférieure ne réuflît pas également bien, & d'ailleurs on ne ménageroit pas en employant certains favons ; car il en faudroit une plus grande quantité : il y en a qui fe caillent avec la gomme de la Teinture en soie- £
- p.5 - vue 16/108
-
-
-
- 6 DE LA TEINTURE EN SOIE.
- foie , & forment avec elle une matière qui a prefque la confiftance de la cire.
- On s’eft fervi,pour cuire la foie, d'un favon dans lequel il entroit de la graille, mais on a remarqué que les foies qui avoient été cuites avec ce favon, n’avoient jamais la féchereffe & l’éclat vif convenables ; d’ailleurs elles fe rouffiflbient à la longue.
- La foie perd communément un quart de fon poids à la cuite : il y en a quelques-unes, comme les trames d’Elpagne, de Valence, Sc plufieurs autres, qui perdent deux ou trois pour cent de plus.
- Le bain de favon qui a fervi à la cuite de la foie, prend une mauvaife odeuf* & fe corrompt très-promptement, & pour lors il n’eft plus bon à rien. Si, lorf-qu’il fait chaud, on garde pendant fîx ou fept jours, en monceau, de la foie cuite qui n’a pas été dégorgée Sc lavée du favon de fa cuite, elle s’échauffe ; elle prend une mauvaife odeur, &même il s’y forme des vers blancs de même forme que ceux de la charogne : ces vers cependant ne mangent point la foie, mais feulement l’eau de favon mêlée de gomme dont elle eft reftée mouillée ; cette foie eft fujette à fe durcir.
- La foie qui n’a point été cuite, Sc qu’on nomme foie crue y eft roide Sc dure* ainfi qu’on l’a dit, enforte que la cuiflbn eft abfolument nécelîàire, tant pour lui ôter ces mauvaifes qualités, que pour lui enlever la couleur jaune, qu’ont naturellement beaucoup d’efpeces de foies. Il eft néceffaire d’employer pour la cuite de la foie de l’eau bien pure, & qui diffolve parfaitement bien le favon ; celle de la riviere de Seine eft très-bonne.
- Lorfque l’eau de la riviere eft bien bourbeufe, cela n’empêche pas qu’on ne s’en ferve pour cuire les foies ; mais dans ce cas, on eft obligé de lalaiffer dépo-ferpendant quelque tems, on la met enfùite dans la chaudière, Sc on achevé de l’épurer de la maniéré fùivante.
- On la fait chauffer fans bouillir ; après quoi on y jette environ une livre de favon fur trente féaux d’eau : ce favon fait monter à la furface de l’eau les im-puretés en forme d’écume qu’on enleve avec l’écumoire; après quoi on fait la cuite à l’ordinaire.
- Telles font les méthodes ufitées jufqu’à préfent dans toutes les Manufactures de l’Europe, pour cuire Sc décreufer les foies : mais peut-être feront-elles changées , du moins à certains égards ; car les principaux Négociants & Manufacturiers en étoffes de foie, ont remarqué depuis long-tems que les foies de ces pays-ci qui font décreufées par le favon, ont plufieurs défauts, & finguliérement moins de luftre que celles de la Chine, qu’on dit être décreufées fansfavon. Ces confidérations ont engagé l’Académie de Lyon à propofer pour le fîijet de fon prix de l’année 1761, de trouver une Méthode de décreufer les foies fans fa-»
- p.6 - vue 17/108
-
-
-
- DE LA TEINTURE EN SOIE. 7
- von, Sc ce prix vient d’être décerné à M. Rigaut, de S. Quentin , déjà connu par plufieurs recherches Chymiques très-utiles pour la perfeétion des Arts Sc des objets de Commerce.
- Ce Phyficien déjà prévenu par le programme de T Académie, que c’eft l’huile du fàvon qui donne à la foie les mauvaifes qualités dont on fe plaint, propofe de fiibftituer au fàvon une diflolution de fel de foude, étendu dans une fuffi^ fante quantité d’eau pour ne point altérer Sc énerver la foie ; ce qui, fans dou*
- ' te , remplit les vues de l’Académie.
- Du Blanc.
- * * »
- Les foies dégommées Sc cuites, comme on vient de le dire, ont le plus
- grand degré de blancheur qu’on puilfe leur donner par ces opérations ; mais comme il y a differentes nuances de blanc, dont les unes ont un petit œil jaunâtre , les autres tirent fur le bleu, d’autres fîir le rougeâtre ; les Teinturiers font obligés, pour faire prendre à la foie la nuance particulière de blanc qu’ils défirent,d’ajouterquelquesingrédients, foit dans le dégommage,foit dans la cuite, foit dans un troifieme bain fort léger de fàvon, qu’ils nomment Blanchiment. On Va indiquer les moyens de donner à la foie les principales nuances de blanc.
- On diftingue dans la Teinture en foie cinq fortes de blancs, ou plutôt cinq principales nuances de blanc, qui fe nomment le blanc de la Chine, le blanc des Indes , le blanc de fil appellé auffi blanc de lait, le blanc d'argent > Scie blanc azuré» Tous ces blancs ne different les uns des autres que par des nuances très-légeres ; mais qui font cependant fenfibles à la vûe, fur-tout iorfqu’on les compare les unes avec les autres.
- Les trois premiers blancs fe dégomment Sc fe cuifènt comme il a été dit.
- Pour faire le blanc de la Chine , on lui donne un peu de rocou fur le blanchiment , quand on veut qu’il ait un œil rougeâtre, fans quoi on n’y met rien.
- Le blanc des Indes n’a befoin que de palier fur le blanchiment, excepté lorsqu'on veut qu’il ait un petit œil bleu ; on lui donne dans ce cas un peu d’indigo* préparé comme on le dira ci-après, Sc que les Teinturiers nomment azur.
- Le blanc de fil fe paffe fur le blanchiment, qui va être décrit ci-après, avec un peu d’azur.
- Mais pour le blanc d’argent & le blanc azuré , il efl à propos de mettre de l’azur dans le dégommage, ce qui fe fait de la maniéré fui vante.
- On prend de bel indigo ; on le lave deux ou trois fois dans de l’eau moyennement chaude ; enfuite on le pile bien dans un mortier, & on jette de l’eau bouillante deflus. On laiffe repofer & tomber toutes les parties groffieres de l’indigo, & l’on ne fe fert que du clair ; c’eft ce qu’on appelle azur.
- p.7 - vue 18/108
-
-
-
- 8
- DE LA TEINTURE EN SOIE.
- On met de cet azur dans le bain de favon deftiné au dégommage.
- Il n'y a rien de déterminé fur la quantité, parce que fi la foie ne fe trouve point aflez azurée, on lui redonne de l’azur fur le blanchiment.
- Pour le blanc d’argent & le blanc azuré, on met aulfi de l’azur dans la cuite j à vue-d’œil, comme dans le dégommage.
- Lorlque la cuite eft faite, on leve la foie de la chaudière en la barrant, c’eft-à-dire, en lui faifant faire le moulinet par le moyen de la demi-barre, comme il a été dit ; mais au lieu de jetter les poches à terre, ou fur le baillard, on les porte dans une barque remplie d’eau claire; on ouvre la poche dans l’eau, & on l’en retire en y laiflant la foie ; on étale la foie dans l’eau par cordée, après quoi on la leve, & on la pofo for le baillard, qui eft mis en travers for la bar~ que, & à travers lequel les foies s’égoutent de leur eau de favon dans la barque.
- Cette première eau de favon, eft remife dans la chaudière où l’on a fait la cuite de blanc, pour fervir à une autre cuite.
- On remplit la barque avec de nouvelle eau claire, dans laquelle on lave ou disbrode les blancs. On les écoule & on les dreflè enfoite, & on en fait des mateaux propres à être tords. En même temps on prépare le blanchiment de la
- maniéré foivante. •
- Du Blanchiment.
- Pour faire ce qu on appelle le blanchiment, on remplit une chaudière d’eau claire : for trente féaux, on met environ une livre ou une livre & demie de fo-von ; on fait bouillir le tout ; & quand le favon eft fondu, on brafle l’eau avec un bâton pour voir fi le blanchiment eft aflez gras, ou fi, au contraire il ne l’eft pas trop : ces deux inconvénients font également à éviter, parce que fi le blanchiment étoit trop maigre, les foies n’y prendroient pas une teinte uniforme ; fi , au contraire, il étoit trop gras, elles refuferoient de tirer l’azur comme il faut, & prendroient des plaques bleues par places. On connoît que le blanchiment eft bon, quand en le battant avec un bâton, il donne une écume qui n’eft ni forte ni foible ; pour lors, on met les foies en bâtons, 8c on les paflTe de la ma-, niere ftiivante.
- Pour le blanc de la Chine, on paflTe for le bain en y ajoutant un peu de ro-; cou, fi l’on veut qu’il porte un œil un peu rouge. On doit obferver de palier les foies dans le bain de la maniéré foivante. On y plonge tous les mateaux arrangés for leurs bâtons ; & on place ces bâtons, de maniéré que les deux bouts portant for les deux côtés du vaifleau, tous les écheveaux pofés verticalement , trempent dans le bain, à l’exception de leur partie fopérieure qui en eft dehors, parce quelle eft retenue par le bâton, 8c que le vaifleau ne peut être rempli entièrement, à caufe de l’elpace qu’il faut lailfer pour manœuvrer.
- p.8 - vue 19/108
-
-
-
- DE LA TEINTURE EN SOIE. 9
- On les prend enfoite l’un après l’autre, & on les retourne bout pour bout, afin de faire tremper à fon tour la partie du mateau qui étoit dehors , Sc on les re-pouJÛTe en même tems à l’autre extrémité du vaifleau. Cette manœuvre qu’on réitéré jufqu’à ce que la foie ait pris uniformément la teinte qu’on veut lui donner, s’appelle lifer la foie; les bâtons dans lefquels font pafles les mateaux, fe nomment des lijoirs ,ain fi qu’on fa dit ci-devant; Sc lorfqu’on a mis ainfi de haut en bas chaque mateau, cela s’appelle avoir donné une life : ainfi, chaque fois qu’on les retourne, c’eft une nouvelle life qu’on leur donne. Cette manœuvre fe pratique dans toutes les opérations où il s’agit de faire prendre également quelque couleur à la foie ; & fon obferve toujours de lifer fans interruption dans le commencement, ou jufqu’à ce que la nuance que prend la foie foit bien uniforme. Sur la fin, ou lorfque le bain eft déjà affoibli, on donne les lifes moins fréquemment. Voyez cette manœuvre en C, Flanche IL Fig. i.
- Pour le blanc des Indes, on life de même, Sc fon ajoute un peu d’azur, fi Ton veut qu’il ait un petit œil bleu; Sc cela fe fait en particulier pour ne pas gâter le blanchiment qui eft deftiné à fervir ainfi pour les autres blancs.
- Pour le blanc de fil, Sc pour les autres blancs, on y ajoute un pêu d’azur, à proportion de la nuance qu’on veut leur donner.
- Pendant toute cette opération, il faut obferver que le bain foit bien chaud, mais fans bouillir, & lifer exaétement jufqu’à ce qu’on voie que toute la foie ait pris une nuance bien unie, ce qui eft fait ordinairement en quatre ou cinq lifes. A mefiire que les foies font unies Sc finies, on les tord à fec fur ïefpart : après quoi, on les étend for les perches pour les faire fécher Amplement ; ou bien à la vapeur du foufre, fi cela eft néceflaire, comme on va le dire.
- Du Soufrage.
- Toutes les foies qui font deftinées à être employées en blanc pour toutes fortes d’étoffes, à l’exception de la moire,doivent être foufrées, parce que l’acide du foufre achevé de leur donner le plus grand degré de blancheur auquel on puiffe les amener : le feufrage fe fait de la maniéré fuivante.
- Sur des perches placées à fept ou huit pieds de hauteur, on étend les foies qu’on veut foufrer ; on choifit pour cela une haute chambre fans cheminée, ou un grenier élevé où fon puiffe dans le befoin donner accès à f air, en ouvrant les portes & les fenêtres.
- On met pour cent livres de foie à peu-près une livre Sc demie ou deux livres de foufre en canons dans une terrine ou dans une marmite de fer au fond de laquelle on a mis un peu de cendre ; on écrafe grofliérement les canons de foufre ; on le met en un tas for la cendre ; on allume à la chandelle un des mor-Teinture en soie. C
- p.9 - vue 20/108
-
-
-
- IO DELA TEINTURE EN SOIE.
- eeaux, avec lequel on met le feu à pluGeurs endroits du tas.
- On ferme bien la chambre ; s'il y a une cheminée , il faut auflî avoir attention de la boucher , pour empêcher que la vapeur du foufre ne fe diffipe, Sc on laiffe brûler tout le foufre fous les foies pendant la nuit.
- Le lendemain on ouvre les fenêtres pour laiffer diffiper l'odeur du foufre Sc faire fécher les foies ; ce qui foffit dans l'été.
- Pendant l'hiver, après que l'odeur du foufre eft paflee , on referme les fenêtres, & on met de la braife allumée dans des réchauds pour faire fécher les foies. Il eft très-effentiel que l'endroit dans lequel on foufre les foies foit fitué de maniéré qu'on en puiffe ouvrir la porte Sc les fenêtres, fans être obligé d’y entrer ; il faut le lailfer ainfi ouvert jufqu’à ce que l'air s’y foit renouvellé, fans quoi on feroit expofé à être fuffoqué par les vapeurs du foufre Sc de la braife.
- Quand le foufre eft confommé, on trouve une croûte noire qu'on enleve de deffus la cendre, elle eft très-combuftible, Sc on s'en fort pour allumer le foufre par la foite ; ce qui eft plus aifé que quand on allume le foufre même qui n'a pas encore été brûlé. 0
- Pour voir G les foies font fuffi&mment feches, on les tord à la cheville, & elles font bien G elles ne fe collent pas les unes aux autres en les tordant ou chevillant i G elles collent encore, on les remet à fécher.
- Remarques fur les Blancs & le Soufrage.
- L'acide vitriolique fulfureux qui fe dégage en grande quantité pendant une lente combuftion du foufre, a la propriété de manger Sc de détruire avec une très-grande efficacité, la plûpart des couleurs ; c’eft par cette raifon que le fou-frage donne à la foie un blanc plus éclatant : il mange le roux qui lui reftoit, & qui, par le mélange de l'azur, paroifloit un peu verdâtre : il lui donne aulîî plus de fermeté, & même ce qu'on appelle du cri ou du maniement. Cela con-ftfte en ce que, lorlque la foie a été imprégnée de l'acide du foufre ou d'un autre acide quelconque, Sc qu'on en fait rouler les uns for les autres les brins d’un écheveau en les preffant entre les doigts, leur frottement devient fenGblepar des elpeces de vibrations ou de trémouffemens qui fe communiquent â la main, Sc même par un petit bruit qu’on entend très-bien quand on l'approche de fon oreille, & qu on y prête attention.
- Comme ce maniement donne une certaine roideur aux foies, on eft dans l'u-fage de ne point foufrer celles qui font deftinées à faire de la moire, parce que lorfquelles font foufrées elles réGftent trop aux impreflîons de la calendre, fous laquelle on fait palfer l'étoffe pour la moirer, &que cela empêche les Gis de Pé-toffo de rouler allez librement les uns fur les autres pour prendre un beau moirage.
- p.10 - vue 21/108
-
-
-
- DE LA TEINTURE EN SOIE. îr
- Pour éviter l’inconvénient qui réfulte de cette roideur ou dureté que la foie prend au foufrage, on eft dans l’ufage, dans certaines manufactures, de la défou-frer : ce qui confifte à la tremper à plufieurs reprifes dans de l’eau chaude en lifant comme pour la Teinture. Cette opération rend la foie plus douce , & lui faitperdrefon maniement ; mais cette foie eft toujours moins propre à être moirée que celle‘qui n’a point étéfoufrée. Si Ton vouloit teindre des foies qui auroient été fbufrées, il faudroit les défoufrer, parce qu’il y a beaucoup de couleurs qu’elr les ne prendroient pas bien fans cette précaution ; ce font toutes celles qui ne peuvent réfifter à faction des acides.
- Quand les foies ont été foufrées 5 fi l’on remarque qu’elles n’aient point allez d’azur pour la nuance qu’on veut alfortir, il faut leur en donner de nouveau fur de l’eau claire & fans y mêler de favon ; & il eft à remarquer que fi l’on emploie’ de l’eau crue comme l’eft celle de certains puits, f azur en eft plus bleu ; fi, au contraire, on emploie une eau de riviere bien douce , l’azur tire un peu plus fur le rouge.
- Après qu’on a ainfi redonné de l’azur, on foufre les foies une fécondé fois* Au refte , le premier foufrage n’eft pas inutile dans cette opération, parce que l’acide du foufre fait prendre plus facilement fur la foie l’azur qui fe donne avec l’eau feule ; car il n’en feroit pas de même de celui qui fe donne fur le favon.
- A l’égard de la cuite, fi l’on n’avoit pas d’azur, on pourroit y mêler un peu du bain d’indigo préparé pour teindre en bleu , comme on le dira ci-après, & que les Teinturiers nomment bleu de cuve y il produiroit le même effet, pourvu que ce bleu fût tiré d’une cuve qui eût encore toute fa force. On pourroit même, à la rigueur, fe fervir de ce bleu de cuve pour donner l’azur avec l’eau; mais il eft fujet à donner une nuance moins belle, parce que quand on mêle une petite quantité de bleu de cuve dans beaucoup d’eau, il perd fà qualité & tombe dans le gris*
- Il y a des étoffes qu’on fabrique toujours avec des foies crues, pourvues de toute leur gomme & de leur fermeté naturelle, parce que ces étoffes doivent être elles-mêmes très-fermes, Sc comme empefées ou gommées, telles font les dentelles de foie qu’on connoît dans le commerce fous le nom de blondes y les gazes & autres de cette efpèce. Les foies deftinées àlafabrique deces fortes d’étoffes , ne doivent donc point être dégommées ni cuites ; & on leur donne toutes les préparations de teinture dont elles ont befoin, fans leur avoir fait fùbîr ces opérations préliminaires. On aura, par cette raifon , attention d’indiquer à la fin de chaque procédé de teinture, ce qu’il faut obferver pour faire prendre à la foie crue toutes les différentes couleurs. Voici d’abord ce qui concerne les foies qui doivent être employées crues & blanches, pour les étoffes dont on vient de parler.
- Il faut choifir celles qui font naturellement les plus blanches, & les trem-
- p.11 - vue 22/108
-
-
-
- ia DE LA TEINTURE EN SOIE.
- per dans de l'eau, les tordre enfuite, les Foufrer, & après cela leur donner de l'azur fur de l’eau claire ; les tordre de nouveau, & enfoite les foufrer une fe-conde fois : du moins telle efl; la méthode ordinaire.
- Mais l'expérience a appris qu'on peut faire auflîbien, en les trempant dans un bain de fa von, comme pour le blanchiment, & chaud au point quon n'y puiffe tenir la main. On les life fur ce bain, en y mettant de l'azur s'il en faut. Lor£ qu'elles font au point convenable', on les lave bien à la riviere ; ce qui leur, rend la fermeté quelles perdent dans l’eau de favon ; enfuite on les tord & on les foufre.
- Il faut obferver, que cette efpèce de blanchiiïàge de la foie crue, ne s’emploie que pour des foies de pays de qualité inférieure ; car les belles foies de Nanquin, qui font naturellement d’un très-beau blanc , n’ont aucun befoin de cette opération.
- Del Alunage.
- L’alunage doit être regardé comme une des opérations générales de la tein- * ture, parce que l'alun efl: un mordant fans lequel la plupart des couleurs ne pourraient s’appliquer fur les matières à teindre , ou du moins n’auroient ni beauté, ni folidité ; ce foi réunit deux propriétés admirables, & de la plus grande importance pour l'Art de la teinture ; il rehaulfe l'éclat d'une infinité de couleurs, & les fixe fur les matières teintes d’une maniéré folide & durable.
- On emploie l’alun dans la teinture de la laine, du coton, du fil & de la foie ; mais les manipulations pour l’appliquer, font différentes : voici celle dont on fe fert pour la foie, qui efl: l’objet de ce Traité.
- Dans une tonne ou bacquet d’environ quarante ou cinquante féaux, voyez B, Planche IV, on met quarante ou cinquante livres d’alun de Rome, qu'on a fait diffoudre d’abord dans une chaudière pleine d’eau fuffifàmment chaude ; il faut avoir attention, en verfànt la diflblution d’alun dans la tonne, de bien remuer & braffer , parce que la fraîcheur de l’eau pourroit le faire cryflallifer ou conge* 1er, comme difent les Teinturiers ;& alors la foie qu’on mettroit dedans, feroit toute enduite de petits cryftaux d’alun, ce que les Teinturiers appellent fe glacer. Lorfque cet inconvénient arrive, onpaffe la foie fur un peu d'eau tiede, qui enlevé promptement tous ces cryftaux, & l'on peut remettre cette eau dans la tonne à l’alun.
- Après avoir lavé les foies de favon, en leur donnant une batture, & même pour le mieux, après les avoir écoutées fur la cheville, pour ôter le plus gros du favon qui refte encore , onlespaffe dans des cordes, comme quand on les fait cuire. On plonge dans l’alun toutes les cordées les unes fur les autres, en
- pbfervant que les mateaux ne foient point trop roulés fur eux-mêmes, ou voltés
- comme
- p.12 - vue 23/108
-
-
-
- DE LA TEINTURE EN SOIE> 13
- comme difent les Teinturiers ; que les cordées foient à l’aife, de manière qu’eb* les foient toutes bien fubmergées : on les laifle dans cet état pendant huit à neuf heures , ordinairement depuis le foir jufqu’au lendemain matin. Après quoi, on les levé, on les tord à la main fur la tonne> on les porte à la riviere pour les laver, ce que l'on nomme raffraiehir, & on les bat lorfqu’il eft né-ceflaire, comme on le dira en fon lieu.
- Dans quelques Manufactures, au lieu de mettre les foies en corde pour les faire aluner, on les pâlie lur des bâtons, en mettant trois ou quatre mateaux lur chaque bâton, & on leur donne trois ou quatre lifes ; enluite on les fait fubmerger entièrement dans le bain, en y plongeant tous les bâtons par le bout qui eft chargé des foies, & l’autre bout demeurant appuyé lur le bord de la barque: ce que les Teinturiers appellent mettre en Joude. Ils défignent en général, par cette expreflîôn, la fubmerlîon & le féjour de la foie dans une liqueur quelconque.
- Pour éviter que les foies ne s’échappent de defliis les bâtons & ne le mêlent, on a foin d’avoir une perche , qui eft jufte, de la longueur de la barque, & fur laquelle on appuie la tête de tous les autres bâtons, enforte que cette perche empêche les foies de pouvoir couler. On peut faire la même choie, par le moyen d’une corde qu’on attache à la tête du premier & du dernier bâton, & qui paflant fous la tête de tous les autres, fait le même effet que la perche.
- Le bain d’alun étant formé, comme on a dit, on y peut pafler jufqu’à cent cinquante livres de foie, fans qu’il foit héceffaire d’y ajouter de nouvel alun, ou de le recruter pour le fervir du terme de l’Art.
- Mais quand on s’apperçoit que ce bain commence à s’affoiblir, ce que l’on connoît aifément avec un peu d’ufage en en mettant un peu lur la langue, parce qu’alors il fait un^impreflion moins vive, on fait difloudre vingt ou vingt-cinq livres d’alun que l’on met dans le bain,avec les mêmes précautions que ci-deflîis, & l’on continue ainfl à refournir de nouvel alun à proportion des foies qu’on a alunées, jufqu’à ce que le bain commence à prendre une mauvaife odeur, ce qui lui arrive plutôt ou plus tard , lizivant la plus ou moins grande quantité de foie qu’on a paffées defîîis.
- Quand le bain commence à s’empuantir de la lorte, on achevé de le tirer en y paflant les foies deftinées aux couleurs baffes, comme font les bruns, les ma-rons, &c, & enluite on le jette ; on rince la barque, & on forme un nouveau
- bain. ' r
- Remarques fur VAlunage.
- Quand une barque a fervi pendant un certain tems à faire l’alunage, il fe fait tout autour une incruftation qui va quelquefois jufqu’à l’épaifleur d’un écu de Teinture en Soie. D
- p.13 - vue 24/108
-
-
-
- i4 DE LA TEINTURE EN SOIE.
- Gx francs, fïir les côtés, plutôt que fur le fond, parce que, comme 11 arrive fouvent que les foies touchent le fond de la barque, elles le balaient en quelque forte , 8c empêchent cette croûte de s'y' former.
- Les Teinturiers n’ôtent point cette incruftation, parce qu’ils n’ont point remarqué qu’elle eût aucun mauvais effet ; au contraire, elle fert à mieux retenir le bain & à empêcher le vaiffeau de fuir. Ce dépôt vient de ce que les foies qu’on met dans la diffolution d’alun, ne font point ordinairement débarraffées de tout le fa von de leur cuite ; ce refte du favon & une partie de l’alun fe dé-compofent mutuellement ; il fe forme de l’union de l’acide de l’alun avec l’ai-kali du favon du tartre vitriolé, 8c de la terre de l’alun avec l’huile du favon, une matière épaiffe; le tout enfemble fait la matière de l’incruftation dont il s’agit.
- Il paroît que c’eft auffi à la portion de favon qui refte ordinairement dans la foie, lorfqu’on la met dans le bain d’alun, qu’on doit attribuer la mauvaife odeur que’ contraéle ce bain après avoir fervi pendant un certain tems.
- On fait toujours aluner les foies à froid, parce qu’on a remarqué que lorfqu’on les fait aluner dans un bain chaud , elles font fujettes à perdre une partie de leur iuftre.
- L’expérience a appris qu’il eft toujours beaucoup plus avantageux de faire aluner les foies dans un bain bien fort d’alun, que dans un bain un peu foi-ble , parce que l’alunage étant fort , on eft toujours sûr de tirer beaucoup mieux la teinture, au lieu que lorfqu’il eft foible, la teinture fè tire difficilement , 8c fe mal unit.
- Du Bleu.
- Le bleu fe fait fur la foie avec l’indigo, comme fur toutes les autres matières fufceptibles d’être teintes ; mais cette drogue eft d’une nature particulière : la matière colorante de l’indigo eft réfineufe ; elle ne communique aucune couleur à l’eau, dans laquelle elle eft indiifoluble ; il faut néceffairement la divifer ou la difloudre par des matières faiines, 8c par une forte de fermentation : ce qui exige des opérations particulières à cette efpece de teinture, & demande fingu-iiérèment des vailîeaux d’une ftruéture convenable ; ces vaiflèaux fe nomment cuves ; on va les décrire, ainfl que la maniéré de préparer l’indigo, 8c celle d’y* teindre la foie.
- Le vailfeau dans lequel on fait le bleu eft ordinairement de cuivre ; il a la figure d’un cône tronqué & arrondi en pain de lucre renverfé , Flanche IV. Fig. i 8c 2. La partie inférieure ou le fond C, a environ un pied de diamètre, 8c l’ouverture ou la partie fupérieure en a environ deux ; la hauteur eft de quatre pieds, à quatre pieds 8c demi. La partie inférieure eft fcellée en terre, 8c y eft
- p.14 - vue 25/108
-
-
-
- DE LA TEINTURE EN SOIE. i$
- enfoncée d’environ un pied & demi au-deflbus du niveau de la terre, comme on le voit en D, Fig. 1. Cette cuve eît environnée d’un âtre pavé E, Fig. 2 ; ce qui eft hors de terre, eft entouré d’une maçonnerie F , Fig. z Sc 2 , qui eft perpendiculaire au fol, & qui ne joint pas la cuve ; enforte qu’il refte autour du vaifleau un efpace G, Fig. 2. qui efl: plus grand dans la partie inférieure que dans la fupérieure. La maçonnerie ne s’applique à la cuve que par le haut; elle s’y joint par cette partie fupérieure en formant autour d’elle un rebord H, Fig. 1, de fix à huit pouces.
- On pratique à cette maçonnerie deux ouvertures, une au niveau de la terre ; la première I, Fig. 1, a environ un pied de haut fur fix ou fept pouces de large ; e’eft par cette ouverture qu’gn met la braife.
- La fécondé ouverture efl: formée par un tuyau de grais ou de plâtre , e’efl: une elpece de cheminée , que l’on nomme ventoufe L , Fig. 1 & 2 ; elle efl: deftinée à entretenir le feu par le courant d’air ; ce tuyau doit s’élever environ à dix-huit pouces au-deflus de la cuve, pour empêcher que celui qui travaille ne foit incommodé par la fumée ou par les exhalaifons de la braife qu’on met dans l’âtre autour de la cuve ; telle eft la conftruétion du vaiffeau deftiné au bleu, & de fon fourneau : voici préfentement comment on prépare l’indigo.
- On commence parfaire ce quon nomme le brevet, de la maniéré fuîvante.
- Pour huit livres d’indigo, on prend fix livres de cendres gravelées la plus belle ; trois à quatre onces de garance par livre de cendres ; ( & huit livres de fbn qu’on lave d’abord dans plufieurs eaux, pour enlever fa farine: lorfque le fon eft lavé, on le preffe pour lui ôter la plus grande partie de for eau, & on le met feul au fond de la cuve).
- On met la cendre gravelée, & la garance feulement écrafée bouillir enfem-ble pendant environ un quart d’heure dans une chaudière qui tient à peu-près les deux tiers de la cuve ; & on laifle après cela repofer le brevet, en fermant les portes du fourneau.
- Deux ou trois jours auparavant, on a mis tremper huit livres d’indigo dans environ un feau d’eau chaude, dans laquelle on a foin de le bienkver, en changeant même l’eau. Cette eau prend une teinte roufle. Quelques Teinturiers commencent par faire bouillir l’indigo dans une leffive d’une livre de cendre gravelée fur deux féaux d’eau. Après quoi, on le pile tout mouillé dans un mortier A, Planche VI, Fig. 2. Quand il commence à être en pâte, onverfe défi-fus plein le mortier du brevet qu’on vient de faire bouillir, & qui eft encore chaud,avec lequel on le broie pendant un certain tems; après quoi on laifle repo'* ferle tout pendant quelques momens,& onenleve le clair,qu’on met à part dans un chaudron, ou qu’on verfe dans la cuve. On reverfe enfiiite une égale quan-
- p.15 - vue 26/108
-
-
-
- ïS DE LA TEINTURE EN SOIE.
- tité du brevet fur l’indigo qui eft relié au fond du mortier ; on recommence à bien broyer, & on enleve le clair qu’on mêt dans le chaudron, comme la première fois ; on réitéré cette manœuvre jufqu’à ce que tout Tindigo ait palfé ainfi avec la plus grande partie du brevet.
- On le verfe par chaudronnée à mefure fur le fon qui eft au fond de la cuve ; Sc quand le tout y eft, on jette deflus ce qui relie du brevet avec fon marc. On remue ou pallie le tout avec un bâton qu’on appelle rable, 8c on lailfe fans feu jufqu à ce que le degré de chaleur foit devenu alfez modéré pour pouvoir tenir la main dans le bain ; alors on mec un peu de feu autour de la cuve pour entretenir ce même degré de chaleur ; il faut le continuer jufqu à ce qu’on s’apper-çoîve que la liqueur commence à devenir verte , ce que l’on reconnoît à l’aide d’un peu de foie blanche qu’on y trempe.
- Quand elle eft en cet état, cela indique que la cuv e revient, c’eft-à-dire, que l’opération va bien ; on donne alors un coup de rable pour l’avancer,&pour voir fi elle fe détermine à venir, Sc on la lailfe repofer jufqu’à ce que l’on apperçoive une crème ou pellicule brune & cuivrée qui monte à la lurface, Sc qui indique que la cuve eft revenue*
- Pour être certain que la cuve eft bien revenue, il faut obferver fi elle eft bien croutée, Sc voir fi en loufflant deflus il fe reforme fur le champ une crème à la place de celle que l’on vient d’écarter : fi la liqueur donne ces lignes, on la lailfe repofer pendant trois ou quatre heures, après quoi on refait un nouveau brevet pour îaccomplir ; & pour cela on met dans une chaudière la quantité d’eau nécelfaire pour achever de remplir la cuve, & on y fait bouillir deux livres de cendres Sc quatre onces de garance, comme la première fois : on verfe ce nouveau brevet dans la cuve ; on pallie le bain, & on le lailfe repofer pendant quatre heures : alors la cuve eft en état de teindre.
- Les foies deftinées à être teintes en bleu, doivent avoir été cuites à raifon de trente-cinq à quarante livres de favon pour cent, comme il a été dit à l’article de la Çuite, Sc ne doivent point être imprégnées d’alun, parce que la partie colorante de l’indigo, & en général celle de toutes les matières réfineu-fes n’ont aucun befoin de mordant pour s’appliquer fur les matières à teindre.
- Lorfqu’on veut teindre la foie dans la cuve, on la lave bien de fon fàvon , Sc
- pour la bien dégorger on lui donne deux battures à la riviere ; on la partage par
- mateaux propres à être bien Sc commodément tords.On prend un de ces mateaux ;
- on le pafle fur un rouleau de bois de quatorze pouces de long, fur un pouce
- Sc demi de diamètre, lequel fe nomme la pajfe. Voyez fa forme en E, Flanche IJ,
- Fig. 2. On le plonge dans la cuve, & on lui donne quelques tours pour l’unir Sc
- lui faire prendre la nuance qu’on veut lui donner. Voyez cette manœuvre en
- J), Planche II, Fig, i* On le tord à la main fur la cuve,le plus fort qu’il eft pofîible,
- pour
- p.16 - vue 27/108
-
-
-
- DE LA TEINTURE EN SOIE. 17
- pour ne point perdre du bain, on l'évente ou ejcrêpe dans les mains pour le déverdir , & auffi-tôt on le lave dans deux eaux différentes qu'on a eu foin de tenir toutes prêtes dans des barques à portée de celui qui travaille : auffi-tôt qu'il eft lavé, on le tord fur l'efpart à la pointe du chevillon, pour le tordre auffi fort qu'il eft poffible. Voyez cette torfe en E, Planche II, Fig. ï. & on l’efluie à me-fure avec un autre mateau affez égouté pour pouvoir s'imbiber de l'eau qui fort par la torfe ; on donne ainfi quatre coups de torfe le plus promptement qu'il eft poffible: après qu'il eft tors, on le retord encore une douzaine de fois au milieu du chevillon, pour diftribuer par-tout également dans la foie le peu d'eau qui refte par places après les quatre coups de torfe ; cela s'appelle ejgaliver.
- Quand il eft tors 8c efgali, on l'étend for la perche pour le faire fécher le plus vite qu’il eft poffible ; & fi les mateaux étoîent trop gros, .il faudroit avoir attention de caffer le fil dont ils font noués, pour pouvoir étendre la foie 8c empêcher qu’elle ne rougiffe fous le fil, comme cela lui arriveroit fi elle étoit ferrée : on traite de même focceffivement tous les mateaux que l’on a à teindre.
- Remarques fur le Bleu df Indigo. •
- Les Teinturiers en foie n'ont point ordinairement d'autre cuve que celle qui a été décrite ci-deflus ; cependant ils pourroient en employer une autre qui feroit utile pour les verds. Cette cuve fe fait comme la précédente, à l'exception qu’on y met une demi-livre de garance pour chaque livre de cendre graveîée. Elle eft beaucoup plus verte que la première, & la couleur qu'elle donne eft plus affiirée fur la foie , fons avoir un œil moins avantageux que celui de la cuve ordinaire. Lorlque le bain de cette cuve eft épuifé de couleur, il devient d’un roux à peu-près couleur de bierre au lieu que le bain de la précédente devient noirâtre.
- A l'égard des autres cuves, c'eft-à-dire, de celles qui fe font avec l'urine , foit à froid , foit à chaud, 8c de celle qui fe fait à froid avec de la couperofo fans urine, les Teinturiers en foie ne font point dans l'ufage de s’enfervir, non plus que de celle de Paftel, parce que toutes ces fortes de cuves font trop lentes , c'eft-à-dire, qu elles ne teignent point la foie allez promptement, 8c que d'ailleurs quelques-unes d'entre elles donnent trop de dureté à la foie.
- Le vaifleau dont on fe fort pour la cuve d'indigo, eft ordinairement de cuivre, comme on l'a dit ; mais on pourroit le faire de bois, en fe forvant pour cela cfedouves d'environ un pouce d'épaiffeur, 8c d’une hauteur convenable, 8c cerclées de fer. Mais il feroit eflentiel que le fond de la cuve ne fût point de bois, parce qu'il feroit fojet à fe tourmenter par la chaleur, & à fe pourrir par l’humidité de la terre. Ainfi, au lieu du fond de bois, il faut lui faire ce qu'on appelle
- un fromage $ c'eft un mortier de chaux 8c de ciment que l'on jette dans le fond Teinture en soie, E
- p.17 - vue 28/108
-
-
-
- iS DE LA TEINTURE EN SOIEJ
- de la cuve , & qui pofe fur la terre , & on emplit cette cuve jufqu’à la hauteur d'environ fix pouces : pendant que le mortier eft frais, on l'unit avec une truelle, & à mefure qu'il féche on a foin de boucher par le moyen de la truelle les ouvertures & les gerçures qui s'y forment; ce mortier fe fait ordinairement fans autre eau que celle que Ton a été obligé de mettre pour éteindre la chaux ; ce qui le rend beaucoup plus difficile à faire, mais en même tems beaucoup plus dur & plus fblide.
- On ne peut commencer à faire la cuve de bleu, que lorfque ce mortier eft abfblument fec. Pour pouvoir fécher cette cuve, on y pratique fur le côté à niveau de la terre une ouverture d’environ huit à dix pouces, & on applique fur cette ouverture une plaque de cuivre que l'on a foin d’enfoncer dans la terre de trois ou quatre pouces, & onlacloueaffez exactement pour que la liqueur du bain ne puiffe pénétrer au-dehors. C'efl vis-à-vis de cette plaque qu’on pratique Pâtre ou foyer en maçonnerie avec un tuyau ou cheminée, comme pour la cuve de cuivre. Au relie, il feroit peut-être à craindre, que cette cuve ne fût fujette à fe défunir & à s'ouvrir par l’effet dp la cendre gravelée ; car on a remarqué que cela arrive aux féaux de bois dans lefquels on met de cette cendre ; ainfi il vaut toujours mieux fe fervir de cuves de cuivre.
- L'indigo dont fe fervent communément les Teinturiers en foie , efl celui qu'on appelle indigo cuivré, à caufe d’une couleur de cuivre rouge qu’on remarque àfafurface, & même dans fon intérieur; cependant ils pourroientfe fervir 8c même avec plus d'avantage de plufieurs autres efpeces d'indigo qui lui font fupérieurs, tels que font ceux que l'on nomme indigo bleu, qui efl: plus léger , plus fin , 8c d’un bleu plus franc que l’indigo cuivré ; F indigo de Cadix ou de Gua-timala> qui efl le plus beau & le meilleur de tous; mais le prix de ces autres efpeces d'indigo, 8c finguliérement celui du dernier, empêche qu'on ne s’en ferve.
- On emploie ordinairement la garance dans la cuve, parce qu'on a remarqué quelle donne au bleu un œil plus agréable, & qui tire moins fur la couleur d’empois.
- Les Teinturiers en foie font tous dans Pufàge de laver le fon qu’ils mettent dans leur cuve pour lui enlever la farine qui rendroit le bain trop glutineux ; le fon d’ailleurs efl très-utile pour faire verdir & travailler l’indigo ; & même on a obfervé que la cuve fe fait mieux en mettant une plus grande quantité de fon, c'efl ce qui fait qu'on en a prefcrit dans le procédé une plus forte dofe que celte que la plupart des Teinturiers mettent ordinairement.
- Lorfque la cuve efl pofée, on là pallie d'abord comme nous l’avons dit, & enfuite il faut la laiffer en repos fans la pallier davantage, fi ce n’eft lorfqu'elle commence à être verte ; parce qu'on a remarqué qu’en la palliant dans le tems
- p.18 - vue 29/108
-
-
-
- DE LA TEINTURE EN SOIE* i9
- de l'efpece de fermentation qui s'y excite , cela ne fait que retarder.
- La foie que Ton teint en bleu de cuve efttrès-fujette à prendre une couleur mal unie,& cela arrive même à coup sûr,quand elle n’eft pas lavée &féchée très-rapide* ment auflî-tôt après qu'elle a été teinte ; c'eft-là ce qui eft caufe qu’on eft obligé de paffer la foie fur cuve par petites parties, de la laver auflî-tôt à mefure quelle s'eft teinte , de la tordre à fec , & de la mettre fécher fur le champ en l’étendant bien. On choifit toujours par cette raifon un tems beau 8c fec pour faire ces opérations. Si par malheur il tomboit de l'eau deflîis lorfqu’elle féche, elle feroit toute tachée, 8c deviendroit rougeâtre dans les endroits qui auraient été mouillés. Pendant l'hiver 8c dans les tems humides, on la fait fécher dans une chambre échauffée par un poêle , en branlant continuellement les perches fur lefquelles elle eft étendue. Voyez Planche V. Fig. i.
- On a pour cela une branloire qui eft une efpece de chaflîs A, Planche V'. Fig. i & 2, formé en carré-long par des perches dont deux ont dix ou douze pieds,' & les deux autres ftx à fept pieds, foutenus en l'air 8c au plancher par des crampons de fer mobiles B , Fig. i 8c 2. de maniéré que ce chaflîs puiffe prendre le mouvement d'une balançoire. L'un des deux côtés longs C, Fig. 2 , eft garni de fiches de ferD, de trois pouces de haut, placées à quatre à cinqpou-ces de diftance ; l'autre côté long E, a vis-à-vis de chaque fiche une fourchette F.
- Quand on veut mettre fécher la foie, on prend des perches G, Fig. 2 , de la largeur de la branloire, dont un bout eft percé d'un trou qui entre dans la fiche, 8c l'autre bout pofe dans la fourchette ; ce qui empêche les perches de tomber lorfqu'on remue la branloire. On ajoute fur ce chaflîs plufieurs autres perches qui y font aflîijéties à un de leurs bouts par une cheville,& à l'autre par une fourchette, comme on le voit en H, Fig. 2. A mefiire que les mateaux font tors, on les porte & on les étend fur l'une de ces perches de traverfe, & on agite continuellement la branloire jufqu'à ce que toute la partie de foie qui vient d’être teinte foit ainfi fiicceflîvement arrangée 8c féchée.
- Pour faire les différentes nuances de bleu, on paffe d'abord fur la cuve neuve les nuances qui doivent être les plus pleines, & on les teint fiir cette cuve en les tenant un peu plus longtems, à mefiire que la cuve s'affoiblit, jufqu'à ce qu'elle commence à être affez épuifée pour que la nuance que prend la foie après y avoir féjourné pendant deux ou trois minutes au plus, commence à pa-roître moins forte. Quand la cuve eft ainfi affoiblie, on s'en fert pour y paffer les foies qui doivent avoir une nuance inférieure, 8c ainfi de fuite jufqu'aux nuances les plus claires.
- Mais il faut obferver que quand on teint de fuite une grande quantité de foie fur la même cuve , il arrive ordinairement qu'après avoir teint une certaine
- p.19 - vue 30/108
-
-
-
- ao DE LA TEINTURE EN SOIE.
- quantité de foie, la cuve felajfe, c’eft-à-dire, qu’elle commence à perdre de fon verd, & à donner une couleur moins belle. Il eft à propos pour lors de lui donner un nouveau brevet,qui eft unechaudronnée de décoélion d’une livre de cendres , deux onces de garance & une poignée de fon lavé, qu’on fait bouillir en-femble pendant un demi-quart d’heure dans de l’eau ou dans une portion du bain même de la cuve, fi la cuve eft encore aflez pleine pour cela ; on pallie la cuve après avoir ajouté le brevet, & il faut la lailfer repofer tout au moins pendant deux ou trois heures avant de recommencer à y teindre.
- Pour faire de beaux bleus, il eft à propos d’avoir une cuve neuve, ainfi quand on n’a que des bleus clairs à faire, il conviendroit de n’employer pour cette cuve qu’une petite quantité d’indigo, plutôt que de fe fervir d’une cuve qui auroit été faite avec une plus grande quantité d’indigo, mais qui fe feroit affoi-blieàforce de teindre. Les bleus clairs faits fur cette cuve neuve & foible, font toujours plus vifs que ceux qui le font fur une cuve qui a fervi d’abord à faire du bleu foncé. Mais les Teinturiers ne peuvent gueres avoir cette attention , parce que, comme les bleus ne fe paient qu’un prix très-modique, ils n’y trouveroient pas leur compte.
- La cuve de bleu, dans un vaifleau de la grandeur de celui que nous avons décrit, peut fe pofer depuis une livre d’indigo jufqü’à huit. On pourroit cependant excéder cette quantité de quelques livres fans aucun inconvénient.
- Les Teinturiers en foie nediftinguent que cinq fortes de bleu : fçavoir le bleu pâle ou bleu de porcelaine, le bleu cèle fie, le bleu moyen, le bleu de Roi, & le bleu Turc, ou bleu complet. Tous ces bleus ont leurs nuances intermédiaires qu’on peut tirer en tel nombre que l’on veut, en y donnant l’attention néceifaire ; mais ces nuances n’ont point de noms particuliers.
- Les bleus foncés ne peuvent fe faire fur la cuve feule, parce que l’indigo ne donne jamais fur la foie aflez de plénitude pour ces nuances. Ainfi, pour avoir ces bleus, il faut leur donner une première couleur avec de l’orfeille, (ce qui s’appelle en général donner un pied ) avant de les pafler en cuve. Pour le bleu Turc qui eit le plus plein de tous, on donne d’abord un très-fort bain d’orfeiile préparée comme nous le dirons dans la fuite; on donne aufli ce pied, mais moins fort pour le bleu de Roi, & l’on pafle ces bleus for une cuve neuve & bien garnie.
- Pour donner le bain d’orfeiile , on bat la foie à la riviere au fortir de la cuite ; erifoite on l’écoule fîir l’efpart pour ôter la plus grande quantité d’eau ; après quoi on la met for le bain d’orfeiile bien chaud, on life jufqu’à ce que la couleur foit bien unie, puis on la lave en lui donnant une batture ; on la drefle, Sc on la pafle en cuve.
- A l’égard des autres bleus, ils fe font fans aucun pied , & il faut avoir foin,
- avant
- p.20 - vue 31/108
-
-
-
- DË LA TElNTÜRË ÈN SOIë. tt
- ravânt de les palier en cuve* de bien dégorger la foie du Favon de la cuite* eil lui donnant deux battures* parce que le favon fait dans la cuve un dépôt bianc> & lui fait même perdre fa couleur s’il fe trouve en certaine quantité.
- On fait encore un bleu auffi foncé que le bleu de Roi ; mais pour le pied duquel on fe fert de cochenille* au lieu d'orfeille* pour lui donner plus de folidité* ce qui le fait auffi nommer bleu fin. Comme il faut employer un procédé particulier pour teindre en cochenille.* nous renvoyons cette couleur à l'Article Violet fin.
- Le bleu de Roi pour imiter celui des draps* fe Fait de la maniéré fui vante.
- On délaye avec de l'eau froide dans un mortier ou dans un cajfin, & par lé moyen d'un pilon* environ une once de verd-de~gris pour chaque livre de foie; on brafle bien le tout enfemble * & on life les foies fur ce bain à l’ordinaire par mateaux de cinq ou fix onces : la foie prend dans ce bain une petite nuance de yerd-de-gris fi légère * que même elle ne paroît plus lorfque la foie eft féche.
- Quand la foie a fiiffifamment tiré fon verd-de-gris, on la tord* on la met fur les bâtons* & on la life à froid fur un bain de bois d’Inde plus ou moins fort de couleur* fuivant la nuance qu’on veut donner ; la foie prend dans ce bain une couleur bleue qui affortit au bleu de Roi en drap : mais cette couleur eft fort mauvaife ; elle fe pafle très-promptement * Sc tombe dans le gris-de-fer. Pour
- f
- remédier à cet inconvénient Sc la rendre plus foüde * on doit la tenir plus claire ;en bois d'Inde que l'échantillon qu’on a à aflortir; lui donner un peu d'orfeille à chaud, ce qui le rougit Sc Fait monter la bruniture, Enfuite on la paffe fur la cuve; la couleur pour lofs eft beaucoup plus folide.
- Â l’égard des foies qu’on veut teindre en bleu fur crua* C*eft-à-dife * fànS qu’elles aient été cuites * il faut avoir attention de choifir celles qui font naturellement bien blanches ; ôn en forme des mateaux* orties trempe dans de l'eau* Sc on leur donne deux battures pour faire mieux pénétrer l’eau: lorfqu'elles font trempées * on les dreffe * & on en fait des mateaux que l'on pafle en cuve comme les foie$ cuites * Sc qu'on fait fécher de même.
- Comme toutes les foies crues prennent en général la teinture avec beaucoup plus de facilité & d’aétivité que les foies cuites * on a foin de pafler* autant qu’il eft poffible * les foies cuites avant les crues * parce que les premières ont befoin rde toute la force de la cuve, & montent en couleurmoins facilement.Si le bleu qu’on fait fur crud eft une nuance qui ait befoin d'orfeille ou des autres ingré*-dients dont nous avons parlé ci-defliis * on les donne comme aux foies cuites.
- Du Jaune.
- Les foies deftinées à être mîfes en jaune fe cuifent à raifon de vingt livres dê
- favon pour chaque cent pefant de foie.
- Teinture en soie. * F
- p.21 - vue 32/108
-
-
-
- ai DE LA TEINTURE EN SOIE.
- Après la cuite,onles lave, on les met en alun, & après les avoir relavées, ( ce qui s’appelle raffraîchir,) 8c drelfe es, on les met en bâtons par mateaux d*environ fept à huit onces,& on les palîe en lifant far le bain deftiné à leur donner le jaune»
- Pour Faire le jaune franc, que les Teinturiers en foie appellent jaune de graine, ils n’emploient point ordinairement d’autre ingrédient que la gaude.
- On met dans une chaudière environ deux livres de gaude pour chaque livre de foie > & pour que toutes les bottes de -gaude trempent bien dans F eau, on a foin de les charger de gros morceaux de bois ; lorfque cette gaude a bouilli pendant environ un gros quart-d’heure, on repoulfe les bottes dans un des bouts de la chaudière > ou même > fi Ion veut, on les retire, 8c par le moyen d’un feau ou d’un cajjîn, on retire tout le bain, 8c on le coule dans une barque de cuivre ou de bois, telles que les barques de cuivre B ou C, ou celle de bois D, Plan-the 111, Fig. c’eft-à-dire, qu’on le verfe à travers d’un tamis ou d’une toile pour le débarraffer de la graine & des petites pailles que la gaude laide aller en bouillant. Lorfque ce bain eft ainfi coulé, on le faille refroidir alfez pour pouvoir y tenir la main ; alors on met les foies delfus, 8c on les life jufqu’à ce quelles foient unies. Voyez la maniéré de lifer les foies fur une barque en C, Planche IL Fig. i. Si le bouillon de gaude ne fe trouvoit pas fuffifant pour remplir la barque, on y fuppléroit avec de l’eau qu’il faut mettre avant de lailfer refroidir le bain ; enforte qu’il fo trouve toujours âu degré de chaleur que nous venons de marquer : en général, toutes les barques ou chaudières dans lefquelles on teint doivent être pleines, la foie y étant jufqu’à environ deux pouces de leur bord*
- Pendant qu’on fait cette opération , on fait bouillir la gaude une fécondé fois dans de nouvelle eau; 8c quand elle a bouilli, on leve à un des bouts de la barque les foies fur un baillard, ou fur la tête de la barque. Alors on jette environ la moitié du bain, & l’on reponçhonne, c’eft-à-dire, qu’on remet du fécond bouillon du nouveau bain de gaude, autant qu’on en a ôté du premier, 8c on obferve de hrallèr le bain pour bien mêler le tout : c’eft ce qu’il faut faire, en général > toutes les fois qu’on eft dans le cas de rajouter quelque chofe dans le bain, à moins que le contraire ne fait fpécifié. Ce nouveau bain peut être employé un peu plus chaud que le premier ; mais cependant il faut toujours que la chaleur foie alfez modérée , parce qu’autrement on détruiroit une partie de la couleur que la foie a déjà prife ; ce qui vient vraifemblablement de ce que les foies fe défalunent par la trop grande chaleur du bain. On life fur ce nouveau bain comme la première fois, 8c pendant ce tems-là on fait fondre de la cendre gra-yelée à raifon d’une livre environ pour vingt livres de foie.
- On met pour cela la cendre dans un chaudron ; on coule delfus du fécond bain de gaude tout bouillant, & l’on remue la cendre pour aider à en dif* foudre tout le fel. On lailfe repofer ce petit bain , 8c lorfqu’il eft clair, on re-
- p.22 - vue 33/108
-
-
-
- DE LA TEINTURE EN SOIE.
- ïeve ufte fécondé fois les foies fur le baillard ou fur la tête de la barque , & fôft jette dans le bain environ deux ou trois caffins du plus clair de ce bain de cendre* On braflè bien le bain ; on y replonge les foies , 8c on les life de nouveau* L’effet de cet alkali eft de développer le jaune de la gaude, & de le dorer* Au bout de lèpt à huit lifes, on donne un coup de cheville à un des materna > c’eft-à-dire , que l’on tord ce mateau fur la cheville, pour voir fi la couleur eft aflez pleine & aflez dorée. Si elle ne i’eft pas aflez, on rajoute encore un peu du bain de cendre, 8c l’on fait tout le refté comme ci-deflus, jufqu’à ce que la foie fait parvenue à là nuance qu’ On veut lui donner.
- La leffive de cendres faite àpart,ainfi que nous avons dit,peut fe mettre* fi l’on veut * dans le tems quon ajoute dans ce bain le fécond bouillon de gaude ; mais Il faut avoir attention que le bain ne foit point trop chaud pour teponchonner* Cette opération n’eft bonne que pour les jaunes, & cè bain ne peut fervir pour le verd*
- Si Ton veut faire des jâunès plus dorés & tirant fur le jonquille, il faut en même tems que fort met la cendre dans le bain > y ajouter auffi du rocou à pro* portion de la nuance que l’on veut avoir*
- Nous donnerons ci-après, quand nous parlerons de l’orangé > la méthode de préparer le rocou*
- Les petites nuances de jaune, comme citron pâle, ou couleur de ferin* doivent être cuites comme les bleus, parce que ces nuances font d’autant plus belles & plus tranlparentes, qu’elles font mifes fur un fond plus blanc. Voyez ÏAr* ticle du Bleu pour la Cuite*
- Pour les faire,lorfque la gaude paroît prête àbouilllr,on prend quelques caffins de ce bain,& on en met un peu fur de l’eau claire avecun peu du bain de la cuve fi les foies ont été cuites lânsazur.Onpaffe les foies fur ce bain enfilant comme à l’ordinaire , & fi l’on apperçoit que la nuance ne Ibitpointaflfez foncée j on redonne de la gaude, & de la cuve auffi, s’il eft nécèflàire,julqu’àlanuance que l’on defire* Pour les nuances de citron plus foncées, il faut faire bouillir la gaude comme pour les jaunes, & n’en mettre qu’une certaine quantité fur de l’eau claire, liiivant la plénitude que l’on veut avoir. On y met auffi du bain de la cuve, fi la nuance le demande. Mais ces citrons foncés peuvent le cuire eft cuite ordinaire, comme les jaunes. Il faut remarquer qu’on n’ajoute du bleu de cuve dans ces couleurs que quand on veut que la couleur ait un œil tirant fur le verd*
- Ces nuances de jaunes très-claires ont leur difficulté : elles font fujettes à prendre très-fouvent trop de plénitude , même en féchant; cela arrive quand elles font alun ées à l’ordinaire, attendu qu’elles ont alors trop d’alun. Pour éviter cet inconvénient, on peut, au lieu de les aluner comme les autres, leur faire à part un petit alunage qu'on rend alors auffi léger qu’on le juge à propos, 8c
- p.23 - vue 34/108
-
-
-
- a* DE LA TEINTURE EN SOIE.
- 'fuir lequel on les life, ou bien fans les aluner en particulier , on met feulement un peu d’alun dans le bain même de gaude.
- Remarques fur le Jaune*
- Dans les Manufactures où l’on ne peut pas avoir la gâùde Commodément > on fe fert de graine d’Avignon qui s’emploie précifément de même. Mais elle Jâ l’inconvénient de donner une couleur moins folide.
- ^ Il y a deux fortes de gaudes; la gaude bâtarde ou lauvage, eft celle qui Vient naturellement dans les campagnes : elle eft plus haute que l’autre , 6c le brin eh eft beaucoup plus gros*
- La gaude cultivée , au contraire , pôufie des tiges moins hautes & moins groffes , & elle eft d’âutant plus eftimée que les tiges en font plus fines. Les Teinturiers donnent toujours la préférence à cette gaude, parce qu’elle fournit beaucoup plus de teinture que la bâtarde, 6c ils ont foin de la choifir bien tnûre 6c bien jaune.
- Celle qu’on nous apporte quelquefois d’Elpagne, eft très-bonne. Les Teinturiers de Paris fe fervent de celle qui vient dans les environs de Pontoife, de Chantilly 6c autres endroits, où on la femc dans le mois de Mars, pour en faire la récolte au mois de Juin de l’année fuivante. Ainfi, cette plante palfe l’hiver dans la terre. Les terreins fabieux font les plus propres à cette forte de Plante.
- Dorique la gaude eft mûre , On f arrache, on la laiiîe fécher, Sç ôn la met en bottes ; les Teinturiers font bouillir cette botte toute entière, parce que tou*, tes les parties de cette plante donnent de la teinture.
- Pour teindre le jaune fur crud* on prend des foies naturellement blanches ; mais il n’eft cependant pas nécelfaire qu’elles foient de la plus grande blan-; .cheur, comme pour lés bleus.
- Après les avoir trempées, comme nous l’avons expliqué en parlant du bleu, on les met aluner, & on les teint, comme cela a été dit. Le jaune de gaude eft une couleur folide 6c de bon teint.
- De l'aurore, orangé, mordoré, couleur d'or & de chamois.
- L’ingrédient, dont on tire ces différentes couleurs dans la teinture en foie, eft le roMu. Cette plante eft de la nature de celles dont la partie colorante ïéfide dans une fiibftance réfineufe ; elle doit, à caufe de cela, être difloute par Un fei alkali, comme on le dira bien-tôt ; &la foie qu’on y veut teindre, n’a au* rcun befoin d’être imprégnée d’alun, parce qu eh général ce mordant n’eft né-çeffaire, que pour faire tirer 6c affûter les couleurs extraétives naturellement
- dilfolubles
- p.24 - vue 35/108
-
-
-
- L>È LÀ TEINTURE EN SOIE.
- dïâblubles dans l’éau pure * & ne contribue point à produire les mêmes effets pour toutes les couleürs réfineufes* qu’on ne rend mffcibles avec l’eau* quà l’aide des diffolvants fàlins, & particuliérement des fels alkalis.
- Pour préparer le rocou* on prend une paffoire de cuivre d’environ huit à dix pouces de profondeur * fur moitié autant de largeur ; cette paffoire eft percée dans toute fon étendue de trous* à peü-près de la grandeur de ceux d’une écumoire à petits trous ; elle a deux ânfes de fer ou de cuivre : elle eft repréfentée en F * Planche II* Fig. 2.
- On fait chauffer * dans une chaudière d’une grandeur convenable, de l’eau de riviere * ou de l’eau dé fburcehien douce* Sc propre à bien dilloudre le favon ; & pendant que cette éaû chauffe, ôn coupe le rocou par morceaux ; on le met dans la paffoire dont on vient de parler, laquelle fe nomme pot à rocou ; on plonge le tout dans l’eau* Sc parle moyen d’un pilon de bois G* Planche II* Fig. 2 * on broie le rocou * on le délaie* Sc bn le fait palier au travers des trous. Lorfque le rocou entier a paffé dè la forte * on met dans cette même pafloire de la cendre gravelée* Sc on lui fait fubir la même opération qu’au rocou. Après cela* on remue le bain avec un bâton* on lui fait jetter un ou deux bouillons; Sc âuffi-tôt on y verfe de l’eau .froide * pour l’empêcher de bouillir plus long-tems ; enfuite on retire le feu de deffous la chaudière*
- On peut faire fondre telle quantité de rocou que l’on juge à propos ; Sc pour chaque livre de rocou* bn met douze onces ou une livre de cendre gravelée ; fi l’on en mettoit moins, la couleur ne feroit point affez folide * Sc feroit lu-jette à tomber dans une couleur de brique ou de tuile* ce qui s’appelle tuiler. Aurefte* comme les cendres gravelées ne font pas toutes d’une force égale* c’eft au Teinturier à juger de la quantité qu’il en doit employer * par les effets qu’il voit faire au rocou; l’effet de la cendre eft de jaunir le rocou en le fondant ; elle lui fait perdre fa couleur de brique* & lui fait prendre une couleur b eau-coup plus jaune & plus dorée * Sc en même-tems rend cette couleur plus folide*
- Si en employant le rocou* on s’apperçoit qu’il tire encore fur l’œil bri-quêté* c’eft une preuve qu’il n’eft pbint affez garni de cendre ; & pour lors, il eft à propos de lui en donner de nouvelle* en faifant jetter un bouillon au bain * Sc en l’appaifant enfuite avec de l’eau froide * comme dans la première opération : on remue le tout enfemble avec un bâton * Sc on le laiffe enfuite repofer.
- Le rocou fondu de la forte * fe garde auffi long-tems qu’on veut * fans fe corrompre * pourvu qu’on ait attention de n’y rien jetter de mal-propre.
- Les foies deftinées à être mifes en aurore Sc orangé * n’oüt pas befoin d’autre cuite que l’ordinaire de vingt pour cent de favon. Quand on les a lavées Sc
- battues pour les dégorger de favon* on les écoule fur l’efpart* Sc on les met eii Teinture en soie* G
- p.25 - vue 36/108
-
-
-
- ^ DE LA TEINTURE EN SOIE.
- bâtôns , par mateaux un peu forts; & pendant qu’on les difpofe ainfi, on fait chauffer de Peau de riviere dans une chaudière ,que Ton n'emplit qu’ environ à moitié ; enfuite on met , dans cette eau , une portion du rocou qui a été fondu ; on fait chauffer le tout jufqu'à un degré de chaleur, tel qu on ne puiffe y tenir la main ; mais cependant qu'il ne fort point prêt à bouillir, c'eft-à-dire, un bon degré de chaleur, moyen entre feau tiede & feau bouillante ; & après avoir brajje le bain > pour bien mêler enfemble feau & le rocou, on y life les loies.
- Quand elles font unies, on retire un des mateaux, on le lave, on lui donne deux battures, & enfuite un coup de torfe fur la cheville, pour voir fi la couleur eft affez pleine ; fi elle ne feft pas affez , on rajoute du rocou , on braffe & on life de nouveau, jufqu’à ce que la couleur foit comme on la defire.
- Quand elle eft faite, on lave le tout, & f on donne en même-tems deux battures à la riviere : elles font abfolument néceffaires, pour débarraffer la foie du fuperflu du rocou. Si f on n'avoit pas cette attention, les foies teintes en rocou feroient fujettes à barbouiller, & toujours moins belles.
- L'aurore fert de pied pour une autre couleur , quon appelle moredoré* Quand la foie a pris l'aurore, & qu'elle a été lavée, on falune à l'ordinaire ; on la rafïraîchit enfuite à la riviere, Sc on prépare un bain nouveau d'une bonne chaleur, dans lequel on met de la décoélion de bois de fuftet, & un peu de celle de bois d'Inde. On life les foies fur ce bain, & fi l'on s’apperçoit que la couleur ait un oeil trop rougeâtre, on jette dans le bain une très-petite quantité de diffolution de couperofe, qui fait jaunir davantage la couleur. Les premières nuances de cette couleur, n'ont befoin, pour toute bruniture, que d'un peu de couperofe, avec le fuftet, pour faire précifément la nuance d’au-deffus de faurore*
- L'alunage qu’on donne à la foie, par deflûs le pied de rocou qu’elle a déjà , eft néceffaire, pour faire tirer & aflurerles teintures de bois de fuftet & de bois d’Inde, qu’on emploie pour le moredoré,* parce que la teinture de ces bois réfi-de dans leur partie extraélive.
- Pour teindre faurore fur crud, on choifit des foies naturellement blanches, comme pour le jaune ; & après les avoir fait tremper, on leur donne un bain de rocou, qu'il faut avoir attention de ne tenir que tiede ou même froid, parce que autrement la cendre gravelée qui fe trouve dans ce bain, & par le moyen de laquelle on a fondu le rocou, feroit perdre le crud de la foie, & lui ôteroit la fermeté qui lui eft néceffaire pour les ouvrages auxquels on la deftine.
- Pour l’orangé & le moredoré, on continue l’opération précifément comme pour les foies cuites.
- /
- p.26 - vue 37/108
-
-
-
- DE LA TEINTURE EN SOIE. ^
- Quand on n'a qu'une petite partip de foie à teindre, on fait fondre à peu* près la quantité de rocou néceiîàire ; 8c lorfque le bain a été raffraîchi par l'eau froide, on le laifïe repofer pour que le marc tombe au fond de la chaudière ; & enfuite on paflè les foies fur ce bain.
- Tout ce que nous venons de dire regarde les foies, auxquelles on veut donner la nuance d'aurore ; mais pour faire l'orangé , qui eft une nuance beaucoup plus rouge que celle d'aurore , il faut après la teinture en rocou, rougir les foies par le vinaigre, par l'alun, ou par le jus de citron. Ces acides, en faturant l'alkali dont on s'eft fervi pour difloudre 8c faire prendre le rocou > détruifent la nuance de jaune que cet alkaü lui avoit donnée , 8c le ramènent à fa couleur naturelle qui tire beaucoup plus fur le rouge.
- Le vinaigre ou le jus de citron, fuffîfent pour donner les nuances d'orangé qui ne font pas bien foncées ; mais pour les nuances extrêmement foncées, on eft dans l’ufage à Paris de les palfer dans l'alun, qui rougit beaucoup le rocou ; & fi la couleur ne fe trouve point encore aifez rouge, on le paffe fur un bain de bois de Bréfii léger. A Lyon , les Teinturiers qui font les couleurs de faffranum, fe fervent quelquefois des vieux bains qu'on a employés à ces couleurs> pour y paffer defius les orangés foncés.
- Lorfque les orangés ont été rougis par l'alun , il faut les laver à la riviere ; mais il n’eft pas néceiîàire de battre, à moins que la couleur ne fe trouve trop rouge.
- Les bains de rocou qui ont fervi à faire les aurores, font encore allez forts pour donner le pied ou la première nuance à des couleurs nommées ratines, dont on parlera ci-après, pour dorer les jaunes foncés, 8c pour faire les couleurs d'or 8c les chamois. Ces nuances fe font à la fuite des aurores , & n'ont aucune difficulté, parce qu'elles fe font avec le rocou feul. Cependant, il y a quelques nuances de chamois qui tirent fur le rougeâtre, & qu on eft obligé , par cette raifon, de rougir comme les orangés ; à moins qu'on n'aime mieux préparer le rocou exprès : ce qui fe fait ainfi.
- On fait fondre le rocou, comme il a été dit ci-deflus ; & enfuite on lui fait jetter un bouillon, fans y mettre de cendre. Lorfque ce bain eft repofé, on en prend une partie , qu'on met avec du bain de rocou fondu par la cendre ; 8c par ce moyen, on a un bain qui eft naturellement alfez rouge pour faire ces fortes de chamois, fans qu'il foit néceffaire de les rougir après coup; on peut auffi ne mettre que peu de cendre en fondant le rocou , ce qui reviendra au même : ces chamois ont befoin d’une batture, en les lavant à la riviere.
- Le rocou nous eft apporté ordinairement en mottes de deux ou trois livres, qui font enveloppées de feuilles de rofeau très-larges. Quelquefois cependant, on en apporte en groffes mottes, qui ne font point enveloppées comme les
- r
- p.27 - vue 38/108
-
-
-
- DE LA TEINTURE EN SOIE.
- précédentes. Les Teinturiers n'en font point de différence ; ils s'attachent feulement à choifir, par préférence, celui qui aune belle chair rouge, 8c dans le* quel on n'apperçoit point de veines noires. Les couleurs que donne le rocou font affez peu folides : elles changent au bout d'un certain tems, deviennent briquetées 8c s'afFoiblifiTent beaucoup ; mais difficilement pourroit-on faire les mêmes nuances, avec des ingrédients d'un meilleur teint ; car la garance qu’on emploie avec la gaude , pour faire les aurores 8c les orangés fur laine, ne prend point fer la foie : d'ailleurs, les couleurs que donne le rocou font très* belles, 8c c’efl: une forte raifon pour s’en fervir; car en fait de teinture en foie, on préféré toujours la beauté à la folidité.
- Du rouge. Du cramoifi fin.
- Cette couleur fe tire de la cochenille, & fe nomme cramoijijîn, à caufe dé fa beauté 8c de fa folidité ; elle réfide dans une matière extraélive; elle efl: très-diffoluble dans l'eau , 8c demande , par cette raifon, le mordant ordinaire qui efl: l'alun»
- Les foies deftinées à être teintes en érâmoîfi de cochenille, ne doivent être cuites qu’à raifon de vingt livres de fa von pour cent pelant de foie, fans aucun azur, parce que le petit œil jaune qui relie à la foie quand elle n’eft décreufée qu'avec cette quantité de làvon, efl favorable à cette couleur.
- Après avoir lavé & battu les foies à la riviere pour les bien dégorger de fa~ von, on les met dans un alunage quifoit dans toute fa force,on les y lailfe ordinairement depuis le foir jufqu'au lendemain matin, ce qui fait environ fept ou huit heures ; au bout de ce tems, on lave les foies, & on leur donne deux battures à la riviere. Pendant ce tems-là, on prépare le bain ainfi qu’il fuit.
- On remplit une chaudière longue, d'eau de riviere, environ jufqu'à moitié ou aux deux tiers ; 8c quand cette eau efl: bouillante , on y jette dé la noix de galle blanche pilée, 8c on lui fait jetter quelques bouillons : on en peut mettre depuis quatre gros jufqu’à deux onces pour chaque livre de feie. Si lanoix de galle étoit pilée bien fine, 8c palfée au tamis, on pourroit la mettre en même tems que la cochenille.
- Lorfque les foies font lavées & battues, on les diftribue fur les bâtons par mateaux ; on peut tenir ces mateaux un peu forts, parce que le cramoifi n’eft pas fujet à prendre inégalement.
- Quand les foies font ainfi mifes fur les bâtons, on jette dans le bain la cochenille qu’on a eu foin de bien piler & tamifer; on la remue bien avec un bâton , & on lui fait jetter cinq à fix bouillons. On en met depuis deux onces jufqu’à trois pour chaque livre de foie, luivant la nuance que l'on veut faire. Pour faire
- la nuance la plus ordinaire, la dofe de cochenille efl: de deux onces 8c demie.
- Il
- p.28 - vue 39/108
-
-
-
- DE LA TEINTURE EN SOIE. 29
- Il eft rare que Ton pafTe trois onces, fi ce n’eft pour faire quelque affortiment particulier.
- Quand la cochenille a jette un bouillon, on ajoute dans le bain une oHOê de crème de tartre ou de tartre blanc pilé pour chaque livre de cochenille.
- Audi tôt que le tartre a bouilli, on jette dans le bain pour chaque livre de cochenille environ une once d'une diflblution d’étain dans l’eau régale , qu’on nomme compofition, 8c qui fe fait de la maniéré fuivante.
- On prend une livre d’efprit de nitre, deux onces de fel ammoniac , 8c fix onces d’étain fin grenaillé. On met l’étain 8c le fel ammoniac dans un pot de grais d’une grandeur fuffifante; on verfe par-deffus environ douze onces d’eau > puis on ajoute l’efprit-de-nitre, & on laifle faire la diflblution.
- Cette compofition contient beaucoup plus de fel ammoniac 8c d’étain que celleque Ton emploiepour l’écarlatte de cochenille fur laine : mais cela eft ab^ folument néceflaire; car cette derniere éclairciroit trop , 8c mêmepourroit dé** truïre entièrement le rouge que la cochenille eft capable de donner fur la foie*
- On mêle bien dans le bain en l’agitant avec un bâton , la quantité prefcrite
- de cette compofition, 8c aufli-tôt on achevé de remplir la chaudière avec de
- l’eau froide ; la proportion du bain eft d’environ huit à dix pintes d’eau pour cha^>
- que livre de foie fine ; on en peut mettre moins pour les greffes foies, parce
- quelles occupent moins de place. Le bain eft pour lors en état de recevoir les
- foies que l’on y plonge en les lifant jufqu’à ce qu elles paroiflent bien unies, ce
- qui arrive ordinairement aubout de cinq ou fix lifes. Alors on pouffe le feu pour
- faire bouillir le bain, 8c on le fait bouillir ainfi pendant deux heures, 8c pendant
- ce tems-là on a foin de lifer les foies de tems en tems ; au bout de ce tems on
- retire le feu de deflbus la chaudière, & on met les foies en Joude, comme nous
- avons dit que cela fe fait pour l’alunage. On les y laiffe pendant cinq ou fix
- heures, 8c même fi on fait le cramoifile foir, on peut les y laifler jufqu’au lem*
- demain matin ; on les retire enfiiite, & on les lave à la riviere, en leur donnant
- deux battures; on les tord comme à l’ordinaire, & on les étend fur les perches
- pour les faire fe cher* r
- Les bruns du cramoifi fin fe nomment communément canmlés. Pour les faire >
- on lave les cramoifis en les retirant du bain de cochenille, 8c on leur donne
- deux battures à la rivière; après cela, on prépare un bain d’eau, telle qu’elle fe
- trouve en été & en hiver un peu tiède, & on y jette de la couperofe fondue dans
- de l’eau en plus ou moins grande quantité,fuivant la bruniture que l’on veut don»
- ner à la couleur.On lifela foie fur ce bain par petits mateaux pour qu’elle s’unifie
- bien, & quand elle eft à la nuance que l’on veut avoir, on la retire, on la tord, &
- on la met fécher, fans la laver, fi l’on veut, parce que ce bain de couperofe eft
- prefque comme de l’eau claire. Comme l’effet de la couperofe eft de faire pren« Teinture en Soie, H
- p.29 - vue 40/108
-
-
-
- 3ô DE LA TEINTURE EN SOIE.
- <3ïe à la cochenille un œil violet, c’eft-à-dire, de lui faire perdre fon jaune : fî Ton s’apperçoit que la couleur perde trop de fon jaune, on la foutient en mettant dans le bain de.couperofe un peu de décoétion de bois de fuftet qui le remet au ton convenable ; il n’y a que la couperofe qui puifle faire la bruniture des cramoifis fins ; le bois dinde ne fert à rien dans cette occafion : la couperofe feule fiiffit, attendu quelle brunit beaucoup avec la noix de galle que Ton emploie dans le cramoifi fin» ,
- Remarques far le Cramoifi fin.
- Le procédé qu’on vient de donner pour faire cette couleur,eft le plus en ufage à préfent, parce quil donne une couleur plus belle que celle qui fe Faifoit autrefois. Cependant comme il y a encore quelques Teinturiers qui font le cramoifi fuivant l’ancienne méthode, nous allons la donner ici»
- Pour faire ces cramoifis, on met dans la cuite de la foie du rocou en pâte, tel qu’il eft apporté des Indes»
- Quand le favon eft bouillant, on prend environ une demi-once de ce rocou , & on l’ëcrafe en le pilant dans la paffoire, comme nous l’avons dit en parlant de l’orangé. On le pile le plus fin qu’il eft poflible, pour qu’il ne refte plus de grumeaux qui puiffent s’attacher à la foie.
- Au moyen de cette petite quantité de rocou, la foie en fe cuifant prend une couleur ifabelle qui eft affez folide, & qui tient lieu de l’effet que la compofition produit fur le cramoifi, qui eft de le jaunir un peu. Tout le refte fe fait comme dans le cramoifi précédent ; mais on n’y met ni compofition ni tartre.
- Les Teinturiers en foie ne font point dans l’ufage de fe fervir d’autre cochenille que de la mefteque ou cochenille fine ; & même ils préfèrent toujours la cochenille grabelée, c’eft-à-dire » celle qui a été nettoyée de toutes fes ordures , en la tamifant & en triant enfuite toutes les petites pierres & autres petits corps étrangers qui peuvent s’y trouver mêlés. On ne peut qu’approuver cette attention , attendu que la cochenille non grabelée étant moins pure, il en faut mettre davantage, & qu’akifi on a toujours dans le bain plus de fon ou de-marc qui peut faire du tort à la couleur.
- Le tartre blanc qu’on emploie dans lés cramoifis fins, fort à exalter & à jaunir la couleur de la cochenille; effet qu’il produit à caufe de fon acidité; tous les acides produiroient le même effet : mais on a remarqué que le tartre eft préfet table, & qu’il donne un plus bel œil.
- Malgré cette qualité du tartre, il ne feroit pas capable d’exalter la couleur de la cochenille autant qu’il eft néceffaire pour avoir un beau cramoifi, quelque quantité qu’on en mît, fi on l’employoit feul ; car s’il n’y avoit qu’une dofe médiocre de cet ingrédient, il ne jauniroit point foffifamment ; & fi on en mettoit
- p.30 - vue 41/108
-
-
-
- DE LA TEINTURE EN SOIE. 31
- une grande quantité, il mangeroit & dégraderoit une partie de la couleur, fans même produire un bel effet. ^
- On eft obligé pour le féconder de fe fervir de la compofition qui n’eft, comme on l'a vu, qu'une diffolution d’étain dans l’eau régale. Cette diffolution qui produit fur la cochenille, lorfqu’on l’emploie à teindre la laine, un effet affez eonfidérable pour changer la couleur giroflée quelle a naturellement, en un couleur de feu d’un éclat prodigieux , ne peut que l’amener au cramoifi lorsqu'on l’emploie fur la foie ; mais auflî elle donne un très-bel œil à cette couleur ; elle fe marie avec le tartre, en augmente l'effet fans appauvrir la couleur quand on n’en met point trop , & difpenfe de donner un pied de rocou à la foie, comme nous l’avons dit.
- A l’égard de la noix de galle, elle ne produit aucun bon effet dans les cra-moifis quant à la couleur; au contraire, elle la ternit au point que lorfqu’on en ajoute trop, la couleur en eft tout-à-fait gâtée ; il eft néanmoins d’ufage d'en mettre toujours la quantité que nous avons prefcrite.
- Voici ce qu’on peut conjeéhirer fur l’introduélion de cette mauvaifè pratique. On faifoit autrefois les cramoifis de cochenille fans tartre ni compofition en les jauniflànt feulement par le rocou ; mais alors les foies teintes par cette méthode n'avoient point de cri ou maniement ; enforte qu'au feul toucher on ne pouvoit diftinguer cette foie d’avec celle qui étoit teinte avec le bois de Bréfil. Comme la noix degalle,àraifon d'un acide caché qu’elle contient, a la propriété de donner à la foie beaucoup de maniement, on en a ajouté avec la cochenille dans les cramoifis ; on a eu par ce moyen des foies cramoifies, qui, par le maniement que cela leur donnoit,pouvoient fe diftinguer au toucher,d'avec les cramoifis faux ou de Bréfil ; car il faut remarquer que la teinture du bois de Bréfil ne peut fupporter l’aétion de la noix de galle, qui la mange & la détruit entièrement.
- Mais en même-tems que la noix de galle donne du cri à la foie, elle a encore la propriété finguliere & très-remarquable, d’en augmenter le poids affèz confidérablement, c'eft-à-dire, qu'en mettant une once de noix de galle, par chaque livre de foie , cela peut donner de deux à deux & demi pour cent ; il y a même des Teinturiers, qui portent cette augmentation de poids de la foie cramoifi fin, par le moyen de la noix de galle , jufqu'à fept à huit pour cent. Or , on s'eft accoutumé à avoir ce bénéfice du poids de la foie dû à la noix de galle, enforte que, lorfque cette drogue eft devenue inutile par l’addition du tartre & de la compofition, qui donnent aufli-bien qu’elle du cri à la foie, elle a continué d’être néceflàire, pour l'augmentation du poids à laquelle on étoit accoutumé, & que les acides, dont nous venons de parler, ne peuvent point donner comme elle. Au refte , on a toujours foin de préférer la noix de galle blanche à la noire, parce qu'elle gâte beaucoup moins la
- p.31 - vue 42/108
-
-
-
- 5a DE LA TEINTURE EN SOIE.
- couleur. Il réfulte de ce qu'on vient de dire , de l'ufage de la noix de galle dans le cramoifi fin , que cette drogue eft non-feulement inutile, mais encore qu'elle eft nuifible, Sc qu'elle ne peut fervir qu'à donner lieu à des fraudes condamnables & préjudiciables au commerce ; Sc que fi l'on faifoit un Réglement pour la teinture des foies, il foroit à propos de défendre abfolument d'employer cette drogue dans le cramoifi fin.
- Le repos que l'on donne aux foies dans le bain, eft néceffaire pour leur faire tirer entièrement la cochenille. Les foies prennent encore dans ce repos environ une bonne demi-nuance, Sc la couleur fe jaunit d'autant * ce qui lui donne un coup d'œil moins fombre Sc plus beau.
- ï?eut-être feroit-on tenté de croire, qu'en laiflant bouillir les foies plus long-tems dans le bain, on auroit les mêmes effets : mais l'expérience prouve le contraire ; d'ailleurs, les frais feroient plus confidérables, attendu quil faudrait entretenir le feu plus long-tems.
- La cochenille laiffe fur les foies, au fortir du bain, utle espèce de fon qui n'eft que la peau de cet infeéle, dans laquelle îl refte toujours un peu de fon fuc colorant. Ceft pour bien nettoyer les foies & les débarraffer entièrement de Ce fon, qu'on les bat deux fois en les lavant à la riviere. Par ce moyen, la couleur devient auffi plus brillante, plus nette Sc plus développée.
- A l'égard des deux battures que l'on donne avant la teinture, elles font né-ceffaires, parce que les foies ayant été fortement alunées pour cette couleur, Sc étant deftinées à bouillir long-tems dans le bain de teinture, elles y laifle-' roient aller, fans cette précaution, une certaine quantité d'alun, qui, non-feulement tiendroit la couleur trop rofée Sc trop grife, mais auffi qui empêcherait la cochenille de fe tirer parfaitement ; car en général, tous les fels neutres mis dans les bains de teinture, ont plus ou moins cet inconvénient,
- Le cramoifi fin ou de cochenille, telqufon vient de le décrire, eft non-foü-letnent une très-belle couleur, mais on peut la regarder auffi comme excellente : c’eft la plus folide de toutes les teintures en foie. Elle réfifte parfaitement au débouilii du favon, & paroît ne recevoir aucune altération de la part de i'aéHon de l'air Sc dufoleil. Les étoffes de foie teintes de cette couleur, qui font employées ordinairement dans les ameublemens, font plutôt ufées, par lefervice, que déteintes; on voit d'anciens meubles cramoifi fin, qui ont plus de foixante ans, dont la couleur ne paroît prefque point dégradée. Le foui changement qu'éprouve le cramoifi fin, c'eft de perdre à la longue de l'œil jaune qui lui donne de l'éclat : cela le fait tirer fur le violet, & le rend fombre.
- Les Connoifleurs n'ont befoin, que de manier la foie teinte en cramoifi fin, pour la diftinguer de celle qui eft teinte en cramoifi faux ou de bois de Bréfil, dont on va parler ci-après, parce que cette derniere couleur ne pouvant . fopporter
- p.32 - vue 43/108
-
-
-
- DE LA TEINTURE EN SOIE. 33
- fapporter l'aétion des acides, la foie fur laquelle elle efl appliquée, ne peut avoir le cri ou le maniement que donnent aux foies les acides employés dans le cramoifi fin. Mais lorfque la foie efl: fabriquée en étoffes , & qu'il efl: queftion de prouver aux acheteurs qu elle efl teinte en cramoifi fin , on fie fert du vinaigre , à f aétion duquel le cramoifi de cochenille réfifte très-bien , au lieu que cet acide tache en jaune, & mange en un inflant le cramoifi de bois de Bréfih
- Du Cramoifi.faux , ou du Rouge de bols de Bréfil.
- Cette couleur fè tire dubois de Bréfil, qui fournit une teinture extraélivé très-abondante & affez belle, quoiqu’elle le fôit fenfibleiïient moins que celle delà cochenille: on la nomme cramoifi faux, àcaufedu peu de folidité qu’elle a en comparaifon du cramoifi fin : comme elle efl infiniment moins chere, elle ne laiffe pas que d’être d'un affez grand ufage.
- Les foies deftinées à être teintes en rouge de bois de Bréfil, doivent être cuites à raifon de vingt livres de favon pour cent pefant de foie ; on les alune à l’ordinaire, comme pour toutes les autres couleurs ; il n’eft pas néceffaire que l’alunage foit auffi fort, que pour les eramoifis fins : lorfque les foies font alu-nées , on les tord & on les râffraîchit à la riviere.
- Pendant qu'ôn fait ce latage, on fait chauffer de l’eau dans une chaudière ; & cependant, on prépare une barque dans laquelle on met du.jus ou forte décoction de bois de Bréfil,à raifon d'environ un demi-feau pour chaque livre de foie, plus ou moins fuivant la forée de la décoélion, & la nuance qu’on veut donner; on verfe enfuite dans cette barque, la quantité d’eau chaude néceffaire pour former le bain ; on paffe après les foies fur ce bain, en les lifant comme les jaunes ; elles prennent dans ce bain un rouge, qui, lorfqu’on fe fert de l’eau de puits > efl: ordinairement à la nuance de cramoifi ; mais lorfqu’on s’efl: fervi d’eau plus pure, telle que celle de riviere, ce rouge efl: plus jaune que ne l’efl le cramoifi de cochenille , auquel on veut toujours le faire reffembler le plus qu’il efl: ppflîble ; il a befoin, par cette raifon, d’être rofé, ce qui fe fait de la maniéré fuivante.
- On leffive un peu de cendre gravelée dans de l'eau chaude ; environ une livre peut fuffire pour trente ou quarante livres de foie ; on lave les foies à la riviere;on leur donne une batture , & on met la leffive de cendre gravelée dans une nouvelle barque qu’on remplit d'eau froide ; on paffe les foies fur cette eau* elle y prend auffi-tôt un bel œil cramoifi, en laiffant dans cette eau un peu de là teinture : on lave après cela les foies à la riviere ; on les tord & on les met fécher fiir les perches.
- Dans quelques Manufactures, au lieu de fe fervir de cendre gravelée pour Teinture en soie. ï
- p.33 - vue 44/108
-
-
-
- 34 DE LA TEINTURE EN SOIE.
- Toler les cramoilîs , on paffe Amplement les foies fur de l'eau chaude, jufqu'à ce qu'elles aient l'œil que Ton délire ; cette opération eft beaucoup plus longue , & coûte davantage, attendu la confommation du bois; ainlî, elle n'a aucun avantage fur la précédente ; & même il faut que la couleur foit plus pleine de teinture, parce que l'eau chaude décharge beaucoup cette couleur.
- Quelques autres Teinturiers font dans l'ufage de rofer ces cramoilîs fur le bain même où ils ont été faits, en y mettant de la lelîîve de cendre gravelée; cette méthode eft beaucoup plus courte ; mais on ne s'en fert guères, parce qu'il y faut plus de cendre, & que les cramoilîs faits de cette façon paroilfent un peu moins beaux.
- On fent bien que pour faire les nuances claires, il ne s’agit que de mettre moins de jus de Bréfil dans le bain : mais elles ne font guères d'ufage, parce qu'elles ne font point belles.
- Remarques fur le Rouge ou Cramoif de lois de BréfL
- Cette couleur n'a aucune difficulté, 8c fe fait fans embarras. Les Teinturiers en foie ont foin d'avoir toujours une proviüon de jus ou décoélion de bois de Bréfil, qui fe fait de la maniéré luivante : On hache le bois de Bréfil par petits copeaux. Dans une chaudière qui tient environ foixante féaux, on met cent cinquante livres de ces copeaux ; on remplit la chaudière, & on fait bouillir ces copeaux pendant trois bonnes heures, en rempliflant pour remplacer l'eau qui s'évapore. On coule ce jus de Bréfil dans une tonne, & on reverfe autant de nouvelle eau claire fur les copeaux. On les fait bouillir de nouveau encore pendant trois heures, on fait ainfi quatre bouillons en tout, après quoi le bois eft épuifë de toute fa teinture.
- Quelques Teinturiers font dans l'habitude de conferver féparément ces diffé-rens bouillons, le premier eft plus fort ; mais fouvent auffi fa couleur eft -moins belle, parce qu'il eft chargé de toutes les impuretés du bois. Le dernier eft ordinairement très-clair & très-foible de teinture : mais on a remarqué, qu'en les mettant tous enfemble, ils forment une liqueur homogène, qui eft d'un très-bon fervice.
- Peut-être, fi l'on vouloit s'aflùjettir à laver d'abord le bois dans l'eau chaude pour le nettoyer, obtiendrdit«on un jus qui donneroit une couleur un peu plus belle : mais elle n'eft pas aflez importante, pour qu'on prenne tant de peines Sc de précautions. Il eft bon néanmoins d'enlever dans chaque décoftion une écume noirâtre qui monte à la furface ; la couleur de la décoélion en eft toujours plus belle.
- On garde ordinairement, pendant quinze jours ou trois femaines, le jus du Bréfil avant de s'en fervir, parce qu'on a remarqué qu'il s'y excite une forte
- p.34 - vue 45/108
-
-
-
- DE LA TEINTURE EN SOIE. 3S
- de fermentation lourde, qui fait foifonner la couleur. Quelques Teinturiers font même dans i'ufage de le laiffer vieillir pendant quatre ou cinq mois, jufqu'à ce qu’il fbit gras & filant comme de l'huile : mais on n'a pas remarqué du moins pour la foie , qu'il fût avantageux de le garder fi long - tems. Quinze jours ou trois femaines luflifent, comme nous i'aVons dit, pour lui donner toute fa qualité ; fi on i'employoit tout nouvellement fait, il donneroit une couleur plus rofe , & il en faudroit une plus grande quantité, parce qu alors il teint moins fortement.
- On peut fe fervir indifféremment d'eau de puits ou d'eau de riviere, pour faire la décoétiondu bois deBréfil; le feul avantage qu'on ait remarqué en le fervant d’eau de puits , tant pour la décoélion du bois que pour le bain , c'efl: qu’alors les cramoifis qu'on en tire, n'ont pas befbin d'être rôles par la cendre graveiée ; mais aufîi on a obfervé que ceux qui font faits à l'eau de riviere, & qu'on rofe enlyite avec la cendre * ont un coup d'œil un peu plus flatteur.
- On comprend fous la dénomination générale de bois de Bréfil, plufieurs espèces de bois , qui, quoique fourniffant tous à peu-près la même couleur , paroiffent néanmoins différens par la beauté ou la bonté de leur teinture ; le plus beau & le meilleur de tous, pour la foie, eft celui qu'on nomme bois de Fernambouc : c'efl: auffi le plus cher ; ce bois eft très-lourd ; il nous eft apporté fans écorce : il paroît brunâtre à l'extérieur. Lorfqu'il eft nouvellement fendu, il paroît dans fon intérieur, tirer plutôt fur le jaune que fiir le rouge ; mais là couleur rouge fe développe peu-à-peu à l'air ; au refte , là couleur n'eft jamais bien foncée : il faut choifir le plus làin, le plus net, le moins carié, Sc le plus haut en couleur qu'il eft poflîble.
- Les Teinturiers en foie ne font point dans I'ufage de fe fervir du bois de Sainte ;Marthe qui ne différé dix précédent que parce qu'il eft beaucoup plus rouge & plus foncé. Cependant il pourroit peut-être fervir avantageufement à faire certaines couleurs foncées. Ce qu'il y a de certain, c'efl: qu'on s'en fert beaucoup pour les toiles & les cotons.
- Il y a encore un autre bois à peu-près lèmblable au Fernambouc, & qu'on nomme bois du Japon o\xBré[illet\ il donne beaucoup moins de couleur, & par cette raifon, on ne s'en fert que pour faire les plus baffes nuances. Au refte, il y a toujours plus d’avantage à fe fervir du bois de Bréfil ou de Fernambouc , même pour cés nuances, parce qu’il en coûte autant de foins pour tirer la couleur du bois du Japon. Ce bois fe diftingue aifément du Fernambouc, parce qu'il eft beaucoup moins haut en couleur, & beaucoup moins gros. Il a dans Ion intérieur un peu de moelle.
- Les bruns & cramoifis faux portent ordinairement le nom de rouges bruns, parce que dans les atteliers on donne au cramoifi faux le nom de rouge.
- p.35 - vue 46/108
-
-
-
- f6 DE LA TEINTURE EN SOIE.
- Pour faire ces nuances, lorfque la foie a tiré le Bréfil, & lorfqu’ elle a pris fùf-fifamment de hauteur, on met dans le même bain du jus de bois d'Inde, plus ou moins, fuivant la nuance que Ton veut avoir ; on brade bien le bain , & l'on y palfe les foies de nouveau jufqu à ce qu’ elles aient acquis le degré de bruniture néceffaire. Si l'on ne trouvoit pas la couleur allez violette, on lui donnerait fur de l'eau un peu de leffive & de cendre,gravelée, comme au cramoilî faux.
- Pour teindre fur crud le cramoifi faux, on prend fes foies blanches, comme pour le jaune ; & après les avoir trempées, on les alune & on les traite comme les foies cuites.
- \
- Du Ponceau, du Nacarat, & du Cerije.
- Tôutes ces couleurs font destouges vifs exaltés par un ton beaucoup plus jaune que le cramoifi. Elles fe font facilement fur la laine avec la cochenille jaunie & avivée par la compofition ou difiolution d'étain ; elles ont fur cette fùbftance beaucoup d'éclat & de folidité , parce que la cochenille dont on les tire eft un ingrédient cflentiellement de bon teint. Mais il s'en faut bien qu'on ait le même avantage fur la foie. Cette fùbftance refufe abfolument de prendre ces nuances en cochenille; du moins jufqu'à préfent > on n'a publié aucun procédé pour les lui faire prendre (*}• La foie mife dans un bain de cochenille exalté par la compofition , & capable de teindre la laine en un couleur de feu des plus éclatants > ne prend dans ce bain qu'une nuance de pelure d'oignonfoible, terne, & qui n'eft , à proprement parler, qu'un mauvais barbouillage.
- On eft donc obligé de faire toutes ces couleurs fur la foie avec une autre drogue ; c'eft la fleur d'une plante qu’on nomme Carthame, Saffran bâtard, ou Saf -franüm%
- Cette fleur contient deux fortes de teintures bien diftinétes & bien différentes l'une de l'autre par leur couleur & par leur propriété. L'une eft une efpece de. jaune, de nature extraélive , & par confisquent diflbluble dans l’eau ; l'autre eft un fort beau rouge, beaucoup plus jaune que le cramoifi, & dont la nuance naturelle eft un couleur de cerife très-vif & très-agréable. Cette fécondé partie colorante du Carthame * ne fe diflout point dans l'eau pure, parce qu elle eft de nature décidément réfineufe , ainfi qu'on le verra bientôt.
- Quoique la nuance naturelle du rouge réfineux du Carthame, ne foit point affez jaune, Sc demande à être affife fur un fond jaune orangé pour imiter le couleur de feu ou l'écarlatte que la cochenille donne fur la laine , on ne fait néanmoins aucun ufàge du jaune extraélif que contient ce même Carthame, parce
- (a) Il y a dix ou douze ans qu’un ancien Tein-1 fort pied de rocou, & qu’après l’avoir bien lavée,
- i*i nt* r~f » i . .. /_ . * . 1 _ _l 1**11 • • 1. 1* 1 1 *11 _ 1 *1
- turier du bon teint, fit voir un velours couleur de feu qu il difoit teint en cochenille. Tout ce qu’on a pu fçavoir de fon fecret, eft qu'il donnoit à la foie un
- il la tèignoit dans un bain de cochenille, auquel il ajoutoit une petite quantité de difiolution d’étain.
- que
- p.36 - vue 47/108
-
-
-
- DE LA TEINTURE EN SOIE. 37
- que ce jaune n'eft point affez beau, & qu'il n'a pas d'ailleurs le ton de couleur convenable. Ainfi on commence par féparer ce jaune extraélif d'avec le rouge réfineux, ce qui eft très-facile , à câufe de la différente nature de ces deux teintures ; il ne s'agit pour cela que de diffoudre & d'enlever tout ce jaune extraélif par une füffifante quantité d'eau ; il ne relie plus après Cela dans le Carthame que le rouge réfineux que l'eau n'a pu enlever, & qu’on rend dîiïoluble par le moyen d'un fel alkali, pour le mettre en état de teindre , comme on va le voir par le détail du procédé.
- Préparation du Carthame ou Saffranum.
- On enferme le Carthame dans des facs de forte toile jufqu'à la quantité d*en-viron foixante livres à la fois ; on porte ces facs à la riviere , 8c l'on a foin dé choifir un endroit dont le fond foit bon, & où il n'y ait point de pierres. On mec les facs dans l'eau, & pour qu'ils ne puilfent être entraînés, on a foin de les attacher par le bout avec une corde qu'on lie à un poteau enfoncé fur le bord de l'eau. Enfuite un homme monte deflus, en tenant à la main un fort bâton pour s’appuyer, 8c il les foule continuellement avec les pieds.
- S'il fait chaud, 8c qu'on n ait pas une grande quantité de jajfranum à laver, ceux qui font cette opération, peuvent la faire, jambes nues & le pied dans des labots* Mais li l'on en a une grande quantité à laver, ou qu'il faffe frôid, il eft nécef-faire d'avoir des bottines de cuir très-fort, & propre àréfifteràl'eau.Ona même foin de fo garnir les jambes de linges avant de les mettre dans ces bottes ; 8c par ce moyen on évite que la peau ne s'attendrifle trop par le féjour dans l'eau.
- L cfaffiranum par le moyen de ce lavage, fe décharge d'une grande quantité de fon jaune extraélif que l'eau emporte, & l'on continue à fouler les facs julqu’à ce que l'eau n'en tire plus de couleur.
- Cette operation efl: longue , il faut ordinairement deux jours à un homme pour pouvoir laver ainfi un fac de foixante livres.
- Quand on efl à portée d'avoir de l'eau de fource ou de bonne eau de puits propre à boire, on peut éviter d'aller laver le faffranum à la riviere, 8c on peut le laver dans des barques de la maniéré lui vante.
- Ces barques marquées A, Flanche VL Fig. i, font faites de bonnes planches à languettes & rainures; & on leur donne ordinairement fix pieds de longueur flir trois ou quatre de large, afin que les facs puiflent y entrer, 8c y être remués commodément.
- Quand le fac efl dans une pareille barque, on en ouvre la bouche, 8c on la
- tient fixée dans cet état par le moyen d'un morceau de bois en croix, comme on
- le voit en B, ibid. 8c Fig. 2. ou par quelqu’autre manœuvre. Enfuite on lâche dans
- cette ouverture un des robinets C qui font dans l'attelier, 8c auflî-tôt que le Teinture en soie, K
- p.37 - vue 48/108
-
-
-
- V§ DE LA TEINTURE EN SOIE.
- fafframmt fe trouve ftiffifamment baigné d’eau,un homme muni de bottes, Comme nous avons dit, & qui fe tient à une corde attachée au plancher, monte fur ce fac, & le foule aux pieds pour dégorger le faffran de fa couleur jaune. Voyez cette manœuvre en D -, ibid.
- Quand l’eau s’eft bien chargée de cette couleur , on la vuide par le moyen d'un robinet ou bondon qui eft au bas de la barque, dont le fond doit avoir un peu de pente pour faciliter i’ifiîie de l’eau , comme on le voit en E, ibid» Enfizite on donne de nouvelle eau ; on foule de nouveau, on iaiffe aller encore cette eau, & on continue ainfi jufqu’à ce que lefaffranum fbit entièrement lavé, Sc qu’il ne côlore plus l’eau en jaune»
- Cette méthode de laver lefaffranum, eft, comme on voit, beaucoup plus commode que l’autre, Sc l’on s’en fort toujours par préférence dans tous les endroits où l’on a de bonnes éaux de fontaine où de puits à là portée» Cette méthode fe pratique à Lyon où fon a des eaux Sc des atteliers propres à ce travail. Les focs qui ont fervi à ce lavage font toujours teints en couleur de cerife ; parce que le jaune extraélîf difîbut Sc emporte avec lui une petite portion du rouge réfineux du Jajfranum*
- Lorfque cette fobftance eft débarraffée ainfi de tout fon jaune, on achevé de la préparer pour la teinture, de la maniéré fui vante.
- On la met dans une barque de bois de lapin faite comme celles dans lefquel-les on teint; comme le Carthame eft en mottes, on le frife, c’eft-à-dire, qu’on divifo toutes ces mottes en lesbrifont avec une pelle : iorfqu’il eft bien divifé, onfaupoudre deilùs à diverfes reptifesde la cendre gravelée ou de la foudebien pulvérifée & tamifée, à raifpn de fix livres pour cent livres de faffranum. On mêle bien le tout enfomble, à mefure qu’on met le fol, comme on le voit en
- F, ibid.
- On range le tout dans un coin de la barque, Sc on achevé de bien faire le mélange, en le foulant aux pieds par petites portions qu’on rejette enfoite par derrière foi, à l’autre bout de la barque. Cela s’appelle amejlrer le faffranum. Voyez
- G, ibid,
- Lorfque cette opération eft faite., on met le faffranum ainfi ameftré dans une petite barque longue, qu’on nomme grille, parce que le fond eft formé comme une claie par des barres de bois placées à deux travers de doigt l’une de l’autre, dans le fens de la largeur ; on garnit l’intérieur de cette barque avec une bonne toile ferrée, Sc on emplit cette barque de faffranum : on le place lur la grande barque, & on jette de l’eau froide deflus. Cette eau fe charge des fols qui tiennent en dilfolution la matière colorante du faffran , Sc fe filtre en tombant dans la barque deftinée à la recevoir. Voyez cet appareil marqué H, ibid. Fig. i Sc 2. On continue à verfer ainfi de nouvelle eau, efi remuant de tems entems julqu’à
- p.38 - vue 49/108
-
-
-
- DE LA TEINTURE EN SOÎË. \9
- ce que la barque inférieure Toit pleine ; on tranlporte après cela le faffranum for une autre barque, & on coule de nouvelle eau jufqu’à ce que la liqueur commence à n'avoir plus de couleur; alors on y remêle encore un peu de cendre ; on le remue > & on pafle de nouvelle eau qui tire encore un peu de couleur. On celle cette manœuvre quand on voit que le faffranum eft entièrement dépouillé de fa couleur rouge, & qu'il n’eft plus que jaune. Il ne peut plus fervit à rien lorfqu'ii eft en cet état.
- Lorfqu'il eft queftion de teindre dès foies en Ponceau ou couleur de feu fin , avec la teinture ainfi préparée , ces foies doivent d’abord avoir été cuites comme pour le blanc X enfiiite on leur donne un pied de rocou de trois ou quatre nuances au-delfous de celle qu'on nomme aurore, comme il a été ex* pliqué à l’Article de l'orangé. Ces foies ne doivent point être alunées , parce qu’il ne s’agit ici que de leur faire prendre une couleur réfineufe.
- Lorfque les foies font lavées, bien écoulées & diftribuées par mateaux furies bâtons, on met dans le bain du jus de citron, jufqu'à ce que de couleur jaune* rougeâtre qu'il étoit, il devienne d’un beau couleur de cerife ; cela s’appelle virer le bain. On brafle bien le tout, & on y met les foies, qu’on lifo tant qu’on s’apperçoit qu’elles tirent de la couleur.
- Il faut obferver que pour les ponceaux qui font la plus haute couleur que puiffe donner le faffranum , lorfque la foieparoît ne plus tirer de teinture dans ce bain, on la retire, on la tord à la main fur le bain, on l’écoule à la cheville, & tout de fuite on la paffe for un nouveau bain de même force que le premier. On la traite comme la première fois ; après quoi, on la retire, on la lave, oîi la tord, & on l’étend for les perches pour la faire fécher : lorfqu’elle eft féche, on lui redonne de nouveaux bains, tels que les premiers, & on continue la même manœuvre en lavant, en faifant fécher entre chaque nouveau bain, jufo qu’à ce quelle ait acquis la hauteur qu’on defire ; il faut ordinairement cinq à fix bains pour l'amener au couleur de feu ou ponceau ; au refte, cela dépend de la force du bain , etiforte qu'il faudroit un beaucoup plus grand nombre de bains , fi la leffive de faffranum étoit foible ; & quelque forte qu’elle foit, on ne peut guere faire cette couleur à moins de trois ou quatre bains.
- La foie étant parvenue au degré de plénitude convenable, on lui donne un avivage de la maniéré foi vante.
- On fait chauffer de l’eau jufqu’à Ce quelle foît prête à bouillir ; on la met dans une barque ; on verfe du jus de citron dans cette eau , à la quantité d'en* viron un demi-feptier par chaque feau d’eau» On life les foies ponceau, envi* ron fept ou huit fois fur ce bain d’avivagé, qui leur fert en même teins de lavage ; elles prennent dans ce bain, plus de brillant & de gaieté ; on les tord alors, & on les fait fécher à l’ordinaire»
- p.39 - vue 50/108
-
-
-
- 40 DE LA TEINTURE EN SOIE.
- Les nacarats & cerifes foncés* fe font précifément comme les ponceaux* à l’exception qu’il n'eft point néceffaire que les foies aient un pied de rocou* Sc qu’on peut employer des bains qui ont fervi au ponceau pour faire ces couleurs * ce qui achevé d’épuifer ces bains. On ne fait des bains neufs pour ces dernieres couleurs * que quand on n’a point eu occafion de faire de ponceau.
- A l’égard des cerifes plus légères* des couleurs de rofe de toute nuance* St des couleurs de chair* on les fait fur les féconds & derniers bains de coulage de faffran qui font plus foibles ; ces couleurs fe travaillent au refte & s’avivent comme les ponceaux* en paflànt toujours d’abord celles qui doivent être les plus foncées.
- La plus légère de toutes ces nuances * qui eft une couleur de chair extrême^* ment tendre* a befoin qu’on mette dans le bain un peu d’eau de favon, qui a fervi a cuire les foies. Ce favon allège la couleur * Sc empêche qu’elle ne prenne trop promptement* & qu’elle ne foit mal unie. On la lave,* & enfuite on lui donne un peu d’avivage fur le bain* qui a fervi aux couleurs plus foncées.
- Tous ces bains s’emploient auffi-tôt qu’ils font faits * Sc toujours le plus promptement qu’il eft pofïible* parce qu’en les gardant, ils perdent beaucoup de leur couleur* qui même s’anéantit entièrement au bout d’un certain tems.
- ‘On les emploie toujours auflî à froid* parce qu’aufîi-tôt que le Jaffranum viré, c’eft-à'dire* rougi par l’aide du citron, fent la chaleur * il fe décolore.
- Pour ceconomifer le fafframm* on eft dans l’ufage* depuis quelquê-tems* d’employer pour les ponceaux Sc autres nuances foncées* de i’orfeille d’herbe, ou de laperelle àfon défaut. Cette orfeille fe met dans les premiers Sc féconds bains* à raifon de cinq ou fix féaux de bain d’orfeille* dans un bain d’environ trente féaux de bain de faffran, ce qui fait àpeu-près un cinquième au total du bain. En parlant des couleurs qui fe font avec de I’orfeille, nous donnerons la maniéré d’en tirer la teinture.
- Pour faire fur crud toutes les nuances defiffranum dont nous venons de parler* on choifit des foies très-blanches* Sc on les traite précifément comme les foies cuites* avec cette feule différence * qu’on paffe ordinairement les ponceaux3 les nacarats & les cerifes fur crud* dans les bains qui ont fervi pour faire les mêmes couleurs en foie cuite. Ces bains fe trouvent avoir encore affez de force pour teindre la foie crue* qui* comme nous l’avons dit* monte beaucoup plus facilement en couleur* & même exige en général moins de teinture que la foie cuite.
- Remarques fur la teinture de Carthame * ou Saffran bâtard.
- Lorsque le carthame a été dépouillé de tout fon jaune extraélif par le lavage
- à l’eau *
- p.40 - vue 51/108
-
-
-
- * DE LA TEINTURE EN SV1Ë. 4*
- . . l’eau j le rouge réfmeax qui lui refie a befoin d'un diffolvant particulier ; & Ce
- nt les fels alkalis fixes > que l'expérience a fait connoître comme les plus pro-* Jyres à cetufage. C’eft donc pour mettre le rouge réfineux du carthame dans l’état de diflolution néceffaire à la teinture, qu'on en fait une efpèce de lefll-ve * avec la foude ou la cendre gravelée.Mais ces alkalis, en mème-tems qu’ils difiolvent ce rouge réfineux, diminuent beaucoup l'intenfité de fa couleur, 8c la font tirer fur le jaune, comme on a vu qu’ils le font à l'égard du rocou. Le jus de citron qu'on ajoute dans le bain, remédie pleinement, en qualité d’acide , à cet inconvénient : il fépare cette partie colorante réfineufe d’avec l’alka-li, 8c rétablit là couleur dans toute fa beauté.
- A la vérité, le rouge réfineux n’eft plus alors dans l’état de difiblution, il eft plutôt fous la forme d’une elpèce de précipité ; mais ce précipité eft fi fin & fi divifé, que cela équivaut à une diflolution , 8c qu’il eft en état de s’appliqi*et aflez bien fur la foie. Cependant, il eft à remarquer que quand la foie a féjour-né dans cette teinture pendant un certain tems, elle ne continue plus à Ce teindre , quoiqu’il y ait encore beaucoup de couleur dans le bain, ce qui vient fans doute de ce que la foie s’empare d'abord des parties les plus fines, les autres étant trop groflîères pour pouvoir s’y appliquer, fur-tout lorfqu’elle eft déjà chargée de teinture jufqu’à un certain point.
- Tous les acides font capables de faire prendrele ton de couleur convenable à .a teinture de carthame préparée par Talkali, 8c certainement les acides minéraux coûteroient beaucoup moins cher que le fuc de citron ; cependant, c’eft ce dernier auquel on a toujours donné la préférence, & c’eft fans doute parce qu’on s’eft apperçu qu’il produit un meilleur effet : il eft probable que cela vient de ce que le précipité qu’il occafionne eft plus fin, 8c moins fec que celui qui fe-roit produit par les acides minéraux.
- Le ponceau fait avec attention, fans orfeille , fuffifàmment garni de rouge de pur carthame > 8c lorfqu’il eft dans toute fa fraîcheur, eft une couleur fort belle 8c fort éclatante ; cependant, il ne peut foutenir la comparaifon d’une belle écarlatte de cochenille fur laine : le feu étonnant de cette derniere lé fait toujours paroître foible & blafard.
- Le ponceau réfifte à fépreuve du vinaigré ; il eft beaucoup plus beau & plus
- cher, 8c Ce foutient un peu plus long-tems à l’air, qu'un mauvais couleur dé
- feu qu'on fait avec le bois de Bréfil, & qu’on nomme ponceau faux ou ratine ;
- ces propriétés le font regarder par la plupart des Teinturiers & Manufacturiers
- en foie, comme une couleur fine 8c de bon teint ; mais il s’èn faut bien, qu'il
- mérite en effet d’être mis au nombre des teintures fines ou folides ; car vingt-
- quatre heures d'expofition au foleil 8c au grand air, Yuffifent pour dégrader le
- plus beau ponceau de trois ou quatre nuances, & au bout de quelques jours
- d’une pareille expofition, à peine refte-t>ifun veftige de cette couleur fur la Teinture en soie. L
- p.41 - vue 52/108
-
-
-
- 4* DE LA TEINTURE EN SOIE.
- foie. Lesnacarats, cerifes & couleurs de rofes, qui font moins chargés de rouge "du carthame que le ponceau, font encore plutôt dégradés & détruits par l’aétion de l'air.
- Il eft à remarquer que le rouge du carthame, eft de la nature des vraies réfi-nés, ou de celles qui font diffolubles dans l'efprit-de-vin ; car ce diffolvant enleve enuninftant toute cette couleur de deflus les étoffes qui en font teintes*
- Du Ponceaufaux, ou couleur de feu fait avec U bois de Bréfil.
- On fait avec le bois de Bréfil une élpèce de couleur de feu, qu'on nomme ratine ou ponceau faux, parce qu'il eft infiniment moins cher, infiniment moins beau, & encore moins folide que celui de carthame.
- Pour faire cette couleur, on prend des foies cuites, comme pour les couleurs
- t
- ordinaires ; on leur donne un pied de rocou, d'une bonne nuance plus fort que pour le ponceau fin, parce que le rouge du bois de Bréfil eft naturellement moins jaune, que celui du carthame; ce pied eft àpeu-près à la nuance dü demi-aurore. Au relie, tant pour le ratine que pour le ponceau, il eft à propos quand une fois on a un pied convenable, d'en garder un écheveau pour échantillon, cet écheveau fert à guider pour faire le pied toutes les fois qu’on a de ces cou* leurs à faire.
- Le ratine fe fait fans aucune difficulté. Après avoir cuit la foie, comme on vient de le dire, on la lave > on l'écoule & on lui donne le pied de rocou ; on la lave enfui te, en lui donnant une ou deux battures à la rivière. Après cela, on Palune comme pour toutes les couleurs extraélives, parce que celle du bois de Bréfil eft de ce nombre ; après quoi, on la raffraîchit à la riviere ; & l'ayant dreffée comme à l’ordinaire, on lui fait un bain de jus de Bréfil fur de l’eau chaude ; & l’on met dans ce bain > un peu d'eau de favon de la cuite qu'on garde exprès pour cela, à la quantité d'environ quatre ou cinq pintes ou un demi-caffin, fur une barque qui contient vingt-cinq à trente livres de foie : on braffe le tout enfemble, & l'on y met la foie.
- Si après un certain nombre de lifes, on s’appérçoit que la couleur ne foit point affez foncée, on ajoute du jus de bois de Bréfil. Quand la couleur eft unie, on lui laiffe tirer fa teinture, ayant foin de la lifer de teins en tems, jufqu'à ce que la couleur foit à la nuance convenable.
- Quand elle eft faite, on la lave à la riviere, & on peut lui donner une battu-te, quand on voit qu'elle manque un peu de rouge ; mais il faut, pour cela, obferver auparavant fi l’eau de la riviere eft dans le cas de rofer le rouge de Bréfil, comme elles font; la plupart ; fi elle n'avoit pas cette propriété, au lieu de battre la foie, il faudroit recharger le bain de jus de Bréfil, jufqu'à ce que le ratine eût acquis affez de rouge.
- p.42 - vue 53/108
-
-
-
- DE LA TEINTURE EN SOIE. 43
- On fait par la même méthode que nous venons de décrire* des ratines plus bruns * qui s'écartent abfolument de la nuance de couleur du feu.
- Pour les brunir* quand le bain de Bréfil efl tiré * on en jette une portion , & on remet de nouveau jus de Bréfil* qu'on laiffe fe tirer; après quoi, on met dans ce bain du jus de bois d'Inde * qui donne une bruniture plus ou moins forte, fiiivant la quantité qu'on en met.
- Ces couleurs qui font les vrais ratines bruns, ont pris depuis quelque-tems le nom de moredoré* nom qui cependant ne leur convient pas * & qui appartient à une autre couleur* dont nous avons parlé à l'article de l'Aurore.
- Ces ratines bruns, alnfi que les rouges bruns* dont nous avons parlé à l'article des Cramoifis faux * fervent pour completter la nuance de tous les ponceaux & nacarats, attendu qu'avec le fàffran on ne peut faire ces fortes de bruns.
- Nous n'avons rien à ajouter ici fur ce que nous avons dit, touchant la maniéré de préparer le jus de Bréfil * en parlant du Cramoifi. On fe feft de ce même jus pour toutes les autres couleurs où entre le Bréfil ; il n*y a de différence que dans l'emploi. Par exemple, le favon que Pon met dans le bain de Bréfil pour faire le ratine * efl deftiné à rendre la foie fouple & pliante * & à lui ôter une certaine dureté quelle auroit fans cette précaution * parce que l'alunage donné par-deffus un pied de rocou * procure cette dureté. Quelques Teinturiers* au lieu de favon* jettent dans le bain de Bréfil une petite poignée de noix de galle en poudre * & ils prétendent que cela produit le même effet* & même que cela donne plus de gaieté à la couleur : mais le‘grand nombre préfèrent l'ufage du favon.
- Pour le ratine fizr crud, on prend des foies blanches comme pour le jaune ; & après les avoir trempées* on leur donne le rocou tiède* ou même froid* pour ne point dégommer la foie ; après quoi, on achevé cette couleur comme pour les foies cuites. •
- Du couleur de Rofe faux.
- On n'efl: point du tout dans l'ufage de faire en faux ni le nacarat * ni le cerl-fe* parce que les couleurs que l'on a par cette méthode* font trop mornes Sc trop laides. On fait feulement le rofè faux* en donnant à la foie la cuite comme pour le ponceau* alunant enfuite & paffantfur un bain de Bréfil fort léger* fans y rien ajouter autre chofe : mais comme cette couleur efl fort grife, & manque abfolument d'éclat * elle efl fort peu d'ufage.
- Pour teindre cette nuance fiir crud* il faut avoir foin de choifir des foies très-blanches * comme pour toutes les autres couleurs tendres * après les avoir trempées 1 on les teint comme le cuit.
- p.43 - vue 54/108
-
-
-
- DE LA TEINTURE EN SOIE.
- Du Ferdê
- Cette couleur eft compofée de jaune & de bleu ; elle eft difficile à faire lùf la Foie à caule de l'inconvénient qu'aie bleu de cuve d'être fort Fujet à Fe tacher & à donner une couleur bigarrée, ce qui devient encore plus fenfible dans le verd que dans le bleu pur; les verds Fe font de la maniéré lui vante.
- La cuite de la foie pour ces couleurs eft comme pour les couleurs ordï-* naires.
- Les Teinturiers en Foie diftinguent une multitude de nuances de verd ; mais nous ne parlerons ici que des principales, & feulement entant qu'il eft nécel^ Faire d'employer pour les faire des ingrédients différents.
- La première nuance dont nous parlerons , eft celle du verd de mer ou verd Tourviüe. Cette nuance a vingt-cinq ou trente dégradations en numéros depuis la plus foible, qu'on appelle verd Piftache, qui a un œil citron, jufqu'à la plus foncée , qu'on nomme verd de terrajfe.
- Pour faire ces verds, après avoir cuit la Foie, on l'alune fortement ; après l'alunage , on raffraîchit à la Tiviere, & on diftribue la foie en petits mateaux côm* me de quatre ou cinq onces. Cette précaution eft néceflaire pour donner le pied de jaune à toutes les Foies en général qui Font deftinées à être teintes en verd , parce que la Foie, ainfîdiftribuée en petits mateâux, a de l'avantage pour fe teindre également, & que quand il s'agit des verds, on doit prendre toutes les précautions poffiblies pour lui procurer cet avantage. Enfuite on fait bouillir de la gaude comme il a été dit à l'Article du Jaune.
- Quand la gaude eft bouillie, on en prépare*un bain avec de l'eau claire, allez fort pour donner un bon pied de citron» On life la foie Fur ce bain aveo beaucoup d'attention, parce que le mal-uni du pied paroît fôrtaifément dans le verd ; & quand on juge que le pied eft à peu-pfès à Fa hauteur, on trempe dans la cuve quelques brins de cette Foie pour voir fi la couleur a alTez de plénitude ou de pied ; fi elle n'en a point allez, on ajoute de la décoélion de gaude, & on fait un nouvel effai Fur la cuve. Quand la couleur vient bien, on tord la Foie, on la raffraîchit à la rivière, on lui donne une batture, fi l'on veut ; on dreffe enfuite la Foie, & on la remet en mateaux convenables pour palfer en cuve ; on la pafFe mateaux par mateaux l'un après l'autre, comme les bleus; on les tord & les fait fécher avec le même foin & la même promptitude.
- Les quinze ou feîze nuances les plus claires de cette forte de verd, n'ont be-
- foin que d'être paffées fur la cuve pour être entièrement parachevées. Lorfque
- l'on vient au verd piftache, fi la cuve eft encore trop forte, on a Foin de laiffer
- éventer le mateau au fortir de la cuve Fans le laver, on îefcrêpe un peu entre les
- mains,
- p.44 - vue 55/108
-
-
-
- DE LA TEINTURE EN SOIE. 4s
- mains, g eft-a-dire, qu en le tenant d’une main, on le Frappe dans l’autre main ; de maniéré que les brins fe refoulent Sc s’écartent les uns des autres, Sc qu’ils prennent l’àir, ce qui donne lieu à la couleur de,s’éclaircir également; enfuite On en lave quelques brins pour effayer fi la couleur eft bien, Sc pour lors on la lave.
- Ce retardement du lavage efl: néceiîàîre pour jaunir fuflifamment cette nuan^ ce, parce que la cuve n’étant point lavée, s’affoiblit Sc fe mange un peu à l’air.
- Pour les verds plus foncés de cette nuancé, on ajoute dans le bain, lorfque la gaude efl: tirée , du jus de bois d’Inde ; cette teinture fert àjes brunir.
- Les nuances les plus foncées de toutes, ont même befbin qu’on y ajoute de la décoétion de bois de fuftet. Ce bois donne un fond qui emplit la couleur ; enfuite on les lave en leur donnant une batture comme aux précédents , & on lespalfe en cuve toujours avec les mêmes attentions pour laver & faire fécher promptement.
- ïl y a beaucoup d*autres ïiüances de verd qui n’entrent pas dans le verd de mer, parce que l’œil en tire plus fur le jaune ; ces verds fe font cependant avec les mêmes ingrédients. Tels font, par exetryole, les verds d’ojîer.
- Pour ces verds, on paffe d’abord fur un très-fort bain de gaude; Sc lorfqu’el-le efl: tirée, on donne fur le même bain ôu du fuftet du du rocou, pour achever d’emplir fuivaftt la nuance : fi la couleur a befoin d’être brunie, on ajoute du bois d’Inde après le fuftet ou le rocou ; enfuite on paffe en cuve.
- La fécondé nuance de verd dont nous avons à parler * efl: le verd pré ou verd d'émeraude. Pour le faire, on alune comme pour le verd de mer; & après avoir raffraîchi la foie à la riviere, on la paffe fur le bain de gaude qui a fervi à faire le verd de mer ; on la life fur ce bain : lorfque la couleur paroît unie, on en ef-faie quelques brins fur la cuve pour voir la hauteur du pied ; & fi le verd fe trouve trop bleu, on remet de la décoélion neuve de gaude; on braffe le bain, Sc on repaffe de nouveau la foie deflus jufqu’à ce qu’en faifànt ûn nouvel eflai fur la cuve, on trouve que ce pied eft bien pour la nuance que l’on cherche.
- Il n’y a point d^autre différence entre le verd pré Sc le verd d’émeraude > G ce n’eft que le premier eft un peu plus foncé.
- Dans les manufaétures où l’on peut fe procurer commodément de la farrete , on s’en fert par préférence à la gaude pour faire ces fortes de verds, parce que la farrete donne naturellement plus verd que la gaude , ou pour mieux dire, parce que la farrete en féchant, refte au même ton de couleur qu’elle a pris dans le bain, Sc que la couleur de la gaude, au contraire, jaunit & rouffit toujours un peu en féchant ; ce que les Teinturiers appellent rouir.
- On peut fe fervir de géniftrole au défaut de farrete. Cette herbe donne les
- mêmes effets que la gaude, avec cette différence quelle emplit toujours un peu Teinture en Soie> M
- p.45 - vue 56/108
-
-
-
- 4» DE LA TEINTURE EN SOIE.
- Tiïoins ; enforte qu'il en faut mettre plus que de gaude. Ces couleurs doivent fe laver & fefécher promptement comme tous les verds & les bleus en général.
- La troifieme nuance dont nous parlerons, eft le verd canard. Ilfe fait avec la gaude, la farrete ou lagéniftroie, en donnant un bon pied de ces ingrédients, & lorfque le bain eft tiré, on brunit la couleur en mettant du bois d'Inde fur le même bain , enfuite on pafle en cuve.
- Les verds d-œillet fe font comme le verd pré & le verd d'émeraude, avec cette feule différence qu'on en fait des dégradations ou nuances, en tranchant le piedy c'eft-à-dire, en donnant des pieds plus ou moins forts, fuivant les nuances, au lieu qu'on ne tire point de dégradations des verds de pré ou d'émeraudes.
- Pour brunir ces verds canards, on met du bois d'Inde comme dans les nuances précédentes.
- Le verd céladon doit avoir bien moins de pied que les autres , parce qu'il tire beaucoup plus fiir le bleu ; les bruns fe font à l'aide du bois d’Inde.
- Le verd pomme tient précifément le milieu entre le verd d'œillet & le verd céladon, & fe fait par les mêmes procédés. Tous les pieds des verds dont nous venons de parler, à l'exception du verd de mer, doivent fe donner,autant qu'il eft poflible, fur les bains d'herbe qui ont déjà fervi, mais dans lelquels il n'y a point de bois d'Inde ni de fuftet, parce que la foie qui eft fortement alunée tire trop rapidement dans les bains neufs, &feroit fiijette, par conféquent, à prendre une couleur mal unie. Ainfi, il eft à propos de garder toujours du vieux bain pour faire tous ces verds.
- Remarques.
- Là gaude & la géniftrole font, comme nous avons dit, à peu-près lés mêmes effets, & on les emploie prefque indifféremment, 8c même quelquefois mêlées enfemble. A l’égard de la larrete, il eft certain quelle eft préférable aüx deux autres pour toutes les nuances de verd, excepté celles où l'on eft obligé de mettre dubois d'Inde, du fuftet ou du rocou.
- Outre les verds que nous avons nommés,il y en aune multitude d'autres dont les noms varient luivant les manufactures, mais qui rentrent tous dans les principales nuances dont nous avons parlé. Nous ferons feulement remarquer que pour les nuances abfolument brunes, 8c qui tirent prefque fur le noir, on fè fert de couperolè pour forcer la bruniture après avoir tiré les autres ingrédients.Pour les nuances très-claires des verds céladons, & autres petits verds clairs, il eft à propos que la foie ait été cuite blanche comme pour les bleues ; ces nuances légères en font beaucoup plus gaies & tranfparentes.
- p.46 - vue 57/108
-
-
-
- DE LA TEINTURE EN SOIE. 47
- • *
- De VOlive. '
- Les foies deftinées à être teintes en cette couleur, doivent avoir eu la cuite ordinaire*
- Après un fort alunage , & avoir raffraîchi à la riviere -, on les paffe fur un bain bien fort de gaude, comme pour faire du jaune ; & lorfque ce bain eft tiré, on y ajoute du bois dinde ; après le bois d'Inde tiré, on met dans le bain un peu de lelîïve de cendre gravelée; cet alkali verdit la couleur, & lui fait prendre l'olive ; on paffe de nouveau les foies for ce bain, & lorfqu'elles font à leur nuan-ce, on les retire, on les lave, & on les met fécher for lès perches.
- Au refte, il y a deux nuances d'olive, f une olive verte, qui eft celle dont nous venons de parler, & l'autre olive roujji ou olive pourrie. Pour cette fécondé nuance, après avoir donné la gaude, on ajoute dans le bain du fuftet & du bois dinde , fins mettre de cendre. Si on veut que la couleut foit moins rougeâtre, on ne met que du bois d’Inde, auffi fans cendre.
- Pour les nuances claires de ces deux couleurs, on Fait trancher le bois d'Inde, c’eft-à-dire, qu'on en donne moins pour les plus claires, & davantage pour les plus foncées»
- Remarques.
- Quoique f olive foit une efpece de Verd, on ne fe fert cependant point dê cuve pour le faire, parce que la couleur deviendroit trop verte. Le bois d'Inde qui naturellement donne le violet, devient beaucoup plus bleu par l'addition de la cendre gravelée, & ce bleu combiné avec le jaune de la gaude qui monte auffi par l'effet de P alkali, donne le verd néceffaire pour cette nuance»
- On fait auffi avec le fuftet un olive , qui s'appelle communément olive de drap, parce qu'il fe fait ordinairement pour affortir à l’olive en drap, lequel eft plus rougeâtre que celui dont nous avons parlé ci-deflus.
- Après avoir aluné les foies comme à l'ordinaire , on les paffe dans un bain de fuftet, auquel on ajoute de la couperofe & du bois d'Inde. Lorfque ce bain eft tiré, on le jette & on en fait un nouveaufemblable au premier, en ayant attention de reétifier les dofes des ingrédients. Si l’on* s'apperçoit que la couleur pêche par quelque endroit, on y paffe la foie comme fur le premier, jufqu'à la plénitude convenable. Ces deux bains doivent être d'une chaleur moyenne.
- Le verd fur crud fe traite comme le verd for cuit ; il faut choilir des foies blanches comme pour le jaune , & après les avoir trempées, on les alune Sc on fait tout le refte comme pour le cuit.
- p.47 - vue 58/108
-
-
-
- DE LA TEINTURE EN SOIE
- Du UioUt.
- n4'8
- -Le violet eft une-couleur compofée de rouge & de bleu, 8c c’ëft deTindigô dont on fe fert pour donner le bleu à tous les violets ; à l'égard du rouge* c’ëft de la cochenille ou de plufieurs autres ingrédients qui fourniffent du rouge > dont on le tiré.
- Le violet dont le rouge efl: Fourni par la cochenille * éft dé bon têmt, & fe nomme violet fin. Celui dont le rouge efl fourni par toute autre drogue * & fin* •guliérementpar l’orfeille, efl très-peu folide, & fe nomme violet faux.
- DuUiohtfin.
- Ôn donne pour cette coulëur la cuite ordinaire : enfùite on aliine comme pour le cramoifi fin, 8c il faut avoir foin de donnêr-deux battures en la lavant à la riviere.
- Après cela, on donne le cochenillage comme pour le cramoifi , avec cette différence cependant, qu’on ne met dans le bain ni tartre , ni compofition* parce que ces àcides né s'emploient dans le cratnoifi, que pour exalter davantage la couleur de la cochenille, 8c lui donner un œil plus jaune. Pour le violet au contraire, il faut que la cochenille demeure dans fa couleur naturelle-, qui efl beaucoup plus violette & plus pourpre, 8c qui tire fiir le giroflé.
- On met plus ou mains de cochenille , fuivant fintenfité de la nuance que l’on veut avoir. La dofe ordinaire pour un beau violet, efl de deux onces de cochenille pour chaque livre de foie.
- Pour faire le bain de cochenille > on emplit d'eau la chaudière deftinée à faire la couleur, environ jufqu’à la moitié , 8c Ton y fait bouillir la cochenille à peu-près pendant un quart-d’heure. Pendant ce tems4à,on met les foies fur les bâtons par petits mateaux, comme pour donner le pied aux verds; enfuite, on achevé d'emplir la chaudière avec de l’eau froide, parce qu’il faut que le bain ne foit que tiède-; on y met les foies, 8c auflf tôt on les life fur le bain avec exaélitude ; fi même il y avoit une vingtaine de bâtons ou plus, il faudroit né-cefTairement employer deux hommes pour le lifage , afin que la couleur s’uniffe bien & prenne -également.
- Lorfque la couleur paroît unie, on pouffe le feu pour faire bouillir le bain ; 8c alors un homme feul fuffit pour continuer le lifage, qu’il faut toujours fou-tenir exactement tant que-le bain bout, -ce qui dure deux heures comme pour le cramoifi fin.
- Si on voit qu’après les deux heures d’ébullition le bain n'eft pas encore aflez viré, on peut mettre les foies en fonde .pendant cinq ou fix heures, comme
- nous
- p.48 - vue 59/108
-
-
-
- DE LA TEINTURE EN SOIE. 49
- nous levons dit en parlant du Cramoifi ; après quoi, on les lave à la riviere en leur donnant deux battures ; on les dreffe enfuite, & on les palTe fur une cuve plus ou moins forte , fiiivant la hauteur que Ton veut donner au violet.
- On emploie pour le lavage & le féchage , les mêmes manœuvres que pour les bleus, les verds, & généralement pour toutes les couleurs qui palfent en cuve.
- Les Teinturiers font dans fufàge d’employer un peu d’orfeille dans ces couleurs, pour leur donner plus de force & de beauté. Pour donner cette orfeille, on en met dans le bain de cochenille , après qu’il eft tiré, la quantité qu’on juge convenable, fuivant la nuance qu’on veut avoir ; on la fait bouillir environ pendant un quart-d’heure ; on lailfe enfuite unpeu repofer', pour donner le tems à l’orfeille de tomber au fond, après quoi on life la foie fur ce bain.
- Cette méthode eft condamnable, parce que la couleur de l’orfeille eft d’un très-faux teint, qui ne doit point avoir lieu dans une couleur fine & de bon teint, telle que i’eft le violet de cochenille pure*
- L’ufage d’allier l’orfeille avec la cochenille dans les violets fins, s’eft introduit peu-à-peu, & eft fondé fur ce que le rouge de la cochenille eft fenfi-blement moins beau que celui de l’orfeille dans cette couleur. Or , comme c’eft toujours à l’éclat 8c à la beauté des couleurs, que les Manufacturiers 8c Marchands d’étoffes de foies donnent la préférence, en fait de teintures,«ils fe font prêtés à cette manœuvre ; mais comme d’un autre côté l’orfeille ne coûte prefque rien en comparaifon de la cochenille, plufieurs Teinturiers ont augmenté infenfiblement la dofe de cet ingrédient de faux teint, & diminué celle de la cochenille à tel point, que leurs violets prétendus fins , & qu’on fait toujours payer comme tels, ne font réellement que des efpeces de violets faux. Or, c’eft-là un abus criant, qui, certainement mérite bien d’être réprimé ; cependant , il paroît indifpenfable d’admettre l’orfeille dans les nuances foibles & légères de violet, parce que la couleur que donne la cochenille dans ces nuances , eft fi terne & fi morne qu’elle n’eft point fupportable. On eft donc réduit à faire la dégradation des nuances légères avec de l’orfeille, qui donne toujours une couleur très-belle, quoiqu’elle foit très-mauvaifè.
- On a dit à l’article du Bleu, qu’on ne pouvoit faire fur la foie les nuances les plus foncées de cette couleur avec l’indigo feul, & qu’on étoit obligé d’y joindre un rouge fombre & foncé ; ce rouge peut être tiré de la cochenille, & les bleus foncés qui font brunis par cet ingrédient, fe nomment bleus fins, pour les diftinguer de ceux qui font brunis par l’orfeille, laquelle eft une drogue de faux teint: ces bleus foncés font plutôt, comme on le voit, des efpeces de violets.
- Le bleu fin s’alune comme le violet fin ; on le lave de même à la riviere: Teinture en soie. N
- p.49 - vue 60/108
-
-
-
- yo 2)E LA TEINTURE EN SOIE.
- après falunage, on le cochenille à la quantité d’une once ou une once & dèmïe de cochenille, fuivant la hauteur de la nuance que l’on veut avoir , & l’on a foin de mettre la foie par petits mateaux comme pour le violet ; enluite, on le lave en lui donnant deux battures : après quoi, il ne s’agit plus que de le paffer fur une cuve neuve.
- Du Violet faux ou ordinaire, & des Lilas.
- On fait les violets faux de plufieurs maniérés, & avec différentes e/peces d’ingrédients, dont nous allons parlerfuccéffivement.
- Les plus beaux & les plus ufîtés fe font avec l’orfeille. Cet ingrédient du genre des mouffes ou lichen, eft une herbe, qui, dans fon état naturel, ne fournit aucune couleur dans feau ; on efl obligé, pour pouvoir s’en fervir, de développer & de difloudre le principe colorant qu’il contient, par le moyen d’une digeftion & d’une efpèce de fermentation, fécondées parle mélange de l’urine & de la chaux. La maniéré de préparer l’orfeille pour la teinture, eft détaillée très-clairement & très-exaélement dans le Traité de la Teinture des Laines, par M, Hellot. La partie colorante de cette drogue, paroît être de nature réfineufè, puifqu’elle ne peut fe diffoudre dans l’eau, que par l’inter-mede d’un alkali : auffi les matières qu’on véut teindre avec l’orfeille, n’ont aucun befoin d’alunage. Voici comment on s’y prend pour teindre avec cet ingrédient.
- On fait bouillir dans une chaudière, de f orfeille en quantité proportionnée à la couleur qu’on veut avoir. Si l’on veut faire un violet plein & foncé , on doit mettre une grande quantité d’orfeille, qui va quelquefois à deux ou trois & même quatre fois le poids de la foie, fiiivant la bonté de l’orfeille & la plénitude qu’on veut avoir.
- Pendant que l’on prépare le bain d’orfeille, on donne une batture à la rivière aux foies fortant de fàvon pour les en dégorger ; on les écoule enfuite, & on les dreffe, par mateaux, comme pour les violets fins. On tranlporte toute chaude la liqueur claire du bain d’orfeille, en laiflànt le marc au fond > & on la met dans une barque de grandeur convenable, fur laquelle on iife les foies avec beaucoup d’exaélitude.
- Lorfque la couleur eft bien , on en fait un eflài ftir la cuve, pour voir û elle eft affez pleine pour prendre un beau violet très-foncé ; fi elle fe trouve trop claire, on la repaffe fur le bain d’orfeille ; on en ajoute même de nouvelle, fi cela eft néceiîàire ; & quand la couleur eft à la hauteur convenable, on lui donne une batture à la riviere, & on la pafle en cuve comme les violets
- Le lavage & féchage font les mêmes, que pour toutes les couleurs qui paf-
- p.50 - vue 61/108
-
-
-
- DE LA TEINTURE EN SOIE. ji
- fent en cuve; ondiftingue & on défigne, par des noms différens, les différentes nuances de violets ; celle que nous venons de décrire, fè nomme violet de Hollande : c’eft la plus pleine, la plus nourrie, la plus franche , & la plus belle pour la couleur.
- Le violet etEvêque, qui eft la fécondé nuance de violet, eft aufîi plein de fond : mais on lui donne moins de cuve, ce qui lui conferve un œil plus rougeâtre.
- Les dégradations de ces deux nuances principales fe font par la même méthode avec moins de pied & de cuve ; la dégradation du violet de Hollande > donne toutes les nuances des lilas bleus, plus ou moins pleines : celle du violet d’Evêque, donne les différentes nuances des lilas rouges.
- Comme il faut donner le bleu avec beaucoup de ménagement dans ces lilas y & qu'ordinairement les cuves font trop fortes, on eft dans l’ufiige, pour fe rendre maître de cette nuance, de mêler un peu de cuve neuve avec de la cendre gravelée dans de l’eau claire tiède, pour en préparer un bain exprès, fur lequel on bleuit ou l’on vire les lilas à volonté ; on doit prendre pour faire ce bain d’une cuve neuve, & dans toute fa force, parce que celles qui ont déjà travaillé & qui font fatiguées, ne donneroient, quand même on en mettroit une plus grande quantité, qu’une couleur grisâtre, & qui ne feroit pas folide.
- Quand on a mis la cuve dans le bain dont nous parlons, on le braffe aufîi-tôt: il prend une couleur verte, qui infenfiblement diminue. On attend, pour y paffer les foies, que ce bain ait commencé à perdre un peu de fon premier verd, & fe rapproche de la couleur de l’indigo, parce que fi on les pafloit avant ce tems , on feroit expofé à faire une couleur mal unie, attendu que lorf-que ce bain eft dans tout fon verd, & par confequent dans toute fa force, les premières portions de foie qu'on y paffe , fe fàififtent avec avidité de la couleur du bain ; pendant ce tems-ià, il perd de fon verd, enforte que les portions de foie qui viennent à paffer enfuite dans le bain, rencontrent delà cuve qui plus la même activité, & qui donne un bleu moins fort.
- La cendre gravelée que l’on met dans ce bain, aide à bleuir l’orfeille, parce qu’en général l’effet de tous les alkalis eft de rendre tous les rouges plus violets. On ne la met pas dans le bain d’orfeiile, parce qu’en bouillant avec elle, elle pourroit en détruire en partie la couleur & l’effet. Nous avons preferit un bain tiede pour virer ou bleuir ; parce que l’eau trop chaude fiiffit toute feule pour af-foiblir le pied d’orfeiile, & à plus forte raifon, feroit-elle le même effet étant armée d’un fel alkali; on pourroit même dans le befoin fe fervir d’eau tiède pour cette opération.
- Quand ces couleurs font faîtes, on les tord fur le bain, & enfuite fur la che* ville fans les laver, parce que la plus grande partie du bleu fe perdroit par le
- p.51 - vue 62/108
-
-
-
- •ya DE LA TEINTURE EN SOIE.
- lavage’i après cela, on met les foies fécher dans un endroit couvert, parce que l’aétion de l’air fuffiroit pour les altérer confidérablement ; les violets & lilas d’or-feiile, fur-tout quand ils font faits avec la meilleure efpece d’orfeille qui croît aux Canaries , & qu’on nomme orfeille d'herbe , font de la plus grande beauté ; mais ce font en même tems les moins folides de toutes les couleurs de la teinture ; non-feulement le moindre acide détruit abfolument ces couleurs, mais fair feul les dégrade li promptement, qu’on efl obligé de tenir enfermées avec le plus grand foin les foies teintes de ces couleurs., fi Ton veut conferver leur fraîcheur.
- Du Violet de bois âTnde.
- 9
- Pour faire le violet de bois d’Inde, on prend des foies cuites, alunées & lavées comme à l'ordinaire.
- On fait bouillir dans dé beau du bôis d’Inde réduit en copeaux, comme on a dit que cela fe prâtiquoit à l’égard du bois de Bréfil. On met c£tte décoétion dans une tonne, pour s’en fervir au befoiü.
- Lorfqu’il efl: queflion de teindre, on met dans une barque une quantité d’eau froide proportionnée à celle de la foie qu’on a à teindre ; on y ajoute, & on y "mêle bien une quantité plus Ou moins grande de la déco-étion de bois d’Inde dont nous venons de parler, luivant la nuance qu’on
- T»
- veut donner, & on life les foies à froid fur ce bain, jufqu’à ce qu’elles aient acquis la couleur qu’on veut avoir. Elles'prennent dans ce bain un violet moins beau que celui d’orfeille 3c un peu fombre.
- Remarques.
- Le bois d’Inde fe nomme auffi bois de Campêche, parce qufonle coupe dans le pays baigné par la baie de Campêche aux Indes Occidentales. La couleur natu-relie de ce bois efl un rouge fort brun: celui qui a le plus de couleur, qui efl le plus foin, & le moins chargé d’aubié efl le meilleur. Sa décoétion efl un rouge brun Sc noirâtre.
- Les foies qu’on veut teindre dans cette teinture, doivent être alunées, fons quoi elles ne feroient que fe barbouiller d’une couleur rougeâtre qui ne tien-droit pas même au lavage, parce que la teinture de ce bois efl de nature ex-traélive.
- Mais lorfque les foies font alunées, elles prennent dans ce bain une couleur violette paffablement belle, un peu plus folide que celle de l’orfeille, & qui tient même un peu au favon, lequel lui donne un œil plus bleu.
- On doit faire cette teinture à froid, parce que lorfque le bain de bois d’Inde efl chaud, la couleur qu’il donne efl vergettée & mal unie* & d’ailleurs beaucoup plus terne & moins belle.
- Par
- p.52 - vue 63/108
-
-
-
- DE LA TEINTURE EN SOÎË. n
- Paf- la même raifon, on doit avoir attention que la décoéiion de bois dinde foit faite deux ou trois jours avant de s'en fervir ; car fi on l'employoit toute nou-> vellement faite, elle donneroit auffi une couleur plaquée 8c mal-unie. Il faut cependant obferver quon ne peut pas garder la décoéiion de bois d'Inde auffi long-tems que celle du bois de Bréfil, parce qu'à la longue elle s'altere & prend une elpece de fond fauve qui la gâte ; on doit par cette raifon n’en faire à là fois que à peu-près ce qu’on en peut confommer pendant l’elpace de trois fe^ maines ou d'un mois.
- Utolet de bois d'Inde avec le Verd-de-gris*,
- On fait encore un violet de bois d’Inde avec le verd-de-gris, de la maniéré fui vante.
- On lave d'abord les foies de leur favon, on les écoule > &c ; on délaie dans dé l'eau froide à peu-près une once de verd-de-gris par livre de foie : lorfqu'il eft bien mêlé dans l'eau, on life les foies fur ce bain; on les y laide pendant environ une heure, ou pendant le tems néceflàire pour les bien imprégner de verd-de-gris; elles n’y prennent point de couleur bien fenfible. Après cela , on tord les foies pour les remettre for les bâtons. On fait un bain de bois d’Inde comme pour le violet précédent ; on palTe les foies , elles y prennent une couleur bleue âffez foncée.
- Quand les foies ont tiré ce bain, on les levé, on met dans le bain ou dans de l'eau claire de l'alun diflbut dans de l'eau; on y pafièles foies, 8c elles acquie^ rent un.xouge qui, de bleues qu'elles étoient, les rend violettes.
- La quantité d'alun qu'on ajoute ainfi, eft indéterminée ; plus on en met, plus ïe violet qu’on obtient eft rougeâtre. Quand elles ont acquis la couleur qu'on defire, on les tord de deflus le bain, on les lave, on les tofd modérément à la cheville, on les ejgalive, afin que la couleur demeure unie en féchant, ce qui n'arriveroit point fi on les tordoit trop à foc en fortant du lavage ; car alors les endroits qui auroient été plus prelfés dans la torfo, demeureroient plus clairs > 8c les autres auroient une couleur foncée 8c comme cuivreufo ; inconvénient auquel ces couleurs de bois d'Inde font très-fojettes. Ainfi il faut avoir la même attention pour les violets de bois d'Inde fans verd-de-gris.
- Les violets de bois d’Inde au verd-de-gris dont nous venons de parler, n'ont ni plus de beauté, ni plus de folidité que ceux qui fe font làns cet ingrédient. Il faut feulement obferver que le verd-de-gris dont on imprégné les foies , leur fort d’alunage pour tirer la teinture du bois d'Inde ; qu'alors cette couleur eft abfolument bleue, & que l’alun qu'on ajoute après coup > ne fort qu'à donner l’œil rouge dont on a befoin dans le violet. On voit auffi par-là qu'on peut faire
- par le moyen du verd-de-gris & du bois d'Inde un vrai bleu ; mais il eft de très-Teinture en soie» O
- p.53 - vue 64/108
-
-
-
- 54 DE LA TEINTURE EN SOIE.
- faux teint, 5c n’efl: nullement comparable à celui de cuve, ni pour la beauté , ni pour la folidité.
- 'Piolet de bois de Bréjil à* de bois dû Inde.
- Pour faire ce violet, on prend des foies alunêes 5c raffraîchies comme à l’or-» dinaire ; on les paffe fur un bain de bois de Bréfil au degré de chaleur ordinaire ; quand elles ont tiré ce bain, on y ajoute de la décoétion de bois d'Inde, on les life deflus, & lorfque la couleur efl à la plénitude convenable, on la vire en ajoutant dans le bain un peu de lefîive de cendres gravelées ; après quoi on lave, on tord , & on met fécher comme à l’ordinaire.
- Remarques.
- Ce violet fait avec le bois de Bréfil & celui d’Inde efl plus rouge 5c beaucoup plus beau que celui qui fe fait au feul bois d’Inde, fans cependant avoir plus de folidité ; il efl: même plus fufceptible de l’impreffion du là von.
- Quoiqu’il entre, deux ingrédients colorants dans ce violet, on les donne l’un après l’autre, parce que fi on les mêloit enfemble, la couleur feroit plus fujette à fe mal unir.
- Il n’efl pas indifférent de donner d’abord le bain de bois de Bréfil, ou celui de bois d’Inde ; on doit commencer par celui de bois de Bréfil, attendu qu’on a obfervé, que quand les foies font une fois chargées de teinture de bois d’Inde, elles ont beaucoup plus de peine à prendre celle de Bréfil , ce qui vient vraifemblablement de ce que la teinture de bois d’Inde s’empare fort avidement de l’alun, 5c empêche qu’il n’en relie affez pour bien tirer le Bréfil. D’ailleurs, il faudroit, fi on commënçoit par le bois d’Inde, donner d’abord ce bain à froid, à caufo du mal-uni qu’il donne lorfqu’il efl: chaud, 5c qu’il efl même fiijet à prendre, lorfqu’après avoir été tiré , on lui fait éprouver de la chaleur , ce qui n’arrive pas par la méthode que nous avons donnée ; car il n’efl pas néceflaire de donner le bois d’Inde à froid dans ce procédé, comme dans les précédens, parce que comme les foies font imprégnées de la teinture du bois de Bréfil, 5c que leur alunage efl devenu par-là moins fort, il n’efl pas fiijet à donner du mal-uni, comme quand on l’emploie feul.
- La feule combinaifon de la teinture du bois d’Inde, 5c de cçlle du bois de Bréfil fait un violet ; mais pour lui donner plus d’éclat, on le vire avec la cendre gravelée : elle égaie beaucoup la couleur du bois de Bréfil en la rendant plus pourpre.
- Au lieu de mettre la cendre gravelée dans le bain , il efl: quelquefois à propos de faire un bain d’eau claire pour ce virage ; cette pratique doit avoir lieu , lorfqu’on efl fiijet à aflbrtir la nuance > 5c qu’on appréhende que la foie ne
- p.54 - vue 65/108
-
-
-
- DE LA TEINTURE EN SOIE. ss
- fe charge trop de teinture, en la laiflànt plus long - tems dans le bain.
- On fe contente ordinairement de laver feulement, toutes ces nuances à la riviere, fans les battre. Il peut arriver néanmoins, qu’on ait befoin de battre toutes ces couleurs en les lavant ; on a recours à la batture, lorfqu on juge que la couleur eft trop brune & trop fombre, & que cette manœuvre pourra l’éclaircir Sc fégayer ; de même que lorfqu’on remarque fur les foies quelques limons ou impuretés, on les emporte facilement par ce moyen.
- Violet de bois de Bréjil & d'Orfeille.
- Pour faire ce violet, après avoir cuit & aluné la foie, comme pour les pré-cédens, on la paife fur un bain clair de bois de Bréfil, ou fur un bain qui vient de fervir à faire des rouges ; & lorfqu’il eft tiré, on bat la foie à la riviere ; en-fuite, on la paife fur un bain d’orfeille, pour achever de les emplir; enfuite, on les lave une fécondé fois en leur donnant une batture ; après quoi, on les paife en cuve ; on les tord Sc on les féehe avec la même promptitude 8c la même exactitude que les verds Sc les bleus.
- Ce dernier violet approche du beau violet, que nous avons nommé violet de Hollande, lequel fe fait avec l’orfeille pure Sc la cuve. Le Bréfil qu’on lui donne avant l’orfeilie, fert pour œconomifer l’orfeille ; mais comme ces violets font toujours moins beaux que les violets de Hollande, il ne faut fe fervir de ce procédé, que pour les violets qu’on veut porter à une très-grande plénitude, Sc telle qu’on nepourroit l’obtenir fans ce fecours. La teinture de bois de Bréfil commence à donner à la foie un fort pied, & n’empêche point que l’orfeille ne prenne enfuite avec autant d’aétivité, que fi la foie n’a voit point reçu cette première teinture.
- Ce qui empêche les violets dont nous parlons, d’avoir autant de beauté Sc d’éclat que les violets de Hollande, c’eft l’alunage que l’on eft obligé de donner pour faire tirer le Bréfil ; cela vient de ce que l’alun a la propriété de faire rancir l’orfeille, ou de lui donner un œil jaunâtre , lequel ne convient point dans cette couleur.
- Pour teindre les violets fur crud, on prend des foies blanches comme pour le jaune ; Sc après les avoir trempées, on les traite comme les violets fur cuit, chacun fuivant ce que fà nuance exige : le violet fin n’eft point d’ufage fur crud.
- Du Pourpre & du Giroflé. Du Pourpre fin ou à la Cochenille.
- La foie fe cuit pour cette couleur en cuite ordinaire, & s’alune comme les violets fins. Le cochenillage fe fait auffi comme pour le violet fin. La dofe ordinaire de cochenille eft de deux onces; mais on fent bien qu’il en faut mettre
- p.55 - vue 66/108
-
-
-
- y6 DE LA TEINTURE EN SOIT.
- plus ôu moins, fuivant la nuance que Ton veut avoir. Quand la foie a bouilli darrè le bain de cochenille pendant deux heures, on la retire, on la lave , & on la bat à la riviere. Si l'on veut un pourpre plus violet > ou qui tire davantage lut1 le bleu , il ne s’agit que de palier cette foie fur une cuve foible. Dans ce cas, il faut avoir attention, comme nous l’avons dit -, de tordre Sc fécher très-promptement : cêtte .précaution étant abfolument néceflfaire, pour toutes les couleurs qui fe palfent en cuve. Au relie, on ne palfe en cuvé que les pourpres les plus bruns & les plus foncés ; les autres fe palfent fur de l’eau froide , dans laquelle on met un peu du bain de cuve, parce qu’ils prendroient toujours trop de bleu fur la cuve même * quelque foible qu’elle pût être.
- Pour aider à virer toutes ces couleurs, on peut mettre une petite quantité d’arfenic dans le bain de cochenille : on en met ordinairement environ une demi-once, pour chaque livre de cochenille.
- Les clairs de cette couleur fe font précifément de-même, en ôbfervant de mettre moins de cochenille. Les nuances d’au-deffous du pourpre, font celles qu’on nomme girofle & gris-de-lin ; & celles au-deflous du gris-de-lin, prennent le nom de fleurs de pêcher ; le girofle fe fait fans virage, & de même les autres nuances, à moins qu’on ne les trouve trop rouges : dans ce cas, on les vire pat un peu de bain de cuve.
- Du Pourpre.faux*
- Les pourpres faux s’alunènt, cômme pour les couleurs ordinaires de Ère-fil; on leur donne un bain léger de bois de Bréfil, enfuite on leur donne une batture à la riviere; après quoi, on les palfe fur un bain d’orfeille plus ou moins fort, fuivant la nuance qu’on veut faire. Le Bréfil qu’on donné avant l’orfeille eft nécelfaire, parce que l’orfeille toute féule feroit une couleur trop violette*
- Pour brunir les nuances foncées, on emploie le bois d’Inde, qui fe met ou dans le bain de Bréfil, fi l’on veut brunir beaucoup, ou dans le bain d’orfeille> fi P on veut moins brunir.
- Les clairs de cette nuance peuvent fe faire avéc le Bréfil feul, en les virant enfuite fur de l’eau claire, dans laquelle on met du bain de cendre gravelée ; mais comme cette méthode a l’inconvénient dé durcir un peu la foie, il vaut mieux leur donner un petit bain d’orfeille après le Bréfil ; fi la couleur fe trou-voit un peu trop violette > on la ranciroit fur de l’eau} dans laquelle on auroit mis très-peu de vinaigre ou de jus de citron.
- Le girofle faux fe fait dans le bain d’orfeille, fans donner auparavant la teinture de bois de Bréfil comme pour les pourpres ; ainfi, il ne faut point les alu-ner : s'ils ne fe trouvent point alfez violets, on leur dônne un peu de bain de cendre gravelée fur de Peau : les clairs fe font de même en employant des bains moins forts.
- Le
- p.56 - vue 67/108
-
-
-
- .DE LA TEINTURE EN SOIE. $?
- Le poürpre fin & le girofle fin ne font point cTufage fur cruel. A l’égard de ces nuances en faux * on prend pour les faire des foies blanches, comme pour les couleurs ordinaires ; & après les avoir trempées * on les traite comme les foies cuites.
- Du Marron, Canelle, Lie de Vin*
- Les couleurs de canelle 8c de marron, fe font avec les bois d’Inde, de Bré-fil & de fuftet.
- Pour faire le canelle * on cuit les foies à l’ordinaire ; on les alune, & on fait un bain d’une décoétion des trois bois dont nous venons de parler, faite féparé ment : le fond du bain eft la décoétion de fuftet ; & on y ajouté environ un quart de jus de Bréfil, & à peu-près un huitième de jus de bois d’Inde.
- Le bain doit être d’une chaleur tempérée. On life les foies fur ce bain, 8c lorfqu’il eft tiré 8c que la couleur eft unie, on les tord à la main ; on les remet fur les bâtons , 8c on refait un fécond bain, dans lequel on arrange toutes les proportions de ces trois ingrédients colorans, d’après l’effet qu’ils ont produit d’abord, pour obtenir au jufte la nuance qu’on defire. Il eft aifé de fentir que le fuftet fournit le jaune ; le bois de Bréfil, le rouge ; 8c le bois d’Inde, le brun dont ces couleurs font compofées.
- Les marrons fe font précifément de même , à l’exception que comme ces dernieres nuances font beaucoup plus brunes, plus foncées & moins rouges, on fait dominer dans ce cas le bois d’Inde fur celui de Bréfil, en gardant toujours la même proportion de celui de fuftet, qui doit faire également le fond de l’une ou de l’autre de ces couleurs. Les jus de prune 8c lie de vin fe font auflî de la même maniéré, 8c avec les mêmes ingrédients, en en changeant feulement la proportion, c’eft-à-dire, en diminuant la quantité de fuftet, 8c augmentant celles de Bréfil 8c de bois d’Inde ^ fixivant qu’on en a befoin.
- Remarques.
- Il ne faut faire la décoétion du bois de fuftet, que quand on a befoin de s’en fervir, parce que cette décoétion fe gâte 8c s’altère en affez peu de tems ; elle devient limoneufe, la couleur le ternit, prend un ton olivâtre, 8c ne produit plus les effets qu’on en attend. Si cependant il arrivoit qu’on eût une ancienne décoétion de ce bois ainfi altérée, on pourrait lui rendre prefque toute fa qualité en la faifant réchauffer; 8c alors elle pourrait être employée allez bien dans les nuances dont nous parlons.
- Plufieurs Teinturiers font dans l’ufage de laver les foies de leur alun à la
- riviere, avant de les mettre dans le bain, 8c de faire ces couleurs en un feul
- bain. Mais le procédé qu’on vient de décrire paraît préférable, parce que le Teinture en soie. P
- p.57 - vue 68/108
-
-
-
- 5S DE LA TEINTURE EN SOIE.
- premier bain fait un lavage fuffifant de l'alun , & que les foies par cette méthode confondant plus d’alun, prennent mieux la quantité de teinture dont on a befoin. D’ailleurs, comme toutes ces nuances ne peuvent fo faire que par un tâtonnement continuel > le fécond bain eft très-utile, pour rectifier les défauts qu’on pourroit avoir eus dans le premier, & pour achever d’emplir la couleur, fur-tout de fon fond de fuftet, qui demande à ne point perdre d’alun , pour pouvoir monter fuffifamment.
- Ôn pourroit faire les cahelle's & marrons par une autre méthode. Pour cela , lorfque les foies font cuites, il faudroit faire refondre des marcs de rocou dans le même favt>n qui a fervi pour la cuite, en le paflfaht, comme il a été dit ci-devant, dans le pot au rocou ; & lorfque ces marcs de rocou auroient bouilli “pendant environ un quart-d'heure, il faudroit laiffer repofor le bain, 3c lifor enfuite les foies fur ce bain fans les avoir lavées. Elles prendroient un pied de jaune ; enfuite, il faudroit les laver, les battre à la riviere, & les mettre en alun comme àl’ordinaire. Après quoi, on leur donneroit le bain de follet, Bréfil , & bois d’Inde pour les cahelles; & pour les marrons, on ne mettroit point de Bréfil qu’après avoir vu fi la couleur n’eft point aiïez rouge, attendu que l’alunage rougit confidurablement le rocou. S’il arrivoit même qu’elle devînt encore trop rouge, quoiqu'on n'eût pas mis de Bréfil * on mettroit dans le bain un peu de diffolution dé couperofo qui rabattroit le rouge, & lui donneroit un œil plus verdâtre , & en même-tems bruniroit la couleur allez confidérablement, for-tout s’il y avoit une certaine quantité de bois d’Inde ; ainfi , il feroit à propos de ménager le bois d’Inde , pour être à portée de donner de la couperofo , fi le marron rougiflbit trop à caufo du rocou.
- Cette méthode forait plus avantageufo que la première, attendu que le rocou rougi par l’alun, eft beaucoup plus folide que le rouge de Bréfil. Au refte, on pourroit donner un peu de rocou fons favon, comme pour les ratines.
- Pour faire le marron & les autres couleurs brunes for crud, on peut employer des foies jaunes, telles que la nature les donné, parce que ce fond n’eft point nuifible à ces fortes de nuances, & qu’au contraire il peut leur tenir lieu de fond. Après les avoir trempées, comme àl’ordinaire , on les traite comme les foies cuites, chacune foivant leurs nuances.
- DesGris-Noifette^Gris-d’Epine, Gris-de-Maure, Gris-de-Fer > & autres
- couleurs de ce genre.
- Toutes ces couleurs, excepté le gris-de-maure, fe font fans alunage. Après avoir lavé les foies de favon, & les avoir écoulées à la cheville, on leur fait un bain avec fuftet, bois d’Inde, orfeille & couperofo verte. Le fuftet fe rt à
- p.58 - vue 69/108
-
-
-
- DE LA TEINTURE EN SOIE, 59
- donner le fond , f orfeille donne le rouge, le bois d’Inde donne la brurfiture, & la couperofe rabat toutes ces couleurs, c’eft-à-dire , qu’elle fait tourner le bain au gris ; elle tient aulfi lieu d’alun, pour faire tirer les couleurs qui en ont befbin, Sc pour les alfurer. Comme il y a une variété infinie de gris qui n’ont point de noms fixes, Sc qu’ils fe font tous par la même méthode , on n'entrera point dans ce détail, qui allongeroit inutilement ce Traité.
- On fe contente d’obferver ici, que pour faire les gris qui tirent fur le rougeâtre , on donne plus d’orfeille; que pour ceux qui tirent plus fur le gris, on donne une plus grande quantité de bois d’Inde ; que pour ceux qui tirent davantage fur le roux & le verdâtre , on donne une plus grande quantité de faite t.
- En général, il faut donner le bois d’Inde avec beaucoup de ménagement, lorfque l’on eft obligé d’en ajouter pour finir la couleur , parce qu’il eft fujet à brunir beaucoup en féchant, faifant à cet égard tout le contraire des autres couleurs.
- Pour donner un exemple delà maniéré de faire ces couleurs, nous prenons le noifette.
- On met dans de l’eau modérément chaude de la décoétion de fultet, de l’or-feille, Sc un peu de bois d’Inde. On life les foies fur ce bain, Sc lorfqu’il eft foflîfamment tiré on les leve, Sc l’on ajoute au bain de la difiblution de cou-perofe pour rabattre la couleur. Quelques Teinturiers fe fervent pour rabattre tous les gris, de lavûre de noir , au lieu de couperofe. On iifè les foies de nouveau ; Sc fi l’on s’apperçoit que la couleur ne s’unifie point fuflî-famment, Sc qu’il y relie des endroits rouges, c’eft une preuve quelle n’eft point allez rabattue : ainfi il faut lui redonner de la couperofe.
- Il faut faire attention, que la couperofe efl; la bafe générale du gris ; ainfi, lorfque la couleur n’eft pas allez rabattue, c’eft-à-dire, quand on ne lui a point donné alfez de couperofe, elle eft fujette à changer en léchant : elle fe ver-gette ou fe mal unit.
- Pour voir fi une couleur eft alfez rabattue, il faut examiner fi elle fe trempe aifément après qu’on lui a donné un coup de cheville. Si cela lui arrive, c’eft une preuve qu’elle n’a point encore alfez de couperofe ; fi au contraire la foie a un peu de peine à tremper, c’eft une preuve que la couleur eft Ætz rabattue.
- D’un autre côté, fi on donnoit trop de couperofe, cela dyrciroit confidéra-blement la foie ; elle deviendroit âcre, Sc perdroit même une partie de fon luftre. Mais comme on s’apperçoit de cet inconvénient, lorfque l’on tord les foies fur la cheville au fortir du bain, on y remédie auffi-tôt en les battant à la -riviere : ce qui ôte une partie de la couperofe.
- Le gris-de-maure fait une clalfe à part, parce qu’il s’alune, & qu’on lui donne
- p.59 - vue 70/108
-
-
-
- tfe DE LA TEINTURE EN SOIE.
- de la vande. Après avoir aluné, on raffraîchit les foies à la riviere, 8c on fait un bain de gaude comme un premier bain de jaune. Lorlque la foie a tiré cette gaude, on jette une partie du bain , 8c Ton y fobftitue du jus de bois d'Inde. On life la foie de nouveau fur ce bain, 8c lorfque le bois d'Inde eft tiré, on y met ! de la couperofe en fuffifànte quantité pour faire tirer la cbuleur fur le noir : lorfo que la foie eft à fa nuance, on la lave, on la tord, 8c l'on fait le relie comme à l'ordinaire.
- Pour le gris-de^fer, il faut donner la cuite comme pour le bleu, parce qu'étant affis fur un fond bien blanc , la couleur en devient beaucoup plus belle. •Comme le gris-de-fer eft plus ufité pour faire des Bas que pour toutes autres chofes; cette couleur fe fait ordinairement par nuances , c’eft-à-dire, qu'on en fait en même tems plusieurs nuances différentes.
- Les foies ayant été lavées 8c préparées comme à l'ordinaire, on fait un bain -d'eau de riviere , ou fi l'on veut , d'eau de puits ; & l'un & l'autre fe font à froid.
- Si le bain fe fait à l'eau de riviere, on y met du jus de bois d'Inde fait par de l’eau de riviere en fuffifante quantité pour atteindre la nuance la plus brune que l'on veut avoir. On life les foies deflus, & lorfqu'elles ont tiré fuffifamment, on les tord, 8c on les met en têtes. Enfuite on jette une portion du bain, 8c on le -remplit d'eau , pour pafler deflus la nuance foivante,& ainfi des autres jufqu'à la plus claire, ayant foin de les faire trancher également, c'eft-à-^dire, qu'il faut mettre une égale diftance entre toutes les nuances.
- Lorfqu'elles font toutes faites fur le bois d'Inde, on reprend la plus brune, & on la remet en bâtons pour la palier de nouveau for le bain, après y avoir ajouté de la couperofe. Les autres plus claires fe paflent fur ce même bain, fans y re~’ -mettre de couperofe. Si cependant il arrivoit que la fécondé nuance ne fut point aflez rabattue, on y remettroit de la couperofe ; on s'apperçoit de ce défaut après avoir donné quelques lifes, parce que dans ce cas, la couleur ne s'unit pas bien, comme il a été obfervé ci-deflus.
- Lorfqu’on vient au dernier clair, il faut prendre garde fi le bain ne fe trouve point trop chargé de couperofe, ce qu'on apperçoit par l'œil roufsâtre que la -couleur prend ; s'il fe trouvoit dans ces Cas , il faudroit jetter une portion du bain, 8c mettlï de l'eau à la place, ^uand ces couleurs ont trop de couperofe, "elles tombent dans le même inconvénient que les précédentes.
- Si le bain fe fait à l'eau de puits, on-emploie, pour le faire, une décoélion de •bois d'Inde faite à l'eau de puits. On met de ce jus de bois d'Inde dans le bain , 8c-l'on y pafle les nuances brunes les premières, comme dans le procédé décrit ci-deflus ; après qu'ils ont tiré fuflifamment, on les retire, & on y pafle les nuances foivantes, fans jetter du bain, parce qu'il fe trouve beaucoup mieux tiré, &
- par
- p.60 - vue 71/108
-
-
-
- DE LA TEINTURE EN SOIE. «ft
- par Cônfequent beaucoup plus clair & moins chargé, que quand la couleur fe Fait à T eau de rivière.
- Quand toutes les nuances font faites, bn les rabat avec la couperofe, par la même méthode qu’on a expliquée ci-deffus. Après cela, on les lave en leur donnant une batture, fi Ton juge qu’elle foit néceflaire.
- Pour décharger les grifailles, de même que les marrôns, cahelles, &c, c’eft-à-dire , lorfque la nuance s’en trouve trop pleine & trop brune, on pile du tartre dans un mortier, on le paflê au tamis, on le met dans un feauou petit baquet, Sc on jette deflus de l’eau bouillante. Enfiiite on prend le clair de cette eau qu’on met dans une barque, on life les foies deflus, & cette opération décharge la couleur très-promptement.
- Si la couleur ne s’unit point très-promptement, c’eft qu’il n’y a point aflez de tartre ; ainfi il faut lever les foies, & redonner de ces ingrédients par la même méthode dont nous venons de parler.
- Lorfque les foies font déchargées dufiiperflu de leur couleur, il faut leur donner une batture à la riviere, & enfiiite les pafler fiir de l’eau chaude fans aucune addition. Cette derniere opération leur fait reprendre une partie de la nuance qu’elles avoient perdue par le tartre ; & pour voir fi la couleur efl bien, oü donne un coup de cheville.
- Comme il arrive prefque toujours que le tartre a mangé quelqu’une des portions de la couleur , il faut refaire un bain neuf pour redonner ce qui peut y manquer, & rabattre enfiiite paria couperofe comme à l’ordinaire.
- Quand c’eft une couleur àlunée , On peut éviter de la pafler fur l’eau chaude après la batture; on la remet aluner tout de fuite, & on lui donne Ce qui lui efl nécefîàire pour la rétablir; mais l’échaudage efl: toujours utile pour ôter l’âcreté que le tartre donne à la foie. Au lieu de tartre > on pourroit employer du jus de citron qui feroit le même effet.
- Pour décharger les gris-de-fer quand ils fe trouvent trop foncés , il faut les mettre aufoufre; enfuite les défoufrer par une ou deux battures à la riviere, & les refaire fur un bain femblable au premier.
- Cette maniéré de décharger les gris-de-fer efl préférable à celle du tartre ou du jus de citron, parce que ces ingrédients leur donnent un fond qui ne s’en va point entièrement, même au débouilli du fàvon, & qui par conféquént gâté la couleur; au lieu que le foufre blanchit prefque entièrement la foie, en mangeant totalement le bois d’Inde.
- Pour faire les gris fur crud, on prend des foies blanches comme pour les
- couleurs ordinaires, à l’exception du gris-de-maure,pour lequel on peut fe fervir
- de foie jaune/Après avoir fait tremper les foies crues, on les traite pour toutes
- ces nuances comme les foies cuites.
- Teinture en Soie. Q
- p.61 - vue 72/108
-
-
-
- t)2
- DE LA TEINTURE EN SOIE.
- Du Noir•
- Le noir eft une couleur difficile à faire fur la foie ; du moins il y a lieu de croire que ce n’eft qu’après bien des expériences & des recherches , qu’on eft parvenu à faire de belles teintures noires; fi Ton en juge par la multitude d’ingrédients qu’on fait entrer dans la compofition de cette couleur.
- En général, toute teinture noire eft compofée, pour le fond, des ingrédients avec lefquels on fait l’encre à écrire ; c’eft toujours du fer diffout par des acides* & précipité par des matières aftringentes végétales.
- Les diverfes manufactures ont différentes méthodes de faire le noir ; mais elles reviennent toutes àpeu-prèsau même pour le fond: nous allons donner ici, pour faire cette couleur,un procédé qui eft en ufage dansplufieurs bons atteliers, Sc qui nous a bien jréuffi, quoiqu’il paroijTe qu’il entre dans la recette beaucoup d’ingrédients fuperflus.
- U faut prendre vingt pintes de fort vinaigre, le mettre dans un bacquet, & y faire infufer a froid une livre de noix de galle noire,piléë Sc palfée au tamis,avec cinq livres de Ijmaille de fer bien propre, Sc qui ne foit point rouillée. Pendant que cette infufign fe fait, on nettoyé la chaudière où l’on veut pofer le pied de noir, & l’on pile les Drogues fui vantes :
- S livres de Noix de Galle noire. 8 de Cumin.
- 4 de Sumac.
- 12 d’Ecorces de Grenade.
- 4 de Coloquinte.
- SCAVOIR,
- s
- 3 livres cfAgaric.
- 21 . de Coques du Levant, i o dLe Nerprun, ou de petits Pruneaux noirs.
- 6 de Graine de PJillium ou de Graine
- de lin.
- On fe fort, pour faire bouillir toutes ces drogues, d’une chaudière qui tient la moitié de celle où l’on veut faire le pied de noir, Sc on l’emplit d’eau ; on y jette enfuite vingt liyres de bois de Çampêche haché* qu’on a foin de mettre dans un fac de toile, afin de pouvoir le retirer commodément; fi on n’aime mieux le retirer avec un caffin percé ou autrement , parce qu’il faut le faire bouillir une fécondé fois, ainfi que les autres drogues.
- Quand le bois d'Inde a bouilli environ pendant une heure, on i’ôte, Sc on le conferve proprement. Pour lors, on jette dans la décoélion du bois d’Inde 5 toutes les drogues cUdeflus mentionnées, Sc on les y fait bouillir l’efpace d’une bonne heure, ayant attention de rabaifler de tems en tems le bouillon avec de l’eau froide, lorfque le bain menace de s’enfuir.
- Quand cette opération eft finie, on coule le bain dans une barque au travers d’un tamis ou d’une toile * pour qu’il ne paffe point de gros marc, Sc on le laiffe repofer ; il faut avoir foin de conferver le marc de toutes çes drogues,, pour le faire bouillir une fécondé fois.
- p.62 - vue 73/108
-
-
-
- DE LA TEINTURE EN SOIE* 63
- On met alors dans la chaudière deftinée au pied de noir le vinaigré chargé de fa noix de galle, & d e (à limaille de fer ; Sc on y verle le bain où ont bouilli toutes les drogues dont nous venons de parler ; enfùïte on met delfous un peu de feu, 3c on y jette aufïï-tôt les ingrédients fuivants:
- SCA VOIR
- lô livres de Gomme Arabique pilée ôcéora-fée.
- 3 de Réalgar.
- i de Sel ammoniac,
- i dé Sel gemme,
- i de Cryftal minéral. *
- I d’Arfénic blanc pilé#
- i de Sublimé corrofif.
- 20 livres de Couperofe verte.
- 2 d’Ecume de Sucre candi,
- io de Caflonade*
- 4 de Litarge d’or ou d’argent pilée.1
- 5 d’Antimoine pilé.
- 2 de F lumbago , ou Plomb de mer
- pilé.
- 2 d’Orpiment pilé.
- Il faut que toutes les drogues pilées foient paffées au tamis, à 1*exception d® la gomme Arabique qui doit être feulement concaffée.
- Au lieu de gomme Arabique,on peut employer de la gomme de pays qu'on fait fondre de la maniéré feivante. On met de la décoélion de bois d'Inde dans une chaudière ; & après l'avoir fait chauffer, on y plonge un tamis de cuivre en forme d’œuf, dont l’ouverture eft par le gros bout. Voyez cet uftenfile en F, Planche VL Fig. 2. C*eft par cette ouverture quon met la gomme de pays dans ce tamis. A mefure que le bain chauffe , la gomme s’y détrempe ; & pour la faire pafler à travers les trous , on la foule avec un pilon de bois, à mefure qu’elle s?é chauffe. Lorfqu'elle eft paffée toute entière de la forte à travers les trous, on place dans le pied de noir un autre tamis de cuivre dont les trous font beaucoup plus petits que ceux du premièr, & affez fins pour empêcher que les petits morceaux de bois qui fe trouvent dans la gomme de pays ne puiffent paffer dans le bain ; on verfe dans ce tamis le bain où l’on a fondu la gomme * & on Fy paffe comme on Fa fait la première, à l'aide du pilon de bois. Pour faciliter cette opération, on retire de tems en tems le tamis, on le pofe fur une planche placée en travers fur la chaudière, ou on fe fufpend à la cheville qui eft au-deffus dé la chaudie^ re, & qui fert à tordre le noir ; & on y foule la gomme affez fort pour la dife pofer à paffer entièrement à travers les petits trous de ce tamis*
- La gomme fpndrôit encore plus aifément fi on la mettoit tremper quelques jours auparavant dans la décoélion de bois d’Inde qu’on auroit eu foin de verfer defïïis toute chaude.
- Lorfque les ingrédients dont on vient de parler, font dans le pied de noir, il faut avoir foin de donner une chaleur fiiffifante pour faire fondre la gomme Arabique, fiippofé qu’on Fait employée, & les fels; mais il ne faut jamais laifter bouillir ce bain, Quand le bain eft fuffifàmment chaud, on ôte le feu, & on fau® poudre de la limaille bien propre en quantité fuffifante pour couvrir le bain.
- p.63 - vue 74/108
-
-
-
- DE LA TEINTURE EN SOIE.
- Le lendemain on remet le feu fous la chaudière où Ton a fait bouillir les drogues, Sc Ton y fait rebouillir le bois d'Inde dont on s’eft déjà fervi ; on le retire enfuite, Sc l'on met dans cette fécondé décoétion les drogues ci-après:
- SCAVOIR,
- 2 livres de Noix de Galle noire pilée. 4 de Sumac.
- 4 de Cumin.
- 5 de Nerprun.
- # cfEcorces de Grenades pilées.
- ï livre de Coloquinte pilée.
- 2 d’Agaric pilé.
- 2 de Coques du Levant pilées,
- y de FJUlium ou de Graine de lin.
- On fait bouillir toutes ces drogues ; on pafle le bain , on le verfe dans le pied de noir, comme il a été dit ci-defliis, Sc l'on garde le marc. On met un peu de feu fous la chaudière,comme la première fois, Sc l'on y met auffi-tôt les drogues fiiivantes :
- SGAVOIR,
- 8 onces de Litarge d’or ou d’argent pilée. 8 d’Antimôine pilé.
- 8 de Plomb de mer aulïi pilé.
- 8 d’Arfénic blanc pilé.
- 8 de Cryftal minéral.
- 8 de Sel Gemme.
- 8 onces de FénugrèC.
- 8 de Sublimé corrofif.
- 6 livres de Couperofe.
- 20 de Gomme Arabique ou de pays.
- Cette derniere préparée comme on Ta dit ci-dejjus.
- Quand le bain eft devenu fùffifamment chaud, on retire le feu ; on couvre le bain, comme les premières fois, avec de la limaille, & on le laiffe repofer deux ou trois jours.
- Au bout de ce tems, on pile deux livres de verd-de-gris, qu’on délaye avec lix pintes de vinaigre dans un pot de terre, & on y ajoute environ une once de crème de tartre : on fait bouillir le tout pendant une bonne heure, ayant attention de rabattre le bouillon avec du vinaigre froid, lorfqu'il veut s'enfuir, Sc l'on garde cette préparation pour la mettre dans le noir, lorfqu'on veut teindre.
- Pour teindre en noir, on donne aux foies la cuite ordinaire ; & après les avoir lavées & battues à l'ordinaire, on leur donne îengallage, qui fe fait deux fois pour les noirs pefents, Sc une fois feulement pour les noirs légers. Ces deux noirs ne different point l'un de l'autre pour la beauté ni pour la nuance ; ils ne different que pour le poids que prend la foie : cependant le noir léger a plus de luftre.
- Le bain de Galle fe fait de la maniéré fuivante : On prend pour chaque livre de foie que l'on a à teindre en noir, trois quarterons de noix de galle légère, ou fi l'on veut, de gallon. La galle légère eft ainfi nommée , parce qu'elle eft effectivement beaucoup plus légère que la galle qu'on emploie ordinairement ; elle eft auffi plus ronde, plus groffe, Sc moins épineufe. Le gallon diffère de la galle
- ordinaire
- p.64 - vue 75/108
-
-
-
- DE LA TEINTURE EN SOIE. 6$
- Ordinaire en ce qu’il n’a point une forme déterminée ; il eft ordinairement plus long & plus anguleux ; il a à peu-près la même couleur, mais un peu plus brune que la galle légère : on nous l’apporte ordinairement broyé groflîérement. Il faut joindre à ces trois quarterons de galle légère ou de gallon , un quarteron de galle noire fine, qu’on appelle galle ctAlep. On pile toute cette galle , Sc en-fuite on la fait bouillir pendant deux heures & plus dans la quantité d’eau né-ceffaire pour faire un bain alfez grand pour les foies que l’on a à engalier. Comme le bain diminue beaucoup en bouillant, on le remplit au bout d’une heure : après les deux heures, on retire le feu de deffous la chaudière ; on laiffe repofer le bain, pour retirer la galle par le moyen d’un caffin percé, 8c une heure après on peut y mettre les foies que l’on a préparées de la maniéré fuivante.
- Pendant que la galle bout, on écoule les foies fur la cheville, on les met en corde comme pour la cuite, fans être voltées que très-légérement. Pour lors, on les plonge dans l’engallage, en mettant les cordées les unes par-defius les autres ; mais il faut avoir attention qu’elles ne veillent point, c’eft-à-dire , qu’elles né paffent point la fuperficie de l’eau, Sc qu’elles enfoient entièrement couvertes. On les laiiîe ainfi douze ou quinze heures, 8c au bout de ce tems, on les releve * on les lave à la riviere , & fi on les deftine au noir pefant, on les engalleune fécond e fois avec un engallage neuf, femblable au premier. Mais on fe fert ordinairement de ces fonds de galle, pour faire le premier engallage, & on fe fert de drogues neuves pour le fécond.
- Quelques Teinturiers ont la méthode de n’engaller qu*une fois le noir pefant , en faifant bouillir les vieux fonds qu’ils retirent enfuite ; après quoi, iis mettent de la galle neuve bouillir dans le même bain, en ajoutant, pour chaque livre de foie, une livre de gallon ou de galle légère, Sc une demi-livre de galle noire fine ; iis font bouillir toute cette galle neuve pendant deux heures & plus ; & après en avoir retiré les fonds, ils mettent les foies à l’en-gailage, Sc les y laiffent un jour & une nuit.
- Ils prétendent que cette méthode eft préférable, parce que, difent-ils, lorf* qu’on laifle le marc de la galle dans le bain, elle repompe une partie de la fubftance qu’elle avoit donnée dans l’eau.
- Lorfque les foies font engallées, on met du feu fous le pied de noir; 8c pendant qu’il chauffe, on tord les foies qu’on a retirées de l’engallage , & on leur donne une batture à la riviere.
- Lorfqu’elles font lavées, on les écoule fiir la cheville, & on paffe un fil autour de chaque mateau , lequel mateau doit être de la même groffeur que pour les couleurs ordinaires : enfuiteon les met en bâtons.
- A mefure que le noir chauffe, on a foin de le remuer avec une ratiffoire de
- fer , pour empêcher que les marcs ne s’attachent au fond de la chaudière ; Teinture en soie. R
- p.65 - vue 76/108
-
-
-
- €6 DE LA TEINTURE EN SOIE.
- raprès avoir donné quelques coups de rable, on y fond de la gomme de pays , par la méthode que nous avons prefcrite, jufqu'à ce qu'on s'apperçoive que la gomme monte fur le bain, comme une efpece de croûte qûi couvre le bain : fi mieux on n'aime y jetter cinq ou fix livres dégommé Arabique pilée ; enfuite, on jette encore dans le bain deux ou trois poignées de pfülium. Alors on met dans le bain la moitié de la préparation de vinaigre Sc de verd-de-gris, avec •environ quatre ou cinq livres de couperofe ; ce qu'on a foin de faire à chaque feu, c'eft-à-dire , chaque fois que l'on fait chauffer le noir pour y teindre.
- Il faut avoir foin de tabler pendant que le feu eft fous la chaudière ; & pour voir fi le noir eft affez chaud , on tourne le rable debout, appuyé fur le fond de la chaudière; fi la gomme s'attache autour du bâtonT Sc que le bain ne fe découvre point dans le milieu de fon écume de gomme , c'eft une preuve qu'il eft affez chaud ; Sc pour lors on retire le feu, parce que , comme nous l'avons déjà dit, il ne faut point que ce pied de noir bouille jamais. On retire auflî le rable, & l'on couvre le bain de limaille , de la même maniéré qu'on a fait ci-devant; enfuite on le laiife repofer environ une heure, & au bout de ce tems on remue la fuperficie du bain avec un bâton, pour faire précipiter la limaille.
- Avant d'expliquer la maniéré de paffer les foies dans le bain de noir , il eft à propos de dire que cette couleur ne fe fait que par chaudrées, c'eft-à-dire, que 'les Teinturiers en foie ne teignent en noir, que lorfqu'ils ont une fuffifante quantité de foie pour faire trois paffes, fi c'eft du noir pefant ; ou deux paffes, fi c'eft du noir léger : Sc voici comment tout cela fe pratique.
- Lorfqu'on fait du noir pefant, on met en bâtons le tiers de la foie qu’on a à teindre, Sc on lui donne trois lifes fur le pied de noir ; après quoi, on tord les foies à une cheville, ou efpart, au-deffus de la chaudière ; on lui donne pour cela trois coups de torfe ; on peut tordre ainfi trois mateaux à la fois, parce que c'eft une torfe foible Sc feulement pour écouler ; on les remet enfuite en bâtons, & on les jette fur deux perches pour les faire éventer : cela s’appelle les mettre au vergue ou fiir le vergue.
- Pendant que ces premières foies s'éventent, on palfe fur la chaudière le fécond tiers, de la même maniéré que le premier, & de fuite le troifieme tiers, toujours par la même méthode '; il faut obferver que pendant que ces foies font fur le vergue, on doit les retourner de tems-en-tems pour les éventer.
- Lorfque le troifieme tiers eft tors, on y remet le premier, Sc fucceflî-vement les deux autres jufqu'à trois fois, en faifànt toujours éventer à chaque fois. Cela s'appelle communément donner trois torfes y Sc les trois torfes font ce qu'on appelle un feu.
- A l'égard du noir léger, on lui donne de même trois torfes par feu.
- Après chaque feu, onréchauffelt pied de noir, en y remettant de la couperofe
- p.66 - vue 77/108
-
-
-
- DE LA TEINTURE EN SOIE> 67
- 8c de la gomme, comme il a été dit. On fait cette opération trois fois pour les noirs pefants* c’efl>à~dire, qu’on leur donne trois feux, compofés chacun de trois torfes ; & deux fois pour les noirs légers, c’eft-à-dire, qu’on ne leur donne que deux feux, compofés auffi chacun de trois torfes.
- - Il faut obferver que chaque fois qu'on réchauffe, il eft néceffaire de changer l’ordre des paffes, enforte que chacune foit mife à fon tour la première fur le bain, enfuite la fécondé, & enfuite la troifieme, afin qu’elles éprouvent tou-* tes la même force de teinture. Dans le cas où l’on auroit trois paffes de noir léger à faire, il faudroit obferver d’en faire toujours paffer une en fécond , & les deux autres alternativement en premier & en dernier. Il faut remarquer enfin , que lorfque le noir eft bien bon & qu’il teint fortement, on peut faire le noir péfant en deux feux feulement, & ménager une torfe fur chaque feu au noir léger.
- Le noir étant achevé, on met de l’éau froide dans une barque, & on life les pafles deiîus, l’une après l’autre : cela s’appelle dubroder, & l’eau de la lavûre fe nomme dubrodure de noir. Après cela, on les volte pour les aller laver à la riviere , où on leur donne deux ou trois battures. Lorfqu’elles font lavées, on les met en cordes Amples, ayant foin de ne les pas beaucoup volter.
- AdouciJpige du Noir.
- Là foie en fortant de la teinture en noir a beaucoup d’âpreté, ce qui n’eft point étonnant, vu la quantité de drogues acides 8c même corrofives qui en^ trent dans cette teinture:on eft donc obligé de l’adoucir, ce qui fe fait de la maniéré fuivante :
- . On fait diiîbudre environ quatre ou cinq livres de favon dans deux featix d’eau bouillante ; & pendant que le favon bout & fe^diffout dans l’eau,ôn y jette une poignée d’anis ou de quelque autre plante aromatique; on fait bouillir jufqu’à ce que le favon foit entièrement fondu; on a foin, pendant ce tems, d’emplir d’eau froide une barque àlfez grande, pour pouvoir y pafïer toutes les foies à la fois. On y coule l’eau de favon à travers une toile ; on mêle bien le tout ; on y met les foies, & on les y lailfe environ pendant un bon quart-d’heure. Après cela* on les leve, on les tord fur l’efpart, pour les mettre féeher à l’ordinaire ; la quantité de favon ne peut point faire de mal : c’eft pourquoi, il vaut mieux en mettre plus que moins. Cet adouciffage eft néceffaire pour Ôter, comme on l’a dit, aux foies teintes en noir, un cri & une âpreté qui nuiroit à la fabrique*
- Noir fur crud.
- Pour teindre en noir la foie crue, on l’engalle à froid fur le bain dê galle neuve, qui a fervi pour le noir en foie cuite ; on prend pour cette couleur , des?
- p.67 - vue 78/108
-
-
-
- 68 DE LA TEINTURE EN SOIE.
- foies qui ont leur jaune naturel, parce que les blanches prennent un œil moins beau.
- Après avoir dénoué les foies , Sc les avoir mifes en mateaux de grolTeur ordinaire, on les trempe à la main dans le bain de galle dont nous venons de parler ; lorsqu'elles font trempées, on les volte un peu; & enfoite on les met en corde, par huit ou dix mateaux.
- Après cela , on les met dans le bain de galle > les cordées les unes for les autres, en laiflant même aller les cordes dans le bain. On les lailTe pendant fix ou fept jours dans ce bain de galle froid ; on les leve enfoite, Sc ôn leur donne une batture à la riviere. Au relie, le tems de lailfer dans l'engallage dépend de la force du bain de galle, Sc de la quantité de foie qu'on y met ; mais quelque forrque foit rengallage, Sc quelque petite que foit la quantité de foie, on ne peut pas moins fy lailfer que deux ou trois jours.
- Lôrfque les foies font lavées, on les remet en corde , on les lailïe égouter ; & après, on met les cordées les unes for les autres dans la disbrodure ou lavûre du noir : elle fuffit pour les teindre ; mais foivant le plus ou moins de force delà dilbrodure.» il faut plus ou moins de tems : cela va ordinairement à trois ou quatre jours. Pendant que les foies font dans la diforodure, il faut les lever for des bâtons ou fur un baillard, trois ou quatre fois par jour ; on les y lailïe égouter ; Sc quand elles font égoutées, on les met à terre dans un lieu propre , & on les y étend pour les éventer, Sc leur faire prendre l’air fans fécher : ce qui efl: abfolument nécelfaire, pour faire paroître le noir; fans cela, les foies ne prendroient qu'une efpece de gris-de-maure ; mais ce gris noircit à Pair, & pour lors on peut juger du degré de teinture que la foie a pris, & de celui qu'il faut lui faire prendre encore. Si on lailfoit fécher les foies, il faudroit les retremper avant de les remettre dans le bain, ce qui feroit une main-d'œuvre de plus. On continue cette opération de lever Sc éventer fucceffivement, jufqu'à ce que les foies foient foffifamment noires.
- Lorfqu'elles font dans cet état, on va les laver à la riviere, en leur donnant une ou deux battures ; après quoi, on les lailïe égouter tout en cordées , & en-fuite on les met fécher for les perches fans les tordre , parce que fi on les tor-doit , cela les amoliroit trop. Comme ces fortes de foies font deflinées à faire des gazes, des dentelles noires, Sc autres femblables ouvrages qui doivent avoir de la fermeté > il faut avoir attention de conferver toute celle que la foie crue a naturellement.
- Si on veut faire le noir for crud avec plus de promptitude, il faut, après avoir
- lavé les foies de leur engallage * les mettre en bâtons, Sc leur donner trois
- lifes fur le pied de noir froid, les lever enfoite, les mettre égouter au-deflus
- du vaiffeau qui contient la teinture noire, Sc les faire éventer fur le vergue,-
- c'eft-à~dire,
- p.68 - vue 79/108
-
-
-
- DE LA TEINTURE EN SOIE. Ç9
- c'eft-à-dire , fur deux perches qui portent les extrémités des bâtons, & entre , lefquelles les foies pendent.
- Lorfqu'elles font égoutées, on les repaflè encore deux fois fur le pied de noir froid, en faifant égouter & éventer à chaque fois, comme la première fois ; & lorfqu’elles font égoutées, on les lave & on les traite comme celles qui ont été teintes dans la difbrodure. On ne luit point ordinairement cette méthode de teindre le noir fur crud , parce qu'elle ufe trop promptement le pied de noir, attendu la grande vivacité avec laquelle la foie crue prend en général toutes les couleurs, & que d'ailleurs une bonne difbrodure fuffit pour cette teinture.
- Brevet pour le Noir„
- La teinture noire s’affoiblit & s'épuife à meliire qu'on y teint de la foie ; on eft obligé, par cette raifon, de l'entretenir & de la fortifier de tems en tems en y ajoutant les drogues convenables : c'eft ce qui s'appelle donner un Brevet.
- Pour faire ce brevet de noir on met environ quatre à cinq féaux d'eau dans line chaudière; on met dans cette eau quatre livres de bois d'Inde haché, qu'on fait bouillir comme il a été dit : on retire après cela le bois ; fi on a de la dé-coétion de bois d'Inde toute faite , on peut s'en fervir. On met enfuite quatre livres de nerprun , ou de petits pruneaux noirs ; deux livres d'écorce de grenade ; deux livres de coloquinte ; deux livres de fia ma ch ; deux livres de coques du Levant ; deux livres de graine de lin, ou de Pjillium : & quatre livres de cumin.
- On fait bouillir toutes ces drogues pendant trois quarts-d'heure. Pendant qu’elles bouillent, on met du feu fous le pied de noir, on le fait chauffer un peu plus que moitié; lorfqu'il eft chaud, on y met, '
- 2 livres de Réalgar.
- 4 d’Antimoine. i de Litarge d’or,
- i de Litarge d’argent,
- i de Sel ammoniac.
- ï de Sel gemme,
- i de Cryflal minéral.
- ï livre d’Arfénic blanc, i de Sublimé corrofif. i d’Orpiment.
- 4 de Cafïbnade.
- i de Fénugrec.
- 4 de Couperofe.
- Quand toutes ces drogues font pilées, on les jette dans le pied de noir, ayant foin de le braffer, & lorfque le brevet a fuffifamment bouilli, on le coule dans une barque; on le laide repofer pour en féparer le marc, & on met le clair dans le pied de noir. On fait rebouillir une fécondé fois ces mêmes marcs pour une
- autre occafion.
- Lorfque le brevet eft dans le noir, & fuffifamment chaud, on ôte le feu ; on
- couvre le bain de limaille, & on le laiffe repofer pendant deux jours. Teinture en soie. . S
- p.69 - vue 80/108
-
-
-
- 7ô DE LA TEINTURE EN SOIE.
- Quand le pied de noir a reçu tin certain nombre de brevets, & qu^il s’eft amafle au fond une aflez grande quantité de marc ; on retire une partie de ce fédiment, pour que le bain demeure plus libre. On donne des brevets au noir à îtiefure qu’il en a befoin ; mais on conferve toujours le même fond de teinture, c’eft-à-direi, qu’on ne renouvelle point en entier le pied de noir; & quand une fois un Teinturier Ta pofé dans fon attelier, c’eft pour toute fa vie. On a cette facilité, parce que cette teinture n’eft point fufceptible de putréfaction. La rai-ion en eft, que le vitriol martial & la noix de galle qui entrent en grande quantité dans le noir, font l’un & l’autre > du nombre des plus puiflànts anti-putrides connus, c’eft-à-dire, que ces (ubftances ont la propriété de préferver pendant un très long tems de la putréfaction les matières qui en font le plus fufceptibles. Je tiens ces Obfervations d’un fort habile Chymifte, qui a fait fur cet objet une fuite d’expériences très-nombreufe, Sc même complette. Il y a lieu d’efpérer que le Public fera dans peu en état de recueillir le fruit de ce travail auffi bien fait, qu’il eft important.
- Remarques Jhr le Noir*
- On a déjà fait remarquer, qu’il y a tout lieu de croire que dans le grand nombre de drogues qu’on emploie pour cette couleur, il y én a beaucoup d’inutiles} on pourra s’en convaincre en comparant le procédé du noir de Gênes qu’on trouvera ci-après.
- Ce qu’il y a de plus effentiel à obferver fur la teinture noire, c’eft qu’en général elle altéré & énerve beaucoup les étoffes j enforte que celles qui font teintes en noir, font toujours beaucoup plutôt ufées, toutes chofes égales d’ailleurs , que celles qui font teintes en d’autres couleurs : c’eft principalement à l’acide vitrio-liqüe de la couperofe, lequel n’eft qu’imparfaitement fattiré parle fer, qu’on doit attribuer cet inconvénient. Comme le fer uni à tout autre acide, & même aux acides végétaux, eft capable de produire du noir avec les aftringents végétaux, il y a tout lieu de croire qu’en fübftituant d’autres combinaifonS de ce métal, à la couperofe, on pourroit remédier à cet inconvénient. Ce font certainement de bonnes & utiles tentatives à faire.
- On a dû remarquer dans le procédé qui vient d’être décrit pour le noir, qu’on a grand foin de palfer les foies dans la teinture noire,à trois reprifes différentes, & de les éventer ou de les expofer à l’air pendant un certain tems , entre chaque pajj't. Ce n’eft pas fans raifon qu’on s’eft affujetti à cette pratique , elle contribue infiniment à la beauté du noir ; car il eft certain, qu’à la différence des autres teintures qui perdent toujours de leur intenfité en féchant, celle-ci au contraire en acquiert beaucoup. Tout le monde fçait que la bonne encre à écrire, ne paroît pas à beaucoup près auffi noire quand on l’emploie, & quelle eft toute fraîche, que quand elle eft feche; & quelle noircit même de plus en plus pendant un certain tems. La même chofe arrive à la teinture noire, la foie n’eft en quelque forte que gris-noirâtre immédiatement après la première paffe ; elle n’acquiert fon beau noir que par l’expofîtion à l’air. Ce n’eft pas le feul exemple qu’on ait de l’influence de l’air fur les couleurs de la teinture. La cuve d’indigo eft verte quand elle eft en état de teindre, ainfi qu’on l’a vu à l’Article du Bleu ; la foie qu’on y plonge en fort verte auffi, mais par la feule expofition à l’air, ce "vert fe change très-promptement en bleu.
- )
- p.70 - vue 81/108
-
-
-
- DE LA TEINTURE EN SOIE. 71
- KKKKttttKgttK&KXCHKK K K8KttKKKttttttK£*£WKKK)K
- -0* £&*GOÊ3CQ(Û*3O0f$OÛO9t9(MÛK^)OQtG<(#*$3JOCÉ3COSQ^3OOfcjfc*^^ ^
- K»M»MMM»Mtt3KMMKMM:MKKXC3K»)K»iKXKMX(X(MMMXWX.
- PROCÉDÉS PARTICULIERS,
- TIRÉS DU DEPOT DU CONSEIL*
- ET COMMUNIQUES PAR M. HELLOT(*).
- Soie Cramoifie de Damas & de Diarbequir.
- Suivant les Lettres de M. Granger, Correlpondant de F Académie Royale des Sciences, mort à Schiras en Perfe au mois de Juin 1737; lorfque les Teinturiers de la Ville de Damas teignent les foies dans leur couleur de cramoifi, fi belle & fi eflimée dans tout l'Orient, ils prennent dix roms ( la rotte pefe cinq livres, ) de foie en écheveaux ; ils la lavent bien dans Peau chaude ; puis ils la laiflent tremper dans fuffifante quantité d'autre eau chaude pendant demi-heure. En-fuite ils en expriment Peau. Alors ils la trempent une fois feulement dans une leffive bien chaude, faite dans fuffifante quantité d'eau, dans laquelle ils ont fait dilîbudre une demi - rotte de kali pour chaque rotte de foie qu'on laifle égouter, après l'avoir fufpendue for des bâtons, obfervant de nelaiifer la foie dans cette leffive que le tems qu’il faut pour la bien imbiber, parce qu'autrement les fels du kali corroderoient la foie.
- Pendant que la foie, imbibée de leffive, s’égoute, ils préparent une autre liqueur à froid, avec dix onces de chair d e melon jaune, bien mur, qu'ils délaient exaélement dans fuffifante quantité d'eau. Ils y font tremper pendant 24 heures les dix rottes de foie. On augmente ou diminue la dofe des drogues ci-deifus, à proportion de la quantité de foie qu’on veut teindre. Quand la foie a relié pendant un jour dans cette liqueur de melon, on la lave plufieurs fois dans de l’eau fraîche jufqu'à ce qu’elle foit bien nette,puis on la fulpend pour la faire égouter.
- Pendant ce tems-là , l'Ouvrier remplit une grande baffine d’eau , dans laquelle il jette une demi-rotte d'alun en poudre pour chaque rotte de foie. Il pofe la baffine for un fourneau bien allumé ; & il y laide bouillir la liqueur pendant ao minutes; après quoi, il retire tout le feu du fourneau. Il trempe la foie dans cette folution d'alun, médiocrement chaude, & il la retire auffi-tôt qu'elle eft bien imbibée. Il la met dans une autre baffine, dans laquelle il verfe la diifo-lution d’alun, pour l’y laiifer tremper pendant quatre ou cinq heures de foite * mais pas plus. On la retire pour la laver plufieurs fois dans l'eau fraîche,
- (*) Aucun des procédés fuivans n’a été imprimé jjjfqu’à préfentj ilsétoient manuscrits chez M* Hellot, & le Public n en avoit point connoiflance.
- p.71 - vue 82/108
-
-
-
- y* DE LA TEINTURE EN SOIE,
- Pendant qu'on la lave, un Ouvrier fait bouillir dans une grande baffine tirie fuffifante quantité d'eau où il met une once de Baizonge ( c’eft un fungus ) en poudre fine pour chaque rotte de foie ; il fait bouillir pendant demi-heure cette nouvelle décoction : alors il y ajoute dix onces d3 Oudez , ( cochenille ) en poudre très-fine pour chaque rotte de foie ; c'eft-à-dire, fix livres quatre onces d’Ofc-dez pour dix rottes de foie. Quand il a ajouté cet Oudez à la liqueur , il ôte tout le feu du fourneau. Enfuite il agite doucement la liqueur en rond avec un bâton , afin de bien mêler les drogues enfemble. Le mélange étant bien fait, il verfe doucement & par inclination un peu d'eau fraîche dans le milieu de la baffine. Cette eau ajoutée, non-feulement refroidit la teinture, mais la rend beaucoup plus vive. Alors on y trempe quatre ou cinq fois la foie, obfervantde ïa tordre à chaque fois qu'on l’a trempée, pour en exprimer la liqueur. Enfuite on fait rebouillir cette teinture environ un quart-d'heure.On ôte le feu du fourneau comme ci-devant, pour la laiffer un peu refroidir. Alors on y trempe la foie, obfervant de la tordre à chaque fois qu’on l’a trempée. Après cette fécondé teinture, on met la foie dans une baffine vuide, & Ton verfe deffiis le refte de la teinture : on l’y lalfïe tremper pendant vingt-quatre heures. Enfuite on la lave bien dans l’eau fraîche, puis on la fait fécher à l’ombre ; St quand elle eft bien féche, on l'emploie dans les étoffes. Cette couleur cramoifie eft beaucoup plus belle que tous les cramoifis qu’on fait en France 8t en Italie, parce qu’on ne fait pas bouillir la foie dans le bain de teinture.
- Les Teinturiers de Damas St de Diarbequir prétendent quon ne peut réuffir à cette teinture, fans le fecours de la chair de melon pour la préparation de la foie, & fans l’addition du Baizonge avec Y Oudez ou cochenille pour la teinture. Nous avons le melon en France, dit M. Granger ; mais il doute qu’on y trouve le Baizonge. C'eft une efpecede fungus, qui croît fur quelques arbres en Perfe, d’où on l’apporte à Damas. On pourroit en faire paffer en France par la voie d’Alep, lî on a deffein d’imiter cette couleur fi fiipérieure.
- Pour ne pas fe tromper fur la dofe des différents ingrédients employés dans ce procédé , il faut fçavoir que la rotte de Damas pefe cinq livres de France.
- Les dix rottes de foie, fervant d’exemple dans ce Mémoire, doivent auffî fer-yir de réglé par rapport à la dofe de tous les autres ingrédients.
- A l’égard de l’eau néceflàire , pour la préparation de la foie avec le kali> la chair de melon, St l’alun pour faire la teinture , on n’en prend que ce qu’il en faut pour bien humeéler la foie ; c’eft-à-dire, qu’il ne faut pas que la liqueur furpaffe de plus d’un travers de doigt, lorfqu’on la met dans la baffine, à l’exception de la liqueur teinte qui doit être plus ample, à caufe qu’on y trempe dix à douze fois les écheveaux de foie.
- Le kali qu'on emploie à la préparation de la foie , n’eft autre chofe que la
- cendre
- p.72 - vue 83/108
-
-
-
- DE LA TEINTURE EN SOIE. 73
- Cendre d’une plante que les Arabes appellent Kailou. Cette cendre eli préférée à celle qu’on tire de la Roquette St à celle qu’on fait en Egypte.
- Quant aux métiers fur lefquels on met cette foie , ils font femblables à ceux de Lyon.
- Cramoifi de Gênes ; Procédé vérifié au mois de Mai 1743.
- A Gênes, la foie deftinée à la couleur cramoifie doit être cuite dans une moin-dre quantité de favon * que celle qu’on deftine à d’autres couleurs. Dix-huit à vingt livres de favon , fuffifent pour cent livres de foie àteindre en cramoifi , au lieu que pour les autres couleurs, les Génois emploient quarante à cinquante livres for cent livres de foie.
- Quand la foie eft cuite , on la fait paflfer par un bain d’alun. Sur une partie de foie qui pefoit foixante-douze livres*étant crue, il a été mis feize à dix-huit livres d’alun de roche, réduit en poudre dans une chaudière pleine d’eau froide. Après que l’alun a été bien diflout, on y a mis tremper la foie près de quatre heures t on auroit pu l’y laifler davantage, fins que cela eût tiré à conféquence , parce que la foie deftinée à être teinte en cramoifi , demande plus d’alun que pour d’autres couleurs. Lorfqu’elle a été fortie du bain d’alun, on l’a fecouée & drelfée fur la cheville fans l’y tordre. Le Teinturier, queftionné pourquoi il ne tordoit pas cette foie au fortir du bain d’alun, a répondu que, fi on la tordoit, elle fe purge-roit trop de l’alun dont elle étoit empreinte > & qui lui eft abfolument néceflàire pour prendre la couleur cramoifie.
- Des foixante-douze livres, dont on vient de parler, il y en avoit trente-deux livres d’Organcin, & quarante livres deTrame. On donne communément à Gênes , deux onces de cochenille fur douze onces d’Organcin, deftine pour la chaîne des Damas à meubles ; & une once 4 de cochenille for douze onces de
- trame, deftinée pour le même Damas, parce qu’on juge néceflàire que l’Organ-
- «
- cin foit plus foncé que la trame, afin que le Damas ait plus d’éclat ; & lorfqu on veut perfectionner la couleur du Damas, on ajoute un quart d’once de cochenille à l’Organcin, c’eft-à-dire,,qu’au lieu de deux onces, on en donne deux onces i, fans rien ajouter à la trame au-delà d’une once 7.
- Comme les trente-deux livres d’Organcin , dont il eft parlé ci-deflus, doivent être de la plus belle couleur, on a donné deux onces 7 de cochenille par livre de foie ; enforte que, fur toute la partie, on a employé cent quarante-deux onces de cochenille, ou onze livres dix onces,poids de Gênes ; fçavoir, trente-* deux livres d’Organcin à deux onces 7 de cochenille, font foixante-douze onces : quarante livres de trame à une once 7 font foixante-dix onces. Total cent ' quarante-deux onces.
- Lorfqu’il a été queftion de donner le cramoifi à ces foixante-douze livres de Teinture en soie. r T
- p.73 - vue 84/108
-
-
-
- 74 DË LA TEINTURE EN SOIE.
- foie alunée ainfi qu’on l’a dit ci-deffus , on s’eft fervi d’une chaudière ovale , qui, remplie , pouvoit contenir deux cents pintes d’eau. On a rempli cette chaudière au tiers, d’eau claire de fontaine : on a jetté enfuite dans cette eau, les drogues fuivantes pilées & tamifées. Deux onces de tartre de vin ; deux onces de fajfranum, & deux livres Sc demie de galle du Levant,
- On a attendu que ces drogues euffent bouilli deux minutes dans le bain ; après quoi on y a jetté les onze livres dix onces de cochenille réduite en poudre & tamifée ; Sc pendant qu’un Ouvrier faifoit tomber la cochenille peu à peu dans le bain, un autre remuoit violemment le bain avec un bâton pour faciliter la fonte de la cochenille.
- Cela fait, on a rempli le bain d’eau claire > à un demi-pied du bord ; & tout de fuite, on y a mis tremper les trente-deux livres d’Organcin, épartiesfur qua-’ torze baguettes. On les y a laiffées feules , jufqu’à ce que le bain fous lequel on a fait grand feu, après qu’on l’a eu rempli d’eau , ait été prêt à bouillir : & afin que la foie prît également la couleur,on levoitfans difcontinuer les baguettes les unes après les autres, afin de faire aller alternativement au fond de la chaudière, la partie des flottes qui fe trouvoit au-deffus Sc hors de la chaudière, n’y ayant jamais que les deux tiers, ou la moitié de chaque flotte, qui trempaffent dans le bain; le refte étoit dehors, parce que les baguettes portoient fur les bords de la chaudière.
- Quand le bain a été prêt à bouillir, on y a mis tremper les quarante livres de trame éparties fur dix-huit baguettes. On a continué pendant plus de demi-heure à lever les baguettes les unes après les autres, tant celles de l’Organcin que celles de la trame, afin de faire alternativement aller au fond du bain, ce qui auparavant étoit dehors ; enforte que l’Ouvrier, parvenu à la derniere baguette, retournoit à la première, Sc fiicceHivernent des unes aux autres.
- Cette première demi-heure paffée, l’Ouvrier a mis environ un quart-d’heure d’intervalle* entre chaque manœuvre, de lever les baguettes depuis la première jufqu’à la derniere, l’ayant réitérée cinq à fix fois pendant l’efpace d’une heure Sc demie. Pendant tout ce tems, on a toujours entretenu grand feu fous la chaudière. Alors l’Organcin avoit trempé deux heures Sc un quart dans le bain, Sc la trame deux heures feulement. L’Ouvrier a ôté le feu de defïous la chaudière, & a pris une flotte de l’Organcin Sc une flotte de la trame, qu’il a tordues Sc fechées autant qu’il a pu, afin de voir fi la couleur étoit à fon point. Comme elle ne s’eft: pas trouvée affez foncée, il alaiffé, tant l’Organcin que le trame, un peu moins d’une demi-heure dans le bain, à mefure qu’il refroi-diffoit. Enfuite, il a forti toute la foie du bain , & l’a tordue fur la cheville ; après quoi il l’a lavée plufieurs fois dans de l’eau claire de fontaine, changeant l’eau chaque fois. Cela fait, il l’a de nouveau tordue fur la cheville, Sc l’a mife Lécher : ainfi a fini l’opération.
- p.74 - vue 85/108
-
-
-
- £
- DE LA TEINTURE EN SOIE. , y y
- Il faut obferver que i’Organcin & la trame -, quoique teints dans le même bain, nefe font pas trouvés de la même nuance après l’opération finie. L’Organ* cin étoit plus foncé, parce qu’il avoit été un gros quart-d’heure dans le bain de cochenille avant la trame ; Sc que pendant cet intervalle , il s’étoit empreint de la partie colorante la plus fubtiie de la cochenille.
- On n’eft pas dans l’ufage, à Gênes > de laver la foie après qu’on l’a fortie du bain de cochenille, dans l’eau de favon. Au contraire , ony eft perfuadé que cette méthode ne fait que ternir l’éclat de la couleur, & qu’il faut que l’eau, tant celle qu’on emploie pour le bain de cochenille, que celle dont on fe fert pour laver la foie après qu’elle eft teinte, foit de l’eau de fontaine bien claire ; car on a remarqué, que les foies qu’on teint en été en cramoifi avec de l’eau de citerne, Sc qu’on lave avec la même eau, parce que, dans cette faifon, les fon-laines font fujettes à manquer, n’ont pas autant d’éclat, que celles pour lesquelles on a employé de l’eau de fontaine dans les autres faifons.
- Suivant les Teinturiers de Gênes, il y a des cochenilles qui paroiflant belles à i’inlpeétion, ne le font pas dans leur effet ; Sc qui pour être employées > demandent que la foie foit alunée autant quelle peut l’être, & que l’on mette dans le bain de cochenille une quantité de tartre fixpérieure à celle dont il eft parlé ci-devant. On ne fçauroit donner fur cela de réglés certaines ; c’eft au Teinturier àconnoître, par des cffais, la qualité de la cochenille qu’il doit employer. Mais on doit s’attacher à n’employer que de bonne cochenille 9 parce que, quand il feroit vrai que l’inférieure, au moyen d’une plus grande quantité de tartre Sc d’alun , donnât une auffi belle Couleur que la meilleure, il réfùlteroit toujours que la foie ne feroit plus auffi parfaite , parce que l’alun l’énerve toujours. Les Fabriquans Génois font fi‘perfuadés de cette vérité, que pour n’être pas expofés à cet inconvénient, ils fourniflent eux-mêmes la cochenille à leurs Teinturiers, à mefure qu’ils leur donnent de la foie à teindre en cramoifi.
- La foie qui, pour être teinte en cramoifi, a eu befoin d’une très-grande quantité d’alun, à caufè de la mauvaife qualité de la cochenille qu’on y a employée, crie lorfqu’on la preffe dans la main, au lieu que celle pour laquelle on a employé moins d’alun, ne fait pas cet effet.
- Uiolet-Cramoifi enfoie, T Italie.
- La foie étant alunée, comme pour le rouge-cramoifi, tirez-la hors de fon alun ; puis, teignez-la avec la cochenille. Pour cela , faites fondre deux onces de gomme Arabique dans la chaudière ; ajoutez-y pour chaque livre de foie , deux onces de cochenille, un tiers d’once d’agaric, Sc autant de terra mérita* Mêlez Sc verfez dans votre chaudière. Quand elle commence à bouillir, &
- p.75 - vue 86/108
-
-
-
- 7$ DE LÀ TEINTURE EN SOIE.
- que la gomme eft bien fondue, arrangez votre foie fïir les lifoirs ; abattez-la
- dans Ja chaudière, & la faites bouillir deux heures : elle fera teinte. Laiffez-la
- refroidir; lavez-la, & la tordez fur la cheville; puis, lavez-laencore légèrement.
- Pour Favoir violette , plongez-la bien épartie fur une cuve de bleu, jufqu’à
- ce qu’elle ait pris un beau violet. Lavez-la dans de l’eau de fontaine bien pure :
- tordez-la, 8c la faites fécher à l’ombre bien étendue 8c démêlée.
- %
- Demi-Violet.
- Pour une livre de foie, une livre 8c demie d’orfeille bien démêlée dans le bain ; faites-la bouillir un bon quart-d’heure ; paffez-y votre foie rapidement; laiffez-la refroidir ; lavez-la à la riviere , vous aurez un beau demi-violet, ou lilas plus ou moins foncé.
- Noir de Gènes, pour le Velours. Juin 1740.
- On fait bouillir la foie pendant quatre heures, avec le quart de foft poids de favon blanc de Marfeille : on la lave à fond. Dans une chaudière de cinq cents pintes d’eau, faites bouillir fept livres de galle. Laillez dépofèr la galle ; tirez l’eau à clair3 8c ayant jetté le marc, remettez l’eau de galle dans la même chaudière. Plongez-y à demi une cuiller percée à purée , dans laquelle vous mettrez fept livres de gomme de Sénégal, fept livres de vitriolRomain ou cou-perofe, 8c fept livres de la plus belle limaille de fer. Le bain ayant difïout ces drogues, laiffez éteindre le feu, & fermenter ce bain pendant huit jours. En-fuite, faites-le chauffer; & quand il fera prêt à bouillir, mettez de nouveau, fufpendue dans la même chaudière, la même paffoire ; 8c ayant fait fix paquets, compofés de la lixiéme partie de la quantité de gomme, couperofè 8c limaille deftinée à ce bain de noir, félon la quantité de foie, à raifon d’une livre de chacun de ces ingrédients, pour dix livres de foie, faites fondre dans la pafloire cette fixieme'partie du total. Le feu étant ôté, & ayant fait jetter dix pintes d’eau froide fur le bain, qui doit relier chaud à y pouvoir tenir la main, faites mettre la foie fur des lifoirs ; plongez-la dans le bain, & l’y tenez pendant dix minutes ou environ. Lifez les écheveaux quatre fois ; après quoi, tordez-les à la cheville fur la chaudière.
- Paffez fur le même bain de nouvelle foie fans rien ajouter , & la traitez de . même. Commencez d’abord par la trame, enfuite paffez le poil. Enfin, le bain étant beaucoup refroidi, paffez-y la chaîne qu’on ne veut teindre ordinairement qu’en gris-noir.
- Toute la foie ayant paffé dans ce premier bain, réchauffez-le, 8c y remettez la paffoire avec une autre fixieme partie de gomme , vitriol 8c limaille de fer. Quand le bain fera rafïraîchi comme ci-deffus , paffez-y la
- foie
- p.76 - vue 87/108
-
-
-
- DE LA TEINTURE EN SOÏË.
- foie comme au premier bain ; obfervant, eetté fois ici, de palfef lè poil le prè- ' mier , enfuitè la trame, & toujours là chaîne la dernière : faites ce manège fix fois. Tant que la foie étoit mouillée > fon noir charthoit, même comparé avec celui de Tours : ce qui fut différent quand elle fut féche. On comptoit à Tours ajouter au bain de noir, du vin bas, de fanis & autres drogues. Mais on prit le parti d’envoyer ces foies noires à Gênes ; & voici ce que M. Regni écrivit le 5? Novembre 1740.
- » Les Teinturiers de Gênés, auxquels on a fait le récit des opérations faites » fur cette foie qu’on leur a fait voir aufîî, ont trouvé qu’on a exactement fuivi » la derniere Inftruélion, &què le défaut de fuccès vient, i°. de ce que pour » engaller la foie, on a employé de la Galle du Levant, qui a beaucoup plus » de fubftance que celle de la Sicile & de la Romagne, dont on fe fert ordi^
- » nairement à Gênes. 20. De ce que le bain de noir n’a pas acquis fa perfection,
- » qu’une nouvelle dofé des drogues qui le compofent, peut feule lui donner ;
- » de forte que dans les nouvelles & futures opérations, on n’aura qu’à obfer^
- » Ver 3 quant à l’engallage de la foie, de fe fervir de la Galle de Sicile ou de » la Romagne ; ou fi l’on eft obligé d’employer celle du Levant, qui eft bonne 3 » de ne mettre de cette derniere qu’un tiers de livre pour chaque livre de foie ,
- » au lieu quil en faut une demi-livre de la première. Le Teinturier Génois a » reconnu la Galle qu’on avoit employée en France , à ce qu’on avoit mandé » à M. Regni, que la foie avoit acquis dans le bain de Galle tout ce qu’elle » avoit perdu <^e fon poids dans la favonade , pendant qüe la livre de foie de » douze onces > qui, dans fa cuite au favon, relie à neuf onces 3 ne doit revenir,
- » après avoir été engailée, qu’à onze. »
- Quant au bain de noir, il n’y a, pour le perfectionner, qu’à y ajouter une nouvelle dofe de gomme, de limaille 8c de vitriol ( en parties égales de chacune de ces drogues), en obfervant de le faire par petites dofes,jufqu’à ce qu’on trouve que la foie ait acquis le noir qu’on veut lui donner : bien entendu que les petites dofes de ces drogues doivent être mifes dans le bain de noir dont on s’étoit fervi, fans qu’il foit befoin d’en faire de nouveau ; puifque ce n’eft qu’à mefure que ce bain fert, qu’il acquiert fa perfection. Le même Teinturier Génois ayant trempé fix fois les échantillons manqués à Tours , dans fon bain de noir, lé noir eft devenu beaucoup plus beau. Ce même Teinturier Génois3 homme enrichi dans fa profeffion, a écrit qu’abfolument |lne doit entrer dans le bain dé noir aucune autre drogue que celles mentionnées dans la derniere Inftruélion ci-deflùs lui vie ; que le vin bas &l’anis ne peuvent fervir qu’à gâter* le bain de noir.
- On s’eft corrigé à Tours d’après cettë Lettre3 & l’on a fait de très-beaux noirs i
- voici le procédé qu’on y a fuivi dans la Manufaélure de feu M* Hardiom Pouf Teinture en SoiEi ] V
- p.77 - vue 88/108
-
-
-
- 78 DE LA TEINTURE EN SOIE.
- cent livres de foie , on fait bouillir pendant une heure vingt livres de noix de Galle d’Alep en poudre,dans fufEfànte quantité d’eau. On lailfe enluîte repofer le bain jufqu’à ce que la galle foit précipitée au fond de la chaudière, d’où on la retire. Après quoi, on y met deux livres & demie de vitriol d’Angleterre , 3c douze livres de limaille de fer, vingt livres dégommé du pays, c’eft-à-dire, de prunier, cerijier , &c, qu’on met dans une elpece de chaudron à deux anfes, troué de toutes parts. Onfulpend ce chaudron avec des bâtons dans la chaudière , de maniéré qu’il n’aille pas au fond. On laifle dilfoudre la gomme pendant une heure,en la remuant légèrement de tems en tems avec un bâton. Si l’heure palfée* il relie encore de la gomme dans le chaudron, c’eft une marque que le bain, qui ell de deux muids , en a pris autant qu’il faut. Si, au contraire, toute la gomme eft dilîoute, on peut en remettre trois ou quatre livres. On laille ce chaudron continuellement fulpendu dans la chaudière, d’où on ne l’ôte que pour teindre> & on le remet enfuite. Pendant toutes ces préparations, la chaudière doit être tenue chaude, mais làns bouillir. L’engallage de la foie fe fait avec un tiers de Galle d’Alep. On y lailfe la foie d’abord pendant fix heures, puis pendant douze. Le relie félon l’Art.
- v-ts
- <5
- p.78 - vue 89/108
-
-
-
- DE LA TEINTURE EN SOIE.
- EXPLICATION DES FIGURES.
- PLANCHER
- T j a Figure i repréfente la perfpeétive des deux grandes chaudières, l'une ronde, & l'autre oblongue, montées dans leur maçonnerie & fur leurs fourneaux*
- A, Chaudière oblongue que les Teinturiers nomment ovale.
- B, Chaudière ronde*
- C, Hotte de la cheminée qui reçoit lafumée des fourneaux de ces chaudières* D * Porte par laquelle on va aux fourneaux > qui font plus bas que le fol de
- TAttelier.
- E, Efcalîer par lequel on defcend aux fourneaux.
- F, Tuyau de plomb qui conduit Peau aux chaudières* ^
- G, Robinets placés au-deflus de chaque chaudière, qu’on lâche pour les em-piir d’eau.
- Figure 2. Cette figure repréfënte le plan des Chaudières & de la cheminée fer-vant aux deux chaudières de la figure i.
- A} Plan de la chaudière ronde.
- B, Plan de la chaudière longue ou ovale.
- C> Bouches des fourneaux.
- £), Efpace fous la cheminée devant les fourneaux pour leur fervice.
- E, Efcalier parlequel on defcend aux fourneaux,
- Fig ure 3. Cette figure repréfente la coupe de la chaudière ronde, de fon fourneau & de la cheminée.
- A, Intérieur de la chaudière ronde.
- B, Intérieur du fourneau qui eft fous cette chaudière*
- C> Porte de ce fourneau.
- D y Intérieur de la cheminée.
- E, Sol de l’elpace qui eft devant le fourneau pour fon fervice*
- F y Sol de l’Attelier. On voit par cette dilpofition que le fourneau de la chaudière eft abailfé au-deifous du fol de l’Attelier, afin que le haut de cette chaudière foit à la portée de l’Ouvrier qui travaille dedans. De même le fol de l’efe pace qui eft devant les fourneaux eft abaiffé de maniéré que la bouche de ces fourneaux foit à la portée de ceux qui les fervent*
- G, Tuyau & Robinet par le moyendefquels l’eau eft portée dans la chaudière*
- H y Chaudron ou petite chaudière portative*
- K y Tamis ou paffoire*
- p.79 - vue 90/108
-
-
-
- 8o DE LA TEINTURE EN SOIE.
- J, Deffous de ce tamis»
- PLANCHE IL
- La Figure première repréfente l'intérieur dei'Attelier d'un Teinturier en Soie> avec les différentes opérations qui s’y font.
- A , Ouvrier qui retiré de là grande chaudière ronde les lacs Ou poches dans lelquels la Soie a été cuite, ou qui jette bas.
- B, Ouvrier qui drefïe des mateaux de foie fur Felpart.
- C, Teinturier qui life des foies dans un bain fur une grande barque.
- D y Ouvrier qui paffe en cuve-.
- E y Ouvrier qui tord à fec fur l’efpart.
- F y Deux hommes qui empochent des foies pour les faire cuire.
- Figure 2 y A 9 Mateau de foie.
- B y Baguettes ou Bâtons fur lefquels on paffe 8c on life les mateaux de Sole
- *
- pour les teindre : ces baguettes fe nomment lijoirs.
- Cy Perche ou Barre, dont on fe fert pour retourner les poches qui contiennent la Soie pendant la cuite, & pour les retirer de la chaudière.
- D y Efpece de brancard nommé BaillardyCur lequel onpofe les foies mouillées. E y Bâton fur lequel on met le mateau de foie pour le paffer en cuve, & qui Ce nomme la pajfe.
- F y Pot à Rocou y ou pafïoire dans laquelle on délaie 8c on pafle cet ingrédient. Gy Efpece de pilon dont on fe fert pour écrafer & faire paffer le rocou dans la paffoire.
- H, Grand Gaffai ou Cuiller de cuivre creufe, emmanché. ly Petit Caflîn.
- K, Chevillon dont on fe fert pour tordre fur felpart.
- L y Efpart.
- My Hache avec laquelle on réduit les bois de teinture en copeaux.
- JV, Cheville.
- PLANCHE III.
- La Figure i repréfente le lavage des foies à la riviere.
- A y Bateau dans lequel fe mettent les Teinturiers pour laver les foies. B y Efcalier par lequel on defoend de PAttelier à la riviere.
- Cy Planche for laquelle on paffe de Tefoalier au bateau.
- D y Ouvriers qui lavent les foies.
- È, Ouvrier qui bat les foies.
- F, Pierre for laquelle on bat les foies.
- Figure 2. Vers le bas de la planche.
- A y Cordée de foie, ou plufieurs mateaux paffés dans une corde.
- B, Grande
- p.80 - vue 91/108
-
-
-
- DE LA TEINTURE EN SOIE. Si
- B, Grande barque de cuivre.
- C, Petite barque ou barquette de cuivre.
- Les deux barques B & C ont des patins F pour pouvoir renverfer facilement leurs eaux quand elles font pleines, & les faire gliflèr où l’on veut,
- D , Grande barque de bois.
- E, Pierre fur laquelle on bat les mateaux.
- PLANCHE 1K
- Figure x. Cuve pour le bleu d’indigo repréfentée jufqu’au niveau du fol de l’Attelier, entourée de fa maçonnerie avec fon fourneau.
- DC, Partie inférieure de la cuve enfoncée en terre.
- F, Maçonnerie qui entoure la cuve.
- H, Ouverture ou entrée de la cuve.
- I, Porte pratiquée dans la maçonnerie au niveau du fol de l’Attelier, laquelle répond dans i’efpace qui eft entre la maçonnerie & les parois de la cuve, & dans lequel on met de labraife pour la chauffer.
- K, Partie du corps de la cuve qu’on apperçoit parla porte I.
- L, Ventoufe ou tuyaufervant de cheminée pour l’iffue des vapeurs de labraife.
- Figure 2. Coupe de la cuve & de fa maçonnerie. v
- C, Fond de la cuve enfoncé en terre.
- E, Sol de l’Attelier.
- F, Epaiffeur de la maçonnerie.
- G, Efpace entre les parois de la cuve 8c celles de la maçonnerie.
- L, La partie de la ventoufe qui s’élève au-defliis de la maçonnerie.
- \
- M, Communication intérieure delà ventoufe dans i’elpace qui eft: autour de la cuve.
- N> Porte par laquelle on met la braife.
- \
- Fig me 3. A9 Tonne dans laquelle on conferve le jus de bois de Bréfil, 8c autres.
- B9 Grand bacquet dans lequel on alune les foies.
- O, Rabie dont onfe fert pour pallier les cuves.
- P, Couvercle détonné.
- Q, Etouffoir.
- R, Croc ou fourgon.
- 5, Sac pour empocher la foie. ^
- T, Pelle pour prendre le charbon ou la braife.
- PLANCHE F.
- La Figure 1 repréfente l’intérieur dun féçhoir ou chambre dans laquelle on Teinture en soie. X
- p.81 - vue 92/108
-
-
-
- g2 DE LA TEINTURE EN SOIE.
- Fait fécher promptement les foies for la branloire.
- A, La branloire.
- B y Crochets qui tiennent la branloire fofpendue au plancher.
- C, Ouvrier qui fait mouvoir la branloire.
- D, Poêle.
- E, Tréteaux difpofés pour recevoir les perches chargées de mateaux.
- Figure 2y A, La branloire.
- B, Crochets deftinés àfoutenir la branloire fofpendue au plancher avec leurs pitons.
- C, Un des grands côtés de la branloire.
- DDD, Fiches du côté C, deftinées à recevoir le bout percé des perches for Iefquelles on met les mateaux de foie.
- E, Côté de la branloire oppofé au côté C.
- FFF, Fourches du côté E de la branloire, deftinées à recevoir le bout non percé des perches.
- Gy Une des perches for Iefquelles on met les foies dans la branloire.
- H y Deux perches chargées de foie* & ajuftées for la brânloire.
- Iy Un des tréteaux for lefquels on pofe les perches.
- K, Fourche.
- L y Mateau de foie.
- My Benaut ou elpece de bacquet propre à laver les Soies.
- N y Seau.
- O y Poêle à. brûler le foufre.
- P y Corde attachée à la branloire pour la faire mouvoir.
- , C. . PLANCHE VL
- La Figure première repréfente fintérieur d’un Atteliez dans lequel on prépare ,1e Çarthame ou Saffran bâtard.
- A y Barques dans Iefquelles on lave le faffranum.
- B y Sac dans lequel le faffranum eft enfermé > 8c dont la bouche eft tenue ouverte par-un morceau de bois en croix.
- Cy Tuyau 8c robinets pour fournir l’eau aux barques dans Iefquelles on lave le faffranum.
- Dy Ouvrier qui piétine le faffranum avec des bottes : il fe foutient avec une corde qui eft attachée au plancher.
- Ey Trou par lequel s’écoute l’eau chargée de la couleur jaune extraélive du faffranum.
- F y Ouvrier quibrite avec une pèle les mottes du faffranum lavé.
- C, Ouvrier ^ffx ameflre^Q faffranum 9 c’eft-à-dire ; qui 1e mêle avec la foude en
- p.82 - vue 93/108
-
-
-
- «3
- DE LA TEINTURE EN SOIE.
- fe fervant de fies pieds.
- H, Appareil pour tirer la teinture dufaffranum amejlré, en coulant de Teaupar-deflus.
- I, Ouvrier qui prend de l’eau pour la couler lur le faffranum.
- Figure 2, A y Mortier.
- B y Morceau de bois en croix pour tenir ouverts les lacs qui contiennent le faffranum y quand on le lave dans les barques.
- Cy Pilon.
- Dy Ecumoire.
- E y Tamis.
- F y Palïbire pour faire difloudre la gomme dans le bain de noir.
- Gy Pelle pour divifer les mottes du faffranum lavé.
- H y Appareil pour couler la teinture du faffranum.
- EXPLICATION A
- De quelques termes qui ont rapport a T Art de la Teinture en Soie.
- A la Soie pendant la cuite.
- Barrer ; c’eft foulever y par le moyen d’une
- A c c o M P l i r. C’eft achever d’emplir une cuve devenue propre à teindre.
- Adoucissage. C’eft une eau de favon,dans laquelle on fait pafîer les Soies teintes en noir, pour les adoucir.
- Alunage. Opération par laquelle on imprégné la foie d’alun pour la difpofer à recevoir la teinture.
- Amestrer ; c’eft bien mêler le faffranum avec de la foude ou de la cendre gravelée, pour en tirer la couleur rouge.
- Aviver ; c’eft rendre une couleur plus vive par l’addition de quelque matière faline.
- Azur. L’azur des Teinturiers en Soie n’eft autre chofe que de l’indigo pilé ôc étendu dans beaucoup d’eau ; ils s’en fervent pour donner un petit œil bleu à certaines nuances de blanc.
- B
- Baillard. Efpece de brancard fur lequel on pofe les Soies pour les égouter.
- Bain; C’eft une certaine quantité dé teinture, ou de quelque autre liqueur dans laquelle on trempe la Soie.
- Barque ou Bacque , une elpece de bac-quet long, de cuivre ou de bois, dont on fe fert pour certaines teintures qui ne demandent point à bouillir fur le feu. Il paroît qu’on devrait fe fervir du ternie de Bacque, ôc non de celui de Barque ; mais ce dernier eft paffé tout-à-fait en ufage chez les Teinturiers: c’eft pourquoi on l’a employé dans ce Traité.
- Barre ; c’eft une perche avec laquelle on remue,ôc on retire les poches qui contiennent
- perche qu’on appelle Barre, les poches qui contiennent la Soie pendant la cuite. Cette opération fe fait pour empêcher les poches qui font au fond de la chaudière d’y féjourner trop long-tems ; ce qui pourrait faire brûler la Soie : ce Barrage rend aufti la cuite plus prompte ôc plus égale.
- Benaut, nom que l’on donne à une efpece de bacquet cerclé de fer, avec deux mains de bois pour faciliter fon tranfport.
- Biscuit. Les Teinturiers appellent ainfi les endroits de la Soie qui ont échappé à l’a&ion du favon pendant la cuite.
- Bleu de cuve. On nomme ainfi l’Indigo préparé de maniéré qu’il foit propre à teindre.
- Bleu fin. C’eft un bleu d’indigo auquel on donne de l’intenfité par le moyen de la cochenille , au lieu de l’orfeille.
- Bleu de vaisseau ; c’eft la même chofe que le Bleu de cuve.
- Bouillon. Nom qu’on donne fouvent à la décoétion de quelque drogue de teinture.
- Bouïn , nom que les Teinturiers en Soie de Paris donnent à un certain nombre d’éche-veaux raflemblés ôc noués enfemble pour être teints.
- BouRER,fe Bourer. Les Teinturiers di-fent que la Soie fe boure lorfque fes fils s’ouvrent ôc deviennent bouraceux.
- Brasser. C’eft remuer en différens fens ôc agiter un bain de teinture avec un bâton pour bien mêler les drogues qu’il contient.
- Brevet ; c’eft une certaine quantité de drogues qu’on ajoute dans un bain.
- p.83 - vue 94/108
-
-
-
- '§4 DE LA TEINTURE EN SOIE.
- Bruniture. On fe fert de cette expreffion torfqu’on donne à une couleur quelconque une nuance qui la rend plus brune*
- C
- Cannelés. Nom qu on donne aux nuances brunes du cramoifi fin.
- Gassin ; c’eft une efpece de poêlon à queue dont les Teinturiers fe fervent, pour retirer de la teinture de leurs vaiffeaux, ou pour en ajouter.
- ChaudrÉe. Faire une chaudrée, c’eft tein-dre en noir une partie de Soie fufïifante , pour faire trois paffes ou trois torfies, fi c’eft du noir pejantq ou deux , fi c’eft du noir léger.
- Cheville. La cheville eftune pièce de bois •cylindrique & fcellée par un de fes bouts dans un mur. C’eft fur la cheville qu’on dreffe les Soies.
- Cheviller.C’eft tordre la Soie fur i’efpart à plufieurs reprifes, pour la fécher & pour la luftrer.
- Cochenille grabelée. C’eft celle qui a été épluchée & mondée.
- Cochenille mesteque ; c’eft la plus belle
- la meilleure efpece de Cochenille. On la nomme aufti Cochenille fine.
- Cocheniller. C’eft teindre avec de la Cochenille.
- CoMPOsït'iON.DifTolutiônd’étaindans l’eau régale, dont on fe fert pour aviveï la Couleur du cramoifi fin ou de cochenille.
- Congeler , fe Congeler. Les Teinturiers difent qu Un fel fe congele, quand il fe cryf-tallife.
- Cordée. On appelle une cordée plufieurs mateaux pallés dans une même corde & noués enfemble.
- Couler ; c’eft verfer une liqueur dans un vaiffeau en la faifant paffer à travers un tamis ou une toile.
- Crampiller , fe Crampillër : expreffion par laquelle les Teinturiers en Soie défignent ce qui lui arrive quand les écheveaux fe mêlent ÔC s''ébouriffent.
- Cri. On appelle Cri de la Soie , un petit bruit quelle fait lorfqu’on en frotte plufieurs brins les uns fur les autres entre les doigts. La Soie n’a ce cri que quand elle a été imprégnée de quelque acide , ou de Noix de Galle.
- Croutée , fe dit d’une cuve fur laquelle il fe forme une écume ou croûte quand elle devient propre à teindre.
- Cuite de la Soie ; c’eft une opération par laquelle on enleve la gomme & le jaune naturels de la Soie crue, en la faifant bouillir dans de l’eau chargée de favon.
- Cuve. Ce nom eft affedé particuliérement au vaiffeau dans lequel on fait le bleu d’indigo.
- D
- Décrampiller; c’eft dreffer ou démêler la Soie.
- Décreusement ou Décreusage de la Soie ; c’eft l’opération par laquelle on enleve à la Soie fa gomme ou fon vernis naturel, par le moyen d’un diffolvant convenable. Comme la Soie, avant cette opération, fe nomme Soie crue , & qu’après quelle l’a fubi, on l’appelle Soie cuite y peut-être feroit-il mieux de dire, Decrujage ou Décrufiement'y mais il paraît que l’ufage eft d’écrire Décreufement.
- Dégommage de la Soie. C’eft une première cuite qu’on donne à la Soie dans de l’eau chaude chargée de favon , mais fans la faire bouillir , pour la débarraffer de la plus grande partie de fa gomme.
- Dépocher ; c’eft retirer des cordées de Soie d’une poche ou fac de toile dans lequel elles ont été mifes pour la cuite ou pour quelque autre opération.
- Disbroder ; c’eft laver la Soie de fa teinture ou de fon eau de favon dans une petite quantité d’eau.
- Disbrodure ; c’eft l’eau dans laquelle on a difbrodé la Soie.
- Disc aller. Les Teinturiers en Soie fe fervent de cette expreffion pour marquer la perte du poids que la Soie fait par la cuite. Ainfi on dit : Telle qualité de Soie dificalle de tant pour cent.
- Dresser la Soie, c’eft féparer les uns d’avec les autres, les fils des écheveaux ou mateaux , & les rendre bien parallèles ; cela fe fait en paffant les mateaux fur une cheville , les tenant tendus, & leur donnant quelques fecouffes avec la main gauche, tandis qu’on en démêle & qu’on en fépare les fils avec la main droite.
- E
- Ecouler la Soie ; c’eft la tordre légèrement fur I’efpart pour en faire fortir la plus grande partie de l’eau dont elle eft humedée,
- Ecresper ; c’eft refouler un mateau de Soie fur lui-même entre les mains pour éventer tous fes brins.
- Empocher , c’eft mettre des cordées de foie dans un grand fac de toile, qu’on nomme poche.
- Esgaliver , c’eft tordre modérément Ôt dix ou douze fois de fuite, un mateau de foie qui a déjà été tordu allez fortement, pour qu’il n’en puiffe plus couler d’eau. Cette manœuvre fert à diftribuer également dans tout le mateau de foie, l’humidité qui lui refte après la forte torfe.
- Espart , pièce de bois cylindrique, fcellée par un bout dans un mur , ou enclavée dans lamortaife d’un poteau 3 ôc terminée par l’au-
- p.84 - vue 95/108
-
-
-
- DE LA TEINTURE EN SOIE,.
- tre bout en une tête arrondie : c eft fur l’ef-part qu’on tord les foies.
- Eventer , c’eft faire prendre l’air*
- F
- Feu. Se dit pour le noir, lorfquon fait chauffer le bain pour y teindre.
- Friser , fe dit du J'aJJranum lavé, dont on divife les mottes, pour le mêler avec la cendre gravelée ou la foude.
- G
- Glacer,glacer. Les Teinturiers difent que la foie Je glace, lorfqu’en la mettant dans la diffolution d’alun, elle fe trouve enduite de petits cryftaux de ce fel.
- I
- Jaune de graine , c’eft un jaune franc, fait avec la gaude feule.
- Jetter bas, c’eft retirer de la chaudière, les poches dans lefquelles on a fait cuire la foie.
- L
- Lasser , fe lâjfer. Les Teinturiers difent que la cuve de bleu Je lajfe, quand, après avoir teint une certaine quantité de foie, elle commence à ne plus donner une couleur auffi belle Ôt aufli pleine.
- Liser la foie , c’eft la tremper dans un bain de teinture ou de toute autre liqueur, de maniéré que les mateaux qui font paffés fur des bâtons qu’on nomme ijoirs , plongent alternativement par l’une ôt l’autre de leurs extrémités dans le bain. Cette manœuvre eonfifte donc à retourner les mateaux du haut en bas.
- Lisoirs, ce font les bâtons fur lefquels on life la foie.
- M
- Maniement. Le maniement de la Soie eft un certain trémouffement, qui fe fait fentir lorfqu on preffe ou qu’on manie, entre les doigts, un écheveau de Soie qui a été imprégnée de quelque acide ou de noix de Galle.
- Mateau, nom qu’on donne à Lyon Ôç dans quelques autres Manufa&ures, à plufieurs écheveaux de Soie réunis enfemble.
- Mettre en cordes, c’eft paffer plufieurs mateaux dans une corde, avec laquelle on les noue enfemble.
- Mettre en testes , c’eft tortiller les mateaux par un de leurs bouts, ce qui leur forme une efpece de tête : cela les empêche de fe mêler.
- Teinture en Soie.
- Mordants,ce font des fels dont on impré-gne les Soies , ou toute autre matière à^eim-dre, pour les difpofer à prendre ôt à retenir la teinture*
- Moredoré , c’eft une couleur rouge-brun $ mêlé de jaune ou plutôt d’orangé.
- N '
- Nacarat , c’eft un rouge vif, qui tient lé milieu entre le cerife & le ponceau.
- Noir pesant, c’eft celui qui s’engalle plus fortement, ôt qu’on paffe trois fois dans lé pied de noir.
- Noir leger , c’eft un noir moins engallé , ôt qu’on ne paffe que deux fois dans le pied de noir.
- P
- Pallier, c’eft remuer un bain avec un rable , pour mêler les drogues qu’il contient.
- Pantime ouPantine, c’eft un certain nombre d’écheveaux de Soie, raffemblés enfemblê pour les teindre.
- Parceau , c’eft le nom que les Teinturiers de Tours donnent à une pantine*
- Passe , la pajfe, c’eft un bâton court, fur lequel on paffe les mateaux de Soie dans là cuve.
- Passe , fe dit au fujet des couleurs , pour lefquelles on eft obligé de paffer plufieurs fois la Soie dans la même teinture , ôt particuliérement du noir pour lequel on eft obligé de paffer deux ou trois fois la Soie dans lé pied de noir ; chacune de ces opérations s’appelle une pajfe.
- Pied , c’eft une première couleur qu’on donne à la Soie, pour en appliquer enfuitô une autre par-deffus, ôt faire par conféquent une couleur compofée.
- Poche , c’eft un gfand fac de toile ouvert dans toute fa longueur, dans lequel on met la Soie pour plufieurs opérations. On ferme cette poche, par le moyen d’une ficelle qu’on paffe dans des œillets pratiqués des deux côtés de fon ouverture, ce qui fait l’effet d’un lacet.
- Ponceau, c’eft un rouge-jâune ou couleur de feu qu’on fait fur la Soie, avec lé faffranum ôt un pied de rocou.
- R
- Rabattre une couleur, c’eft lui faire prendre un ton gris ou noirâtre, par le moyen de la couperofe.
- Rable , c’eft un bâton au bout duquel eft adapté perpendiculairement une palette de bois : cet infiniment fert à pallier les bains.
- Raffraichir, c’eft laver une fécondé fois, ou laver légèrement*
- Y,
- p.85 - vue 96/108
-
-
-
- $5 DE LA TEINTURE EN SOIE.
- Ratine , efpece de rouge couleur de feu de faux teint, quon fait fur la Soie avec le rocou ôt le bois de Bréftl,
- Recruter , c’eft rajouter une nouvelle dofe de drogues dans un bain.
- ReFonchonner , c’eft ajouter de la teinture dans un bain, & y repaffer la Soie.
- Roser , c’eft changer le ton jaune d’une couleur rouge, en une nuance qui tire davantage fur le cramoifi, ou fur le couleur de rofes.
- Rouges-bruns , ce font les nuances foncées & brunes du ctamqifi faux ou de bois de Bréfil, qu’on nomme Amplement rouge,
- Rouir (Je rouir ), fe dit de la couleur jaune de la gaude. Cette couleur eft fujette à fe brunir & à fe roullir en féchant : çeft ce que les Teinturiers appellent fe rouir,
- S
- Soude. Cendres des kalis ou d’autres plantes maritimes, lefquelles cendres contiennent l’alkali minéral ou marin.
- Soude (mettre en), Lorfque les Teinturiers plongent entièrement les mateaux de Soie dans un bain , pour les y laiffer féjour-ner pendant un certain tems, fans les remuer, ils appellent cela mettre la Soie en foude.
- Soufrage. Opération > par laquelle on ex-pofe les Soies à la vapeur du foufre allumé, pour les blanchir.
- T
- Tordre, Tordre les Soies, c’eft engager
- les mateaux Air l’efpart j & par le moyen du chevillon qu’on y palTe, on les tord en effet pour les écouler, les fée fier, Ôt les lujlrer.
- Trancher (faire trancher), c’eft faire prendre différentes nuances par dégradations , par le moyen d’un même ingrédient.
- Tuiler, fe dit d’une teinture qui tire fur la couleur des tuiles ou des briques,
- V
- Veiller, fe dit des Soies, dont une partie n’eft point fubmergée dans le bain.
- Venir ou revenir , fe dit de la cuve qui devient propre à teindre.
- Vergue. Mettre au vergue ou fur le ver-gue, c’eft mettre des Soies qui ont déjà été paffées dans le pied de noir , fur une perche pour les éventer, & les repaffer enfuite dans le noir.
- Violet fin. C’eft un violet dans lequel on emploie la cochenille.
- Violet faux, font tous ceux dont le rouge n’eft pas fourni "par la cochenille.
- Violet de Hollande, C’eft un violet foncé , tirant fur le bleu.
- Violet d’Evesque. C’eft un violet qui tire fur le rouge.
- Virer , c’eft faire tourner une teinture d’un jaune-rouge, à un rouge plus décidé : cela fe dit finguliérement de la couleur rouge du faffranum,
- Volter. C’eft tortiller ou rouler des ma* teaux fur eux-mêmes.
- Fin de F Art de la Teinture en Sqie.
- - ^
- *
- /
- p.86 - vue 97/108
-
-
-
- T'eut iare en Sot <2 .
- \j'«»
- pl.1 - vue 98/108
-
-
-
- p.n.n. - vue 99/108
-
-
-
- pl.2 - vue 100/108
-
-
-
- i
- -1
- i
- • -, •' *v"
- \
- ", '
- >?.
- c-
- )
- C
- ,,
- 1
- p.n.n. - vue 101/108
-
-
-
- ^ rrifC «
- nnd\;
- r?TOJ' 'U9- 3<mfW3£
- pl.3 - vue 102/108
-
-
-
- r
- A
- : >
- / “
- /
- -I'
- 1
- -r
- «
- . v
- ^ ^
- p.n.n. - vue 103/108
-
-
-
- PUT
- Tetn-tune en Soie .
- C
- il
- Pvede.
- (
- pl.4 - vue 104/108
-
-
-
- p.n.n. - vue 105/108
-
-
-
- pl.5 - vue 106/108
-
-
-
- J
- *
- V
- /•
- X: '
- €
- -Ÿ • -
- 4
- %
- . »
- -’+U'v
- 4.
- p.n.n. - vue 107/108
-
-
-
- Teinture en eroie
- Pin.
- Patte
- pl.6 - vue 108/108
-
-