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Daguerréotypie. Franches explications sur l'emploi de sa liqueur invariable, sur les moyens qu'il met en usage pour en obtenir le maximum de sensibilité... Précédées d'une : Histoire abrégée de la photographie
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- LYON. — IMPRIMERIE DE MOUGIN-MJSAND ,
- Halles de la Grenette.
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- MAI 1847
- RAGUERRÉOTYPIE
- „ . T HIERRY .
- FRANCHES EXPLICATIONS
- sur l’emploi de sa liqueur invariable,
- SUR LES MOYENS QU'lL MET EN USAGE POUR EN OBTENIR LE MAXIMUM DE SENSIBILITÉ ET EN RETIRER LES AVANTAGES DE TRANSPARENCE , DE VIGUEUR ET DE COLORIS, CACHET PARTICULIER ^E SES ÉPREUVES \
- Précédées d’une
- Histoire générale abrégée de la Photographie.
- PARIS,
- LEREBOUR8 ET SECRETAN,
- Opticiens de l’Observatoire.
- LYON,
- chez l’auteur.
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- Au fur et à mesure que les nombreux ouvrages sur la Photographie ont paru, nous les avons parcourus avec empressement, pensant, dans chacun d’eux, y trouver une histoire de la science, ne fût-ce qu’abrégée; notre attente a toujours été trompée.
- C’est cependant, à notre avis, une connaissance rigoureuse à acquérir. Quand on voit quels prodiges opère une découverte, n’est-il pas du plus grand intérêt de
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- savoir quelle fut l’idée mère, la première idée? quels furent sa marche et ses développements?
- Depuis longtemps nous recueillions des documents, afin de pouvoir suivre, dans notre imagination du moins, la course ascendante de la Photographie. Nous n’avions point la pensée d’être jamais appelé à les publier, pensant que dans les dernières circonstances de son extension (août 1839) d’autres, à même d’être mieux informés que nous, devaient le faire. Mais aujourd’hui, un hasard heureux nous ayant mis en relation avec une personne munie de documents précieux , qui de plus a eu l’honneur d’assister à sa dernière et concluante éclosion, nous nous sommes déterminé à augmenter notre brochure de cet appendice indispensable, pour compléter les conaissances générales que tout artiste doit avoir sur un art qu’il professe , surtout quand il en est enthousiaste. Nous réclamons l’indulgence générale pour cet essai. Si quelques lacunes existaient dans le rapide tracé que nous allons faire, ce serait parce que ces circonstances nous sont inconnues. Nous ne publions ce qui est arrivé à notre connaissance, nous le répétons, que parce que ces détails nous semblent neufs, et que d'autres n’ont point réuni les pièces authentiques et fondamentales de la découverte. Si nous en avons omis quelques-unes en les consignant, les rectifications qui y seront faites, comme à ce que nous avançons, compléteront l’histoire de laPho-
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- tographie ; mais nous aurons au moins le plaisir, eu prenant l’initiative, d’avoir fait établir un corps de documents qui manquaient aux Photographies , comme aux personnes qui s’intéressent au passé et à l’avenir de cette noble science.
- Nous commençons donc :
- L’histoire nous a transmis le nom de l'inventeur du dessin ; pour conserver les traits d’un visage ami, il s’avisa de mettre la nature de moitié dans son travail, et de tracer ce visage sur l’ombre que le soleil en avait profilé sur un mur. Dans ce fait il y a le germe de la chambre obscure; mais, pour arriver à son. emploi, il va falloir franchir plus de vingt siècles.
- Vers le XVe siècle de notre ère , un bénédictin du nom deGapnutio, et Léonard de Yinci, le doyen des peintres de la Renaissance, observent chacun de leur côté un phénomène encore inaperçu, ou auquel probablement on n’avait pas cru devoir donner une attention sérieuse :
- « Si l’on perce un très petit trou dans le volet d’une chambre bien close, tous les objets extérieurs dont le rayon peut atteindre le trou, vont se peindre sur le mur de la chambre qui lui fait face avec les dimensions réduites ou agrandies selon les distances, avec des forme
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- et des situations relatives exactes, entin avec les couleurs naturelles. »
- Peu après, Jean-Baptiste Porta est amené à faire la même remarque ; de plus, il découvre que le trou peut avoir une grandeur quelconque, pourvu qu’on le couvre d’un verre lenticulaire. Sur ces données, il construit des chambres noires portatives, destinées aux personnes peu familiarisées avec le dessin, à l’œil peu exercé, dont la main inhabile tracera, par un simple calque, les vues les plus minutieuses, les perspectives les plus compliquées.
- Inventée à une époque où celte partie de la science qu’on nomme optique était encore dans l’enfance, la chambre noire de Porta devait être très imparfaite; aussi a-t-elle subi une foule de modifications, lesquelles ont pour objet d’augmenter le champ de l’image, de lui donner plus de vigueur, plus de fidélité, et finalement plus de netteté.
- La chambre noire devient un œil artificiel, et plus nous approfondissons la structure et le mécanisme de l’œil, nous voyons cette imitation de l’organe de la vue devenir de plus en plus précise. De même que l’œil s’accoutume aux distances, soit qu’il varie de longueur suivant son axe, soit qu’il change de courbure, soit que le cristallin subisse un mouvement de translation qui l’éloigne ou l’approche de la rétine; de même aussi, à l’aide d’un mécanisme particulier, les différents plans des objets réfractés
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- sur l’écran de la chambre noire viennent tous se peindre avec netteté aux yeux de l’observateur. Dans tout le champ de la vision que l’œil embrasse on n’aperçoit aucune aberration de sphéricité; à la chambre noire, pour arriver aux <T mêmes résultats , on applique des verres d’une nouvelle courbure, à la lentille bi-convexe on substitue une lentille ménisque et périscopique. Notre œil ne nous montre pas les images renversées; dans l’instrument du physicien napolitain elles sont bientôt redressées, soit à l’aide d’une glace parallèle, soit à l’aide d’un prisme qui les réfracte et les redresse en même temps. La pupille de l’œil est un diaphragme d’une exquise sensibilité, elle s’épanouit ou se contracte en raison inverse de l’intensité des rayons lumineux qui la frappent; dans le même but, on place en face de l’objectif des diaphragmes qui lui servent de pupilles , et qui, aux dépens d’un peu de clarté, empêchent le vague de l’image résultant d’une lumière trop abondante. Enfin, les différents milieux qu’elle traverse dans l’œil, sont doués d’un pouvoir dis-persif plus ou moins grand, suivant que la courbe est plus forte; pour que la chambre noire ne laisse rien à désirer à cet égard, on invente les lentilles achromatiques qui réunissent au même foyer les rayons de réfrangibilité différents. Mais, malgré tous ces perfectionnements, la chambre noire, en dépit des prévisions de Porta, reste toujours d’une utilité fort restreinte, et se trouve relé-
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- guée dans le cabinet du Physicien, d’où on ne la sort que comme objet de curiosité.
- C’est alors que MM. Niepce et Daguerre , chacun isolément , s’emparent de cet instrument avec la pensée audacieuse de forcer la lumière à se fixer sur l’écran focal, et à y laisser les images qu’elle trace d’une manière si merveilleuse mais si fugitive: cette pensée audacieuse, ils la réalisent ! mais avec des procédés bien différents, comme nous le verrons plus tard.
- Mais laissons M. Àrago ( dans son célèbre rapport à la Chambre des Députés) nous raconter les précédents de la Photographie bien mieux que nous ne pourrions jamais espérer de le faire ; nous allons le laisser parler :
- « Les alchimistes réussirent jadis à unir l’argent à l’a-
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- eide marin; le produit de celle combinaison était un sel blanc qu’ils appelèrent lune ou argent corné. Ce sel jouit de la propriété remarquable de noircir à la lumière et de noircir d’autant plus vite que les rayons qui le frappent sont plus vifs. Couvrez une feuille de papier d’une couche d’argent corné ou, comme on le dit aujourd’hui, d’une couche de chlorure d’argent; formez sur cette couche ,'à l’aide d’une lentille , l'image d’un objet ; les parties obs-
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- cures de l’image et sur lesquelles ne frappe aucune lumière resteront blanches, tandis que les parties fortement éclairées deviendront complètement noires ; les demi-teintes seront représentées par des gris plus ou moins foncés.
- " Placez une gravure sur du papier enduit de chlorure d’argent et exposez le tout à la lumière solaire , la gra-v«re en-dessus. Les tailles remplies de noir arrêteront les rayons ; les parties correspondantes de l’enduit, celles rçue ces tailles touchent et recouvrent, conserveront leur blancheur primitive. Là , au contraire, où l’eau forte, te burin n’ont pas agi, là où le papier a conservé sa demi-diaphanéitê, la lumière solaire passera et ira noircir la couche saline. Le résultat nécessaire de l’opération sera donc une image semblable à la gravure par la forme, ttais inverse quant aux teintes : le blanc s’y trouvera donc coproduit en noir et réciproquement.
- « Ces applications de la si curieuse propriété du chlorure d’argent, découverte par les anciens alchimistes , sembleraient devoir s’être présentées d’elles-mêmes et de bonne heure ; mais ce n’est pas ainsi que procède l’es-Prit humain. Il nous faut descendre jusqu’aux premières années du XIXe siècle pour trouver les premières traces de l’art photographique.
- « Alors, Charles, notre compatriote , se sert, dans ses cours, d’un papier enduit pour engendrer des silhouet-
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- tes à l’aide de l’action lumineuse. Charles est mort sans décrire la préparation dont il faisait usage ; et comme, sous peine de tomber dans la plus inextricable confusion , l’historien des sciences ne doit s’appuyer que sur des documents imprimés , authentiques, il est de toute justice de faire remonter les linéaments du nouvel art à un mémoire de Wedgwood, ce fabricant si célèbre dans le monde industriel par le perfectionnement des poteries et par l’invention d’un pyromètre destiné à mesurer les plus hautes températures.
- « Le mémoire de Wedgwood parut en 1802, dans le N° de juin du journal Of the royal Institution of Gréai Bri-tain. L’auteur veut, soit à l’aide de peaux, soit avec des papiers enduits de chlorure ou de nitrate d’argent , copier les peintures des vitraux des églises, copier des gravures. « Les images de la chambre obscure (nous « rapportons fidèlement un passage du mémoire), il les « trouve trop faibles pour produire , dans un temps « modéré , de l’effet sur du nitrate d’argent. » (The images formed by means of a caméra obscura , hâve been fourni lo be too faint to produce, in any moderale time , an effect upon the nitrate of silver.)
- « Le commentateur de Wedgwood, l’illustre Humphry Davy , ne contredit pas l’assertion relative aux images delà chambre obscure. Il ajoute seulement, quant à lui, qu’il est parvenu à copier de très petits objets au mi-
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- croscope solaire, mais seulement à une courte distance de la lentille.
- « Au reste, ni Wedgwood, ni sir Humphry Davy ne trouèrent le moyen, l’opération une fois terminée, d’enlever à leur enduit (qu’on nous passe l’expression) , d’enlever à la toile de leurs tableaux la propriété de se noircir a la lumière. Il en résultait que les copies qu’ils avaient obtenues ne pouvaient être examinées au grand jour ; car, au grand jour, tout, en très peu de temps, y sc-rait devenu d’un noir uniforme. Qu’était-ce , en vérité , lu’engendrer des images sur lesquelles on ne pouvait jeter un coup d’œil qu’à la dérobée, et même seulement à la lumière d’une lampe, qui disparaissaient en peu d'instants si on les examinait au jour?
- Cf Après les essais imparfaits , insignifiants , dont nous venons de donner l’analyse , nous arriverons , sans rencontrer sur notre route aucun intermédiaire, aux recherches de MM. Niepce etDaguerre.
- « Feu M. Niepce était un propriétaire retiré dans les environs de Chalon-sur-Saône. Il consacrait ses loisirs n des recherches scientifiques. Une d’elles, concernant certaine machine où la force élastique de l’air, brusquement échauffé, devait remplacer l’action de la vapeur, subit, avec assez de succès, une épreuve fort délicate: l’examen de l’Académie des sciences. Les recherches photographiques de M. Niepce paraissent remonter jusqu’à
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- l’année 1814. Ses premières relations avec M. Daguerre sont du mois de janvier 1826. L’indiscrétion d’un opticien de Paris lui apprit alors que M. Daguerre était occupé d’expériences ayant aussi pour but de fixer les images de la chambre obscure. Ces faits sont consignés dans des lettres que nous avons eues sous les yeux. En cas de contestation, la date certaine des premiers travaux photographiques de M. Daguerre serait donc l’année 1826.
- « M. Niepce se rendit en Angleterre en 1827. Dans le mois de décembre de cette même année, il présenta un mémoire sur ses travaux photographiques à la Société royale de Londres. Le mémoire ôtait accompagné de plusieurs échantillons sur métal, produit des méthodes déjà découvertes alors par notre compatriote. A l’occasion d’une réclamation de priorité, ces échantillons, encore en bon état, sont loyalement sortis naguère des collections de divers savants anglais. Ils prouvent sans réplique que, pour la copie photographique des gravures, que pour la formation, à l’usage des graveurs., de planches à l’état d’ébauches avancées, M. Niepce connaissait, en 1827, le moyen de faire correspondre les ombres aux ombres, les demi-teintes aux demi-teintes, les clairs aux clairs; qu’il savait, de plus, ses copies une fois engendrées, les rendre insensibles à l’action ultérieure et noircissante des rayons solaires. En d’autres termes, par le choix de
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- scs enduits, l’ingénieux expérimentateur de Châlon réélut, dès 1827 , un problème qui avait défié la haute Sagacitéd’un Wedgwood, d’un Humphry Davy.
- «L’acte d’association (enregistré) deMM. Niepce et Daguerre, pour l’exploitation en commun des méthodes Photographiques, est du 14 décembre 1829. Les actes Postérieurs passés entre M. Isidore Niepce fils, comme héritier de son père, et M. Daguerre , font mention, premièrement, de perfectionnements apportés par le Peintre de Paris aux méthodes du physicien de Châlon ; en second lieu, de procédés entièrement neufs , découverts par M. Daguerre , et doués de l’avantage (ce sont les propres expressions d’un des actes) « de reproduire « les images avec soixante ou quatre-vingts fois plus de « promptitude » que par les procédés anciens.
- « Ceci servira à expliquer diverses clauses du contrat (passé entre M. le ministre de l’intérieur d’une part, MM. Daguerre et Niepce fils de l’autre), qui est annexé au projet de loi.
- « Dans ce que nous disions tout à l’heure des travaux de M. Niepce, on aura sans doute remarqué ces mots restrictifs : pour la copie photographique des gravures. L’est qu’en effet, après une multitude d’essais infructueux, M. Niepce avait, lui aussi, à peu près renoncé à reproduire les images de la chambre obscure ; c’est nue les préparations dont il faisait usage ne noircissaient
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- pas assez vite sous l’action lumineuse ; c’est qu’il lui fallait dix à douze heures pour engendrer un dessin; c’est que , pendant de si longs intervalles de temps , les ombres portées se déplaçaient beaucoup; c’est qu’elles passaient de la gauche à la droite des objets ; c’est que ce mouvement, partout où il s’opérait, donnait naissance à des teintes plates, uniformes; c’est que, dans les produits d’une méthode aussi défectueuse , tous les effets résultant des contrastes d’ombre et de lumière étaient perdus; c’est que, malgré ses immenses inconvénients, on n’était pas meme toujours sûr de réussir; c’est qu’aprés des précautions infinies, des causes insaisissables, fortuites, faisaient qu’on avait tantôt un résultat passable, tantôt une image incomplète, ou qui laissait çà et là de larges lacunes ; c’est, enfin, qu’exposés aux rayons solaires, les enduits sur lesquels les images se dessinaient, s’ils ne noircissaient pas, se divisaient, se séparaient par petites écailles.
- « Il y avait loin, cependant, du procédé de M. Niepce à celui qu’allait découvrir M. Daguerre.
- « À l’aide d’un tampon M. Niepce faisait dissoudre du bitume sec de Judée dans de l’huile de lavande. Le résultat de cette évaporation était un vernis épais que le physicien de Châlon appliquait par tamponnement sur une lame métallique polie: par exemple, sur du cuivre plaqué, ou recouvert d’une lame d’argent.
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- « La plaque, après avoir été soumise à une douce clia-ieur, restait couverte d’une couche adhérente el blan-cliâtre : c’était le bitume en poudre.
- « La planche ainsi recouverte était placée au foyer de ^ chambre noire. Au bout d’un certain temps on apercevait sur la poudre de faibles linéaments de l’image.
- « M. Niepce eut la pensée ingénieuse que ces traits, peu perceptibles, pourraient être renforcés. En effet, en Plongeant sa plaque dans un mélange d’huile de lavande et de pétrole, il reconnut que les régions de l’enduit, qui avaient été exposées à la lumière, restaient presque intactes, tandis que les autres se dissolvaient rapidement et laissaient ensuite le métal à nu. Après avoir lavé la plaque avec de l’eau , ou avait donc l’image formée dans la chambre noire, les clairs correspondant aux clairs el ies ombres aux ombres. Les clairs étaient formés par la lumière diffuse, provenant de la matière blanchâtre et non polie du bitume ; les ombres, par les parties polies et dénudées du miroir: à la condition, bien entendu, que ces parties se miraient dans des objets sombres; à la condition qu’on les plaçait dans une telle position qu’elles ne pussent pas envoyer spéculairement vers l’œil quelque lumière un peu vive.
- « Les demi-teintes, quand elles existaient, pouvaient résulter de la partie du vernis qu’une pénétration partielle
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- du dissolvant avait rendue moins male que les régions restées intactes.
- « Le bitume de Judée réduit en poudre impalpable n’a pas une teinte blanche bien prononcée. On serait plus près de la vérité en disant qu’il est gris. Le contraste entre les clairs et les ombres, dans les dessins de M. Niepce, était donc très peu marqué. Pour ajouter à l’effet, l’auteur avait songé à noircir après coup les parties nues du métal, à les faire attaquer soit par le sulfure de potasse , soit par l’iode ; mais il paraît n’avoir pas songé que cette dernière substance, exposée à la lumière du jour, aurait éprouvé des changements continuels. En tout cas, on voit que M. Niepce ne prétendait pas se servir d’iode comme substance h. sensitive; qu’il ne voulait l’appliquer qu’à titre de substance noircissante , et seulement après la formation de l’image dans la chambre noire ; après le renforcement ou , si on l’aime mieux, après le dégagement de cette image par l’action du dissolvant. Dans une pareille opération que seraient devenues les demi-teintes ?
- « Au nombre des principaux inconvénients de la méthode de M. Niepce , il faut ranger cette circonstance qu’un dissolvant trop fort enlevait quelquefois !e vernis par places, à peu près en totalité, et qu’un dissolvant trop faible ne dégageait pas suffisamment l’image. La réussite n’était jamais assurée.
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- * M. Daguerre imagina une méthode qu’on appela la méthode Niepce perfectionnée. Il substitua d’abord le résidu de la distillation de l’huile de lavande au bitume, à cause de sa plus grande blancheur et de sa plus grande sensibilité. Ce résidu était dissous dans l’alcool ou dans l’éther. Le liquide déposé ensuite en une couche très mince et horizontale sur le métal y laissait, en s’évaporant, un enduit pulvérulent uniforme, résultat qu’on n’obtenait pas par tamponnement.
- « Après l’exposition de la plaqiie * ainsi préparée > au foyer de la chambre noire , M. Daguerre la plaçait horizontalement et à distance au-dessus d’un vase contenant une huile essentielle à la température ordinaire. Dans cette opération, renfermée entre des limites convenables et qu’un simple coup d’œil, au reste, permettait d’apprécier :
- « La vapeur provenant de l’huile laissait intactes les particules de l’enduit pulvérulent qui avaient reçu l’action d’une vive lumière ;
- « Elle pénétrait partiellement, et plus ou moins , les régions du même enduit qui, dans la chambre noire , correspondaient aux demi-teintes ;
- « Les parties restées dans l’ombre étaient, elles, pénétrées entièrement.
- « Ici le métal ne se montrait à nu dans aucune des parties du dessin ; ici les clairs étaient formés par une agglo-
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- mération (l’une multitude de particules blanches et très-mates ; les demi-teintes par des particules également condensées, mais dont la vapeur avait plus ou moins affaibli la blancheur et le mat ; les ombres par des particules , toujours en même nombre, et devenues entièrement diaphanes.
- « Plus d’éclat, une plus grande variété de tons, plus de régularité , la certitude de réussir dans la manipulation, de ne jamais emporter aucune portion de l’image , tels étaient les avantages de la méthode modifiée de M. Da-guerre , sur celle de M. Niepce ; malheureusement le résidu de l’huile de lavande , quoique plus sensible à l’action de la lumière que le bitume de Judée, est encore assez paresseux pour que les dessins ne commencent à y poindre qu’après un temps fort long.
- « Dire, à partir de ce point, comment M. Daguerre, en cherchant de nouvelles voies à la Photographie, fut amené à essayer l’évaporation de l’iode sur le plaqué d’argent ; comment il est arrivé à reconnaître la teinte qui était le plus sensible à la lumière ; comment il a pressenti que sous cette couche , retirée intacte de la chambre noire , l’image se trouvait déjà tracée dans une perfection de détails et d’ensemble qui n’avait jamais existé dans les méthodes que nous connaissons et que nous venons de décrire telles qu’elles ont été publiées dans le temps ; comment enfin il a trouvé que la vapeur mercurielle était
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- le réactif le plus puissant pour faire ressortir cette image, ce serait chose impossible , car ce serait faire , jour par jour, l’histoire des neuf années d’essais, mutuels il est vrai, mais dont la réussite lui est due; essais encourageants quelquefois , infructueux souvent, pénibles et dispendieux toujours. »
- La correspondance de M. Niepce avec M. Daguerre a été publiée à la même époque; mais comme il y a déjà longtemps , afin de faire suivre à mes lecteurs la marche des nombreux essais qu’ils ont réciproquement faits, je crois leur être agréable en les réunissant ici :
- Sainl-Loup-de-Vareinie, le 21 juin 1831.
- Monsieur et cher Associé ,
- J’attendais depuis longtemps de vos nouvelles avec trop d’impatience pour ne pas recevoir et lire avec le plus grand plaisir vos lettres des 10 et 21 mai dernier. Je me bornerai, pour le moment, à répondre à celle du 21, parce que, m’étant occupé, dès qu’elle me fut parvenue, de vos rerJier-clies sur Viode, je suis pressé de vous faire part des résultats que j’ai obtenus. Je m’étais déjà livré à ces mêmes recherches antérieurement à nos relations , mais sans espoir de succès, vu la presqu’impossibilité, selon moi, de fixer, d’une manière durable, les images reçues, quand bien même on parviendrait à replacer les jours et les ombres dans leur ordre naturel. Mes résultats à cet égard,
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- avaient été totalement conformes à ceux que m’avait tournis l’emploi de l’oxide d’argent; et la promptitude était le seul avantage réel que ces deux substances parussent offrir. Cependant, Monsieur, l’an passé, après votre départ d’ici, je soumis l’iode à de nouveaux essais, mais d’après un autre mode d’application ; je vous en lis connaître les résultats, et votre réponse, peu satisfaisante, me décida à ne pas pousser plus loin mes recherches. 11 paraît que depuis vous avez envisagé la question sous un point de vue moins désespérant, et je n’ai pas dû hésiter de répondre <! l’appel qjue vous m’avez fait, etc.
- Signé : J.-N. Niepce.
- Saint-Loup-dc-Varenncs. le 8 Novembre 1831.
- Monsieur et cher Associé,
- •................ . . Conformément à ma lettre du
- 24 juin dernier, en réponse à la vôtre du 21 mai, j’ai fait une longue suite de recherches sur l’iode mis en contact avec l’argent poli, sans toutefois parvenir au résultat que me faisait espérer le désoxidant. J’ai eu beau varier mes procédés et les combiner d’une foule de manières, je n’en ai pas été plus heureux pour cela. J’ai reconnu, en définitif, l’impossibilité, selon moi du moins, de ramener à son état naturel l’ordre interverti des teintes, et surtout d’obtenir autre chose qu’une image fugace des objets. Au reste, Monsieur, ce non-sucçès est absolument conforme à ce que nies recherches sur les oxides métalliques m’avaient fourni bien antérieurement, ce qui m’avait décidé à les abandonner? Enfin, j’ai voulu mettre l’iode en contact avec la planche d’étain; ce procédé, d’abord, m’avait semblé de
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- bon augure. J’avais remarqué avec surprise, mais une seule fois, en opérant dans la chamhre noire, que la lumière agissait en sens inverse sur l’iode, de sorte que les teintes oo, pour mieux dire, les jours et les ombres se trouvaient dans leur ordre naturel. Je ne sais comment et pourquoi cet effet a eu lieu sans que j’aie pu parvenir à le reproduire, en procédant de la même manière. Mais ce mode d’application, quant à la fixité de l’image obtenue, n’en aurait pas été moins défectueux. Aussi, après quelques autres tentatives, en suis-je resté là, regrettant bien vivement, je l’avoue, d’avoir fait fausse route pendant si longtemps, et, qui pis est, si inutilement, etc., etc.
- Signé: J.-N. Niepce.
- Saint-Loup-de-Varennes, le 29 janvier 1832.
- Monsieur et cher Associé,
- ...................Aux substances qui, d’après votre
- lettre, agissent sur l’argent comme l’iode, vous pouvez, Monsieur, ajouter le tblaspi en décoction, les émanations du phosphore et surtout de sulfure; car c’est principalement à leur présence dans ces corps qu’est due la similitude des résultats obtenus. J’ai aussi remarqué que le calorique produisait le même effet par l’oxidation du métal d’où pro venait, dans tous les cas, cette grande sensibilité à la lumière; mais ceci, malheureusement, n’avance en rien la solution de la question qui vous occupe. Quant à moi, je ne me sers plus de l’iode, dans mes expériences, que comme terme de comparaison de la promptitude relative de leurs résultats. 11 est vrai que depuis deux mois le temps a été si
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- défavorable; que je n’ai pu faire grand’chose. Au sujet de l'iode ,je vous prierai, Monsieur, de me dire d'abord : Commentvous l’employez ? si c’est sous forme concrète ou en étal de solution dans-un liquide? parce que, dans ces deux cas, l’évaporation pourrait bien ne pas agir de la même manière sous le rapport de la promptitude, etc., etc.
- Si y né : J.-N. JNihi’ck.
- Saint-Loup-de-Vavemies, le 3 mars 1832-
- .Mon cher Associé ,
- .......................Depuis ma dernière lettre, je me
- suis , à peu de choses près, borné à de nouvelles recherches sur l’iode, qui ne m’ont rien procuré de satisfaisant, et que je n’avais reprises que parce que vous paraissiez y attacher une certaine importance , et que, d’un autre côté, j’étais bien aise de me rendre mieux raison de l’application de l’iode sur la planche d’étain. Mais, je le répète, Monsieur, je ne vois pas que l’on puisse se flatter de tirer parti de ce procédé, pas plus que de tous ceux qui tiennent à l’emploi des oxides métalliques, etc., etc.
- Signé : .1. - N. N i k i>c e .
- bux, le 1er novembre 1857.
- Mon cher Daguerre ,
- .....................Vous aurez sans doute , mon
- cher ami, été plus heureux que moi, et très probablement votre portefeuille est garni des plus belles épreuves ! Quelle différence aussi entre le procédé que vous employez, et celui
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- sur lequel j’ai travaillé î... Tandis qu’il me fallait presqu’une journée pour faire une épreuve, vous, il vous faut 4-minutes. Quel avantage énorme !... Il est si grand, que bien certainement personne , en connaissant les deux procédés, ne voudrait employer l’ancien.
- Ce motif fait aussi que j’éprouve moins de peine du peu de succès que j’ai obtenu, parce que, bien que ce procédé puisse être décrit comme étant le résultat du travail de mon père, auquel vous avez également concouru, il est certain qu’il ne peut devenir l’objet exclusif d’une souscription. Ainsi, je pense qu’on peut se borner à le mentionner pour faire connaître les deux procédés, dont le vôtre seul doit obtenir la préférence, etc, etc.
- Si fine : Isidore Niepce fils.
- On vient de voir, par la correspondance de M. Niepce, que M. Daguerre lui a indiqué les effets de la lumière sur l’iode mis en contact avec l’argent dans une lettre datée du 21 mai 1831, dontM. Niepce a accusé réception le 24 juin suivant. Dans cette lettre, M. Daguerre engageait M. Niepce à s’occuper de ce nouveau moyen : M. Niepce s’en occupa effectivement à plusieurs reprises , et toujours d’après les instances de M. Daguerre. Mais le travail de M. Niepce avait toujours été sans succès; il regrettait meme le temps que M. Daguerre lui faisait passer sur ce procédé qu’il regardait comme impossible. Il est vrai qu’à cette époque il restait à résoudre les deux problèmes les plus importants : le premier était d’obtenir les clairs dans leur étal naturel ; le second consistait h
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- trouver le moyen de fixer les images. Ces deux problèmes, M. Daguerre les a complètement résolus depuis par l’emploi du mercure.
- M. Niepce est mort le 5 juillet 1833.
- Le 13 juin 1837 il a été passé un acte définitif entre M. Daguerre et M. Isidore Niepce fils, comme héritier de M. Josepli-Nicéphore Niepce , par lequel acte M. Isidore Niepce reconnaît que M. Daguerre lui a démontré son nouveau procédé. Il est aussi spécifié dans cet acte que le procédé portera le nom seul de M. Daguerre , comme en étant etïectivement le seul inventeur.
- A peine M. Daguerre publia-t-il son admirable procédé, et fit-il connaître en même tempsles merveilleux résultats qu’il en avait obtenus, qu’un enthousiasme universel se déclara si rapidement surtout, qu’il restera à jamais comme une époque mémorable dans les annales de l’esprit humain. Sa découverte était tellement inattendue , tellement magique au sortir de ses mains, qu’elle occupa tout d’abord les cent bouches de la renommée et que le nom de Daguerre devint le nom le plus européen de l’époque. Aussi prenant l’initiative, M. le Ministre de l’Intérieur présenta-t-il à la Chambre des Députés un exposé des motifs avec projet de loi tendant à ce que le Gouvernement rémunérât suffisamment les inventeurs (Niepce fils et Daguerre en vertu de leur traité), afin que le procédé devînt public. Nous le citons pour appuyer notre
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- assertion et pour donner un échantillon de la lièvre générale qui s’était emparée de tous les esprits * et (chose remarquable dont on ne peut guère citer d’exemple) fièvre qui n’a décru depuis que chez les ignorants et les Mystifiés! Voici ce rapport que nous transcrivons textuellement, il servira d’exposition à celui de M. Àrago à la Chambre des Députés, que nous citerons ensuite pour concourir à affirmer ce que nous avançons :
- Séanck du 15 Juin 1839.
- « Nous croyons aller au-devant des vœux de la Chambre en vous proposant d’acquérir , au nom de l’Etat, la propriété d’une découverte aussi utile qu’inespérée , et qu’il importe , dans l’intérêt des sciences et des arts, de pouvoir livrera la publicité.
- « Vous savez tous, et quelques-uns d’entre vous ont déjà pu s’en convaincre par eux-mêmes, qu’aprés quinze ans de recherches persévérantes et dispendieuses, M. Da-guerre est parvenu à fixer les images de la chambre obscure et à créer ainsi, en quatre ou cinq minutes . par la puissance de la lumière , des dessins où les objets conservent mathématiquement leurs formes jusque dans leurs plus petits détails , où les effets de la perspective linéaire, et la dégradation des tons provenant de la perspective aérienne , sont accusés avec une délicatesse in-ponnue jusqu’ici.
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- « Nous n’avons pas besoin d’insister sur l’ulililé d’une semblable invention. On comprend quelles ressources, quelles facilités toutes nouvelles elle doit offrir pour l’étude des sciences; et quant aux arts, les services qu’elle peut leur rendre ne sauraient se calculer.
- « Il y aura pour les dessinateurs et pour les peintres , môme les plus habiles , un sujet constant d’observations dans ces reproductions si parfaites de la nature. D’un autre côté , ce procédé leur olîrira un moyen prompt et facile de former des collections d’études qu’ils ne pourraient se procurer, en les faisant eux-mêmes , qu’avec beaucoup de temps et de peine, et d’une manière bien moins parfaite.
- « L’art du graveur, appelé à multiplier, en les reproduisant, ces images calquées sur la nature elle-même , prendra un nouveau degré d’importance et d’intérêt.
- « Enfin , pour le voyageur, pour l’archéologue , aussi bien que pour le naturaliste, l’appareil de M. Daguerre deviendra d’un usage continuel et indispensable. Il leur permettra de fixer leurs souvenirs sans recourir à la main d’un étranger. Chaque auteur désormais composera la partie géographique de ses ouvrages : en s’arrêtant quelques instants devant le monument le plus compliqué , devant le site le plus étendu, il en obtiendra sur-le-champ un véritable fac similc.
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- « Malheureusement pour les auteurs de cette belle découverte, il leur est impossible d’en faire un objet •l’industrie, et de s’indemniser des sacrifices que leur °nt imposés tant d’essais si longtemps infructueux. Leur mvenlion n’est pas susceptible d’être protégée par un brevet. Dès qu’elle sera connue, chacun pourra s’cn servir. Le plus maladroit fera des dessins aussi exactement qu’un artiste exercé. Il faut donc nécessairement que ce procédé appartienne à tout le monde ou qu’il reste inconnu. Et quels justes regrets n’exprimeraient Pas tous les amis de l’art et de la science, si un tel secret devait demeurer impénétrable au public, s’il devait se perdre et mourir avec ses inventeurs.
- « Dans une circonstance aussi exceptionnelle , il appartient au Gouvernement d’intervenir. C’est à lui de mettre la société en possession de la découverte dont elle demande à jouir dans un intérêt général, sauf à donner aux auteurs de cette découverte le prix ou plutôt la récompense de leur invention.
- « Tels sont les motifs qui nous ont déterminé à conclure avec MM. Daguerre et Niepce une convention provisoire, dont le projet de loi que nous avons l’honneur de vous soumettre a pour objet de vous demander la sanction.
- « Avant de vous faire connaître les bases de ce traité, quelques détails sont nécessaires.
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- « La possibilité de fixer passagèrement les images (lé la chambre obscure était connue dès le siècle dernier ; mais cette découverte ne promettait aucun résultat utile, puisque la substance sur laquelle les rayons solaires des-sinaient les images n’avait pas la propriété de les conserver , et qu’elle devenait complètement noire aussitôt qu’on l’exposait à la lumière du jour.
- « M. Niepee père inventa un moyen de rendre ces images permanentes. Mais, bien qu’il eût résolu ce pro-blême difficile, son invention n’en restait pas moins encore très imparfaite. Il n’obtenait que la silhouette des objets, et il lui fallait au moins douze heures pour exécuter le moindre dessin.
- « C’est en suivant des voies entièrement différentes, et en mettant de côté les traditions de M. Niepee , que M. Daguerre est parvenu aux résultats admirables dont nous sommes aujourd’hui témoins , c’est-à-dire l’extrême promptitude de l’opération, et à la reproduction de la perspective aérienne et de tout le jeu des ombres et des clairs. La méthode de M. Daguerre lui est propre, elle n'appartient qu’à lui et se distingue de celle de son prédécesseur , aussi bien dans sa cause que dans ses effets.
- Toutefois, comme avant la mort de M. Niepee père il avait été passé entre lui et M. Daguerre un traité par lequel ils s’engageaient mutuellement à partager tous les avantages qu’ils pourraientrecueillirde leurs découvertes,
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- comme cette stipulation a été étendue à M. Niepce fils, >• serait impossible aujourd’hui de traiter isolément avec Daguerre, même du procédé qu’il a non seulement. Perfectionné , mais inventé. Il ne faut pas oublier , d’ailleurs, que la méthode de M. Niepce, bien qu’eile soit demeurée imparfaite, serait peut-être susceptible de recevoir quelques améliorations , d’être appliquée utilement eu certaines circonstances, et qu’il importe, par conséquent, pour l’histoire de la science, qu’elle soit publiée en même temps que celle de M. Daguerre.
- « Ces explications vous font comprendre , Messieurs, Par quelle raison et à quel litre MM. Daguerre et Niepce dis ont dû intervenir dans la convention que vous trouverez annexée au projet de loi.
- « Une somme de 200,000 francs nous avait d’abord été demandée pour prix de la cession des procédés de MM. Niepce et Daguerre, et nous devons dire que des offres venant des souverains étrangers justifiaient cette prétention. Néanmoins, nous avons obtenu qu’au lieu du capital de la somme demandée, il ne serait accordé qu’un mtérêt viager, savoir : une pension de 10,000 francs réversible seulement par moitié sur les veuves.
- « L’attribution de cette pension serait faite ainsi:
- « 6,000 fr. à M. Daguerre;
- « 4,000 fr. à M. Niepce fils.
- « Indépendamment des motifs que nous avons indiqués
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- plus haut, il eu est un qui, à lui seul, justifie ce partage inégal : M. Daguerre a consenti à livrer à la publicité les procédés de peinture et de physique au moyen desquels il produit les effets duDiorama; invention dont il possède seul le secret, et qu’il serait regrettable de laisser perdre.
- « Avant de signer la convention, M. Daguerre a déposé entre nos mains, sous un pli cacheté, la description du procédé de M. Niepce, celle de sa propre méthode, et enfin celle du Diorama.
- « Nous pouvons affirmer, devant la Chambre, que ces descriptions sont complètes et sincères, car un membre de cette assemblée, dont le nom seul est une incontestable autorité*, qui a reçu de M. Daguerre la communication confidentielle de tous ses procédés, et qui les a lui-même expérimentés, a bien voulu prendre connaissance de toutes les pièces du dépôt et nous en garantir la sincérité.
- « Nous espérons, Messieurs, que vous approuverez, et le motif qui a dicté cette convention, et les conditions sur lesquelles elle repose. Vous vous associerez à une pensée qui a déjà excité une sympathie générale, et vous ne souffrirez pas que nous laissions jamais aux nations étrangères la gloire de doter le monde savant et artiste d’une des plus merveilleuses découvertes dont s’honore notre pays. »
- M. Arago.
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- Quant à la portée artistique de cette découverte, lais-sons parler M. Arago, lors de son éloquent rapport à la Chambre des députés, le 3 juillet 1839 (nous en avons Apporté la première partie); laissons cette appréciation au savant organe d’une commission nommée à ce sujet et composée de MM. Etienne , Cari , Vatout, de Beaumont, Tournouër, Fois Delessert, Combarel de Leyval et enfin du Rapporteur :
- « L’intérêt qu’on a manifesté, dans cette enceinte et ailleurs, pour les travaux dont M. Daguerre a mis dernièrement les produits sous les yeux du public, a été vif, éclatant, unanime. Aussi la Chambre, suivant toute probabilité , n’attend-elle de sa commission qu’une approbation pure et simple du projet de loi que M. le Ministre de 1 Intérieur a présenté. Cependant, après y avoir réfléchi mûrement, il nous a semblé que la mission dont vous nous aviez investis nous imposait d’autres devoirs. Nous avons cru que, tout en applaudissant à l’heureuse idée d’instituer des récompenses nationales en faveur d’inventeurs dont la législation ordinaire des brevets n’aurait pas garanti les intérêts, il fallait, dès les premiers pas dans cette nouvelle voie, montrer avec fluelle réserve, avec quel scrupule la Chambre procéderait. Soumettre à un examen minutieux et sévère l’œuvre
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- de génie sur laquelle nous devons aujourd’hui statuer, ce sera décourager les médiocrités ambitieuses qui, elles aussi, aspireraient à jeter dans cette enceinte leursproduc-fions vulgaires et sans avenir; ce sera prouver que vous entendez placer dans une région très élevée les récompenses qui pourront vous être démandèes au nom de la gloire nationale ; que vous ne consentirez jamais à les en faire descendre, à ternir leur éclat en les prodiguant.
- « Ce peu de mots fera comprendre à la Chambre comment nous avons été conduits à examiner :
- « Si le procédé de M. Daguerre est incontestablement une invention ;
- « Si cette invention rendra à l’Archéologie et aux Beaux-Arts des services de quelque valeur;
- « Si elle pourra devenir usuelle;
- « Enfin si l’on doit espérer que les sciences en tireront parti.
- « A l’inspection de plusieurs des tableaux qui passeront sous vos yeux, chacun songera à l’immense parti qu’on aurait tiré, pendant l’expédition d’Egypte, d’un moyen de reproduction si exact et si prompt; chacun sera frappé de cette réflexion, que si la Photographie avait été connue en 1798 , nous aurions aujourd’hui des images fidèles d’un bon nombre de tableaux emblématiques, dont la cupidité des Arabes et le vandalisme de certains voyageurs ont privé à jamais le monde savant.
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- « Pour copier les millions et millions de hiéroglyphes fiui couvrent, même à l’extérieur , les grands monuments de Thèbes, de Memphis, de Karnak, etc., il faudrait des vingtaines d’années et des légions de dessinateurs. Avec le Daguerréotype , un seul homme pourrait mener à bonne fin cet immense travail. Munissez l’Institut d’Egypte de deux ou. trois appareils de M.Daguerre, et sur plusieurs des grandes planches de l’ouvrage célébré, fruit de notre immortelle expédition, de vastes étendues de hiéroglyphes réels iront remplacer des hiéroglyphes fictifs ou de pure convention ; et les dessins surpasseront partout en fidélité , fin couleur locale , les œuvres des plus habiles peintres ; et les images photographiques étant soumises dans leur formation aux règles de la géométrie, permettront, à l’aide d’un petit nombre de données, de remonter aux dimensions exactes des parties les plus élevées , les plus inaccessibles des édifices.
- « Ces souvenirs où les savants, où les artistes, si zélés et si célèbres, attachés à l’armée d’Orient, ne pourraient, sans se méprendre étrangement, trouver l’ombre d’un blâme, reporteront sans doute les pensées vers les travaux qui s’exécutent aujourd’hui dans notre propre pays sous le contrôle de la Commission des monuments historiques. D’un coup d’œil, chacun apercevra alors l’immense rôle que les procédés photographiques sont destinés à jouer dans cette grande entreprise nationale; chacun compren-
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- (Ira aussi que les nouveaux procédés se distingueront par l’économie , genre de mérite qui, pour le dire en passant, marche rarement dans les arts avec la perfection des produits.
- « Se demande-t-on, enfin, si l’art, envisagé en lui-même , doit attendre quelques progrès de l’examen, de l’étude de ces images dessinées par ce que la nature oflre de plus subtil, de plus délié : par des rayons lumineux ? M. Paul Delaroche va nous répondre.
- « Dans une note rédigée à notre prière, ce peintre célèbre déclare que les procédés de M. Daguerre : « Por-« tent si loin la perfection de certaines conditions essen-« tielles de l’art, qu’ils deviendront pour les peintres, « même les plus habiles, un sujet d’observations et « d’études. » Ce qui le frappe dans les dessins photographiques, c’est que le fini, d’un « précieux inimaginable, « ne trouble en rien la tranquillité des masses, ne nuit « en aucune manière à l’effet général. » « La correction « des lignes, dit ailleurs M. Delaroche, la précision des « formes est aussi complète que possible dans les dessins « de M. Daguerre, et l’on y reconnaît en même temps un « modèle large, énergique et un ensemble aussi riche de « ton que d’effet.... Le peintre trouvera dans ce procédé « un moyen prompt de faire des collections d’études qu’il « ne pourrait obtenir autrement qu’avec beaucoup de « temps, de peine et d’une manière bien moins parfaite,
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- « quel que fût d’ailleurs son talent. » Après avoir combattu par d’excellents arguments les opinions de ceux qui se sont imaginé que la Photographie nuirait à nos artistes et surtout à nos habiles graveurs, M. Delaroche termine sa note par cette réflexion : « En résumé, l’admirable « découverte de M. Daguerre est un immense service « rendu aux arts.
- « Nous ne commettrons pas la faute de rien ajouter à un pareil témoignage.
- « On se le rappelle, sans doute , parmi les questions que nous nous sommes posées en commençant ce rapport, figure celle de savoir si les méthodes photographiques pourront devenir usuelles.
- « Sans divulguer ce qui est, ce qui doit rester secret jusqu’à l’adoption, jusqu’à la promulgation de la loi , nous pouvons dire que les tableaux sur lesquels la lu-uiière engendre les admirables dessins de M. Daguerre , sont des tables de plaqué , c’est-à-dire des planches de cuivre recouvertes d’une mince feuille d’argent. Il eût été sans doute préférable pour la commodité des voyageurs et, aussi, sous le point de vue économique, qu’on pût se servir de papier. Le papier imprégné de chlorure ou de nitrate d’argent fut, en effet, la première substance dontM. Daguerre lit choix; mais le manque de sensibilité, la confusion des images, le peu de certitude des résultats, les accidents qui résultaient souvent de l’opô
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- ration destinée à transformer les clairs en noirs et les noirs en clairs , ne pouvaient manquer de décourager un si habile artiste. S’il eût persisté dans cette première voie, ses dessins photographiques figureraient peut-être dans les collections, à titre de produits d’une expérience de physique curieuse ; mais, assurément, la Chambre n’aurait pas à s’en occuper. Au reste, si trois ou quatre francs, prix de chacune des plaques dont M. Daguerre fait usage, paraissent un prix élevé , il est juste de dire que la meme plaque peut recevoir successivement cent dessins différents.
- « Le succès inouï de la méthode actuelle de M. Daguerre tient en partie à ce qu’il opère sur une couche de matière d’une minceur extrême , sur une véritable pellicule. Nous n’avons donc pas à nous occuper du prix des ingrédients qui la composent. Ce prix , par sa petitesse ne serait vraiment pas assignable.
- « Un seul des membres de la Commission a vu opérer l’artiste et a opéré lui-même. Ce sera donc sous la responsabilité personnelle de ce Député que nous pourrons entretenir la Chambre du Daguerréotype envisagé sous le point de vue de la commodité.
- « Le Daguerréotype ne comporte pas une seule manipulation qui ne soit à la portée de tout le monde. Il ne suppose aucune connaissance de dessin , il n’exige aucune dextérité manuelle. En se conformant, de point en point*
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- a certaines prescriptions très simples et très peu nombreuses , il n’est personne qui ne doive réussir aussi certainement et aussi bien que M. Daguerre lui-même.
- « La promptitude de la méthode est peut-être ce qui a le plus étonné le public. En effet, dix à douze minutes sont à peine nécessaires, dans les temps sombres de l’hiver, pour prendre la vue d’un monument, d’un quartier de ville, d’un site.
- « En ôté, par un beau soleil, ce temps peut être réduit de moitié. Dans les climats du Midi, deux à trois minutes suffiront certainement. Mais, il importe de le remarquer, ces dix à douze minutes d hiver, ces cinq à six minutes d’été , ces deux à trois minutes des régions méridionales , expriment seulement le temps pendant lequel la lame de plaqué a besoin de recevoir l’image lenticulaire. A cela il faut ajouter le temps du déballage et de l’arrangement de la chambre noire , le temps de la préparation de la plaque , le temps que dure la petite opération destinée à rendre le tableau , une fois créé , insensible à l’action lumineuse. Toutes ces opérations réunies pourront s’élever à trente minutes ou à trois quarts d’heure. Ils se faisaient donc illusion , ceux qui, naguère , au moment d’entreprendre un voyage , déclaraient vouloir profiter de tous les moments où la diligence gravirait lentement des montées, pour prendre des vues du pays. On ne s’est pas moins trompé lorsque , frappé des curieux
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- résultats obtenus.par des reports de pages, de gravures des plus anciens ouvrages, on a rêvé la reproduction , la multiplication des dessins photographiques par des reports lithographiques. Ce n’est pas seulement dans le monde moral qu’on a les défauts de ses qualités : la maxime trouve souvent son application dans les arts. C’est au poli parfait, à l’incalculable minceur de la couche sur laquelle M. Daguerre opère, que sont dus le Uni, le velouté, l’harmonie des dessins photographiques. En frottant, en tamponnant de pareils dessins; en les soumettant à l’action de la presse ou du rouleau , on les détruirait sans retour. Mais aussi, personne imagina-t-il jamais de tirailler fortement un ruban de dentelles , ou de brosser les ailes d’un papillon?
- « L’académicien qui connaît déjà depuis quelques mois les préparations sur lesquelles naissent les beaux dessins soumis à notre examen , n’a pas cru devoir tirer encore parti du secret qu’il tenait de l’honorable confiance de M. Daguerre. Ï1 a pensé qu’avant d’entrer dans la large carrière de recherches que les procédés photographiques viennent d’ouvrir aux physiciens, il était de sa délicatesse d’attendre qu’une rémunération nationale eût mis les mêmes moyens d’investigation aux mains de tous les observateurs. Nous ne pourrons donc guère, en parlant de l’utilité scientifique de l’invention de notre compa. triote, procéder que par voie de conjectures. Les faits ^
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- au reste , sont clairs , palpables , et nous avons peu a craindre que l’avenir nous démente.
- « La préparation sur laquelle M. Daguerre opère est un réactif beaucoup plus sensible à l’action de la lumière que l°us ceux dont on s’était servi jusqu’ici. Jamais les rayons de la lune , nous ne disons pas à l’état naturel, mais condensés au foyer de la plus grande lentille, au foyer du plus large miroir réfléchissant, n’avaient produit d effet physique perceptible. Les lames de plaqué préparées par M. Daguerre blanchissent, au contraire , à tel P°iut, sous l’action de ces memes rayons et des opérations quilui succèdent, qu’il est permis d’espérer qu’on pourra faire des cartes photographiques de notre satellite. C’est dire qu’en quelques minutes on exécutera un des travaux tos plus longs, les plus minutieux, les plus délicats de
- i astronomie....
- 5 N’hésitons pas à le dire , les réactifs découverts par
- Daguerre hâteront les progrès d’une des sciences qui honorent le plus l’esprit humain. Avec leur secours , le Physicien pourra procéder désormais par voie d’intensités absolues : il comparera les lumières par leurs effets. S’il y trouve de l’utilité, le même tableau lui donnera des empreintes des rayons éblouissants du soleil, des rayons trois cent mille fois plus faibles de la lune, des rayons des étoiles. Ces empreintes , il les égalisera , soit en affaiblissant les plus fortes lumières, à l’aide de moyens
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- excellents, résultat (les découvertes récentes, mais dont l’indication serait ici déplacée ; soit en ne laissant agif les rayons les plus brillants que pendant une seconde, par exemple , et continuant au besoin l’action des auli^ jusqu’à une demi-heure. Au reste, quand des observateur appliquent un nouvel instrument à l’étude de la nature, ce qu’ils en ont espéré est toujours peu de chose relut1' vement à la succession de découvertes dont l’instrument devient l’origine. En ce genre, c’est sur Vimprèvu qu’on doit particulièrement compter.
- « .... Nous venons d’essayer, Messieurs, de fai|C
- ressortir tout ce que la découverte de M. Daguerre offre d’intérêt, sous le quadruple rapport de la nouveauté, de l’utilité artistique, de la rapidité d'exécution et des res-sources précieuses que la science lui empruntera. Nous nous sommes efforcés de vous faire partager nos convie-tions, parce qu’elles sont vives et sincères , parce que nous avons tout examiné , tout étudié avec le scrupule religieux qui nous était imposé par vos suffrages; parce que s’il eût été possible de méconnaître l’importance du Daguerréotype et la place qu’il occupera dans l’estime des hommes, tous nos doutes auraient cessé en voyant l’empressement que les nations étrangères mettaient à se saisir d’une date erronée, d’un fait douteux, du plus léger prétexte, pour soulever des questions de priorité, pour essayer d’ajouter le brillant fleuron que formeront
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- toujours les procédés photographiques, à la couronne de découvertes dont chacune d’elles se pare. N’oublions pas de le proclamer, toute discussion sur ce point a cessé, uioins encore en présence de titres d’antériorité authentiques, incontestables, sur lesquels MM. Niepce et Daguerrc 80 sent appuyés, qu’à raison de l’incroyable perfection que M. Daguerre a obtenue. S’il le fallait, nous ne serions Pus embarrassés de produire ici des témoignages des hommes les plus éminents de l’Angleterre , de l’Allema-§ue, et devant lesquels pâlirait complètement ce qui a dit chez nous de plus flatteur, touchant la découverte do notre compatriote. Cette découverte, la France l’a udoptée ; dès le premier moment , elle s’est montrée hère de pouvoir en doter libéralement le monde entier. Aussi, n’avons-nous pas été surpris du sentiment qu’a toit naître presque généralement dans le public un passage de l’exposé des motifs, écrit à la suite d’un malentendu, et d’où semblait découler la conséquence que ^administration avait marchandé avec l’inventeur j que tos conditions pécuniaires du contrat qu’on vous propose de sanctionner, étaient le résultat d’un rabais. 11 importe, Messieurs, de rétablir les faits.
- « Jamais le membre de la Chambre que M. le Ministre de l’Intérieur avait chargé de ses pleins pouvoirs, n’a marchandé avec M. Daguerre. Leurs entretiens ont exclusivement roulé sur le point de savoir si la récompense
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- que l’habile artiste a si bien méritée, serait une pension inscrite ou une somme une fois payée. De prime abord, M. Daguerre aperçut que la stipulation d’une somme fi*e donnerait au contrat à intervenir le caractère mesquin d’une vente. II n’en ôtait pas de même d’une pension* ("est par une pension que vous récompensez le guerrier qui a été mutilé sur les champs de bataille , le magistrat qui a blanchi sur son siège ; que vous honorez les famille de Cuvier, de Jussieu, de Champollion. De pareils souvenirs ne pouvaient manquer d’agir sur le caractère élevé de M. Daguerre : il se décida à demander une pension* Ce fut, au reste , d’après les intentions de M. le Ministre de l’Intérieur, M. Daguerre lui-même qui en fixa le montant à 8,000 fr., partageables par moitié entre lui et son associé , M. Niepce lîls; la part de M. Daguerre a depuis été portée à 6,000 fr., soit à cause de la condition qu'on a imposée spécialement à cet artiste, de faire connaître les procédés de peinture et d’éclairage des tableaux du Dio-rama actuellement réduits en cendres ; soit, surtout, à raison de l’engagement qu’il a pris de livrer au public tous les perfectionnements dont il pourrait enrichir encore ses méthodes photographiques. L’importance de cet engagement ne paraîtra certainement douteuse à personne , lorsque nous aurons dit, par exemple, qu’il suffira d’un tout petit progrès pour que M. Daguerre arrive à faire le portrait des personnes vivantes à l’aide de scs
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- Procédés. Quant à nous, loin de craindre que M. Da-guerre laisse à d’autres expérimentateurs le soin d’ajouter a ses succès présents, nous avions plutôt cherché les moyens de modérer son ardeur. Tel était même, nous Avouerons franchement, le motif qui nous faisait dé-Slrer que vous déclarassiez la pension insaisissable et incessible; mais nous avons reconnu que cet amendement serait superflu, d’après les dispositions de la loi du 22 floral an VII et de l’arrêté du 7 thermidor an X. La Commission , à l’unanimité des voix, n’a donc plus qu’à vous Proposer d’adopter purement et simplement le projet de l°i du Gouvernement. »
- Ï1 se passe dans le monde intellectuel des phénomènes semblables à ceux que l’on remarque dans le monde physique. La nature dépose les memes idées dans une foule de têtes ; cette idée, inerte d’abord, fermente bientôt d’elle-mème, puis l’étude et l’observation s’en emparent, et à mie époque donnée de maturité, on la voit éclore sur divers points à la fois.
- Il en devait être de la découverte du Daguerréotype, comme de toutes les grandes découvertes; aussitôt qu’elle fut annoncée par suite du rapport de M. Arago, que nous venons de reproduire; du projet de loi présenté à la Chambre des Députés, le 15 juin (18 jours auparavant), par M.Duchâtel, Ministre de l’Intérieur, que nous avons
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- aussi relaie ; par le rapport à la Chambre des pairs, fait » la suite de celui de M. Arago par M.Gay-Lussac,aunom d’une commission spéciale, composée de MM. le baron Athalin, Besson, le marquis de Laplace, le vicomte Siméon, le baron Thénard , le comte de Noô et le Bap-porteur, rapport que nous reproduisons encore. Ces documents sont tellement précieux aujourd’hui que te Photographie compte tant d’adeptes, que nous n’hésitons pas à le faire :
- « Tout ce qui concourt aux progrès de la civilisation» au bien-être physique ou moral de l’homme, doit être l’objet constant de la sollicitude d’un Gouvernement ^éclairé , à la hauteur des destinées qui lui sont confiées; et ceux qui, par d’heureux efforts, aident à cette noble tâche, doivent trouver d’honorables récompenses pour leurs succès.
- « C’est ainsi que, déjà, des lois tutélaires sur la propriété littéraire et sur la propriété industrielle assurent aux auteurs des bénéfices proportionnés à l’importance des services rendus à la société ; mode de rémunération d’autant plus juste, d’autant plus honorable, qu’il se résout en une contribution purement volontaire, en échange de services rendus , et qu’il est à l’abri des caprices de la faveur.
- « Cependant, si ce mode d’encouragement est le meil-
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- *ei,r dans la plupart des circonstances, il en est quelques-unes où il est impraticable, insuffisant au moins ,
- d’autres, enfin , où (le grandes découvertes exigent de Plus éclatantes et sollenneles récompenses.
- « Telle, Messieurs, nous paraît la découverte de M. Daguerre, et telle aussi elle a été jugée , et par le Gouvernement du roi, qui en a fait l’objet du projet de loi soumis en ce moment à votre examen, et par la Chambre des Députés, qui déjà a revêtu ce projet de sa sanction législative.
- « La découverte de M. Daguerre vous est connue par les résultats qui ont été mis sous vos yeux, et par le rapport, à la Chambre des Députés, de l’illustre savant auquel le secret en avait été confié. C’est l’art de fixer l’image meme de la Chambre obscure sur une surface métallique et de la conserver.
- « Hâtons-nous cependant de le dire, sans vouloir diminuer en rien le mérite de cette belle découverte, la palette du peintre n’est pas très riche de couleurs : le blanc et le noir la composent seuls. L’image à couleurs naturelles et variées restera longtemps, à jamais peut-être , un défi à la sagacité humaine. Mais n’ayons pas îa témérité de lui poser des bornes infranchissables ; les succès de M. Daguerre découvrent un nouvel ordre de possibilités.
- « Appelés à donner notre opinion sur l’importance et
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- l’avenir de la découverte de M. Daguerre, nous l’avons formée sur la perfection même des résultats, sur le rapport de M. Arago à la Chambre des Députés, et sur de nouvelles communications que nous avons reçues, tant de ce savant que de M. Daguerre. Notre conviction sur l’importance du nouveau procédé est devenue entière, et nous serions heureux de la faire partager à la Chambre-
- « Il est certain que, parla découverte de M. Daguerre, la physique est aujourd’hui en possession d’un réactif extraordinairement sensible aux influences lumineuses, d’un instrument nouveau qui sera pour l’intensité de la lumière et les phénomènes lumineux ce que le microscope est pour les petits objets, et qu’il fournira l’occasion de nouvelles recherches et de nouvelles découvertes. Déjà ce réactif a reçu très-distinctement l’empreinte de la faible lumière de la lune, et M. Arago a conçu l’espérance d’une carte tracée par le satellite lui-même.
- « La Chambre a pu se convaincre, par les épreuves qui ont été mises sous ses yeux , que les bas-reliefs, les statues, les monuments, en un mot, la nature morte , sont rendus avec une perfection inabordable aux procédés ordinaires du dessin et de la peinture, et qui est égale à celle de la nature, puisque, en effet, les empreintes de M. Daguerre n’en sont que l’image fidèle.
- « La perspective du paysage , de chaque objet, est retracée avec une exactitude mathématique ; aucun acci-
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- ^enf> aucun Irait même inaperçu , n’échappe à l’œil et au pinceau du nouveau peintre ; et comme trois à quatre ‘«mutes suffisent à son œuvre , un champ de bataille , avec ses phases successives, pourra être relevé avec une Perfection inaccessible à tout autre moyen.
- « Les arts industriels , pour la représentation des formes; le dessin pour des modèles parfaits de perspective et d’entente de la lumière et des ombres; les sciences Naturelles pour l’étude des espèces et de leur organisa-hon , feront certainement du procédé de M. Daguerre de Nombreuses applications. Enfin , le problème de son application au portrait est à peu près résolu , et les difficultés qui restent encore à vaincre sont mesurées et ne Peuvent laisser de doute sur le succès. Cependant, il ne faut pas oublier que les objets colorés ne sont point reproduits avec leurs propres couleurs, et que les divers rayons lumineux n’agissant pas de la même manière sur le réactif de M. Daguerre, l’harmonie des ombres et des clairs dans les objets colorés est nécessairement altérée. L’est là un point d’arrêt tracé par la nature elle-même au Nouveau procédé.
- « Telles sont, Messieurs, les acquisitions déjà assurées et les espérances prêtes à se réaliser de la découverte de M. Daguerre. Cependant des renseignements étaient Nécessaires relativement à l’exécution du procédé , et la
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- commission a pensé qu’elle ne pouvait les obtenir d’nnc manière plus sûre et plus authentique que de la .bouche même de l’honorable Député en qui M. Daguerre avait mis d’abord sa confiance, et plus tard , M. le Ministre dp l’Intérieur et l’autre Chambre. M. Àrago, sur l’invitation de M. le président de la commission . s’est rendu dans son sein , et il a confirmé, avec des détails nouveaux, ce qu’il avait déjà dit dans son intéressant rapport. Ainsi, if est certain que l’exécution du procédé Daguerre n’exigera que très peu de temps et une dépense insignifiante après la première mise de fonds pour les appareils, qui peut être fixée à 400 fr. environ. Chacun réussira infailliblement après un petit nombre d’épreuves, puisque M. Àrago lui-même, après avoir été initié, a débuté par un coup de maître, qu’on aurait été sans doute désireux de voir, mais il n’a pas échappé aux flammes qui ont consumé le Diorama.
- « S’il était besoin de nouveaux témoignages, le rapporteur de votre commission pourrait ajouter que M. Da-guerre a voulu le faire aussi dépositaire du secret de son procédé, et qu’il lui en a décrit toutes les opérations. U peut affirmer que le procédé n’est point dispendieux , et qu’il pourra être facilement exécuté par les personnes les moins versées dans le dessin , lorsque , aux préceptes que M. Daguerre s’est engagé à publier, il ajoutera l’exemple. Dans son intérêt même, comme dans celui du procédé, le
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- succès est nécessaire, et on ne peut douter que M. Da-guerre ne prenne à cœur de l’assurer.
- « Votre rapporteur ajoutera encore que , bien qu’il n’ait pas répété lui-même le procédé, comme son honorable ami M. Àrago, il le juge, par le récit qui lui en a été fait, comme très difficile à trouver, et comme ayant dû demander, pour arriver au degré de perfection où l’a porté M. Daguerre, beaucoup de temps, des essais sans nombre, et surtout une persévérance à toute épreuve, que ne fait qu’irriter l’insuccès et qui n’appartient qu’aux âmes fortes. Le procédé se compose, en effet, d’opérations successives, ne paraissant pas liées nécessairement les unes aux autres, et dont le résultat n’est pas sensible immédiatement après chacune d’elles, mais seulement après leur entier concours. Et assurément, si M. Daguerre eût voulu exécuter seul son procédé, ou ne le confier qu’à des personnes très sûres, il n’était pas à craindre qu’il lui fût enlevé.
- « On se demandera peut-être alors, et en effet la question a déjà été faite, pourquoi, si le procédé de M. Daguerre était si difficile à trouver, il ne l’a pas exploité lui-même, et pourquoi, en dehors des lois si sages qui garantissent autant les intérêts des auteurs que ceux de la fortune publique, le Gouvernement s’est déterminé à en faire l’acquisition pour le livrer au public. Nous répondrons à ces deux questions.
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- « Le principal avantage du procédé de M. Daguerre consiste à obtenir promptement „ et cependant d’une manière très exacte , l’image des objets, soit pour la conserver, soit aussi pour la reproduire ensuite par les moyens de la gravure ou de la lithographie; et dés lors on conçoit que, concentré dans les mains d’un seul individu, il n’aurait point trouvé un aliment suffisant.
- « Au contraire, livré à la publicité, ce procédé recevra dans les mains du peintre, de l’architecte , du voyageur, du naturaliste, une foule d’applications.
- « Enfin , possédé par un seul, il resterait longtemps stationnaire, et se flétrirait peut être ; devenu public, il grandira et s’améliorera du concours de tous.
- « Ainsi, sous ces divers rapports, il était utile qu’il devînt une propriété publique.
- « Sous un autre rapport, enfin, le procédé de M. Daguerre devait fixer l’attention du Gouvernement et appeler sur son auteur une récompense solennelle.
- « ‘Pour ceux qui ne sont pas insensibles à la gloire nationale, qui savent qu’un peuple ne brille d’un plus grand éclat sur les autres peuples que par les progrès plus grands qu’il fait faire à la civilisation ; pour ceux-là, disons-nous, le procédé de M. Daguerre est une grande découverte. Il est l’origine d’un art nouveau au milieu d’une vieille civilisation, qui fera époque et sera conservé comme un titre de gloire ; et laudrail-il qu’il allât à la
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- postérité escorté d’ingratitude? qu’il lui parvienne plutôt comme un éclatant témoignage de la protection que les Chambres , le Gouvernement de Juillet, le pays tout entier, accordent aux grandes découvertes.
- « C’est, en effet, un acte de munificence nationale que consacre le projet de loi en faveur de M. Daguerre. Nous lui avons donné notre assentiment unanime, mais non sans remarquer combien grande et honorable est une récompense volée par le pays. Et nous le faisons à dessein pour rappeler, non sans quelques regrets , que la France ne s’est pas toujours montrée aussi reconnaissante , et que trop de beaux et utiles travaux , trop d’œuvres du génie, n’ont valu à leurs auteurs qu’une gloire souvent stérile. Ce ne sont pas, toutefois, des accusations que nous voudrions porter, ce sont des erreurs qu’il faut déplorer pour en éviter de nouvelles.
- « Messieurs, après avoir apprécié, autant qu’il était en nous, l’importance de la découverte de M. Daguerre , nous restons convaincus qu’elle est nouvelle, pleine d’intérêt, riche d’avenir, et qu’enfin elle est digne de la haute faveur de la rémunération nationale qui lui a été déjà concédée par la Chambre des Députés. La commission a été unanime pour l’adoption pure et simple du projet, et, comme son rapporteur, elle me charge de vous la proposer. »
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- Aussitôt la publication du procédé, une foule de voix s’élevèrent, qui s’inscrivirent contre M. Daguerre, tant pour le mérite de ses résultats photographiques, que pour la portée de ses travaux. Une vive polémique s’engagea de journaux à journaux, d’académies à académies; on opposa les preuves aux preuves, les dates aux dates, et de toutes ces discussions, maintenant oubliées, il ne résulte qu’une chose : c’est que M. Daguerre, seul, a complètement résolu le problème de la Photographie: c’est que son procédé est tellement neuf et original, c’est qu’il s’éloigne tellement de toutes les voies tentées par ses concurrents, qu’on ne saurait, avec toute la bonne volonté possible, y trouver la moindre trace de plagiat. Sa découverte était tellement inattendue, tellement magique, et si près de la perfection dès son début, comme nous l’avons dit, qu’aujourd’hui, sept années après la commua nication qu’il a faite au public sur la marche à suivre dans les cinq opérations de son procédé, qu’aujourd’hui encore, chose extraordinaire! ses prescriptions sont restées et resteront toujours, je crois, tant qu’on opérera avec une base iodique et se poseront comme modèles de prévision humaine. Depuis cette époque , elles n’ont que peu ou point changé, sinon dans les parties où elles ont été modifiées pour l’application des substances accélératrices mises en usage depuis, et si l’on y ajoute l’instruction sur le fixage au chlorure d’or de M. Fizeau (cette seconde
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- merveille réunie et servant (le complément indispensable à la première), nous aurons toute la série des manipulations daguerriennes décrites dans toute leur perfection. Aussi je les considère comme tellement importantes l>our la réalisation de sa découverte, que je les poserai comme les principes de l’art, comme sa description classique. Je les placerai bien avant les recommandations que je me suis engagé à donner au public,lesquelles n’onl, Pour ainsi dire, trait directement qu’à l’emploi de la substance dont je suis l’auteur et que je ne me fais un devoir de proposer au monde photographique, que pour rendre on nouvel hommage à Daguerre. Je les décris afin que les miennes, bien loin de vouloir les redresser, viennent encore confirmer ce qu’elles ont posé en principe ; si elles en diffèrent sur quelques points , c’est toujours pour arriver au même but; je les décris enfin par la raison que : le maître doit parler avant l’élève.
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- DESCRIPTION DU PROCÉDÉ DE M. DAGUERRE,
- Tel qu’il a été publié
- APRÈS l/ADOPTION 1HJ PROJET DE LOI PAH LES CHAMBRES.
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- Les épreuves se font sur des feuilles d’argent plaquées sur cuivre. Bien que le cuivre serve principalement à soutenir la feuille d’argent, l’assemblage de ces deux métaux concourt à la perfection de l’effet. L’argent doit être le plus pur possible. Quant au cuivre, son épaisseur doit être suffisante pour maintenir la planimétrie de la plaque, afin de ne pas déformer les images; mais il faut éviter de lui en donner plus qu’il n’en faut pour atteindre ce but, à cause du poids qui en résulterait. L’épaisseur des deux métaux réunis ne doit pas excéder celle d’une forte carte.
- Le procédé se divise en cinq opérations :
- La première consiste à polir et à nettoyer la plaque pour la rendre propre à recevoir la couche sensible ;
- La deuxième, à appliquer cette couche ;
- La troisième, à soumettre, dans la chambre noire, la
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- Plaque préparée à l’aetion de la lumière, pour y recevoir 1 image de la nature ;
- La quatrième, à faire paraître cette image qui n’est pas visible en sortant de la chambre noire ;
- Enfin, la cinquième a pour but d’enlever la couche sensible qui continuerait à être modifiée par la lumière, et tendrait nécessairement à détruire tout-à-fait l’épreuve.
- PREMIÈRE OPÉRATION.
- U faut pour cette opération :
- Un petit flacon d’huile d’olives;
- Du coton cardé très fin ;
- De la ponce broyée excessivement fine , enfermée dans
- nouet de mousseline assez claire pour que la ponce puisse passer facilement en secouant le nouet ;
- Un flacon d’acide nitrique étendu d’eau dans la proportion d’une partie (en volume) d’acide, contre seize parties (également en volume) d’eau distillée ;
- Un châssis en fil de fer, sur lequel on pose les plaques pour les chauffer à l’aide d’une lampe à esprit-de-vin ;
- Enfin, une petite lampe à esprit-de-vin.
- Comme nous l’avons dit plus haut, les épreuves se font sur argent plaqué. La grandeur de la plaque est limitée Par la dimension des appareils. Il faut commencer par la bien polir. À cet effet , on la saupoudre de ponce ( en Secouant sans toucher la plaque), et, avec du coton
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- imbibé d’un peu d’huile d’olives, on la frotte légèrement en arrondissant. Il faut, pour cette opération, poser les plaques sur une feuille de papier qu’on aura soin de renouveler de temps en temps.
- Il faut mettre de la ponce à plusieurs reprises et changer plusieurs fois de coton. (Le mortier qu’on emploiera pour pulvériser la ponce ne devra être ni en fonte ni en cuivre, mais en porphyre. On la broiera ensuite sur une glace dépolie avec une molette en verre, en se servant d’eau bien pure. On ne devra employer la ponce que lorsqu’elle sera parfaitement sèche.) On conçoit combien il est important que la ponce soit assez line pour ne pas rayer, puisque c’est du poli parfait de la plaque que dépend, en grande partie, la beauté de l’épreuve. Quand la plaque est bien polie, il s’agit de la dégraisser, ce qui se fait en la saupoudrant de ponce, et en la frottant à sec avec du coton , toujours en arrondissant. (Il est impossible d’obtenir un bon résultat en frottant autrement.) On fait ensuite un petit tampon de coton qu’il faut imbiber d’un peu d’acide étendu d’eau (comme il est ci-dessus désigné) ; pour cela, on applique le tampon de coton sur le goulot du flacon, et on le renverse sens dessus dessous, en appuyant légèrement, de manière que le centre seul du tampon soit imbibé d’acide, sans en être profondément imprégné; il en faut très-peu, et il faut éviter que les doigts en soient mouillés. Alors on frotte
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- Plaque avec le tampon, en ayant soin d’étendre par a*tement l’acide sur toute la surface de la plaque. On ^ange le coton et on frotte, toujours en arrondissant, de bien étendre la couche d’acide, qui cependant e doit, pour ajng| ^ire ^ qU’eflieurer ia surface de la P*aque. Il arrivera que l’acide appliqué sur la surface de a plaque se divisera en globules qu’on ne détruira qu’en Jugeant de coton, et en frottant de manière à étendre légalement l’acide, car les endroits où il n’aurait pas Pris feraient des taches. On s’aperçoit que l’acide est bien également étendu lorsque la surface de la plaque est
- c°averte d’un vo^e k*en régulier sur toute son étendue.
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- Dsuite on saupoudre la plaque de ponce, et, avec du Coton qui n’a pas servi, on la frotte très-légérement.
- Alors la plaque doit être soumise à une forte chaleur. A cet effet, on la place sur le châssis de fil de fer , l’ar-kenten dessus, et on promène sous la plaque la lampe à esPrit-de-vin de manière que la flamme vienne s’y briser. Après avoir fait parcourir à la lampe, pendant au moins Clnq minutes, toutes les parties de la plaque, il se forme à *a surface de l’argent une légère couche blanchâtre, alors *1 faut cesser l’action du feu. La chaleur de la lampe peut être remplacée par celle d’un feu de charbon, qui est ^ênie préférable , parce que l’opération et plus tôt ter-*Pmée. Dans ce cas, le châssis en fil de fer est inutile ; ear on pose la plaque sur des pincettes , l’argent en des-
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- sus, et on la fait aller et venir sur le fourneau de manière qu’elle soit également échauffée, et jusqu’à ceqlie l’argent se couvre d’une légère couche blanchâtre, conime il a été dit ci-dessus. On fait ensuite refroidir prompt' ; ment la plaque en la plaçant sur un corps froid , tel qu’une table de marbre. Lorsqu’elle est refroidie , il feid la polir de nouveau; ce qui se fait assez promptement* puisqu’il ne s’agit que d’enlever cette légère couche blan- j châtre qui s’est formée sur l’argent. A cet effet, on saupoudre la plaque de ponce et on frotte à sec avec un tampon de coton ; on remet de la ponce à plusieurs re- J prises en ayant soin de changer souvent de coton. Lorsque l’argent est bien bruni, on le frotte, comme il a été dit ci-dessus , avec de l’acide étendu d’eau, et on Ie saupoudre d’un peu de ponce en frottant très-légèremeut avec un tampon de coton. Il faut remettre de l’acide à trois reprises différentes, en ayant soin chaque fois de saupoudrer la plaque de ponce et do la frottera sec très-légèrement avec du coton bien propre, en évitant qu<! les parties du coton qui ont été touchées par les doigt8 frottent sur la plaque , parce que la transpiration ferait des taches sur l’épreuve. Il faut aussi éviter la vapeiu’ humide de l’haleine , ainsi que les taches de salive.
- Quand on n’a pas l’intention d’opérer immédiatement, on ne met que deux fois de l’acide après l’opération du feu , ce qui permet de préparer ce travail d’avance, mais
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- >1 faut, et c’est indispensable , au moment défaire une preuve, remettre au moins une fois de l’acide et poncer ^Sèrement comme il a été dit ci-dessus. Ensuite , on eüléve avec du coton bien propre toute la poussière de P°nce qui se trouve à la surface de la plaque ainsi que SUr ses épaisseurs.
- DEUXIÈME OPÉRATION.
- P°ur celte opération , il faut :
- La boîte ;
- La planchette ;
- Quatre petites bandes métalliques, de même nature les plaques ;
- Ln petit manche et une boîte de petits clous ;
- Ln flacon d’iode.
- Àprès avoir fixé la plaque sur la planchette au moyen ^es bandes métalliques et de petits clous que l’on enfonce avec le manche destiné à cet usage , il faut mettre l’iode dans la capsule qui se trouve au fond de la L°ite. il est nécessaire de diviser l’iode dans la cap-Süle> afin que le foyer de l’émanation soit plus grand; autremeut, il se formerait au milieu de la plaque des lris qui empêcheraient d’obtenir une couche égale. On alors la planchette, le métal en dessous, sur les pe-goussets placés aux quatre angles de la boîte dont on ^rUie la couvercle. Dans cette position, il faut la laisser
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- jusqu’à ce que la surface de l’argent soit couverte d’une j belle couche jaune d’or. Si on l’y laissait trop longtemps) j cette couche jaune d’or passerait à une couleur violâtre) qu’il faut éviter , parce qu’alors la couche n’est pas aussi sensible à la lumière. Si, au contraire, cette couche n’était pas assez jaune , l’image de la nature ne se reproduit que très-difficilement. Ainsi, la couche jaune d’or a s» nuance bien déterminée parce qu’elle est la seule bien j vorableàla production de l’effet. Le temps nécessaire pour cette opération ne peut pas être déterminé parce qu’il dépend de plusieurs circonstances : d’abord, de la leinpér3' ture de la pièce où l’on se trouve, car cette opération doit , toujours être livrée à elle-même , c’est-à-dire qu’elle doit avoir lieu sans addition d’autre chaleur que celle qu’011 pourrait donner à la température de la pièce dans I3' quelle on opère, s’il y faisait trop froid. Ce qui est très-important dans cette opération , c’est que la température
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- de l’intérieur de la boîte soit égale à celle de l’extérieur > s’il en était autrement, il arriverait que la plaque paS' santdu froid au chaud se couvrirait d’une petite couche j d’humidité qui est très-nuisible à l’effet. La seconde, c’est ! que plus on fait usage de la boîte, moins il faut de temps» ; parce que le bois est à l’intérieur pénétré de la vapeur de l’iode, et que celte vapeur tend toujours à se dégager» et qu’en se dégageant de toutes les parties de l’intérieur» celte vapeur se répand bien plus également et plus prompt il
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- tement sur toute la surface de la plaque , ce qui est très-important. C’est pour cela qu’il est bonde laisser toujours un peu d’iode dans la capsule qui se trouve au fond de la boite, et de conserver cette dernière à l’abri de l’humidité. U est donc évident que la boîte est préférable lorsqu’elle a servi quelque temps , puisque l’opération est alors plus prompte.
- Puisque, en raison des causes désignées ci-dessus, on 11e peut fixer au juste le temps nécessaire pour obtenir la couche jaune d’or (ce temps pouvant varier de cinq minutes à trente, rarement davantage à moins qu’il ne fasse trop froid), on conçoit qu’il est indispensable de regarder la plaque de temps en temps pour s’assurer si elle a atteint le degré de jaune désigné ; mais il est important que la lumière ne vienne pas frapper directement dessus. Il peut arriver que la plaque se colore plus d’un côté que de l’autre j dans ce cas, pour égaliser la couche , on aura soin, en remettant la planchette sur la boîte, de la retourner, non pas sens dessus dessous, mais bout pour bout. Il faut donc mettre la boîte dans une pièce obscure où le jour n’arrive que très faiblement par la porte qu’on laisse un peu entr’ouverte , et lorsqu’on veut regarder la plaque, après avoir enlevé le couvercle de la boîte, on prend la planchette par les extrémités avec les deux mains et on la retourne promptement ; il suffit alors que la plaque réfléchisse un endroit un peu éclairé et autant
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- que possible éloigné pour qu’on s’aperçoive si la couleur jaune est assez foncée. Il faut remettre très promptement la plaque sur la boîte si la couche n’a pas atteint le t°n jaune d’or ; si, au contraire, cette teinte était dépassée, la couche ne pourrait pas servir, et il faudrait recommencer entièrement la première opération.
- À la description, cette opération peut paraître difficile» mais avec un peu d’habitude on parvient à savoir à peu près le temps nécessaire pour arriver à la couleur jaune, ainsi qu’à regarder la plaque avec une grande promptitude , de manière à ne pas donner à la lumière le temps d’agir.
- Lorsque la plaque est arrivée au degré de jaune nécessaire , il faut emboîter la planchette dans le châssis qui s’adapte à la chambre noire. Il faut éviter que le jour frappe sur la planche; pour cela, on peut l’éclairer avec une bougie, dont la lumière a beaucoup moins d’action ; il ne faudrait pas cependant que cette lumière frappai trop longtemps sur la plaque, car elle y laisserait des traces.
- On passe ensuite à la troisième opération , qui est celle de la chambre obscure. Il faut, autant que possible, passer immédiatement de la seconde opération à la troisième, ou ne pas laisser entre elles plus d’une heure d’intervalle ; au-delà de ce temps, la combinaison de l’iode et de l’argent n’a plus la même propriété.
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- Observations.
- Avant de se servir de la boîte, il faut d’abord bien en essuyer l’intérieur et la renverser pour en faire tomber toutes les petites parcelles d’iode qui pourraient s’être échappées de la capsule , en évitant de toucher l’iode, qui tacherait les doigts. La capsule doit être couverte d’une Saze tendue sur un anneau ; cette gaze a pour but de régulariser l’évaporation de l’iode et en même temps d’empêcher, quand on ferme le couvercle de la boîte , *lue la compression de l’air qui en résulte ne fasse voltiger des particules d’iode qui arriveraient jusqu’à la plaque et y feraient de fortes taches. C’est pour cette cause qu’il faut toujours fermer la boîte très doucement pour ne pas faire voltiger dans l’intérieur de la poussière qui pourrait être chargée de la vapeur de l’iode.
- TROISIÈME OPÉRATION.
- L’appareil nécessaire pour celte opération se borne à la chambre noire.
- La troisième opération est celle qui a lieu sur la nature dans la chambre noire. Ilfaut, autant que possible, choisir tos objets éclairés par le soleil, parce qu’aîors l’opération 116 se produisant que par l’effet de la lumière, cette action est d’autant plus prompte que les objets sont plus fortement éclairés, et qu’ils sont, de leur nature, plus blancs.
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- Après avoir placé la chambre obscure en face du point de vue ou des objets quelconques dont on désire fixer l’i-mage, l’essentiel est de bien mettre au foyer, c’est-à-dire de façon que les objets soient représentés avec une grande netteté, ce que l’on obtient facilement en avançant ou en reculant le châssis de la glace dépolie qui reçoit Limage de la nature. Lorsqu’on a atteint une grande précision, on fixe la partie mobile de la chambre obscure, au moyen du bouton à vis destiné à cet usage, puis on retire le châssis de la glace, en ayant soin de ne pas déranger la chambre noire, et on le remplace par l’appareil QUI contient la plaque et qui prend exactement la place du châssis. Quand cet appareil est bien assujetti parles petits tourniquets de cuivre , on ferme l’ouverture de la chah1' bre noire, puis on ouvre les portes intérieures de l’appa' reil par le moyen des deux demi-cercles. Alors la plaquc se trouve prête à recevoir l’impression de la vue ou des objets que l’on a choisis. Il ne reste plus qu’à ouvrir le diaphragme de la chambre noire et à consulter une montre pour compter les minutes.
- Cette opération est très-délicate , parce que rien n’est visible, et qu’il est de toute impossibilité de déterminer Ie temps nécessaire à la reproduction, puisqu’il dépend entièrement de l’intensité de lumière des objets que l’°n veut reproduire ; ce temps peut varier, pour Paris, de 3 à 30 minutes au plus.
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- Il fautaussi remarquer que les saisons, ainsi que l'heure jour, influent beaucoup sur la promptitude de L’opéra-tlon- Les moments les plus favorables sont de sept à trois heures ; et ce que l’on obtient à Paris dans trois ou quatre toutes aux mois de juin et de juillet, exigera cinq ou six minutes dans les mois de mai et d’août, sept ou huit en avril et en septembre , et ainsi de suite dans la même Pr°portion à mesure qu’on avance dans la saison. Ceci Qest qu’une donnée générale pour les objets très éclai-res, car il arrive souvent qu’il faut vingt minutes dans les m°is les plus favorables , lorsque les objets sont entièrement dans la demi-teinte.
- On voit, d’après ce qui vient d’être dit, qu’il est imposée de préciser avec justesse le temps nécessaire pour °btenir les épreuves; mais avec un peu d’habitude, on Paient facilement à l’apprécier. On conçoit que dans le midi de la France, et généralement dans tous les pays où *a lumière a beaucoup d’intensité, comme en Espagne, en Italie, etc., les épreuves doivent se faire plus promptement. Il est aussi très-important de ne pas dépasser le temps nécessaire pour la reproduction, parce que les elairs ne seraient plus blancs, ils seraient noircis par l’action trop prolongée de la lumière. Si, au contraire , Ie temps n'était pas suffisant, l’épreuve serait très vague sans aucuns détails.
- En supposant que l’on ait manqué une première
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- épreuve en la retirant trop tôt ou en la laissant trop long* temps, on en commence une autre immédiatement, et Ton est bien plus sûr d’arriver juste; il est même utile, pour acquérir beaucoup d’habitude , de faire quelques épreuves d’essai.
- Il en est de même ici que pour la couche. Il faut se hâter de faire subir à l’épreuve la quatrième opération aussitôt qu’elle sort de la chambre noire. Il ne faut pas mettre au-delà d’une heure d’intervalle, et on est bien plus certain de l’épreuve quand on peut opérer immédiatement.
- QUATRIÈME OPÉRxVTION,
- Il faut pour cette opération :
- Un flacon de mercure contenant au moins un kilo;
- Une lampe à l’esprit-de-vin ;
- L’appareil ;
- Un entonnoir en verre à long col.
- On verse, au moyen de l’entonnoir, le mercure dans la capsule qui est au fond de l’appareil, en assez grande quantité pour que la boule du thermomètre en soit couverte. Pour cela, il en faut à peu près un kilo; ensuite» et à partir de ce moment, on ne peut s’éclairer d’une autre lumière que de celle d’une bougie.
- On retire la planchette sur laquelle est fixée la plaque de l’appareil, qui la préserve du contact de la lumière r
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- et on fait entrer cette planchette entre les coulisses de la Planche noire ; on remet la planche noire dans l’appareil Sur les tasseaux qui la tiennent inclinée à 45 degrés, le métal en dessous, de manière qu’on puisse le voir à travers ta glace; puis on ferme le couvercle de l’appareil très lentement, afin que l’air refoulé ne fasse pas voltiger des Parcelles de mercure.
- Lorsque tout est ainsi disposé, on allume la lampe à Esprit-de-vin, que l’on place sous la capsule contenant le mercure , et on l’y laisse jusqu’à ce que le thermomètre, dont la boule plonge dans le mercure, et dont le tube sort de la boîte , indique une chaleur de 60 degrés centigrades; alors on s’empresse de retirer la lampe : si le thermomètre a monté rapidement, il continue à s’élever Sans le secours de la lampe ; mais il faut observer qu’il
- doit pas dépasser 75 degrés.
- L’empreinte de l’image de la nature existe sur la plaque , mais elle n’est pas visible ; ce n’est qu’au bout de Quelques minutes qu’elle commence à paraître , ce dont °û peut s’assurer en regardant à travers la glace, et en Eclairant de la bougie dont on évitera de laisser trop longtemps frapper la lumière sur la plaque, parce qu’elle y laisserait des traces. Il faut laisser l’épreuve jusqu’à ce rçuele thermomètre soit descendu à 45 degrés; alors on ta retire, et cette opération est terminée.
- Lorsque les objets ont été fortement éclairés, et que
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- l’on a laissé la lumière agir un peu trop longtemps dans la chambre noire, il arrive que cette opération est terminé avant même que le thermomètre soit descendu à ôô de' grés; on peut s’en assurer en regardant à travers la glace.
- Il est nécessaire , après chaque opération, de bien essuyer l’intérieur de l’appareil pour en enlever la petite couche de mercure qui s’y répand généralement. Il fal^ aussi avoir bien soin d’essuyer la planche noire, afin qu’d n’y reste aucune apparence de mercure. Lorsqu’on est forcé d'emballer l’appareil pour le transporter, il faut remettre dans le flacon le mercure qui est dans la cap' suie, ce qui se fait en inclinant la boîte pour le faire couler par le petit robinet qui est pratiqué à cet effet.
- On peut regarder l’épreuve à un faible jour pour s’assurer qu’elle a bien réussi. On la détache de la plan' chette en enlevant les quatre petites bandes métallique qu’il faut avoir soin de nettoyer avec de la ponce et un peu d’eau à chaque épreuve. On conçoit que ce nettoyage est nécessaire, puisque non-seulement ces petites bandes sont recouvertes d’une couche d’iode, mais qu’elles ont aussi reçu une partie de l’image. On place la plaque dans la boîte à coulisse , jusqu’à ce qu’on puisse lui faire subie la cinquième et dernière opération , qu’on peut se dispenser de faire immédiatement, car l’épreuve peut être conservée dans cet état pendant plusieurs mois san»
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- qu’elle subisse d’altéraliou, pourvu cependant qu’on évite ^ la regarder souvent et au grand jour.
- CINQUIÈME OPÉRATION.
- Le but de la cinquième opération est d’enlever de la Plaque l’iode , qui autrement, lorsque l’épreuve serait exposée trop longtemps à la lumière, continuerait à se décomposer et la détruirait.
- Il faut pour cette opération :
- De l’eau saturée de sel marin, ou une solution faible d’hyposulfite de soude pure ;
- L’appareil (un plateau incliné);
- Deux bassines en cuivre étamé ;
- Une bouillotte d’eau distillée.
- Pour enlever la couche d’iode , il faut prendre du sel commun qu’on introduit dans un bocal ou dans une bouteille à large ouverture; on en met jusqu’au quart de la hauteur de la bouteille , que l’on remplit avec de l’eau claire. Pour aider à fondre le sel, on agite de temps en temps la bouteille. Quand l’eau est parfaitement saturée , c’est-à-dire lorsqu’elle ne peut plus dissoudre de sel , il faut la filtrer au papier gris, afin qu’il n’y reste aucune ordure et qu’elle soit parfaitement limpide. On prépare d’avance cette eau saturée de sel en assez grande quantité et on la conserve dans des bouteilles bouchées ; on évite par ce moyen d’en faire à chaque épreuve.
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- On verse dans Tune des bassines de l’eau salée, jusqu’à peu prés trois centimètres de sa hauteur ; on remplit l’autre d’eau pure ordinaire. Ces deux liquides doivent être chauffés sans être bouillants.
- On peut remplacer la solution de sel marin par une solution d’hyposulfite de soude pure ; cette dernière est même préférable, parce qu’elle enlève entièrement l’iode, ce qui n’a pas toujours lieu avec la solution de sel marin, surtout lorsque les épreuves sont faites depuis longtemps. Du reste , l’opération est la même pour les deux solutions ; celle d’hyposulfite n’a pas besoin d’être chauffée, et il en faut une moins grande quantité , puisqu’il suffit que la plaque en soit couverte dans le fond du bassin.
- On trempe d’abord la plaque dans l’eau pure contenue daus la bassine. Il faut seulement la plonger sans la quitter , et la retirer immédiatement, car il suffit que la surface de la plaque ait été couverte d’eau; puis, sans la laisser sécher , on la plonge de suite dans l’eau salée. Si on ne trempait d’abord la plaque dans l’eau pure avant de la plonger dans l’eau salée ou dans la solution d’hyposulfite , ces dernières y feraient des taches ineffaçables. Pour faciliter l’action de l’eau salée ou de l’hyposulfite , qui s’emparent de l’iode, on agite la plaque sans la faire sortir du liquide, au moyen du petit crochet en cuivre étarné , que l’on passe en dessous de la plaque , on la soulève et on la laisse redescendre à plusieurs reprises.
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- Quand la couleur jaune a tout à fait disparu, on enlève ^ plaque , et on la prend par les deux extrémités en seront les mains sur les épaisseurs ( afin que les doigts ne louchent pas l’épreuve ), et on la plonge immédiatement dans la première bassine d’eau pure.
- On prend alors l’appareil et la bouillotte qui doit être très-propre, et dans laquelle on a fait bouillir de l’eau distillée. On retire la plaque de la bassine d’eau et on k* place de suite sur le plateau incliné ; puis , sans lui donner le temps de sécher , on verse sur la surface , et Par le haut de la plaque , l’eau distillée très-chaude, sans cependanl être bouillante , de manière qu’en tombant cette eau forme une nappe sur toute l’étendue de l’épreuve et entraîne avec elle toute la solution de sel marin ou d hyposulüte , qui est déjà bien affaiblie par l’immersion de la plaque dans la première bassine *.
- ïl ne faut pas moins d’un litre d’eau distillée pour une épreuve de la grandeur indiquée. Il est rare qu’après avoir versé cette quantité d’eau chaude sur l’épreuve , il n’en veste quelques gouttes sur la plaque. Dans ce cas , il faut s’empresser de faire disparaître ces gouttes avant qu’elles aient eu le temps de sécher, car elles pourraient contenir quelques parcelles de sel marin et meme d’iode; on les
- Si l’on emploie l’hyposulfitc, l’eau distillée doit être versée moins Viande qu’avec le sel marin.
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- enlève en souillant fortement avec la bouche sur la plaque.
- On conçoit combien il est important que l’eau dont on se sert pour ce lavage soit pure , car , en se séchant sut la surface de la plaque, malgré la rapidité avec laquelle elle a coulé , si cette eau contenait quelque matière e» dissolution , il se formerait sur l’épreuve des taches nombreuses et ineffaçables.
- Pour s’assurer si l'eau peut convenir à ce lavage , 011 en verse une goutte sur une plaque brunie, et si, en la faisant évaporer à l’aide de la chaleur, elle ne laisse aucun résidu , on peut l’employer sans crainte. L’eau distillée ne laisse aucune trace.
- Après ce lavage l’épreuve est terminée, il ne reste plus qu’à la préserver de la poussière et des vapeurs qui pourraient ternir l’argent. Le mercure qui dessine les imageS est en partie décomposé, il adhère à l’argent, il résiste à l’eau qu’on verse dessus, mais il ne peut soutenir aucun frottement.
- Pour conserver les épreuves , il faut les mettre sous verre et les coller; elles sont alors inaltérables, même au soleil.
- Comme il est possible qu’on ne puisse en voyage s’occuper de l’encadrement des épreuves, on peut les conserver tout aussi bien en les enfermant dans une boite comme celle représentée. On peut, pour plus de sûreté ,
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- coller de petites bandes de papier sur les joints du cou vercle.
- Il est nécessaire de dire que les planches d’argent plaqué peuvent servir plusieurs fois, tant qu’on ne découvre pas le cuivre. Mais il est bien important d’enlever à chaque lois le mercure, comme il a été dit, en employant la ponce avec l’huile et en changeant souvent de coton ; car, autrement, le mercure finit par adhérer à l’argent, et les épreuves que l’on obtient sur cet amalgame sont toujours imparfaites, parce qu’elles manquent de vigueur et de
- netteté.
- fyg.QSLQ.g.a.ï®
- Jusqu’à présent la théorie du Daguerréotype est encore sujette à quelques doutes ; nous citerons, à l’article Chambre noire, l’opinion savante de MM. Choiselat et Ratel : ils nous expliqueront les phénomènes qui se passent lors de l’attouchement de la lumière sur la couche sensible, et les révolutions qu’y produisent les molécules de mercure. Mais la réussite complète d’une épreuve exige tant de manipulations, il y a tant de transformations chimiques pendant sa durée, qu’elles ont fait naître parmi les savants des analyses contraires; les uns
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- ont pesG la plaque nue et iodée et n’ont pas trouvé la couche d’iode d’un poids appréciable : M. Dumas, à son tour, l’a trouvée d’une épaisseur d’un millionième de millimètre. La science a voulu connaître, comme le dit plus tard M. Arago (l’oracle en quelque sorte des choses merveilleuses'), quelle était son augmentation de poids après qu’elle a été soumise aux vapeurs mercurielles; elle a trouvé cette augmentation très sensible ! Eh bien ’• M. Pelouze s’est assuré qu’après le lavage dans l’hypo-sulfite la plaque, malgré la présence de l’amalgame qui forme le dessin à sa surface, pèse moins qu’avant de commencer l’bpération !!! L’hyposulfite enlève donc de l’argent et l’examen chimique du liquide démontre qu’il en est réellement ainsi. Enlin, dit toujours M. Arago : On fera peut-être des milliers de beaux dessins avant que son mode d'action ait été bien complètement analysé.
- Quant à l’épaisseur de la couche de mercure, le microscope a été promené sur toute la surface de la plaque, et malgré l’inclinaison de 45 degrés auxquels la plaque est soumise à l’évaporation du mercure , quoique cette inclinaison laissât supposer que des filets cristallins de cette matière vinssent former les blancs de l’image , le microscope n’a présenté, au contraire, que des sphérules égaux de la hauteur d’environ 1/800 de millimètre.
- Les substances accélératrices sont venues ensuite, et la science s’est trouvée bien plus impuissante encore à
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- donner la raison de la sensibilité exquise que la couche d iode acquiert sous leur influence. Enfin est arrivée la découverte de M. Becquerelle. Ses expériences ont démontré que les vapeurs du mercure ne sont pas indispen-sables pour la révolution qui s’opère dans la formation de l’image et quand l’iodure d’argent a été touché par la lumière. Avec une épreuve exposée un temps donné à sa radiation, il a démontré que l’image se formait sans aucun secours (en la couvrant d’un verre jaune et en ^exposant aux radiations solaires), que la révolution s’°pèrait par la propriété singulière des rayons continuateurs. Cette démonstration irrécusable, on le comprend bien, a dû ajouter de nouvelles incertitudes aux antennes.
- Une fois tombé dans le domaine public, le Daguerréotype devait faire des pas immenses que n’aurait pas pu , •lue n’aurait jamais eu le temps de lui faire faire son mventeur ; les appareils se sont réduits de volume, on a °pérè sur de plus petites dimensions ; par l’invention des °bjectifs à doubles verres achromatiques, les foyers ont raccourcis, tout en donnant plus de champ à l’image que son peu de longueur ne pouvait le faire supposer ; objectifs où la courbure des lentilles est tellement ingénieuse que, par leur adjonction, non seulement la lumière conserve toute sa netteté malgré la suppression des diaphragmes, mais encore conserve toute son intensité.
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- A ces heureuses innovations les chimistes MM. Clai^ det et Fizeau ajoutent, comme nous le disions plus haut * l’influence du chlore ou du brome sur la couche d’iode et la lumière solaire est remplacée par la lumière diffuse : chaque minute de l’exposition est représentée par chaque seconde, et définitivement M. Fizeau vient couronner dignement l’œuvre du Maître, en amalgamant ses admirables images avec le métal le plus inoxidable de tous: l’or! en les renfermant sous son égide brillante et chaleureuse. La Galvanoplastie est la fille de la Photographie , elle a obtenu des résultats immenses et la science ne peut savoir où elle s’arrêtera. Et finalement un amateur disait en 1840, ainsi que l’avait également annoncé M. Àrago :
- « J’entrevois plus que jamais la possibilité de la con-« version, sans retouches, des tableaux photographiques « en planches gravées, de manière à obtenir un assez « grand nombre d’épreuves à l’endroit, avec le blanc du « papier pur, et par conséquent les ombres avec les <( noirs du dessin sans mirages.
- « Peut-être en dirais je davantage, si je ne sentais « qu’il vaut mieux garder le silence tant que le procédé « ne sera pas arrivé à sa dernière perfection. »
- Ces prévisions se sont réalisées, la plaque Daguer-rienne est devenue une planche gravée par la nature avec toute la perfection de détails qu’on lui connaît. Par un
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- procédé (breveté) de M. Fizeau, MM. Lerebours et Se-orètan s’obligent à fournir, contre une épreuve d’un Portrait ou dessin envoyé sous l’iode, 100 exemplaires cette épreuve, moyennant une somme de 70 fr. ; une somme plus faible, bien entendu, pour un tirage plus considérable (tout en rendant la planche pour 20 fr.).
- Nous ne parlerons point du coloriage des épreuves par ta main humaine, car si c’est une invention que les mventeurs ont voulu faire (quand elle est malheureuse, ce n’en est plus une), ils auraient dû rougir de prendre des brevets, quand M. Àrago leur disait, comme on l’a Vu dans son rapport : « Personne imagina-t-il jamais de brailler fortement un ruban de dentelle ou de brosser les mies d’un papillon î » et MM. Lerebours : « Nous ne s°mrnes nullement partisans de cette opération , et nous Pouvons que faire enluminer, même par un habile artiste, Une image photographique , c’est la même chose que de taire retoucher une miniature de Petitot ou de Madame deMirbel, par un peintre d’enseignes.
- Eh bien! pour parfaire l’ouvrage que le soleil, cetartiste mystérieux, leur livrait avec tant de perfection , ils ont appuyé leurs lourdes mains sur le ruban de dentelles, taur pinceau inintelligent sur les ailes du papillon. La taule qu’on avait pour but d’allécher par ces enluminures , s’est montrée cette fois de bon goût, elle a passé devant leurs productions en haussant les épaules.
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- Quant aux images à couleurs naturelles et variées, nous pouvons être dans l’erreur, mais nous pensons qu’aprés les nombreux essais qui ont été faits , l’obtention en restera peut-être un défi à lasagacité humaine. Cependant) comme l’a dit avant nous un de nos premiers savants : n’ayons pas la témérité de lui poser des bornes infran-chissables : les succès de M. Daguerre découvrent uu nouvel ordre de possibilités.
- De tout ce qui précède, et pour nous résumer, il s’eu suit que M. Àrago a démontré irrécusablement la valeur artistique de la Photographie : sa valeur scientifique est incontestable. Depuis sa naissance, tous les jours sont marqués par de nouvelles remarques qui viennent confirmer ce que nous avançons. Aux personnes qui ne voient dans toutes les innovations que le côté indus-triel, nous leur ferons remarquer qu’elle a créé une multitude d’industries qui n’existaient point auparavant; nous leur dirons de compter les ébénistes, planeurs , relieurs , fabricants de produits chimiques, opticiens, etc.* que cette branche d’industrie fait travailler davantage que les autres ; qu’elle occupe annuellement à Paris plus de 600 ouvriers; qu’il se vend 2000 appareils année commune; qu’il s’emploie plus de 500,000 plaques et autant de passepartout, cadres, etc. On avouera, nous osons l’espérer, qu’une découverte qui opère un mouvement
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- de plus de deux millions peut-être par année , prouve nécessairement quelque chose.
- Depuis la découverte de M. Daguerre, les images sur Papier ont fait quelques prosélytes, les résultats s’améliorent de jour en jour; mais quelle que soit la perfection à laquelle elles puissent arriver, nous craignons que la plaque, par le bruni de ses noirs, par saplanitude, par la délicatesse de son dessin , ne leur permette jamais d’être mises un parallèle avec elle. Nous faisons des Vœux pour que leur perfection en démontre la possibilité. Le champ est libre ; mais en attendant, répétons avec ses nombreux partisans : Honneur à Daguerre!!! il a bien mérité du pays ! ! !
- Il nous reste encore à renseigner nos lecteurs, nos appréciateurs de la Photographie, sur la nature des substances que nous manipulons tous les jours, et sur l’époque de leur découverte. Ces découvertes auraient dû précéder l’énonciation de celle qui fait l’objet de cet ouvrage puisque sans elles nous n’aurions rien ; mais comme elles sont connues , qu’elles en sont les grand’mères, elles ont dû présenter leur charmante fille auparavant.
- L’iode fut découvert, en 1812, par Courtois, salpétrier de Paris. Après avoir retiré par solution et cristallisation des eaux-mères de la soude de varechs, le carbonate de soude et le sel marin qu’elle contenait, il y ajoutait un peu d’acide sulfurique pour changer la petite quantité de
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- carbonate de soude qui s’y trouvait encore, eu sulfate , sel qui est plus facilement cristallisable. Chaque fois qu’il faisait cette addition , il voyait se dégager une vapeur violette, phénomène remarquable qui fixa enfin son attention ; il fut seulement frappé de l’altération rapide des chaudières de tôle dont il se servait. En cherchant à se rendre compte de cette corrosion du métal des chaudières , il observa une substance 'particulière , cristallisée en lames brillantes d’un gris de fer avec éclat métallique. Ces cristaux mis en contact avec du fer, ne tardaient pas à se dissoudre. Ayant reconnu que c’était cette substance particulière qui corrodait ses chaudières, il s’assura , en la soumettant à l’action de la chaleur, que c’était aussi la même matière qui formait des vapeurs violettes par sa volatilisation.
- Courtois ayant fait part de sa découverte à Clément, ce chimiste s’occupa d’étudier la substance qui lui avait été remise. Le 6 décembre 1813, il lut à l’Institut un mémoire dans lequel il faisait connaître plusieurs propriétés de ce nouveau corps. Huit jours après, Gay-Lussac , cet illustre savant, le rapporteur du procédé Daguerre à la Chambre des Pairs, rapport que nous avons relaté , démontrait que cette substance était un nouveau corps simple qui se composait comme le chlore dans la plupart de ses réactions, et lui importait le nom d’iode formé du grec (iodés) violacées, violet, qui res-
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- semble à la violette, pour indiquer la coloration si remarquable de sa vapeur.
- Le chlore, entrevu d’abord par Glauber , fut décou-Vert par Schééle en 1774 , en même temps que le manganèse et la baryte ; il le nomma acide marin di-phlogistiqué. Berthollet en fit une très utile application au blanchiment des toiles. En 1811, Humphry-Davy , dent nous avons déjà parlé, le plaça parmi les corps simples et l’appela chlorine, du grec ( ehiôros ) qui indique la couleur jaune-verdâtre de ce gaz. Ampère a subs* fituè à ce nom celui de chlore qui est généralement adopté. La découverte faite postérieurement de deux corps qui ont de grandes analogies avec lui, c’est-à-dire l’iode et le brome, a pleinement confirmé l’opinion des chimistes qui le considéraient comme un corps simple.
- On ne le rencontre jamais à l’état de liberté, mais il existe en grande abondance comme élément du sel marin.
- Le rrôme fut découvert, en 1826, par M.Balard, pharmacien à Montpellier; il le trouva dans les eaux-mères d’une des salines de la Méditerranée ; il l’appelait d’abord muride , et le fit connaître comme un nouveau corps simple ; mais bientôt après, M. Gay-Lussac proposa de le nommer (brômos) du grec, qui signifie: fétidité, puanteur, en raison de son odeur qui est, en effet, forte et désagréable.
- Le brome se présente en général avec l’iode et le
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- chlore dans les memes circonstances géologiques. Dans quelque état que l’on rencontre le sel marin, il est presque toujours accompagné d’une petite quantité de bromures et d’iodures.
- A présent que nous avons dit l’origine des agents de la science qui nous occupe, et qui fait l’objet de notre travail pratique, il nous reste à faire connaître nominativement les fleurons de la couronne du Maître ; ces soutiens de l’Ecole sont nombreux; nous n’avons point la prétention de les nommer tous, nous nous efforcerons d’indiquer ceux qui sont venus à notre connaissance , et nous commencerons par citer primitivement :
- MM. Fizeau, pour son merveilleux complément du fixage au chlorure d’or * et le brome.
- Séguier (le baron), pour ses améliorations notables dans les diverses parties de l'instrument, et ses magnifiques épreuves.
- * M. Daguerre avait essayé de préserver les épreuves au moyen de différents vernis obtenus à l’aide de succin , de copal, de caoutchouc, de cire et de plusieurs résines ; mais il avait remarqué que par l’application d’un vernis quelconque , les lumières des épreuves étaient considérablement atténuées et qu’en même temps les vigueurs étaient voilées. A ect inconvénient se joignait la décomposition du mercure par sa combinaison avec les vernis essayés; cet effet, qui ne commençait à se développer qu’au bout de deux ou trois mois, finissait par détruire entièrement l’image. Du reste, il suffisait, pour que l’auteur rejetât entièrement l’usage des vernis, que leur application détruisît l’intensité des lumières, puisque le perfectionnement le plus à désirer, et que M. Fizeau a réalisé, était, au contraire, le moyen d’augmenter cette intensité.
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- MM. Claudet, pour l'introduction du chlore.
- Gaudin , id.
- Cuoiselat, pour ses magnifiques épreuves.
- Hat el , id.
- Lerebours, pour ses objectifs.
- Ch. Chevalier , id.
- Plagniol , id.
- Buron , id.
- Bayard (il a produit des épreuves sur papier
- dès 1836).
- Bisson , pour la priorité de ses travaux. Montmirel , id.
- Lormier , id.
- Soleil , id.
- Foucault , pour la priorité de ses travaux et pour son emploi régulier du brome.
- Martens , pour la perfection de ses épreuves et pour son appareil panoramique. Artaria , de Genève, pour la perfection de ses épreuves.
- Artaud, de New-York, id.
- Aubert, de Rouen , id.
- Becquerel (Edmond), id.
- Boulland , id.
- Chabrol, de Lyon id.
- Charbonnier , id.
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- MM. De Brebisson, pour la perfection de ses épreuves.
- Delaborde , id.
- De Liss, id.
- De Lïiynes (le duc), id.
- De Nothomb , id.
- Derussy, id.
- De Yalicoürt, id.
- Durand , de Lyon , id.
- Evrard , de St-Etienne , id.
- Eynard , id.
- Gelot, id.
- Hubert, id.
- IIuguet, de Montpellier, id.
- JOMARD fils id.
- Mathey, de Millery, id.
- Plumier , id.
- Reyser, id.
- Risler , id.
- Sabathier , id.
- Thiesson , id.
- Yaillat , id.
- Zacharie , id.
- Etc., etc.
- Je serais désolé que l’on pût penser qu’en mettant en ordre les documents qui précèdent, et qu’en dressant la
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- liste que l’on vient de lire des enfants gâtés de Daguerre, je veuille m’ériger en juge du mérite des auteurs de la Photographie, comme de ceux qui les ont suivis; je n’ai pas cette prétention ! j’ai voulu seulement initier les nombreux amateurs que cette science attrayante a produits, à ses diverses phases; j’ai réuni les documents authentiques qui les établissent; je me suis arreté à Daguerre, Fizeau, Claudet et Gaudin, parce que, s’il fallait faire connaître toutes les modifications de détail que chaque opérateur en particulier a fait subir aux procédés daguerriens, toute une biographie deviendrait nécessaire, et ce n’est point mon intention. Après les modifications importantes que ces trois émules du Maître y ont apportées; les unes paraîtraient fort minimes ; les autres inutiles dans le fond, comme d’une faible valeur pour la forme : aucunes décidément ne doivent guère trouver place dans l’esquisse à larges traits que je présente à mes lecteurs; je laisse à d’autres ce soin. En traçant, dis-je , les degrés divers qu’a parcourus l’esprit humain pour arriver à la réalisation du rêve d’Hoffmann *, et parce que j’ai eu quelques réussites dans cet admirable procédé,
- * Dans les rêves fantastiques que le conteur allemand faisait tout éveillé , sa capricieuse imagination se plaît à supposer eomme une impossibilité: « Qu’un amant, voulant laisser un souvenir durable à « l’objet de son affection , se mire dans une glace, et la lui donne « ensuite, parce que ses traits s’y sont fixés. » Tout le monde ne peut-il pas réaliser ce prodige aujourd'hui?
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- je suis bien éloigné de me compter pour quelque chose dans la science, à plus forte raison dans son histoire. C’est justement parce que je suis le plus humble des élèves de Daguerre, que je me suis efforcé de joindre mon modeste tribut à ses merveilleuses richesses ; c’est par cette raison encore qu’ayant été assez favorisé, du hasard peut-être, pour composer une substance unique permettant aux nombreux amateurs du Daguerréotype qui se forment tous les jours , de franchir sans peine les plus grandes difficultés (l’application de la couche sensible), je viens la leur offrir pour rendre davantage encore hommage au Maître; finalement, c’est encore à ces fins que, tout en espérant de leur avoir été utile dans cette espèce de compilation, je viens leur donner l’assurance qu’ils ne sont pas les seuls enthousiastes de ce noble délassement.
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- Jntrofturtûm.
- N'cst-ce pas à la Cliimic qu’on doit le Gaz d’éclairage, le Daguerréotype, la Galvanoplastie, la dorure par voie électrique, l'Ethérisation, la Pyroxiline ou Fulmi-Colon, et tant d’autres découvertes qui ont si prodigieusement étendu le champ de la puissance humaine, qui ont multiplié d’une manière si imprévue et si inespérée les ressources de la civilisation ?
- Alph. Dupasquibr (Traité de Chimie).
- Ce n’est qu’en 1841, deux années après la publication de la merveilleuse découverte de MM. Niepce et Da-guerre (août 1839), que M. Vaillat, mon ami, voulut bien m’initier aux mystères de la Photographie. Il fit
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- naître en moi ce goût, cette ardeur d’expérimentation qui, comme chacun a pu l’éprouver, tourne à la passion pour peu que le succès vienne la couronner. Dans ces charmantes dispositions, muni d’un instrument, enthousiasmé des succès de mon maître, que je résolus d’imiter, je revins à Lyon.
- Aussitôt à l’oeuvre , les obstacles qui s’opposèrent à la réussite de mes opérations furent nombreux ; cependant, bien loin de perdre courage, un demi succès me laissait chaque jour avec l’espoir d’en obtenir un meilleur le lendemain.
- Je laisse à penser aux personnes versées dans la pratique des opérations daguerriennes les essais nombreux auxquels je me livrai avant d’obtenir le liquide d’iode connu du public depuis plus de deux ans ! î! Cette préparation , dont je n’ai point changé depuis quatre années, me coûta des milliers d’expériences, mais aussi me lit obtenir ces tons rosés, cette vigueur harmonieuse, cachet qu’il faut lui attribuer.
- Fier alors de mes petits succès et muni de mes productions (auxquelles cependant j’étais loin d’attribuer le mérite qu’on a eu la bonté d’y reconnaître), je me rendis à Paris. Les artistes et les amateurs auxquels je les montrai, m’accablèrent d’éloges et, à ma grande satisfaction , les jugèrent dignes d’être présentées, tant à l’Académie des Sciences qu’à la Société d’encourage-
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- nient, et m’engagèrent même si fortement à le faire, qu’à la fin je m’y décidai.
- C’est alors que , suivant leur conseil, j’écrivis les quelques remarques que j’avais été à même de faire sur la manière de diriger la série des opérations, et qu’accompagnées de mes épreuves, je les soumis manuscrites à ces deux sociétés.
- J’obtins de part et d’autre un rapport flatteur *, les-
- Exirait du rapport de M. le baron Séguier, au nom du Comité de Photographie de la Société d‘Encouragement pour l’Industrie nationale. — (Séance publique du 29 mai 1844.)
- « Dans une des dernières séances, M. Jomard a mis sous les yeux du Conseil des épreuves photographiques d’une rare perfection d’cxécu-fion, et qui sont dues à M. Thierry, de Lyon.
- « Dans un ouvrage manuscrit, M. Thierry a fait connaître les résultats de ses essais, aussi nombreux que bien dirigés, il décrit le mode d’opérer qui lui a paru le plus propre pour obtenir des épreuves d’un grand fini, et donne un aperçu des procédés accélérateurs dont il a fait de si belles applications.
- « La Commission espère d’être mise à même de demander à l’auteur de faire, devant elle, des expériences qui ne peuvent être que la confirmation des beaux résultats que son excellent esprit d’observation lui a permis d’obtenir en si grand nombre.
- « La Commission désire soumettre à des essais répétés les travaux des concurrents qui regardent cette partie du programme ; elle propose de leur conserver les droits qu’ils peuvent avoir aux récompenses promises. »
- M. Arago , dans le courant de septembre 1844, voulut bien ajouter encore à ce témoignage bienveillant. A l’occasion de quelques épreuves que je lui soumis personnellement, et qu’il désira présentera l’Académie des sciences , dont il est le secrétaire , il en fit un rapport. Ce qui me concerne contient trop de choses flatteuses, pour que je ne profite pas de cette occasion pour exprimer, à lui comme à M. Jomard, toute l’étendue de ma reconnaissance. (Voyez la Revue scientifique de septembre 184 i
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- quels me décidèrent à faire imprimer mon manuscrit et à mettre ma liqueur en vente. Depuis cette époque, je suis heureux d’avouer que les nombreux artistes et amateurs qui se servent de cette composition et suivent mes prescriptions rigoureusement, m’ont prodigué tant de remer-cîments et d’éloges, que je suis loin de regretter d’avoir pu leur être utile.
- Cependant, au mois d’octobre dernier, MM. Lerebours et Secrétan, de Paris, en publiant un traité sur les progrès du Daguerréotype jusqu’à ce jour (à part les éloges qu’ils ont bien voulu m’y prodiguer, ce dont je les remercie sincèrement), reprochèrent néanmoins à ma composition d’iode une lenteur qui m’a suggéré l’idée de publier cette brochure ayant pour but, comme je l’ai dit, de renseigner d'une manière exacte sur les soins à prendre pour qu’elle soit aussi sensible entre leurs mains que dans les miennes, et pour faire revenir de cette fausse appréciation les personnes qui seraient désireuses d’arriver aux résultats que j’obtiens.
- Dans l’ouvrage de MM. Lerebours et Secrétan je lis à la page 30 , chapitre Vil, intitulé, de la Liqueur accélératrice :
- « Parmi les meilleures liqueurs, nous citerons telle et « telle, etc., etc. , et surtout, à cause de sa constance, « la liqueur de M. Thierry ; il est impossible de rien voir « de plus beau que les épreuves de cet amateur. Malheu-
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- « reusement sa substance agit un peu plus lentement que ” les trois premières.
- A la page 131 , je lis également :
- « Quand on a vu les épreuves de M. Thierry , certes , " on est tenté de tout abandonner pour la liqueur cons-
- * tante qui porte son nom , cependant elle est moins
- * active que plusieurs autres. »
- Et enfin , page 145 , je vois encore dans l’explication donnée sur l’emploi de ma liqueur :
- « Sa constance est des plus remarquables, nous nous ” en sommes servis quelquefois en suivant les indications données par M. Thierry , et nous avons constamment « obtenu les beaux tons rosés qui sont un des cachets les « plus saillants de ses admirables épreuves. »
- Tout en sachant un gré infini à ces Messieurs de leur bienveillante appréciation , j’aurai l’honneur de leur taire remarquer (relativement à la lenteur reprochée à ma substance) que. comme ils ont vu mes épreuves, ils ont dû en conclure que je ne pouvais certes pas éprouver ce désagrément, puisqu’ils les ont reconnues si complètes; il leur était déjà facile de juger par la netteté extrême de mes groupes, surtout, qu’ils ont été obtenus en quelques secondes, puisqu’en opérant plus lentement, de pareilles réussites ( de l’avis de toutes les personnes compétentes) sont jugées impossibles.
- Il y a donc une ou plusieurs causes qui ont empêché les
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- opérateurs , à l’essai de ma composition , d’y trouver la sensibilité dont elle est susceptible ; je me propose aujourd’hui, en publiant cette brochure, de les renseigner parfaitement sur la manière de l’employer pour arriver aux résultats de coloration et de célérité que j’a1 l’habitude d’obtenir. Pour parvenir à ces fins, je décrirai scrupuleusement tous les petits moyens que je mets en usage et qui me réussissent constamment.
- Tout le monde le sait aujourd’hui : peu de chose fait manquer une opération , peu de chose la fait réussir; par' l’observation rigoureuse de mes prescriptions , ü sera facile à chaque opérateur d’obtenir autant de promptitude et de netteté que j’en obtiens moi-même, tout en conservant les tons que doivent avoir les épreuves produites à l’aide de mon liquide, c’est même, ajouterai-je, leur cachet particulier.
- Mon intention n’est point de critiquer tels ou tels moyens, ni telles ou telles substances ; je ne chercherai, je le répète, qu’à permettre aux personnes qui désireront suivre mon procédé, d’arriver, aussi bien que moi, à des réussites satisfaisantes.
- Trop heureux si, comme j’ai lieu de l’espérer , j’atteins le but que je me suis proposé.
- Avril 1847.
- J. THIERRY.
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- CHAPITRE I.
- Je poserai d'abord en principe que l’objectif est l’âme la Photographie.
- Sans objectif parfait, il est aussi impossible à l’opéra-teur le mieux exercé d’obtenir de belles reproductions, rçu’au peintre le plus habile d’imiter convenablement s°n sujet sans palette et sans pinceaux.
- Je le répéterai donc , je ne reconnais pas de médiocrité dans cet instrument, il faut qu’il soit parfait.
- Mais , me dira-t-on, quels sont les caractères auxquels °d reconnaît cette perfection P
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- Mon incompétence en matière d’optique m’interdit toute démonstration théorique à cet égard, ce n’est, d’ailleurs, point le but de cet ouvrage. Je me renfermerai donc dans le cadre pratique que je me suis tracé ; je consignerai seulement les remarques que l’expérience m’a démontrées ; je décrirai quelques conditions générales, lesquelles, parfaitement constatées , peuvent laisser présumer que l’instrument que l’on possède doit donner de bons résultats.
- Il y a, tout le monde le sait, diverses dimensions de plaques. Quelle que soit celle sur laquelle on opère, d est nécessaire ( le cadre étant tracé au crayon sur la glace dépolie ) que les angles soient éclairés aussi également que le milieu; qu’une vive lumière fasse ressortir les moindres détails , tels que les cheveux , sourcils , etc. i c’est même cette transparence des verres , ces contours arrêtés qui sont le caractère particulier des lentilles allemandes , comme des produits qui sortent de chez nos opticiens le plus en réputation. Ces diverses conditions sont de rigueur, car l’on comprendra que, sans elles, la couche sensible n’étant pas découpée nettement ne doit produire nécessairement que ce qu’on appelle, avec raison , une épreuve vague et molle.
- A l’article chambre noire, je parlerai d’une petite vérification à faire avant d’opérer avec un instrument nouveau , afin que le rapport de la glace dépolie à la plaque
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- soit rigoureusement exact ; je me bornerai, quant à présent, à dire que j’ai essayé des objectifs de divers opticiens , j’en ai rencontré certainement de fort bons ; mais le nombre en est restreint. C’est pourquoi il est important , lorsqu’on veut en faire l’acquisition , de s’adresser à des fabricants connus , dont la réputation soit une garantie que l’on ne sera point trompé.
- Il est convenable de faire remarquer ici que ce n’est que la comparaison des résultats qui peut renseigner d’une manière définitive sur les qualités réunies de son instrument. Il est donc non-seulement nécessaire, comme je le dis plus haut, de s'adresser à bonne source, mais encore de faire un choix scrupuleux parmi les meilleurs. Cependant, puisque j’ai promis de ne conserver aucune arrière-pensée , je tiendrai parole en disant que les objectifs allemands m’ont toujours paru ceux parmi lesquels il s’en trouvait le moins de médiocres.
- Je ne doute pas que bien des gens me sauront mauvais gré de ma franchise en désignant ces derniers comme ceux parmi lesquels se trouvent les meilleurs ; mais ce n’est pas l’occasion de faire du patriotisme , il serait ici déplacé, puisque, à mon avis, devant la vérité tout doit s’incliner.
- C’est avec des objectifs allemands que j’ai obtenu les résultats qu’on a eu la bienveillance de trouver assez satisfaisants.
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- Je ne suis cependant pas exclusif; et je ne dirai pas que les objectifs allemands soient les seuls à préférer ; j’ai vu des résultats obtenus à l’aide de fort bons objectifs sortant des ateliers de MM. Lerebours et Secrélan, de Paris, et qui, certes, pouvaient rivaliser avec les meilleurs allemands; de môme que je ne doute pas que MM. Charles Chevalier, Plagniol et quelques autres opticiens en renom ne puissent en fabriquer d’excellents. Cependant je pense que MM. Yoigtlander et Sohn, en raison des prix élevés qu’ils obtiennent de leurs objectifs, peuvent rejeter tout ce qui se produit de médiocre dans leur fabrication , afin de soutenir la réputation qu’ils se sont acquise. Ce qui me laisserait croire qu’il en est ainsi , et que les opticiens ont besoin de mettre des produits imparfaits au rebut, c’est que j’ai eu l’occasion , de concert avec M. Vaillat , de confronter des verres combinés par M. Lormier , avec des verres Voigllander ; nous fûmes obligés de nous rendre à l’évidence : ceux de M. Lormier offraient la même transparence que ceux allemands.
- Ainsi donc, je ne doute pas qu’on puisse se procurer de très bons objectifs français; mais je ne saurais trop le répéter, il faut être très scrupuleux sur le choix à en faire ; car , sans un bon objectif, tout ce qu’on pourrait faire ne saurait amener que de maigres résultats.
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- CHAPITRE II.
- Du Choix des Plaques.
- En employant ma composition d’iode qui a la propriété de former une grande épaisseur d’iodure d’argent, le choix de bonnes plaques est non seulement indispensable pour obtenir de belles épreuves, mais encore pour que le Maximum de sensibilité puisse s’y établir.
- MM.Lerebours etSecrétan, qui, par leurs rapports journaliers avec tous les planeurs de Paris, ont été à même de mieux apprécier que je n’ai jamais pu le faire , les différentes qualités ou défauts du plaqué, comme d’en connaître les causes, ont donné dans leur ouvrage d’octobre
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- dernier toutes les explications désirables à cet égard-Néanmoins, dans le but d’être utile aux personnes qui n’en auraient point fait l’acquisition , je me ferai un plaisir de citer leur opinion sur cette partie importante de la Photographie ; leur compétence , irrécusable en cette matière, est le meilleur guide que Ton puisse invoquer.
- « Si l’objectif, disent-ils, est la partie la plus importante du photographe, les plaques en sont l’accessoire le plus essentiel.
- « Pour avoir des plaques susceptibles d’être repolies un assez grand nombre de fois, même après avoir été fixées, il faut les prendre au moins au trentième. Pour notre établissement de portraits, nous n’employons que des plaques à ce titre. Depuis quelque temps même, d’après l’exemple de M. Claudet, qui nous a dit ne faire usage à Londres que de doublé au dixième, ce litre est employé par nous d’une manière exclusive pour tous les essais. Les commençants et les personnes qui se livrent à des recherches feront, en employant des plaques à ce litre, une notable économie.
- « Les bonnes plaques doivent avoir un vif éclat métallique ; elles doivent être exemples de piqûres et de poussière, et la moindre trace de cuivre doit les faire rejeter-Un faible trait ou de légères rayures n’empêchent pas d’obtenir une belle épreuve, si toutefois ces rayures n’atteignent pas le cuivre ; mais on aura soin alors, s’il s’agit
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- (l’un portrait, de placer la tète sur la partie de la plaque exempte de défauts.
- « On a exécuté, depuis quelque temps, des plaques par les procédés galvanoplastiques. On faisait déposer de l’argent sur une planche de cuivre parfaitement polie, et sur cet argent on déposait une couche mince de cuivre. Malheureusement jusqu’à présent le résultat n’a pas répondu à l’attente qu’on en avait conçue. Les plaques , comme on devait s’y attendre, sont parfaitement planes, l’argent devrait en être parfaitement pur, et cependant, °n ne sait pour quelle cause quelques-unes se trouvent criblées de piqûres.
- « Les plaques ne devront être achetées que dans une maison qui inspirera une entière confiance. Malgré cela, nous engageons les personnes qui les emploient à les faire essayer le plus souvent qu’elles le pourront Ces sortes d’articles passant forcément par plusieurs mains , on ne saurait apporter trop de soins à leur examen et à leur vérification. »
- Quant à moi, je me bornerai à dire qu’employant le plaqué au trentième , je mets au rebut les planches qui ont éprouvé cinq ou six polissages , de même que celles «lui ont été fixées au chlorure d’or, car après ces manipulations successives il est impossible d’obtenir de belles réussites : les plaques sont imprégnées des substances du polissage, de mercure, etc.; la couche d’argent est presque
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- devenue un problème , et de nouvelles évaporations d’iode ne peuvent donner qu’une minceur extrême d’io-dure d’argent sur laquelle les dessins peuvent arriver sans doute, mais dénués de ce velouté, de cette épaisseur de couche mercurielle dans les blancs, qui fait le mérite des belles épreuves. Je conseillerai donc aux opérateurs jaloux d’obtenir de jolis produits, d’agir de la même manière : de mettre sans regret au rebut les plaques qui sont dans les circonstances que je viens d’indiquer, attire-ment ils seraient exposés à de nombreux mécomptes.
- J’ai eu le plaisir, pour Paris, d’indiquer comme connaisseurs MM. Lerebours et Secrétan , c’était dire que l’on peut s’adresser à leur maison en toute confiance ; mais comme les personnes qui habitent Lyon ou le Midi de la France pourraient trouver que la course est bien un peu longue pour se procurer quelques douzaines de plaques , je leur conseillerai de s’adressera M. Chartron, fabricant de cette ville. En disant que l’on peut donner toute confiance à ce planeur, je ne fais que rendre justice à la qualité de son plaqué dont je me sers habituellement ; il me donne constamment les meilleurs résultats et j’ajouterai même qu’une grande partie de mes épreuves de choix ont été obtenues sur ses produits.
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- CHAPITRE III.
- Du Polissage de la Plaque.
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- Avant d’entrer en matière, nous dirons que le polissage de la plaque nous a toujours paru l’écueil de la Photographie. Cette manipulation étant fort délicate exige une main fort habile dont tout le monde , malheureusement, n’est pas doué. J’insisterai donc souvent sur la perfection qu’elle exige ; car , des soins et de la perfection avec laquelle elle est conduite , dépendent toutes les autres. Il ne faudra donc pas s’étonner si, malgré tous les soins que je mettrai à décrire les procédés que j’emploie, bien des gens ne pourront réussir à communiquer à la plaque ce degré de poli, lequel seul peut donner
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- à l’épreuve ces ombres brunies et sans voiles dans les noirs, qui font ressortir l’éclat des blancs dans les parties éclairées.
- Il en est du reste de la Photographie comme des arts en général ; il n’est donné qu’à la minorité des personnes qui les cultivent d’arriver à leur perfection ; mais pour en approcher le plus prés possible Je vais indiquer de la manière la plus intelligible toutes les précautions à prendre et les petits moyens que je mets en usage pour obtenir un poli parfait.
- Comme première condition, il est de rigueur que la surface d’argent soit mise complètement à nu, afin que les vapeurs sensibles puissent, non-seulement s’y fixer d’une manière régulière, mais plus particuliérement encore pour qu’elle puisse atteindre son maximum, de sensibilité. Une fois ce point bien arreté Je ne répéterai donc plus que le poli de l’argent étant destiné à former les ombres des objets à reproduire ; elles seront d’autant plus belles, plus délicates et plus pures, qu’il sera lui-même plus parfait.
- Voici comme je procède :
- 1° Je remplace la planchette de bois destinée à assujettir la plaque pendant le polissage, par un semblable morceau de cuivre de l’épaisseur de deux à trois centimètres. En voici le motif :
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- J’ai remarqué que dans la mauvaise saison , le froid ainsi que l’humidité qui venaient se condenser sur la Plaque , nuisaient beaucoup à la pureté et à la transparence du poli ; de môme qu’en été la température trop élevée, augmentée encore par celle action , échauffait la plaque à un tel point qu’il était difficile, en condensant l’haleine dessus, d’y reconnaître les divers degrés qu’il acquérait.
- Dans le premier cas, je dirai qu’en chauffant légèrement celte planchette, une douce chaleur se communique à la plaque pendant la durée de l’opération , grâce àson épaisseur ; par cette précaution j’évite l’inconvénient signalé. De même qu’en été , la plongeant de temps en temps dans l’eau froide , elle conserve une température convenable. De cela je concilierai qu’il faut qu’une température moyenne soit communiquée à la plaque pendant toute la durée de la manipulation du polissage.
- Une condition plus rigoureuse peut-être encore, c’est qu’il est indispensable que le coton , comme les substances employées a cet effet, soient complètement secs , ce qu’il est aussi facile d’obtenir en été, que difficile en hiver.
- J’engagerai alors l’opérateur à les tenir constamment renfermés dans un lieu sec et chaud , car il serait impossible , même en s’y prenant plusieurs heures d’avance, de les obtenir dans un état desiccilé convenable.
- Il est inutile de faire remarquer qu’on doit choi-
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- sir un jour favorable , lequel permette que l'opéraient’ puisse suivre les divers degrés de la manipulation.
- J’ai essayé de toutes les substances, tour à tour mises en vogue , et j’ai conclu qu’à l’aide d’elles toutes on pouvait arriver au but désiré. Cependant, puisque j’ai' promis de me renfermer dans mes moyens , je dirai que je fais simplement usage de tripoli et de rouge anglais, cl que même, le plus habituellement, je n’emploie que ce dernier; mais il faut préalablement s’assurer qu’il est très pur et parfaitement dégraissé; s’il ne l’était pas compté' tement, comme il est composé de fer , il s’introduirait inévitablement dans les pores de l’argent, et formerait de l’iodurede fer,lequel, peu sensibleàla lumière, détruirait complètement l’opération principale en altérant la sensibilité de la couche d’iodure d’argent, et aurait par là l’inconvénient d’exposer l’opérateur à de nombreux mécomptes.
- Il sera très facile de reconnaître quand il aura ce défaut de préparation , en faisant miroiter la plaque polie dans un endroit lumineux , elle ne manquera pas de pa-raître d’un rouge grisâtre ; cette substance devra aussitôt être mise au rebut.
- 2° Quand la plaque est posée sur la planchette dans les conditions de température que je viens de signaler * >
- * Il est inutile de faire observer ici, car tous les artistes le savent» qu'il faut que le poli soit fait en travers de l’objet à reproduire.
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- Je la couvre d’une certaine quantité de tripoli ou de rouge anglais au choix ; je forme , en imbibant un tampon de coton d’essence de lavande , une pâte claire , laquelle décape la plaque complètement en frottant bien également et principalement sur les bords. Quand celle Plaque est jugée assez décapée, je recouvre cette pâte d une nouvelle couche de rouge sec, et en quelques coups, avec un nouveau tampon également sec , j’enlève toute l’essence en formant un commencement de bruni.
- Il est convenable alors de l'enlever de dessus la planchette et d’en essuyer les épaisseurs avec soin , ainsi que les bords de la planchette , afin qu’il n’existe aucune parcelle de la première substance dans les opérations postérieures.
- Je la remets ensuite sur la planchette et je la recouvre de nouveau d’une couche de rouge anglais, mais en substituant au premier tampon un tampon neuf imprégné d’alcool, lequel forme une nouvelle pâte alcoolique que j’annulle avec un coton sec, comme je l’ai déjà fait pour l’essence de lavande. J’essuie encore les épaisseurs et la planchette , puis je la replace une troisième fois dessus afin de terminer le poli, ce que je fais à l’aide d’un tampon propre , et ce que je reconnais quand , l’haleine condensée sur la plaque, il se forme sur toute la surface une couche parfaitement égale. Celte vérification terminée, je donne encore quelques coups de coton propre, afin de
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- faire disparaître l’humidité et le limon que l’haleine aurait pu y laisser, et l’opération est terminée *.
- Les diverses précautions que nous avons imposées plus haut, sembleront peut-être exagèrèesau premier abord; mais si on rélléchit que sur cette surface les vapeurs sensibles, les vapeurs mercurielles, et finalement l’or viendront s’appliquer tour à tour ; que le moindre atome de poussière ou d’humidité pourrait former des taches et rendrait conséquemment l’épreuve incomplète ; on comprendra qu’elles sont de rigueur. En définitive, après le succès, personne ne regrettera les soins qu’on aura apportés au polissage; c’est, du reste, la seule garantie que les dégradations de teintes seront parfaitement fidèles.
- * Quelques personnes ont cherché à la simplifier et ont pensé à tort qu’avec des moyens presque mécaniques on pouvait donnera la plaque le poli qu’elle doit obtenir.
- Les unes ont conseillé de remplacer le tampon de coton par des palettes en bois, recouvertes de velours ; d’autres ont pensé qu’à L’aiéu de brosses extrêmement douces on pourrait arriver au même but.
- Mon avis est que la plaque doit obtenir un poli électrique, qui ne peut s’acquérir que par le contact presque direct de la main, et du reste rien ne saurait remplacer le coton, qu’on échange à loisir, tandis que les palettes et les brosses dont on se sert constamment, finissant par se salir , introduisent dans l’argent des matières impures qui modifient les résultats et peuvent meme empêcher complètement la réussite de l’opération.
- (-Vote de ma première édition.)
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- CHAPITRE IV.
- De rApplication (le la Couche sensible.
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- ’ei/œieme
- O/ier
- Quel liomme eût jamais pensé, avant la découverte de lu Photographie, que pour obtenir une empreinte durable d’un objet quelconque, l’évaporation des résidus de matières salines ou de plantes marines était le seul agent qui pouvait réaliser cette merveille ?
- La principale des substances diverses employées est, comme tout le monde le sait, celle sur laquelle les autres peuvent s’appliquer pour en accélérer la sensibilité, c’est Viode.
- C’est donc, sans contredit, l’évaporation principale de ce corps qui forme la couche sensible, et c’est de ses combinaisons avec les autres que résulte celle variété de tons que l’empreinte de la lumière laisse sur la plaque
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- d’argent, lesquelles caractérisent meme , comme je l’ai dit, les résultat obtenus par tels ou tels opérateurs.
- Mais , dans ces diverses combinaisons, plusieurs inconvénients sont à signaler. Dans les préparations où le brôme domine, les épreuves sont d’une douceur extrême , mais elles manquent complètement de vigueur; celles obtenues avec l’addition du chlore ( lequel semble former sur la plaque une plus grande épaisseur d’iodure d’argent ) sont en général d’une grande vigueur, mais l’image est dure , les contrastes heurtés , les parties claires sont presque toujours dévorées * avant que l’action de la lumière ait suffisamment dégradé les parties sombres.
- D’après de semblables remarques , il peut paraître facile d’arriver à une combinaison parfaite, en ajoutant au chlorure d’iode une certaine quantité de brôme ; mais l’expérience a démontré que toute combinaison simple de ces substances est. peu stable et cela se conçoit: le brôme et le chlore étant plus volatils que l’iode , s’évaporent plus rapidement que lui, et la sensibilité du mélange diminue d’autant plus qu’il a plus longtemps été mis en évaporation. Je suis donc d’avis qu’il est infiniment préférable d’employer, comme moyen accélérateur,
- * La couche, consommée par la durée trop grande de l’exposition , n’est plus poreuse et ne peut retenir assez de mercure pour former île» ldancs: ds passent au bleu.
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- l’eau bruinée *, d’après les indications de M. Foucaut, (iue de faire usage de ces mélanges dont la composition est tellement variable, qu’après deux ou trois iodages est impossible de pouvoir préciser le degré de sensibilité de la plaque et par suite le temps de l’exposition h la chambre noire.
- Je profilerai de cette occasion pour engager fortement ks artistes qui voudront spéculer sur cette
- Par suite de l’invention du Daguerréotype, le brome a trouvé une aPplicalion très-utile. Primitivement, et d’après les seules indications ('c M. Dagucrrc, on n’employait que l’iode pour rendre la plaque de cuivre argenté sensible à l’influence des rayons lumineux. L’association 'lu brome à l’iode a presque centuplé la sensibilité de la plaque mélal-H'iue à l’action de la lumière. Depuis ce perfectionnement important, "u lieu d’attendre vingt, trente minutes, et même davantage , comme 0ri le faisait dans l’origine , pour obtenir une image un peu nette , il "c faut que quelques secondes pour arriver à ce résultat, ce qui permet de saisir des poses et même des mouvements qui n’ont qu’une ♦Jurée en quelque sorte insaisissable.
- A cet effet, on emploie une solution très-faible de brome dans l’eau ell’on expose la plaque métallique, préalablement iodée, à l’influence 'les vapeurs qui sc dégagent de celte solution. Il se forme dans ce cas, a la surface de la plaque métallique, une coucbe presque insensible de hrômo-iodurc d'argent. On prépare aussi avec le brome et l'iode des liqueurs composées qui servent au même usage que la solution brômée , mais qui ont l'avantage de donner des résultats plus constants.
- La préparation de ces liqueurs accélératrices est généralement tenue secrèic. Parmi ces compositions on cite comme celle dont les effets sont les plus remarquables, la liqueur préparée par M. Thierry, de byon, amateur du Daguerréotype, qui a obtenu des résultats vraiment merveilleux.
- Le brome et ses composés sont employés en médecine dans les mêmes cas que l’iode et les iodiquos, mais on en fait un bien moins fré-'jnent usage.
- (Aph. Dupasquier, Traité de Chimie indu sir., 1.1 p. 648 )
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- cette industrie, de même que les amateurs qui n’auront pour but que d’arriver à de bons résultats, tout en s’amusant^ à ne se munir que de substances dont l'expérience aura justifié la qualité ; je les engagerai plus particulièrement encore à se tenir en garde contre les liqueurs d’amateurs; car, il faut bien le dire : il n’en est pas un seul qui, essayant du Daguerréotype , n’ait aussi fabriqué la sienne ; mais il est aussi convenable d’ajouter que ces chimistes d’occasion sont fort embarrassés souvent pour en tirer un parti plus que médiocre.
- Somme toute , et sans prétention exagérée, j’ai l’espoir que ce Traité formera plus d’opérateurs et fera en même temps obtenir plus de belles réussites que tous les volumineux écrits que je connais. Dix formules plus ou moins sont indiquées dans ces manuels pour fabriquer des liqueurs accélératrices à faire évaporer sur la couche d’iode ; le néophyte ne sait à laquelle donner la préférence ; il marche de tâtonnements en tâtonnements, de déceptions en déceptions; et finalement je crois être autorisé à affirmer que les détracteurs, les adversaires de lu Photographie, ne sont, pour la plupart, que des amateurs mystifiés.
- Depuis longtemps, et dès le principe même de mes expériences photographiques, j’avais déjà reconnu les inconvénients que je viens de signaler (relativement à la difficulté de composer un mélangedont les effets d’évaporation cons-
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- tants, tout en donnant à la plaque une grande sensibilité, produisissent après lui des résultats plus beaux que ceux obtenus au moyen des autres préparations ) ; mes recherches , donc, ont toujours tendu à réunir ces trois conditions que je n’ai pas obtenues d’abord , comme on peut le penser , puisque ce n’est qu’en 1844 que j’ai livré a la consommation le composé qui porte mon nom ;
- me semble avoir atteint le but que je m’étais proposé.
- Tout en remerciant les personnes bienveillantes qui ont bien voulu me témoigner en beaucoup de circonstances leur satisfaction, en raison des beaux résultats qu’elles ont obtenus avec ma préparation , je crois être autorisé à affirmer qu’à l’aide de son emploi les Principales difficultés delà Photographie sont aplanies. J’appellerai, en conséquence, l’attention du lecteur sur celle particularité : c’est qu’avec elle il est possible de surveiller et établir la plus haute période de sensibilité dont la plaque est susceptible , différant en cela de toutes les autres substances, lesquelles, n’étant employées qu’a-près avoir préalablement formé une première couche d’iodure d’argent, rendent l’opération très compliquée, puisqu’il s’agit d’apprécier une quantité de substance relativement à l’autre, et cela d’après un calcul fort approximatif. Avec l’emploi de ma liqueur, dis-je , la sensibilité
- de ma plaque étant déterminée invariablement par la
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- teinte graduée qu’elle lui donne , j’ai plus de chances de réussite qu’en me servant de substances prises isolément, puisque, avec l’appréciation pratique de l’intensité de la lumière , j’ai plus de raisons pour compter sur un succès que sur une déception.
- L’emploi de ma liqueur est de la plus grande simplicité : après en avoir versé dans une capsule de manière à en couvrir le fond , il suffira d’exposer la plaque polie * à son évaporation (après l’avoir préalablement essuyée avec quelques brins de coton pour faire tomber la poussière, etc.), jusqu’à ce qu’elle ait atteint la couleur violet pensée, laquelle, non-seulement est celle qui produira les plus beaux résultats, mais encore celle qui formera l’image avec la plus grande vitesse **.
- Il faudra surveiller avec soin le progrès de l’io-
- * Ainsi que je l’ai dit au chapitre du polissage, il est indispensable que la jplaque soit entretenue à une température chaude en hiver, afin d’éviter que l’humidité vienne se condenser à sa surface. On devra donc avoir grand soin de chauffer la planchette qui est destinée à la maintenir pendant la durée de l’évaporation comme pendant celle de l’exposition à la chambre noire.
- "* On sait que comme les minces lames d’or, tous les corps transparents, disposés en couches faibles, reflètent des couleurs qui varient suivant l’épaisseur qu’elles acquièrent; on petit indiquer comme loi générale l’ordre suivant, lequel, comme on le verra, a plus d’un rapport avec les couleurs prismatiques : Jaune paille, jaune foncé ou orangé ; rose plus ou moins foncé, jusqu’à rouge; violet, violet pensée ; bleu acier, et enfin vert. Après cette couleur , la plaque redevient jaune clair et continue à passer successivement, sauf quelques altérations, par toutes les nuances déjà citées.
- (Note (Tun Amateur.)
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- dage, afin de ne point dépasser la limite indiquée. Il est inutile de faire remarquer que cette surveillance devra se faire à un demi-jour, afin que la grande lumière ne puisse changer les conditions de sensibilité de l’iodure d’argent.
- Si la teinte se formait cfe préférence dans le milieu de la plaque , c’est qu’elle serait trop éloignée du liquide; dans le cas contraire, si elle se portait sur les bords , c’est qu’elle en serait trop rapprochée; il sera alors facile de régulariser l’évaporation , soit en ajoutant de la liqueur , soit en la diminuant *.
- * Afin que l’on ne puisse pas supposer que j’omets à dessein quelque prescription indispensable , que je conserve par devers moi quelque moyen restrictif, je dois avertir les artistes qui en ont eu connaissance qu’en 1844 je présentai, tant à l’Aeadéinie des sciences, par l’intermédiaire de M. Arago, qu’à la Société d’encouragement, par celui de M. Jomard, une communication relative à la formation d'une double couche d’iodure d’argent ; j’y joignais à l'appui quelques épreuves ne présentant, comme je l’ai reconnu depuis , qu’une vigueur par trop outrée, ce qui leur donnait un aspect dur et peu harmonieux.
- Comme je ne voudrais pas que l’on put supposer que les qualités des résultats que j’ai obtenus depuis Sont ducs à ce moyen, je dirai que j’y ai complètement renoncé , les avantages qu’il produit étant trop faibles, en raison de la grande difficulté que présente la manipulation de la première couche.
- Afin qu’il ne reste aucun doute dans l'esprit du lecteur sur ma sincérité, je transcris cette note, telle qu’elle a été présentée dans le temps :
- « Je viens, suivant la voie ouverte par M. Daguerrc, indiquer une « nouvelle préparation de la plaque.
- « La beauté des épreuves dépend de l’épaisseur de la couche « d’iodure d’argent, le fait est reconnu ; mais par quels moyens « pourra-t-on parvenir à obtenir une couche très épaisse sans que la « sensibilité en soit altérée? Voici le procédé auquel j’ai été conduit
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- Je terminerai ces remarques en donnant quelques conseils utiles pour les cas où l’on voudra reproduire un point de vue ou un monument. J’engagerai donc l’opérateur, dans ce cas , à soumettre préalablement sa plaque à l’évaporation de l’iode simple. Le but de cette opération est de la rendre moins sensible dans les parties qui devront former le ciel , afin qu’il ne soit pas exposé à le voir dépasser avant que les parties sombres, telles que les arbres et les monuments, ne soient suffisamment dégra-
- « par dos oxpériences multipliées ; il m’a donné les résultats qu’011 « pourra apprécier par l’examen de mes épreuves.
- « Lorsque la plaque a été polie, vous l’exposez sur ma liqueur « jusqu’à ce qu’elle soit parvenue à la teinte jaune d’or. Vous la pla-« cez alors sur la planchette à polir et lui laissez subir l’action de la « lumière pendant un temps suffisamment long pour détruire la sensi-« bilité de la couche d’iodure d’argent ; vous la frictionnez ensuite « légèrement avec un tampon de coton très large et peu compacte, dans « le sens du poli ; peu à peu l’iodurc d’argent, qui d’abord résistait à « l’action du coton, devient uni. Si celte opération est bien conduite, « la surface de la plaque qui s’était ternie , reprend plus de transpa-« rence, sans perdre toutefois complètement la teinte jaune d’or qui « lui avait été donnée. Il esta remarquer qu’il faut une main très ha-« bile pour obtenir un résultat satisfaisant); car, si l’on frottait irrégu-« lièrement, on enlèverait inégalement la couche , et l’opération serait « complètement manquée. Si l’on appuyait trop fortement surtout en « commençant, la couche serait plus ou moins enlevée et l’on serait « obligé d’exposer de nouveau la plaque sur la liqueur jusqu’à ce « quelle ait repris la teinte qu’elle a perdue, et il faudrait recom-« mcncer la friction de la couche d’iode.
- « Quand on a terminé, c’est-à-dire lorsque la couche jaune d’or « d’iodure d’argent polie , mais conservée , vous avertit que vous avez « réussi, vous replacez la plaque sur la capsule, jusqu’à ce qu’elle « soit parvenue au violet pensée, vous la remettez alors dans son « châssis, et elle est prête à subir l’action de la lumière. »
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- déespar l'action tle la lumière. II sera convenable, pour cela, d’incliner la plaque sur la boîte à iode, de manière à en rapprocher la partie dont on voudra diminuer la sensibilité ; elle atteindra bientôt une légère teinte jaune qui s’étendra progressivement jusqu’au milieu, et pas au-delà ; ce sera la partie destinée à reproduire le ciel ; tandis que la partie non iodée , réservée pour reproduire les objets, restera presque blanche. Dans cet état, la plaque- sera placée sur la capsule contenant mon liquide, et on ne devra l’en retirer que quand il aura été reconnu que la partie non iodée est arrivée à la teinte indiquée. Quant à l’autre partie, elle aura pris une couleur verdâtre , laquelle, peu sensible , donnera un ciel bien conservé, but qu’on s’était proposé en agissant ainsi. En employant ce moyen , on n’aura plus à entendre exprimer ce regret, quand une épreuve a le défaut que nous venons de faire éviter : belle épreuve ! mais il est fâcheux que le ciel soit brûlé !
- Il faut, à présent, traiter de la sensibilité extrême de la couche d’iodure d’argent; je vais alors , pensant qu’on attend cette explication avec un vif intérêt, puisque c’est le litre que j’ai imposé à cette brochure, m’efforcer de répondre à l’attente de mes lecteurs.
- Une remarque essentielle à placer en tète des avis que je vais leur donner, c’est de n’exposer la plaque iodée que six à dix minutes après sa sortie de dessus la capsule.
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- Il paraît que ce léger repos lui fait acquérir une sensibilité bien plus grande que si elle était immédiatement exposée à l’action de la lumière, comme je l’ai souvent expérimenté.
- Avant de passer aux autres considérations , je dois entrer dans quelques détails préliminaires : comme on l'a vu plus haut, il est constant que l’épaisseur de la couche d’iodure d’argent est déterminée d’une manière exacte par la série des nuances qui se forment à sa surface lors de l’évaporation de l’iode , ou de toutes les combinaisons qui ont cette substance pour base. 11 en résulte donc que plus l’iodure d’argent est avancé en couleur , plus il résiste par son épaisseur à l’action de la lumière ; de même que plus il est faible , plus il est facile à être impressionné.
- Cette règle n’existe cependant que lorsque la couche d’iode est formée séparément, sauf ensuite à la rendre plus sensible encore en soumettant la plaque à l’évaporation des substances accélératrices proportionnées à l’épaisseur de la couche primitive.
- Mais, lorsqu’il s’agit d’un mélange complet, à l’aide duquel on veut établir la couche impressionnable par une seule opération, il est évident que cette couche ne peut se former de la même manière, et que le maximum de sensibilité n’existera qu’à une seule limite, indiquée par une teinte invariable résultant de la combinaison des substances formant le liquide.
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- En faisant usage de ma composition , par exemple , il serait très nuisible de s’écarter de la couleur indiquée , car la sensibilité , bien loin d’augmenter, diminuerait énormément. Tout en étant très impressionnable dans les diverses conditions que je viens d’imposer, il est toutefois des circonstances où il est indispensable d’opérer avec une grande rapidité ; d’autres, où la lumière est disposée si peu favorablement, qu’il est difficile d’obtenir, en moins de quelques minutes, des résultats même imparfaits. J’indiquerai doue un moyen pour suppléer à ces cas divers, en accélérant encore ma liqueur; je suis d’avis que lorsqu’il s’agit de reproduire des groupes ou des portraits, il faut que l’exposition ne se prolonge pas au-delà de vingt à vingt-cinq secondes. Or , dans les cas d’empêchement que je viens de citer, j’emploie le procédé accélérateur que voici ; sa simplicité le rendra praticable à tous les opérateurs.
- Dans un flacon de la contenance d’un quart de litre (que je remplis d’eau ordinaire et dont je relire un tiers pour le verser dans un deuxième flacon), je laisse tomber vingt grammes de brome pur. J’y introduis ensuite , grains à grains , autant d’iode que le brôme peut en dissoudre. Dans le deuxième flacon je verse huit à dix grammes de chlorure d’iode rouge; il se forme aussitôt une boue noirâtre ; j’ajoute alors vingt-cinq à trente goutles d’éther sulfurique , je secoue vivement le mélange à plu-
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- sieurs reprises et le laisse reposer pendant 24 heures, Lorsque le dépôt est parfaitement formé et que le liquide est devenu très limpide, je le décante avec précaution dans le premier flacon contenant le bromure d’iode, avec le soin de ne pas y laisser introduire de précipité, lequel serait très-nuisible.
- Ce liquide ainsi préparé est infiniment trop concen-tré, il ne doit s’employer qu’aprés l’avoir étendu d’eau à une nuance à peu près semblable à ma composition d’iode. Quelques gouttes versées dans un flacon d’eau ordinaire suffiront pour former celte teinture que l’on versera ensuite dans une capsule très plate, afin que la plaque s’en trouve le plus rapproché possible. Il est inutile de faire remarquer que l’on devra reverser le liquide dans le flacon après deux opérations, afin de lui rendre sa sensibilité primitive: de meme que, chaque jour, on ajoutera quelques gouttes du liquide concentré dans ledit flacon.
- Comme on le voit, la plaque polie devra être exposée d’abord sur ma liqueur, dite Invariable , jusqu’à ce qu’elle ait atteint la nuance que je vais indiquer ci-aprés ; elle sera ensuite transportée sur la seconde capsule contenant le liquide accélérateur destiné à compléter la teinte , et procurer par ce moyen à la couche d’io-dure d’argent l’extrême sensibilité demandée ; mais il faudra épier avec soin ce complément, car cette der-
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- üière teinte se forme avec une extrême promptitude. Voici les nuances d’iodage que je conseille comme les Plus favorables :
- A la liqueur invariable.
- Jaune foncé ou orangé , transition au rose sur la dernière.
- Rose foncé , transition au violet.
- El enfin , violet, transition au violet pensée.
- On comprendra que les deux derniers iodages seront un peu moins sensibles .que le premier; mais en revanche , les épreuves qui en résulteront, auront une vigueur Presque égale à celles obtenues par mon liquide invariable sans ce complément.
- U est bien entendu que je ne conseille l’emploi de Cet accélérateur que dans les cas que j’ai signalés *. Il ne
- Dans un de mes voyages, invité à visiter le musée d’un amateur distingué , j’accepte avec empressement : Parmi une grande quantité dépreuves irréprochables sous tous les rapports, je remarque au rond-point, à la place d’honneur enfin, et richement encadrée, une petite épreuve sans dessin apparent et qu’en regardant plus attentivement je parviens à découvrir..,. Je manifeste à un ami de l’amateur mon étonnement de trouver un mâchuron semblable dans une collection aussi précieuse : c’est fâcheux, dis je, elle fait tache parmi les autres. —Y pensez-vous, Monsieur? répond l’ami, elle a été obtenue en une seconde. — lié bien, pensai-je, c’est le plus grand malheur qui ait pu lui arriver, il aurait été préférable de ne rien obtenir.
- Beaucoup de gens font consister tout le mérite d’une épreuve dans ia rapidité de son exposition; je conviens qu’il y a, comme expression,
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- faut pas se dissimuler qu’il fait retomber l’opérateur dans les difficultés que j’ai toujours voulu éviter de doubles appréciations de substances , surtout quand les produits sont loin d’en être améliorés.
- Je ne recommande donc de Putiliser que quand une nécessité absolue en aura démontré le besoin. Du reste, avec les soins qui sont apportés au poli (ainsi que je l’ai recommandé en cette occasion), et avec une lumière conve' noble, la durée de mon exposition, en employant ma liqueur seule, ne dépasse guères dix à vingt secondes, opérant avec un appareil quart de plaque. Cette rapidité rne semble assez grande pour pouvoir, pendant toute la belle saison, se passer du liquide accélérateur que j’indique; je ne conseille de l’employer, je le répète , que quand une rapidité d'exposition extraordinaire sera indispensable.
- comme nature prise sur le fait, des beautés qu’il faut admirer; mais il faut avant tout qu’il y ait image, image vigoureuse ; il vaut mieux rester quelque secondes de plus pour obtenir une belle épreuve ! dix secondes, temps normal, sont sitôt passées , qu’il me paraît extravagant de vouloir diminuer la brièveté de cette exposition, puisque sans cela l’image est molle et sans dessin. À l’inspection d’un tableau, d’une œuvre quelconque, on ne demande pas à l’artiste en combien de temps il l’a produit !
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- CHAPITRE V.
- Exposition à la Chambre Noire.
- <afro/t.
- Comme je viens de le dire dans les chapitres précédents: après un polissage parfait obtenu avec les soins et la propreté sur lesquels j’ai tant insisté; que la plaque a été soumise à l’évaporation de ma liqueur invariable jusqu’à la teinte violet pensée ( on la reconnaît par la couleur de l’angle de réflexion d’un papier blanc qu’on y Présente, le papier tourné au jour, et la plaque conséquemment au rebours, afin que sa sensibilité n’en puisse être altérée) ; que cette plaque, comme je l’ai fait remar-
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- quer, par un repos de six à dix minutes, a atteint son maximum de sensibilité , elle est prête à subir l’action de la lumière.
- A cet effet l’on dirige la chambre noire sur la personne ou l’objet que l’on veut reproduire ; on met l’objectif exactement au foyer en le faisant rentrer ou sortir selon la distance; l’on s’assure de la netteté de l’image en examinant attentivement sur le verre dépoli si rien ne choque le bon goût, s’il n’y a point de parties disgracieuses à faire rectifier, et, finalement, en cherchant à y arrêter les plus petits détails qui existent dans les objc|s que l’on veut reproduire ; on replace avec soin le coU' vercle de l’objectif, afin de ne pas déranger le foyer; °n remplace le verre dépoli par le châssis qui contient la plaque iodée et on la démasque doucement pour évite1' de faire mouvoir la poussière que pourrait contenir la chambre noire ; enfin, on enlève le couvercle de l'objectif (toujours avec précaution), et la plaque se trouve alors sous l’influence de la lumière : l’opération commence.
- Les phénomènes mystérieux qui ont lieu pendaut sa durée sont tellement remarquables que je ne puis mieux renseigner mes lecteurs (bien que différant d’avis, sur quelques points de cette démonstration, avec MM. Choi-selat et Ratel), qu’en citant leur compte-rendu à l’Académie des Sciences, du 26 juin 1846. Ils ont décrit ces
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- Phénomènes si lucidement, qu’il me serait impossible de rien ajouter à l’explication qu’ils en donnent.
- COMPTE-RENDU A L’ACADÉMIE DES SCIENCES.
- « On admet généralement que dans une image photographique les blancs sont produits par du mercure Métallique simplement déposé sur la plaque ou bien amal-Qamé, et les noirs par le bruni même de l’argent; mais généralement aussi on s’abstient de détails sur la manière dont se passe le phénomène.
- « Nous essayons ici de démontrer, par des considérations purement chimiques, que les blancs sont produits Par des gouttelettes d’amalgames d’argent formées et déposées sur la surface du plaqué, et les noirs par le bruni Même du métal et une poussière d’argent et de mercure.
- « Cette théorie est fondée sur les trois faits suivants :
- « 1° L’iodure d’argent sous l’action de la lumière est transformé en sous-iodure ;
- « 2° Ce sous-iodure , en contact avec le proto-iodure de mercure, donne naissance à de l’iodure rouge et a du mercure métallique ;
- « 3° Du mercure métallique, mis en contact avec de l’iodure d’argent, se convertit en proto-iodure et l’argent est mis en liberté.
- « Pour le premier point, nous ne nous écartons pas
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- de l’opinion générale, savoir : que l’iodure d’argent se convertit par la lumière en sous-iodure ; et un fait qui, entre autres, semble confirmer cette opinion, c’est que si, après avoir exposé une plaque d’argent à la vapeur de l’iode, puis à la lumière, on la lave ensuite dans de l’hyposulfile de soude , il reste sensiblement à la surface une poudre insoluble de sous-iodure d’argent.
- « Le deuxième fait se déduit des phénomènes déjà connus; on sait que les iodures basiques déterminent, avec le proto-iodure de mercure, la formation du bi-iodure de ce métal et un dépôt de mercure métallique.
- « Le troisième fait peut se vérifier en mettant du mercure en excès au contact de l’iodure d’argent: on recueillit bientôt de l’iodure vert de mercure et un amalgame d’argent.
- « Ceci posé, considérons les conséquences des trois opérations principales de la Photographie : l’exposition à la chambre noire, celle de la chambre à mercure et le lavage.
- « Une plaque ayant sa surface recouverte d’iodure d’argent, est soumise à la lumière de la chambre noire : aussitôt l’action commence , mais avec une différence essentielle dans la manière dont elle est impressionnée; en effet, au lieu d’une lumière uniformément répandue, elle reçoit ici une distribution inégalement répartie de rayons lumineux. Dès lors l’iodure d’argent se modilie
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- en raison directe des intensités. Là où la lumière est plus Vlve, il y a production abondante de sous-iodure d’argent etémission d’iode repris par la plaque; là où doit appa-raUre une demi-teinte, la formation de sous-iodure est ralentie dans le meme rapport que la diminution de la lumière elle-même ; enfin, dans les ombres les plus noires, l’iodure n’en est que très faiblement attaqué, car l’absence (les radiations ne saurait être telle qu’il ne puisse y avoir aUcune altération de l’iodure d’argent.
- « Que se passe-t-il maintenant quand une plaque ainsi •ufluencée est exposée à la vapeur du mercure?
- « Ce métal commence par réagir sur tout l’iodure d’argent qu’il rencontre sur la plaque. Nous venons de voir que cet iodure a ôté parfaitement conservé dans les noirs, mais les blancs en présentent aussi une certaine quantité, quoique beaucoup moindre ; il est en effet dans les conditions d’une bonne épreuve qu’il n’y ait pas été entièrement décomposé. Dans les premières il se forme donc abondamment, et dans les secondes faiblement, du proto-iodure de mercure et de l’argent métallique. L’action s’arrête là pour les noirs; mais il n’en est pas de même pour les blancs, car le proto-iodure de mercure , s’y trouvant en contact avec du sous-iodure d’argent, doit donner lieu à une double décomposition ; le sous-iodure est réduit et le proto-iodure se divise : une partie passe à l’état de bi-iodure, tandis que l’autre , également
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- réduite, devient alors la véritable source du mercure qui» s’unissant sans doute avec l’argent devenu libre, se décompose sur la plaque, mais sans s’y amalgamer. C’est donc par les parties les, plus claires que l’image se révèle d’abord; elles absorbent d’autant plus de mercure, qu’ayant été exposées à une lumière plus vive , elles sont plus riches en sous-iodure. Les ombres les plus intenses, au contraire, n’offrant que de l’iodure d’argent à la réaction du mercure, celui-ci ne peut jamais produire qu’un voile plus ou moins profond d’iodure vert mêlé à de l’argent métallique, que son état de division extrême fait paraître noir; ce dernier restera donc en réserve pour former plus tard les noirs du tableau. Mais entre ces deux points extrêmes, entre les ombres les plus fortes et les blancs les plus purs, il doit s’établir une demi-teinte admirablement fidèle ; puisqu’elle est le résultat du travail plus ou moins complet de la lumière, elle s’éclaircit ou elle se traduit en noir, suivant la richesse ou la pauvreté de la couche en sous-iodure d’argent.
- « Aussi voit-on la plaque, au sortir de cette opération, s’offrir à l’œil avec une apparence noire ou verdâtre dans les ombres, là où le proto-iodure de mercure n’a point été décomposé ; tandis qu’elle est souvent rosée, et même souvent rouge vif, dans les blancs les plus intenses, qui n’ont qu’un amalgame d’argent en gouttelettes imperceptibles, recouvert d’une couche de bi-iodure de mercure.
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- « Si l’on vient à laver celte plaque dans une dissolution d’hyposulfite de soude, l’iodure rouge de mercure se dissout ; quant à l’iodure vert, il doit encore subir ici une décomposition : il se convertit en bi-iodure qui disparaît, et en mercure métallique qui reste sur la plaque.
- « Ainsi donc, en résumé, les blancs sont produits par une poussière d’une grande ténuité d’amalgame d’argent simplement déposé sur la plaque ; ces blancs sont d’un ton d’autant plus vif que celte poussière est plus abondante et plus riche en argent; quant aux noirs, ils sont le résultat du dépôt d’un argent extrêmement divisé , mêlé mécaniquement à une très faible quantité de mercure provenant du lavage.
- « Nous espérons que cet exposé, quoique fort abrégé , satisfera à beaucoup de questions qui n’ont pas encore été parfaitement résolues, et offrira une infinité de ressources pour la reproduction de belles épreuves. »
- Ces diverses transformations expliquées , je ne citerai pas davantage le rapport de ces Messieurs: c’est justement ici que commencent nos dissentiments.
- Je continuerai, en conséquence, à décrire les remarques que j’ai faites pour mon propre compte :
- Je prierai mon lecteur de se rappeler constamment que la lumière du nord est celle qui m’a toujours semblé, sinon la plus favorable, du moins la plus régulière. Il
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- devra chercher autant que possible à opérer à celte exposition. De cette manière, après avoir essayé sur une plaque préparée avec soin les effets obtenus dans un temps donné , il pourra l’augmenter si le dessin, après l’avoir soumis à l’évaporation du mercure, est trop noir et sans détails ; tandis qu’il faudra le diminuer, si, au contraire, il est blanc et comme effacé, car ce serait la preuve que le temps nécessaire a été dépassé.
- En conseillant d’opérer toujours à cette exposition, le lecteur a déjà compris qu’il ne s’agit ici que des reproductions de portraits, groupes, gravures, etc., dont les deux premiers genres sont, sinon impossibles, du moins difficiles et surtout disgracieux à la lumière solaire, les modèles ne pouvant conserver un regard agréable pendant un temps quelque limité qu’il soit. Voici l’occasion de donner quelques conseils indispensables pour l'agencement, dirai-je , des sujets qu’on aura à reproduire. Comme je le dis plus haut, il convient de grouper avec goût. Cela ne s’apprend pas; chaque personne, en objets d’arts, a des idées qui ne sont souvent pas celles des autres. Pour mon compte je préféré pour fond de larges draperies, afin que les plis, par leur modelé, produisent des nuances bien fondues et vigoureuses, lesquelles forment une opposition admirable avec les plans verticaux du modèle et y ajoutent une nouvelle harmonie.
- Les accessoires sont également fort intéressants. J’<n
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- dans le temps essayé d’accompagner mes porlrails de psychés ou de toilettes : les traits reproduits dans les glaces d’une manière un peu vague, il est vrai, donnent alors à ceux du sujet, par contraste , une netteté et une vérité plus grande. Les vases à (leurs de cristal, remplis d’eau ou vides à demi, donnent encore des mirages charmants, des scintillements du plus grand effet. Les statuettes de bronze ou de plâtre, qui sont entre les mains de tout le monde, ajoutent toujours au coup-d’œil général de la composition par leur teinte bistrée ; l’on peut ensuite y ajouter des brochures , des ouvrages riche* ment reliés ; enfin l’on peut définitivement placer tous les accessoires relatifs à la profession de la personne reproduite, si l’on tient à flatter ses goûts. Je ne conseillerai cependant pas d’accompagner un portrait de sujets trop blancs, soit pour fond, soit comme accompagnement, bien qu’à l’aide du procédé que j’ai donné à l’article Substances accélératrices , ils ne deviennent pas bleus , néanmoins l’extrême blancheur nacrée avec laquelle ils se reproduisent, altère la blancheur du visage du sujet, et fait paraître, par comparaison, la peau d’une teinte plus bistrée et moins éclatante qu’elle ne l’est réellement. On devra donc dans l’opération du portrait être extrêmement sobre d’objets uniformément blancs.
- Il nous est fort désagréable dans un sujet qui comporte tant de poésie, tant de détails charmants, surtout
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- dans cette partie de l’opération % d’avoir à revenir sur desdétails matériels qui, néanmoins, sont importants pour que les résultats paraissent artistiquement irréprochables. L’observation que je vais faire est essentielle, puisque, si on la néglige, la netteté que j’ai imposée jusque sur les bords pour les objets placés sur le même plan, n’existerait pas, et l’épreuve serait en conséquence incomplète. Yoici la recommandation dont il s’agit :
- Comme la courbe de l’œil, l’objectif, on le sait, ne pourrait réfléchir une image s’il n’avait pas au total une courbe sphérique ou convexe ; donc , pour que tous les objets soient rigoureusement au point, il faut qu’ils soient tous géométriquement à la même distance; autrement des parties, surtout dans les groupes, seraient sacrifiées. Yoici, horizontalement et verticalement, le moyen que femploie pour que toutes les parties de la com-
- * U est carieux d’étudier jusqu’à quel point la fièvre daguerrienne est poussée chez de certaines organisations. Un amateur de notre connaissance , après avoir, dans ses impatiences, brisé une demi-douzaine d’instruments, n’en continuaitpas moins à toujours expérimenter, sans que les résultats voulussent le récompenser de sa persistance. Sa dame et sa domestique avaient été requises tant de fois , que, sitôt qu’on le voyait toucher l’instrument, il y avait désertion immédiate. Un dimanche matin , notre amateur touche à ses ustensiles, la dame et la domestique s’esquivent sous le prétexte d'aller à la messe. Notre malheureux opérateur appelle son chien. Médor? Médor? Pas d’animal. Criant, maugréant, jurant, le maître veut avoir quelque chose à faire poser; enfin, après bien des recherches, que découvre t-il? son chien caché sous un lit: le pauvre animal, redoutant le supplice qu’on lui avait tant de fois imposé, avait également essayé de s’y soustraire en se cachant.
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- portion réunissent cette condition. Je place un til à l’orifice de mon objectif, et je promène sa longueur dans toute l’étendue horizontale des sujets à reproduire ; s’ils sont trop écartés ( le sujet du milieu servant de point de départ), je fais rapprocher les autres personnes composant le groupe; de même que, suivant ce principe, rje fais rentrer verticalement les extrémités des parties non alignées, telles que les pieds, les têtes si elles sont trop en arrière, les mains et l’estomac étant le centre de la distance rigoureuse. De cette manière, le groupe, agréablement et artistiquementposé, est rigoureusement au foyer. Le résultat est alors satisfaisant puisque aucune partie n’est sacrifiée.
- Pour la portraiture, comme pour le paysage , dont je vais avoir l’honneur de parler dans un instant, j’ai également une remarque bien plus essentielle à faire , et qui nous éloigne bien davantage encore de ces charmants détails sur lesquels on s’arrête d’autant plus volontiers qu’il n’a fallu faire, jusqu’à présent, que des démonstrations matérielles, prosaïques, mais nécessaires pour arriver à la partie artistique de l’opération.
- J’ai recommandé, on se le rappelle, de préparer la plaque dans une condition de température plutôt élevée que basse , puisque c’est un élément essentiel de sensibilité de la plaque, comme d’évaporation des substances sensibles. Donc, généralement, en hiver surtout, on fait
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- ces préparatifs dans un appartement clos, afin de satisfaire à ces exigences. Sans y penser, et généralement on rapporte l’instrument ( qui a été mis au point à l’air
- libre ) dans celte atmosphère chaude , et quand la pla-
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- que y a remplacé la glace dépolie , on reporte l'instrument dehors au même endroit et l’exposition commence! on met au mercure et il n’y rien sur la plaque * ! D’où
- * Lors de mes expériences primitives, j’avais établi à grands frais mie terrasse sur laquelle tous les aspirants au succès venaient opérer. Par un beau jour, un prétendu professeur de ma connaissance s’y présente avec une sixaiuc de néophytes, afin, me dit-il, de procéder à une démonstration théorique et pratique de Photographie tout en obtenant un portrait de Fini des assistants, lequel devait être offert avec une monture de camée pour la fête d’une, de ses sœurs, je crois. Notre professeur commence magistralement à expliquer les premières opérations : le polissage , la couche sensible, l’exposition, la formation de l’image, l’évaporation du mercure , il est arrêté brusquement à celle-ci... Il n’y a pas d’image. Il recommence quatre fois de'suite, il n’y a pas d’image. Vous pensez peut-être qu’il en est le moins du monde interdit? du tout. «Messieurs, leur dit-il, je suis enchanté de ce qui « vient d’arriver; c’était la meilleure leçon que je pusse vous donner: « cela vous arrivera bien souvent! » Enfin le voyant dans l’embarras et désirant que le camée soit offert comme on l’avait promis, je fais poser une cinquième fois. Voulant m’amuser de l’embarras général savoir ce qu’on dirait de ces non réussites, je dis qu’au mercure il n’est rien venu ; je m’esquive, je termine l’épreuve, la place dans la bordure et ne la leur présente cpi’au moment où fisse disposent à partir. Etonnement et admiration générale!!! En descendant les escaliers et après les avoir salués, j’entends le maître dire confidcmment à ses élèves: Il est bien heureux que nous ayons réussi au moins une fois.
- Depuis que mon nom a eu quelque retentissement chez les nombreux' artistes que Daguerre a enfantés, j’ai été, comme on doit le penser, bien souvent témoin d’épisodes vraiment amusants et dont je ne suis sobre que dans la crainte d’ennuyer mon lecteur, ou, ce qui pis est,.
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- vient ce non succès ? la plaque a été bien polie, bien préparée, la lumière est vive ! la durée de l’exposition convenable !!! La raison... la voilà : c’est que l’air chaud, renfermé dans la chambre noire a été réfrigéré à l’intérieur de l’objectif par la différence subite de tempéra-
- de lui laisser supposer que je nie plais à rire du malheur d’autrui. Afin de ne pas donner lieu à 'de semblables suppositions, je vais raconter une aventure qui m’est personnelle et qui prouvera que, moi aussi , j’ai pris ma part de déceptions avant de. réaliser les succès qu’on me connaît.
- Un jour, favorisé par un hasard heureux (c’était, si je ne me trompe, en mai 1842, à l’un de mes retours de Paris , tout émerveillé encore des succès de Vaillat), je produis à la campagne que j’habite dans les environs de Lyon , des épreuves de moi, de ma famille, etc., presque, comparables aux siennes.
- Fier de mes succès, épreuves en poche je me rends à Lyon et les soumets à l’examen de mes nombreux amis. Admiration générale! Parmi les plus enthousiastes un groupe se fornre, qui formule ainsi son désir amical : Tu devrais bien nous faire nos portraits groupés ou isolément. Enflé de vanité, et de même que bien des gens qui aiment à se rendre justice, n’attribuant qu’à moi seul les réussites que je venais d’obtenir, croyant avoir, dans une seule matinée, compris toutes les difficultés et vaincu tous les obstacles, je répondis: demain matin, rendez-vous à ma campagne, il y aura portraits et déjeûner!!!
- Le lendemain , personne ne manque au rendez-vous. Je ne puis me. l'appeler sans rire ma déconvenue: mes maudites plaques étaient devenues aussi rétives que celle du professeur dont je. viens de décrire la mésaventure ; pas une seule trace d’image ne venait s’y former , et après avoir tour à tour employé la patience et la colère je me vis contraint de rendre les armes.
- La cuisinière , dont le fourneau était près de mon laboratoire , témoin de mes fureurs , et rudoyée par basanl peut-être , oublie , elle aussi, l’objet de ma seconde promesse , et laisse carboniser le déjeûner! de telle sorte que nies convives n’eurent d’autre parti à prendre que de retourner à la ville l’estomac et les mains vides.
- Comme on le voit sous les diverses faces que se présente la Photographie, le côté plaisant ne fait pas défaut.
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- ture ; il a été voilé pendant la durée de l’exposition , et comme il ne reflétait point d’image, il n’y en a point sur la plaque.
- Il vaut mieux laisser l’instrument devant l’objet posé quand le point est pris, substituer à la glace dépolie le châssis qui contient la plaque, mais, après avoir préalablement chauffé la planchette , comme je l’ai recommandé au chapitre du Polissage, et l’inconvénient est évité. Certainement il ne s’est jamais présenté chez la plupart des artistes : dans les terrasses vitrées sur lesquelles ils opèrent, la température chaude du laboratoire y régnant, cette condensation sur les verres n’est point à redouter; je ne consigne ici cette remarque que pour les amateurs qui n’opèrent généralement qu’en plein air, surtout dans la saison froide.
- Cette dernière cause de non réussite s’applique également aux cas de prises de point de vue , etc., dont nous avons encore tant à parler ; mais comme cette partie de la Photographie ne s’exécute guère que dans la belle saison , bien qu’il faille en tenir compte, l’accident n’est pas à craindre. Nous allons ensuite, sur l’article Portraits, ajouter qu’il nous a toujours paru plus convenable de ne laisser arriver la lumière sur le modèle que d’un seul côté : j’ai remarqué que de cette manière ( en la voilant d’un côté par un écran) les reliefs des physionomies sont beaucoup plus vigoureux par l’effet des demi-teintes portées
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- sur le côté non éclairé, surtout pour les hommes. Quant aux dames, il est facile , afin de produire des contours plus doux, d’écarter un peu cet écran , afin de laisser arriver un peu de lumière du côté voilé, pour que la physionomie soit moins caractérisée que dans l’autre sexe.
- Une des conditions de netteté de l’épreuve exige que l’opérateur établisse un point d’appui à l’aide duquel le modèle peut, non seulement conserver son immobilité , mais qui assure encore à l’artiste qu’il ne s’est pas écarté du point une fois arreté par la mise au foyer. Sans cette précaution essentielle il arrive que le modèle se ravise , ne se trouve pas la physionomie assez spirituelle , prend un air de matamore, quand il ne fait point une grimace ; il avance ou recule, légèrement il est vrai, mais il n’en résulte pas moins que le portrait arrive vague, puisqu’il s’est écarté du point, quand la rectification de physionomie qu’il s’est permise, ne le rend point méconnaissable *. Mon avis est donc de faire , en quelque sorte,
- * Le plus terrible ennemi que le Daguerréotype ait eu à combattre est sans contredit la vanité humaine. Lorsqu’on se fait peindre par les moyens ordinaires, la main complaisante d’un artiste sait adoucir les traits un peu rudes de la physionomie, assouplir la raideur du maintien et donner à l’ensemble de la grâce et de la dignité.
- 11 n’en est pas ainsi de l’artiste photographique ; inhabile à corriger les imperfections de la nature, ses portraits ont malheureusement le défaut d’être trop ressemblants: ce sont en quelque sorte des miroirs permanents où l’amour-propre ne trouve pas toujours son compte.
- [Traité de Daguerréotype par un Amateur.)
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- poser le modèle sans qu’il s’en doute; de le surprendre, pour ainsi dire , en flagrant délit de ses gestes et expressions habituels. Après cela , la tête appuyée , défendez-lui de remuer et vous aurez de vrais et agréables portraits.
- 11 convient en outre de s’assurer que le pied qui supporte l’appareil est de la plus grande solidité, que le vent, comme le plus petit mouvement, ne peuvent le faire mouvoir; car l’inconvénient qui eu résulterait est facile à prévoir : le portrait étant arrêté dans toutes ses parties par plusieurs lignes, deviendrait ce qu’on appelle flou.
- Je ferai également remarquer qu’une des causes de non-ressemblance de la plupart des portraits, c’est que l’objectif n’ayant pas été placé horizontalement en face du modèle, il se reproduit en raccourci et tout autrement qu’on a l’habitude de voir le personnage ; il devra donc être placé à une hauteur convenable , vers l'estomac , par exemple , et l’on évitera le défaut essentiel que je viens de citer! Des opérateurs consciencieux même le trouvent si capital, que, pour ne pas y tomber, ils n’opèrent qu’avec un niveau d’eau placé sur la chambre noire. Enfin , tous ces moyens matériels ne sont pas de rigueur quand l'artiste a assez de goût pour juger de l’harmonie générale du dessin sur le verre dépoli; quand, après avoir étudié sa composition, il en est
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- satisfait, le résultat est facile à deviner ; puisqu’il est évident qu’on ne saurait obtenir d’autres effets que ceux qu’on y aura arrêtés.
- Une des causes de non succès que des artistes ont quelquefois cherchée bien longtemps *, c’est l’introduction de reflets lumineux dans l’objectif. La lumière, autre que eelle de l’objet à reproduire , s’introduisant dans l’appa-
- Un amateur aisé, par un beau jour épris des charmes de la Photographie , se présente chez un artiste spéculateur très connu par ses magnifiques produits ; il lui expose son désir d’èlre initié à tous les charmants mystères de cette science. L’artiste, franc et loyal, comme ds le sont généralement , lui dit : Vous allez opérer chez moi; vous vous servirez de mes instruments , et vous verrez qu’avec un peu de goût et de soins vous,réussirez parfaitement; du reste, quand vous serez satisfait, vous emporterez mes substances, mes inslrumcns, cnliu tout ce dont vous vous serez servi.
- Trois mois se passent pendant lesquels notre amateur passionné ne se sentait pas d’aise dans le pavillon de l'artiste ! Il le remplaçait souvent, et dans son amour-propre, il trouvait même les résultats qu’il obtenait, préférables à ceux de son professeur. Dans cette disposition, se croyant Passé maître en l’art, il s’acquitte de ses obligations et emporte son bagage : le maître et l’élève sont très satisfaits l’un de l’autre.
- Huit jours après, l’élève entre chez l’artiste sans se faire annoncer, la physionomie ébouriffée ; et, sans autres préliminaires, lui adresse ce compliment: «Ma foi, Monsieur, je vous ai toujours cru honnête homme, et je suis fâché de vous dire que je ne suis plus aujourd’hui de cet avis. »
- Grand étonnement de l’artiste, qui voulait absolument lui presser la main, et qui ne peut répondre à cette sortie qu’en lui disant: «Qu’avez-vous? — Il y a, répond l’autre, en frappant du pied, que vous ne m’avez pas tout montré, que rien ne va ! »
- Ils se rendent sur la terrasse de l’amateur et l’artiste fait remarquer à son élève qu’un rayon lumineux s’introduisant dans l’objectif, l’image est voilée, même sur la glace dépolie. Ce rayon est évité, l’opération piarchc à merveille, et l’élève saute au cou du maître!
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- reil , détruit en grande partie le dessin ; et Ton est tout étonné de retirer du mercure une épreuve voilée. Il faudra donc garantir avec soin le diaphragme de rayons étrangers à ceux du modèle posé.
- Finalement ,.tout le inonde sait qu’il est impossible de préciser le temps de l’exposition pour que l’iodure d’at' gent se trouve dégradé à point. 11 faut étudier l’intensité de la lumière qui change à chaque instant du jour, comme on le sait; mais je le répéterai encore, d est essentiel de n’avoir jamais affaire qu’à une seule substance, c’est une des premières conditions de succès ! en procédant différemment, on s’exposerait à de nombreux mécomptes, et la charmante fièvre daguerrienne , modérée par le succès , pourrait dans ce dernier cas tourner à la folie , ce qu’il convient, à mon avis, d’éviter.
- On ne se sera jamais assez mis en garde contre leS nombreuses petites difficultés qui viendront s’opposer à une réussite complète; car, pour qu’une épreuve soit parfaite , il faut qu’elle réunisse bien des qualités ! La première de toutes, c’est qu’elle devra être d’une netteté tellement grande, qu’elle permettra de reconnaître les plus petits détails qui existaient dans les parties sombres du dessin , et que les blancs soient irréprochables, surtout point dépassés, c’est-à-dire bleutés ; il ne faudra toutefois pas que l’épreuve pèche par le manque de vigueur et encore moins par celui du modelé, sans qu’on y puisse
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- remarquer ces contrastes heurtés qui rendent les portraits durs et peu harmonieux; enfin, que la pose soit gracieuse et facile.
- A l’inverse du portrait qui ne devra jamais être reproduit qu’à la lumière du nord et à l’ombre, les monuments et les vues ne devront l’être qu’à la lumière directe du soleil, afin de ne rien perdre des plus petits détails qui ne Pourraient être éclairés suffisamment à l’ombre. A l’arti-ele de la Couche sensible, je me suis fait un plaisir d’indiquer le moyen de ne pas laisser dépasser les parties frop lumineuses, tels que les ciels; ainsi cette dernière Partie de reproduction (le paysage), grâce à l’immobilité des objets, aura plus de chances de réussite que la catégorie des portraits et groupes, puisqu’on ne peut pas dire qu’une épreuve est mauvaise quand la variété des objets, leurs couleurs plus ou moins grises seront plus avancées, les unes relativement aux autres, dans la teinte générale ! les objets paraîtront plus ou moins chaleureux, voilà tout.
- Cette dernière spécialité , je n’en doute pas , sera toujours une source de délassements agréables, de plaisirs charmants. Quand, après avoir posé un diaphragme à l’orifice de l’objectif (afin de rapprocher les rayons lumineux et obtenir une netteté extrême ), on aura adapté audit objectif une glace parallèle dans laquelle les objets Rendront d’abord se fixer, pour être renvoyés ensuite sur
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- la plaque; ils se trouveront ainsi redressés: mon avis même est que le tableau ne sera parfait que d'autant qu’on aura usé de ce moyen.
- Il est facile de prévoir que ces deux nouvelles exigences devront ralentir de beaucoup l’opération, mais la rapidité est tout à fait inutile dans ce cas, puisqu’il ne s’agit que de reproduire les objets très nettement et avec toute la vigueur possible.
- Une dernière observation est encore de rigueur; pendant toute la durée de l’opération, depuis même la sortie de la plaque de dessus la capsule, il faut avoir grand soin qu’aucun atome de poussière ne s’attache à la plaque ; chaque atome garantissant la couche sensible de l’action de la lumière, on s’exposerait à avoir le plus beau point noir au milieu d’une partie qui doit être du plus beau blanc. Il serait fâcheux, par ce petit défaut de soin, de compromettre la réussite d’une épreuve quelquefois admirable : Une épreuve tachée est une épreuve mam quée.
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- CHAPITRE VI.
- Exposition aux Vapeurs du Mercure.
- jQ//a/ne?ne {^lera/toji.
- Lorsque la plaque a été approximativement impressionnée par l’action de la lumière, il s’agit d’en faire ressortir le dessin qui n’est point encore visible. A cet effet on la soumet à une atmosphère vaporeuse de mercure , on la transporte dans l’instrument appelé chambre du mercure et en communiquant à la cuvette qui est placée à sa partie inférieure ( laquelle contient cette substance), on favorise l’évaporation à l’aide d’une douce chaleur obtenue par une lampe à esprit-de-vin munie d’une faible mèche. Les molécules de ce métal viennent se fixer sur les parties plus ou moins impressionnées; elles forment alors des blancs, des demi-teintes, suivant l’état de dégradation de la couche sensible quand
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- le bruni de la plaque forme les noirs. Cet ensemble produit alors le dessin avec une perfection inimitable, niais il est pour cela essentiel que la dégradation de la couche ait été mesurée rigoureusement en raison de sa sensibilité, car, ainsi que je l’ai expliqué dans le chapitre précédent, si l’exposition à la chambre noire était trop prolongée, la lumière, après avoir formé les blancs de l’image dans le temps nécessaire, finirait par envahir aussi les noirs progressivement et au mercure, la plaque se trouvant nivelée, deviendrait plus ou moins uniformément blanche, mais toujours ce qu’on appelle une épreuve dépassée.
- Dans le cas contraire, si la plaque n’a pas été suffisamment en contact avec les rayons lumineux, il en résulte que les parties claires seulement ont seules été impressionnées et il n’y a point de détails dans les parties obscures; la couche, en raison de ce peu de durée d’exposition, a pu résister à son influence, on a pour résultat une épreuve noire et sans détails : l’expérience est également manquée.
- Dans l’un comme dans l’autre cas la série des opérations devra être recommencée , et pour celte nouvelle opération on sera à peu près renseigné sur la modification que l’exposition devra subir puisque l’expérience aura démontré que la précédente était fautive.
- L’opération du mercurage n’est pas aussi facile qu’elle
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- paraît l’être au premier abord ; il y a bien des préeau-lions à prendre pour la conduire à bonne lin : 1° la chambreàmercure devra être placée dans un lieu sombre, et cela se comprend : une nouvelle lumière pourrait encore impressionner ia plaque sur toute sa surface , faiblement il est vrai , mais cependant assez pour voiler les noirs et favoriser l’adhérence du mercure après ces parties fondamentales de tout dessin ;
- 2° Avoir le plus grand soin, pendant la saison froide et humide, d’en préserver la boîte au mercure, afin d’éviter les inconvénients de condensation de vapeurs occasionnées par une transition quelconque de température, ce que j’ai eu le soin de signaler dans le chapitre de l’Exposition à la chambre noire ;
- 3° Faire en sorte que la boîte soit très solidement placée, parce que le moindre mouvement qu’elle éprouverait quand la plaque y est placée , .irait jaillir le mercure et formerait des taches sur l’épreuve.
- Quant à la manière de diriger son évaporation , voici celle qui est la plus convenable à mon avis et que je mets du reste en usage :
- Je garnis ma boîte d’une grande quantité de mercure, afin qu’il conserve plus longtemps la chaleur que je juge à propos de lui communiquer.
- Je chauffe très modérément et à diverses reprises , si je le crois utile, la cuvette qui le contient, mais de
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- manière à ce que sa température n'excède jamais 45 à 50 degrés; à l’aide d’une petite bougie, je surveille attentivement les progrès de l'adhérence mercurielle et ne la suspends que lorsque les blancs ainsi que les demi teintes en sont suffisamment imprégnés, sans cependant qu’elle se soit portée sur les parties devant fournir les ombres.
- On le voit, je suis bien éloigné d’ôlre de l’avis de la plupart des compilateurs de traités, traités qui doivent être en partie étrangers à la plume des Photographistes*; la durée de l’exposition aux vapeurs mercurielles ne peut être fixée , elle ne peut ni se prolonger ni se diminuer , il faut qu’elle soit surveillée. Il me paraît donc extravagant d’imposer un nombre de minutes plus ou moins grand, puisqu’une infinité de causes vient la modifier ; sa durée est relative :
- A la dimension de l’appareil,
- A la quantité de mercure qu’il contient,
- Au degré de température qu’on aura établi pour favoriser l’évaporation ,
- Et principalement à l’épaisseur de la couche sensible.
- Il est évident, par exemple, qu’une épreuve obtenue à
- * J’en excepte toutefois la brochure de MM. Lcrcbours et Se-crelan (Octobre i846), sous le rapport des descriptions d’opérations, comme sous celui de la série des découvertes qui sont venues tour à tour améliorer l’admirable découverte du siècle ; c’est ce que nous avons de plus exact et plus complet.
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- l’aide de mon liquide (qui jouit de la propriété de formel* une très forte couche d’iodure d’argent) absorbe en conséquence une bien plus grande quantité de vapeurs de mercure que si cette couche avait été formée à l'aide d’un iodage beaucoup plus faible; cette dernière coucheprendra beaucoup moins de temps à se saturer de mercure que la première. J’insiste donc sur ce point, et ces nombreux détails sembleront peut-être oiseux aux opérateurs qui ne peuvent faire différemment que d’être de mon avis; mais mon intention est ici de faire remarquer combien les jeunes opérateurs peuvent tomber dans l’erreur, et par suite dans le dégoût de la Photographie, résultant d’in-dications pour la plupart aussi vagues. Je leur donne ces nombreuses explications pour leur faire comprendre les différentes causes qui peuvent produire ou anéantir les résultats. Des règles générales seraient peut-être préférables et plus faciles à retenir pour arriver à la réussite de l’art qui nous occupe : mais il ne saurait y en avoir, tant il y a de circonstances imprévues; des principes fondamentaux peuvent exposer à faire prendre le change, le plus sage est de les décrire pour renseigner sur ce qu’il reste à faire. Ainsi, dans ce cas, pa^ exemple : si une plaque, après un temps donné, n’était pas suffisamment mercurèe, on serait porté à croire que l’exposition à la lumière n’a pas été assez prolongée ; de même qu’une autre ayant le défaut contraire (le trop
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- d’exposition), si le meme temps donné servait de base, pourrait être complètement nivelée par le trop de mer-curage et rangée dans la catégorie des épreuves dépassées, tandis qu’arrêtée a temps elle eût fait une épreuve, sinon très vigoureuse dans les ombres, du moins très satisfaisante comme ensemble. D’ailleurs, pour me résumer, le problème à résoudre,le voici: imprégner les blancs extrêmes d’autant de molécules mercurielles qu’ils en peuvent retenir sans néanmoins que ces vapeurs puissent venir griser les noirs absolus. Les deux défauts en deçà et en delà sont insupportables et établissent une maladresse. On ne nous soumet que trop souvent comme bonnes des épreuves cendrées (les noirs grisés); d’autres, avec la même prétention , dépourvues de relief, parce que les parties blanches, trop pauvres , laissent apercevoir un manque de vapeurs mercurielles. Ces défauts, sans contredit, ne résultent que de ce que la saturation n’a pas été surveillée d’assez près, et cela est d’autant plus regrettable, qu’on ne les conserve que parce que sous d’autres rapports l’épreuve est harmonieuse , d’un joli dessin ; on ne l’a perdue que parce qu’on a agi d’après une fausse induction.
- En définitive, je conclus donc que cette opération, comme les précédentes, exige une précision et un tact parfaits pour reconnaître une épreuve saturée à point ; il vaut mieux la diriger avec lenteur qu’avec précipita-
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- lion, cela est beaucoup plus sage, parce qu’il est facile de recommencer le chauffage quand le métal s'est refroidi ; de sorte que, muni de la patience que je recommande, ou n’obtiendra que des épreuves parfaitement pures, sans noirs cendrés ; les demi-teintes et les ombres seront d’autant plus douces, les contrastes des clairs d’autant moins heurtés , que la plaque aura été mercuiée progressivement *.
- IJu (le mes bons amis, M. C. m’autorise, en cette occasion, à raconter une de ses mésaventures :
- Je dirai d’abord que cet ami, assistant le plus habituellement à mes opérations , avait pu suivre mes progrès et apprécier les difficultés vaincues; sans avoir jamais opéré, il connaissait parfaitement la théorie de la Photographie.
- Convaincu qu’il ne lui fallait qu’un appareil semblable au mien pour obtenir les mêmes résultats, il vient un beau matin me prier de le lui confier afin de réaliser un projet; il devait aller passer quelques jours dans la famille de sa femme, et voulait rapporter des souvenirs précieux (l’empreinte des physionomies de tous ses chers parents).
- le n’hésitai pas à lui confier mon bagage complet, après lui avoir donné de longues et scrupuleuses explications ; je lui remis en outre quelques notes relatives aux obstacles qui pourraient survenir et s’opposer à ses succès.
- Au bout de huit jours d’absence je vis revenir mou ami, l’air passablement contrit, ou plutôt attrapé ; ma première crainte fut qu’un accident lui soit arrivé ou plutôt à mon objectif. Il s’empressa de me rassurer en m’annonçant que sa mélancolie n’était que le résultat de ses nombreux déboires. « Convaincu, me dit-il, que ton appareil devait être docile entre mes mains comme il l’est habituellement entre les tiennes, je réunis mes vieux parentset leur promets succès complet; mais quel désappointementljainais rien sur mes plaques, ou des choses si noires que rien eût été préférable encore; et quand tu verras le fruit d’un travail de huit jours, lu me plaindras et comprendras qu’on puisse jurer de ne jamais retoucher à un maudit instrument qui ne
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- J’oubliais de dire qu’il faut avoir le soin de tenir bien propre cette chambre à mercure ; les petits globules du métal qui s’attachent sur ses parois pouvant tacher la plaque. Il convient aussi, comme le disent MM Lere-bours et Secrétan , de filtrer quelquefois le métal que contient la capsule, afin de le débarrasser de la pellicule d’oxide qui se forme à sa surface, parce qu’elle peut s’opposer à sou évaporation,
- connaît que son maître.» Mon ami n’a pas cependant tenu scrupuleusement sa parole , et plus tard des succès plus satisfaisants sont venus le récompenser de sa persévérance.
- Nous examinons ensemble ses épreuves, toutes étaient noires et sans détails ; ii me pria néanmoins de l'aider à persuader à sa femme que ce n’était pas là de très mauvaises épreuves. Mais notre éloquence lit défaut, nous avions beau lui dire qu’il ne fallait pas être aussi difficile lorsqu’il s’agissait de portraits de famille , elle persistait à répondre que ses parents n’élaientpas des Africains, et qu’elle ne se déciderait jamais à orner sa cheminée de semblables mâchurons. Mon ami continua longtemps encore à reproduire ce que , depuis cette époque, nous nommons des portraits de famille. Nous convînmes, dès-lors, qu’une théorie sans pratique était insuffisante.
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- CHAPITRE VII.
- Désiodagc et Lavage de la Plaque.
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- La plaque retirée des vapeurs du mercure est encore recouverte de la couche sensible , il s’agit alors de l’eu dépouiller. A cet effet, on la recouvre d’une solution d’hyposulfite de soude qui a la propriété de la dissoudre complètement.
- Cette manipulation très simple n’exige qu’un peu d’adresse, afin de faire succéder promptement toutes les opérations du lavage; c’est une concision rigoureuse pour que l’épreuve conserve au chlorurage tout son éclat et sa pureté.
- Il- faut :
- 1° Déposer la plaque dans une bassine destinée au lavage ( une assiette bien plane me suffit), et la recou-
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- vrir de ia solution par une seule immersion. Si elle c»1 était recouverte partiellement, chaque temps d’arrêt laisserait une ligne de démarcation sur l’épreuve et y formerait autant de marbrures.
- 2° Agiter la bassine pendant quelques instants , afin de faciliter et surtout activer l’action de l’hyposulfite qui, par ce moyen, ne tarde posa s’emparer de la couche d’iodure. Les molécules du mercure étant alors mises à nu sur l’argent forment le dessin qui existait auparavant , mais dégagé de la coloration violette que l’iode que Fou vient de dissoudre lui imprimait.
- 11 sera très facile de reconnaître si la couche sensible est complètement annulée; en faisant miroiter la plaque, les moindres traces d’iode se remarqueraient par leur teinte grisâtre. Il faut agiter la dissolution jusqu’à ce que le bruni général soit parfaitement pur. Afin de ne pas m’exposer à cet inconvénient, je fais usage d’une dissolution concentrée de la substance déjà indiquée : j’emploie cent grammes d’hyposulfite de soude * pour un demi-litre d’eau. Cette préparation peut servir pendant fort long-
- «
- La grande difficulté que nous avons souvent éprouvée à nous procurer de l’hyposulfite de soude parfaitement pur, nous a forcé à essaj cr plusieurs substances propres à dissoudre la couche d’iode.Nous obtenons des résultats satisfaisants avec le cyanure de potassium, et n’hésitons nas à le conseiller dans l’occasion. Nous l’employons exactement comme l’hyposulfite de soude.
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- temps, pourvu qu’elle soit souvent filtrée, afin d’en extraire les cristaux, la poussière, etc. ; ces divers corps pouvant occasionner des taches sur l’épreuve. J’ajouterai qu’en hiver il est nécessaire de faire chauffer la dissolution , car, sans cette précaution , la couche iodurêe résis ferait par trop longtemps à son action , et l’opérateur serait exposé à en laisser des parcelles non dissoutes*qui feraient taches lors de l’opération suivante.
- 3° Remplacer celte dissolution par une seconde immersion très abondante d’eau distillée, et agiter de nouveau la bassine afin d’en détacher l’hyposulfite, et laver ensuite cette plaque à grande eau avant de la poser sur le pied à chlo-rurer, à l’effet de procéder à l’opération finale; car, s’il y restait la moindre trace d’hyposulfite , demême queFiodc y produirait des taches laiteuses, celles-ci formeraient des taches, d’une autre nature il est vrai, mais qui n’en détérioreraient pas moins l’épreuve au point de les faire ressortir, dans les parties noires , presque aussi blanches que le dessin formé par les molécules mercurielles.
- Finalement, pour éviter tous ces désagréments,et poutine résumer, je répéterai qu’à part les soins nécessaires pour s’assurer que les substances qu’on emploie sont pures , il faut opérer les lavages avec une grande rapidité^ s’ils sont opérés à diverses reprises, comme quelques photographes le font quelquefois , i! est fort tare que la réussite soit complète.
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- Comme nous l’avons dit, nous allons porter la plaque dégagée de sa couche sensible et toute mouillée encore , sur le pied à chlorurer; c’est l’objet de l’opération décrite dans le chapitre suivant.
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- CHAPITRE VIII.
- Fixage au Chlorure d’Or.
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- Avant de donner la description de ce procédé, je me ferai un devoir d’exprimer toute notre admiration à son auteur. Il n’existait point du temps de Daguerre, comme °n l’a vu dans notre introduction , et tout en disant que c’est à M. Fizeau que nous devons cet admiralde perfectionnement, nous ajouterons qu’il est venu couronner l’œuvre du Maître en complétant d’une manière par-feite son merveilleux procédé.
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- Les opérateurs sont tous les jours à même «l’apprécier la différence qui existe entre les épreuves simple nient dépouillées de la couche d’iodure par le lavage que je viens de décrire , et celles complétées ensuite pal l’addition du chlorurage Fizeau. Sans parler du voile que les vernis appliqués d’abord par Daguerre produisaient sur la plaque, et ce qui avait fait abandonner ee complément, les résines linissant par tout décomposer , nous ferons remarquer que celles, seulement séchées après le lavage à l’hyposullite, ont dans les blancs u11 aspect tellement livide, tandis que les noirs, formés pal la plaque nue , ont une crudité si grande , que la surface générale des épreuves présente un aspect métallique auquel il faut un jour favorable pour les apercevoir: c’est ce qu’on appelle le miroitage.
- Celles, au contraire, complétées par cet admirable p1’0' cédé acquièrent une vigueur, un modelé, un mat si chaud que l’or amalgamé avec l’argent et le mercure produit» qu’on peut les juger à toutes les lumières avec autant do facilité qu’on pourrait le faire des gravures le mieux hl!' rinées. Non seulement cet emploi du chlorure d’or consolide l’épreuve par l'amalgame qui en est le résultat, mais encore l’opposition qu’il établit entre les blancs et lesnoh'*» fait que ces derniers, en quelquesorte vernis par la mince couche d’or quise déposeà la surface, présentent un aspect plus intense encore. Il rés «il te enfin de cette opération
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- une richesse de tons, une vigueur, et je dirai même une c°loration si remarquable, qu’elle distingue tout parti-chèrement les dessins obtenus à l’aide d’un iodage bien elabli ; en un mot, grâce à M. Fizeau , c’est une surface solidement enrichie de nuancestellemenlchaudes, qu’el-!es peuvent, par l’harmonie générale, être comparées aux Produits de la plus brillante palette.
- Voici le moyen d’obtenir l’effet dont il s’agit :
- Sans attendre que la plaque soit séchée, on la pose sUr le pied à ce destiné, on la met de niveau , l’on verse dessus la dissolution d’or autant qu’elle en peut retenir, et on chauffe vigoureusement jusqu’à ce que le dessin paraisse dans tout son éclat. On jette alors la dissolution dont elle était couverte ; après l’avoir lavée à grande eau, on la sèche en la prenant par un des coins, et promenant la flamme de la lampe à son envers, on facilite l’évaporation par un souffle continu *. Je n’ai pas besoin de dire que les personnes qui craignent de se brûler, Peuvent se munir de pincettes pour tenir cette plaque ; la fourchette due à M. Brébisson n’a pas d’autre but que
- * Les plaques qui auront été fixées avec soin, ainsi que je viens (le l’indiquer, ne pourront subir aucune altération par le temps ni même par les mauvaises odeurs.] Les essais que j’ai faits sur des épreuves sacrifiées me l’ont parfaitement prouvé et m’autorisent à l’affirmer.
- Il faut pourtant éviter déplacer les cadres à une trop forte chaleur, j’ai vu quelques épreuves se gàler dans celte circonstance.
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- de parer àcet inconvénient. Quant à moi, je la tiensaveé les doigts, le séchage est si vite fait que je n’ai pas cede crainte; outre qu’avec des instruments une maladresse est si tôt faite qu’on s’expose à laisser tomber l’épreuve et à perdre sans retour le fruit d’une opération bien conduite.
- 11 convient de faire usage d’une lampe h esprit-de-vin, dont la flamme extrêmement forte, en activant le chlorurage, permette d’apprécier plus facilement les diverses phases de l’opération, et d’éviter par ce mfeyen de rester en deçà de la limite ou de la dépasser. En procédant par tâtonnement, et dans ce premier cas , on pourrait ne paS donner à l’épreuve tout l’éclat dont elle est susceptible'» comme dans le second , on verrait l’amalgame s’exfolier * se détacher par petites feuilles, et, en conséquence , natu-rellement l’épreuve serait perdue*
- Il faudra bien se garder d’employer un fond de flacon de chlorure d’or, sous peine de s’exposer à couvrir l’image de petits points noirs provenant de la décomposition du liquide; cet inconvénient peut encore être le résultat de l’emploi d’une préparation trop ancienne*.
- Lorsqu’on remarque les huiles d’air que la chaleur dé-
- * Quand une épreuve aura éprouvé cet accident, il sera possible de le réparer en la plongeant dans une dissolution concentrée de <iya mire de potassium , et en la relavant à l’eau distillée.
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- veloppe pendant l’opération, il faut avoir grand soin de les chasser, soit en soufflant légèrement dessus, soit en frappant sur le pied qui supporte la plaque. On compren-dradequelle importance est cette recommandation, quand on saura que chaque endroit où elles se forment, étant privé du vernis d’or qui doit recouvrir la surface de la plaque, une tache, peu visible il est vrai, est le résultat de ce manque de soins.
- Je ne puis terminer plus convenablement ce que je viens de dire sur celle opération et rendre un plus éclatant hommage à l’inventeur, M. Fizeau, qu’en citant ici le rapport qu’il a présenté à l’Académie des Sciences , lors de la communication publique de son merveilleux procédé.
- « Depuis la publication des procédés photogéniques, tout le monde, et M. Daguerre le premier, a reconnu que quelques pas restaient encore à faire pour donner à ses merveilleuses images toute la perfection possible : je veux parler de fixer les épreuves et de donner aux lumières du tableau plus d’intensité.
- « Le procédé que je soumets à l’Académie me paraît destiné à résoudre en grande partie ce double problème ; il consiste à traiter à chaud les épreuves par un sel d’or préparé de la manière suivante :
- « On dissout un gramme de chlorure d’or dans un demi-litre d’eau pure, trois grammes d’hyposulfile de
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- soude dans un demi-litre d’eau pure. On verse alors la dissolution d’or dans celle de soude, peu à peu et en agitant : la liqueur mixte , d’abord légèrement jaunâtre, ne tarde pas à devenir parfaitement limpide. Elle paraît consister alors en un hyposulfite double de soude et d’or; plus du sel marin qui ne paraît jouer aucun rôle dans l’opération.
- « Pour traiter une épreuve par ce sel d’or, il faut que la surface du plaqué soit parfaitement exemple de corps étrangers, et surtout de corps gras; il faut, par conséquent, qu’elle ait été lavée avec quelques précautions que l’on néglige lorsque l’on veut s’arrêter au lavage ordinaire.
- « La manière suivante réussit le plus constamment-L’épreuve étant encore tout iodée, mais exempte de poussière et de corps gras sur les deux surfaces et les épaisseurs, on verse quelques gouttes d’alcool sur la surface iodée ; quand l’alcool a humecté toute la surface, on plonge la plaque dans la bassine d’eau , puis de là dans la solution d’hyposulfitc. Cette solution doit être renouvelée à chaque épreuve, et contenir environ une partie de sel pour quinze d’eau ; le reste du lavage s’effectue comme d’ordinaire, seulement l’eau de lavage doit être, autant que possible, exemple de poussière.
- « L’emploi de l’alcool a eu simplement pour but de faire adhérer parfaitement l’eau à toute la surface de la
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- plaque, et d’empêcher qu’elle ne se retirât sur les bords au moment des diverses immersions ; ce qui produirait infailliblement des taches.
- « Quand une épreuve a été lavée avec ces précautions, fût-elle fort ancienne, le traitement par le sel d’or est de la plus grande simplicité : il suffît de placer la plaque sur le châssis en fil de fer qui se trouve dans tous les appareils, de verser dessus une couche de sel d’or suffisante pour que la plaque en soit entièrement couverte, et de chauffer avec une forte lampe ; on voit alors l’épreuve s’éclaircir et prendre , en une minute ou deux , une grande vigueur. Quand l'effet est produit, il faut verser le liquide , laver la plaque et faire sécher.
- « Dans cette opération, de l’argent s’est dissous, et de l’or s’est précipité sur l’argent et sur le mercure, mais avec des résultats bien différents. En effet, l’argent, qui par son miroitage forme les noirs du tableau, est en quelque sorte bruni par la mince couche d’or qui le couvre , d’où résulte un renforcement dans les noirs ; le mercure, au contraire, qui, à l’état de globules infiniment petits, forme les blancs, augmente de solidité et d’éclat par son amalgame avec l’or, d’où résultent une fixité plus grande et un remarquable accroissement dans les lumières de l’image.
- « MM. Fordos et Gelis ont récemment composé un sel d’or qui rendra un immense service aux voyageurs. Rien
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- de plus simple et de plus facile que sa préparation , il suffit de dissoudre un gramme de ce sel dans un litre d’eau. Il se vend par petits flacons d’un gramme, et l’on peut en préparer si peu que l’on veut et au moment de s’en servir.
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- CHAPITRE IX,
- Résumé des Opérations.
- Gomme on l’a vu, l’opéralion Daguerrienne se divise en six opérations partielles :
- Savoir :
- 1° Le polissage de la plaque ;
- 2° L’application de la couche sensible ;
- 3° L’exposition à la chambre noire ;
- 4° Le mcrcurage ;
- 5° Le désiotlage de la plaque ;
- 6° Le fixage au chlorure d’or.
- Dans chacune de ces opérations de nombreuses causes peuvent paralyser l’effet de la réussite que l’on s’était proposée en les commençant.
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- Ces causes proviennent de ce que l’on n’aura pas apporté tous les soins que je me suis fait un devoir de prescrire pour les éviter.
- Pour me résumer, je vais, sous cette forme conditionnelle, rappeler tous les cas de non réussite.
- première opération — (Le Polissage).
- Le polissage peut être défectueux :
- 1° Si les substances employées à cei effet sont de mauvaise qualité, si elles sont humides, etc. ;
- 2° Si la main qui le dirige n’est pas suffisamment exercée ;
- 3° Et si l’on n’a pas eu grand soin d’éviter les inconvénients relatifs à la température, etc., etc.
- deuxième opération— (L’Application de la couche sensible).
- L’iodure d’argent sera peu sensible et même cette sensibilité pourra devenir nulle:
- 1° Si le mélange (liqueur) employé est établi dans de fausses proportions ;
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- 2° Si le brome , ou autre agent accélérateur, n’est pas appliqué en rapport avec la couche d’iode formée préalablement ;
- 2° (Avec ma composition d’iode), si l’on n’a pas eu le soin de se conformer à mes prescriptions en atteignant la teinte violet pensée que j’ai indiquée comme la plus sensible et celle sur laquelle on fait arriver les plus riches produits ;
- 4° Si l’iodage a été fait à une lumière trop vive ;
- 5° Si l’on n’a pas su égaliser la couche en négligeant de retourner la plaque de temps en temps sur la capsule;
- 6° Et plus particulièrement encore, si l’on a employé des plaques déjà épuisées par cinq ou six polissages ou qui auraient été fixées.
- troisième opération — (L’Exposition à la chambre noire).
- L’opération sera manquée :
- 1° Si l’humidité est venue se condenser sur les verres de l’objectif;
- 2° Si ce même inconvénient s’est développé à la surface de la plaque pendant son exposition ;
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- 3° Si la lumière s’est introduite dans l’intérieur de la chambre noire ;
- 4° Si, avant d’exposer la plaque, l’on n’a pas eu le soin de chasser la poussière et les brins de coton qui auraient pu se fixer à sa surface, ces corps devant former des taches ;
- 5° Si l’on n’a pas arreté rigoureusement le foyer après avoir reconnu sur le verre dépoli l’extrême netteté de l’objet à reproduire;
- 6° Si l’on a dérangé la mise au point en enlevant ou en replaçant le bouchon de l’objectif;
- 7e Si le pied supportant la chambre noire a éprouvé le moindre mouvement depuis la mise au point jusqu’après l’exposition ;
- 8° Si le modèle n’ayant point été convenablement assujetti, s’est éloigné du point ou foyer fixé ;
- 9° Si pendant l’exposition il n’a pas su se maintenir dans une immobilité complète ;
- 10° Si l’arrangement des accessoires et l’harmonie de la pose ont été négligés ;
- 11° Si les jets de lumière ont été mal combinés, ou mal choisis ;
- Et 12° Si le temps de l’exposition u’a pas été en rapport avec son intensité.
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- quatrième opération — (Le Mercurage).
- Le mercurage sera défectueux,
- 1° Si la plaque a éprouvé une transition de température de la chambre noire à la boîte à mercure ;
- 2° Si la boîte n’ayant pas été assujettie solidement, un mouvement y a fait jaillir des globules de mercure ;
- 3° Si le lieu qu’on a choisi pour cette évaporation est éclairé par une lumière diffuse ;
- 4° Si la chaleur communiquée à la capsule contenant le mercure a été trop forte , et enfin
- 5° Si par le manque d’habitude ou de surveillance l’épreuve a été trop ou trop peu mercurèe.
- cinquième opération — (Le Désiodage de la plaqué).
- Le lavage sera incomplet :
- 1° Si la solution d’hyposulfite n’est pas suffisamment concentrée et de nature à n’enlever la couche d’iode qu’après un temps trop long où incomplètement ;
- 2° Si la dissolution n’a pas été préalablement chauffée en hiver ;
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- 3° Si cette manipulation n’a pas été exécutée avec assez de promptitude ;
- 4° Si l’immersion n’a pas eu lieu de manière à recouvrir l’épreuve d’un seul jet ;
- 5° Si elle n’a pas été remplacée aussitôt par une autre immersion d’eau distillée, et
- 6° Si le lavage à grande eau n’a été ni assez prolongé ni assez abondant, et qu’il soit resté sur la plaque des traces d’hyposulfite.
- sixième et dernière opération—(Fixage au chlorure d'or)
- Cette dernière opération pourra être encore défectueuse :
- 1° Si l’iodage n’a pas été complètement dissous, entïn si la plaqué n’est pas pure ;
- 2° Si le pied à chlorurer n’a pas été mis de niveau ;
- 3° Si l’opération n’a pas été dirigée assez rapidement, de sorte que l’on n’a pu apprécier les différents degrés de coloration ;
- 4° Si des bulles d’air trop persistantes n’ont pas été chassées avec soin ;
- 5° Si l’on a employé un fond de flacon de chlorure d’or,
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- ou meme si l’on s’est servi d’une dissolution déjà ancienne ;
- 6° Si, enfin, après avoir lavé cette plaque à l’eau distillée, on n’a pas su l’en faire évaporer assez rapidement et qu’il y a eu des temps d’arrêt.
- Le lecteur qui a bien voulu prêter son attention à toutes ces causes de non réussite, comme aux préceptes que j’ai décrits dans chaque manipulation , avec le plus de clarté qu’il m’a été possible, pourra conclure qu’en les suivant à la lettre il est facile de réussir dans l’art de la Photographie; pourtant je dois lui faire remarquer que dans une série d’opérations aussi délicates que celles qui doivent être mises en usage pour couronner une réussite, peu de chose fera échouer.
- J’insiste sur ce point parce qu’il règne dans le public artistique une sorte de confiance , qui fait considérer ces préliminaires de l’opération, comme mécaniques, simples et grossiers; que toute personne, avec un peu d’habitude, peut exécuter aussi bien qu’une autre. J’affirme à mon tour, et s’il se peut, pour détruire ce préjugé, que c’est un art véritable , une élude d'observations. Dans une épreuve Daguerrienne un œil un peu exercé reconnaîtra toujours
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- la touche de son auteur, de même qu’à la vue d’un tableau , un connaisseur peut désigner aussitôt le pinceau qui l’a produit.
- Pour terminer ma comparaison et faire bien comprendre la nature de la conviction des Photographistes à cet égard, je dirai que parce que des enfants tracent journellement à la plume ou au crayon des lignes figurant des arbres, des paysages, des traits humains, etc., etc. , il y a cependant loin de ces dessins informes aux croquis charmants dus à la verve de nos célébrités artistiques.
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- CHAPITRE X
- Soins
- à donner à l’Épreuve,
- ex mnsposxrK'xoïw jD’vjrw mxljss*3JE-
- Lorsque l’épreuve est sortie victorieuse des six manipulations que nous venons de résumer dans le chapitre précédent, elle est d’un prix inestimable , et l’on ne saurait apporter trop de soin pour la conserver à l’avenir comme pour faire ressortir son mérite *.
- * Que vous êtes heureux! me disait un jour une de nos célébrités artistiques que j’avais engagé à jeter un coup d’œil sur mon petit musée; que vous êtes heureux de reproduire ainsi la nature en quelques secondes, quelle vérité! quelle pureté! rien ne manque à ces merveilleux dessins! Comment voulez-vous qu’à l’aide de nos crayons, de nos grossiers pinceaux, nous puissions approcher d’une semblable perfection!!! Comment satisfaire à l’avenir le public, déjà si difficile, lorsqu’il aura pour précédent vu des portraits comme ceux qui sont réunis ici. Si vous saviez, continuait-il, que de désagréments résultent de ce maudit métier! Un portrait auquel nous avons donné tous nos soins, satisfaisant sous tous les rapports, est présenté à une famille, à de nombreux amis : chacun donne son avis, dit ce que l’artiste aurait dû sup-
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- Des encadrements (vulgairement appelés passe-partout) ont été créés pour les contenir et pour parer aux accidents que des images aussi précieuses auraient été susceptibles d’éprouver. Les fabricants de ces objets, plus ingénieux les uns que les autres en ont lancé dans le commerce des milliers de variétés, et cela se comprend : pour faire
- primer ou ajoulcr ; et nous voyons revenir notre modèle nous prier de rectifier ce que nous avions jugé et jugeons encore fort bien, pour mettre à la place des choses heurtant le bon goût et toutes les règles de l’art.
- — Vous pensez, lui dis-je en l’arrêtant, que vous seuls avez des désagréments. Mais chaque reproducteur de la vérité a ses misères, mon bon ami! Voici un petit échantillon arrivé à votre serviteur :
- Il y a un an environ qu’à Paris, chez mon ami Vaillat, auquel je consacrais tous mes instants de loisir , parce que , de jour en jour plus enthousiaste des produits de l’habile opérateur, j’étais sous le charme. Vaillat se trouve légèrement indisposé à cette époque , et me prie de vouloir bien le remplacer pour quelque temps, afin de prendre le repos qui lui est nécessaire. Heureux de lui être utile, je me rends à ses désirs : le lendemain , je m’installe dans le laboratoire de mon ami. A part les petits désagréments du métier, les cinq ou six premiers jours se passent assez agréablement. Vers le septième jour, une dame, jadis jeune et belle, se présente, sur la recommandation d’une de ses amies, enchantée, me dit-elle , d’un portrait que M. Vaillat lui avait exécuté quelques jours auparavant, et qu’elle me fait voir. Alin sans doute d’obtenir un résultat semblable, la dame s’est affublée d’une magnifique perruque noire et bien frisée, s’est enluminée de couleurs blanches et rouges , dont l’épaisseur dissimule assez grossièrement les rides de son minois, que l’âge avait fort maltraité. Je prévis aussitôt ce qui allait m’arriver. Je désespérai de réussir à rajeunir la dame comme elle l’entendait ; je mels cependant la main à l’œuvre. A la première épreuve, trop vraie sans doute, elle ne veut pas se reconnaître : je recommence une deuxième, une troisième, une quatrième fois ; enfin, à bout de patience, je fais en sorte de lui persuader que la ressemblance pourrait bien être exacte, puisque quatre opérations successives présentent des résultats identiques. — Vous êtes un maladroit, médit-
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- valoir les merveilleuses images produites par la nature dans un de ses moments donnés, et on le sait, un moment ne ressemblant jamais à un autre, il ne se produit deux dessins exactement semblables que lorsque les circonstances réunies de clarté , de température, etc., sont les memes; partant de ce principe, disons-nous, deux épreuves de meme sujet doivent exiger des entourages différents: c’est donc de leur entourage que nous allons parler. Tous les artistes le savent, pour faire valoir des teintes diverses depuis les plus nacrées jusqu’aux plus noires, il convient de donner à l’aspect général d’une image, et comme bordure, une teinte moins vive; ainsi à celles qui présentent une surface éclatante, il faut bien se garder d’y placer, comme on ne le fait que trop souvent, de larges bandes blanches dont la crudité par le parallèle détruit ce que l’image peut avoir de brillant; ces bandes, bien loin d’être favorables au dessin, l’écrasent complètement. Or, généralement pour faire ressortir les beaux effets , les teintes rosées et chaudes d’une épreuve
- elle, un homme de mauvaise loi, et je porterai plainte à votre maître, dont tout le monde n’a jamais eu qu’à se louer; je reviendrai quand il sera rétabli, et il ne me fera pas des portraits comme les vôtres. Elle sortit furieuse. Je me promis bien, dès cette époque, de ne jamais faire concurrence aux pauvres artistes photographistes, dont les crayons et les pinceaux, moins complaisants que les vôtres, ne se prêtent point aux rectifications. Ce que je vous en dis, Monsieur, est pour convenir avec vous qu’il est vrai qu’on est malheureux d’avoir à servir la vanité humaine ; mais aussi pour vous rassurer et pour vous prouver que le Daguerréotype ne nuira jamais à la peinture-
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- photographique , il convient de lui choisir un passe-partout d’une couleur bistrée graduée jusqu’au noir, suivant que le sujet le comporte. Généralement aussi les bordures d’or font acquérir un grand effetà ces délicates images; par le contraste, les brunis de l’argent semblent plus intenses.Les cadres de velours de nuances un peu foncées,comme ceux façon écaille, sont de fort bon goût; enfin, le choix des bordures est aujourd’hui tellement grand, que nous ne saurions mieux dire ce qui convient pour cet objet, qu’en établissant le précepte de ne choisir que des modèles du goût le plus sévère , afin que le spectateur ne soit pas distrait de l’objet principal qui est l’épreuve. Nous eûmes dans le temps le travers de ne vouloir employer que de riches encadrements: qu’en résultait-il? Parmi les nombreux visiteurs qu’un homme du monde peut avoir, nous avons eu la mystification de nous entendre complimenter par quelques-uns, pour le bon goût et la richesse de nos encadrements, quand , bien entendu, pas une seule admiration n’était exprimée pour l’épreuve que ces encadrements écrasaient sans doute à leurs yeux.
- Dans nos voyages, et dans nos fréquentes excursions photographiques, nous avons eu l’occasion de visiter des collections très complètes : nous devons avouer que dans le nombre , certaines , par la réunion des beautés de toute nature qui s’y étaient donné rendez-vous , auraient mérité le titre de Musée.
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- J’ai remarqué que quand un collectionneur choisit un appartement ou salon destiné à cet effet, l’exposition du nord est toujours préférée, par la raison que les rayons solaires ne venant jamais miroiter sur aucune paroi de la pièce , l’extrême coloration des images éclairées ne vient pas ternir le mérite des autres , quelquefois préférables dans les mêmes cas d’exposition. Enfin , je conseille la lumière du nord , parce qu’une collection placée à cette orientation peut être visitée à chaque instant du jour avec les mêmes agréments.
- Le choix de la tapisserie n’est pas non plus à négliger. Comme elle sert de fond général à cette réunion de délicats dessins, il faut éviter qu’elle soit composée d’enluminures grossières, de places blanches ou écarlate, d’un si mauvais goût du reste. Dans son choix, il faut être d’une extrême simplicité ; une teinte grisâtre étant de bien à préférer à une autre sous peine de retomber dans l’inconvénient des bordures brillantes dont nous parlions tout-à-l’heure; il faut à ces merveilleuses images des accessoires qui en fassent valoir tout l’éclat et toute la vigueur, c’est là l’objet principal à réaliser. Il faut enfin , pour conclure, que l’esprit domine la matière. Malheureusement tout le monde n’est pas de cet avis !
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- Je réclame l'indulgence de mon lecteur en laveur des petites anecdotes dont j’ai parsemé mon ouvrage. Bien loin de vouloir offenser qui que ce soit, de vouloir faire des personnalités dans ces petites narrations, je n’ai voulu que donner à des prescriptions sérieuses et arides de leur nature une contre-partie récréative. Ces petites aventures ne sont du reste arrivées qu’à des amis qui m’ont autorisé à les rapporter, et je suis loin de vouloir en faire l’objet d’un blâme, puisque ces petites erreurs résultent d’un zèle trop ardent, presque général, hélas! chez les disciples de Daguerre !
- Quelque merveilleuse et quelque attrayante que puisse être sa découverte, eùt-il jamais cru lui même à sa puissance transformatrice? Certes je connais des gens, autrefois humbles et de bon sens, lesquels, après avoir rêvé science , se sont éveillés un beau malin avec le travers de se croire opticiens, d’autres physiciens, et la plupart chimistes. C’est précisément par l’histoire d’un de ces derniers que je vais terminer la série de mes petits épisodes :
- J’étais un jour à dîner, ma domestique vient me prévenir qu’un monsieur désirait avoir sans retard un entretien important avec moi. Je sacrifiai volontiers mon appétit à ma curiosité, et je me rendis près de lui. Les compliments d’usage échangés, le savant dont il est question ajouta que je n’aurais pas à regretter le dérangement qu’il me causait, quand je saurais qu’il était l’inventeur d’un procédé permettant de reproduire les couleurs existantes dans la nature ; qu’il venait me soumettre des épreuves photographiques le prouvant irrévocablement; que son procédé, consistant dans une liqueur (de sa composition, bien entendu), il aurait cru manquer à son devoir en ne me soumettant pas une semblable merveille, avant de la rendre publique par la voie de l’Académie des sciences.
- Alléché par ces préliminaires, je le remercie beaucoup tout en portant un curieux regard sur le paquet réalisateur. Il s’empresse d’en sortir au moins trente épreuves représentant des vues et des monuments, etc.
- Quelle horrible déconvenue! Un cri de surprise m’échappa , mais ce n’était pas dans le sens qu il l’entendait. Je n’avais jamais rien vu d’aussi défectueux en ce genre! et, dans mon élan de franchise, j’ajoutai : k Dieu! que c’est mauvais! » Sans se déconcerter le moins du monde, mon savant m’interrompit en me disant qu’il ne s’était nulle-
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- ment attaché à la netteté ni à la propreté de scs plaques ; qu’il n'avait cherché qu’à y arrêter les couleurs, et que, sans amour-propre, il pensait avoir atteint son but.
- Je crus de mon devoir de chercher à le faire revenir d’une erreur aussi grossière, en lui disant: «Evidemment vos ciels sont bleus, mais c’est précisément là un immense défaut! II provient sans doute de ce que la combinaison de votre liqueur est mauvaise: elle ne produit qu’un iodurc d’argent peu sensible, d’où il résulte que les parties sombres de vos images ne sont dégradées que quand les claires sont complètement dépassées ; vos plaques, mal polies, rendent ce défaut encore plus grand: elles n’ont point de sensibilité ; le mercure s’est ensuite porté sur tout le dessin. Finalement, lui dis-je, vos épreuves sont très mauvaises: gardez-vous bien de les montrer. »
- II fut impossible de le convaincre ; il me quitta de fort mauvaise humeur, en disant qu’il espérait trouver des gens moins scrupuleux que moi, et surtout plus appréciateurs.
- Six mois se passèrent, et je vis revenir mon savant. On était parvenu, non sans peine, à lui démontrer qu’au lieu de quelque chose de nouveau, il n’avait rien trouvé ; et comme sans doute la Création lui avait fait don d’un bon caractère, il est le premier à rire de sa douce illusion, qu’il m’autorise aujourd’hui à ajouter aux déconvenues photographiques que je me suis plu à rapporter.
- • frgÿt • «I <E-
- II me reste un devoir à remplir en terminant mon travail :
- Avant de le livrer à l’impression, j’écrivis à MM. Vail-lat, Sabathier-Blot, M.-A. Gaudin, Lerebours , de No-ïiiomb , Cii. Chevalier, Risler et autres praticiens dont je suis connu , afin non-seulement d’obtenir de ces sommités de l’art la communication des remarques qu’ils auraient été à même de faire sur l’objet qui nous occupe,
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- mais encore de connaître leur opinion sur l’opportunité de mes indications dans l’état actuel de la Photographie.
- S’il ne m’est pas permis de reproduire textuellement les réponses qui m’ont été faites, parce qu’elles contiennent des choses trop flatteuses, et qu’on pourrait penser que je me plais pour cela à les rendre publiques; il me sera permis au moins de remercier ces Messieurs de leur bienveillante approbation , ei de réclamer d’eux l’indulgence dont j’ai sans doute grand besoin, n’ayant que trop imparfaitement rempli, surtout à leurs yeux, la tache difficile que je m’étais imposée.
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- CHAPITRE XI.
- mm
- Amélioration apportée au JQaguerréotgpr.
- *»JE S CK1FXIOW
- DU
- PROCÉDÉ DIT AMÉRICAIN.
- {©'?
- Ainsi que je viens de le dire en terminant le chapitre qui précède, je consultai, avant la mise en vente de mon Traité, tous les artistes aptes à me renseigner sur les améliorations les plus récentes apportées au procédé de Daguerre. M.Vail-lat fut le premier auquel je m’adressai. Il m’annonça (et l’on va voir quel fut le motif de mon silence à cet égard ) qu’il venait d’acheter de l’Américain Thompson un procédé à l’aide duquel il obtenait assez rapidement des images, même dans un intérieur d’appartement, et que les résultats , quoique peut-être inférieurs aux miens, étaient cependant très satisfaisants. Il ajoutait qu’ayant dépensé une somme assez ronde pour connaître ce moyen, il n’était pas disposé à s’en
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- dessaisir en faveur du public. Je ne dus pas, on le comprend , insister auprès de lui pour en avoir la communication; mais cependant, comme le fait le justifie, j’eus, il y a quelques mois, lors de l’apparition de mon ouvrage, la conviction que ce prétendu procédé devant tomber très prochainement dans le domaine public , cette nouveauté , ce complément, manquerait sous peu de temps au travail que je me suis fait un plaisir d'offrir au public daguerrien. Aujourd’hui que le voile est levé , et qu’il ne coûte pas 600 francs, je me hâte de dire, non-seulement ma manière de voir à ce sujet, mais encore de décrire scrupuleusement cette méthode , afin qu’il ne manque rien aux connaissances photographiques que mon livre est destiné à propager auprès des amateurs de cet art merveilleux.
- Après avoir expérimenté longuement à l’aide de ce nouveau moyen, et après m’étre, de plus, éclairé des lumières d’un habile opérateur , M. Frédéric Mayer (lequel, non-seulement a bien voulu me communiquer tous les petits soins qu’il met en usage, mais encore travailler de concert avec moi, afin d’approprier cette nouvelle méthode à mon liquide d’iode ) , je m’empresse, comme je l’ai déjà fait pour ma composition employée seule , de décrire la marche à suivre pour réaliser avec elle, les résultats que M. Mayer a obtenus ; résultats qui ont été si justement admirés !!
- Je suis convaincu que je rendrai un véritable service aux photographistes qui ont l’habitude d’employer ma liqueur, en les mettant à même d’arriver, je ne dirai pas aux mômes résultats, mais peut-être à de plus admirables encore, par la raison que la coloration, qui en est le cachet distinc-
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- tif, sc reproduit toujours, môme avec l’addition qu’y apporte l’accôléralif de la méthode américaine.
- Je serai trop indemnisé de la peine que me donne l’augmentation de ce petit appendice, si l’on reconnaît la vérité de mon assertion.
- Novembre 1817.
- LE POLISSAGE.
- Ï1 faut pour cette opération :
- Du tripoli ;
- Un flacon de rouge anglais ;
- Du coton très-fin ;
- Et trois palettes de bois d’une largeur de 10 centimètres sur 60 de longueur : deux sont recouvertes de peau de buffle, et la troisième de velours de coton blanc.
- La première est imprégnée d’une certaine quantité de rouge anglais ; la deuxième, d’une quantité moindre ; enfin la troisième, celle recouverte de velours coton , n’en ayant été saupoudrée qu’une seule fois.
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- On ne pourra faire un usage fructueux des poiissoirs qu’après les avoir préalablement avivés, c’est-à-dire passés fort longtemps sur une surface d’argent pur. Cette manutention a pour objet d’annuler complètement les substances graisseuses ou autres qui auraient pu être employées à la préparation delà peau, ainsi que du velours; lesquelles pourraient voiler la plaque au lieu de lui donner le poli parfait nécessaire, comme je l’ai souvent dit, à toute bonne réussite.
- Ces poiissoirs devront être renfermés dans des cartons placés à l’abri de l’humidité, ainsi que de la poussière.
- Avant que d’en faire usage , il est indispensable de les essuyer légèrement avec un tampon de coton très propre, af:n d’en faire tomber les poussières et autres corps durs qui auraient pu s’y attacher.
- Pour commencer cette opération, il faut abaisser les bords de la plaque. On obtient ce résultat en appliquant cette plaque, le cuivre en dessous bien entendu, sur une planchetlc de fer ou d’acier, laquelle laisse dépasser les bords de 3 millimètres au moins de sa surface; puis, àl’aide d’un brunissoir ou d’un morceau d’acier rond, on replie facilement la partie qui dépasse de ladite planchette. On retourne ensuite la plaque dans un autre sens , et ainsi de suite jusqu’à ce qu’on lui ait donné la forme d’un bateau renversé. Les deux angles destinés à être pris par les agrafes de la planchette, lesquelles doivent la maintenir pendant l’opération du polissage , seront légèrement abaissés et aplatis , de sorte que la plaque se trouvant élevée de l’épaisseur de 2 à 3 lignes,
- N
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- l'action du polissage ne pourra dire contrariée, de même que les palettes ne pourront être déchirées.
- Il faut que la planchette à polir soit de 3 millimètres environ moins large que la plaque, et de plus avoir le soin de la caler, à sa surface, avec un morceau de drap qui remplisse le vide qui se produit, grâce à la forme qui lui aura été donnée en courbant ses bords.
- La plaque , assujélie par ses angles à la planchette , ne devra point encore être fixée à la table : on la tiendra de la main gauche, et, après avoir formé un tampon de coton, qu’on trempera dans une pâte composée simplement de tripoli délayé dans de l’eau, on frottera la surface d’argent en rond et très légèrement, dans le but de la décaper, ce qui aura lieu très promptement.
- Pour annuler cette pâte, on versera sur la plaque une assez grande quantité d’alcool rectifié, et à l’aide d’un nouveau tampon de colon, ce but sera rempli très-facilement. L’haleine condensée dessus (comme je l’ai dit à mon article Polissage), indiquera suffisamment si la surface d’argent est également polie. Dans le cas contraire, à l’aide d’un tampon neuf, il sera facile de terminer cette première partie du polissage. On se servira seulement de la couche humide formée par la condensation de l’haleine, jusqu’à ce qu’une couche parfaitement homogène, produite par elle, vienne constater l’égalité de ce premier poli.
- Cela fait, voici en quoi consiste le complément qu’y apporte le moyen américain. On assujétit la planchette à la table, puis avec le premier polissoir qu’on saupoudre légèrement de rouge avant d’en faire usage , on frotte vigou-
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- reusement le plaqué dans tous les sens ; il obtient promptement un éclat admirable !
- On enlève alors de nouveau la planchette, et on promène rapidement la plaque sur le second polissoir en le tenant de la main gauche, supportant bien entendu la planchette de la main droite. L’argent prend bientôt un bruni parfait, comparable à celui de l’acier. Le troisième polissoir sert ensuite à faire tomber les parcelles de rouge qui auraient pu rester à sa surface, et il ne faut pour cela que frotter très-légèrement.
- l’iodage.
- 11 faut , pour cette opération , deux cuvettes de porce-, laine dites à ioder (*) : l’une contenant environ cinquante grammes d’iode ou deux à trois centimètres de mon liquide ; l’autre contenant deux à trois centimètres de chaux brômée.
- La plaque polie sera placée sur la cuvette renfermant l’iode ou ma liqueur ; on ne l’en retirera que lorsqu’elle
- (*) On emploie généralement, pour contenir les substances à ioder, des cuvettes en porcelaine enchâssées dans des boîtes. La construction de ces appareils est extrêmement ingénieuse et commode : MM. Lcrc-bours et Secrétan en font fabriquer de parfaitement confectionnées, dç même que despolissoirs.
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- aura atteint la couleur violette, pour la transporter aussitôt sur la deuxième cuvette contenant la chaux brômée. Cette teinte violette passera promptement au bleu acier.
- Il faudra alors exposer de nouveau la plaque sur la première cuvette, afin de faire absorber par l’iode le voile de brômc produit, comme on le sait, par sa trop grande abondance : trente secondes environ sont le temps nécessaire pour l’iode seul ; mais avec ma liqueur, qui s’évapore plus lentement, ce temps serait insuffisant pour absorber l’excès de ces vapeurs ; il faut environ une minute. Il est important de faire remarquer que ce dernier iodage doit être fait dans la plus complète obscurité.
- La plaque ainsi préparée, ayant reçu un poli aussi parfait que celui que lui donne les brunissoirs, acquiert une sensibilité exquise. Comme on a été à même de le vérifier* la couche impressionnable formée simplement à l’aide de mon liquide, sans l’addition du brôme, produit des images d’une richesse de tons vraiment surprenante ; mais en sensibilisant encore cette couche par le bromure de chaux (de môme que par l’accélérateur que j’ai indiqué page 179 pour les cas où il faut opérer avec une très grande rapidité), les tons sont moins vifs, il est vrai, mais les images présentent en revanche une douceur, une dégradation parfaite des teintes qui sont dans la nature, tout en conservant la coloration chaude qu’on obtient avec mon liquide.
- D’après les expériences faites avec le concours de M. Frédéric Mayer, que j’ai déjà eu l’honneur de nommer au commencement de cet appendice,| je suis autorisé à affirmer que les productions résultant de l’emploi de ma compo~.
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- sition d’iode, ont une supériorité bien grande sur celles obtenues simplement par l’emploi de l’iode seul ; du reste, les expériences qui en seront faites le prouveront incontestablement.
- î&wiswne (âpmUjen.
- EXPOSITION A LA CHAMBRE NOTRE.
- Elle se trouve abrégée, comme je l’ai dit à ce chapitre, en parlant de mon accélérateo", dont la composition se trouve page 111.
- ü&itrttnmtf (ÿpmthOK.
- MERCURAGE.
- On se sert de la boîte à mercure de Daguerre. Une certaine quantité de ce métal étant versée dans la cuvette, on lui communique une chaleur de quatre-vingts degrés à l’aide d’une lampe à esprit de vin, munie d’une mèche très-mince. On entretient ce degré de chaleur pendant toute la durée de l’opération.
- La plaque impressionnée par la lumière est placée comme à l’ordinaire dans la boîte à mercure , et, ainsi que le dit M. Thompson, le révélateur du moyen dont nous parlons,
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- comme quatre minutes suffisent pour faire absorber à la plaque la quantité de mercure qu’elle peut retenir, il ne faut pas examiner les degrés de l’adhérence mercurielle.
- Je suis, comme on l’a vu par ce qui précède au chapitre Mercurage (page 143), complètement opposé à cette prescription; je ne partage pas celle manière de voir; et je m’en réfère aux indications que j’ai données à cet égard au chapitre précité Q.
- Les autres opérations n’ont été modifiées en rien.
- —OOOO iliSï'I 96ioa—
- Lettre explicative concernant le procédé américain, adressée à VAuteur par M. Sabatier-BloL
- Paris, 2 octobre 1847.
- Je m’empresse de répondre à votre lettre et à vous donner les renseignements que vous me demandez.
- Le procédé américain, dont on fait tant de bruit ici, est destiné à remplacer tous les autres procédés mis eu usage jusqu’à présent.
- (*) Les observations intéressantes récemment faites par M. Claudet, relatées dans la Revue scientifique et industrielle du docteur Quesne-ville ( octobre 1847, n°94), par M. l'abbé Moignio, concernant l’action photogénique des rayons rouges et jaunes sur la plaque iodée, viennent suffisamment à l’appui de ma conviction pour affirmer que l’inlluence de la lumière {jaune) d’une lampe, ne peut agir d’une manière nuisible sur la plaque impressionnée pendant le temps de son exposition aux vapeurs du mercure.
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- Le daguerréotype va devenir, dit-on, d’une facilité extrême ; il y aura bien toujours les adroits et les maladroits, mais, somme toute, le plus maladroit pourra faire bien. Voici ce dont il s’agit :
- Les plaques sont polies avec de polissoirs en peau de chamois de 60 centimètres de long sur 10 centimètres de large. Les plaques, ainsi polies, sont d’un brillant admirable et plus propres à recevoir la couche sensible qui s’obtient au moyen de chaux brômée et dont on se sert comme d’eau brômée; voici le moyen de la préparer :
- Vous mettez de la chaux délitée dans une capsule en porcelaine, à peu près 2 centimètres. Vous mettez au milieu un petit godet dans lequel vous versez 30 grammes de brome pur. Vous fermez la capsule avec un verre dépoli et vous laissez évaporer le brome dans la capsule : la chaux s'empare de celte vapeur el devient couleur rose. Au bout de vingt-quatre heures, on remue cette chaux avec un morceau de bois, puis ou referme afin de conserver à la chaux sa vertu. Pour que la chaux puisse sensibiliser la plaque, il faut que celle-ci soit iodée jusqu’au violet foncé et replacée sur l’iode après être passée sur la chaux. Tout cela est d’une grande facilité d’exécution lorsqu’on l'a vu faire une fois.
- Je me sers de ce procédé, mais sans avoir abandonné ma manière ; le polissage est vraiment ravissant 1
- Votre ami, M. Vaillal, est un des premiers qui ail fait usage de ce procédé qu’il a acheté, à ce qu’il dit, cinq cents francs.
- Voilà, Monsieur, ce que vous m’avez demandé et ce que je me suis fait un plaisir de yous transmettre, persuadé que ce que je vous dis yous servira à faire des essais sur ce nouveau moyen, elc.,e(c
- Signé : J. Sabatier-Bi.ot.
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- Avant de terminer ce qui me reste à dire sur le moyen proposé par l’Américain Thompson, je demanderai à mon lecteur la permission de lui citer de plus l’opinion et les indications de MM. Lerebours, trés-compétents, je suppose, en pareille matière. Je veux après cela me résumer en faisant voir, aux personnes intéressées dans la question, que je suis aussi équitable qu’il est possible de l’être à leur égard.
- Pii ris, 2G octobre 4817.
- Monsieur Thierry,
- Si nous avions pu prévoir que vous eussiez l’intention de publier le procédé américain, nous vous aurions encouragé à le faire, non pas que nous pensions que cela doive produire des bénéfices, mais parce que cette publication doit maintenir à son rang l’artiste qui la fera. Ne pouvant la faire par nous-même, nous avons autorise noire ami et préparateur actuel, M. Ferdinand Colas, à le publier; ce soir, il attend la première épreuve de chez l’imprimeur, et aussitôt que nous aurons la publication complète, nous vous l’envcr-rous.
- Ce prpcédé, au reste, est loin d’être aussi nouveau qu’on le prétend ; en Angleterre (et M. Mayer pourra vous confirmer ce que nous vous disons), on emploie depuis longtemps la peau ou le velours et le rouge ! Moi-même, en novembre dernier, j’ai rapporté de Londres un petit flacon de bromure de chaux, tout aussi sensible que celui que l’on vante tant actuellement! Hier encore, chez M. Gaudin, on me disait : Voire préparateur commit le procédé depuis longtemps puisqu'il s’en est servi à Londres chez J/. Claudel ! Je ne
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- nie pas qu’il n’y ail un grand pas de fait, mais il consiste plutôt dans la simplification, dans le résume, dans la vulgarisation surtout des moyens déjà connus, plutôt que dans une découverts.
- Comme vous, Monsieur, il nous était venu à l’idée d’intercaler une feuille dans notre brochure ; mais, oulie le manque de temps, nous avons pensé qu’il serait un peu dur de faire acheter une nouvelle brochure de 3 fr. auv personnes qui nous ont déjà favorisés d’une acquisition semblable, et seulement pour une demi-feuille qui ne vaut pas 50 centimes: c’est ce qui nous a décidés à abandonner cela à notre préparateur.
- Mous vous le répétons : tout est dans le polissage! Peut-être vôtre liqueur serait-elle supérieure pour les tons? Dites-nous-en volre^. avis, et si vous publiez le procédé envoyez-nous promptement votre rédaction, que nous ajouterons à votre ouvrage.
- Vos dévoués, etc., etc.
- Signé : N.-R. LEiiEnoriis
- Que peut-il me rester à dire, quand les témoignages que je cite s’accordent à dire : tout est dans le polissage ! Je dirai comme eux : tout réside dans le polissage l et cette perfection obtenue dans le poli est due à l’emploi du polissoir, connu depuis longtemps, quitté et repris à diverses époques. Mais, me demandera-t-on, pourquoi avoir rejeté les palettes, puisqu’elles seules semblent, par l’égalité de leur frottement, donner ce bruni pour les ombres que l’on ad-
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- mire tant aujourd’hui? Quelques mots sont nécessaires pour répondre à cette question :
- Ce ne peut être que le hasard qui a pu amener à faire reconnaître que, plus les planchettes sont saturées d'argent, meilleures elles sent (') ; ce n’a été que leur emploi prolongé qui en a amené la certitude ; aussi on se rappelle qu’à l’article Polissage je dis : On ne pourra faire un usage fructueux des polissoirs qu’après 1 es, avoir préalablement avivés, c’est-à-dire, les avoir passés fort longtemps sur une surface d’argent pur ; cette manutention a pour objet d’annuler complètement les substances graisseuses qui auraient pu être employées à la préparation de la peau, ainsi que du velours ; lesquelles pourraient voiler la plaque, au lieu de lui donner le poli parfait nécessaire, comme je l’ai toujours dit, à toute bonne réussite.
- Voilà justement ce qui nous est arrivé ! Nous avons pensé, à tort, qu’ils valaient mieux neufs que vieux : par ce moyen de polissage, plus nous changions de brunissoirs , plus nos épreuves étaient voilées. Voilà pourquoi nous les avons rejetés à diverses reprises! Si nous eussions persisté, nous aurions reconnu, comme M. Thompson, qu’ils devenaient meilleurs quand leur surface était saturée d’une légère couche d’argent, analogue à celle que nous remarquons sur les tampons de coton sec avec lesquels nous finissons le bruni,
- (*) Tous les métaux n’obtiennent, on le sait, leur bruni le plus parfait, de même que le diamant, dont l’agent principal est sa propre poussière, que par un frottement homogène; il n’est doneque très naturel d’employer également, pour brunirj la plaque d’argent, une couche de ce métal.
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- et que nous avions l’habitude de rejeter comme salis. C’est l’impatience, c’est la non réussite, qui ont fait notre erreur 1 Un peu de persévérance, et nous aurions reconnu l’importance de la confirmation de ce fait : que c’est la saturation de l’argent sur les palettes , Vavivage enfin , qui fait disparaître les corps graisseux qui se trouvent sur la surface des planchettes, et qui donne le bruni par fait.
- Certes, sinous sommes si souvent revenus aux polissoirs, c’est que nous avions la conscience de la puissance de leur action, relativement à celle d’un faible tampon de coton tenu entre les doigts ! Bien que je puisse affirmer sans prétention que, grâce aux soins que j’apportais au polissage de mes plaques, en ne faisant usage que de ces tampons indiqués par Dagucrre, j’obtenais un poli fort satisfaisant; les productions que je conserve encore avec le plus grand soin, en sont la preuve certaine : mes brunis ne le cèdent en rien à ceux obtenus par les polissoirs ; mais je suis obligé de convenir que cet avivage des palettes connu (et c’est là que réside le nouveau moyen), le temps employé à cette difficile manipulation sera de beaucoup abrégé; qu’ensuite les beaux résultats , par ce seul fait, deviendront infiniment plus faciles à obtenir.
- L’on conviendra donc qne je ne cherche point à critiquer le moins du monde une méthode que je reconnais d’autant plus parfaite qu’elle aplanit la principale des manipulations daguerriennes , le polissage; mais il me sera permis de faire remarquer que cette amélioration est mal désignée sous la dénomination de procédé. Je ne reconnais dans tout cela que le procédé du Maître qui a dit en 1839, il y a huit
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- ans de cela : « Polissez une surface d’argent plaqué, jusqu’à « la perfection; formez ensuite sur cette même surface un « iodure d’argent, lequel sera sensible à la lumière ;
- « Soumettez-la aux influences de la lumière ;
- « Placez, après cela, cette plaque impressionnée, dans une
- boite contenant du mercure ; favorisez son évaporation , « et les parties frappées par la lumière recevront, seules, « les molécules mercurielles ; tandis que les autres, celles «qui en auront été privées, resteront noires, et seront « d’autant plus noires que votre poli aura été plus par-« fait. »
- Tous les opérateurs, de môme que les savants qui ont cherché des améliorations à cette belle découverte, ont suivi les indications de Daguerre, et n’ont pu s’en écarter ! Or, le poli indiqué par M. Thompson, n’est toujours qu’une prescription du Maître, le procédé est à lui ! Quant à l’emploi' du brômure de chaux , ou plutôt de la chaux hrô-mèe (*), la dernière substance n’agit ni plus ni moins que comme elle l’a fait depuis que M- Foucaud l’a indiquée; seulement l’évaporation en est plus régulière. Pour dire la vérité tout entière: qu’on fasse essayer, avec le polissage au brunissoir, des opérateurs familiarisés avec l’emploi du brômure d’iode, chlorure d’iode, iodure de brôme, ou quelque composition que ce soit; on se convaincra
- (‘) Comme il est indispensable que toutes substances propres à la Photographie soient de la plus grande pureté, je conseille, dans l’intérêt des artistes et amateurs, de s’adresser à bonne source, et pense leur rendre service en leur indiquant la fabrique de produits chimiques de MM. ülenard et Dériard tils aîné, rue des Marronniers, n. 7, à Lyon.
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- que la sensibilité de la couche sera grandement accrue! C’est par cette seule raison que l’art photographique doit devenir plus accessible aux opérateurs amateurs : voilà toni h procédé.
- Quant aux opérateurs consommes, il ne faut pas croire que cette indication les avantage de beaucoup ; à force de manipuler, ils comprennent mieux que les premiers, quels sont les inconvénients de tempéiature, etc.., qu’il faut éditer; ils ont appris à diriger les jets de lumière; en un mot, il n’est pas surprenant qu’au bout de sept ans de travail, ils soient parvenus à maîtriser un peu la série de leurs opérations.
- Je terminerai cet appendice en affirmant que l’emploi de mon liquide deviendra, à l’aide de ce nouveau poli, plus facile et plus général encore, et que les avantages que l’on a pu en retirer seront accrus dans la proportion du mérite de l’amélioration.
- Je me dispense de parler de l’enluminage Lecchi, que ces Messieurs n’emploient que pour le vulgaire. J’ai dit précédemment ce que je pense ù ce sujet. J’ajouterai que malgré la perfection avec laquelle ces couleurs pourront être appliquées, il est d’aussi bon goût d’enluminer une image daguerrienne que de s’amuser à colorier une gravure de grand prix.
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- ŒttMf ïics Mlatims
- Wace. page 4
- Histoire de la Photographie. 3
- Rapport de M. Arago à la Chambre des Députés
- (1 repartie). 10
- Projet de loi du Ministre de l’Intérieur à la Chambre
- des Députés. 27
- Correspondance de M. Niepce à M. Daguerre. 21
- Rapport de M. Arago à la Chambre des Députés
- (2me Partie). 33
- Rapport de M. Gay-Lussac à la Chambre des Pairs. 45 Préceptes de M. Daguerre, tels qu’ils ont été communiqués au public ( août 1839). 58
- Origine des substances Iode, Chlore et Brome. 81-83
- Introduction. 89
- Chapitre I. De l’Objectif. 95
- Chapitre II. Du Choix des Plaques. 99
- Chapitre III. (lre Opération.) Du Polissage de la Plaque. 103
- Chapitre IV. (2e Opération.) De l’Application delà Couche
- sensible. 109
- Chapitre V. (3e Opération.) Exposition à la Chambre noire. 123 Chapitre VI. ( 4e Opération. ) Exposition aux Vapeurs du
- Mercure. 143
- Chapitre Vil. (5e Opération. ) Désiodage et Lavage de la
- Plaque. 151
- Chapitre VIII. ( 6e et dernière Opération. ) Fixage au Chlorure d’Or. 155
- Chapitre IX. Résumé des Opérations, et Causes qui les
- RENDENT FAUTIVES. 163
- Chapitre X. Soins définitifs à donner à l’épreuve, et disposition d’un Musée. 170
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